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Le Secret d’Ulysse Junior Lionel Parrini

Adaptation très libre de

l’Odyssée…

L’HISTOIRE :

Un adolescent de quinze ans - Ulysse Junior - est bloqué à l’aéroport dernier cri de Marseille au nom

évocateur de Calypso, pour absence de passeport. Son vol pour la Grèce, ainsi que tous les autres

vols, ont été annulés en raison d’une météo épouvantable. Cette errance forcée dans cette zone,

sans identité va lui permettre de faire des rencontres étonnantes : une personne qui se déplace avec

un chien dans un sac fermé, un photographe qui capture l’invisible et qui revend à prix fort des sous-

vêtements italiens, une borne automatique qui parle comme une femme sensuelle adorant faire de

l’humour (et des propositions indécentes) et, enfin, une équipe de sécurité obsédée par la recherche

d’un forcené qui a tué un douanier dit le Cyclope et qui utilise, pour mener à bien leur enquête, un

prototype redoutable : le déclencheur sélectif de souvenirs… Ulysse se retrouvera prisonnier de

cette infernale machine, dévoilant ainsi ses multiples aventures. Il devra également se défendre

contre l’esprit de la véritable Calypso qui a pris possession de l’aéroport, la colère d’un Poséidon qui

intensifie la tempête (et qui envoie des vagues géantes sur l’aéroport), les autorités administratives

qui l’accusent d’être un clandestin et les médias qui en font un terroriste... Malgré tous ces obstacles,

le désir d’Ulysse Junior pour aller à Ithaque restera intact … à la différence de son secret...

À

Henriette Nhùng Pertus,

Leyla Allouche,

et les jeunes de l’association JABIR,

qui m’ont permis cette adaptation très libre de L’Odyssée.

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INDICATIONS IMPORTANTES POUR LA MISE EN SCÈNE.

La bande son : importante sans être lourde : elle a pour fonction de créer différentes ambiances,

différentes voix et d’alléger considérablement le décor : ce qui ne se voit pas, s’entend.

La scène est répartie en 5 espaces :

L’aéroport Calypso : vaste et donc souvent désert…

L’OLYMPE : domine - surélévation ? - tous les autres espaces.

La cellule d’isolement (l’espace le plus petit : permet de visualiser les images 3D de l’espace

3D).

l’ESPACE 3 D (spacieux, jouxtant avec la cellule d’isolement : lieu des flash-back).

L’extérieur (tableau changeant : non pas grâce à un changement de décor mais à un

changement d’accessoires, de lumière, de son).

Deux temps se croisent dans la pièce :

Le présent : à l’OLYMPE, l’aéroport, la cellule d’isolement, l’extérieur.

Le passé : l’espace 3 D, l’extérieur.

Notes de l’auteur :

Le texte qui va suivre est stroboscopique : il s’agit de courtes scènes construites comme des flashes,

qui révèlent au fur et à mesure, l’histoire d’Ulysse Junior.

Distribution : la pièce est construite pour être jouée à partir de 10 comédiens : elle propose pourtant

39 personnages (silhouettes comprises).

Le déclencheur sélectif de souvenirs : appareil sophistiqué à électrodes, qui se positionne sur le

crâne, et qui permet la lecture des souvenirs en trois dimensions.

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TABLEAU 1 (Prélude) - NUIT - PLAGE - DISCOTHÈQUE LE LOTUS CLUB.

JEUNE HOMME - HOMME 1 - HOMME 2 - LE PASSEUR - JEUNE FEMME - Noir.

Lumière progressive. Plage. Discothèque le Lotus Club. Musique planante. Des filles et des garçons

dansent en bikinis : ils boivent dans de grands verres à cocktail une mixture « tape à l’œil ». Un

homme, verre à la main, s’adresse à un jeune garçon.

HOMME 1 (Légèrement soûl) : On n’est pas mieux, ici ?

LE JEUNE HOMME : Toi et tous les autres, vous devriez arrêter la flotte : vous ne retrouverez jamais

la pirogue.

HOMME 1 : C’est pas poli, tu sais, de refuser des cadeaux de bienvenue. Ce cocktail, y’a même pas

d’alcool dedans, c’est du 100% naturel. Paraît que c’est à base de fleurs de lotus. Goûte mon petit

gars, c’est super et puis ça détend, ça détend beaucoup, je ne suis plus du tout stressé comme au

début, moi…

LE JEUNE HOMME : Nous avons encore beaucoup de route. Il faut y aller maintenant.

HOMME 2 (exalté) : Tout le monde s’amuse, lâche le pied tu veux, et goûte ce nectar on te dit, tu vas

voir : toi aussi tu seras zen. (À lui-même, concentré) Un zest de lotus, la vie zen comme un fœtus.

LE JEUNE HOMME soupire, visiblement exaspéré par le comportement de ses proches.

HOMME 1 : C’est dommage, à ton âge, on s’amuse d’habitude.

LE JEUNE HOMME : J’ai pas le cœur à m’amuser. Tu peux, toi ?

HOMME 2 (prenant Ulysse Junior par l’épaule) : Oublie tout ça. Regarde plutôt toutes ses lionnes

sans laisse, aux poitrines débordantes. La vie est si généreuse. Il faut s’accrocher à la vie, tu

comprends ?

LE JEUNE HOMME : Partons maintenant. Le passeur ne nous attendra pas. Il faut ramener toute la

bande et partir !

HOMME 1 : On quitte l’enfer, on trouve le paradis et tu veux partir ? Une chance qu’on soit atterri

ici. Regarde où il est ton passeur…

Le passeur est dans les bras d’une femme, les yeux fermés, le sourire aux lèvres. Ses mouvements sont

lents, il semble inconscient… Elle lui tient son verre à cocktail – comme un biberon - et lui donne les

toutes dernières gouttes du breuvage...

LA JEUNE FEMME : Fais dodo, Lotus, mon petit frère. Fais Dodo, t’auras du lolo. Maman est en haut,

elle fait des prières, Papa est en bas, bientôt le cimetière…

Le jeune homme, en découvrant la scène, s’enfuit en direction de la mer.

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HOMME 2 (le regardant partir) : Triste, celui qui comme Ulysse, est incapable de voir le bonheur à

côté de lui.

Il finit son verre et prend la main d’une jeune femme. Noir

TABLEAU 2 (Générique : tableau uniquement sonore et visuel).

LE SECRET D’ULYSSE JUNIOR apparaît en lumière douce comme au cinéma, puis s’efface peu à peu

laissant un noir profond dans lequel nous entendons un mélange saccadé d’informations radio, qui

fait état - ultra rapide - de l’actualité du monde. Ces voix impersonnelles - et de mauvaises qualités -

finissent par disparaître et laissent place à une voix douce de jeune fille, irréelle, accompagnée du

tintement discret de petites clochettes.

Voix irréelle et douce de jeune fille : « Ulysse sait. Trouve-le. Tu peux faire fausse route, mais si tu

restes attentif aux signes, tu trouveras ton secret ! Chacun son odyssée ».

Un temps.

Musique annonçant une grande épopée.

TABLEAU 3 - NUIT - NOUVEL AÉROPORT DE MARSEILLE « HIGH-TECH. » AU NOM ÉVOCATEUR :

« CALYPSO ».

Un jeune homme somnole sur un banc dans un hall désert. Un vigile le réveille et lui demande de

partir. Le jeune homme quitte le lieu pour fouler le sol du parking extérieur. Il fouille ses poches et en

sort un quignon de pain. Il croque dedans. Noir.

TABLEAU 4 - JOUR - PLUIE BATTANTE - NOUVEL AÉROPORT DE MARSEILLE : « Calypso ».

Le jeune homme est cette fois-ci dans une file d’attente.

VOIX DE FEMME SYNTHÉTIQUE : (La voix est diffusée dans tout l’aéroport).

Mesdames, mesdemoiselles, Messieurs, Calypso Air Line vous invite à rester bien au chaud. Du

chocolat et des toasts à l’abricot vous sont offerts au buffet N°3. La température extérieure est de

10 degrés. Le vent doit encore s’accentuer avoisinant les 140 km/h. C’est la raison pour laquelle tous

nos départs seront retardés. Profitez-en pour découvrir nos friandises au buffet N°3.

Le jeune homme tend son billet à une hôtesse d’accueil.

L’HÔTESSE : Votre carte d’identité.

LE JEUNE HOMME : Je m’appelle Ulysse. Ulysse Junior.

L’HÔTESSE (d’un sourire forcé) : Votre passeport.

ULYSSE JUNIOR : On m’a volé mon bagage. Il était dedans.

L’HÔTESSE : Pas de papiers, pas de vol.

ULYSSE JUNIOR : Vérifiez dans votre machine. Je m’appelle Ulysse. Ulysse Junior.

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L’HÔTESSE : Peut-être alors serait-il préférable que vous alliez en Grèce par la mer, Monsieur Ulysse

…

ULYSSE JUNIOR : Le billet est payé. Je l’ai payé depuis longtemps. En liquide. On ne m’a pas

demandé ma carte d’identité lorsque j’ai sorti l’argent. Je dois partir.

L’HÔTESSE : Je ne peux pas vous enregistrer sans avoir un document officiel qui atteste de votre

identité, c’est bien clair ? Au suivant s’il vous plaît !

Ulysse Junior, furieux, quitte la file d’attente. Il inspecte les environs. Puis découvre un sac qui

l’interpelle, un gros sac. Son propriétaire, béret vissé sur la tête - terminant un énorme sandwich -

l’observe du coin de l’œil et finit par lui sourire.

RÉMY : N’y pense même pas. (Il ouvre la fermeture éclair de son sac.) C’est la maison de Chico ici. (On

aperçoit furtivement la tête d’un chien, il referme le sac aussitôt). Je m’appelle Rémy (il lui tend la

main, Ulysse Junior la lui serre.) (Un temps court.) Tu comprends le français ?

ULYSSE JUNIOR : Très bien.

RÉMY : Français alors?

ULYSSE JUNIOR : Pas du tout.

Un temps court.

RÉMY : D’où tu viens ? Quel est ton nom ?

VOIX DE FEMME SYNTHÉTIQUE, SENSUELLE : Avez-vous déjà essayé nos tables de massages ?

RÉMY : Fait chier celle-là ! Un vrai pot de colle !

VOIX DE FEMME SYNTHÉTIQUE, SENSUELLE : Matelas aquatique auto-vibrant pour vous détendre

après un long voyage ou bien juste avant un vol. Possibilité d’écouter de la musique en simultané.

Accepte les billets de 100 euros.

ULYSSE JUNIOR : Je m’appelle Ulysse Junior.

RÉMY (souriant) : Quand j’avais ton âge, j’étais comme toi : je préférais donner mon surnom quand

on me demandait mon nom. Gargantua…

ULYSSE JUNIOR : C’est mon vrai nom.

VOIX DE FEMME SYNTHÉTIQUE : Le buffet N°4 vient d’ouvrir également : dégustation de pastèque

fraîche et de jus de fruits, je vous invite à y faire un tour car les conditions météorologiques se

dégradent et nous obligent à suspendre tous nos vols. Une tempête homérique est imminente.

GRAND COUP DE TONNERRE.

TABLEAU 5 - L’OLYMPE.

ZEUS - ATHÉNA.

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ZEUS : Les hommes m’énervent : ils n’arrêtent pas de me solliciter avec leurs prières !

ATHÉNA : Tu devrais recommencer ta cure d’aubépine.

ZEUS : Je n’ai pas besoin d’aubépine, il n’y a qu’une seule chose qui m’apaise du jour au lendemain,

mais Héra a décidé de ne plus me l’accorder.

ATHÉNA : Tu fais allusion à quoi ?

ZEUS : Je veux rester polygame !

Il donne un violent coup de poing dans le vide.

Athéna se bouche les oreilles.

TABLEAU 6 - L’AÉROPORT CALYPSO.

ULYSSE - RÉMY - CALYPSO MAN.

Deuxième coup de tonnerre. La luminosité de l’aéroport diminue quelques instants puis revient à la

normale.

ULYSSE JUNIOR : La dame a dit « homérique», non ?

RÉMY : C’est incroyable… ça va faire deux mois que j’essaye de revenir chez moi mais il y a chaque

fois des péripéties qui m’éloignent de mon retour… C’est moi qui devrais m’appeler Ulysse.

ULYSSE JUNIOR : Tu habites la Grèce ? Tu vis à Ithaque ?

RÉMY : Non, à Bourg en Bresse, mais… je dois récupérer mon camping-car : il a été volé lors de mes

vacances. Les autorités russes l’ont retrouvé.

ULYSSE JUNIOR : Russes ?

RÉMY : Quand je pars en camping-car, c’est pour voir du paysage. (Un temps court.) Dis-moi, ça ne te

fait pas peur d’être ici, dans cet aéroport ?

ULYSSE JUNIOR : Peur ? Pourquoi devrais-je avoir peur ?

RÉMY : Il s’appelle « Calypso » que je sache. Et « Calypso » n’a-t-elle pas séquestré Ulysse pendant

des années ? À mon avis, tu vas croupir ici pendant très longtemps (un temps court.) Hé, fais pas

cette tête, je plaisante ! C’est de l’humour ! L’humour. Tu sais ce que c’est ?

Ulysse Junior semble vexé par la mauvaise blague de son nouveau compagnon. Il s’assoit sur un banc.

Rémy le rejoint.

ULYSSE JUNIOR : Sans papiers, je ne pourrai jamais rentrer chez moi. (Un temps court.) Enfin, j’ai des

papiers mais je les ai perdus…

RÉMY : Généralement c’est l’inverse, c’est quand on n’a pas de papiers, qu’on te ramène chez toi.

D’ailleurs, c’est où chez toi ?

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ULYSSE JUNIOR (haussant les épaules) : Ben, Ithaque.

RÉMY : Ah, oui, bien sûr… Ulysse… Junior

Un agent de police s’approche de Rémy.

CALYPSO MAN (montrant sa carte à Rémy) : Agent de sécurité de l’aéroport, s’il vous plaît Monsieur,

pouvez-vous me suivre ?

RÉMY : Moi ? Où ça ? Pourquoi ?

CALYPSO MAN : Suivez-moi et vous saurez.

Rémy se tourne vers Ulysse, le regarde un court instant, comme pour lui envoyer un message secret,

puis s’en va.

CALYPSO MAN : Vous ne prenez pas votre bagage ?

RÉMY : Ce n’est pas le mien, mais celui du jeune homme.

Rémy se lève et suit l’agent…

RÉMY (faisant mine d’être détendu) : La belle voix de Calypso se paye du repos ?

CALYPSO MAN : La foudre lui est tombée dessus.

RÉMY : Ah…

Ulysse Junior regarde Rémy s’en aller, puis prend nerveusement le sac et le bloque entre ses genoux.

TABLEAU 7 - L’OLYMPE.

ZEUS – ATHÉNA.

ATHÉNA : Tu me promets de ne pas te mettre en colère ?

ZEUS : Me demander cela me met déjà hors de moi !

ATHÉNA : C’est à propos… d’Ulysse.

ZEUS : Ulysse ? Encore lui ? Après tout ce temps, il continue de m’emboucaner !

ATHÉNA : Il ne s’agit pas de notre Ulysse mais d’Ulysse Junior.

ZEUS : Ulysse Junior ? Qui c’est celui-là ? Jamais entendu parler !

ATHÉNA : Un grand admirateur de notre Ulysse interplanétaire. À tel point qu’il porte son nom.

ZEUS : Qui a osé le baptiser ainsi?

ATHÉNA : Personne.

ZEUS : Personne ? Personne ! Tu veux dire Ulysse en personne ?

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ATHÉNA : Non, il est le seul à s’être choisi ce nom.

ZEUS : Pffff… et ses parents ?

ATHÉNA : … Je n’en retrouve pas la trace. Il faut faire vite. Il est bloqué en France, à l’aéroport

« Calypso » de Marseille.

ZEUS : Je le plains. Cet aéroport est un vrai gouffre à fric et par-dessus le marché un véritable

labyrinthe. (Un temps court.) Pas étonnant que notre véritable Calypso ait souhaité prendre

possession de ce lieu pour le saboter. (À voix basse) Son image en prend un coup.

ATHÉNA : Oui, mais il ne faudrait pas qu’elle se trompe de cible.

ZEUS (intrigué) : ???

ATHÉNA : Elle le trouve très charmant, ce jeune Ulysse.

Zeus pose sa main sur ses yeux, exaspéré.

TABLEAU 8 - L’AÉROPORT CALYPSO.

ULYSSE - KATZUMY.

Un jeune japonais ne cesse de photographier l’aéroport sous toutes ses coutures, y compris des

endroits qui semblent pourtant dénués de tout intérêt. Ulysse a ouvert le sac de Rémy et le visite

comme une autruche : la tête à l’intérieur du sac et le cul dehors. Le jeune japonais tombe sur cette

image insolite et la capture avec son appareil photo, puis finit par éclater de rire.

KATZUMY : Si ça continue, toi, tu vas finir dans le sac et moi je vais partir avec : ça me fera beaucoup

de souvenirs.

Ulysse ressort la tête du sac, éternue, il tient dans ses mains des papiers froissés qu’il glisse dans sa

poche. D’abord surpris, il finit par faire un grand sourire au photographe.

ULYSSE JUNIOR : Tu es un cadeau des dieux pour moi.

KATZUMY : Ah bon ?

ULYSSE JUNIOR : Tu veux bien prendre mon visage ? J’ai besoin d’une photo d’identité.

KATZUMY : Tu me prends pour une cabine photomaton ? Je fais pas ce genre de photo. Je suis un

artiste. Je photographie l’invisible. (Un temps court) Si tu préfères, c’est mon regard qui vaut de l’or.

ULYSSE JUNIOR : Je m’appelle Ulysse et j’ai besoin d’une photo d’identité pour retourner chez moi.

Tu peux la faire vite, puis me la donner ?

KATZUMY : Ulysse ? Ça doit être lourd de porter un nom pareil tous les jours. (Il prend son appareil et

le photographie.) Moi, c’est Katzumy. Viens avec moi, il y a une borne où l’on peut imprimer les

photos à partir de la carte mémoire de l’appareil.

ULYSSE JUNIOR : Merci beaucoup.

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KATZUMY : Si ça peut aider le légendaire Ulysse... Puis, avec tous ces vols annulés, j’ai du temps… (Il

s’arrête de marcher et le regarde.) Tu as besoin d’un passeport aussi ?

TABLEAU 9 - L’AÉROPORT CALYPSO - CELLULE D’ISOLEMENT/ESPACE 3 D - l.

Cellule d’isolement : éclairée dès le départ.

Espace 3D : éclairé dès que l’agent CALYPSO MAN montre ce lieu du doigt.

CALYPSO MAN - CALYPSO MAN JUNIOR - RÉMY.

CALYPSO MAN : Asseyez-vous sur ce fauteuil et branchez les deux électrodes sur votre crâne.

RÉMY : Quoi ? Pourquoi?

CALYPSO MAN : Le détecteur de mensonges n’a jamais été fiable à 100%, loin de là. Mais le

déclencheur sélectif de souvenirs, oui. Il nous permet de sélectionner et visualiser vos souvenirs

selon la période de notre choix. Il n’y a que des avantages : vous êtes dispensé d’interrogatoire et

vous n’êtes pas tenté de mentir. La vérité s’affiche ici (il montre du doigt un espace qui s’éclaire et qui

est une partie de la scène dédiée à cela) en trois dimensions, dans cet espace et sans vous faire

souffrir. C’est génial, n’est-ce pas, pour lutter contre le terrorisme, les criminels, les dissimulateurs !

RÉMY : Vous dites ça, par rapport à Chico ?

CALYPSO MAN : Je ne sais pas qui est Chico mais ne me dites rien. Je veux avoir la surprise.

RÉMY : Si vous révélez mes souvenirs contre mon gré, c’est de la violation de vie privée !

CALYPSO MAN : Allons, voyez-le plutôt du côté sécuritaire. (Il regarde le public.) – Pour eux, c’est

avant tout du théâtre. Rien que du théâtre. Laissez-vous faire, ça vous évitera ainsi, en option, les

décharges électriques.

RÉMY : Il y a erreur sur la personne !

CALYPSO MAN : Vraiment ? Le douanier dit « le Cyclope », ça ne vous rappelle rien ?

TABLEAU 10 - L’AÉROPORT CALYPSO.

KATZUMY - ULYSSE.

Katzumy devant un distributeur, dos au public. Ulysse le regarde tapoter sur l’écran tactile.

KATZUMY : Regarde sur l’écran, ta petite gueule. Elle est pas mal hein ? Tu m’excuseras mais je

choisis l’impression qualité basse. Parce que trois euros le cliché, c’est se foutre de la gueule du

monde !

VOIX (féminine) DU DISTRIBUTEUR (très différente de la voix de l’aéroport Calypso) : Surveillez votre

langage Monsieur Katzumy ou bien j’efface l’intégralité de vos photos, sauf la dernière qui est, en

effet, très mignonne.

Ulysse sourit.

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KATZUMY : Euh… excusez-moi Madame…

VOIX DU DISTRIBUTEUR : Mademoiselle.

KATZUMY : Comment vous connaissez mon nom ?

VOIX DU DISTRIBUTEUR : Votre doigt. Votre empreinte digitale. Elle correspond à l’enregistrement

numérique que nous avons de votre carte d’identité. Je sais également que votre destination est

l’Italie. Que vous y allez souvent. Pour acheter des habits. Et notamment des sous-vêtements. Vous

adorez les sous-vêtements sexy, italiens. Que vous revendez à prix démesurés d’ailleurs. Veuillez

insérer les trois euros s’il vous plaît, pour l’impression.

KATZUMY : Oui, bien sûr, bien sûr. (Très perturbé : il fait tomber ses pièces, les ramasse et enfin les

insère dans la machine).

VOIX (féminine) DU DISTRIBUTEUR : Et demandez à votre collègue le muet - à moins qu’il soit

capable de comprendre ce que je dis - de mettre son doigt sur l’écran tactile.

Un temps court.

KATZUMY : Vous êtes une borne d’édition numérique ou un détecteur d’empreintes digitales ?

VOIX (féminine) DU DISTRIBUTEUR : C’était de l’humour. L’impression de la photographie est

terminée. Bonne journée.

Ils s’éloignent tous les deux de la machine.

KATZUMY (à voix basse) : Elle en savait un sacré morceau sur moi, cette borne… (Un temps court.) À

mon avis, si tu n’as pas de passeport, tu devrais sérieusement envisager ton retour en boycottant cet

aéroport. (Il lui tend la photo.) Trop dangereux.

Ulysse scrute la photo.

ULYSSE JUNIOR : J’y suis pas.

KATZUMY : quoi ?

ULYSSE JUNIOR : Je ne suis pas sur la photo. Mais quelque chose est écrit… Tu peux me lire ? (Il la

redonne à Katzumy.)

KATZUMY : Tu sais pas lire ? (À voix haute) 06 17 83 42... (Katzumy rit.) C’est « Mademoiselle » qui te

donne rancard. Regarde (il lui montre la photo) : c’est signé « Mademoiselle ».

ULYSSE JUNIOR : Mademoiselle ?

KATZUMY, sans se retourner, fait un signe de la main qui désigne la borne d’édition numérique.

KATZUMY (riant) : Jamais vu ça… Une borne qui drague un jeune homme… (Puis s’arrêtant net de

rire.) Plus sérieusement, tu veux mon conseil : tu devrais partir d’ici le plus vite possible !

TABLEAU 11 - L’AÉROPORT CALYPSO - CELLULE D’ISOLEMENT/ESPACE 3 D. [Le Cyclope.]

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Seul l’espace 3D est éclairé.

Frontière russe en haute montagne. Une barrière porte l’inscription « там ?ожня». À proximité de

l’espace de contrôle se tient une petite cabane rudimentaire : en sort un homme courbé à la stature

très imposante. Il porte une longue barbe noire, une balafre au milieu du visage qui lui a coûté un œil.

Un véritable « Viking russe » armé d’un fusil mitrailleur Kalachnikov, et d’une machette très grande.

Le Douanier Cyclope mâche difficilement quelque chose puis finit par cracher.

LE DOUANIER CYCLOPE (parlant en direction de la cabane) : Ta charcuterie vient certainement d’un

magasin douteux. C’est excellent pour la torture mais pas bon pour la santé. Ça m’énerve : pour une

fois que je croise un Français.

RÉMY (off) : Tout le monde n’a pas les moyens d’acheter sa charcuterie chez un boucher-charcutier !

LE DOUANIER CYCLOPE : Ni de venir en Russie en avion. Ton camping-car est une bombe à

retardement.

RÉMY (off) : Il est passé au contrôle technique.

LE DOUANIER CYCLOPE : En payant combien ? 10 fois plus que le prix normal ? Tu devrais être

content : je te sauve la vie en t’immobilisant le véhicule.

RÉMY (off) : Alors pourquoi m’attacher ?

LE DOUANIER CYCLOPE : T’es ligoté pour des raisons de sécurité. (On entend un petit bruit non

identifiable, le viking pointe la Kalachnikov en direction de ce bruit.) Quel est l’animal que tu

transportais avec toi et qui s’est échappé ?

RÉMY (off) : Un petit chien.

LE DOUANIER CYCLOPE : J’aurais plutôt dit un cochon d’Inde.

RÉMY (off) : Achetez-vous un monocle.

LE DOUANIER CYCLOPE : Tu prends de la graine, petit Français « qui n’a pas les moyens ». Fais

attention. Je ne me nourris pas de hard discount, moi.

On entend un bruit à l’opposé de la cabane - quelque chose qui s’écroule dans le camion de Rémy -

comme une chute.

Le douanier Cyclope se retourne en direction du camping-car.

LE DOUANIER CYCLOPE : Tu m’as dit que tu étais seul avec ton chien ?

RÉMY (off) : Oui, et vous l’avez constaté de vos propres yeux. Enfin… de celui qui vous reste.

LE DOUANIER CYCLOPE : Alors, c’est quoi ce bruit ?

RÉMY (off) : Ça doit être encore la bonbonne d’eau qui s’est cassée la gueule.

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LE DOUANIER CYCLOPE : De l’eau ? T’es un français qui boit de l’eau ? J’ai tiré la mauvaise pioche, on

dirait.

RÉMY (off) : Et moi donc : je ne pensais pas qu’il existait encore des hommes préhistoriques sur cette

terre.

Le douanier, furieux, s’approche de Rémy : il entre dans la cabane.

LE DOUANIER CYCLOPE (off) : Je suis pas maso. Tu m’excuseras mais je passe en mode muet. (Bruit

d’un coup de poing.)

Le douanier ressort de la cabane et se dirige vers le camion.

LE DOUANIER CYCLOPE (à lui-même) : Ça fait du bien quand ça s’arrête.

TABLEAU 12 - L’AÉROPORT CALYPSO.

ALICIA- SANDRA - KATZUMY – ULYSSE.

Devant une porte automatique qui refuse de s’ouvrir…

ALICIA : Je comprends pas. Elle fonctionnait tout à l’heure.

SANDRA : On dirait qu’elle ne détecte plus notre présence.

KATZUMY : Ulysse, c’est pas ton jour on dirait…

SANDRA : Ulysse ? C’est original. Et mignon.

ULYSSE JUNIOR : Merci. Mais Je m’appelle Ulysse Junior, très exactement.

SANDRA : Ah … t’es le fils d’Ulysse donc, c’est ça ?

ULYSSE JUNIOR : Non, c’est Télémaque son fils.

SANDRA : Bon. Et tu es « Junior » pour quelle raison alors ?

ULYSSE JUNIOR : Parce que je ne suis pas Ulysse, le fils de Laërte, « dont les ruses sont fameuses

partout et dont la gloire atteint le ciel. » Je suis plus simple, moi.

SANDRA : … ah d’accord ! Et tu te shootes à quoi exactement ?

KATZUMY (prenant Ulysse par les épaules) : Ce qui ne veut pas dire que mon ami Junior n’est pas

rusé comme le légendaire Ulysse. Moi, c’est Katzumy. Que ce soit pour les intimes ou pour… les

autres. (Il tend sa main. Les filles la lui serrent.)

ALICIA : Alicia.

SANDRA : Sandra.

KATZUMY : Enchanté.

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ULYSSE JUNIOR : On devrait reculer. Le capteur de la porte est peut-être défaillant. On refait un

essai ?

Le groupe recule puis avance et la porte ne s’ouvre toujours pas.

ULYSSE JUNIOR : Je vais signaler le problème à l’accueil.

SANDRA : Quelle belle initiative : on sent l’aventurier qui sommeille en vous…

Ulysse hausse les épaules et s’éloigne de la porte d’entrée, celle-ci finit par s’ouvrir.

ALICIA : Ça y est, ça marche de nouveau.

SANDRA : Ah… un peu d’air…

Sandra et Alicia vont à l’extérieur. Katzumy attend Ulysse mais lorsque celui-ci se rapproche de la

porte, elle se ferme à nouveau. Les filles se mettent à rire.

KATZUMY : Merde… (À Ulysse.) Tu veux bien t’éloigner de nouveau de la porte ? Juste pour voir.

ULYSSE JUNIOR : Tu crois que… ?

Ulysse s’éloigne à nouveau de la porte, celle-ci s’ouvre.

KATZUMY : Je crois pas, j’en suis sûr.

TABLEAU 13 - L’AÉROPORT CALYPSO - CELLULE D’ISOLEMENT/ESPACE 3D.

Cellule d’isolement : éclairée / ESPACE 3 D : éclairé.

Dans cette scène, il y a en simultané, les deux hommes qui parlent dans la cellule d’isolement et les

actions silencieuses de Rémy - dans l’espace 3 D - où gît le cadavre du Douanier Cyclope…

CALYPSO MAN - CALYPSO MAN JUNIOR - RÉMY.

CALYPSO MAN : Tu l’as bien vu ? Il est terrorisé par le cadavre. Puis, s’il l’avait vraiment tué, on le

verrait commettre le crime de ses propres mains. C’est logique.

CALYPSO MAN JUNIOR : C’est son chien qui l’a détaché tu crois ?… En rongeant les cordes ?

CALYPSO MAN : Peut-être mais c’est certainement pas son chien qui a tué le Cyclope. Après tout, le

bruit dans le camion, ça pouvait être la chute d’un homme.

CALYPSO MAN JUNIOR : Oui. Peut-être (un temps court) finalement, le chien... c’est l’unique témoin.

Si seulement on pouvait l’avoir ici pour visualiser ses souvenirs.

On voit Rémy mettre son chien dans le gros sac et continuer son chemin, en esquivant le cadavre.

CALYPSO MAN : Ce sac… Je reconnais ce sac ! Il est dans l’aéroport ! Suis-moi je t’expliquerai…

Il s’en va en courant, son assistant le suit.

Espace 3 D : (bruit de camion.)

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RÉMY : Mon camion ! Mon camion !

Rémy court après son camion.

TABLEAU 14 - L’AÉROPORT CALYPSO.

ULYSSE - KATZUMY - CALYPSO MAN - CALYPSO MAN JUNIOR.

Ulysse Junior scrute la photo.

ULYSSE JUNIOR (regardant la photo imprimée avec le numéro de la Mademoiselle…) : J’ai essayé de

sortir de tous les autres hall et c’est chaque fois pareil. La porte ne s’ouvre pas, alors, prête-moi ton

téléphone s’il te plaît !

KATZUMY : Dois-je te rappeler que l’imprudence d’Ulysse lui a fait perdre de nombreux coéquipiers ?

Souviens-toi, dans l’épisode du Cyclope, s’il n’était pas rentré dans la grotte sans réfléchir…

ULYSSE JUNIOR : Là, c’est différent. Mon ennemi reste invisible, je ne peux pas gagner. Je dois voir

son visage, et savoir ce qu’il attend de moi. Prête-le-moi s’il te plaît !

Katzumy arrache la photo des mains d’Ulysse. Il la regarde de nouveau et manipule son portable.

KATZUMY : Ce qu’elle attend de toi plutôt. C’était la voix d’une femme que je sache… et les

femmes... il faut savoir s’y prendre pour les faire tomber… tiens… j’ai enregistré le numéro. Si tu veux

l’appeler, tu n’as qu’à appuyer sur ce bouton. (Il lui donne son téléphone.) Je vais rejoindre nos

nouvelles copines. Je mets une option sur Sandra, ok ?

ULYSSE JUNIOR : T’es rapide.

KATZUMY : Je suis photographe. Capturer la beauté dans l’instant, c’est mon métier.

Katzumy se dirige vers les filles, à l’extérieur.

Ulysse appuie sur le bouton du téléphone puis le colle à son oreille.

ULYSSE JUNIOR : Je suis bien sur le portable de Mademoiselle ?

VOIX DE FEMME SYNTHÉTIQUE, SENSUELLE (la voix est la même que celle de la borne d’édition

numérique) : Bonjour Ulysse Junior. Tu en as mis du temps pour m’appeler. Tu es timide ?

ULYSSE JUNIOR : Comment vous connaissez mon nom ? Qu’est-ce que vous voulez ?

VOIX DE FEMME SYNTHÉTIQUE, SENSUELLE : On peut se tutoyer tu ne crois pas ? Ce que je veux ?

(Un temps court.) Ce que les hommes veulent généralement… Tu as perdu ta langue ?

ULYSSE JUNIOR : Non.

VOIX DE FEMME SYNTHÉTIQUE, SENSUELLE : Tant mieux : ça te permettra de constater que la

mienne a le goût du pamplemousse. (Un temps court.) Retrouve-moi à la table de massage N°17, elle

restera disponible tant que tu ne viendras pas. À tout de suite mon Ulysse… (Elle raccroche.)

Ulysse se retrouve face aux deux agents Calypso.

16

CALYPSO MAN : Vous pouvez m’expliquer comment vous faites pour pirater le central vocal Calypso

à distance et lui faire dire toutes ses saloperies ?

CALYPSO MAN JUNIOR : Vous lui avez même trafiqué sa voix !

ULYSSE JUNIOR : Vous avez entendu la conversation ?

CALYPSO MAN JUNIOR : Il me semble que ce jeune homme nous cache des choses et s’amuse à faire

le niais.

CALYPSO MAN : Tout en gardant des sacs qui ne lui appartiennent pas. (Calypso man récupère le sac

de Rémy entre les jambes d’Ulysse.) Vos papiers s’il vous plaît.

ULYSSE JUNIOR : Je me suis fait voler mon sac. Les papiers avec…

CALYPSO MAN : Évidemment. Argument pauvre de celui qui ne veut pas les montrer.

CALYPSO MAN JUNIOR : Ou de celui qui ne les a pas.

Ulysse reste sans voix puis s’enfuit en poussant les deux vigiles. Katzumy assiste à la scène en arrière

plan, impuissant.

CALYPSO MAN : Appelle la sécurité pour qu’ils ferment toutes les issues. Il n’ira pas loin. (Il ouvre le

sac.) « Bonjour Chico, j’ai besoin de ta coopération mon chéri. » (Le chien aboie violemment, il

referme le sac aussitôt.) Je vais lui brancher les électrodes.

TABLEAU 15 - L’AÉROPORT CALYPSO.

ALICIA – SANDRA.

Alicia et Sandra mâchent mollement un chewing-gum sur un banc en se partageant les écouteurs

d’un téléphone portable, apparemment déconnectées des nouvelles qu’elles entendent à la radio du

téléphone.

Radio (off) : Il pleut des vagues géantes sur l’aéroport Calypso. L’alerte rouge a été lancée. Nous

recommandons à tous nos auditeurs marseillais de ne pas sortir. Ce que nous vivons ressemble à un

film apocalyptique. Restez chez vous et regardez plutôt l’orage en temps réel sur : calypso-météo-

live.com : 15 euros les 10 minutes. On reparle de tout ça après une courte pause (musique de pub) « -

Trempé ? Testez Parastorm, le parapluie qui résiste à la pluie, au vent et à la foudre. »

Alicia et Sandra baillent en même temps.

TABLEAU 16 - L’AÉROPORT CALYPSO - CELLULE D’ISOLEMENT - ESPACE 3 D.

CELLULE D’ISOLEMENT : éclairée pour la première réplique, puis éteinte par la suite.

ESPACE 3D : éclairé.

CALYPSO MAN - ULYSSE - RÉMY.

(Le Cyclope - suite et fin).

17

CALYPSO MAN (à Chico, masqué par le fauteuil aux électrodes, la queue seule dépasse) : Maintenant

que tu cuves ton valium chique molle, donne-moi à voir le coupable !

La cellule d’isolement s’éteint laissant place à l’espace 3D éclairé. Le Douanier Cyclope pointe son

arme derrière le dos d’Ulysse qui avance à petits pas.

ULYSSE JUNIOR : Il ne savait pas que j’étais dans son camion ! Je ne le connais pas ! Il ne me connaît

pas ! Je cherchais à me réchauffer, c’est tout. Et à manger. Vous n’auriez pas quelque chose à

manger ?

LE DOUANIER CYCLOPE : Espèce de sangsue clandestine qui cherche à passer la frontière sur le dos

d’innocents, tu crois que j’ai la gueule d’un cuisinier ? Pourquoi étais-tu caché dans ce camion ?

ULYSSE JUNIOR : Je veux retourner chez moi. En Grèce.

LE DOUANIER CYCLOPE : En passant par la Russie ? Il est peut-être temps de s’équiper d’un GPS,

petit. Ou d’apprendre à lire une carte.

ULYSSE JUNIOR : Quand on a plus de véhicule et qu’on se laisse transporter incognito, il est bien

difficile de choisir son itinéraire.

LE DOUANIER CYCLOPE : Touriste radin. Je déteste les fourbes.

ULYSSE JUNIOR : Je ne suis pas un touriste !

LE DOUANIER CYCLOPE : Tu montes le son ?

Ulysse s’écarte rapidement du douanier et lui assène un coup de poing mais l’énorme viking lui bloque

immédiatement le bras et l’oblige à se mettre à genoux.

LE DOUANIER CYCLOPE : Tu es ridicule, petit. Tu crois que tu peux me faire mal ? Moi aussi j’ai faim.

Et je n’ai aucune envie de manger de la viande sous cellophane. Tu tombes donc à pic.

Ulysse scrutant l’œil du Cyclope.

ULYSSE JUNIOR : À pic ? (Un temps court.) Si je dois devenir ton quatre-heures maintenant, laisse-

moi au moins la dernière faveur de boire un bon SCROUMP.

LE DOUANIER CYCLOPE : SCROUMP ?

ULYSSE JUNIOR : Vodka. Glace pilée. Menthe. Clou de girofle + alcool secret de mon chez moi. Ça

requinquerait un mort. Alors, boire cette ambroisie moderne pour un vivant, juste avant sa mort, ce

serait forcément une belle mort.

Le Douanier Cyclope le relâche et lui fait un petit sourire.

LE DOUANIER CYCLOPE : SCROUMP ? Cocktail ? Un touriste qui se promène avec une potion magique

n’est plus tout à fait un touriste. Quel est ton nom ?

ULYSSE JUNIOR : Personne. Je m’appelle Personne.

LE DOUANIER CYCLOPE : Où se trouve ta mixture, Personne ?

18

ULYSSE JUNIOR : Dans la soute du camion, celle au-dessus de l’évier. La petite soute où seul un jeune

homme de ma taille peut entrer.

LE DOUANIER CYCLOPE : Voilà ce qu’on va faire. Je te suis avec la kalachnikov, tu gardes les mains sur

la tête et tu me dis où se trouve exactement ton SCROUMP. Si tu fais le moindre faux geste, je te

transforme en arrosoir, c’est compris ?

ULYSSE JUNIOR : Compris.

Les deux hommes quittent la scène un court moment.

ULYSSE JUNIOR (off) : C’est ici. Dans ce casier. Vous voyez ?

LE DOUANIER CYCLOPE (off) : Ouvre-le. (Un temps court.) La bouteille blanche ?

ULYSSE JUNIOR (off) : Absolument !

LE DOUANIER CYCLOPE (off) : Très bien. Prends-là. Pas de faux gestes, O.K. ?

ULYSSE JUNIOR (off) : No problemo. (On entend le bruit du bouchon.) Sentez.

LE DOUANIER CYCLOPE (off) : Mmmm… Allez zou, on ressort.

Le Douanier Cyclope revient avec Ulysse, toujours la kalachnikov pointée dans son dos. Ce dernier

tient la bouteille à la main.

Le douanier baisse l’arme.

LE DOUANIER CYCLOPE : Vas-y. Bois d’abord.

Ulysse prend la bouteille et boit une gorgée. Il racle sa gorge puis secoue la tête.

LE DOUANIER CYCLOPE : Pas bon ?

ULYSSE JUNIOR : Bon mais ce serait tellement meilleur avec de la glace pilée.

LE DOUANIER CYCLOPE : C’est ça (il lui arrache la bouteille) et avec des petits parasols fluo

miniatures aussi pour faire joli ! (Il boit quelques gorgées au goulot.) Mmmm… Très bon. (Raclement

de gorge prononcé.) Et, diable, bien plus fort que la vodka !

Il continue de boire plusieurs gorgées et fixe Ulysse.

LE DOUANIER CYCLOPE : C’est bizarre, je vois double. (Un temps court.) Tu sais ce que je me dis

maintenant ?

ULYSSE JUNIOR : Où vous avez mis la glace pour boire le reste plus frais ?

LE DOUANIER CYCLOPE : Pas du tout. (Il boit encore et s’assied sur le sol brutalement.) Je me

demande juste si je vais te manger cru ou cuit.

ULYSSE JUNIOR : Je préfère être mangé si je suis cuit.

Le Douanier Cyclope éclate de rire, un véritable fou rire. Ulysse en profite pour s’enfuir.

19

LE DOUANIER CYCLOPE : Je préfère être mangé si je suis cuit, si je suis cuit, mais tu es déjà cuit ! (Le

douanier a du mal à contenir son fou rire puis, peu à peu, s’arrête et s’inquiète de ne plus voir Ulysse.

Ulysse ne tarde pas à revenir avec un morceau de glace, un verre à cocktail et un petit piquet pour

casser la glace.)

Le douanier fixe bizarrement Ulysse.

LE DOUANIER CYCLOPE : Je n’ai jamais vu un prisonnier prendre tant de soin pour son geôlier.

ULYSSE JUNIOR : En Grèce, nous tenons beaucoup à la coutume, et servir une spécialité sans

respecter l’héritage d’Homère, c’est un péché. (Il casse la glace avec le piquet et la met dans le verre.)

LE DOUANIER CYCLOPE : En Russie, dans l’armée, on casse souvent la glace avec des piquets mais

c’est pour étendre le linge. Je croyais que les Grecs étaient plus élégants.

Ulysse fixant le Cyclope.

ULYSSE JUNIOR : Je vous l’ai déjà dit : ce n’est pas mon camion. Si j’étais chez moi, je ferais cela avec

un vrai pic à glace.

Aussitôt la fin de la phrase achevée, Ulysse plante le piquet dans l’œil du Cyclope qui hurle

atrocement, puis s’écroule en prononçant - d’une voix étouffée - les mots : Personne, Scroump,

Personne…

TABLEAU 17 - L’OLYMPE.

ZEUS - HÉRA - ATHÉNA.

ZEUS : Chérie, qu’est- ce que ça peut te faire si je vais voir ailleurs, du moment que je t’aime et que je

te rends heureuse ?

HÉRA : Question erronée, mais je veux bien répondre à ton délire : tu peux aller voir ailleurs mais à

la condition que tu te couvres et que j’aille voir ailleurs, aussi, autant de fois que j’en ai envie !

ZEUS : C’est moi qui décide du règlement !

HÉRA : Un règlement injuste doit être refait, point final. Je suis pour une sexualité paritaire ou bien je

m’en vais définitivement.

ATHÉNA : Désolée de vous déranger dans votre rhétorique mais j’ai besoin que tu interviennes,

papa.

ZEUS : Ma fille, à trop t’aider je ne t’aide plus. Il faut un peu te débrouiller toute seule.

HÉRA : Dis, l’assisté qui exploite tout le monde…

Héra quitte la scène…

ZEUS : Ta mère devient infernale.

ATHÉNA : Pas toi ?

20

Un temps court.

ZEUS : Qu’y a-t-il ?

ATHÉNA : C’est à propos…

ZEUS : Je sais. D’Ulysse, c’est ça ? Enfin, d’Ulysse le Minus.

ATHÉNA : Et de Poséidon. Tu te demandais pour quelles raisons la mer était si déchaînée. Le sort

s’acharne sur lui, on dirait ! Ulysse Junior a crevé l’œil d’un de ses fils : le douanier dit le Cyclope. Il a

survécu mais… tu connais la suite. Poséidon veut sa mort, coûte que coûte…

ZEUS : L’histoire se répète parce qu’elle aime la musique qui forme des boucles, des tourbillons, des

ouragans. Et moi, tout ça me fatigue cruellement. Comment un marmot peut-il crever l’œil d’un

géant ? Il détenait une arbalète ?

ATHÉNA : Tu dois intervenir pour sauver la vie de cet enfant.

ZEUS : Un enfant ? Un monstre tu veux dire. Qui sème le vent récolte la tempête ! Qu’il mesure

l’ignominie de ses actes ! Je ne peux pas passer tout mon temps à sauver la vie de tous les enfants et

encore moins des criminels ! Sans compter que j’ai énormément de travail sur la planche, moi !

ATHÉNA (froidement) : La planche ou le lit ?

ZEUS : On n’insulte pas son père !

Il donne un coup de poing dans le vide !

TABLEAU 18 - AÉROPORT CALYPSO.

Coup de tonnerre. Ulysse en fuite dans l’aéroport est bloqué dans un cul de sac.

ULYSSE JUNIOR : Zeus, maître des nuages, vous répondez à ma détresse! Cela me réjouit ! Je ne

pourrai pas sortir de cette immense prison aux mille pièges sans l’aide du ciel. J’avoue mon

impuissance.

Une inscription lumineuse se met à clignoter « Table de massage N°17 ».

VOIX SENSUELLE DE CALYPSO : Entrez cher Ulysse. Vous n’êtes pas venu ici par hasard,

contrairement à ce que vous pensez. Ne faites pas cette tête et détendez-vous : cette fois-ci, notre

conversation restera confidentielle, ou, devrais-je plutôt dire, intime.

ULYSSE JUNIOR : Je ne rentrerai pas.

VOIX SENSUELLE DE CALYPSO : Une fois rentré, vous deviendrez un homme.

ULYSSE JUNIOR : Je suis déjà un homme.

La porte s’ouvre, Calypso en personne…

CALYPSO : Je ne parlais pas de ça. Vous allez rester puceau jusqu’à quand ?

21

Un temps court.

CALYPSO : Réfléchissez vite parce que dans une poignée de secondes vous serez dans les mains des

autorités. Au lieu d’être dans les miennes…

ULYSSE JUNIOR : Je ne vous sens pas.

CALYPSO : Entrez et vous me sentirez. 2800 watts, 300 micro-ventouses, et un don inné pour la

sensualité et vous croyez vraiment que vous ne me sentirez pas ?

ULYSSE JUNIOR : Je ne viendrai pas.

CALYPSO : Vous ne connaîtrez donc jamais les profondeurs insoupçonnées de ma gourmandise. Tant

pis pour vous, très cher Ulysse.

Elle ferme la porte violemment. L’écriteau clignotant s’éteint. Une autre lumière survient peu à peu,

mobile celle-ci. Apparition d’Athéna.

ATHÉNA : Ulysse Junior, il va falloir être courageux. Poséidon est toujours furieux contre vous car

vous avez aveuglé son fils le Cyclope. Il continuera à vous pourchasser où que vous soyez, à vous

empêcher d’atteindre la terre d’Ithaque. Seul Zeus peut vous sauver mais il traverse une période

difficile et nous n’obtiendrons rien de lui pour le moment. C’est pour cela que vous devez vous

rendre. Vous serez ainsi protégé. Du moins, pour un petit moment.

ULYSSE JUNIOR : Votre voix. Je la reconnais. Je l’ai déjà entendue dans un rêve. Vous me disiez

qu’Ulysse sait. Que chacun doit vivre son Odyssée.

ATHÉNA : Et qu’en trouvant Ulysse, vous découvrirez votre secret. Vous ne rêviez pas. C’était bien

moi. C’est lors de cette nuit, d’ailleurs, que j’ai déposé un philtre dans votre bouche ; vous

comprenez et parlez très bien toutes les langues, n’est-ce pas ? (Elle sourit.) Cela ne vous a pas

surpris ?

ULYSSE JUNIOR : Athéna ?

ATHÉNA : Oui. Écoutez-moi bien jeune homme. Il faut vous rendre. Je veille sur vous.

Elle disparaît. Arrive CALYPSO MAN JUNIOR, armé d’un coquillage.

CALYPSO MAN JUNIOR : Tu bouges pas. (Un temps court.) Ce coquillage est capable d’anéantir un

éléphant, alors imagine un peu l’effet sur ton corps.

Avec son autre main, il sort son téléphone, compose un numéro et le colle à son oreille.

CALYPSO MAN JUNIOR : Je l’ai. Devant moi. (Un temps.) Comment ? (Un temps.) Quoi ? Cette demi-

portion ? (Un temps.) Pour de bon ? (Un temps.) Ahurissant. (Un temps.) Ahurissant. Je vous

l’emmène tout de suite. (Il raccroche et fixe Ulysse.) Ne pas se fier aux apparences, dit-on souvent. Je

comprends mieux le proverbe quand je mesure ce que vous avez fait.

Un temps court.

22

ULYSSE JUNIOR : Je suis diabétique. Si je ne récupère pas ma seringue à la table de massage N°17, je

ne resterai pas longtemps éveillé.

CALYPSO MAN JUNIOR : Ça ne me pose aucun problème, ni au DS : déclencheur de souvenirs…

Il actionne son coquillage. On entend un bruit très bizarre et Ulysse s’écroule.

TABLEAU 19 - L’AÉROPORT CALYPSO.

AGENT ADMINISTRATIF DES IDENTITÉS - KATZUMY.

KATZUMY se dirige vers un agent, qui porte un uniforme différent de celui des agents de la sécurité de

l’aéroport Calypso.

KATZUMY : Excusez-moi, vous pouvez me dire ce qui est arrivé au jeune homme tout à l’heure : celui

qui a pris la fuite. Et qu’est-ce qu’il a fait de mal ?

AGENT ADMINISTRATIF DES IDENTITÉS : Je ne fais pas partie de la police Calypso mais des autorités

administratives des identités, service de l’état. Vos papiers, s’il vous plaît. Vous connaissez ce jeune

homme ?

Katzumy les lui donne. L’agent les étudie scrupuleusement.

KATZUMY : Non, pas vraiment. Enfin, on a échangé quelques banalités, rien de plus. Mais je ne sais

pas qui il est, ni d’où il vient. Je sais juste qu’il voulait aller en Grèce. (Sourire léger.) Quoi de plus

normal pour quelqu’un qui s’appelle Ulysse ?

AGENT ADMINISTRATIF DES IDENTITÉS : Sans papiers, il n’est personne. Merci, vous pouvez

disposer.

Sandra rejoint Katzumy.

SANDRA : Alors ?

KATZUMY : Il n’a rien voulu me dire mais je sais qu’Ulysse est mal barré. Il n’a pas de papiers.

SANDRA : Il parle pourtant très bien le français.

KATZUMY : Et alors… ?

Alicia arrive en courant et sépare le couple.

ALICIA : Regardez ce type. Dans ses mains…

On voit passer Rémy qui marche d’un pas lent, machinalement, avec le sac qu’il avait prêté à Ulysse.

KATZUMY : Restez-ici. Je vais aller parler à cet homme. Discrètement. Il ne faudrait pas que nous

devenions des suspects.

SANDRA : Suspects ? De quoi ?

KATZUMY : D’être les complices d’Ulysse, par exemple.

23

ALICIA : Nous ne le sommes pas !

KATZUMY : Non. Mais nous vivons une époque où les raccourcis sont légion. Restons discrets.

TABLEAU 20 - L’AÉROPORT CALYPSO : [LE MARCHAND ÉOLE.]

Cellule d’isolement : éclairée une poignée de secondes, puis disparaît dans le noir.

Espace 3D : éclairé.

[L’île ÉOLE.]

Cellule d’isolement : Ulysse a les électrodes sur le crâne.

Espace 3 D.

LE MARCHAND : Qui a fauché dans la caisse ? Qui ? Comment voulez-vous que je vous paye si vous

piquez dans la caisse ? J’ai fait les comptes, depuis le début du mois j’ai perdu… une somme folle ! Je

suis dans l’incapacité de continuer à vous embaucher. Je vais désormais travailler seul. Vous êtes

tous licenciés. Pas pour faute grave, bien sûr que non, je n’ai pas de preuves, mais pour raisons

économiques… Ulysse, je suis désolé, mais tu étais responsable de la caisse Éole ce mois-ci et par

conséquent, je ne te donnerai pas le moindre centime. Ça t’apprendra de bosser au black. Ne me

regarde pas comme ça. Tu voulais cet argent pour t’acheter un billet et rentrer chez toi ? Et bien, il

est temps d’aller faire du stop !

TABLEAU 21 - AÉROPORT CALYPSO.

KATZUMY - RÉMY.

KATZUMY : Excusez-moi. Je ne veux surtout pas alerter les autorités administratives ou bien la police

donc je vous parle normalement comme si nous nous connaissions, vous me suivez ?

RÉMY : Non.

KATZUMY : Ne soyez pas méfiant, s’il vous plaît. Souriez. Faites comme si nous étions copains. La

méfiance se voit et se repère. Je vous parle comme cela parce que je suis surpris de voir à votre main

un sac que j’ai vu à la main d’un ami il y a moins d’une demi-heure.

RÉMY : Ce sac ?

KATZUMY : Ne faites pas de gestes. Souriez-moi. Comment ça va ? Moi, ça va. Vous ne le savez peut-

être pas encore mais Ulysse a été arrêté et voilà pourquoi je m’étonne de trouver son sac à votre

main. Vous connaissez Ulysse ?

RÉMY : Ulysse… De nos jours, c’est plutôt rare... Si je connaissais un Ulysse, je m’en souviendrais.

Peut-être avait-il tout simplement le même sac que moi ? Je l’ai acheté à… Tiens, ça alors… ça aussi je

ne m’en souviens plus…

KATZUMY : Vous avez raison. Vu la gueule de votre sac, il a été sans doute fait à un million

d’exemplaires dans un pays dont la main d’œuvre ne coûte quasiment rien. Votre argument du sac

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identique est donc recevable. Mais pour me rassurer, juste me rassurer, pourriez- vous me dire ce

que contient ce sac et me le prouver ?

RÉMY : Bien sûr. C’est Chico, mon compagnon de route.

Il ouvre le sac, on voit la tête d’un chien, puis il le referme.

Katzumy est surpris.

RÉMY : Qu’y avait-il dans le sac de votre Ulysse ?

KATZUMY : En fait, j’en sais rien mais je me disais qu’en découvrant le contenu, cela me permettrait

de savoir si c’était bien son sac ou pas.

RÉMY : Ce n’est pas son sac.

KATZUMY : Non, à priori non, j’imaginais plutôt des affaires, pour quelqu’un qui voyage beaucoup…

RÉMY : Je peux y aller ?

KATZUMY : Merci pour votre coopération. Je vous tape sur l’épaule pour que ça fasse amical, O.K. ?

RÉMY : Très bien et moi je vous fais la bise. Au revoir.

KATZUMY : Au revoir.

Ils partent dans des directions opposées.

TABLEAU 22 - CELLULE D’ISOLEMENT - ESPACE 3 D : [Circé.]

Seul l’espace 3D est éclairé.

ESPACE 3 D : Circé, en tailleur, très belle, légèrement stricte, mais sexy avec des diamants autour du

cou, aux oreilles. Ses gestes, à la différence de son discours, sont harmonieux..

[Circé : directrice des ressources humaines.]

CIRCÉ : Plan épargne entreprise. Chèques vacances. Primes. Chez Burger Mania, nos salariés sont

heureux. On leur demande, certes, la flexibilité mais ils ont de sérieux avantages : ils peuvent manger

gratuitement, à volonté, tous nos hamburgers. Puis, ici, les évolutions de carrières sont très

fréquentes, par exemple la première année vous êtes marcassin mais si vous vous décarcassez bien,

vous passez sanglier, et si vous sortez du lot, nous vous offrons le poste de cochon d’or qui est juste -

faut-il le rappeler ? - derrière la place tant prisée du gros porc. Puis, chaque fois que les échelons sont

franchis, le salaire grossit… Alors, ça vous tente? Les deux premiers jours sont gratuits. Cela vous

permet de découvrir notre burger team. Ensuite vous êtes rémunérés selon le nombre de Burgers

vendus, ça vous dit ?

TABLEAU 23 - PARKING DE L’AÉROPORT CALYPSO.

LE JOURNALISTE.

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Un journaliste devant l’aéroport avec un micro, filmé par un caméraman. (Bruit d’hélicoptère en fond,

reflets de gyrophare sur son visage)

LE JOURNALISTE : Le terroriste a été identifié et se fait appeler Personne : cet homme est présenté

comme un homme très dangereux qui n’hésite pas à tuer ceux qui se trouvent sur son passage. La

police avoue son inquiétude car il ne possède ni papiers, ni sac, ce qui laisse présager le pire. Des

équipes de déminage prospectent actuellement l’aéroport par mesure de sécurité mais la direction

se veut rassurante : l’individu est actuellement neutralisé et s’entretient avec la police Calypso. Reste

à savoir si l’homme est seul où s’il est accompagné de complices. L’enquête se poursuit.

TABLEAU 24 - ESPACE 3 D.

[LE ROYAUME DES MORTS.]

LA MÈRE D’ULYSSE JUNIOR - LE PÈRE D’ULYSSE JUNIOR.

Pénombre. Brume. Chant lointain d’un rossignol.

LA MÈRE D’ULYSSE JUNIOR : Mon fils, j’ai fait ce que j’ai pu. C’est difficile de vivre dans un pays où le

ciel est noir, où l’eau que nous buvons est noire, où l’air que nous respirons est noir. Malgré tout, Je

t’ai donné le sein et j’en suis fière : parce que c’était du bio ! Ne l’oublie jamais ! Du lait bio ! (Un

temps.) Hélas ! T’avais toujours la fringale.

LE PÈRE D’ULYSSE JUNIOR : Positive, mon petit gars. Il y a toujours du bonheur qui nous attend

quelque part. On a fait ce qu’on a pu, nous, et on est désolé de ne pas avoir pu te donner plus. On ne

choisit pas sa terre natale. Je vois bien que tu es furieux. Et bien tant mieux. Cette rage est ton

trésor : un carburant inépuisable. Utilise-le pacifiquement. (Un temps court.) Le seul guide à suivre,

(il tape sa main sur son cœur) il est là.

TABLEAU 25 - CELLULE D’ISOLEMENT - ESPACE 3 D.

Cellule d’isolement : éclairée.

Espace 3 d : éclairé.

[Les sirènes : chanteuses de cabaret.]

CALYPSO MAN - CALYPSO MAN JUNIOR.

Deux sirènes en robe de soirée, genre “Gilda” sont totalement immobiles, figées.

CALYPSO MAN JUNIOR : Avec ce DS, il faut éviter d’abuser de la marche arrière.

CALYPSO MAN : Qu’est-ce que tu racontes ?

CALYPSO MAN JUNIOR : À force de faire des allers-retours, la mémoire de la personne peut-être

altérée. Je m’en suis aperçu avec le conducteur du camping-car. Lorsqu’il s’est réveillé : il ignorait

avoir réservé un vol pour la Grèce…

Calypso Man appuie sur la télécommande. Les deux sirènes bougent alors et chantent…

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LES DEUX SIRÈNES.

Nous sommes deux sœurs Sirènes

Nées sous le signe des gémeaux

Mi fa sol la mi ré, ré mi fa sol sol sol ré do

Toutes deux demoiselles

Ayant eu des amants très tôt

Mi fa sol la mi ré, ré mi fa sol sol sol ré do

SIRÈNE 1 :

Nous fûmes toutes deux attirées par le destin

Des marins errants qui n’ont plus rien dans les mains

SIRÈNE 2 :

Nous avons toujours voulu les consoler du tragique

Et les remplir de danse, d’amour et de musique

LES DEUX SIRÈNES :

Nous sommes toutes deux nées de parents disparus

Cela ne se voit pas, mais quand nous sommes nues

Nous avons toutes deux au creux des reins

C'est fou...

SIRÈNE 1 :

... là un grain de beauté en forme d’île

SIRÈNE 2 :

... elle ressemble à Ithaque la sublime.

TABLEAU 26 - L’OLYMPE.

ATHÉNA - ZEUS.

ATHÉNA : Tu ne peux pas le laisser croupir comme ça. À la différence d’Ulysse, si Ulysse Junior est

prisonnier de Calypso, c’est entièrement ma faute.

ZEUS : Que veux-tu dire exactement ?

ATHÉNA : Quand j’ai vu cet enfant… L’endroit d’où il vient… Ce que traverse son pays… La perte de

ses parents… Je n’ai pas pu m’empêcher de lui souffler quelques mots. Pour lui insuffler l’espoir.

ZEUS : Raté… tu lui offres le désespoir... tu ne peux pas t’occuper de ton cul comme toutes les filles

de ton âge au lieu de te la jouer - très mal - humaniste ?

ATHÉNA : Si tu ne fais rien : je n’hésiterai pas à dire à Poséidon que c’est ma faute. Il n’aimera pas.

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ZEUS : Épargne mon frère de tes commentaires ! (À lui-même.) Ah ! La famille… Quel enfer !

TABLEAU 27 - ESPACE 3 D.

Seulement l’espace 3D est éclairé durant toute la scène.

[Charybde et Scylla.]

CHARYBDE : Je m’appelle Charybde.

SCYLLA : Et moi c’est Scylla.

CHARYBDE : Je travaille pour l’armée.

SCYLLA : Et moi pour le gouvernement.

CHARYBDE : Nos missions sont différentes.

SCYLLA : Mais nos objectifs restent les mêmes.

CHARYBDE ET SCYLLA : Vous sauver la vie !

CHARYBDE : Nous lançons une campagne pour notre recrutement. Nous cherchons des hommes, des

vrais !

SCYLLA : Si votre engagement est à la hauteur de nos espérances.

CHARYBDE : Nous vous le rendrons pleinement !

SCYLLA : Par des légions d’honneur par exemple.

CHARYBDE : Ou des monuments aux morts.

Ulysse bouge, visiblement tourmenté dans le fauteuil aux électrodes.

TABLEAU 28 - EXT - JOUR - PARKING DE L’AÉROPORT CALYPSO.

AGENT ADMINISTRATIF DES IDENTITÉS - KATZUMY.

AGENT ADMINISTRATIF DES IDENTITÉS : Je viens d’être alerté par le service des vidéos de

surveillance. Vous avez pris de nombreuses photos de l’aéroport.

KATZUMY : Oui. J’ai pour passion la photographie. (Un temps court.) J’adore choisir un objet et le

détourner de sa véritable fonction. Transformer l’objet en sujet, vous voyez ?

AGENT ADMINISTRATIF DES IDENTITÉS : Vous avez échangé beaucoup plus que des banalités avec

celui qui prétend s’appeler Ulysse Junior n’est-ce pas ?… Suivez-moi.

KATZUMY : Mais…

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AGENT ADMINISTRATIF DES IDENTITÉS : Si vous n’avez rien à vous reprocher, vous n’avez aucune

crainte à avoir…

Rémy s’approche des deux hommes et les interrompt.

RÉMY (en prenant Katzumy par la taille et en s’adressant à l’agent) : Excusez-moi, je vous l’emprunte

juste quelques secondes. (Il se met légèrement à l’écart et s’adresse à Katzumy à voix basse.) J’ai bien

parlé à un certain Ulysse, Ulysse Junior. Je lui ai prêté mon sac. Je m’en souvenais plus parce que... je

vous jure, ça paraît complètement fou mais…Ils ont une machine qui viole la mémoire et qui brouille

le cerveau. (Un temps court) heureusement, ça ne dure pas longtemps. Mais ce dont je suis sûr, c’est

que je n’ai jamais réservé un vol pour la Grèce.

KATZUMY : Sans doute, une tentative d’Ulysse pour s’enfuir d’ici mais… il a été arrêté. Et d’après ce

que vous dites, il est prisonnier d’une machine infernale.

TABLEAU 29 - L’OLYMPE.

ZEUS : Très bien ma fille, très bien : tais-toi ! Demande à Calypso de mettre sa libido en veille et de

rendre à ce jeune Ulysse sa liberté ! Et s’il te plaît, insiste pour que tout cela se fasse dans la plus

grande des discrétions. Sinon, on va encore se retrouver avec une multitude de satellites parasites

dans l’espace, cherchant inutilement notre présence !

ATHÉNA : Je t’aime papa !

ZEUS : N’en fais pas trop, ça sonne faux.

ATHÉNA : Mais c’est vrai ! Tu m’énerves beaucoup, parfois même tu me dégoûtes mais je t’aime

vraiment !

ZEUS : Tais-toi et file !

Elle court, puis s’arrête, se retourne, puis fixe son père.

ATHÉNA : Tu sais ce qui ferait plaisir à Maman ?

ZEUS (souriant) : Non ?

ATHÉNA : Que tu prennes des vacances. Seul.

Disparition d’Athéna. Noir. Fondu enchaîné avec le tableau suivant.

TABLEAU 30 - JOUR - AÉROPORT - DANS LA CABINE DE MASSAGE N°17.

Réapparition d’Athéna qui tape à la porte de la cabine N°17.

CALYPSO (off) : Qui est là ?

ATHÉNA : Ouvre, j’ai à te parler.

CALYPSO (reconnaissant la voix) : Athéna, quel vent peut bien te mener ici, jusqu’à moi, (elle ouvre

la porte) dans l’étroitesse de cette cabine…

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ATHÉNA : Mon père. Il sait ce que tu infliges à Ulysse Junior. Il m’a demandé de venir jusqu’à toi pour

que tu le laisses partir. Son avenir se trouve ailleurs. Il voyage maintenant depuis bien longtemps et

le garder encore ici pourrait l’affaiblir énormément, peut-être même le tuer.

CALYPSO : Penses-tu ! S’il avait accepté mes propositions, je te garantis qu’il aurait retrouvé toute sa

vigueur !

ATHÉNA : Je sais bien Calypso, et personne ne doute de ton pouvoir de séduction mais tu ne peux

pas jouir d’un homme qui ne souhaite pas te donner son cœur.

CALYPSO : Je sais (un temps court). Mais Je veux trouver un homme. Et si possible, jeune, beau, et

docile !

ATHÉNA : T’as essayé Internet ?

CALYPSO : Je suis une déesse ! Je refuse la facilité ! (Un temps court.) On donne mon nom dans un

espace où les va-et-vient sont incessants et moi, je ne flirte qu’avec ma solitude ! C’est d’une ironie

détestable !

ATHÉNA : Je te l’accorde mais Ulysse Junior n’y est pour rien dans le nom de cet aéroport.

CALYPSO : Dis-moi, ma belle, tu n’aurais pas un petit penchant pour lui ?

ATHÉNA : Pas du tout.

CALYPSO : Mon œil. Voilà ce que je te propose : je délivre Ulysse d’ici mais tu me laisses le délivrer

toute seule…

Un temps court.

ATHÉNA : Tu comptes faire quoi ?

Un temps court.

ATHÉNA : Zeus souhaite de la discrétion.

CALYPSO : Je serai discrète, promis.

ATHÉNA : Tu comptes faire quoi ?

TABLEAU 31 - Cellule d’isolement.

Cellule d’isolement : éclairée.

Espace 3 D : éteint.

CALYPSO MAN - CALYPSO MAN JUNIOR - ULYSSE JUNIOR - CALYPSO.

Les deux agents secouent Ulysse pour le réveiller. Il finit par émerger.

CALYPSO MAN : Tu m’as donné mal au cœur à suivre tes perpétuels changements d’itinéraires !

ULYSSE JUNIOR : Où suis-je ?

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CALYPSO MAN JUNIOR : Et voilà, c’est pareil avec lui. On devrait remonter l’anomalie au service

recherche/développement.

ULYSSE JUNIOR : Qu’est-ce qui m’est arrivé ?

CALYPSO MAN : Oui, oui, oui, faudra le faire, note-le quelque part. Mais le plus important surtout,

c’est que nous avons trouvé un coupable. (Regardant Ulysse.) Creveur de douaniers !

Calypso entre dans la cellule dans une tenue séduisante, les deux agents sursautent…

CALYPSO : Salut les mecs, comment ça va ?

CALYPSO MAN JUNIOR : C’est quoi ça ?

CALYPSO MAN : Comment êtes-vous entrée dans cette zone sécurisée ?

CALYPSO : Un, je n’aime pas m’expliquer. Deux, je fais ce que veux. Trois, j’ai envie de passer un

moment extraordinaire. Si extraordinaire que vous ne vous souviendrez de rien.

TABLEAU 32 - UNIQUEMENT SONORE - « LE PASSAGE.»

Noir.

Voix de Calypso qui chante de plus en plus haut suivi d’une lourde explosion qui se prolonge avec, en

bruit de fond, des clochettes, le chant d’un rossignol et des vagues... Ambiance exprimant un

mélange de bruits réels - klaxons - sirènes - hélicoptères et de notes surréalistes, plutôt planantes...

TABLEAU 33 - PARKING DE L’AÉROPORT CALYPSO.

Lumière progressive.

Le journaliste interroge un homme âgé en costard cravate : le directeur de l’aéroport.

LE DIRECTEUR DE L’AÉROPORT : Il y a bien eu le bruit d’une explosion provenant de l’aéroport. Nous

l’avons tous entendu. Mais aucun débris n’a été retrouvé, il n’y a eu aucune victime. Seulement une

disparition. Un seul suspect sérieux, les autres ayant été relâchés car ils n’avaient aucun lien avec lui.

C’est, je l’avoue, une affaire qui nous laisse aujourd’hui perplexe : aucune hypothèse sérieuse ne

peut être faite. Les vidéos de surveillance ayant toutes été effacées.

LE JOURNALISTE : Et toute cette eau de mer dans l’aéroport, comment vous l’expliquez ?

LE DIRECTEUR DE L’AÉROPORT : Je ne l’explique pas.

TABLEAU 34 - EXT - JOUR - PLAGE DÉSERTE - CHANT D’OISEAUX SAUVAGES.

Ulysse Junior, allongé sur une plage, ventre collé au sol, dort profondément. Une jeune femme,

debout, vêtue d’une robe blanche légère, tient un ballon rouge sous le bras, et regarde, à l’écart, le

naufragé mystérieux…

NAUSICAA (l’interpellant d’une petite voix discrète) : Hé ! Hé !

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Ulysse ne bouge pas. Elle s’approche alors de lui, lâche son ballon rouge et lui verse un peu d’eau sur

sa chevelure à l’aide d’une gourde en céramique. Il émerge peu à peu, se tourne enfin et ouvre les

yeux.

ULYSSE JUNIOR : De l’eau.

Elle colle le goulot de sa gourde aux lèvres du jeune homme. Il boit.

ULYSSE JUNIOR : J’ai froid.

NAUSICAA : Le soleil se lève, il ne va pas tarder à te réchauffer.

ULYSSE JUNIOR (réalisant qu’il est nu, gêné) : Je voudrais une serviette.

NAUSICAA : Je n’en ai pas. Mais, tiens, prends ça. (Elle enlève un gilet long très fin qui recouvre sa

robe et le lui donne.) Peut-être pourras-tu te bricoler un paréo.

ULYSSE JUNIOR : C’est gentil. (Il met le gilet autour de sa taille, improvisant effectivement un paréo.)

NAUSICAA : Tu viens d’où ?

ULYSSE JUNIOR : De très loin.

NAUSICAA : Sans bateau ?

ULYSSE JUNIOR : Sans. C’est compliqué à expliquer.

NAUSICAA : Tu dois avoir très faim si tu es venu sur cette Île à la nage (fouillant une poche). J’ai une

pomme. Tu la veux?

ULYSSE JUNIOR : Je veux bien.

Ulysse prend la pomme et fixe la belle Nausicaa.

NAUSICAA (tendant la gourde à Ulysse) : Tiens, prends-en encore.

ULYSSE JUNIOR (buvant encore quelques gorgées) : Merci. Quand je vous ai vu, je croyais que c’était

un mirage.

Elle sourit.

ULYSSE JUNIOR : Mais non, vous êtes une véritable oasis. Magnifique.

NAUSICAA (lâchant un court éclat de rire spontané) : Merci. On peut se tutoyer, non ? On a le même

âge j’ai l’impression. (Elle regarde Ulysse, son visage, son corps.) Un grand bain te fera le plus grand

bien. Avec mes copines, nous prendrons soin de toi. Nous frotterons de l’huile sur ta peau craquelée.

Notre maison de soins a très bonne réputation. Je t’y amène volontiers, si tu veux. C’est au village.

Un temps court.

ULYSSE JUNIOR : Est-ce que je suis vivant ?

NAUSICAA : Oui, tu as l’air. (Elle lui caresse la joue.) Tu sens ? Tu ne rêves pas.

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ULYSSE JUNIOR (le regard dans le vague) : J’ai perdu le bateau, l’équipage, mes repères.

NAUSICAA : Ton histoire ressemble à celle d’Ulysse.

Il croque dans la pomme et sourit.

ULYSSE JUNIOR : Je m’appelle Ulysse. Ulysse Junior.

NAUSICAA : Tu es un descendant d’Ulysse ?

ULYSSE JUNIOR : Non. Oui. En fait, je ne sais pas. Sait-on vraiment quels sont nos ancêtres ?

NAUSICAA : C’est original Ulysse Junior, comme nom. Pourquoi tes parents ont-ils voulu t’appeler

comme ça ?

Un temps.

ULYSSE JUNIOR : J’accepte ta proposition du bain. Il faudra que je reparte dans quelques jours. Tu

crois que ta famille peut m’aider à trouver un bateau ?

NAUSICAA : Tu as ta Pénélope à retrouver ?

ULYSSE JUNIOR : Je dois aller à Ithaque, oui.

NAUSICAA : Mais alors, entre toi et le légendaire Ulysse, quelle différence y a-t-il à part l’époque qui

n’est pas la même ?

ULYSSE JUNIOR : Nous ne sommes pas les mêmes. Comment t’appelles-tu ?

NAUSICAA : Je ne suis pas sûre d’avoir envie de le dire.

ULYSSE JUNIOR : Comment s’appelle cette île ?

NAUSICAA : Pourquoi devrais-je répondre à tes questions puisque tu ne réponds pas aux miennes ?

ULYSSE JUNIOR : Que veux-tu savoir exactement ?

NAUSICAA : Si Ulysse Junior, comme jadis Ulysse, est attendu à Ithaque ?

Un temps.

NAUSICAA : Je m’appelle Nausicaa. (Un temps court.) Le même nom que celle qui tomba amoureuse

d’Ulysse… Quelle étrange coïncidence, n’est-ce pas ?

Un temps.

NAUSICAA : Mais puisque tu t’appelles Ulysse Junior, peut-être qu’à la différence d’Ulysse, ton

voyage peut se terminer ici. Dans cette île. Près de moi ?

Un temps.

ULYSSE JUNIOR : Je regrette, je ne peux pas rester ici.

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Lumière qui diminue jusqu’au noir total. Un temps long.

TABLEAU 35 - EXT - JOUR - ITHAQUE- EN HAUT D’UNE FALAISE.

Noir profond. Bruits des vagues, bruit des voiles fouettées par le vent. Lumière progressive, d’une

nouvelle couleur, feutrée.

ULYSSE - ATHÉNA - ULYSSE JUNIOR.

Ulysse Junior se recueille, après avoir fait une libation en haut d’une falaise. Il fixe le ciel un long

moment. Ses poings se serrent.

ULYSSE JUNIOR : Maintenant que je suis à Ithaque, que j’y suis depuis plusieurs jours, je ne sais

toujours pas… Où se trouve Ulysse ? Et quel est ce secret - mon secret - dont tu me parles

maintenant depuis si longtemps. J’ai besoin de ton aide, j’en ai besoin parce que…

Il s’approche de la falaise, regarde tout en bas.

Si seulement, j’étais un oiseau.

Apparition D’Athéna.

ATHÉNA : Allons jeune homme, tu voudrais abandonner si près du but ? (Ulysse Junior, surpris,

repose son pied sur le sol.) Ulysse Junior. (Un temps court.) Est-ce vraiment le nom que t’ont donné

ton père et ta mère ?

Ulysse regarde Athéna, surpris par la question, sans être capable de prononcer le moindre mot.

Un bruit et une lueur étrange surviennent…

Ulysse Junior s’accroupit et reste tétanisé par ce qu’il découvre devant lui : l’apparition du légendaire

Ulysse. Celui-ci le regarde longuement puis s’approche de lui d’un pas sûr puis s’arrête. Les deux

Ulysse se dévisagent, puis, le grand Ulysse tend sa main à Ulysse Junior. Ce dernier la lui prend et se

relève.

ULYSSE (à Ulysse Junior) : Sacré phénomène. Tu te débrouilles bien pour être venu jusqu’ici sans

papiers… je suis fier de toi, de ton courage, de ta pugnacité ! Et très honoré, finalement, par le

respect que tu me portes. Je peux même te dire qu’avec toutes les épreuves que tu as endurées et la

patience dont tu as fait preuve, je trouve que tu portes bien ton nom. (Un temps court.) Mais est-ce

ton vrai nom ?

Un temps court.

ATHÉNA (à Ulysse Junior) : Tu dis - ne pas connaître ton secret , en es-tu sûr, Elias ?

Un temps court.

ULYSSE : Tu as quitté ta terre natale, c’est ta décision, tu connais tes raisons, mais pourquoi vouloir

cacher ton nom, t’inventer un personnage ? Alors, Elias ? (Un temps court.) Elias Saadag.

Un temps.

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ELIAS SAADAG : Je ne renie pas mon nom, et encore moins l’endroit d’où je viens mais, parfois,

mentir c’est se protéger et vous êtes bien placé pour le savoir, Monsieur Personne… mon surnom est

Ulysse Junior parce que, comme vous, je connais l’errance, la longue errance et ce point commun

avec vous m’a donné envie de porter votre nom. Mais nous sommes très différents : vous aviez une

terre qui vous attendait, vous, une femme, des enfants, des amis, et même des ennemis. Moi,

personne ne m’attend. Je n’ai pas de maison, nulle part où aller, je n’ai même plus de nationalité : je

suis au bout de mon périple, on dirait, et toujours… perdu. Je me disais qu’en suivant vos traces, je

trouverais peut-être... une terre d’accueil. Je me suis trompé.

Un temps court.

ULYSSE : En es-tu sûr, Elias ? (Un temps court.) Souviens-toi de ce que te disait ton père, (un temps

court) le seul guide à suivre, (il tape sa main sur son cœur) il est là.

Un temps. Lumière qui diminue progressivement. Noir.

TABLEAU 36 : EXT - JOUR L’ÎLE MYSTÉRIEUSE.

ELIAS SAADAG - NAUSICAA - KATZUMY - SANDRA - RÉMY - ALICIA – CHICO.

Lumière progressive. Nous découvrons un banquet où le vin et les rires foisonnent… Les verres

s’entrechoquent. Katzumy photographie Sandra qui tire la langue. Rémy dévore de nouveau une

cuisse de poulet. Alicia embête Rémy, à qui elle vole la cuisse pour la donner à Chico. Nausicaa et Elias

quittent la table pour faire quelques pas de danse en solo. Katzumy et Sandra les rejoignent. Rémy,

Alicia aussi. Seul Chico reste au pied de la table, inerte.

KATZUMY : Dis-moi, Elias. Il y a un truc que je voulais te demander depuis longtemps.

ELIAS : Oui, mon ami. Je t’écoute.

KATZUMY : Puisque tu ne savais pas lire… Comment as-tu eu connaissance de l’histoire d’Ulysse ?

ELIAS : Mes parents. Chaque soir, avant de m’endormir, ils m’en lisaient un extrait…

Rémy - qui est un mauvais danseur - tamponne Elias.

Un temps.

RÉMY : Tu veux que je te dise : c’est mes vacances préférées ! (Un temps court.) Il reste du

SCROUMP ?

ALICIA (tirant le coude de Rémy) : Non, il n’en reste pas, c’est l’heure de la sieste maintenant. Viens.

RÉMY : Oui, ma chérie, je vais venir, avec plaisir, laisse-moi juste terminer ma danse du solitaire :

j’adore cette chanson…

Un peu à l’écart, Sandra et Nausicaa papotent.

SANDRA (à Nausicaa) : Votre maison est vraiment magnifique mais… lorsqu’il pleut… ? Comment

vous faites ?

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NAUSICAA : Mais Sandra nous avons un toit ! Il est juste horizontal et entièrement en verre… Un

cadeau de mon père mais c’est une idée d’Elias parce que… il ne peut pas s’endormir sans voir les

étoiles…

Un temps court.

ELIAS : Nausicaa… tu viens? Je voudrais faire quelques brasses avec toi.

NAUSICAA : Pas très loin, j’espère…

Sourires complices. Ils s’en vont.

Rémy regardant Elias partir avec Nausicaa.

RÉMY : Et dire que ce jeune homme, avant de devenir mon ami, a été, sans que je le sache, l’ami de

mon camping-car… pendant plus de mille bornes! Et il a fini par me le piquer dans l’espoir d’aller à

Ithaque (un peu moqueur) sans savoir conduire… ça ne pouvait être qu’un échec.

KATZUMY (se déshabillant) : Quand on se choisit le surnom d’Ulysse, on ne peut arriver que par la

mer, non ? Un petit plongeon ?

Rémy reste sans voix, immobile, lorsqu’il découvre le maillot échancré que porte Katzumy…

KATZUMY : Tu viens ?

TABLEAU 37 - L’OLYMPE.

ZEUS - HÉRA.

ZEUS : Chérie, je te demande pardon pour mes fantasmes démoniaques. Tu sais très bien que je ne

peux pas me passer de toi. C’est toi mon sucre d’orge préféré, toi uniquement.

HÉRA : Oui mais tu n’as pas tort… finalement. C’est important de ne pas s’encrouter dans la routine.

ZEUS (surpris) : je ne veux pas que tu me trompes. Cette idée me bousille.

HÉRA : Je ne veux pas que tu me trompes non plus.

ZEUS : Je ne te tromperai pas. Je te le jure sur la tête de (réfléchissant) sur ma tête.

POSEÏDON (Off) : À table !

ZEUS (sursautant) : C’est qui ?

HÉRA : Ton frère Poséidon ! Ça fait longtemps que je ne l’avais plus vu. J’ai eu envie de l’inviter.

POSEÏDON (Off) : Fishburger maison !

HÉRA : En plus, lui, il fait la cuisine…

TABLEAU 38 - GÉNÉRIQUE DE FIN.

Inscription lumineuse : « Happy end… ».

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Suivi d’un point d’interrogation « ? »

Un temps.

Noir final.