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Cet article présente non pas une recette, mais unretour d’expérience et une réflexion sur laconduite du changement, dans le cadre de la

mise en place d’un progiciel ERP (*). Le cas de l’entre-prise Air France est utilisé ici pour illustrer et mieuxcomprendre de quelle manière les trois axes de laconduite du changement (formation, documentationet Help Desk) ont été gérés, concrètement, dans le cadrede la mise en place du module « contrôle de gestion » deSAP R/3 (**).

DÉPASSÉE, LA CONDUITE DU CHANGEMENT ?

La gestion d’un changement organisationnel est unexercice difficile (PETTIGREW, 1990) et, comme le sou-ligne Denis SEGRESTIN (2004, p. 3), « les entreprises n’enont pas fini avec les beautés et les risques du changement ».Dans le domaine des SI (***), les difficultés de change-ment et d’adaptation face à l’arrivée des TI (****)étaient principalement cristallisées par les fameux pro-

LE RÔLE DE LA CONDUITE DU CHANGEMENT DANS LE SUCCÈS D’UN« ERP » À AIR FRANCEUne grande entreprise dont on dit qu’elle réussit là où d’autres échouent,voilà qui est intéressant. Quand, en plus, il s’agit de la conduite d’unchangement organisationnel et de la compagnie Air France, on cherche àconnaître les raisons profondes de ce succès. C’est la démarche de l’auteur, qui a disséqué les étapes successives de la mise en place au sein de cettecompagnie d’un ERP, c’est-à-dire d’une refonte profonde, transversale et locale, deson mode de fonctionnement, en particulier de ses outils de gestion. Tout s’est jouédans la conduite même du changement. Qui n’aura pas estimé à sa juste valeurl’impact des futurs changements organisationnels, ni à son juste coût la phased’analyse des besoins des futurs utilisateurs, verra ruinés tous les efforts despersonnes concernées et les investissements de l’entreprise. À la lecture de l’article,on peut se demander si la chaîne de la formation n’est pas une procédure sans fin :il faudrait former ceux qui forment les responsables de la conduite du changement…

Par Redouane EL AMRANI, Professeur Systèmes d’Information, Reims Management School

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(*) ERP : Entreprise Ressources Planning. L’ERP est un progiciel centra-lisant les données et les fonctions de gestion de l’entreprise (ndlr).

(**) SAP R/3 est un progiciel de gestion de la marque SAP (ndlr).

(***) SI : Systèmes d’Information.

(****) TI : Technologies d’Information.

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giciels ERP qui font partie, ces dernières années, despuissants dispositifs d’innovation, au cœur des trans-formations dans les entreprises. Leur implantation,semée d’embûches, nécessite des mises à plat des pro-cessus, suivies de reconstructions organisationnelles.Celles-ci provoquent et accompagnent le changement,mais ne débouchent pas toujours sur les effets escomp-tés. Certaines entreprises ont eu, par exemple, la désa-gréable surprise de constater la mauvaise qualité desdonnées saisies (SAINT-LÉGER, 2004), la sous-utilisationdes fonctionnalités de l’ERP (BREHM et al., 2001), labaisse de productivité de leurs employés (MARKUS etal., 2000) et/ou une mauvaise appropriation deslogiques processus (BERETTA, 2002). L’exemple d’unéchec qui a fait le tour du monde concerne pourtantFox Meyer (SCOTT, 1999), entreprise d’un pays tech-nologiquement avancé : les États-Unis. Le point com-mun de toutes ces entreprises est la sous-estimation deschangements engendrés par les projets ERP, ce qui a eupour effet la réduction des ressources allouées à laconduite du changement (ROBEY et al., 2002).On aurait pu croire la conduite du changement enraci-née dans les pratiques managériales des entreprises,mais force est de constater qu’il y a encore des projetsSI où cette conduite est sous-estimée, voire même igno-rée. Or, changer un SI ne s’improvise pas. L’absence, oul’inadéquation, d’une stratégie de conduite du change-ment non seulement aboutira à un échec, mais créeraégalement une situation d’instabilité défavorable pourl’amélioration des performances de l’entreprise. Bienqu’ancienne et galvaudée par la littérature managériale,la question de la conduite du changement demeure à lafois essentielle et d’actualité : on pense, notamment,aux conséquences éventuelles en matière d’usage etd’appropriation des nouveaux modes de fonctionne-ment. La conduite du changement mérite bien, à cetégard, une investigation et un coup de projecteur sup-plémentaires.L’ambition de cet article est de donner quelques clésde lecture pour comprendre ce qui se joue lorsqueles entreprises abordent des projets d’évolution deleur SI. Pour cela, nous examinerons la question dela conduite du changement au travers de l’implan-tation du module « contrôle de gestion » du progi-ciel SAP au sein de la direction financière de lacompagnie Air France. Un projet qui est parvenu àatteindre les résultats escomptés, dans un paysagemarqué par un déficit de réussite : voilà qui méritebien un coup de projecteur !

PROBLÉMATIQUE ET MÉTHODOLOGIE DE RECHERCHE

L’intégration d’un SI ne se réalise pas sans changementsprofonds dans l’organisation du travail, les compé-tences des acteurs et les modes de fonctionnement de

l’entreprise. Malgré ces contraintes, la ruée des entre-prises vers ces fameux ERP ne s’est pas arrêtée (1).

Dirigeants, consultants, éditeurs : à qui la faute ?

Si on regarde de près le niveau de présence des ERPdans les entreprises, force est de constater que la quasi-totalité des grandes entreprises est équipée d’au moinsun, si ce n’est de plusieurs ERP. Du côté des PME, plusde la moitié d’entre elles ont déjà un ERP. Ces chiffresne font que confirmer leur rôle central dans l’intégra-tion des SI par les entreprises.Toutefois, cette forte présence ne leur a pas épargné descritiques venues de tous bords. Les ERP sont accusés detous les maux. La littérature managériale et scientifiquen’a pas manqué de mettre en évidence les difficultésrencontrées par un grand nombre d’entreprises quin’ont jamais atteint les niveaux de performanceescomptés (MARKUS, TANIS, 2000). Les ERP sont cer-tainement à l’origine de nombreuses situationsd’échec ; mais la responsabilité des dirigeants et desacteurs du projet n’est pas moindre. Le retour d’expé-riences des entreprises montre que, bien souvent, lesdirigeants ont sous-estimé d’emblée les changementsorganisationnels qu’allait apporter l’ERP, ou n’en ontpas perçu clairement les contours. Ils ont considéré, parexemple, que leur propre implication dans le projetn’était pas nécessaire, que la coopération avec les utili-sateurs pour définir une cible organisationnelle neposerait pas de problème, que l’instauration d’une vraiepolitique de changement était secondaire, etc.(MARKUS et al., 2000). De plus, les éditeurs nous ontfait accroire une prévisibilité totale des effets escomptés,alors que l’histoire de la gestion de projet nous a bienmontré que les imprévus et les aléas sont nombreux etque les changements organisationnels ne vont pas desoi. Par ailleurs, les consultants, sur lesquels comptaientles dirigeants pour installer l’ERP, ont souvent révélé undéficit dans la maîtrise du métier des entreprises danslesquelles ils intervenaient, ce qui rendait difficile l’éta-blissement d’un dialogue positif avec les utilisateurs.Les conséquences directes de ces problèmes de gouver-nance de l’ERP furent donc l’échec d’un certainnombre de projets, la déstabilisation de l’organisationen place et, dans certains cas extrêmes, l’éclatement del’organisation.Les entreprises ont compris trop tard que l’ERP n’estpas un simple instrument, parmi d’autres. C’est un ins-trument stratégique, qui doit être pris en comptesérieusement, car la transition vers un ERP ne se limitepas à introduire un nouvel outil de gestion. Il s’agit plu-tôt d’un nouveau mode de fonctionnement, où unevision transversale vient prendre le pas sur un fonction-

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(1) Le marché global des ERP pesait 26,7 milliards de dollars en 2004,d’après le cabinet IDC, qui table sur 36 milliards en 2008. Selon lecentre d’études AMR Research, ce marché va croître de 7 % annuelle-ment, jusqu’en 2009.

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nement traditionnellement local (ROWE et al., 2005).La période de la « bulle magique », où la simple intro-duction de l’informatique produisait des résultatsimportants, est révolue. Facilitant l’intégration de plu-sieurs départements (jusque-là indépendants dans letraitement de leurs informations) grâce au partaged’une structure modulaire autour d’une base de don-nées en temps réel, l’ERP est à l’origine de plusieurschangements. En élargissant la couverture fonction-nelle, l’ERP exige souvent une redéfinition des proces-sus de l’entreprise et en modifie, de ce fait, le mode defonctionnement et les indicateurs d’évaluation de per-formance. Les effets sur les futurs utilisateurs ne sontpas moins importants. Cette situation les incite à par-tager désormais leurs données et informations, à créerde nouvelles relations de travail et elle exige d’eux qu’ilsaient une bonne connaissance des interdépendancesorganisationnelle et technique entre les différentsmodules de l’ERP (EL AMRANI et al., 2006).Vu leur spécificité, plusieurs chercheurs se rejoignentpour différencier leur gestion des autres projets infor-matiques (DAVENPORT, 2000). À la différence des pre-mières applications spécifiques développées en interne,les ERP sont des technologies complexes, qui exigentun effort de réorganisation et de préparation assezrigoureux, et engendrent des besoins d’accompagne-ment et de formation assez importants (LEMAIRE,2003). Nous avons remarqué que le faible niveau deformation des utilisateurs est un problème récurrent etcommun à presque tous les projets ERP, qui atteignentrarement les objectifs attendus. Environ 30 à 40 %d’utilisateurs ne peuvent pas manipuler le nouveau sys-tème, en raison d’une formation déficiente (ESTEVES etal., 2002). Au-delà de la formation des futurs utilisa-teurs, obligatoire dans ce type de projet, l’accompagne-ment était réduit à quelques supports documentaires,avec une quasi-absence d’interlocuteur et d’aide enligne (COAT, FAVIER, 1999). L’articulation entre cestrois axes traditionnels de la conduite du changementse révèle très stratégique pour la réussite d’un projetERP. Or, elle a fait défaut dans beaucoup de projets.

L’immersion du chercheur dans la vie de l’entreprise

L’objectif de cet article n’est pas tant d’analyser les rai-sons d’échecs et les changements organisationnels entant que tels, que de comprendre la stratégie deconduite du changement, conçue par les acteurs duprojet autour de trois axes principaux : la formation,la documentation et l’assistance aux utilisateurs (HelpDesk). Nous avons surtout cherché à savoir commentils s’y sont pris pour mettre en œuvre cette stratégie etmaîtriser les risques liés à la mise en place d’un ERP.Nous nous appuierons sur le cas de l’entreprise AirFrance, où l’on est en présence d’une réorganisationstratégique du contrôle de gestion de la compagnie,réorganisation rendue possible par la mise en place duprogiciel SAP. Nous mettrons, enfin, en évidence le

travail d’analyse et de capitalisation réalisé sur ces dif-férentes actions.L’approche par étude de cas apparaît la plus adaptéepour accéder à la complexité de la configuration d’uneorganisation et pour capter la « réalité » d’une façonplus détaillée. Elle nous offre l’occasion d’étudier lesrelations et les événements tels qu’ils se sont déroulésdans les situations vécues par les acteurs, durant le pro-cessus d’implantation de l’ERP. Une telle approche aété possible car nous avons pu faire partie de l’équipechargée de la conduite du changement du progicielSAP, au sein du département « contrôle de gestion » àl’échelle mondiale (2).Cette recherche s’est déroulée en deux phases. Toutd’abord, après avoir suivi des formations au métier et àla technique durant le premier mois, nous avons étéaffectés à la cellule « Help Desk », chargée d’épauler lesutilisateurs lors du lancement du module « contrôle degestion » et de les aider à mieux connaître cet outil etses différentes fonctionnalités. Cette immersion dans lavie réelle d’un projet ERP était très utile pour com-prendre, déjà, le contexte dans lequel s’opérait un telchangement. Elle nous a également aidés à réduire ladépendance de notre information aux seuls propos desacteurs, et donc à accéder plus directement au vécu del’équipe projet, ainsi qu’au quotidien des tâches effec-tuées par les utilisateurs de l’ERP.Ensuite, une fois notre mission terminée, nous avonsrepris notre casquette de chercheur pour réaliser desentretiens semi-directifs avec d’autres personnes ne fai-sant pas partie de l’équipe projet. La connaissance quenous avions du contexte nous a facilité, par ailleurs,l’accès à des informations et à des documents précieux(modules de formation, comptes rendus des directions,perceptions par les personnels de l’évolution de l’orga-nisation et des relations entre les services, etc.).Nous avons rencontré 25 personnes, dont 9 membresde l’équipe projet et 14 utilisateurs du module « contrô-le de gestion » (CO) de SAP. Les entretiens se sontdéroulés à deux périodes différentes (avril-juin 2001 etjanvier 2002). La méthode d’investigation a reposé prin-cipalement sur des entretiens individuels semi-directifs,réalisés face-à-face, in situ. Ces entretiens ont été menésà partir d’une grille d’entretien préalablement définie etstructurée. Cette approche qualitative a été complétéepar l’exploitation d’un questionnaire d’évaluation de laconduite du changement, envoyé par le responsable decette cellule au personnel concerné par le contrôle degestion central : de ces 36 personnes ciblées, 18 réponsesont été obtenues.

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(2) Cette forme de participation n’est pas assimilable à une recherche-action (celle-ci se caractérisant par une relation forte avec le terrain dansla mesure où il s’agit de répondre à une demande formulée par lesacteurs d’une entreprise) dès lors qu’il n’y avait pas d’accord formel avecl’entreprise pour prendre part à la réalisation du projet en qualité dechercheur et, surtout, dans la mesure où cette démarche n’a pas débou-ché sur des propositions concrètes pour améliorer le dispositif du chan-gement.

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Nous avons consulté également les différents supportset documents réalisés tout au long du processus d’im-plantation du progiciel SAP : comptes rendus descomités opérationnels, journal interne, pages Intranetet Internet dédiées soit à l’équipe de projet, soit auxsalariés et aux différents partenaires de l’entreprise, etc.Ces différents documents nous ont permis de disposerd’informations complémentaires et de divers points devue et interprétations.

LE PROJET SAP À AIR FRANCE : DE LA GRANDECOMPAGNIE NATIONALE À LA « MAJOR »

Air France est aujourd’hui un des Grands du trans-port aérien mondial, dont les activités tournentautour de trois métiers : le transport de passagers, lefret et les services de maintenance et d’entretien aéro-nautiques. Avec plus de 70 millions de passagers etun chiffre d’affaires de plus de 21,4 milliards d’euros(exercice 2005-2006) (3), Air France occupe désor-mais la première place parmi les compagniesaériennes européennes, et confirme sa volonté depoursuivre sa stratégie de croissance. Membre fonda-teur de l’alliance SkyTeam, son rapprochement avec

la compagnie KLM, ces dernières années, s’inscritdans cet objectif.Pour se hisser au niveau de ses ambitions et accéder aurang de compagnie « Major », Air France s’est engagéedans une stratégie de simplification de son mode defonctionnement interne et de rénovation de son SI.Avec l’adoption de SAP, début 1998, Air France a déci-dé de disposer d’outils de gestion transverses et perfor-mants, lui permettant d’avoir une visibilité sur les coûtset les niveaux de performance de chaque métier. Dansle domaine comptable, l’enjeu principal était d’amélio-rer la réactivité de la compagnie en matière de traite-ments comptables, en fiabilisant les données utilisées,et de satisfaire aux obligations d’une compagnie cotéeen bourse. En parallèle, la direction des achats a expri-mé le besoin d’un SI moderne et opté pour le module« achat » de SAP. L’objectif était de permettre à la fonc-tion achat d’avoir une véritable maîtrise de ses coûts et

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Pour se hisser au niveau de ses ambitions et accéder au rang de compagnie « Major », Air France s’est engagée dans une stratégie desimplification de son mode de fonctionnement interne et de rénovation de son SI. (Transport de fret de la compagnie Air FranceCargo)

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I/SIP

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20mois de projet

59utilisateurs clés ont validé

les développements du projet

948 personnesformées aux nouveaux

outils

50 règlesde facturation interne :

d’où, une réduction de 50 % du nombre

de factures

Tableau n° 1 : Quelques chiffres autour du projet SAP CO(3) Informations publiées sur le site Internet de la compagnie (www.air-france.com)

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un management de l’ensemble de ses fournisseurs. Lacouverture fonctionnelle s’est élargie, en septembre1999, avec l’installation du module « contrôle de ges-tion » (CO) de SAP (cf. Tableau n° 1).La stratégie de déploiement retenue par l’entreprise acombiné démarche progressive (site par site) et big-bang(un module est installé en même temps en France etdans les escales et bureaux étrangers) (cf. Tableau n° 2).Chaque projet dépendait de sa direction de tutelle, res-pectant ainsi l’organisation verticale de la compagnie.Le chef de projet était issu (ce qui était logique) dumétier concerné par le déploiement de SAP. La grandemajorité des membres de l’équipe était recrutée par voieinterne. Les ressources externes, principalement dessociétés de services (des intégrateurs), étaient sélection-nées à partir d’un appel d’offre public.

La quête d’une modernité des outils de gestioninternes

Dans la dynamique des projets comptabilité etachat, le projet « refonte du contrôle de gestion »avait pour objectif de moderniser les outils decontrôle et d’améliorer la fiabilité, la traçabilité et laqualité de l’information. Les outils de gestioninternes avaient généré, jusqu’alors, beaucoup d’in-satisfactions (aucune vision prévisionnelle, unique-ment une vision des opérations réalisées), d’autantplus que la complexité des flux d’informationsallongeait les délais de production des états de ges-tion et de reporting (4). Le module CO de SAP a puremplacer cinq anciennes applications internes etcouvrir une population d’environ 1 000 utilisateurs(contrôleurs de gestion, assistants budgétaires, chefsd’escale).La mise en place de ce module était davantage fondéesur une reingénierie des processus que sur un simple

transfert des outils existants. Lancée en avril 1999, encollaboration avec une société de service externe, laremise à plat des processus s’est articulée autour dequatre chantiers :

• La boucle de gestion : le processus de boucle degestion était marqué par un décalage entre lavision à court terme (matérialisée par le budgetannuel) et les visions à moyen (plan d’actions) etlong termes (vision stratégique). Ce nouveau pro-cessus est structuré de manière à intégrer les troishorizons. Ainsi, les directions ont des objectifsannuels et pluriannuels, fixés par le comité exécu-tif ;• Les tableaux de bord : ce chantier reprend lesprincipaux indicateurs issus de SAP et des autresapplications (situation économique et financière,qualité, ponctualité, satisfaction client, etc.), afinde disposer d’une vision transverse précise et men-suelle ;• Le suivi de la performance des métiers : le suivi sefera de façon automatique à travers la productiond’un compte de résultat mensuel par métier (sousune forme standard, adoptée également par lacomptabilité et les services commerciaux) et paractivité (commercial, exploitation, commissariat,etc.) ;• La mise en place de l’outil d’Analyse du RéseauAérien (ARA) : en remplaçant l’ancien outil,l’ARA offre une vision prévisionnelle de l’écono-mie du réseau et un suivi plus fin sur des axesd’analyse supplémentaires (vols, jours de la semai-ne, types d’avions, marques, espaces « première »ou « affaires », etc.). Il permettra ainsi de disposerd’une meilleure lisibilité des coûts fixes et variables.

Après la mise en place d’une cartographie globale desbesoins, l’équipe projet s’est rendu compte du fait queSAP ne pouvait pas couvrir certains besoins du métierfret. Le recours au développement de modules spéci-fiques s’est avéré indispensable, mais toujours dansl’environnement SAP, pour ne pas créer de problèmes

Tableau n° 2 : Le calendrier des principaux projets SAP

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Comptabilité auxiliaire (SAP FI)

Comptabilité générale (SAP FI)

Gestion des Achats (SAP MM)

Contrôle de gestion (SAP CO)

Analytique industrielle (SAP CO/PP)

Ressources Humaines (SAP HR)

Date de démarrage

oct-98

juin / juillet 1999

avr-99

sept-99

sept-01

sept-01

Date de mise en service

nov-99

juil-00

avr-00

avr-01

avr-03

janv-04

Méthode de déploiement

Site par site

Big-Bang

Site par siteSegment par segment

Big-Bang

Big-Bang

Site par site

(4) Les services de contrôle de gestion et même la comptabilité devaientattendre 50 à 70 jours pour recevoir un reporting et les états de gestionsur les économies des lignes de la compagnie.

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d’interfaces. Les modules spécifiques qui ont été déve-loppés sont : module Origine & Destination (O & D)(5), module des touchées (6) et module des tonnes (7).

La stratégie de la conduite du changement : une approche par fonction

La mise en place des modules SAP a été progressive.Chaque projet a adopté une politique de conduite duchangement qui lui était propre. Il s’agissait d’analyserles impacts par population afin de déterminer lesbesoins d’accompagnement adéquats, d’identifier lesrésistances et enfin de programmer les journées de for-mation nécessaires. Les principaux efforts et ressourcesont été alloués aux formations. Les autres axes d’ac-compagnement (documentation et Help Desk) n’ontpas été oubliés, mais ils ont été l’objet de moins d’at-tention (8).La conduite du changement était considérée par le chefdu projet SAP CO comme stratégique pour la réussitede sa mission. Pour lui, elle était aussi importante quele paramétrage du progiciel et il la considérait commeun sous-projet à l’intérieur du projet global. Pouraccompagner les changements attendus, trois per-sonnes ont été affectées à cette tâche, qui ont mis enplace les actions suivantes :

• un plan de formation,• une documentation papier et en ligne accessible àtravers l’Intranet,• une assistance mise à la disposition des utilisateurs.

La préparation des formations, clé de la réussite

Le transfert des compétences et des connaissancesnécessaires à l’utilisation de l’ERP est une action capi-tale. Plusieurs recherches ont démontré le rôle décisifjoué par la formation des utilisateurs finaux dans laréussite des projets de SI (DAVIS, BOSTROM, 1993 ;OLFMAN, PITSATORN, 2000). Les caractéristiques desutilisateurs à former, le système cible, les tâches des uti-lisateurs et les caractéristiques organisationnelles sontautant de facteurs à prendre en considération dansl’établissement d’une stratégie de formation.

Toutes les recherches se rejoignent pour montrer que,sans une bonne préparation, les risques de non-appro-priation et d’échec sont importants (CARTON et al.,2002) (9). La conception et la préparation des forma-tions ont commencé très tôt dans le projet SAP CO.Les premières opérations de conception ont été réaliséespar un consultant externe (le même prestataire, déjàchargé de l’intégration de l’outil), en étroite collabora-tion avec le responsable de la conduite du changementet avec les utilisateurs clés de chaque métier. Le recoursà cette expertise externe est motivé par la volonté de lacompagnie de capitaliser sur l’expérience acquise par leconsultant dans les pratiques de mise en place au seind’autres grandes entreprises, et par la volonté d’assurerle transfert des compétences vers le centre de compé-tence interne afin de pérenniser les actions de forma-tion.La première segmentation s’est basée sur le critèremétier (passage, fret, logistique industrielle). Ensuite, àl’intérieur de chaque métier, les utilisateurs concernéspar l’utilisation des sous-modules CO, d’une part, et lesapplications spécifiques, d’autre part, ont été identifiés.L’équipe chargée de la conduite du changement a reprisce travail, qu’elle a développé plus finement en établis-sant un diagramme de flux et de processus pour définirles profils de chacun. Cette méthode a permis d’abou-tir à un plan de formation sous forme d’un tableau glo-bal présentant, en ligne, les sous-modules SAP CO, eten colonne, les différents types d’utilisateurs apparte-nant à chaque population.L’adéquation entre le contenu des formations dispenséeset les besoins, réels et quotidiens, des utilisateurs estdéterminante pour la réussite des formations (NELSON etal., 1995). Différents types d’utilisateurs induisent desniveaux de connaissance et de compétence différents, etdonc des utilisations différentes (10). Dans le contexted’un projet ERP, il est donc nécessaire d’apporter unevision à la fois locale et globale du système. L’utilisationquotidienne d’un ERP requiert une approche globale desflux d’information (approche souvent absente, absencedont l’origine se trouve dans la parcellisation des tâcheset les barrières hiérarchiques). Les utilisateurs sont, certes,intéressés par ce qui « impacte » directement leur poste

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(5) Ce module couvre une part essentielle de l’activité fret et constituel’outil de base. Il permet de définir les tonnages et les recettes parOrigine et Destination, et de calculer des postes de dépenses, tels l’assis-tance et les effectifs.

(6) Module permettant de suivre toutes les recettes et les dépenses liéesaux avions de la compagnie.

(7) Module permettant de suivre toutes les recettes et les dépenses liéesaux différentes opérations dans le métier Fret.

(8) Cette mission a été menée adéquatement dans le cadre du projet« comptabilité générale et auxiliaire ». En revanche, le projet « achat » aconnu certaines difficultés. Dès le début, il n’a pas bénéficié d’un fortsoutien de la part de la direction générale, qui s’est montrée réticente.Cette absence de soutien s’est traduite par un manque de ressourcesnécessaires à son aboutissement. Exemple de manque de ressources :l’équipe Help Desk est composée dans sa globalité d’étudiants stagiaires,il n’y a pas de personnel permanent Air France pour apporter une assistance

aux utilisateurs SAP MM. Les projets CO et FI, eux, n’ont pas eu de dif-ficultés pour disposer de ressources internes, dans la mesure où ils dépen-dent directement de la direction financière, premier initiateur du projetSAP dans la compagnie.

(9) Les principales tâches tournent autour de l’identification des besoinsdes utilisateurs, du développement des matériaux adéquats pour transfé-rer les connaissances nécessaires et de la constitution des principauxgroupes à former. L’évaluation des besoins a le mérite d’identifier lenombre d’utilisateurs à former, leurs attachements fonctionnels, lenombre et les types de formation à leur proposer, la durée de chaque ses-sion et le nombre de formateurs requis. Cette évaluation permet égale-ment d’informer, de mettre en évidence les difficultés et les pièges poten-tiels qui peuvent entraver le déroulement des formations et, enfin, deprogrammer d’éventuelles sessions spécifiques.

(10) Par exemple, l’éditeur SAP classe les utilisateurs, de « simple utilisa-teur » (chargé des opérations de saisie et de consultation) à « utilisateurfort » (celui dont les tâches sont transversales et dont la maîtrise tech-nique de l’outil est importante).

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de travail, mais ils doivent aussi comprendre les interdé-pendances qui surviennent dans le traitement des pro-cessus exécutés (ROBEY, BOUDREAU 1999). En l’absencede l’appréhension de cette réalité, les opérations que lesutilisateurs de ces systèmes doivent effectuer peuvent êtrevides de sens. Les erreurs dans la saisie et la mauvaise qua-lité des données peuvent être les conséquences d’unemauvaise appréhension des nouvelles fonctionnalités(SAINT-LÉGER, 2004).Le plan de formation a été structuré en deux parties. Lapremière concerne les formations métier. Trois stagesont été développés, à cet égard, en interne :

Stage 1 : Processus et nouvelles règles de gestiond’une entité. Cette formation était destinée à 45démultiplicateurs issus du contrôle de gestion cen-tral, du fret et du passage. Les contrôleurs de gestionavaient en charge la démultiplication, durant deuxmois, sur les entités de support. La cible était consti-tuée par les responsables budgétaires et les contrô-leurs de gestion des entités ;

Stage 2 : Principes de construction de l’Analyse duRéseau Aérien. Une vingtaine de personnes (parmiles gestionnaires de lignes, le contrôle de gestion, lemarketing et le développement) ont été formées pourdémultiplier, ensuite, auprès de leur entité (100 per-sonnes cibles) ;Stage 3 : Compte d’exploitation métier et nouveauxflux internes. Ce stage s’adresse à moins d’une ving-taine de personnes, gestionnaires des quelques presta-tions ou ressources faisant l’objet de flux internes(environ 10 jours stagiaires ont été produits).

La deuxième partie du plan concerne les forma-tions à l’outil SAP CO. Ces formations, destinéesaux contrôleurs de gestion, aux contrôleurs budgé-taires et aux responsables d’escales, étaient structu-rées par « profil métier », afin de répondre aumieux aux besoins des opérationnels. Un plan deformation de 102 sessions était étalé sur septsemaines (novembre et décembre 2000) (cf. Figuren° 1 et Tableau n° 3).

Tableau n° 3 : Nombre de jours et de sessions programmées pour la formation SAP

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Figure n° 1 : Planning des formations SAP par semaine / métier (*) Paray : Paray-Vieille-Poste (aéroport d’Orly)(**) CDG : Charles de Gaulle (aéroport de Roissy-en-France)

Paray 1(*)Sites

Paray 2Paray 3

Paray 1Paray 2

CDG 1(**)CDG 2CDG 3CDG 4CDG 5

CDG 5

CDG 6

CDG 6CDG 7

CDG 4

CDG 1CDG 2CDG 3

Métiers de l’entreprise

FretPassage exploitationPassage hors exploitationLogistique industrielleFlux internes

Nombre de jours

3,532

2,51

Nombre de sessions programmées

20, dont 3 en anglais38, dont 2 en anglais42, dont 2 en anglais

32

Semaine 49 Semaine 50 Semaine 51 Semaine 52

Semaine 45 Semaine 46 Semaine 47 Semaine 48

FretPassage hors exploitationPassage exploitationLogistique

OFFRE2680 Jours stagiaires102 Sessions

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Dans la logique du chef de projet, il était indispensablede former les utilisateurs en-dehors de leur cadre habi-tuel de travail. Il s’agissait de les sensibiliser aux effortsà consentir, de développer des interactions entre eux etl’équipe projet et, enfin, de faire adhérer les derniersrésistants ou indécis. Il fallait former, en deux mois,plus de 1 000 utilisateurs, dont 600 venaient de l’étran-ger. Un dispositif logistique très important (planningdes formations, réservation des salles de formation eninterne (11) et externe, billets d’avion, réservation deshôtels, etc.) était mis en place. Les salles et les hôtelsretenus étaient situés dans les zones aéroportuaires afinde faciliter le contact avec les correspondants se trou-vant dans les bâtiments d’Orly et de Roissy.

Les avantages des équipes de co-animation

À la différence des projets « comptabilité » et « achat »,qui ont opté pour des formations assurées exclusive-ment par des consultants externes, le projet « contrôlede gestion » a eu recours à une approche différente etoriginale. Il a choisi d’organiser, pour chaque session,une co-animation entre un consultant externe appor-tant son expertise de l’outil SAP CO et un animateurinterne d’Air France (contrôleur de gestion) donnantl’approche métier et les règles de gestion qui y sontassociées. La présence d’animateurs internes issus descontrôles de gestion (du fret, de l’exploitation passageet des escales étrangères), durant toute la durée de stage,était un vrai luxe, quand on compare aux projets pré-cédents qui péchaient par manque de ressourcesinternes. L’obtention de ces ressources n’était pas diffi-cile : les responsables des entités concernées ont com-pris l’intérêt et les avantages qu’ils pourraient tirer d’unfutur expert qui allait les aider, par la suite, lors dudémarrage dans l’exploitation de l’outil et pour la for-mation ultérieure des futurs utilisateurs.L’objectif de cette approche était de permettre aux sta-giaires d’apprendre comment utiliser les fonctionnalitésde l’outil, tout en appliquant les règles de gestion rete-nues, autrement dit, de mieux répondre aux interroga-tions « métier » des stagiaires, lors des formations« outil ».Les formations se déroulaient à Paris sur deux sites –Orly et Roissy –, soit dans des salles de formationinternes à la compagnie, soit dans des salles externes,louées auprès d’autres prestataires. Les stagiaires y ontsuivi un tronc commun correspondant à la saisie bud-gétaire, puis, suivant la spécificité des métiers, des for-mations plus ciblées y ont été programmées (parexemple, pour les personnes issues de la logistiqueindustrielle ou du fret).Les formations se sont focalisées sur l’utilisation del’outil SAP, passant en revue toutes ses fonctionnalités.

Le consultant externe démarrait la session par une pré-sentation des objectifs et du contexte du projet SAP,avant d’exposer les fonctionnalités de SAP et sa logiquede fonctionnement. Par exemple, étaient expliqués : lanavigation dans SAP, la procédure de connexion, lesdifférents types d’écrans, la façon de naviguer d’unécran à un autre, etc. Ces étapes paraissent banales,mais elles se révèlent indispensables pour des utilisa-teurs qui passent d’un environnement « mainframe » àun environnement « client-serveur ». La suite des ses-sions traitait des autres transactions/métier telles que lasaisie du budget et les opérations de modification, deconsultation, de validation et d’édition, la gestion desflux internes, l’utilisation des devises, etc. Chaque étapeétait ponctuée par des exercices concrets tirés des scé-narios de tests et des jeux de données fonctionnels réa-lisés par les utilisateurs clés et les consultants externes.

Des manuels « minimalistes » et une documentationen ligne constamment adaptée

L’action de formation reste insuffisante pour assurer letransfert d’information et de connaissances lorsqu’ils’agit de l’intégration d’un ERP : d’autres actions desupport sont nécessaires. La documentation en est unecomposante principale. Une bonne politique docu-mentaire est celle dont le contenu est explicite, pra-tique, compréhensible et adapté au contexte opération-nel de l’entreprise (DREUZY, AKOKA, 1996). Ladocumentation à distribuer aux utilisateurs finaux,appelée « manuel utilisateur », doit être proche de leurvécu et surtout ne doit pas trop s’étendre sur les aspectstechniques standards, qui risqueraient de bloquer leurenvie d’apprentissage (HSU, TUROFF, 2002).L’utilisateur final, accaparé et stressé par les différentschangements, est incapable d’apprendre tout seul, sansl’aide d’un contenu de formation et d’une documenta-tion adaptés à son vécu quotidien. L’équilibre est àtrouver entre les attentes des futurs utilisateurs et lesconnaissances qu’il faut transmettre. L’approche« minimaliste », qui consiste à documenter les utilisa-teurs sur le travail à faire en allant à l’essentiel (tâches àaccomplir, chemin critique, vocabulaire technique pré-cis, etc.), a prouvé son efficacité par rapport auxmanuels standards (LAZONDER, VAN DER MEIJ, 1993).Durant les formations au module CO de SAP, les sta-giaires étaient munis d’un support papier « manuel uti-lisateur » leur permettant de suivre la formation. La réa-lisation de ces supports s’est appuyée largement sur lesdocuments de travail et sur les comptes rendus desconsultants chargés de la conception détaillée du pro-jet. Au-delà de la documentation papier remise aux sta-giaires, une documentation électronique SAP, dévelop-pée sur les bases du logiciel Lotus Notes, a été mise enplace. Elle était constamment améliorée et mise à joursuivant les besoins et les « spécificités métier » de lacompagnie, en tenant compte des évolutions des règlesde gestion. L’objectif était de faciliter l’accès aux bonnes

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(11) 11 salles de formation ont été construites pour le projet SAP et ontdemandé un investissement d’équipement de 81 ordinateurs et de 21projecteurs vidéo d’un coût de 3 500 € l’unité.

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informations, au bon moment et sous la forme adé-quate pour que les utilisateurs mènent à bien leurstâches quotidiennes sous SAP. Cette aide en ligne estdirectement accessible sur le poste de travail, à partir del’Intranet ; elle porte sur des informations d’ordre géné-ral (il s’agit d’une aide concernant les transactions effec-tuées par chaque profil d’utilisateur, ainsi que dediverses règles de gestion). Un développement spéci-fique a été réalisé, permettant de créer un lien direct etinstantané entre SAP et la transaction en cours.

Les bonnes méthodes de l’équipe du Help Desk

L’assistance aux utilisateurs, à travers la mise en placed’un Help Desk, est un autre moyen de support, quijoue un rôle important dans la bonne utilisation desTI (HECKMAN,GUSKEY, 1995).Connu sous dif-férents noms(centre d’infor-mation, hotline,centre d’appel,etc.), ce systèmea été conçu avecplusieurs objec-tifs : aider lesutilisateurs àrésoudre leursproblèmes ; leurpermettre deconnaître lesdernières infor-mations sur lesTI qu’ils utili-sent ; obtenir lesnouvelles fonc-t i o n n a l i t é s ;optimiser leurfonctionnement (Clergeau, Rowe, 2005). Cetteaction de support est de plus en plus courante dans lesgrandes entreprises, qui l’utilisent comme un levierdans leur politique de gestion de la qualité (12).Pour assister les utilisateurs de SAP CO durant la pério-de de saisie du budget, une équipe Help Desk de quatrepersonnes, bien formées à l’utilisation du module CO,était mise en place. Organisée sous la forme d’un pla-teau voisin des bureaux de l’équipe projet, l’assistanceétait principalement apportée par téléphone et par mes-sagerie électronique. Les sollicitations portaient à la foissur l’utilisation de l’outil SAP (13) et sur les règles degestion appliquées au métier. Ces dernières demandesétaient orientées vers les contrôleurs de gestion chargés

de la démultiplication de ces règles. En raison du déca-lage horaire avec les zones Amérique et Asie, les pro-blèmes émanant de ces régions étaient traités par mes-sagerie électronique. À chaque appel correspondait unefiche électronique, sur laquelle différentes cases étaientrenseignées, déterminant l’origine et la nature du pro-blème, les solutions apportées, etc. Les anomalies tech-niques et les problèmes plus difficiles étaient enregistréset redirigés vers l’équipe projet chargée de les résoudreet d’apporter les solutions nécessaires.Une solution d’entretien des connaissances destinée auxpremiers stagiaires a été mise en place. L’équipe projet amis à leur disposition un environnement test, qui leur apermis de pratiquer les différentes transactions et d’appli-quer les séries d’exercices proposées par leur documentde formation. En parallèle, un forum sous logiciel Lotus

Notes était ouvertet mis à la dis-position des uti-lisateurs, leur per-mettant de dépo-ser leurs ques-tions et d’échan-ger leurs connais-sances au sujet dufonctionnementde SAP. Cette ini-tiative n’a pasabouti, car les uti-lisateurs ne s’y ré-féraient pas assezsouvent. Enfin,une structure pé-renne du HelpDesk a été mise enplace, sous la res-ponsabilité ducentre de compé-tences, regrou-

pant des ressources des projets « comptabilité » et« contrôle de gestion ».

ÉVALUER LA CONDUITE DU CHANGEMENT,C’EST MIEUX COMPRENDRE LES CAUSES DE SA RÉUSSITE, OU DE SON ÉCHEC

Avant la fin du projet SAP CO, avec le responsable dela conduite du changement, nous avons engagé uneévaluation des différents axes de la conduite du chan-gement (formation, documentation et Help Desk).Nous avons exploité plusieurs sources :

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L’assistance aux utilisateurs, à travers la mise en place d’un Help Desk, est un autremoyen de support qui joue un rôle important dans la bonne utilisation desTechnologies d’Information.

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(12) Le Help Desk peut être implanté au sein de l’entreprise et géré (par-tiellement ou totalement) par une équipe interne. Il peut aussi être exter-nalisé, partiellement ou dans sa totalité. La durée de vie d’un Help Deskvarie suivant la politique de l’entreprise en matière de TI.

(13) Comment enregistrer les données dans SAP ? Comment accéder àl’écran suivant ou aux schémas de budgétisation ? etc.

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• Un questionnaire d’appréciation des méthodes etdes outils mis en place, envoyé aux responsables deservices de contrôle de gestion ;• Les formulaires d’évaluation des formations dumodule SAP CO ;• Les données enregistrées dans la base de données deHelp Desk.

Cette évaluation a permis à l’entreprise d’apprécier leniveau d’appropriation de l’outil et des différents chan-gements et de corriger, éventuellement, les quelquesanomalies de fonctionnement relevées par les acteurssur le terrain. Cette action est très importante, car ellepermet à l’entreprise de stabiliser rapidement l’outil etde commencer à envisager une meilleure productivité.

Les changements de règles de gestion

Concernant la boucle de gestion, l’appréciation del’articulation entre long, moyen et court termesétait mitigée (cf. Figure n° 2). Ce résultat est com-préhensible : au moment de cette évaluation, lesutilisateurs n’avaient pas suffisamment d’expériencepour juger l’efficacité réelle de la boucle de gestionet évaluer les changements et leur concrétisationdans le système SAP. Cette articulation est globale-ment bien accueillie, car elle permet d’anticiper lecadrage budgétaire grâce à ce nouvel outil structuré,et de l’inscrire dans une cohérence vitale à moyen etlong termes.

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Ce succès est le fruit d’une bonne préparation, en amont. Le contenu des formations étaitadapté à tous les niveaux, avec quelquefois des sessions spécifiques.

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Un entretien avec un responsable financier, un an etdemi après les premières utilisations, nous a montré clai-rement comment s’effectue cette articulation de laboucle de gestion. Pour ce responsable, l’adoption deSAP a aidé l’entreprise à se rapprocher d’une gestion dela compagnie à l’anglo-saxonne. Il s’agit de définir uneVision Stratégique Corporate (VSC), ce qui correspond àun horizon de cinq ans. Son contenu trace les contoursde la situation de la compagnie en termes d’indicateursd’activité, de performance, de qualité de service, d’effec-tif, de nombre de vols, de plan de flotte, etc. La nou-veauté vient de son articulation avec une autre vision àmoyen terme (trois ans), enrichie et plus approfondie,elle-même liée à une vision à court terme (un an), quiest celle du budget. Cette VSC n’est pas une vision uni-quement financière de la boucle de gestion : elle englo-be également des questions comme le changement, ounon, de l’uniforme des hôtesses et des pilotes, l’achatd’un nouvel avion A-380, son affectation, le remplace-ment des sièges des cabines des classes « affaires » et

« business » pour les mettre aux normes internationales,etc.

La formation et la documentation SAP CO

Le déroulement des séances de formation était appréciépar la quasi-majorité des stagiaires. À la fin de chaquesession, les stagiaires répondaient à un questionnaired’évaluation (cf. Figure n° 3). La synthèse était saisie, lesoir même, par les formateurs sur le logiciel LotusNotes. Ceci permettait de suivre en temps réel l’évolu-tion des formations, ce qui offrait la possibilité des’adapter et de réagir d’autant plus rapidement. Ce suivia révélé, durant les premières semaines d’animation, unegrande satisfaction chez les stagiaires quant au contenudes formations, à la co-animation mise en place et à ladocumentation qui leur était remise. Ce succès est lefruit d’une bonne préparation, en amont. Le contenudes formations était adapté à tous les niveaux, avec quel-quefois des sessions spécifiques. De plus, les utilisateurs

Figure n° 2 : Appréciations sur la boucle de gestion

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Figure n° 3 : Appréciations sur la formation, la documentation et le Help Desk

Communication

Doc. papier

Doc. online

Form. métiers

Form. SAP CO

Form. TdB

Help Desk Accueil

HelpDesk Resolution

MoyenInsatisfaitTrès insatisfaitSatisfaitTrès satisfait

-40% -20% 0% 20% 40% 60% 80% 100%

-80% -60% -40% -20% 0% 20% 40% 60% 80%

Boucle de gestion

Vision strat./CMT

CMT/Budget

MoyenInsatisfaitTrès insatisfaitSatisfaitTrès satisfait

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ont fortement apprécié la présence d’un contrôleur degestion, lors de ces sessions de formation. Ses explica-tions ont aidé les utilisateurs à mieux comprendre l’arti-culation nécessaire entre les nouvelles règles de gestionet les procédures opérationnelles dans SAP. Les appré-ciations sur le rythme des stages étaient contrastées.Alors que certains trouvaient le rythme assez rapide,d’autres remarquaient que la durée était longue, pourdes fonctionnalités et des transactions faciles à mettre enœuvre. Mais la formation leur a permis à tous, globale-ment, d’être capables d’utiliser le système, sans avoir for-cément recours à la documentation. Cette documenta-tion, dont ils ont apprécié la qualité, les a aidés, enréduisant leur effort d’apprentissage.

L’outil SAP CO

Le changement apporté par SAP CO aux anciens outilsde contrôle de gestion n’a pas entraîné de nostalgie.Seules, quelques déceptions sont apparues, concernantla lourdeur des états de reporting, les temps de réponsenécessaires à l’obtention desdits états et quelques pro-blèmes de mauvais paramétrage. Certaines réserves ontété exprimées, également, concernant les modules spé-cifiques « touchées » et « tonnes », et d’autres fonction-nalités qui étaient encore incomplètement (ou mal)paramétrées (cf. Figure n° 4). Le centre de compétencequi a récupéré la maintenance de SAP a amélioré letemps de réponse du système, en agissant sur les tech-niques de requêtes des utilisateurs et en créant des étatsstandards, réduisant ainsi le temps de traitement desrequêtes spécifiques.

Le Help Desk

Le Help Desk a traité 1 370 appels en trois mois. Ila enregistré plus de 200 appels les deux premiersjours, pour atteindre au cours des semainessuivantes un régime de croisière d’environ30 appels quotidiens, essentiellement sur desquestions d’utilisation d’outils (cf. Tableau n° 4).Malgré les formations dont avait bénéficiél’équipe Help Desk, celle-ci s’est trouvée bloquéeface à des situations qu’elle ne pouvait pasgérer sans une aide extérieure technique. Parexemple, l’équipe était incapable de résoudre desproblèmes d’habilitation, qui se sont posés dès lespremiers jours. L’intervention des équipes tech-niques, en amont, était nécessaire pour débloquerla situation.Les appels vers le Help Desk SAP CO ont évolué, àmesure que le niveau d’utilisation de SAP par lescontrôleurs de gestion et les assistants budgétairesprogressait. Durant la première semaine, ces appelsportaient sur les problèmes de connexion et d’ha-bilitation dans SAP. La partie concernant la ges-tion des habilitations, c’est-à-dire la définition despérimètres d’autorisations dans SAP, a été réaliséeune semaine, seulement, avant le déploiementfinal. Résultat : plus de 50 % de la populationconcernée s’est trouvée bloquée au moment de lasaisie du budget. Une solution – provisoire – étaitalors retenue : un mot de passe temporaire per-mettant de saisir les budgets, avant de dédier lagestion de ce périmètre à une personne du serviceinformatique.

Figure n° 4 : Appréciations de l’application SAP CO

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SAP/DBI

Ergonomie

Saisie budget

Touchées

Form. SAP CO

Report

Cycles

Habilitations

Tps de réponse

MoyenInsatisfaitTrès insatisfaitSatisfaitTrès satisfait

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Toujours perfectible, la conduite du changement est une approche sur-mesure

Les utilisateurs avaient, finalement, une impression glo-bale positive du projet et appréciaient l’utilité de cechangement « métier et outil » (cf. Figure n° 5).

Lorsqu’on leur demandait s’ils seraient capables d’utili-ser le nouveau système, une fois retournés dans leursservices, avec ou sans documentation, les réponsesétaient majoritairement très encourageantes. Celaprouvait que les efforts de formation et de documenta-tion avaient produit des résultats probants. Les objectifsétaient globalement atteints.Cependant, bien que les utilisateurs finaux aient appré-cié les sessions de formation, quelques points faiblesétaient relevés. Tout d’abord, l’objectif de démultiplica-tion des formations métier n’était pas atteint, en termede volume. Pour pallier cette lacune, les contrôleurs degestion ont procédé à des formations informelles (deuxà trois heures de discussion), mais les utilisateurs ne lesont pas identifiées comme étant des opérations de for-mation. Ensuite, les exercices étaient insuffisants et netraitaient pas toutes les figures de gestion. Durant lesformations, l’outil SAP de démonstration n’était pascomplètement paramétré : certaines transactions

n’étaient pas opérationnelles (édition des états) et cer-taines références de produits, avions et escales étaientcarrément absentes. Enfin, la communication n’a pasété suffisamment réactive. Elle s’est limitée aux sup-ports institutionnels : journal interne et messagerieélectronique (14).

CONCLUSION

Comme le souligne BESSON (1999), le déploiement desprojets ERP implique à la fois des transformations depostes et de qualifications, et des transformations deprocessus organisationnels. Ces bouleversementsengendrent une déstabilisation organisationnelle et unniveau de conflictualité extraordinaire, qui nécessitentune vraie stratégie d’accompagnement du changement.La conduite du changement appliquée dans ce projet etles actions de support qui ont suivi ont engendré unevision positive du processus chez les utilisateurs et per-mis de répondre à leurs interrogations. Le point fort decette approche reste la meilleure combinaison et la

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Nombre d’appels des utilisateurs

Reçus par semaine

Transmis à Hot Line AF

Transmis à la maintenance

Max. journalier

Min. journalier

Sem02

355

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118

102

30

Sem03

151

8

21

39

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Sem04

170

4

15

45

23

Sem05

121

5

33

31

17

Sem06

138

2

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22

Sem07

161

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84

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Sem10

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Sem12

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2

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Cumul desappelsreçus

1 369

53

236

Tableau n° 4 : Répartition des appels au Help Desk

Figure n° 5 : Appréciation globale de la conduite du changement

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Seriez-vouscapables de…

NonOui, avec doc.Oui

Impression globale

Utilité

Naviguer dans SAP

Saisir le budget

Éditer des états

UtiliserTouchées et tonnes

Utiliser O&D

(14) SAP News, un message électronique, était envoyé régulièrement, viaune liste de diffusion, pour informer les utilisateurs du déroulement duprojet et des dates importantes (de formation, par exemple).

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meilleure articulation possibles des trois axes : forma-tion, documentation et Help Desk. La place et le poidsde la formation étaient stratégiques, dans ce processusd’accompagnement. Les autres facteurs sont venus étof-fer cet effort. Cette articulation n’était pas statique ; elleétait plutôt dynamique et s’inscrivait dans un processusglobal de refonte du SI dans le domaine du contrôle degestion. Elle a apporté au moins deux avantages impor-tants :

• Elle a aidé les utilisateurs à acquérir les nouvellesrègles de gestion et les connaissances concernant SAP,avant que celui-ci soit opérationnel ; ainsi, l’incerti-tude a été réduite et les objectifs du projet ont étémieux compris ;• Elle a créé un sentiment d’appartenance chez lesutilisateurs, en dissipant leur appréhension de voirdisparaître leur poste de travail, et elle a réduit ainsile sentiment de cloisonnement.

Par ailleurs, les recherches qui portent sur les ERP sou-lignent toutes l’importance du choix des points forts dela formation : celle-ci doit non pas se focaliser sur lesaspects techniques, mais bien, plutôt, faire apparaître lelien avec les processus de l’entreprise (Beretta, 2002).Ce lien a été mis en évidence, dans le projet SAP CO,par les contrôleurs de gestion issus des métiers d’AirFrance. D’ailleurs, quand on demande aux chefs deprojet ce qu’ils auraient fait différemment de la procé-dure offerte, la plupart répondent qu’ils auraient pro-posé et programmé plus de formation sur la façon dontle système allait modifier les processus de l’entreprise.Enfin, à la lumière de ce projet et de la littérature SI(NAH et al., 2001), nous voudrions attirer l’attention deceux qui sont concernés par des projets ER, sur cinqautres points importants :

• L’adhésion du personnel. Sans adhésion, l’échecd’un projet ERP est garanti car le progiciel n’a d’in-térêt que s’il est alimenté, maîtrisé, optimisé et pilotépar les utilisateurs eux-mêmes. Autrement dit : il seradésintégré par leurs pratiques quotidiennes formelles(utilisation basique des fonctionnalités de l’ERP) etinformelles (recours à Excel), s’il n’est pas accepté. Laréussite d’un projet ERP dépend donc de la capacitéde la direction à faire accepter une nouvelle façon detravailler, tout en augmentant le capital « confiance »des utilisateurs vis-à-vis de la nouvelle solution. C’estle pari que doivent gagner la plupart des entreprises,même si la mise en place se fait souvent dans la dou-leur ;• La sélection des formateurs. Vu l’absence de res-sources compétentes en interne, il était logique quel’entreprise les recherche auprès de sociétés offrant lesservices d’« intégrateurs ». Ceux-ci proposaient, sou-vent, des consultants juniors qui manquaient d’expé-rience, et cela s’est ressenti sur la structuration et ledéroulement des sessions. Les formateurs devraient

être des experts des processus qu’ils enseignent ; ilsdoivent être capables d’identifier et de comprendreles niveaux d’interdépendance entre les processus del’entreprise et ceux de l’outil. Le recours à une straté-gie de co-animation était une bonne solution pourcontourner ce problème ;• Le coût de la conduite du changement. C’est lecoût de la réussite. Un grand nombre de responsablesdes projets ERP a réduit, à tort, la phase d’analyse desbesoins des futurs utilisateurs, étant davantage préoc-cupé par les coûts engendrés que par l’utilité de cetteanalyse. Cette contrainte de coût était absente dans lecadre du projet SAP CO, où la conduite du change-ment a pu représenter 12 % du coût global. Les res-ponsables du projet ont su identifier la formationcomme un facteur essentiel de réussite ;• L’indispensable équipement en matériel informa-tique. Il faut trouver un bon équilibre entre la docu-mentation électronique et les supports papier.Certaines escales d’Air France, surtout en Afriquecentrale, étaient sous-équipées en matériel informa-tique, ce qui les empêchait de consulter régulière-ment les supports électroniques ;• La capacité de pérenniser les actions de formationen interne, pour les futurs recrutés, et de prolonger leHelp Desk pour pouvoir suivre les évolutions des ver-sions successives de SAP. Dans ce domaine, le rôled’un centre de compétences, en interne, s’avère parti-culièrement stratégique.

Anticiper l’impact des bouleversements, ajuster lesmodèles de formation : la conduite du changementdépend vraiment de l’appréciation qu’en ont leshommes. C’est une raison supplémentaire pour conce-voir la gestion des organisations comme une dimensionessentielle de l’évolution de la société.

BIBLIOGRAPHIE

BERETTA (S.), « Unleashing the integration potential ofERP systems. The role of process-based performancemeasurement systems », Business Process ManagementJournal, 8 (3) : 254-277, 2002.BESSON (P.), « Les ERP à l’épreuve de l’organisation »,Systèmes d’Information et Management, 4 (4) : 21-52,1999.BREHM (L.), HEINZL (A.) et MARKUS (M. L.),« Tailoring ERP systems : a spectrum of choices andtheir implications », Proceedings of the 34th HawaiiInternational Conference on System Sciences, 2001.CARTON (S.), CLÉDY (J.L.) et DAHAB (D.), « Dé-ploiement, formation et impacts organisationnels des sys-tèmes d’information », in Faire de la recherche en Systèmesd’Information, Rowe & Reix (ed.) : 285-297, 2002.CLERGEAU (C.) et ROWE (F.), « Caractérisation des dis-positifs d’interdépendance organisationnelle et mutua-

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