le niveau de vie des retraités algériens et l’inégalité...
TRANSCRIPT
Le niveau de vie des retraités algériens et l’inégalité des retraites
Djamila MENDIL1
Résumé :
Le système de retraite algérien est caractérisé par une couverture limitée de la population
desservie et un faible niveau vie des retraités. Le niveau de vie des retraités est apprécié,
dans ce travail, soit en termes absolu à partir du montant de la pension moyenne des
retraités par-rapport au Salaire National Minimum Garanti (SNMG) soit en termes relatif
en calculant le taux de remplacement instantané pour chaque type de pension de retraite
(retraite à 60 ans, retraite sans condition d’âge, retraite proportionnelle, retraite anticipée
et l’allocation de retraite). À l’exception des bénéficiaires de la retraite sans condition
d’âge (RSCA), le niveau de vie des retraités ne dépasse pas 65% celui des actifs de la
même période et les bénéficiaires d’une allocation de retraite ont un niveau de vie relatif
très faible. Cette disparité de niveau de pension, et par conséquent de niveau de vie des
retraités, fait que le système de retraite est à l’origine d’une inégalité entre les retraités.
L’étude des disparités des montants des pensions est menée à l’aide de la courbe de
Lorenz et certains indicateurs de dispersion sur un échantillon de 349 681 retraités nés
entre 1945 et 1950, qui sont des générations de transition au regard des réformes
engagées à partir de 1983.
Devant la rareté des travaux théoriques, des données et des enquêtes sur le système de
retraite algérien, ce travail est original dans le sens qu’il apporte une appréciation
chiffrée du niveau de vie des retraités algérien.
Mots clés : Algérie, niveau de vie, système de retraite, inégalité, coefficients de Gini.
1 Mme MENDIL Djamila, Maitre Assistante à l’Université Abderrahmane MIRA de Bejaia - Algérie - Faculté des Sciences Economiques, des Sciences de Gestion et des Sciences Commerciales. Bejaia - Algérie.
Domaine de recherche : La redistribution du système de retraite, la sécurité sociale, l’emploi.
Tél: 00 213 775 954 765, E-mail : [email protected]
1
Le niveau de vie des retraités algérien et l’inégalité des retraites
Djamila MENDIL2
Le système de retraite algérien des salariés est un système unique, obligatoire et
contributif. Il est caractérisé par la faiblesse du niveau de pension moyenne et des taux
de couverture des personnes âgées. Ces caractéristiques sont à l’origine de deux types
d’inégalités. Une inégalité entre les retraités suite à une disparité des montants de
pensions et une inégalité entre ceux couverts et non couverts par le système de retraites.
Dans ce travail, on s’intéresse à l’étude de l’inégalité intragénérationnelle induite par les
disparités des montants des pensions entre les retraités. L’objectif étant d’évaluer le
niveau de vie des retraités par type de retraite et de mesurer la dispersion des montants
des pensions. La première section permettra de décrire la situation actuelle du système de
retraites des salariés. Une seconde section permettra de faire le point sur le niveau de vie des
retraités en terme absolu et en terme relatif. La troisième section est consacrée à une
analyse statistique des disparités des pensions, à l'aide de la courbe de Lorenz et certains
indicateurs de dispersion sur un échantillon de 349 681 retraités nés entre 1945 et 1950.
Il s’agit d’un échantillon réellement observés et issu des bases de données de la Caisse
Nationale des Retraites CNR extrait fin 2012.
1- Le système de retraite des salariés algérien : Etude rétrospective.
Le système de retraite algérien relève du principe Bismarckien dans le sens où le régime
est obligatoire et contributifs et les pensions sont à prestations définies. Le système
garantit les avantages suivants :
Une pension de retraite servie aux travailleurs après 32 ans d’activité. L’âge légal de
départ en retraite est de 60 ans pour les hommes, avec une réduction de cinq (05) années
pour les moudjahidine. Il est de 55 ans pour les femmes, avec une réduction d’un an par
enfant pour les femmes qui ont élevé un ou plusieurs enfants pendant au moins neuf ans,
dans la limite de trois enfants ;
2 L’auteur tient à remercier Mme Claire El Moudden pour ses précieux commentaires sur une version préliminaire du texte.
2
Une allocation de retraite est servie pour les travailleurs ayant validés au moins 05
années de travail à condition que l’assuré ait atteint l’âge de 60 ans3.
Une pension de reversion est servie en faveur des ayants droit. Les ayants droit sont
toutes personnes qui, par le lien du mariage ou de parenté était à la charge effective de
l’assuré.
Le financement du système algérien repose sur une base assurantielle. Les recettes
proviennent des cotisations à la charge des employeurs et des salariés, du budget de l’Etat
et des revenus des fonds de réserves.
Figure n° 01: la situation financière de la CNR (en Milliards de DA constant)
Source : ONS (2012)
Les années 2006 et 2007 sont marquées par un déséquilibre de la situation financière de
la CNR. Le retour à l’équilibre à été permis grâce à un relèvement des taux de cotisations
retraite de 16% à 17.25%. C’est à ce moment que les pouvoirs publiques ont pris
conscience de la nécessité de prendre les mesures nécessaires pour renforcer le système et
assurer sa viabilité financière à long terme par la mise en place d‘un Fonds National de
Réserves des Retraites4 (FNRR). L’essentiel des ressources du fonds sont constituées de
2% de la fiscalité pétrolière et une fraction des excédents de trésorerie des caisses de
3 60 ans à compter de 1999. Avant cette date, elle était servie à partir de 65 ans. 4 Crée par l’ordonnance n°06-04 du 15 juillet 2006 portant loi de finance complémentaire de2006.
-50
0
50
100
150
200
250
300
350
400
2005 2006 2007 2008 2009 2010
recettes
dépenses
Ecart
3
sécurité sociale. L’objectif du fond consiste à prendre en charge les déficits financiers
futurs du système de retraite.
Aussi, la viabilité financière du système est assurée grâce à la contribution de l’Etat au
financement du système de retraite qui représente 19.7% des recettes de la CNR en 2010
contre 25,8 % en 2005. En effet, l’Etat prend en charge certaines prestations non
contributives du système de retraite tel que les compléments différentiels, les indemnités
complémentaires, les majorations exceptionnelles et les pensions des Moudjahidines.
La situation financière du système de retraite est très sensible à la conjoncture
économique. Cette sensibilité est due à son mode de financement basé sur des cotisations
prélevées sur la masse des salaires. Un fléchissement de l’activité économique se traduit
par l’augmentation du taux de chômage et l’extension d’activité dans le secteur informel.
L’augmentation de la part de l’emploi informel dans l’emploi global a des conséquences
sur le financement du système de retraite et sur le taux de couverture. Aussi, cette
sensibilité est due à l’accroissement du nombre de bénéficiaires5 des prestations de la
CNR qui a presque doublé de 2000 à 2013, passant de 1 254 942 à 2 482 454 individus.
Mais, le ratio dépenses retraites / PIB reste faible par-rapport aux autres pays, il ne
dépasse pas les 3% du PIB.
L’augmentation du nombre de retraités est du à l’accès facile des assurés à la retraite. En
effet, des dispositifs de préretraite instituée par la législation suite à la détérioration de la
situation économique, ont incité les assurés à quitter le marché du travail à un âge
précoce. Ces dispositifs sont la retraite sans condition d’âge, la retraite proportionnelle et
la retraite anticipée.
La retraite sans condition d’âge (RSCA) concerne tous les travailleurs ayant travaillé 32
ans pour bénéficier d’une retraite à 80%, quel que soit leur âge.
La retraite proportionnelle6 permet à tout travailleur désirant de cesser sa vie active,
avant ni d’atteindre l’âge de soixante ans ni de réunir trente-deux ans d’activité. Pour
bénéficier d’une retraite proportionnelle, il faut avoir au moins 50 ans et 20 années de
cotisations pour les hommes, et avoir 45 ans et 15 années de cotisations pour les femmes.
5 Les retraités de droit direct et les bénéficiaires d’une pension de reversion. 6 Elle est instaurée par l’ordonnance n°97-13 du 31 mai 1997
4
Ce dispositif prend de plus en plus d’importance et la proportion des bénéficiaires passe
de 2.72% des effectifs de droit direct de la CNR en 1998 à 32.55% en 2013.
La retraite anticipée a été instaurée en 1994, en faveur des salariés du secteur
économique qui ont perdu involontairement leur emploi pour des raisons économiques.
Elle concerne les travailleurs âgés au minimum de 50 ans pour les et 45 ans pour les
femmes, réunissant au minimum 20 années de cotisation, et n’exerçant aucune activité
rémunérée. Le nombre d’année exigée diminue au fur et à mesure que l’on se rapproche
de l’âge légal de départ à la retraite.
Suite aux difficultés économique apparues à partir de la fin des années quatre-vingt et en
application du plan d’ajustement structurel (PAS) qui s’en est suivi durant la période 94-
97, d’importantes dispositions législatives ont été prises pour alléger les effets sociaux
des réformes engagées. La hausse du taux de chômage qui passait de 19.9% en 1990 à
23.8% en1993, avait induit la baisse du nombre de cotisants. Les dispositifs de
préretraites ont été mis en place durant cette période pour lutter contre la montée du
chômage par la sortie précoce des travailleurs, sans pour autant, se préoccuper de la
viabilité financière du système.
La structure des pensions directes est marquée par la prédominance progressive de la
retraite proportionnelle et de la retraite sans condition d’âge.
5
Figure n° 02: Répartition des retraités selon le type de retraites (1995 – 2013)
Source : Données CNR (2012) et (2014)
La baisse continue des bénéficiaires de la retraite anticipée est due à la reconversion en
retraite normale à partir de 60 ans pour les hommes et 55 ans pour les femmes, d’une
part, et à la préférence au départ en retraite proportionnelle et à la retraite sans condition
d’âge, de l’autre. L’application des dispositifs de préretraites ont pour effet d’abaisser
l’âge moyen de sortie en retraite. Le graphe ci-dessous, nous permet une comparaison de
l’âge moyen de liquidation de la pension en 2010, suivant le type de retraite.
0%
10%
20%
30%
40%
50%
60%
70%
80%
90%
100%
1995 1998 2001 2004 2007 2010 2013
Retraite anticipée
Retraite sans condition d'âge
Retraite proportionnelle
Retraite à 60 ans
6
Figure n°03 : L’âge moyen de départ en retraite.
Source : CNR (2012)
L’âge moyen des bénéficiaires des allocations de retraite est le plus important, il est au
delà de 61 ans, car ce type de pension est servi pour les travailleurs ayant validé moins
de 15 années de cotisations. Ces travailleurs préfèrent ne pas quitter le marché du travail
et liquident leurs pensions plus tardivement pour pouvoir valider davantage d’années
d’activités.
L’âge moyen des bénéficiaires de la retraite sans condition d’âge est plus faible car il
s’agit de travailleurs ayant validé 32 ans qui bénéficient d’une retraite à taux plein. Ces
salariés qui n’ont aucun intérêt à rester sur le marché du travail.
Faible couverture des personnes âgées
L’évaluation du niveau de couverture des personnes âgées peut se faire par un indicateur
qui rapporte le nombre de retraités de droits directs de 60 ans et plus à la population de 60
ans et plus.
D’après le tableau 1, la fraction des personnes âgées de plus de 60 ans non couverte reste
très importante ; elle dépasse les 50% et ce jusqu'à 2002, avec une légère amélioration à
61,5 60,4
55,26
52,3
54,3
4748495051525354555657585960616263
Allocation deretraite
Retraite à 60 ans Retraite sans condition d’âge
Retraiteproportionnelle
Retraite anticipée
7
partir de 2006. En 2012, plus de 46 % des personnes âgées de 60 ans et plus ne sont pas
couvertes par le système de retraite.
TABLEAU 1
La situation des personnes âgées de 60 ans et plus en Algérie.
Années 1988 1992 1997 2002 2012
Retraité 30,7 32,5 35,7 41,1 44.5
Occupé 18,7 12,8 10,4 8,7 9.1
Non couvert 50,6 54,7 53,9 50,2 46.4 SOURCES. ONS diverses éditions
L’interprétation de cet indicateur nécessite une certaine prudence, car il présente
l’inconvénient de ne prend en compte que les assurés de droit direct, alors que les
pensions versées aux ayants droit concernent une proportion importante de veuves et
orphelins qui représente 40,7 % du total des effectifs de la CNR. Il faut noter également
qu’il ne prend pas en considération la proportion de retraités de moins de 60 ans.
Dans le tableau 2, nous avons calculé le taux de couverture retraite, en comparant
l’ensemble des retraités (droit direct et ayants droit) à la population âgée de plus de 50
ans.
TABLEAU 2
Évolution du taux de couverture retraite de la population âgée de 50 ans et plus. (En %)
2000 2002 2004 2006 2009 2011 2013
Population des
retraités/population
de +50 ans 34.5 36 36 36.7 38.2 38.8 38.1
SOURCES. CNR 2014.
Les causes de ce faible taux de couverture remontent en partie aux années 70 et 80, car
l’ouverture des droits à une pension de retraite est conditionnée par l’accès préalable à
l’emploi formel durant toute une carrière. Le caractère partiel de la couverture est
largement dû au déséquilibre du marché du travail et au développement de l’emploi
informel en Algérie. Celui-ci s’est développé en fait depuis la période coloniale, car
l’emploi était rare dans le secteur moderne de l’économie où les entreprises cotisaient
pour la retraite de leurs salariés
8
2. Le niveau de vie des retraités.
En Algérie, contrairement au Maroc et à la Tunisie, les pensions de retraite sont
considérées comme la première ressource des personnes âgées. Ainsi, en 2002, 52,6 %
de l’ensemble des personnes âgées en Algérie ont déclaré leur pension de retraite comme
principale source de revenu contre 27 % au Maroc et seulement 18 % en Tunisie
(J.M.Dupuis, 2011).
Dans ce travail, la question du niveau de vie des retraités sera apprécier sur la base du
montant de la pension moyenne car l’indisponibilité des données ne permet pas une étude
complète en prenant en compte l’intégralité du revenu d’une personne âgée au sein d’une
structure familiale. Alors, le niveau de vie des retraités est apprécié soit en termes absolu
à partir du montant de la pension moyenne qu’ils reçoivent soit en termes relatif7.
Le SNMG constitue le premier indicateur de niveau de vie disponible, le choix de cet
numérateur est justifier par le fait que 60% des pensionnés de droit direct perçoivent une
pension inférieure au SNMG dans ce cas le calcul de la pension se fait sur la base du
SNMG.
Le graphe ci-dessous, nous donne une estimation du niveau de la pension moyenne des
retraités de droit direct par type de retraite par-rapport au SNMG en 20118.
Figure n°04 : Niveau de la pension moyenne en % du SNMG.
7Selon L’INSEE : Le niveau de vie est égal au revenu disponible du ménage divisé par unité de consommation. 8 Le SNMG en 2011 est égal à 15 000DA
020406080
100120140160180200
Retraiteproportionnelle
Retraite sanscondition d'âge
Retraiteanticipée
Retraite à 60 ans Allocation deretraite
9
Source : CNR (2012)
Les disparités entre les niveaux des pensions sont dues essentiellement à la diversité des
types de pensions. La pension moyenne pour la retraite sans condition d’âge est la plus
élevée car nécessitant la durée de cotisation la plus longue soit trente deux ans ou plus.
Nous pouvons également examiner les disparités de pension entre les retraités en
comparant le niveau de vie des retraités par rapport au niveau de vie des actifs de la
période. Le niveau de vie relatif est apprécié à l’aide d’un indicateur : Le taux de
remplacement instantané net qui rapporte les pensions moyennes versées par la CNR aux
salaires moyens des actifs. Pour mesurer le niveau de vie relatif, c’est-à-dire les
ressources disponibles pour financer les dépenses de consommation, le taux de
remplacement devrait être calculé en net, après déduction du prélèvement socio-fiscal
pesant sur les salaires et les pensions de retraite (L.Vernière, 1998).
Le taux de remplacement instantané net = 𝑃𝑒𝑛𝑠𝑖𝑜𝑛 𝑚𝑜𝑦𝑒𝑛𝑛𝑒 𝑑𝑒𝑠 𝑟𝑒𝑡𝑟𝑎𝑖𝑡é𝑠∗𝑆𝑎𝑙𝑎𝑖𝑟𝑒 𝑚𝑜𝑦𝑒𝑛 𝑑𝑒𝑠 𝑎𝑐𝑡𝑖𝑓𝑠∗
TABLEAU 3
Taux de remplacement instantané selon le type de retraite en 2011(en %).
Type de
retraite9
Retraite
proportionnelle
RSCA10 Retraite
anticipée
Allocation de
retraite
Retraite à 60 ans
TR 61.1 90.8 45.1 17.6 64.7
Effectifs11 28.24 12.98 0.08 9.34 49.36
Source : Calcul de l’auteur à partir des données CNR (2013).
L’examen les disparités de pension entre les retraités par le Taux de Remplacement
Instantané net confirme les résultats de la figure n° 04. Le niveau de vie relatif des
bénéficiaires d’une retraite sans condition d’âge est plus important mais ne concerne que
12% des retraités de droit direct de la CNR. Les bénéficiaires d’une retraite anticipée ont
*En dinar algérien. 9 Faute de données, nous ne pouvons pas approfondir l’analyse. 10 Retraite sans condition d’âge. 11 Le nombre de bénéficiaires au 31/12/2012.
10
un taux de remplacement instantané faible car ils n’ouvrent pas droit à la revalorisation
de leurs pensions. Les retraités bénéficiaires d’une retraite à 60 ans représente la
proportion la plus importante des effectifs CNR mais avec un niveau de pension ne
dépassant pas 65% celui des actifs de la même période.
Quelque soit le type de retraites, le niveau de vie des retraités est faible par rapport au
niveau de vie des actifs. Cette faiblesse est due au mode de revalorisation des pensions
opérée en Algérie.
La revalorisation des pensions et des allocations de retraite est opérée le 1er Mai de
chaque année, le taux est fixé par le gouvernement sur proposition du conseil
d’administration et de la caisse nationale des retraites. Ce coefficient est calculé en
prenant en compte l’augmentation des prix. En cas d’indexation sur les prix, le pouvoir
d'achat des retraités reste constant mais si le pouvoir d’achat des salariés actifs augmente
suite à une augmentation des salaires, les pensions des actifs au moment de la liquidation
seront toujours supérieures à la pension des retraités après plusieurs années de retraites
ce qui se traduit par une inégalité entre jeunes et vieux retraités.
Le tableau ci-dessous, nous permet de constater que le taux de croissance annuelle de
l’indice des prix à la consommation est inférieur au taux de revalorisation des pensions.
TABLEAU 4
Les coefficients de revalorisation des pensions et le taux de croissance annuelle de l’IPC.
(En %)
Année 2006 2007 2008 2009 2010 2011 2012 2013
Taux 4 4 5 5 7 10 10 11
IPC 2.31 3,68 4,86 5,74 3,91 4,52 8.89 3.3
Source : Caisse Nationale des Retraites (2014), ONS (2014).
Un coefficient de la revalorisation annuelle supérieur au taux de croissance annuel des
prix devait permettre aux retraités de bénéficier d’une variation du pouvoir d’achat
11
supérieur à l’augmentation des prix. Mais, malgré la revalorisation opérée depuis des
années, le niveau des pensions reste faible.
Encadré 1
Le mode de calcul de la pension
Le système de retraite algérien assure une pension principale de droit direct qui sera acquise en fonction de nombre d’années d’activités professionnelles validées, une pension de réversion qui sera perçu par les ayants de droit de l’assuré après son décès et des majorations pour conjoint à charge en complément de la pension principale. Comme tout régime à prestations définies, la pension principale de droit direct est exprimée en pourcentage du salaire mensuel soumis à cotisation 1-La pension principale : le montant de la pension dépend du niveau des salaires perçus, de la durée de la carrière professionnelle et de l’âge de départ en retraite de l’assuré. Le salaire de référence est appelé aussi l’assiette de calcul est le salaire soumis à
cotisation de la sécurité sociale. Ce dernier ne doit comporter ni rappel, ni indemnité
autre que celle versée mensuellement, c’est–à-dire qu’elles sont exclus de l’assiette de
calcul les prestations à caractère familial, les primes à caractère exceptionnel, les
indemnités compensatoires des frais engagés (prime de transport, de panier etc), les
congés payés cumulés non consommés et les rappels se rapportant à des périodes au delà
de 5ans.
Le salaire de référence est égal au salaire moyen des cinq dernières années précédant la mise en retraite, ou, si c’est plus favorable, la moyenne des salaires des cinq meilleures années de la carrière professionnelle, Salaire de référence = 𝑆𝑜𝑚𝑚𝑒 𝑑𝑒𝑠 𝑠𝑎𝑙𝑎𝑖𝑟𝑒𝑠 𝑎𝑛𝑛𝑢𝑒𝑙𝑠 𝑑𝑒𝑠 𝑐𝑖𝑛𝑞 𝑑𝑒𝑟𝑛𝑖è𝑟𝑒𝑠 𝑎𝑛𝑛é𝑒𝑠
5
Toute fois, en cas d’impossibilité de justifier la totalité des salaires des cinq dernières
années, les périodes creusent sont remplacées par des mois calculés au SNMG en
vigueur pendant ses périodes d’activités.
Montant de la pension brut = Salaire de référence X 2,5 X nombre d’année validée
Le montant net de la pension est égal au montant brut moins la retenus sécurité sociale (2%) et moins l’impôt sur le revenu global (suivant barème). Le montant minimum de la pension, y compris la majoration pour conjoint à charge, ne peut être inférieur à 75 % du salaire national minimum garanti SNMG, ni supérieur à 15 fois le SNMG.
12
3- Fortes disparités dans les montants des retraites : source d’inégalité
L’étude du niveau de vie des retraités, par la comparaison de la pension moyenne par
rapport au SNMG ou au salaire moyen des actifs, ne donne pas une vision réelle du
niveau des pensions. La pension moyenne ne prend pas en compte les valeurs extrême ni
les disparités entre les différents niveaux.
L’étude des disparités des montants des pensions est menée sur la base des montants nets
des pensions d’un échantillon de 449 681 retraités nés entre 1945 et 1950, qui sont des
générations de transition au regard des réformes engagées à partir de 198312.
Encadré 2 La réforme de 1983 a donné naissance à une série de lois dites sociales, portant essentiellement
sur l’unification des régimes de la Sécurité Sociale. Cette unification a permis aux travailleurs
algériens et à leurs ayants droit de bénéficier des mêmes droits et obligations en termes de
couverture sociale ; elle a également permis à d’autres parties de la population (handicapés,
moudjahidine inactifs, détenus etc.) d’accéder aux prestations de la Sécurité Sociale. Cette
réforme a apporté des améliorations de la couverture sociale.
Les principaux aménagements apportés par la réforme de 1983.
Situation antérieure Aménagements
Indemnités journalières assurance maladie
50% à compter du 11eme jour (délai de carence) 1er j – 15eme: jour: 50%.
A/C du 15e j: 100%.
Indemnités journalières assurance maternité.
50% pour 8 semaines. 100% pendant 14 semaines.
Indemnités journalières accident de travail
50% du salaire pendant 28 j, 100% au-delà 100% à partir du
1er j.
Les taux d’invalidité 30 % et 40 % 60 % et 80 %.
Capital de décès. 3 mois de salaire. 12 mois de salaire.
Pension de retraite. Le salaire des 10 dernières années. La dernière année.
Le taux de la pension. 1.33% sur le salaire moyen des 10 dernières année de travail.
2.5% par an.
Source : Reconstitué à partir du recueil de loi de la Sécurité Sociale.
Dans ce travail, on privilégie la dimension transversale, en s’intéressant uniquement au
niveau des pensions en coupe hors toute considération sur leur durée de perception. Pour
notre échantillon, il s’agit des montants des pensions nettes réellement perçues par les
retraités de droits directs en 2012.
12 Voir encadré 2
13
L’inégalité des pensions des retraités est analysée à l’aide de la courbe de Lorenz.
Lorsque la distribution est parfaitement égalitaire, la courbe de Lorenz prend la forme
d’une droite linéaire. L’inégalité de la distribution croît donc avec le degré de convexité
de la courbe.
Figure n°05 : Courbe des inégalités des pensions.
Source : réalisé par l’auteur à partir d’échantillon de la base de données CNR (2012).
D’après le graphe, 50% des retraités se partagent 28 % du total des pensions versées par
la CNR en 2012 et les 50% autres se partagent 72% des pensions. Ce qui traduit une
inégalité dans la distribution des retraites.
L’inégalité de cette distribution peut donc être appréhendée par le coefficient de Gini. Ce
coefficient est compris entre 0 et 1. Plus le coefficient est proche de 0 plus la répartition
est égalitaire ; plus il se rapproche de 1 plus la répartition est inégalitaire.
G = 1 –∑ (𝑘=𝑛−1𝑘=0 𝑋𝑘+1 − 𝑋𝑘 ) (𝑃𝑘+1 + 𝑃𝑘 )
Avec X : la proportion cumulée de la population;
0
20
40
60
80
100
120
0%
20%
40%
60%
80%
100%
120%
0% 10% 20% 30% 40% 50% 60% 70% 80% 90% 100%
Prop
ortio
n cu
mul
ée d
es p
ensi
ons
Proportion cumulée de la population
Courbe parfaite égalité Courbe Lorenz
14
P : la proportion cumulée des pensions.
L’indice de Gini se situe pour cet échantillon à 0.312, c’est-à-dire que la distribution des
pensions est fortement inégalitaire13.
Le coefficient de Gini nous ne permet pas de mieux apprécier la dispersion de la
distribution des pensions. L'inconvénient de l’indice de Gini est qu’une même valeur peut
correspondre à des courbes de Lorenz très différentes. Une courbe peut refléter une
distribution plus défavorable pour les cinq premiers déciles et favorable pour les cinq
autres. Une 2ème courbe peut se présenter de manière inverse. Les coefficients de Gini des
deux courbes auront la même valeur. Alors, on complète le coefficient de Gini par le
recours à d'autres indicateurs de dispersion.
Pour notre échantillon, la distribution des pensions est inégalitaire car les 10% des
retraités qui ont les plus faibles pensions touchent 2.84% de la proportion cumulée des
pensions au lieu de 10%. L’inégalité est très marquée jusqu'à le 5e décile. C’est ce que
confirme le calcule du rapport interdécile.
TABLEAU 5
Les déciles des pensions
D1 D2 D3 D4 D5 D6 D7 D8 D9
Proportion cumulée
des pensions (%)
2.84 8.24 14.52 20.89 28.17 37.7 47.87 60.79 76.47
La dispersion des montants des pensions mesurée par le rapport interdécile est très forte.
Le neuvième décile de la distribution des pensions est égal à 26.89 fois le premier décile,
c’est-à-dire les 10% des retraités ayant les pensions les plus élevées touchent une pension
26 fois plus importante que les 10% des retraités ayant les plus faibles pensions.
13 A titre de comparaison, signalons que les inégalités de revenu et les inégalités de pension en France sont également de l’ordre de 0, 3 (source : INSEE « les revenus et le patrimoine des ménages édition 2013).
15
L’écart de dispersion de la distribution des pensions est plus marqué entre le 5e et le 1e
décile qu’entre le 9e et le 5e décile. Les disparités des montants de pensions est plus forte
au niveau du bas de la distribution.
D9/D1 D5/D1 D9/D5
Cumul des pensions nettes 26.89 9.90 2.71
Faute de données, nous ne pouvons pas analyser les disparités des montants des pensions
entre les hommes et les femmes. On précise toute fois que la population de retraités de
droit direct est caractérisée par une dominance masculine avec 87,5% des hommes, ce qui
est dû au faible taux d’activité des femmes plus particulièrement durant les années 80.
TABLEAU 6
Niveau de pension par décile par-rapport au SNMG.
Limite supérieures
décile en DA
% par-rapport au SNMG
201214
< à D1 9 238.72 51.3
D1 à D2 15 482.62 86
D2 à D3 15 641.25 86.9
D3 à D4 16 262.84 90.35
D4 à D5 19 693.04 109.40
D5 à D6 24 483.62 134.12
D6 à D7 29 141.66 161.9
D7 à D8 34 929.86 193.94
D8 à D9 43 633.03 242.4
Les 10% des retraités qui ont les plus faibles pensions (1er décile) perçoivent une pension
inférieure à 9 238.72 DA (soit la moitié du SNMG) et les 10% des retraités du 9e décile
perçoivent une pension égale à 2.42 fois le SNMG.
14 Le SNMG en 2012 est égal à 18 000DA
16
Conclusion
Le niveau de vie des retraités algérien est faible par-rapport à celui des actifs, pour les
retraités de droit direct qui représente presque 50% de l’effectif de la CNR, la retraite
moyenne représente moins de 65% du salaire moyen des actifs
Les disparités des montants des pensions existent même au sein de la législation du
système, avec un minimum de pensions pour les bénéficiaires de la retraite à 60 ans
limité à 75% du SNMG et un maximum plafonné à 15 fois le SNMG.
Des solutions peuvent être envisagées pour améliorer le niveau de vie des retraités :
accroitre le minimum garanti de 75% à 100% le SNMG et adopter une méthode de
revalorisation des pensions plus efficace sur la base des salaires afin de garantir aux
retraités un pouvoir d’achat équivaut à celui des actifs.
De telles préconisations auront un effet sur l’équilibre du système. Mais à défaut d’une
réforme structurelle, leur financement sera assuré par le budget de l’Etat ou le Fonds
National de Réserves des Retraites (FNRR).
Nous considérons ce travail comme un début de réflexion qui s’impose devant la rareté
des travaux théoriques, des études et des enquêtes sur le niveau de vie des retraités en
Algérie.
17
Références Bibliographiques
1 Adair P, Bellache Y. (2012), « Emploi et secteur informels en Algérie :
déterminants, segmentation et mobilité de la main d’œuvre », Gestion et
développement, n° 35, janvier- juin, P 121-149.
2 Arhab B. (2010), « Contribution à la réflexion sur la promotion de l’emploi et la
lutte contre le chômage en Algérie : étude analytique et empirique », Thèse doctorat.
Université de Béjaia- Algérie.
3 AISS. (2013), « Extension de la couverture de sécurité sociale au sein du groupe
BRICS : une étude comparative de l’extension de la couverture au Brésil, en
Fédération de Russie, en Inde, en Chine et en Afrique du Sud », Association
Internationale de la Sécurité Sociale, Genève.
4 Benachenhou A. (1983), L’expérience algérienne de développement et de
planification 1962-1982 », OPU, Alger.
5 Benhabib K.E.(2001), « Organisation et fonctionnement du système de sécurité
sociale », Mutations, Alger, n°38, pp 13-21.
6 BIT. (2011), le socle de la protection sociale pour une mondialisation juste et
inclusive, Rapport du groupe consultatif sur le socle de la protection sociale, mis en
place par le BIT avec la collaboration de l’OMS, 1ere édition, Bureau International
du Travail, Genève.
7 Benjelloun SE, Dupuis JM et El Moudden C. (2011), « Inégalités, système de
retraite et redistribution au Maroc » colloque Meknès sur le vieillissement de la
population dans les pays du Sud, mars 2011, Maroc.
8 CEA-AN. (2012), Situation et perspectives de renforcement de la protection sociale
en Afrique du Nord (Algérie, Egypte, Maroc, Mauritanie, Tunisie), Réunion
d’experts sur la situation de la protection sociale en Afrique du Nord à la lumière
des enjeux démographiques actuels, 19- 21 juin 2012, Maroc, Commission
Economique pour l’Afrique des Nations Unies.
9 Conseil Economique et social, (1999), la conjoncture économique et sociale du
second semestre 1999, 14e session plénières.
10 Dupuis J.M et El Moudden C. (2002), Economie des retraites, Economica, Paris.
18
11 Dupuis JM, El Moudden C et Petron A. (2010). Les systèmes de retraites du
Maghreb face au vieillissement démographique, Revue française d’économie, n°25,
P 79-116.
12 Dupuis JM, El Moudden C et Petron A. (2009). Régimes de retraite, inégalités de
revenu et redistribution au Maghreb, Région et Développement, n° 30, juillet-
décembre, P 177- 194.
13 Dupuis J.M, El Moudden C, Hammouda N.E, Petron A, Ben Braham M,
Dkhissi I. (2011), « L’impact des systèmes de retraite sur le niveau de vie des
personnes âgées au Maghreb », Economie et statistiques, n° 441 -442.
14 Holzmann R. (2000), « l’approche de la banque Mondiale quant à la réforme des
pensions», Revue Internationale de Sécurité Sociale, vol.53, n°1, Janvier- mars,
p.13-42.
15 INSEE (2013), « Revenus et le patrimoine des ménages » ;
16 MENDIL D-J. (2002), « Adaptation du mode de financement de la sécurité sociale
au contexte de transition vers l’économie de marché », mémoire Magistère en
Sciences Economiques, Université de Bejaia, Algérie.
17 Musette M.S, Isli M.A et Hammouda N (2003), « Marché du travail et emploi en
Algérie : éléments pour politique nationale de l’emploi profil de pays », Alger, OIT.
18 ONS. (2011), Enquête emploi auprès des ménages (2010), Office National des
Statistiques, Alger.
19 Piketty T. (1997). Economie des inégalités, Paris, La Découverte.
20 Trannoy A. (2010), Mesure des inégalités et dominance sociale : un chassé croisé
entre économistes et mathématiciens, Mathématical Sciences Sociale, n°92, P. 29-40.
21 Vernière L. (1998), Les indicateurs de rendement et de rentabilité de la retraite,
Questions retraite, n°98-07.
22 Sites d’internet :
1. www.cnr-dz.com
2. www.ons.dz
19