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Le murmure de l'intime
Poèmes et journaux de Charles Juliet
Création théâtrale et musicale
Ce Galet dans ma main
Mise en voix, en corps et en espace, d'un parcours théâtral
composé de différents extraits de l'œuvre poétique de Charles Juliet
Actions de médiation culturelle
Du journal intime à la forme poétique
Lectures publiques
Journal et poèmes de Charles Juliet, à deux voix parlées et chantées
dans un lien entre le quotidien du journal et le sublime de l'expression poétique.
Ateliers de poésie contemporaine
Ecriture poétique avec mises en voix et en scène des productions écrites
Créations théâtrales autour de la parole intime
Improvisation poétique (slam)
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Un mot d’encouragement de Charles Juliet pour notre projet
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Cette création est issue de ma volonté de témoigner d’un chemin intime, commun à tous les humains s’exigeant de demeurer vivants : celui du manque, de l’aspiration à la réalisation humaine, de la tension entre l’effroi et le sublime. J’ai trouvé, en l’œuvre de Charles Juliet, la parfaite expression de ces états. Sensible à l’histoire personnelle de l’auteur, j’ai souhaité mettre en scène sa déchirure, empruntant les sentiers difficiles de la réunification de l’être, portant les mots comme une nécessité. J’ai perçu le trajet dramatique comme une marche, à l’image des sentiers que le poète emprunte souvent pour composer ses écrits.
Anne Marie- Forêt,
comédienne
Attachée à la dimension vibratoire des formes verbales, j’ai adhéré d’emblée au phrasé poétique de l’auteur, à la fois silencieux et haletant. Cette poésie dépouillée m’inspire une mise en jeu et en espace sans artifices. J’ai composé la dramaturgie en mettant en continuité des extraits de poèmes, m’attachant à décliner trois tendances : la verticalité descendante, l’horizontalité, la verticalité ascendante. Une relation immédiate avec La Divine Comédie de Dante se dessine, en tant que parcours humain dans les strates de l’intériorité. Ce déroulement dramatique renforce la dimension universelle des textes de l’auteur. Je m’investis alors dans la direction du chantier, amenant Anne-Marie Forêt à explorer des techniques de jeu inspirées du théâtre traditionnel japonais et du parlé-chanté (deux univers que j’affectionne particulièrement).
Sylvie Delom, metteur-en-scène
En lisant le découpage, fasciné par la rugosité du texte et son dynamisme, j’estime que l’univers sonore doit laisser le verbe s’épanouir. Je saisis l’opportunité du galet comme seul outil musical et tente de développer une science du rythme en son essentiel : l’instrument-galets est peu riche en timbres… Un défi correspondant à ma recherche de percussionniste.
Alain Joly, percussionniste
Sur la demande de Sylvie Delom, je me suis plongée dans sa proposition dramaturgique afin d’approfondir la recherche d’une juste interprétation. Avant de rejoindre le chantier, j’ai lu de nombreux écrits de l’auteur et constaté que ce travail complète mon incessante étude du théâtre contemporain et de sa mise en scène. Charles Juliet, sous des apparences sombres, recèle une paisible leçon de vie. Je m’attelle à la rendre visible.
Nathalie Stora,
metteur-en-scène
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Sommaire
Charles Juliet et notre projet de création..................................................................................................................... 5
Parcours de Charles Juliet – Son Journal ............................................................................................................................ 5
Mettre en scène la poésie de Charles Juliet ........................................................................................................................ 8
Contexte ....................................................................................................................................................................... 10
Un ancrage dans le territoire ............................................................................................................................................... 10
L’inédit dramaturgique .......................................................................................................................................................... 11
Renouveau oratoire et Charles Juliet .................................................................................................................................. 12
Démarche artistique .................................................................................................................................................... 14
La création d’étape en étape ............................................................................................................................................. 14
Actions de médiation culturelle : du journal intime à la forme poétique ............................................................. 19
Thématiques ................................................................................................................................................................ 22
L’Homme ................................................................................................................................................................................. 22
L’Universel ............................................................................................................................................................................... 22
Le Mot ...................................................................................................................................................................................... 22
Objectifs et enjeux ...................................................................................................................................................... 23
Réinvestir la parole et le mot : une urgence citoyenne ................................................................................................... 23
Partager la conscience d'un patrimoine commun ........................................................................................................... 24
Promouvoir la poésie contemporaine ................................................................................................................................ 25
Calendrier .................................................................................................................................................................... 26
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Charles Juliet et notre projet de création
« Scandée par la marche, une question revient, qui le taraude, et dont il devine qu’elle le
travaillera aussi longtemps qu’il n’aura pas mené à terme la singulière aventure qu’elle
implique. Et tantôt comme une plainte, un sanglot, tantôt comme une supplication ou un
cri, une mise en demeure, c’est ce qui suis-je qui suis-je qui suis-je, qui jour et nuit lui
martèle les tempes, le fait haleter, le lézarde en chacune des pierres de ses fondations.
…………………
« A la hâte, tout en cheminant, pour tenter de repousser cette ténèbre, il prend des notes.
Et parce qu’il est en lambeaux, ce qu’il s’arrache vient par lambeaux se fixer sur la page. »
pp11 /15 Combat Journal I 1957-1964 Ed Hachette 1979
Parcours de Charles Juliet – Son Journal
Né le 30 septembre 1934 à Jujurieux dans l’Ain, Charles Juliet est auteur, poète et dramaturge. Quatrième
enfant d’une famille paysanne, un mois après sa naissance, sa mère plongée dans une grave dépression est
conduite à l’hôpital psychiatrique à Bourg en Bresse où elle mourra de faim. Encore nourrisson Charles Juliet
est placé dans une famille adoptive de paysans suisses installés à Jujurieux. A l’âge de huit ans, il apprend le
même jour, à la fois l’existence et le décès de sa mère biologique. A douze ans, il entre comme enfant de
troupe dans une école militaire à Aix-en-Provence. Intéressé par l’étude du psychisme de l’homme, il
entreprend des études de médecine, à vingt ans à l’école de santé militaire à Lyon. Au cours de ses trois
années d’études, va naitre un besoin impérieux d’écrire. Il décide, trois ans après de se faire réformer et de se
consacrer exclusivement à un travail d’écriture, devenu une urgence pour lui, urgence de se connaître et
d’exhumer ses blessures.
« Mais un jour, vécue dans un vertige , une suffocation de tout l’être, c’est la brutale
urgence de devoir tout laisser , de partir seul , de ne plus se dérober à ce que dicte la
voix » pp11/12 Combat Journal I 1957-1964 Ed Hachette 1979
La forme du journal s’impose naturellement à Charles Juliet et il va le tenir pendant des décennies. Ce journal,
véritable périple, outil d’une lente descente en lui-même est aussi un véritable laboratoire littéraire dans
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lequel se dessinent déjà les grands thèmes de son œuvre. La poésie l’accompagne, des nouvelles et du
théâtre suivront.
« … au début je ne savais pas très bien ce que je faisais. J’écrivais sur des enveloppes, des
bouts de papier. Après, j’ai pris un cahier sur lequel j’essayais de noter ce que je percevais
de ma réalité interne. En fait dans ce journal, je parle très peu de l’extérieur, parce que
celui-ci était sans intérêt. Ce qui me passionnait, c’était d’observer ce qui se passait en moi,
de le fixer pour pouvoir le comprendre. Donc après ces premières tentatives, nouvelles,
théâtre…, pendant des années je n’ai été capable que de tenir ce journal, et de composer
des poèmes… » Charles Juliet en son parcours R.Barry Ed Les Flohic 2001 pp49/51
Il passe quinze ans de travail sur soi et sur l’écriture avant de voir en 1973 publier sa première œuvre :
Fragments. Composée de passages choisis de son Journal. En 1989 vient l’écriture d’un récit
autobiographique l’Année de l’éveil. Véritable livre d’apprentissage, à travers son expérience à l’école
militaire, il relate son entrée dans la vie d’adulte. C’est ce récit qui fait connaître son œuvre au grand public,
reconnaissance qui se manifestera aussi en 1990 avec le film franco-belge réalisé par Gérard Corbiau
s’inspirant de cet écrit. Son cheminement introspectif le conduit en 1995 a publié Lambeaux. Si la première
partie est un véritable chant d’amour pour ses « deux mères », la seconde partie reprend le parcours intime
de l’auteur
« Ce livre m’a permis de comprendre mon parcours, ce que j’avais écrit, ce que j’étais...
Après ce livre j’ai pu aller vers la fiction. Auparavant elle m’était interdite .Le travail que
j’avais à faire excluait que je laisse intervenir l’imaginaire » Charles Juliet en son parcours
R.Barry Ed Les Flohic 2001 p113
Attente en automne, 1999, sera son premier livre de fiction, recueil de trois nouvelles où l’auteur peut diriger
son regard vers d’autres horizons, après plus de vingt-cinq années de difficulté de vivre et d’écrire, de doutes
et d’introspection.
Son œuvre littéraire est très fournie : le Journal parait en 6 volumes, le dernier, Lumières d’Automne, Journal
VI 1993-1996 parait en 2010 Ed P.O.L, sa poésie parait en de nombreux recueils : 2O12 Moisson, choix de
poèmes Ed P.O.L.
Son travail se nourrit de rencontres avec de nombreux artistes(le peintre Bram Van Velde, Beckett …), de sa
passion pour la peinture (Cézanne, Van Goth....), de ses nombreuses lectures.
Charles Juliet a pratiqué de nombreuses formes d’écriture : récits, théâtre, poésie, journal, lettre… et malgré
cette diversité, son œuvre montre une singulière unité. Unité de thème d’abord tant elle est toute traversée
par la recherche de soi.
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« Tout s’est passé en dehors de moi .Je n’ai jamais décidé d’écrire en employant telle ou
telle forme. Cela s’est fait au fur et à mesure de mon cheminement… De toute manière,
quel que soit mon mode d’écriture, j’ai le sentiment que je dis toujours la même chose. Il
est sans cesse question de cette même aventure intérieure. Je ne sais rien dire d’autre… »
Charles Juliet en son parcours R.Barry Ed Les Flohic 2001 p131
Unité de style ensuite, qui donne elle aussi toute une cohérence à son œuvre. Le travail sur la langue, fait de
sobriété et de précision. La langue est considérée comme une matière en une analogie chère à Charles Juliet,
celle de la matière travaillée par l’artiste :
« Travailler un bloc de pierre ou travailler sur les mots, c’est une manière d’intervenir sur
soi-même, de se sculpter intérieurement, de pétrir sa pulpe. » Charles Juliet en son parcours
R.Barry Ed Les Flohic 2001 p131
Charles Juliet est aujourd’hui un écrivain connu et reconnu. La plupart de son œuvre littéraire est traduite
dans une dizaine de langues. Il est également intervenu à de nombreuses reprises au cours d’émissions
littéraires sur France Culture et il est l’auteur de pièces radiophoniques. En 2010, il reçoit, pour l'ensemble de
son œuvre, le prix Jean Morer aux Vendanges littéraires de Rivesaltes.
Charles Juliet habite sur Lyon, mais il a gardé un ancrage à Jujurieux son village natal, sa maison aux volets
bleus proche du centre du village. Quand il n’est pas à Lyon, dans un coin de la France ou du monde, les volets
bleus sont ouverts et les habitants de Jujurieux peuvent le croiser dans le village ou sur les chemins de ces
collines où il a tant marché.
Tu le cherches encore
sur les collines
les chemins familiers
par les prés les bois les vignes
l’enfant étranger
mort depuis longtemps
mais il survit en toi
continue de te dicter
nombre de tes mots
de tes actes
Sur les collines Opulence de la nuit C.Juliet Ed P.O.L 2006-p43
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Mettre en scène la poésie de Charles Juliet
aboutissement d'une démarche autour de la poésie contemporaine
Compagnie des Arts de la Parole - Poésie contemporaine mise en scène –
Nos rencontres avec Charles Juliet - Autorisation des éditeurs
Compagnie des Arts de la Parole
L’Atelier du Réverbère est un centre de création et de formation autour des pratiques scéniques de la
Parole. Depuis son installation dans l'Ain en 2009, dans toutes ses démarches, l'Atelier soutient l'exploration
et la transmission de la force évocatrice de l'oralité, qu'elle soit pré-écrite ou créée en direct.
Ainsi chaque création conduite par les professionnels est systématiquement accompagnée d'une
sensibilisation aux formes verbales et à la création scénique.
Dans le projet Le murmure de l'intime, ces actions sont un moyen de faire entrer les publics dans la
dimension poétique, par l'oral, par l'écrit, par le jeu scénique, corporel et vocal.
Poésie contemporaine mise en scène
Pensée depuis désormais une dizaine d’année, cette démarche artistique autour de la poésie
contemporaine s'est exprimée récemment :
- lors d'une création menée en Ile de France - Résidence artistique « Réseau des Médiathèques » de
l'Agglomération de St Quentin en Yvelines en 2009 : Dire entre les ligne, spectacle de paroles poétiques
issues d'un atelier de création mêlant bibliothécaires, amateurs, professionnels de la scène et de la
musique les textes des auteurs oubliés chez l'éditeur « Rue du Monde », partenaire de l'opération
- lors de plusieurs ateliers de création théâtrale auprès des élèves de 6ème du collège Saint-Exupéry
d'Ambérieu-en-Bugey (ateliers d'écritures menés par des auteurs contemporains : Bernard Friot,
Françoise Rachmuhl...)
- lors de l'accompagnement d'auteurs de poésies destinées à des rencontres de Slam (2012)
Dès l'implantation de l'Atelier du Réverbère, les artistes professionnels ont conçu le projet de mettre en
scène un auteur de poésie contemporaine. Connaissant l'œuvre de Charles Juliet et y adhérant depuis
longtemps, ils ont choisi de la mettre en forme.
Artistes
Anne-Marie Forêt, comédienne
Alain Joly, musicien
Sylvie Delom et Nathalie Stora, metteurs en scène
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Rencontres avec Charles Juliet
Entrant dans l'intimité du Journal et dans l'œuvre poétique de l'auteur, l’équipe artistique de l’Atelier
du Réverbère a pris le temps de s'en imprégner, de choisir, d'interroger les textes de l’auteur.
Dans cette démarche, dès la naissance du projet, une rencontre avec Charles Juliet en personne a permis à
l’équipe artistique de penser le projet Le murmure de l’intime en accord avec la personnalité de l’auteur.
Charles Juliet encourage la réalisation du projet qui lui est présenté en détails.
Autorisation des éditeurs
La compagnie a obtenu les droits d’auteur sur les œuvres poétiques sélectionnées ; à savoir Affûts (édition
POL), Opulence de la nuit (édition POL), L’œil se scrute (édition POL), A voix basse (édition POL), Fouilles
(édition POL), Ce pays du silence (édition POL) et L’Autre Chemin (édition Arfuyen). L’accord des éditions P.O.L
et Arfuyen concernant le projet de création théâtrale est obtenu le 29 juin 2010, pour une durée d’utilisation
du 30 juin 2011 au 30 juin 2016.
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Contexte
19 décembre. Jujurieux
« Soirée chez les Penez. Une trentaine de personnes. En retrouvant Lucette, la Yette, Jeannot, c’est toute une part
de mon enfance qui a resurgi. La Yette …m’emmenait à l’école, et Jeannot était ce maquignon que j’avais pris
pour modèle. Avec mon foulard rouge vif et mon tablier noir dont j’avais retiré la ceinture-il fallait qu’il flotte
autour de moi comme la blouse qu’il portait-je rêvais de marcher sur ses traces. Et tous ces jeudis d’hiver passés à
l’abattoir. Je retirais l’herbe contenue dans une panse. Ou je brassais le sang. Ou je salais et pliais une peau. Ou je
présentais les boyaux quand je faisais les saucissons …J’étais fier d’être admis à travailler aux côtés de mon
grand frère, mais je le craignais, et je veillais à ne pas m’attirer des remontrances.
Ces personnes pour qui je n’étais bien sur qu’un gamin, elles ne sauront jamais l’importance qu’elles ont eue pour
moi. Toute la soirée, un grand bonheur, de belles émotions.»
L’Autre Faim Journal V 1989-1992 C.Juliet Ed P.O.L 2003- p281
Un ancrage dans le territoire
Les habitants du département connaissent Charles Juliet, en tant
qu’auteur bien sûr, mais aussi comme un homme simple et attentif aux
autres, partageant activement la vie de cette région. Ses œuvres y sont
connues mais très peu sa poésie.
Au cours de nos rencontres, l’auteur témoigne et explique son
habitude à composer en arpentant les sentiers de la région. Avec la
comédienne, habitante de l'Ain depuis sa jeunesse-, ils partagent, outre
leur proche perception de la condition humaine et leur sensibilité très
similaire, le même goût de la marche sur les chemins alentours du Bugey
L'Atelier du Réverbère est, dans ses actions, très ancré dans les
enjeux de territoire. La dernière réalisation de la compagnie a eu lieu à
Ambérieu-en-Bugey, de janvier à juin 2012 : Un quartier, une histoire
« Vareilles au fil de l'eau ». Il considère ainsi le patrimoine matériel et le
patrimoine immatériel comme le substrat très pertinent d'un regard sur
le monde contemporain. Or les écrits de Charles Juliet, outre leur grande
qualité littéraire, sont d'ores et déjà patrimoine immatériel de notre
région. Cette proximité, ce voisinage, le partage de ce patrimoine a
ils ont disparu
ceux dont le regard
te renvoyait à ton enfance
te parlait du village
gardait mémoire
de ton jeune passé
mais parfois
sans que tu songes à eux
ils réapparaissent
avec leurs bêtes
au détour d’un sentier
ils n’ont jamais été aussi
présents
tu ne les as jamais autant
aimés
Sur les collines Opulence de la nuit
C.Juliet Ed P.O.L 2006-p44
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motivé la décision de le rendre visible et accessible à tous par le
spectacle vivant.
L'Atelier a également pensé aux aspects pratiques et logistiques d’un tel engagement territorial. Ainsi,
le spectacle a été conçu pour être un spectacle nomade, avec un équipement professionnel d'excellente
qualité (espace scénique complet, son, lumière, régisseur) à installer dans des salles non-équipées. Sensible
aux enjeux énergétiques, la compagnie s'est équipée d'une régie complète de 12 lignes et une quinzaine de
projecteurs basse tension en n'utilisant qu'une seule ligne électrique de 16A. Ceci pour permettre une
création lumière d’excellente qualité sans besoin d'équipement triphasé.
Diffuser ce spectacle dans des communes rurales ou semi-urbaines, en véhiculant cette révolte intime qui
secoue l’être en profondeur qu’est la poésie de Juliet, rattache la parole sublime du poète au vécu de chacun,
partageant ce sentiment de « voisinage » avec l’auteur vivant.
Les actions de médiation culturelle proposées renforcent considérablement un accès pour tous à la
parole de l'auteur et à la poésie contemporaine. (Cf. p 19)
L’inédit dramaturgique
Le projet Le murmure de l'intime part également d’un deuxième constat : la poésie de Charles Juliet
n’a encore jamais été portée à la scène. Son œuvre Lambeaux a été mise en scène en 20051
, ses œuvres
dramaturgiques portées à la scène. Son ouvrage L’Année de l’éveil a, quant à lui, été adapté au cinéma2
.
Beaucoup de lectures publiques ont, de plus, été organisées pour le Journal, récits …. et les poèmes de
l’auteur.
Mais jamais à notre connaissance, les poèmes seuls ont inspiré une œuvre théâtrale. Or l’œuvre poétique de
l’auteur est d’une forte intensité, encore trop méconnue face au reste de son œuvre littéraire.
Les artistes de la compagnie, qui considèrent que les arts du Verbe ont autant de puissance
dramatique et de présence scénique que le théâtre de situation, ont la volonté de mettre en lumière une part
encore trop peu éclairée de l’œuvre de l’auteur.
1 Lambeaux de Charles Juliet - mise en scène Sylvie Mongin-Algan – création 2005
2 L'Année de l'éveil de Charles Juliet, réalisé par Gérard Corbiau – 1991
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Renouveau oratoire et Charles Juliet
La mise en scène de la poésie de Charles Juliet part de la volonté de l’Atelier du Réverbère d’inscrire
son œuvre poétique dans le mouvement de renouveau oratoire de ces dernières années. Depuis quelques
années, la poésie contemporaine revient en effet en force dans les mouvements artistiques.
Extrait du dossier de production
« La poésie apparait aujourd’hui dans son renouveau oratoire. Matière vivante et diverse, où
les formes se côtoient autant qu’elles s’opposent : multiforme, elle garde toujours à l’esprit
le souci de la critique et son permanent questionnement du réel par le travail de la langue.
Elle a aussi su se réveiller en s’adaptant. La constellation poétique demeure aujourd’hui de
nouveau palpable : nouvelles éditions et revues spécialisées, sous forme numérique, slamée
ou en lieux d’expérimentation ouverts au public.
A l’échelle nationale, le Printemps des Poètes, mais aussi le Marathon des mots de Toulouse,
sont à penser comme des illustrations non exhaustives de ce mouvement. Régionalement, le
renouveau devient constant : La Scène Poétique à Lyon, Festi’mots à Amblainville, Les
Brigades d’intervention poétiques à Lyon, Association Pour l’Autobiographie à Ambérieu-
en-Bugey… Les rencontres poétiques et les ateliers d’écriture se multiplient. Les
médiathèques portent aussi cet élan dans leurs collections comme dans leurs animations.
Désireux, à son échelle, de participer à cette constellation retrouvée, l’Atelier du Réverbère
s’en imprègne à sa manière, faisant des œuvres poétiques de Charles Juliet un magnifique
objet d’expérimentation contemporaine. »
La poésie : un contenu et des formes favorables à la rencontre des générations
Ce renouveau oratoire est autant porté par les jeunes que par les anciens. La poésie est, en effet, un
vecteur artistique partagé par de nombreuses générations. Cet élément a intéressé particulièrement l’Atelier
du Réverbère dès les prémisses du projet Le murmure de l’intime. En effet, la compagnie conduit depuis sa
création des missions de médiation culturelle où les générations œuvrent ensemble :
- « Culture à l'Hôpital » où les retraités travaillent avec les adolescents (MGEN Chanay en 2012)
- Quartiers où se constituent des groupes en mixité sociale et générationnelle qui composent et jouent en
fusion sur scène : chœurs et rap, poésie et théâtre masqué, … (Dunquerque 2006 – Ambérieu 2012)
L’Atelier du Réverbère voit dans la poésie un outil de médiation culturelle intergénérationnelle. Charles Juliet
lui-même partage cette vision. Homme aujourd'hui âgé, il intervient auprès des jeunes générations depuis de
nombreuses années, par des rencontres autour de ses lectures poétiques.
Cette vision de la poésie a permis à la compagnie de penser des actions culturelles où l’échange
intergénérationnel demeure un objectif clé (Cf. p19).
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Pertinence sociale et culturelle du projet
Quoi de mieux qu’une poésie reconnue nationalement mais ancrée dans le tissu local, rattachée aux
histoires et destins des habitants, pour permettre ce lien vers ce mouvement culturel du renouveau oratoire ?
Quoi de plus pertinent que d'associer la parole poétique au vécu intime transcrit dans le journal d'un
homme en questionnements : le quotidien d'un être humain en quête de lui-même.
Porter la voix d’un auteur vivant permet une réelle participation du public aux pulsations esthétiques
et humaines de son temps. La création du spectacle, renforcée par les actions de sensibilisation, trouve un
écho réel dans la population. C'est pourquoi, la ville d'Ambérieu-en-Bugey adopte, d'ores et déjà, l'ensemble
du projet pour sa commune sous forme de partenariat pour la création et la médiation en 2013. Le murmure
le l'intime intéresse aussi l'Association Pour l'Autobiographie pour ses « Journées du Journal » et autres
actions.
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Démarche artistique
3 avril (1968)
« Parfois, si proche est la vie, si pleine, elle acquiert une telle densité en s’arrondissant en
moi, qu’il me vient l’impression que je pourrais la prendre dans mes mains .Et
inévitablement, je pense à un galet. Un galet lisse, lourd. Presque brûlant, presque
sphérique.»- Journal II 1965-1968 C. Juliet Ed Hachette 1978 p260
La création d’étape en étape
Coup de cœur
Le murmure de l'intime commence par un coup de cœur de la comédienne Anne-Marie Forêt pour la
poésie de Charles Juliet. Passionnée de poésie depuis de très nombreuses années, l’écriture, les thèmes
abordés, et la sincérité qui transparaît dans l'économie d’écriture de l’auteur sont les principales raisons de
cet attachement.
Concrétisation
S’ensuit un échange avec Sylvie Delom, metteur en scène. Se basant sur la perception de la
comédienne, elle a tout de suite adhéré personnellement au phrasé poétique de l’auteur ; et cela d’autant
plus qu’elle s’attache dans son métier à l’exploration toute particulière de la dimension vibratoire des œuvres
littéraires. Partant de cette capacité de l’auteur à faire vibrer les mots, elle commence alors à imaginer une
mise en forme épurée et puissante, à l’image de la poésie de l’auteur et de la personnalité de Charles Juliet.
Sa rencontre avec l’auteur l’aide également à rendre plus précise sa vision de l’œuvre poétique. De plus, le
dépouillement s’impose pour rendre l'œuvre audible et visible, en en gardant la respiration et l'esprit. Les
mots de Charles Juliet sont simples, immédiats, s’incluent dans des espaces de silence. Leur âpreté et la
tension qu’ils génèrent ne supportent aucun pathos dans l’interprétation.
Collaboration de deux metteurs-en-scène
Passées les premières ébauches de mise en scène, le travail de création nécessite alors l’appui d’un
autre metteur en scène, davantage spécialisé dans la justesse d’interprétation. Nathalie Stora, metteur en
scène de la dramaturgie contemporaine, rejoint le montage de la création. Elle est particulièrement intéressée
par cette mise en forme qui permet de comprendre qu’au-delà de l’image et de l’apparence sombre des
premiers abords, les poèmes de Charles Juliet sont une leçon de vie lumineuse et paisible.
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Recherche dramaturgique : la marche cheminante et le galet.
La marche est celle de l'auteur.
Le galet est souvent évoqué comme métaphore d'un état de réalisation humaine.
Deux inspirations qui mènent à la mise en forme.
Notre travail est guidé par notre connaissance des principes du théâtre japonais « No » ; à savoir un
jeu corporel très économe, puissant et précis (mais néanmoins basé sur « l'émotion » que génère le jeu du
corps lui-même), un phrasé verbal et vocal où la prononciation permet au texte de s'interpréter lui-même
sans aucune charge mentale et sentimentale.
L'interprète est traversée par le texte, le restitue dans une forme sonore paraissant très simple, sans
l’intention de sur-interpréter.
Le parti pris du texte
Notre parcours est conçu comme un « autre chemin », inspiré de celui que propose l'auteur dans le
texte du même nom. (Nous avons également à l’esprit, sans jamais le citer dans notre composition, en
filigrane, le recueil Une Lointaine Lueur3).
Ce chemin est celui dans lequel tout homme et toute femme en quête de Soi connaît, éprouve,
expérimente...
Y sont décrits la faille sans laquelle le désir de créer ne se manifesterait pas, cet élan vers le sublime,
les atermoiements, l'inspiration de l'instant, la fugace clairvoyance de l'absolu, la perte de cette clairvoyance
immédiatement après l'avoir ressentie, l'errance inconfortable et source de malaise intense ... tout ceci tendu
vers une réalisation humaine considérée comme quasiment obligatoire. Notre composition se veut
l'expression de cette tension, sublime et douloureuse, exercice à la fois subi et accompagné, exigeant, vers
une libération que l'on espère entière mais qui s'avère le plus souvent relative : ce qui nous pousse à proférer
encore, jusqu'au bout de notre souffle.
Le parcours de notre composition se hiérarchise conformément à ce processus de maturation de l'être
humain créateur. Ce parcours dont témoigne sans cesse Charles Juliet dans son Journal. C'est de ce point de
vue que nous avons choisi et ordonné les textes. La lecture de l’œuvre poétique de Charles Juliet, ainsi que de
ses autres œuvres et des documents les concernant (Journal, récit, lettres, nouvelles, visionnages, articles...)
ont permis le choix de poèmes et leur agencement. La volonté est toujours la même : se mettre au service des
poèmes.
3 Une Lointaine Lueur de Charles Juliet, Editions Fata Morgana, décembre 1992, 48p
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La direction d'acteur
Le travail se concentre donc sur le jeu de la comédienne. L’expression de la tension se traduit par un
jeu très sobre, dans une posture d’incarnation et de contemplation. De l’attitude statique au mouvement
presque dansé sur certains fragments, du chuchotement au cri, elle laisse le verbe opérer son propre trajet
d’évocation : c’est la parole qui s’incarne. Jamais le « moi » de l’interprète ne cherche à la posséder.
La diction prend une part majeure dans le processus de création. Elle doit respecter la musicalité du
texte, prenant en compte les très nombreuses césures (vers très courts) : un travail minutieux pour parvenir à
sembler naturel, pour phraser en respectant le rythme du texte. Un travail sur la respiration de chaque mot.
La posture est également partie prenante de cet impératif de vérité et d’authenticité voulu par les metteurs
en scène.
Extraits de la notice de mise en scène
Une écriture dramatique, en trois mouvements
1er mouvement
LA MERE/LA FEMME/L'ORIGINE
Le présent du passé
L'origine, la terre-mère,
Materia-prima contenant, en potentialité et dans l'expression de tensions et antagonismes extrêmes, le
terreau de l'œuvre.
Œuvre qui est à la fois le sujet lui-même et sa production.
Il s'agit pour nous de se tourner vers la Mère/Femme, celle qui est origine, sans laquelle nulle œuvre
n'est possible. La Mère/Femme en tant que processus interne. Et son absence renforce sa présence intime.
Elle est celle vers et dans laquelle on se tourne pour puiser et se ressourcer, en laquelle nous sommes
tentés de régresser, régression utile en ce qu'elle nous replonge dans la Terre, dans sa force unique et
essentielle de matérialité, parfois dangereuse par la propension à y demeurer trop longtemps.
Plus l'être est libre, moins cette relation à la Mère se pose en régression car elle est intégrée, stable,
enfouie en permanence et tranquillité dans notre propre terre.
Le chemin de ce premier cycle part d'un point de vue quasi universel des processus internes liés à la
Mère/Femme, à la particularité de ceux-ci ramenés à l'individualité.
2ème Mouvement
Exploration de la multiplicité et de la quasi simultanéité des états intimes
CONTRASTES ET PERMANENCE DES SENSATIONS ET EMOTIONS
Le présent du toujours
Simultanéité de 3 tendances par instantanés, composée d'extraits très courts puisés dans différents
recueils.
1- Plan des mélanges, du mouvement : les états instantanés, synchrones et dispersés Nous mêlons les
« hauts et les bas » les « allers-retours », « le clair et l'obscur » expression de la multiplicité au « risque » de
la dispersion voire de la dissolution. Instants d'ouverture absolue qui ressemblent à l'esprit des haïkus,
instants de cri, de flou, percutants, lents, posés ou agités. Beaucoup de fulgurances inspirées des éléments et
de la nature. 26 textes interprétés en fonction des infinies possibilités de l'espace et du mouvement, et donc
de l'espace théâtral et des tensions d'équilibre/déséquilibre du jeu d'acteur.
2- Plan de l'être orienté : orientation de la tendance vers le stable, le conscient du mouvement interne du
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vivant, mouvement qui n'est plus subi mais accompagné. Etape de stabilisation, recherche du centre. Cette
fois les directions de l'espace intérieur s'ordonnent. Elles ne sont plus tiraillement et dispersion, mais
témoignage du centre. L'être demeure tendu par les différentes influences mais aussi maintenu par elles.
3- Plan de l'être immobile : le mouvement est intériorisé, il est non-mouvement ; le sans-tension, sans-
désir, ni dehors, ni dedans. Là. Parfois ce dernier état est un peu intellectualisé, parfois parfaitement perçu.
6 extraits, la dimension du haut, du bas, 2 directions, cette fois-ci par la verticale, s'ajoutent au 4 horizontales.
6 directions principales de la sphère. Immobilité dans le mouvement permanent.
3ème Mouvement
LE CHEMIN ET L'OEUVRE
Le présent du encore
L'expérience de l'étape précédente de notre composition déclinée dans une marche plus progressive et
non plus dans l'expression du multiple et du simultané. On retrouve l'œuvre, les mots, le vécu du poète-
inspiré, de l'être humain en soif et en quête. Et surtout la tension entre inspiration et perte de celle-ci, comme
si tout devait recommencer du début. L'on perçoit la finalité, nous la touchons. Elle s'échappe à nouveau.
Seuls les mots (ou la forme créée) permettent au poète en tant qu'il est le symbole de l'homme-créateur, de
garder trace de l'indicible, de témoigner du processus, de le révéler.
La percussion des pierres
La musique devient un élément majeur au fur et à mesure de la
conception de l’œuvre. Est ainsi choisie une création musicale à la fois
innovante et épurée : une musique entièrement faite à partir de galets.
Plusieurs modules instrumentaux faits de galets sont les éléments
sonores dont le timbre est à la fois sec et doux, avec une résonance
minimale, afin que la sonorité minérale (à la fois profonde et archaïque)
demeure. Mais en même temps l'art de la percussion est de tirer le
maximum de cette apparente pauvreté. On observe que, selon la
préhension, le choix de la pierre à percuter, l'endroit de la frappe, les
notes sont différentes, très variées. La science du rythme doit être
poussée à son maximum de pertinence, le toucher est fondamental.
Les timbres de l’instrumentarium de galets, la façon d’interpréter les
séquences sans jamais faire obstacle au texte, en jouant entre silence et
mélodie, entre résonance et matière sonore, créent une vibration sur
laquelle frotte la parole.
Scénographie générale
Une œuvre sans décor, mais avec une création lumière très fine, et une scénographie reposant sur le
noir des fonds et du sol, contrasté par les nuances de blanc des galets.
Une pierre
ou plutôt
un galet
un galet
que ma main
caresse
la tiède et lisse
et dense concrétion
de ma plénitude
A l’intime du silence
Opulence de la nuit
C.Juliet Ed P.O.L 2006-p117
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Les galets créent des espaces (géométries, cairns), l'instrumentarium de pierres est esthétiquement
présent. Tout est minéral, y compris la musique. Ici encore, nous sommes dans une conception « japonaise »
de l'espace scénique.
Le spectacle s’inscrit volontairement dans une démarche intimiste. Le galet comme simple décor
reflète aussi la simplicité, le silence, le dénuement et rappelle la sourdeur de la terre, sa rugosité : un son
brut, archaïque et doux à la fois.
La création lumières utilise la variété des nuances du blanc : du plus cru au blanc très chaud qui
évoque la luminosité de la chandelle ; comme firent les cisterciens qui choisirent des vitraux incolores laissant
la lumière des cieux nuancer celle de l’édifice.
tout le jour
le tilleul a perdu
ses larges feuilles
des taches de lumière
jaune pale
planant
dans l’air immobile
au soir
le noir des branches
nues
le tapis jaune vif
sur le vert du pré
Eclats Opulence de la nuit C.Juliet Ed P.O.L 2006 p80
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Actions de médiation culturelle : du journal intime à la forme poétique
16 janvier 1987
« …ma propension à n’écrire que sous forme de fragment, lequel reproduit d’ailleurs le
discontinu du murmure intérieur. »…p263
19 octobre 1987
« Secrète une voix parle. En réalité, elle n’est qu’un simple murmure. Un murmure des
plus ténus, mais aux paroles distinctes et qui forcent l’écoute. Qu’elle dicte ou non un
poème, une note de Journal, cette voix guide, éclaire, nourrit, énonce ce qui un temps va
calmer la soif »…p301
Accueils Journal IV 1982-1988 C.Juliet Ed P.O.L 1994
Le journal de Juliet
Le journal intime est la mémoire d'un parcours existentiel. Il enregistre les aléas d'une vie. Celui de
Juliet se donne à lire comme une promenade, un itinéraire à parcourir, semblable aux marches de l'auteur
dans les collines de Jujurieux. Le lecteur se met en mouvement sur les pas de l'auteur, s'arrêtant avec lui dans
un café, partageant ses rencontres, et reprend sa marche. Dans ces pages, l'auteur retrace sa quête
permanente : quête de soi par l'écriture. La création littéraire est indissociable de la connaissance de soi.
Le poème de Juliet
Le poème et la note de journal sont pour l'auteur deux formes d'écriture parmi d'autres. Le journal est
plus en rapport avec l'individu. Le poème est comme une fulgurance qui tend vers l'universel. Ainsi des
fragments de vie et des impressions relatés dans le journal, parfois déjà formés en vers dans ce support,
résonnent dans les poèmes eux-mêmes. L'écriture des poèmes peut s'inscrire immédiatement dans la
conscience de l'auteur (en marchant). D'autres compositions poétiques sont extrêmement travaillées après la
première formulation.
Ce processus, qui va de l'expérience individuelle à la formulation poétique, est celui que nous
entreprenons de partager à travers les actions de médiation culturelle. Cette démarche créatrice de
formulation écrite ou orale est à la portée de tous : nous en offrons les moyens.
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De l'intime de chacun à l'élaboration d'œuvres poétiques
Toutes les actions de sensibilisation et de médiation du projet Le murmure de l'intime ont pour
objectif de proposer à tous les publics les moyens d'entrer dans une dimension poétique individuelle ;
dimension dont chacun témoigne quand, au moins à l'oral, l'on s'emballe et sublime les récits de la vie, les
voyages, les rencontres et les émotions, élaborant et modifiant sans cesse sa « légende personnelle ». De
cette légende, il suffit d'un petit pas de côté pour entrer dans la formulation poétique, le sublime et le
surprenant.
Les actions et leur public
Actions Partenaires Publics
Lecture publique et atelier découverte
Journaux et poésie de Charles Juliet : du quotidien au
sublime, deux faces de la formulation autobiographique
- Spectacle de lecture à deux voix parlées et chantées,
faisant entrer en résonance des extraits du journal et des
poèmes
- Conférence/spectacle sur le rapport entre la vie intime
et l'expression poétique d'autres auteurs contemporains
(avec participation de Charles Juliet selon ses
disponibilités)
- Association pour
l'Autobiographie
- Bibliothèques du
département de l'Ain
- Collèges et lycées
- Séances publiques
ouvertes à tous
Ateliers de création écrite, chantée, théâtrale
- Composer des journaux intimes à partir de
témoignages collectés, avec mise en forme musicale et
théâtrale
- Ateliers d'écriture poétique avec mises en voix et en
scène des productions écrites
- Ateliers d'improvisation poétique (Slam)
- Culture à l'Hôpital
- Pôle éducation
artistique de la DRAC
- Inspection
académique
- Ecoles
élémentaires
- Instituts médicaux
éducatifs
- Collèges et lycées
- MGEN Chanay
- Maisons de retraite
Résidence artistique dans un collège
Collège Victoire d'Aubier - Bourg-en-Bresse
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Dimanche 8 août 1993. Lacoux
« Ce petit village de la montagne possède un centre culturel et on m’a offert d’y présenter
une exposition avec des amis peintres de mon choix .Le vernissage a eu lieu
et elle durera tout l’été.
Aujourd’hui, repas en plein air sur la place. Derrière moi, un couple que je ne connaissais
pas et qui engage la conversation. La femme m’apprend que ce sont ses parents qui m’ont
recueilli quand ma mère est partie à l’hôpital. Ils m’ont gardé deux mois, jusqu’à ce que je
sois pris par cette famille Ruffieux que je n’ai plus quittée.
Elle est plus âgée que moi et elle se souvient qu’à force de pleurer,
je m’étais fait une hernie.
En 1943, quand les allemands à Corlier ont fusillé une douzaine d’hommes et incendié
des fermes, son mari a été déporté quinze mois à Mauthausen. Il nous raconte son
voyage……Ce qu’il a vécu, il ne peut l’oublier. »
…
18 août 1993
« Promenade sur les collines. Des vaches dans les prés. Enfant je m’amusais à glisser ma
main dans la bouche des veaux qui se mettaient à téter.
Je la retirais toute gluante de salive. »
Lumières d’automne Journal VI 1993-1996 C.Juliet Ed P.O.L 2010-pp69/70
Nos premiers partenaires et institutions du département, en contacts pour ce projet
quand la marche
ne parvient plus
à enclencher le
rythme
qui me scande
Saisi rejeté
Saisi rejeté
Saisi rejeté
Fouilles C.Juliet
Ed Fata Morgana 1989
- Ville d'Ambérieu-en-Bugey
- Médiathèque Ambérieu-en-Bugey
- APA Association pour l'autobiographie et le Patrimoine Autobiographique à Ambérieu-
en-Bugey
- Commune de Jujurieux
- Commune de Pérouges, St Rambert-en-Bugey, Tenay, Conan, Rossillon
- Dispositif Mots en scène pour le spectacle (la création figure dans le catalogue 2013)
- Réseau des bibliothèques de l'Ain (indépendamment du dispositif « Mots en scène »)
pour le volet Journal et poésie de Charles Juliet (notamment : Ambérieu-en-Bugey,
Châtillon-sur-Chalaronne, Belley, Bourg-en-Bresse)
- Institut Médical Educatif La Savoie, Hauteville
- Lycées : Lycée professionnel St- Sorlin, Lycée de Plaine de l'Ain à Ambérieu-en-Bugey
- Collèges : Collège St-Exupéry d'Ambérieu, St Rambert-en-Bugey, Victoire d'Aubier-
Bourg-en-Bresse
- Maison de retraite de Tenay, Meximieux
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Thématiques
10 mai 1982
«… Je n’ai fait que parler de ce que j’ai vécu .A partir de ce qui s’est déposé en moi depuis ma plus tendre
enfance .Quand je parle d’un arbre , d’une source, d’une terre labourée , ce ne sont pas pour moi des symboles.
Tout cela me vient de souvenir très précis .
L’arbre, les arbres sont ceux que je caressais et contemplais quand j’allais garder les vaches en un lieu qui se
nomme « Paradis ».
La source, elle est celle qui coulait dans un bois, au-dessus de la route de Breigne.
La terre labourée, elle est celle que nous avions au Pont-Levrat… »
Accueils Journal IV 1982-1988 C.Juliet Ed P.O.L 1994 p64
L’Homme
- La quête de Soi
- La traversée et la connaissance des intuitions, des émotions
- Le recul conscient sur celles-ci
- Les chemins de la réconciliation avec soi-même
- L’acte créateur, en tant que constante de notre humanité
- Entrer dans le monde par l'intériorité
L’Universel
- Lier ce qu’il y a de plus intime et personnel à l'universalité de la condition humaine
Le Mot
- La nécessité du « mot juste » comme expression de soi
- Vibration du mot comme entité sonore véhiculant un sens
- Le langage comme outil d'évocation et de partage
- Le langage comme creuset des imaginations
Octobre 1977
«… Modeler les mots, les pétrir, les affûter, c’est palper l’être, le rassembler, le façonner, c’est ramper
vers la source… Quand tu écris, veille à ne jamais disjoindre vécu-sensibilité-pensée-souci de la forme.
C’est de cette totalité que le mot doit sourdre … Celui qui vit occupé de ses profondeurs, je voudrais
qu’il trouve dans mon poème, dans le texte que j’ai écrit, l’occasion de se rejoindre, se découvrir, de
dialoguer avec lui-même. Je voudrais que mes mots lui endent un miroir où lui serait révélé ce qu’il est. »
Journal III 1968-1981 C.Juliet Ed Hachette 1982- pp237/239/240
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Objectifs et enjeux
Réinvestir la parole et le mot : une urgence citoyenne
Pour Charles Juliet le mot est une nécessité vitale, une urgence permanente.
27 septembre 1965
«… Le chemin, le vrai, la vie. C’est de cette triple et indissociable réalité-exigence
d’écrire, œuvre à créer, démarche à suivre –que m’entretient le murmure de la voix.
Le chemin, c'est-à-dire l’interrogation, l’errance, laquelle vous conduit, à vous-même,
au vrai, à la vie.
Le vrai, cela qui répond à un besoin impérieux, un appel de tout l’être. Qui est
toujours à traquer, à redécouvrir .Qui vous aventure incessamment sur le chemin. La vie, le
contraire du sommeil, de la mort, puisqu’elle est faim, combat, passive progression vers le
vrai… » Journal II 1965-1968 Ed Hachette 1979 pp51/52
Pour l'ensemble du corps social, le mot est une nécessité vitale
« Qui sait parler, lire et écrire, sait penser par lui-même, mais aussi réfléchir avec
les autres, accepter l'autre, trouver sa place en société. Or tout se joue très tôt dans
cet apprentissage fondamental de la langue, qui est aussi celui de la différence [...] La
langue n'est pas faite pour parler seulement à ceux que l'on aime, mais elle est faite
surtout pour parler à ceux que l'on n'aime pas. C'est en […] transmettant avec autant
de bienveillance que d'exigence les vertus pacifiques du verbe que l'on peut espérer
qu'ils [les jeunes] en viennent aux mots plutôt qu'aux mains. »
Alain Bentolila - Le Verbe contre la barbarie – ed. Odile Jacob, 2011
Le mot et sa syntaxe sont les moyens nécessaires de la constitution d'une pensée, de l'expression des
émotions. Son usage est proprement civilisateur, constitutif du « vivre ensemble ».
L'appauvrissement actuel du champ lexical contribue aux difficultés du lien entre générations,
groupes sociaux et individus.
24
Le projet de création et de médiation Le murmure de l'intime permet de montrer et découvrir :
- comment de l'émotion intime de l'expérience, on parvient à toucher l'autre par le vecteur des mots
(donc recevoir de l'autre et accueillir la différence)
- comment la fulgurance poétique est le meilleur moyen d'y parvenir sans pour autant se doter d'une
armada de pré-requis linguistiques (comme le démontrent les textes slamés)
- comment la formulation poétique permet de se détacher des constructions matérialistes imposées à la
pensée en laissant l'intelligence et l'intuition intellectuelle s'exprimer sans opposition entre-elles : la
pensée poétique utilise d'autres canaux que la seule rationalité
Tout le projet Le murmure de l'intime vise à explorer avec les publics, le trajet qui, permet de témoigner
dignement d'une réalité personnelle (le journal), par la formulation ludique, sensuelle, percutante, profonde
qu'est la forme poétique.
Partager la conscience d'un patrimoine commun
Porter l'œuvre de Charles Juliet, patrimoine immatériel de notre région à travers la découverte de son Journal : ou
comment un homme d'ici témoigne d'une expérience qui interroge ses frères humains par le fait même de le
publier.
Publier un journal témoigne de la volonté de partager l'expérience avec autrui. En diffusant l'œuvre
de l'homme Juliet, en offrant des portes d'entrée pour y accéder, en proposant des actions autour de deux
formes littéraires complémentaires, Le murmure de l’intime incite les publics à reconnaître que l'expérience
humaine est digne d'être partagée, digne d'être formulée, capable de trouver sa dimension poétique à l'oral
comme à l'écrit.
Le territoire/espace personnel s'élargit, et l'appartenance à une terre commune prend forme.
26 mars
Amie
« …Depuis des semaines, je n’ai pas pris ma plume .Mais je ne m’en inquiète point. Je
puis écrire que ce qui m’est plus ou moins donné. Le plus clair de mon temps se passe
donc à attendre. Avant, quand la source se tarissait, je m’alarmais, pensais qu’elle ne
rejaillirait plus, qu’il ne m’en viendrait plus rien. Maintenant, je sais que je peux garder
confiance. Un jour ou l’autre, le doux murmure se fait entendre. Il ne s’agit que d’être prêt,
de se mettre à son écoute , de capter ce qu’il balbutie ou me dicte d’une voix nette et
clairement audible …
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J’attends
que sourde
la lumière
que meure
le temps
que jaillisse l’eau
dont j’ai soif
Dans la lumière des saisons C.Juliet Ed P.O.L 1991 -pp11/20
Promouvoir la poésie contemporaine
Démontrer, par les sens et le sens du jeu, que la poésie peut parler à tout
individu . Sa forme verbale permet des espaces de silence. Elle dépasse le
vécu individuel et devient le miroir de chacun.
Offrir, à entendre et voir (le spectacle) et expérimenter (l'action culturelle), la
pertinence de cette forme d'expression pour les publics non-avertis.
en surface
du sable
de la rocaille
une argile fendillée
et loin
dans les
profondeurs
la grotte
où bat l’océan
se dilate
mon brûlant
galet
l’étrange
brasier
que des
eaux
fébriles
alimentent
Apaisement Moisson
C.Juliet Ed P.O.L 2012 -p 212
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Calendrier
se fêle
la sphère
de l’instant
et je suis
cette eau
morte
ce galet
concassé
L’œil se scrute, poèmes C.Juliet Ed Fata Morgana 1976
Octobre- novembre 2012 :
Dernier cycle de répétitions de la création théâtrale
22 novembre 2012 :
Première de la création du spectacle à Pérouges (en partenariat avec la commune)
Du 23 novembre 2012 au 1er février 2013 :
15 représentations de la création théâtrale à Pérouges
Du 5 mars au 10 mars 2013 :
Ouverture du Mois de la poésie du théâtre Le Carré 30 à Lyon
6 représentations au théâtre du Carré 30 de Lyon, dans le cadre du Mois de la poésie 2013.
A partir d‘avril 2013 : le murmure de l’intime dans le Pays du Bugey
- Réalisation d‘actions de médiation culturelle dans le Pays du Bugey
- En lien avec la tournée de la création théâtrale dans le Pays du Bugey : 12 représentations sur
l’ensemble du territoire bugiste.
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ATELIER DU REVERBERE
BP 427 - 01504 AMBERIEU-EN-BUGEY
04.74.34.14.21 / 06.62.03.89.47
http://www.atelier-du-reverbere.com
Siret : 521 715 987 00017 / APE : 9001Z