le psychologique - fqppu.orgfqppu.org/assets/files/themes/harcelement_psychologique/hp-guide... ·...

20
Guide de sensibilisation et d’action LE PSYCHOLOGIQUE HARCÈLEMENT CHEZ LES PROFESSEURES ET PROFESSEURS D’UNIVERSITÉ FQPPU

Upload: hoanganh

Post on 03-Feb-2018

214 views

Category:

Documents


0 download

TRANSCRIPT

Page 1: LE PSYCHOLOGIQUE - fqppu.orgfqppu.org/assets/files/themes/harcelement_psychologique/HP-Guide... · sont associés, tels les taux élevés d’absentéisme aux réunions départementales,

Guide de sensib i l isat ion et d’act ion

LE

PSYCHOLOGIQUEHARCÈLEMENT

CHEZ LESPROFESSEURES ET PROFESSEURSD’UNIVERSITÉ

FQPPU

Page 2: LE PSYCHOLOGIQUE - fqppu.orgfqppu.org/assets/files/themes/harcelement_psychologique/HP-Guide... · sont associés, tels les taux élevés d’absentéisme aux réunions départementales,

TABLE DES MATIÈRES

Présentation . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .01Qu’est-ce que le harcèlement? . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .02Les moyens utilisés pour harceler . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .03Les motifs du harcèlement . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .04Les effets du harcèlement . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .05La loi et le harcèlement psychologique . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .06Les personnes harcelées . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .08La direction et le harcèlement . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .11Les syndicats et le harcèlement . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .12Les collègues et le harcèlement . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .14Lutter contre le harcèlement avec

la parole publique et la délibération . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .15Droits normalement reconnus dans

les politiques institutionnelles ou enchâssés dans la législation . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .16

Tableau synthèse . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .17

Ce guide est une initiative de la Fédération québécoise desprofesseures et professeurs d’université (FQPPU). Il s’appuiesur les résultats d’une étude produite par le Comité ad hoc dela FQPPU sur le harcèlement psychologique :

Leclerc, Chantal, Cécile Sabourin, et Micheline Bonneau(2006). Le harcèlement psychologique chez les professeureset les professeurs d’université – Témoignages, analyse etpistes d’action pour les syndicats, Montréal, FQPPU.

On peut se procurer le rapport complet de cette étude en serendant sur site de la FQPPU : www.fqppu.org

FQPPU4446, boul. Saint-LaurentBureau 405Montréal (Québec) H2W 1Z5Téléphone : 514.843.5953Télécopieur : [email protected]

Dépôt légal : 1er trimestre 2006Bibliothèque nationale du QuébecBibliothèque nationale du CanadaISBN : 2-921002-11-6

RechercheComité ad hoc de la FQPPU sur le harcèlement psychologique :CHANTAL LECLERC, professeure, Université Laval ;CÉCILE SABOURIN, professeure, Université du Québec

en Abitibi-Témiscamingue et présidente de la FQPPU ;MICHELINE BONNEAU, professeure retraitée,

Université du Québec à Rimouski.RédactionRÉJEAN ROY, consultantInfographiewww.bertuch.ca

Page 3: LE PSYCHOLOGIQUE - fqppu.orgfqppu.org/assets/files/themes/harcelement_psychologique/HP-Guide... · sont associés, tels les taux élevés d’absentéisme aux réunions départementales,

Un sondage, commandé récemment par la Chaireen gestion de la santé et de la sécurité du travail del’Université Laval auprès de 640 personnes occupantun emploi rémunéré, démontre que le harcèlementpsychologique au travail frappe entre 7 et 9 % destravailleuses et des travailleurs du Québec.

Ce phénomène n’épargne pas le milieu universitaire.

Alerté par plusieurs indices de malaises qui luisont associés, tels les taux élevés d’absentéismeaux réunions départementales, les plaintes reçuespar les syndicats, les tensions persistantes entrecollègues, les congés de maladie prolongés et lesabandons précoces de la carrière professorale, leComité ad hoc sur le harcèlement psychologique dela FQPPU a mené une étude qualitative auprès dereprésentantes et représentants syndicaux et deprofesseures et professeurs d’université1. Cetteétude révèle que la culture et le contexte universitai-res ne sont pas étrangers à l’apparition de conduitesvexatoires dont les effets sont dévastateurs pour lespersonnes harcelées : désillusion, réputation enta-chée, maladie, abandon précoce de carrière, etc.

Il est possible de prévenir ce phénomène qui, il ya cinq ans à peine, était encore peu connu, au Québeccomme ailleurs. Ce guide explique comment. Il devraitaider les professeures et les professeurs, les ges-tionnaires et les syndicats des universités à répondreaux questions suivantes : Quelles formes le harcè-lement psychologique prend-il dans les universités ?Quelles en sont les causes ? Quand ce type de vio-lence est-il le plus susceptible de se manifester ?Et quels gestes concrets les professeures et lesprofesseurs, les gestionnaires et les syndicatsdevraient-ils poser pour faire échec à la violencepsychologique dans le monde universitaire ?

Il importe de le dire avec force : le harcèlementpsychologique en milieu universitaire n’est pas unfléau inéluctable. Au contraire, il sera possible d’enrayerce phénomène en revoyant les modes d’organisationdu travail, les pratiques de gestion et les dérapagesculturels qui l’alimentent. Accorder aux personnestouchées le soutien auquel elles ont droit constitueaussi la responsabilité de tous les acteurs universi-taires, particulièrement de ceux qui sont des témoinsdirects de cette forme insidieuse de violence.

J’espère que la lecture de ce court documentaidera les milieux universitaires à réagir de manièreappropriée aux cas de harcèlement, à mettre unfrein à ce phénomène, à se doter de moyens pour leprévenir et, par le fait même, à faire de l’universitéun lieu aussi stimulant qu’agréable pour les per-sonnes qui ont décidé d’y faire carrière.

Cécile SabourinPrésidente de la FQPPU

1 Les témoignages cités plus loin ont été recueillis par ce Comitéad hoc sur le harcèlement psychologique. Les références présentesdans l’étude complète ne sont pas reprises ici.

01

PRÉSENTATION

Page 4: LE PSYCHOLOGIQUE - fqppu.orgfqppu.org/assets/files/themes/harcelement_psychologique/HP-Guide... · sont associés, tels les taux élevés d’absentéisme aux réunions départementales,

Le harcèlement se manifeste par des gestes et despropos, souvent insidieux, qui visent à déstabiliserune personne et à briser sa résistance psychologiquepour la soumettre ou l’éliminer. Il peut se traduirepar des propos blessants, des critiques injustifiéesou des insultes proférées ouvertement, mais aussipar des insinuations en apparence anodines et diffé-rentes formes d’abus. L’agression simple devient duharcèlement et produit des effets particulièrementdévastateurs lorsqu’elle se poursuit pendant uneassez longue période et lorsque la personne ou legroupe ciblé se trouve ou se perçoit dans une situationoù il peut difficilement se défendre. Pris isolément,les agissements constitutifs du harcèlement peuventsembler anodins, mais leur répétition constante ades effets pernicieux.

Heinz Leymann parle de mobbing et décrit cephénomène comme une forme de terrorisme psy-chologique. Parmi les agissements relevant du har-cèlement, on reconnaît, entre autres, ceux qui ontpour effet d’entraver la liberté d’expression d’unepersonne, de l’isoler, de la déstabiliser, de la discré-diter personnellement et professionnellement, delimiter son accès aux ressources auxquelles elleaurait normalement droit pour réaliser son travail,de compromettre sa santé ou de l’insécuriser. L’abusde pouvoir, le harcèlement sexuel, le harcèlementdiscriminatoire, le harcèlement criminel et certainesatteintes à la propriété peuvent aussi être reconnuscomme des formes de harcèlement psychologique.

Cela dit, assimiler chaque situation pénible ren-contrée au travail à du harcèlement risquerait debanaliser le problème. Ainsi, la non-obtention d’unepromotion, le refus d’une subvention, l’appréciationmitigée d’une contribution scientifique, une mala-dresse de gestion ou le fait de ne pas être invité danstous les cercles ne doivent pas être interprétéscomme des gestes harcelants s’ils constituent des

incidents isolés ou justifiés. De la même manière,les conflits mal résolus, une surcharge continuellede travail, une hausse incessante des exigences etun climat de forte concurrence ne constituent pasdu harcèlement. Il importe cependant de comprendrecomment ces éléments peuvent se combiner pourlui fournir un terreau propice.

Selon l’article 81.18 de la Loi sur les normes du travail, le harcèlement psycho-logique est « une conduite vexatoire se manifestant soit par des comporte-ments, des paroles, des actes ou des gestes répétés, qui sont hostiles ou nondésirés, laquelle porte atteinte à la dignité ou à l’intégrité psychologique ouphysique du salarié et qui entraîne, pour celui-ci, un milieu de travail néfaste.Une seule conduite grave peut aussi constituer du harcèlement psychologiquesi elle porte une telle atteinte et produit un effet nocif continu pour le salarié ».

02

QU’EST-CE QUE LE HARCÈLEMENT ?

Page 5: LE PSYCHOLOGIQUE - fqppu.orgfqppu.org/assets/files/themes/harcelement_psychologique/HP-Guide... · sont associés, tels les taux élevés d’absentéisme aux réunions départementales,

Dans le milieu universitaire, le harcèlement semanifeste habituellement à l’une ou l’autre des éta-pes clés de la vie professorale, à savoir au momentde l’embauche, de l’évaluation du rendement, del’octroi de la permanence, de la titularisation, etc.

Ce phénomène survient aussi dans les décisionsimportantes qui rythment les activités et la vie uni-versitaires (répartition des tâches d’enseignementou des budgets, établissement des priorités dedéveloppement, etc.).

« Visés au cœur », les collègues rencontrés ontparlé des atteintes suivantes portées à leur intégrité.

Atteinte à la parole La communication d’idées est au cœur de la

tâche professorale. Dans ce contexte, interrompreconstamment une personne, la priver de son droitd’intervention, faire fi de son point de vue ou mon-trer des signes d’impatience injustifiés à sonendroit peuvent compromettre sa place dans undépartement et étouffer toutes ses initiatives.D’autres stratégies consistent à blâmer une per-sonne en refusant de l’entendre ou à la tenir à l’écartdes lieux d’échange ou d’influence, par exemple enne l’invitant plus à certaines réunions, en tenant cesréunions lorsqu’on la sait absente et en la blâmantensuite pour son manque de participation à la viecollective.

Atteinte à la réputation Discréditer et dévaloriser le travail de collègues

injustement, critiquer sans raison la rigueur de leurproduction scientifique ou mettre en doute leurintégrité sans raison sérieuse peut avoir des effetsdésastreux sur leur carrière : refus de permanence,refus de promotion, etc. « On m’a refusé la titulari-sation parce que mon harceleur s’est organisé pour

se faire nommer sur le comité. Il discréditait systé-matiquement ce que j’avais fait de mieux. » Enmatière de préjudice causé à un collègue, lestémoignages convergent pour dénoncer la manièredont on manipule les étudiantes et étudiants. On le

fait par des commentaires qui amènentces derniers à douter des compétencesde la personne visée, mais aussi en lesincitant à contester son enseignement.On parle alors de sollicitations de plain-tes très structurées.

Atteinte aux conditions de travail La personne harcelée est souvent

soumise à un stress intenable par descollègues en situation d’autorité formelleou informelle qui créent les conditionsde son insuccès professionnel. Ceux-ci

lui confient des responsabilités ingratesou exigeantes sans les moyens de les assumer, luiassignent continuellement de nouvelles tâches d’en-seignement, la privent de la possibilité de travailleravec des étudiantes et des étudiants gradués quireprésentent une main-d’œuvre privilégiée dansles universités, etc. Refuser de confier à une per-sonne la responsabilité d’un cours se situant dansson champ de compétence constitue aussi unmoyen répandu de harcèlement.

Atteinte à la vie privée et à l’intégrité Créer de la peur chez une personne, faire circuler

des rumeurs sur sa vie privée, se moquer d’elle,l’humilier publiquement ou l’injurier sont d’autresmoyens de harceler. Parfois, les atteintes prennentmême la forme de lettres, de menaces ou d’appelsanonymes.

« Je ne vais plus aux réunions de département depuis au moins deux ans,parce que lorsque j’essayais d’aborder une proposition ou un projet, je voyaiscertaines personnes qui se parlaient entre elles et qui s’y opposaient systéma-tiquement. »

« Qu’on nous enlève aussi arbitrairement nos cours, ça n’a pas de bon sens.C’est là-dessus qu’on joue pour nous harceler. C’est grâce à nos cours qu’ondéveloppe notre expertise. On n’aime pas donner des cours : on aime donnernos cours. »

03

LES MOYENS UTILISÉS POUR HARCELER

Page 6: LE PSYCHOLOGIQUE - fqppu.orgfqppu.org/assets/files/themes/harcelement_psychologique/HP-Guide... · sont associés, tels les taux élevés d’absentéisme aux réunions départementales,

Six grands motifs peuvent expliquer l’apparitionde gestes de harcèlement à l’université.

Le rejet des principes démocratiques Le harcèlement débute parfois parce que cer-

tains individus tolèrent mal les questions ou la dis-sidence de personnes désireuses d’exercer leursdroits en tant que participantes à des instancesdécisionnelles ou consultatives collégiales. Pour seplacer dans la mire des agresseurs, il n’est pasnécessaire d’afficher un caractère belliqueux ouprovocateur : parfois, il suffit d’exprimer son pointde vue en demandant plus de transparence ou endéfendant une position minoritaire.

La quête d’avantages professionnels La concurrence que se livrent les universitaires

pour l’obtention de ressources de plus en plus limi-tées (budgets, locaux, soutien) ou de responsabili-tés d’enseignement et d’encadrement explique quecertaines personnes soient systématiquementdéfavorisées. Certains harceleurs s’en prennent eneffet à leurs collègues pour les priver d’avantagesqu’ils souhaitent pouvoir s’approprier ou conférer àd’autres. Lors de votes en assemblée, la tactiqued’une majorité consiste parfois à user de son poidsnumérique pour accaparer les ressources, contri-buant ainsi à l’étiolement des activités et à la pertede vitalité de leurs collègues.

La concurrence sur le plan professionnel L’importance accordée à la réussite et certaines

jalousies face à la popularité donnent parfois lieu àdes « guerres » au sein du corps professoral. On visealors les personnes qui, selon la rumeur, reçoiventtrop d’attention. « Comme je réussissais, on disaitque j’avais une mauvaise influence et que j’endoc-trinais les étudiants et les chargés de cours. Mesdétracteurs disaient qu’ils allaient me casser. » Ona vu que des professeures et professeurs dont lestravaux sont hautement subventionnés peuventchercher à imposer leur modèle en dénigrant les

autres. Pourtant, à l’inverse, ils peuvent se montrercoopératifs, mais susciter néanmoins la jalousie, larésistance, voire l’hostilité de leurs collègues quisont plus investis dans l’enseignement ou dans larecherche à petits budgets.

Les différences d’orientation Des désaccords idéologiques ou des parcours

professionnels différents amènent parfois certai-nes personnes à dénigrer systématiquement leurscollègues. Une telle attitude culmine parfois enguerre des clans. « [Les auteurs du harcèlement]ridiculisaient ce que je faisais, disaient que ce queje faisais était “quétaine” et riaient de moi entre

eux. Ils m’accusaient de tous les défautset me mettaient constamment desbâtons dans les roues. »

La marginalité La personnalité de la personne visée

ou sa manière d’être devient parfois unmotif de harcèlement en soi. Il arrivequ’une professeure ou un professeur

soit stigmatisé à cause de son style, deson âge, de son sexe, de son origine ethnique ou deson orientation sexuelle.

Des situations de vulnérabilité Une vulnérabilité passagère ou permanente suffit

parfois à entraîner un certain ostracisme. Des profes-seures et professeurs vivant des circonstances devie particulières telles une séparation, une maladieou tout simplement une fragilité temporaire sontciblés. « Tout ce que j’ai appris de mon expérience,c’est que, dans la structure universitaire, il faut êtreprêt à se battre comme un lion. Et si on n’a pas lasanté pour ça, il faut prendre son trou. Je n’auraisjamais parlé comme ça il y a trois, quatre ans. »

« Lors des réunions départementales, quand il y avait des illogismes flagrants,des injustices évidentes, je disais tout simplement : “Est-ce qu’on ne pourraitpas examiner ce problème et proposer des solutions ?” Je me suis renducompte, à la longue, que c’était une des causes qui, aux yeux de quelques col-lègues, faisaient que je méritais d’être exclue. »

04

LES MOTIFS DU HARCÈLEMENT

Page 7: LE PSYCHOLOGIQUE - fqppu.orgfqppu.org/assets/files/themes/harcelement_psychologique/HP-Guide... · sont associés, tels les taux élevés d’absentéisme aux réunions départementales,

Les effets du harcèlement psychologique enmilieu universitaire diffèrent, mais tous peuventêtre dévastateurs.

Confusion des sentiments et démotivation Il est fréquent que les personnes harcelées dou-

tent de leur perception des événements ou banali-sent la situation dans laquelle elles se trouvent.Lorsqu’elles réalisent que le problème persiste, plu-sieurs se remettent en question ou perdent le goûtet la capacité de travailler. « Certains jours, je nefaisais plus rien ; je n’étais plus motivé, je ne mesentais plus. »

Perte de confiance et isolement Se trouvant constamment épiées ou attaquées,

plusieurs personnes deviennent méfiantes à l’excès.Certaines sont terrorisées à l’idée de se tromper, dedire la mauvaise chose au mauvais moment. D’autressont habitées par une honte profonde : honte de sesentir non désirées, humiliées de ne pas savoir sedéfendre, de devoir se justifier, de trembler devantles basses attaques dont elles sont la cible. Certainespersonnes finissent par prendre leurs distances ;elles se replient, s’isolent. Elles le font parfois pourse protéger ou pour éviter de sentir le scepticismeou l’hostilité de leurs collègues. Elles le font aussiparce que les rumeurs et les propos malveillantsont fini par ériger un mur autour d’elles.

Des problèmes de santé Le harcèlement oblige les personnes touchées à

faire preuve d’une vigilance constante et crée unevulnérabilité physiologique qui peut entraîner diffé-rents malaises et troubles fonctionnels : insomnie,fatigue, perte d’appétit, troubles de la digestion,migraines, maux de dos, etc. Si la situation perdure,les personnes deviennent banalement malades.Détresse et épuisement, pensées suicidaires, syn-drome post-traumatique et dépression font partie

des récits de harcèlement... Les personnes touchéesmettent parfois du temps à admettre la gravité deleur état : « Mon médecin m’a dit : “Ça fait trois foisque je vous dis que vous devriez prendre un congéde maladie.” J’ai dit : “OK, mais seulement pour unesemaine.” Je suis partie deux ans. »

Désillusion Les professeures et professeurs sont souvent

embauchés sur un poste régulier à un âge relative-ment avancé, après s’être investis dans de longuesannées d’études et ce, dans un champ très spécia-lisé. Lorsqu’ils constatent ce qui leur arrive, plusieursvoient s’effondrer le rêve d’une vie. Ils ne savent plusce qu’ils font dans le milieu universitaire, cessent depenser qu’ils y ont un avenir, remettent en questionleur choix et vivent plusieurs deuils. Les « voies desortie » sont presque toujours désavantageuses,tant sur le plan professionnel que financier.

Des problèmes personnels Le harcèlement est éprouvant sur les plans familial

et personnel. Les personnes harcelées deviennentparfois moins disponibles pour leurs proches ; ellessont plus fermées, plus taciturnes. L’image du remousest évoquée : « On risque d’entraîner l’autre vers lefond. Des fois, il faut lui donner un petit peu d’air,parce que s’il ne respire pas, le remous entraîne lesdeux, et tout le monde coule. » La personne harcelée

voit souvent un vide se créer autour d’elle :« À un moment donné, les gens quiauraient voulu me soutenir se sontdécouragés. C’était démoralisant poureux de se tenir à côté d’un paquet detroubles comme moi. »

Des pertes financières Les conséquences financières du

harcèlement ne sont pas à négliger.Certaines personnes engagent des frais

importants dans des poursuites ou desthérapies. D’autres sont pénalisées parce que lesatteintes qu’elles subissent peuvent compromettreleur progression dans l’échelle salariale ou lesamener à prendre des congés sans traitement, uneretraite anticipée ou à quitter leur emploi.

« Les effets du harcèlement ? Sur la santé : ulcères, insomnie, anxiété, confu-sion. J’ai aussi vécu de la dépression. Tout ça a mené à une séparation et à undivorce. Et à l’épuisement. Perte de motivation, perte de relations amicales autravail, découragement, abandon de la spécialité de recherche dans laquellej’étais, réorientation dans un autre domaine. À travers tout cela, j’ai vécubeaucoup d’incompréhension, d’impuissance, une perte de mes illusions,plusieurs deuils. »

05

LES EFFETS DU HARCÈLEMENT

Page 8: LE PSYCHOLOGIQUE - fqppu.orgfqppu.org/assets/files/themes/harcelement_psychologique/HP-Guide... · sont associés, tels les taux élevés d’absentéisme aux réunions départementales,

Prévenir...

Selon la Commission des normes du travail, pré-venir le harcèlement psychologique, c’est certes enparler, mais c’est surtout détecter les facteurs derisque et agir sur eux. L’intervention de l’universiténe saurait donc se limiter à adopter et à diffuserune politique contre le harcèlement et à traiter lesplaintes au cas par cas, derrière des portes closes.

L’université doit s’attaquer à la racine du problèmeen agissant sur les valeurs organisationnelles, surcertaines dimensions de l’organisation du travail etsur certaines pratiques de gestion propices à l’émer-gence et au maintien de la violence psychologique.Pour ce faire, elle doit sensibiliser ses gestionnairesà la gravité du phénomène et s’assurer de leur capa-cité et de leur volonté d’incarner les principes deprévention et d’intervention énoncés dans sa politique.

Prévenir le harcèlement, c’est aussi prendre lesmoyens nécessaires pour être informé de chaque casqui se présente. Cela suppose que les universitésmettent en place une procédure crédible d’accueilet de traitement des plaintes, en fassent connaîtrel’existence et chargent une personne ou une unitéde recevoir, en toute confidentialité, les demandesde renseignements et d’intervention adressées parle personnel. Aucun employeur ne peut plaiderl’ignorance.

... et faire cesser

Lorsqu’un employeur est témoin d’une conduitede harcèlement ou en est informé, que ce soit demanière officielle ou non, il doit analyser la situationafin de déterminer les mesures à prendre, à courtou à moyen terme, pour la faire cesser.

L’intervention pour désamorcer un processus deharcèlement ou pour le faire cesser peut être menée

dans le contexte normal du travail, en utilisant lesmodes usuels de communication propres à chaquemilieu. Elle peut être assurée par les gestionnaires,par des délégués syndicaux ou par des collèguesreconnus pour leur aptitude à intervenir de manièreefficace, respectueuse et équitable dans les situa-tions conflictuelles. Lorsque ces pistes de solutionsont jugées inadéquates ou insuffisantes, il peuts’avérer nécessaire d’entreprendre une médiation,de mener une enquête ou d’arbitrer un grief.

La médiation

Menée par un tiers indépendant, impartial etcompétent, la médiation est un processus confi-dentiel qui réunit la partie qui se dit harcelée, lapartie présumée harceleuse, et les autres personnestouchées par le problème. Elle a pour but de lesaider à cerner leurs intérêts et leurs besoins res-pectifs, à se comprendre et à s’entendre sur des

solutions mutuellement acceptables.Toute médiation exige le consentementéclairé et la participation volontairedes parties impliquées dans le litige.

L’enquête

L’enquête sert, pour sa part, à recueillirla version des faits de la partie plai-gnante, de la partie mise en cause et des

témoins, puis à analyser les éléments depreuve. Dans une affaire de harcèlement, l’enquêtevise essentiellement à déterminer le bien-fondé desallégations de la personne qui se dit harcelée et àformuler des recommandations quant aux mesurespréventives, correctrices, réparatrices ou discipli-naires à mettre en place pour corriger le problème.

Le grief

Il y a aussi une possibilité d’arbitrage dans lescas où la procédure de grief est retenue. En vertu del’article 123.7 de la Loi sur les normes du travail, lapersonne atteinte a 90 jours pour déposer ungrief 2. Le grief est toujours formulé contre l’em-ployeur qui n’aurait pas adéquatement protégé lapersonne harcelée. Si l’arbitre juge qu’il y a effecti-vement eu harcèlement et que l’université n’a pasrespecté ses obligations, il peut notamment luiordonner de prendre des moyens raisonnables pourfaire cesser le harcèlement, de verser des dommages

L’article 81.19 de la Loi sur les normes du travail énonce avec force et clarté lesresponsabilités des employeurs en matière de harcèlement psychologique.« Tout salarié a droit à un milieu de travail exempt de harcèlement psychologique.L’Employeur doit prendre les moyens raisonnables pour prévenir le harcèlementpsychologique et, lorsqu’une telle conduite est portée à sa connaissance, pourla faire cesser. »

06

LA LOI ET LE HARCÈLEMENT PSYCHOLOGIQUE

Page 9: LE PSYCHOLOGIQUE - fqppu.orgfqppu.org/assets/files/themes/harcelement_psychologique/HP-Guide... · sont associés, tels les taux élevés d’absentéisme aux réunions départementales,

et des intérêts à la personne visée, de financer lesoutien psychologique et médical dont elle a besoinet de modifier, le cas échéant, le contenu de sondossier.

Pour statuer sur la présence de harcèlement

Pour qu’un comité d’enquête ou un arbitre déclarequ’il y a harcèlement psychologique, il faut que lesprincipaux éléments de la définition utilisée par lelégislateur soient réunis. Quelques questions seposent. Les conduites reprochées sont-elles hostilesou non désirées ? Est-ce que ces conduites diminuent,rabaissent ou causent une humiliation ? Rendent-elles le milieu de travail néfaste ? S’il s’agit d’uneseule conduite grave, celle-ci a-t-elle un effet nocifqui se perpétue dans le temps ? Il faut aussi que lesagissements reprochés soient jugés vexatoires parune personne dite « raisonnable » et au courant detoutes les circonstances de l’affaire. On prend alorscomme référence la norme de conduite acceptée outolérée par la société, et non l’intention de l’auteurprésumé du harcèlement.

2 Une convention collective peut prévoir un délai plus long, maisnon un délai plus court.

07

Page 10: LE PSYCHOLOGIQUE - fqppu.orgfqppu.org/assets/files/themes/harcelement_psychologique/HP-Guide... · sont associés, tels les taux élevés d’absentéisme aux réunions départementales,

1. STRATÉGIES DÉPLOYÉES

Les stratégies déployées pour traverser uneépreuve de harcèlement sont multiples. Plusieurssont inefficaces, voire nuisibles pour la personneharcelée. D’autres sont plus recommandées.

Pour obtenir la reconnaissance qu’on leur refuse,démontrer leur compétence et faire cesser les criti-ques à leur endroit, plusieurs personnes harceléess’engagent à fond dans leur travail, parfois avecacharnement. « Les manigances pour ne pas mereconnaître n’ont pas nui à ma productivité. Aucontraire, j’étais en maudit, et je voulais leur montrerde quoi j’étais capable. » Certaines personnes accep-tent aussi d’accomplir des tâches particulièrementlourdes et ingrates pour montrer leur bonne volonté,acheter la paix ou se rendre indispensables. Mal-heureusement, ces tactiques ne mènent habituel-lement qu’à l’épuisement.

Certaines personnes harcelées ont tendance àgarder le silence ou à se replier sur elles-mêmeslorsqu’elles ont le sentiment d’être traitées incor-rectement. Une professeure a même avoué qu’ellen’a jamais mentionné aux membres de sa famille età ses proches qu’elle était harcelée au travail. Unetelle réaction ne constitue toutefois pas la norme.

La plupart des personnes harcelées se tournentvers leurs proches pour obtenir leur soutien et leuravis. « Ma conjointe m’a beaucoup protégé face à ça.Elle a pu me faire prendre une certaine distance :quand on est plongé dans la marmite, on n’est pascapable d’avoir le recul nécessaire. Cela a été trèsimportant. Sans elle, j’aurais été pas mal plusimpulsif que je ne l’ai été. » Ce type de soutien estprécieux.

Les témoignages reçus révèlent toutefois que lesoutien de l’entourage n’est pas toujours adéquatet, surtout, qu’il ne suffit pas. « Nos parents ouamis ont beau être présents, ce n’est pas tant de

leur soutien dont on a besoin que de celui des gensde notre milieu. Ce dont j’avais besoin, c’était desréactions de collègues qui connaissent bien lasituation et qui pouvaient intervenir ou me donnerleur appui. »

Malheureusement, les attentes face auxcollègues sont souvent déçues. Ren-voyées à elles-mêmes, plusieurs per-sonnes cherchent donc à se distancerde leur milieu de travail, physiquementou psychologiquement, par exemple, entélétravaillant ou en cessant de participerà certaines activités importantes. Cettestratégie a ses limites. « Je ne pense pas

qu’il faille se défiler [devant le harcèlement]parce que si on se défile, ça se répand encore plus.On souffre d’ostracisme et on est vraiment isolé.Vivre en ermite dans mon bureau, je ne feraisjamais ça. »

Enfin, certaines personnes démissionnent ouprennent une retraite anticipée, parfois malgré despénalités financières substantielles. Et si cette voieest inaccessible, les personnes tentent de préserverleur santé en prenant des congés, en s’investissantailleurs que dans leur département. C’est l’éloge dela fuite.

2. STRATÉGIES DE RECHANGE

Quelle que soit la situation, la personne qui seconsidère comme harcelée doit pouvoir être enten-due par son syndicat, y trouver des renseignementsfiables et des conseils éclairés, être informée deses droits et recours et être traitée avec respect etéquité. À sa demande, une conseillère ou unconseiller syndical sensibilisé à la problématiquedevrait l’accompagner dans ses démarches auprèsde différentes personnes ou instances de l’université.Si la situation l’exige, le syndicat peut également luiprêter son assistance pour rédiger une plainte,déposer un grief ou faire une réclamation à la CSST.Ce soutien syndical peut s’avérer crucial pour aiderune personne à analyser sa situation et à en saisirles enjeux, pour faire contrepoids à une positiondiscutable de l’employeur ou pour contribuer à l’éla-boration et à l’application de solutions adaptées.

« Moi, j’essaie juste de sauver ma peau et de survivre à ça. »

« J’ai choisi la solution du retrait. Donc, je travaille beaucoup plus à la maison.Pour moi, c’est plus libre dans ma pensée, et plus facile de produire. »

08

LES PERSONNES HARCELÉES

Page 11: LE PSYCHOLOGIQUE - fqppu.orgfqppu.org/assets/files/themes/harcelement_psychologique/HP-Guide... · sont associés, tels les taux élevés d’absentéisme aux réunions départementales,

Quelques autres attitudes et précautions géné-rales pour faire face au harcèlement méritent d’êtrerappelées :

Rester centré sur ses droits Il est naturel que la personne agressée se

demande ce qu’elle a pu faire ou dire pour mériter lesort qui lui est fait et cherche à ouvrir le dialogueavec l’auteur du harcèlement pour désamorcer lasituation. Malheureusement, le harcèlement estrarement dû à un simple problème de communica-tion. Le désir de conciliation ne doit pas empêcherde se rappeler qu’on a droit, en tout temps, à ladignité et au respect.

Reconnaître le harcèlement Une analyse lucide de sa situation et une

connaissance des actes de harcèlement aideront lapersonne à comprendre ce qui lui arrive et à faireéchec à l’invalidation.

Réagir poliment et calmement Dès que possible, la personne harcelée doit faire

savoir à celle qui la harcèle que sa conduite estinappropriée et blessante. Elle doit aussi luidemander de mettre fin à ses agissements. Quelsque soient les sentiments de la personne harcelée,celle-ci doit éviter d’y aller de menaces, d’injures etd’actions d’éclat, lesquelles, a posteriori, pour-raient être interprétées comme un manque decontrôle de soi et lui causer du tort.

Avertir l’employeur Les obligations de l’employeur étant renforcées

par sa connaissance d’une situation de harcèle-ment, on aura intérêt à l’avertir le plus rapidementpossible d’une telle situation et à conserver unepreuve de cette démarche. Cela pourrait devenirimportant si la situation devait mener à uneenquête ou à l’arbitrage d’un grief.

Chercher le soutien d’autrui L’isolement et le repli sur soi sont les pires ennemis

des personnes harcelées. Toute personne harceléedevrait se tourner vers son entourage pour obtenir lesoutien dont elle a besoin. Le recours à des servicesprofessionnels de counseling ou de psychologiepourra aussi aider la personne touchée à voir plusclair dans sa situation, à se protéger, à se remettresur pied et à reprendre le contrôle de sa vie. Au-delàde ces formes de réconfort et d’assistance exter-nes, le soutien des collègues est particulièrement

crucial. En s’ouvrant à ses collègues, lapersonne harcelée pourra obtenir desconseils judicieux et, parfois, se rendrecompte que d’autres éprouvent aussides malaises importants. Les collè-gues sont aussi les mieux placés pourcomprendre la situation, intervenirdirectement, dénoncer et faire cessercertains comportements.

Ne pas donner prise au harcèlement

L’une des manières typiques de har-celer une personne consiste à l’épier, à la critiquersur les moindres détails et à la prendre en défaut.On doit donc faire preuve d’une certaine vigilanceafin d’éviter de fournir des munitions à ses détrac-teurs. Inutile toutefois d’en faire trop ou de vouloir àtout prix obtenir l’approbation des auteurs de har-cèlement. Bien souvent, il convient plutôt de limiterses relations avec ceux-ci à des rapports profes-sionnels polis et, le plus possible, à des échangesqui se font lors de réunions officielles, dans deslieux normaux et publics, ou en présence d’un témoin.Face aux attaques directes ou indirectes, il est inu-tile de chercher à se justifier. Il est préférable dedemander des précisions à la personne qui agresseet de l’amener à se commettre publiquement.

« La meilleure stratégie m’a toujours semblé être la réplique, c’est-à-dire lacontre-attaque. Étant donné que le harcèlement procède énormément par lefait qu’il est caché, la meilleure stratégie m’a toujours semblé être de montrerce qui est caché. Le harcèlement vise beaucoup à nous isoler, à nous fairetaire. On va, par exemple, essayer d’attaquer la personnalité de quelqu’un, saréputation et différents éléments, dans l’espoir que la personne en soit hon-teuse. Et si on arrive à faire que la personne ait honte, c’est elle-même qui feratous les efforts possibles pour se cacher. »

09

Page 12: LE PSYCHOLOGIQUE - fqppu.orgfqppu.org/assets/files/themes/harcelement_psychologique/HP-Guide... · sont associés, tels les taux élevés d’absentéisme aux réunions départementales,

Réunir et conserver des preuves Comme les auteurs de harcèlement brisent les

personnes visées petit à petit, à l’aide de mots et degestes qui, pris isolément, peuvent paraître anodins,il importe pour ces dernières de documenter cequ’elles vivent. Entre autres, on conseille générale-ment aux personnes harcelées de tenir un journalet d’y décrire chaque incident, y compris le moment,le lieu et les circonstances où il s’est produit, ainsique les sentiments ressentis face à l’agression. Enplus d’aider la personne harcelée à voir clair dans sasituation, cet exercice l’aidera considérablement sielle décide ultérieurement de déposer une plainte.

Prendre congé de l’université Avant de démissionner ou de prendre une retraite

précipitée, la personne harcelée devrait songer àobtenir un congé. Le fait de s’accorder une périodede répit l’aidera à prendre le recul essentiel à laprise de décisions réfléchies. Cela lui permettra derevenir en meilleure forme, puis de négocier, éven-tuellement, des conditions de départ acceptables. Ilest risqué d’attendre d’être à bout de forces pourprendre une période de repos : un état d’épuisementqui perdure pave la voie à des problèmes plussérieux. Dans une telle situation, il importe aussi debien choisir son médecin ; celui-ci devrait connaîtrela problématique du harcèlement psychologique,être au courant des démarches à entreprendreauprès des assureurs et de la Commission de lasanté et de la sécurité du travail (CSST) ou, à tout lemoins, faire preuve de l’ouverture d’esprit nécessaire.

Utiliser les recours prévus Si le harcèlement persiste, il ne faut pas tarder à

utiliser les recours prévus dans son milieu. Afin deprendre une décision éclairée, il importe de s’informerde ses droits, de ses responsabilités et des ressour-ces ou des recours offerts. Attention toutefois de nepas suivre aveuglément tous les conseils donnés !Il faut aller chercher une information juste auprèsdes instances et des personnes compétentes.

Harcèlement et CSST

En vertu de la Loi sur les accidents de travail etles maladies professionnelles, une professeure ouun professeur peut faire une réclamation à la Com-mission de la santé et de la sécurité du travail etrecevoir des indemnités si son médecin reconnaîtun lien entre ses problèmes de santé et sa situationau travail. En pratique, la situation est souvent moinsclaire. En effet, il arrive que l’employeur insiste pourprivilégier un recours au régime collectif d’assu-rance maladie de la personne harcelée plutôt qu’àla CSST, tandis que la compagnie d’assurancesdemande que la réclamation soit faite à la CSST. Enoutre, il est souvent difficile de faire reconnaîtrepar la CSST que la détérioration de l’état de santéde la personne harcelée résulte de ses conditionsde travail. En cette matière, la personne harcelée agénéralement avantage à consulter son syndicat etune avocate ou un avocat spécialisé en droit du tra-vail et en santé et sécurité au travail.

10

Page 13: LE PSYCHOLOGIQUE - fqppu.orgfqppu.org/assets/files/themes/harcelement_psychologique/HP-Guide... · sont associés, tels les taux élevés d’absentéisme aux réunions départementales,

La prévention et la lutte contre le harcèlementsont la responsabilité de l’employeur qui a une obli-gation de moyens en cette matière. Autrement dit,on est en droit de s’attendre à ce que chaque admi-nistration universitaire mette en place des mesuresconcrètes, crédibles, efficaces et connues pourassumer cette responsabilité.

À ce chapitre, les actions prises par la plupartdes universités ont surtout consisté à adopter despolitiques institutionnelles contre le harcèlement.

Bien qu’essentielles, les politiques restent insuf-fisantes :

• si elles sont adoptées unilatéralement, sansconsultation des syndicats et des associationsprofessionnelles, et sans être inscrites dans uneperspective d’éducation et de sensibilisation col-lectives ;

• si elles ne permettent pas une remise en ques-tion de certaines normes culturelles et de certainespratiques organisationnelles qui incitent à la vio-lence psychologique ou qui la tolèrent, la considérantcomme un mode normal de communication et defonctionnement ;

• si elles ne changent rien à la manière dont cer-taines personnes en situation d'autorité refusent,consciemment ou non, d'assumer leurs responsabi-lités.

Les personnes qui dirigent un département ouqui exercent des pouvoirs inhérents à d’autresfonctions (décanat, vice-rectorat, rectorat) sontfréquemment interpellées pour intervenir dans dessituations de harcèlement. Dans plusieurs cas, lesdemandes de soutien qui leur sont adressées don-nent lieu à des interventions ponctuelles et à des

solutions partielles et transitoires. On agit sur lessymptômes, mais on s’attaque très rarement à laracine du problème.

Par ailleurs, on déplore trop souvent une ten-dance des directions à nier, minimiser, banaliser ouétouffer les problèmes, ce qui s’explique de plusieurs

façons. Des personnes en position d’autoritépeuvent être partie prenante du proces-sus de harcèlement ou agir en collusionavec ses auteurs. D’autres croient ouveulent croire que la personne harceléeest responsable de son problème. Ilspeuvent aussi attribuer une situation deharcèlement à un conflit de personnali-tés. Enfin, il arrive que certains ges-tionnaires, ne sachant pas commentagir, tergiversent.

Lorsque le soutien institutionnel attendu leur estrefusé, les personnes harcelées risquent de se sentirtriplement blessées, triplement isolées et triplementtrahies : elles le sont d’abord par les personnes qui lesharcèlent, ensuite, par les collègues qui hésitent àles soutenir et, enfin, par la direction qui refused’agir, alors que c’est pourtant son rôle d’arbitrerles conflits et de rendre justice.

En plus d’adopter une attitude exemplaire et decollaborer activement à l’application des politiquescontre le harcèlement, les personnes en positiond’autorité doivent intervenir avec diligence lorsquedes situations potentielles ou manifestes de harcè-lement sont portées à leur connaissance.

Elles ont un rôle crucial à jouer pour éviter queces situations ne s’enveniment, mais aussi pouragir sur les causes profondes des problèmes. C’està elles qu’il revient d’utiliser les moyens et les res-sources à leur disposition pour instaurer des normeset des pratiques...

• qui assurent à toutes et tous le droit à unmilieu de travail exempt de harcèlement ;

• qui réhabilitent les règles de l’équité, de la col-laboration et de la collégialité ;

• qui mettent un frein à diverses formes dedétournement des pouvoirs formels et informels derecommandation, d’évaluation et de décision con-férés aux professeures et professeurs.

« Je me suis sentie incomprise... écoutée, mais pas entendue par ces personnes-là. Mais l’important, c’était surtout ma dignité, qui était atteinte. J’étais brisée. »

« Les administrateurs s’en lavent les mains au superlatif. C’est le pouvoir del’inertie. Leur soutien, c’est strictement zéro. Je peux me faire immoler sur laplace publique... Ce n’est pas grave, parce que ça ne les concerne pas. Poureux, c’est une affaire de profs. »

11

LA DIRECTION ET LE HARCÈLEMENT

Page 14: LE PSYCHOLOGIQUE - fqppu.orgfqppu.org/assets/files/themes/harcelement_psychologique/HP-Guide... · sont associés, tels les taux élevés d’absentéisme aux réunions départementales,

Les syndicats ont aussi un rôle déterminant àjouer en matière de harcèlement. Si certainesdemandes de soutien sont bien accueillies et bientraitées, d’autres donnent lieu à un processus deballottement timide et indéterminé. La complexitédes situations ne saurait justifier les atermoie-ments, les positions de repli ou les précautionsextrêmes que prennent parfois des représentantesou représentants syndicaux avant d’intervenir. Ilest arrivé qu’une professeure s’entende dire : « C’estune histoire de département, de politique départe-mentale. On ne peut rien faire. » De telles réactionsfont en sorte que des personnes harcelées éprou-vent le net sentiment d’être laissées à elles-mêmes,se découragent et sont irrémédiablement blessées.Cela est évidemment inacceptable.

À titre de porte-parole exclusif des salariés, lessyndicats ont l’obligation légale de représenteréquitablement leurs membres qui se croient harcelésou injustement mis en cause. Afin de lancer unsignal clair et de susciter la confiance, ils doiventfaire connaître publiquement leur engagement àlutter contre le harcèlement et se doter d’une procé-dure équitable et efficace en matière de traitementdes plaintes. Cela devient particulièrement importantdans les situations complexes où deux ou plusieursde leurs membres s’opposent ou s’accusent mutuel-lement.

Des conseillères et conseillers des syndicats doi-vent être formés et habilités à offrir aux membresle soutien auquel ils ont droit. Ils doivent :

• les écouter avec ouverture d’esprit et équité,tout particulièrement s’il s’agit de personnes trou-blées qui ont, autant que d’autres, le droit à uneoreille attentive ;

• les informer de leurs droits et en assurer lerespect ;

• les aider à analyser leur situation et à inter-préter l’information qui a pu leur être donnée ;

• les aider à cerner les options qui s’offrent àeux pour résoudre le problème et préciser lestenants et les aboutissants de chaque piste desolution ou de chaque recours envisagé ;

• les référer, au besoin, à des professionnelles ouprofessionnels sensibles à la problématique du har-cèlement et capables de leur offrir certains servicespsychologiques, médicaux, juridiques ou autres.

Lorsqu’une demande leur est présentée en cesens, les syndicats doivent également :

• informer l’employeur de l’existence d’un pro-blème, exiger qu’il agisse pour assurer la protectionde la personne visée et trouver une solution à ceproblème ;

• participer activement à l’élabora-tion et à l’application de solutions àcourt, moyen et long terme ;

• désigner des conseillers ou conseil-lères pour accompagner leurs membres

dans leur démarche auprès de l’employeurou dans des processus de médiation, d’enquête oud’arbitrage de grief (une même personne ne peutsoutenir à la fois une personne qui se dit harcelée etune personne mise en cause dans la même affaire).

Cela dit, les syndicats disposent d’une marge demanœuvre importante pour s’acquitter de leurdevoir de représentation. Un syndicat peut choisirde ne pas soutenir l’arbitrage d’un grief d’un de sesmembres dont la conduite a été jugée harcelante,même si ce dernier a des chances de réussir3. Unetelle décision doit toutefois se fonder sur l’analyseet sur les résultats d’une enquête sérieuse et indé-pendante, menée dans le respect des règles de lajustice naturelle et par des personnes impartiales,compétentes et formées pour conduire une enquête.Cela est d’autant plus vrai si le syndicat utilise lesrésultats d’une enquête menée par l’employeur.

Au delà de leur obligation légale, les syndicatssont sollicités pour élargir les définitions réductricesque certaines administrations universitaires donnentau mot « prévention ».

« Le lieu à l’Université pour défendre nos droits, c’est supposé être le syndicat.On est supposé y trouver du soutien, on est supposé y trouver des gens quisont là pour nous. »

12

LES SYNDICATS ET LE HARCÈLEMENT

Page 15: LE PSYCHOLOGIQUE - fqppu.orgfqppu.org/assets/files/themes/harcelement_psychologique/HP-Guide... · sont associés, tels les taux élevés d’absentéisme aux réunions départementales,

Prévenir, ce n’est pas :

• se satisfaire du dépôt d’une politique sur lesite Web de l’université ou de la distribution dedépliants ;

• croire que les solutions qui ne créent pas devagues ou qui se décident dans les bureaux fermésde conciliateurs ou de médiateurs sont toujourspréférables à celles qui laisseraient des traces plusdurables dans les espaces publics ou à celles quientraîneraient une remise en question de certainesnormes organisationnelles ;

• considérer que toutes les situations de harcè-lement résultent de conflits interpersonnels enoccultant leur contexte.

Combinées au sous-financement des universités,les tendances à la marchandisation et à la gestioncomptable des activités universitaires mettent enpéril les valeurs de la collégialité. Les professeureset professeurs sont placés de façon de plus en pluspermanente dans des situations de surcharge detravail, de concurrence et d’hyper-performance.Dans ce contexte, certaines situations critiques quijalonnent la vie universitaire sont reconnues commedes occasions propices au harcèlement. Devant lasimilarité étonnante de ces situations d’un dépar-tement à un autre, mais aussi d’une université àune autre, l’urgence de solutions organisationnelleset collectives se manifeste.

Sans nier l’importance des facteurs de personna-lité présents dans les dynamiques de harcèlement,les syndicats sont sollicités pour faire les liens quis’imposent entre les dynamiques singulières deharcèlement et les dynamiques culturelles et organi-sationnelles qui font que des conduites inadmissi-bles de violence naissent, se multiplient et perdurent.Au-delà du cas par cas, les renseignements issusdes plaintes traitées dans un contexte confidentieldoivent être « dénominalisés » et « anonymisés »,afin d’éliminer les causes récurrentes de harcèle-ment. À partir de ces analyses, il devient possiblede réviser certaines règles d’organisation du travailou de prise de décision qui laissent trop de place àl’arbitraire. On peut aussi inclure dans les conventionscollectives des clauses qui réduisent les risquesd’abus de pouvoir.

3 Les conventions collectives peuvent préciser les obligationsdes syndicats en cette matière.

13

Page 16: LE PSYCHOLOGIQUE - fqppu.orgfqppu.org/assets/files/themes/harcelement_psychologique/HP-Guide... · sont associés, tels les taux élevés d’absentéisme aux réunions départementales,

C’est auprès de leurs collègues que les personnesharcelées souhaitent d’abord trouver compréhensionet soutien, parce ceux-ci, mieux que quiconque,peuvent comprendre la situation et intervenir enpremière ligne. Lorsqu’une personne harcelée obtientce soutien, sa situation s’améliore grandement.Toutefois, fait troublant, on constate que les collèguessont lents à réagir.

Les collègues refusent parfois d’intervenir parréflexe d’autoprotection. « Je n’étais pas le seul à êtreharcelé, mais j’étais leur principale cible. Parmi lescollègues indépendants, je sentais qu’il y avait unecrainte. Une crainte qui était certainement fondée surle fait que, s’ils se liaient avec moi, ils risquaienteux aussi d’être harcelés. » Dans d’autres cas, onjoue l’indifférence en prêtant foi à la rumeur. Onrefuse aussi de croire à l’intensité et à la violence despropos ou des gestes rapportés. « Si le harcèlementest assez fort, plusieurs vont avoir un certain douteet se demander si ce qu’on raconte est possible. »

Il arrive aussi que certains collègues tirent profitd’une situation injuste ou qu’ils soient amenés,petit à petit, à considérer certaines atteintes à l’in-tégrité des autres comme normales et naturellesdans le milieu universitaire. On va alors jusqu’àchercher des torts à la personne harcelée, la soup-çonnant de « s’y prendre mal », de ne pas saisir « lesrègles du jeu » ou de forger son propre malheur.

Les problèmes s’aggravent lorsque les auteursdu harcèlement abusent des pouvoirs qui leur sontconfiés, notamment lorsqu’ils participent à certainesinstances collégiales dont les décisions ont desconséquences déterminantes. « Le harcèlement quise fait entre des individus qui n’ont pas accès à l’au-torité est gênant. Mais une fois que ces individusont accès au pouvoir, ils peuvent aller très loin.Donc, plus ce pouvoir est fort, plus le harcèlement

peut être fort. Et ce, surtout quand les institutionsdémocratiques qui sont censées faire contrepoidsou tempérer ce pouvoir sont inefficaces. » Devantdes situations où l’injustice, la manipulation d’as-semblée, la négligence et l’arbitraire sont issusd’une collégialité pervertie, rien ne devrait justifierle silence des collègues ou leur abdication face àleurs responsabilités.

Une professeure ou un professeurdoit réagir lorsqu’il est témoin direct ouindirect de harcèlement. À ce titre, il doit :

• faire savoir haut et fort qu’il dés-approuve toute conduite harcelante ; en cette matière, se taire constitue unconsentement tacite ;

• offrir ouvertement son soutien auxpersonnes harcelées ;

• contribuer à la conscientisation de ses collè-gues en ouvrant la discussion avec eux, en privé eten public ;

• éviter de se mettre systématiquement du côtédu plus fort ou de la majorité, afin de briser l’isole-ment et la marginalisation des personnes agressées ;

• utiliser son autorité formelle ou informelle pourfaire cesser toute conduite jugée inadmissible ;

• repérer les modes d’organisation du travail quicréent un terreau propice au harcèlement et contri-buer à l’instauration de normes et de règles favorisantle respect et la coopération.

« Le harcèlement cessera quand l’Université com-prendra qu’elle ne pourra pas isoler les professeurs,qu’elle ne pourra pas les stigmatiser. »

« Chacun pense à sa carrière... Ça me fait trop mal de penser que personne nevoudrait venir témoigner en ma faveur. C’est cela qui me brise. »

« Pendant un an, les collègues me conseillaient d’ignorer les menaces non jus-tifiées. C’est seulement quand quelques-uns ont montré fermement leur dés-approbation face aux conduites de mes harceleurs que la situation a changé,notamment lorsqu’un professeur titulaire et respecté s’est décidé à interveniren ma faveur. J’aurais aimé qu’il se décide plus tôt à parler. »

14

LES COLLÈGUES ET LE HARCÈLEMENT

Page 17: LE PSYCHOLOGIQUE - fqppu.orgfqppu.org/assets/files/themes/harcelement_psychologique/HP-Guide... · sont associés, tels les taux élevés d’absentéisme aux réunions départementales,

La FQPPU défend l’Université comme servicepublic et reconnaît que l’accomplissement des mis-sions universitaires de construction et de trans-mission des savoirs exige un contexte adéquat.Pour contribuer effectivement et efficacement àces missions, les professeures et professeurs, quien sont les principaux responsables, doivent pou-voir compter sur un climat sain propice à la créativité,à la rigueur et à l’autonomie de pensée et d’action. Ilsdoivent prendre part, en collégialité, aux décisionsqui ont un impact direct sur la vie universitaire,qu’elles concernent les ressources ou les programmes.

Le milieu dans lequel s’exerce le travail professorala connu d’importantes transformations au cours desdernières années. Pas toujours dans le bons sens.Le sous-financement des universités et les formulesde financement de la recherche universitaire ontcréé un climat de concurrence et entraîné deschangements organisationnels propices à l’appari-tion de conduites vexatoires. Le harcèlement psy-chologique frappe aussi bien les universités qued’autres secteurs de la société québécoise.

Bien que les résultats de la recherche de la FQPPUne permettent pas d’évaluer l’ampleur et la natureexactes du problème, ils montrent clairement que lesprofesseures et professeurs s’inquiètent en prioritéde la conduite de collègues et de la détérioration duclimat de travail au sein des instances où se prennentdes décisions importantes. Les règles propres à latradition universitaire qui, au premier abord, pouvaientlaisser croire à l’existence d’un effet protecteursont trop fréquemment perverties : on assiste alorsà une manipulation des travaux en comités, desrègles de délibération, des consensus et des critèresd’attribution des tâches et des ressources ; l’exer-cice des pouvoirs formels et informels légitimes setransforme en rapports de domination qui ouvrentla voie au harcèlement.

La Loi sur les normes du travail donne aux em-ployeurs et aux syndicats des responsabilitésimportantes et incontournables en matière de luttecontre le harcèlement psychologique. Au-delà de cesresponsabilités légales, qui doivent se traduire pardes processus crédibles et connus de traitementdes plaintes, la FQPPU considère que la préventionconstitue une priorité et une préoccupation qui doitêtre partagée. Pour qu’on ne tolère plus cette formede violence insidieuse, les administrations univer-sitaires, les syndicats, les professeures et les pro-fesseurs doivent apprendre à en reconnaître lesmanifestations et, surtout, veiller à refaire de l’Uni-versité un lieu où la parole, la collégialité et la colla-boration entre collègues ont droit de cité.

Les syndicats sont interpellés directement pourbriser le mur du silence. Afin d’éviter les pièges bienréels de la psychologisation et de la judiciarisationde l’intervention en matière de harcèlement, ilimporte de se donner les outils nécessaires pourque les cas de violence au travail puissent êtrerévélés. La parole publique et la délibération sont

les seuls moyens de produire des analyseset des discours qui puissent ébranlerles pratiques menant à l’étiolement dessolidarités et à la déstabilisation psycho-logique des individus. Car c’est à partirde là que les résistances contre la vio-lence et les revendications pour unmilieu de travail sécuritaire pourronts’organiser.

« Le problème de fond auquel on se heurte, c’est la loi du silence. La loi dusilence va des deux côtés : les universités vont tout faire pour étouffer les pro-blèmes, mais les victimes de harcèlement sont les premières à garder lesilence. On garde le silence parce qu’on a honte de vivre cela, mais on a surtoutpeur d’être ostracisé. C’est la loi du silence qu’il faut casser. Comment la casser ?La première chose, c’est d’en parler, d’en parler, d’en parler. »

« Institutionnellement, ça n’a plus aucun sens. Si on ne fait pas quelque chose,ça va devenir de pire en pire, ce ne sera plus vivable dans nos universités. »

15

LUTTER CONTRE LE HARCÈLEMENT AVEC LA PAROLEPUBLIQUE ET LA DÉLIBÉRATION

Page 18: LE PSYCHOLOGIQUE - fqppu.orgfqppu.org/assets/files/themes/harcelement_psychologique/HP-Guide... · sont associés, tels les taux élevés d’absentéisme aux réunions départementales,

16

DROITS NORMALEMENT RECONNUS DANSLES POLITIQUES INSTITUTIONNELLES OUENCHÂSSÉS DANS LA LÉGISLATION

• Droit à un milieu de travail exempt de harcèle-ment et à des conditions de travail qui respectentla santé, la sécurité et la dignité des salariés.

• Droit d’être entendu, conseillé et informé parune personne désignée par l’employeur, reconnuepour son impartialité et ses compétences, et ce,dans le respect des règles de la confidentialité.

• Droit à une intervention diligente de la part del’employeur pour assurer sa sécurité physique etpsychologique. Dans certains cas, une interven-tion provisoire destinée à faire écran entre lapartie plaignante et la partie mise en cause peuts’avérer nécessaire.

• Droit d’utiliser les recours internes de média-tion et d’enquête qui existent généralement dansles universités, sans perdre son droit de grief.

• Droit d’être protégé contre les représailleslorsqu’on signale une situation de harcèlement àl’employeur, lorsqu’on demande un soutien oulorsqu’on participe au règlement d’une situation.

• Droit de refuser la médiation qui est libre etvolontaire.

• Droit de garder le contrôle de sa plainte, le caséchéant, et de la retirer en tout temps.

• Droit d’être traité avec impartialité, par despersonnes compétentes et dans le respect desrègles reconnues d’équité et de confidentialitéqui s’appliquent dans les procédures de médiationet d’enquête.

• Droit de la partie mise en cause de connaîtreles faits qui lui sont reprochés et de faire connaîtresa version des faits.

• Droit d’être accompagné ou conseillé par unepersonne de son choix dans ses démarches,étant entendu que cette personne ne fait paspartie du processus et qu’elle ne pourra êtreinterrogée comme témoin lors d’une enquête oulors de l’arbitrage d’un grief.

• Droit d’être protégé contre les plaintes frivoleset les fausses allégations.

• Droit d’être entendu et d’être soutenu par sonsyndicat de manière à obtenir un traitementéquitable.

• Droit d’être indemnisé par la CSST pour unelésion professionnelle qui résulte du harcèle-ment au travail et, si le harcèlement est reconnupar un arbitre de grief alors que l’employeur n’a pasrempli ses obligations, droit d’être indemnisé parl’employeur pour perte de salaire, dommages etintérêts punitifs et moraux, etc.

Page 19: LE PSYCHOLOGIQUE - fqppu.orgfqppu.org/assets/files/themes/harcelement_psychologique/HP-Guide... · sont associés, tels les taux élevés d’absentéisme aux réunions départementales,

Vous êtes la cible de harcèlement ?

• Consultez votre syndicat.

• Gardez en tête que chacun a droit au respect.

• Faites savoir à l’auteur du harcèlement quevous jugez sa conduite inappropriée et vexatoire.

• Réagissez ouvertement et calmement auxassauts.

• Recherchez le soutien de votre entourage.

• Avisez l’employeur ou son représentant de lasituation.

• Veillez à réunir et à conserver des preuves desagissements de celle ou de celui qui vous harcèle.

• Protégez votre santé et n’hésitez pas à prendrecongé si nécessaire.

• Utilisez les recours prévus dans votre milieu.

Vous êtes professeure ou professeur ?

• Évitez de garder le silence lorsque vous êtestémoin de conduites harcelantes.

• Offrez ouvertement votre soutien aux personnesharcelées.

• Utilisez votre autorité morale ou formelle pourvous opposer à toutes les formes d’abus et deviolence.

• Contribuez à l’instauration de normes de travailqui assurent le respect de l’intégrité des personnesen ouvrant la discussion sur le sujet en privé, maisaussi publiquement.

Vous travaillez pour un syndicat ?

• Veillez à ce que celui-ci annonce publiquementson engagement à combattre toutes les formesde harcèlement et fasse connaître sa politiqued’accueil et de traitement des plaintes.

• Donnez votre avis sur la politique de l’em-ployeur.

• Assurez-vous que des conseillères et conseillersdu syndicat soient sensibilisés, formés et habili-tés à offrir aux membres l’écoute et le soutienauxquels ils ont droit.

• Agissez avec diligence lorsqu’une demandevous est adressée.

• Participez à l’élaboration, dans votre milieu detravail, de solutions assurant la protection despersonnes, mais aussi l’élimination des causesde harcèlement et l’instauration de normes et derègles propices à l’accomplissement du travailprofessoral.

• Proposez des solutions organisationnelles etl’inclusion, dans la convention collective, de clausesqui réduisent les possibilités de harcèlement etd’abus de pouvoir.

Vous êtes en position d’autorité ou de gestion ?

• Assurez à toutes et tous le droit à un milieu detravail sécuritaire et exempt de harcèlement.

• Exercez une gestion transparente, équitable etrespectueuse des personnes.

• Assurez le maintien ou la réhabilitation desrègles de la collaboration et de la collégialitédans votre milieu.

• Agissez avec diligence lorsqu’une situationpotentielle ou manifeste de harcèlement est portéeà votre connaissance.

• Veillez à ce que l’Université annonce publique-ment sa position en ce qui a trait au harcèlement.

• Utilisez au besoin les services de consultationet les mécanismes de traitement des plaintesmis à votre disposition par votre employeur.

17

TABLEAU SYNTHÈSE

Page 20: LE PSYCHOLOGIQUE - fqppu.orgfqppu.org/assets/files/themes/harcelement_psychologique/HP-Guide... · sont associés, tels les taux élevés d’absentéisme aux réunions départementales,

LE HARCÈLEMENT PSYCHOLOGIQUE CHEZ LES PROFESSEURES ET LES PROFESSEURS D’UNIVERSITÉ – Guide de sensibilisation et d’action

La plupart du temps, le harcèlement observé dans les univer-sités est un révélateur de règles et de pratiques organisation-nelles qui brisent les collectifs, corrompent subrepticementl’éthique du travail, maintiennent des rapports de pouvoirpervertis et exacerbent certains modes de contrôle en assu-jettissant les professeures et professeurs à des logiques deconcurrence et de gestion comptable étrangères, voire oppo-sées, à la qualité de la recherche ou de la formation.

Certaines de ces règles et pratiques sont inscrites dans laculture universitaire et permettent en effet l’éclosion et lemaintien de conduites de harcèlement psychologique. Com-ment réagir face à de tels comportements ? Comment prévenirle phénomène ? Produit par la FQPPU à la suite d’une enquêtescientifique, ce guide vise à aider les professeures et les pro-fesseurs, les directions et les syndicats des universités àrepérer les situations de harcèlement psychologique, à lesrésoudre efficacement et, mieux encore, à s’attaquer à laracine du problème.

Fédération québécoise des professeures et professeurs d’université (FQPPU) 4446, boul. Saint-LaurentBureau 405Montréal (Québec) H2W 1Z5Téléphone : 514.843.5953Télécopieur : [email protected]