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  • N Clment; le sens du silence

    AFDG - Lettre de psychogriatrie 2014 - http://www.lettre-psychogeriatrie.com/ Page 1

    Le sens du silence

    Nadia CLEMENT, aide soignante, assistant de soins en grontologie

    [email protected]

    Points cls :

    -La connaissance de lhistoire de vie de chaque patient est indispensable pour une bonne prise en

    soin.

    - Lcoute, lobservation et la communication

    - Un tre humain est un tre avec des sentiments

    - Un tre humain a toujours une place unique, quelle soit malade ou pas

    Mots cls : trouble bipolaire, prendre soin, coute mme silencieuse, empathie.

    Introduction

    La situation de relation que j'ai vcue s'est

    droule lors de mon deuxime stage que

    j'ai effectu en grontologie psychiatrie.

    C'est une petite unit de soins qui reoit

    des personnes prsentant des troubles

    psychiatriques aigus et bien souvent des

    pathologies associes.

    Mon rfrent, une infirmire du service me

    prsente madame F. et me demande de la

    prendre en soin. madame F. est

    diagnostique d'une psychose maniaco

    dpressive.

    Madame F. est veuve et a perdu trois de

    ses quatre enfants. Elle est ge de

    79ans. Elle vit en maison de retraite et a

    t hospitalise pour avoir t violente

    envers un membre du personnel de cet

    tablissement.

    Depuis son arrive madame F. refuse tout

    soin, ne mange, ne boit rien et ne prends

    plus son traitement mdicamenteux. De

    plus madame F. s'est enferme dans un

    mutisme, elle ne dit plus un mot part: "je

    suis morte", alors pour moi les premires

    questions que je me suis poses ont t:

    comment vais-je pouvoir entrer en contact

    avec elle si elle se croit morte et si elle ne

    souhaite pas me parler? Comment vais-je

    pouvoir prendre soin d'elle si elle n'a pas

    confiance en moi?

    Description de la situation

    Ce matin est grand jour pour moi car je

    suis value pour la premire fois sur une

    mise en situation professionnelle.

    Il est 6h45, je commence ma journe par

    lire les transmissions de la veille et de la

    nuit passe.

    D'aprs l'quipe soignante madame F.

    refuse toujours les soins, s'exprime par

    des gestes agressifs, reste dans

    l'opposition de s'alimenter et de s'hydrater.

    La situation m'inquite, je suis

    dcourage. Je cherche comprendre son

    silence depuis bientt quinze jours. Je

    tente de rentrer en contact avec elle en

    passant beaucoup de temps ses cts

    malgr que l'absence de dialogue me mets

    mal l'aise, mais je reste pour la rassurer

    et pour lui faire savoir que je suis l pour

    veiller sur elle. Je lui parle et je reste

    toujours calme mais l, je me sens perdue,

    dmunie.

    Je vois les aiguilles de l'horloge qui

    tournent, c'est la panique j'ai froid, j'ai une

    http://www.lettre-psychogeriatrie.com/mailto:[email protected]

  • N Clment; le sens du silence

    AFDG - Lettre de psychogriatrie 2014 - http://www.lettre-psychogeriatrie.com/ Page 2

    boule l'estomac et ma gorge est noue.

    Elle m'a dstabilis ou plutt son silence

    m'a branl. Un sentiment de culpabilit

    m'envahit, je me mets penser que c'est

    certain que madame F. ressentira ma

    peur, mon stress, mon angoisse dans mes

    gestes, dans mon regard et dans ma voix.

    Je me ressaisis dans la minute qui suit et

    dcide d'aller la voir.

    Je rentre dans la chambre et m'approche

    d'elle tout doucement, je m'accroupis pour

    tre sa hauteur. Elle est rveille. Nos

    regards se croisent. Je lui tends la main et

    lui dit: "bonjour madame F." pas de gestes

    de sa part mais elle me dvisage. Alors

    d'une voix douce et calme je lui dis: "vous

    n'avez pas envie de parler, c'est sans

    doute difficile de vous exprimer pour le

    moment mais je reste votre disposition,

    c'est mon rle d'tre votre coute" puis

    je lui explique qu'un jury vient ce matin

    pour valuer mes comptences pour

    devenir aide-soignante et que sans mon

    diplme je ne pourrai pas exercer le mtier

    que j'aime tant et que j'ai donc besoin de

    savoir si elle accepte d'y participer.

    Elle a l'air de m'couter. Je lui demande

    alors si elle se sent capable de supporter

    la situation. Elle hausse les paules et me

    rponds: "je ne sais pas si je pourrais." et

    me demande aussitt: "mais vous n'tes

    pas aide-soignante?". Je la regarde et lui

    sourit en lui rpondant: "non je vous ai

    expliqu l'autre jour que je suis lve et

    que je suis en stage ici pour un mois". Elle

    me rtorque: "vous voulez tre aide-

    soignante? Pourtant c'est un mtier

    contraignant, les gens sont parfois

    exigeants et pas toujours agrables". Je lui

    rponds que pendant huit ans je me suis

    occupe de personnes ges en maison

    de retraite et que dans chaque unit ou j'ai

    pu intervenir j'ai toujours fait de belles

    rencontres.

    Elle me sourit. Alors je tente de prendre sa

    main, elle me laisse faire et lui pose la

    question: "est ce que je peux compter sur

    vous tout l'heure?" elle me donne ce

    moment-l comme rponse: "je veux bien

    y participer mais je ferai de mon mieux".

    Je lui explique que les personnes

    prsentent pendant les soins seront l

    uniquement pour me regarder et me noter,

    en aucun cas pour la juger et qu'il fallait

    qu'elle reste elle-mme, naturelle tout

    simplement.

    Je me relve, m'loigne de son lit et en me

    retournant pour fermer la porter lui dit: "je

    vous fais confiance et vous remercie

    d'avance."

    Mon valuation commence et se droule

    comme jamais je n'aurai pu l'imaginer les

    premiers jours de mon stage.

    Madame F. participe aux soins, voque

    ses souvenirs de vacances avec son mari.

    Je l'aide pour ses soins d'hygine et en la

    touchant je trouve ses membres beaucoup

    plus dtendus. Elle se lve pour la

    premire fois sans difficults. Je lui

    propose de passer dans la salle de bains

    pour se laver les dents, elle accepte, elle

    me suit et l, elle se regarde dans le miroir

    au-dessus du lavabo. Elle fait des

    commentaires de sa coiffure qu'elle trouve

    affreuse. Dans son regard j'ai l'impression

    que a fait un moment qu'elle ne s'est pas

    vue physiquement.

    Je l'accompagne jusqu' la salle manger,

    elle s'arrte l'entre et regarde les autres

    patients. Elle hsite et tiens mon bras, je

    lui glisse l'oreille que je vais

    l'accompagner jusqu' la table pour

    l'installer, que je lui servirai son petit

    djeuner. Elle avance et prends place

    une table seule. Elle accepte son bol de

    caf, sa brioche et prends son traitement

    sans soucis.

    http://www.lettre-psychogeriatrie.com/

  • N Clment; le sens du silence

    AFDG - Lettre de psychogriatrie 2014 - http://www.lettre-psychogeriatrie.com/ Page 3

    Le reste de la journe madame F. reste

    comme son habitude prostre dans un

    fauteuil relax l'accueil du service mais

    elle m'interpelle aprs ma pause djeune

    pour savoir si j'tais contente de mon

    valuation. Je lui rponds que tout c'est

    trs bien pass, je la remercie et lui fait

    savoir que je suis ravie d'avoir entendu sa

    douce voix. Elle demande ensuite si je suis

    l le lendemain, je lui rponds que je suis

    mon dernier jour, elle me regarde en

    disant : " c'est dommage". Alors je tente de

    la rassurer en lui expliquant que toute

    l'quipe de soignants prsents dans l'unit

    est l pour prendre soin d'elle et qu'ils sont

    trs comptents. Je lui indique qu'elle peut

    se confier eux, qu'ils sauront l'aider,

    l'couter, qu'elle peut leur faire confiance.

    La fin de ma journe arrive, je la salue et

    quitte mon stage, contente d'avoir pu

    changer ces mots avec elle

    Analyse de la situation

    Les premiers contacts que j'ai eus avec

    madame F. m'ont mis en difficult car

    j'tais confronte son mutisme. Ce

    silence mettait une distance entre elle et

    moi. Je ne comprenais pas, je souhaitais

    dialoguer, changer avec elle mais elle ne

    voulait pas.

    J'tais tellement mal l'aise que j'en tais

    arrive me dire que je prfrais sa

    violence, car au moins dans ces moment-

    l elle ragissait elle nous montrait qu'elle

    existait.

    Alors je me suis tout d'abord demand ce

    que pouvait signifier son silence car j'avais

    du mal croire qu'il n'avait aucune

    signification.

    Ma rflexion a commenc par des

    suppositions.

    Je me suis dit que peut tre elle ne

    souhaitait pas parler, partager son

    ressenti, qu'elle taisait ce qu'elle prouvait

    pour mnager son entourage. J'ai pens

    aussi qu'elle ne pouvait pas parler, que

    c'tait trop dur pour elle, qu'elle ne trouvait

    pas les mots pour traduire, exprimer ce qui

    la proccupait. Je me suis demand aussi

    si c'tait dans sa nature d'tre renferme

    voir pudique.

    Ensuite j'ai imagin qu'elle croyait peut

    tre que parler ne changerai pas la

    situation. Alors j'ai tent d'approcher

    madame F. pour mieux comprendre la

    situation car j'avais besoin de savoir ce qui

    pouvait pousser quelqu'un se priver de

    parler.

    J'ai vite compris qu'il ne fallait pas que je

    cherche com