le parc des ponts en béton précontraint

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LES MOYENS D’ESSAI ET D’INVESTIGATION POUR L’AUSCULTATION DES STRUCTURES. Bruno GODART Université Gustave Eiffel, Champs sur Marne. Comme l’indique l’Instruction Technique pour la Surveillance et l’Entretien des Ouvrages d’Art du Ministère des Transports, dans sa première partie [1], le gestionnaire d’un ouvrage doit «faire rechercher les causes des désordres constatés, puis étudier et évaluer les différentes solutions pour remédier à ces désordres ». Pour cela, l’exploitation des inspections détaillées peuvent conduire à « l’établissement d’un programme d’investigations complémentaires ». L'établissement d'un programme d'auscultation succède à un examen très détaillé (inspection détaillée) des désordres constatés lors de la visite préalable ou des visites annuelles de routine ; en fait, dans la pratique, il est nécessaire de se faire d'abord une idée des causes possibles des désordres, ce sera l'idée directrice de l'auscultation. Il n'existe pas de méthode générale d'auscultation applicable à tous les ponts, ni même à une famille de ponts. Les explications recherchées, donc les méthodes à utiliser, diffèrent suivant la nature des désordres constatés. Les méthodes d’auscultation sont parfois fort coûteuses, et l’une des difficultés de l’établissement d’un bon programme d’auscultation est de procéder à toutes les investigations nécessaires à la détermination des causes des désordres et de leurs mécanismes, tout en évitant les essais et recherches inutiles ou qui ne permettraient pas de répondre aux questions que l’on se pose. A cet égard, il est important, lors de l’étude d’une technique ou d’un procédé d’auscultation, d’en définir clairement les possibilités et les limites [2]. 1 - OBJECTIFS GENERAUX DE L’AUSCULTATION Les investigations conduites avant l’établissement d’un projet de réparation peuvent répondre à différents objectifs que nous qualifierons de généraux : -- définir ou étayer des hypothèses de calcul : la détermination de caractéristiques mécaniques des matériaux constitue un cas courant ; si la résistance à la rupture , la limite d’élasticité ou le module sont des caractéristiques qui peuvent être évaluées sans trop de

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Page 1: Le parc des ponts en béton précontraint

LES MOYENS D’ESSAI ET D’INVESTIGATION

POUR L’AUSCULTATION DES STRUCTURES.

Bruno GODART

Université Gustave Eiffel, Champs sur Marne.

Comme l’indique l’Instruction Technique pour la Surveillance et l’Entretien des

Ouvrages d’Art du Ministère des Transports, dans sa première partie [1], le gestionnaire d’un

ouvrage doit «faire rechercher les causes des désordres constatés, puis étudier et évaluer

les différentes solutions pour remédier à ces désordres ». Pour cela, l’exploitation des

inspections détaillées peuvent conduire à « l’établissement d’un programme d’investigations

complémentaires ».

L'établissement d'un programme d'auscultation succède à un examen très détaillé

(inspection détaillée) des désordres constatés lors de la visite préalable ou des visites

annuelles de routine ; en fait, dans la pratique, il est nécessaire de se faire d'abord une idée des

causes possibles des désordres, ce sera l'idée directrice de l'auscultation.

Il n'existe pas de méthode générale d'auscultation applicable à tous les ponts, ni même

à une famille de ponts. Les explications recherchées, donc les méthodes à utiliser, diffèrent

suivant la nature des désordres constatés.

Les méthodes d’auscultation sont parfois fort coûteuses, et l’une des difficultés de

l’établissement d’un bon programme d’auscultation est de procéder à toutes les investigations

nécessaires à la détermination des causes des désordres et de leurs mécanismes, tout en évitant

les essais et recherches inutiles ou qui ne permettraient pas de répondre aux questions que l’on

se pose. A cet égard, il est important, lors de l’étude d’une technique ou d’un procédé

d’auscultation, d’en définir clairement les possibilités et les limites [2].

1 - OBJECTIFS GENERAUX DE L’AUSCULTATION

Les investigations conduites avant l’établissement d’un projet de réparation peuvent

répondre à différents objectifs que nous qualifierons de généraux :

-- définir ou étayer des hypothèses de calcul : la détermination de caractéristiques

mécaniques des matériaux constitue un cas courant ; si la résistance à la rupture , la limite

d’élasticité ou le module sont des caractéristiques qui peuvent être évaluées sans trop de

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2

difficultés, il existe par contre d’autres caractéristiques comme l’adhérence entre une armature

et du béton qui sont impossibles à obtenir ;

-- évaluer l’ampleur des désordres : cette évaluation fait souvent appel à une conjugaison de

techniques de contrôles non destructifs (généralement qualitatives) et de techniques

quantitatives appliquées sur des prélèvements. Lorsque les désordres sont cachés, cette

évaluation peut devenir très difficile. Si nous prenons l’exemple de la corrosion des

armatures, dans le cas du béton armé, la méthode du potentiel d’électrode permet d’obtenir

une bonne image de l’état de corrosion des aciers ; par contre dans le cas du béton

précontraint, et plus particulièrement des VIPP (Viaducs Indépendants à Poutres

Précontraintes), l’état de corrosion des câbles de précontraintes ne peut être estimée qu’au

prix fort de l’ouverture de plusieurs fenêtres dont l’emplacement aura été guidé par des

radiographies ou de la radioscopie.

-- établir le diagnostic : mis à part les cas simples où le pré-diagnostic réalisé à l’issue de

l’inspection visuelle suffit pour se forger une opinion sur la maladie affectant un ouvrage, et

les cas compliqués ou des recherches sont encore nécessaires pour identifier l’origine de la

maladie (exemple de la délamination (feuilletage) de hourdis de pont en béton armé), dans

tous les autres cas, des investigations bien menées doivent permettre l’obtention du bon

diagnostic.

2) OBJECTIFS SPECIFIQUES D’UNE AUSCULTATION

Les objectifs spécifiques d'une auscultation sont de deux sortes :

❑ apprécier la qualité du (ou des) matériau(x) en place,

❑ analyser le mode de fonctionnement réel de la structure.

Ces deux analyses utilisent les divers moyens d’auscultation dont les progrès de la

science et de la technologie nous permettent de disposer. Le plus souvent, ces deux objectifs

existent dans une même campagne d'investigations. Il peut en effet arriver qu'une défectuosité

du matériau ait une incidence directe sur le fonctionnement de la structure ; inversement, le

mauvais fonctionnement d'un ouvrage pour des raisons structurelles se manifeste par une

détérioration, au moins partielle, de certains des matériaux constitutifs.

Les moyens permettant d'apprécier l'état des matériaux comprennent :

⚫ les études et analyses sur prélèvements,

⚫ les techniques d'examen des matériaux en place, soit visuel, soit par des méthodes

plus raffinées et plus puissantes (radiographie, auscultation sonique, auscultation

électromagnétique, méthodes électrochimiques...).

Le prélèvement d’un échantillon sur un ouvrage a l’inconvénient d’être partiellement

destructif. Il est donc recommandé d’extraire des échantillons les plus petits possible, en

nombre limité, et aux endroits les moins vitaux de la structure. Il en résulte un second

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3

inconvénient, à savoir que les renseignements obtenus ne peuvent être représentatifs de

l’ensemble de l’ouvrage.

Le plus souvent, on utilise donc ces échantillons comme référence d’étalonnage, ou

comme élément comparatif, afin de compléter les informations que l’on peut tirer d’essais non

destructifs effectués sur l’ouvrage. A notre connaissance, il n’existe pas, à l’heure actuelle, de

méthode non destructive pouvant donner des résultats suffisamment sûrs sans aucun

rattachement à un étalonnage sur le même matériau.

Les moyens permettant d'apprécier le fonctionnement de la structure sont variés, et

il est souvent nécessaire de les associer dans une même auscultation.

On peut distinguer :

⚫ les mesures d'ordre topographique ou géométrique (évolution du nivellement ou

mesure de déformation générale ou de déplacement sous chargement),

⚫ les mesures directes de forces,

⚫ les mesures locales de fonctionnement (mesure de déformation locale,

extensométrie).

Dans la mesure où les fissures représentent le symptôme le plus caractéristique d’une

pathologie d’un ouvrage, une part importante des moyens d’investigation est consacrée à leur

étude. Pour mener à bien cette étude des fissures, nous distinguons l'examen de la géométrie

des fissures et de son évolution dans le temps (allongement, variation d'ouverture à vide,

apparition de nouvelles fissures...) que nous appellons fissurographie, et l'étude du

fonctionnement mécanique de la structure au voisinage immédiat d'une fissure (mesure de

respiration, notamment), que nous appellons fissurométrie.

Dans la suite de ce document, nous allons nous intéresser uniquement aux

moyens d’auscultation permettant d'apprécier le fonctionnement de la structure

3 - MESURE DES DEFORMATIONS GENERALES ET DES MOUVEMENTS

Il existe deux façons d'utiliser les renseignements concernant la géométrie d'un

ouvrage d'art et sa variation : la topographie et le nivellement de l'ouvrage à vide peuvent

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renseigner sur son état général, et la mesure de ses déformations sous chargement renseigne

sur son fonctionnement.

3.1 - Suivi topographique

En amont de l'auscultation proprement dite, il est nécessaire au stade de la surveillance

courante d'un ouvrage, de suivre sa géométrie générale, et notamment son nivellement. Ceci

est d'autant plus intéressant si l'on possède le nivellement point zéro. Les appareils employés

sont ceux couramment utilisés par les géomètres, à savoir : les niveaux optiques et les

théodolites.

3.1.1 - Fondations et appuis

Lorsque des désordres se produisent dans les fondations d'un ouvrage, ils se

manifestent souvent par des mouvements des appuis. Le suivi d'un ouvrage doit donc

comporter la vérification périodique de la stabilité (au sens topographique) des appuis. Dans

le cas d'un ouvrage important, la meilleure solution consiste à équiper chaque appui de cibles

de visée dès la construction, et à repérer ces cibles en plan et en nivellement, par rapport à des

points fixes. Cela permet, outre un suivi périodique, de procéder facilement à une vérification

lorsque des désordres quelconques font soupçonner une instabilité des fondations.

3.1.2 - Tablier

Les mêmes dispositions peuvent être prises sur les tabliers. Des déformations

permanentes, notamment en nivellement, peuvent en effet être le signe apparent de désordres

plus profonds.

Il est à noter cependant que, lors d'une visite courante, il n'est pas nécessaire de

procéder à un nivellement de haute précision du tablier. En effet, il se trouve que le garde-

corps, qui est la partie d'ouvrage la plus visible le jour de l'inauguration, est en général

parfaitement réglé à la construction ; s'il n'est pas rectiligne, il donne au moins l'aspect d'une

courbe régulière et harmonieuse. Comme il est en outre fixé assez rigidement au tablier, et

infiniment plus souple que ce dernier, il en suivra donc fidèlement tous les mouvements.

Toute déformation anormale du tablier sera donc visible au niveau de la lisse supérieure du

garde-corps. D'une manière plus générale, une déformation permanente d'un tablier de pont

est très facilement perceptible. Il suffit de penser à regarder.

3.1.3 - Autres mesures

Dans le cadre du suivi de la géométrie générale d’un ouvrage, il est parfois fait appel à

des mesures de distances, comme par exemple dans le cadre du suivi des ouvrages atteints par

l’alcali-réaction. Si le moyen de mesure le plus courant est le distancemètre à fil d’Invar, il

existe à présent des distancemètres infrarouge (dérivés des théodolithes) qui peuvent suivre

avec précision la variation de distance entre deux points d’un ouvrage.

Page 5: Le parc des ponts en béton précontraint

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A noter la possibilité de mesurer la déplanation du parement d’un mur au cours du

temps ; on utilise pour cela un laser tournant qui fournit un plan vertical de référence et une

mire qui mesure la distance entre un point quelconque du mur et le plan de référence. Cette

technique est employée pour suivre la déplanation des murs de culée et des murs de

soutènement des terres (notamment les murs en terre armée).

3.2 - Mesure de la déformation sous chargement

Le comportement général d'un ouvrage sous un chargement connu, peut dans certains

cas, donner des renseignements précieux sur son état. On mesure le plus souvent des flèches,

mais on peut aussi effectuer d'autres mesures.

3.2.1 - Mesure des flèches

La mesure des flèches prises par le tablier sous chargement est obligatoire lors des

épreuves d'un ouvrage neuf ; il s'agit en fait de la toute première opération d'auscultation qui

servira en même temps de référence pour tous les examens ultérieurs.

Dans certains cas, on peut aussi être amené à effectuer des essais de chargement d'un

ouvrage défectueux, pour étudier la manière dont il réagit. Il est à noter que, si l'ouvrage

présente des désordres susceptibles d'affecter sa force portante, on peut avoir intérêt à

procéder à une mise en charge progressive ; une bonne méthode consiste alors à charger

l'ouvrage avec des citernes vides, que l'on remplit d'eau à la demande ; on peut ainsi arrêter la

mise en charge dès que la réponse de l'ouvrage devient anormale et procéder à la vidange des

citernes sans déplacer les camions si l'environnement le permet.

La mesure des flèches se fait traditionnellement au milieu des travées essayées, mais

rien n'empêche, si on a besoin de mieux connaître la déformée d'une travée, d'augmenter le

nombre de points de mesure. Une limitation est tout de même donnée par la précision des

mesures, qui est le plus souvent de l'ordre du millimètre.

Quatre types de méthodes sont couramment employés pour mesurer les flèches :

1) le niveau hydraulique (niveau Peltier), dont la mise en place est assez lourde et

qui présente une inertie importante. Il est intéressant pour les flèches importantes.

2) les méthodes de nivellement topographique, qui nécessitent un personnel

hautement qualifié.

3) le fleximètre mécanique, dont l'ancêtre est le fleximètre Manet-Rabut (datant de

1890) ; cette méthode a l'inconvénient de nécessiter un point d'ancrage fixe sous

l'ouvrage, qu'il n'est pas toujours aisé de réaliser.

4) un appareil de conception plus récente est le flexigraphe laser plus

particulièrement utilisé sur des ouvrages de grande portée

Nous n'insisterons pas sur les trois premières méthodes qui sont anciennes et connues.

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Le flexigraphe laser comprend une source émettant un faisceau laser orientable, que

l'on place en général sur un support fixe hors ouvrage ; le faisceau constitue alors une base

fixe dans l'espace.

L'émetteur est en outre muni d'un jeu de lames semi-réfléchissantes, qui permettent de

diviser le faisceau en deux ou trois. La cible frappée par le faisceau est constituée d'une

cellule photoélectrique mobile sur un chariot vertical (suiveur de spot). Une fois que le

réglage initial est effectué c'est-à-dire que l'on a dirigé le faisceau sur la cible, celle-ci lorsque

son support se déplace verticalement, reste automatiquement centrée sur le faisceau, la flèche

prise par l'ouvrage au droit du suiveur de spot est donc égale au déplacement de la cellule sur

son chariot, déplacement qui est mesuré par un capteur potentiométrique intégré dans le

suiveur de spot. La valeur de ce déplacement peut être enregistrée en continu.

Ce matériel permet une course de 40 cm, la portée à l'extérieur atteint les 150 m dans

de bonnes conditions météorologiques et 250 m à l'intérieur d'un caisson, ou à l'extérieur, de

nuit par conditions idéales. En effet, une limitation importante de l'emploi de ce matériel

réside dans les perturbations apportées dans la propagation du faisceau laser par les

turbulences atmosphériques, ainsi que dans une dérive, d'origine thermique, de la direction du

faisceau à la sortie de l'émetteur. On peut résoudre cette difficulté, dans certains ouvrages en

caisson, en plaçant le flexigraphe à l'intérieur du tablier, en un point réputé fixe ou en un point

dont on suit le déplacement.

Le flexigraphe laser constitue donc un appareillage complémentaire plutôt que

concurrent des fleximètres traditionnels. Son domaine préférentiel d'emploi est le cas où les

appareils traditionnels ne peuvent être utilisés, soit faute de pouvoir disposer d'un point fixe

sous la travée (cas du fleximètre mécanique), soit parce que le délai de lecture est trop

important ou faute de pouvoir enregistrer les déformations (niveau Peltier et nivellement

topographique).

Il convient enfin de signaler une cinquième méthode qui vient de faire son apparition

et qui utilise le repérage de la position d’un point à l’aide de plusieurs satellites. Cette

méthode qui fait appel à la technique GPS (Global Positioning System), a été utilisée pour la

première fois en janvier 1995, lors des essais de réception du pont de Normandie pour

mesurer la flèche de la travée centrale. Pour l’instant, son domaine d’emploi reste limité à

quelques ouvrages exceptionnels qui présente des flèches de plusieurs dizaines de

centimètres.

3.2.2 - Mesure des rotations

Le comportement d'un ouvrage sous l'action de surcharges peut être étudié sous

d'autres angles que la flèche des travées ; on peut notamment mesurer l’inclinaison de piles ou

de murs à l’aide de pendule, la rotation sur appuis ou la rotation de sections de l’ouvrage, à

l'aide de clinomètres.

Même si les mesures de flèche sont plus utilisées que les mesures de rotation, ces

dernières présentent l’avantage d’être plus précises. Il existe une gamme diversifiée

d’appareils permettant de mesurer des rotations : cela va de la simple nivelle mécanique qui a

une sensibilité de 10-4 rd, jusqu’au clinomètre fourni par la société TELEMAC qui atteint une

sensibilité de 10-8 rd et dont le principe de fonctionnement réside sur la mesure de la rotation

d’une masse qui est suspendue à deux fils de silice ayant quelques microns de diamètre ; ce

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type d’inclinomètre extrèmement précis, mais fragile, nécessite une pose très méticuleuse

ainsi qu’un solide capot de protection sur ouvrage. Au centre de la gamme se situent les

clinomètres électriques qui peuvent atteindre une sensibilité de 10-6 rd et qui sont les plus

utilisés sur ouvrage.

Quant aux pendules, ceux-ci sont très utilisés par EDF, depuis plusieurs dizaines

d’années, pour suivre l’inclinaison de ses barrages, et plus récemment pour suivre

l’inclinaison des enceintes de confinement. On distingue deux grandes familles de pendules

qui sont utilisées en fonction des conditions d’accès : les pendules directs et les pendules

inverses dont le point fixe est situé en bas et dont la mesure d’inclinaison est réalisée en haut.

Les mesures à l’aide de pendules tendent à s’automatiser avec l’emploi de capteurs électriques

de déplacement ou de systèmes optiques alliés à des cellules photoélectriques.

3.2.3 - Autres mesures

Dans certain cas, le fonctionnement d’un ouvrage peut être étudier sous l’angle de son

comportement dynamique ; on utilise alors principalement des accéléromètres ou des

sismographes enregistreurs. Ces derniers peuvent être employés pour mesurer toute

composante alternative d'un déplacement comme par exemple :

- la composant dynamique de la flèche sous le passage d'un convoi,

- les mouvements horizontaux des têtes de pile, sous l'action de freinage d'un

véhicule.

Quant aux accéléromètres, ils fournissent des accélérations qui nécessitent une double

intégration du signal pour obtenir des déplacements.

Il faut préciser qu'on ne sait pas encore tirer tous les enseignements de l'étude des

vibrations propres d'un ouvrage. En général, il faut atteindre un endommagement important

pour apercevoir une modification des caractéristiques dynamiques de l’ouvrage, et cet

endommagement peut souvent être détecté à un stade plus précoce par d’autres techniques

d’auscultation. En outre, dans le cas des ponts, l’influence de la qualité du revêtement est

prépondérante dans l’analyse des signatures vibratoires, et l’évolution du comportement

dynamique de l’ouvrage peut être masqué par une dégradation de l’état de la chaussée.

Dans certains cas très particuliers, il arrive cependant qu'on puisse mettre en évidence

des phénomènes particuliers ; ce peut être un encastrement non prévu sur appuis dans le cas

des ponts, ou une dégradation de l’état de la structure dans le cas des cheminées industrielles

qui constituent un type de structure particulièrement sensible au plan dynamique.

4) MESURES DE FORCES SUR OUVRAGE

4.1 - Pesée de Réactions d’Appui

4.1.1 - Historique

C'est en 1970 que la pesée de réactions d'appui d'un ouvrage a été mise en oeuvre pour

la première fois (pont de Champigny/Yonne). Il s'agissait alors d'un ouvrage en construction,

Page 8: Le parc des ponts en béton précontraint

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dans lequel on comptait compenser les effets de la redistribution due au fluage par une

dénivellation d'appuis effectuée juste après le clavage. C'est pour vérifier expérimentalement

cet effet qu'il a été décidé d'incorporer aux appareils d'appui sur culée, des pesons installés à

demeure, qui font l'objet de mesures périodiques depuis la construction de l'ouvrage.

En 1972, à l'occasion de l'auscultation d'un ouvrage gravement fissuré, la question a

été posée de l'évaluation des effets de la redistribution des efforts hyperstatiques, que l'on

soupçonnait d'être une des causes principales des désordres. Il a alors été procédé sur cet

ouvrage à une pesée des réactions d'appui sur culée, opération qui n'était pas prévu lors de la

construction. Depuis cette époque, si le principe de la méthode n'a pas varié, la technique

d'exécution de la mesure a été notablement affinée.

4.1.2 - But poursuivi

Dans les ouvrages hyperstatiques en béton précontraint construits selon un schéma

statique différent de leur schéma définitif, il se produit, au cours du temps, une modification

de la répartition à vide des réactions d'appui, sous l'effet du comportement différé du béton.

Cette redistribution d'efforts, lorsqu'elle est sous-estimée au niveau du calcul de l'ouvrage,

peut avoir pour conséquence l'apparition de désordres.

Prenons un exemple très schématique : on réalise une console en béton. Sous l'effet du

fluage du béton, fortement comprimé en fibre inférieure, l'extrémité de la console aura

tendance à s'abaisser (figures ci-dessous).

x

R

Figure 5.1.

Figure 5.2.

Si sous l'extrémité de la console et après sa construction, on ajoute un appui, cette

extrémité ne sera plus libre de s'abaisser (figure 5.2.), on conçoit intuitivement que, sous la

tendance à "l'affaissement" qui se traduisait dans le premier cas par un abaissement, on verra

augmenter la réaction sur l'appui simple.

Page 9: Le parc des ponts en béton précontraint

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La pesée des réactions d'appui est donc souvent utilisée pour mesurer les effets dans le

temps de cette redistribution. La comparaison des valeurs de réaction mesurées avec les

valeurs théoriques résultant d'un calcul ou recalcul complet de l'ouvrage permet notamment :

• de valider ou recaler les hypothèses retenues,

• et, lorsque les hypothèses du projet s'avèrent trop optimistes, d'expliquer parfois une

grande partie des désordres observés, liés à une insuffisance de la résistance à la flexion.

Un autre phénomène très important, dont il faut tenir compte lorsqu'on effectue une

mesure, a été mis en évidence par les mesures effectuées sur le premier ouvrage cité plus haut

: c'est l'incidence des gradients thermiques. Très schématiquement, on peut se référer aux

figures 5.1 et 5.2 ci-dessus et, dans la première figure, imaginer que l'abaissement de

l'extrémité de la console est dû non plus à des phénomènes différés, mais à une différence de

température entre la fibre supérieure et la fibre inférieure, la première, exposée au soleil étant

plus chaude que la seconde.

4.1.3 - Ordres de grandeur et importance du phénomène

Prenons l'exemple d'un pont à 3 travées, de portées respectives 30 m, 60 m, 30 m. Des

réactions d'appui classiques, sur ce genre d'ouvrages, peuvent être de l'ordre de 150 T sur les

culées et 1000 T sur les piles intermédiaires (figure 5.3.).

30m60 m30 m

1000T 1000T

150T

+ 15T

Figure 5.3.

150T

+ 15T

Mt = 450 T < in

Pour fixer les idées, cette redistribution peut créer, dans la travée centrale, un moment

de l'ordre de la moitié du moment fléchissant dû à la surcharge A. Quant au gradient

thermique, il conduit à des variations de réaction d'appui sur culée qui peuvent atteindre

largement 20 % de la réaction totale au cours d'une même journée ; à titre d'exemple, on a

établi pour un certain nombre de ponts-caisson, que l'incidence, dans une section donnée,

d'une différence de température de 10° entre hourdis supérieur et hourdis inférieur était égale

à l'incidence de la surcharge A.

Page 10: Le parc des ponts en béton précontraint

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Des éléments qui viennent d'être donnés résultent deux points particulièrement

importants en ce qui concerne la mesure proprement dite :

• il convient d'effectuer les mesures avec une grande précision relative : on ne pèse pas

directement une variation de réaction, on mesure la réaction totale qui est très nettement

supérieure à ce que l'on cherche ; en d'autres termes, une erreur de quelques pour cent peut

avoir une répercussion importante sur la précision avec laquelle on évalue la variation.

• il est nécessaire de tenir compte du phénomène de gradient thermique qui génère des

variations cycliques de la valeur des réactions d'appui sur une période de 24 h. Il doit donc

en être tenu compte dans l'exécution et l'exploitation des mesures effectuées, pour bien

isoler la part des variations de réaction d'appui due à la redistribution par fluage, de celle

qui résulte du gradient thermique. Ceci implique la réalisation de mesures pendant au

moins 24 heures, ou le choix de la période d'intervention (le mieux étant d'opérer pendant

des périodes de non ensoleillement).

4.1.4 - Exécution de la mesure

Pour effectuer la mesure, on dispose sous le tablier d'une part, une série de vérins (des

vérins plats Freyssinet, à l'origine), qui servent à soulever le tablier et à mesurer la force

nécessaire, et d'autre part, des comparateurs qui permettent de mesurer avec précision le

déplacement vertical du tablier. Si l'on représente graphiquement la force nécessaire en

fonction du déplacement, on trouve une courbe dont l'allure est donnée sur la figure 5.4. ci-

dessous.

La première partie du graphe correspond à la libération des appareils d'appui.

La deuxième partie, rectiligne, représente la flexion du tablier, et sa pente en constitue

la raideur ; en prolongeant cette droite jusqu'à d = 0, on obtient la réaction cherchée.

200

Ra

100

P(t)

1 2 3 4 5

Figure 5.4.

d(mm)

Dans la pratique, on n'a pas toujours obtenu des résultats aussi nets :

Page 11: Le parc des ponts en béton précontraint

11

• d'une part, l'existence de frottements parasites dus aux joints de chaussées ou à des

éléments de coffrages "oubliés" entre tablier et garde-grève, peuvent perturber

complètement la mesure. Il faut vérifier scrupuleusement, avant la mesure, tous les

éléments susceptibles de fausser ainsi les résultats.

• d'autre part, il ne faut pas sous-estimer les difficultés de calage du vérin. En effet, compte-

tenu de la précision nécessaire, chaque vérin est étalonné sous presse en laboratoire. Si,

dans ce cas, les conditions d'appui du vérin sont quasi-parfaites, sur chantier et il n'en est

pas de même, et en fait les vérins se déforment pour "prendre leur place" lors de la montée

; la courbe d'étalonnage établie en laboratoire n'est alors plus exacte, et quelques pour cent

de précision peuvent être vite perdus.

4.1.5 - Evolution actuelle de la méthode

Actuellement, on utilise concurremment deux techniques.

1) La technique du double vérin (figure 5.5.)

Dans cette technique, on a réglé le problème des perturbations apportées par la

déformation du vérin en séparant la fonction levage de la fonction mesure. Deux vérins sont

superposés, l'un servant à soulever l'ouvrage et l'autre à mesurer la force transmise.

capteur de pression

de précision

Figure 5.5.

vérin actif ou de levage

manomètre de

contrôle

pompe

vérin passif ou de mesure

2) La technique du vérin plat à piston (figure 5.6.)

Cette technique est à présent la plus utilisée car on trouve facilement dans le

commerce, des vérins à piston ultra-plat qui permettent le montage représenté ci-dessous, et

que ce matériel présente notamment l'avantage d'être très souple d'emploi et de permettre une

grande finesse de manoeuvre.

capteur de pression

pompe

Figure 5.6.

rotule

Page 12: Le parc des ponts en béton précontraint

12

Les limites connues concernant la mise en oeuvre de ces techniques sur ouvrage en service

sont :

• la précision de la méthode (de l'ordre du pour cent), qui limite dans la pratique son

application aux culées, les descentes de charges y étant plus faibles que sur piles et donc

leur variation plus facile à appréhender (précision nécessaire sur pile de l'ordre du pour

mille),

• la hauteur libre disponible sous le tablier, qui doit être d'au moins 15 cm pour pouvoir

glisser le matériel,

• l'existence d'une surface d'appui suffisante pour lever l'ouvrage, la dimension de cette zone

étant conditionnée par le niveau de contrainte pouvant être supporté par l'ouvrage

immédiatement au contact des vérins,

• la capacité de l'ouvrage à supporter, sans renforcements préalables coûteux, une descente

de charge qui s'effectue en des points distincts des appareils d'appui,

Sur le plan pratique, on a réalisé jusqu'à maintenant de nombreuses pesées de réaction

sur culée, de l'ordre de quelques centaines de tonnes. On a déjà effectué une série de pesées

sur culée sur un grand ouvrage en région parisienne (dans un but de suivi) de l'ordre de 1000

T ; on a également procédé à des pesées sur pile, de l'ordre de 4000 T.

4.1.6 - Perspectives d'avenir

Il n'est pas besoin de revenir sur le grand intérêt présenté par la pesée directe des

réactions d'appui. Il est donc nécessaire d'en poursuivre la mise au point dans le détail, pour

aboutir à un mode opératoire officiel. Pour cela, il faut encore soit choisir définitivement entre

les deux types de matériels décrits ci-dessus, soit définir le domaine préférentiel d'emploi de

chacun d'eux.

Cependant, on peut d'ores et déjà conseiller la mise en place, dans tous les ouvrages

neufs, des réservations nécessaires pour pouvoir, le cas échéant, peser ultérieurement les

réactions d'appui. Notons en passant, que ces réservations permettent également le levage du

tablier pour toute autre raison, notamment le remplacement des appareils d'appui.

4.2 - Mesure de la tension des câbles par la méthode de l'arbalète

La méthode de l’arbalète permet de mesurer la tension résiduelle de câbles tendus, en

partant du principe que l'effort nécessaire pour dévier un câble de son tracé est proportionnel à

sa tension.

4.2.1 - Principe de la mesure

La mesure consiste :

• à pratiquer l'ouverture d'une fenêtre dans le béton afin de dégager le câble sur une longueur

suffisante, de l'ordre de 60 cm, pour permettre un positionnement correct de l'appareillage.

Page 13: Le parc des ponts en béton précontraint

13

La gaine ou le tube doivent être découpés avec précaution, et le coulis environnant

l'armature doit être soigneusement éliminé sur la zone concernée

• à appliquer au câble, en réalité à un fil (dans le cas d’un câble à fil parallèles) ou à un toron

(dans le cas d’un câble constitué de torons), une force perpendiculaire contrôlée, couplée

avec un capteur de déplacement qui permet de suivre simultanément la valeur de la flèche

prise par le câble. En général, il est posssible de mesurer la tension sur les 2 ou 3 torons

(ou fils) directement accessibles.

Principe de la méthode de l'arbalète.

De la connaissance simultanée de la force appliquée perpendiculairement au câble (T)

et de la flèche (d) prise par le câble sous cet effort, peut être déduite la tension (P) dans le

câble.

4.2.2 - Interprétation de la mesure

Selon la théorie, la force de précontrainte P peut être évaluée à partir de la formule

suivante :

d d3

T = 2 (P + k) --- + K ---

l l

où K et k sont des constantes de calage et l représente la demi-longueur de la fenêtre.

Dans la pratique, les effets parasites dus au frottement, à la raideur en flexion, à la

surtension introduite, nécessitent des tests de calibration. La méthode d'exploitation des

graphes tracés à l'aide de l'arbalète s'appuie sur un faisceau d'étalonnage établi en laboratoire.

Page 14: Le parc des ponts en béton précontraint

14

Exemple de faisceau de référence.

La précision d'une mesure de tension est d'environ 3 %.

4.3 - Mesure de la tension des câbles par méthode vibratoire

Une méthode simple et rapide de la mesure de la tension d'un câble a été mise au point

en s'appuyant sur la théorie des cordes vibrantes. Celle-ci permet de calculer la tension à partir

de la mesure de la fréquence propre de vibration du câble, de la connaissance de sa longueur

et de sa masse linéique. Le câble est facilement mis en vibration manuellement et un simple

accéléromètre, relié à un analyseur de fréquence en temps réel, donne immédiatement les

fréquences des modes de vibration.

Cette méthode s'applique aux câbles de précontrainte extérieure, aux câbles de ponts

suspendus (câbles de retenue) et aux câbles de ponts à haubans.

4.3.1 - Théorie des cordes vibrantes :

Une corde vibrante est un fil pesant, tendu, dont la rigidité en flexion est nulle. Sa

fréquence de vibration est donnée par la formule classique :

n

Fn = ---- (T/µ)0,5

2l

F : Fréquence l : Longueur T : tension µ : masse linéique

n : ordre du mode de vibration

Cette propriété est utilisée en pratique sur ouvrage pour vérifier qu'un câble donné

répond effectivement au modèle de la "corde vibrante" (proportionnalité entre la fréquence

des différentes harmoniques Fn et le rang de l’harmonique n).

4.3.2 - Adéquation d'un câble au modèle "corde vibrante"

Un câble a un module de rigidité qui est loin d'être nul et ne peut être assimilé à une

corde vibrante que s'il est suffisamment long. Cette condition a été étudiée en laboratoire pour

définir un domaine de non dispersivité dans la propagation des ondes et préciser l'influence du

module de rigidité qui provoque une augmentation de la fréquence de vibration d'autant plus

importante que le mode considéré est élevé.

Un câble peut être assimilé à une corde vibrante si la courbe F = (n) obtenue avec un

appareillage mesurant les fréquences à 0,5 % près est une droite jusqu'au 7ème ordre de

vibration (n=7). L'erreur introduite par le module de rigidité est alors inférieure à 1 %.

La tension du câble est obtenue à partir de la relation : T = 4 F² l² µ

Page 15: Le parc des ponts en béton précontraint

15

Le calcul d'erreur montre que l'on obtient une précision de 4 % pourvu que la longueur

et la masse linéique soient connues à 1 % près, ce qui est généralement le cas.

4.4 - Autres mesures directes sur ouvrages

Nous avons présenté assez largement la pesée des réactions d'appui, qui est

actuellement la seule mesure directe que l'on puisse faire pour évaluer les efforts réels

auxquels est soumis un ouvrage. En appliquant le même principe que la "pesée", il est

possible de mesurer la force existant dans des unités de précontraintes (barres et câbles), dans

des tirants (exemple des tirants de renforcement des ponts en maçonnerie ou des murs de

soutènement) ou dans des suspentes (cas des ponts suspendus). Il faut pour cela que

l’extrémité du tirant ou du câble soit accessible, qu’un vérin puisse être installé pour reprendre

l’effort existant dans le tirant ou le câble, qu’un capteur de déplacement soit installé ; en

mesurant la pression en fonction du déplacement, on cherche alors à déterminer la force qui

correspond au décollement de l’extrémité du tirant ou du câble par rapport à la structure ou

l’éventuelle plaque d’ancrage. Cette méthode nécessite parfois la fabrication de pièces

d'appuis spéciales pour le montage des vérins.

5 - ETUDE GEOMETRIQUE DES FISSURES : LA FISSUROGRAPHIE

5.1 - Intérêt de la fissurographie

Dans un ouvrage en béton, le relevé détaillé de la fissuration, ainsi que son évolution

dans le temps, constitue un élément de diagnostic très important.

La fissuration du béton est en effet la manifestation extérieure du mode de

fonctionnement de la structure et traduit assez clairement ce fonctionnement, à la condition

d'être correctement comprise.

Une fissure de fonctionnement est notamment le témoin de l'existence, à un certain

moment, de contraintes de traction dans le béton ; le fait que la fissure existe montre que la

contrainte de traction a atteint, à un certain moment, la résistance du béton, on peut ainsi, si on

peut évaluer les propriétés mécaniques du béton en place, évaluer la valeur absolue de ces

contraintes. En outre, lorsqu'il existe un champ de contrainte, la fissuration se produit

perpendiculairement à la direction de la contrainte principale de traction. Ce renseignement

peut également être très utile.

5.2 - Exécution du relevé

L'établissement d'un relevé de fissuration correct est une activité très difficile, pour

laquelle la nécessité d'une formation préalable, déjà exprimée pour l'exécution des visites, est

encore plus importante.

5.2.1 - Nature des fissures

Page 16: Le parc des ponts en béton précontraint

16

Le relevé systématique de la fissuration d'un ouvrage en béton armé n'offre aucun

intérêt ; il est nécessaire dès le stade de l'examen visuel, de savoir distinguer la fissuration

normale de la fissuration due à un défaut de fonctionnement.

Si dans un ouvrage d'art en béton précontraint, toute fissure est a priori suspecte, il faut

également distinguer les fissures réelles des fissures secondaires sans danger ; par exemple,

des fissures de retrait que l'on peut voir apparaître sur la peau d'un béton dont la cure a été

insuffisante ne présentent pas la même gravité que la séparation dans la masse, par retrait

également, de parties d'ouvrages coulées à des époques différentes.

5.2.2 - Apparition et évolution

Un réflexe immédiat, lorsqu'on constate l'existence d'une fissure, doit être d'en faire

figurer directement sur l'ouvrage et également sur documents, le développement avec

indication de la date. Il est en effet extrêmement important de connaître l'évolution d'une

fissure de fonctionnement entre deux examens successifs. Il est tout aussi important, bien que

beaucoup plus difficile, de pouvoir dater, même approximativement, l'apparition d'une fissure.

Il est malheureusement très fréquent que l'on puisse affirmer que telle fissure a été constatée

pour la première fois à telle date, mais qu'on ne puisse pas préciser si elle existait ou non lors

du précédent examen.

5.2.3 - Ouverture des fissures

Un autre élément très important dans le suivi de l'évolution d'une fissure est la

variation de son ouverture dans le temps. Il est bien entendu illusoire de vouloir mesurer cette

ouverture avec précision ; néanmoins, l'indication de l'ordre de grandeur de la largeur à une

date donnée et dans des conditions de chargement connues peut être précieuse, il semble qu'il

soit suffisant d'évaluer cette ouverture avec un seul chiffre significatif lorsqu'elle dépasse le

dixième de millimètre et de ne donner aucune valeur pour les fissures plus fines.

A noter un instrument bien utile : le fissuromètre, qui est constitué d’une plaque de

plastique transparente sur laquelle sont gravés des traits d’épaisseur croissante, et que l’on

vient plaquer sur la structure pour évaluer l’ouverture d’une fissure donnée.

5.2.4 - Profondeur des fissures

Il n'est pas question, au stade d'un relevé de fissuration, de chercher à évaluer la

profondeur d'une fissure, il peut néanmoins être intéressant, dans certains cas, de savoir si une

fissure (ou un réseau de fissures) traverse totalement ou non un élément de béton. Une

méthode très simple consiste à injecter sur une face de l'eau colorée et à regarder ce qui sort

sur la face opposée. Hormis le carottage opéré au droit de la fissure, il est particulièrement

difficile de trouver une méthode d’auscultation qui permette d’évaluer la profondeur de la

fissure, ainsi que son orientation dans l’épaisseur de la pièce.

Page 17: Le parc des ponts en béton précontraint

17

5.3 - Report sur plan - classification des fissures

Le plan de fissuration établi à la suite du relevé est un document très précieux pour

l'établissement du diagnostic, à condition d'être convenablement dressé ; en effet, un plan sur

lequel on trouverait le report de chaque fissure par un trait de même type pourrait être un

fouillis inextricable.

Il faut tout d'abord procéder au classement des fissures par familles et donner à

chacune des familles une représentation distincte. L'utilisation des couleurs est un bon moyen

pour cette représentation.

Ce classement par familles ne constitue pas encore la détermination de la cause des

désordres ; il est pourtant nécessaire, pour le faire de procéder à une sortie de "pré-

interprétation" qui repose sur une connaissance préalable du fonctionnement normal de la

structure.

Il faut ensuite reproduire à l'échelle le dessin des fissures, en plaçant vis-à-vis les plans

qui représentent les deux faces d'un même élément d'ouvrage (intérieur et extérieur d'un

caisson, par exemple). S'il s'agit d'un ouvrage en béton précontraint, il est très intéressant

d'utiliser un fond de plan sur lequel figure le tracé des câbles de précontrainte.

Une telle représentation facilite largement l'interprétation. Par exemple, une fissure de

flexion longitudinale au voisinage d'une section dite "de moment nul" coïncide souvent avec

une insuffisance grave, voire une absence totale de précontrainte dans la partie fissurée.

5.4 - Interprétation

Nous venons de voir comment l'établissement d'un bon relevé avec un classement par

familles et une représentation sur un fond de plan adéquat facilite l'interprétation. Il faut

pourtant ajouter que, même en possession d'un relevé très bien fait, il est indispensable d'avoir

personnellement vu l'ouvrage et ses fissures pour établir correctement un diagnostic. Même

l'examen sur photographies peut être trompeur.

Enfin, dans la plupart des cas, le relevé "statique", ainsi effectué est insuffisant, il faut

le compléter par des constatations "dynamiques" c'est-à-dire par des mesures de respiration

sous diverses actions. Nous abordons là la question de la fissurométrie, qui sera développée

ci-dessous avec l'extensométrie.

6 - LES MESURES LOCALES DE FONCTIONNEMENT

(extensométrie-fissurométrie)

6.1 - Généralités

Les mesures de flèches, les pesées de réactions d'appui, un plan d'ensemble de

fissuration, sont autant de procédés qui peuvent renseigner globalement sur l'état ou le

Page 18: Le parc des ponts en béton précontraint

18

fonctionnement d'une structure. Ces méthodes ne permettent généralement pas d'analyser le

détail du comportement de l'ouvrage en tel ou tel point précis, et doivent être complétées par

des mesures plus ponctuelles ; par ailleurs, des investigations ponctuelles permettent, dans

certains cas, d'obtenir sur le comportement global, d'autres informations que ce que donnent

les méthodes ci-dessus.

Les seules méthodes développées à l'heure actuelle portent plus précisément sur l'étude

locale du fonctionnement d'un ouvrage, c'est-à-dire de la modification de son état sous l'effet

d'une action extérieure ; ce sont l'extensométrie et la fissurométrie.

D'une manière générale, l'extensométrie est la mesure de la déformation locale d'un

corps sous l'effet d'actions diverses ; la fissurométrie est la mesure des mouvements relatifs,

sous l'effet d'actions extérieures, des deux lèvres d'une fissure à la surface d'une pièce. On

peut considérer que la fissurométrie est un cas particulier de l'extensométrie, mais en précisant

qu'elle s'en distingue par le fait que, dans les mesures d'extensométrie, on suppose que la

matière reste continue.

6.2 - Principe de base des mesures. Quelques rappels et ordres de grandeur

6.2.1. L'extensométrie

La mesure des déformations en un point est en général utilisée comme moyen

d'évaluer la variation du champ de contraintes en ce point.

En élasticité linéaire, contraintes et déformations sont liées par les équations de Lamé :

ij ij ii ij

Ee e=

++

− 1 1 2 (I)

avec ii : contraintes normales

ij : contraintes tangentielles ou de cisaillement

eii : déformation linéique ( l / l)

eij : déformations angulaires

E : module d'Young du matériau

: coefficient de Poisson du matériau

ij = 1 pour i = j

et ij = 0 pour i j

Page 19: Le parc des ponts en béton précontraint

19

Les extensomètres permettent la mesure des eii (déformations linéiques). Sauf cas

d'exception (témoins sonores noyés dans le béton par exemple), on ne peut réaliser les

mesures qu'à la surface d'une pièce. Alors 23 = 31 = 33 = 0 et l'on a par exemple :

11 = E

e e1 2 11 22−

+

( ) (II)

expression qui devient :

11 = E e11 (III)

dans le cas d'une traction ou compression simple suivant l'axe 01

(22 = 0 et e22 = - e11).

En un point de la surface d'un corps (contraintes planes), la mesure des déformations

suivant trois directions permet de déterminer les contraintes principales et leur direction (les

rosettes à trois directions). Il suffit de mesurer les déformations suivant deux directions

orthogonales pour déterminer les contraintes suivant ces deux directions (relations II, rosettes

à deux directions).

Dans le cas d'une sollicitation simple (relation III), une seule direction de mesure suffit

: c'est un cas très courant dans la pratique, ce n'est toutefois pas le cas général.

Au niveau de ces rappels, et sans qu'il soit nécessaire d'aborder les problèmes propres

aux techniques de mesures, on peut faire les trois remarques suivantes :

1. l'extensométrie ne permet de mesurer que des variations de déformations (donc de

contraintes) par rapport à un état initial (sur un pont, cet état initial sera en général son état

de contrainte "à vide") ;

2. la détermination des contraintes nécessite de connaître les caractéristiques E et du

matériau : ces caractéristiques sont connues et varient peu d'un acier à l'autre ; il n'en est

pas toujours de même pour le béton ;

3. les équations de l'élasticité ne suffisent plus si l'on veut interpréter des mesures à moyen ou

long terme lorsque l'on a affaire à des phénomènes différés (fluage et relaxation). En

particulier, l'extensométrie ne peut pas mesurer directement des phénomènes de relaxation

puisqu'il s'agit d'une diminution de contraintes à déformation constante.

6.2.2. La fissurométrie

La mesure des mouvements relatifs des lèvres d'une fissure est souvent utile, en

particulier pour apprécier les surtensions, sous une action extérieure donnée, dans les aciers

(passifs ou actifs) qui traversent une fissure. Il est nécessaire de faire appel aux lois de

l'adhérence acier-béton pour estimer, par ce moyen, les surtensions. Pour les aciers passifs,

Page 20: Le parc des ponts en béton précontraint

20

ces lois sont assez bien connues ; pour les aciers actifs, l'adhérence se faisant par

l'intermédiaire du coulis d'injection, l'estimation de la surtension dépend totalement de la

qualité de l'injection. Le contrôle par gammagraphie au voisinage de la fissure renseigne sur

la qualité du remplissage de la gaine ; ce contrôle est indispensable pour éviter toute erreur

grossière d'interprétation. Il est quelquefois possible d'effectuer des mesures directement sur

un acier préalablement mis à jour (fenêtres).

La fissurométrie peut être utilisée aussi pour mieux apprécier le fonctionnement de la

partie non fissurée d'une section.

6.2.3- Ordres de grandeurs des quantités à mesurer

En extensométrie, on mesure des allongements relatifs qui sont des grandeurs sans

dimension : ce sont les "eii" des formules précédentes plus communément notés " "

a pour l'acier et b pour le béton

a) en construction métallique, l'unité de référence est l’hecto bar (en se souvenant

que le "Pascal" est l'unité légale : 1O MPa = 1 hbar 1 Kgf/mm2). Cette unité

constitue un seuil de sensibilité souvent suffisant dans le domaine de

l'auscultation. L'allongement relatif correspondant vaut :

l

la

Ea

a= = = = −

1

20 00050 10 6

..

(Dans le jargon du laboratoire, on dira 50 microns par mètre ou mieux :

50 "microdéformations").

b) en béton armé et en béton précontraint, l'unité couramment utilisée est le

bar (1bar = 0,1MPa 1 Kgf/cm2) et :

l

lb

Eb

b= = = = −

1

4000002 5 10 6, .

(2,5 « microdéformations »).

La comparaison de ces ordres de grandeurs permet de constater qu’il est plus difficile

de procéder à une extensométrie sur béton que sur acier.

En fissurométrie, on mesure des déplacements ; le seuil de sensibilité souvent suffisant

est le centième de millimètre (0,01 mm).

Page 21: Le parc des ponts en béton précontraint

21

6.3 - Les appareils utilisés

6.3.1 - Les capteurs

Une certaine ressemblance fait que certains appareils sont utilisés aussi bien en

extensométrie qu'en fissurométrie. Toutefois, d'autres appareils sont spécifiques de l'une ou de

l'autre de ces deux catégories de mesures.

Les appareils utilisés sont de trois sortes :

- les jauges à fil qui sont spécifiques de l'extensométrie, compte-tenu du principe de

fonctionnement,

- les extensomètres mécaniques, qui mesurent l'allongement absolu d'une base

donnée. Certains de ces appareils (les moins sensibles et les plus maniables) sont

également utilisés en fissurométrie,

- les capteurs de déplacement adaptés à la fissurométrie et en général trop peu

sensibles pour des mesures d'extensométrie.

Avant de présenter dans le détail ces trois catégories d’appareil, il convient de citer un type

d’instrument de mesure très utilisé qui est le témoin sonore, encore appelé corde vibrante. Cet

appareil est en général noyé dans le béton au moment de la construction des ouvrages et sert

principalement à mesurer les déformations du béton en cours de construction et à faire de la

surveillance à long terme (le témoin sonore fonctionne sur le principe de la mesure de la

fréquence de vibration d’une corde tendue entre ses deux extrémités qui sont soumises aux

déplacements du milieu). Cet instrument fiable, très sensible et robuste peut aussi être

employé dans le domaine de l’auscultation ; on utilise alors des témoins sonores de surface

dont les extrémités sont fixées sur des supports scellés dans le béton ou soudés sur le métal.

6.3.1.1 - Les jauges à fil résistant (ou à trame pelliculaire)

Les premières jauges ressemblant à celles que nous connaissons de nos jours sont

apparues aux ETATS-UNIS quelques années avant la guerre (1937), et ont été mises au point

pour les besoins de l’aéronautique. Le marché actuel propose une variété très grande de types

de jauges quant à leurs dimensions (de quelques dixièmes de mm à quelque 20 cm), leur

forme, leur agencement (rosettes, chaînettes), leur destination (jauges pour acier, pour

aluminium, pour béton, ...).

De par son principe, une jauge mesure directement un allongement relatif (quelque

soit sa longueur) par le biais d'une mesure de variation relative de résistance électrique :

R

RK

ll=

R

R : variation relative de résistance

K : facteur de jauge voisin de 2

Page 22: Le parc des ponts en béton précontraint

22

Le seuil de sensibilité n'est pas fixé par la jauge elle-même mais par les appareils de

mesure associés. Ces appareils, dont le schéma de principe est le pont de Wheatstone, ont un

seuil de sensibilité de 1.10-6.

Cette technique de mesure très sensible, est utilisée depuis longtemps sur acier. Son

application au béton est plus récente, compte-tenu de difficultés de mise en oeuvre

(préparation de surface délicate, isolation électrique d’une jauge collée sur un support

contenant de l’eau,...). Si ces difficultés sont maintenant résolues, cependant certains états de

surfaces par trop médiocres peuvent rendre tout collage de jauge impossible.

Les jauges électriques ont eu longtemps la réputation de présenter des dérives dans le

temps. Sur acier, en choisissant certains types de jauges, de colles, et en soignant la

protection, il est maintenant possible d'obtenir une bonne stabilité dans le temps (plusieurs

mois). Cette stabilité peut d’ailleurs être sensiblement augmentée (quelques années) avec un

traitement thermique au moment du collage. Sur béton, il n'est pas encore possible d'obtenir

une telle stabilité : seuls des essais à court terme sont praticables dans ce cas (mise en tension

de câbles, essais de chargement, ..., des mesures de déformations différées ne sont pas

possibles pour ce moyen).

6.3.1.2 - Les extensomètres mécaniques

(quelquefois appelés déformètres ou dilatomètres)

Compte-tenu du nombre de points de mesure nécessaires sur ouvrage, les appareils

amovibles sont seuls utilisables.

A l'endroit voulu, une base de mesure est implantée sur la structure : cette base est

matérialisée par deux plots distants de lo et fixés à la structure (ces plots peuvent être des

billes, des cônes, ...). L'appareil vient se placer sur ces plots et mesure la variation de distance

l entre les plots, d'où l'on tire la valeur de la déformation : = l / lo .

Un appareil de bonne qualité présente les caractéristiques suivantes :

- base 10 cm,

- seuils de sensibilité = 1 micron = 1.10-3 mm, soit un seuil de sensibilité en

déformation de = 110

100110

35.

.−

−=

Ce type d’appareil convient pour l'acier, sa sensibilité s'avèrant trop faible pour le

béton. Il peut être utilisé en fissurométrie, les plots de la base étant implantés de part et d'autre

de la fissure : sa sensibilité est alors surabondante. A noter qu’une version améliorée de ce

type d’appareil atteint une sensibilité de 10-6 et permet d’aborder l’extensométrie sur béton.

Un autre appareil, plus sophistiqué, présente une base de 40 cm pour une sensibilité de

l'ordre de 0,4 micron (l/l = 1.10-6). Sa sensibilité est donc voisine de celle des jauges. Cet

appareil a l'avantage de ne pas présenter de dérive (il est toujours possible de se référer à une

base témoin conservée en laboratoire). Sa mise en oeuvre est beaucoup plus délicate que celle

Page 23: Le parc des ponts en béton précontraint

23

de l'appareil précédent et son utilisation est surtout réservée aux ouvrages instrumentés

spécialement pour un suivi à long terme.

6.3.1.3 - Les appareils adaptés à la fissurométrie

Le moyen le plus rustique pour suivre l’évolution d’une fissure est assurément le

témoin au plâtre ; nous ne le citons que pour mieux l’oublier car le témoin au plâtre ne

fonctionne qu’en « tout ou rien » et pose assez souvent des problèmes de décollement.

Il existe une multitude d’appareils pour mesurer le mouvement des fissures. Ceux-ci

sont choisis en fonction de l’importance de l’ouverture attendue des fissures et du caractère

plus ou moins continu de l’acquisition de mesure en fonction du temps. Nous présentons ci-

dessous une liste d’appareils de mesure classés en allant du plus rustique vers le plus

sophistiqué :

-- fixation de deux tiges métalliques scellées de part et d’autre de la fissure et sur lesquelles

sont gravés deux traits dont on suit l’écartement à l’aide d’un réglet (sensibilité 1 mm)

-- scellement de deux plots avec mesure de l’écartement à l’aide d’un pied à coulisse

(sensibilité de 0,1 mm)

-- utilisation d’un comparateur mécanique (sensibilité de 0,01 mm)

-- utilisation d’un capteur de déplacement électrique (sensibilité pouvant atteindre 0,001 mm

pour les meilleurs) ; celui-ci est donc le plus précis, et il permet en outre un suivi en continu.

Il offre aussi l'avantage d'une grande souplesse au niveau du traitement du signal. Il existe

plusieurs types de capteurs électriques qui fonctionnent sur des principes physiques différents

: des capteurs de type potentiométrique (variation de résistance), des capteurs de type inductif

(variation de self), des capteurs de type capacitif, des capteurs à courant de Foucault, etc...

6.3.2 - Les chaînes de mesures associées

D'une manière générale, les appareils à traduction électrique (jauges et capteurs divers)

permettent l'utilisation de chaînes de mesure plus ou moins complexes. Il est possible

d'explorer un grand nombre de voies automatiquement et d'enregistrer les résultats.

D'autre part, l'enregistrement continu est quelquefois nécessaire :

- soit pour la mesure d'un effet dynamique pendant le passage d'une charge (on

enregistre pendant quelques secondes),

- soit pour la mesure d'un effet variable suivant un cycle journalier, tel qu'un effet

thermique, on enregistre alors pendant 24 H ou quelques jours tout au plus,

- soit pour un suivi à plus long terme dans un but de surveillance (on enregistre

alors pendant quelques semaines).

La traduction électrique d'une variable physique permet une grande souplesse dans le

traitement de l'information.

Page 24: Le parc des ponts en béton précontraint

24

Toutefois, il est sans doute bon d'attirer l'attention sur certaines difficultés :

• l'introduction dans une chaîne de mesure d'une électronique plus ou moins élaborée,

risque de rendre le système fragile sur un chantier (problème de dérives, de pannes

d'alimentation). On peut rapporter ici quelques lignes de l'article de M. Rabut à propos du

fleximètre (annales des Ponts et Chaussées, oct. 1896). "Ce déclenchement du porte-plume est

produit par un électroaimant dont cette pédale ferme ou interrompt le circuit. Nous devons

dire que cette transmission électrique est quelquefois assez capricieuse ; par certains temps

humides, on se trouvera bien d'y substituer une transmission mécanique formée de simples

ficelles dont l'agencement est facile à imaginer et qui suffit la plupart du temps". Certes, nous

ne sommes plus en 1896 ! ... et l'électronique est de nos jours un outil de premier ordre. Une

sage précaution consiste à prévoir, dans une installation de surveillance de ce type, des

moyens de recoupement simples (quelques points de mesure doublés par des extensomètres

mécanique par exemple).

• On peut être tenté, dans un système automatique, de multiplier les points de mesures et

d'enregistrer de façon continue les signaux analogiques sur une bande de papier. L'expérience

montre que le dépouillement de plusieurs décamètres de papier sur lesquels figure un

enchevêtrement de traces de couleurs diverses est vite décourageant voire inextricable ! ... Il

est donc nécessaire de penser au niveau de la mise en oeuvre d'un système d'enregistrement de

quelle façon sera traitée l'information ainsi stockée.

• Certains traitements "aveugles" comme l'enregistrement magnétique, sont quelquefois

dangereux sur le chantier (besoin de confronter les résultats aux ordres de grandeurs calculés,

risque de dépassement de capacité, ...). Là encore, il est bon de se recouper avec des moyens

de mesures directs et simples.

De plus en plus, les centrales d’acquisition de mesures sont remplacées par des micro-

ordinateurs dans lesquels sont incorporées des cartes d’acquisition de mesures.

6.4 - Méthodologie d'une intervention

L'extensométrie (à laquelle on peut associer la fissurométrie) est un sujet très vaste. On

pourrait, maintenant, développer les divers aspects évoqués ci-dessus (les techniques de

mesures, l'interprétation, la précision, les causes d'erreurs, ...) ceci nous entraînerait hors du

cadre de cet exposé. Nous préférons donc poursuivre par les quelques réflexions suivantes, à

propos de la pratique de l'extensométrie sur ouvrages réels.

Si les projeteurs sont prêts à accorder toute confiance aux mesures d'extensométrie

effectuées en laboratoire sur des corps d'épreuve, leur réserve vis-à-vis de mesures effectuées

in situ est nettement plus prononcée. Il est probable, d'ailleurs, que certains d'entre eux aient

été déçus par certains résultats expérimentaux jugés fantaisistes parce qu'ininterprétables. Il

est probable, également, que la responsabilité de certains échecs soit entièrement le fait de

l'expérimentateur : appareils mal mis en place, erreurs de mesures, corrections mal effectuées,

phénomènes parasites sous-estimés, ...

Nous pensons que la plupart des échecs (ou simplement des déceptions) sont dus à des

campagnes de mesures mal menées et que la responsabilité en incombe aussi bien au projeteur

Page 25: Le parc des ponts en béton précontraint

25

qu'à l'expérimentateur. Nous voyons, pour notre part, trois conditions nécessaires à remplir

pour éviter l'échec :

- définir et délimiter le problème posé,

- situer les ordres de grandeur des quantités à mesurer,

- mettre en oeuvre les moyens de mesure suffisants.

6.4.1 - Définir et délimiter le problème posé

Pour ce faire, il est très important que le "projeteur" et "l'expérimentateur" puissent

dialoguer et se comprendre ; il ne doit pas exister de frontière nette entre le bureau d'étude et

le laboratoire. A ce niveau, le projeteur doit être conscient des difficultés posées à

l'expérimentateur et moduler ses souhaits en conséquence. De même, l'expérimentateur doit

être soucieux de la façon dont seront exploitées ses mesures de telle sorte qu'il lui soit

possible d'infléchir un programme d'essais vers une instrumentation optimale.

6.4.2 - Situer les ordres de grandeur des quantités à mesurer

Une conséquence directe est le choix de la technique de mesure la mieux adaptée sur

le plan métrologique et économique. Cette estimation peut être difficile : il est alors possible

de faire des calculs "en fourchette" avec deux hypothèses extrêmes de fonctionnement. Enfin,

il est important d'avoir en mémoire ces ordres de grandeur lors des mesures de telle sorte que

l'on puisse stopper un essai si les grandeurs mesurées sortent par la borne supérieure de la

fourchette estimée.

6.4.3 - Mettre en oeuvre les moyens de mesure suffisants

Une campagne d'extensométrie nécessite dans tous les cas :

• un nombre de points de mesure tel qu'il soit possible de tenir compte des dispersions

inévitables (sur le béton en particulier), d'écarter les points singuliers et d'éliminer les

mesures aberrantes. La redondance n'est pas à craindre ; l'expérience montre que dans bien

des cas, à l'heure du dépouillement, on regrette l'absence de quelques points

supplémentaires !...

• des dispositifs de mesure indépendants permettant des recoupements,

• des dispositifs de mesure annexes pour pouvoir tenir compte des phénomènes perturbateurs

: des mesures de températures sont quasiment obligatoires.

Une campagne d'extensométrie se prépare, demande des moyens de mesure suffisants,

et nécessite un temps de dépouillement et d'interprétation souvent long (en tous cas toujours

plus long que prévu). Ainsi, ce type d'intervention doit-il être utilisé avec discernement.

Nous restons convaincus qu'une campagne de mesure hâtivement préparée et réalisée

"à l'économie" (peu de points de mesure) est inutile, donc trop coûteuse.

Page 26: Le parc des ponts en béton précontraint

26

Il ne faudrait pas croire non plus que tout est accessible à la mesure pourvu qu'on y

mette les moyens. Les exemples donnés pour conclure, montrent au contraire, que le domaine

d'application reste limité.

6.5 - Quelques exemples d'application

Au cours de ces dernières années, les problèmes suivants ont pu être abordés par la

mesure :

1) degré d'encastrement d'une entretoise sur une poutre principale,

2) "degré de continuité" d'une poutre : soit pour tester un procédé de construction

original, soit dans le cas de poutres fissurées (rotules),

3) répartition transversale de moments fléchissants dans des ponts à poutres,

4) entraînement d'un hourdis à la flexion générale (répartition transversale des

contraintes),

5) participation d'une dalle de béton associée à des poutres métalliques (cas en

particulier d'ouvrages ou parties d'ouvrages non dimensionnés en "mixte"),

6) surtensions dans des aciers actifs et passifs (fissurométrie et mesures directes),

7) concentration de contraintes dans des goussets,

8) mesure des tensions dans des suspensions (pont suspendus et à haubans),

9) contraintes locales dans les platelages métalliques raidis,

10) décompression de joints ou de fissures réparées (fissurométrie et extensométrie),

11) contrôle d'une mise en précontrainte de câbles de continuité,

12) vérification de l'efficacité d'une mise en précontrainte additionnelle,

13) mesures sur des tôles collées à des fins de réparation.

L'exemple n° 5 a été réalisé au moyen de jauges électriques disposées uniquement sur

la partie métallique de la poutre suivant des sections droites de la manière indiquée sur la

figure de la page suivante.

Page 27: Le parc des ponts en béton précontraint

27

jauges

béton

poutre

en acier

o

(1)

(2)

Mt > 0

traction

compression

On trouve : 2 jauges sur chaque semelle

2 jauges sur l'âme disposées sensiblement au 1/2 et aux 2/3 de la hauteur

Cette disposition permet de tracer le diagramme des déformations dans la section

sollicitée par un moment fléchissant (action de camions convenablement disposés).

Le "Navier" (1) représente le fonctionnement en mixte (axe neutre très haut)

Le "Navier" (2) représente la flexion de la poutre acier non connectée au béton.

Les résultats expérimentaux permettent de trancher sans ambiguïté sur l'un ou l'autre

fonctionnement (on remarque au passage que l'on a placé 6 jauges dans une même section :

cf. la conditions "moyens suffisants").

Autre exemple : n° 10

Soit un joint de construction entre deux voussoirs présentant à l'oeil une présomption

de fissuration. On veut s'assurer par des chargements progressifs que ce joint reste comprimé.

Schématiquement, un dispositif expérimental sûr est le suivant :

- on place à cheval sur le joint un capteur de déplacement du type comparateur

(sensibilité de l'ordre du 1/100 de mm),

- de part et d'autre du joint, on colle 2 jauges électriques (voir croquis).

Lors du chargement progressif on mesure les déplacements d du comparateur et les

déformations 1 et 2 des jauges.

Les résultats de mesure sont reportés sur un graphique : en abscisse sont portés les

moments fléchissants, en ordonnées les signaux mesurés.

Trois cas de figures peuvent se présenter (figures 1, 2, 3, page suivante).

Page 28: Le parc des ponts en béton précontraint

28

comparateur

jauge J1

jauge J2

joint

On enregistre un signal sensible sur les

jauges qui croît avec les moments. Le

comparateur reste pratiquement insensible.

Il y a décompression du joint sans

fissuration.

Figure 1

Les jauges restent pratiquement insen-

sibles ; on peut lire un déplacement

croissant sur le comparateur: il n'y a pas

transmission de contrainte, la fissure

s'ouvre.

Figure 2

Nous sommes dans le cas de la figure 1

jusqu'en Mo et de la figure 2 au-delà de Mo :

fonctionnement normal du joint jusqu'en

Mo, ouverture d'une fissure au-delà de Mo.

Figure 3

Cet exemple montre comment on peut utiliser deux moyens de mesures indépendantes

(jauges et comparateur) à des fins de recoupement.

d

o

J1 et J2

Mt

xx

xx

xx

xx

d

d

oMt

d

x x x xx x x x x x

J1 et J2

d

oMt

d

x

x

x

x

x xx

xx

x J1 et J2

x

x xxxx

xx

Mo

Page 29: Le parc des ponts en béton précontraint

29

7 - LES MESURES DE CONTRAINTES

S’il existe une large panoplie de moyens pour mesurer des déformations, des

recherches sont menées pour mettre au point des méthodes qui permettraient de mesurer, ou

tout au moins d'évaluer, les contraintes réelles auxquelles est soumis le matériau constitutif

d'un ouvrage. La mesure directe des contraintes est en effet d'une utilité majeure, non

seulement pour établir le diagnostic dans le cas d'un ouvrage malade, mais surtout pour

définir un projet de réparation.

Dans le domaine du béton, la seule méthode qui semble devoir déboucher est la

mesure des contraintes par libération dont le principe a été mis au point initialement en

mécanique des roches. La méthode de libération des contraintes permet d'estimer directement

la contrainte normale dans le béton. Elle consiste à effectuer un relâchement local et partiel

des contraintes par création d'une entaille, suivie d'une compensation de pression contrôlée à

l'aide d'un vérin ultra-plat introduit dans cette entaille.

7.1 - Principe de la mesure des contraintes par libération

Dans la pratique, un référentiel de déplacement constitué de bases de mesures

extensométriques est d'abord matérialisé sur la surface devant recevoir l'entaille, en vue de

suivre le mouvement des lèvres de cette entaille.

Une minuscule entaille semi-circulaire, de 4 mm de largeur est alors pratiquée.

Principe de la méthode de libération des contraintes.

Page 30: Le parc des ponts en béton précontraint

30

• Dans le cas où cette zone est soumise à une contrainte de compression, les lèvres de

l'entaille vont avoir tendance à se rapprocher.

Un vérin ultra-plat est glissé dans l'entaille et mis en pression croissante jusqu'à ramener les

lèvres de l'entaille dans leur position initiale.

La pression de compensation nécessaire dans le vérin correspond, avec une bonne

approximation, à la valeur de la contrainte locale de compression moyenne dans le béton,

perpendiculairement au plan de l'entaille.

• Dans le cas d'une traction, l'opération est menée de façon quasiment identique, mais son

interprétation doit être adaptée.

Sous l'effet d'une traction, l'entaille aura tendance à s'ouvrir, lors de la libération de

contraintes. A partir de cette position, une montée contrôlée de pression peut être effectuée

et les déplacements correspondants mesurés. Une loi locale de comportement déplacement-

pression peut ainsi être définie.

Une extrapolation de cette courbe à une valeur de déplacement nul permet alors d'estimer la

contrainte initiale de traction.

7.2 - Obtention du profil local de contraintes

Pour accéder au profil de contraintes en fonction de la profondeur, on procède par une

alternance de libérations et de mesures à des profondeurs successives suffisamment

rapprochées, en agrandissant progressivement l'entaille pratiquée (jusqu'à 80 mm de

profondeur) et en ayant recours à des vérins en forme de segment circulaire de dimension

croissante pour effectuer la compensation de pression.

A partir de la connaissance pour différentes profondeurs d'entaille, des déplacements en

surface et des pressions de compensation dans le vérin, on peut déterminer le profil de

contraintes à l'aide d'un modèle numérique.

7.3 - Obtention de la distribution des contraintes dans une section

L'application répétée de la méthode de libération des contraintes en plusieurs niveaux d'une

section permet d'appréhender la distribution de contraintes dans cette section. Des mesures

récentes ont d’ailleurs permis de constater que la répartition des contraintes n’était pas linéaire

suivant la hauteur d’une section courante d’une poutre de VIPP, et que les parties épaisses de

la section supportaient davantage de contraintes que les parties minces.

Page 31: Le parc des ponts en béton précontraint

31

Exemple de profils de contrainte en différents niveaux d'une poutre.

7.4 - Mise en évidence du phénomène de retrait

Le profil de contraintes obtenu au niveau d’une entaille est représentatif de la contrainte

globale, c'est-à-dire de l’effet cumulé des actions extérieures et des effets internes tels que le

retrait.

Le retrait se traduit en surface par des contraintes de traction relativement élevées, qui

diminuent en profondeur avec un fort gradient, changent de signe puis se stabilisent à une

faible valeur de compression.

Page 32: Le parc des ponts en béton précontraint

32

Exemple de Répartition des contraintes de retrait.

Dans le cas où les actions extérieures entraînent une compression faible, la résultante en

surface peut donc être une traction.

Compte tenu de l'allure particulière de la distribution des contraintes de retrait, de leur

caractère auto-équilibré, de la validité du principe de superposition, la méthode de libération

des contraintes ayant accès à la mesure de tractions permet d'isoler le phénomène de retrait.

7.5 - Précautions d'emploi

La méthode de libération des contraintes permet d'accéder à la force de précontrainte locale

résiduelle dans une section d'ouvrage, à condition de prendre des précautions dans

l'interprétation des résultats, compte tenu des phénomènes de redistribution différée des

contraintes entre les parties massives et grêles d'une section.

La précision de la méthode de libération des contraintes est actuellement de l'ordre de 0,3

MPa. Lors de la réalisation de l’entaille, des précautions particulières doivent être prises pour

éviter un échauffement du béton susceptible de perturber les mesures. Il est ainsi souhaitable

d’éviter des variations de température supérieures à 1°C.

Page 33: Le parc des ponts en béton précontraint

33

8 - CONCLUSIONS

Les méthodes et moyens qui viennent d'être présentés constituent une panoplie

importante et représentent des opérations parfois coûteuses.

Toutefois, cette panoplie est encore très incomplète : de nombreux phénomènes

échappent encore à la mesure et des efforts importants doivent encore être faits pour améliorer

les possibilités d'investigations sur ouvrages.

Ensuite, c'est avec discernement qu'il faut employer les moyens existants. Dans cette

optique, il faut distinguer les opérations dont l'exécution apparaît aujourd'hui comme

nécessaire, si élevé que puisse en paraître le coût ; il s'agit de l'exécution du suivi d'un

ouvrage d'art. En effet, dans beaucoup de cas, le prix que l'on est amené à payer pour avoir

constaté des désordres trop tard est hors de proportion avec le coût d'une surveillance

normale, permettant l'exécution en temps opportun de réparation ou renforcements propres à

arrêter l'évolution des désordres. En revanche, lorsqu'on se trouve en présence d'un cas

pathologique, c'est l'analyse préalable des constatations qui conduira à définir le programme

d'auscultation, donc les moyens à mettre en oeuvre, en évitant le gaspillage d'argent, et surtout

de temps, qui résulterait d'une utilisation aveugle de tous les moyens disponibles.

Enfin, il nous apparait utile de rappeler quelques conseils avant de se lancer dans une

campagne d’investigations :

◼ choisir une société ou un organisme qualifié ayant de l’expérience ou des références

d’interventions effectuées avec sérieux ;

◼ ne pas abuser de techniques d’auscultation qui n’apportent pas d’éléments directement

utiles pour le diagnostic ;

◼ ne pas chercher à comprimer outrageusement les délais (la rapidité des investigations n’est

pas forcément synonyme de qualité...) ;

◼ ne pas hésiter à faire appel à une contre-expertise dans le cas où l’on a des doutes sur les

résultats fournis par une première expertise.

Page 34: Le parc des ponts en béton précontraint

34

A N N E X E

LA METHODE DES MOMENTS DE DECOMPRESSION

L’objectif de cette méthode est d’évaluer le déficit de résistance à la flexion d’une

structure précontrainte présentant des joints ou sections fissurés.

Principe de la mise en oeuvre

Elle consiste, dans son principe, à soumettre ces sections à des moments fléchissants

croissants, obtenus par des chargements connus et à mettre en évidence le moment qui

provoque l’ouverture du joint (ou de la fissure préexistante) en fibre inférieure puis suivant

des fibres de plus en plus proches de l’axe neutre. Ces chargements sont obtenus par le

déplacement progressif sur l’ouvrage d’un convoi de camions prédéfini. En présence d’un

joint ouvert à vide, un chargement des travées adjacentes peut être envisagé pour essayer de

recomprimer le joint sous l’effet du moment négatif ainsi produit..

La mise en oeuvre de cette méthode doit toujours s’accompagner d’un suivi des

températures, afin d’évaluer l’influence du gradient thermique sur le moment fléchissant.

Elle peut en outre être utilement complétée par un suivi de la rotation des sections à

l’aide d’inclinomètres qui permettront de détecter au cours de l’essai de chargement

l’apparition d’une discontinuité correspondant à l’ouverture du joint.

Dans la pratique, deux étapes sont à distinguer dans le déroulement des investigations :

• la première correspondant à une phase d’exploration préliminaire de l’ouvrage est destinée

à repérer les sections a priori les plus faibles à l’aide d’une instrumentation légère

essentiellement constituée de capteurs de déplacement placés à cheval sur les joints qui

permet de suivre les mouvements de ces joints sous l’effet du trafic et des phénomènes

thermiques ;

• la deuxième qui représente la phase principale, consiste à appliquer la méthode des

moments de décompression proprement dite dans deux ou trois sections choisies à l’issue

de l’étape précédente.

Dans la mise en oeuvre de cette méthode, le moyen de mesure utilisé pour la détection

fine de l’ouverture d’un joint en un point associe un capteur de déplacement et une jauge

d’extensométrie (couple jauge/capteur). Dans la pratique, compte tenu de la complexité du

fonctionnement des joints entre voussoirs qui rend difficile l’interprétation des résultats

obtenus, il est nécessaire de disposer d’un assez grand nombre de points de mesure par section

( de 10 à 20). Les principales causes de cette complexité sont :

• le retrait différentiel entre des parties d’épaisseur différentes,

• l’ancrage des câbles de fléau en tranche de voussoir,

• l’influence de la position des câbles de continuité (répartis dans le hourdis inférieur ou

regroupés dans les goussets) sur l’uniformité de l’ouverture du joint dans le hourdis.

Page 35: Le parc des ponts en béton précontraint

35

Aussi cet équipement composé de couples jauge/capteur est-il souvent complété par des

mesures directes d’extensométrie pratiquées sur les câbles.

Mesures à l’aide de couples jauges/capteurs sur le béton

La méthode jauge/capteur repose sur l’utilisation combinée d’un capteur de

déplacement placé à cheval sur le joint et d’une jauge d’extensométrie électrique collée à

proximité sur le béton, au bord du joint. La jauge et le capteur fonctionnent linéairement

pendant la phase de décompression du joint jusqu’à son ouverture, et divergent ensuite. A

partir de l’ouverture de la fissure, le capteur de déplacement indique une ouverture

progressive du joint, tandis que la jauge n’enregistre plus de décompression complémentaire.

L’identification du cas de chargement correspondant à l’ouverture de la fissure donne

une estimation de la réserve de moment fléchissant au niveau du couple jauge/capteur. A

partir des informations fournies par l’ensemble des couples jauges/capteurs répartis dans la

section et en tenant compte du mode de fonctionnement réel du joint, il est possible d’évaluer

la réserve de moment dans la section considérée.

Mesures d’extensométrie sur les câbles

Cette méthode permet de mesurer les variations de la surtension dans les câbles de

continuité. Elle consiste à partir de l’ouverture d’une fenêtre dans le béton, aussi petite que

possible, à mettre à nu localement le câble afin de coller au moins trois jauges de très petite

dimension sur les fils des torons ainsi dégagés.

En général, la courbe représentant l’évolution de la surtension en fonction du moment

fléchissant est constituée de deux parties.

Evolution de la surtension des câbles en fonction du moment fléchissant.

Page 36: Le parc des ponts en béton précontraint

36

La première, linéaire jusqu’au point I, correspond à la phase où le joint reste fermé et

se comporte en section homogène. La seconde, au-delà du point I, de type parabolique

correspond à l’ouverture du joint qui se comporte comme une section de béton armé en

flexion composée. La position du point I donne une estimation de la réserve de moment au

niveau du joint.

La position sur cette courbe du point correspondant à l’état à vide d’un joint de la

structure auscultée permet de guider la stratégie auscultatoire à utiliser, puis d’aider au

dimensionnement de la précontrainte additionnelle de renfort éventuellement nécessaire.

Page 37: Le parc des ponts en béton précontraint

37

B I B L I O G R A P H I E

[1] Ministère des Transports, Direction des Routes et de la Circulation Routière, Instruction

Technique pour la Surveillance et l’Entretien des Ouvrages d’Art du 19 octobre 1979.

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Page 38: Le parc des ponts en béton précontraint

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