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SITUATION DU PROJET Le développement du port d’Anvers (Belgique) sur la rive gauche de l’Escaut, spécialement à la suite de la mise en ser- vice de la darse du "Deurganckdok" ayant une capacité annuelle future de 7,5 millions de conteneurs, amène une crois- sance considérable du transport ferroviaire dans cette région. Lorsque l’exploitation de la nouvelle darse sera pleinement développée, plus de 100 trains de mar- chandises devront circuler entre les deux rives du fleuve, la part du rail devenant 15 % de la totalité du transport. La figure 1 montre un plan schématique des installa- tions portuaires, ainsi que l’implantation des principaux terminaux, voies navigables et de la seule liaison ferroviaire notamment celle empruntant le tunnel J.F. Kennedy sous le fleuve. La nouvelle liaison projetée y est également indiquée. Elle reliera les parties à l’ouest de la zone portuaire direc- tement à la gare de formation d’Anvers Nord, également visible à la figure 1. Le projet «Liefkenshoek» de liaison ferroviaire sous l’Escaut CHANTIERS TUNNELS ET OUVRAGES SOUTERRAINS - N° 205 - JANVIER/FEVRIER 2008 49 Philippe VAN BOGAERT Département Design S.A. Tuc Rail Bruxelles – Génie Civil IR 15 Université de Gand Résumé : Le projet de liaison ferroviaire sous le fleuve Escaut et les installations por- tuaires à Anvers est actuellement éla- boré et fait l’objet d’une procédure de négociations avec les groupe- ments d’entreprises. Au cours de l’étude préalable, 5 variantes de base avec sous-variantes ont été considérées, le choix de base s’étant orienté vers une solution avec deux tunnels forés de plus de 6 km de lon- gueur. Les passages sous le fleuve, dont le fond comprend des vases, et sous le canal portuaire à profondeur très faible, sont les points critiques du projet. Abstract: The Liefkenshoek rail-link project under the Schelde river The project of constructing a rail link below the river Schelde and harbour installations in Antwerp is currently worked out and is the subject of a negotiating procedure with the buil- ding consortia. During the preliminary study, 5 basic alternatives with sub- variants have been considered. The basic choice has been directed towards a solution with two bored tunnels of more than 6 km length. The passages under the river, whose bot- tom includes vases, and below the harbour canal at very low depth, are the critical points of the project. Figure 1 - Situation générale des liaisons dans le port d’Anvers

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SITUATION DU PROJETLe développement du port d’Anvers(Belgique) sur la rive gauche de l’Escaut,spécialement à la suite de la mise en ser-vice de la darse du "Deurganckdok" ayantune capacité annuelle future de 7,5millions de conteneurs, amène une crois-sance considérable du transport ferroviairedans cette région. Lorsque l’exploitationde la nouvelle darse sera pleinementdéveloppée, plus de 100 trains de mar-chandises devront circuler entre les deux

rives du fleuve, la part du rail devenant15 % de la totalité du transport. La figure 1montre un plan schématique des installa-tions portuaires, ainsi que l’implantationdes principaux terminaux, voies navigableset de la seule liaison ferroviaire notammentcelle empruntant le tunnel J.F. Kennedysous le fleuve. La nouvelle liaison projetéey est également indiquée. Elle reliera lesparties à l’ouest de la zone portuaire direc-tement à la gare de formation d’AnversNord, également visible à la figure 1.

Le projet «Liefkenshoek»de liaison ferroviaire sous l’Escaut

CHANTIERS

TUNNELS ET OUVRAGES SOUTERRAINS - N° 205 - JANVIER/FEVRIER 2008 49

Philippe VAN BOGAERT Département Design S.A. Tuc Rail Bruxelles – Génie Civil IR 15 Université de Gand

Résumé :Le projet de liaison ferroviaire sous lefleuve Escaut et les installations por-tuaires à Anvers est actuellement éla-boré et fait l’objet d’une procédurede négociations avec les groupe-ments d’entreprises. Au cours de l’étude préalable, 5 variantes debase avec sous-variantes ont étéconsidérées, le choix de base s’étantorienté vers une solution avec deuxtunnels forés de plus de 6 km de lon-gueur. Les passages sous le fleuve,dont le fond comprend des vases, etsous le canal portuaire à profondeurtrès faible, sont les points critiques duprojet.

Abstract:The Liefkenshoek rail-link projectunder the Schelde river The project of constructing a rail linkbelow the river Schelde and harbourinstallations in Antwerp is currentlyworked out and is the subject of anegotiating procedure with the buil-ding consortia. During the preliminarystudy, 5 basic alternatives with sub-variants have been considered. Thebasic choice has been directedtowards a solution with two boredtunnels of more than 6 km length. Thepassages under the river, whose bot-tom includes vases, and below theharbour canal at very low depth, arethe critical points of the project.

Figure 1 - Situation générale des liaisons dans le port d’Anvers

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La liaison permettra la circulation de trainsde marchandises sans devoir quitter lazone portuaire. En outre, la distance parrail entre les deux pôles est raccourcie de22 km. Les coûts opérationnels serontréduits de façon considérable.

La réussite du projet est donc liée directe-ment à des conditions techniques imposéesaux installations à construire. Les trainscomplets doivent avoir une masse maxi-male de près de 2000 tonnes et être enmesure de franchir les pentes prévues dansle profil en long. En outre, il y a lieu deréduire la longueur de ces sections enpente, de façon à inclure des paliers dansce profil. Le résultat de l’étude montre queles trains devront être acheminés moyen-nant une traction par locomotives doubles.

Les conditions économiques étant favora-bles au projet, le gestionnaire du réseauferré belge a décidé que la construction dela liaison Liefkenshoek devait faire l’objetd’un montage de partenariat public-privé,la procédure d’octroi du marché devantêtre du type DBFM (Design, Build, Financeet Maintain). La durée totale du contrat deconcession a été fixée à 38 ans.

Pour l’instant, la procédure de marché esten cours et le présent texte fait doncexclusivement mention des résultats desétudes préalables et des éléments princi-paux ressortis de l’étude d’impact sur l’en-vironnement, précédent l’octroi du per-mis d’urbanisme.

Le projet de référence devait tenir comptede la présence d’un tunnel routier établiprès du nouveau tracé. Ce tunnel, construitpar immersion en 1980, permet le passagesous l’Escaut, mais présente des pentestrop importantes pour le trafic ferroviaire.Lors de son établissement, la possibilité

d’y incorporer des voies ferrées dans unpertuis séparé, fut envisagée. Dès lors,cette partie du tunnel existant nécessitaitle prolongement au-dessous du canal por-tuaire appelé B1-B2, indiquée au centrede la figure 1 et parallèle au fleuve.Cependant, à l’époque de la constructiondu premier tunnel, cet investissement sup-plémentaire ne paraissait pas se justifier.

LES CONDITIONS GÉOLOGIQUES Les données géotechniques ont été déter-minées par des sondages du type CPT,forages, essais pressiométriques, ainsi quepar des essais en laboratoire sur échan-tillons non remaniés. Les résultats de cesessais ont révélé une composition assezvariable le long du trajet, quoiqu’elle fûtbien connue. L’ensemble des couches duterrain présente une pente générale des-cendante de l’Ouest vers l’Est. Ceci estindiqué à la fig. 2.

Les terrains situés sur la rive gauche del’Escaut ont été remontés lors des déve-loppements industriels. Des couches desable apparaissent en surface jusqu’à uneprofondeur variant de 4 à 6 m. Ensuite l’onretrouve le quaternaire, sous forme d’uneargile molle, contenant des vases et tour-bes. Cette couche n’est pas présente surla rive droite du fleuve, puisqu’elle futformée dans le passé par l’inondation del’estuaire de l’Escaut. La couche compres-sible est suivie par un maximum de 6 m desable fin du tertiaire. Il s’agit de limon etd’un mélange de sable fin et argile. Unetroisième couche sous-jacente d’épaisseurmaximale de 6 m est constituée de sablefin du tertiaire. Des essais triaxiaux non-drainés ont montré que ce sable possèdeun angle de friction interne d’environ 34°.

Le sable fin contient des limons et des len-tilles d’argile. La couche de sol sous-jacente de 9 à 14 m de profondeurconsiste également en un sable fin ter-tiaire. Cependant ce sable contient desfractions d’argile ainsi que de la glauco-nite. Cette dernière substance se com-porte normalement comme un sable.Lorsque la glauconite est soumise à desdéformations mécaniques, sa fraction enfines augmente et elle se comportecomme de l’argile. Les essais triaxiaux non-drainés montrent un angle de frictioninterne variant entre 32° et 34°. La perméa-bilité de ce sable varie entre 1 et 2.10-5m/s.Sur la rive gauche du fleuve, ces couchessablonneuses n’apparaissent qu’avec desépaisseurs nettement moindres.

Les sols à grande profondeur consistenten l’argile de Boom, une argile tertiairerigide, surconsolidée et fracturée.L’épaisseur de cette couche dépasse 60 m.Les caractéristiques géotechniques, déter-minées par essais triaxiaux sont l’angle defriction entre 24° et 25° et une cohésionde 30 à 50 kPa. Cette argile est saturéed’eau mais forme un sol quasi imperméa-ble. La liaison à établir se trouve principa-lement dans les sables tertiaires, quoique,comme le montre la fig. 2, dans sa partiebasse sous le fleuve, le tunnel passe dansl’argile tertiaire, indiquée par le trait inter-rompu en vert. La figure montre égale-ment la situation des puits de départ etd’arrivée des tunneliers dans le cas de lasolution de tunnels forés, commenté ulté-rieurement, ainsi que la partie de tunnel,se trouvant sous le Canal du Waesland,comprenant actuellement un pertuis des-tiné a la liaison ferroviaire future. Ce tunnelexistant se trouve à gauche de la fig. 1.

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Figure 2 - Profil en long de la liaison avec situation de l’argile tertiaire

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Les reconnaissances géotechniques dansles voies navigables, le fleuve Escaut et leCanal B1/B2 donnant accès aux darses duport, ont été effectuées au moyen duponton-grue montré à la fig. 3. Cet enginfut équipé des outillages nécessaires auxreconnaissances. Les opérations devaientse dérouler sans entraver le trafic fluvial, leponton devant se déplacer en cas denécessité urgente. Une coordinationétroite a donc été menée avec le gestion-naire du port et les services de policemaritime.

ALTERNATIVES PAR IMMERSIONAu cours de l’élaboration du projet, plu-sieurs variantes pour la construction ontété envisagées. Aucune ne semblait êtrela plus évidente. Pour cette raison, 5variantes de base, avec sous-variantes ontété considérées. Ces variantes compren-nent les techniques de construction sou-terraine les plus diverses, certaines pouvantparaître inhabituelles.

Etant donné que les obstacles les plusimportants, situés sur le tracé de la nou-velle liaison sont des voies navigables, laconstruction de tunnels par immersionsemble le choix évident. Une option éga-lement valable consiste en le forage detunnels à gabarit ferroviaire. Entre ces deuxextrêmes plusieurs combinaisons et alter-natives pouvaient se révéler être valables.

La première variante, indiquée à la fig. 4consiste à construire une longueur maxi-male du tunnel par immersion. Les sec-tions C sont à construire par cetteméthode, tandis que les sections A et Bseraient construites sur place par mursemboués. Les tronçons préfabriqués sontà construire à un emplacement proche.Cet emplacement peut être la zone indi-quée par B’ et C’ à la fig. 4. La solutionpeut être subdivisée en plusieurs tron-çons. La partie marquée (1) à la fig. 4 est letunnel existant sous le Canal du Waesland.Cet ouvrage est connecté à la nouvelleliaison par une tranchée couverte B et

ensuite A, longue de 2700 m. Plus vers leNord, depuis C jusqu’à C* se situe le tun-nel immergé, long de 3450 m. Du côtéNord se situe une partie B* et C* d’une lon-gueur de 1075 m. La composition des tron-çons marqués B et C est différente, en cesens que la profondeur des murs embouésnécessite parfois de prévoir plusieursniveaux d’étançonnements entre les murs.

L’aire de préfabrication des éléments enbéton pourrait se situer dans la zone entre

les deux voies navigables. Plus de détailsseront indiqués ultérieurement. La lon-gueur des éléments atteint 145 m.L’immersion des éléments dans le fleuvenécessite le déplacement temporaire del’itinéraire normal des navires et son rétré-cissement. Une seconde difficulté résidedans la présence du tunnel routier exis-tant, appelé Liefkenshoek. Comme lemontre la fig. 5, il est évident q’une dis-tance minimale par rapport au tunnelexistant est à prévoir. La tranchée de dra-gage, qui doit contenir le nouveau tunnel,est constituée de passes successives,appelées "boxcuts", le sable se remettantnaturellement en un talus sous eau. Ainsi,une tranchée ayant des pentes de 12/4 estréalisée. La distance prévue par rapport àl’axe du tunnel Liefkenshoek de 90 m estrequise, non seulement pour garantir lastabilité du tunnel, mais également afin deconserver la protection existante, commel’indique la fig. 5.

La profondeur de la tranchée s’élève à14 m, les pentes de 12/4 nécessitant unentretien régulier au cours des travauxd’immersion. L’Escaut ayant une largeurd’environ 900 m au droit du nouvelouvrage, on peut se rendre compte que

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Figure 3 - Reconnaissances sur le fleuve Escaut

Figure 4 - Variante à construire par immersion

Figure 5 - Section du tunnel à construire par immersion

Figure 6 - Passage sous canal portuaire et emplacement de construction

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les opérations causent de sérieuses entra-ves au trafic fluvial. De plus, la section de latranchée nécessite l’extraction de 1000 m3

par m de longueur, ces matières devanttrouver une destination finale. Il est égale-ment important de remarquer qu’une cou-che de sable de ballastage au-dessous dela dalle supérieure du tunnel est à prévoir,afin d’éviter que le tunnel ne remonte ensurface. En outre, une protection parhydrocarbonés et un ballastage supplé-mentaire en pierrailles sont à prévoir.

La partie du tunnel sous le canal du portB1/B2 présente un profil en long nette-ment plus critique. En effet, le gradientdes voies ferrées devant être limitée austrict minimum, une pente de 12‰ doitêtre garantie. En effet, du côté Nord, laliaison rejoint les installations ferroviairesexistantes, dont la gare de formation destrains de marchandises. La montée depuisle canal du port jusqu’à cette connexionconstitue donc la partie la plus critique.

Le passage sous l’Escaut est indiqué à lafig. 6. Une couverture minimale compre-nant 2 m de sable et 0,30 m de protectionest à prévoir au-dessus du tunnelimmergé. Les terrains situés entre le fleuveet le canal peuvent servir d’aire de chan-tier de construction des éléments préfabri-qués. Toutefois, l’excavation à inonder lorsde l’opération d’immersion ne peut conte-nir des talus, l’aire étant trop petite à ceteffet. En outre, il serait nécessaire d’utilisercet espace de construction deux fois, lapremière pour la partie du tunnel sousl’Escaut, la seconde fois pour les élémentsidentiques à immerger sous le canal por-tuaire, la différence résidant dans le faitque les éléments de la première série peu-vent être construits à un niveau supérieur àceux de la seconde série, lesquels doiventimmédiatement être immergés à leur

niveau définitif, sur le tracé indiqué enrouge à la fig. 6.

Il est important de souligner les avantageset inconvénients de la construction parimmersion de cet ouvrage. La section clas-sique du tunnel offre des avantages quantà la position des installations de sécurité,de désenfumage, de ventilation et d’ex-tinction du feu, ainsi que de l’évacuationde personnes. La paroi entre les deux per-tuis du tunnel peut être percée au choix etmunie de portes coupe-feu. Ceci améliorela possibilité d’accès en cas de calamité.En outre, la sécurité au feu de la construc-tion est supérieure, étant donné que letunnel est constitué de parois et dallesmassives.

Par rapport à la solution de tunnels forés,le point le plus bas de la liaison (sousl’Escaut) se trouve à un niveau de 4 m plushaut. Cependant la trémie côté Sud neprésente pas une pente critique, la solu-tion par immersion ne présentant doncpas un avantage à cet égard. Cette situa-tion est différente en ce qui concerne lepassage sous le canal portuaire, où dans lecas du forage une solution particulière futélaborée.

Le dragage de tranchées, destinées àrecevoir les éléments de tunnels préfabri-qués, pose évidemment plusieurs entra-ves au trafic fluvial. En outre, cetteméthode de travail résulte en de nom-breuses occupations des terrains et recou-pement de conduites et routes présentesdans les installations du port.L’emplacement de préfabrication est situéau voisinage d’une importante industriechimique, tandis que des conduitesimportantes de liquides et gaz sous hautepression se trouvent sur la rive droite del’Escaut. Au total 14 routes sont coupéespar le chantier, nécessitant des déviationsimportantes. La méthode de constructionpar immersion occupe plus d’espace etentraîne plus de nuisances que la cons-truction classique à sec, telle que les tran-chées couvertes, construites par mursemboués.

Pour ces raisons, une seconde varianteconsiste à limiter ces inconvénients enconstruisant la partie B’ et C’ de la fig. 4par voie classique. Le profil en long de laliaison est remonté dans la zone concer-née. Toutefois les pressions d’eau sur lesparois du tunnel remontent à plus de 30 m,conduisant ainsi à des murs emboués oné-reux. En particulier, les moments fléchis-sants en bas des murs sont très importantset nécessitent des armatures, ne servant

principalement que dans les étapes inter-médiaires de la construction. Afin de dimi-nuer cette pression d’eau, il fut considéréde construire des parois en ciment bento-nite au voisinage du tunnel, ces paroisdevant faire face à la pression d’eau,laquelle doit être compensée par la réac-tion horizontale du massif de terres entrela paroi et le tunnel. Evidemment la pres-sion latérale doit être fournie par le massifseul, sans qu’elle ne se retrouve au droitdes parois latérales du tunnel. A cet effet,une étude aux éléments finis fut menéeafin de déterminer la distance minimalerequise. Il en résulte (voir fig. 7) que la dis-tance devrait être de 35 m. Par consé-quent, la zone occupée pendant les tra-vaux dépasse de loin la section du tunnel,puisqu’elle atteint plus de 100 m.

Des alternatives peuvent être considérées,telles que la construction avec béton souseau de la dalle de fond du tunnel, ou lacomposition d’une voûte comprimée parl’eau sous-jacente par colonnes de jet-grout. Dans ce dernier cas, l’expériencemontre parfois une insuffisance en matièred’étanchéité, ce qui présenterait un risqueintolérable pour l’ouvrage. Il n’en restepas moins que le profil le long des voiesferrées serait loin d’être optimal, voireacceptable.

ALTERNATIVES PAR POUSSAGESOUS EAUAvant de considérer la solution par tunne-liers, plusieurs alternatives à caractère plu-tôt inhabituelles furent envisagées, en par-ticulier pour le passage sous le canalportuaire. En effet, la largeur nécessaire autrafic maritime réelle se limite à 120 m. Lasection restante du canal de 2- fois 140 mpourrait donc être occupée par des batar-deaux de palplanches, telles que mon-trées à la fig. 8. Ces batardeaux, toujoursremplis par l’eau peuvent être évidés parune grue flottante. Cette grue peut égale-ment servir à la pose de caissons en acier,ayant une section nettement supérieure àla section normale. Après la pose de cescaissons, ceux-ci peuvent être recouvertspar un béton coulé sous eau. Les palplan-ches sont ensuite à recouper, ce qui per-met d’obtenir les parties de tunnel depart et d’autre de la voie navigable. Lescaissons métalliques servent d’armatureau tunnel. A cet effet, une étude a étémenée afin de déterminer le degré deconnexion entre les raidisseurs extérieursdes caissons et le béton coulé sous eau.

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Figure 7 - Position des parois ciment bentonite parrapport au tunnel

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En ce qui concerne cette dernière section,des éléments de tunnel courts peuventêtre préfabriqués à l’intérieur du tunneldéjà construit et ensuite poussés des deuxcôtés sous le fond du canal. La présencedes parties latérales déjà construites per-met le guidage durant le poussage.

L’opération de poussage devant se fairesous eau, le contrôle visuel devient impos-sible. Evidemment le procédé présentequelques aléas et le risque a été jugé tropimportant, quoique à échelle plus réduitele procédé pourrait être envisagé lorsd’autres applications.

CONSTRUCTION PAR TUNNELIERLa variante de tunnels forés par tunnelierparait la plus évidente, puisqu’elle fait faceaux inconvénients les plus importants desautres variantes. La fig. 9 montre le tracédu forage lequel s’étend actuellement sur6,1 km, les limites du forage se situant audroit des traits bleus. L’on remarque éga-lement sur cette figure indiqué par 1 letunnel existant sous le canal du Waesland.Immédiatement au Nord de l’extrémité dece tunnel, une section "X" de 400 m "clas-sique" est à construire. Ce tronçon permetl’augmentation graduelle de la distanceentre les deux voies ferrées, nécessairesau forage des deux tubes. En outre, cetronçon permet d’y installer les tunneliersainsi que leur train de suivi pour l’amenéedes voussoirs et équipements du tunne-lier. Le profil en long de cette solution cor-respond exactement à la fig. 2.

Ainsi, la majeure partie de la liaison, pas-sant sous les deux voies navigables et leszones industrielles, ne nécessite que peu

d’interventions en surface. En effet, ceprojet de base prévoit le forage de deuxtunnels parallèles d’un diamètre intérieurde 7,30 m en anneaux composés de 7,5voussoirs, d’une épaisseur de 0,4 m. Cescaractéristiques ont été déterminées parle gabarit ferroviaire, les équipementsnécessaires et la pression d’eau.

La construction d’un tunnel monotube àdeux voies, séparées par une paroi inter-médiaire, fut également envisagée. Enprincipe le coût d’un tel ouvrage doit êtresupérieur, mais il n’est pas exclu que leprojet présente des caractéristiques enfaveur de cette solution. L’étude de cettevariante a montré que le diamètre inté-rieur du tunnel doit être de 13,30 m auminimum. Des chemins de secours sont àprévoir de part et d’autre de la paroi inter-médiaire coupe-feu, cette dernière devantêtre équipée de portes de secours. Lavitesse de creusement d’un tunnel de dia-mètre plus grand doit nécessairement êtreinférieure, par rapport à la solution desdeux tubes à voie unique. Ainsi, cette der-nière variante prévoit l’utilisation de deuxtunneliers démarrant avec un décalagedans le temps de deux mois environ.Cette hypothèse est adoptée par suite dela longueur des tunnels. Par conséquent,le délai d’exécution d’un tunnel monotubeest nettement supérieur au projet de base.Mais la majeure raison pour le choix enfaveur de tunnels à voie unique résidedans le profil en long de la variante, laposition d’un grand tunnel devant néces-sairement être plus basse d’au moins 3 m.Il en résulte que les pentes de la voie fer-rée doivent augmenter, soit être allon-gées, et un accroissement de l’énergiedevient nécessaire à la traction des trains

de marchandises. Ce dernier facteur en soiapporte déjà une diminution de la rentabi-lité du projet, sans compter qu’une séried’équipements du tunnel doit être déve-loppée spécialement.

La solution des deux tunnels à voie uniquenécessite un nombre de mesures sécuritai-res. Tout comme pour le cas du mono-tube, il est nécessaire de prévoir desconnexions entre les tubes, afin de pou-voir utiliser le second tunnel comme voied’évacuation en cas de calamité dans lepremier. Certains de ces passages entretubes sont situés sous les voies navigableset doivent donc être construits en souter-rain sous une pression d’eau importante.Le creusement de ces passages doit êtreeffectué sous la protection d’une congéla-tion du sol adjacent. La fig. 10 montre àgauche la connexion entre tunnels et àdroite la position des tubes de congéla-tion. Le principe de la construction despassages est basé sur la méthodeAutrichienne, à savoir creusement en pas-ses limitées, projection de béton en deuxcouches et armature de stabilisation, l’é-tanchéité étant garantie par une mem-brane souple, posée entre le béton pro-jeté et le béton de la finition intérieure. Surtoute l’étendue de la liaison à réaliser partunneliers, 12 passages entre tubes sontprévus.

Ces passages seuls ne suffisent pas à l’a-menée de matériel de secours, l’évacua-tion du personnel ou les besoins en ali-mentation électrique et d’extraction defumées. A des distances de 600 m enmoyenne, un total de 13 puits d’évacua-tion est prévu. Six de ces puits contien-nent également des locaux techniques

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Figure 9Tracé des tunnels forés

Figure 8 Tunnel en acier

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pour l’extinction du feu. Tous sont équipésd’escaliers de service, de cheminées d’aé-ration et de 4 compartiments séparés pourcâbles. La fig. 11 montre une coupe verti-cale dans un des puits d’évacuation, munid’un bâtiment technique en surface.

Une attention particulière est apportée aupassage des tunneliers sous l’Escaut etsous le canal portuaire. Concernant lefond du fleuve, les reconnaissances ontrévélé la présence de vases au fond duchemin de navigation. A l’heure actuelleune incertitude sur la profondeur de cesvases subsiste. Dans le cas le plus défavo-rable, la pression minimale de forage estproche de la valeur maximale requise pouréviter la déstabilisation du front.Evidemment, cette situation ne permetpas de remplacer la pression de boue parla situation de soutien du front par pres-sion d’air. Ainsi, il devient impossible defaire face à une nécessité de remplace-ment des outils de coupe, ou de permet-tre l’accès à la chambre de forage lors dupassage sous la partie profonde del’Escaut, ce qui ne devrait pas constituerune problème majeur.

Le passage des tunneliers sous le canalportuaire est encore plus critique. En effet,le fond du canal se trouvant au niveau-12,58 m (DNG), la voie se situe du côtéNord à une profondeur de -22,14 m. Dansla situation définitive la protection desable au-dessus du sommet de la sectiondu tunnel ne serait que de 3 m.Cependant, le passage du tunnelier pré-sente une sécurité insuffisante, la pressionde forage étant amplement supérieure àla pression résistante. Une hauteur desable d’au moins 7 m serait nécessaire.

Afin de permettre le passage des tunne-liers, on pourrait envisager de remonter lefond du canal de 5 m. Les autorités duport ont examiné cette possibilité. Il estpossible de faire la distinction entre le che-nal des grands navires, lequel ne s’étendque sur 120 m de largeur et le restant de lasection du canal. Lorsque le niveau du

fond du canal est remonté, même tempo-rairement, de 5 m, plus de 4000 naviresdoivent être soit détournés, soit refuséspar le port. Par contre, si le fond n’est aug-menté que de 2 m, le nombre de navires àdétourner n’est que de 4 par an. De toutefaçon, après les travaux, le fond du canaldoit être remis à son niveau original. Etant

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TUNNELS ET OUVRAGES SOUTERRAINS - N° 205 - JANVIER/FEVRIER 200854

Figure 10 - Section des 2 tunnels à simple voie avec connexion à construire moyennant congélation

Figure 11 - Puits d’évacuation donnant accès aux 2 tunnels

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donné ces exigences, le projet fut modifiéen prévoyant une dalle de béton à coulersous eau et formant le nouveau fond ducanal. Cette dalle sert en même temps deprotection des tunnels et également deballastage lors du passage des tunneliers.La dalle ayant 2 m d’épaisseur, elle rem-place au moins 3 m de sable et est doncencore insuffisante pour garantir la stabi-lité du front de forage. Par conséquent, enphase de passage des tunneliers, la dalleest couverte d’un lit de sable supplémen-taire de 2 m. Ce dernier peut être enlevéaprès forage des deux tunnels. Une coupede la situation temporaire est montrée à lafig. 12.

Au cours des reconnaissances géotech-niques, il est apparu que dans le passé, lecanal portuaire a été utilisé commedécharge des vases, après excavation desables. Ainsi, à l’endroit même des futurstunnels, des vases ont été trouvés jusqu’auniveau -20,4 m. Avant toute autre cons-truction, il y a aura lieu d’extraire cesvases, par endroits jusqu’à 6 m de profon-deur sous le fond du canal. Ensuite le rem-placement par des sables extraits du puitsde départ des forages, peut être utilisé

pour regagner la cote de -12,58 m. Cessables sont à compacter, la méthode devibroflottation paraissant la plus appro-priée. Le canal portuaire se situant près dela fin des trajets de forage, toutes les opé-rations à y effectuer ne sont pas critiquespour la durée de construction.

En plus des tunnels forés, plusieurs ouvra-ges particuliers sont situés sur le tracé dela nouvelle liaison. Au sud du tracé, de lar-ges excavations sont à réaliser, sans avoirdes effets majeurs sur la nappe phréatiqueen dehors des voies ferrées. A cet effet,des parois étanches, constituées de paroisen ciment bentonite sont prévues. Cettelarge excavation doit être croisée par uncours d’eau de taille moyenne. La solutionadoptée consiste à construire un aqueducde 150 m de longueur au-dessus de la liai-son ferroviaire. Du côté Nord, un pont-cadre d’une longueur de 80 m situé sousl’autoroute existante doit être approfondisans qu’il n’existe de possibilité de détour-ner même localement la voirie. A cet effet,des techniques de construction souterrai-nes, notamment des galeries du typeminier et parois en pieux sécants, sont àréaliser. En outre, plusieurs croisements

avec des voies desservant les diversesindustries sont à établir dans des condi-tions difficiles et sans interruption majeurede ces installations.

CONCLUSIONSLes procédures de négociation avec lesgroupements d’entreprises et leurs finan-ciers sont actuellement en cours. Le projetne subira probablement pas de modifica-tions majeures. Il n’en reste pas moins pas-sionnant, ne fût-ce que par son ampleur,avec une longueur totale de presque 16km de ligne nouvelle et 6,1 km de tunnelsforés ; l’ambition est de le réaliser dans undélai de 4 ans, suivi de 38 ans de périodede concession et donc d’entretien de tou-tes ces installations. En dehors de la cons-truction même, l’équipement nécessiteraégalement des études détaillées et ledéveloppement de systèmes de sécuritéadaptés spécialement au trafic de mar-chandises, parfois dangereuses. Ces étu-des sont actuellement en cours. Il est évi-dent que dans le futur, le projet de laliaison Liefkenshoek pourra faire l’objet decommunications plus détaillées. ■

CHANTIERSLe projet «Liefkenshoek» de liaison ferroviaire sous l’Escaut

TUNNELS ET OUVRAGES SOUTERRAINS - N° 205 - JANVIER/FEVRIER 2008 55

Fgure 12 - Passage sous le canal portuaire

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