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Droits administratif & constitutionnel•Coupd’oeilsurledécretJADE•Faut-iljugerlesjuges?

Droit international & européen• L’absencedequalificationd’aided’Etatencasd’activitépurementlocaledanslesecteurculturel• Ententeenmatièrebancaire,laCommissioneuropéennefaitlescomptes• LaguerrecontreladrogueauxPhilippines:aspectsdedroitinternational

Droit public des affaires•Disparitiondel’évaluationpréalabledanslesmarchéspublics,çasentleSapinII

Droit des collectivités territoriales, finances publiques et fonction publique•LeMaire,leterroristeetlefossoyeur,chroniqued’unejurisprudencequin’existerapas

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En droit, la chair est tendre : l’emprise du droit sur les corpsAnthropologie juridique

Comment définir la santé ?Droit de la santé

La «Jungle de Calais», zone d’intégration ou zone de non-droit ?Droit des réfugiés

La laïcité turque : un modèle autoritaire à l’épreuve du contrôle de la Cour Européenne des Droits de l’Homme

Libertés fondamentales

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Olga Mamoudy, Maitre de conférences à l’Université Paris Sud et Co-Directrice du Master II Droit Public Recherche et Concours

Thomas Houdusse, Etudiant en Master II Droit Public Recherche et Concours

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L’humeur de Cornichon nucléaire

Consommation d’alcool et droit public

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Coup d’œil sur le décret JADE

Selon Jean-Marc Sauvé, vice-président duConseil d’État, la justice administrative en Francefait aujourd’hui face à deux défis qui sont, d’une part,la croissance régulière et continue du contentieuxadministratif – en l’occurrence, ce contentieuxaugmente de 6% chaque année depuis 40 ans – et,d’autre part, l’amélioration de l’accès à la justiceadministrative par le justiciable1. Durant ces dernièresannées, l’augmentation du taux d’enregistrement desrequêtes s’explique notamment par le fait que deplus en plus de contentieux sont attribués au jugeadministratif, en particulier les contentieux sociauxrelatifsaurevenudesolidaritéactive(RSA)ouencoreaudroitaulogementopposable(DALO). Le décret n° 2016-1480 du 2 novembre 2016 portant modification du Code de justice administrative,dit décret « JADE » pour « justice administrative dedemain », dont les dispositions modifiant la partierèglementaireduCodedejusticeadministrativesontenvigueurdepuisle1erjanvier2017,présenteunobjectifmajeur, partagé par toutes les réformes en matièrede contentieux administratif, de simplifier les tâchesqui incombent au juge administratif. Le Conseil d’Étatindique dans un communiqué du 4 novembre 2016que« [cetteréforme]comporte d’importantes évolutions procédurales destinées à accélérer le traitement de certaines requêtes, à renforcer les conditions d’accès au juge, à dynamiser l’instruction et à adapter l’organisation et le fonctionnement des juridictions administratives à de nouveaux défis »2.

Sans être parfaitement exhaustif, il est possible derelever plusieurs grandes séries de mesures. SelonCamille Broyelle, professeur à l’Université Paris IIPanthéon-Assas, «  le décret traite principalement de trois moments contentieux : celui qui précède le procès, afin de rationaliser l’accès au juge ; celui qui devance l’instruction, pour en faire l’économie ; enfin le moment de l’instruction, afin de discipliner les débats »3.

Lesmesuresrelativesàl’accèsaujuge :

• Ilyaunevolontédefavoriserlesmodesalternatifsderèglementdeslitiges :silejugepeutmissionnerun expert, ce dernier peut demander à êtremédiateur.

• L’obligation de la liaison du contentieux a étéélargie,enparticulierauxlitigesdetravauxpublicsetdanslecadredelitigesindemnitaires.

• L’exigence d’une décision expresse de rejet pour

1 - J.-M. SAUVÉ, «  Perspectives sur la justice administrative »,discoursprononcéle6octobre2014lorsdel’audiencesolennellederentréedelacouradministratived’appeletdutribunaladministratifdeVersailles.2 - C.E., «  Parution du décret dit “Justice administrative de demain”portantmodificationduCodedejusticeadministrative »,communiquédu4novembre2016.3-C.BROYELLE,« Lesrécentesréformesducontentieuxadministratif:ledécretJADEdu2novembre2016 »,Gaz. Pal.,3janv.2017,n°1.

faire courir le délai de recours contentieux dansle cadre d’un recours en plein contentieux a étésupprimée.

• Le montant maximum de l’amende pour recoursabusifaétéfortementaugmenté,passantde3.000à10.000euros.

• La dispense de ministère d’avocat est désormaissupprimée pour les litiges de travaux publicset d’occupation domaniale, et en appel pourles recours en excès de pouvoir en matière defonction publique. En revanche, cette dispense aétéétendueàl’ensembledescontentieuxsociaux.

• Enmatièreprécontractuelle,contractuelleetquasi-contractuelle, le tribunal administratif compétentest celui dans lequel se trouve le lieu prévu pourl’exécutionducontrat.

Lesmesuresrelativesàl’économiedel’instruction:

• Lesrequêtesenappeletlespourvoisencassationdirigéscontredesdécisionsrenduesenappelquisont« manifestementdépourvusdefondement »peuvent être rejetés par voie d’ordonnance etce, quel que soit le type de contentieux – avantle décret JADE, ce n’était possible que pour lesobligationsdequitterleterritoirefrançais.

• Pour les litigesrelatifsaupaiementd’unesommed’argent, la formation d’un recours préalable enindemnisation avant de saisir le juge administratifest désormais imposée  : le juge ne peut plusprocéder à une régularisation en cours d’instanceet,àdéfautd’untelrecours,rejettelarequêteparvoied’ordonnance.

Lesmesuresrelativesàl’instruction :

• Lacristallisationdesmoyens,quiétaitdéjàprévuepour le contentieux de l’urbanisme, est élargie àl’ensemble du contentieux administratif  : le jugeadministratifpeutfixerparordonnanceunedateàpartir de laquelle il n’est plus possible d’invoquerdenouveauxmoyens.

• Le juge administratif a la possibilité de demanderaux parties de reprendre les conclusions et lesmoyensprésentésdanslecadredel’instancedansunmémoirerécapitulatif.Le jugepeutégalementfixerundélaiàl’issueduquellapartieestréputées’être désistée si elle ne produit pas ce mémoirerécapitulatif.

• Il y a désormais une nouvelle hypothèse dedésistement d’office  qui est la perte d’intérêt dela requête. Le juge administratif peut en ce sensdemander à ce que le requérant confirme lemaintiendesesconclusions.Au-delàd’uncertaindélai (nécessairement inférieur à un mois), il estréputés’êtredésistélecaséchéant.

• Aprèslaclôturedel’instructionetsanslarouvrir,lejugeadministratifpeutinviterlespartiesàproduire

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Droits administratif & constitutionnel

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diversespièces.S’ilyaréouverturedel’instruction,ledébatcontradictoireporterauniquementsurlesélémentsquiontprovoquécetteréouverture.

Lesmesuresrelativesauxcontentieuxsériels :

• Les décisions des CAA peuvent désormaisconstituer des têtes de séries, ce qui est trèsimportantnotammentpourlescontentieuxlocaux.Il faut savoir que les séries sont des recoursrépétitifsappelantlamêmeréponsecontentieuse :sur le fondement d’un arrêt dit «  tête de série  »,celuiquiauseindelasériecomporteleplusgrandnombredepointsdedroitàtrancher,lejugeestenmesure de statuer sur toutes les autres requêtespar voie d’ordonnance. Jusque-là, le tribunaladministratif ne pouvait se servir que de l’une desespropresdécisionsoud’unedécisionduConseil

d’Étatcommetêtedesérie. Cette réforme fraîchement en vigueur depuispeu fait déjà l’objet de débats au sein de la doctrine.PaulCassia,professeuràl’UniversitéParisIPanthéon-Sorbonne,ditàproposdudécretJADEque« leservicepublicdelajusticeadministrative,[s’ilestfait]pourlejusticiableselonJeanRivero,[l’est]pourlesmagistratsdésormais  »4. Camille Broyelle, quant à elle, estimequ’au contraire, il faut «  recentrer le juge sur le cœurdesonoffice»etledécretJADEparticipeencesensà« [laprotectiondumétier]demagistratadministratifdes atteintes que lui porte l’attribution par la loi denouveauxlitiges »5.

Nathalie MARIAPPA

4-P.CASSIA,« L’inquiétantejusticeadministrativededemain »,D.,2016,p.2475.5-C.BROYELLE,op. cit.

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Faut-il juger les juges ?

Le 5 décembre dernier, à la veille de sondépart de Matignon, Manuel Valls signait le décretinstituant l’Inspection Générale de laJustice (IGJ)1. Lamesure n’a pas manqué de susciter un tollé au seindu monde judiciaire. Dans un contexte de tensionsrécurrentes entre le monde politique et le mondejudiciaire,l’extensiondecettemissiond’inspectionàlaCourdecassationaétéperçuecommeuneatteinteàlaséparationdespouvoirs.

Alors, mise sous tutelle de l’autorité judiciaire ounécessaireévolutiondesrelationsentrelescitoyensetleservicepublicdelajustice ?

Une situation antérieure insatisfaisante

L’ancêtre de l’IGJ, pour ses missions à l’égard desjuridictions, l’inspection générale des servicesjudiciaires était compétente à l’égard des juridictionsdepremièreinstanceetd’appel.Aussi,l’exercicedesesmissionsdecontrôle,d’auditetdeconseilnesemblentpasavoir, jusqu’ici, troublé lefonctionnementrégulierdesjuridictions.

S’agissantdelaCourdecassation,elleétaitelle-mêmecompétente pour ces missions. En effet, dans sonrapport annuel, la Cour traite de son fonctionnement.Si les garanties statutaires des magistrats apportentune crédibilité à leurs paroles, on peut craindre lerisqued’unentre-soidanscegenrededémarche.Or,la justice est rendue au nom du peuple français, qui,au demeurant, bénéfice d’un droit de regard sur lefonctionnementdechacundesservicespublicsautitredel’article15delaDéclarationdesDroitsdel’HommeetduCitoyen(DDHC).

L’erreur d’une Inspection ministérielle

1-Décretn°2016-1675du5décembre2016.

Dans le contexte actuel de tensions entre le mondepolitique2 et le monde judiciaire, le choix d’uneinspection placée sous la tutelle du Ministre de laJustice apparaît discutable. En effet, ce n’est pasl’inféodation de ses agents au ministre qui posequestion,lecorpsd’inspectionestcomposéenpartiedemagistratsetdefonctionnairesdescorpsdegreffe,pénitentiaireetdelaprotectionjudiciairedelajeunesse.Laplusgrandedifficultérésidedanslefaitquec’estaupouvoirexécutifquel’autoritéjudiciaireauraitàrendrecompte.Lepouvoirexécutif,partiellementresponsableetredevabledevantleParlement,seraitpluslégitimeàrecevoiret diligenter les investigationsàl’égarddel’activitégénéraledesjuges.

Réenchanter le rapport citoyens - juges

Aujourd’hui, l’enjeu semble être plus que les juges,collectivement,rendentcomptedeleursactivitésauxcitoyens.Aumêmetitrequelecitoyenscruteaujourd’huil’activité de leurs députés, il apparaît légitime quel’activité des juridictions soit examinée. Entamer unetelledémarcheconduiranécessairementàs’interrogersur d’autres institutions judiciaires tel que le ConseilSupérieurdelaMagistrature,composémajoritairementde juges cooptés... par des juges. Là encore, on peutconsidérerqu’ilyaunbiaisdémocratiqueàceprocédé.

Une chose est sûre, quelque soit l’organe qui estresponsable du contrôle de l’institution judiciaire,en manière de bonne gestion du service public  :aujourd’hui quand un contribuable donne 136 eurospour sa redevance télévisuelle, seulement 64 eurosvontàla justice,commelesoulignait leprocureurdeBrest dans son mercuriale de rentrée. Si l’avenir dela justice, en tant que service public passe par unegestionperformante,sonavenirentantquerégulateursocialpasseparuninvestissementconséquentenelle.

Benjamin MITTET-BRÊME

2-Tantôt« petitspois »,tantôt« institutiondelâcheté ».

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L’absence de qualification d’aide d’État en cas d’activité purement locale dans le secteur

culturel

Le 29 avril 2015, la Commission européennea opéré un revirement de sa pratique décisionnellepar le biais de sept décisions déclarant l’absenced’aide d’État en raison de l’absence d’affectation deséchanges entre États membres. Ce dernier aspectconstituedoncuncritèredequalificationàpartentière,parmi les quatre critères cumulatifs de l’article 107§1du TFUE, qui n’est plus présumé mais qui doit êtreexplicitementcaractériséparlaCommission1.Lesaidesdanslesecteurculturelbénéficientd’unaménagementpar rapport à l’application restrictive2 dudit critèredans la mesure où sera prise en compte la pratiquede la Commission en matière d’activité purementlocale. L’analyse de celle-ci permet de dégager deuxcritères cumulatifs d’appréciation : l’activité n’est pasou peu susceptible d’attirer des clients étrangers, etla mesure d’aide n’est pas susceptible d’attirer desinvestissementseuropéens.

Le premier critère est examiné selon un faisceaud’indices, non-exhaustif, dont plusieurs doivent êtresatisfaits pour sortir du champ des aides d’État  : laparticularitédel’activitélimitesonrayonnementàunepopulationlocale.Enestainsi lorsquelecontenudesservices n’est proposé qu’en langue locale et traitede manière prédominante de sujets d’intérêt local(SA.33243)oupermetd’appréhenderl’histoireculturelled’un État membre donné (SA.34466). La faible tailledes entreprises bénéficiaires, des microentreprisesou petites entreprises, (SA.44942) et le faible montantdes aides publiques (SA.36581) renvoient aussi à uneaudience purement locale. Un autre indice est leterritoirelimitéauseind’unÉtatmembresurlequellesbiens ou services sont fournis (SA.33243), notammentquandils’agitdezonesdifficilementaccessiblessansinfrastructures touristiques adéquates telles que lespetites îles ou régions rurales avec peu d’habitants

1-Communicationsurlanotiond’aided’Étatdu19mai2016,2016/C262/01,pt.195.2-Ibid.,pts.191-195.

(SA.36581,NN29/2002).Lalocalisationgéographiquecontribue ainsi au degré d’attractivité d’un serviceet pourrait expliquer le nombre marginal de clientsétrangers. Ce caractère marginal se déduit d’uneclientèle dont une petite minorité a une nationalitéet/ou un lieu de résidence autre que celle/celui deshabitants locaux (SA.37963, SA.35909). Mais il fautaussi se demander si l’activité, grâce à sa spécificité,est réellement susceptible d’attirer des utilisateursau détriment d’offres similaires dans d’autres Étatsmembres.Teln’estpaslecaslorsqu’iln’estpasprévud’inscrire le bien au patrimoine mondial de l’UNESCO(SA.36581), ou lorsque l’aide sert à promouvoir desvaleurslinguistiquesàunepopulationlocale(SA.44942,SA.45512). En outre, seuls les fonds publics accordésàdes institutionsouévénementsculturelsdegrandeampleur et promus à l’international sont susceptiblesd’affecterleséchangesentreÉtatsmembres(SA.44942).Certainsindicesrejoignentdonclaquestiondumarchépertinent,telquedéfiniselonleslignesdirectricesdelaCommissionsurl’analysedumarchédu11juillet20023.

Deuxièmement, il y a absence d’affectation deséchanges lorsqu’aucune preuve de l’existence deconcurrents européens dans le secteur d’activitédu bénéficiaire ne peut être fournie (SA.35909), etlorsqu’il ne peut être prévu, avec un degré suffisantde probabilité, que la mesure crée des obstaclesconcrets à l’établissement d’investisseurs d’autresÉtatsmembresdanslarégionconcernée ;notammentquand la mesure vise à revitaliser l’économie localeconnaissantdesdifficultésstructurelles(NN29/2002).

Cette pratique décisionnelle a été codifiée dansla communication du 19 mai 20164 et s’inscrit dansl’initiative de modernisation des aides d’État lancéeparlaCommissionenmai20125 pourréduirelachargeadministrative et concentrer les ressources sur lesaffaires ayant la plus forte incidence sur le marchéintérieur.

Natalie OBST3-2002/C165/03,pts.38-39et44-56.4-not.Pts.196-197,betd.5-COM(2012)209final.

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Droit international & européen

Entente en matière bancaire, la Commission européenne fait les comptes

Le 7 décembre 2016, la Commission européennea infligé 485 millions d’euros d’amendes au CréditAgricole, à HSBC et à JPMorgan Chase en raison deleur participation à une entente dans le domaine desproduits dérivés de taux d’intérêts en euro. A l’heureactuelle,iln’existepasencoredeversionpubliquedeladécisioncarlaDirectiongénéraledoitretirertoutsecretdesaffairesouinformationsconfidentielles1.1 - http://ec.europa.eu/competition/antitrust/cases/dec_docs/39914/39914_8201_3.pdf.

Lesproduitsdérivésdetauxd’intérêtseneurosontdesproduits financiers qui servent notamment à anticiperle risque de fluctuation des taux d’intérêt. La valeurde ces produits dépend du niveau du taux d’intérêtsde référence. Celui-ci est fonction du coût des prêtsinterbancaireseneuro,fixéquotidiennementenutilisantunpaneldebanques.Outrelefaitquelemarchédesproduitsdérivésdetauxd’intérêtseneuroestessentielpour les banques et les entreprises, ce marchéest colossal car d’après la Banque des règlementsinternationaux,ilreprésentait6401milliardsdedollarsaméricainsenjuin2016.Orl’enquêtedelaCommission

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a révélé qu’entre 2005 et 2008, sept banques avaientparticipé à une entente pour fausser le cours de cesproduits. Concrètement, l’enquête a mis en lumièreles contacts réguliers entre des traders des banquesconcernés qui s’échangeaient des informationsrelativesàleursstratégiesdetradingoudefixationdescours2.

Il est à noter que dans cette même affaire, d’autresbanques ont effectué une transaction avec laCommission européenne (Barclays, Deutsche Bank,

2-Commissioneuropéenne-Communiquédepresse,Ententes:laCommissioninfligedesamendesd’unmontanttotalde485millionsd’euros au Crédit Agricole, à HSBC et à JPMorgan Chase pourparticipationàuneententeconcernantdesproduitsdérivésdetauxd’intérêteneuro,7décembre2016,IP/16/4304,pp.1-2.

Royal Bank of Scotland et Société Générale). Ayantrévélél’existenceducartel,Barclaysaobtenul’immunitétotale,cequiluiapermisd’éviteruneamendes’élevantà690millionsd’euros3.Cetteententesurlemarchédesproduitsdérivésdetauxd’intérêtsdoitêtremiseenlienavecuneententedumêmetypeconcernantleyen,oùlaCommissionavaitinfligédesamendesd’unmontanttotalde669 719 000euros4.

VincentBASSANI

3 - European Commission, Case AT. 39914 - Euro Interest RateDerivatives(EIRD)-Settlement,4December2013,C(2013)8512final,pt.103 ;Commissioneuropéenne-Communiquédepresse,Ententes: la Commission inflige des amendes d’un montant de 1,49 milliard€àdesbanquesayantparticipéàdescartelsdanslesecteurdesproduitsdérivésdetauxd’intérêt,4décembre2013,IP/13/1208,p.3.4 - European Commission, Case AT. 39861 – Yen Interest RateDerivatives,4December2013,C(2013)8602final,pt.169.

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La guerre contre la drogue aux Philippines  : aspects de droit international

Enmai2016,aétééluàunelargemajoritélePrésidentdes Philippines, Rodrigo Duterte. Actuellement, cePrésidentcréelapolémiqueauseindelacommunautéinternationale puisqu’il est accusé de procéder à desexécutions extrajudiciaires, au nom d’une «  guerrecontre la drogue  » dans son pays. Ces exécutionss’élèventaujourd’huiàprèsde5000personnestuéesdepuissonélection1.

I. Exécutions extrajudiciairesLe terme «  exécution extrajudiciaire  » n’est pas définiendroitinternational,toutefois,PhilipAlston,rapporteurspécialsurlesexécutionsextrajudiciaires–sommairesou arbitraires de l’Organisation des Nations-Unies –nous donne une définition dans un rapport de 2010selon laquelle «  un ‘‘  targeted killing  ‘‘ est l’utilisation intentionnelle, préméditée et délibérée de la force létale, par un sujet de droit international, c’est-à-dire par les États ou leurs agents agissant sous couvert de la loi, ou par un groupe armé organisé dans un conflit armé, et dirigée à l’encontre d’une personne individuellement sélectionnée n’étant pas sous la garde physique de l’agresseur »2.Cesexécutionsextrajudiciairesseraientcontrairesauxengagements de l’État philippin. Les Philippines sontpartiesdepuis2007àlaConventioninternationalecontrelatortureetlestraitementsinhumainsetdégradantsetdepuis 1986, elles prennent également part au Pacteinternationalrelatifauxdroitscivilsetpolitiques(PIDCP).Les exécutions extrajudiciaires seraient contraires auxarticles 6 et 14 de ce traité. L’article 6 dispose que «le droit à la vie est inhérent à la personne humaine »etque «  nul ne peut être arbitrairement privé de la vie  »,et l’article14que« toute personne a droit à ce que sa cause soit entendue équitablement et publiquement par un tribunal compétent, indépendant et impartial».Or,lefaitd’exécuterunindividudefaçonextrajudiciairepeutdoncêtreconsidérécommeuneatteinteauxdroitsde

1 - http://www.europe1.fr/international/le-president-philippin-affirme-que-trump-la-encourage-dans-sa-sanglante-lutte-anti-drogue-29175442 - http://www2.ohchr.org/english/bodies/hrcouncil/docs/14session/A.HRC.14.24.Add6.pdf

ladéfenseetaudroitàlavie.L’AssembléegénéraledesNationsUnies,anotammentadopté plusieurs résolutions sur ces exécutions danslesquelleselleapriélesÉtatsMembresderespecter,entantquecritèreminimal,lesarticles6et14duPIDCP3.

II. La dénonciation de la Cour pénale internationale (CPI) Le 17 novembre 2016, le Président a publiquementmenacé d’imiter la Russie en dénonçant le Statut deRome portant création de la CPI. Cette institution estchargée de juger les crimes de guerre et les crimescontre l’humanité, et a fortiori les possibles exactionscommises actuellement aux Philippines.  Selon leprocureur de la Cour pénale internationale « lesexécutions extrajudiciaires peuvent relever de lacompétencedelaCPIsiellessontcommisesdanslecontexte d’une attaque systématique ou généraliséedirigéeàl’encontredelapopulationcivileenapplicationdelapolitiqued’unÉtat »4.

III. Le retour de la peine de mort ?Les autorités philippines envisagent de réintroduire lapeinedemortquiavaitétéaboliedepuislaratificationdu deuxième Protocole facultatif se rapportant auPIDCPde2007.Acepropos,leHaut-CommissairedesNations-Unies a souligné, en juillet 2016, qu’en vertudu droit international la peine de mort ne peut êtreutiliséequepourles«crimeslesplusgraves».Selonlui,«lesinfractionsliéesàladroguen’entrentpasdansla catégorie de crimes les plus graves  ». Il a de plusaffirméque«lapeinedemortn’estpasunmoyendedissuasion efficace par rapport à d’autres formes dechâtimentetneprotègepaslesgenscontrel’abusdedrogues. L’objectif de la prévention de la criminalitéliée à la drogue devrait impliquer le renforcement dusystèmejudiciaireavecpourobjectifdelerendreplusefficace»5.

Amaya ROUSSEAU3 - http://www.un.org/fr/documents/view_doc.asp?symbol=A/RES/69/1824-https://www.icc-cpi.int/Pages/item.aspx?name=161013-otp-stat-php&ln=fr5 - http://www.un.org/apps/newsFr/storyF.asp?NewsID=37743#.WHUZY7F7TaY

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Disparition de l’évaluation préalable dans les marchés publics, ça sent le Sapin II

Lorsque les difficultés s’amoncellent, il estencorepossibled’entendrecetteformuledésuète« çasent le sapin  ». Présent dans de nombreuses forêtsen France, cet arbre servait au XVIIIème siècle, pourdesraisonséconomiquesàlafabricationdecercueils.L’expressionestfortlugubre,maisaudemeurantonnepeut que constater que Michel Sapin, actuel ministredel’économieetdesfinancesdepuisle30août2016,revêtlecostumedefossoyeurdecemécanismedelacommandepublique.

Le principe d’évaluation préalable est apparu dansl’ordonnancen°2004-559du17juin2004surlescontratsde partenariat, à l’article 21. L’ordonnance n° 2015-899du23juillet2015relativeauxmarchéspublicsreprenaitl’évaluation préalable dans le cadre des marchés departenariats(ancienpartenariatpublicprivédit« PPP »)toutenétendantleprincipeauxmarchéspublics,d’unmontantsupérieurà100millionsd’euros,àsonarticle40.

La loi n° 2016-1691 du 9 décembre 2016 relative àla transparence, à la lutte contre la corruption et lamodernisation de la vie économique dite «  loi Sapin2  » vient abroger cette évaluation préalable pour lesmarchéspublicssupérieurà100millionsd’euros.

L’évaluation préalable trouve sa légitimité dans lesprincipes d’efficacité de la commande publique et debonneutilisationdesdenierspublics2.Compte-tenudel’importance de l’opération concernée par l’évaluationpréalable et tout particulièrement pour un projetd’investissement,unecertaineretenueetuneréflexiondans la dépense publique semblaient effectivementappréciables.

Elle n’avait pas vocation, en revanche, à justifier ou àremettreenquestionl’opportunitéd’unprojet :ladécisionpolitiquederéaliserunouvrageestconsidéréecommeactéeetdéfinitiveetnepeutêtreremiseenquestionparl’évaluation préalable. Cette dernière se décomposaitinitialement comme suit : une présentation du projet,un examen des schémas juridiques envisageables(marchés publics de travaux, délégation de servicepublic,régie,contratdepartenariat,etc...),uncadragedesphasesderéalisationduprojetetenfinuneanalyseéconomiqueetcomparativedescoûtsetrecettes.

1 - «  Les contrats de partenariat donnent lieu à une évaluationpréalable, réalisée avec le concours de l’un des organismesexperts créés par décret, faisant apparaître les motifs de caractèreéconomique, financier, juridique et administratif qui conduisent lapersonne publique à engager la procédure de passation d’un telcontrat ».2-Article1erdel’ordonnancen°2015-899du23juillet2015portantsurlesmarchéspublics.

Dans le contexte français, cette abrogation concerneune centaine de marchés par an. Cela représentenumériquement une fraction très faible des marchéspublicsmaisquientermesdemontantconstitueprèsde 5% de la commande publique, si l’on évalue cettedernièreà200milliardsd’eurosparan3.

Pourquoi ce principe de bonne gestion et de rationalisation de la dépense publique a-t-il disparu pour ces marchés ?

D’une part, elle alourdissait le travail des acheteurspublics. D’autre part, le dispositif s’ajoutait à d’autresévaluations prévues par la loi et permettant déjà decontrôlerlesinvestissementsfaisantl’objetdemarchéspublics.À titre d’exemple, les projets d’investissementscivils de l’État de plus de 20 millions d’euros HT sontsoumisàuneévaluationsocio-économiquevoire,s’ilsdépassent100millionsd’euros,àunecontre-expertiseducommissairegénéralàl’investissement4.Cesprojetspeuvent également faire l’objet d’une étude d’impactet d’une enquête publique s’ils ont des incidencesnotablessurl’environnement5.L’évaluationpréalableestégalementfragiliséepardespratiquesdesaucissonageconsistantàfractionneruneopération ou un projet en plusieurs marchés publicsafin que ces derniers pris individuellement n’aientpas à se soumettre à une procédure d’évaluationpréalable. Les marchés publics supérieurs à 100millions d’euros, généralement des marchés detravaux sont particulièrement susceptibles d’êtrescindés artificiellement en raison de la durée parfoistrèslongueentrel’avisd’appelpublicàlaconcurrenceetlarécéptiondestravauxconcernés.

Quelles modalités de mise en oeuvre de cette évaluation préalable avaient été mises en place pour ces marchés publics ?

Le cadre pourrait être qualifié de chimérique.Contrairementauxmarchésdepartenariat,lesmarchéspublicsnevoientpasleurévaluationpréalablesoumiseà un organisme expert comme la «  mission d’appuiaux financements des infrastructures  » (FIN INFRA)anciennement «  mission d’appui aux partenariatspublicsprivés »(MAPPP).

Pour autant, une évaluation préalable soumise à unorganisme expert public ne constitue pas la garantied’une évaluation préalable de qualité. À ce titre lerapportdessénateursSueuretPortelli,« Lescontratsde partenariats, des bombes à retardement  », étaitparticulièrementéloquentencequ’ilmettaitenexergue3-Ministèredel’économie,« Lacommandepublique:uneréformeau service de l’économie  », colloque d’avril 2016, dossier deprésentation,p.7.Disponiblesurhttp://www.economie.gouv.fr/files/files/PDF/brochure-commande-publique-v04.pdf4 - Article 17 de la loi n° 2012-1558 du 31 décembre 2012 deprogrammationdesfinancespubliquespourlesannées2012à2017 ;décretn°2013-1211du23décembre20135-ArticlesL.122-1etL.123-1duCodedel’environnement

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Droit public des affaires

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lasituationdeconflitd’intérêtsdanslaquellesetrouvaità l’époque la MAPPP. Situation dans laquelle cettedernière se voyait chargée tant de la promotion desPPPquedel’analysedel’opportunitédeleurrecours.Au-delà de cette situation ubuesque, l’évaluationpréalable s’effectue dans un contexte où il n’est nipossible de savoir qui sera l’attributaire du marchépublic ou du marché de partenariat, ni de connaitrecertainescaractéristiquesimportantesdecescontrats(allotissement, tranches fermes et optionnelles etc...).L’évaluation préalable vient donc comparer un projetproposé sans pouvoir identifier ses caractéristiques,avec d’autres montages juridiques dont elle neconnaît pas non plus les tenants et les aboutissants.L’équationserévèlecompliquéeàrésoudeaussiexpertl’organismesoit-il.

Dans le cadre des marchés supérieurs à 100 millionsd’eurospourlesquelslerecoursàlaFININFRAn’étaitpasdéfini,l’acheteurpublicsetournaitversdescabinetsde conseil et d’audit du secteur privé généralementqualifiés d’assistants à personne publique (APP). CesétudesconstituentselonlesénateurJeanPierreSueur« [une]littérature d’une médiocrité insigne. Elle n’a qu’un avantage pour les cabinets : leur permettre d’obtenir une rémunération. Dans la mesure où [...] ceux-ci ne savent rien, ce qu’ils produisent est illusoire »6.

Lasuppressiondel’évaluationpréalableducadredesmarchéspublicssupérieursà100millionsd’eurospeutau premier abord sembler néfaste, mais compte tenudesdifficultésintrinsèquesdontelleestaffligéeetdesobstaclesàsamiseenoeuvre,sadisparitionpartielleduchampdelacommandepubliqueserévèlepositive.

Frédéric ZUBER

6-Sénat,séancedu3novembre2016.

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Le Maire, le terroriste et le fossoyeurChroniqued’unedécisionquin’existerapas

Passée l’émotion des attentats survenus enFrance ces derniers mois, s’est posée une épineusequestion,celledelasépulturedesterroristes.Eneffet,malgré l’atrocité des faits, le droit funéraire assure ledroitàunesépultureàchacun.

Plus précisément, le Code général des collectivitésterritorialesprévoitqu’undéfuntpeutsefaireenterrerlà où il est décédé, là où il avait son domicile, là où ildispose d’une concession familiale ou bien, dansun cas plus rare, dans le lieu où il est inscrit sur leslistes électorales dans le cas des français résidant àl’étranger1. Dans le même temps, le maire est investidu pouvoir de police administrative des cimetières,sansquesonexercicenepuisseétablirdedistinctionà raison des «  croyance ou du culte du défunt ou des circonstances qui ont accompagné sa mort  »2. Suite àl’attentatdeMagnanville,lafamilledel’auteurdesfaitsasouhaitéquecelui-cisoitenterrédanslavilledesondomicile,Mantes-la-Jolie.

Lemairedelaville,arguantd’unrisquedetroublesàl’ordre public, compte tenu des souffrances enduréesparlacommunesuiteàcesactes,arefusédedélivrerl’autorisationd’inhumationàlafamille.Celle-ciaalorscontestécettedécisiondevantletribunaladministratifdeVersailles, territorialement compétent.A l’occasiondecetteinstance,lacommuneaposéuneQPCquiaététransmiseauConseild’Etat.Eneffet,lacollectivitéarguedufaitquelerégimejuridiqueactuelpourraitlacontraindreàl’enterrement,cequiseraitcontraireàlalibre administration des collectivités territoriales, à lalibertécontractuelle,audroitdepropriétéetàl’objectifconstitutionneldesauvegardedel’ordrepublic.Si lesargumentsrelevantsdelalibreadministrationetdelasauvegarde de l’ordre public apparaissent évidents,ceux relatifs à la liberté contractuelle et au droit depropriétérésidentdanslefaitquel’enterrementdonnelieuàdélivranced’uneconcessionquivautautorisationd’occupationdudomaine.

Dans son arrêt Commune de Mantes-la-Jolie du 16décembre2016,leConseild’EtatarefusédetransmettrelaQPCauConseilconstitutionnel.Ilnousappartientdevoir en quoi cette décision apparaît excessive, maisaussietsurtoutenquoiunedécisionconstitutionnelleauraitpunouséclairersurl’ambivalencedesmissionsdumaire.

Le Conseil d’Etat, une Thémis avare de questions

Dans le cadre de ses missions préalables au Conseilconstitutionnel,leConseild’Etatestamenéàs’assurerde la réunion de trois pré-requis. Il lui revient ainsi des’assurerquelesmesureslégislativesmisesencauses’appliquentaulitigeouàlaprocédure,qu’ellesn’aientpasétédéclaréesconformesàlaConstitutionetenfinquelaquestionsoitnouvelleouprésenteuncaractèresérieux.1-Art.L.2223-3duCGCT.2-Art.L.2213-9duCGCT.

Il n’est pas nécessaire de revenir sur la question del’applicabilité de la disposition au litige ni même surl’éventuelle déclaration de conformité. Là où il nousapparaît que l’analyse du Palais Royal est excessive,c’est dans le refus de reconnaître la nouveauté et lesérieuxdelaquestion.

La Haute juridiction retient, dans son quatrièmeconsidérant, que le maire est en mesure de prendrelesmesuresnécessairesaumaintiendel’ordrepublic.Elle soutient, par la suite, que rien ne l’empêche,dans le cas où ces mesures seraient insuffisantes, derefuser légalement l’inhumation. Elle en déduit querienn’obligedonclemaireàaccordersonautorisation.Aussi,ilenestdéduitquelaquestionn’estpasnouvelleetneprésentepasuncaractèresérieux.

Sileraisonnementjuridiquepeutparaîtrelégitime,cettedécisionnousinterrogesurlerôleques’octroieleConseild’Etat dans son office de juge pré-constitutionnel. Eneffet,lanouveautédoit-elles’apprécierdansl’examenantérieur d’une question juridique par le Conseild’Etat, comme c’est le cas ici, ou dans une analyseantérieureopéréeparlarueMontpensier ?Demême,le sérieux s’apprécie-t-il comme un obstacle auxmanœuvresdilatoiresoucommel’apparenteclartédelajurisprudenceadministrative ?

Dansuncascommedansl’autre,ilnousapparaîtquela compréhension faite de ces critères par les jugesadministratifssefaitauprofitd’unetropgrandelatituded’interprétation en leur faveur. Le pendant de cettestricteinterprétationestdepriverlajurisprudenced’unéclairagesalvateurquantàladualitédesmissionsdesédilesmunicipaux.

Le Maire, un Janus municipal qui s’ignore

Le pendant conceptuel des différents actes de ladécentralisation est le développement de la libreadministrationdescollectivitésterritoriales.Seulement,larichesseconceptuellesembleêtreunobstacleàsadéfinition.Toutjuste,lespouvoirsfinanciersetlesdroitsrelatifs aux transferts de compétence font-ils l’objetd’unevéritableprotection ?

Ainsi,lesdomainesprotégésparlalibreadministrationsontlieuàdébat.Acetitre,cettejurisprudencefantômeaurait pu encrer l’idée que la libre administration nesaurait trouver à s’appliquer en matière de policeadministrative. Si le maire est porté par le suffrageuniversel,ilsetrouveaussiinvestidecetofficeétatique.

Endéfinitive,silesjugesdelarueMontpensiern’avaientpasdéjugél’interprétationdeleursconfrères,cenouvelactedela jurisprudenceconstitutionnelleauraiteulemérited’ajouterunepièceauxœuvresdesvoisinsdelaComédiefrançaise.

Benjamin MITTET-BRÊME

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Droit des collectivités territoriales, finances publiques et fonction publique

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Interviews réalisées par Julie SELLIER 10

Olga Mamoudy,Maitre de conférences à l’Université Paris Sud

Co-directrice du Master II Droit Public Recherche et Concours

1 - Pouvez-vous vous présenter  ? Votre parcours professionnel, vos activités  ainsi que votre vocation à devenir professeur en droit public ?

Je suis Maître de conférences en droit public àl’UniversitéParisXI.J’aieffectuétoutesmesétudesdedroitàl’UniversitéParisI.J’aicommencéunparcoursdedroitPublicenmasterI,aprèsavoirfaitunelicenceendroit,parcoursindifférencié.AlasuitedemonmasterII,j’aifaitunethèsefinancéedeDroitPublicencontentieux.J’aichoisilemétierdeMaîtredeconférencescarj’avaisunevocationpourlarechercheetl’enseignement.

2 - Pouvez-vous nous parler de votre master II Droit Public Recherche et Concours ? Son aspect professionnalisant, ses avantages, ses débouchés ?

Nous avons mis en place ce master II Recherche etConcoursdepuisunan,ilestdanslacontinuitédumasterDroitPublicapprofondidirigéparleProfesseurFrédéricRolin. L’originalité de ce master II est de proposer 3parcours possibles  : un parcours de recherche avecun mémoire, deux parcours professionnalisant avecsoit un stage, soit des matières de préparation auxconcours qui sont pour le moment centrées sur lapréparation des instituts régionaux d’administration(IRA)maispeuventservirpourl’ensembledesconcoursadministratifs. Cette préparation permet aussi depasserl’examendubarreau.Cemasterpermetd’avoirégalement une formation générale en droit publicavec beaucoup de culture générale permettant dese présenter aux concours avec un bagage solide endroit public général. Ce master II permet égalementde continuer par la suite vers la recherche et peutdéboucher sur l’obtention d’un financement pour un

doctorat.CemasterIIestvolontairementgénéralisteetil permet d’approfondir certains thèmes essentiels endroit public. Nous avons conçu cette formation dansl’idéequel’onestunbonspécialistedèslorsquel’onestunbongénéraliste.

3 - Quels sont les critères de sélection ? Quelles sont les exigences pour votre master II ?

M. le Professeur Duroy et moi-même avons unepolitique de sélection large qui est favorable auxétudiants de Sceaux. Nous sommes très attentifs auxlettres de motivation mais également aux relevés denotes. Les lettres de recommandation ainsi que lesstagesontuneimportancemoindredanslasélectiondes étudiants. Enfin, un master II c’est beaucoup detravailpersonnelcarilyapeud’heuresdecoursafindepermettreauxétudiantsd’approfondirlescourspardesrecherches, c’est notamment le but des séminaires. Ilfautégalement,pourréussirsonmasterII,del’assiduitéetfourniruntravailsérieux.

4 - Pour vous, quelle est la pertinence d’être un juriste en droit public aujourd’hui ? Quel est l’intérêt d’une thèse en droit public ?

CelaresteintéressantdesespécialiserenDroitPublic.C’est une formation qui permet de faire des chosesextrêmement variées. Elle n’enferme pas dans unmétier,etpermetdepasserdel’unàl’autresanstropde difficultés. Concernant la thèse, il faut se lanceraprès un mémoire de recherche en étant financé,pour être sûr de réussir, car il faut mettre toutes leschancesdesoncôté.Lathèseendroitpublicpermetprincipalementdefaireunecarrièreuniversitaire,ilfautdonc avoir unevraievocation pour l’enseignement etun goût prononcé pour le travail de recherche. Il fautsavoir travailler en autonomie, même si le travail dethèse est également un travail avec le directeur dethèseàquil’onpeutdemanderdesconseils.

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Thomas Houdusse,Etudiant du Master II Droit Public Recherche et

Concours

Pouvez-vous vous présenter ? Pourquoi avoir choisi ce master ? Que vous apporte-t-il de plus que les autres ?

L’année dernière j’étais en Master 1 de Droit Socialà Paris 1. J’ai présenté l’année dernière le concoursexternedel’InspectionduTravail.JelereprésentecetteannéeetjesuisactuellementenMaster2DroitpublicRechercheetConcours. J’ai choisi ce Master car il me  permettait unepréparation approfondie des concours administratifs.MessensationsauseindeceMastersontextrêmementpositives. Les enseignants sont à l’écoute de nospréoccupations et surtout s’adaptent à nos attentes.Ilyaunerelationdecollaborationentre lesétudiants

etlesenseignantspourquechacunpuisseprendre duplaisir à travailler. Ily a unevraie flexibilité dans notreformation.J’apprécie la manière d’aborder les matièresqui changent des enseignements classiques. Jeprendrai trois exemples qui illustrent cette nouvelleapproche.  J’aipuaborderdesquestionsdedroitsocialdurantles séminairesetles cours. Enfin, les  expériences des professeurs dans lesconcoursadministratifsnouspermettentd’aborderlesépreuves des concours administratifs avec sérénité.En effet, de nombreux enseignants ont été membresdujurydediversconcoursadministratifs.Ilsn’hésitentpasànoustransmettreleursconseils,leursanecdoteset leursvisionsdechaqueépreuve.Ainsi,avons-nousunevisionassezlargeetprécisedecequinousattend,ce qui n’est pas négligeable dans une préparation deconcours.

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En droit, la chair est tendre : emprise du droit sur les corpsJules Jallet-Martini

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En droit, la chair est tendre :l’emprise du droit sur les corps

Bien qu’il s’agisse d’une discipline assezancienne1, dominée au XIXème siècle par desauteurs allemands puis marquée au XXème sièclepar les Anglo-Saxons, ce que recouvre l’expression«  anthropologie juridique  » (ou «  anthropologie dudroit  ») reste, aujourd’hui encore, quelque chose deconfidentiel qui gagnerait à être davantage connu etreconnu,notammentenFrance.Pourautant,l’objetdecetarticleneseranidetenterdedéfinirthéoriquementcequ’est–oudevraitêtre–l’anthropologiejuridique,nideprocéderdemanièreexhaustiveàuntourd’horizondesesdifférentssujetsd’étude,nimêmedeprésenterles courants qui la composent. D’une part parceque ces entreprises sont trop vastes pour que leursrésultats puissent ne serait-ce qu’être résumés en unarticle,etd’autrepartparcequequelquesauteurslesontdéjàbrillammentmenéesàbien2.Ainsi,cetarticlen’aura pour ambition que d’être une illustration parl’exempledeceàquoipourraitressembleruneanalyseanthropologique de certaines pratiques qualifiablesde « juridiques »3.Traiter exclusivement du rapport entre le corps et laloi implique de renoncer aux réflexions portant sur lalégislation classique relative aux atteintes corporellespratiquées entre individus (meurtre,viol, etc.) pour enprivilégier deux autres  : celle concernant les peinescorporelles,c’est-à-direappliquéesauxcorps,quiontexistéouexistentencoredansdifférentessociétés,etla question du corps des Hommes comme support,terraind’expressiondujuridique.

I. La peine dans la peau

Ilestpossibledeconsidérerquelapeineconsistantàs’en prendre au corps d’un individu désigné commecoupable par une communauté donnée (ethnique,nationale ou religieuse) afin de le punir, soit la peinedite corporelle, est observable (et observée) de touttempsetsoustoutesleslatitudes.

A. L’atteinte à l’intégrité du corps pour punir

Mêmes’ilestcertainquecettepeine« classique »,quitouchel’individudanssachairets’attaqueàl’intégritéde son être, peut prendre un très grand nombre deformes, il semble qu’en systématisant ces dernières ilsoitpossibled’endégagerunnombrefini.Autitredecesformes, quelques-unes sont identifiables dès environ1750 avantJ.-C. dans le Code d’Hammurabi  : la peine

1-N.ROULAND,« Anthropologiejuridique »,inD.ALLAND(dir.)etS.RIALS (dir.),Dictionnaire de la culture juridique, PUF, coll. Quadrige -DicosPoche,1èreédition,2003,p.64 :« La naissance de l’anthropologie juridique moderne se situe dans les années 1860, marquées par les œuvres de deux auteurs, principalement, l’Anglais H. Summer-Maine (Ancient Law), et le Suisse-Allemand J. Bachofen (Das Mutterrecht) ».2-Cf.N.ROULAND,L’anthropologie juridique,PUF,coll.Quesais-je ?,2èmeédition,1995etR.SACCO,Anthropologie juridique. Apport à une macro-histoire du droit,Dalloz,coll.L’espritdudroit,1èreédition,2008.3-Cespratiques,parailleurs,nesontquerarementqualifiéescommetellesparleursauteurs,ceux-cineseservantbiensouventpasdesclassificationspropresàl’Occident.

appliquant la loi du Talion4, la peine en rapport avecl’actioncommise5,lapeineutilitaire,souventappliquéeaux esclaves, pouvant générer une certaine hontesociale mais qui «  n’endommage  » pas les capacitésphysiques du condamné6. Ces très brefs exemplespeuvent participer à la prise de conscience que laforêtaprioridruedespeinesmutilantes« aveugles »,qui n’auraient pour objectif final que de faire souffrir,abrite finalement beaucoup plus d’arbres d’essenceprécieusequeprévu,arbresquisontautantdepeinesréfléchies,particulièresetclassifiables.

Une autre peine corporelle à propos de laquelle ilconvient de s’intéresser un instant n’est autre que lapeine suprême, celle qui entraîne la mort. En effet,comment ne pas considérer la mise à mort commele degré le plus élevé de l’emprise du droit sur lecorps  ? A propos de celle-ci, il est curieux de noterqu’au Moyen-Age la Chine et le Royaume de Franceont eu deuxvisions diamétralement opposées  : alorsqu’en France la peine de mort par décapitation étaitconsidéréecommeunprivilègeréservéauxchevaliers,c’est-à-direàlanoblessepetite,moyenneougrande,etquelapendaisonneconcernaitquelesindividusdebasse condition, en Chine les paysans étaient le plussouventdécapitéstandisquelesmembresdesclassesaiséesétaient,eux,condamnésàlastrangulation.CetteinversionpourraittrouversasourcedansladifférenceprofondeentrelesstructuressocialesdelaChineetdela France de cette époque, ainsi que dans le rapportparticulieraucorpsqu’enjoignaitàentretenirlatraditionchinoise.Dansl’Europemédiévale,lesnoblessontdescombattantsquinesontdignesquedemourirparlesarmes,end’autrestermessoitlorsd’unebataillesoitparlalamedel’épéedubourreau.Al’inverse,danslaChineimpériale, s’ajoute au fait que les nobles soient trèsmajoritairement des lettrés, souvent administrateurs,juges ou fonctionnaires (parfois les trois à la fois), laprégnancedelamoraleetdesritesquipourcertainsimposentauxindividusundevoirconsistantàrestituer,au moment de la mort, le corps dans le même étatquelorsqu’ilaétédonnéparsesparents,c’est-à-direexempt de toute dégradation. Dès lors, il aurait étéinimaginable pour un noble chinois ayant à subir lapeinedemort7denepasmourirétranglémaisdevoirsoncorpssedépartirdesatête.

B. Le tatouage pour punir

En Chine toujours, sous la Dynastie mythique desXia(2100-1560 av. J.-C.) – dynastie au cours de laquelleles cinq peines légales8 ont été introduites par les

4 - Code d’Hammurabi, trad. de A. FINET, paragraphe 196  : «  Si un homme arrache l’œil d’un autre homme, son œil sera arraché ».5-Ibid.,paragraphe195 :« Si un fils frappe son père, ses mains seront tranchées à la hache ».6-Ibid.,paragraphe282 :« Si cet esclave dit à son maître : “tu n’es pas mon maître”, s’ils[lesjuges]le condamnent alors son maître lui coupera l’oreille ».7 - Sentence assez rare puisque le confucianisme contient l’idéeselonlaquelleledroitnedoitpass’appliquerauxclassesdirigeantes,qu’ildoitêtreréservéauxcatégoriesinférieuresdelapopulationetque lapeinenedoitpasatteindreleslettrés.8 - Ce nombre de peines, cinq, a survécu à toutes les dynasties

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Miao(littéralement« barbaresduSud »)– lapeinelapluslégèreconsistaitàtatouerlevisaged’unindividudéclarécoupabled’undélitmineur.Cetypedepeine,moins connu mais bien réel, ayant pour objet non deblesserlecorpsdel’individumaisdelemarquer,mérited’êtreobservédeplusprès.

C’est parce que le marquage indélébile des corpsfacilite le repérage des individus qu’énormément deformes de justices pourtant différentes s’en sont saisi,afindel’apposersurdesindividusconsidéréscommedangereux ou malfaisants, ceux dont il convient deseméfier,desedépartiroudeseprotéger.Lescorpssont abîmés, défigurés avec l’intention de leur faireperdredeleursuperbe.Aussi,letatouageestsouventappliqué au visage, là où il est directement visible etdisqualified’embléel’individuquileporte ;lorsqu’ilnesetrouvepassurlaface,certainslieuxducorps,aisésàdénuderoudifficilesàcacher,sontaussiprivilégiés :le front, les mains, les épaules, les avant-bras, lesseins ou les jambes. Lavisibilité de ces tatouages enfaitégalementlesvecteursd’unepunitionsociale,carlecorpsquiestmarquéestuncorpsrejeté,uncorpsà éviter  ; la marque tend à déshonorer celui qui lasubit, à faire vaciller son autorité et son charisme enle déstabilisant au niveau du paraître9. Dans la RomeAntique, par exemple, les criminels ont d’abord étémarquésaufrontmaisc’estfinalemententrelesyeuxqu’un signe de reconnaissance leur était imprimé afinqu’ilsnepuissentpasledissimulersousleurscheveux.La plus connue des marques judiciaires reste sansdoute la fleur de lys, emblème royal apposé, sousl’Ancien Régime, sur l’épaule des condamnés. Elle aensuite été remplacée par des initiales indiquant lanatureducrime, toujourssur l’épaule :« V » pour lesvoleurs, «  D  » pour les déserteurs, «  GAL  » pour leshommesenvoyésauxgalères,etc.AudébutduXVIIIesiècle,toujoursenFrance, lapratiquedelaflétrissurepublique,quiavaitétéuntempssupprimée,réapparaît: les condamnés aux travaux forcés à perpétuité sontalors systématiquement frappés des lettres «  TP  » etlesfaussairesd’un« F ».

AuJapon,verslafinduXIXesiècle,lesvoleursétaientmarqués,suivantlesrégions,d’unecroixaubras,d’unedouble barre ou d’un double anneau. Tout nouveaudélitétaitsignaléparunecroixsupplémentaireet,àlavingt-quatrième,lesmultirécidivistesétaientexécutés.Danslescolonies,uneformedeprocédureexpéditivesimilaireétaitappliquéeauxesclavesquitentaientdes’échapper10.

EnInde,danslesannées1830,l’administrationcolonialeanglaiseavaitdécidédetatouerlenomducondamné,suivi de la mention « Thug notoire » (Minshoor Thug)sur le dos ou les épaules de tous les membres de la

successivesetconstitueencoreaujourd’huiunedesbasesduCodepénalchinois.9-F.BAILLETTE,« Inscriptionstégumentairesdelaloi »,Quasimodo,2003,n°7,p.72.10 - Cf. article 38 duCode Noir, édicté par Colbert  ;Le Code noir et autres textes de lois sur l’esclavage,EditionsSépia,2006,pp.27-28.

confrérie des Thugs11, considérée comme criminelle,quiétaientcondamnésàseptansdeprisonouplus12.

Dans certaines sociétés, préservées jusqu’il y a peude toute influence occidentale, des pratiques quisemblentêtreàmi-cheminentrelaréalitéetledélirekafkaïen13, ont bel et bien existé. Elles consistaient àutiliserlecorpscommeunsupportjuridique.

II. La Loi dans la peau

Cemoded’expressiondudroit,cedroitquilaissedestracessurlescorpsàdéfautd’enlaissersurlepapierdesConstitutions,desCodesoudesordonnances,estobservablelàoùl’écriturefaitdéfaut,danslessociétésdites« sans-écriture »14.

A. Le marquage épidermique comme Loi fondamentale

Ens’intéressantauxritesinitiatiquesayantcoursdansla grande majorité des tribus d’Amérique du Sud,notammentchezlesGuayakiduParaguayOriental,unconstat(quelquepeuanachronique)s’impose :l’idée,a priori moderne et occidentale, de publicité des droitsdel’Homme,afinqu’ilssoientconnusetrespectéspartous,n’estpasétrangèreàcespetitescommunautés.Avanttout, ilfautrappelerquelesrituelsdepassage,qui presque tous soumettent le corps à la torture,n’ontpaspourseulefindefairesouffrirl’individumaisconstituent souvent un axe essentiel par rapportauquel s’ordonne la vie sociale et religieuse. Cettecruautéimposéeaucorpsnevisepasqu’àmesurerlacapacitéderésistancephysiquedesjeunesgensetàrassurer la société sur la qualité de ses membres. Eneffet,s’entenirlàseraitsecondamneràméconnaîtrelafonctiondelasouffrance,àréduireinfinimentlaportéedesonenjeu,àoublierquelatribuyenseignequelquechoseàl’individu :lamarqueestunobstacleàl’oubli,l’épiderme,letégumentlui-mêmeporteimpriméessursoilestracesdusouvenir,lecorpsestunemémoire.Lerituelinitiatiqueestunepédagogiequivadugroupeàl’individu,delatribuauxjeunesgens.Parlui,lasociétédictesaloiàsesmembres,elleinscritletextedelaloisurlasurfacedescorps.CarlaLoiquifondelaviedelatribu,nuln’estcensél’oublier.Laloiqu’ilsapprennentà connaître dans la douleur, c’est la loi de la sociétéprimitive qui dit à chacun  : «  Tu ne vaux pas moins qu’un autre, tu ne vaux pas plus qu’un autre  ». La loiprimitive, cruellement enseignée, est une interdictiond’inégalité dont chacun se souviendra. La marquesur le corps, égale sur tous les corps, énonce  : «  Tu n’auras pas le désir du pouvoir, tu n’auras pas le désir de soumission »15.Lescicatricesdessinéessurlecorps

11-LesThugsauraientétéuneconfréried’assassins,adorateursdeKâlî,pratiquantlemeurtredevoyageursàgrandeéchelle.12 - M.VANWOERKENS,Le Voyageur étranglé. L’Inde des Thugs, le colonialisme et l’imaginaire,AlbinMichel,1995,pp.108-109.13-F.KAFKA,La colonie pénitentiaire,J’ailu,coll.Librio,2004.14 - Il serait préférable de qualifier ces sociétés de «  sociétés  detradition orale  » plutôt que d’utiliser la préposition «  sans  » quimarquenégativementl’absencedequelquechose.15 - P. CLASTRES, La société contre l’Etat, «  De la torture dans les

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En droit, la chair est tendre : emprise du droit sur les corpsJules Jallet-Martini

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sontdoncletexteinscritdecetteLoidite« primitive »16,mais pour retrouver derrière ce terme l’idée moderned’une trace – en l’occurrence, il estvrai, une cicatriceà défaut d’une écriture – pour lutter contre l’oubli etla méconnaissance d’une égalité de droits entre lesHommes, il suffit simplement de la désigner comme« fondamentale »ou« constitutionnelle ».

B. Le tatouage et le dessin comme marqueurs de la hiérarchie sociale

Toujours dans la même aire géographique, une autreethnie a attiré l’attention des ethnologues en raisondes tatouages et autres peintures corporelles trèsgraphiques qui ornaient le visage et le corps de sesmembres. Il s’agit des Caduveo, ultimes descendantsdes premiers amérindiens Mbaya rencontrés par leseuropéens, établis sur les territoires de l’Etat du MatoGrossodoSulauBrésil.

Cette communauté, comme beaucoup d’autres, estorganiséeencastes :« au sommet de l’échelle sociale, les nobles divisés en ordres, grands nobles héréditaires et anoblis individuels, […] ensuite les guerriers parmi lesquels les meilleurs étaient admis,[…]enfin, les esclaves et les serfs qui constituaient la plèbe [ayant eux aussiadopté une division en trois castes en imitation deleurs maîtres]  »17. Tous revêtent des peintures oudes tatouages de visage, mais chacun dans un styleparticulier qu’il serait possible, encore une fois, desystématiser.Avantcela,ilfautégalementpréciserquecesinscriptions,sansdistinction,auxdiresmêmesdesCaduveo,confèrentàl’individusaqualitéd’êtrehumain,parellesiln’estplusunanimal ;ellessymbolisent,enuncertainsens,lepassagedelanatureàlaculture.Les différences de style et de composition sontrepérablesentrecastes,c’est-à-direqu’àchaquecastecorrespond un style propre (divisible en sous-stylescorrespondant aux sous-catégories d’une caste). Cesdifférences expriment la hiérarchie des statuts, dupremiercoupd’œil,dansunesociétécomplexe.

sociétés primitives »,LeséditionsdeMinuit,coll.Critique,1èreédition,2007,pp.156-160.16-Primitivus,« première »ausensétymologique.17-C.LEVI-STRAUSS,TristesTropiques,« Une société indigène et son style »,Plon,coll.TerreHumaine,1984,p.206.

Claude Lévi-Strauss se livre à une tentatived’interprétationdecesornementsfaciauxetcorporels,qu’il est malheureusement impossible de résumersaufendisantqu’ilsseraientunemanièrederésoudreune contraction sociale intériorisée par les Caduveo,héritéedudéclindeleurcommunauténelepermettantplus d’être divisée en deux clans échangeant leursprogénitures en vue de mariages exogames commecelasepratiquaitencoredanslestribusvoisines;« si cette analyse est exacte, il faudra en définitive interpréter l’art graphique des femmes Caduveo, expliquer sa mystérieuse séduction et sa complication au premier abord gratuite, comme le phantasme d’une société qui cherche le moyen d’exprimer symboliquement les institutions qu’elle pourrait avoir[…].Adorable civilisation, de qui les reines cernent le songe avec leur fard  : hiéroglyphes décrivant un inaccessible âge d’or qu’à défaut de Code elles célèbrent dans leur parure »18.

Jules JALLET-MARTINIEtudiant du Master II Histoire et anthropologie juridiques

comparéesUniversité Paris-Ouest-Nanterre La Défense – Paris X

18-Ibid.,p.227.

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Femme Caduveo, 1935, photographie de C. LEVI-STRAUSS

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Comment définir la santé ?Antoine Gilbert

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Comment définir la santé ?

Selon Saint Augustin, tout le monde croit savoir cequ’est le temps mais lorsqu’on demande de le définirpersonne n’en sait plus. Il en est de même pour lanotiondesanté.

Cette volonté de définir la santé a donné lieu à denombreuxdébatsincluantaussibiendesprofessionnelsdelasantéquedesphilosophesou juristesaufildesannées.

Ilest intéressantdes’apercevoirquecequi ressort leplusfréquemmentdecestentativesdedéfinition,estlaconfusionentrelasantéetlabonnesanté.SelonlemédecinThierryJanssen,lasantéestuntermerelatif1.L’emploid’unqualificatifseraitainsiindispensablepourdéfinirceterme.Decefait,lasanténesedéfiniraitqu’àpartirdumomentoùl’onparledebonneoudemauvaisesanté.Cetteapprocheétantlargementpartagée,nouspartironsdoncdupostulatqueletermede« santé »et« bonnesanté »sontsimilaires.Encorefaut-ilsavoirdéfinircequ’estla« bonnesanté ».

René Leriche, chirurgien français, s’intéresse à ladouleur des blessés de la première guerre mondiale.Il donne, en 1936 sa définition de la santé qui serareprise par de nombreux penseurs avant d’être peuà peu remise en question2. Pour lui «  la santé c’est lavie dans le silence des organes  ». Jacques Dufresne,philosophe québécois, commentera cette citation en19793enexpliquantquel’organesainsefondraitdansun ensemble faisant ainsi oublier sa présence. C’estl’absence de symptômes. Cependant, cette définitionomet totalement les maladies psychologiques nefaisant pas nécessairement ressentir une douleurphysique aux sujets pourtant malades. Le trouble destresspost-traumatiqueétaitparailleursdéjàreconnuaux ouvriers des chemins de fer dès 1889 puis auxrescapésdesdeuxguerresmondiales.Ilconvientdoncd’affirmerquecettedéfinitionestincomplète.

Lors de sa création le 22 juillet 1946 l’OrganisationMondialedelaSanté (OMS)complète ladéfinitiondelanotiondesantédeRenéLerichedanslepréambulede sa Constitution. Cette nouvelle organisationinternationale va alors définir la santé comme étant«  un état de complet bien-être physique, mental etsocial,etneconsistepasseulementenuneabsencedemaladieoud’infirmité »4.Lasurvenanced’unemaladiephysiqueoupsychologiqueneseraitdoncpasleseulélément à prendre en compte afin de se déterminercommeétantenbonneouenmauvaisesanté.Lebien-êtresocialseraitdoncunélémentaumoinstoutaussiimportantquelesdeuxprécédents.PourElodieGiroux,

1-InterviewdeT.Jansen,«Onpeutêtremaladeetenbonnesanté?»,Psychologie.com,Octobre2011.2-R.LERICHE,«Delasantéàlamaladie,ladouleurdanslesmaladies,oùvalamédecine?»,in Encyclopédiefrançaise,VI,1936.3-J.DUFRESNE,«LaDéprofessionnalisation»,Critère,n°25,printemps1979,pp.123-134.4-Préambule,Constitutiondel’OMS,19-22juin1946.

professeuredephilosophie,lecritèredemalêtresocialcontenue dans la définition est cependant l’occasiond’étendre de manière considérable, voire illimité, lescasdemauvaisesanté5.

Aufildesannées,lascienceetlamédecineontpermisdemettreenévidencedenouvellesformesdemaladiephysique ou psychologique. Afin d’accompagner cesdécouvertes, les critères de définition de la santé,et donc de la bonne santé, sont, de ce fait devenusextrêmementrestrictifs.Pourl’OMS,unétatdecompletbien-êtrephysique,mentaletsocialestdoncnécessaireafin d’être considéré par la société comme étant enbonnesanté.Lavéritablecomplicationapparaitlorsquel’onchangederegard.Cettedéfinitionadmetdoncquesoitenmauvaisesantétoutepersonnenerentrantpasdanscecadredebien-être.

Cettedéfinitionsoulèveaumoinsdeuxproblématiquesqui sont liées et sur lesquelles on devra s’interroger.D’unepart,c’estlaquestiondel’expansiondescritèresdelabonnesanté,etd’autrepartunedifficultétoujoursplusgrandepourlesÉtatsd’assurerunesantépubliqueefficace.

I. Avoir une bonne santé, bientôt une utopie ?Lefaitd’augmenterlescritèresdedéfinitiondelasanté,et donc de la bonne santé, a pour effet automatiquede limiter considérablement l’accès des individusau statut de «  personne en bonne santé  » et doncd’augmenter le nombre de personnes considéréescomme en «  mauvaise santé  ». L’ajout du critère dubien-être social ne semble pas alerter la doctrine oules institutions, pourtant, sous couvert d’une bonneinitiative, il peut s’apparenter au ver dans la pomme.En effet, la présence ou non d’un «  complet bien-être social  » ne peut pas, contrairement à la maladiementale ou physique, être toujours perceptible parune tierce personne. L’absence de ce bien-être peutdécouler d’un nombre infini de difficultés rencontréesauquotidientellesqu’unedéceptionamoureuse,desdifficultés professionnelles ou familiales. La bonnesanté n’est donc plus une notion quasi-objective, dumoins pour le corps médical, mais devient, en partielefaitd’unressentid’unepersonneconstatéeparelle-même. La bonne santé se confondrait ainsi en partieaveclebonheur.

Ce mécanisme tendant à déterminer de plus enplus de critères afin de définir la bonne santé nesemble pas vouloir s’arrêter. En 2005, la Charte del’environnement de 2004 est adoptée. Elle disposedans son article premier «  chacun a le droit de vivredansunenvironnementéquilibréetrespectueuxdelasanté ».Celienentreenvironnementetsantépoussealors à penser qu’il faille, en plus des autres critères,analyser si un individu vit dans un environnement

5 - E. GIROUX, «Définir objectivement la santé : une évaluationdu concept bio statistique de Boorse à partir de l’épidémiologiemoderne», Revue philosophique de la France et de l’étranger, PUF,2009,pp.35-58

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écologiquement sain pour qu’il soit en bonne santé.Cette volonté incessante de prévoir toujours plus decritèresdedéfinitiondelabonnesantérisqueàtermede ne voir plus personne entrer dans ce cadre. Labonne santé deviendrait donc une utopie, un désir àjamaisinassouvi.

Toutefoiscertainsauteurssontconscientsdesrisquesdécoulant d’une augmentation de ces critères. AinsiElodieGiroux,maisaussil’économisteRobertG.Evansquiécriraen1996unouvrage« Êtreounepasêtreenbonne santé  » dans lequel il préconise une définitionmoins stricte. Selon lui la santé c’est «  l’absence demaladie-malaise »,c’estàdire« l’absenced’atteinteàl’intégritédelapersonne,desymptômesalarmantsouderéductiondecapacité ».Sadéfinitionsetrouveainsiàmi-cheminentreladéfinitiondeRenéLericheetcellede l’OMS. Malgré cela, cette définition n’est que trèspeurepriseparlesauteurs.

II. D’une santé individuelle à une santé sociétale.Le terme de «  santé  » et de «  santé publique  » sontsouventconfondusdansle langagecommun.Pour leMinistèredesaffairessocialesetdelasanté,letermede «  santé publique  » concerne la prévention, lapromotiondelasanté,l’observationdel’étatdesantéde la population et répond aux crises sanitaires.AinsicelacorrespondauxmoyensmisenœuvreparunÉtatafin de garantir cette condition de bonne santé auxindividus.

Le Code de la santé publique dispose, dans sonChapitre préliminaire sur les droits de la personneà l’article L. 1110-1 que «  le droit fondamental à laprotectiondelasantédoitêtremisenœuvrepartousmoyensdisponiblesaubénéficedetoutepersonne. »Pourtant,etc’esticileproblème,lesÉtatss’appuientsurladéfinitiondel’OMSpourcequiestdelasanté.Ilsenretiennent donc unevision restrictive de cette notion.Il sera donc de plus en plus compliqué et coûteuxpour les États d’assurer leur fonction de garant de lasantépubliquepuisquedeplusenplusdepersonnesseront considérées comme en mauvaise santé. Cettetransformation risque de faire émerger une nouvellevision de la santé par la puissance publique. En effet,la puissance publique pourrait alors changer d’uneconception individuelle de la santé à une conceptioncommunautaire afin de garantir un nouveau cadre deprotectiondelasanté.Ilestainsiintéressantd’anticipercequepourraitdevenirlasantépubliquedanslefutur.Onpeutdoncicichoisird’imaginerlescénarioleplusdérangeant.Dansceschémalasantépubliqueneferaitplus le nécessaire pour assurer la santé de chaqueindividucequiseraitimpossible,maistenteraitd’assurerlasantéd’unplusgrandnombredanssacommunauté,quitteàabandonnerouutilisercertainespersonnesenmauvaisesantédansuncadrederecherchemédicale.L’éthiquedelarecherchepourlasantéchangeraitainsitotalement.

Ainsi, on peut d’ores et déjà citer quelques cas oùl’individuestmisdecôtéauprofitdelacommunauté.Lamiseenplace,parl’InstitutNationaldelaSantéetde la Recherche Médicale, de la Cohorte ELFE6 en2011quipermetdesuivre lasantéde18 000 enfantsdèsleurnaissanceafind’’analyseretdepratiquerdesstatistiques sur leur santé et plus particulièrementl’’influencedeleurenvironnementsurleursanté.Maisaussi laCohorteConstance7quiestunprojetvisantàfaire passer des examens à plus de 200  000 adultesafin de compléter les banques d’’analyses médicales.Ici,l’objectifn’estpasdesoignerlespatientsatteintsdemaladiesoudetroublesmaisd’utiliserleursdonnéesmédicalespourlefutur.

On peut donc se demander, si cette transformationest réellement effective. Jusqu’où pourra aller lacommunauté afin de protéger la santé du plus grandnombre  ? À ce jeu, tout comme Aldous Huxley danssonroman«Le meilleurdesmondes », l’’imaginationetlesfantasmesdescience-fictionpeuventnousfaireentrevoir de nouvelles réglementations sur le sujet.Ainsi, nous pouvons potentiellement voir apparaitre,l’’instaurationd’’uneobligationdevaccinationpourlesadultes, des cas de mise en quarantaine d’ampleur,rappelantlastratégiedu« Grandrenfermement »sousLouisXIV,l’autorisationdel’euthanasiepuisunepratiquesanscomplexedecelle-cioubienl’eugénisme8 ?

Pour l’instant il n’en n’est rien de cela, bienheureusement,Ladéfinitiondelasantédel’OrganisationMondialedelaSantéaplusde70ansetriennelaisseréellementpenserquecelapuisseévoluerencesensprochainement. Toutefois, il faut rester conscient quecettedéfinitionrestrictivedelasantérisquedeposerdenombreusesdifficultésdanslamiseenplaced’unesanté publique efficace et cohérente. Et face à cesobstacles,dessolutionsdevrontêtretrouvées,qu’ellessoientbonnesoumauvaises.

Enfin nous conclurons notre propos sur une citationdel’InstitutNationaldeSantéduQuébec,quimontreune tendance à favoriser la communauté à défautde l’individu : «La santé publique doit donc pouvoircompter sur le fait que les individus assument leursresponsabilités à l’égard de la communauté et desautrescitoyensdansunespritdesolidaritésocialeetqu’ilssontprêtsàsacrifierunepartiedeleurautonomieau profit du bien commun.  La santé publique doitpouvoircomptersurlefaitquelesindividusassumentleurresponsabilitésàl’égarddesautrescitoyensdansunespritdesolidaritésociale. »9.

Antoine GILBERTEtudiant du Master II Droit Public Recherche et

Concours, Université Paris Sud

6-http://www.elfe-france.fr/index.php/fr/7-http://www.constances.fr/8 - «Théorie cherchant à opérer une sélection sur les collectivitéshumainesàpartirdesloisdelagénétique.»,Larousse9-InstitutnationaldelasantépubliqueduQuébec,Cadre de référence en gestion des risques pour la santé dans le réseau québecquois de la santé publique,Janvier2003,p.17

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La «Jungle de Calais», zone d’intégration ou zone de non-droit ?Laëticia Bakali

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La «  Jungle de Calais  », zone d’intégration ou zone de non-droit ?

La «  Jungle  » de Calais, ce camp migratoireclandestinement installé à 400 mètres d’un portdont la qualification assez péjorative représentemalheureusement bien la situation, suscite plusieursinterrogationsjuridiques.

Lespremiersmigrantsquiarriventàlasous-préfectureduPas-de-Calaisentre1998et1999sontceuxayantfuilaguerreduKosovo;lesautresviennentprincipalementd’Afrique,d’AfghanistanetdeSyrie.ACalais,ilssontentransitcarleurobjectifmajeurestd’atteindrelesterresanglaisessituéesoutre-Manche.Lecentred’accueilduSangattegéréparlaCroix-Rouge ouvredanslamêmeannée et prévoit d’accueillir environ 800 personnes,maisilreçoittrèsviteprèsde10 000migrants.Malgréplusieurs démantèlements, la Jungle de Calais sereformesystématiquementetdurablement ;cependant,aveclacrisemigratoirede2015,l’Unioneuropéenneseretrouvedansl’obligationd’établirdesquotasd’accueildesmigrants (24 000pourlaFrance).Parconséquent,unepartiedesmigrantsdeCalaisaététransféréedansd’autresrégionsduterritoire.

L’«    intégration  » des migrants sur le sol français estprincipalementl’œuvredesassociationshumanitaires :on parlera ici d’une intégration non pas au senspurementadministratif(demanded’asileoudeséjour)mais physique, concernant l’intégrité des migrants.Vivantsdepuisuntempsdansleplusgrandbidonvilled’Europe, les migrants doivent «  survivre  ». Ils sontregroupés par nationalité ou par groupe linguistique.Logésdansdestentesoudescabanesdefortune, leplanD1devientleurquotidienetcesmigrantsdoiventfairefaceàdessituationsassezdégradantestouchantainsiàleurdignitéhumaine :eneffet,lespointsd’eausontquasiinexistants.Face à l’insalubrité, l’insécurité voire même la famineauseindubidonvilledeCalais,lesassociationstirentlasonnetted’alarmeetmettentenplaceune« opérationd’urgence humanitaire  ». Médecins du monde etMédecinssansfrontières,activementprésentssur leslieux,s’occupentdesmalades,SolidaritésInternationalinstalle des blocs sanitaires, le Secours CatholiqueCaritasdistribuedes« kits-cabanes »avecplanchesetcouvertures,etleSecoursislamiquedistribuedescolisalimentaires.

Quid du Gouvernement  ? La « sécurité  » reste sonmot d’ordre. Plusieurs CRS ont ainsi été déployéssur le chemin séparant le bidonville des habitantscalaisiens. L’Etat français a opté pour le maintien del’ordre public et tente ainsi d’assurer une politique derépression. Cependant, les riverains témoignent deleurpeuretdeleurcrainte ;dansleursdiscours,iln’yaaucuneanimositépersonnellenidehaineparticulièreà

1-Débrouille.

l’encontredesmigrantsmais« unras-le-bol »généralquisefaitressentir. Ilssontspectateursdenombreuxaltercationsetheurtsentreforcesdel’ordre,migrants,activistes anti-migrants (britanniques en majorité)et activistes anti-frontières, «  les No Border  ». Laplupart des riverains souhaiteraient partir  ; d’ailleursla mairie propose un relogement aux locataires (pourlespropriétaires,c’estuneautreaffaire).Cependant,leprésident de la région Hauts-de-France souhaite un« couvre-feu »lesoir,unesorted’interdictiondesortirdelaJungleàpartird’unecertaineheure,cettemesureseraitjuridiquementjustifiée,selonlui,parlecontexteactueld’Etatd’urgence.Cecin’apasétémisenœuvre.Toutdemême,faceàl’atteintedesdroitsdel’Hommede ces migrants, certaines instances étatiques tellesque les Nations Unies, le Conseil de l’Europe ouencore France Terre d’Asile, le CIMADE (Comité InterMouvements d’Aide aux Evacués) et la CommissionNationale Consultative des Droits de l’Homme(CNCDH) dénoncent les conditions déplorables quelesmigrantsdeCalaisdoiventsupporteraudétrimentdurespectdeleursdroitsfondamentauxélémentaires.La CNCDH décide de préparer un avis de suivi  ; elleva réaliser plusieurs investigations et auditions sur lecamp migratoire à partir d’avril 2016. La Commissionconsidère que la protection des droits de l’Hommeest inhérente aux questions relatives à la gestion desmigrationscarellesconcernentdesêtreshumainsensituation de grande vulnérabilité, ces derniers faisantfacedanslaplupartdutempsàdesconditionsdeviecontrairesàladignitéhumaine2etdesdiscriminations.Lesenfantsetsurtout lesfemmesrestentaupremiercheflesplusfragiles,faisantsouventl’objetdevioletdeprostitution.Selonlesassociations,touteslesfemmesmigrantes ont au moins subi une fois une agressionà caractère sexuel et de plus en plus de migrantestrouvent dans la prostitution un moyen de survivre3.LaCommissioneuropéenneaformuléencesensunesériederecommandationssurlesconditionsd’accueiletdeviedespersonnesmigrantessuiteàlafermeturede Sangatte portant atteinte à a dignité humaine, surla possibilité de demander l’asile en France, sur lanécessitépourlespouvoirspublicsdefinancerplusdelieux d’accueil et d’hébergement, sur la punition desbavures policières, mais également sur la protectiondesmineursisolésétrangers(MIE).Cetavisviseàcequel’actionétatiqueetcellesdespolitiqueseuropéennespuissentrespecterleslibertésetdroitsfondamentauxde ces migrants mais également régler la politiquemigratoiresurlafrontièrefranco-britanniquefixéedansleTraitéduTouquet.

Les accords duTouquet4 sont des accords bilatérauxentre le gouvernement de la République françaiseet celui du Royaume-Uni de Grande-Bretagne etd’Irlande du Nord, relatifs à la mise en œuvre de

2 - Notion contenue dans l’article 1er de la Charte des droitsfondamentauxdel’Unioneuropéenne.3-O.MULLER,« DanslajungledesmigrantsdeCalais,desfemmesaussi »,Les Inrocks,10décembre2014.4 - http://www.gdr-elsj.eu/wp-content/uploads/2015/12/5.-accords-du-touquet.pdf

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La «Jungle de Calais», zone d’intégration ou zone de non-droit ?Laëticia Bakali

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contrôles frontaliers dans les ports maritimes de laManche et de la mer du Nord des deux pays, signésle4février2003.Entrésenvigueurle1erfévrier2004,cesaccordspermettentauxagentsfrançaisd’effectuerdes contrôles en Angleterre et aux agents anglaisde contrôler les migrants sur le sol français dans desbureaux nationaux juxtaposés installés à Calais et àDouvres. Concrètement, les autorités britanniquesvontvérifieràCalaisquelescandidatsàl’immigrationremplissent les conditions nécessaires pour entrerau Royaume-Uni. Cependant, dans la pratique, lescandidatsanglaistraversant laManchepouratteindrelaFrancesontpeunombreux.Onpeutconsidérerquel’on a déplacé les frontières d’une certaine manière,cequifavoriselasurpopulationdansladiteJungledeCalais.Unjeunevolontaireanglaisœuvrantauseindel’ONG« CareforCalais »s’estconfiéàlapresseanglaise,s’inquiétantdelasituationprécaireaucampdeCalais,il «  appelle le gouvernement britannique à s’engager davantage dans le processus d’accueil des réfugiés »5.

LeRoyaume-Unipréfèrenettementinvestirdesmillionsdanslaconstructiond’unmuranti-intrusionlelongdelarocadeportuairedeCalaisàpartirdeseptembre2016mais très vite, Natacha Bouchard, la maire de Calais,prendunarrêtéinterruptifdestravauxafind’éviteràlalongueunenfermementcompletdescalaisiens.

Pourquoi les migrants ne veulent-ils pas faire dedemanded’asileenFrance ?SelonLaureM,étudianteen droit public à l’Université Paris-Sud et bénévolefrançaiseà« HelpRefugees »,« la plupart des migrants parlent l’anglais, ils ont de la famille là-bas et pensent que les chances de s’en sortir sont plus favorables qu’en France ».

De plus, le droit d’asile conçu comme un pouvoird’exigerd’unEtatqu’ilaccordel’admissionetleséjoursur son territoire, n’existe pas en droit internationalgénéral6. Si dans le droit interne, l’étranger n’a pas lestatut de réfugié il ne pourra devenir «  demandeurd’asile  »7. La Convention de Genève du 28 juillet 1951relative au statut des réfugiés donne une définitionprécise du réfugié, il s’agira de la personne «  qui craignait avec raison d’être persécutée du fait de sa race, de sa religion, de sa nationalité, de son appartenance à un certain groupe social ou de ses opinions politiques, se trouve hors du pays dont elle a la nationalité et qui ne peut ou, du fait ce dette crainte, ne veut se réclamer de la protection de ce pays  ». Cependant cette définitionne couvre pas le cas des personnes que la misèrepousse à quitter leurs pays respectifs, les réfugiés«  économiques  », devenus si nombreux mais qui netirentfinalementdudroitinternationalaucunprivilège.Encequiconcernelademanded’asile,lesaccordsduTouquet ne sont pas favorables à la France. Suivantla convention, la demande d’asile formulée avant le5 - https://fr.sputniknews.com/international/201610241028342298-calais-refugies-traitement-volontaires-britanniques/6 - J. COMBACAU, S. SUR, Droit international public, 12ème édition,LGDJ,coll.« PrécisDomat »,2016.7-Ibid.

départdubateaupourl’AngleterredoitêtretraitéeenFrance.Silademanded’asileestfaiteaprèsledépartdubateau,c’estàl’Angleterredes’encharger.UnefoisàDouvres,siledemandeursevoitrefusersademande,il est renvoyé à Calais. Les accords du Touquetprévoient que les contrôles de fret se réalisent «  àl’entréeduterminalfret »,ainsilesclandestinscachésdans les camions tentant de passer la frontière sontarrêtésenFrance.DepuisleBrexit,laFranceveuttoutparticulièrement renégocier les accords du Touquetavec laGrande-Bretagne,quiadéplacécôtéfrançaislecontrôledelafrontièrebritannique.

LeRégimed’asileeuropéencommun(RAEC)n’atteintpas l’objectif principal, celui de créer un véritablerégimejuridiquede«protectioninternationale»uniqueapplicable dans tous les Etats membres de l’Unioneuropéenne. Les Etats membres conservent, au nomdeleursouveraineténationale,unegrandemargedemanœuvredanslagestiondeleursfluxmigratoires.

Ainsilaprocédure«DublinIII»viseàdéterminerl’Etatmembre responsable de l’examen d’une demanded’asile présentée par un ressortissant de pays tierssur le territoire de l’un des Etats membres de l’Unioneuropéenne. De ce fait, la procédure vise à éviter àundemandeurd’asiledechoisirlepaysdanslequelilintroduira sa demande d’asile. Lorsque le demandeurd’asile a franchi irrégulièrement la frontière d’un Etatmembre,cedernierestresponsabledel’examendesademanded’asileetdoitdoncprendreledemandeurenchargeetpourvoiràsesbesoins.S’ilsetrouvedansunautreEtat,qu’ilaitounondéposéunedemanded’asile,ildevraêtrerenvoyéverslepremierEtattraversé.

En France, le demandeur d’asile se rend tout d’abordàlapréfectureoùilretireunformulairede« demanded’asile  » qu’il remet à l’Office française de protectiondes réfugiés et apatrides (OFPRA) en attendant saréponse, les demandeurs peuvent être logés auCentre d’accueil des demandeurs d’asile (CADA).Trois réponses possibles  : l’OFPRA rend une décisionfavorable, le demandeur obtient alors le statut deréfugiéetbénéficied’unecartederésidentde10ans ;le demandeur bénéficie d’une protection subsidiaire(cartedeséjourd’unanrenouvelable)oulademandeestrejetée(unrecoursestpossibleàlaCournationaledesdemandeursd’asile(CNDA)).

Le tournant de la Jungle de Calais a lieu le lundi 24octobre 2016  : un démantèlement musclé s’opère,et cette fois-ci, les autorités détruisent entièrementles camps mais pensent à reloger ses occupantsdans diverses régions de la France (à l’exception dela Corse), au sein des Centres d’accueil d’orientation(CAO) :ils’agitdepetitesstructuresdanslesquelleslesmigrantssontorientéstemporairement,letempspoureuxd’effectuerlesdémarchesdedemanded’asile.Lesréfugiés ne touchent pas d’allocation. Ils bénéficientd’un accompagnement juridique, social et d’un suivi

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La «Jungle de Calais», zone d’intégration ou zone de non-droit ?Laëticia Bakali

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sanitaire. En réalité, ces centres seront destinés à la« préparation du transfert des personnes sous procédure Dublin  », et au «  suivi des personnes assignées à résidence dans ce cadre »8.

Malgré une soixantaine de bus prévus, une présencedes forces de l’ordre assurée ayant l’ordre de laissersortir les migrants voulant quitter la jungle par leurspropres moyens, nombreux sont ceux qui se sontcachés, refusant d’intégrer ces centres d’accueil etpoursuivantl’« Eldorado »britannique.Parmieux,desmineurs abandonnés à eux-mêmes  bénéficiant d’unstatutspécialmalgrétout ;cesontdes« MineursIsolésEtrangers  » (MIE). Un MIE est «  un jeune de moins de 18 ans qui n’a pas la nationalité française et se trouve séparé de ses représentants légaux sur le sol français. De sa minorité découle une incapacité juridique, et de l’absence de représentant légal une situation d’isolement et un besoin de protection »9.Cesmineursn’ontpasdestatutjuridiquepropre ;ilsrelèventàlafoisdudroitdesétrangerset,autitredel’enfanceendanger,dudispositiffrançaisdeprotectiondel’enfancequineposeaucunecondition de nationalité. Pourtant, le statut d’enfantdevraitprévaloir,conformémentauxengagementsdelaFrance,autitredelaConventioninternationalerelativeaux droits de l’enfant. Les pouvoirs publics comptenttrouver une solution en urgence pour ces mineurs,un accord avec le Royaume-Uni a été établit pouraccompagnercesjeunesdanslescentresd’accueiletainsipouvoir lesrecevoirenAngleterresoitdufaitdeleurvulnérabilitésoitdanslecadred’uneprocédurederegroupementfamilial.

Laëticia BAKALIEtudiante en Master 1 Droit International Public,

Université Paris-Sud

8 - http://www.lexpress.fr/actualite/societe/comment-la-france-prevoit-d-expulser-davantage-de-migrants_1848428.html9 - http://www.france-terre-asile.org/actualites/actualites/actualites-choisies/mineurs-isoles-etrangers-lessentiel

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La laïcité turque : un modèle autoritaire à l’épreuve du contrôle de la Cour européenne des droits de l’HommeLisa Ceglie

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La laïcité turque  : un modèle autoritaire à l’épreuve du contrôle de la Cour Européenne des Droits de

l’Homme

Selon Henri Capitant, la laïcité est une «  conception politique impliquant la séparation de la société civile et de la société religieuse, l’Etat n’exerçant aucun pouvoir religieux et les Eglises aucun pouvoir politique  »1.Pourtant, la laïcité turque rompt avec cette visionséparatiste. Il existe une organisation centralisée del’Islam hanéfite (branche du sunnisme) pris en chargepar l’Administration Etatique, précisément la Diyanet(Direction des affaires religieuses)quiapourmissionde« diriger les affaires de la religion islamique concernant les principes de la croyance, du culte et de la morale, et d’éclairer la société sur la religion et d’administrer les lieux de culte »2.Concrètement,c’estl’Etatturcquinommeetrévoquelesimams.Pourcomprendrecettespécificité,ilapparaîtnécessairederevenirsursesorigines.Au XVIIIe siècle, les lettrés ont souhaité voir accéderl’Etat turc à la modernité sur le modèle français.Pour cela ils ont défendu l’idée d’une rupture avec lemodèlepolitiqueislamiqueducalifatquiempêcheraitl’émancipationdespeuples.Cetteidéologieserareprisepardeuxgroupesdepenseursquialternativementvontproposerunevisiondelalaïcité :les« jeunesottomans »promeuvent la modernisation et le libéralisme dontbénéficierait la séparation de l’Eglise et de l’Etat, puisles «  jeunes turcs  » qui considèrent que la Sciencedoit remplacer l’Islam. L’une des grandes figures dumouvementdes« jeunesturcs »seraMustaphaKemal(ditAtaturk,pèredelaTurquie),quiparviendraàabolirlecalifatetinstaurerlaRépubliquele29octobre1923aprèsdeviolentscombats.

Sonprojetpolitiqueestbienlaïque :l’identitédupaysn’estplusdépendantedel’Islammaisduprincipedelanationalitéturque.Lalaïcitéestunoutilquipermetauxturcs,selonKemal,d’échapperausortdesmusulmanscolonisés en démontrant que la Turquie est un jeunepayscivilisé.Ainsi,le5février1937,lalaïcitéestinscriteàl’article2delaConstitutiondel’époque.

Cependant pour garantir l’effectivité de ce projetpolitique, la laïcité va être instaurée de manièreautoritaire.Dès1932unprocessusde« turquisation duculte »estlancé :l’alphabetarabeestremplacéparlescaractèreslatins3,maisencorel’appelàlaprièredoitsefaireenturcetnonenarabesouspeinedesanctions4.

Sousl’empiredel’actuelleConstitutionde1982,lalaïcitéfigure à l’article 2 : «  La République de Turquie est un Etat de droit démocratique, laïque et social, respectueux des droits de l’homme dans un esprit de paix sociale ».Elle bénéficie d’une forme de supra-constitutionnalitépuisqu’elle ne peut faire l’objet de révision.1-H.CAPITANT,« Laïcité »inG.CORNU(dir.),Vocabulaire Juridique,PUF,11èmeédition,2016,p.305.2-Loin°633du22juin1965.3-Loin°3038du11juin1936.4-Loin°4055du2juin1941.

L’identification politique de la laïcité est rappeléedanslajurisprudencedelaCourconstitutionnellequiénoncedansunedécisiondu7mars1989quelalaïcitéconstitue« la garantie de la démocratie et l’essence de la République ».

L’interdépendance du principe juridique de laïcitéavec le projet politique républicain est toujoursd’actualité. Il y a une réappropriation de la laïcité parles institutions et dans les débats politiques. La Courconstitutionnelle et l’armée sont perçues commeporteusesdukémalismeactueletadoptentpourcelaun activisme violent. L’armée a commis différentscoupsd’EtatoutentativestoutaulongduXXesiècle.La Cour constitutionnelle s’oppose régulièrement àplusieurs projets politiques en s’armant du principede laïcité. Cette jurisprudence donne lieu à un fortcontentieuxdevantlaCoureuropéennedesdroitsdel’Homme(CEDH)quidoitassurerunéquilibreentreunprincipecaractérisantl’identitépolitiquedelaTurquie,et les possibles atteintes aux droits et libertés qu’elledoitprotéger.Deplus,laviepolitiqueturquefaitfaceàunemontéedel’islamisme,incarnéeaujourd’huiparlafigure deTayyip Erdogan, Président de la Républiquedepuis 2014, qui intervient à contre-courant de cettelaïcité institutionnelle. Là encore, la CEDH possèdeun rôle inconfortable d’arbitre entre les velléités desdifférentschampspartisans.LajurisprudencedelaCEDHapparaîtdonccommeuncompromispoursesaisirducaractèreautoritairedelalaïcitéauregarddusocledesdroitsetlibertésqu’elleestcenséeprotéger.

La laïcité turque constitue un modèle politiquespécifiqueoùl’organisationcentraliséedel’Islampeutdonner lieu à certaines discriminations à l’égard desautres cultes (I). Cependant, son application par lesinstitutions nationales peut témoigner d’une ruptureavec les valeurs démocratiques, au premier rangdesquellesfigurelepluralisme(II).

I. La laïcité turque : un modèle politique d’organisation de l’Islam, source potentielle de discriminations

A. L’arrêt Leyla Sahin c/ Turquie : point de départ de la spécificité de la laïcité turque

EnTurquie,l’organisationcentraliséedel’Islamreposesur la logique suivante  : le contrôle de la religionpermettraitd’empêchersoninfluencedanslasociété.C’est pourquoi le port du voile islamique, depuis lecommencementdelaRépublique,aétéinterditdanslesinstitutionspubliques.CelaexpliquelesoppositionsconstantesdelaCourconstitutionnelleauxtentativesréformatricesconcernantlevoileàl’université,dontlaplusrécenteestintervenuele9juillet2016.

La question du port du voile apparaît ainsi commeparticulièrement sensible, puisqu’elle entre encontradiction avec la vision turque de la laïcité

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constitutionnellementgarantie.Pourautant,celan’apasempêchéLeylaSahin,unejeuneétudiante en médecine, de former un recours auprèsdelaCEDH.Suiteàplusieurssanctionsconséquentesauportdufoulard,etnotammentlerefusd’accèsauxexamens,elleaestiméquelalaïcitétellequ’elleressortdelapratique(ici,ladécisiondurectoratd’interdireleportdufoulard)méconnaît l’article9de laConv.EDHquiconsacrelalibertédepensée,deconscienceetdereligion.

La Grande chambre de la CEDH se prononce danssonarrêtdu10novembre2005etadopteunelecturepolitiqueduprincipedelaïcité,qu’elleprésentecomme« le garant des valeurs démocratiques ».LaCourassociela laïcitéàl’accèsàlaTurquieàladémocratie,cequipourraitparaîtreétonnantdèslorsque,lesEtatspartiesà la Conv. EDH sont caractérisés comme étant desdémocratiessansadopterleprincipedelaïcité.Maisilsembleenl’espècequelaCourseréfèreaucontextepolitiquesensibledelaTurquie,quiaconnuplusieurstentatives de coups d’Etat, cette instabilité ayantégalementconduitleConseildel’Europeàprononcerune mesure de suspension à l’égard de laTurquie en1981. Par conséquent, la CEDH privilégie le principeconstitutionnel laïqueauxrevendications individuellesconventionnellement garanties et portées par LeylaSahin.

Cetteprotectiondumodèlepolitiquelaïqueseressentégalement dans sa lecture pragmatique du contexteturc :« La Cour ne perd pas de vue qu’il existe en Turquie des mouvements politiques extrémistes qui s’efforcent d’imposer à la société toute entière leurs symboles religieux et leur conception de la société, fondée sur des règles religieuses  ». Ce souci de la montée del’extrémisme politique justifie ainsi, aux yeux de laCEDH, l’ingérence par les autorités turques dans laliberté de manifester sa religion. La sauvegarde de lalaïcitépoursuivraitencesens,desbutslégitimesavecla protection des droits et libertés d’autrui et celle del’ordrepublic,bienqu’enl’espècecesoitcettedernièrequiapparaîtcommeétantprioritaire.

B. Assouplissement de la jurisprudence de la CEDH : sanction des discriminations induites par la laïcité turque

LaCEDHatoutdemêmedûfairepreuvedemodulation,danssonappréciationjuridiquedelalaïcitéturque,auregarddesconséquencespratiquesimpliquéesparlalaïcitéturque.Commementionnéprécédemment,ellen’impliquepasdeneutralitédelapartdel’Etatpuisqu’ilexisteuneorganisationcentraliséedel’islamhanéfite,cequiexclutlesmusulmansdésignéscomme« non-reconnus  », mais également les non-musulmans.Pourmesurerlesdiscriminationsàl’œuvre,nousnouspencherons sur les musulmans non-reconnus, c’est-à-dire qui ne sont pas distingués des hanéfites parles institutions. Seul l’hanéfisme est reconnu comme

faisantpartiedel’IslamenTurquie.

Cette immixtion dans le fait religieux de la part desautorités, en déterminant de manière unilatérale cequeseraitounonl’Islam,seretrouvedanslapratiquedescartesnationalesd’identité.EnTurquie,lareligionest mentionnée dans les documents officiels, sauf sile titulaire formule une demande pour laisser la casecorrespondante comme vide. Ainsi, lorsqu’un alévi,c’est-à-direun« musulmannon-reconnu »selonl’Etatturc,adécidédefaireinscrirelamentionaléviàlaplacedeislam,celui-cis’estvuopposerunrefus.LaDiyanetconsidère qu’il s’agit d’une simple interprétation del’Islametnond’uncultelégitimementreconnu.

DevantlaCEDHlerequérantasoulignéquecesystèmed’identificationarbitraireétaitcontraireàl’article9delaConv.EDH,etdesurcroîtqu’ils’agissaitd’unedivulgationobligatoire de ses croyances religieuses. La Cour,dans son arrêt Sinan Isik c/ Turquie du 2 février 2010vaadopterunargumentairemoinspermissifquedansl’arrêtLeyla Sahin.Bienquelalaïcitésoitgarantedeladémocratie en Turquie, et qu’elle soit porteuse d’unecertainesensibilitépolitique,laConv.EDHestunoutilsolidepourpouvoircapterdessituationsjuridiquementsanctionnables.LaTurquienejustifiepaslebien-fondéjuridiquedesonimmixtiondanslescroyancesdesescitoyens. Il n’y a pas d’impératif d’ordre politique quijustifieraitlaméconnaissancedeladimensionnégativede l’article 9, à savoir «  la liberté de ne pas adhérer à une religion et celle de ne pas la pratiquer, le droit pour l’individu de ne pas être obligé de manifester sa religion ou sa conviction ».LaCEDHrequiertainsiunchangementde législationvisant à supprimer toute mention de lareligion,pourquelescitoyensn’aientpasàdivulguerde facto leurs croyances, légitimes ou non aux yeuxdes autorités, en formulant une demande pour retirerlamentionreligieusesur leurdocumentd’identité.Lapratiquedelalaïcitédonnelieuàdesdiscriminationsqui sont juridiquement inacceptables aux yeux de laCour.

II. L’application du principe de laïcité par les institutions turques : une pratique contre les valeurs démocratiques

A. La laïcité : une arme contre le pluralisme religieux au sein de l’Islam

Comme l’a montré l’arrêt Sinan Isik c/ Turquie, lalaïcité turque peut légitimer aux yeux des autoritésune immixtion dans le fait religieux pouvant aboutirà des pratiques discriminatoires entre les citoyensmusulmans.Cetteimmixtionpeutégalementavoirpourconséquencedelimiterlepluralismereligieuxauseindel’Islam.Eneffet,depuisle1erfévrier1949,leministèrede l’Education Nationale turc prévoit des cours de« culturereligieuseetdeconnaissancemorale »dansles écoles primaires et secondaires. Dans la pratique,ces cours visent essentiellement un apprentissage

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desprincipesfondateursdel’Islamsunnitedestinéauxélèvesmusulmans,c’estpourquoiilétaitpossibledansles premiers temps de formuler une demande écrited’exemption par les parents concernés. Cependant,l’article 24 de la Constitution de 1982 rend ces coursobligatoires aux élèves musulmans pendant huit ans.Cetenseignementpossèdeunesignificationpolitiqueforte  : un Imam qui ironisait sur cet enseignementlors d’un prêche s’est vu condamné pour incitation àdésobéiràlaloi5.

Ainsi, lorsqu’un parent alévi a souhaité exempter sonenfantdescoursdeculturereligieuse,cederniers’estvu opposer un refus catégorique. Il a fait prévaloir lefait que le contenu des enseignements était centréuniquement sur l’Islam sunnite  ; de plus il a contestéle caractère obligatoire des cours qui impliquait unpossibleconflitd’allégeanceavecl’éducationattribuéeà ses enfants en méconnaissance de l’article 2 duprotocolen°1(adjointparlaCouràl’article9delaConv.EDH),quiconsisteenun« droit à l’instruction, et droit des parents d’éduquer leurs enfants avec leurs convictions religieuses ».

Dans son arrêt Hasan et Eylem Zengin c/ Turquie du9 octobre 2007, la CEDH estime que la Turquie estlibre de produire un enseignement religieux commela plupart des pays européens. Cependant, celapeut impliquer une méconnaissance du pluralismereligieux en privilégiant une interprétation religieuseau détriment des autres, en l’espèce le culte alévi.La Cour sanctionne ainsi l’absence d’alternative  : lesautorités doivent prévoir des modalités d’exemptionou une modification du contenu des cours pour plusde pluralité religieuse. Cet arrêt est l’occasion detémoignerd’unedifficultépourlaTurquieàreconnaîtreunautreIslamqueceluiconsacréofficiellement.Sansconstituer un endoctrinement, la laïcité verrouillela possibilité pour les jeunes turcs musulmans des’intéresseràtouteslesbranchesdel’Islam.Ildevientdifficile pour les musulmans de développer un espritcritique, qui demeure l’une des caractéristiques de lasociétédémocratique.

B. La laïcité  turque : un contrôle de l’offre politique restreignant le pluralisme politique

La laïcité turque peut également apparaître commeune limite au pluralisme politique, qui est une valeurdémocratique forte. L’ancrage constitutionnel etinstitutionnelduprincipedelaïcitéapudonnerlieuàuncontentieuxélectoralassezviolent.AplusieursrepriseslaCourconstitutionnelleestintervenuepourprononcerladissolutiondepartisou l’annulationd’électionsdèslors que certains partisans politiques adoptaient despostures contraires au principe de laïcité. La CEDH,lorsqu’elle est intervenue, a validé les positions dela Cour constitutionnelle en favorisant l’angle laïc audétrimentdupluralisme,notammentdansl’arrêtRefah

5-Cass.Crim.,8ème,25novembre1999,n°1999/10953.

Partisi et autres c/ Turquiedu13février2003.

En 1998, la Cour constitutionnelle a prononcé ladissolution du parti du bien-être (Refah partisi), quiavait à cette époque gagné plusieurs élections,jusqu’à intégrer la coalition gouvernementale. Il a étéreprochéàplusieursleadersduparti,lorsdediscourspolitiques, de promouvoir un modèle contraire àla laïcité en vantant la Charia ou le Djihad. La Courconstitutionnelleaainsidéduitqueleparticonstituaitun« centre d’activités contraires au principe de laïcité ».LesprincipauxintéressésontforméunrecoursdevantlaCEDHpourméconnaissancedel’article11delaConv.EDHquigarantitlalibertéd’association.Ilsestimentlamesure excessive au regard de ce qui ne constituaitdesimplesdiscourspolitiquesetnonlecontenud’unprogrammeélectoral.

Selon la CEDH, tout changement de législation,donc la réforme de la laïcité n’est possible qu’à deuxconditions  : «  les moyens utilisés à cet effet doivent être à tous points de vue légaux et démocratiques  ; le changement proposé doit lui-même être compatible avec les principes démocratiques fondamentaux  ». Enl’espèce la Cour sanctionne l’incompatibilité avec les«  principes démocratiques fondamentaux  », c’est-à-direuneexpressionrelativementfloueetincertainequilégitimeunrempartjuridiquepuissantfaceaumodèlelaïque.

En légitimant la jurisprudence turque, la CEDH limitele pluralisme politique. En limitant les propositionsalternativesd’organisationpolitique,laCours’exposeàentrerencontradictionaveclavolontédupeupleturc.Plus précisément, le parti Refah après sa dissolutiona été reconstitué sous le parti de la justice et dudéveloppement,AKP,dontErdoganestlereprésentantle plus célèbre. Face à la montée de l’AKP et de sespropositionsd’islamisationdelasociété,sansimpliquerla Charia, la Cour constitutionnelle turque a tenté ànouveaud’interdirecetteoppositionauprojetpolitiquelaïque en 2008. Mais l’échec de cette entreprisedémontre que la laïcité ne peut pas supplanterl’expressiond’unevolontépolitiqueissueduprocessusdémocratique.

Contrairement à la présentation de la laïcité dansl’arrêt Leyla Sahin comme un élément de la sociétédémocratique, il apparaît que la laïcité puisse entreren contradiction avec la démocratie elle-même. Cesnotionssemêlentetildevientdifficiledeleshiérarchiser,sans prendre de parti prix aux conséquencesretentissantessurleplanpolitique.

Lisa CEGLIEEtudiante du Master 2 Administration et Politiques

PubliquesUniversité Paris II Panthéon-Assas

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Consommation d’alcool et droit public

La consommation d’alcool et le droit publicpossèdent une curieuse relation. Alors que laconsommationd’alcoolenvued’étudierledroitpublicn’aboutit pas forcément, l’étude de la réglementationpublique sur la consommation d’alcool est fortintéressante. Peu de personnes s’y sont pourtantintéressés.Ilestacquisquel’étatd’ivressed’unindividuestsanctionnabledanslecadredumaintiendel’ordrepublic. Or qu’en est-il de la réglementation de laconsommation non abusive d’alcool  ? Que risque-t-on à boire une bière sur lavoie publique ou dans lestransports en commun, à boire un verre de whiskysur son lieu de travail  ou avant de prendre le vélo ?Peu d’entre nous le savent alors que nousy sommescouramment confrontés. Le Publiciste est là pourrépondreàcesinterrogations.

Puis-je consommer de l’alcool dans les lieux publics ?

L’étatd’ébriétéestprohibédanstousleslieuxpublicsparle Codedelasantépublique: « Une personne trouvée en état d’ivresse dans les lieux publics est, par mesure de police, conduite à ses frais dans le local de police […] pour y être retenue jusqu’à ce qu’elle ait recouvré la raison. »1.La personne est alors sanctionnée par une amendeprévuepourlescontraventionsdeladeuxièmeclasse,soitde35à150€2.

La simple consommation d’alcool peut aussiêtreprohibéedanscertainslieuxpublics.Lapossibilitéest offerte par les pouvoirs de police du maire etdu préfet de police de Paris. Ainsi certains arrêtésinterdisentlaconsommationd’alcooldanslesparcsouencoresur lavoiepublique, lescontoursducanalSt-Martinontdéjàétéréglementésàceteffet3.

Malgréderaresinterdictions,notreréglementationestl’une des plus souples d’Occident. La consommationd’alcoolsur lavoiepubliqueestainsi interditedanslaplupart des Etats fédérés des Etats-Unis d’Amérique4.C’est une conséquence des lois et règlementsd’application du XVIIIe amendement à la ConstitutiondePhiladelphiedisposantdelaprohibitiondel’alcoolde1919à1931.Cependant,seullefaitd’êtreenpossessiondecontenantsalcooliquesouvertsestsanctionné.Ainsiunsimplepapieropaqueautourduréceptaclepermetd’éviterlacontravention.

Puis-je consommer de l’alcool dans les transports en commun ?

Il est courant de consommer des boissonsalcoolisées au sein du métro ou du RER, que cesoit dans la gare ou dans les voitures du réseau.

1-Article L.3341-1 duCodedelasantépublique.2-Article R. 3353-1duCodedelasantépublique.3-Arrêtén°2014-00494delapréfecturedepolicedeParis,publiéle18juin2014.4 - http://www.ncsl.org/research/financial-services-and-commerce/open-container-and-consumption-statutes.aspx

Or comment apprécier pleinement ce moment dedétente sans être rongé par le scrupule, le mêmeque lorsqu’on ne possède pas de titre de transport  ?Nouspouvonsenfaitêtredélivrés !Laconsommationd’alcool est en effet autorisée dans les transports encommun. Inutile de cacher le réceptacle à peineouvert !Laréglementationsanctionneseulementl’étatd’ébriété5. Un agent de la RATP n’a donc pas le droitdenousobligeràcessernotreconsommationd’alcooldans les transports. Les «  injonctions adressées parles agents [sont uniquement effectuées] pour assurerl’observationdesdispositions »réglementaires6.

Puis-je consommer de l’alcool sur mon lieu de travail ? Quecesoitauseind’uneentrepriseprivéeoud’une administration, la consommation d’alcool estencadréeparlesrèglementsintérieursoulesnotesdeservice.Laconsommationd’alcoolsurlelieudetravailpeut être autorisée mais seulement sous certainesconditions  : en effet, seule la consommation de vin,bière, cidre et poiré peut être autorisée. Celle-ci doitavoirlieupendantlesmomentsderestaurationoulorsd’uneoccasionparticulière7.Si la consommation d’alcool est totalement prohibée,celadoitêtrejustifiépardesmotifsdesécurité8.Dansle cas contraire, il est possible de faire annuler lesdispositionsdurèglement.

Puis-je utiliser une bicyclette après avoir consommé de l’alcool ?

Rentrer chez soi après avoir consommé del’alcoolpeutserévélerêtreuneterriblegageure !Lestransportsencommunsonttrèstôtclôturésetlaprisedu volant vivement déconseillée. Ainsi certains sonttentés d’utiliser leur vélo ou un Vélib’. C’est une bienpérilleusesolution...D’abordparcedessensdiminuésdécuplent les chances de rencontrer un pare-chocs.Ensuite parce que la conduite de bicyclette en étatd’ébriété est sanctionnée par le Code de la route. Lasentence est la même que lorsqu’on est au volantd’unevoiture,àl’exceptiondelapertedepoints.Ainsicetteconduiteàrisqueestsanctionnéed’uneamendeetcouramment,d’unesuspensiondepermis9 !

Armand MEYER

5-Décretn°2016-541du 3mai2016,art.8.6-Ibid.,art.20.7-ArticleR.4228-20duCodedutravail.8-Décretn°2014-754du1erjuillet2014modifiantl’articleR.4228-20duCodedutravail.9-ArticleR.223-4duCodedelaroute.

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Revue publiée par l’Association des Etudiants Publicistes - Faculté Jean Monnet

Directeur de la publication : Antoine GilbertRédacteur en chef : Armand MeyerResponsable des chroniques : Nathalie MariappaResponsable des interviews : Julie SellierResponsable Conseils & BD : Benjamin Mittet - Brême

Contacts :www.aepfjm.wordpress.comAssociation AEP-FJM54, Boulevard Desgranges92330 Sceaux

Chroniqueurs de ce numéro :• Vincent Bassani, doctorant contractuel, chargé d’enseignement en droit international et

européen, Université Paris I Panthéon - Sorbonne• Nathalie Mariappa, étudiante du Master II Droit public approfondi, Université Paris II

Panthéon - Assas• Benjamin Mittet-Brême, diplômé du Master II Droit public approfondi, Université Paris

Sud et du Master II Juriste Conseil des Collectivités Territoriales Université Paris II Panthéon - Assas

• Natalie Obst, diplômée du Master II Recherche de droit européen, Université Paris I Panthéon - Sorbonne

• Amaya Rousseau, étudiante du Master I Droit européen et international public, Université Paris Sud

• Frédéric Zuber, diplômé du Master II Achat public, Université Paris Sud

L’humeur de Cornichon nucléaire