le media television, chronique d’une non-mort annoncee ? ses enjeux de mediativite et de...
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Mémoire de recherche Master 2 du CELSA, parcours "Innovations et contenus médiatiques". Les mutations de la télévision face à son contexte d'innovation et redéfinition des objets télévisuels. Pratiques et postures du téléspectateur.TRANSCRIPT
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SOMMAIRE INTRODUCTION-------------------------------------------------------------------------------------------- p 4
I – LE NOUVEL ÂGE DU MEDIA TELEVISION : DU MEDIA AU METAMEDIA------------------------------------------------ p 13 A. L’écran : d’une fenêtre ouverte sur la culture à un objet culturel----------------- p 14 1. Quand l’accès à l’image révolutionne l’accès à la culture------------------------------- p 14 a. Le rôle social du média télévision à travers ses trois âges---------------------------------- p 14 b. De la télévision cérémonielle au social média------------------------------------------------ p 17 2. Instantanéité, contribution et partage des objets télévisuels : vers un déterminisme de l’autonomie des usagers-------------------------------------------- p 20 a. La Social TV, culture de la participation du téléspect’acteur------------------------------- p 20 b. Les UGC, objets au service des marques programmes---------------------------------------- p 23 B. Quand la télévision devient un métamédia-------------------------------------------------- p 26 1. Un contexte de porosité des médias------------------------------------------------------------- p 26 a. Changement de paradigme de la médiativité-------------------------------------------------- p 26 b. Appropriation de la convergence Internet-Télévision --------------------------------------- p 28
par la télévision connectée
2. De l’interaction à l’interactivité émetteur-récepteur------------------------------------------ p 31 a. Valorisation du média télévision par la notion d’interactivité------------------------------- p 31 b. La télévision, un média réinventé --------------------------------------------------------------- p 34
II – LE DIRECT : GENRE CONSTITUTIF DU MEDIA TELEVISION ?--------------------------------------------------------- p 36 A. Le référent imaginaire global du spectacle ------------------------------------------------- p 37 1. Le direct sportif, la mise en spectacle du spectacle------------------------------------------- p 37 a. Le sport comme incarnation de valeurs identitaires du média------------------------------ p 37 b. La médiagénie du direct sportif dont la télévision serait le partenaire idéal-------------- p 40 2. Le direct sportif, dramaturgie et panoptisation du spectacle---------------------------------- p 43 a. Une dramaturgie au service de l’attractivité du média télévision--------------------------- p 43 b. Panoptisation du spectacle------------------------------------------------------------------------p 46
B. Le référent imaginaire global technique----------------------------------------------------- p 49 1. Une programmation qui se nourrit du direct--------------------------------------------------- p 49 a Une perception positive de la couverture télévisuelle---------------------------------------- p 49 b Une diversité des formats------------------------------------------------------------------------ p 52
2. Une technologie qui sublime l’événement par l’interactivité-------------------------------- p 53 a. Evolution de l’exploitation de l’environnement digital à l’antenne------------------------- p 53 b. Discours et appropriation des dispositifs interactifs------------------------------------------ p 56
3
PARTIE III – IMPACTS DE L’INNOVATION SUR LE MEDIA TELEVISION : VERS UNE REMEDIATION----------------------------------------------------------- p 59
A. Quand le poste de télévision perd son monopole audiovisuel----------------------------p 60 1. La modification de la chaîne de valeur----------------------------------------------------------p 60 a. Le positionnement de la télévision et des nouveaux médias---------------------------------- p 60 b. Une nouvelle proposition d’usage transmédiatique------------------------------------------- p 62 2. La délinéarisation : un nouveau contrat d’écoute,
une nouvelle posture des usagers ----------------------------------------------------------------p 65 a. La délinarisation, le fantasme de la liberté----------------------------------------------------- p 65 b. Une tendance de consommation plus individuelle -------------------------------------------- p 67 B. La télévision comme objet, matérialité et remédiation------------------------------------p 69 1. Matérialité et culture des usages----------------------------------------------------------------- p 69 a. Impact des innovations de l’objet sur la culture médiatique--------------------------------- p 69 b. Smart TV, une réalité d’usage en retrait-------------------------------------------------------- p 72 2. Perspective d’une dématérialisation de l’objet télé-------------------------------------------- p 73 a. Déterminisme technique et immatérialité de l’image----------------------------------------- p 73 b. Perspective du « tout est écran », un rôle du média qui serait recentré ------------------- p 74 sur la production de contenus CONCLUSION----------------------------------------------------------------------------------------------- p 77 BIBLIOGRAPHIE-------------------------------------------------------------------------------------------- p 80 ANNEXES---------------------------------------------------------------------------------------------------- p 83 RÉSUMÉ------------------------------------------------------------------------------------------------------ p 110 MOTS CLÉS-------------------------------------------------------------------------------------------------- p 111
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INTRODUCTION
Télévision1 (1957) n.f. : « Transmission à distance, par courants électriques ou par ondes
hertziennes, de l’image d’un objet animé. »
Télévision2 (2001) n.f. 1. : « Transmission, par câble ou par ondes radioélectriques,
d’images pouvant être reproduites sur un écran au fur et à mesure de leur réception, ou
enregistrées en vue d’une reproduction ultérieure. – Télévision par câble(s) : télédistribution.
2. Ensemble des services assurant la transmission d’émissions, de reportages par télévision. 3.
Fam. Téléviseur. Abrév : télé. »
54 ans séparent ces deux définitions du mot télévision. La définition de 1957 ne fait aucune
référence à la matérialité du poste de télévision. Alors que les Français vont le découvrir en
1935 dans les lieux publics, en 19503, il n’y a pas plus de 3 794 postes récepteurs dans les
foyers (en raison du coût élevé de l’équipement). Mais, à la date de publication du
dictionnaire, on estime alors que le nombre de postes de télévision dans les foyers français
s'élève à un million. Alors pourquoi la définition ne tient-elle pas compte du récepteur ?
L’élément de réponse se trouve à un mot au-dessus de cette page 1174, la matérialité de la
télévision se nomme « téléviseur », mot quelque peu tombé en désuétude au XXIème siècle.
Pendant les années qui vont suivre, un million de téléviseurs sera vendu en France, jusqu'à ce
que chaque famille possède un poste à la fin des années 60. L’histoire de ce nouveau média de
masse ne va alors cesser de s’écrire au fil d’évolutions technologiques et sociales qui vont le
transformer jusqu’à l’inquiétude des acteurs de son industrie dans les années 2010.
Le rappel de la définition académique du mot « télévision » en introduction de ce travail de
recherche nous permettra d’en préciser la problématique et les hypothèses. Dans notre culture
actuelle et aux yeux du grand public, le mot « télévision » revêt des champs sémantiques qu’il
faut bien distinguer : nous regardons la télévision et on fait de la télévision, deux notions
relevant d’un côté de la réception et de l’autre du contenu. La définition 1. et 2. du
dictionnaire Larousse de 2001 est centrée sur le champ du dispositif technique sans
1 Dictionnaire Nouveau Larousse Classique, Editions Librairie Larousse, 1957 2 Dictionnaire Le Petit Larousse Illustré, Editions Larousse, 2001 3 ROZAT, Pascal «Histoire de la télévision : une exception française ? », inaglobal.fr [disponible en ligne : http://www.inaglobal.fr/television/article/histoire-de-la-television-une-exception-francaise] publié le 09 décembre 2010, Mis à jour le 07 mars 2011, consulté le 10 juillet 2013
5
considération pour le récepteur, le message, le contenu. D’un point de vue étymologique4 le
mot télévision est composé de télé, du grec ancien τηλε, (tele), « loin » et de vision, du latin
visio, « voir ». Ce néologisme sera proposé par Constantin Perskyi dans sa communication
adressée le dernier jour du Congrès International d'Electricité qui se tient, dans le cadre de
l'Exposition Universelle de Paris, du 18 au 25 août 1900. Il est repris dans la presse anglaise
sous la forme « television ». Il supplante peu à peu d'autres termes de l'époque, comme
téléctroscope ou téléphote. Ici c’est encore l’innovation technique qui prend le pas, une
technologie qui permet à un médium de transmettre, littéralement, ce qui vient de loin.
Mais l’essor de la télévision, devenu le média préféré́ des Français5 pour l’information ou
pour comprendre un sujet de fond, est basé avant tout sur le contenu. C’est l’évolution de son
écosystème qui nourrira le petit écran de programmes pour que le dispositif technique prenne
tout son sens.
En 19486, les programmes sont essentiellement des spectacles de variété réalisés en
plateau. Les premières retransmissions de grands événements en direct font dans le même
temps leur apparition, comme l’arrivée du Tour de France au Parc des Princes ou la messe de
minuit à Notre-Dame. En 1949, Pierre Sabbagh lance le premier journal télévisé, alors que
Jacqueline Joubert devient la première speakerine. Se pose alors le problème des sources de
financement du flux télévisuel. La loi du 30 juillet instaure une redevance sur les postes de
télévision.
En 1974, apparaît la première notion de résultats sous forme de calculs d’audience, les trois
chaînes publiques se faisant alors concurrence pour la répartition du produit de la redevance
(devenant en partie corrélée aux résultats d’audience). La publicité introduite en 1968,
représente environ un quart des recettes de TF1 et d’Antenne 2. En 1982, la loi du 29 juillet
abroge le monopole d’état. Deux ans plus tard, Canal+ commence à émettre, le 4 novembre
1984, bientôt suivi par La Cinq et TV6 en 1986 ; puis TF1 est privatisée en 1987. La course à
l’audience est alors le nerf de la guerre du financement des programmes. L’ouverture du
marché à de nouveaux entrants (câble, satellite, TNT…) ne cessera de bouleverser la
télévision en tant qu’émetteur de contenus.
4 Anonyme « Télévision », Wiktionary.org [disponible en ligne : http://fr.wiktionary.org/wiki/t%C3%A9l%C3%A9vision] publié le 10 juillet 2013, consulté le 27 juillet 2013 5 TNS Sofres pour La Croix, 22 janvier 2013 6 ROZAT, Pascal «Histoire de la télévision : une exception française ? », art. cit.
6
A l’aube de 2014, la télévision a dépassé l’âge de la post-télévision7, dont la téléréalité a
été le point de départ, et ne cesse de se développer. Elle a entamé sa mutation qui la fait entrer
dans un nouvel âge, dans un contexte d’innovations de plus en plus rapides et d’écosystème à
réinventer.
Les enjeux économiques et stratégiques se jouent au niveau de tous les champs
sémantiques de la télévision : du côté de l’industrie de l’écran aussi bien que du côté des
éditeurs de contenus. Et nous observons un oxymore complexe entre figure technique et
figure du discours. Le dernier CES8 (Consumer Electronics Show) de Las Vegas a mis en
exergue l’accélération permanente des innovations. L’écran n’est plus « le petit écran » en
opposition au « grand écran » de cinéma. Au CES, on découvre l’écran de grande taille, sur
tous les devices : la plupart des constructeurs de télévision ont présenté des écrans de très
grande taille, supérieur à 50 pouces voire à 80 pouces ; les constructeurs de téléphones
mobiles, des smartphones ressemblants de plus en plus à des tablettes. Autre grande tendance
du CES 2013, la télévision connectée :
« Le CES 2013 sera celui de l’avènement incontestable de la TV connectée, sans passer par une box d’opérateur ou une console de jeu : c’est aujourd’hui la TV qui est connectée à internet directement, et ça change tout. Pub ou contenus cliquables, applications installées, VOD, stockage via le cloud du constructeur ou du vendeur de contenus, télécommandes intelligentes se transformant en souris, caméra embarquée installée sur la TV pour communiquer à distance ou faire des exercices de sport, piloter la TV ou jouer à des jeux… La TV connectée arrive enfin, avec ce qu’il faut pour qu’elle soit vraiment utile dans les usages qu’elle propose. Le monde nouveau qu’on nous annonçait s’ouvre maintenant pour les contenus et la publicité. »
Enfin, il est important aussi de souligner que la qualité de l’image et de sa restitution est au
cœur des préoccupations des constructeurs. Avec l’image 4K (4000 pixels), l’image devient
aussi réaliste que le réel. Le média télévision n’est plus seulement un dispositif d’accès à
l’information, la culture, le divertissement. Il doit désormais répondre à une exigence de
réalisme d’images sublimées et plus vraies que nature.
Si nous observons maintenant la figure du discours, Jean-Louis Missika et Dominique
Wolton9 envisageaient déjà en 1980 trois formes possibles et simultanées de télévision : « la
télévision diversifiée (spécificité accrue des programmes), la télévision fragmentée
(spécification accrue des publics, et donc du support [...] et la télévision inter-active (c'est-à-
7 MISSIKA, Jean-Louis, La fin de la télévision, Paris, Editions du Seuil, coll. « La République des Idées », 2006 8 BEAUDICHON, Bertrand « CES 2013 : des écrans, des données, des usages », Doc News [disponible en ligne : http://www.docnews.fr/actualites/tribune,ces-2013-ecrans-donnees-usages,35,15648.html] publié le 15 janvier 2013, consulté le 15 janvier 2013 9 Le Nouvel Observateur, 27 sept. 1980, p. 58, col. 3
7
dire permettant des échanges audio-visuels entre usagers) ». Cette notion d’interactivité est la
clé de ce que nous avons défini comme quatrième âge de la télévision, qui en bouleverse les
usages et les fonctionnalités, un âge nourri par la digitalisation de l’Internet. La montée en
puissance de la digitalisation des contenus médiatiques, à son apogée depuis trois ans,
révolutionne tous les médias historiques, que ce soit la presse écrite, la radio, le livre ou la
télévision. Par un effet cliquet, le retour à des formes plus classiques de ces médias est
impossible. Afin de ne pas mourir, supplantés par les médias numériques, ils ont bien compris
la nécessité de se réinventer et d’innover.
Si nous revenons au média télévision, le concept de l’ATAWAD (Any Time, Any Where, Any
Device) met-il en danger ce média de masse historique ? Les stratégies des éditeurs de chaînes
de télévision doivent être de plus en plus inventives pour satisfaire un récepteur hyper
connecté, maîtrisant ses horaires, ses programmes, pouvant les critiquer en direct et adepte de
la mobilité. La télévision connectée trônant au premier trimestre 2012 dans 10,7% des
foyers10, sera-t-elle à la hauteur des médias concurrents, l’ordinateur, les tablettes déjà
adoptées par 18% des foyers français11 au premier trimestre 2013 (ce nombre a plus que
doublé en 1 an) et smartphones ?
Mais avec une durée d’écoute en constante progression, nous sommes encore loin de
l’uchronie d’un monde où le support physique télévision aurait totalement disparu à la faveur
de nano écrans ou d’objets du quotidien projetant de l’image. En effet, cette approche semble
ne prendre en compte qu’une idéologie technique, sans considération pour le concept du
média de masse « télévision », objet culturel aux contenus riches et innovants. Les éditeurs de
télévision mettent tout en œuvre pour répondre aux usages connectés et à une concurrence de
contenus foisonnants disponibles sur internet. Pour affronter ces évolutions technologiques
d’accès aux images et aux divertissements, ils doivent impérativement négocier avec succès le
virage stratégique qui se présente tant au plan éditorial que commercial et ceci avec leurs
partenaires issus des nouvelles technologies.
Ces enjeux sont d’autant plus primordiaux pour les chaînes historiques. Déjà confrontées à
une fragmentation de l’audience dans un univers concurrentiel de plus en plus dense
10 BEMBARON, Elsa « Trois millions de foyers équipés de télé connectée », Lefigaro.fr [disponible en ligne : http://www.lefigaro.fr/medias/2012/05/22/20004-20120522ARTFIG00662-trois-millions-de-foyers-equipes-de-tele-connectee.php] publié le 22 mai 2012, consulté le 25 avril 2013 11 Communiqué du 03/06/2013 Médiamétrie
8
(thématiques, TNT et nouveaux entrants), elles doivent continuer à jouer leur rôle de média de
masse (en opposition avec les programmes spécialisés, voire de niche des chaînes
thématiques), tout en répondant à la consommation plus individualiste des spectateurs
demandeurs d’expériences enrichies multi-écrans. Une autre opposition est au cœur des
problématiques de l’avenir de la télévision linéaire avec l’émergence des Over-The-Top
Content (OTT) : Google TV, Apple TV, ou consoles de jeux vidéo comme la Xbox.
Les inquiétudes sur la disparition du petit écran ne paraissent cependant actuellement pas
fondées. La substitution est loin d’avoir eu lieu : alors que 76% des Français sont internautes,
la durée d’écoute TV moyenne en 2012 était de 3h50 par jour12, soit trois minutes de plus
qu'en 2011 et 30 minutes de plus que dix ans plus tôt. Jamais le public n'a autant consommé
ce média. Mais cette observation faite en France est challengée par une autre étude réalisée
par l’agence eMarketer aux Etats-Unis en août 201313. Une étude comparant le temps moyen
passé devant les différents écrans (adultes de plus de 18 ans) entre 2010 et 2013 montre que
pour la première fois dans son histoire, la télévision n’est plus l’écran le plus consommé, à la
faveur des médias digitaux (5h16 par jour contre 4h31 pour la télévision).
Pour le moment, l’utilisation du second écran (tablettes et autres) est en devenir et connaît
un frémissement qui donne une perspective positive à la télévision. C’est un potentiel
d’enrichissement qui renforce l’expérience télévisuelle en offrant un espace de liberté
complémentaire au contenu diffusé sur l’écran principal. D’autant plus que les constructeurs
de télévision sont toujours plus innovants, apportant des fonctionnalités d’interface toujours
plus performantes, largement médiatisées au dernier CES. Même si les tablettes ont vu leur
part de marché exploser en 2013, la prime au grand écran est toujours un déclencheur de
l’acte d’achat de la télévision.
Ces fonctionnalités se font au service d’une interactivité toujours plus engageante du
téléspectateur. Le watermarking par exemple permet une synchronisation entre le programme
et une application qui enrichit un contenu live en temps réel (à l’instar de The Voice, Top Chef
ou des grands directs sportifs). Cet engagement favorise la fidélisation et le maintien
d’audiences significatives pour ces programmes en créant un lien privilégié entre la marque
12 Communiqué du 30/01/2013 Médiamétrie , Médiamat – France métropolitaine, plus de 4 ans équipés de téléviseurs. 13 REDACTION « Digital Set to Surpass TV in Time Spent with US Media », emarketer.com [disponible en ligne : http://www.emarketer.com/Article/Digital-Set-Surpass-TV-Time-Spent-with-US-Media/1010096] publié le 1er août 2013, consulté le 1er août 2013
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programme et le récepteur. La technologie Hbbtv permet de proposer de multiples services
pour les télévisions connectées, édités par de nombreuses sociétés françaises travaillant en
étroite collaborations avec les éditeurs de programmes (Dotscreen, Visiware…).
L’écosystème semble donc prêt à accompagner la mutation de la télévision confrontée à
une évolution sociologique de l’accès à l’information et au divertissement. Véritable portail
interactif, la télévision est désormais connectée et se pare de nouveaux attributs pour remplir
sa fonction sociale et culturelle. Nous allons au cours de notre recherche nous interroger
spécifiquement sur l’évolution de l’objet média télévision, en questionnant sa légitimité face à
des usages en constante mutation répondant à une évolution sociologique de la consommation
de l’image. Nous pouvons préciser la problématique avec la question suivante :
Dans un contexte de bouleversement des usages, de contournement de la
chronologie des médias, de porosité des médias historiques, comment le média télévision,
média roi du XXème siècle, se transforme-t-il dans sa fonction sociale et technique ?
Dans quelle mesure les avancées technologiques et l'émergence d'hypermédias
numériques la conduisent-elle à une réinvention de ses dispositifs communicationnels et
de sa matérialité ?
Pour apporter quelques réponses théoriques à ce questionnement, trois
méthodologies ont été retenues. Tout d’abord une analyse de discours construite sur des textes
scientifiques, des articles (issus de la presse et de sites internet entre septembre 1980 et août
2013) et des déclarations des acteurs impactés ou parties prenantes de la révolution
numérique : chercheurs en SIC, éditeurs de contenus de médias historiques, constructeurs de
télévision, réalisateurs de programmes ou observateurs de tendance. Cette analyse de discours
nous permettra de mieux comprendre l’imaginaire technologique vécu au travers de la télé
connectée. Ensuite nous avons retenu une analyse sémiologique du dispositif d’un événement
qui a fêté sa 100ème édition en juillet 2013, le Tour de France. Il s’agira ici d’étudier les
discours, signes et dispositifs d’une retransmission d’une étape de l’Alpe d’Huez, programme
télévisuel de mise en spectacle identitaire. Nous comparerons l’évolution de ces dispositifs
sur 3 périodes : 2006, 2011 et 2013. L’analyse des évolutions des dispositions et des usages,
de l’interactivité mise en œuvre sur les supports médiatiques en 8 ans, permettra de mieux
comprendre les contours de la révolution médiatique en marche et des nouveaux usages.
Enfin, nous dirigerons des entretiens semi-directifs de différents profils d’acteurs ou
10
consommateurs du média télévision : professionnels chez les éditeurs de contenus, du
marketing et de l’interactivité, consommateurs multi-générationnels. Ces entretiens nous
permettront de mieux cerner les pratiques digitales et transmédiatiques ainsi que les
comportements des téléspectateurs, leurs attentes et leurs évolutions.
Nous allons envisager trois hypothèses qui viendront nourrir les éléments de réponse à
notre questionnement. Nous posons d’abord l’hypothèse que l’âge de la post-télévision14
connaît un changement de paradigme de consommation qui met fin à cette période. Nous nous
questionnerons les fondements du média télévision dont la révolution épistémologique lui fait
perdre le monopole de l’accès par l’image à la culture. Le cadre de la recherche concerne la
figure technique de la télévision et ses répercussions sur son rôle social. Nous observons que
l’innovation tend à amplifier les usages au bénéfice de marques média qui deviennent des
objets culturels de plus en plus partagés. En passant de simple média à un métamédia qu’est la
télévision connectée, la télévision crée de nouvelles formes d’édition de contenus, lui
permettant de légitimer son rôle social. Les nouvelles fonctionnalités de l’objet bousculent le
modèle émetteur-récepteur, le récepteur pouvant même devenir émetteur par la création des
Users Generated Content. A ce titre Twitter ou le transmédia sont à l’initiative de cette
transformation de l’usage. Encore balbutiantes, ces formes de narration collaborative sont
encore rarement à l’origine d’une véritable production d’images ou de narration sur l’écran
principal (les tweets venant juste s’ajouter au contenu de l’éditeur). En cela Internet se
révèlerait être le média de la participation. Si les éditeurs de télévision maîtrisent encore leurs
contenus, la prise de pouvoir du public, qui peut s’exprimer sur les plateformes comme
Youtube ou Dailymotion, paraît modifier la nature des objets audiovisuels. La télévision
s’ancrerait-elle dans un modèle de curateur de contenu ou aurait-elle comme opportunité
d’évolution de tirer profit de son statut de métamédia ? Elle contribuerait alors à favoriser la
circulation de l’image et des contributions, produisant de la culture en renforçant la notion de
trivialité15 de ses contenus par l’appropriation sociale et la transformation des objets grâce aux
fonctionnalités d’Internet. Sa nouvelle médiativité s’appuierait ainsi sur son environnement
technologique.
Face à cela, nous posons pour seconde hypothèse que le média télévision se
distinguerait des nouveaux médias audiovisuels pour revendiquer une identité propre, lui
14MISSIKA, Jean-Louis, La fin de la télévision, art. cit. 15 JEANNERET, Yves, Penser la trivialité, volume 1, La vie triviale des êtres culturels, Paris, Hermès Sciences Publications, coll. « Communication médiation et co », 2008
11
permettant de légitimer un usage singulier. S’il se nourrit de dispositifs complémentaires pour
fidéliser et accroître son audience, la singularité de contenus qui lui sont propres resterait son
élément constitutif essentiel. Le dispositif technique ne serait qu’au service d’une
éditorialisation dont le direct semble être la substantifique moelle. L’enrichissement d’un
programme d’exception au service de l’écran principal nourrirait un intérêt alors démultiplié.
La télévision s’auréolerait d’un imaginaire affirmé de l’événement exclusif. Cette hypothèse
induirait une notion de spectacle sublimée au service d’un flux linéaire, consommé
instantanément et en simultanéité, avec des moyens de production toujours plus ambitieux.
Elle serait appuyée par l’observation d’une panoptisation des dispositifs, satisfaisant un
récepteur de plus en plus exigeant, qui veut tout savoir, tout partager, immédiatement.
L’innovation bouscule alors la figure narrative et l’imaginaire du média qui tente de préserver
la singularité de son contenu. Le statut du message télévisuel deviendrait alors
monopolistique, dans un contexte d’instantanéité spécifique, de société de l’immédiateté et du
spectacle. Ce n’est alors pas le dispositif en lui-même qui est questionné mais ce qu’il émet.
En cela, nous nous demanderons si le direct peut nourrir la spécificité du média télévision.
Que ce soit lors de grands primes de divertissement comme The Voice, les grands rendez-vous
politiques que sont les élections ou encore les manifestations sportives de haut niveau (que les
diffuseurs s’arrachent à grands coût d’achat de droits exorbitants), la télévision préserverait
toute son attractivité par la nature incontournable du rendez-vous.
Enfin, une troisième hypothèse questionnera le média au sein d’un environnement
concurrentiel complexifié. Nous essayerons de placer la télévision dans une nouvelle chaîne
de valeur et d’étudier comment les éditeurs de contenus s’adaptent aux nouveaux contrats
d’écoute. La posture d’un utilisateur devenant son propre créateur d’objets médiatiques et
prenant la main sur sa programmation, modifie sa relation au média dans un fantasme de
liberté : en quoi cela impacte la nature des formes médiatiques télévisuelles ? Enfin, nous
nous tournerons vers le déterminisme technologique et à la matérialité de la télévision. Le
média télévisuel est un objet technique soumis à l'obsolescence, il vieillit. Mais il paraît se
métamorphoser plus qu’il ne disparaît. Néanmoins, il existe une friction entre la définition de
l’écran et celle du poste de télévision. Celui-ci connaît en ce sens une phase décisive autour
d’une matérialité réinventée au rythme frénétique des innovations qui déterminent les enjeux
stratégiques des constructeurs. Nous étudierons cette figure technique pour observer si la
matérialité de la télévision pourrait en être affectée, dans une perspective « où tout est
télévision ou rien n’est télévision ». Nous serons alors amenés à envisager qu’elle puisse
12
revendiquer sa remédiation vers une autre forme de média pour se renouveler. L’objet smart
TV ferait-il alors déjà parti d’un passé qui approche à grand pas ?
13
I – LE NOUVEL ÂGE DU MEDIA TELEVISION :
DU MEDIA AU METAMEDIA
Pendant près de 50 ans, la télévision, communément nommée « petit écran », a été
confortée dans une situation de monopole de l’accès à la culture par l’image au domicile.
Fenêtre sur le monde qui informe, elle divertit, suscite le débat ou place le spectateur au cœur
de spectacles géographiquement inaccessibles. Dans les années 2000, la bulle Internet vient
bouleverser son statut, l’ordinateur s’installe dans les foyers et connaît une évolution
technologie exponentielle. La télévision voit naître les NTIC (Nouvelles Technologies de
l’Information et de la Communication), concurrents impitoyables dans l’accès à la culture et à
l’information. La « vieille dame » entame alors sa route vers une mutation nécessaire pour
répondre à la transformation des usages de la société…. Renaissance ou sursis ?
14
A. L’écran : d’une fenêtre ouverte sur la culture à objet culturel
1. Quand l’accès à l’image révolutionne l’accès à la culture
a. Le rôle social du média télévision à travers ses trois âges
Pendant un quart de siècle, la télévision a été l’unique média permettant à une large part de
la population, hors intellectuels, l’ouverture sur le monde de son domicile. L’accès à l’image
culturelle n’est plus alors l’apanage du cinéma. La révolution sociale de la paléo-télévision16
est en route vers une forme de libération par l’accès à la culture, comme le souligne Isabelle
Veyrat-Masson17 :
« L’utopie du progrès et de la libération des hommes par la culture et la connaissance, si chère au XIXe siècle, semble être revivifiée par l’invention de la télévision, par la possibilité qu’elle offre de diffuser les grandes œuvres du patrimoine littéraire et artistique si longtemps réservées à des privilégiés, de les recevoir chez soi en tournant un simple bouton. »
Sous l’emprise de l’Etat, la télévision devient au fil de son développement technologique et
de sa vulgarisation, un outil éducatif de la « masse » avec une véritable mission sociale de
démocratisation du savoir et d’uniformatisation de la culture française, comme l’a expliqué
Marie-Françoise Lévy18 :
« La télévision qui s’ancre sous la Quatrième République instaure un modèle de télévision fondé sur la transmission du patrimoine et qui soutient l’idée d’une télévision comme instrument culturel au service de l’unité et de l’égalité entre les hommes. La télévision sous de Gaulle est investie d’une mission d’éducation morale et de guide au service du rassemblement des Français. Elle est aussi pensée comme une représentation de la France. »
Il est bon ici de définir une notion de culture que nous choisirons au sens large : la culture
peut être définie comme étant l’ensemble des connaissances acquises dans divers domaines.
Le journal télévisé lancé en 1949 par Pierre Sabbagh est représentatif de cette vulgarisation de
l’accès à la connaissance par un médium présentateur qui se pose en commentateur pour
décrypter l’actualité et les enjeux politiques. Eliseo Veron19, dans son analyse du journal
télévisé, note à ce propos l’importance du lien entre ce médium présentateur, intermédiaire
entre l’événement et le téléspectateur, l’image délivrant en temps réel l’actualité quand vient
16 ECO, Umberto, La Guerre du faux, Paris, Grasset, 1985 17 VEYRAT-MASSON, Isabelle, Quand la télévision explore le temps. L’histoire au petit écran, 1953-2000, Paris, Fayard, 2000, p.48 18 LEVY, Marie-Françoise, « Télévision, publics, citoyenneté » in COHEN Evelyne, LEVY Marie-Françoise (dir.), La télévision des Trente Glorieuses, Paris, CNRS Editions, 2007, p 91-111 19 VERON, Eliseo, « Il est là, je le vois, il me parle » in Réseaux, Paris, Le Seuil, 1986, volume 4 n°21. p71-95.
15
l’ère du direct. Les techniques de productions, les moyens de transmissions et l’innovation
créeront un lien tout particulier entre le présentateur du journal télévisé, via une starification
de celui-ci qui le confirmera dans son rôle d’éducateur : « […] De même que je reçois les
nouvelles qu'il me transmet, il les a, à son tour, reçues. Sa circonspection me dit le travail
d'interprétation à faire et les précautions à prendre : l'actualité est souvent complexe, on ne
sait pas toujours très bien, bref : il faut faire attention. ». La pédagogie est au rendez-vous, la
posture médiatique de la télévision s’inscrit dans l’accompagnement de la libération de
l’Homme dans la connaissance. Idéaliste, humaniste, elle devient le principal média de masse
à la fin des années 70, entrant dans son âge de néo-télévision20. Toujours placée sous le signe
du média de la promotion de l’information et des programmes culturels, sa vocation est de
faciliter l’accès au plus grand nombre à des œuvres culturelles, inaccessibles par ailleurs.
L’objectif culturel, qui dans l’imaginaire collectif peut paraître élitiste, relève alors du média
de masse, deux notions antinomiques qui se rejoignent grâce à la télévision. Dès lors, les
éditeurs, sous le couvert de service public, créent des rendez-vous populaires et fédérateurs,
s’attachent à produire des programmes de qualité, accessibles et enrichissants. Toutefois, la
chaîne de valeur est modifiée par les modalités du discours, sa construction et la technologie de
diffusion.
Il ne faut pas cependant ignorer l’économie du média qui constitue aussi et avant tout un
produit commercial, à l’instar de la presse ou du cinéma. C’est en 1974 qu’apparaît la
première notion de résultats sous forme de calculs d’audience, pour la répartition de la
redevance. Quant à la publicité, elle arrive sur l’écran en 1968. Elle représente alors environ
un quart des recettes de TF1 et d’Antenne 2. Avec la fin du monopole d’Etat en 1982, de
nouveaux entrants se créent (Canal+ le 4 novembre 1984, La Cinq et TV6 en 1986), TF1 est
privatisée en 1987. Dans ce nouveau contexte économique, un des grands enjeux de la
télévision, a été de négocier le virage de la privatisation et ensuite de la création d’une
multitude d’offres de canaux avec un foisonnement de programmes thématiques ciblés. Les
chaînes historiques restent du domaine du « généraliste » en opposition avec les chaînes
thématiques qui explosent au sein d’offres de télévision payante. Dès lors chaque média
propose son contrat d’écoute spécifique qui lie la marque programme et son récepteur, la
société découvre un PAF multi-culturel mais moins fédérateur. La notion de communauté
émerge. « Je suis fan de musique, je regarde MCM ; je suis fans de sport, je regarde
Eurosport France ; je suis fan de découverte, je regarde Planète… ». L’offre de contenus 20 ECO, Umberto, art. cit.
16
s’inscrit dans cette prise en considération de l’évolution la société. L’individu se crée ses
propres communautés, loin des Institutions, et la télévision entre dans une logique de réponse
à la demande d’un consommateur émancipé avec une politique de marketing éditorial. « L’âge
d’or de la télévision » arrive à sa fin et on craint alors que la vocation culturelle fasse place à
la vocation commerciale du média en opposant service public et chaînes commerciales. Le
statut de média de masse au service de l’enrichissement général de la société se transforme
alors : la vocation du petit écran reste toujours de s’adresser au plus grand nombre avec des
discours didactiques, mais par le biais de multiples canaux moins généralistes. Le modèle
économique se voit lui aussi modifié avec l’apparition d’offres payantes avant la création des
chaînes de la TNT qui permettent un accès gratuit à différentes formes de contenus. La
télévision publique, qu’on appelle d’ailleurs le service public, se targue d’inventer des modes
de représentations esthétiques et artistiques garant de la qualité, induisant un objectif culturel.
De là à conclure que la télévision commerciale est en opposition un média de la société d’en
bas serait trop simpliste. Néanmoins malgré son statut de 8ème art acquis en 1982 par le
Ministère de la Culture, la télévision est décriée et des journaux comme Télérama s’infiltrent
dans la brèche pour critiquer la télévision commerciale et ses productions trop pauvres
intellectuellement parlant. La post-télévision21 introduit le phénomène de la téléréalité. Le rôle
social de la télévision est bouleversé et répond à l’évolution d’une société de la surveillance
du spectacle qui pousse au paroxysme la panoptique22 des dispositifs télévisuels. La promesse
de ces dispositifs est alors de tout voir, tout comprendre, tout expliquer, qu’importe la nature
du regard porté sur le contenu. En quoi le spectacle d’adolescents filmés 24h/24 nourrit
culturellement le téléspectateur et exacerbe sa liberté ? Les polémiques sont lancées en
réponse à Umberto Eco : « La télévision rend intelligents les gens qui n’ont pas accès à la
culture et abrutit ceux qui se croient cultivés ».
La transformation du rôle social de la télévision continue sur la lancée de l’ère numérique.
Comme nous l’avons évoqué, en un quart de siècle, la télévision passe d’un statut de média
d’accès à la culture à un média de l’industrie, à vocation lucrative, pour satisfaire une
curiosité de société du spectacle, dans des formes narratives distrayantes ou choquantes. Les
années 2000 marquent la société par l’accélération des nouvelles technologies. Les relations
sociales se transforment avec l’émergence de nouveaux acteurs qui bouleversent les usages et
les relations interpersonnelles. La télévision questionne alors sa place de mass média culturel,
21 MISSIKA, Jean-Louis, La fin de la télévision, art. cit. 22 FOUCAULT, Michel, Surveiller et punir, Paris, Gallimard, 1975
17
déjà contrariée par la fragmentation de son offre, le web 2.0 et le numérique ayant ouverts
d’autres fenêtres sur le monde, définissant une nouvelle notion, celle de l’interactivité. D’outil
d’archivage de données culturelles consultables, l’interactivité est désormais un flux à double
sens. Il ne s’agit plus d’une action-réaction homme-machine mais la possibilité pour l’homme
de contribuer au contenu du média Internet. L’émergence des relations individuelles de
communauté à communauté ou d’émetteur-récepteur, via les réseaux sociaux, entraîne la
modification de la place de la télévision comme mass média unique et seul émetteur
audiovisuel. Le poste de télévision, qui jusqu’alors avait connu de nombreuses
transformations techniques (la télécommande, la couleur, la qualité de l’image…), trouve sa
matérialité transformée pour répondre aux nouveaux codes sociaux de consommation. Ainsi
débute un nouvel âge de la télévision que nous proposons de nommer « la proto-télévision »,
réinvention d’une nouvelle matérialité par la télévision connectée, prototype d’un nouvel
objet culturel.
b. De la télévision cérémonielle au social média
Comme nous venons de l’analyser, la télévision n’a cessé de s’inventer au fil des
innovations et des événements sociétaux (politique, relations sociales, croyances,
économie…). La conséquence majeure qu’il nous paraît intéressant d’étudier à ce niveau de
notre recherche, c’est le changement de fonction sociale au sein du foyer, plus largement du
lieu où est installé le poste de télévision. Depuis ses débuts, la télévision a toujours privilégié
la culture du spectacle avec des grands événements en direct suivis par des millions de foyers.
Qu’il s’agisse des événements politiques, culturels ou sociétaux, la télévision rassemble
autour de son écran pour partager des moments privilégiés en famille ou entre amis. C’est ce
que Daniel Dayan et Elihu Katz ont défini comme « La télévision cérémonielle »23. Ce que
nous pouvons souligner dans leur analyse, c’est la dimension de célébration autour du rendez-
vous télévisuel et la capacité fédératrice, collective de ce rendez-vous. Dans sa finalité, le
programme sera partagé, devant l’écran et hors écran, le lendemain à l’université, en soirée, à
la machine à café du bureau… La conversation est déjà inscrite dans l’ADN du programme
télévisé avant même l’arrivée de la social TV. Les programmes représentent bien des objets
23 DAYAN, Daniel, KATZ, Elihu, La télévision cérémonielle. Anthropologie et histoire en direct, Paris, PUF, 1996
18
culturels au sens trivial d’Yves Jeanneret24, qui se diffusent à travers la société et évoluent
avec le temps, les milieux dans lesquels ils naissent, se développent ou s’intègrent. La
télévision ne transmet plus la culture mais fait culture dans une société devenue société de
communication et d’information permanente.
Ce sont dans les années 2010 que le paradigme de consommation est modifié. C’est le
début de l’âge que nous avons nommé proto-télévision. Une autre forme de télévision prend
forme, balbutiante mais avec une rapidité de transformation jusqu’alors jamais égalée. Elles
marquent le début des annonces qui se succèdent autour de la télévision connectée : géants de
l’Internet (Google, Yahoo…), constructeurs de téléviseurs, éditeurs de télévisions, opérateurs
télécoms… voient le potentiel de cette nouvelle figure technique et adaptent leur stratégie de
développement. La mobilité fait sa grande entrée dans la valse des changements. La télévision
n’est plus une consommation de salon ou de chambre à coucher, elle s’emmène partout. Le
tout est résumé dans une devise : Anywhere, Any Time, Any Device (ATAWAD). Du côté de
l’offre de programmes, de nombreux éditeurs de contenus et services numériques, présents sur
ordinateurs et téléphones mobiles, réfléchissent à élargir leur stratégie multi-écrans à la
télévision. La multiplicité des écrans et le multitasking25 vont radicalement bouleverser les
usages du contenu télévisuel et l’usage médiatique des écrans. Dans une vision très
McLuahnienne26 de prolongement des êtres humains par les technologies, le medium a
changé l’individu lui apprenant à faire plusieurs choses à fois, abandonnant sa posture passive
devant l’écran. Ses fonctions et capacités manuelles, visuelles, mémorielles… se sont
étendues, prolongées et démultipliées grâce aux smartphones, tablettes tactiles ou télévisions
connectées. Il a le pouvoir de mener de front plusieurs actions au même moment.
De même l’arrivée de Facebook et de Twitter révolutionnent les interactions individuelles
autour de programmes télévisés. Plus tard, l’émergence des applications pour smartphone,
tablettes et télévisions connectées diversifient la relation émetteur-récepteur à l’instar de
MyTF1 Connect ou du watermarking de l’application « Devant ma télé » de M6. En plus
d'offrir des fonctionnalités de discussion, TF1 a mis en place, début 2013, un « Instant
Replay » qui permet aux utilisateurs de créer leur propre replay vidéo de 30 secondes et de les
diffuser sur les réseaux sociaux. 24 JEANNERET, Yves, Penser la trivialité, Volume 1, La vie triviale des êtres culturels, Paris, Hermès Science Publications, « Comunication, Médiation et co », 2008 25 Multi-tâche : consommation de plusieurs devices en même temps 26 MCLUHAN, Marshall, Pour comprendre les médias. Les prolongements technologiques de l’homme, Paris, Mame/ Le Seuil, 1968
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Les régies publicitaires s’en nourrissent pour déployer des offres commerciales elles-aussi
enrichies dans un objectif de rentabilité pour la création de contenus.
2. Instantanéité, contribution et partage des objets culturels : vers un déterminisme de l’autonomie des usagers
a. La Social TV, culture de la participation du téléspect’acteur
La proto-télévision révolutionne la destination de l’usage du média télévision
(communication unilatérale de l’émetteur au récepteur avec une vocation de transmission de
connaissances) en ayant créé un prototype de système de partage social très vite approprié par
les individus. Le mouvement avait été initié par la post-télévision avec une première approche
lors des premières émissions de télé-réalité. Pour la première fois, le téléspectateur contribuait
au choix des protagonistes du spectacle par un système de vote déterminant ceux qui devaient
rester ou partir. Le numérique va accélérer le changement médiatique, agrégeant d’autres
écrans à la télévision, étant connectés en permanence, pouvant se synchroniser les uns avec
les autres sans liaison physique. Le digital a amplifié des usages qui s’étaient déjà
individualisés avec la mobilité et le multi-équipement. Surtout, il a favorisé l’interaction
instantanée, la contribution et le partage des objets faisant culture, ce qu’Yves Jeanneret28
nomme la « […] culture triviale : cette activité incessante par laquelle les hommes échangent
plus ou moins largement, de façon plus ou moins contrôlée, leurs conceptions du monde ».
D’abord craintif et méfiant, le monde de la télévision va s’approprier l’imaginaire
d’Internet et sa notion de web 2.0, pour en faire un concept de support, le site web venant
compléter l’émission télévisuelle. Il est décliné en format responsive design pour s’adapter à
tous les écrans au service de l’écran principal. Ainsi il favorise la contribution simultanée et le
partage, le téléspectateur devenant « téléspect’acteur ». Si les pratiques ont été initialement
l’apanage d’early adopters29, elles se sont largement démocratisées puisqu’aujourd’hui un
tiers des Français pratique la social TV30. Le phénomène s’explique en partie par la croissance
rapide du taux d’équipement de la population. Au premier trimestre 201331, 21,4 millions de
foyers (77%) sont équipés d’un ordinateur et pour près des 2/3 d’entre eux, il s’agit d’un
28 JEANNERET, Yves, L'affaire Sokal : comprendre la trivialité, in: Communication et langages. N°118, 4ème trimestre 1998. pp. 13-26. 29 Adopteur précoce : personne qui s’approprie une nouvelle technologie avant l’usage collectif 30 Etude CSA réalisée en ligne du 11 au 13 juin 2013 auprès de 1 059 internautes français âgés de 15 ans et plus 31 Communiqué GFK/Médiamétrie, 3 juin 2013
21
portable dans une recherche de consommation mobile. Dans la logique de consommation
individuelle des écrans, on constate que plus de 2 foyers équipés sur 5, soit 8,8 millions, ont
au moins deux ordinateurs à la maison. Nouveau phénomène depuis fin 2012, la tablette
tactile connaît un engouement croissant en étant présente dans plus de 18% des foyers au 1er
trimestre 2013. Le nombre de foyers possédant une tablette a plus que doublé en un an
passant de 2,2 millions au 1er trimestre 2012 à 5,1 millions au 1er trimestre 2013. Elle séduit
tout particulièrement les hommes de moins de 50 ans, à la tête d’une famille plus nombreuse
que les possesseurs d’ordinateurs. Elle devient le device idéal pour la pratique second écran et
est utilisée dès le plus jeune âge, laissant présager un usage vulgarisé des générations futures.
Une étude du CSA réalisée en juin 2013, nous révèle que les internautes aiment toujours
parler de télévision en face à face : ils sont 80% à échanger sur ce sujet « dans la vraie vie »,
en famille ou entre amis et 58% entre collègues à la machine à café. Et ce sont 76% des
Français qui utilisent leur téléphone ou leur tablette tout en regardant un programme télé, 27%
commentant régulièrement les programmes sur les réseaux sociaux. Sur Internet, c’est
majoritairement sur Facebook que les conversations se tiennent à 52%, dépassant de loin les
forums et les blogs (17%), les sites de chaînes de télévision (13%) et Twitter (11%)32. On peut
se demander si la pratique social TV est générationnelle, ne concernant qu’une frange jeune
de la population. La même étude semble confirmer cette tendance. La pratique de
commentaire des programmes en ligne est certes de plus en plus vulgarisée avec 37% des
internautes concernés, mais 21% ne le font que rarement. En revanche, chez les moins de 18
ans, ils sont plus de 75% à commenter sur Internet les programmes télévisuels. Enfin, cette
enquête souligne la complémentarité de la relation entre Internet et télévision avec une
nouvelle posture des « télénautes », à la croisée des deux médias : sur Internet, ils se sentent
personnellement investis dans les programmes ; la télévision tient alors le rang de nouveau
lien social numérique. En interagissant avec les contenus et leurs communautés numériques,
ils compensent la solitude de consommation de l’écran par le rassemblement conversationnel.
Une autre spécificité d’Internet est de servir d’espace d’expression libre le plus souvent sous
une forme de tribune (voir tribunal) critique des objets télévisuels.
Facebook et Twitter, les deux marques qui ont révolutionné le lien social et lancé le boom
des réseaux sociaux, constituent donc les deux plateformes de contribution et de partage
32 Rappelons que Twitter n’est aujourd’hui fréquenté que par 5% des Français (étude Ipsos - mars 2013)
22
télévisuels. Le hashtag est omniprésent dans les dispositifs communicationnels des antennes,
les contributions apparaissant régulièrement directement à l’écran comme processus de
valorisation du téléspectateur, dans sa nouvelle posture d’éditeur de contenus en opposition
avec celle passive de simple spectateur. Cela pourrait signifier que Twitter a pris le pas dans
l’imaginaire collectif sur Facebook avec son principe de textes courts (140 signes) adapté à la
réaction spontanée et immédiate. Mais c’est Facebook33 qui s'impose largement comme la
plateforme de prédilection des téléspect’acteurs, 57 % d'entre eux utilisent Facebook pour
commenter des programmes de télévision, contre 15 % pour Twitter (Facebook ayant un taux
de pénétration encore bien plus fort que Twitter en France). Facebook qui n’a d’ailleurs pas
hésité à introduite le hashtag dans ses fonctionnalités le 12 juin dernier. Cette étude a dévoilé
également les motivations des téléspect’acteurs pour cette pratique : 69 % commentent des
programmes qui les passionnent pour partager leurs impressions, leurs avis avec d'autres
passionnés. Cette information vient appuyer la théorie communautaire, d’appartenance à une
tribu que revêt le média télévision, le confortant dans son rôle de lien social. 66 %
commentent des programmes qui leur permettent d'enrichir leurs connaissances et nourrir leur
réflexion en partageant leur point de vue avec les autres internautes, la télévision étant bien
confirmée comme un vecteur d’accès à la culture. Enfin, 61 % commentent des programmes
qui les font rire, la télévision remplissant une de ses vocations initiales de divertir. L’objectif
poursuivi par la social TV est d’aller dans le sens d’un renforcement de l’essence même de la
télévision : rassembler, informer et divertir.
Après nous être intéressés au profil des téléspect’acteurs, il est important de situer le type
de programmes qui sont les plus sujets à ces pratiques. Le jeu télévisé, le sport et les grands
événements (téléréalités et cérémonies) semblent être les plus adaptés à la simultanéité du
commentaire, favorisant le rassemblement. Les séries de fiction, les films et les magazines ont
un potentiel moins évident, demandant davantage d’attention de la part du téléspectateur et
s’inscrivant dans une autre temporalité de consommation. Plus propices à la délinérarisation,
ils construisent néanmoins d’autres formes de regroupement (à l’instar des communautés de
fans de séries). Plusieurs organismes se sont créés pour mesurer et analyser les audiences de
la social TV, dont Mésagraph que nous prendrons en référence. Les primes de divertissement
en direct sont régulièrement en tête des émissions les plus commentées. Ainsi, depuis le début
de sa diffusion fin juillet 2013, le prime « The Best » de TF1 s'est placé à la deuxième place
33 ILLIGO, étude Social TV, Perception & Usages des Français, sur 1 009 répondants âgés entre 18 et 64 ans, représentatifs de la population française, avril 2013
23
du palmarès hebdomadaire des émissions qui font le plus réagir sur plus réagir sur Twitter,
(avec 298 533 tweets la semaine du 5 au 11 août) derrière « Secret Story » (675 000), toujours
sur TF1. Le sport également déchaîne les passions, dans les tribunes comme sur les réseaux
sociaux. Deux grandes affiches de reprise du championnat de France de Ligue 1 ayant pris
cette même semaine les deuxième et troisième places avec respectivement 59 233 et
58 549 tweets. Et c’est encore le football qui trône à la première place de l’événement sportif
de plus tweeté de l’histoire avec plus de 370 000 tweets générés lors du match de Ligue des
Champions PSG-Barça, pourtant diffusé sur une chaîne cryptée, Canal+. En complément des
performances d’audience de leurs programmes, attendues tous les matins avec grande
inquiétude, les chaînes ont désormais l’œil rivé sur le baromètre des médias sociaux, mesurant
l’engagement du téléspectateur à la marque programme. C’est une nouvelle relation qui lie
l’émetteur à son récepteur, qui par ses contributions devient l’ambassadeur et le porte-parole
du message.
La social TV est encore en phase de croissance de ses potentialités. En effet, les
motivations des utilisateurs sont bien ancrées dans le partage et le sentiment de vivre un
événement télévisuel individuel ou en nombre restreint physiquement. La trivialité de l’objet
télévisuel pour faire culture d’images par sa circulation peut encore être un phénomène qui
assurerait la pérennité du média télévision. En effet, les fonctionnalités d’instant share
proposées par les chaînes peuvent être amenées à se développer, favorisant la circulation du
programme, ainsi que les Users Generated Content34 (UGC) des internautes en optimisant la
diffusion des contributions.
b. Les UGC, objets au service des marques programmes
La révolution du web 2.0 a modifié la relation homme-machine en créant une réelle
interaction des flux médiatiques. Quittant sa destination initiale d’accès à des contenus
d’archivage, le récepteur devient lui-même émetteur en créant des contenus diffusés au
public. Il est dans ce contexte en co-production du sens. Encouragé par les plateformes de
vidéos en ligne comme Youtube et Dailymotion, l’internaute découvre et s’approprie son
nouveau pouvoir de création d’objets qu’il va faire circuler. Ce nouveau concept qui émerge
34 Contenus Générés par les Utilisateurs
24
en France courant 2005 provoque de grandes inquiétudes du média télévision. Il se sent
dépossédé de sa spécificité de producteur de contenus. Les moyens de production sont mis à
la disposition des individus grâce à une technologie simple et accessible au plus grand
nombre. Si la qualité des contenus n’est pas à la hauteur des productions professionnelles des
éditeurs, leur capacité à être viralisés et à créer du bruit médiatique suffit à préoccuper le
monde du petit écran. Avec le développement des technologies et des usages, des supports de
diffusion/logiciels et pratiques social TV, la tendance tend à s’inverser avec l’intégration des
UGC dans les dispositifs marketing des marques programmes des éditeurs. Dans la logique du
concept de « référent imaginaire global » de Catherine Guéneau, le média télévision va
s’approprier cette interactivité pour sa promotion : « Les discours d’accompagnement de
l’interactivité trouvent un terrain fertile dans le sillage des dérives déterministes, qui font de la
technique l’enjeu principal de nos sociétés en lui accordant un pouvoir surdimensionné : celui
de transformer le monde35 ». L’objet créé par l’internaute va devenir un objet culturel au
service du flux télévisuel, accompagnant sa promotion. Prenons l’exemple de la chaîne WGN
America (chaîne américaine du câble et du satellite) qui a déployé en 2012 un dispositif
d’UGC pour événementialiser sa série « How I met your mother ». Pour célébrer la Fête des
mères, la chaîne a programmé une journée marathon de la série. Les fans ont été invités à s’y
engager. En utilisant Facebook et Twitter, WGN America a demandé à ses « followers »
d’envoyer une photographie de leur mère accompagnée d’un bref message. Les photos ayant
remporté le plus de votes des internautes sur le site internet dédié ont été diffusées à l’antenne
pendant le marathon, les autres photos étant publiées sur le site. Cette initiative marketing a
changé la destination de la marque programme, passant d’une proposition d’expérience de
visionnage de flux linéaire à une expérience plus personnelle, dans laquelle les fans étaient
impliqués. Leur histoire personnelle réelle devenait aussi importante que celle des
protagonistes fictifs du programme. L’engagement des fans, et donc des ambassadeurs de la
marque programme, a été stimulé.
Encore à l’état de pratique exploratoire, l’avènement du transmédia et des normalisations
de flux visuels que l’innovation a généré, tend à penser que cette nouvelle vague de création
médiatique ne sera plus dans un temps court réservée à une minorité de geeks. Les
plateformes Tumblr, Vine, Instragram favorisent l’opportunité communicationnelle des
marques programmes. Sans exclure les UGC textuels générés par Facebook et Twitter, que la
35 GUENEAU, Catherine « L’interactivité : une définition introuvable », Communication & Langages n°145, septembre 2005, p 117-129
25
télévision semble avoir plus rapidement maîtrisé au bénéfice de la croissance de l’engagement
de son audience. Le micro blogging se répand et se vulgarise. Les mèmes internet font l’objet
des réflexions stratégiques des dispositifs de marketing viral. Le mème est défini par le
dictionnaire anglais Oxford36, comme « 1. Un élément d'une culture ou d'un ensemble de
comportements qui se transmet d'un individu à l'autre par imitation ou par un quelconque
autre moyen non-génétique. 2. Une image, une vidéo, un morceau de texte…, humoristique
par nature, qui est copié et diffusé rapidement par les internautes, souvent avec de légères
variations ». Le mème a un statut scientifique communicationnel singulier, lui conférant un
rôle de lien social culturel par le partage de productions populaires. Jamais auparavant les
opportunités de diffusion de contenus n’avaient été aussi rapides, sans notion de territoires
géographiques.
Pour évaluer la valeur accordée à la culture médiatique des objets produits par les UGC, il
est intéressant de voir que la BBC37 les intègre dans ses FAQ38 en leur donnant une définition
précise :
« User generated content ("UGC"), plus communément connus comme « journalisme citoyen », « média social » ou « média participatif », font référence à une large variété de contenus médiatiques produits par notre audience en opposition avec ceux faits par la BBC, sociétés de production indépendantes ou contributeurs individuels commissionnés par la BBC. Ces dernières années, les UGC sont en croissance, grâce aux vidéos et images digitales, messages textuels sur mobile, blogging, messageries en ligne, emails et soumissions audio. ».
Réputée et reconnue par ses pairs à l’international, la BBC fait culture en reconnaissant les
nouvelles pratiques sociales de son média. Le sujet apparaissant dans les FAQ, littéralement
en Français « questions les plus courantes », traduit aussi la vulgarisation de l’usage de ces
contributions.
Le média télévision a su saisir cette nouvelle opportunité pour s’auréoler de nouveaux
codes de perception. En passant de « je regarde la télévision » à « je participe à ce que je vois
et à l’expérience télévisuelle », le média, à l’instar des autres médias historiques (talk de radio
par appel à contribution sur le web, livres participatifs, journalisme de contribution dans la
presse…), s’est doté d’une nouvelle sémiotique enrayant un déclin redouté. La sémiotique de
36 OXFORD, définition du dictionnaire numérique [disponible en ligne : http://oxforddictionaries.com/definition/english/meme?q=meme], consulté le 18 août 2013 37 Site internet de la BBC [disponible en ligne : http://www.bbc.co.uk/terms/faq.shtml], consulté le 18 août 2013 38 Frequently asked questions
26
l’objet, devenant connecté à Internet, s’est gorgée de connotations positives et de fantasmes
d’idéaux : « je passe derrière l’écran », du côté de ceux qui fabriquent le contenu culturel.
L’objet reste désirable par le discours de l’interactivité.
B. Quand la télévision devient un métamédia
1. Un contexte de porosité des médias
a. Changement de paradigme de la médiativité.
En 2007, Apple lance son IPhone sur le marché, accélérant la révolution web 2.0 qui
vient perturber le statut du média télévision. Dans le contexte d’innovations fulgurantes et la
multiplication des supports audiovisuels, elle connaît une crise identitaire, les frontières entre
les différents médias historiques et les nouveaux médias (ordinateurs, smartphone, tablettes)
tendant à disparaître. On assiste à un phénomène d’hybridation des médias avec la spécificité
d’agréger différentes formes de contenus comme des sites internet de presse écrite
enrichissant leurs contenus textuels avec de la vidéo, modifiant le paradigme de médiativité
de chacun. Il est intéressant de considérer l’identité des médias du point de vue d’André
Gendreault et Philippe Marion39. Ils estiment qu’une identité n’est pas pérenne, qu’elle se
construit par son évolution et passe par une phase d’intermédialité initiale. Un média
s’observerait par « la façon dont ce média tisse sa relation aux autres médias à travers sa
dimension intermédiale ». L’enjeu serait alors pour la télévision de s’approprier de nouvelles
inter-connexions avec ces autres médias. Les nouveaux médias font naître pourtant dans
l’esprit collectif une forme d’obsolescence annoncée des médias historiques dont les
frontières d’usages étaient jusqu’alors clairement dessinées. La presse écrite sera la première
frappée de plein fouet par la révolution numérique en marche, avec un lectorat qui délaisse
certains supports pour une presse en ligne florissante. De leur côté, les nouveaux médias, dans
leur dispositif technique, se challengent dans une course à l’innovation effrénée. Le téléphone
devient intelligent dans sa mutation vers le smartphone et fait office d’ordinateur en se
connectant à Internet, l’ordinateur devient tablette dans sa version d’écran mobile et tactile. A
l’échelle des contenus, ils tendent à se consommer sur tous les supports, de façon
individualisée et délinéarisée. La consommation des contenus linéaires télévisuels est
39 GENDREAULT André (dir.), MARION Philippe (dir.), « Un média naît toujours deux fois... », Sociétés et représentations n°9, avril 2000, p. 21-36
27
questionnée, la « vieille dame » observe avec inquiétude la multiplication des écrans et une
offre pléthorique de nouveaux médias avec des bénéfices d’usage qui lui échappent. En 2011,
avec le succès de l’Ipad lancé en 2010, les enjeux sont clairement définis pour les chaînes de
télévision. Elles intègrent dans leur ADN l’exposition de leurs contenus sur tous les supports,
comme déclaré par Jean-François Mulliez, alors Directeur Délégué de TF1 dans un article du
Monde40 à l’occasion du lancement de la nouvelle application pour IPhone le 24 janvier 2011.
En s’appropriant ce contexte de porosité des médias, les contenus médiatiques télévisuels ne
sont plus exclusivement diffusés sur la télévision de façon linéaire. Ils se consomment sur
l’ordinateur, puis s’adapteront à l’écran du smartphone et enfin la tablette. L’acronyme
ATAWAD41 est au centre de tous les plans de stratégie marketing avec quatre paramètres
essentiels. Le visionnage en direct du flux télévisuel ; la vidéo à la demande (VOD), pour un
rattrapage de ce qui a déjà été diffusé ; une connexion aux réseaux sociaux, qui permet de
commenter et de partager sur une marque programme ; de l’enrichissement du flux principal
qui va se développer via des applications ou des sites internet dédiés (interviews d’acteurs,
choix de caméras, statistiques…).
Une autre épée de Damoclès semble être suspendue sur la suprématie de la télévision,
particulièrement concernant sa mise à disposition d’œuvres cinématographiques et de fictions.
L’explosion d’Internet et du haut débit des années 200042 ne constitue pas uniquement un
dispositif d’accès à l’information ou à des contenus audiovisuels dont la diffusion est
réglementée. L’exception culturelle de la chronologie des médias43, protégeant l’écosystème
des créateurs, producteurs et ayant droits de diffusion, va très vite être technologiquement
contournée. Dans un modèle économique de gratuité et dans l’illégalité, les internautes
découvrent toutes les potentialités de consommation de films et de fiction sur la toile. Le
piratage devient la bête noire de l’industrie du média télévision. Au fil des années 2000, l’Etat
se mobilise, la chasse aux sorcières est ouverte. Dans le cadre des Assises du Numérique le 30
novembre 2011, Frédéric Mitterrand, alors Ministre de la Culture et de la Communication,
met au centre de son intervention sa volonté « d’accompagner les industries culturelles et en
particulier les industries de contenus dans le grand océan de l’Internet ». L’état d’urgence est
décrété pour la protection du média dans sa destination d’objets culturels : « Les réponses au
40 ZILBERTIN, Olivier, « La télé s’enrichit sur IPad », Le Monde, 30 janvier 2011 41 Any Time, AnyWhere, Any Device 42 Première offre haut débit ADSL en France en 1999 par Wanadoo (ADSL, 512k) 43 Chronologie des média : règlementation du cycle de diffusion des œuvres cinématographiques : salle, DVD, VOD, télévision payante, télévision gratuite
28
piratage seront approfondies pour lutter plus efficacement contre toutes les formes de
piratage, quelles que soient les formes de diffusion et les moyens techniques, y compris le
streaming. ». Le cas Megaupload est symptomatique de ce nouveau phénomène sociologique
de libre accès aux œuvres grâce à l’innovation des dispositifs médiatiques. Société créée en
2005, elle proposait l’hébergement de fichiers en accès libre à n'importe quel internaute aux
Etats-Unis, aux Pays-Bas, au Canada et en France. En proposant la facilitation d’accès à un
dispositif technique complexe, la société permet l’échange et la viralisation de contenus
culturels cinématographiques et télévisuels piratés. En 2011, la plateforme compte 66 millions
d'utilisateurs. Contrainte à fermer ses portes en janvier 2012 pour violation des lois sur le
copyright par le FBI, l’affaire Megaupload est très largement médiatisée comme campagne de
communication de la lutte anti-piratage. Comble de l’ironie, le créateur de Megaupload vient
de lancer en janvier 2013, son nouveau site d’hébergement de stockage de données : Mega.
En France, la loi Hadopi du 12 juin 2009, lance la création d’une autorité publique
indépendante, la HADOPI (Haute Autorité pour la Diffusion des Œuvres et la Protection des
droits sur Internet) pour réglementer la diffusion et la protection de la création sur internet et
la lutte sur le téléchargement illégal. D’autres acteurs numériques sont en ligne de mire des
éditeurs de contenus télévisuels. Les nouveaux entrants tels que Netflix ou Hulu (pas encore
présents sur le territoire français) ou Apple TV viennent challenger la médiativité de la
télévision. Ils favorisent la porosité des médias grâce à l’émergence de la télévision connectée
à Internet et à leur potentiel technique (accès à des contenus web sur la télévision). Ce sont
des concurrents de taille au regard de la sémiotique qu’ils incarnent et la relation avec
l’utilisateur qu’ils construisent.
b. Appropriation de la convergence Internet – Télévision par la télévision connectée
La consommation de la vidéo sur Internet se vulgarise et constitue la première motivation
d’utilisation du média. L’entreprise Cisco44, leader mondial des équipements réseaux, dans
une étude prospective de mai 2013, estime que 55 % du trafic internet mondial sera constitué
par de la vidéo en 2016, contre 51 % en 2011. La télévision connectée à Internet, devient alors
le support technologique à s’approprier pour saisir une opportunité de consommation
44 CISCO, « Cisco Visual Networking Index: Forecast and Methodology, 2012–2017 », [disponible en ligne : http://www.cisco.com/en/US/solutions/collateral/ns341/ns525/ns537/ns705/ns827/white_paper_c11-481360_ns827_Networking_Solutions_White_Paper.html], publié le 29 mai2013, consulté le 20 juin 2013
29
complémentaire à la verticalité des programmes du flux linéaires. La grande révolution de la
figure technique de la télévision débute par la naissance de la télévision numérique en 1996
avec l’arrivée sur le marché de la diffusion par satellite et les nouveaux entrants Canalsatellite
et TPS, puis par le câble et l’ADSL45 vers 1998 et l’IPTV46 (2002 pour la Freebox). En 2005,
la TNT47 commence son déploiement. La conception des set-top-box hybrides associant la
réception de chaînes satellites ou TNT et une connexion aux services Internet (ADSL, fibre,
câble) a accéléré la mutation des usages en permettant l’accès d’Internet sur le poste de
télévision et la consommation délinéarisée des contenus. L’IPTV et les offres triple play
connaissent un grand succès commercial favorisant le succès de la télévision 2.0. La
fragmentation des audiences devient le risque majeur des chaînes de télévision qui craignent
une baisse de leurs audiences entraînant une baisse de leurs revenus publicitaires. En 2011,
cette perspective de baisse de chiffre d’affaire menace de mettre en péril le rôle de producteur
d’œuvres culturelles audiovisuelles et cinématographiques. En réponse aux transformations
sociologiques et technologiques, les éditeurs créent de nouveaux services de télévision de
rattrapage (comme Pluzz, My TF1 ou Canal+ Replay), ainsi que de vidéo à la demande
payante, et expérimentent de nouveaux services interactifs qui ne cessent de se développer
depuis 2012. Le déterminisme d’une vision défensive d’un Internet comme menace pour la
télévision semble disparaître.
En 2013, l’essor d’une télévision directement connectée à Internet, la smart TV (téléviseur
intelligent), favorise un imaginaire en construction d’un hypermédia intégrant textes, images
et sons, ouvert sur les mondes culturels. Le marché est en pleine expansion, le taux
d’équipement des foyers aux Etats-Unis48 a déjà progressé de 30,8% en 2011 et de 24,2% en
2012 avec une prévision de 31% en 2013. En France, le marché est encore en phase de
lancement mais on observe une tendance à la croissance avec 13,9% des foyers équipés au
4ème trimestre 2012 (soit 3 816 000 foyers), soit une progression de +10,3% par rapport au
3ème trimestre 2012 et de +84,1 % en un an49. Par ce nouveau dispositif directement connecté
au web, sans passer par une box d’opérateur, la télécommande donne un nouveau pouvoir à
l’utilisateur, celui d’accéder sur son écran de télévision à tous les mondes visuels médiatiques. 45 ADSL (Asymmetric Digital Subscriber Line) : Service d'accès à l'Internet par les lignes téléphoniques 46 IPTV (Internet Protocol Television), diffusion de la télévision, de la vidéo et des contenus multimédia sur un réseau informatique IP vers des écrans de télévision et des PC 47 TNT : Télévision Numérique Terrestre 48 eMarketer, « Connected TVs reach one in four homes », [disponible en ligne : http://www.emarketer.com/Article/Connected-TVs-Reach-One-Four-Homes/1009581], publié le 3 janvier 2013, consulté le 5 juillet 2010 49 GFK/Médiamétrie T4, T3, T2, T1 2012 ; T4 et T3 2011
30
Il accélère les nouvelles pratiques d’horizontalité qui se banalisent, favorisant le
multitasking50 et l’activité de l’utilisateur en opposition avec une passivité des anciens modes
verticaux de consommation. La télévision doit alors faire en sorte que la distraction
provoquée par cette perte d’attention du récepteur par l’accomplissement de plusieurs actions
en parallèle du visionnage des contenus, se transforme au profit du contenu télévisuel.
L’éditorialisation de nouvelles formes de contenus est alors au service de la conversation
autour d’une marque programme. Cette éditorialisation passe par la création d’applications
(ou directement par la technologie HbbTV51) qui ne sont plus uniquement disponibles en
second écran (smatphone ou tablette) mais directement accessibles de la télévision. Des
sociétés spécialisées sont apparues sur le marché pour la création de ces applications pour
télévision connectée comme Visiware, créateur du « play along52 » en 2011 ou Dotscreen. En
créant des prolongements numériques des émissions et des événements diffusés à la télévision
utilisables par la télécommande, elles proposent aux éditeurs de contenus d’exploiter les
nouvelles solutions de pérennisation d’intérêt et d’engagement pour les marques programmes.
Le play along53 répond au phénomène de gamification des contenus, dont les jeux télévisés
sont la représentation la plus native. Ici encore, la passivité du récepteur prend fin. La
télévision lui permet de jouer en simultané avec son programme de jeu. Le bénéfice d’usage
est démultiplié en lui offrant de s’affronter à d’autres joueurs, valorisant la notion
d’expérience individuelle partagée par une communauté virtuelle. Une nouvelle forme de
média se construit par la convergence d’Internet et de la télévision, s’inscrivant dans la durée,
avec les perspectives d’innovations permanentes, et permet de réinventer les interactions entre
le téléspectateur et sa marque chaîne ou programme. Néanmoins, le support télévision devient
le propre concurrent des marques chaîne en donnant accès à des contenus Internet, échappant
donc à l’industrie télévisuelle, sur l’écran. Côté applications, si les éditeurs ont su développer
une stratégie d’exploitation de ce nouvel outil, les pure player54 et autres géants d’Internet ont
su riposter. En mars dernier, Dailymotion a annoncé le lancement de son application pour
smart TV. Cette application propose une nouvelle expérience de visionnage en mode « lean-
50 Ibid 51 Hybrid Broadcast Broadband Television : norme technique de télévision connectée permettant l’accès via la télécommande à des informations complémentaires du programme 52 Traduction : entrer dans le jeu. Technologie qui rend la TV interactive en offrant la possibilité aux téléspectateurs de participer de chez eux à des émissions TV 53Ibid 54 Diffuseurs uniquement sur Internet
31
back55 », une lecture en continue des vidéos dès le lancement de l’application, totalement
adaptée aux usages sur les téléviseurs. Quant à Google, il a lancé Chromecast en juillet 2013,
accessoire, ressemblant à une clé USB, permettant de diffuser des vidéos YouTube, depuis son
smartphone, sur l'écran de son téléviseur.
2. De l’interaction à l’interactivité émetteur-récepteur
a. Valorisation du média télévision par la notion de l’interactivité
Le Web 1.0, celui des années 90, se distinguait par un fonctionnement très linéaire. Un
contenu proposé par un émetteur était affiché sur un site Internet consulté par des internautes.
Qualifié de web passif, c’était un outil de consommation d’'informations et d’archivage. Le
web 2.0 est un web social qui permet le partage et l’échange d’informations et de contenus
qui peuvent être créés par l’internaute. La notion 2.0 est gorgée d’une représentation positive
(poussée cependant par une notion 3.0 désignant la prochaine évolution du web qui semble
approcher à grand pas). Empruntée de la notion de web 2.0, la télévision 2.0 construit une
culture médiatique innovante et remettant en question la fonction sociologique du média, le
redéfinissant dans un système d’interactions avec d’autres médias. On assiste à un
bouleversement du schéma communicationnel et des relations entre émetteur et récepteur d’un
message qu’il soit textuel, visuel ou sonore. L’idéologie de l’interactivité s’établit par son
effectivité sociale. La notion 2.0 est valorisée, faisant référence à un idéal de communication
où le message audiovisuel n’est plus uniquement en réception. Les nouvelles technologies
permettent une activité du récepteur en lui offrant la possibilité d’interagir sur ce qu’il voit.
Etienne Candel56 théorise le passage de l’interaction à l’interactivité en distinguant les
dispositifs, les dispositions et les contenus disposés. Les dispositifs se définissent par la
forme, le support (le smartphone, l’ordinateur, la smart TV). Les dispositions sont du domaine
de la posture, du lien entre deux entités, des échanges (réseau social, social game…). Enfin
les contenus disposés réfèrent à ce que l’utilisateur peut créer ou ce à quoi il a accès (contenus
de web documentaires, les UGC, commentaires…). Ce triangle communicationnel caractérise
les médias informatisés avec des contenus sur lesquels le récepteur peut agir (image cliquable
55 Traduction : revenir en arrière 56 CANDEL, Etienne « La notion de l’intéractivité », in MASTER2 ICCM, 2012-2013
32
par exemple) et une posture d’énonciation de l’institution médiatique qui se déplace de
créateur culturel à initiateur de co-création. Le schéma communicationnel émetteur-acteur à
récepteur se transforme, la relation se faisant d’émetteur-acteur à récepteur-acteur. La
télévision, par son interactivité, renforce ainsi sa fonction d’accès à la culture en permettant la
transformation des objets en favorisant leur circulation par les réseaux sociaux. Elle favorise
un nouveau mode de circulation sociale par sa rupture d’usage de relation homme-homme
avec une posture d’altérité en opposition à la posture scientifique de la relation homme-
machine.
La télévision interactive permettrait ainsi à la télévision de s’approprier une notion positive
qui tient valeur de motivation à son utilisation, contrariant les rumeurs de disparition du
média. En répondant à des besoins sociaux inscrits dans la modernité, la télévision interactive
fait rupture avec la représentation de média poussiéreux. Les marques chaînes n’hésitent pas
alors à promouvoir la notion d’interactivité par leurs discours marketing. Les campagnes de
publicité intègrent les nouvelles fonctionnalités d’usage, leur étant parfois même entièrement
consacrées. Prenons pour exemple Canal+57 et sa campagne en télévision pour le lancement
de son application « Grand Journal » en mai 2013, ou France Télévisions en juin 2013 dans sa
communication presse du Tour de France qui rappelle son « dispositif multicam sur
Francetvsport.fr pour réaliser votre propre direct en choisissant votre caméra ». Les usagers
constituent le référent imaginaire global58. Ils sont également amenés à créer de la valeur et à
rendre l’objet télévision nouvelle génération désirable par leur souhait d’appropriation de la
technique et leur discours d’accompagnement. Pour encourager les usages, la valorisation des
actions du récepteur et de sa co-production est essentielle. Le média télévision semble
maîtriser ce paramètre. Il propose ainsi un effet immédiat de la co-production de l’utilisateur.
Celui-ci peut décider de la présence ou non des protagonistes d’une émission par un système
de vote, voir apparaitre ses contributions à l’écran par la publication de ses tweets pendant des
directs, le faire jouer en simultané des candidats d’un jeu télé. La télévision sur- sémiotise la
co-production et l’intervention positive des téléspect’acteurs par la mise en spectacle de sa
création.
Il est intéressant de noter ici le changement de perception du média télévision dans sa
capacité à être éducative. Il a longtemps été décrié par les pédopsychiatres et les institutions
57 Cf ANNEXE 1 58 GUENEAU, Catherine « L’interactivité : une définition introuvable », op. cit.
33
pédagogiques, affirmant que si les enfants développaient leur sens visuel devant le petit écran,
c’était au détriment de leurs autres sens, notamment de leurs capacités psychomotrices.
Claude Allard, pédopsychiatre auteur de l’ouvrage « L’enfant au siècle des images59 »
déclarait dans une interview en octobre 2003 : « Les enfants ont besoin d’exprimer leurs
représentations imaginaires dans l’action, et la télévision leur propose de recevoir
passivement les constructions imaginaires d’autrui ». La passivité est donc au centre des
débats. Dix ans plus tard, la télévision commence à acquérir ses lettres de noblesses ludo-
éducatives, surtout chez les parents. Ce phénomène est fondamental, assurant l’avenir du
média auprès de la cible enfants aujourd’hui prescriptrice et demain décisionnaire d’achat de
biens culturels (télévision payante, VOD…).
Cette nouvelle perception est principalement due au sentiment d’activité proposée à
l’enfant par la télévision interactive, chez les constructeurs de smart TV (« Playing Nado
Hutos », « Sticker Theater », « Best Kids Song » chez Samsung) ou chez les marques chaînes
(application pour smart TV LG « Zouzous » de France 5). Le marché des applications pour
tablette destinées aux enfants est en plein essor. Les chaînes suivent le mouvement, qu’elles
soient historiques, de la TNT ou thématiques, en lançant leur propre application (TFou, Gulli,
Boomerang ou Piwi+ dès le 23 octobre 2013…). Ces applications permettent l’accès à des
contenus enrichis sous forme de jeux ludo-éducatifs dans l’univers de leurs héros de dessins
animés. La smart TV de Samsung permet même aux enfants d’interagir avec le contenu
diffusé à l’aide d’un capteur de mouvements, permettant une expérience immersive tournée
vers l’éducation, le développement et le divertissement. Le groupe MTV, éditeur de chaînes
thématiques dont celles pour enfants Nickelodeon et Nickelodeon Junior, a lui aussi exploité
l’innovation technologique au service de nouveaux arguments éducatifs de la télévision. En
juin 2012, il a lancé le premier concept de chaîne de télévision personnelle avec My
Nickelodeon Junior. Grâce à la connexion à Internet de l’IPTV, des smartphones et des
tablettes, la chaîne permet de créer une télévision sur mesure. En indiquant l'âge, les thèmes
souhaités de l’enfant, les programmes les plus adaptés sont proposés, le paramétrage de la
durée d’écoute est réglable par les parents. La télévision interactive a su ainsi mettre à profit
son nouvel environnement technologique pour se construire un nouvel imaginaire collectif
global positif.
59 ALLARD, Claude, L’enfant au siècle des images, Paris, Albin Michel, 2000
34
b. La télévision, un média réinventé Nous avons étudié l’évolution du média télévision, de ses usages à sa matérialité dans un
contexte de multiplication des écrans et d’interconnexion médiatique. Le champ sémantique
lui-même a changé avec nombreux néologismes (play along, transmédia, UGC, ARG60…)
dont on pourrait craindre un rejet de l’utilisateur, hors digital native. Au lieu de ça,
l’appropriation sociologique des dispositifs est des usages semble être en marche. Le champ
sémiotique est lui aussi en pleine mutation, les codes, les signes, les images se modifiant au
cours de la révolution télévisuelle. L’écran diffuse les contributions des anonymes pendant le
programme, les plateaux de télévision offrent des salles de conversation où les protagonistes
peuvent échanger et partager en direct leurs expériences (V-Room de l’émission The Voice de
TF1)… Nous pouvons dire à ce stade de la recherche que la télévision est devenue un
métamédia, multipliant ses fonctionnalités, sa médiativité et ses prédispositions
communicationnelles, comme le définit Gene Youngblood61 :
« Le métamédia constitue un outil permettant lui-même de créer de nouveaux outils. Les métamédias permettent d'accéder à une nouvelle pratique culturelle : la méta-architecture. Le méta-architecte manipule des contextes et non des contenus. La méta-architecture agit sur l'environnement. C'est l'architecture d'un outillage individuel et social en tant qu'environnement. Ainsi se trouve créé un métacontexte ou un environnement susceptible de favoriser le développement d'autres productions culturelles. Un méta-architecte permet donc à une activité de se développer sans jamais influer sur son orientation propre. D'autres contextes et d'autres contenus peuvent être ainsi créés — dans des situations entièrement contrôlées par l'utilisateur, l'acteur, le participant ou l'agent d'un tel métasystème »
La télévision est sortie de son statut de média inscrit dans une verticalité de la
consommation avec de nouvelles pratiques culturelles. En installant une relation
d’horizontalité avec son public, elle lui permet de devenir méta-architecte en utilisant les
fonctionnalités d’un Internet accessible de la télévision. Le média s’est réinventé, devenant un
véritable portail multi-médias associant le son, l’image et le texte. Dans sa mutation, il a
contrarié la théorie des médias chauds et froids de Marshall McLuhan62 : « Les médias
chauds, au contraire, ne laissent à leur public que peu de blancs à remplir ou à compléter. Les
médias chauds, par conséquent, découragent la participation alors que les médias froids, au
contraire, les favorisent. ». La télévision se muterait-elle en média froid, encourageant la
participation de son audience, développant la social TV grâce à son hybridation avec
Internet ? Nouveau vecteur de communication et de création culturelle, elle favoriserait un
60 Alternate Reality Game : jeu en réalité augmentée 61 YOUNGBLOOD Gene, « Vidéo et utopie » In: Communications n°48, 1988, p 173-191. 62 McLUHAN, Marshall, Pour comprendre les médias. Les prolongements technologiques de l’homme. Op. cit.
35
renouvellement d’usage et un changement de perception. Tout en gardant sa vocation initiale
pour laquelle un bon nombre d’utilisateurs reste attaché au média, elle prépare son avenir en
s’adaptant aux pratiques des générations futures.
Nous avons bâti cette première hypothèse au fil des âges de la télévision pour observer ses
étapes de transformation identitaire ainsi que l’appropriation de son environnement
sociologique. Cette recherche nous conduit à penser que le contexte d’innovation transforme
le média télévision dans sa relation à ses usagers et son rôle social. Cette mutation s’opèrerait
également dans un contexte de porosité des médias, modifiant la médiativité de la télévision,
dans une réinvention à la faveur d’une activité et d’une participation croissante des
utilisateurs.
Notre deuxième hypothèse va plus spécifiquement questionner les fonctions distinctives et
constitutives du média télévision, par l’étude de ses formats et de ses discours, mais aussi de
ses dispositifs techniques. Nous avons choisi le genre du direct sportif pour appréhender la
corrélation entre médiagénie du programme et média télévision, tentant alors d’approcher une
notion de genre singulier qui le distinguerait des autres nouveaux médias.
36
II – LE DIRECT :
GENRE CONSTITUTIF DU MEDIA TELEVISION ?
Comme nous l’avons observé, le direct a été au cœur des productions de la paléo télévision
des années 50-60, rappelons-le, ancrée dans une destination sociale de pédagogie, de
démocratisation d’accès à l’information et à la culture. Le direct sera l’apanage des émissions
culturelles et littéraires, et des grandes cérémonies politiques, culturelles ou sportives :
premier match de football retransmis le 4 mai 1952 (finale de la Coupe de France),
couronnement de la reine Elisabeth II le 3 juin 1953 ou retransmission du concours
Eurovision de la chanson le 24 mai 1956. Dès lors, le direct devient le programme symbole du
média télévision, assurant sa légitimité de média du spectacle et de l’événement ainsi que sa
fonction distinctive. Au fil de son évolution, les formats et les discours se sont multipliés
donnant naissance à des genres et des narrations variées dont les succès ont été plus ou moins
avérés. L’ancrage d’Internet dans les usages, et sa fonction d’accès à une quantité
incommensurable de programmes audiovisuels, est venu contrarier l’écosystème d’une
télévision en quête d’une nouvelle identité médiatique.
Empruntant la maxime d’Antoine Laurent de Lavoisier « Rien ne se crée, rien ne se perd,
tout se transforme », nous pouvons nous demander si le direct ne constituerait pas le genre
intemporel de la télévision, garant de sa pérennité.
37
A. Le référent imaginaire global du spectacle
« Le Tour de France, c’est le mariage du sport et de l’épopée. Il a pris dans l’imaginaire
collectif la place d’un mythe et raconte à sa manière l’histoire des passions françaises »,
Jacques Chirac63. Le sport est un des programmes télévisuels le plus consommé au monde si
nous regardons les chiffres d’audience réalisés lors des retransmissions de grandes
compétitions en direct. Incarnant l’essence même du spectacle, il illustre ce que peut offrir le
média télévision pour transmettre un objet culturel inaccessible à ceux qui ne peuvent y
assister. A travers le Tour de France, nous avons un exemple représentatif de référent
imaginaire global du spectacle télévisuel en direct qui participe au succès du média. Nous
avons choisi cet événement comme support d’étude du direct.
1. Le direct sportif, la mise en spectacle du spectacle
a. Le sport comme incarnation de la médiativité de la télévision
Le direct sportif constitue un des contenus les plus probants à observer pour considérer
l’identité du média télévision et sa médiativité. Il est à la fois massivement suivi, ancré dans la
tradition historique des grands rendez-vous télévisuels, et touche le public par un storytelling
puissant et naturel. La médiativité est définie par Philippe Marion64 :
« Celle-ci rassemble tous les paramètres qui définissent le potentiel expressif et communicationnel
développé par le média. La médiativité est donc cette capacité propre de représenter – et de placer cette représentation dans une dynamique communicationnelle - qu’un media possède quasi ontologiquement. ».
Qui n’a jamais assisté à une conversation enflammée autour d’un match de football, les
chances de victoire d’un tel ou d’un autre dans une grande compétition sportive ? Qui n’a
jamais crié, debout, s’agitant devant son écran de télévision, dans l’espoir qu’un Français
honore une identité nationale revendiquée ? A n’en pas douter, le sport provoque des
réactions de passion à tout âge, quel que soit le sexe, dans tous les milieux socio-culturels.
Que l’on soit un inconditionnel du sport en général, d’un sport en particulier, d’une équipe, ou
qu’on se déclare indifférent, nous avons tous au moins vibré une fois devant notre écran de
télévision au rythme de minutes éprouvantes d’un spectacle sportif. La valeur d’un
programme sportif connaît plusieurs niveaux d’appréciation selon son potentiel fédérateur.
63 AUGENDRE, Jacques, Le Tour, Paris, Solar Editions, 2011 64 MARION, Philippe, « Narratologie médiatique et médiagénie des récits », Recherches en Communication, n°7, Louvain-la-Neuve, UCL (COMU), 1997
38
Nous pouvons en établir une échelle sur des critères de localisation. Le premier niveau sera
municipal avec ce qu’on appelle communément « l’esprit de clocher ». Outre l’aspect du
niveau de la compétition, l’attractivité est liée à l’appartenance locale. La dimension des
exploits sportifs est grandissante à mesure que la localisation s’élargit. On supportera une
région pour une équipe à un plus haut niveau de compétition et enfin une nation dans le cadre
de compétitions internationales. Si nous abordons ces nuances, c’est qu’elles caractérisent
l’aspect communautaire, le phénomène d’appartenance à une tribu et le lien social qui est
indissociable des facteurs d’appropriation de la télévision.
Que ce soit au sein d’un foyer, en écoute conjointe entre individus partageant le même
intérêt, ou en écoute individuelle avec un partage d’expérience sur les réseaux sociaux, la
télévision se partage et favorise la sociabilisation. Nous pouvons ici nous référer à la
retransmission de la finale de la Coupe du Monde 1998 (France-Brésil) qui a réuni 20,6
millions de téléspectateurs65 le 12 juillet, soit une part de marché de 75,6%. L’événement est
entré dans le top 5 des programmes ayant rassemblé plus de 20 millions de téléspectateurs
depuis 1989, les 4 autres programmes concernant également des retransmissions de matchs de
football de l’Equipe de France. Le sport, ou du moins les grands rendez-vous sportifs
internationaux, pour peu qu’ils portent un sentiment de fierté nationale par les résultats, est un
événement fédérateur d’un grand intérêt médiatique.
Si la dimension du spectacle semble être un des facteurs clé du succès populaire des
contenus de direct sportif, d’autres paramètres sont à prendre en compte. Tout d’abord la
notion de valeur véhiculée par la discipline. Sublimant le travail, le courage, le dépassement
de soi, et le plus souvent le fair-play et le respect mutuel, le sport représente un potentiel
d’attribution d’image de marque positive. Ensuite, le programme sportif a une narrativité
naturellement fictionnelle avec un scénario construit autour de protagonistes (un héros, un
« ennemi ») avec un enjeu, des épreuves, une tension et des rebondissements. A laquelle vient
s’ajouter l’attribut feuilletonnant dans le cadre de championnats, avec une logique de saison.
Le direct sportif offre la narration d’une histoire qui s’écrit au fur et à mesure, par les acteurs
eux-mêmes, dont on ne peut connaître la fin. Enfin, le sport reste une discipline technique
avec des règles, une discipline requérant de l’expertise d’initiés. Il est au service de la mise en
65 Contribution participative, « Les records d’audience de la télévision française », Wikipédia, [disponible en ligne : http://fr.wikipedia.org/wiki/Records_d'audiences_de_la_t%C3%A9l%C3%A9vision_fran%C3%A7aise], Dernière modification le 19 juillet 2013, consulté le 15 août 2013
39
valeur du savoir-faire spécifique de l’émetteur. Un savoir-faire sur lequel, par exemple,
Canal+ a construit en grande partie son image de marque et ses arguments de justification à
l’abonnement auprès de son public. « Nous sommes sur un public de fans de sport, d’experts
du sport, qui adore ça »66, résume parfaitement Cyril Linette, son Directeur des Sports.
Nous avons pris le direct sportif comme valeur d’exemple, dans sa matérialité d’objet
médiatique télévisuel, pour incarner un élément de construction d’identité propre au média
télévision. En interprétant ses formes constitutives d’objet social et culturel universel, et la
posture de ses téléspectateurs, il deviendrait un des dispositifs pilier de la télévision, assurant
son avenir. Ce constat s’appliquerait aux autres programmes de direct dans leur genre
culturel : musique, spectacle vivant, télé-réalité…
Il convient ici de restreindre le corpus de notre étude en comparant l’évolution de la
retransmission d’une étape emblématique du Tour de France, l’Alpe d’Huez, à travers 3
années qui marquent l’accélération de l’environnement technologique du média télévision :
2006, 2011 et 201367.
« La Petite Reine » est une des stars du sport français avec son événement annuel
incontournable : le Tour de France. Né en 1902, il fêtait cette année sa 100ème édition,
accentuant sa caractéristique de course à la démesure, avec un parcours inscrit plus que jamais
dans le dépassement de soi, et une épreuve mythique : la montée de l’Alpe d’Huez deux fois
dans la même étape. Populaire et national avec des étapes au fil des régions de France, il est
un des grands rendez-vous sportifs incontournables du service public, retransmis chaque
année par France Télévisions, qui a d’ailleurs sécurisé les droits de retransmission jusqu’en
2020. La marque chaîne y consacre des dispositifs de production de plus en plus ambitieux
accompagnés d’une large campagne de communication et de relations publiques. Reflet d’une
revendication d’identité nationale attachée à ses traditions et sa culture, la Grande Boucle
n’est pas seulement un objet médiatique sportif, mais un spectacle de l’évolution sociale et
culturelle, en intégrant les foules qui s’empressent chaque année sur les routes du Tour. Pour
Daniel Bilalian68, Directeur des Sports de France Télévisions, « l'intérêt pour le Tour en lui-
66 LINETTE Cyril, Interview in « Le Buzz Média », Orange Actu [disponible en ligne : http://actu.orange.fr/le-buzz-media/le-buzz-media-du-15-fevrier-interview-cyril-linette-lefigaro-interview_1358050.html], publié le 15 février 2013, consulté le 15 août 2013 67 ANNEXE 2 : grille d’analyse des étapes 2006, 2011 et 2013 68 GONZALES, Paule, « Le Tour 2013, un très bon millésime pour les audiences télé », lefigaro.fr [disponible en
40
même mobilise 70% des téléspectateurs, nos études montrent qu'un bon tiers vient aussi pour
le formidable spectacle de la France que nous offrons. Lors de l'ascension du mont Ventoux,
nous avons filmé les baux de Provence du sol, d'hélicoptère mais aussi au raz [sic] du sol avec
des drones ». Une bonne occasion pour la marque chaîne de légitimer sa valeur ajoutée au
service du public et son rôle de vecteur de transmission de la culture. Du côté sportif, la
compétition est l’incarnation même du spectacle, du programme de télévision cérémonielle69
favorisant la célébration autour d’un rendez-vous annuel, fédérateur et collectif. En matière de
chiffres70, près de 24 millions de téléspectateurs ont regardé au moins une heure la 100ème
édition du Tour de France diffusée sur les chaînes de France Télévisions. Il est intéressant de
constater que ce sont les épreuves les plus difficiles et relevant du spectacle qui ont rassemblé
le plus de public devant l’écran avec respectivement 6,2 millions sur France 2 avec un pic à
7,8 millions pour l’étape Givors-Mont Ventoux, soit 50,4% de part d’audience (14 juillet
2013) et 5,3 millions de téléspectateurs l'épreuve Gap-Alpe d'Huez, soit 51,3% de part
d’audience (18 juillet). Un beau succès pour la marque chaîne si nous prenons en compte la
période de vacances estivales et la retransmission concurrente et simultanée d’Eurosport.
Mais c’est bien France Télévisions qui s’est attribué les valeurs identitaires de ce spectacle
sportif, portant la médiativité du média télévision pour le direct sportif.
b. La médiagénie du direct sportif dont la télévision resterait le
partenaire idéal
Si nous continuons à prendre les théories de Philippe Marion71 en support de notre
réflexion, nous allons corréler la médiagénie du direct sportif au média télévision et voir en
quoi le direct sportif ne peut se passer de ce partenaire idéal pour sa diffusion. « Les récits les
plus médiagéniques semblent en effet avoir la possibilité de se réaliser de manière optimale en
choisissant le partenaire médiatique qui leur convient le mieux et en négociant intensément
leur mise en intrigue avec tous les dispositifs internes à ce média ». Nous avons considéré le
ligne : http://www.lefigaro.fr/medias/2013/07/17/20004-20130717ARTFIG00472-le-tour-2013-un-tres-bon-cru-pour-les-audiences-tele.php], publié le 17 juillet 2013, consulté le 15 août 2013 69 DAYAN, Daniel, KATZ, Elihu, La télévision cérémonielle. Anthropologie et histoire en direct, op. cit. 70 Source Médiamétrie/ France Télévisions, « Audiences de la semaine », France Télévisions Publicités [disponible en ligne : http://www.ftv-publicite.fr/spip.php?rubrique75], publié le 23 juillet 2013, consulté le 27 juillet 2013 71 MARION, Philippe, « Narratologie médiatique et médiagénie des récits », art. cit.
41
Tour de France comme un objet narratif à part entière avec un storytelling et une intrigue
puissants et naturels.
En choisissant la télévision comme un média central de sa diffusion, le Tour de France
bénéficie de dispositifs qui permettent de valoriser le spectacle sportif. Ces dispositifs sont
situés à plusieurs niveaux. Dans cette partie, nous allons particulièrement étudier la réalisation
et les informations, la mise en forme du récit et son commentaire, avec une grille d’analyse
des étapes qui mènent à l’Alpe d’Huez en 2006, 2011 et 2013.
Le Tour de France est donc retransmis sur une chaîne du service public en direct, en dehors
d’horaire de prime time et avec une moyenne de durée de retransmission de 3h. Nous pouvons
donc déjà noter que très peu de médias sont capables d’offrir à un événement une telle
flexibilité dans leur disponibilité de couverture. La synergie entre l’objet culturel et son
média, à vocation de transmission de la culture au plus grand nombre, est ici cohérente. Le
Tour de France a construit sa popularité en offrant un spectacle à plusieurs entrées : pour les
inconditionnels du sport cycliste, les amateurs de sport (pour les valeurs qu’il véhicule), mais
aussi les amoureux de la France, de sa culture et de la variété de ses paysages et de ses
curiosités touristiques. « La Grande Boucle, c’est aussi un hymne à la France et à sa
géographie72 », commentait, été 2013, Arnaud Ursule dans son reportage pour le journal de
13h de France 2. Pour satisfaire le plus grand nombre et transmettre les différents messages de
l’organisateur de l’événement, France Télévisions a su mettre en place un dispositif
ambitieux. Nous notons que ce dispositif est relativement pérenne pour ne pas transiger à ces
fondamentaux.
Cela passe par les commentateurs et journalistes tout d’abord. L’équipe est formée, en
plateau, d’un consultant champion de la discipline (respectivement Laurent Fignon, Laurent
Jalabert et Cédric Vasseur), d’un journaliste expert (Henri Sagnier puis Thierry Adam) et d’un
spécialiste de la France et de son histoire (Jean-Paul Ollivier). Ensuite, sur le terrain, on
retrouve un journaliste polyvalent qui, sur place, interviewe les différents témoins (qu’ils
soient sportifs ou représentants d’une ville, d’une région), et de deux journalistes mobiles à
moto ou en voiture, dans le peloton. Cette équipe éditoriale est donc à même de répondre à
toutes les attentes des téléspectateurs, spécialistes ou néophytes, avec des discours adaptés. La
72 URSULE, Arnaud, reportage Le Tour vu du ciel, France 2, journal de 13h du 22 juillet 2013 [disponible en ligne : http://www.francetvsport.fr/le-tour-vu-du-ciel-165369]
42
prise d’antenne est cérémonielle avec une ouverture en musique qui va crescendo et
l’apparition du logo officiel Tour de France, puis un générique dynamique et rythmé (pour les
3 dates).
Ensuite, le dispositif de réalisation est ambitieux pour la mise en spectacle du sport, mais
aussi de la ferveur populaire (témoin de la notoriété et de l’engouement de l’événement) et du
parcours extraordinaire à travers les plus belles régions de France. La mise en image est
chaque année plus qualitative avec un hélicoptère qui offre des vues somptueuses de
monuments ou de créations dédiées au Tour (champs moissonnées avec des messages inscrits,
constructions…).
Plan vu du ciel – 2013 Mise en image ferveur populaire - 2006
Les dispositifs sont bien sûr au service de la valorisation de l’exploit sportif avec des gros
plans, des ralentis introduits en 2011, des statistiques régulières sur les performances, des
plans variés et une réalisation pointue. Nous notons aussi que les séquençages des images est
plus rythmé avec une moyenne de plan qui passe de 25 à 10 secondes, comme pour répondre
à une consommation moins contemplative, à une accélération de l’accès aux images.
Plan tête de la course avec statistiques - 2011
43
Enfin, le Tour du France est un événement de dimension internationale. Il a été suivi en
2013 par plus de trois milliards de téléspectateurs à travers le monde. La télévision a une
capacité à développer des moyens techniques de transmission sur plusieurs pays. En 2011,
France Télévisions déploie cet argument dans son dossier de presse du Tour73. Le dispositif
technique est valorisé, permettant la réalisation d’un signal international proposé à l’ensemble
des télévisions étrangères. La circulation de l’objet culturel Tour de France prend une
dimension globale, de grande masse, nourrissant l’image et la notoriété ce celui-ci. Elle
permet également au plus grand nombre d’avoir accès à un spectacle unique, populaire et
plébiscité, qui se consomme par tous en direct et en simultané.
Quel autre média audiovisuel pourrait alors se confronter à la télévision pour offrir de tels
récits médiagéniques ? Si nous considérons les dispositifs internes de la télévision, qu’ils
soient techniques ou narratifs, il semblerait que les nouveaux entrants Internet ne puissent pas
la substituer.
2. Le direct sportif, dramaturgie et panoptisation du spectacle
a. Une dramaturgie au service de l’attractivité du média télévision
Les Jeux Olympiques de Londres en 2012 ont rassemblé 1 milliard de téléspectateurs pour
sa cérémonie d’ouverture, le Tour de France 2013, plus de 3 milliards, devenant ainsi un
« village global » selon l’expression de Marshall McLuhan. La télévision a bien compris cette
opportunité de séduction de l’audience par la dramaturgie du spectacle sportif.
La fiction et le documentaire représentent deux formes d’objets télévisuels bien distincts.
La promesse des genres est spécifique avec le fictif d’un côté et le réel de l’autre. La forme de
la narration, du récit, de la capture de l’image diffère, avec un contrat d’écoute spécifique. Le
sport et sa retransmission en direct a cette capacité à mêler les deux genres pour répondre à
des attentes variées des différents téléspectateurs. Un programme, plusieurs promesses, le
bénéfice du programme est séduisant et justifie les investissements considérables des
diffuseurs pour obtenir les droits de ces grands rendez-vous sportifs. La notion d’exclusivité
de diffusion, souvent de mise pour la négociation de ces droits, permet une attractivité
73 ANNEXE 3 : Dossier de presse France Télévisions, Tour de France 2011 et 2013
44
renforcée par un attribut premium. C’est une offre de spectacle audiovisuel que seule la
télévision peut se targuer de proposer.
La dramaturgie de l’objet est intrinsèque. Il a une capacité naturelle à produire de la fiction
au sens de « raconter une histoire ». La fiction est induite dans la proposition d’une narration
du réel, construite autour de ses héros, avec ses rebondissements, une tension et un enjeu. Le
direct sportif est une antinomie de fiction du réel. Une dramaturgie poussée à son paroxysme
avec une fin que personne ne peut anticiper. Le suspense est lattent, les acteurs eux-mêmes
écrivent le dénouement dans une tension permanente. Les exemples sont inépuisables. Si nous
revenons au Tour de France, les « contre la montre » en sont l’illustration probante. Lors de la
dernière étape du Tour de France 1989 (un contre la montre), c’est un duel au sommet qui
oppose Laurent Fignon contre Greg Lemon, dont le dénouement se fait en direct sur les
Champs Elysées. Au départ de l'étape le maillot jaune Laurent Fignon possède 50 secondes
d'avance sur le second, l'Américain Greg Lemond. La dernière ligne droite des Champs
Elysées restera gravée à jamais dans la mémoire collective, les deux héros seront en
opposition jusqu’à la fin au fil des temps de passage. Les commentateurs de télévision et les
réalisateurs retranscrivent cette montée de tension en égrenant les secondes, un Français est en
train de perdre le Tour France pour 8 secondes qui resteront ancrées dans les mémoires
comme les « Huit secondes pour l’éternité ». « Ce qui vient de se dérouler là, c’est d’une
dramaturgie extraordinaire74 » commentera Jacques Chancel en direct devant les images d’un
Laurent Fignon anéanti.
Il n’y pas plus grande intensité que le spectacle sportif, qu’on appelle « la glorieuse
intensité du sport ». Au-delà de la victoire, ce sont des récits de destinées, de dépassement de
soi et de l’extraordinaire de la performance. Le sport écrit la Grande Histoire avec ses
résultats, ses podiums, ses médailles. Mais aussi l’Histoire de notre société, de la
modernisation des pays, l’émancipation des peuples, à l’instar d’une équipe de football
improbable composée de 13 joueurs israéliens et de 13 joueurs palestiniens. Une « équipe
pour la paix » ayant participé à la Coupe internationale de football australien en 2008 et 2011.
Du côté de l’aspect documentaire, le direct sportif propose une source inépuisable
d’informations documentées avec une source d’images intarissable. Les compétitions
74 CHANCEL, Jacques, retransmission du Tour de France, direct du 23 juillet 1989 [disponible en ligne : http://www.ina.fr/video/I00010953]
45
sportives sont étroitement liées à des références historiques, culturelles et sociétales. De quoi
illustrer et enrichir dans le commentaire ou la réalisation la couverture du direct. Anecdotes,
contextes, records, toutes ces informations viennent illustrer la captation du direct pour
répondre aux différentes aspirations du téléspectateur, selon la nature de l’expérience qu’il
souhaite vivre. Dans notre grille d’analyse du Tour de France, nous pouvons constater que
cette complémentarité programme de direct/documentaire est très largement exploitée. A de
nombreuses reprises, pendant l’étape, l’écran se partage en deux fenêtres complémentaires au
niveau de la narration. A droite, le direct de la course, à gauche un contenu annexe
enrichissant l’image du direct. Ce partage d’écran est utilisé sur les trois années d’étude, avec
une montée en puissance de l’utilisation du procédé en 2013. Plusieurs thèmes du registre du
documentaire sont abordés : le retour historique de l’étape avec les grands moments sportifs
ou politiques ; l’entraînement du cycliste qui est à l’image du direct ; des informations
iconographiques en images sur l’étape, ses difficultés ; la présentation d’un monument ou
d’un site traversé par le peloton.
Le couple sport et télévision semble donc profiter à un média télévision en quête de
légitimité et d’appropriation de valeurs exclusives. En offrant un objet d’une télégénie
indiscutable, d’une dramaturgie native, représentant une source d’informations exploitées au
profit d’enrichissement de la narration, le direct sportif renforce l’intérêt du média télévision.
46
b. Panoptisation du spectacle
Le décryptage s’est massivement inscrit dans le paysage médiatique, dans une conception
de la recherche de la vérité : le décryptage psychologique des magazines féminins, le
décryptage politique des chaînes d’information, le décryptage des stratégies de
communication dans l’émission « Culture Pub » de M6…
Avec l’émergence de la téléréalité, le décryptage des émissions télévisuelles est entré
dans une nouvelle ère. La télévision avait alors un statut où le mystère était le fondement de la
relation émetteur-récepteur. Le public était fasciné par les coulisses du média qui lui étaient
cachées. Seuls les professionnels maîtrisaient une technologie de diffusion et de production de
l’image que le quidam ne pouvait appréhender. Tout était dissimulé : les caméras, les
réalisateurs, les dispositifs… Le voile était parfois levé sur les secrets de fabrication de la
télévision à coup de reportages extrêmement contrôlés dans la presse écrite. C’était alors un
privilège de pouvoir approcher l’envers du décor. Dans ce contexte, le paradigme du
décryptage se résume dans l’idée que tout est caché. Avec le format téléréalité, initié en
France en 2001 par l’émission « Loft Story », nous assistons pour la première fois à une
nouvelle promesse de tout voir, de tout comprendre, de tout expliquer. La promesse marketing
est construite sur le dispositif autour de 11 candidats enfermés dans un loft de 225 m2 : 26
caméras, 50 micros, un accès aux images 24h/24 sur un canal dédié du bouquet de télévision
payante TPS. Le programme est un premier pas vers la panoptisation du spectacle télévisuel,
une notion de dispositif de la surveillance de Michel Foucault75 : « Nous ne vivons pas dans
une société du spectacle mais dans une société de surveillance ». Il s’appuie sur le modèle
architectural d’une prison idéale, optimisant la surveillance, conçu par Jeremy Bentham, à la
fin du XVIIIème siècle, le modèle du panopticon. Transposé à la télévision, ce modèle met le
spectateur dans une posture de surveillance, où il peut tout voir sans jamais être vu.
Si nous revenons au modèle du dispositif sportif, les évolutions technologiques ont permis
de mettre les innovations au service d’un spectacle de plus en plus panoptique. Ces dispositifs
permettent de décrypter les actions et les performances, dans un discours d’expert revendiqué.
La palette graphique de Canal+ par exemple, dont la nouvelle version a été lancée en 2008
(Palette+), sert l’analyse technique des matchs retransmis par la chaîne. « Nous avions envie
d’apporter une innovation technique, un outil qui serait à la fois, exclusif, spectaculaire et
75 FOUCAULT, Michel, Surveiller et punir, op.cit
47
pédagogique », expliquait Cyril Linette76. Permettant de transformer des images réelles en 2D
en images de synthèse 3D, elle reconstruit des actions de jeu depuis des angles impossibles à
filmer, propose de revoir une frappe avec l’angle de vue du gardien de but ou le champ de
vision de l’arbitre. De quoi nourrir les conversations, d’alimenter les discussions et de
satisfaire tous les passionnés.
Palette+
En ce qui concerne le dispositif de caméras, tous les efforts sont concentrés sur
l’augmentation des points de vue et la proximité de l’expérience du public au plus près de
l’action. La couverture médiatique du Tour de France ne déroge pas à cette volonté de tout
montrer, de tout couvrir. On observe qu’entre 2006 et 2011, des efforts considérables ont été
faits en ce sens, même si le message déployé en 2006 par les relations presse insiste déjà sur
le « Tout voir, tout savoir ». En 2011, en plus de l’expert à moto qui vit la course en
immersion, un journaliste est désormais au cœur du village de départ pour recueillir les
dernières images à chaud des équipes. Les interviews des directeurs sportifs des équipes se
font directement dans les voitures, au cœur du peloton. Une loupe assure la couverture du
dernier kilomètre de course et des moyens techniques impressionnants sont mis en place,
matériel et moyens humains. 2011 marque le début d’un vrai déploiement de la couverture de
l’événement sur le web avec des propositions d’expériences complémentaires, permettant de
voir, revoir et décrypter. Pour exemple, un contrôle du direct (pause, retour en arrière, retour
au direct), les statistiques et classements en temps réel, des reportages et des interviews des
coureurs. Et 2013 met encore plus de technologies et d’innovation au service du spectacle de
la Grande Boucle et de la curiosité de ses adeptes. Les plans sont plus rythmés comme pour
signifier que tout est capté, au rythme frénétique de la course. Les gros plans sont plus
76 LINETTE, Cyril, Interview in « Canal+ réinvente la Palette », metronews.fr, [disponible en ligne : http://www.metronews.fr/fr/article/2008/02/15/00/1153-34/index.xml], publié le 15 février 2008
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49
B. Le référent imaginaire global technique
Nous avons abordé les éléments constituants de l’attractivité de l’objet médiatique « direct
sportif », en tant que mise en spectacle d’un spectacle portant naturellement des signes
distinctifs séduisants. Ces signes distinctifs représentent l’attribut d’une télévision qui a su
préserver sa singularité médiatique. Nous allons observer maintenant comment les dispositifs
techniques font culture dans un imaginaire global qui permettrait de contrer les médias
digitaux et autres nouveaux entrants menaçant le média télévision.
1. Une programmation qui se nourrit du direct
a. Une perception positive technique de la couverture télévisuelle
Pour un diffuseur, la mise en place d’une retransmission de direct sportif est un véritable
challenge. D’abord parce que la télégénie des disciplines est variable selon leur typologie.
Marc Nicolas77 a tenté de distinguer deux typologies principales pour déterminer les
dispositifs de capture. La première distingue les disciplines de stade des disciplines de
parcours dans une différenciation d’espace : l’enceinte fermée du terrain de jeu ou lieu de
compétition (rugby, football, judo, escrime…) et le parcours étendu des courses (cyclisme,
marathon…). La deuxième typologie prend en compte le critère temps. Elle différencie les
sports dont le temps est « libre », opposant les participants sur la base du temps réalisé sur un
parcours (les courses), et les sports qui imposent un temps déterminé pour la réalisation d’un
score, du plus grand nombre de points. Ces distinctions sont importantes à prendre en compte
dans la réalisation et la planification des programmes, modifiant les moyens techniques
(nombre de caméras, équipes mobiles, nombre de journalistes) et la structure de l’antenne
(flexibilité de la grille de programme dans le cadre des sports à temps libre). Chaque sport
doit donc faire l’objet d’une réflexion particulière. Le média doit avoir une aptitude à la
captation spécifique de l’image, à l’adaptation du dispositif et des moyens techniques pour
crédibiliser sa légitimité de média du direct, des grandes cérémonies. Il doit avérer sa position
d’expert pour résister à la concurrence des images disponibles sur Internet.
Le droit à l’erreur est inexistant, la qualité de la retransmission doit être à la hauteur du
spectacle et des attentes du public. Car le téléspectateur est exigeant. Les progrès
technologiques et l’environnement d’innovations des NTIC et des nouveaux supports 77 NICOLAS, Marc, « De la télégénie du sport », in: Quaderni. n° 4, Printemps 1988. Les mises en scène télévisuelles, pp. 89-93
50
médiatiques ont fait naître dans l’inconscient collectif, une prime à la qualité de l’image et du
son. Habitués à une ascension des promesses de dispositifs ambitieux, ils ne peuvent se
contenter d’un service minimum. C’est donc dans cette optique que les diffuseurs préparent, à
grand renfort de moyens et d’imagination, la mise en place des plans de réalisation et de
couverture des événements. Ces investissements font partie intégrante des discours de
communication, pour nourrir la perception positive du média par le grand public et garantir
les audiences. Ainsi, dans le dossier de presse du Tour de France 2011, une large place est
donnée au discours de valorisation des dispositifs techniques avec une page dédiée. En plus
de son message de panoptisation du spectacle, il insiste sur la capacité de la chaîne à innover.
Elle se positionne sur un champ d’expertise technologique au service de l’utilisateur et des
autres médias du monde entier, qu’elle revendique dans son dossier de presse : « Diffuseur
hôte du Tour de France, France Télévisions produit le signal international de l’épreuve en
haute définition et déploie, pour la couverture du Tour de France, un important dispositif
mobilisant les différents moyens techniques et de production du groupe78.».
En visionnant les images des étapes du Tour de France, on note des invariants qui font
culture dans l’univers de représentation technique de la production des événements sportifs.
Les systèmes de signes sous forme de synthés de textes sont récurrents d’année en année. Ils
véhiculent la valeur sociale de l’objet et la représentation du sport : la performance et la lutte
pour la victoire, l’opposition, la tension. Les conditions de production de ces signes sont liés à
la prouesse technologique de la mise en place, dans des cars régie, de système calculs en
temps réél : le nombre de kilomètres parcourus, infos maillot jaune, décompte du temps passé
depuis le départ, vitesse moyenne des coureurs, distance entre les différents groupes (tête de
la course, poursuivant, peloton). On retrouve cette pratique sur de nombreuses retransmissions
sportives, de toutes typologies, comme les matchs de sport d’équipe avec des statistiques sur
la possession de la balle, le nombre de tirs cadrés, le nombre de fautes… La technologie au
service de l’information et de l’expertise fait partie de la notion de contrat qui régit la relation
entre l’émetteur et le récepteur, de la promesse de ce qu’il va recevoir en regardant la
télévision.
78 ANNEXE 3
51
Exemple de synthé – Tour de France 2011
C’est bien sûr l’image qui porte la perception de la production technique de la télévision.
Sur ce point, il est indéniable que le contrat a changé au fil des années en ce qui concerne la
qualité de la retransmission. En 2006, les moyens techniques ne permettaient pas d’offrir une
qualité d’image et de son irréprochable dans les conditions de captation d’une épreuve comme
le Tour de France. Itinérant, en extérieur, sur des routes reculées et loin de toute installation
d’émission et de réception, les images pouvaient se brouiller, le son devenir inaudible,
pendant quelques secondes, notamment sur les épreuves de montagne. Personne ne s’en
offusquait alors, la performance technique du diffuseur étant pour l’époque bien admirable.
En 2011, on note encore quelques rares sauts d’images. Mais celles-ci sont passées en format
16/9è, envoyant un signe de modernité. En 2013, la réception est impeccable, l’image est
passée en HD, la télévision a su s’approprier les progrès technologiques à la faveur d’une
perception de média innovant. En revanche, France Télévisions a toujours été ambitieux sur le
dispositif de caméras, notamment avec des prises de vues d’hélicoptère, magnifiant la
découverte des merveilles du patrimoine culturel français et des paysages. En 2011, la chaîne
se targue d’utiliser 2 hélicoptères wescam HD, 2 avions relais et 2 hélicoptères relais, des
moyens ambitieux. Les plans se sont néanmoins étoffés dans leur diversité et leur
enchaînement, au cours des 3 années étudiées, témoignant de la réactivité du média à
exploiter des dispositifs innovants pour s’adapter au rythme d’une évolution sociale tournée
vers la rapidité, l’instantanéité d’accès à l’information et à la consommation d’objets
culturels.
Enfin, nous avons retrouvé comme signe récurrent, des aller-retour de plans
commentateurs en plateau et journalistes terrain au cœur des coulisses du Tour, signifiant la
complexité du dispositif de liaison entre Paris et les sites des étapes, la capacité technique
d’assurer un duplex et des liaisons à distance.
52
b. Une diversité des formats
Le direct représente un pari technologique de captation et de transmission du programme,
avec le déploiement de dispositifs impressionnants et ambitieux. Ce contenu médiatique
s’inscrit au cœur d’un dispositif global qu’il nourrit de ses images et de sa réalisation.
L’exploitation de la captation du direct va permettre à la marque chaîne une éditorialisation
cross-format qui va alimenter sa grille de marques programmes, optimisant son
investissement dans les droits de l’événement. Elle multiplie ainsi ses messages de promotion
et ses promesses de couverture exceptionnelle, répondant aux attentes du plus grand nombre.
Ces marques programmes contribuent également à installer le référent imaginaire global
technique en se positionnant comme le média ayant le plus d’aptitudes à s’engager dans des
conceptions de réalisation riches sur plusieurs formats. Le savoir-faire de production et de la
distribution de la culture par l’image, dans une offre démultipliée, devient le principal
argument du média pour capter son audience face à ses concurrents digitaux.
En reprenant note analyse du Tour de France pour vérifier notre hypothèse, nous pouvons
étudier l’ensemble des rendez-vous des chaînes de France Télévisions, France 2 et France 3,
en 2011 et 2013. Les propositions de dispositif éditorial sont assez similaires. Elles couvrent
des tranches horaires sur l’ensemble de la journée, de 13h à la troisième partie de soirée en
2011 et à 20h05 en 2013. La promesse est de ne rien rater avant, pendant et après les étapes,
signifiant une mobilisation de tous les moyens possibles au service de l’information du
public : Village Départ (quotidienne, émission en direct et en public) ; Le Direct ; L’Après
Tour (quotidien, magazine avec analyse et interviews à chaud, résumé de l’étape) ; Stade 2
(hebdomadaire, émission dont 4 éditions sont en direct du Tour) ; Le Film du Tour (quotidien,
magazine avec images fortes, analyses et classements) ; Tout le Sport (quotidienne, émission
avec retour sur l’étape et actualité sportive ; supprimée en 2013). Nous pouvons ajouter tous
les sujets des journaux de 13h et de 20h, nécessitant une réactivité de production et de
réalisation de sujets d’actualité. En 2013, le dispositif est enrichi pour fêter la 100ème édition,
avec La Belle Echappée (l’étape du jour de l’intérieur en suivant une équipe française) et
Histoires de bord de route (images d’archive qui racontent le Tour des spectateurs).
L’apothéose de ce Tour 2013 sera le jour de la dernière étape, où plus de 10 heures d’antenne
consécutives seront consacrées au dernier opus de la 100ème édition de la Grande Boucle.
C’est donc tout un écosystème qui gravite autour du direct et grâce au direct. En multipliant
ses émissions, le plus souvent elles-mêmes en direct et en public, avec des capacités de
53
rapidité de montage de sujets, de réactivité d’information dans ses magazines, la marque
chaîne donne la preuve de son expertise technique, de l’efficacité de ses dispositifs. Elle ancre
la télévision dans une position de média incontournable dans l’accès audiovisuel de
l’événement, contournant son obsolescence supposée.
2. Une technologie qui sublime l’événement par l’interactivité
Nous allons étudier dans cette partie comment les signes de la retransmission du direct du
Tour de France se sont transformés et font culture au service de la valorisation de la
modernité du média télévision, dans son interactivité et son interaction aux autres médias.
a. Evolution de l’exploitation de l’environnement digital à l’antenne
A travers la retransmission en direct des étapes menant à l’Alpe d’Huez, nous avons
constaté que le genre de l’objet était avéré comme spectacle télégénique par essence, gorgé de
représentations positives, tant au niveau de sa médiagénie qu’au niveau de son dispositif
technique. Sur ces critères, ce format confère au média télévision une identité propre, une
singularité que les productions Internet ne semblent pas pouvoir concurrencer. De plus, les
interactions rendues possibles par des nouveaux devices connectés à Internet ouvrent des
perspectives d’exploitation par les éditeurs au service des marques programmes de direct. Ces
interactions se développent également pour favoriser la participation du public.
En relevant les informations communiquées à l’antenne, par les synthés ou les
commentaires, nous pouvons voir l’évolution des moyens mis en œuvre dans la proposition
d’enrichissement du contenu et d’interactivité avec le spectateur. En 2006 déjà, France
Télévisions amorce une logique de complémentarité entre l’antenne et le web. Avec le
développement de son site france2.fr, elle propose des informations annexes sur le Tour,
essentiellement sous forme de texte (classements, parcours…). Des appels à contribution sont
également lancés à l’antenne, mais ces possibilités de participation sont encore offertes par le
téléphone portable et le téléphone fixe avec le message diffusé à l’antenne : « Envoyez vos
questions par SMS au 61303 (0,35€ + coût du SMS) ». Nous relevons ici encore le système
du partage d’écran de la télévision en deux, avec deux contenus différents, adopté sur les trois
années d’étude. Il est intéressant d’analyser cette forme d’intentionnalité de proposition de
plusieurs messages en même temps. La télévision aurait-elle anticipé les nouveaux usages
multi-écrans, une forme de multitasking adopté avant son explosion ?
54
Cinq ans après, le dispositif est nettement marqué par l’évolution de consommation des
écrans connectés. Les renvois vers le site Internet de France Télévisions sont plus fréquents et
ont une promesse plus étoffée : « Retrouvez le direct, les résumés et toutes les infos sur
sport.francetv.fr ». La vidéo se développe sur le site, proposant le direct en streaming et des
contenus variés (résumés, interviews..). L’exploitation de l’écran compagnon est amorcée :
« Retrouvez aussi le Tour en direct sur votre smartphone ou tablette grâce à notre nouvelle
application mobile. ». Cette politique de développement suit la progression du taux de
pénétration de ces équipements. Le marché du smartphone est en pleine croissance : de 1,8 à
11,5 millions d’unités vendues de 2008 à 201179. Concernant les tablettes, les observateurs
notent un potentiel d’équipement fulgurant avec, depuis le début de l'année 2011, 46 millions
de tablettes vendues dans le monde, selon GfK80 . Soit une croissance de 115% de ce marché,
dont on pensait alors qu’il atteindrait les 100 millions d'unités en 2012. Les modes de
participation classique sont toujours proposés et on assiste à l’utilisation d’appels à
participation plus fréquents, en partenariat avec des annonceurs : « Jouez avec Brandt pour
gagner un lave-linge Dose e en désignant le combatif du jour sur sport.francetv.fr, par tel au
3612/0,56€ par appel ». Les UGC font leur apparition avec des appels à contribution des
télénautes : « Envoyez vos photos et vidéos du Tour sur sport.francetv.fr ou par MMS au
64064 ». Un grand pas est franchi avec une utilisation de l’interactivité plus développée et une
conscience que l’interactivité peut nourrir et enrichir l’expérience du programme principal. La
perspective de monétiser ces nouveaux supports est bien comprise en associant les annonceurs
à ces dispositifs. L’interactivité et la connexion télévision/Internet devient un cercle vertueux
au service du média télévision. En 2013, la compréhension de ce nouvel écosystème est plus
maîtrisée.
Le Tour de France 2013 a été résolument placé sous le signe du digital, d’autant plus que la
célébration de la 100ème édition a permis une création pléthorique de contenus
complémentaires au direct. En partenariat avec l’INA, une source inépuisable d’images et de
rétrospectives était à disposition pour alimenter les différents supports et accroître
l’attractivité de l’offre éditoriale. Ce partenariat a donné lieu à la création d’un site
complémentaire, http://la-legende-du-tour.francetvsport.fr, également plateforme interactive
avec test de connaissance et mise en ligne des vidéos des courses auxquelles les internautes
avaient assistés. Pour revenir aux signes faisant culture, l’audiotel et envois de MMS ont
79 Etude GFK/Consumer Choices, août 2012 80 Etude Médiamétrie-GfK, 3 novembre 2011
55
totalement disparu, tous les appels à contribution ou jeux, jeux-concours étant hébergés sur
les plateformes digitales. Le hashtag #francetvsport est utilisé à l’antenne pour appeler les
téléspectateurs à « live tweeter » le direct avec une promesse de sélection diffusée lors de la
retransmission. Les synthés et les commentateurs rappellent l’adresse du site. Une autre
grande nouveauté, qui fait d’ailleurs l’objet d’auto-promotion en direct, est la mise en place
de la fonction « multicam ». Cette fonctionnalité que nous avons déjà évoquée, permettait de
suivre la course sous différents angles de caméra, activées par l’internaute : la caméra du
direct antenne, 2 caméras placées sur des motos, et 2 caméras placées sur des hélicoptères.
L’interface permettait également la fonctionnalité « Instant share » pour partager des vidéos
courtes des étapes. La technologie est véhiculée par les différentes nouveautés digitales
d’accompagnement du direct comme vecteur de crédibilité des dispositifs techniques
proposés.
En huit ans, les signes envoyés au récepteur du spectacle se sont transformés pour faire
culture au service de la modernité pour le média et pour l’événement. Nous allons voir que les
discours d’appropriation du diffuseur ont été l’axe principal de communication autour de la
programmation du Tour de France 2013. Nous pouvons néanmoins noter que l’exploitation du
discours de l’interactivité à l’antenne est minimaliste par rapport aux ressources d’inter-
connexions antenne, web et écrans compagnons mises en place. La page Facebook de France
Télévisions n’a jamais été citée à l’antenne. Elle aurait pourtant permis de créer des
mécaniques en interaction avec le direct et favorisé l’engagement des téléspectateurs,
internautes, mobinautes et tablonautes à la marque chaîne. Au visionnage de l’étape Gap-
l’Alpe d’Huez, aucun tweet de spectateur n’a été inscrit à l’antenne, pas plus que lu par le
commentateur. Les UGC sont restés du domaine du site internet et de l’émission L’Après
Tour, mais de façon timide alors que certaines vidéos auraient pu mieux alimenter les
magazines ou émissions de l’antenne, à l’instar d’un zapping du web, contenu régulièrement
éditorialisé dans d’autres genres télévisuels. Il semblerait que le direct sportif garde une
certaine frilosité à consacrer une partie de l’antenne à des signes représentatifs des nouveaux
usages, hors messages de renvoi sur les différentes plateformes. Ce que les autres formes de
direct n’hésitent pas à assumer comme les concours de téléréalité (The Voice, Nouvelle
Star…). L’antenne resterait-elle alors, sur le genre télévisuel du direct sportif, territoire de
discours des experts du média au risque de perdre une crédibilité nécessaire d’innovation et de
modernité ?
56
b. Discours et appropriation des dispositifs interactifs
Nous analyseront particulièrement les années 2011 et 2013, les dispositifs interactifs étant
encore peu développés en 2006. Nous nous tournons plus particulièrement dans notre
approche vers les discours communicationnels de France Télévisions, revendiquant sa
proposition d’expérience enrichie par le digital.
Si nous avons constaté que le discours lié aux nouveaux usages à l’antenne, lors de la
retransmission du Tour de France, était assez timide, il est au cœur des discours des supports
de communication et les interviews des protagonistes de France Télévisions. Cette démarche
accompagne l’ancrage d’un référent imaginaire global de maîtrise d’une technique toujours
plus pointue et innovante. En 2011, l’accent est mis sur le déploiement de contenus sur le
web. Outre la richesse des contenus disposés, les signes technologiques sont nombreux avec
la diffusion de toutes les étapes en HD, une fonctionnalité de contrôle du direct et des vidéos à
la demande. L’interactivité est développée et fait l’objet d’arguments du dossier de presse,
une nouvelle plateforme de contributions est créée pour poster des photos et vidéos du Tour,
et une promesse « d’interaction forte sur les médias sociaux, Facebook et Twitter »81.
Deux ans plus tard les pratiques second écran et réseaux sociaux font partie d’une
révolution sociologique de consommation. Le Tour de France 2013 s’adapte à son
environnement et le diffuseur a bien compris l’attractivité de l’innovation et de la technologie
attendue par les usagers. Si le Directeur des Sports, Daniel Bilalian souhaite82 : « rendre le
Tour encore plus spectaculaire et mieux mettre en valeur le tour de la France car certains, au-
delà du vélo, viennent regarder leur pays pendant trois semaines. », la promotion de
l’événement passe par une proposition digitale extrêmement riche : « La 100ème du Tour de
France : une expérience sport 100% enrichie sur francetv sport83 ».
81 ANNEXE 3 82 REITZAUM, Hélène « Bilalian: Rendre le Tour de France plus spectaculaire », lefigaro.fr, [disponible en ligne : http://www.lefigaro.fr/medias/2013/01/11/20004-20130111ARTFIG00680-daniel-bilalian-invite-du-buzz-media-orange-le-figaro.php], publié le 11 janvier 2013, consulté le 29 août 2013 83 REDACTION, « La 100ème du Tour de France : une expérience sport 100% enrichie sur francetv.sport », francetv.fr, [disponible en ligne http://plateautele.francetv.fr/2013/06/26/la-100eme-du-tour-de-france/], publié le 26 juin 2013, consulté le 29 août 2013
57
Et la panoplie des développements multimédias est impressionnante, prenant en compte
tous les devices émergeants avec :
- Le site francetvsport et sa fonctionnalité multicam et partage de vidéos ; un accès à un
tableau de bord permettant de consulter toutes les données de la course en temps réel ; des
quiz, des pronostics et des sondages,
- L’utilisation des réseaux sociaux pour suivre et partager sur Facebook (page officielle
France Télévisions Sports), Instagram (compte dédié) et Twitter (#francetvsport) les grands
moments de la course avec les présentateurs et consultants ; petite sélection affichée pendant
l’émission L’Après Tour ; une équipe éditoriale dédiée pour alimenter les comptes,
- Une application mobile (IOS et Android) pour suivre le direct de l’antenne, consulter les
classements et toute la couverture de la rédaction,
- Une application smart TV HbbTV (accessible directement via la télécommande), pour la
première fois, apportant aux téléspectateurs une expérience enrichie avant, pendant et après
l’étape ; la course en direct : enrichissement du live (écarts en temps réel entre les coureurs,
classement virtuel instantané, profil de l’étape, le fil de tweets) ; vidéos liées à l’étape en
cours et aux précédentes (présentation de l’étape, replay des émissions et des moments forts
de l’étape) ; archives vidéo ; classements,
- Le site participatif consacré à la légende du Tour,
- Le site francetveducation.fr, pour les plus jeunes avec un jeu interactif destiné aux 8 à 14
ans, permettant de découvrir les règles du cyclisme et du Tour de France.
A n’en pas douter, la volonté de se positionner comme expert du digital maîtrisant toutes
les nouvelles technologies est affichée. Et ce message est diffusé dans des supports grand
public comme une bande-annonce régulièrement passée à l’antenne pendant toute la période
du Tour de France et hébergée sur le site84, ainsi que des bannières publicitaires digitales.
Pour mettre en exergue le succès de sa proposition enrichie, France Télévision va même
jusqu’à remercier son public sur Twitter : « #TDF 2013 : 3 M de visites sur le dispositif inédit
de @francetvsport autour du live (direct,multicam, second écran ) #Merci ».
84 Bande annonce consultable : http://www.francetvsport.fr/dispositif-numerique-tdf-france-televisions-161089
58
Il nous paraît intéressant de noter ici l’apport de l’interactivité à un programme de direct.
En étudiant les audiences réalisées sur ces deux éditions de l’ère du digital, l’écosystème mis
en place par France Télévisions et l’intégration de modèles techniques innovants, ont plutôt
bénéficié à l’écran principal. Le média a favorisé l’engagement des téléspectateurs à sa
marque, viralisé les objets médiatiques sur des plateformes de partage et maximisé l’accès à
l’information. En 2011, les différentes épreuves du Tour de France ont permis à France 2 de
réunir en moyenne 4,3 millions de téléspectateurs85 (contre 3,6 millions en 2010 et 3,8
millions en 2009). En 2013, la moyenne a été de 3,9 millions.
Cette analyse nous a permis de décrypter le genre du direct à travers la notion de référent
imaginaire global, dans une dimension de spectacle et une dimension technique. Cette analyse
du genre du direct - par le prisme de la retransmission d’un événement sportif - nous permet
d’envisager qu’il pourrait représenter un élément de construction d’identité propre au média
télévision. La médiagénie de ses récits, mêlant fiction et documentaire, et les dispositifs
techniques innovants et ambitieux que le direct mobilise, nous permettent de croire qu’il
représente un élément différenciant dans sa perception et son usage.
Après avoir cherché à situer la télévision dans ses étapes d’évolution pour en envisager la
suite, et analysé un genre qui pourrait être constitutif de son identité médiatique, nous allons
tenter de la placer dans son contexte d’innovation, sur des échelles distinctes. Tout d’abord,
en étudiant la chaîne de valeur des différents objets audiovisuels et les nouveaux contrats
d’écoute des flux délinéarisés. Ensuite, en orientant nos observations vers le changement de
matérialité du média conduit par les nouvelles technologies.
85 Source : Médiamétrie
59
III – IMPACTS DE L’INNOVATION SUR LE MEDIA
TELEVISION : VERS UNE REMEDIATION
Cette troisième hypothèse analyse le média au prisme de sa place dans son
environnement multi-écrans. L’émergence des nouveaux écrans d’accès à l’image -
l’ordinateur (souvent portable), le smartphone et la tablette - menacerait-t-elle l’existence du
poste de télévision dans le foyer ? Dans un premier temps, nous étudierons la place du poste
de télévision dans les modes de consommation des différents genres télévisuels, ainsi que les
interconnexions entre le média et les autres écrans. En quoi cela modifie-t-il l’attachement à
l’objet télévision ? Comment les éditeurs utilisent cet écosystème pour renvoyer vers le poste
de télévision, qui est toujours la clé de la monétisation des contenus par l’audience ?
Nous verrons ensuite comment l’innovation transforme l’objet en lui-même. Dans un
contexte d’accélérations fonctionnelles de nouvelles technologies, il a su s’adapter pour rester
le média de masse privilégié d’un foyer. Il sera alors intéressant d’observer les
métamorphoses de l’objet et les attentes des consommateurs quant aux perspectives des
nouvelles technologies. Du téléviseur à la smart TV, les suspicions de disparition de l’objet au
profit d’autres usages ont régulièrement été exprimées, pourtant dans un contexte où la durée
d’écoute ne cesse de progresser. Mais le cheminement vers une remédiation de la télévision
paraît offrir une vision plus optimiste de nouvelle forme médiatique.
60
A. Quand le poste de télévision perd son monopole audiovisuel
Jamais questionné auparavant dans sa légitimité de vecteur d’accès à la culture par l’image
et le son, le téléviseur est désormais challengé par les nouveaux médias. Sa situation de
monopole prend fin, d’autres écrans se sont installés dans les foyers. Les comportements
sociaux ont évolué, les récepteurs adoptent d’autres émetteurs d’objets communicationnels
générés par l’innovation.
1. La modification de la chaîne de valeur
a. Le positionnement de la télévision et des nouveaux médias
La théorie de la chaîne de valeur a été introduite par Michael Porter86 en 1986, pour
analyser le positionnement des entreprises dans leur univers concurrentiel. Il est intéressant de
l’appliquer à la télévision et d’observer que son modèle économique, en tant qu’industrie
culturelle, a vu sa chaîne de valeur complexifiée. L’émergence d’Internet, des médias
interactifs, et des consommations nomades a impacté l’audiovisuel et sa représentation. En
effet, le contenu consommé peut paraître souvent moins crucial que la relation que le média
permet de créer avec son utilisateur.
La position dominante du média familial du XXème siècle a été bouleversée dans son
monopole de production de contenus et de créateur de messages culturels livrés à domicile.
Avec l’interactivité, le modèle relationnel entre le média et son utilisateur s’est transformé,
permettant la production par tout individu d’objets médiatiques. Dès lors, les représentations
de ce qui n’était pas interactif ont été placées dans le domaine du désuet, du démodé et du
dépassé. Pendant une courte période, la télévision a perdu de sa superbe avant de se
repositionner dans son contexte d’interactivité attractive.
Car même si le média télévision a toujours créé du lien social, en favorisant la conversation
après le visionnage d’un programme, les possibilités d’interagir avec ce qui était proposé ont
longtemps été inexistantes. Elles ont commencé à se développer par le biais du téléphone et
des SMS. L’arrivée sur le marché des réseaux sociaux et de leur accès depuis des écrans
nomades, a très récemment permis de développer un modèle conversationnel répondant aux
nouvelles aspirations sociales d’interconnexion Ce nouveau modèle de congruence entre
86 PORTER, Michel, L’avantage concurrentiel, Paris, Dunod, 2003
61
télévision et médias sociaux tend à bénéficier à la chaîne de valeur de l’audiovisuel, y ajoutant
une fonction sociale plébiscitée par les utilisateurs. Dans son offre d’expérience, la
valorisation de la social TV devient un argument majeur, différenciant.
En ce qui concerne la promesse majeure de qualité éditoriale et de contenus, la valeur du
programme reste un élément clé de l’écosystème. L’expertise historique dans la production de
programme est toujours l’argument principal, face aux productions plus amatrices d’Internet.
Néanmoins, les accès à des contenus illégaux rendus possibles par Internet, perturbent la
chaîne de valeur de la télévision qui tente de réagir par la réalisation de productions propres,
lancées à l’antenne à grand coup de campagnes de communication. Citons pour exemple les
Créations Originales de Canal+.
Au regard des nouvelles stratégies de l’industrie audiovisuelle, on s’aperçoit également que
la chaîne de valeur inclut une complémentarité et une logique de lien additionnel entre la
télévision et les médias digitaux au sein ce nouvel écosystème. Cette logique s’applique aux
contenus et aux usages comme nous l’explique Fabienne Fourquet87, Directrice des nouveaux
contenus du groupe Canal+ :
« Nous on pense que plus on donne de contenus, plus on les rend accessibles au plus grand nombre, plus on les met là où sont les gens (c’est la politique du player exportable où on peut exporter son player sur Facebook, sur son blog…), plus les gens regardent nos programmes et en parlent. Ces programmes-là sont monétisés par la pub, donc qu’ils soient sur le web ou sur la télé, ils rapportent de l’argent. Ensuite plus on buzze autour de Canal+, autour des programmes, plus à terme les audiences de la chaîne sont aussi en croissance. »
Dans ce sens, la confrontation entre des médias Internet et la télévision est positivée,
replaçant le paradigme d’interconnexion dans une vision vertueuse de l’exploitation des
supports digitaux au service de la valorisation d’une marque programme. Le web devient
alors un outil de promotion de l’antenne plutôt qu’un danger de cannibalisation : « Si on parle
de Canalplus.fr ou D8 / D17, l’idée c’est de se dire qu’on va faire essentiellement du soutien
de l’antenne88 ». Les réseaux sociaux sont devenus les outils de communication moderne,
dans une logique de consommation second écran avec une résonnance de masse par la
puissance du volume de leurs utilisateurs89 : « Un nombre de tweets, un nombre de post
87 ANNEXE 4 : FOURQUET, Fabienne, « Entretien semi directif », 2 août 2013, Boulogne-Billancourt 88 ANNEXE 4 : FOURQUET, Fabienne 89 Source Nielsen, 13 juillet 2012 : 26 millions d’utilisateurs actifs en France pour Facebook / Source Comscore, 1er janvier 2013 : 5,6 millions de visiteurs uniques en France
62
Facebook, ça correspond à un nombre de conversations à la machine à café, ça correspond on
espère à la communication moderne. […] Et maintenant plus tu as de gens qui parlent de tes
émissions, plus en général tu peux te dire que ça va se corréler avec l’expérience télé et la
notoriété de la marque programme90. ».
Nous pouvons distinguer deux grandes typologies de valeur crée par Internet et ses médias
d’accès : son fort potentiel d’audience et sa capacité à créer du lien social. Il semblerait que la
télévision a trouvé les solutions pour tirer profit de ces valeurs par l’intermédiation qu’elle a
créé avec cet environnement digital.
b. Une nouvelle proposition d’usage transmédiatique Dans cette nouvelle chaîne de valeur, le média télévision a su s’approprier d’autres formes
de communication au service de son antenne. Loin de se restreindre à ces opportunités
promotionnelles, le média a également réinventé des formes d’objets médiatiques circulant
sur tous les supports de diffusion. De nouveaux genres de production sont nés de
l’environnement digital du média et des nouveaux usages. A l’instar du cinéma, la télévision
s’est projetée dans une vision multi-écran avec des productions transmédiatiques autour de ses
programmes d’antenne, créant un nouveau maillon de sa chaîne de valeur. Le transmédia
représente une nouvelle forme de narration et d’écriture, impliquant l’utilisateur dans des
actions influençant le récit, souvent sous forme de gamification. La création transmédiatique,
proposant un storytelling spécifique, est déployée sur tous les supports en interconnexion,
chaque support influençant les contenus sur les autres. Henry Jenkins91 en a proposé une
définition : « Un processus dans lequel les éléments d’une fiction sont dispersés sur diverses
plateformes médiatiques dans le but de créer une expérience de divertissement coordonnée et
unifiée. » Elle mobilise le contenu de la télévision, les outils applicatifs, des sites web, les
comptes officiels des réseaux sociaux. C’est l’application vertueuse de l’exploitation du
nouvel écosystème audiovisuel, créant une relation d’engagement et une fonction
ambassadrice du récepteur des messages. La porosité d’Internet et des nouveaux médias
devient alors un attribut de perception positive du média télévision. L’impact de l’innovation
90 ANNEXE 4 : FOURQUET, Fabienne 91 JENKINS, Henry, Convergence Culture, Where old and new media collide, New-York, New-York UniversityPress, 2006
63
n’est plus ici constitutif d’une menace pour une « vieille dame » qui pouvait paraître en
déclin.
Si les genres médiatiques transmédias sont encore cantonnés le plus souvent à la fiction et
au documentaire, la culture de production transmédia touche toutes les formes d’offre
télévisuelle (gratuites ou payantes, thématiques ou généralistes). Ainsi, France Télévisions
s’est largement investi depuis la rentrée 2011 dans les nouvelles écritures et a créé le TV Lab
de France 4. Au sein de la Direction Recherche et Développement des programmes, la
structure lance des appels à projet de programme de flux, qui ont pour objectif de stimuler la
création interactive. Le concept intègre la participation du public dans le processus de
sélection des projets, incluant ainsi la notion d’activité du public de la chaîne. Pour Boris
Razon92, responsable du pôle nouvelles écritures chez France Télévisions, les projets doivent
répondre à un objectif précis : « Le seul dénominateur commun, c'est le changement de rôle
du téléspectateur. De sujet passif, il devient un sujet actif. ». Canal+ a choisi de développer
une stratégie transmédia plutôt sous forme d’ARG (Alternate Reality Game), autour du
lancement de ses Créations Originales, pour offrir une expérience enrichie aux fans d’un
programme ou attirer une nouvelle cible dans un univers fictionnel.
ARG Engrenages – Canal+ - Août 2012
Du côté des chaînes thématiques, les expériences transmédias se multiplient à l’instar de
« Defiance » sur SyFy ou « The Walking Dead » de NT1. Quant à Arte, sa politique de
développement de narrations transmédias fait partie intégrante de son ADN. « The Spiral »,
« Real Humans » sont les deux dernières séries du genre proposées par la chaîne. Mais elle se
92 HANSEN-LOVE, Igor, « Transmédia : le PAF se déchaîne », lexpress.fr, [disponible en ligne : http://www.lexpress.fr/actualite/medias/transmedia-le-paf-se-dechaine_1225134.html], publié le 1er mars 2013, consulté le 16 août 2013
64
différencie des autres éditeurs en développant le transmédia « web only » avec des webdocs.
Nous pouvons ici émettre l’idée que l’écran de télévision n’est plus au centre des dispositifs
de créations audiovisuelles chez les éditeurs de télévision eux-mêmes, signifiant les
transformations en cours.
Dans l’usage, nous observons pourtant que ce nouvel objet médiatique reste encore
l’apanage d’une faible partie des utilisateurs de télévision, quelque soit leur profil
générationnel : « Ce sont des expériences qui au global ne touchent pas énormément de gens,
quelques dizaine de milliers de personnes participent. […] Il y a entre15 000 et peut-être 50
000 personnes qui participent, en revanche ce sont des gens qui participent sur toute la durée
et qui du coup en parlent beaucoup93. ». En questionnant des consommateurs de la télévision,
de différents profils, leur réponse vient appuyer ce constat. Pour Tiffany94, étudiante de 23
ans : « L’expérience transmédia ne m’intéresse pas plus que ça, car j’aime que le réalisateur
m’indique là où je dois aller et m’arrête là où je dois m’arrêter ». Cécile95, femme active de 43
ans avoue : « Je ne sais même pas ce que cela représente. Tout ce que vous me dites c’est du
chariabia pour moi, je n’y connais rien ». Enfin Christophe96, cadre de 43 ans, a tenté une
expérience : « Je suis allé sur le site des Revenants en me connectant avec Facebook Connect.
C’était plein de surprises, plutôt sympa. Après non, je ne suis ni gamer ni assez fan d’un
programme. »
La télévision paraît alors prescriptrice de nouveaux usages, anticipant les évolutions
sociales plutôt que de les subir. Mais la synergie entre les propositions de nouvelles formes
médiatiques et les usages est complexe : « L’ARG c’est quand même un concept compliqué
donc c’est très ciblé, en revanche c’est une cible très enthousiaste et très ambassadrice97 ».
Dans la réalité, les dispositifs efficaces sont difficiles à construire : « Ce sont des expériences
qui sont assez complexes à mettre en place, parce que création de beaucoup de contenus,
travail avec des agences un peu spécialisées dans les jeux98 […] ».
93 ANNEXE 4 : FOURQUET, Fabienne 94 ANNEXE 6 : WELTMAN, Tiffany, « Entretien semi directif », 1er août 2013, Issy Les Moulineaux 95 ANNEXE 7 : DENIS, Cécile, « Entretien semi directif », 22 août, Lamballe 96 ANNEXE 8 : KUKAWKA, Christophe, « Entretien semi directif », 17 août, Colombes 97 ANNEXE 4 : FOURQUET, Fabienne 98 ANNEXE 4 : FOURQUET, Fabienne
65
2. La délinéarisation : un nouveau contrat d’écoute, une nouvelle posture des usagers
a. La délinarisation : le fantasme de la liberté Lors de son université d’été, le 17 juin 2013, le SNPTV (Syndicat Nationale de la Publicité
Télévisée) a présenté une étude Harris Interactive et une étude CSA pour tenter de décrypter
le contrat d’écoute des supports audiovisuels. Nous constatons que les contrats d’écoute
diffèrent selon les médias : chaînes de télévision, sites de replay, plateformes de partage de
vidéos. Concernant la valorisation des espaces publicitaires, la conclusion du CSA99 est
favorable aux marques chaînes. Les annonceurs accordent toujours plus de confiance aux
marques médias télévisuelles et à leur service de catch-up qu’aux marques médias de pure
players. Du côté des usagers, le contrat d’écoute de la télévision intègre la diffusion de
publicité.
Mais ce terrain d’étude nous intéresse particulièrement dans l’observation des aspirations
signifiées des consommations et des imaginaires associés. Selon l'étude Harris Interactive100,
les programmes de flux proposent un contrat d’écoute de détente, de découverte et
d’apprentissage. Le téléspectateur est alors dans une posture d’usage en réception : « […] je
zappe jusqu’à ce que je trouve un programme qui m’intéresse. […] En général, ce sont des
films ou des reportages. Pour moi, ce que je recherche, c’est de découvrir des choses,
l’ouverture sur l’inconnu, l’inaccessible à un moment T » (Tiffany, 23 ans). « La télévision
me permet de me détendre, je me fais plaisir devant une série qui me plaît, un documentaire
peut me fait voyager ou découvrir un univers que je ne connais pas. » (Cécile, 43 ans). « C’est
le moment où je n’ai plus rien à faire, en tout cas plus rien envie de faire. Je choisis la
passivité et me laisse porter par ce que je regarde. » (Christophe, 45 ans).
Dans le cadre d’une consommation d’offre payante, le flux est lié, dans un contexte de sur-
offre, à un retour à la facilité dans une exigence de qualité de contenus, comme l’explique
Céline Pontygayot101, responsable des études chaînes thématiques du groupe Canal+ :
« Aujourd’hui on est dans une crise de sens, dans une crise économique et dans une crise d’identité. Les gens aujourd’hui n’ont plus beaucoup de temps. S’ils ont pris une télévision payante, ils vont faire un
99 Etude n° 1201355, CSA/SNPTV, Juin 2013 100 Etude Contrats d’écoute, flux TV, catch-up, plateformes de partage de vidéos, Juin 2013 101 ANNEXE 5 : PONTYGAYOT Céline, « Entretien semi directif », 7 août 2013, Boulogne-Billancourt
66
arbitrage et donc ils surinvestissent à fond le moment qu’ils vont prendre en télévision. J’ai payé, j’ai fait la concession de considérer cette télévision payante comme un loisir, il faut qu’elle répondre à 12 000% à mes attentes et si j’ai pris le temps de me mettre devant la télévision, en tant que flux, il ne faut pas que ce soit déceptif ».
La délinéarisation de contenus des chaînes de télévision, proposée par Internet (sur
l’ordinateur ou la télévision via l’IPTV ou la smart TV), répond à un autre contrat d’écoute
simple et clair, avec une dimension servicielle forte. Ce mode de consommation de
programme nourrit l’aspiration sociale d’être acteur, la posture du spect’acteur qui prend en
main sa programmation dans un fantasme de totale liberté des choix de temporalité et de
contenus. « […] on a de plus en plus envie d’être acteur. Et cette notion d’être acteur passe
énormément par la délinarisation. […] Si je veux, je peux voir tout ce que je veux quand je
veux. Je n’ai aucune contrainte. […] Si j’ai envie de m’arrêter en plein milieu, je m’arrête en
plein milieu102. ». Ainsi la relation médiatique entre l’émetteur et le récepteur s’adapte à un
contexte social du XXIème siècle : un manque de temps disponible, une sur-offre de produits
de consommation qui nécessite une rationalisation des choix de produits culturels, une
exigence portée par un contexte économique qui pousse à l’exigence. La tendance de
l’émancipation est valorisée par Internet. Les individus se sentent libérés du dictat des
fournisseurs de biens culturels en accédant à des moteurs de recherche qui jouent le rôle de
facilitateurs de prise de décision (sur des critères de prix, de géolocalisation, de
thématiques…). La délinéarisation remplit ce statut social du consommateur émancipé,
devenant son propre directeur des programmes : « Le système de replay ou la formule à la
demande me permettent mieux d’adapter la programmation horaire à mes besoins » (Cécile,
43 ans).
La délinéarisation permet également d’assouvir des passions boulimiques pour un genre
d’objet particulier. Ce sont d’ailleurs le cinéma et la série qui sont les formats les plus propres
à la pratique délinéarisée : « En revanche si tu veux vraiment quelque chose de pointu qui
réponde à une envie propre, genre ce soir j’ai envie de voir trois films de Kung Fu, là ils vont
aller chercher sur Ciné+ à la demande. […] Si j’ai envie de regarder 5 films et de l’étaler sur
un week-end, je le fais, si j’ai envie de me faire un marathon, je me fais un marathon sur une
série103. »
102 ANNEXE 5 : PONTYGAYOT Céline 103 ANNEXE 5 : PONTYGAYOT Céline
67
La consommation de flux et la consommation délinéarisée répondent donc chacune à des
postures différentes et se révèlent être complémentaires dans leur réponse à la tendance des
besoins sociaux d’accès aux objets audiovisuels : « Sur Canal on voit que la consommation
flux et la consommation délinéaire ne se cannibalisent pas. Il y en a pour tout le monde. […]
sur Ciné+ à la demande, tu as […] des films qui ne sont achetés que pour la délinéarisation.
Là on est dans la vraie complémentarité entre le flux et la délinéarisation qui ne sont pas
antinomiques.104. ».
La perte du monopole de la télévision dans la proposition de ces objets ne paraît pas pour
le moment menacer la consommation des formats qu’elle produit. Toujours d’après l’étude
Harris Interactive, 48% des interviewés avaient déclaré utiliser très ou assez souvent la catch-
up, contre 97% la télévision. Pour les pure players, le taux est de 38% avec un contrat
d’écoute bien distinct. L’émetteur Internet est perçu comme un fournisseur de contenus dans
le cadre d’une posture de « flânerie ». Ils sont consommés dans un temps court avec une
recherche d’émotion relevant du décalage, de la légèreté (notamment par des contenus
musique et humour), principalement su Youtube.
b. Une tendance de consommation plus individuelle Nous avons observé dans notre étude que la télévision cérémonielle105 favorisait une
écoute conjointe, une fonction sociale au sein d’un foyer, par le partage de de moments
privlégiés en famille ou entre amis. Le flux télévisuel propose la célébration d’un rendez-vous
avec une capacité fédératrice et collective. Les déclarations des différents entretiens réalisés
semblent corroborer cette théorie : « On regarde les matchs de foot avec les copains, on est
fans du PSG ! Et après des films en famille. Pour moi la télé, c’est une activité conviviale.
J’aime bien que ce soit une occasion de se retrouver, de partager un moment avec mes
proches, soirée télé, plateau télé et on refait le monde après… » (Tiffany, 23 ans). « Oui en
général c’est en famille pour partager un film ou un programme divertissant […] La télévision
nous permet de maintenir le lien entre les générations. […] On partage des bons moments en
famille […]. Ce sont des moments privilégiés et sympas » (Cécile, 43 ans). « Ce sont souvent
les gros prime de divertissement et c’est le rendez-vous familial. C’est un moment privilégié
104 ANNEXE 5 : PONTYGAYOT Céline 105 DAYAN, Daniel, KATZ, Elihu, La télévision cérémonielle. Anthropologie et histoire en direct, op. cit.
68
où on se colle tous les quatre pour partager le programme […]. Après ça peut être le dimanche
après-midi, devant un film. Et aussi les grands rendez-vous sportifs, c’est sacré et ça se
partage tous ensemble. » (Christophe, 45 ans).
La tendance diffère légèrement pour la consommation de programmes délinéarisés.
Satisfaisant des envies d’assouvir une passion de genre ou de thème, les choix se font de
façon plus personnelle, dans des moments privilégiés hédonistes et plus égoïstes. Cette
transformation d’usage est une tendance des nouvelles formes d’appropriation de l’objet
médiatique. La nature des objets consommés en délinéarisé est également moins propice à un
partage d’expérience simultanée, dans la posture de concentration du spectateur qu’elle
induit : « Tu as une notion cinéphilique/sériephilique, c’est à dire que tu manges ta série dans
son intégralité ou en deux temps, tu vas être absorbé comme tu vas être absorbé dans une
histoire106. ». Le contrat d’écoute intègre l’expérience d’un moment à soi, d’un moment
privilégié.
Cette consommation plus individualisée implique une mutation de l’écosystème de
l’industrie télévisuelle. La consommation de programmes de flux et de programmes
délinéarisés ne sont pas antinomiques mais leur monétisation doit prendre en compte la
singularité des profils de leurs usagers. Si le monopole de l’écran semble être perdu, le
monopole du contenu premium est toujours entre les mains des éditeurs. Les revenus
publicitaires générés par une double exposition des programmes, sur des cibles très qualifiées,
ont tendance à garantir leur rôle de prescripteur de biens culturels en favorisant les
investissements dans la création.
106 ANNEXE 5 : PONTYGAYOT Céline
69
B. La télévision comme objet, matérialité et remédiation
Si avons considéré que le message est un élément constitutif du média télévision (nous en
avons parcouru les problématiques de contenus) dans une perspective sociologique, l’histoire
de sa matérialité est une clé de ses enjeux de légitimité. Son contexte d’innovations
technologiques a toujours déterminé les fonctionnalités du média dans un objectif de réponse
aux aspirations de valorisation de l’individu au sein d’une société du paraître. Son rôle de
vecteur d’accès à la culture et à l’information en est également dépendant face à une
abondance d’offres d’accès instantané à des contenus Internet.
1. Matérialité et culture des usages
a. Impact des innovations de l’objet sur la culture médiatique
Revenons un peu en arrière pour traverser l’histoire du poste de télévision, ses
transformations et les impacts sur la consommation. Soixante-dix ans séparent les téléviseurs
mécaniques des années 30 à la première forme de smart TV lancée par Thomson en 2000.
Soixante-dix ans de recherches et d’innovations pour faire évoluer un média de masse ancré
dans le quotidien des individus. Le petit écran n’a eu de cesse de se transformer pour tenter de
s’imposer comme référent d’une société de loisirs et de divertissement. Ces transformations
ont régulièrement bouleversé les usages et les liens sociaux. Nous n’en ferons pas liste
exhaustive mais retiendrons celles qui ont fait sens dans les comportements collectifs d’usage.
La nature des innovations, lancées à coup d’acronymes, ont rempli plusieurs fonctions
d’optimisation de qualité audiovisuelle. Tout d’abord, la qualité de l’image, essence même du
média. La première grande révolution passe par la réception d’images en couleurs en 1967
avec le procédé SECAM (Séquentiel Couleur A Mémoire). De la très basse définition
exprimée en nombres de lignes à l’Ultra Haute Définition, avec la technologie 4K, et sa
course aux pixels, les promesses d’une qualité d’image au plus proche du réel sont au cœur
des discours des constructeurs. Nous retenons aussi le passage du tube cathodique lancé en
1960 à l’écran plat à cristaux liquides (LCD) en 2004, puis le plasma et aujourd’hui l’OLED.
La qualité de l’image est optimisée également par ses modes de diffusion dont la Tour Eiffel
reste l’emblème, avec l’installation d’émetteurs dont le dernier a été installé en 2005 pour la
TNT (Télévision Numérique Terrestre). Plusieurs révolutions ont concerné les modes de
diffusion de la voie hertzienne, par câble, le satellite, l’ADSL et enfin la TNT. Puis c’est le
70
son qui est venu s’optimiser au fil des décennies jusqu’au Dolby Digital Plus et le système
Home Cinéma.
L’écran est source d’investissements financiers importants des services de recherche et
développement des constructeurs. Comme nous l’avons évoqué, il est garant de qualité de
l’image, critère important de promesse de consommation. Mais il est aussi inscrit dans la
notion de perception du statut social de l’usager. Plus l’écran de la télévision est plat, plus
l’utilisateur se revendique être à la pointe de la technologie. L’écran se modifie également
dans sa forme. Samsung a présenté au CES 2013, un écran incurvé offrant une immersion de
l’utilisateur dans l’image pour être encore plus proche de ce qu’il ressent dans une salle de
cinéma. Nous terminerons par sa taille en constatant que si la télévision nomade, sur le
smartphone, est arrivée à séduire malgré son nano écran, c’est le grand écran qui s’installe
dans le salon. Là encore les constructeurs se livrent bataille pour rendre abordable le très
grand format. Si on agrège l’optimisation du son par le Home Cinéma, la recherche
d’immersion dans l’image, la technologie 3D et la maximisation de l’écran, nous pouvons
constater que la réponse d’usage de la télévision vise à se rapprocher d’une expérience du
média cinéma. Le cinéma à la maison, rendu possible par une chronologie des médias de plus
en plus courte, un accès aux films facilité par les connexions Internet sur la télévision (replay,
VOD…).
Ensuite, la télévision a opéré des innovations plus orientées vers le confort d’usage et les
valeurs esthétiques. La télécommande en est le premier point de départ. Sa création, combinée
avec la multiplication de l’offre, a favorisé le phénomène du zapping. Le zapping, devenu
culture, phénomène de société, qui a acquis ses lettres de noblesse en entrant dans le
dictionnaire. Et si nous nous appuyons sur la définition du mot zapper (« Changer d'idée,
passer à autre chose »), nous pouvons nous demander si l’objet a fait culture en participant à
la construction d’une société de l’immédiateté ou s’il a répondu à une aspiration d’usage. Le
zapping constitue une menace pour les marques chaînes, subissant une fragmentation de leur
audience par le zapping effréné du public qui n’a plus besoin de se lever pour changer de
chaîne et qui s’arrête sur un programme par impulsion : « Et en fait, quand je me mets devant
la télé, ce n’est pas pour un truc en particulier, je zappe jusqu’à ce que je trouve un
programme qui m’intéresse » (Tiffany, 23 ans). « Dans une grande flemme, je zappe et
m’arrête sur ce qui me séduit » (Christophe, 45 ans). La télécommande a néanmoins permis la
71
mise à disposition d’informations sur les programmes, accompagnant le téléspectateur dans
son choix, comme les horaires de diffusion ou le descriptif du programme.
L’objet télévision en lui-même est devenu un signe extérieur de richesse, un objet de
design que l’on expose dans son salon. De nombreuses initiatives ont été prises dans l’objectif
de séduction d’une cible de plus attirée par l’esthétisme des objets technologiques107.
L’exemple d’Apple dans le secteur des nouvelles technologies illustre le propos. L’acte
d’achat est souvent revendiqué comme un signe d’appartenance à une communauté d’esthète,
à un statut social. Son concurrent HP, par la voix de son Directeur de la division PC, Todd
Bradley108, le confirme : « Les gens veulent des produits élégants qu’ils sont fiers d’emporter
avec eux ». Le choix ne se fait plus sur les composants du PC ou le prix. Dans le secteur de la
télévision c’est le constructeur Bang et Olufsen qui a investi le créneau du design, comprenant
que la télévision, objet incontournable du quotidien, ne devait pas en être moins une référence
sociale, un art de vivre (voir une œuvre d’art) comme le montre le visuel de la home page de
son site internet.
Visuel home du site http://www.bang-olufsen.com
Enfin, c’est dans sa fonction constitutive que la télévision mute au sein de son
environnement technologique. Elle a été combinée avec le magnétoscope, aujourd’hui elle est
au cœur de la convergence numérique. La télévision connectée a été l’attraction du CES 213,
la smart TV un produit phare. Pourtant, même si le taux d’équipement connaît une
progression constante, les usages ne semblent pas encore être vulgarisés.
107 ANNEXE 9 : Design de la télévision 108 WORTHEN, Ben, « H-P Tries On a Sleeker Look », The Wall Street Journal, [disponible en ligne : http://online.wsj.com/article/SB10000872396390443589304577637652500054674.html], publié le 17 septembre 2012, consulté le 13 mars 2013
72
b. Smart TV, une réalité d’usage en retrait
La smart TV semble être aujourd’hui la forme la plus aboutie d’innovation matérielle de la
télévision. Elle hybride en un seul objet la télévision et Internet. Dans sa phase
d’intermédialité, la télévision est devenue un hypermédia, s’agrégeant la médiativité
d’Internet. Elle offre à l’utilisateur un véritable portail d’accès multimédia, sans autre matériel
en interconnexion (box d’opérateurs Internet, console de jeu vidéo). Le bénéfice est séduisant
mais dans les faits, l’usage de la smart TV est en retrait par rapport à ses dispositifs
techniques. En France, on observe une tendance à la croissance de l’investissement dans
l’objet avec 13,9% des foyers équipés au 4ème trimestre 2012 (soit 3 816 000 foyers), soit une
progression de +10,3% par rapport au 3ème trimestre 2012 et de +84,1 % en un an109. Mais au
niveau de l’appropriation de ses fonctionnalités, le pas de la globalisation d’usage ne parait
pas encore franchi. Quand nous questionnons Fabienne Fourquet110 sur la politique de
développement d’applications pour smart TV, la réponse est claire : « Nous on croit plus au
second écran. […] Les taux d’utilisation sont infinitésimaux. Les gens achètent des télés
connectées, ils les connectent de temps en temps et finalement ils appuient assez rarement sur
le bouton info en plus. […] Mais la navigation aujourd’hui de la commande, c’est tellement
antique ! ».
Les réponses aux entretiens avec les consommateurs de télévision vont dans ce sens : « J’ai
une télévision connectée que je n’utilise absolument pas ! Une smart TV, je vis chez mes
parents et quand je veux accéder à Internet, j’utilise mon ordinateur. » (Tiffany, 23 ans).
« Pour la smart TV, on l’utilise pour le replay de Canal+ ou de France Télé, ce sont les deux seules applis proposées. J’ai essayé de naviguer sur le web avec mais c’est une vraie galère ! La navigation avec la télécommande est horrible et je suis arrivé une fois sur M6 replay et il fallait télécharger je ne sais plus quelle extension vidéo pour lire les programmes, mais impossible par la télé. J’ai laissé tomber ! Je ne trouve pas que les autres applications soient très intéressantes, à part peut-être les radios, surtout les étrangères. Je me suis connecté sur mes comptes Facebook et Twitter mais en fait je préfère utiliser mon smartphone si je veux les utiliser parallèlement au programme. Quant à la Hbbtv, je n’ai pas testé pas manque d’infos sur les programmes concernés. Je suis un peu déçu en fait. »
(Christophe, 45 ans)
Il existe une co-construction sociale à l’innovation qui est circonstancielle, dont ne peut
prévoir le succès et le modèle d’appropriation. La stabilisation de la smart tv passera sans
109 GFK/Médiamétrie T4, T3, T2, T1 2012 ; T4 et T3 2011 110 ANNEXE 4 : FOURQUET, Fabienne
73
doute par une meilleure pédagogie de fonctionnalité et par une navigation simplifiée sur le
web, ce que pense Fabienne Fourquet111 :
« Tu passes sur la chaîne, on te dit appuie sur le bouton […] s’il y a une application et c’est assez peu. Je pense que ça va avoir du sens si on arrive à trouver une manière de donner de l’information, de faire arriver le web sur la télé de façon intelligente. […] On va arriver à trouver un truc avec la tablette et le téléphone avec les navigations à la tablette ou au téléphone. »
Et ce sont peut-être les acteurs d’Internet qui vont favoriser l’appropriation de l’objet avec
des solutions simples d’accès comme Google qui vient de lancer la Chromecast. Il s’agit d’un
accessoire ressemblant à une clé USB qui se connecte au port de la télévision. Il permet ainsi
la diffusion des téléchargements Internet effectués sur les autres supports (smartphone,
tablette), comme de la musique, de la vidéo ou encore des photos. En plus, il permet
également l’exportation d’applications des sites.
2. Perspective d’une dématérialisation de l’objet télévision
a. Déterminisme technique et immatérialité de l’image
Le média télévision, comme tout média est impliqué dans des dispositifs techniques qui
participent à sa construction de sens. L’innovation et les avancées technologiques fixent par
avance une transformation de l’objet télévisuel. Marshall Mc Luhan112 considérait que « le
medium est le message ». Notre étude nous permet d’envisager l’idée que le message est
également le médium. Les usages introduits par l’innovation ont décontextualisé la matérialité
de son support de diffusion, relativisant son rôle communicationnel. Les conditions
situationnelles et sociales de réception devenant multiples, le message devient la principale
motivation de consommation. Qu’il soit sous forme d’un flux accessible d’une télévision,
d’un écran nomade, d’un ordinateur, ou sous forme délinéarisée, c’est sa nature qui en fait sa
singularité. Le médium n’étant que le dispositif technique d’émission. Le déterminisme
technique a ainsi une double influence sur le média télévision, tant sur son dispositif que sur
son offre de contenus disposés. Le dispositif télévisuel a été amélioré pour devenir un outil de
prolongement d’expériences culturelles enrichies par son hybridation à Internet. Son offre de
111 ANNEXE 4 : FOURQUET, Fabienne 112 McLUHAN, Marshall, Pour comprendre les médias. Les prolongements technologiques de l’homme. Op. cit
74
contenus a été repensée pour répondre à un mode de consommation influencé par
l’instantanéité d’une société de l’immédiateté et de la profusion d’objets communicationnels.
L’objet audiovisuel est le résultat d’une interconnexion entre la production d’œuvres
culturelles, son environnement médiatique classique et son environnement digital. Objet
immatériel, il se diffuse en dehors de son support d’origine pour se propager, en dehors d’un
poste de télévision.
Néanmoins, la forme médiatique de l’objet télévision résiste à l’implantation de nouveaux
supports intégrant un nouveau schéma communicationnel, y participant en interconnexion,
devenant ainsi un nouveau média. Cette évolution suit la théorie de remédiation de Jay David
Bolter et Richard Grusin113, c'est-à-dire que les médias remodèlent et modifient les formes
médiatiques antérieures. Toute représentation d’un médium au sein d’un autre médium
correspond à un processus de remédiation. L’interactivité est à l’initiative de ce processus de
remédiation de la télévision, en proposant une nouvelle circulation des objets médiatiques,
avec une promesse d’expérience premium.
b. Perspective du « tout est écran », un rôle du média qui serait recentré sur la production de contenus
SFR114 a lancé en juin 2013 un spot de campagne publicitaire pour La Fibre SFR « La
Fibre la plus puissante ». Trente-cinq secondes d’images de situation de consommation
audiovisuelle sur tout support, au sein d’un foyer familial : un plateau, la baie vitrée, un cadre
photo. Le spot se termine sur une voix-off : « Un jour peut-être tour deviendra écran ».
113 BOLTER Jay David et GRUSIN, Richard, Remediation : Understanding New Media, Cambridge, MIT Press, 1999 114 ANNEXE 10 : story board publicité SFR
75
Extrait spot SFR – Le Plateau « télé »
Comme nous l’avons souligné, le média télévision se distingue par ses deux fonctions, sa
fonction technique et sa fonction de production d’œuvres culturelles. Ici nous questionnons la
fonction technique du média. Soumis à l’obsolescence, elle se transforme dans un contexte
d’innovations technologiques de plus en plus rapide. Nous pouvons nous projeter dans une
situation où la matérialité du support emprunte à d’autres formes d’objet. La perspective n’est
pas si incongrue, la table tactile étant déjà disponible, dans le domaine professionnel (points
de vente, entreprise). Elle est une déclinaison de la tablette, en version grand format. Une
déclinaison grand public pourrait bientôt devenir la plateforme multimédia du salon.
Mais si le petit écran peut disparaître, il n’en reste pas moins que la production d’œuvres
culturelles reste le cœur de la médiativité du média télévision. Largement consommé, lien
social constitutif de la collectivité, l’utilisateur reste attaché à sa proposition de contenus. La
stratégie des éditeurs passerait-elle alors par l’accélération de la mise à disposition de ses
formats sur les supports digitaux ? Surtout que la menace concurrentielle de nouveaux
entrants (tels que Netflix ou Youtube) est bien réelle.
« Il faut se recentrer sur ce qu’on sait bien faire, aujourd’hui, c’est le contenu et le contenu on peut
l’exposer sur beaucoup de plateformes. […] s’il y a une plateforme comme Youtube qui voit ses chiffres de consommation croître, est-ce qu’il n’y a pas quelque chose à faire […] en mode teasing, marketing ? Youtube a fait quelques chaînes, mais leur job ce n’est pas de faire des chaînes […]. Donc potentiellement oui, c’est un ennemi mais je les compare un peu aux FAI. […] est-ce qu’il faut y aller, tenter, tester, expérimenter, voir ce que ça peut nous rapporter en termes d’audience, de notoriété, abandonner si jamais ça marche pas, qu’il y a trop de cannibalisation. Mais je crois qu’il faut se poser la question115 », Fabienne Fourquet.
115 ANNEXE 4 : FOURQUET, Fabienne
76
Dans l’offre médiatique actuelle, l’équilibre des expertises paraît pour le moment permettre
à chaque média de trouver sa place.
Cette troisième hypothèse soumet l’idée d’une remédiation de la télévision, bousculée par
l’innovation et les nouvelles technologies. Elle serait confortée en tant que créatrice d’objets
culturels et comme vecteur de transmission de la connaissance, par des propositions
éditoriales et narratives étoffées, avec des usages de consommation multimédias et des choix
de temporalité. Elle se placerait alors dans une posture de prescripteur de nouveaux genres de
biens culturels et de nouveaux usages. En revanche, en tant qu’objet, l’immatérialité de la
télévision pourrait muter l’écran en adoptant tous les supports de diffusion de l’image.
77
CONCLUSION
Notre recherche nous a permis d’observer les transformations de l’objet médiatique
télévision. Nous avons procédé à une analyse de l’objet dans son paradigme sociologique
pour mieux comprendre en quoi il faisait culture dans la construction de relations
interpersonnelles. Puis nous avons analysé sa fonction technique dans son contexte
d’innovations valorisant l’interactivité émetteur-récepteur. L’émergence d’autres formes de
médias audiovisuels numériques, semble menacer l’usage de la télévision face à leur fonction
hypermédiatique. Il a alors paru opportun de vérifier si le déclin, parfois annoncé, du média
était avéré. Nous avons exploré l’évolution du média télévision et plus particulièrement les
influences de l’innovation sur ses perspectives de développement. Nous avons tenté
d’apporter des pistes de réponse en posant trois hypothèses que nous avons dépliées en nous
appuyant sur une analyse de discours, une étude sémiologique d’un genre télévisuel
participant à l’identité du média et sur des entretiens d’experts et d’utilisateurs.
En 2006, Jean-Louis Missika116 annonçait la fin de la télévision. Néanmoins, sa
consommation ne cesse de croître, ayant su traverser les évolutions sociologiques en entrant
dans un nouvel âge dont nous avons proposé la dénomination de proto-télévision, comme
cheminement vers un statut de métamédia. Dans sa confrontation avec Internet, elle s’est
mutée en télévision 2.0, renforçant son rôle de média social. Avec une démarche de
complémentarité avec les médias digitaux, elle a donné naissance à une nouvelle posture de
« téléspect’acteur » de son public. Cette nouvelle relation entre le média et son public
entraînerait alors la stabilité, voire le regain d’audience des marques programmes par
l’engagement de communautés ambassadrices. La télévision semble s’auréoler de nouveaux
codes de perceptions et d’une nouvelle sémiotique gorgée de connotations positives. Dans un
contexte de porosité des médias, la télévision connaît un changement de paradigme de sa
médiativité. Loin d’en subir les méfaits, la convergence Internet/ Télévision conduirait à une
réinvention sous forme de métamédia modifiant sa verticalité, installant une relation
d’horizontalité avec son public. Dans sa réinvention, elle renforcerait la trivialité de ses
objets, continuant à remplir sa fonction d’accès à la culture. Cette première hypothèse laisse
entrevoir une issue positive à la problématique d’antagonisme supposé entre la télévision et
son nouvel environnement sociologique et médiatique.
116 MISSIKA, Jean-Louis, La fin de la télévision, art.cit
78
Si cette première piste de conclusion s’appuie sur la métamorphose d’une télévision
« statique » à une télévision en interaction, il ne faut pas négliger l’identité propre au média
qui a contribué à sa construction identitaire. Elle devrait, pour se pérenniser, s’ancrer dans une
médativité singulière Le choix d’une étude sémiotique a permis de distinguer un genre
constitutif qui semblerait faire culture, sous l’angle d’objet médiagénique par essence. Cette
approche a été réalisée par le prisme du sport retransmis en direct et plus particulièrement le
Tour de France pour sa médiagénie et sa popularité. L’attribution des valeurs induites du
spectacle profite à la marque chaîne, offrant de surcroît une proposition de spectacle alliant
récit fictionnel et réalité documentée. Intégrant des fonctionnalités technologiques, elle
sublime une forme de panoptisation du spectacle, répondant ainsi à une culture sociale de
curiosité et d’immersion dans des coulisses. La télévision a su enrichir le direct sportif
permettant un développement éditorial riche et complémentaire, avec un discours d’expert
dont l’année 2013 a marqué les prémices d’un développement notable qui peut encore être
optimisé. Enfin, en intégrant son environnement digital et en s’appropriant des dispositifs
interactifs, le direct sportif deviendrait le genre distinctif de l’attractivité de la télévision,
théorie qui se dupliquerait sur d’autres genres de contenus diffusés en direct. Nous intégrons
dans cette hypothèse les bonnes performances d’audiences à l’antenne et sur les plateformes
digitales, signe de la naissance d’un écosystème vertueux. Ceci déterminerait une contre-
proposition à l’annonce d’une fin de la télévision.
Après avoir décrypté la sociologie du média et tenté de déterminer son genre constitutif,
nous avons proposé un troisième angle qui observe plus particulièrement les menaces de
l’innovation sur le média télévision. Avec une perte de monopole d’accès à l’image dans des
lieux privés, la télévision a modifié sa chaîne de valeur, intégrant les nouveaux médias dans
son écosystème. Pour valoriser son bénéfice d’utilisation elle a intégré de nouvelles formes de
narration et d’écriture avec une approche transmédiatique. Comme toute nouvelle forme
d’objet médiatique, elle prend du temps à s’installer dans les usages mais montre déjà des
vertus bénéfiques à la valorisation des marques programmes. En continuant l’exploration des
nouveaux usages, la délinéarisation pourrait menacer de cannibalisation l’audience des
programmes de flux. Il s’avère que sur ce point aussi la menace ne semble pas fondée, les
deux propositions répondant chacune à des postures différentes. Elles sont complémentaires
dans leur réponse aux besoins sociaux d’accès aux objets audiovisuels. Il existe une
congruence entre l’offre télévisuelle et l’attente de son public.
79
Enfin nous nous sommes tournés vers la matérialité de la télévision, vers les impacts de
l’innovation sur l’objet et ses répercussions sociales et culturelles. La smart TV semblerait
promettre un regain d’attractivité mais les signes d’un déploiement du « tout écran » ne sont
pas à ignorer. C’est sans doute la matérialité de l’objet qui semble la plus menacée dans une
perspective de disparition. Mais le média télévision, en tant que structure communicationnelle
se dirigerait alors vers une remédiation. Se recentrant sur un rôle de producteur de biens
culturels, un agrégateur de contenus ou fournisseur de programmes.
Ces différents cheminements nous permettent d’envisager l’idée que le média télévision est
loin d’être moribond. Il aborde une réinvention qu’il approche avec un certain succès. Son
modèle est rendu complexe dans sa définition qui est induite par une technologie reine que
nous avons beaucoup de mal à anticiper par son évolution de plus en plus accélérée.
A la question « La télévision est-elle irremplaçable ? », les interviewés répondent « oui » à
l’unanimité, considérant que c’est le média qui offre une qualité et une variété de contenus
différenciantes. Qu’elles soient dans un modèle gratuit, payant, généraliste ou thématique, la
créativité du média et sa richesse favorisent l’attachement à l’objet, le confortant dans un rôle
singulier de média de masse, proposant l’accès à la culture et à l’information. Des
potentialités que son environnement d’innovations technologiques et d’interconnections
médiatiques semblent plutôt pouvoir exacerber.
Des pistes qui nous permettent de temporiser l’affirmation : « La télévision est en train de
disparaître sous nos yeux, sans que nous en soyons tout à fait conscients117 ».
117MISSIKA, Jean-Louis, La fin de la télévision, art.cit
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SOURCE ORALE
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ANNEXES
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ANNEXE 1 Lancement de l’application Grand Journal de Canal+
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ANNEXE 2 Grille d’analyse de 3 étapes du Tour de France
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Fil Twitter du 18 juillet
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Instagram France TV Sport du 18 juillet
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ANNEXE 3 Extrait du dossier de presse France Télévisions Tour de France 2011 et 2013
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ANNEXE 6 Entretien semi-directif Tiffany 23 ANS – PROFIL CONNECTEE OCCASIONNELLE ETUDIANTE - VIT AU DOMICILE PARENTAL – HAUTS DE SEINE Etes-vous une consommatrice régulière de télévision ? Pourquoi ? Je suis une consommatrice très irrégulière de la télévision, j’ai un emploi du temps plutôt chargé, avec les études, l’alternance… Quand j’ai du temps, je préfère sortir avec des amis, aller au ciné au me balader… Et quand je me pose, parfois j’allume la télé, allez on va dire un soir sur deux à peu près, mais je suis plutôt hyper active ! Et en fait, quand je me mets devant la télé, ce n’est pas pour un truc en particulier, je zappe jusqu’à ce que je trouve un programme qui m’intéresse. Si rien ne me va, j’éteins. En général, ce sont des films ou des reportages. Pour moi, ce que je recherche, c’est de découvrir des choses, l’ouverture sur l’inconnu, l’inaccessible à un moment T. En fait, je me rends compte que je la regarde de moins en moins, j’ai souvent l’impression de déjà vu, de nombreux programmes reviennent souvent. Votre consommation respecte-t-elle les horaires de grilles de programmes ? Ou choisissez-vous les services de rattrapage ? Si oui, pour quels programmes ? Je consomme pas mal les services de rattrapage car je n’arrive jamais à être à l’heure devant la télé, les films ou les séries sont toujours commencées quand je me pose. Alors je les regarde sur mon ordi. Pareil pour les docs. Quel de type de télévision avez-vous ? Connectée ou non ? Avez-vous une box connectée à Internet ? Quels usages en faites- vous ?
J’ai une télévision connectée que je n’utilise absolument pas ! Une Smart TV, je vis chez mes parents et quand je veux accéder à Internet, j’utilise mon ordinateur. Avez-vous un smartphone, une tablette ? Consommez-vous ces seconds écrans pour des programmes TV ? Si oui, comment (en même temps que le programme sur l’écran principal ? En dehors ?) J’ai un smartphone et une tablette familiale. Je ne consomme pas ces seconds écrans pour des programmes TV. Je ne trouve pas que ça a beaucoup d’intérêt pour les programmes que je regarde. Et puis je ne suis pas super addict aux réseaux sociaux. J’ai un compte Twitter mais c’et plus pour suivre l’actu et Facebook, ce n’est pas mon truc. Votre consommation télé se fait-elle en groupe (famille, amis) ou votre foyer possède-t-il plusieurs écrans à consommation individuelle ? En groupe même si notre foyer possède plusieurs écrans individuels. On regarde les matchs de foot avec les copains, on est fans du PSG ! Et après des films en famille. Pour moi la télé, c’est une activité conviviale. J’aime bien que ce soit une occasion de se retrouver, de partager un moment avec mes proches, soirée télé, plateau télé et on refait le monde après…Maintenant, la télé c’est aussi un moyen d’information, pour les actus ou les documentaires. C’est une source d’enrichissement personnel. Et c’est aussi un média qui favorise l’interaction, ça fait réagie, ça permet l’échange et d’ouvrir sur le débat.
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Utilisez-vous des applications de chaînes du type My TF1 Connect, le watermarking de M6 ? Si oui, que cela vous apporte-il ? Ah.. Non ! Mais je pense que c’est parce que je ne regarde pas les programmes qui permettent de les utiliser. Je ne suis pas très Top Chef ou The Voice… Et puis comme pour moi la télé c’est un truc que je fais en général à plusieurs ou vraiment pour faire une pause, je suis pas dans l’activité à côté. Consommez-vous de la vidéo sur Internet ? Si oui, lesquels (VOD, streaming, sites étrangers…). Si oui, via votre box, la TV connectée, une console de jeux ? Oui, replay des chaînes hertziennes sur les sites des chaînes, sur mon ordi D’après-vous, la télévision est-elle irremplaçable ? Oui, je pense. Pour moi, elle est irremplaçable car elle donne de l’information qui reste encore inaccessible à une majorité de gens par d’autres voies. Tout le monde n’a pas encore le réflexe d’aller surfer sur le web pour s’informer. Le 20h, ça reste la « grande messe » de l’info populaire pour pas mal de gens. C’est de l’info en temps réel par des images. Et puis si on regarde dans d’autres pays, c’est le média le plus abordable par la majorité des nations occidentales de façon claire. Et puis moi je trouve qu’elle permet de découvrir de nouveaux sujets et de s’évader de manière plus quali que sur une chaise derrière son écran d’ordinateur ou sur un écran de petite taille (tablette, smartphone). C’est un peu comme si on compare une salle de ciné avec un écran de lecteur de DVD ou un film en replay sur son ordi portable. Ce n’est pas le même spectacle ! Etes-vous demandeurs d’enrichissement de contenus de votre programme télévision ? Oui des programmes comme « Voyage en terre inconnue » sur France2, j’aime bien ce type de concept où on propose de découvrir d’autres cultures de façon divertissante, c’est super abordable, intéressant et pas prise de tête. Il y a un vrai côté innovant, différent et ça permet de toucher plein de monde. Je trouve que parfois, on a du mal à sortir de sentiers battus. C’est toujours la même chose, les jeux, la télé rélité, c’est creux et c’est lassant. Et je suis assez fan des séries aussi et ça serait cool qu’il y ait moins de décalage par rapport aux USA. J’attends de voir ce que ce sera avec Canal+ Séries, mais je pense que c’est une chouette idée. Qu’attendez-vous d’un programme sportif à la télé (directs ?) Moi j’aime bien le sport mais je ne suis pas une spécialiste de tous les sports. Parfois, j’aimerais un peu plus d’apprentissage, qu’on m’explique es règles parce ce qui est sympa dans le direct, c’est la tension de qui va gagner ou perdre mais si je ne comprends pas pourquoi telle ou telle équipe a fait une faute (le rugby par exemple), ça perd de son intérêt. Ça serait bien que les commentaires soient plus accessibles aux novices… Est-ce important pour vous de discuter autour de programmes télé ? Ce n’est pas forcément important, mais cela me semble intéressant d’avoir l’avis des autres et de débattre autour de programmes, c’est une autre forme d’enrichissement. C’est vrai que souvent, on en reparle avec les amis ou au travail. Finalement c’est comme la météo, ça
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nourrit les conversations et c’est toujours rigolo de voir les différents points de vue sur un programme. Ne serait-ce que « T’as aimé, pas aimé, qu’est-ce qu’il joue bien… ! ». Ou pour les débats politiques, ça permet de débattre et de se forger sa propre opinion. Utilisez-vous Vine, Instagram ou autre plateformes d’UGC (Users Generated Content) ? Instagram seulement pour partager mes photos avec mes proches. Avez-vous déjà tenté une expérience transmédia (Les Revenants, Alt Minds, Braquo, Working Girls). Est-il important pour vous d’avoir une plus grande immersion dans l’univers d’un programme ? Comme gamer ? Comme apporteur de contenu (tumblr, choix d’une fin…) ? L’expérience transmédia apporte un plus à l’image du contenu, au programme. Elle le renforce, lui permet d’exister plus longtemps. En ce qui me concerne, l’expérience transmédia ne m’intéresse pas plus que ça, car j’aime que le réalisateur m’indique là où je dois aller et m’arrête là où je dois m’arrêter. Je suis toujours dans l’idée de me laisser porter, parce que la télé reste un moment de détente où j’en fais le moins possible ! Mais même si je ne participe pas vraiment, ma curiosité me pousse à allre jeter u œil sur des sites de série par exemple, pour voir ce qui se fait, pour suivre un peu les démarches marketing dans le cadre de mes études. C’est intéressant de voir l’évolution des stratégies de com avec le digital et ces nouveaux outils d’immersion dans des univers pour fidéliser et susciter l’intérêt des gens. Avez-vous de nouvelles attentes du média télévision avec les progrès technologiques ? Quelle serait la télévision idéale. Moi j’aimerais bien avoir la possibilité de poser nos questions au sujet du programme en direct. Parce que parfois, quand je regarde une émission ou un doc, j’ai des questions et ça me fait réagir. Mais je trouve que ça manque d’interactivité en direct. Après, sur les chaînes, il y en a beaucoup et les promesses ne sont pas toujours claires ou alors c’est les mêmes choses, elles sont concurrentes et finalement c’est toujours les mêmes thèmes qui reviennent (les mêmes films sur les chaînes cinéma, les mêmes documentaires historiques, de l’info sportive…). On a 100 chaînes thématiques, ça serait bien qu’elles proposent une ligne éditoriale claire et inchangée de saison en saison tout en ayant des nouveautés programmes.
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ANNEXE 7 Entretien semi-directif Cécile 43 ANS – PROFIL TRADITIONNEL CADRE - MARIEE - 3 ENFANTS – CÔTES D’ARMOR Etes-vous une consommatrice régulière de télévision ? Pourquoi ? Oui, surtout le soir et le week-end. Ma consommation est variable, ça dépend de mes activités et de ma fatigue, je peux m’endormir devant l’écran pendant le 2ème épisode d’une série ! Je dirais que de regarde la télé environ 6 heures par semaine. La télévision me permet de me détendre, je me fais plaisir devant une série qui me plaît, un documentaire peut me fait voyager ou découvrir un univers que je ne connais pas. J’aime bien aussi partager un moment en famille en regardant un film, un dessin animé, une émission comme The Voice par exemple. On suit aussi les évènements sportifs de la France. La Coupe du Monde en 98 c’était génial ! J’ai 3 garçons, le sport c’est sacré à la maison, on regarde aussi la Coupe Davis, les matchs de l’équipe de France hand-ball… les Jeux Olympiques, les rendez-vous importants c’est en famille. La télé, c’est le média que je consomme le plus et quotidiennement. Une ou deux fois j’ai utilisé l’ordinateur mais c’est très rare. Cela dit, ma consommation est en baisse depuis que je suis devenue maman parce que la gestion de la vie quotidienne me prend du temps. En plus nous n’avons qu’une seule télévision et nous devons partager le choix des programmes, alors je la regarde moins. Avec 4 hommes à la maison le choix de la programmation est plus sportif, ça ne correspond pas forcément à mes choix personnels. Du coup, pour me détendre, je préfère lire en étant présente à côté d’eux. Votre consommation respecte-t-elle les horaires de grilles de programmes ? Ou choisissez-vous les services de rattrapage ? Si oui, pour quels programmes ? C’est selon mon humeur et le temps disponible, si j’ai envie de me détendre et que j’ai peu de temps, dans ce cas je regarde un épisode d’une série que j’aime à partir de mes enregistrements, du replay, ou je regarde en temps réel, à partir du guide de programmes proposé par la télévision. Si j’ai du temps et envie de m’évader, se sera plus un film ou un documentaire selon le même mode, soit je l’ai enregistré, soit c’est proposé en replay ou alors je choisis à partir du guide de la télévision. Mais en fait, c’est rarement en temps réel avec un programme télé. La gestion de la vie quotidienne, entre travail et vie de famille, plus le fait que je partage avec 4 hommes l’accès à la télévision me permet rarement de pouvoir regarder en direct les programmes qui m’intéressent. Le système de replay ou la formule à la demande me permettent mieux d’adapter la programmation horaire à mes besoins. Quel de type de télévision avez-vous ? Connectée ou non ? Avez-vous une box connectée à Internet ? Quels usages en faites- vous ? J’ai une télévision 16/9è… cathodique ! Mais elle est connectée à internet par la box SFR. Elle me sert à regarder la télévision en direct ou en replay et à écouter la radio aussi car je ne capte pas toutes les stations, comme Sing Sing par exemple. Mes enfants m’ont fait découvrir qu’il était possible de se connecter à Internet et de regarder Youtube par exemple. Mais je ne sais pas le faire par moi-même ! Je ne suis pas très portée sur toutes ces nouvelles technologies !
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Avez-vous un smartphone, une tablette ? Consommez-vous ces seconds écrans pour des programmes TV ? Si oui, comment (en même temps que le programme sur l’écran principal ? En dehors ?) J’ai un smartphone Samsung mais pas de tablette. C’est déjà un énorme progrès pour moi d’utiliser ce genre d’appareil ! Je m’en sers surtout pour les textos et prendre des photos, de temps en temps pour faire une recherche sur Internet. Mais c’est tout. Quand je regarde la télé, je ne fais rien d’autre en même temps. Votre consommation télé se fait-elle en groupe (famille, amis) ou votre foyer possède-t-il plusieurs écrans à consommation individuelle ? Oui en général c’est en famille pour partager un film ou un programme divertissant comme Le Plus Grand Cabaret du Monde ou The Voice. On n’a pas d’autres écrans, à part l’ordinateur fixe et le portable mais c’est surtout pour les enfants, pour Youtube. La télévision nous permet de maintenir le lien entre les générations. Moi je m’intéresse aux programmes qu’aiment mes enfants, ça me permet de comprendre ce qui leur plaît ou les intéressent. On essaie aussi de leur faire découvrir des classiques transgénérationnels comme Laurel et Hardy. On partage des bons moments en famille, on rigole devant un bon film, on peut s’émerveiller devant un numéro de cirque, suivre les candidats de The Voice… Ce sont des moments privilégiés et sympas. Utilisez-vous des applications de chaînes du type My TF1 Connect, le watermarking de M6 ? Si oui, que cela vous apporte-il ? Non ! Avez-vous un compte Twitter ? Facebook ? Les utilisez-vous pour commenter des programmes, partager, créer vos propres contenus pour enrichir ces programmes (photos, vidéos…) ? Si oui, pourquoi ? J’ai un compte Facebook mais je l’utilise très peu. Je l’ai créé pour rester en contact avec la famille qui est éloignée mais je n’arrive pas à l’investir et je fonctionne plus par coups de fil ou par mail. Du coup, non je ne les utilise pas pour la télé. Consommez-vous de la vidéo sur Internet ? Si oui, lesquels (VOD, streaming, sites étrangers…). Si oui, via votre box, la TV connectée, une console de jeux ? Oui, je viens de découvrir la VOD via ma box. Quand j’ai la chance d’être toute seule, c’est mon petit plaisir de choisir mon film et j’apprécie cette flexibilité. D’après-vous, la télévision est-elle irremplaçable ? Plutôt oui. J’ai l’impression que les nouveaux supports (Internet tablette…) vont permettre de regarder des programmes faits soit par des amateurs soit par des professionnels. Mais je ne sais pas s’ils auront la qualité des programmes de la télévision pour la remplacer. Etes-vous demandeurs d’enrichissement de contenus de votre programme télévision ? Non, le panel proposé me permet de répondre à mes besoins. Le choix est large. Et je ne suis
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pas en demande d’avoir d’autres informations que ce que je regarde. Qu’attendez-vous d’un programme sportif à la télé (directs ?) Qu’il retransmette en direct les évènements sportifs de l’équipe de France. Et puis j’aimerais bien arrêter le monopole du foot et pouvoir choisir d’autres disciplines qu’on voit presque jamais comme le badminton, le basket ou le judo… ça serait bien qu’on nous fasse découvrir d’autres disciplines sportives pour donner envie de pratiquer comme l’émission Intérieur Sport ou le super documentaire « Play » de Canal+. Est-ce important pour vous de discuter autour de programmes télé ? Oui. Cela permet d’avoir un rôle éducatif auprès de mes enfants et de pouvoir partager des émotions réflexions informations avec mon conjoint. Utilisez-vous Vine, Instagram ou autre plateformes d’UGC (Users Generated Content) ? Non, je ne sais même pas ce que c’est ! Avez-vous déjà tenté une expérience transmédia (Les Revenants, Alt Minds, Braquo, Working Girls). Est-il important pour vous d’avoir une plus grande immersion dans l’univers d’un programme ? Comme gamer ? Comme apporteur de contenu (tumblr, choix d’une fin…) ? Non, pareil, je ne sais même pas ce que cela représente. Tout ce que vous me dites c’est du charabia pour moi, je n’y connais rien ! Avez-vous de nouvelles attentes du média télévision avec les progrès technologiques ? Quelle serait la télévision idéale. Pas spécialement. La télévision idéale c’est celle qui me permet quand je suis disponible de pouvoir regarder les programmes que j’aime. C’est ce que permet le replay, la télévision à la demande et la VOD. Il faudrait juste développer ce concept en permettant de pouvoir accéder aux programmes de télévision sur des périodes plus longues, comme pour la vidéo pouvoir sélectionner gratuitement des programmes dans une bibliothèque diversifiée.
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ANNEXE 8 Entretien semi-directif Christophe 45 ANS – PROFIL CONNECTE CADRE – MARIE - 2 ENFANTS - COLOMBES Etes-vous un consommateur régulier de télévision ? Pourquoi ? Oui assez régulier mais pas télévore non plus. Je n’ai pas beaucoup de temps libre mais c’est vrai que dès que je mes journées sont finies (travail et famille), j’ai tendance à m’affaler sur le canapé devant la télé ! On va dire entre 21h et 21h30. C’est le moment où je n’ai plus rien à faire, en tout cas plus rien envie de faire. Je choisis la passivité et me laisse porter par ce que je regarde. Le week-end, ça peut-être un peu plus fréquent, surtout l’hiver, en famille. Le matin j’aime bien aussi, je regarde les chaînes d’info géné ou sportives. Je suis très varié dans mes choix, ça peut être des séries, surtout sur Canal+, des films (quand je suis à l’heure), du sport ou des trucs plus légers comme Top Chef ou Koh Lanta. J’aime bien aussi les redifs de Touche Pas à Mon Poste ou des reportages du type Envoyé Spécial… Je trouve toujours un truc sur lequel je m’arrête en zappant et ça peut m’emmener très tard, le choix est vaste et pourtant je n’ai dans le salon que la TNT et Canal+ ! La télé est pleine de ressources, ça m’informe, ça me divertit ou me raconte de belles histoires. C’est vraiment mon sas de décompression le soir et plutôt un moment de partage en famille le week-end. Votre consommation respecte-t-elle les horaires de grilles de programmes ? Ou choisissez-vous les services de rattrapage ? Si oui, pour quels programmes ? Le soir plutôt oui. Dans une grande flemme, je zappe et m’arrête sur ce qui me séduit. Je n’ai pas le réflexe d’aller chercher du replay. Parfois, si j’ai vraiment raté un programme qui me plaît ou que je suis régulièrement, j’utilise le replay. Le plus souvent c’est pour des séries ou une émission du type The Voice ou Koh Lanta. Le week-end c’est différent, on ne vit pas au rythme d’un programme télé, sauf parfois les enfants qui ont vraiment repéré un programme dans une bande-annonce. Alors en général on va chercher un film dans le replay de Canal+ ou sur l’ordinateur si on n’a pas envie de regarder la même chose. Quel de type de télévision avez-vous ? Connectée ou non ? Avez-vous une box connectée à Internet ? Quels usages en faites- vous ? J’ai une smart TV dans le salon et une petite télé avec la box d’Orange dans la chambre. Mais c’est rare que nous l’utilisions en télé connectée. Parce que l’ordinateur est installé juste à côté et qu’il a un plus grand écran que la télé ! Donc si on veut allez chercher du replay, on le fait plutôt sur l’ordi. Pour la smart TV, on l’utilise pour le replay de Canal+ ou de France Télé, ce sont les deux seules applis proposées. J’ai essayé de naviguer sur le web avec mais c’est une vraie galère ! La navigation avec la télécommande est horrible et je suis arrivé une fois sur M6 replay et il fallait télécharger je ne sais plus quelle extension vidéo pour lire les programmes, mais impossible par la télé. J’ai laissé tomber ! Je ne trouve pas que les autres applications soient très intéressantes, à part peut-être les radios, surtout les étrangères. Je me suis connecté sur mes comptes Facebook et Twitter mais en fait je préfère utiliser mon smartphone si je veux les utiliser parallèlement au programme. Quant à la Hbbtv, je n’ai pas testé pas manque d’infos sur les programmes concernés. Je suis un peu déçu en fait.
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Avez-vous un smartphone, une tablette ? Consommez-vous ces seconds écrans pour des programmes TV ? Si oui, comment (en même temps que le programme sur l’écran principal ? En dehors ?) J’ai un smartphone et vais bientôt investir dans une tablette. J’utilise le smartphone pour Twitter. Ça m’éclate de voir les live tweet de certains twittos sur certains programmes, comme l’Amour est dans le pré par exemple (j’avoue). Ça peut être très drôle. Après, sur les rencontres sportives, c’est pareil, et parfois là, je commente. Je suis fan de sport, un peu expert. Je suis abonné à des références (journalistes surtout) et j’aime bien avoir leurs réactions. Et puis avec les copains aussi, on échange. C’est comme si on était ensemble au stade. Par contre, je n’utilise pas les applis, je me concentre sur l’image du programme quand même, surtout pour la sport, c’est le spectacle avant tout. Les analyses tout ça, c’est plutôt le lendemain via les médias spécialisés. Votre consommation télé se fait-elle en groupe (famille, amis) ou votre foyer possède-t-il plusieurs écrans à consommation individuelle ? Souvent seul le soir. Les enfants dormant et ma femme ne partage pas vraiment les mêmes goûts que moi ! Comme nous avons plusieurs écrans à la maison, on consomme chacun de notre côté. Le week-end c’est différent, ah et le vendredi soir aussi. Ce sont souvent les gros prime de divertissement et c’est le rendez-vous familial. C’est un moment privilégié où on se colle tous les quatre pour partager le programme avec la plaque de chocolat ! Ce qui est sympa, pour les jeux à élimination, c’est qu’on a chacun nos favoris qu’on supporte, il y a débat ! Après ça peut être le dimanche après-midi, devant un film. Et aussi les grands rendez-vous sportifs, c’est sacré et ça se partage tous ensemble. Utilisez-vous des applications de chaînes du type My TF1 Connect, le watermarking de M6 ? Si oui, que cela vous apporte-il ? Non, pour l’instant ça ne me manque pas. Avez-vous un compte Twitter ? Facebook ? Les utilisez-vous pour commenter des programmes, partager, créer vos propres contenus pour enrichir ces programmes (photos, vidéos…) ? Si oui, pourquoi ? Les deux que j’utilise régulièrement. Que Twitter pour la télé. Mais je n’utilise pas les vidéos. Je ne suis pas assez fan de tel ou tel programme je pense pour faire ça. Consommez-vous de la vidéo sur Internet ? Si oui, lesquels (VOD, streaming, sites étrangers…). Si oui, via votre box, la TV connectée, une console de jeux ? A part le replay, non. D’après-vous, la télévision est-elle irremplaçable ? Pour l’instant oui. Si on regarde la qualité et la variété de ce que les chaînes proposent, je ne vois pas ce qui pourrait la remplacer. A part peut-être pour les films et les séries qu’on peut facilement trouver sur Internet en streaming avant même leur sortie en salle ou leur diffusion en France. Et pour l’actu. Sinon, je trouve que la télévision est créative et riche. Même si on peut voir les programmes sur Internet, en replay sans la pub, je préfère l’idée de me laisser
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guider parce qu’on me propose au moment où je suis disponible. Maintenant, je suis un peu de l’ancienne génération. En tout cas, mes enfants ont encore cette addiction à leur télévision, on verra comment ils évolueront. Même si les nouveaux écrans cartonnent, c’est bien la télévision qui propose les programmes les plus intéressants dessus avec plein de bonus en plus. Etes-vous demandeurs d’enrichissement de contenus de votre programme télévision ? Moi pas trop, je suis plutôt focalisé sur ma télé. Par contre, après un programme, j’aime bien retrouver des infos sur les sites, comme une recette, l’adresse d’un resto ou le nom d’une ville à l’étranger qu’un reportage m’as fait découvrir. C’est plutôt un prolongement du programme que des infos en simultané. Qu’attendez-vous d’un programme sportif à la télé (directs ?) Il faut que ce soit un spectacle, comme si j’y étais. Mieux que si j’y étais en fait parce que j’attends de tout voir et de tout vivre au plus près des athlètes. Après, les commentaires c’est super important aussi. Christian Jeanpierre, c’est insupportable, Christian Ollivier n’en parlons pas ! Je cherche un commentaire d’expert, maîtrisé et impartial. Le sport, ce sont avant tout des valeurs autour du dépassement de soi, il faut que ce soit raconté et vécu avec des images fortes et bien réalisées, pas forcément avec des statistiques et de la technique à tout bout de champs, mais de belles image qui capturent l’émotion et l’exploit sportif. Est-ce important pour vous de discuter autour de programmes télé ? C’est régulièrement au cœur des conversations en famille, entre amis ou au bureau. Les thématiques sont assez vastes pour amorcer un débat, s’étonner ou sourire. Utilisez-vous Vine, Instagram ou autre plateformes d’UGC (Users Generated Content) ? Non Avez-vous déjà tenté une expérience transmédia (Les Revenants, Alt Minds, Braquo, Working Girls). Est-il important pour vous d’avoir une plus grande immersion dans l’univers d’un programme ? Comme gamer ? Comme apporteur de contenu (tumblr, choix d’une fin…) ? Je suis allé sur le site des Revenants en me connectant avec Facebook Connect. C’était plein de surprises, plutôt sympa. Après non, je ne suis ni gamer ni assez fan d’un programme. Avez-vous de nouvelles attentes du média télévision avec les progrès technologiques ? Quelle serait la télévision idéale. Peut-être pour les enfants oui. Une télévision un peu plus éducative et interactive serait sympa. Vu la passion qu’ils ont pour ce média, je me dis que ce serait plus facile de leur faire apprendre des choses un peu scolaire avec la télé !
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ANNEXE 9 DESIGN DE LA TELEVISION
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ANNEXE 10 PUBLICITE SFR LA FIBRE
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RESUME Dans un contexte de bouleversement des usages médiatiques, du contournement de la
chronologie des médias et de la porosité engendrée par Internet, l’histoire semble écrire la
chronique d’une mort annoncée du média télévision.
La télévision a toujours dû, su s’adapter à son environnement technologique et social, opérant
des mutations à travers trois âges déterminés par Jean-Louis Missika : la paléo-télévision, la
néo-télévision et la post-télévision. Quelle en sera alors la prochaine ère dans son contexte
d’accélération de l’émergence de nouvelles technologies au service des médias connectés à
Internet ? Comment s’adapte-t-elle à une société de l’immédiateté et des interconnexions
personnelles ? En devenant un métamédia, elle se réinvente ouvrant le champ de possibles.
Malgré la friction entre le média télévision et Internet, il semblerait que son identité et sa
médiativité suivent l’évolution technologique et d’usage, en adaptant ses fonctions techniques
et sociales. D’autant plus que ses productions, notamment le direct, étudié par le prisme du
sport, reste un genre constitutif que les médias digitaux n’ont pas les moyens de contester
aujourd’hui dans le référent imaginaire global des utilisateurs.
Le flux de télévision a néanmoins su prendre sa place dans une nouvelle chaîne de valeur de
flux linéaires et délinéarisés, devant se positionner dans une offre de contrats d’écoute
diversifiée. Prenant sa place au cœur d’un nouvel écosystème, elle a inventé de nouvelles
propositions éditoriales, de nouvelles écritures, à la faveur de ses marques programmes.
Subissant un déterminisme technique, elle a muté dans sa matérialité. Les innovations de
l’objet se sont accélérées pour lui donner une forme de média hyper-connecté, véritable
portail interactif multi-média. La smart TV en est le fruit, avec un succès d’usage encore
frileux. Aura-t-elle le temps de s’implanter ou sera-t-elle vite dépassée dans une société où
l’obsolescence est programmée d’avance ?
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MOTS CLES Chaîne de valeur Contrat d’écoute Médiagénie Métamédia Panoptisme Rémédiation Spectacle Télévision