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Mémoire de recherche Master 2 du CELSA, parcours "Innovations et contenus médiatiques". Les mutations de la télévision face à son contexte d'innovation et redéfinition des objets télévisuels. Pratiques et postures du téléspectateur.

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SOMMAIRE INTRODUCTION-------------------------------------------------------------------------------------------- p 4

I – LE NOUVEL ÂGE DU MEDIA TELEVISION : DU MEDIA AU METAMEDIA------------------------------------------------ p 13 A. L’écran : d’une fenêtre ouverte sur la culture à un objet culturel----------------- p 14 1. Quand l’accès à l’image révolutionne l’accès à la culture------------------------------- p 14 a. Le rôle social du média télévision à travers ses trois âges---------------------------------- p 14 b. De la télévision cérémonielle au social média------------------------------------------------ p 17 2. Instantanéité, contribution et partage des objets télévisuels : vers un déterminisme de l’autonomie des usagers-------------------------------------------- p 20 a. La Social TV, culture de la participation du téléspect’acteur------------------------------- p 20 b. Les UGC, objets au service des marques programmes---------------------------------------- p 23 B. Quand la télévision devient un métamédia-------------------------------------------------- p 26 1. Un contexte de porosité des médias------------------------------------------------------------- p 26 a. Changement de paradigme de la médiativité-------------------------------------------------- p 26 b. Appropriation de la convergence Internet-Télévision --------------------------------------- p 28

par la télévision connectée

2. De l’interaction à l’interactivité émetteur-récepteur------------------------------------------ p 31 a. Valorisation du média télévision par la notion d’interactivité------------------------------- p 31 b. La télévision, un média réinventé --------------------------------------------------------------- p 34

II – LE DIRECT : GENRE CONSTITUTIF DU MEDIA TELEVISION ?--------------------------------------------------------- p 36 A. Le référent imaginaire global du spectacle ------------------------------------------------- p 37 1. Le direct sportif, la mise en spectacle du spectacle------------------------------------------- p 37 a. Le sport comme incarnation de valeurs identitaires du média------------------------------ p 37 b. La médiagénie du direct sportif dont la télévision serait le partenaire idéal-------------- p 40 2. Le direct sportif, dramaturgie et panoptisation du spectacle---------------------------------- p 43 a. Une dramaturgie au service de l’attractivité du média télévision--------------------------- p 43 b. Panoptisation du spectacle------------------------------------------------------------------------p 46

B. Le référent imaginaire global technique----------------------------------------------------- p 49 1. Une programmation qui se nourrit du direct--------------------------------------------------- p 49 a Une perception positive de la couverture télévisuelle---------------------------------------- p 49 b Une diversité des formats------------------------------------------------------------------------ p 52

2. Une technologie qui sublime l’événement par l’interactivité-------------------------------- p 53 a. Evolution de l’exploitation de l’environnement digital à l’antenne------------------------- p 53 b. Discours et appropriation des dispositifs interactifs------------------------------------------ p 56

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PARTIE III – IMPACTS DE L’INNOVATION SUR LE MEDIA TELEVISION : VERS UNE REMEDIATION----------------------------------------------------------- p 59

A. Quand le poste de télévision perd son monopole audiovisuel----------------------------p 60 1. La modification de la chaîne de valeur----------------------------------------------------------p 60 a. Le positionnement de la télévision et des nouveaux médias---------------------------------- p 60 b. Une nouvelle proposition d’usage transmédiatique------------------------------------------- p 62 2. La délinéarisation : un nouveau contrat d’écoute,

une nouvelle posture des usagers ----------------------------------------------------------------p 65 a. La délinarisation, le fantasme de la liberté----------------------------------------------------- p 65 b. Une tendance de consommation plus individuelle -------------------------------------------- p 67 B. La télévision comme objet, matérialité et remédiation------------------------------------p 69 1. Matérialité et culture des usages----------------------------------------------------------------- p 69 a. Impact des innovations de l’objet sur la culture médiatique--------------------------------- p 69 b. Smart TV, une réalité d’usage en retrait-------------------------------------------------------- p 72 2. Perspective d’une dématérialisation de l’objet télé-------------------------------------------- p 73 a. Déterminisme technique et immatérialité de l’image----------------------------------------- p 73 b. Perspective du « tout est écran », un rôle du média qui serait recentré ------------------- p 74 sur la production de contenus CONCLUSION----------------------------------------------------------------------------------------------- p 77 BIBLIOGRAPHIE-------------------------------------------------------------------------------------------- p 80 ANNEXES---------------------------------------------------------------------------------------------------- p 83 RÉSUMÉ------------------------------------------------------------------------------------------------------ p 110 MOTS CLÉS-------------------------------------------------------------------------------------------------- p 111

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INTRODUCTION

Télévision1 (1957) n.f. : « Transmission à distance, par courants électriques ou par ondes

hertziennes, de l’image d’un objet animé. »

Télévision2 (2001) n.f. 1. : « Transmission, par câble ou par ondes radioélectriques,

d’images pouvant être reproduites sur un écran au fur et à mesure de leur réception, ou

enregistrées en vue d’une reproduction ultérieure. – Télévision par câble(s) : télédistribution.

2. Ensemble des services assurant la transmission d’émissions, de reportages par télévision. 3.

Fam. Téléviseur. Abrév : télé. »

54 ans séparent ces deux définitions du mot télévision. La définition de 1957 ne fait aucune

référence à la matérialité du poste de télévision. Alors que les Français vont le découvrir en

1935 dans les lieux publics, en 19503, il n’y a pas plus de 3 794 postes récepteurs dans les

foyers (en raison du coût élevé de l’équipement). Mais, à la date de publication du

dictionnaire, on estime alors que le nombre de postes de télévision dans les foyers français

s'élève à un million. Alors pourquoi la définition ne tient-elle pas compte du récepteur ?

L’élément de réponse se trouve à un mot au-dessus de cette page 1174, la matérialité de la

télévision se nomme « téléviseur », mot quelque peu tombé en désuétude au XXIème siècle.

Pendant les années qui vont suivre, un million de téléviseurs sera vendu en France, jusqu'à ce

que chaque famille possède un poste à la fin des années 60. L’histoire de ce nouveau média de

masse ne va alors cesser de s’écrire au fil d’évolutions technologiques et sociales qui vont le

transformer jusqu’à l’inquiétude des acteurs de son industrie dans les années 2010.

Le rappel de la définition académique du mot « télévision » en introduction de ce travail de

recherche nous permettra d’en préciser la problématique et les hypothèses. Dans notre culture

actuelle et aux yeux du grand public, le mot « télévision » revêt des champs sémantiques qu’il

faut bien distinguer : nous regardons la télévision et on fait de la télévision, deux notions

relevant d’un côté de la réception et de l’autre du contenu. La définition 1. et 2. du

dictionnaire Larousse de 2001 est centrée sur le champ du dispositif technique sans

1 Dictionnaire Nouveau Larousse Classique, Editions Librairie Larousse, 1957 2 Dictionnaire Le Petit Larousse Illustré, Editions Larousse, 2001 3 ROZAT, Pascal «Histoire de la télévision : une exception française ? », inaglobal.fr [disponible en ligne : http://www.inaglobal.fr/television/article/histoire-de-la-television-une-exception-francaise] publié le 09 décembre 2010, Mis à jour le 07 mars 2011, consulté le 10 juillet 2013

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considération pour le récepteur, le message, le contenu. D’un point de vue étymologique4 le

mot télévision est composé de télé, du grec ancien τηλε, (tele), « loin » et de vision, du latin

visio, « voir ». Ce néologisme sera proposé par Constantin Perskyi dans sa communication

adressée le dernier jour du Congrès International d'Electricité qui se tient, dans le cadre de

l'Exposition Universelle de Paris, du 18 au 25 août 1900. Il est repris dans la presse anglaise

sous la forme « television ». Il supplante peu à peu d'autres termes de l'époque, comme

téléctroscope ou téléphote. Ici c’est encore l’innovation technique qui prend le pas, une

technologie qui permet à un médium de transmettre, littéralement, ce qui vient de loin.

Mais l’essor de la télévision, devenu le média préféré́ des Français5 pour l’information ou

pour comprendre un sujet de fond, est basé avant tout sur le contenu. C’est l’évolution de son

écosystème qui nourrira le petit écran de programmes pour que le dispositif technique prenne

tout son sens.

En 19486, les programmes sont essentiellement des spectacles de variété réalisés en

plateau. Les premières retransmissions de grands événements en direct font dans le même

temps leur apparition, comme l’arrivée du Tour de France au Parc des Princes ou la messe de

minuit à Notre-Dame. En 1949, Pierre Sabbagh lance le premier journal télévisé, alors que

Jacqueline Joubert devient la première speakerine. Se pose alors le problème des sources de

financement du flux télévisuel. La loi du 30 juillet instaure une redevance sur les postes de

télévision.

En 1974, apparaît la première notion de résultats sous forme de calculs d’audience, les trois

chaînes publiques se faisant alors concurrence pour la répartition du produit de la redevance

(devenant en partie corrélée aux résultats d’audience). La publicité introduite en 1968,

représente environ un quart des recettes de TF1 et d’Antenne 2. En 1982, la loi du 29 juillet

abroge le monopole d’état. Deux ans plus tard, Canal+ commence à émettre, le 4 novembre

1984, bientôt suivi par La Cinq et TV6 en 1986 ; puis TF1 est privatisée en 1987. La course à

l’audience est alors le nerf de la guerre du financement des programmes. L’ouverture du

marché à de nouveaux entrants (câble, satellite, TNT…) ne cessera de bouleverser la

télévision en tant qu’émetteur de contenus.

4 Anonyme « Télévision », Wiktionary.org [disponible en ligne : http://fr.wiktionary.org/wiki/t%C3%A9l%C3%A9vision] publié le 10 juillet 2013, consulté le 27 juillet 2013 5 TNS Sofres pour La Croix, 22 janvier 2013 6 ROZAT, Pascal «Histoire de la télévision : une exception française ? », art. cit.

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A l’aube de 2014, la télévision a dépassé l’âge de la post-télévision7, dont la téléréalité a

été le point de départ, et ne cesse de se développer. Elle a entamé sa mutation qui la fait entrer

dans un nouvel âge, dans un contexte d’innovations de plus en plus rapides et d’écosystème à

réinventer.

Les enjeux économiques et stratégiques se jouent au niveau de tous les champs

sémantiques de la télévision : du côté de l’industrie de l’écran aussi bien que du côté des

éditeurs de contenus. Et nous observons un oxymore complexe entre figure technique et

figure du discours. Le dernier CES8 (Consumer Electronics Show) de Las Vegas a mis en

exergue l’accélération permanente des innovations. L’écran n’est plus « le petit écran » en

opposition au « grand écran » de cinéma. Au CES, on découvre l’écran de grande taille, sur

tous les devices : la plupart des constructeurs de télévision ont présenté des écrans de très

grande taille, supérieur à 50 pouces voire à 80 pouces ; les constructeurs de téléphones

mobiles, des smartphones ressemblants de plus en plus à des tablettes. Autre grande tendance

du CES 2013, la télévision connectée :

« Le CES 2013 sera celui de l’avènement incontestable de la TV connectée, sans passer par une box d’opérateur ou une console de jeu : c’est aujourd’hui la TV qui est connectée à internet directement, et ça change tout. Pub ou contenus cliquables, applications installées, VOD, stockage via le cloud du constructeur ou du vendeur de contenus, télécommandes intelligentes se transformant en souris, caméra embarquée installée sur la TV pour communiquer à distance ou faire des exercices de sport, piloter la TV ou jouer à des jeux… La TV connectée arrive enfin, avec ce qu’il faut pour qu’elle soit vraiment utile dans les usages qu’elle propose. Le monde nouveau qu’on nous annonçait s’ouvre maintenant pour les contenus et la publicité. »

Enfin, il est important aussi de souligner que la qualité de l’image et de sa restitution est au

cœur des préoccupations des constructeurs. Avec l’image 4K (4000 pixels), l’image devient

aussi réaliste que le réel. Le média télévision n’est plus seulement un dispositif d’accès à

l’information, la culture, le divertissement. Il doit désormais répondre à une exigence de

réalisme d’images sublimées et plus vraies que nature.

Si nous observons maintenant la figure du discours, Jean-Louis Missika et Dominique

Wolton9 envisageaient déjà en 1980 trois formes possibles et simultanées de télévision : « la

télévision diversifiée (spécificité accrue des programmes), la télévision fragmentée

(spécification accrue des publics, et donc du support [...] et la télévision inter-active (c'est-à-

7 MISSIKA, Jean-Louis, La fin de la télévision, Paris, Editions du Seuil, coll. « La République des Idées », 2006 8 BEAUDICHON, Bertrand « CES 2013 : des écrans, des données, des usages », Doc News [disponible en ligne : http://www.docnews.fr/actualites/tribune,ces-2013-ecrans-donnees-usages,35,15648.html] publié le 15 janvier 2013, consulté le 15 janvier 2013 9 Le Nouvel Observateur, 27 sept. 1980, p. 58, col. 3

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dire permettant des échanges audio-visuels entre usagers) ». Cette notion d’interactivité est la

clé de ce que nous avons défini comme quatrième âge de la télévision, qui en bouleverse les

usages et les fonctionnalités, un âge nourri par la digitalisation de l’Internet. La montée en

puissance de la digitalisation des contenus médiatiques, à son apogée depuis trois ans,

révolutionne tous les médias historiques, que ce soit la presse écrite, la radio, le livre ou la

télévision. Par un effet cliquet, le retour à des formes plus classiques de ces médias est

impossible. Afin de ne pas mourir, supplantés par les médias numériques, ils ont bien compris

la nécessité de se réinventer et d’innover.

Si nous revenons au média télévision, le concept de l’ATAWAD (Any Time, Any Where, Any

Device) met-il en danger ce média de masse historique ? Les stratégies des éditeurs de chaînes

de télévision doivent être de plus en plus inventives pour satisfaire un récepteur hyper

connecté, maîtrisant ses horaires, ses programmes, pouvant les critiquer en direct et adepte de

la mobilité. La télévision connectée trônant au premier trimestre 2012 dans 10,7% des

foyers10, sera-t-elle à la hauteur des médias concurrents, l’ordinateur, les tablettes déjà

adoptées par 18% des foyers français11 au premier trimestre 2013 (ce nombre a plus que

doublé en 1 an) et smartphones ?

Mais avec une durée d’écoute en constante progression, nous sommes encore loin de

l’uchronie d’un monde où le support physique télévision aurait totalement disparu à la faveur

de nano écrans ou d’objets du quotidien projetant de l’image. En effet, cette approche semble

ne prendre en compte qu’une idéologie technique, sans considération pour le concept du

média de masse « télévision », objet culturel aux contenus riches et innovants. Les éditeurs de

télévision mettent tout en œuvre pour répondre aux usages connectés et à une concurrence de

contenus foisonnants disponibles sur internet. Pour affronter ces évolutions technologiques

d’accès aux images et aux divertissements, ils doivent impérativement négocier avec succès le

virage stratégique qui se présente tant au plan éditorial que commercial et ceci avec leurs

partenaires issus des nouvelles technologies.

Ces enjeux sont d’autant plus primordiaux pour les chaînes historiques. Déjà confrontées à

une fragmentation de l’audience dans un univers concurrentiel de plus en plus dense

10 BEMBARON, Elsa « Trois millions de foyers équipés de télé connectée », Lefigaro.fr [disponible en ligne : http://www.lefigaro.fr/medias/2012/05/22/20004-20120522ARTFIG00662-trois-millions-de-foyers-equipes-de-tele-connectee.php] publié le 22 mai 2012, consulté le 25 avril 2013 11 Communiqué du 03/06/2013 Médiamétrie

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(thématiques, TNT et nouveaux entrants), elles doivent continuer à jouer leur rôle de média de

masse (en opposition avec les programmes spécialisés, voire de niche des chaînes

thématiques), tout en répondant à la consommation plus individualiste des spectateurs

demandeurs d’expériences enrichies multi-écrans. Une autre opposition est au cœur des

problématiques de l’avenir de la télévision linéaire avec l’émergence des Over-The-Top

Content (OTT) : Google TV, Apple TV, ou consoles de jeux vidéo comme la Xbox.

Les inquiétudes sur la disparition du petit écran ne paraissent cependant actuellement pas

fondées. La substitution est loin d’avoir eu lieu : alors que 76% des Français sont internautes,

la durée d’écoute TV moyenne en 2012 était de 3h50 par jour12, soit trois minutes de plus

qu'en 2011 et 30 minutes de plus que dix ans plus tôt. Jamais le public n'a autant consommé

ce média. Mais cette observation faite en France est challengée par une autre étude réalisée

par l’agence eMarketer aux Etats-Unis en août 201313. Une étude comparant le temps moyen

passé devant les différents écrans (adultes de plus de 18 ans) entre 2010 et 2013 montre que

pour la première fois dans son histoire, la télévision n’est plus l’écran le plus consommé, à la

faveur des médias digitaux (5h16 par jour contre 4h31 pour la télévision).

Pour le moment, l’utilisation du second écran (tablettes et autres) est en devenir et connaît

un frémissement qui donne une perspective positive à la télévision. C’est un potentiel

d’enrichissement qui renforce l’expérience télévisuelle en offrant un espace de liberté

complémentaire au contenu diffusé sur l’écran principal. D’autant plus que les constructeurs

de télévision sont toujours plus innovants, apportant des fonctionnalités d’interface toujours

plus performantes, largement médiatisées au dernier CES. Même si les tablettes ont vu leur

part de marché exploser en 2013, la prime au grand écran est toujours un déclencheur de

l’acte d’achat de la télévision.

Ces fonctionnalités se font au service d’une interactivité toujours plus engageante du

téléspectateur. Le watermarking par exemple permet une synchronisation entre le programme

et une application qui enrichit un contenu live en temps réel (à l’instar de The Voice, Top Chef

ou des grands directs sportifs). Cet engagement favorise la fidélisation et le maintien

d’audiences significatives pour ces programmes en créant un lien privilégié entre la marque

12 Communiqué du 30/01/2013 Médiamétrie , Médiamat – France métropolitaine, plus de 4 ans équipés de téléviseurs. 13 REDACTION « Digital Set to Surpass TV in Time Spent with US Media », emarketer.com [disponible en ligne : http://www.emarketer.com/Article/Digital-Set-Surpass-TV-Time-Spent-with-US-Media/1010096] publié le 1er août 2013, consulté le 1er août 2013

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programme et le récepteur. La technologie Hbbtv permet de proposer de multiples services

pour les télévisions connectées, édités par de nombreuses sociétés françaises travaillant en

étroite collaborations avec les éditeurs de programmes (Dotscreen, Visiware…).

L’écosystème semble donc prêt à accompagner la mutation de la télévision confrontée à

une évolution sociologique de l’accès à l’information et au divertissement. Véritable portail

interactif, la télévision est désormais connectée et se pare de nouveaux attributs pour remplir

sa fonction sociale et culturelle. Nous allons au cours de notre recherche nous interroger

spécifiquement sur l’évolution de l’objet média télévision, en questionnant sa légitimité face à

des usages en constante mutation répondant à une évolution sociologique de la consommation

de l’image. Nous pouvons préciser la problématique avec la question suivante :

Dans un contexte de bouleversement des usages, de contournement de la

chronologie des médias, de porosité des médias historiques, comment le média télévision,

média roi du XXème siècle, se transforme-t-il dans sa fonction sociale et technique ?

Dans quelle mesure les avancées technologiques et l'émergence d'hypermédias

numériques la conduisent-elle à une réinvention de ses dispositifs communicationnels et

de sa matérialité ?

Pour apporter quelques réponses théoriques à ce questionnement, trois

méthodologies ont été retenues. Tout d’abord une analyse de discours construite sur des textes

scientifiques, des articles (issus de la presse et de sites internet entre septembre 1980 et août

2013) et des déclarations des acteurs impactés ou parties prenantes de la révolution

numérique : chercheurs en SIC, éditeurs de contenus de médias historiques, constructeurs de

télévision, réalisateurs de programmes ou observateurs de tendance. Cette analyse de discours

nous permettra de mieux comprendre l’imaginaire technologique vécu au travers de la télé

connectée. Ensuite nous avons retenu une analyse sémiologique du dispositif d’un événement

qui a fêté sa 100ème édition en juillet 2013, le Tour de France. Il s’agira ici d’étudier les

discours, signes et dispositifs d’une retransmission d’une étape de l’Alpe d’Huez, programme

télévisuel de mise en spectacle identitaire. Nous comparerons l’évolution de ces dispositifs

sur 3 périodes : 2006, 2011 et 2013. L’analyse des évolutions des dispositions et des usages,

de l’interactivité mise en œuvre sur les supports médiatiques en 8 ans, permettra de mieux

comprendre les contours de la révolution médiatique en marche et des nouveaux usages.

Enfin, nous dirigerons des entretiens semi-directifs de différents profils d’acteurs ou

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consommateurs du média télévision : professionnels chez les éditeurs de contenus, du

marketing et de l’interactivité, consommateurs multi-générationnels. Ces entretiens nous

permettront de mieux cerner les pratiques digitales et transmédiatiques ainsi que les

comportements des téléspectateurs, leurs attentes et leurs évolutions.

Nous allons envisager trois hypothèses qui viendront nourrir les éléments de réponse à

notre questionnement. Nous posons d’abord l’hypothèse que l’âge de la post-télévision14

connaît un changement de paradigme de consommation qui met fin à cette période. Nous nous

questionnerons les fondements du média télévision dont la révolution épistémologique lui fait

perdre le monopole de l’accès par l’image à la culture. Le cadre de la recherche concerne la

figure technique de la télévision et ses répercussions sur son rôle social. Nous observons que

l’innovation tend à amplifier les usages au bénéfice de marques média qui deviennent des

objets culturels de plus en plus partagés. En passant de simple média à un métamédia qu’est la

télévision connectée, la télévision crée de nouvelles formes d’édition de contenus, lui

permettant de légitimer son rôle social. Les nouvelles fonctionnalités de l’objet bousculent le

modèle émetteur-récepteur, le récepteur pouvant même devenir émetteur par la création des

Users Generated Content. A ce titre Twitter ou le transmédia sont à l’initiative de cette

transformation de l’usage. Encore balbutiantes, ces formes de narration collaborative sont

encore rarement à l’origine d’une véritable production d’images ou de narration sur l’écran

principal (les tweets venant juste s’ajouter au contenu de l’éditeur). En cela Internet se

révèlerait être le média de la participation. Si les éditeurs de télévision maîtrisent encore leurs

contenus, la prise de pouvoir du public, qui peut s’exprimer sur les plateformes comme

Youtube ou Dailymotion, paraît modifier la nature des objets audiovisuels. La télévision

s’ancrerait-elle dans un modèle de curateur de contenu ou aurait-elle comme opportunité

d’évolution de tirer profit de son statut de métamédia ? Elle contribuerait alors à favoriser la

circulation de l’image et des contributions, produisant de la culture en renforçant la notion de

trivialité15 de ses contenus par l’appropriation sociale et la transformation des objets grâce aux

fonctionnalités d’Internet. Sa nouvelle médiativité s’appuierait ainsi sur son environnement

technologique.

Face à cela, nous posons pour seconde hypothèse que le média télévision se

distinguerait des nouveaux médias audiovisuels pour revendiquer une identité propre, lui

14MISSIKA, Jean-Louis, La fin de la télévision, art. cit. 15 JEANNERET, Yves, Penser la trivialité, volume 1, La vie triviale des êtres culturels, Paris, Hermès Sciences Publications, coll. « Communication médiation et co », 2008

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permettant de légitimer un usage singulier. S’il se nourrit de dispositifs complémentaires pour

fidéliser et accroître son audience, la singularité de contenus qui lui sont propres resterait son

élément constitutif essentiel. Le dispositif technique ne serait qu’au service d’une

éditorialisation dont le direct semble être la substantifique moelle. L’enrichissement d’un

programme d’exception au service de l’écran principal nourrirait un intérêt alors démultiplié.

La télévision s’auréolerait d’un imaginaire affirmé de l’événement exclusif. Cette hypothèse

induirait une notion de spectacle sublimée au service d’un flux linéaire, consommé

instantanément et en simultanéité, avec des moyens de production toujours plus ambitieux.

Elle serait appuyée par l’observation d’une panoptisation des dispositifs, satisfaisant un

récepteur de plus en plus exigeant, qui veut tout savoir, tout partager, immédiatement.

L’innovation bouscule alors la figure narrative et l’imaginaire du média qui tente de préserver

la singularité de son contenu. Le statut du message télévisuel deviendrait alors

monopolistique, dans un contexte d’instantanéité spécifique, de société de l’immédiateté et du

spectacle. Ce n’est alors pas le dispositif en lui-même qui est questionné mais ce qu’il émet.

En cela, nous nous demanderons si le direct peut nourrir la spécificité du média télévision.

Que ce soit lors de grands primes de divertissement comme The Voice, les grands rendez-vous

politiques que sont les élections ou encore les manifestations sportives de haut niveau (que les

diffuseurs s’arrachent à grands coût d’achat de droits exorbitants), la télévision préserverait

toute son attractivité par la nature incontournable du rendez-vous.

Enfin, une troisième hypothèse questionnera le média au sein d’un environnement

concurrentiel complexifié. Nous essayerons de placer la télévision dans une nouvelle chaîne

de valeur et d’étudier comment les éditeurs de contenus s’adaptent aux nouveaux contrats

d’écoute. La posture d’un utilisateur devenant son propre créateur d’objets médiatiques et

prenant la main sur sa programmation, modifie sa relation au média dans un fantasme de

liberté : en quoi cela impacte la nature des formes médiatiques télévisuelles ? Enfin, nous

nous tournerons vers le déterminisme technologique et à la matérialité de la télévision. Le

média télévisuel est un objet technique soumis à l'obsolescence, il vieillit. Mais il paraît se

métamorphoser plus qu’il ne disparaît. Néanmoins, il existe une friction entre la définition de

l’écran et celle du poste de télévision. Celui-ci connaît en ce sens une phase décisive autour

d’une matérialité réinventée au rythme frénétique des innovations qui déterminent les enjeux

stratégiques des constructeurs. Nous étudierons cette figure technique pour observer si la

matérialité de la télévision pourrait en être affectée, dans une perspective « où tout est

télévision ou rien n’est télévision ». Nous serons alors amenés à envisager qu’elle puisse

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revendiquer sa remédiation vers une autre forme de média pour se renouveler. L’objet smart

TV ferait-il alors déjà parti d’un passé qui approche à grand pas ?

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I – LE NOUVEL ÂGE DU MEDIA TELEVISION :

DU MEDIA AU METAMEDIA

Pendant près de 50 ans, la télévision, communément nommée « petit écran », a été

confortée dans une situation de monopole de l’accès à la culture par l’image au domicile.

Fenêtre sur le monde qui informe, elle divertit, suscite le débat ou place le spectateur au cœur

de spectacles géographiquement inaccessibles. Dans les années 2000, la bulle Internet vient

bouleverser son statut, l’ordinateur s’installe dans les foyers et connaît une évolution

technologie exponentielle. La télévision voit naître les NTIC (Nouvelles Technologies de

l’Information et de la Communication), concurrents impitoyables dans l’accès à la culture et à

l’information. La « vieille dame » entame alors sa route vers une mutation nécessaire pour

répondre à la transformation des usages de la société…. Renaissance ou sursis ?

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A. L’écran : d’une fenêtre ouverte sur la culture à objet culturel

1. Quand l’accès à l’image révolutionne l’accès à la culture

a. Le rôle social du média télévision à travers ses trois âges

Pendant un quart de siècle, la télévision a été l’unique média permettant à une large part de

la population, hors intellectuels, l’ouverture sur le monde de son domicile. L’accès à l’image

culturelle n’est plus alors l’apanage du cinéma. La révolution sociale de la paléo-télévision16

est en route vers une forme de libération par l’accès à la culture, comme le souligne Isabelle

Veyrat-Masson17 :

« L’utopie du progrès et de la libération des hommes par la culture et la connaissance, si chère au XIXe siècle, semble être revivifiée par l’invention de la télévision, par la possibilité qu’elle offre de diffuser les grandes œuvres du patrimoine littéraire et artistique si longtemps réservées à des privilégiés, de les recevoir chez soi en tournant un simple bouton. »

Sous l’emprise de l’Etat, la télévision devient au fil de son développement technologique et

de sa vulgarisation, un outil éducatif de la « masse » avec une véritable mission sociale de

démocratisation du savoir et d’uniformatisation de la culture française, comme l’a expliqué

Marie-Françoise Lévy18 :

« La télévision qui s’ancre sous la Quatrième République instaure un modèle de télévision fondé sur la transmission du patrimoine et qui soutient l’idée d’une télévision comme instrument culturel au service de l’unité et de l’égalité entre les hommes. La télévision sous de Gaulle est investie d’une mission d’éducation morale et de guide au service du rassemblement des Français. Elle est aussi pensée comme une représentation de la France. »

Il est bon ici de définir une notion de culture que nous choisirons au sens large : la culture

peut être définie comme étant l’ensemble des connaissances acquises dans divers domaines.

Le journal télévisé lancé en 1949 par Pierre Sabbagh est représentatif de cette vulgarisation de

l’accès à la connaissance par un médium présentateur qui se pose en commentateur pour

décrypter l’actualité et les enjeux politiques. Eliseo Veron19, dans son analyse du journal

télévisé, note à ce propos l’importance du lien entre ce médium présentateur, intermédiaire

entre l’événement et le téléspectateur, l’image délivrant en temps réel l’actualité quand vient

16 ECO, Umberto, La Guerre du faux, Paris, Grasset, 1985 17 VEYRAT-MASSON, Isabelle, Quand la télévision explore le temps. L’histoire au petit écran, 1953-2000, Paris, Fayard, 2000, p.48 18 LEVY, Marie-Françoise, « Télévision, publics, citoyenneté » in COHEN Evelyne, LEVY Marie-Françoise (dir.), La télévision des Trente Glorieuses, Paris, CNRS Editions, 2007, p 91-111 19 VERON, Eliseo, « Il est là, je le vois, il me parle » in Réseaux, Paris, Le Seuil, 1986, volume 4 n°21. p71-95.

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l’ère du direct. Les techniques de productions, les moyens de transmissions et l’innovation

créeront un lien tout particulier entre le présentateur du journal télévisé, via une starification

de celui-ci qui le confirmera dans son rôle d’éducateur : « […] De même que je reçois les

nouvelles qu'il me transmet, il les a, à son tour, reçues. Sa circonspection me dit le travail

d'interprétation à faire et les précautions à prendre : l'actualité est souvent complexe, on ne

sait pas toujours très bien, bref : il faut faire attention. ». La pédagogie est au rendez-vous, la

posture médiatique de la télévision s’inscrit dans l’accompagnement de la libération de

l’Homme dans la connaissance. Idéaliste, humaniste, elle devient le principal média de masse

à la fin des années 70, entrant dans son âge de néo-télévision20. Toujours placée sous le signe

du média de la promotion de l’information et des programmes culturels, sa vocation est de

faciliter l’accès au plus grand nombre à des œuvres culturelles, inaccessibles par ailleurs.

L’objectif culturel, qui dans l’imaginaire collectif peut paraître élitiste, relève alors du média

de masse, deux notions antinomiques qui se rejoignent grâce à la télévision. Dès lors, les

éditeurs, sous le couvert de service public, créent des rendez-vous populaires et fédérateurs,

s’attachent à produire des programmes de qualité, accessibles et enrichissants. Toutefois, la

chaîne de valeur est modifiée par les modalités du discours, sa construction et la technologie de

diffusion.

Il ne faut pas cependant ignorer l’économie du média qui constitue aussi et avant tout un

produit commercial, à l’instar de la presse ou du cinéma. C’est en 1974 qu’apparaît la

première notion de résultats sous forme de calculs d’audience, pour la répartition de la

redevance. Quant à la publicité, elle arrive sur l’écran en 1968. Elle représente alors environ

un quart des recettes de TF1 et d’Antenne 2. Avec la fin du monopole d’Etat en 1982, de

nouveaux entrants se créent (Canal+ le 4 novembre 1984, La Cinq et TV6 en 1986), TF1 est

privatisée en 1987. Dans ce nouveau contexte économique, un des grands enjeux de la

télévision, a été de négocier le virage de la privatisation et ensuite de la création d’une

multitude d’offres de canaux avec un foisonnement de programmes thématiques ciblés. Les

chaînes historiques restent du domaine du « généraliste » en opposition avec les chaînes

thématiques qui explosent au sein d’offres de télévision payante. Dès lors chaque média

propose son contrat d’écoute spécifique qui lie la marque programme et son récepteur, la

société découvre un PAF multi-culturel mais moins fédérateur. La notion de communauté

émerge. « Je suis fan de musique, je regarde MCM ; je suis fans de sport, je regarde

Eurosport France ; je suis fan de découverte, je regarde Planète… ». L’offre de contenus 20 ECO, Umberto, art. cit.

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s’inscrit dans cette prise en considération de l’évolution la société. L’individu se crée ses

propres communautés, loin des Institutions, et la télévision entre dans une logique de réponse

à la demande d’un consommateur émancipé avec une politique de marketing éditorial. « L’âge

d’or de la télévision » arrive à sa fin et on craint alors que la vocation culturelle fasse place à

la vocation commerciale du média en opposant service public et chaînes commerciales. Le

statut de média de masse au service de l’enrichissement général de la société se transforme

alors : la vocation du petit écran reste toujours de s’adresser au plus grand nombre avec des

discours didactiques, mais par le biais de multiples canaux moins généralistes. Le modèle

économique se voit lui aussi modifié avec l’apparition d’offres payantes avant la création des

chaînes de la TNT qui permettent un accès gratuit à différentes formes de contenus. La

télévision publique, qu’on appelle d’ailleurs le service public, se targue d’inventer des modes

de représentations esthétiques et artistiques garant de la qualité, induisant un objectif culturel.

De là à conclure que la télévision commerciale est en opposition un média de la société d’en

bas serait trop simpliste. Néanmoins malgré son statut de 8ème art acquis en 1982 par le

Ministère de la Culture, la télévision est décriée et des journaux comme Télérama s’infiltrent

dans la brèche pour critiquer la télévision commerciale et ses productions trop pauvres

intellectuellement parlant. La post-télévision21 introduit le phénomène de la téléréalité. Le rôle

social de la télévision est bouleversé et répond à l’évolution d’une société de la surveillance

du spectacle qui pousse au paroxysme la panoptique22 des dispositifs télévisuels. La promesse

de ces dispositifs est alors de tout voir, tout comprendre, tout expliquer, qu’importe la nature

du regard porté sur le contenu. En quoi le spectacle d’adolescents filmés 24h/24 nourrit

culturellement le téléspectateur et exacerbe sa liberté ? Les polémiques sont lancées en

réponse à Umberto Eco : « La télévision rend intelligents les gens qui n’ont pas accès à la

culture et abrutit ceux qui se croient cultivés ».

La transformation du rôle social de la télévision continue sur la lancée de l’ère numérique.

Comme nous l’avons évoqué, en un quart de siècle, la télévision passe d’un statut de média

d’accès à la culture à un média de l’industrie, à vocation lucrative, pour satisfaire une

curiosité de société du spectacle, dans des formes narratives distrayantes ou choquantes. Les

années 2000 marquent la société par l’accélération des nouvelles technologies. Les relations

sociales se transforment avec l’émergence de nouveaux acteurs qui bouleversent les usages et

les relations interpersonnelles. La télévision questionne alors sa place de mass média culturel,

21 MISSIKA, Jean-Louis, La fin de la télévision, art. cit. 22 FOUCAULT, Michel, Surveiller et punir, Paris, Gallimard, 1975

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déjà contrariée par la fragmentation de son offre, le web 2.0 et le numérique ayant ouverts

d’autres fenêtres sur le monde, définissant une nouvelle notion, celle de l’interactivité. D’outil

d’archivage de données culturelles consultables, l’interactivité est désormais un flux à double

sens. Il ne s’agit plus d’une action-réaction homme-machine mais la possibilité pour l’homme

de contribuer au contenu du média Internet. L’émergence des relations individuelles de

communauté à communauté ou d’émetteur-récepteur, via les réseaux sociaux, entraîne la

modification de la place de la télévision comme mass média unique et seul émetteur

audiovisuel. Le poste de télévision, qui jusqu’alors avait connu de nombreuses

transformations techniques (la télécommande, la couleur, la qualité de l’image…), trouve sa

matérialité transformée pour répondre aux nouveaux codes sociaux de consommation. Ainsi

débute un nouvel âge de la télévision que nous proposons de nommer « la proto-télévision »,

réinvention d’une nouvelle matérialité par la télévision connectée, prototype d’un nouvel

objet culturel.

b. De la télévision cérémonielle au social média

Comme nous venons de l’analyser, la télévision n’a cessé de s’inventer au fil des

innovations et des événements sociétaux (politique, relations sociales, croyances,

économie…). La conséquence majeure qu’il nous paraît intéressant d’étudier à ce niveau de

notre recherche, c’est le changement de fonction sociale au sein du foyer, plus largement du

lieu où est installé le poste de télévision. Depuis ses débuts, la télévision a toujours privilégié

la culture du spectacle avec des grands événements en direct suivis par des millions de foyers.

Qu’il s’agisse des événements politiques, culturels ou sociétaux, la télévision rassemble

autour de son écran pour partager des moments privilégiés en famille ou entre amis. C’est ce

que Daniel Dayan et Elihu Katz ont défini comme « La télévision cérémonielle »23. Ce que

nous pouvons souligner dans leur analyse, c’est la dimension de célébration autour du rendez-

vous télévisuel et la capacité fédératrice, collective de ce rendez-vous. Dans sa finalité, le

programme sera partagé, devant l’écran et hors écran, le lendemain à l’université, en soirée, à

la machine à café du bureau… La conversation est déjà inscrite dans l’ADN du programme

télévisé avant même l’arrivée de la social TV. Les programmes représentent bien des objets

23 DAYAN, Daniel, KATZ, Elihu, La télévision cérémonielle. Anthropologie et histoire en direct, Paris, PUF, 1996

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culturels au sens trivial d’Yves Jeanneret24, qui se diffusent à travers la société et évoluent

avec le temps, les milieux dans lesquels ils naissent, se développent ou s’intègrent. La

télévision ne transmet plus la culture mais fait culture dans une société devenue société de

communication et d’information permanente.

Ce sont dans les années 2010 que le paradigme de consommation est modifié. C’est le

début de l’âge que nous avons nommé proto-télévision. Une autre forme de télévision prend

forme, balbutiante mais avec une rapidité de transformation jusqu’alors jamais égalée. Elles

marquent le début des annonces qui se succèdent autour de la télévision connectée : géants de

l’Internet (Google, Yahoo…), constructeurs de téléviseurs, éditeurs de télévisions, opérateurs

télécoms… voient le potentiel de cette nouvelle figure technique et adaptent leur stratégie de

développement. La mobilité fait sa grande entrée dans la valse des changements. La télévision

n’est plus une consommation de salon ou de chambre à coucher, elle s’emmène partout. Le

tout est résumé dans une devise : Anywhere, Any Time, Any Device (ATAWAD). Du côté de

l’offre de programmes, de nombreux éditeurs de contenus et services numériques, présents sur

ordinateurs et téléphones mobiles, réfléchissent à élargir leur stratégie multi-écrans à la

télévision. La multiplicité des écrans et le multitasking25 vont radicalement bouleverser les

usages du contenu télévisuel et l’usage médiatique des écrans. Dans une vision très

McLuahnienne26 de prolongement des êtres humains par les technologies, le medium a

changé l’individu lui apprenant à faire plusieurs choses à fois, abandonnant sa posture passive

devant l’écran. Ses fonctions et capacités manuelles, visuelles, mémorielles… se sont

étendues, prolongées et démultipliées grâce aux smartphones, tablettes tactiles ou télévisions

connectées. Il a le pouvoir de mener de front plusieurs actions au même moment.

De même l’arrivée de Facebook et de Twitter révolutionnent les interactions individuelles

autour de programmes télévisés. Plus tard, l’émergence des applications pour smartphone,

tablettes et télévisions connectées diversifient la relation émetteur-récepteur à l’instar de

MyTF1 Connect ou du watermarking de l’application « Devant ma télé » de M6. En plus

d'offrir des fonctionnalités de discussion, TF1 a mis en place, début 2013, un « Instant

Replay » qui permet aux utilisateurs de créer leur propre replay vidéo de 30 secondes et de les

diffuser sur les réseaux sociaux. 24 JEANNERET, Yves, Penser la trivialité, Volume 1, La vie triviale des êtres culturels, Paris, Hermès Science Publications, « Comunication, Médiation et co », 2008 25 Multi-tâche : consommation de plusieurs devices en même temps 26 MCLUHAN, Marshall, Pour comprendre les médias. Les prolongements technologiques de l’homme, Paris, Mame/ Le Seuil, 1968

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Les régies publicitaires s’en nourrissent pour déployer des offres commerciales elles-aussi

enrichies dans un objectif de rentabilité pour la création de contenus.

2. Instantanéité, contribution et partage des objets culturels : vers un déterminisme de l’autonomie des usagers

a. La Social TV, culture de la participation du téléspect’acteur

La proto-télévision révolutionne la destination de l’usage du média télévision

(communication unilatérale de l’émetteur au récepteur avec une vocation de transmission de

connaissances) en ayant créé un prototype de système de partage social très vite approprié par

les individus. Le mouvement avait été initié par la post-télévision avec une première approche

lors des premières émissions de télé-réalité. Pour la première fois, le téléspectateur contribuait

au choix des protagonistes du spectacle par un système de vote déterminant ceux qui devaient

rester ou partir. Le numérique va accélérer le changement médiatique, agrégeant d’autres

écrans à la télévision, étant connectés en permanence, pouvant se synchroniser les uns avec

les autres sans liaison physique. Le digital a amplifié des usages qui s’étaient déjà

individualisés avec la mobilité et le multi-équipement. Surtout, il a favorisé l’interaction

instantanée, la contribution et le partage des objets faisant culture, ce qu’Yves Jeanneret28

nomme la « […] culture triviale : cette activité incessante par laquelle les hommes échangent

plus ou moins largement, de façon plus ou moins contrôlée, leurs conceptions du monde ».

D’abord craintif et méfiant, le monde de la télévision va s’approprier l’imaginaire

d’Internet et sa notion de web 2.0, pour en faire un concept de support, le site web venant

compléter l’émission télévisuelle. Il est décliné en format responsive design pour s’adapter à

tous les écrans au service de l’écran principal. Ainsi il favorise la contribution simultanée et le

partage, le téléspectateur devenant « téléspect’acteur ». Si les pratiques ont été initialement

l’apanage d’early adopters29, elles se sont largement démocratisées puisqu’aujourd’hui un

tiers des Français pratique la social TV30. Le phénomène s’explique en partie par la croissance

rapide du taux d’équipement de la population. Au premier trimestre 201331, 21,4 millions de

foyers (77%) sont équipés d’un ordinateur et pour près des 2/3 d’entre eux, il s’agit d’un

28 JEANNERET, Yves, L'affaire Sokal : comprendre la trivialité, in: Communication et langages. N°118, 4ème trimestre 1998. pp. 13-26. 29 Adopteur précoce : personne qui s’approprie une nouvelle technologie avant l’usage collectif 30 Etude CSA réalisée en ligne du 11 au 13 juin 2013 auprès de 1 059 internautes français âgés de 15 ans et plus 31 Communiqué GFK/Médiamétrie, 3 juin 2013

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portable dans une recherche de consommation mobile. Dans la logique de consommation

individuelle des écrans, on constate que plus de 2 foyers équipés sur 5, soit 8,8 millions, ont

au moins deux ordinateurs à la maison. Nouveau phénomène depuis fin 2012, la tablette

tactile connaît un engouement croissant en étant présente dans plus de 18% des foyers au 1er

trimestre 2013. Le nombre de foyers possédant une tablette a plus que doublé en un an

passant de 2,2 millions au 1er trimestre 2012 à 5,1 millions au 1er trimestre 2013. Elle séduit

tout particulièrement les hommes de moins de 50 ans, à la tête d’une famille plus nombreuse

que les possesseurs d’ordinateurs. Elle devient le device idéal pour la pratique second écran et

est utilisée dès le plus jeune âge, laissant présager un usage vulgarisé des générations futures.

Une étude du CSA réalisée en juin 2013, nous révèle que les internautes aiment toujours

parler de télévision en face à face : ils sont 80% à échanger sur ce sujet « dans la vraie vie »,

en famille ou entre amis et 58% entre collègues à la machine à café. Et ce sont 76% des

Français qui utilisent leur téléphone ou leur tablette tout en regardant un programme télé, 27%

commentant régulièrement les programmes sur les réseaux sociaux. Sur Internet, c’est

majoritairement sur Facebook que les conversations se tiennent à 52%, dépassant de loin les

forums et les blogs (17%), les sites de chaînes de télévision (13%) et Twitter (11%)32. On peut

se demander si la pratique social TV est générationnelle, ne concernant qu’une frange jeune

de la population. La même étude semble confirmer cette tendance. La pratique de

commentaire des programmes en ligne est certes de plus en plus vulgarisée avec 37% des

internautes concernés, mais 21% ne le font que rarement. En revanche, chez les moins de 18

ans, ils sont plus de 75% à commenter sur Internet les programmes télévisuels. Enfin, cette

enquête souligne la complémentarité de la relation entre Internet et télévision avec une

nouvelle posture des « télénautes », à la croisée des deux médias : sur Internet, ils se sentent

personnellement investis dans les programmes ; la télévision tient alors le rang de nouveau

lien social numérique. En interagissant avec les contenus et leurs communautés numériques,

ils compensent la solitude de consommation de l’écran par le rassemblement conversationnel.

Une autre spécificité d’Internet est de servir d’espace d’expression libre le plus souvent sous

une forme de tribune (voir tribunal) critique des objets télévisuels.

Facebook et Twitter, les deux marques qui ont révolutionné le lien social et lancé le boom

des réseaux sociaux, constituent donc les deux plateformes de contribution et de partage

32 Rappelons que Twitter n’est aujourd’hui fréquenté que par 5% des Français (étude Ipsos - mars 2013)

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télévisuels. Le hashtag est omniprésent dans les dispositifs communicationnels des antennes,

les contributions apparaissant régulièrement directement à l’écran comme processus de

valorisation du téléspectateur, dans sa nouvelle posture d’éditeur de contenus en opposition

avec celle passive de simple spectateur. Cela pourrait signifier que Twitter a pris le pas dans

l’imaginaire collectif sur Facebook avec son principe de textes courts (140 signes) adapté à la

réaction spontanée et immédiate. Mais c’est Facebook33 qui s'impose largement comme la

plateforme de prédilection des téléspect’acteurs, 57 % d'entre eux utilisent Facebook pour

commenter des programmes de télévision, contre 15 % pour Twitter (Facebook ayant un taux

de pénétration encore bien plus fort que Twitter en France). Facebook qui n’a d’ailleurs pas

hésité à introduite le hashtag dans ses fonctionnalités le 12 juin dernier. Cette étude a dévoilé

également les motivations des téléspect’acteurs pour cette pratique : 69 % commentent des

programmes qui les passionnent pour partager leurs impressions, leurs avis avec d'autres

passionnés. Cette information vient appuyer la théorie communautaire, d’appartenance à une

tribu que revêt le média télévision, le confortant dans son rôle de lien social. 66 %

commentent des programmes qui leur permettent d'enrichir leurs connaissances et nourrir leur

réflexion en partageant leur point de vue avec les autres internautes, la télévision étant bien

confirmée comme un vecteur d’accès à la culture. Enfin, 61 % commentent des programmes

qui les font rire, la télévision remplissant une de ses vocations initiales de divertir. L’objectif

poursuivi par la social TV est d’aller dans le sens d’un renforcement de l’essence même de la

télévision : rassembler, informer et divertir.

Après nous être intéressés au profil des téléspect’acteurs, il est important de situer le type

de programmes qui sont les plus sujets à ces pratiques. Le jeu télévisé, le sport et les grands

événements (téléréalités et cérémonies) semblent être les plus adaptés à la simultanéité du

commentaire, favorisant le rassemblement. Les séries de fiction, les films et les magazines ont

un potentiel moins évident, demandant davantage d’attention de la part du téléspectateur et

s’inscrivant dans une autre temporalité de consommation. Plus propices à la délinérarisation,

ils construisent néanmoins d’autres formes de regroupement (à l’instar des communautés de

fans de séries). Plusieurs organismes se sont créés pour mesurer et analyser les audiences de

la social TV, dont Mésagraph que nous prendrons en référence. Les primes de divertissement

en direct sont régulièrement en tête des émissions les plus commentées. Ainsi, depuis le début

de sa diffusion fin juillet 2013, le prime « The Best » de TF1 s'est placé à la deuxième place

33 ILLIGO, étude Social TV, Perception & Usages des Français, sur 1 009 répondants âgés entre 18 et 64 ans, représentatifs de la population française, avril 2013

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du palmarès hebdomadaire des émissions qui font le plus réagir sur plus réagir sur Twitter,

(avec 298 533 tweets la semaine du 5 au 11 août) derrière « Secret Story » (675 000), toujours

sur TF1. Le sport également déchaîne les passions, dans les tribunes comme sur les réseaux

sociaux. Deux grandes affiches de reprise du championnat de France de Ligue 1 ayant pris

cette même semaine les deuxième et troisième places avec respectivement 59 233 et

58 549 tweets. Et c’est encore le football qui trône à la première place de l’événement sportif

de plus tweeté de l’histoire avec plus de 370 000 tweets générés lors du match de Ligue des

Champions PSG-Barça, pourtant diffusé sur une chaîne cryptée, Canal+. En complément des

performances d’audience de leurs programmes, attendues tous les matins avec grande

inquiétude, les chaînes ont désormais l’œil rivé sur le baromètre des médias sociaux, mesurant

l’engagement du téléspectateur à la marque programme. C’est une nouvelle relation qui lie

l’émetteur à son récepteur, qui par ses contributions devient l’ambassadeur et le porte-parole

du message.

La social TV est encore en phase de croissance de ses potentialités. En effet, les

motivations des utilisateurs sont bien ancrées dans le partage et le sentiment de vivre un

événement télévisuel individuel ou en nombre restreint physiquement. La trivialité de l’objet

télévisuel pour faire culture d’images par sa circulation peut encore être un phénomène qui

assurerait la pérennité du média télévision. En effet, les fonctionnalités d’instant share

proposées par les chaînes peuvent être amenées à se développer, favorisant la circulation du

programme, ainsi que les Users Generated Content34 (UGC) des internautes en optimisant la

diffusion des contributions.

b. Les UGC, objets au service des marques programmes

La révolution du web 2.0 a modifié la relation homme-machine en créant une réelle

interaction des flux médiatiques. Quittant sa destination initiale d’accès à des contenus

d’archivage, le récepteur devient lui-même émetteur en créant des contenus diffusés au

public. Il est dans ce contexte en co-production du sens. Encouragé par les plateformes de

vidéos en ligne comme Youtube et Dailymotion, l’internaute découvre et s’approprie son

nouveau pouvoir de création d’objets qu’il va faire circuler. Ce nouveau concept qui émerge

34 Contenus Générés par les Utilisateurs

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en France courant 2005 provoque de grandes inquiétudes du média télévision. Il se sent

dépossédé de sa spécificité de producteur de contenus. Les moyens de production sont mis à

la disposition des individus grâce à une technologie simple et accessible au plus grand

nombre. Si la qualité des contenus n’est pas à la hauteur des productions professionnelles des

éditeurs, leur capacité à être viralisés et à créer du bruit médiatique suffit à préoccuper le

monde du petit écran. Avec le développement des technologies et des usages, des supports de

diffusion/logiciels et pratiques social TV, la tendance tend à s’inverser avec l’intégration des

UGC dans les dispositifs marketing des marques programmes des éditeurs. Dans la logique du

concept de « référent imaginaire global » de Catherine Guéneau, le média télévision va

s’approprier cette interactivité pour sa promotion : « Les discours d’accompagnement de

l’interactivité trouvent un terrain fertile dans le sillage des dérives déterministes, qui font de la

technique l’enjeu principal de nos sociétés en lui accordant un pouvoir surdimensionné : celui

de transformer le monde35 ». L’objet créé par l’internaute va devenir un objet culturel au

service du flux télévisuel, accompagnant sa promotion. Prenons l’exemple de la chaîne WGN

America (chaîne américaine du câble et du satellite) qui a déployé en 2012 un dispositif

d’UGC pour événementialiser sa série « How I met your mother ». Pour célébrer la Fête des

mères, la chaîne a programmé une journée marathon de la série. Les fans ont été invités à s’y

engager. En utilisant Facebook et Twitter, WGN America a demandé à ses « followers »

d’envoyer une photographie de leur mère accompagnée d’un bref message. Les photos ayant

remporté le plus de votes des internautes sur le site internet dédié ont été diffusées à l’antenne

pendant le marathon, les autres photos étant publiées sur le site. Cette initiative marketing a

changé la destination de la marque programme, passant d’une proposition d’expérience de

visionnage de flux linéaire à une expérience plus personnelle, dans laquelle les fans étaient

impliqués. Leur histoire personnelle réelle devenait aussi importante que celle des

protagonistes fictifs du programme. L’engagement des fans, et donc des ambassadeurs de la

marque programme, a été stimulé.

Encore à l’état de pratique exploratoire, l’avènement du transmédia et des normalisations

de flux visuels que l’innovation a généré, tend à penser que cette nouvelle vague de création

médiatique ne sera plus dans un temps court réservée à une minorité de geeks. Les

plateformes Tumblr, Vine, Instragram favorisent l’opportunité communicationnelle des

marques programmes. Sans exclure les UGC textuels générés par Facebook et Twitter, que la

35 GUENEAU, Catherine « L’interactivité : une définition introuvable », Communication & Langages n°145, septembre 2005, p 117-129

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télévision semble avoir plus rapidement maîtrisé au bénéfice de la croissance de l’engagement

de son audience. Le micro blogging se répand et se vulgarise. Les mèmes internet font l’objet

des réflexions stratégiques des dispositifs de marketing viral. Le mème est défini par le

dictionnaire anglais Oxford36, comme « 1. Un élément d'une culture ou d'un ensemble de

comportements qui se transmet d'un individu à l'autre par imitation ou par un quelconque

autre moyen non-génétique. 2. Une image, une vidéo, un morceau de texte…, humoristique

par nature, qui est copié et diffusé rapidement par les internautes, souvent avec de légères

variations ». Le mème a un statut scientifique communicationnel singulier, lui conférant un

rôle de lien social culturel par le partage de productions populaires. Jamais auparavant les

opportunités de diffusion de contenus n’avaient été aussi rapides, sans notion de territoires

géographiques.

Pour évaluer la valeur accordée à la culture médiatique des objets produits par les UGC, il

est intéressant de voir que la BBC37 les intègre dans ses FAQ38 en leur donnant une définition

précise :

« User generated content ("UGC"), plus communément connus comme « journalisme citoyen », « média social » ou « média participatif », font référence à une large variété de contenus médiatiques produits par notre audience en opposition avec ceux faits par la BBC, sociétés de production indépendantes ou contributeurs individuels commissionnés par la BBC. Ces dernières années, les UGC sont en croissance, grâce aux vidéos et images digitales, messages textuels sur mobile, blogging, messageries en ligne, emails et soumissions audio. ».

Réputée et reconnue par ses pairs à l’international, la BBC fait culture en reconnaissant les

nouvelles pratiques sociales de son média. Le sujet apparaissant dans les FAQ, littéralement

en Français « questions les plus courantes », traduit aussi la vulgarisation de l’usage de ces

contributions.

Le média télévision a su saisir cette nouvelle opportunité pour s’auréoler de nouveaux

codes de perception. En passant de « je regarde la télévision » à « je participe à ce que je vois

et à l’expérience télévisuelle », le média, à l’instar des autres médias historiques (talk de radio

par appel à contribution sur le web, livres participatifs, journalisme de contribution dans la

presse…), s’est doté d’une nouvelle sémiotique enrayant un déclin redouté. La sémiotique de

36 OXFORD, définition du dictionnaire numérique [disponible en ligne : http://oxforddictionaries.com/definition/english/meme?q=meme], consulté le 18 août 2013 37 Site internet de la BBC [disponible en ligne : http://www.bbc.co.uk/terms/faq.shtml], consulté le 18 août 2013 38 Frequently asked questions

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l’objet, devenant connecté à Internet, s’est gorgée de connotations positives et de fantasmes

d’idéaux : « je passe derrière l’écran », du côté de ceux qui fabriquent le contenu culturel.

L’objet reste désirable par le discours de l’interactivité.

B. Quand la télévision devient un métamédia

1. Un contexte de porosité des médias

a. Changement de paradigme de la médiativité.

En 2007, Apple lance son IPhone sur le marché, accélérant la révolution web 2.0 qui

vient perturber le statut du média télévision. Dans le contexte d’innovations fulgurantes et la

multiplication des supports audiovisuels, elle connaît une crise identitaire, les frontières entre

les différents médias historiques et les nouveaux médias (ordinateurs, smartphone, tablettes)

tendant à disparaître. On assiste à un phénomène d’hybridation des médias avec la spécificité

d’agréger différentes formes de contenus comme des sites internet de presse écrite

enrichissant leurs contenus textuels avec de la vidéo, modifiant le paradigme de médiativité

de chacun. Il est intéressant de considérer l’identité des médias du point de vue d’André

Gendreault et Philippe Marion39. Ils estiment qu’une identité n’est pas pérenne, qu’elle se

construit par son évolution et passe par une phase d’intermédialité initiale. Un média

s’observerait par « la façon dont ce média tisse sa relation aux autres médias à travers sa

dimension intermédiale ». L’enjeu serait alors pour la télévision de s’approprier de nouvelles

inter-connexions avec ces autres médias. Les nouveaux médias font naître pourtant dans

l’esprit collectif une forme d’obsolescence annoncée des médias historiques dont les

frontières d’usages étaient jusqu’alors clairement dessinées. La presse écrite sera la première

frappée de plein fouet par la révolution numérique en marche, avec un lectorat qui délaisse

certains supports pour une presse en ligne florissante. De leur côté, les nouveaux médias, dans

leur dispositif technique, se challengent dans une course à l’innovation effrénée. Le téléphone

devient intelligent dans sa mutation vers le smartphone et fait office d’ordinateur en se

connectant à Internet, l’ordinateur devient tablette dans sa version d’écran mobile et tactile. A

l’échelle des contenus, ils tendent à se consommer sur tous les supports, de façon

individualisée et délinéarisée. La consommation des contenus linéaires télévisuels est

39 GENDREAULT André (dir.), MARION Philippe (dir.), « Un média naît toujours deux fois... », Sociétés et représentations n°9, avril 2000, p. 21-36

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questionnée, la « vieille dame » observe avec inquiétude la multiplication des écrans et une

offre pléthorique de nouveaux médias avec des bénéfices d’usage qui lui échappent. En 2011,

avec le succès de l’Ipad lancé en 2010, les enjeux sont clairement définis pour les chaînes de

télévision. Elles intègrent dans leur ADN l’exposition de leurs contenus sur tous les supports,

comme déclaré par Jean-François Mulliez, alors Directeur Délégué de TF1 dans un article du

Monde40 à l’occasion du lancement de la nouvelle application pour IPhone le 24 janvier 2011.

En s’appropriant ce contexte de porosité des médias, les contenus médiatiques télévisuels ne

sont plus exclusivement diffusés sur la télévision de façon linéaire. Ils se consomment sur

l’ordinateur, puis s’adapteront à l’écran du smartphone et enfin la tablette. L’acronyme

ATAWAD41 est au centre de tous les plans de stratégie marketing avec quatre paramètres

essentiels. Le visionnage en direct du flux télévisuel ; la vidéo à la demande (VOD), pour un

rattrapage de ce qui a déjà été diffusé ; une connexion aux réseaux sociaux, qui permet de

commenter et de partager sur une marque programme ; de l’enrichissement du flux principal

qui va se développer via des applications ou des sites internet dédiés (interviews d’acteurs,

choix de caméras, statistiques…).

Une autre épée de Damoclès semble être suspendue sur la suprématie de la télévision,

particulièrement concernant sa mise à disposition d’œuvres cinématographiques et de fictions.

L’explosion d’Internet et du haut débit des années 200042 ne constitue pas uniquement un

dispositif d’accès à l’information ou à des contenus audiovisuels dont la diffusion est

réglementée. L’exception culturelle de la chronologie des médias43, protégeant l’écosystème

des créateurs, producteurs et ayant droits de diffusion, va très vite être technologiquement

contournée. Dans un modèle économique de gratuité et dans l’illégalité, les internautes

découvrent toutes les potentialités de consommation de films et de fiction sur la toile. Le

piratage devient la bête noire de l’industrie du média télévision. Au fil des années 2000, l’Etat

se mobilise, la chasse aux sorcières est ouverte. Dans le cadre des Assises du Numérique le 30

novembre 2011, Frédéric Mitterrand, alors Ministre de la Culture et de la Communication,

met au centre de son intervention sa volonté « d’accompagner les industries culturelles et en

particulier les industries de contenus dans le grand océan de l’Internet ». L’état d’urgence est

décrété pour la protection du média dans sa destination d’objets culturels : « Les réponses au

40 ZILBERTIN, Olivier, « La télé s’enrichit sur IPad », Le Monde, 30 janvier 2011 41 Any Time, AnyWhere, Any Device 42 Première offre haut débit ADSL en France en 1999 par Wanadoo (ADSL, 512k) 43 Chronologie des média : règlementation du cycle de diffusion des œuvres cinématographiques : salle, DVD, VOD, télévision payante, télévision gratuite

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piratage seront approfondies pour lutter plus efficacement contre toutes les formes de

piratage, quelles que soient les formes de diffusion et les moyens techniques, y compris le

streaming. ». Le cas Megaupload est symptomatique de ce nouveau phénomène sociologique

de libre accès aux œuvres grâce à l’innovation des dispositifs médiatiques. Société créée en

2005, elle proposait l’hébergement de fichiers en accès libre à n'importe quel internaute aux

Etats-Unis, aux Pays-Bas, au Canada et en France. En proposant la facilitation d’accès à un

dispositif technique complexe, la société permet l’échange et la viralisation de contenus

culturels cinématographiques et télévisuels piratés. En 2011, la plateforme compte 66 millions

d'utilisateurs. Contrainte à fermer ses portes en janvier 2012 pour violation des lois sur le

copyright par le FBI, l’affaire Megaupload est très largement médiatisée comme campagne de

communication de la lutte anti-piratage. Comble de l’ironie, le créateur de Megaupload vient

de lancer en janvier 2013, son nouveau site d’hébergement de stockage de données : Mega.

En France, la loi Hadopi du 12 juin 2009, lance la création d’une autorité publique

indépendante, la HADOPI (Haute Autorité pour la Diffusion des Œuvres et la Protection des

droits sur Internet) pour réglementer la diffusion et la protection de la création sur internet et

la lutte sur le téléchargement illégal. D’autres acteurs numériques sont en ligne de mire des

éditeurs de contenus télévisuels. Les nouveaux entrants tels que Netflix ou Hulu (pas encore

présents sur le territoire français) ou Apple TV viennent challenger la médiativité de la

télévision. Ils favorisent la porosité des médias grâce à l’émergence de la télévision connectée

à Internet et à leur potentiel technique (accès à des contenus web sur la télévision). Ce sont

des concurrents de taille au regard de la sémiotique qu’ils incarnent et la relation avec

l’utilisateur qu’ils construisent.

b. Appropriation de la convergence Internet – Télévision par la télévision connectée

La consommation de la vidéo sur Internet se vulgarise et constitue la première motivation

d’utilisation du média. L’entreprise Cisco44, leader mondial des équipements réseaux, dans

une étude prospective de mai 2013, estime que 55 % du trafic internet mondial sera constitué

par de la vidéo en 2016, contre 51 % en 2011. La télévision connectée à Internet, devient alors

le support technologique à s’approprier pour saisir une opportunité de consommation

44 CISCO, « Cisco Visual Networking Index: Forecast and Methodology, 2012–2017 », [disponible en ligne : http://www.cisco.com/en/US/solutions/collateral/ns341/ns525/ns537/ns705/ns827/white_paper_c11-481360_ns827_Networking_Solutions_White_Paper.html], publié le 29 mai2013, consulté le 20 juin 2013

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complémentaire à la verticalité des programmes du flux linéaires. La grande révolution de la

figure technique de la télévision débute par la naissance de la télévision numérique en 1996

avec l’arrivée sur le marché de la diffusion par satellite et les nouveaux entrants Canalsatellite

et TPS, puis par le câble et l’ADSL45 vers 1998 et l’IPTV46 (2002 pour la Freebox). En 2005,

la TNT47 commence son déploiement. La conception des set-top-box hybrides associant la

réception de chaînes satellites ou TNT et une connexion aux services Internet (ADSL, fibre,

câble) a accéléré la mutation des usages en permettant l’accès d’Internet sur le poste de

télévision et la consommation délinéarisée des contenus. L’IPTV et les offres triple play

connaissent un grand succès commercial favorisant le succès de la télévision 2.0. La

fragmentation des audiences devient le risque majeur des chaînes de télévision qui craignent

une baisse de leurs audiences entraînant une baisse de leurs revenus publicitaires. En 2011,

cette perspective de baisse de chiffre d’affaire menace de mettre en péril le rôle de producteur

d’œuvres culturelles audiovisuelles et cinématographiques. En réponse aux transformations

sociologiques et technologiques, les éditeurs créent de nouveaux services de télévision de

rattrapage (comme Pluzz, My TF1 ou Canal+ Replay), ainsi que de vidéo à la demande

payante, et expérimentent de nouveaux services interactifs qui ne cessent de se développer

depuis 2012. Le déterminisme d’une vision défensive d’un Internet comme menace pour la

télévision semble disparaître.

En 2013, l’essor d’une télévision directement connectée à Internet, la smart TV (téléviseur

intelligent), favorise un imaginaire en construction d’un hypermédia intégrant textes, images

et sons, ouvert sur les mondes culturels. Le marché est en pleine expansion, le taux

d’équipement des foyers aux Etats-Unis48 a déjà progressé de 30,8% en 2011 et de 24,2% en

2012 avec une prévision de 31% en 2013. En France, le marché est encore en phase de

lancement mais on observe une tendance à la croissance avec 13,9% des foyers équipés au

4ème trimestre 2012 (soit 3 816 000 foyers), soit une progression de +10,3% par rapport au

3ème trimestre 2012 et de +84,1 % en un an49. Par ce nouveau dispositif directement connecté

au web, sans passer par une box d’opérateur, la télécommande donne un nouveau pouvoir à

l’utilisateur, celui d’accéder sur son écran de télévision à tous les mondes visuels médiatiques. 45 ADSL (Asymmetric Digital Subscriber Line) : Service d'accès à l'Internet par les lignes téléphoniques 46 IPTV (Internet Protocol Television), diffusion de la télévision, de la vidéo et des contenus multimédia sur un réseau informatique IP vers des écrans de télévision et des PC 47 TNT : Télévision Numérique Terrestre 48 eMarketer, « Connected TVs reach one in four homes », [disponible en ligne : http://www.emarketer.com/Article/Connected-TVs-Reach-One-Four-Homes/1009581], publié le 3 janvier 2013, consulté le 5 juillet 2010 49 GFK/Médiamétrie T4, T3, T2, T1 2012 ; T4 et T3 2011

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Il accélère les nouvelles pratiques d’horizontalité qui se banalisent, favorisant le

multitasking50 et l’activité de l’utilisateur en opposition avec une passivité des anciens modes

verticaux de consommation. La télévision doit alors faire en sorte que la distraction

provoquée par cette perte d’attention du récepteur par l’accomplissement de plusieurs actions

en parallèle du visionnage des contenus, se transforme au profit du contenu télévisuel.

L’éditorialisation de nouvelles formes de contenus est alors au service de la conversation

autour d’une marque programme. Cette éditorialisation passe par la création d’applications

(ou directement par la technologie HbbTV51) qui ne sont plus uniquement disponibles en

second écran (smatphone ou tablette) mais directement accessibles de la télévision. Des

sociétés spécialisées sont apparues sur le marché pour la création de ces applications pour

télévision connectée comme Visiware, créateur du « play along52 » en 2011 ou Dotscreen. En

créant des prolongements numériques des émissions et des événements diffusés à la télévision

utilisables par la télécommande, elles proposent aux éditeurs de contenus d’exploiter les

nouvelles solutions de pérennisation d’intérêt et d’engagement pour les marques programmes.

Le play along53 répond au phénomène de gamification des contenus, dont les jeux télévisés

sont la représentation la plus native. Ici encore, la passivité du récepteur prend fin. La

télévision lui permet de jouer en simultané avec son programme de jeu. Le bénéfice d’usage

est démultiplié en lui offrant de s’affronter à d’autres joueurs, valorisant la notion

d’expérience individuelle partagée par une communauté virtuelle. Une nouvelle forme de

média se construit par la convergence d’Internet et de la télévision, s’inscrivant dans la durée,

avec les perspectives d’innovations permanentes, et permet de réinventer les interactions entre

le téléspectateur et sa marque chaîne ou programme. Néanmoins, le support télévision devient

le propre concurrent des marques chaîne en donnant accès à des contenus Internet, échappant

donc à l’industrie télévisuelle, sur l’écran. Côté applications, si les éditeurs ont su développer

une stratégie d’exploitation de ce nouvel outil, les pure player54 et autres géants d’Internet ont

su riposter. En mars dernier, Dailymotion a annoncé le lancement de son application pour

smart TV. Cette application propose une nouvelle expérience de visionnage en mode « lean-

50 Ibid 51 Hybrid Broadcast Broadband Television : norme technique de télévision connectée permettant l’accès via la télécommande à des informations complémentaires du programme 52 Traduction : entrer dans le jeu. Technologie qui rend la TV interactive en offrant la possibilité aux téléspectateurs de participer de chez eux à des émissions TV 53Ibid 54 Diffuseurs uniquement sur Internet

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back55 », une lecture en continue des vidéos dès le lancement de l’application, totalement

adaptée aux usages sur les téléviseurs. Quant à Google, il a lancé Chromecast en juillet 2013,

accessoire, ressemblant à une clé USB, permettant de diffuser des vidéos YouTube, depuis son

smartphone, sur l'écran de son téléviseur.

2. De l’interaction à l’interactivité émetteur-récepteur

a. Valorisation du média télévision par la notion de l’interactivité

Le Web 1.0, celui des années 90, se distinguait par un fonctionnement très linéaire. Un

contenu proposé par un émetteur était affiché sur un site Internet consulté par des internautes.

Qualifié de web passif, c’était un outil de consommation d’'informations et d’archivage. Le

web 2.0 est un web social qui permet le partage et l’échange d’informations et de contenus

qui peuvent être créés par l’internaute. La notion 2.0 est gorgée d’une représentation positive

(poussée cependant par une notion 3.0 désignant la prochaine évolution du web qui semble

approcher à grand pas). Empruntée de la notion de web 2.0, la télévision 2.0 construit une

culture médiatique innovante et remettant en question la fonction sociologique du média, le

redéfinissant dans un système d’interactions avec d’autres médias. On assiste à un

bouleversement du schéma communicationnel et des relations entre émetteur et récepteur d’un

message qu’il soit textuel, visuel ou sonore. L’idéologie de l’interactivité s’établit par son

effectivité sociale. La notion 2.0 est valorisée, faisant référence à un idéal de communication

où le message audiovisuel n’est plus uniquement en réception. Les nouvelles technologies

permettent une activité du récepteur en lui offrant la possibilité d’interagir sur ce qu’il voit.

Etienne Candel56 théorise le passage de l’interaction à l’interactivité en distinguant les

dispositifs, les dispositions et les contenus disposés. Les dispositifs se définissent par la

forme, le support (le smartphone, l’ordinateur, la smart TV). Les dispositions sont du domaine

de la posture, du lien entre deux entités, des échanges (réseau social, social game…). Enfin

les contenus disposés réfèrent à ce que l’utilisateur peut créer ou ce à quoi il a accès (contenus

de web documentaires, les UGC, commentaires…). Ce triangle communicationnel caractérise

les médias informatisés avec des contenus sur lesquels le récepteur peut agir (image cliquable

55 Traduction : revenir en arrière 56 CANDEL, Etienne « La notion de l’intéractivité », in MASTER2 ICCM, 2012-2013

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par exemple) et une posture d’énonciation de l’institution médiatique qui se déplace de

créateur culturel à initiateur de co-création. Le schéma communicationnel émetteur-acteur à

récepteur se transforme, la relation se faisant d’émetteur-acteur à récepteur-acteur. La

télévision, par son interactivité, renforce ainsi sa fonction d’accès à la culture en permettant la

transformation des objets en favorisant leur circulation par les réseaux sociaux. Elle favorise

un nouveau mode de circulation sociale par sa rupture d’usage de relation homme-homme

avec une posture d’altérité en opposition à la posture scientifique de la relation homme-

machine.

La télévision interactive permettrait ainsi à la télévision de s’approprier une notion positive

qui tient valeur de motivation à son utilisation, contrariant les rumeurs de disparition du

média. En répondant à des besoins sociaux inscrits dans la modernité, la télévision interactive

fait rupture avec la représentation de média poussiéreux. Les marques chaînes n’hésitent pas

alors à promouvoir la notion d’interactivité par leurs discours marketing. Les campagnes de

publicité intègrent les nouvelles fonctionnalités d’usage, leur étant parfois même entièrement

consacrées. Prenons pour exemple Canal+57 et sa campagne en télévision pour le lancement

de son application « Grand Journal » en mai 2013, ou France Télévisions en juin 2013 dans sa

communication presse du Tour de France qui rappelle son « dispositif multicam sur

Francetvsport.fr pour réaliser votre propre direct en choisissant votre caméra ». Les usagers

constituent le référent imaginaire global58. Ils sont également amenés à créer de la valeur et à

rendre l’objet télévision nouvelle génération désirable par leur souhait d’appropriation de la

technique et leur discours d’accompagnement. Pour encourager les usages, la valorisation des

actions du récepteur et de sa co-production est essentielle. Le média télévision semble

maîtriser ce paramètre. Il propose ainsi un effet immédiat de la co-production de l’utilisateur.

Celui-ci peut décider de la présence ou non des protagonistes d’une émission par un système

de vote, voir apparaitre ses contributions à l’écran par la publication de ses tweets pendant des

directs, le faire jouer en simultané des candidats d’un jeu télé. La télévision sur- sémiotise la

co-production et l’intervention positive des téléspect’acteurs par la mise en spectacle de sa

création.

Il est intéressant de noter ici le changement de perception du média télévision dans sa

capacité à être éducative. Il a longtemps été décrié par les pédopsychiatres et les institutions

57 Cf ANNEXE 1 58 GUENEAU, Catherine « L’interactivité : une définition introuvable », op. cit.

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pédagogiques, affirmant que si les enfants développaient leur sens visuel devant le petit écran,

c’était au détriment de leurs autres sens, notamment de leurs capacités psychomotrices.

Claude Allard, pédopsychiatre auteur de l’ouvrage « L’enfant au siècle des images59 »

déclarait dans une interview en octobre 2003 : « Les enfants ont besoin d’exprimer leurs

représentations imaginaires dans l’action, et la télévision leur propose de recevoir

passivement les constructions imaginaires d’autrui ». La passivité est donc au centre des

débats. Dix ans plus tard, la télévision commence à acquérir ses lettres de noblesses ludo-

éducatives, surtout chez les parents. Ce phénomène est fondamental, assurant l’avenir du

média auprès de la cible enfants aujourd’hui prescriptrice et demain décisionnaire d’achat de

biens culturels (télévision payante, VOD…).

Cette nouvelle perception est principalement due au sentiment d’activité proposée à

l’enfant par la télévision interactive, chez les constructeurs de smart TV (« Playing Nado

Hutos », « Sticker Theater », « Best Kids Song » chez Samsung) ou chez les marques chaînes

(application pour smart TV LG « Zouzous » de France 5). Le marché des applications pour

tablette destinées aux enfants est en plein essor. Les chaînes suivent le mouvement, qu’elles

soient historiques, de la TNT ou thématiques, en lançant leur propre application (TFou, Gulli,

Boomerang ou Piwi+ dès le 23 octobre 2013…). Ces applications permettent l’accès à des

contenus enrichis sous forme de jeux ludo-éducatifs dans l’univers de leurs héros de dessins

animés. La smart TV de Samsung permet même aux enfants d’interagir avec le contenu

diffusé à l’aide d’un capteur de mouvements, permettant une expérience immersive tournée

vers l’éducation, le développement et le divertissement. Le groupe MTV, éditeur de chaînes

thématiques dont celles pour enfants Nickelodeon et Nickelodeon Junior, a lui aussi exploité

l’innovation technologique au service de nouveaux arguments éducatifs de la télévision. En

juin 2012, il a lancé le premier concept de chaîne de télévision personnelle avec My

Nickelodeon Junior. Grâce à la connexion à Internet de l’IPTV, des smartphones et des

tablettes, la chaîne permet de créer une télévision sur mesure. En indiquant l'âge, les thèmes

souhaités de l’enfant, les programmes les plus adaptés sont proposés, le paramétrage de la

durée d’écoute est réglable par les parents. La télévision interactive a su ainsi mettre à profit

son nouvel environnement technologique pour se construire un nouvel imaginaire collectif

global positif.

59 ALLARD, Claude, L’enfant au siècle des images, Paris, Albin Michel, 2000

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b. La télévision, un média réinventé Nous avons étudié l’évolution du média télévision, de ses usages à sa matérialité dans un

contexte de multiplication des écrans et d’interconnexion médiatique. Le champ sémantique

lui-même a changé avec nombreux néologismes (play along, transmédia, UGC, ARG60…)

dont on pourrait craindre un rejet de l’utilisateur, hors digital native. Au lieu de ça,

l’appropriation sociologique des dispositifs est des usages semble être en marche. Le champ

sémiotique est lui aussi en pleine mutation, les codes, les signes, les images se modifiant au

cours de la révolution télévisuelle. L’écran diffuse les contributions des anonymes pendant le

programme, les plateaux de télévision offrent des salles de conversation où les protagonistes

peuvent échanger et partager en direct leurs expériences (V-Room de l’émission The Voice de

TF1)… Nous pouvons dire à ce stade de la recherche que la télévision est devenue un

métamédia, multipliant ses fonctionnalités, sa médiativité et ses prédispositions

communicationnelles, comme le définit Gene Youngblood61 :

« Le métamédia constitue un outil permettant lui-même de créer de nouveaux outils. Les métamédias permettent d'accéder à une nouvelle pratique culturelle : la méta-architecture. Le méta-architecte manipule des contextes et non des contenus. La méta-architecture agit sur l'environnement. C'est l'architecture d'un outillage individuel et social en tant qu'environnement. Ainsi se trouve créé un métacontexte ou un environnement susceptible de favoriser le développement d'autres productions culturelles. Un méta-architecte permet donc à une activité de se développer sans jamais influer sur son orientation propre. D'autres contextes et d'autres contenus peuvent être ainsi créés — dans des situations entièrement contrôlées par l'utilisateur, l'acteur, le participant ou l'agent d'un tel métasystème »

La télévision est sortie de son statut de média inscrit dans une verticalité de la

consommation avec de nouvelles pratiques culturelles. En installant une relation

d’horizontalité avec son public, elle lui permet de devenir méta-architecte en utilisant les

fonctionnalités d’un Internet accessible de la télévision. Le média s’est réinventé, devenant un

véritable portail multi-médias associant le son, l’image et le texte. Dans sa mutation, il a

contrarié la théorie des médias chauds et froids de Marshall McLuhan62 : « Les médias

chauds, au contraire, ne laissent à leur public que peu de blancs à remplir ou à compléter. Les

médias chauds, par conséquent, découragent la participation alors que les médias froids, au

contraire, les favorisent. ». La télévision se muterait-elle en média froid, encourageant la

participation de son audience, développant la social TV grâce à son hybridation avec

Internet ? Nouveau vecteur de communication et de création culturelle, elle favoriserait un

60 Alternate Reality Game : jeu en réalité augmentée 61 YOUNGBLOOD Gene, « Vidéo et utopie » In: Communications n°48, 1988, p 173-191. 62 McLUHAN, Marshall, Pour comprendre les médias. Les prolongements technologiques de l’homme. Op. cit.

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renouvellement d’usage et un changement de perception. Tout en gardant sa vocation initiale

pour laquelle un bon nombre d’utilisateurs reste attaché au média, elle prépare son avenir en

s’adaptant aux pratiques des générations futures.

Nous avons bâti cette première hypothèse au fil des âges de la télévision pour observer ses

étapes de transformation identitaire ainsi que l’appropriation de son environnement

sociologique. Cette recherche nous conduit à penser que le contexte d’innovation transforme

le média télévision dans sa relation à ses usagers et son rôle social. Cette mutation s’opèrerait

également dans un contexte de porosité des médias, modifiant la médiativité de la télévision,

dans une réinvention à la faveur d’une activité et d’une participation croissante des

utilisateurs.

Notre deuxième hypothèse va plus spécifiquement questionner les fonctions distinctives et

constitutives du média télévision, par l’étude de ses formats et de ses discours, mais aussi de

ses dispositifs techniques. Nous avons choisi le genre du direct sportif pour appréhender la

corrélation entre médiagénie du programme et média télévision, tentant alors d’approcher une

notion de genre singulier qui le distinguerait des autres nouveaux médias.

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II – LE DIRECT :

GENRE CONSTITUTIF DU MEDIA TELEVISION ?

Comme nous l’avons observé, le direct a été au cœur des productions de la paléo télévision

des années 50-60, rappelons-le, ancrée dans une destination sociale de pédagogie, de

démocratisation d’accès à l’information et à la culture. Le direct sera l’apanage des émissions

culturelles et littéraires, et des grandes cérémonies politiques, culturelles ou sportives :

premier match de football retransmis le 4 mai 1952 (finale de la Coupe de France),

couronnement de la reine Elisabeth II le 3 juin 1953 ou retransmission du concours

Eurovision de la chanson le 24 mai 1956. Dès lors, le direct devient le programme symbole du

média télévision, assurant sa légitimité de média du spectacle et de l’événement ainsi que sa

fonction distinctive. Au fil de son évolution, les formats et les discours se sont multipliés

donnant naissance à des genres et des narrations variées dont les succès ont été plus ou moins

avérés. L’ancrage d’Internet dans les usages, et sa fonction d’accès à une quantité

incommensurable de programmes audiovisuels, est venu contrarier l’écosystème d’une

télévision en quête d’une nouvelle identité médiatique.

Empruntant la maxime d’Antoine Laurent de Lavoisier « Rien ne se crée, rien ne se perd,

tout se transforme », nous pouvons nous demander si le direct ne constituerait pas le genre

intemporel de la télévision, garant de sa pérennité.

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A. Le référent imaginaire global du spectacle

« Le Tour de France, c’est le mariage du sport et de l’épopée. Il a pris dans l’imaginaire

collectif la place d’un mythe et raconte à sa manière l’histoire des passions françaises »,

Jacques Chirac63. Le sport est un des programmes télévisuels le plus consommé au monde si

nous regardons les chiffres d’audience réalisés lors des retransmissions de grandes

compétitions en direct. Incarnant l’essence même du spectacle, il illustre ce que peut offrir le

média télévision pour transmettre un objet culturel inaccessible à ceux qui ne peuvent y

assister. A travers le Tour de France, nous avons un exemple représentatif de référent

imaginaire global du spectacle télévisuel en direct qui participe au succès du média. Nous

avons choisi cet événement comme support d’étude du direct.

1. Le direct sportif, la mise en spectacle du spectacle

a. Le sport comme incarnation de la médiativité de la télévision

Le direct sportif constitue un des contenus les plus probants à observer pour considérer

l’identité du média télévision et sa médiativité. Il est à la fois massivement suivi, ancré dans la

tradition historique des grands rendez-vous télévisuels, et touche le public par un storytelling

puissant et naturel. La médiativité est définie par Philippe Marion64 :

« Celle-ci rassemble tous les paramètres qui définissent le potentiel expressif et communicationnel

développé par le média. La médiativité est donc cette capacité propre de représenter – et de placer cette représentation dans une dynamique communicationnelle - qu’un media possède quasi ontologiquement. ».

Qui n’a jamais assisté à une conversation enflammée autour d’un match de football, les

chances de victoire d’un tel ou d’un autre dans une grande compétition sportive ? Qui n’a

jamais crié, debout, s’agitant devant son écran de télévision, dans l’espoir qu’un Français

honore une identité nationale revendiquée ? A n’en pas douter, le sport provoque des

réactions de passion à tout âge, quel que soit le sexe, dans tous les milieux socio-culturels.

Que l’on soit un inconditionnel du sport en général, d’un sport en particulier, d’une équipe, ou

qu’on se déclare indifférent, nous avons tous au moins vibré une fois devant notre écran de

télévision au rythme de minutes éprouvantes d’un spectacle sportif. La valeur d’un

programme sportif connaît plusieurs niveaux d’appréciation selon son potentiel fédérateur.

63 AUGENDRE, Jacques, Le Tour, Paris, Solar Editions, 2011 64 MARION, Philippe, « Narratologie médiatique et médiagénie des récits », Recherches en Communication, n°7, Louvain-la-Neuve, UCL (COMU), 1997

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Nous pouvons en établir une échelle sur des critères de localisation. Le premier niveau sera

municipal avec ce qu’on appelle communément « l’esprit de clocher ». Outre l’aspect du

niveau de la compétition, l’attractivité est liée à l’appartenance locale. La dimension des

exploits sportifs est grandissante à mesure que la localisation s’élargit. On supportera une

région pour une équipe à un plus haut niveau de compétition et enfin une nation dans le cadre

de compétitions internationales. Si nous abordons ces nuances, c’est qu’elles caractérisent

l’aspect communautaire, le phénomène d’appartenance à une tribu et le lien social qui est

indissociable des facteurs d’appropriation de la télévision.

Que ce soit au sein d’un foyer, en écoute conjointe entre individus partageant le même

intérêt, ou en écoute individuelle avec un partage d’expérience sur les réseaux sociaux, la

télévision se partage et favorise la sociabilisation. Nous pouvons ici nous référer à la

retransmission de la finale de la Coupe du Monde 1998 (France-Brésil) qui a réuni 20,6

millions de téléspectateurs65 le 12 juillet, soit une part de marché de 75,6%. L’événement est

entré dans le top 5 des programmes ayant rassemblé plus de 20 millions de téléspectateurs

depuis 1989, les 4 autres programmes concernant également des retransmissions de matchs de

football de l’Equipe de France. Le sport, ou du moins les grands rendez-vous sportifs

internationaux, pour peu qu’ils portent un sentiment de fierté nationale par les résultats, est un

événement fédérateur d’un grand intérêt médiatique.

Si la dimension du spectacle semble être un des facteurs clé du succès populaire des

contenus de direct sportif, d’autres paramètres sont à prendre en compte. Tout d’abord la

notion de valeur véhiculée par la discipline. Sublimant le travail, le courage, le dépassement

de soi, et le plus souvent le fair-play et le respect mutuel, le sport représente un potentiel

d’attribution d’image de marque positive. Ensuite, le programme sportif a une narrativité

naturellement fictionnelle avec un scénario construit autour de protagonistes (un héros, un

« ennemi ») avec un enjeu, des épreuves, une tension et des rebondissements. A laquelle vient

s’ajouter l’attribut feuilletonnant dans le cadre de championnats, avec une logique de saison.

Le direct sportif offre la narration d’une histoire qui s’écrit au fur et à mesure, par les acteurs

eux-mêmes, dont on ne peut connaître la fin. Enfin, le sport reste une discipline technique

avec des règles, une discipline requérant de l’expertise d’initiés. Il est au service de la mise en

65 Contribution participative, « Les records d’audience de la télévision française », Wikipédia, [disponible en ligne : http://fr.wikipedia.org/wiki/Records_d'audiences_de_la_t%C3%A9l%C3%A9vision_fran%C3%A7aise], Dernière modification le 19 juillet 2013, consulté le 15 août 2013

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valeur du savoir-faire spécifique de l’émetteur. Un savoir-faire sur lequel, par exemple,

Canal+ a construit en grande partie son image de marque et ses arguments de justification à

l’abonnement auprès de son public. « Nous sommes sur un public de fans de sport, d’experts

du sport, qui adore ça »66, résume parfaitement Cyril Linette, son Directeur des Sports.

Nous avons pris le direct sportif comme valeur d’exemple, dans sa matérialité d’objet

médiatique télévisuel, pour incarner un élément de construction d’identité propre au média

télévision. En interprétant ses formes constitutives d’objet social et culturel universel, et la

posture de ses téléspectateurs, il deviendrait un des dispositifs pilier de la télévision, assurant

son avenir. Ce constat s’appliquerait aux autres programmes de direct dans leur genre

culturel : musique, spectacle vivant, télé-réalité…

Il convient ici de restreindre le corpus de notre étude en comparant l’évolution de la

retransmission d’une étape emblématique du Tour de France, l’Alpe d’Huez, à travers 3

années qui marquent l’accélération de l’environnement technologique du média télévision :

2006, 2011 et 201367.

« La Petite Reine » est une des stars du sport français avec son événement annuel

incontournable : le Tour de France. Né en 1902, il fêtait cette année sa 100ème édition,

accentuant sa caractéristique de course à la démesure, avec un parcours inscrit plus que jamais

dans le dépassement de soi, et une épreuve mythique : la montée de l’Alpe d’Huez deux fois

dans la même étape. Populaire et national avec des étapes au fil des régions de France, il est

un des grands rendez-vous sportifs incontournables du service public, retransmis chaque

année par France Télévisions, qui a d’ailleurs sécurisé les droits de retransmission jusqu’en

2020. La marque chaîne y consacre des dispositifs de production de plus en plus ambitieux

accompagnés d’une large campagne de communication et de relations publiques. Reflet d’une

revendication d’identité nationale attachée à ses traditions et sa culture, la Grande Boucle

n’est pas seulement un objet médiatique sportif, mais un spectacle de l’évolution sociale et

culturelle, en intégrant les foules qui s’empressent chaque année sur les routes du Tour. Pour

Daniel Bilalian68, Directeur des Sports de France Télévisions, « l'intérêt pour le Tour en lui-

66 LINETTE Cyril, Interview in « Le Buzz Média », Orange Actu [disponible en ligne : http://actu.orange.fr/le-buzz-media/le-buzz-media-du-15-fevrier-interview-cyril-linette-lefigaro-interview_1358050.html], publié le 15 février 2013, consulté le 15 août 2013 67 ANNEXE 2 : grille d’analyse des étapes 2006, 2011 et 2013 68 GONZALES, Paule, « Le Tour 2013, un très bon millésime pour les audiences télé », lefigaro.fr [disponible en

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même mobilise 70% des téléspectateurs, nos études montrent qu'un bon tiers vient aussi pour

le formidable spectacle de la France que nous offrons. Lors de l'ascension du mont Ventoux,

nous avons filmé les baux de Provence du sol, d'hélicoptère mais aussi au raz [sic] du sol avec

des drones ». Une bonne occasion pour la marque chaîne de légitimer sa valeur ajoutée au

service du public et son rôle de vecteur de transmission de la culture. Du côté sportif, la

compétition est l’incarnation même du spectacle, du programme de télévision cérémonielle69

favorisant la célébration autour d’un rendez-vous annuel, fédérateur et collectif. En matière de

chiffres70, près de 24 millions de téléspectateurs ont regardé au moins une heure la 100ème

édition du Tour de France diffusée sur les chaînes de France Télévisions. Il est intéressant de

constater que ce sont les épreuves les plus difficiles et relevant du spectacle qui ont rassemblé

le plus de public devant l’écran avec respectivement 6,2 millions sur France 2 avec un pic à

7,8 millions pour l’étape Givors-Mont Ventoux, soit 50,4% de part d’audience (14 juillet

2013) et 5,3 millions de téléspectateurs l'épreuve Gap-Alpe d'Huez, soit 51,3% de part

d’audience (18 juillet). Un beau succès pour la marque chaîne si nous prenons en compte la

période de vacances estivales et la retransmission concurrente et simultanée d’Eurosport.

Mais c’est bien France Télévisions qui s’est attribué les valeurs identitaires de ce spectacle

sportif, portant la médiativité du média télévision pour le direct sportif.

b. La médiagénie du direct sportif dont la télévision resterait le

partenaire idéal

Si nous continuons à prendre les théories de Philippe Marion71 en support de notre

réflexion, nous allons corréler la médiagénie du direct sportif au média télévision et voir en

quoi le direct sportif ne peut se passer de ce partenaire idéal pour sa diffusion. « Les récits les

plus médiagéniques semblent en effet avoir la possibilité de se réaliser de manière optimale en

choisissant le partenaire médiatique qui leur convient le mieux et en négociant intensément

leur mise en intrigue avec tous les dispositifs internes à ce média ». Nous avons considéré le

ligne : http://www.lefigaro.fr/medias/2013/07/17/20004-20130717ARTFIG00472-le-tour-2013-un-tres-bon-cru-pour-les-audiences-tele.php], publié le 17 juillet 2013, consulté le 15 août 2013 69 DAYAN, Daniel, KATZ, Elihu, La télévision cérémonielle. Anthropologie et histoire en direct, op. cit. 70 Source Médiamétrie/ France Télévisions, « Audiences de la semaine », France Télévisions Publicités [disponible en ligne : http://www.ftv-publicite.fr/spip.php?rubrique75], publié le 23 juillet 2013, consulté le 27 juillet 2013 71 MARION, Philippe, « Narratologie médiatique et médiagénie des récits », art. cit.

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Tour de France comme un objet narratif à part entière avec un storytelling et une intrigue

puissants et naturels.

En choisissant la télévision comme un média central de sa diffusion, le Tour de France

bénéficie de dispositifs qui permettent de valoriser le spectacle sportif. Ces dispositifs sont

situés à plusieurs niveaux. Dans cette partie, nous allons particulièrement étudier la réalisation

et les informations, la mise en forme du récit et son commentaire, avec une grille d’analyse

des étapes qui mènent à l’Alpe d’Huez en 2006, 2011 et 2013.

Le Tour de France est donc retransmis sur une chaîne du service public en direct, en dehors

d’horaire de prime time et avec une moyenne de durée de retransmission de 3h. Nous pouvons

donc déjà noter que très peu de médias sont capables d’offrir à un événement une telle

flexibilité dans leur disponibilité de couverture. La synergie entre l’objet culturel et son

média, à vocation de transmission de la culture au plus grand nombre, est ici cohérente. Le

Tour de France a construit sa popularité en offrant un spectacle à plusieurs entrées : pour les

inconditionnels du sport cycliste, les amateurs de sport (pour les valeurs qu’il véhicule), mais

aussi les amoureux de la France, de sa culture et de la variété de ses paysages et de ses

curiosités touristiques. « La Grande Boucle, c’est aussi un hymne à la France et à sa

géographie72 », commentait, été 2013, Arnaud Ursule dans son reportage pour le journal de

13h de France 2. Pour satisfaire le plus grand nombre et transmettre les différents messages de

l’organisateur de l’événement, France Télévisions a su mettre en place un dispositif

ambitieux. Nous notons que ce dispositif est relativement pérenne pour ne pas transiger à ces

fondamentaux.

Cela passe par les commentateurs et journalistes tout d’abord. L’équipe est formée, en

plateau, d’un consultant champion de la discipline (respectivement Laurent Fignon, Laurent

Jalabert et Cédric Vasseur), d’un journaliste expert (Henri Sagnier puis Thierry Adam) et d’un

spécialiste de la France et de son histoire (Jean-Paul Ollivier). Ensuite, sur le terrain, on

retrouve un journaliste polyvalent qui, sur place, interviewe les différents témoins (qu’ils

soient sportifs ou représentants d’une ville, d’une région), et de deux journalistes mobiles à

moto ou en voiture, dans le peloton. Cette équipe éditoriale est donc à même de répondre à

toutes les attentes des téléspectateurs, spécialistes ou néophytes, avec des discours adaptés. La

72 URSULE, Arnaud, reportage Le Tour vu du ciel, France 2, journal de 13h du 22 juillet 2013 [disponible en ligne : http://www.francetvsport.fr/le-tour-vu-du-ciel-165369]

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prise d’antenne est cérémonielle avec une ouverture en musique qui va crescendo et

l’apparition du logo officiel Tour de France, puis un générique dynamique et rythmé (pour les

3 dates).

Ensuite, le dispositif de réalisation est ambitieux pour la mise en spectacle du sport, mais

aussi de la ferveur populaire (témoin de la notoriété et de l’engouement de l’événement) et du

parcours extraordinaire à travers les plus belles régions de France. La mise en image est

chaque année plus qualitative avec un hélicoptère qui offre des vues somptueuses de

monuments ou de créations dédiées au Tour (champs moissonnées avec des messages inscrits,

constructions…).

Plan vu du ciel – 2013 Mise en image ferveur populaire - 2006

Les dispositifs sont bien sûr au service de la valorisation de l’exploit sportif avec des gros

plans, des ralentis introduits en 2011, des statistiques régulières sur les performances, des

plans variés et une réalisation pointue. Nous notons aussi que les séquençages des images est

plus rythmé avec une moyenne de plan qui passe de 25 à 10 secondes, comme pour répondre

à une consommation moins contemplative, à une accélération de l’accès aux images.

Plan tête de la course avec statistiques - 2011

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Enfin, le Tour du France est un événement de dimension internationale. Il a été suivi en

2013 par plus de trois milliards de téléspectateurs à travers le monde. La télévision a une

capacité à développer des moyens techniques de transmission sur plusieurs pays. En 2011,

France Télévisions déploie cet argument dans son dossier de presse du Tour73. Le dispositif

technique est valorisé, permettant la réalisation d’un signal international proposé à l’ensemble

des télévisions étrangères. La circulation de l’objet culturel Tour de France prend une

dimension globale, de grande masse, nourrissant l’image et la notoriété ce celui-ci. Elle

permet également au plus grand nombre d’avoir accès à un spectacle unique, populaire et

plébiscité, qui se consomme par tous en direct et en simultané.

Quel autre média audiovisuel pourrait alors se confronter à la télévision pour offrir de tels

récits médiagéniques ? Si nous considérons les dispositifs internes de la télévision, qu’ils

soient techniques ou narratifs, il semblerait que les nouveaux entrants Internet ne puissent pas

la substituer.

2. Le direct sportif, dramaturgie et panoptisation du spectacle

a. Une dramaturgie au service de l’attractivité du média télévision

Les Jeux Olympiques de Londres en 2012 ont rassemblé 1 milliard de téléspectateurs pour

sa cérémonie d’ouverture, le Tour de France 2013, plus de 3 milliards, devenant ainsi un

« village global » selon l’expression de Marshall McLuhan. La télévision a bien compris cette

opportunité de séduction de l’audience par la dramaturgie du spectacle sportif.

La fiction et le documentaire représentent deux formes d’objets télévisuels bien distincts.

La promesse des genres est spécifique avec le fictif d’un côté et le réel de l’autre. La forme de

la narration, du récit, de la capture de l’image diffère, avec un contrat d’écoute spécifique. Le

sport et sa retransmission en direct a cette capacité à mêler les deux genres pour répondre à

des attentes variées des différents téléspectateurs. Un programme, plusieurs promesses, le

bénéfice du programme est séduisant et justifie les investissements considérables des

diffuseurs pour obtenir les droits de ces grands rendez-vous sportifs. La notion d’exclusivité

de diffusion, souvent de mise pour la négociation de ces droits, permet une attractivité

73 ANNEXE 3 : Dossier de presse France Télévisions, Tour de France 2011 et 2013

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renforcée par un attribut premium. C’est une offre de spectacle audiovisuel que seule la

télévision peut se targuer de proposer.

La dramaturgie de l’objet est intrinsèque. Il a une capacité naturelle à produire de la fiction

au sens de « raconter une histoire ». La fiction est induite dans la proposition d’une narration

du réel, construite autour de ses héros, avec ses rebondissements, une tension et un enjeu. Le

direct sportif est une antinomie de fiction du réel. Une dramaturgie poussée à son paroxysme

avec une fin que personne ne peut anticiper. Le suspense est lattent, les acteurs eux-mêmes

écrivent le dénouement dans une tension permanente. Les exemples sont inépuisables. Si nous

revenons au Tour de France, les « contre la montre » en sont l’illustration probante. Lors de la

dernière étape du Tour de France 1989 (un contre la montre), c’est un duel au sommet qui

oppose Laurent Fignon contre Greg Lemon, dont le dénouement se fait en direct sur les

Champs Elysées. Au départ de l'étape le maillot jaune Laurent Fignon possède 50 secondes

d'avance sur le second, l'Américain Greg Lemond. La dernière ligne droite des Champs

Elysées restera gravée à jamais dans la mémoire collective, les deux héros seront en

opposition jusqu’à la fin au fil des temps de passage. Les commentateurs de télévision et les

réalisateurs retranscrivent cette montée de tension en égrenant les secondes, un Français est en

train de perdre le Tour France pour 8 secondes qui resteront ancrées dans les mémoires

comme les « Huit secondes pour l’éternité ». « Ce qui vient de se dérouler là, c’est d’une

dramaturgie extraordinaire74 » commentera Jacques Chancel en direct devant les images d’un

Laurent Fignon anéanti.

Il n’y pas plus grande intensité que le spectacle sportif, qu’on appelle « la glorieuse

intensité du sport ». Au-delà de la victoire, ce sont des récits de destinées, de dépassement de

soi et de l’extraordinaire de la performance. Le sport écrit la Grande Histoire avec ses

résultats, ses podiums, ses médailles. Mais aussi l’Histoire de notre société, de la

modernisation des pays, l’émancipation des peuples, à l’instar d’une équipe de football

improbable composée de 13 joueurs israéliens et de 13 joueurs palestiniens. Une « équipe

pour la paix » ayant participé à la Coupe internationale de football australien en 2008 et 2011.

Du côté de l’aspect documentaire, le direct sportif propose une source inépuisable

d’informations documentées avec une source d’images intarissable. Les compétitions

74 CHANCEL, Jacques, retransmission du Tour de France, direct du 23 juillet 1989 [disponible en ligne : http://www.ina.fr/video/I00010953]

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sportives sont étroitement liées à des références historiques, culturelles et sociétales. De quoi

illustrer et enrichir dans le commentaire ou la réalisation la couverture du direct. Anecdotes,

contextes, records, toutes ces informations viennent illustrer la captation du direct pour

répondre aux différentes aspirations du téléspectateur, selon la nature de l’expérience qu’il

souhaite vivre. Dans notre grille d’analyse du Tour de France, nous pouvons constater que

cette complémentarité programme de direct/documentaire est très largement exploitée. A de

nombreuses reprises, pendant l’étape, l’écran se partage en deux fenêtres complémentaires au

niveau de la narration. A droite, le direct de la course, à gauche un contenu annexe

enrichissant l’image du direct. Ce partage d’écran est utilisé sur les trois années d’étude, avec

une montée en puissance de l’utilisation du procédé en 2013. Plusieurs thèmes du registre du

documentaire sont abordés : le retour historique de l’étape avec les grands moments sportifs

ou politiques ; l’entraînement du cycliste qui est à l’image du direct ; des informations

iconographiques en images sur l’étape, ses difficultés ; la présentation d’un monument ou

d’un site traversé par le peloton.

Le couple sport et télévision semble donc profiter à un média télévision en quête de

légitimité et d’appropriation de valeurs exclusives. En offrant un objet d’une télégénie

indiscutable, d’une dramaturgie native, représentant une source d’informations exploitées au

profit d’enrichissement de la narration, le direct sportif renforce l’intérêt du média télévision.

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b. Panoptisation du spectacle

Le décryptage s’est massivement inscrit dans le paysage médiatique, dans une conception

de la recherche de la vérité : le décryptage psychologique des magazines féminins, le

décryptage politique des chaînes d’information, le décryptage des stratégies de

communication dans l’émission « Culture Pub » de M6…

Avec l’émergence de la téléréalité, le décryptage des émissions télévisuelles est entré

dans une nouvelle ère. La télévision avait alors un statut où le mystère était le fondement de la

relation émetteur-récepteur. Le public était fasciné par les coulisses du média qui lui étaient

cachées. Seuls les professionnels maîtrisaient une technologie de diffusion et de production de

l’image que le quidam ne pouvait appréhender. Tout était dissimulé : les caméras, les

réalisateurs, les dispositifs… Le voile était parfois levé sur les secrets de fabrication de la

télévision à coup de reportages extrêmement contrôlés dans la presse écrite. C’était alors un

privilège de pouvoir approcher l’envers du décor. Dans ce contexte, le paradigme du

décryptage se résume dans l’idée que tout est caché. Avec le format téléréalité, initié en

France en 2001 par l’émission « Loft Story », nous assistons pour la première fois à une

nouvelle promesse de tout voir, de tout comprendre, de tout expliquer. La promesse marketing

est construite sur le dispositif autour de 11 candidats enfermés dans un loft de 225 m2 : 26

caméras, 50 micros, un accès aux images 24h/24 sur un canal dédié du bouquet de télévision

payante TPS. Le programme est un premier pas vers la panoptisation du spectacle télévisuel,

une notion de dispositif de la surveillance de Michel Foucault75 : « Nous ne vivons pas dans

une société du spectacle mais dans une société de surveillance ». Il s’appuie sur le modèle

architectural d’une prison idéale, optimisant la surveillance, conçu par Jeremy Bentham, à la

fin du XVIIIème siècle, le modèle du panopticon. Transposé à la télévision, ce modèle met le

spectateur dans une posture de surveillance, où il peut tout voir sans jamais être vu.

Si nous revenons au modèle du dispositif sportif, les évolutions technologiques ont permis

de mettre les innovations au service d’un spectacle de plus en plus panoptique. Ces dispositifs

permettent de décrypter les actions et les performances, dans un discours d’expert revendiqué.

La palette graphique de Canal+ par exemple, dont la nouvelle version a été lancée en 2008

(Palette+), sert l’analyse technique des matchs retransmis par la chaîne. « Nous avions envie

d’apporter une innovation technique, un outil qui serait à la fois, exclusif, spectaculaire et

75 FOUCAULT, Michel, Surveiller et punir, op.cit

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pédagogique », expliquait Cyril Linette76. Permettant de transformer des images réelles en 2D

en images de synthèse 3D, elle reconstruit des actions de jeu depuis des angles impossibles à

filmer, propose de revoir une frappe avec l’angle de vue du gardien de but ou le champ de

vision de l’arbitre. De quoi nourrir les conversations, d’alimenter les discussions et de

satisfaire tous les passionnés.

Palette+

En ce qui concerne le dispositif de caméras, tous les efforts sont concentrés sur

l’augmentation des points de vue et la proximité de l’expérience du public au plus près de

l’action. La couverture médiatique du Tour de France ne déroge pas à cette volonté de tout

montrer, de tout couvrir. On observe qu’entre 2006 et 2011, des efforts considérables ont été

faits en ce sens, même si le message déployé en 2006 par les relations presse insiste déjà sur

le « Tout voir, tout savoir ». En 2011, en plus de l’expert à moto qui vit la course en

immersion, un journaliste est désormais au cœur du village de départ pour recueillir les

dernières images à chaud des équipes. Les interviews des directeurs sportifs des équipes se

font directement dans les voitures, au cœur du peloton. Une loupe assure la couverture du

dernier kilomètre de course et des moyens techniques impressionnants sont mis en place,

matériel et moyens humains. 2011 marque le début d’un vrai déploiement de la couverture de

l’événement sur le web avec des propositions d’expériences complémentaires, permettant de

voir, revoir et décrypter. Pour exemple, un contrôle du direct (pause, retour en arrière, retour

au direct), les statistiques et classements en temps réel, des reportages et des interviews des

coureurs. Et 2013 met encore plus de technologies et d’innovation au service du spectacle de

la Grande Boucle et de la curiosité de ses adeptes. Les plans sont plus rythmés comme pour

signifier que tout est capté, au rythme frénétique de la course. Les gros plans sont plus

76 LINETTE, Cyril, Interview in « Canal+ réinvente la Palette », metronews.fr, [disponible en ligne : http://www.metronews.fr/fr/article/2008/02/15/00/1153-34/index.xml], publié le 15 février 2008

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49

B. Le référent imaginaire global technique

Nous avons abordé les éléments constituants de l’attractivité de l’objet médiatique « direct

sportif », en tant que mise en spectacle d’un spectacle portant naturellement des signes

distinctifs séduisants. Ces signes distinctifs représentent l’attribut d’une télévision qui a su

préserver sa singularité médiatique. Nous allons observer maintenant comment les dispositifs

techniques font culture dans un imaginaire global qui permettrait de contrer les médias

digitaux et autres nouveaux entrants menaçant le média télévision.

1. Une programmation qui se nourrit du direct

a. Une perception positive technique de la couverture télévisuelle

Pour un diffuseur, la mise en place d’une retransmission de direct sportif est un véritable

challenge. D’abord parce que la télégénie des disciplines est variable selon leur typologie.

Marc Nicolas77 a tenté de distinguer deux typologies principales pour déterminer les

dispositifs de capture. La première distingue les disciplines de stade des disciplines de

parcours dans une différenciation d’espace : l’enceinte fermée du terrain de jeu ou lieu de

compétition (rugby, football, judo, escrime…) et le parcours étendu des courses (cyclisme,

marathon…). La deuxième typologie prend en compte le critère temps. Elle différencie les

sports dont le temps est « libre », opposant les participants sur la base du temps réalisé sur un

parcours (les courses), et les sports qui imposent un temps déterminé pour la réalisation d’un

score, du plus grand nombre de points. Ces distinctions sont importantes à prendre en compte

dans la réalisation et la planification des programmes, modifiant les moyens techniques

(nombre de caméras, équipes mobiles, nombre de journalistes) et la structure de l’antenne

(flexibilité de la grille de programme dans le cadre des sports à temps libre). Chaque sport

doit donc faire l’objet d’une réflexion particulière. Le média doit avoir une aptitude à la

captation spécifique de l’image, à l’adaptation du dispositif et des moyens techniques pour

crédibiliser sa légitimité de média du direct, des grandes cérémonies. Il doit avérer sa position

d’expert pour résister à la concurrence des images disponibles sur Internet.

Le droit à l’erreur est inexistant, la qualité de la retransmission doit être à la hauteur du

spectacle et des attentes du public. Car le téléspectateur est exigeant. Les progrès

technologiques et l’environnement d’innovations des NTIC et des nouveaux supports 77 NICOLAS, Marc, « De la télégénie du sport », in: Quaderni. n° 4, Printemps 1988. Les mises en scène télévisuelles, pp. 89-93

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médiatiques ont fait naître dans l’inconscient collectif, une prime à la qualité de l’image et du

son. Habitués à une ascension des promesses de dispositifs ambitieux, ils ne peuvent se

contenter d’un service minimum. C’est donc dans cette optique que les diffuseurs préparent, à

grand renfort de moyens et d’imagination, la mise en place des plans de réalisation et de

couverture des événements. Ces investissements font partie intégrante des discours de

communication, pour nourrir la perception positive du média par le grand public et garantir

les audiences. Ainsi, dans le dossier de presse du Tour de France 2011, une large place est

donnée au discours de valorisation des dispositifs techniques avec une page dédiée. En plus

de son message de panoptisation du spectacle, il insiste sur la capacité de la chaîne à innover.

Elle se positionne sur un champ d’expertise technologique au service de l’utilisateur et des

autres médias du monde entier, qu’elle revendique dans son dossier de presse : « Diffuseur

hôte du Tour de France, France Télévisions produit le signal international de l’épreuve en

haute définition et déploie, pour la couverture du Tour de France, un important dispositif

mobilisant les différents moyens techniques et de production du groupe78.».

En visionnant les images des étapes du Tour de France, on note des invariants qui font

culture dans l’univers de représentation technique de la production des événements sportifs.

Les systèmes de signes sous forme de synthés de textes sont récurrents d’année en année. Ils

véhiculent la valeur sociale de l’objet et la représentation du sport : la performance et la lutte

pour la victoire, l’opposition, la tension. Les conditions de production de ces signes sont liés à

la prouesse technologique de la mise en place, dans des cars régie, de système calculs en

temps réél : le nombre de kilomètres parcourus, infos maillot jaune, décompte du temps passé

depuis le départ, vitesse moyenne des coureurs, distance entre les différents groupes (tête de

la course, poursuivant, peloton). On retrouve cette pratique sur de nombreuses retransmissions

sportives, de toutes typologies, comme les matchs de sport d’équipe avec des statistiques sur

la possession de la balle, le nombre de tirs cadrés, le nombre de fautes… La technologie au

service de l’information et de l’expertise fait partie de la notion de contrat qui régit la relation

entre l’émetteur et le récepteur, de la promesse de ce qu’il va recevoir en regardant la

télévision.

78 ANNEXE 3

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51

Exemple de synthé – Tour de France 2011

C’est bien sûr l’image qui porte la perception de la production technique de la télévision.

Sur ce point, il est indéniable que le contrat a changé au fil des années en ce qui concerne la

qualité de la retransmission. En 2006, les moyens techniques ne permettaient pas d’offrir une

qualité d’image et de son irréprochable dans les conditions de captation d’une épreuve comme

le Tour de France. Itinérant, en extérieur, sur des routes reculées et loin de toute installation

d’émission et de réception, les images pouvaient se brouiller, le son devenir inaudible,

pendant quelques secondes, notamment sur les épreuves de montagne. Personne ne s’en

offusquait alors, la performance technique du diffuseur étant pour l’époque bien admirable.

En 2011, on note encore quelques rares sauts d’images. Mais celles-ci sont passées en format

16/9è, envoyant un signe de modernité. En 2013, la réception est impeccable, l’image est

passée en HD, la télévision a su s’approprier les progrès technologiques à la faveur d’une

perception de média innovant. En revanche, France Télévisions a toujours été ambitieux sur le

dispositif de caméras, notamment avec des prises de vues d’hélicoptère, magnifiant la

découverte des merveilles du patrimoine culturel français et des paysages. En 2011, la chaîne

se targue d’utiliser 2 hélicoptères wescam HD, 2 avions relais et 2 hélicoptères relais, des

moyens ambitieux. Les plans se sont néanmoins étoffés dans leur diversité et leur

enchaînement, au cours des 3 années étudiées, témoignant de la réactivité du média à

exploiter des dispositifs innovants pour s’adapter au rythme d’une évolution sociale tournée

vers la rapidité, l’instantanéité d’accès à l’information et à la consommation d’objets

culturels.

Enfin, nous avons retrouvé comme signe récurrent, des aller-retour de plans

commentateurs en plateau et journalistes terrain au cœur des coulisses du Tour, signifiant la

complexité du dispositif de liaison entre Paris et les sites des étapes, la capacité technique

d’assurer un duplex et des liaisons à distance.

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b. Une diversité des formats

Le direct représente un pari technologique de captation et de transmission du programme,

avec le déploiement de dispositifs impressionnants et ambitieux. Ce contenu médiatique

s’inscrit au cœur d’un dispositif global qu’il nourrit de ses images et de sa réalisation.

L’exploitation de la captation du direct va permettre à la marque chaîne une éditorialisation

cross-format qui va alimenter sa grille de marques programmes, optimisant son

investissement dans les droits de l’événement. Elle multiplie ainsi ses messages de promotion

et ses promesses de couverture exceptionnelle, répondant aux attentes du plus grand nombre.

Ces marques programmes contribuent également à installer le référent imaginaire global

technique en se positionnant comme le média ayant le plus d’aptitudes à s’engager dans des

conceptions de réalisation riches sur plusieurs formats. Le savoir-faire de production et de la

distribution de la culture par l’image, dans une offre démultipliée, devient le principal

argument du média pour capter son audience face à ses concurrents digitaux.

En reprenant note analyse du Tour de France pour vérifier notre hypothèse, nous pouvons

étudier l’ensemble des rendez-vous des chaînes de France Télévisions, France 2 et France 3,

en 2011 et 2013. Les propositions de dispositif éditorial sont assez similaires. Elles couvrent

des tranches horaires sur l’ensemble de la journée, de 13h à la troisième partie de soirée en

2011 et à 20h05 en 2013. La promesse est de ne rien rater avant, pendant et après les étapes,

signifiant une mobilisation de tous les moyens possibles au service de l’information du

public : Village Départ (quotidienne, émission en direct et en public) ; Le Direct ; L’Après

Tour (quotidien, magazine avec analyse et interviews à chaud, résumé de l’étape) ; Stade 2

(hebdomadaire, émission dont 4 éditions sont en direct du Tour) ; Le Film du Tour (quotidien,

magazine avec images fortes, analyses et classements) ; Tout le Sport (quotidienne, émission

avec retour sur l’étape et actualité sportive ; supprimée en 2013). Nous pouvons ajouter tous

les sujets des journaux de 13h et de 20h, nécessitant une réactivité de production et de

réalisation de sujets d’actualité. En 2013, le dispositif est enrichi pour fêter la 100ème édition,

avec La Belle Echappée (l’étape du jour de l’intérieur en suivant une équipe française) et

Histoires de bord de route (images d’archive qui racontent le Tour des spectateurs).

L’apothéose de ce Tour 2013 sera le jour de la dernière étape, où plus de 10 heures d’antenne

consécutives seront consacrées au dernier opus de la 100ème édition de la Grande Boucle.

C’est donc tout un écosystème qui gravite autour du direct et grâce au direct. En multipliant

ses émissions, le plus souvent elles-mêmes en direct et en public, avec des capacités de

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rapidité de montage de sujets, de réactivité d’information dans ses magazines, la marque

chaîne donne la preuve de son expertise technique, de l’efficacité de ses dispositifs. Elle ancre

la télévision dans une position de média incontournable dans l’accès audiovisuel de

l’événement, contournant son obsolescence supposée.

2. Une technologie qui sublime l’événement par l’interactivité

Nous allons étudier dans cette partie comment les signes de la retransmission du direct du

Tour de France se sont transformés et font culture au service de la valorisation de la

modernité du média télévision, dans son interactivité et son interaction aux autres médias.

a. Evolution de l’exploitation de l’environnement digital à l’antenne

A travers la retransmission en direct des étapes menant à l’Alpe d’Huez, nous avons

constaté que le genre de l’objet était avéré comme spectacle télégénique par essence, gorgé de

représentations positives, tant au niveau de sa médiagénie qu’au niveau de son dispositif

technique. Sur ces critères, ce format confère au média télévision une identité propre, une

singularité que les productions Internet ne semblent pas pouvoir concurrencer. De plus, les

interactions rendues possibles par des nouveaux devices connectés à Internet ouvrent des

perspectives d’exploitation par les éditeurs au service des marques programmes de direct. Ces

interactions se développent également pour favoriser la participation du public.

En relevant les informations communiquées à l’antenne, par les synthés ou les

commentaires, nous pouvons voir l’évolution des moyens mis en œuvre dans la proposition

d’enrichissement du contenu et d’interactivité avec le spectateur. En 2006 déjà, France

Télévisions amorce une logique de complémentarité entre l’antenne et le web. Avec le

développement de son site france2.fr, elle propose des informations annexes sur le Tour,

essentiellement sous forme de texte (classements, parcours…). Des appels à contribution sont

également lancés à l’antenne, mais ces possibilités de participation sont encore offertes par le

téléphone portable et le téléphone fixe avec le message diffusé à l’antenne : « Envoyez vos

questions par SMS au 61303 (0,35€ + coût du SMS) ». Nous relevons ici encore le système

du partage d’écran de la télévision en deux, avec deux contenus différents, adopté sur les trois

années d’étude. Il est intéressant d’analyser cette forme d’intentionnalité de proposition de

plusieurs messages en même temps. La télévision aurait-elle anticipé les nouveaux usages

multi-écrans, une forme de multitasking adopté avant son explosion ?

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Cinq ans après, le dispositif est nettement marqué par l’évolution de consommation des

écrans connectés. Les renvois vers le site Internet de France Télévisions sont plus fréquents et

ont une promesse plus étoffée : « Retrouvez le direct, les résumés et toutes les infos sur

sport.francetv.fr ». La vidéo se développe sur le site, proposant le direct en streaming et des

contenus variés (résumés, interviews..). L’exploitation de l’écran compagnon est amorcée :

« Retrouvez aussi le Tour en direct sur votre smartphone ou tablette grâce à notre nouvelle

application mobile. ». Cette politique de développement suit la progression du taux de

pénétration de ces équipements. Le marché du smartphone est en pleine croissance : de 1,8 à

11,5 millions d’unités vendues de 2008 à 201179. Concernant les tablettes, les observateurs

notent un potentiel d’équipement fulgurant avec, depuis le début de l'année 2011, 46 millions

de tablettes vendues dans le monde, selon GfK80 . Soit une croissance de 115% de ce marché,

dont on pensait alors qu’il atteindrait les 100 millions d'unités en 2012. Les modes de

participation classique sont toujours proposés et on assiste à l’utilisation d’appels à

participation plus fréquents, en partenariat avec des annonceurs : « Jouez avec Brandt pour

gagner un lave-linge Dose e en désignant le combatif du jour sur sport.francetv.fr, par tel au

3612/0,56€ par appel ». Les UGC font leur apparition avec des appels à contribution des

télénautes : « Envoyez vos photos et vidéos du Tour sur sport.francetv.fr ou par MMS au

64064 ». Un grand pas est franchi avec une utilisation de l’interactivité plus développée et une

conscience que l’interactivité peut nourrir et enrichir l’expérience du programme principal. La

perspective de monétiser ces nouveaux supports est bien comprise en associant les annonceurs

à ces dispositifs. L’interactivité et la connexion télévision/Internet devient un cercle vertueux

au service du média télévision. En 2013, la compréhension de ce nouvel écosystème est plus

maîtrisée.

Le Tour de France 2013 a été résolument placé sous le signe du digital, d’autant plus que la

célébration de la 100ème édition a permis une création pléthorique de contenus

complémentaires au direct. En partenariat avec l’INA, une source inépuisable d’images et de

rétrospectives était à disposition pour alimenter les différents supports et accroître

l’attractivité de l’offre éditoriale. Ce partenariat a donné lieu à la création d’un site

complémentaire, http://la-legende-du-tour.francetvsport.fr, également plateforme interactive

avec test de connaissance et mise en ligne des vidéos des courses auxquelles les internautes

avaient assistés. Pour revenir aux signes faisant culture, l’audiotel et envois de MMS ont

79 Etude GFK/Consumer Choices, août 2012 80 Etude Médiamétrie-GfK, 3 novembre 2011

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totalement disparu, tous les appels à contribution ou jeux, jeux-concours étant hébergés sur

les plateformes digitales. Le hashtag #francetvsport est utilisé à l’antenne pour appeler les

téléspectateurs à « live tweeter » le direct avec une promesse de sélection diffusée lors de la

retransmission. Les synthés et les commentateurs rappellent l’adresse du site. Une autre

grande nouveauté, qui fait d’ailleurs l’objet d’auto-promotion en direct, est la mise en place

de la fonction « multicam ». Cette fonctionnalité que nous avons déjà évoquée, permettait de

suivre la course sous différents angles de caméra, activées par l’internaute : la caméra du

direct antenne, 2 caméras placées sur des motos, et 2 caméras placées sur des hélicoptères.

L’interface permettait également la fonctionnalité « Instant share » pour partager des vidéos

courtes des étapes. La technologie est véhiculée par les différentes nouveautés digitales

d’accompagnement du direct comme vecteur de crédibilité des dispositifs techniques

proposés.

En huit ans, les signes envoyés au récepteur du spectacle se sont transformés pour faire

culture au service de la modernité pour le média et pour l’événement. Nous allons voir que les

discours d’appropriation du diffuseur ont été l’axe principal de communication autour de la

programmation du Tour de France 2013. Nous pouvons néanmoins noter que l’exploitation du

discours de l’interactivité à l’antenne est minimaliste par rapport aux ressources d’inter-

connexions antenne, web et écrans compagnons mises en place. La page Facebook de France

Télévisions n’a jamais été citée à l’antenne. Elle aurait pourtant permis de créer des

mécaniques en interaction avec le direct et favorisé l’engagement des téléspectateurs,

internautes, mobinautes et tablonautes à la marque chaîne. Au visionnage de l’étape Gap-

l’Alpe d’Huez, aucun tweet de spectateur n’a été inscrit à l’antenne, pas plus que lu par le

commentateur. Les UGC sont restés du domaine du site internet et de l’émission L’Après

Tour, mais de façon timide alors que certaines vidéos auraient pu mieux alimenter les

magazines ou émissions de l’antenne, à l’instar d’un zapping du web, contenu régulièrement

éditorialisé dans d’autres genres télévisuels. Il semblerait que le direct sportif garde une

certaine frilosité à consacrer une partie de l’antenne à des signes représentatifs des nouveaux

usages, hors messages de renvoi sur les différentes plateformes. Ce que les autres formes de

direct n’hésitent pas à assumer comme les concours de téléréalité (The Voice, Nouvelle

Star…). L’antenne resterait-elle alors, sur le genre télévisuel du direct sportif, territoire de

discours des experts du média au risque de perdre une crédibilité nécessaire d’innovation et de

modernité ?

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b. Discours et appropriation des dispositifs interactifs

Nous analyseront particulièrement les années 2011 et 2013, les dispositifs interactifs étant

encore peu développés en 2006. Nous nous tournons plus particulièrement dans notre

approche vers les discours communicationnels de France Télévisions, revendiquant sa

proposition d’expérience enrichie par le digital.

Si nous avons constaté que le discours lié aux nouveaux usages à l’antenne, lors de la

retransmission du Tour de France, était assez timide, il est au cœur des discours des supports

de communication et les interviews des protagonistes de France Télévisions. Cette démarche

accompagne l’ancrage d’un référent imaginaire global de maîtrise d’une technique toujours

plus pointue et innovante. En 2011, l’accent est mis sur le déploiement de contenus sur le

web. Outre la richesse des contenus disposés, les signes technologiques sont nombreux avec

la diffusion de toutes les étapes en HD, une fonctionnalité de contrôle du direct et des vidéos à

la demande. L’interactivité est développée et fait l’objet d’arguments du dossier de presse,

une nouvelle plateforme de contributions est créée pour poster des photos et vidéos du Tour,

et une promesse « d’interaction forte sur les médias sociaux, Facebook et Twitter »81.

Deux ans plus tard les pratiques second écran et réseaux sociaux font partie d’une

révolution sociologique de consommation. Le Tour de France 2013 s’adapte à son

environnement et le diffuseur a bien compris l’attractivité de l’innovation et de la technologie

attendue par les usagers. Si le Directeur des Sports, Daniel Bilalian souhaite82 : « rendre le

Tour encore plus spectaculaire et mieux mettre en valeur le tour de la France car certains, au-

delà du vélo, viennent regarder leur pays pendant trois semaines. », la promotion de

l’événement passe par une proposition digitale extrêmement riche : « La 100ème du Tour de

France : une expérience sport 100% enrichie sur francetv sport83 ».

81 ANNEXE 3 82 REITZAUM, Hélène « Bilalian: Rendre le Tour de France plus spectaculaire », lefigaro.fr, [disponible en ligne : http://www.lefigaro.fr/medias/2013/01/11/20004-20130111ARTFIG00680-daniel-bilalian-invite-du-buzz-media-orange-le-figaro.php], publié le 11 janvier 2013, consulté le 29 août 2013 83 REDACTION, « La 100ème du Tour de France : une expérience sport 100% enrichie sur francetv.sport », francetv.fr, [disponible en ligne http://plateautele.francetv.fr/2013/06/26/la-100eme-du-tour-de-france/], publié le 26 juin 2013, consulté le 29 août 2013

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Et la panoplie des développements multimédias est impressionnante, prenant en compte

tous les devices émergeants avec :

- Le site francetvsport et sa fonctionnalité multicam et partage de vidéos ; un accès à un

tableau de bord permettant de consulter toutes les données de la course en temps réel ; des

quiz, des pronostics et des sondages,

- L’utilisation des réseaux sociaux pour suivre et partager sur Facebook (page officielle

France Télévisions Sports), Instagram (compte dédié) et Twitter (#francetvsport) les grands

moments de la course avec les présentateurs et consultants ; petite sélection affichée pendant

l’émission L’Après Tour ; une équipe éditoriale dédiée pour alimenter les comptes,

- Une application mobile (IOS et Android) pour suivre le direct de l’antenne, consulter les

classements et toute la couverture de la rédaction,

- Une application smart TV HbbTV (accessible directement via la télécommande), pour la

première fois, apportant aux téléspectateurs une expérience enrichie avant, pendant et après

l’étape ; la course en direct : enrichissement du live (écarts en temps réel entre les coureurs,

classement virtuel instantané, profil de l’étape, le fil de tweets) ; vidéos liées à l’étape en

cours et aux précédentes (présentation de l’étape, replay des émissions et des moments forts

de l’étape) ; archives vidéo ; classements,

- Le site participatif consacré à la légende du Tour,

- Le site francetveducation.fr, pour les plus jeunes avec un jeu interactif destiné aux 8 à 14

ans, permettant de découvrir les règles du cyclisme et du Tour de France.

A n’en pas douter, la volonté de se positionner comme expert du digital maîtrisant toutes

les nouvelles technologies est affichée. Et ce message est diffusé dans des supports grand

public comme une bande-annonce régulièrement passée à l’antenne pendant toute la période

du Tour de France et hébergée sur le site84, ainsi que des bannières publicitaires digitales.

Pour mettre en exergue le succès de sa proposition enrichie, France Télévision va même

jusqu’à remercier son public sur Twitter : « #TDF 2013 : 3 M de visites sur le dispositif inédit

de @francetvsport autour du live (direct,multicam, second écran ) #Merci ».

84 Bande annonce consultable : http://www.francetvsport.fr/dispositif-numerique-tdf-france-televisions-161089

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Il nous paraît intéressant de noter ici l’apport de l’interactivité à un programme de direct.

En étudiant les audiences réalisées sur ces deux éditions de l’ère du digital, l’écosystème mis

en place par France Télévisions et l’intégration de modèles techniques innovants, ont plutôt

bénéficié à l’écran principal. Le média a favorisé l’engagement des téléspectateurs à sa

marque, viralisé les objets médiatiques sur des plateformes de partage et maximisé l’accès à

l’information. En 2011, les différentes épreuves du Tour de France ont permis à France 2 de

réunir en moyenne 4,3 millions de téléspectateurs85 (contre 3,6 millions en 2010 et 3,8

millions en 2009). En 2013, la moyenne a été de 3,9 millions.

Cette analyse nous a permis de décrypter le genre du direct à travers la notion de référent

imaginaire global, dans une dimension de spectacle et une dimension technique. Cette analyse

du genre du direct - par le prisme de la retransmission d’un événement sportif - nous permet

d’envisager qu’il pourrait représenter un élément de construction d’identité propre au média

télévision. La médiagénie de ses récits, mêlant fiction et documentaire, et les dispositifs

techniques innovants et ambitieux que le direct mobilise, nous permettent de croire qu’il

représente un élément différenciant dans sa perception et son usage.

Après avoir cherché à situer la télévision dans ses étapes d’évolution pour en envisager la

suite, et analysé un genre qui pourrait être constitutif de son identité médiatique, nous allons

tenter de la placer dans son contexte d’innovation, sur des échelles distinctes. Tout d’abord,

en étudiant la chaîne de valeur des différents objets audiovisuels et les nouveaux contrats

d’écoute des flux délinéarisés. Ensuite, en orientant nos observations vers le changement de

matérialité du média conduit par les nouvelles technologies.

85 Source : Médiamétrie

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III – IMPACTS DE L’INNOVATION SUR LE MEDIA

TELEVISION : VERS UNE REMEDIATION

Cette troisième hypothèse analyse le média au prisme de sa place dans son

environnement multi-écrans. L’émergence des nouveaux écrans d’accès à l’image -

l’ordinateur (souvent portable), le smartphone et la tablette - menacerait-t-elle l’existence du

poste de télévision dans le foyer ? Dans un premier temps, nous étudierons la place du poste

de télévision dans les modes de consommation des différents genres télévisuels, ainsi que les

interconnexions entre le média et les autres écrans. En quoi cela modifie-t-il l’attachement à

l’objet télévision ? Comment les éditeurs utilisent cet écosystème pour renvoyer vers le poste

de télévision, qui est toujours la clé de la monétisation des contenus par l’audience ?

Nous verrons ensuite comment l’innovation transforme l’objet en lui-même. Dans un

contexte d’accélérations fonctionnelles de nouvelles technologies, il a su s’adapter pour rester

le média de masse privilégié d’un foyer. Il sera alors intéressant d’observer les

métamorphoses de l’objet et les attentes des consommateurs quant aux perspectives des

nouvelles technologies. Du téléviseur à la smart TV, les suspicions de disparition de l’objet au

profit d’autres usages ont régulièrement été exprimées, pourtant dans un contexte où la durée

d’écoute ne cesse de progresser. Mais le cheminement vers une remédiation de la télévision

paraît offrir une vision plus optimiste de nouvelle forme médiatique.

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A. Quand le poste de télévision perd son monopole audiovisuel

Jamais questionné auparavant dans sa légitimité de vecteur d’accès à la culture par l’image

et le son, le téléviseur est désormais challengé par les nouveaux médias. Sa situation de

monopole prend fin, d’autres écrans se sont installés dans les foyers. Les comportements

sociaux ont évolué, les récepteurs adoptent d’autres émetteurs d’objets communicationnels

générés par l’innovation.

1. La modification de la chaîne de valeur

a. Le positionnement de la télévision et des nouveaux médias

La théorie de la chaîne de valeur a été introduite par Michael Porter86 en 1986, pour

analyser le positionnement des entreprises dans leur univers concurrentiel. Il est intéressant de

l’appliquer à la télévision et d’observer que son modèle économique, en tant qu’industrie

culturelle, a vu sa chaîne de valeur complexifiée. L’émergence d’Internet, des médias

interactifs, et des consommations nomades a impacté l’audiovisuel et sa représentation. En

effet, le contenu consommé peut paraître souvent moins crucial que la relation que le média

permet de créer avec son utilisateur.

La position dominante du média familial du XXème siècle a été bouleversée dans son

monopole de production de contenus et de créateur de messages culturels livrés à domicile.

Avec l’interactivité, le modèle relationnel entre le média et son utilisateur s’est transformé,

permettant la production par tout individu d’objets médiatiques. Dès lors, les représentations

de ce qui n’était pas interactif ont été placées dans le domaine du désuet, du démodé et du

dépassé. Pendant une courte période, la télévision a perdu de sa superbe avant de se

repositionner dans son contexte d’interactivité attractive.

Car même si le média télévision a toujours créé du lien social, en favorisant la conversation

après le visionnage d’un programme, les possibilités d’interagir avec ce qui était proposé ont

longtemps été inexistantes. Elles ont commencé à se développer par le biais du téléphone et

des SMS. L’arrivée sur le marché des réseaux sociaux et de leur accès depuis des écrans

nomades, a très récemment permis de développer un modèle conversationnel répondant aux

nouvelles aspirations sociales d’interconnexion Ce nouveau modèle de congruence entre

86 PORTER, Michel, L’avantage concurrentiel, Paris, Dunod, 2003

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télévision et médias sociaux tend à bénéficier à la chaîne de valeur de l’audiovisuel, y ajoutant

une fonction sociale plébiscitée par les utilisateurs. Dans son offre d’expérience, la

valorisation de la social TV devient un argument majeur, différenciant.

En ce qui concerne la promesse majeure de qualité éditoriale et de contenus, la valeur du

programme reste un élément clé de l’écosystème. L’expertise historique dans la production de

programme est toujours l’argument principal, face aux productions plus amatrices d’Internet.

Néanmoins, les accès à des contenus illégaux rendus possibles par Internet, perturbent la

chaîne de valeur de la télévision qui tente de réagir par la réalisation de productions propres,

lancées à l’antenne à grand coup de campagnes de communication. Citons pour exemple les

Créations Originales de Canal+.

Au regard des nouvelles stratégies de l’industrie audiovisuelle, on s’aperçoit également que

la chaîne de valeur inclut une complémentarité et une logique de lien additionnel entre la

télévision et les médias digitaux au sein ce nouvel écosystème. Cette logique s’applique aux

contenus et aux usages comme nous l’explique Fabienne Fourquet87, Directrice des nouveaux

contenus du groupe Canal+ :

« Nous on pense que plus on donne de contenus, plus on les rend accessibles au plus grand nombre, plus on les met là où sont les gens (c’est la politique du player exportable où on peut exporter son player sur Facebook, sur son blog…), plus les gens regardent nos programmes et en parlent. Ces programmes-là sont monétisés par la pub, donc qu’ils soient sur le web ou sur la télé, ils rapportent de l’argent. Ensuite plus on buzze autour de Canal+, autour des programmes, plus à terme les audiences de la chaîne sont aussi en croissance. »

Dans ce sens, la confrontation entre des médias Internet et la télévision est positivée,

replaçant le paradigme d’interconnexion dans une vision vertueuse de l’exploitation des

supports digitaux au service de la valorisation d’une marque programme. Le web devient

alors un outil de promotion de l’antenne plutôt qu’un danger de cannibalisation : « Si on parle

de Canalplus.fr ou D8 / D17, l’idée c’est de se dire qu’on va faire essentiellement du soutien

de l’antenne88 ». Les réseaux sociaux sont devenus les outils de communication moderne,

dans une logique de consommation second écran avec une résonnance de masse par la

puissance du volume de leurs utilisateurs89 : « Un nombre de tweets, un nombre de post

87 ANNEXE 4 : FOURQUET, Fabienne, « Entretien semi directif », 2 août 2013, Boulogne-Billancourt 88 ANNEXE 4 : FOURQUET, Fabienne 89 Source Nielsen, 13 juillet 2012 : 26 millions d’utilisateurs actifs en France pour Facebook / Source Comscore, 1er janvier 2013 : 5,6 millions de visiteurs uniques en France

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Facebook, ça correspond à un nombre de conversations à la machine à café, ça correspond on

espère à la communication moderne. […] Et maintenant plus tu as de gens qui parlent de tes

émissions, plus en général tu peux te dire que ça va se corréler avec l’expérience télé et la

notoriété de la marque programme90. ».

Nous pouvons distinguer deux grandes typologies de valeur crée par Internet et ses médias

d’accès : son fort potentiel d’audience et sa capacité à créer du lien social. Il semblerait que la

télévision a trouvé les solutions pour tirer profit de ces valeurs par l’intermédiation qu’elle a

créé avec cet environnement digital.

b. Une nouvelle proposition d’usage transmédiatique Dans cette nouvelle chaîne de valeur, le média télévision a su s’approprier d’autres formes

de communication au service de son antenne. Loin de se restreindre à ces opportunités

promotionnelles, le média a également réinventé des formes d’objets médiatiques circulant

sur tous les supports de diffusion. De nouveaux genres de production sont nés de

l’environnement digital du média et des nouveaux usages. A l’instar du cinéma, la télévision

s’est projetée dans une vision multi-écran avec des productions transmédiatiques autour de ses

programmes d’antenne, créant un nouveau maillon de sa chaîne de valeur. Le transmédia

représente une nouvelle forme de narration et d’écriture, impliquant l’utilisateur dans des

actions influençant le récit, souvent sous forme de gamification. La création transmédiatique,

proposant un storytelling spécifique, est déployée sur tous les supports en interconnexion,

chaque support influençant les contenus sur les autres. Henry Jenkins91 en a proposé une

définition : « Un processus dans lequel les éléments d’une fiction sont dispersés sur diverses

plateformes médiatiques dans le but de créer une expérience de divertissement coordonnée et

unifiée. » Elle mobilise le contenu de la télévision, les outils applicatifs, des sites web, les

comptes officiels des réseaux sociaux. C’est l’application vertueuse de l’exploitation du

nouvel écosystème audiovisuel, créant une relation d’engagement et une fonction

ambassadrice du récepteur des messages. La porosité d’Internet et des nouveaux médias

devient alors un attribut de perception positive du média télévision. L’impact de l’innovation

90 ANNEXE 4 : FOURQUET, Fabienne 91 JENKINS, Henry, Convergence Culture, Where old and new media collide, New-York, New-York UniversityPress, 2006

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n’est plus ici constitutif d’une menace pour une « vieille dame » qui pouvait paraître en

déclin.

Si les genres médiatiques transmédias sont encore cantonnés le plus souvent à la fiction et

au documentaire, la culture de production transmédia touche toutes les formes d’offre

télévisuelle (gratuites ou payantes, thématiques ou généralistes). Ainsi, France Télévisions

s’est largement investi depuis la rentrée 2011 dans les nouvelles écritures et a créé le TV Lab

de France 4. Au sein de la Direction Recherche et Développement des programmes, la

structure lance des appels à projet de programme de flux, qui ont pour objectif de stimuler la

création interactive. Le concept intègre la participation du public dans le processus de

sélection des projets, incluant ainsi la notion d’activité du public de la chaîne. Pour Boris

Razon92, responsable du pôle nouvelles écritures chez France Télévisions, les projets doivent

répondre à un objectif précis : « Le seul dénominateur commun, c'est le changement de rôle

du téléspectateur. De sujet passif, il devient un sujet actif. ». Canal+ a choisi de développer

une stratégie transmédia plutôt sous forme d’ARG (Alternate Reality Game), autour du

lancement de ses Créations Originales, pour offrir une expérience enrichie aux fans d’un

programme ou attirer une nouvelle cible dans un univers fictionnel.

ARG Engrenages – Canal+ - Août 2012

Du côté des chaînes thématiques, les expériences transmédias se multiplient à l’instar de

« Defiance » sur SyFy ou « The Walking Dead » de NT1. Quant à Arte, sa politique de

développement de narrations transmédias fait partie intégrante de son ADN. « The Spiral »,

« Real Humans » sont les deux dernières séries du genre proposées par la chaîne. Mais elle se

92 HANSEN-LOVE, Igor, « Transmédia : le PAF se déchaîne », lexpress.fr, [disponible en ligne : http://www.lexpress.fr/actualite/medias/transmedia-le-paf-se-dechaine_1225134.html], publié le 1er mars 2013, consulté le 16 août 2013

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différencie des autres éditeurs en développant le transmédia « web only » avec des webdocs.

Nous pouvons ici émettre l’idée que l’écran de télévision n’est plus au centre des dispositifs

de créations audiovisuelles chez les éditeurs de télévision eux-mêmes, signifiant les

transformations en cours.

Dans l’usage, nous observons pourtant que ce nouvel objet médiatique reste encore

l’apanage d’une faible partie des utilisateurs de télévision, quelque soit leur profil

générationnel : « Ce sont des expériences qui au global ne touchent pas énormément de gens,

quelques dizaine de milliers de personnes participent. […] Il y a entre15 000 et peut-être 50

000 personnes qui participent, en revanche ce sont des gens qui participent sur toute la durée

et qui du coup en parlent beaucoup93. ». En questionnant des consommateurs de la télévision,

de différents profils, leur réponse vient appuyer ce constat. Pour Tiffany94, étudiante de 23

ans : « L’expérience transmédia ne m’intéresse pas plus que ça, car j’aime que le réalisateur

m’indique là où je dois aller et m’arrête là où je dois m’arrêter ». Cécile95, femme active de 43

ans avoue : « Je ne sais même pas ce que cela représente. Tout ce que vous me dites c’est du

chariabia pour moi, je n’y connais rien ». Enfin Christophe96, cadre de 43 ans, a tenté une

expérience : « Je suis allé sur le site des Revenants en me connectant avec Facebook Connect.

C’était plein de surprises, plutôt sympa. Après non, je ne suis ni gamer ni assez fan d’un

programme. »

La télévision paraît alors prescriptrice de nouveaux usages, anticipant les évolutions

sociales plutôt que de les subir. Mais la synergie entre les propositions de nouvelles formes

médiatiques et les usages est complexe : « L’ARG c’est quand même un concept compliqué

donc c’est très ciblé, en revanche c’est une cible très enthousiaste et très ambassadrice97 ».

Dans la réalité, les dispositifs efficaces sont difficiles à construire : « Ce sont des expériences

qui sont assez complexes à mettre en place, parce que création de beaucoup de contenus,

travail avec des agences un peu spécialisées dans les jeux98 […] ».

93 ANNEXE 4 : FOURQUET, Fabienne 94 ANNEXE 6 : WELTMAN, Tiffany, « Entretien semi directif », 1er août 2013, Issy Les Moulineaux 95 ANNEXE 7 : DENIS, Cécile, « Entretien semi directif », 22 août, Lamballe 96 ANNEXE 8 : KUKAWKA, Christophe, « Entretien semi directif », 17 août, Colombes 97 ANNEXE 4 : FOURQUET, Fabienne 98 ANNEXE 4 : FOURQUET, Fabienne

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2. La délinéarisation : un nouveau contrat d’écoute, une nouvelle posture des usagers

a. La délinarisation : le fantasme de la liberté Lors de son université d’été, le 17 juin 2013, le SNPTV (Syndicat Nationale de la Publicité

Télévisée) a présenté une étude Harris Interactive et une étude CSA pour tenter de décrypter

le contrat d’écoute des supports audiovisuels. Nous constatons que les contrats d’écoute

diffèrent selon les médias : chaînes de télévision, sites de replay, plateformes de partage de

vidéos. Concernant la valorisation des espaces publicitaires, la conclusion du CSA99 est

favorable aux marques chaînes. Les annonceurs accordent toujours plus de confiance aux

marques médias télévisuelles et à leur service de catch-up qu’aux marques médias de pure

players. Du côté des usagers, le contrat d’écoute de la télévision intègre la diffusion de

publicité.

Mais ce terrain d’étude nous intéresse particulièrement dans l’observation des aspirations

signifiées des consommations et des imaginaires associés. Selon l'étude Harris Interactive100,

les programmes de flux proposent un contrat d’écoute de détente, de découverte et

d’apprentissage. Le téléspectateur est alors dans une posture d’usage en réception : « […] je

zappe jusqu’à ce que je trouve un programme qui m’intéresse. […] En général, ce sont des

films ou des reportages. Pour moi, ce que je recherche, c’est de découvrir des choses,

l’ouverture sur l’inconnu, l’inaccessible à un moment T » (Tiffany, 23 ans). « La télévision

me permet de me détendre, je me fais plaisir devant une série qui me plaît, un documentaire

peut me fait voyager ou découvrir un univers que je ne connais pas. » (Cécile, 43 ans). « C’est

le moment où je n’ai plus rien à faire, en tout cas plus rien envie de faire. Je choisis la

passivité et me laisse porter par ce que je regarde. » (Christophe, 45 ans).

Dans le cadre d’une consommation d’offre payante, le flux est lié, dans un contexte de sur-

offre, à un retour à la facilité dans une exigence de qualité de contenus, comme l’explique

Céline Pontygayot101, responsable des études chaînes thématiques du groupe Canal+ :

« Aujourd’hui on est dans une crise de sens, dans une crise économique et dans une crise d’identité. Les gens aujourd’hui n’ont plus beaucoup de temps. S’ils ont pris une télévision payante, ils vont faire un

99 Etude n° 1201355, CSA/SNPTV, Juin 2013 100 Etude Contrats d’écoute, flux TV, catch-up, plateformes de partage de vidéos, Juin 2013 101 ANNEXE 5 : PONTYGAYOT Céline, « Entretien semi directif », 7 août 2013, Boulogne-Billancourt

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arbitrage et donc ils surinvestissent à fond le moment qu’ils vont prendre en télévision. J’ai payé, j’ai fait la concession de considérer cette télévision payante comme un loisir, il faut qu’elle répondre à 12 000% à mes attentes et si j’ai pris le temps de me mettre devant la télévision, en tant que flux, il ne faut pas que ce soit déceptif ».

La délinéarisation de contenus des chaînes de télévision, proposée par Internet (sur

l’ordinateur ou la télévision via l’IPTV ou la smart TV), répond à un autre contrat d’écoute

simple et clair, avec une dimension servicielle forte. Ce mode de consommation de

programme nourrit l’aspiration sociale d’être acteur, la posture du spect’acteur qui prend en

main sa programmation dans un fantasme de totale liberté des choix de temporalité et de

contenus. « […] on a de plus en plus envie d’être acteur. Et cette notion d’être acteur passe

énormément par la délinarisation. […] Si je veux, je peux voir tout ce que je veux quand je

veux. Je n’ai aucune contrainte. […] Si j’ai envie de m’arrêter en plein milieu, je m’arrête en

plein milieu102. ». Ainsi la relation médiatique entre l’émetteur et le récepteur s’adapte à un

contexte social du XXIème siècle : un manque de temps disponible, une sur-offre de produits

de consommation qui nécessite une rationalisation des choix de produits culturels, une

exigence portée par un contexte économique qui pousse à l’exigence. La tendance de

l’émancipation est valorisée par Internet. Les individus se sentent libérés du dictat des

fournisseurs de biens culturels en accédant à des moteurs de recherche qui jouent le rôle de

facilitateurs de prise de décision (sur des critères de prix, de géolocalisation, de

thématiques…). La délinéarisation remplit ce statut social du consommateur émancipé,

devenant son propre directeur des programmes : « Le système de replay ou la formule à la

demande me permettent mieux d’adapter la programmation horaire à mes besoins » (Cécile,

43 ans).

La délinéarisation permet également d’assouvir des passions boulimiques pour un genre

d’objet particulier. Ce sont d’ailleurs le cinéma et la série qui sont les formats les plus propres

à la pratique délinéarisée : « En revanche si tu veux vraiment quelque chose de pointu qui

réponde à une envie propre, genre ce soir j’ai envie de voir trois films de Kung Fu, là ils vont

aller chercher sur Ciné+ à la demande. […] Si j’ai envie de regarder 5 films et de l’étaler sur

un week-end, je le fais, si j’ai envie de me faire un marathon, je me fais un marathon sur une

série103. »

102 ANNEXE 5 : PONTYGAYOT Céline 103 ANNEXE 5 : PONTYGAYOT Céline

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La consommation de flux et la consommation délinéarisée répondent donc chacune à des

postures différentes et se révèlent être complémentaires dans leur réponse à la tendance des

besoins sociaux d’accès aux objets audiovisuels : « Sur Canal on voit que la consommation

flux et la consommation délinéaire ne se cannibalisent pas. Il y en a pour tout le monde. […]

sur Ciné+ à la demande, tu as […] des films qui ne sont achetés que pour la délinéarisation.

Là on est dans la vraie complémentarité entre le flux et la délinéarisation qui ne sont pas

antinomiques.104. ».

La perte du monopole de la télévision dans la proposition de ces objets ne paraît pas pour

le moment menacer la consommation des formats qu’elle produit. Toujours d’après l’étude

Harris Interactive, 48% des interviewés avaient déclaré utiliser très ou assez souvent la catch-

up, contre 97% la télévision. Pour les pure players, le taux est de 38% avec un contrat

d’écoute bien distinct. L’émetteur Internet est perçu comme un fournisseur de contenus dans

le cadre d’une posture de « flânerie ». Ils sont consommés dans un temps court avec une

recherche d’émotion relevant du décalage, de la légèreté (notamment par des contenus

musique et humour), principalement su Youtube.

b. Une tendance de consommation plus individuelle Nous avons observé dans notre étude que la télévision cérémonielle105 favorisait une

écoute conjointe, une fonction sociale au sein d’un foyer, par le partage de de moments

privlégiés en famille ou entre amis. Le flux télévisuel propose la célébration d’un rendez-vous

avec une capacité fédératrice et collective. Les déclarations des différents entretiens réalisés

semblent corroborer cette théorie : « On regarde les matchs de foot avec les copains, on est

fans du PSG ! Et après des films en famille. Pour moi la télé, c’est une activité conviviale.

J’aime bien que ce soit une occasion de se retrouver, de partager un moment avec mes

proches, soirée télé, plateau télé et on refait le monde après… » (Tiffany, 23 ans). « Oui en

général c’est en famille pour partager un film ou un programme divertissant […] La télévision

nous permet de maintenir le lien entre les générations. […] On partage des bons moments en

famille […]. Ce sont des moments privilégiés et sympas » (Cécile, 43 ans). « Ce sont souvent

les gros prime de divertissement et c’est le rendez-vous familial. C’est un moment privilégié

104 ANNEXE 5 : PONTYGAYOT Céline 105 DAYAN, Daniel, KATZ, Elihu, La télévision cérémonielle. Anthropologie et histoire en direct, op. cit.

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où on se colle tous les quatre pour partager le programme […]. Après ça peut être le dimanche

après-midi, devant un film. Et aussi les grands rendez-vous sportifs, c’est sacré et ça se

partage tous ensemble. » (Christophe, 45 ans).

La tendance diffère légèrement pour la consommation de programmes délinéarisés.

Satisfaisant des envies d’assouvir une passion de genre ou de thème, les choix se font de

façon plus personnelle, dans des moments privilégiés hédonistes et plus égoïstes. Cette

transformation d’usage est une tendance des nouvelles formes d’appropriation de l’objet

médiatique. La nature des objets consommés en délinéarisé est également moins propice à un

partage d’expérience simultanée, dans la posture de concentration du spectateur qu’elle

induit : « Tu as une notion cinéphilique/sériephilique, c’est à dire que tu manges ta série dans

son intégralité ou en deux temps, tu vas être absorbé comme tu vas être absorbé dans une

histoire106. ». Le contrat d’écoute intègre l’expérience d’un moment à soi, d’un moment

privilégié.

Cette consommation plus individualisée implique une mutation de l’écosystème de

l’industrie télévisuelle. La consommation de programmes de flux et de programmes

délinéarisés ne sont pas antinomiques mais leur monétisation doit prendre en compte la

singularité des profils de leurs usagers. Si le monopole de l’écran semble être perdu, le

monopole du contenu premium est toujours entre les mains des éditeurs. Les revenus

publicitaires générés par une double exposition des programmes, sur des cibles très qualifiées,

ont tendance à garantir leur rôle de prescripteur de biens culturels en favorisant les

investissements dans la création.

106 ANNEXE 5 : PONTYGAYOT Céline

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B. La télévision comme objet, matérialité et remédiation

Si avons considéré que le message est un élément constitutif du média télévision (nous en

avons parcouru les problématiques de contenus) dans une perspective sociologique, l’histoire

de sa matérialité est une clé de ses enjeux de légitimité. Son contexte d’innovations

technologiques a toujours déterminé les fonctionnalités du média dans un objectif de réponse

aux aspirations de valorisation de l’individu au sein d’une société du paraître. Son rôle de

vecteur d’accès à la culture et à l’information en est également dépendant face à une

abondance d’offres d’accès instantané à des contenus Internet.

1. Matérialité et culture des usages

a. Impact des innovations de l’objet sur la culture médiatique

Revenons un peu en arrière pour traverser l’histoire du poste de télévision, ses

transformations et les impacts sur la consommation. Soixante-dix ans séparent les téléviseurs

mécaniques des années 30 à la première forme de smart TV lancée par Thomson en 2000.

Soixante-dix ans de recherches et d’innovations pour faire évoluer un média de masse ancré

dans le quotidien des individus. Le petit écran n’a eu de cesse de se transformer pour tenter de

s’imposer comme référent d’une société de loisirs et de divertissement. Ces transformations

ont régulièrement bouleversé les usages et les liens sociaux. Nous n’en ferons pas liste

exhaustive mais retiendrons celles qui ont fait sens dans les comportements collectifs d’usage.

La nature des innovations, lancées à coup d’acronymes, ont rempli plusieurs fonctions

d’optimisation de qualité audiovisuelle. Tout d’abord, la qualité de l’image, essence même du

média. La première grande révolution passe par la réception d’images en couleurs en 1967

avec le procédé SECAM (Séquentiel Couleur A Mémoire). De la très basse définition

exprimée en nombres de lignes à l’Ultra Haute Définition, avec la technologie 4K, et sa

course aux pixels, les promesses d’une qualité d’image au plus proche du réel sont au cœur

des discours des constructeurs. Nous retenons aussi le passage du tube cathodique lancé en

1960 à l’écran plat à cristaux liquides (LCD) en 2004, puis le plasma et aujourd’hui l’OLED.

La qualité de l’image est optimisée également par ses modes de diffusion dont la Tour Eiffel

reste l’emblème, avec l’installation d’émetteurs dont le dernier a été installé en 2005 pour la

TNT (Télévision Numérique Terrestre). Plusieurs révolutions ont concerné les modes de

diffusion de la voie hertzienne, par câble, le satellite, l’ADSL et enfin la TNT. Puis c’est le

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son qui est venu s’optimiser au fil des décennies jusqu’au Dolby Digital Plus et le système

Home Cinéma.

L’écran est source d’investissements financiers importants des services de recherche et

développement des constructeurs. Comme nous l’avons évoqué, il est garant de qualité de

l’image, critère important de promesse de consommation. Mais il est aussi inscrit dans la

notion de perception du statut social de l’usager. Plus l’écran de la télévision est plat, plus

l’utilisateur se revendique être à la pointe de la technologie. L’écran se modifie également

dans sa forme. Samsung a présenté au CES 2013, un écran incurvé offrant une immersion de

l’utilisateur dans l’image pour être encore plus proche de ce qu’il ressent dans une salle de

cinéma. Nous terminerons par sa taille en constatant que si la télévision nomade, sur le

smartphone, est arrivée à séduire malgré son nano écran, c’est le grand écran qui s’installe

dans le salon. Là encore les constructeurs se livrent bataille pour rendre abordable le très

grand format. Si on agrège l’optimisation du son par le Home Cinéma, la recherche

d’immersion dans l’image, la technologie 3D et la maximisation de l’écran, nous pouvons

constater que la réponse d’usage de la télévision vise à se rapprocher d’une expérience du

média cinéma. Le cinéma à la maison, rendu possible par une chronologie des médias de plus

en plus courte, un accès aux films facilité par les connexions Internet sur la télévision (replay,

VOD…).

Ensuite, la télévision a opéré des innovations plus orientées vers le confort d’usage et les

valeurs esthétiques. La télécommande en est le premier point de départ. Sa création, combinée

avec la multiplication de l’offre, a favorisé le phénomène du zapping. Le zapping, devenu

culture, phénomène de société, qui a acquis ses lettres de noblesse en entrant dans le

dictionnaire. Et si nous nous appuyons sur la définition du mot zapper (« Changer d'idée,

passer à autre chose »), nous pouvons nous demander si l’objet a fait culture en participant à

la construction d’une société de l’immédiateté ou s’il a répondu à une aspiration d’usage. Le

zapping constitue une menace pour les marques chaînes, subissant une fragmentation de leur

audience par le zapping effréné du public qui n’a plus besoin de se lever pour changer de

chaîne et qui s’arrête sur un programme par impulsion : « Et en fait, quand je me mets devant

la télé, ce n’est pas pour un truc en particulier, je zappe jusqu’à ce que je trouve un

programme qui m’intéresse » (Tiffany, 23 ans). « Dans une grande flemme, je zappe et

m’arrête sur ce qui me séduit » (Christophe, 45 ans). La télécommande a néanmoins permis la

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mise à disposition d’informations sur les programmes, accompagnant le téléspectateur dans

son choix, comme les horaires de diffusion ou le descriptif du programme.

L’objet télévision en lui-même est devenu un signe extérieur de richesse, un objet de

design que l’on expose dans son salon. De nombreuses initiatives ont été prises dans l’objectif

de séduction d’une cible de plus attirée par l’esthétisme des objets technologiques107.

L’exemple d’Apple dans le secteur des nouvelles technologies illustre le propos. L’acte

d’achat est souvent revendiqué comme un signe d’appartenance à une communauté d’esthète,

à un statut social. Son concurrent HP, par la voix de son Directeur de la division PC, Todd

Bradley108, le confirme : « Les gens veulent des produits élégants qu’ils sont fiers d’emporter

avec eux ». Le choix ne se fait plus sur les composants du PC ou le prix. Dans le secteur de la

télévision c’est le constructeur Bang et Olufsen qui a investi le créneau du design, comprenant

que la télévision, objet incontournable du quotidien, ne devait pas en être moins une référence

sociale, un art de vivre (voir une œuvre d’art) comme le montre le visuel de la home page de

son site internet.

Visuel home du site http://www.bang-olufsen.com

Enfin, c’est dans sa fonction constitutive que la télévision mute au sein de son

environnement technologique. Elle a été combinée avec le magnétoscope, aujourd’hui elle est

au cœur de la convergence numérique. La télévision connectée a été l’attraction du CES 213,

la smart TV un produit phare. Pourtant, même si le taux d’équipement connaît une

progression constante, les usages ne semblent pas encore être vulgarisés.

107 ANNEXE 9 : Design de la télévision 108 WORTHEN, Ben, « H-P Tries On a Sleeker Look », The Wall Street Journal, [disponible en ligne : http://online.wsj.com/article/SB10000872396390443589304577637652500054674.html], publié le 17 septembre 2012, consulté le 13 mars 2013

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b. Smart TV, une réalité d’usage en retrait

La smart TV semble être aujourd’hui la forme la plus aboutie d’innovation matérielle de la

télévision. Elle hybride en un seul objet la télévision et Internet. Dans sa phase

d’intermédialité, la télévision est devenue un hypermédia, s’agrégeant la médiativité

d’Internet. Elle offre à l’utilisateur un véritable portail d’accès multimédia, sans autre matériel

en interconnexion (box d’opérateurs Internet, console de jeu vidéo). Le bénéfice est séduisant

mais dans les faits, l’usage de la smart TV est en retrait par rapport à ses dispositifs

techniques. En France, on observe une tendance à la croissance de l’investissement dans

l’objet avec 13,9% des foyers équipés au 4ème trimestre 2012 (soit 3 816 000 foyers), soit une

progression de +10,3% par rapport au 3ème trimestre 2012 et de +84,1 % en un an109. Mais au

niveau de l’appropriation de ses fonctionnalités, le pas de la globalisation d’usage ne parait

pas encore franchi. Quand nous questionnons Fabienne Fourquet110 sur la politique de

développement d’applications pour smart TV, la réponse est claire : « Nous on croit plus au

second écran. […] Les taux d’utilisation sont infinitésimaux. Les gens achètent des télés

connectées, ils les connectent de temps en temps et finalement ils appuient assez rarement sur

le bouton info en plus. […] Mais la navigation aujourd’hui de la commande, c’est tellement

antique ! ».

Les réponses aux entretiens avec les consommateurs de télévision vont dans ce sens : « J’ai

une télévision connectée que je n’utilise absolument pas ! Une smart TV, je vis chez mes

parents et quand je veux accéder à Internet, j’utilise mon ordinateur. » (Tiffany, 23 ans).

« Pour la smart TV, on l’utilise pour le replay de Canal+ ou de France Télé, ce sont les deux seules applis proposées. J’ai essayé de naviguer sur le web avec mais c’est une vraie galère ! La navigation avec la télécommande est horrible et je suis arrivé une fois sur M6 replay et il fallait télécharger je ne sais plus quelle extension vidéo pour lire les programmes, mais impossible par la télé. J’ai laissé tomber ! Je ne trouve pas que les autres applications soient très intéressantes, à part peut-être les radios, surtout les étrangères. Je me suis connecté sur mes comptes Facebook et Twitter mais en fait je préfère utiliser mon smartphone si je veux les utiliser parallèlement au programme. Quant à la Hbbtv, je n’ai pas testé pas manque d’infos sur les programmes concernés. Je suis un peu déçu en fait. »

(Christophe, 45 ans)

Il existe une co-construction sociale à l’innovation qui est circonstancielle, dont ne peut

prévoir le succès et le modèle d’appropriation. La stabilisation de la smart tv passera sans

109 GFK/Médiamétrie T4, T3, T2, T1 2012 ; T4 et T3 2011 110 ANNEXE 4 : FOURQUET, Fabienne

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doute par une meilleure pédagogie de fonctionnalité et par une navigation simplifiée sur le

web, ce que pense Fabienne Fourquet111 :

« Tu passes sur la chaîne, on te dit appuie sur le bouton […] s’il y a une application et c’est assez peu. Je pense que ça va avoir du sens si on arrive à trouver une manière de donner de l’information, de faire arriver le web sur la télé de façon intelligente. […] On va arriver à trouver un truc avec la tablette et le téléphone avec les navigations à la tablette ou au téléphone. »

Et ce sont peut-être les acteurs d’Internet qui vont favoriser l’appropriation de l’objet avec

des solutions simples d’accès comme Google qui vient de lancer la Chromecast. Il s’agit d’un

accessoire ressemblant à une clé USB qui se connecte au port de la télévision. Il permet ainsi

la diffusion des téléchargements Internet effectués sur les autres supports (smartphone,

tablette), comme de la musique, de la vidéo ou encore des photos. En plus, il permet

également l’exportation d’applications des sites.

2. Perspective d’une dématérialisation de l’objet télévision

a. Déterminisme technique et immatérialité de l’image

Le média télévision, comme tout média est impliqué dans des dispositifs techniques qui

participent à sa construction de sens. L’innovation et les avancées technologiques fixent par

avance une transformation de l’objet télévisuel. Marshall Mc Luhan112 considérait que « le

medium est le message ». Notre étude nous permet d’envisager l’idée que le message est

également le médium. Les usages introduits par l’innovation ont décontextualisé la matérialité

de son support de diffusion, relativisant son rôle communicationnel. Les conditions

situationnelles et sociales de réception devenant multiples, le message devient la principale

motivation de consommation. Qu’il soit sous forme d’un flux accessible d’une télévision,

d’un écran nomade, d’un ordinateur, ou sous forme délinéarisée, c’est sa nature qui en fait sa

singularité. Le médium n’étant que le dispositif technique d’émission. Le déterminisme

technique a ainsi une double influence sur le média télévision, tant sur son dispositif que sur

son offre de contenus disposés. Le dispositif télévisuel a été amélioré pour devenir un outil de

prolongement d’expériences culturelles enrichies par son hybridation à Internet. Son offre de

111 ANNEXE 4 : FOURQUET, Fabienne 112 McLUHAN, Marshall, Pour comprendre les médias. Les prolongements technologiques de l’homme. Op. cit

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contenus a été repensée pour répondre à un mode de consommation influencé par

l’instantanéité d’une société de l’immédiateté et de la profusion d’objets communicationnels.

L’objet audiovisuel est le résultat d’une interconnexion entre la production d’œuvres

culturelles, son environnement médiatique classique et son environnement digital. Objet

immatériel, il se diffuse en dehors de son support d’origine pour se propager, en dehors d’un

poste de télévision.

Néanmoins, la forme médiatique de l’objet télévision résiste à l’implantation de nouveaux

supports intégrant un nouveau schéma communicationnel, y participant en interconnexion,

devenant ainsi un nouveau média. Cette évolution suit la théorie de remédiation de Jay David

Bolter et Richard Grusin113, c'est-à-dire que les médias remodèlent et modifient les formes

médiatiques antérieures. Toute représentation d’un médium au sein d’un autre médium

correspond à un processus de remédiation. L’interactivité est à l’initiative de ce processus de

remédiation de la télévision, en proposant une nouvelle circulation des objets médiatiques,

avec une promesse d’expérience premium.

b. Perspective du « tout est écran », un rôle du média qui serait recentré sur la production de contenus

SFR114 a lancé en juin 2013 un spot de campagne publicitaire pour La Fibre SFR « La

Fibre la plus puissante ». Trente-cinq secondes d’images de situation de consommation

audiovisuelle sur tout support, au sein d’un foyer familial : un plateau, la baie vitrée, un cadre

photo. Le spot se termine sur une voix-off : « Un jour peut-être tour deviendra écran ».

113 BOLTER Jay David et GRUSIN, Richard, Remediation : Understanding New Media, Cambridge, MIT Press, 1999 114 ANNEXE 10 : story board publicité SFR

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Extrait spot SFR – Le Plateau « télé »

Comme nous l’avons souligné, le média télévision se distingue par ses deux fonctions, sa

fonction technique et sa fonction de production d’œuvres culturelles. Ici nous questionnons la

fonction technique du média. Soumis à l’obsolescence, elle se transforme dans un contexte

d’innovations technologiques de plus en plus rapide. Nous pouvons nous projeter dans une

situation où la matérialité du support emprunte à d’autres formes d’objet. La perspective n’est

pas si incongrue, la table tactile étant déjà disponible, dans le domaine professionnel (points

de vente, entreprise). Elle est une déclinaison de la tablette, en version grand format. Une

déclinaison grand public pourrait bientôt devenir la plateforme multimédia du salon.

Mais si le petit écran peut disparaître, il n’en reste pas moins que la production d’œuvres

culturelles reste le cœur de la médiativité du média télévision. Largement consommé, lien

social constitutif de la collectivité, l’utilisateur reste attaché à sa proposition de contenus. La

stratégie des éditeurs passerait-elle alors par l’accélération de la mise à disposition de ses

formats sur les supports digitaux ? Surtout que la menace concurrentielle de nouveaux

entrants (tels que Netflix ou Youtube) est bien réelle.

« Il faut se recentrer sur ce qu’on sait bien faire, aujourd’hui, c’est le contenu et le contenu on peut

l’exposer sur beaucoup de plateformes. […] s’il y a une plateforme comme Youtube qui voit ses chiffres de consommation croître, est-ce qu’il n’y a pas quelque chose à faire […] en mode teasing, marketing ? Youtube a fait quelques chaînes, mais leur job ce n’est pas de faire des chaînes […]. Donc potentiellement oui, c’est un ennemi mais je les compare un peu aux FAI. […] est-ce qu’il faut y aller, tenter, tester, expérimenter, voir ce que ça peut nous rapporter en termes d’audience, de notoriété, abandonner si jamais ça marche pas, qu’il y a trop de cannibalisation. Mais je crois qu’il faut se poser la question115 », Fabienne Fourquet.

115 ANNEXE 4 : FOURQUET, Fabienne

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Dans l’offre médiatique actuelle, l’équilibre des expertises paraît pour le moment permettre

à chaque média de trouver sa place.

Cette troisième hypothèse soumet l’idée d’une remédiation de la télévision, bousculée par

l’innovation et les nouvelles technologies. Elle serait confortée en tant que créatrice d’objets

culturels et comme vecteur de transmission de la connaissance, par des propositions

éditoriales et narratives étoffées, avec des usages de consommation multimédias et des choix

de temporalité. Elle se placerait alors dans une posture de prescripteur de nouveaux genres de

biens culturels et de nouveaux usages. En revanche, en tant qu’objet, l’immatérialité de la

télévision pourrait muter l’écran en adoptant tous les supports de diffusion de l’image.

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CONCLUSION

Notre recherche nous a permis d’observer les transformations de l’objet médiatique

télévision. Nous avons procédé à une analyse de l’objet dans son paradigme sociologique

pour mieux comprendre en quoi il faisait culture dans la construction de relations

interpersonnelles. Puis nous avons analysé sa fonction technique dans son contexte

d’innovations valorisant l’interactivité émetteur-récepteur. L’émergence d’autres formes de

médias audiovisuels numériques, semble menacer l’usage de la télévision face à leur fonction

hypermédiatique. Il a alors paru opportun de vérifier si le déclin, parfois annoncé, du média

était avéré. Nous avons exploré l’évolution du média télévision et plus particulièrement les

influences de l’innovation sur ses perspectives de développement. Nous avons tenté

d’apporter des pistes de réponse en posant trois hypothèses que nous avons dépliées en nous

appuyant sur une analyse de discours, une étude sémiologique d’un genre télévisuel

participant à l’identité du média et sur des entretiens d’experts et d’utilisateurs.

En 2006, Jean-Louis Missika116 annonçait la fin de la télévision. Néanmoins, sa

consommation ne cesse de croître, ayant su traverser les évolutions sociologiques en entrant

dans un nouvel âge dont nous avons proposé la dénomination de proto-télévision, comme

cheminement vers un statut de métamédia. Dans sa confrontation avec Internet, elle s’est

mutée en télévision 2.0, renforçant son rôle de média social. Avec une démarche de

complémentarité avec les médias digitaux, elle a donné naissance à une nouvelle posture de

« téléspect’acteur » de son public. Cette nouvelle relation entre le média et son public

entraînerait alors la stabilité, voire le regain d’audience des marques programmes par

l’engagement de communautés ambassadrices. La télévision semble s’auréoler de nouveaux

codes de perceptions et d’une nouvelle sémiotique gorgée de connotations positives. Dans un

contexte de porosité des médias, la télévision connaît un changement de paradigme de sa

médiativité. Loin d’en subir les méfaits, la convergence Internet/ Télévision conduirait à une

réinvention sous forme de métamédia modifiant sa verticalité, installant une relation

d’horizontalité avec son public. Dans sa réinvention, elle renforcerait la trivialité de ses

objets, continuant à remplir sa fonction d’accès à la culture. Cette première hypothèse laisse

entrevoir une issue positive à la problématique d’antagonisme supposé entre la télévision et

son nouvel environnement sociologique et médiatique.

116 MISSIKA, Jean-Louis, La fin de la télévision, art.cit

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Si cette première piste de conclusion s’appuie sur la métamorphose d’une télévision

« statique » à une télévision en interaction, il ne faut pas négliger l’identité propre au média

qui a contribué à sa construction identitaire. Elle devrait, pour se pérenniser, s’ancrer dans une

médativité singulière Le choix d’une étude sémiotique a permis de distinguer un genre

constitutif qui semblerait faire culture, sous l’angle d’objet médiagénique par essence. Cette

approche a été réalisée par le prisme du sport retransmis en direct et plus particulièrement le

Tour de France pour sa médiagénie et sa popularité. L’attribution des valeurs induites du

spectacle profite à la marque chaîne, offrant de surcroît une proposition de spectacle alliant

récit fictionnel et réalité documentée. Intégrant des fonctionnalités technologiques, elle

sublime une forme de panoptisation du spectacle, répondant ainsi à une culture sociale de

curiosité et d’immersion dans des coulisses. La télévision a su enrichir le direct sportif

permettant un développement éditorial riche et complémentaire, avec un discours d’expert

dont l’année 2013 a marqué les prémices d’un développement notable qui peut encore être

optimisé. Enfin, en intégrant son environnement digital et en s’appropriant des dispositifs

interactifs, le direct sportif deviendrait le genre distinctif de l’attractivité de la télévision,

théorie qui se dupliquerait sur d’autres genres de contenus diffusés en direct. Nous intégrons

dans cette hypothèse les bonnes performances d’audiences à l’antenne et sur les plateformes

digitales, signe de la naissance d’un écosystème vertueux. Ceci déterminerait une contre-

proposition à l’annonce d’une fin de la télévision.

Après avoir décrypté la sociologie du média et tenté de déterminer son genre constitutif,

nous avons proposé un troisième angle qui observe plus particulièrement les menaces de

l’innovation sur le média télévision. Avec une perte de monopole d’accès à l’image dans des

lieux privés, la télévision a modifié sa chaîne de valeur, intégrant les nouveaux médias dans

son écosystème. Pour valoriser son bénéfice d’utilisation elle a intégré de nouvelles formes de

narration et d’écriture avec une approche transmédiatique. Comme toute nouvelle forme

d’objet médiatique, elle prend du temps à s’installer dans les usages mais montre déjà des

vertus bénéfiques à la valorisation des marques programmes. En continuant l’exploration des

nouveaux usages, la délinéarisation pourrait menacer de cannibalisation l’audience des

programmes de flux. Il s’avère que sur ce point aussi la menace ne semble pas fondée, les

deux propositions répondant chacune à des postures différentes. Elles sont complémentaires

dans leur réponse aux besoins sociaux d’accès aux objets audiovisuels. Il existe une

congruence entre l’offre télévisuelle et l’attente de son public.

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Enfin nous nous sommes tournés vers la matérialité de la télévision, vers les impacts de

l’innovation sur l’objet et ses répercussions sociales et culturelles. La smart TV semblerait

promettre un regain d’attractivité mais les signes d’un déploiement du « tout écran » ne sont

pas à ignorer. C’est sans doute la matérialité de l’objet qui semble la plus menacée dans une

perspective de disparition. Mais le média télévision, en tant que structure communicationnelle

se dirigerait alors vers une remédiation. Se recentrant sur un rôle de producteur de biens

culturels, un agrégateur de contenus ou fournisseur de programmes.

Ces différents cheminements nous permettent d’envisager l’idée que le média télévision est

loin d’être moribond. Il aborde une réinvention qu’il approche avec un certain succès. Son

modèle est rendu complexe dans sa définition qui est induite par une technologie reine que

nous avons beaucoup de mal à anticiper par son évolution de plus en plus accélérée.

A la question « La télévision est-elle irremplaçable ? », les interviewés répondent « oui » à

l’unanimité, considérant que c’est le média qui offre une qualité et une variété de contenus

différenciantes. Qu’elles soient dans un modèle gratuit, payant, généraliste ou thématique, la

créativité du média et sa richesse favorisent l’attachement à l’objet, le confortant dans un rôle

singulier de média de masse, proposant l’accès à la culture et à l’information. Des

potentialités que son environnement d’innovations technologiques et d’interconnections

médiatiques semblent plutôt pouvoir exacerber.

Des pistes qui nous permettent de temporiser l’affirmation : « La télévision est en train de

disparaître sous nos yeux, sans que nous en soyons tout à fait conscients117 ».

117MISSIKA, Jean-Louis, La fin de la télévision, art.cit

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ANNEXES

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ANNEXE 1 Lancement de l’application Grand Journal de Canal+

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ANNEXE 2 Grille d’analyse de 3 étapes du Tour de France

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Fil Twitter du 18 juillet

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Instagram France TV Sport du 18 juillet

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ANNEXE 3 Extrait du dossier de presse France Télévisions Tour de France 2011 et 2013

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ANNEXE 6 Entretien semi-directif Tiffany 23 ANS – PROFIL CONNECTEE OCCASIONNELLE ETUDIANTE - VIT AU DOMICILE PARENTAL – HAUTS DE SEINE Etes-vous une consommatrice régulière de télévision ? Pourquoi ? Je suis une consommatrice très irrégulière de la télévision, j’ai un emploi du temps plutôt chargé, avec les études, l’alternance… Quand j’ai du temps, je préfère sortir avec des amis, aller au ciné au me balader… Et quand je me pose, parfois j’allume la télé, allez on va dire un soir sur deux à peu près, mais je suis plutôt hyper active ! Et en fait, quand je me mets devant la télé, ce n’est pas pour un truc en particulier, je zappe jusqu’à ce que je trouve un programme qui m’intéresse. Si rien ne me va, j’éteins. En général, ce sont des films ou des reportages. Pour moi, ce que je recherche, c’est de découvrir des choses, l’ouverture sur l’inconnu, l’inaccessible à un moment T. En fait, je me rends compte que je la regarde de moins en moins, j’ai souvent l’impression de déjà vu, de nombreux programmes reviennent souvent. Votre consommation respecte-t-elle les horaires de grilles de programmes ? Ou choisissez-vous les services de rattrapage ? Si oui, pour quels programmes ? Je consomme pas mal les services de rattrapage car je n’arrive jamais à être à l’heure devant la télé, les films ou les séries sont toujours commencées quand je me pose. Alors je les regarde sur mon ordi. Pareil pour les docs. Quel de type de télévision avez-vous ? Connectée ou non ? Avez-vous une box connectée à Internet ? Quels usages en faites- vous ?

J’ai une télévision connectée que je n’utilise absolument pas ! Une Smart TV, je vis chez mes parents et quand je veux accéder à Internet, j’utilise mon ordinateur. Avez-vous un smartphone, une tablette ? Consommez-vous ces seconds écrans pour des programmes TV ? Si oui, comment (en même temps que le programme sur l’écran principal ? En dehors ?) J’ai un smartphone et une tablette familiale. Je ne consomme pas ces seconds écrans pour des programmes TV. Je ne trouve pas que ça a beaucoup d’intérêt pour les programmes que je regarde. Et puis je ne suis pas super addict aux réseaux sociaux. J’ai un compte Twitter mais c’et plus pour suivre l’actu et Facebook, ce n’est pas mon truc. Votre consommation télé se fait-elle en groupe (famille, amis) ou votre foyer possède-t-il plusieurs écrans à consommation individuelle ? En groupe même si notre foyer possède plusieurs écrans individuels. On regarde les matchs de foot avec les copains, on est fans du PSG ! Et après des films en famille. Pour moi la télé, c’est une activité conviviale. J’aime bien que ce soit une occasion de se retrouver, de partager un moment avec mes proches, soirée télé, plateau télé et on refait le monde après…Maintenant, la télé c’est aussi un moyen d’information, pour les actus ou les documentaires. C’est une source d’enrichissement personnel. Et c’est aussi un média qui favorise l’interaction, ça fait réagie, ça permet l’échange et d’ouvrir sur le débat.

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Utilisez-vous des applications de chaînes du type My TF1 Connect, le watermarking de M6 ? Si oui, que cela vous apporte-il ? Ah.. Non ! Mais je pense que c’est parce que je ne regarde pas les programmes qui permettent de les utiliser. Je ne suis pas très Top Chef ou The Voice… Et puis comme pour moi la télé c’est un truc que je fais en général à plusieurs ou vraiment pour faire une pause, je suis pas dans l’activité à côté. Consommez-vous de la vidéo sur Internet ? Si oui, lesquels (VOD, streaming, sites étrangers…). Si oui, via votre box, la TV connectée, une console de jeux ? Oui, replay des chaînes hertziennes sur les sites des chaînes, sur mon ordi D’après-vous, la télévision est-elle irremplaçable ? Oui, je pense. Pour moi, elle est irremplaçable car elle donne de l’information qui reste encore inaccessible à une majorité de gens par d’autres voies. Tout le monde n’a pas encore le réflexe d’aller surfer sur le web pour s’informer. Le 20h, ça reste la « grande messe » de l’info populaire pour pas mal de gens. C’est de l’info en temps réel par des images. Et puis si on regarde dans d’autres pays, c’est le média le plus abordable par la majorité des nations occidentales de façon claire. Et puis moi je trouve qu’elle permet de découvrir de nouveaux sujets et de s’évader de manière plus quali que sur une chaise derrière son écran d’ordinateur ou sur un écran de petite taille (tablette, smartphone). C’est un peu comme si on compare une salle de ciné avec un écran de lecteur de DVD ou un film en replay sur son ordi portable. Ce n’est pas le même spectacle ! Etes-vous demandeurs d’enrichissement de contenus de votre programme télévision ? Oui des programmes comme « Voyage en terre inconnue » sur France2, j’aime bien ce type de concept où on propose de découvrir d’autres cultures de façon divertissante, c’est super abordable, intéressant et pas prise de tête. Il y a un vrai côté innovant, différent et ça permet de toucher plein de monde. Je trouve que parfois, on a du mal à sortir de sentiers battus. C’est toujours la même chose, les jeux, la télé rélité, c’est creux et c’est lassant. Et je suis assez fan des séries aussi et ça serait cool qu’il y ait moins de décalage par rapport aux USA. J’attends de voir ce que ce sera avec Canal+ Séries, mais je pense que c’est une chouette idée. Qu’attendez-vous d’un programme sportif à la télé (directs ?) Moi j’aime bien le sport mais je ne suis pas une spécialiste de tous les sports. Parfois, j’aimerais un peu plus d’apprentissage, qu’on m’explique es règles parce ce qui est sympa dans le direct, c’est la tension de qui va gagner ou perdre mais si je ne comprends pas pourquoi telle ou telle équipe a fait une faute (le rugby par exemple), ça perd de son intérêt. Ça serait bien que les commentaires soient plus accessibles aux novices… Est-ce important pour vous de discuter autour de programmes télé ? Ce n’est pas forcément important, mais cela me semble intéressant d’avoir l’avis des autres et de débattre autour de programmes, c’est une autre forme d’enrichissement. C’est vrai que souvent, on en reparle avec les amis ou au travail. Finalement c’est comme la météo, ça

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nourrit les conversations et c’est toujours rigolo de voir les différents points de vue sur un programme. Ne serait-ce que « T’as aimé, pas aimé, qu’est-ce qu’il joue bien… ! ». Ou pour les débats politiques, ça permet de débattre et de se forger sa propre opinion. Utilisez-vous Vine, Instagram ou autre plateformes d’UGC (Users Generated Content) ? Instagram seulement pour partager mes photos avec mes proches. Avez-vous déjà tenté une expérience transmédia (Les Revenants, Alt Minds, Braquo, Working Girls). Est-il important pour vous d’avoir une plus grande immersion dans l’univers d’un programme ? Comme gamer ? Comme apporteur de contenu (tumblr, choix d’une fin…) ? L’expérience transmédia apporte un plus à l’image du contenu, au programme. Elle le renforce, lui permet d’exister plus longtemps. En ce qui me concerne, l’expérience transmédia ne m’intéresse pas plus que ça, car j’aime que le réalisateur m’indique là où je dois aller et m’arrête là où je dois m’arrêter. Je suis toujours dans l’idée de me laisser porter, parce que la télé reste un moment de détente où j’en fais le moins possible ! Mais même si je ne participe pas vraiment, ma curiosité me pousse à allre jeter u œil sur des sites de série par exemple, pour voir ce qui se fait, pour suivre un peu les démarches marketing dans le cadre de mes études. C’est intéressant de voir l’évolution des stratégies de com avec le digital et ces nouveaux outils d’immersion dans des univers pour fidéliser et susciter l’intérêt des gens. Avez-vous de nouvelles attentes du média télévision avec les progrès technologiques ? Quelle serait la télévision idéale. Moi j’aimerais bien avoir la possibilité de poser nos questions au sujet du programme en direct. Parce que parfois, quand je regarde une émission ou un doc, j’ai des questions et ça me fait réagir. Mais je trouve que ça manque d’interactivité en direct. Après, sur les chaînes, il y en a beaucoup et les promesses ne sont pas toujours claires ou alors c’est les mêmes choses, elles sont concurrentes et finalement c’est toujours les mêmes thèmes qui reviennent (les mêmes films sur les chaînes cinéma, les mêmes documentaires historiques, de l’info sportive…). On a 100 chaînes thématiques, ça serait bien qu’elles proposent une ligne éditoriale claire et inchangée de saison en saison tout en ayant des nouveautés programmes.

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ANNEXE 7 Entretien semi-directif Cécile 43 ANS – PROFIL TRADITIONNEL CADRE - MARIEE - 3 ENFANTS – CÔTES D’ARMOR Etes-vous une consommatrice régulière de télévision ? Pourquoi ? Oui, surtout le soir et le week-end. Ma consommation est variable, ça dépend de mes activités et de ma fatigue, je peux m’endormir devant l’écran pendant le 2ème épisode d’une série ! Je dirais que de regarde la télé environ 6 heures par semaine. La télévision me permet de me détendre, je me fais plaisir devant une série qui me plaît, un documentaire peut me fait voyager ou découvrir un univers que je ne connais pas. J’aime bien aussi partager un moment en famille en regardant un film, un dessin animé, une émission comme The Voice par exemple. On suit aussi les évènements sportifs de la France. La Coupe du Monde en 98 c’était génial ! J’ai 3 garçons, le sport c’est sacré à la maison, on regarde aussi la Coupe Davis, les matchs de l’équipe de France hand-ball… les Jeux Olympiques, les rendez-vous importants c’est en famille. La télé, c’est le média que je consomme le plus et quotidiennement. Une ou deux fois j’ai utilisé l’ordinateur mais c’est très rare. Cela dit, ma consommation est en baisse depuis que je suis devenue maman parce que la gestion de la vie quotidienne me prend du temps. En plus nous n’avons qu’une seule télévision et nous devons partager le choix des programmes, alors je la regarde moins. Avec 4 hommes à la maison le choix de la programmation est plus sportif, ça ne correspond pas forcément à mes choix personnels. Du coup, pour me détendre, je préfère lire en étant présente à côté d’eux. Votre consommation respecte-t-elle les horaires de grilles de programmes ? Ou choisissez-vous les services de rattrapage ? Si oui, pour quels programmes ? C’est selon mon humeur et le temps disponible, si j’ai envie de me détendre et que j’ai peu de temps, dans ce cas je regarde un épisode d’une série que j’aime à partir de mes enregistrements, du replay, ou je regarde en temps réel, à partir du guide de programmes proposé par la télévision. Si j’ai du temps et envie de m’évader, se sera plus un film ou un documentaire selon le même mode, soit je l’ai enregistré, soit c’est proposé en replay ou alors je choisis à partir du guide de la télévision. Mais en fait, c’est rarement en temps réel avec un programme télé. La gestion de la vie quotidienne, entre travail et vie de famille, plus le fait que je partage avec 4 hommes l’accès à la télévision me permet rarement de pouvoir regarder en direct les programmes qui m’intéressent. Le système de replay ou la formule à la demande me permettent mieux d’adapter la programmation horaire à mes besoins. Quel de type de télévision avez-vous ? Connectée ou non ? Avez-vous une box connectée à Internet ? Quels usages en faites- vous ? J’ai une télévision 16/9è… cathodique ! Mais elle est connectée à internet par la box SFR. Elle me sert à regarder la télévision en direct ou en replay et à écouter la radio aussi car je ne capte pas toutes les stations, comme Sing Sing par exemple. Mes enfants m’ont fait découvrir qu’il était possible de se connecter à Internet et de regarder Youtube par exemple. Mais je ne sais pas le faire par moi-même ! Je ne suis pas très portée sur toutes ces nouvelles technologies !

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Avez-vous un smartphone, une tablette ? Consommez-vous ces seconds écrans pour des programmes TV ? Si oui, comment (en même temps que le programme sur l’écran principal ? En dehors ?) J’ai un smartphone Samsung mais pas de tablette. C’est déjà un énorme progrès pour moi d’utiliser ce genre d’appareil ! Je m’en sers surtout pour les textos et prendre des photos, de temps en temps pour faire une recherche sur Internet. Mais c’est tout. Quand je regarde la télé, je ne fais rien d’autre en même temps. Votre consommation télé se fait-elle en groupe (famille, amis) ou votre foyer possède-t-il plusieurs écrans à consommation individuelle ? Oui en général c’est en famille pour partager un film ou un programme divertissant comme Le Plus Grand Cabaret du Monde ou The Voice. On n’a pas d’autres écrans, à part l’ordinateur fixe et le portable mais c’est surtout pour les enfants, pour Youtube. La télévision nous permet de maintenir le lien entre les générations. Moi je m’intéresse aux programmes qu’aiment mes enfants, ça me permet de comprendre ce qui leur plaît ou les intéressent. On essaie aussi de leur faire découvrir des classiques transgénérationnels comme Laurel et Hardy. On partage des bons moments en famille, on rigole devant un bon film, on peut s’émerveiller devant un numéro de cirque, suivre les candidats de The Voice… Ce sont des moments privilégiés et sympas. Utilisez-vous des applications de chaînes du type My TF1 Connect, le watermarking de M6 ? Si oui, que cela vous apporte-il ? Non ! Avez-vous un compte Twitter ? Facebook ? Les utilisez-vous pour commenter des programmes, partager, créer vos propres contenus pour enrichir ces programmes (photos, vidéos…) ? Si oui, pourquoi ? J’ai un compte Facebook mais je l’utilise très peu. Je l’ai créé pour rester en contact avec la famille qui est éloignée mais je n’arrive pas à l’investir et je fonctionne plus par coups de fil ou par mail. Du coup, non je ne les utilise pas pour la télé. Consommez-vous de la vidéo sur Internet ? Si oui, lesquels (VOD, streaming, sites étrangers…). Si oui, via votre box, la TV connectée, une console de jeux ? Oui, je viens de découvrir la VOD via ma box. Quand j’ai la chance d’être toute seule, c’est mon petit plaisir de choisir mon film et j’apprécie cette flexibilité. D’après-vous, la télévision est-elle irremplaçable ? Plutôt oui. J’ai l’impression que les nouveaux supports (Internet tablette…) vont permettre de regarder des programmes faits soit par des amateurs soit par des professionnels. Mais je ne sais pas s’ils auront la qualité des programmes de la télévision pour la remplacer. Etes-vous demandeurs d’enrichissement de contenus de votre programme télévision ? Non, le panel proposé me permet de répondre à mes besoins. Le choix est large. Et je ne suis

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pas en demande d’avoir d’autres informations que ce que je regarde. Qu’attendez-vous d’un programme sportif à la télé (directs ?) Qu’il retransmette en direct les évènements sportifs de l’équipe de France. Et puis j’aimerais bien arrêter le monopole du foot et pouvoir choisir d’autres disciplines qu’on voit presque jamais comme le badminton, le basket ou le judo… ça serait bien qu’on nous fasse découvrir d’autres disciplines sportives pour donner envie de pratiquer comme l’émission Intérieur Sport ou le super documentaire « Play » de Canal+. Est-ce important pour vous de discuter autour de programmes télé ? Oui. Cela permet d’avoir un rôle éducatif auprès de mes enfants et de pouvoir partager des émotions réflexions informations avec mon conjoint. Utilisez-vous Vine, Instagram ou autre plateformes d’UGC (Users Generated Content) ? Non, je ne sais même pas ce que c’est ! Avez-vous déjà tenté une expérience transmédia (Les Revenants, Alt Minds, Braquo, Working Girls). Est-il important pour vous d’avoir une plus grande immersion dans l’univers d’un programme ? Comme gamer ? Comme apporteur de contenu (tumblr, choix d’une fin…) ? Non, pareil, je ne sais même pas ce que cela représente. Tout ce que vous me dites c’est du charabia pour moi, je n’y connais rien ! Avez-vous de nouvelles attentes du média télévision avec les progrès technologiques ? Quelle serait la télévision idéale. Pas spécialement. La télévision idéale c’est celle qui me permet quand je suis disponible de pouvoir regarder les programmes que j’aime. C’est ce que permet le replay, la télévision à la demande et la VOD. Il faudrait juste développer ce concept en permettant de pouvoir accéder aux programmes de télévision sur des périodes plus longues, comme pour la vidéo pouvoir sélectionner gratuitement des programmes dans une bibliothèque diversifiée.

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ANNEXE 8 Entretien semi-directif Christophe 45 ANS – PROFIL CONNECTE CADRE – MARIE - 2 ENFANTS - COLOMBES Etes-vous un consommateur régulier de télévision ? Pourquoi ? Oui assez régulier mais pas télévore non plus. Je n’ai pas beaucoup de temps libre mais c’est vrai que dès que je mes journées sont finies (travail et famille), j’ai tendance à m’affaler sur le canapé devant la télé ! On va dire entre 21h et 21h30. C’est le moment où je n’ai plus rien à faire, en tout cas plus rien envie de faire. Je choisis la passivité et me laisse porter par ce que je regarde. Le week-end, ça peut-être un peu plus fréquent, surtout l’hiver, en famille. Le matin j’aime bien aussi, je regarde les chaînes d’info géné ou sportives. Je suis très varié dans mes choix, ça peut être des séries, surtout sur Canal+, des films (quand je suis à l’heure), du sport ou des trucs plus légers comme Top Chef ou Koh Lanta. J’aime bien aussi les redifs de Touche Pas à Mon Poste ou des reportages du type Envoyé Spécial… Je trouve toujours un truc sur lequel je m’arrête en zappant et ça peut m’emmener très tard, le choix est vaste et pourtant je n’ai dans le salon que la TNT et Canal+ ! La télé est pleine de ressources, ça m’informe, ça me divertit ou me raconte de belles histoires. C’est vraiment mon sas de décompression le soir et plutôt un moment de partage en famille le week-end. Votre consommation respecte-t-elle les horaires de grilles de programmes ? Ou choisissez-vous les services de rattrapage ? Si oui, pour quels programmes ? Le soir plutôt oui. Dans une grande flemme, je zappe et m’arrête sur ce qui me séduit. Je n’ai pas le réflexe d’aller chercher du replay. Parfois, si j’ai vraiment raté un programme qui me plaît ou que je suis régulièrement, j’utilise le replay. Le plus souvent c’est pour des séries ou une émission du type The Voice ou Koh Lanta. Le week-end c’est différent, on ne vit pas au rythme d’un programme télé, sauf parfois les enfants qui ont vraiment repéré un programme dans une bande-annonce. Alors en général on va chercher un film dans le replay de Canal+ ou sur l’ordinateur si on n’a pas envie de regarder la même chose. Quel de type de télévision avez-vous ? Connectée ou non ? Avez-vous une box connectée à Internet ? Quels usages en faites- vous ? J’ai une smart TV dans le salon et une petite télé avec la box d’Orange dans la chambre. Mais c’est rare que nous l’utilisions en télé connectée. Parce que l’ordinateur est installé juste à côté et qu’il a un plus grand écran que la télé ! Donc si on veut allez chercher du replay, on le fait plutôt sur l’ordi. Pour la smart TV, on l’utilise pour le replay de Canal+ ou de France Télé, ce sont les deux seules applis proposées. J’ai essayé de naviguer sur le web avec mais c’est une vraie galère ! La navigation avec la télécommande est horrible et je suis arrivé une fois sur M6 replay et il fallait télécharger je ne sais plus quelle extension vidéo pour lire les programmes, mais impossible par la télé. J’ai laissé tomber ! Je ne trouve pas que les autres applications soient très intéressantes, à part peut-être les radios, surtout les étrangères. Je me suis connecté sur mes comptes Facebook et Twitter mais en fait je préfère utiliser mon smartphone si je veux les utiliser parallèlement au programme. Quant à la Hbbtv, je n’ai pas testé pas manque d’infos sur les programmes concernés. Je suis un peu déçu en fait.

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Avez-vous un smartphone, une tablette ? Consommez-vous ces seconds écrans pour des programmes TV ? Si oui, comment (en même temps que le programme sur l’écran principal ? En dehors ?) J’ai un smartphone et vais bientôt investir dans une tablette. J’utilise le smartphone pour Twitter. Ça m’éclate de voir les live tweet de certains twittos sur certains programmes, comme l’Amour est dans le pré par exemple (j’avoue). Ça peut être très drôle. Après, sur les rencontres sportives, c’est pareil, et parfois là, je commente. Je suis fan de sport, un peu expert. Je suis abonné à des références (journalistes surtout) et j’aime bien avoir leurs réactions. Et puis avec les copains aussi, on échange. C’est comme si on était ensemble au stade. Par contre, je n’utilise pas les applis, je me concentre sur l’image du programme quand même, surtout pour la sport, c’est le spectacle avant tout. Les analyses tout ça, c’est plutôt le lendemain via les médias spécialisés. Votre consommation télé se fait-elle en groupe (famille, amis) ou votre foyer possède-t-il plusieurs écrans à consommation individuelle ? Souvent seul le soir. Les enfants dormant et ma femme ne partage pas vraiment les mêmes goûts que moi ! Comme nous avons plusieurs écrans à la maison, on consomme chacun de notre côté. Le week-end c’est différent, ah et le vendredi soir aussi. Ce sont souvent les gros prime de divertissement et c’est le rendez-vous familial. C’est un moment privilégié où on se colle tous les quatre pour partager le programme avec la plaque de chocolat ! Ce qui est sympa, pour les jeux à élimination, c’est qu’on a chacun nos favoris qu’on supporte, il y a débat ! Après ça peut être le dimanche après-midi, devant un film. Et aussi les grands rendez-vous sportifs, c’est sacré et ça se partage tous ensemble. Utilisez-vous des applications de chaînes du type My TF1 Connect, le watermarking de M6 ? Si oui, que cela vous apporte-il ? Non, pour l’instant ça ne me manque pas. Avez-vous un compte Twitter ? Facebook ? Les utilisez-vous pour commenter des programmes, partager, créer vos propres contenus pour enrichir ces programmes (photos, vidéos…) ? Si oui, pourquoi ? Les deux que j’utilise régulièrement. Que Twitter pour la télé. Mais je n’utilise pas les vidéos. Je ne suis pas assez fan de tel ou tel programme je pense pour faire ça. Consommez-vous de la vidéo sur Internet ? Si oui, lesquels (VOD, streaming, sites étrangers…). Si oui, via votre box, la TV connectée, une console de jeux ? A part le replay, non. D’après-vous, la télévision est-elle irremplaçable ? Pour l’instant oui. Si on regarde la qualité et la variété de ce que les chaînes proposent, je ne vois pas ce qui pourrait la remplacer. A part peut-être pour les films et les séries qu’on peut facilement trouver sur Internet en streaming avant même leur sortie en salle ou leur diffusion en France. Et pour l’actu. Sinon, je trouve que la télévision est créative et riche. Même si on peut voir les programmes sur Internet, en replay sans la pub, je préfère l’idée de me laisser

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guider parce qu’on me propose au moment où je suis disponible. Maintenant, je suis un peu de l’ancienne génération. En tout cas, mes enfants ont encore cette addiction à leur télévision, on verra comment ils évolueront. Même si les nouveaux écrans cartonnent, c’est bien la télévision qui propose les programmes les plus intéressants dessus avec plein de bonus en plus. Etes-vous demandeurs d’enrichissement de contenus de votre programme télévision ? Moi pas trop, je suis plutôt focalisé sur ma télé. Par contre, après un programme, j’aime bien retrouver des infos sur les sites, comme une recette, l’adresse d’un resto ou le nom d’une ville à l’étranger qu’un reportage m’as fait découvrir. C’est plutôt un prolongement du programme que des infos en simultané. Qu’attendez-vous d’un programme sportif à la télé (directs ?) Il faut que ce soit un spectacle, comme si j’y étais. Mieux que si j’y étais en fait parce que j’attends de tout voir et de tout vivre au plus près des athlètes. Après, les commentaires c’est super important aussi. Christian Jeanpierre, c’est insupportable, Christian Ollivier n’en parlons pas ! Je cherche un commentaire d’expert, maîtrisé et impartial. Le sport, ce sont avant tout des valeurs autour du dépassement de soi, il faut que ce soit raconté et vécu avec des images fortes et bien réalisées, pas forcément avec des statistiques et de la technique à tout bout de champs, mais de belles image qui capturent l’émotion et l’exploit sportif. Est-ce important pour vous de discuter autour de programmes télé ? C’est régulièrement au cœur des conversations en famille, entre amis ou au bureau. Les thématiques sont assez vastes pour amorcer un débat, s’étonner ou sourire. Utilisez-vous Vine, Instagram ou autre plateformes d’UGC (Users Generated Content) ? Non Avez-vous déjà tenté une expérience transmédia (Les Revenants, Alt Minds, Braquo, Working Girls). Est-il important pour vous d’avoir une plus grande immersion dans l’univers d’un programme ? Comme gamer ? Comme apporteur de contenu (tumblr, choix d’une fin…) ? Je suis allé sur le site des Revenants en me connectant avec Facebook Connect. C’était plein de surprises, plutôt sympa. Après non, je ne suis ni gamer ni assez fan d’un programme. Avez-vous de nouvelles attentes du média télévision avec les progrès technologiques ? Quelle serait la télévision idéale. Peut-être pour les enfants oui. Une télévision un peu plus éducative et interactive serait sympa. Vu la passion qu’ils ont pour ce média, je me dis que ce serait plus facile de leur faire apprendre des choses un peu scolaire avec la télé !

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ANNEXE 9 DESIGN DE LA TELEVISION

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ANNEXE 10 PUBLICITE SFR LA FIBRE

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RESUME Dans un contexte de bouleversement des usages médiatiques, du contournement de la

chronologie des médias et de la porosité engendrée par Internet, l’histoire semble écrire la

chronique d’une mort annoncée du média télévision.

La télévision a toujours dû, su s’adapter à son environnement technologique et social, opérant

des mutations à travers trois âges déterminés par Jean-Louis Missika : la paléo-télévision, la

néo-télévision et la post-télévision. Quelle en sera alors la prochaine ère dans son contexte

d’accélération de l’émergence de nouvelles technologies au service des médias connectés à

Internet ? Comment s’adapte-t-elle à une société de l’immédiateté et des interconnexions

personnelles ? En devenant un métamédia, elle se réinvente ouvrant le champ de possibles.

Malgré la friction entre le média télévision et Internet, il semblerait que son identité et sa

médiativité suivent l’évolution technologique et d’usage, en adaptant ses fonctions techniques

et sociales. D’autant plus que ses productions, notamment le direct, étudié par le prisme du

sport, reste un genre constitutif que les médias digitaux n’ont pas les moyens de contester

aujourd’hui dans le référent imaginaire global des utilisateurs.

Le flux de télévision a néanmoins su prendre sa place dans une nouvelle chaîne de valeur de

flux linéaires et délinéarisés, devant se positionner dans une offre de contrats d’écoute

diversifiée. Prenant sa place au cœur d’un nouvel écosystème, elle a inventé de nouvelles

propositions éditoriales, de nouvelles écritures, à la faveur de ses marques programmes.

Subissant un déterminisme technique, elle a muté dans sa matérialité. Les innovations de

l’objet se sont accélérées pour lui donner une forme de média hyper-connecté, véritable

portail interactif multi-média. La smart TV en est le fruit, avec un succès d’usage encore

frileux. Aura-t-elle le temps de s’implanter ou sera-t-elle vite dépassée dans une société où

l’obsolescence est programmée d’avance ?

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MOTS CLES Chaîne de valeur Contrat d’écoute Médiagénie Métamédia Panoptisme Rémédiation Spectacle Télévision