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Créé par jules Segura - 1 - Avec le Concours de : Colette Teulet née Garcia – Geneviève Puig née Segura – Isabelle Nikolic née Segura – Carine Segura –Elisabeth Dubois née Segura – Henry Durand – Louis Amouriq – jules Segura Page 1 13/04/2022

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Créé par jules Segura - 1 -

Avec le Concours de   :

Colette Teulet née Garcia – Geneviève Puig née Segura – Isabelle Nikolic née Segura – Carine Segura –Elisabeth Dubois née Segura – Henry Durand – Louis Amouriq – Norbert Tognet – Jean-Francois Segura – Herminie Alonzo – Emile Martinez – Hortense Segura née Parra –Edouarde Segura née Garcia - Antoine Garcia -Jules Segura.

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10, rue de SAÏDA… au TELAGH

Le jeudi matin j’étais réveillée de bonne heure : pas d’ école, j’allais pouvoir profiter de la journée ! C’est le bruit du marteau sur l’enclume qui me sortait des bras de Morphée, en face de chez moi habitait Mr Aillaud……, avec son frère André ils réparaient les machines agricoles, Jean-Guy le fils était un ami, on s’échangeait les Mickeys et autres bandes dessinées. Dans ma rue vivaient toutes les personnes que j’aimaient : outre mes parents, mes sœurs, mon frère, il y avaient mes grands-parents, mes tantes, mes oncles, mes cousins, mes cousines, d’une maison à l’autre on avait pas loin à aller ; quand je vois à la télé certains quartiers de Marseille où tout le monde connaît tout le monde et où tout le monde s’interpelle, rit ou pleure, où il arrive même qu’on s’invective, eh bien ça me rappelle la rue de SAÏDA, ma rue. Sur l’écran de mes souvenirs, il y aussi tous les acteurs qui ont fait vivre le quartier ! Vulcanisateur ! pas docteur, ni coiffeur, non ! vulcanisateur ! ça me plaisait ce mot, et en plus Monsieur Talence….. qui exerçait ce métier, je n’avais que la rue à traverser pour le voir réparer et redonner une jeunesse aux vélos et aux motos. En parlant de vélos, JUAN-SIMON le peintre n’avait que ça pour se déplacer, je le revois passer devant la maison avec ses bidons de peinture et ses pinceaux, pendant son travail il chantait : « l’amour est un bouquet de viol…ettes… »et le pinceau montait et descendait au rythme de la chanson ! mon oncle Antoine le maçon, c’est en montant les murs qu’il chantonnait, j’allais quelquefois lui demander un peu de ciment et une truelle pour me faire une petite construction, il ne m’a jamais dit non et je l’en remercie, pour l’enfant que j’étais, sa patience et son écoute m’ont encouragée à entreprendre. Je ne peux pas parler d’Antoine sans parler de Carmen, ma tante, je ne pourrais pas vous dire les fois où j’allais lui rendre visite dans la journée. Je mangeais à sa table tout ce que je n’aimais pas chez moi, au grand désespoir de ma mère ! il faut dire que je partageais ce repas avec Helyette et Eve-Lyne et après on faisait la sieste où plutôt on se marrait comme des folles des histoires rocambolesques d’Eve. Juste en face vivait la Tia Concha, elle nous parlait souvent de Léon où elle habitait avant, que c’était une grande ville, je n’ai jamais su si c’était Lyon en France ou Léon en Espagne, elle était tellement contente et fière que je n’osais pas l’interrompre. Blanchette, ah ! Madame Cardi, elle avait une épicerie juste à l’angle du Boulevard, c’est elle qui m’a donné envie de faire du commerce. A l’époque, le café, le riz, les pâtes, l’huile, le vin, tout se vendait au détail :-Je voudrais un kilo de farine !

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Blanchette prenait une feuille de papier Kraft qu’elle roulait en cornet et alors moi, je regardais ça avec curiosité et plaisir, la petite pelle en métal introduite dans un gros sac en jute, ressortait avec la belle farine blanche que l’épicière faisait glisser dans le cornet ; -1 kilo allez bon poids ! d’un petit mouvement rapide du poignet, en bonne commerçante Blanchette, faisait mine d’en mettre un peu plus. Pour le vin aussi c’était tout un cérémonial : le tonneau avec son robinet en bois, l’entonnoir, pas en plastique comme maintenant, non, en alu ! et après avoir donné sa bouteille, car les bouteilles étaient consignées donc on avait intérêt à les ramener, le robinet s’ouvrait et alors un beau liquide rubis coulait et il fallait fermer avant qu’il ne se répande parterre. Je mourrais d’envie de servir les clients. Et les boites de biscuits, petits beurre, feuilletés, gaufrettes, la aussi au détail, pour les emballer, c’était un papier plus fin, combien j’ai salivé devant les boites en fer, maman m’en achetait, mais pour la gourmande que j’étais, pas assez à mon goût. Il y avait aussi Charles le mari, un corse au bel accent, il avait toujours une blague à raconter ou alors il essayait de parler espagnol avec les clientes, sa femme s’amusait à lui faire dire (à son insu) des mots un peu crus, imaginez la tête de certaines mémés un jour où il a dit :-Qué bonico .ogno (au lieu de mogno) ! (quel beau chignon ! je ne traduis pas l’autre mot, je vous laisse imaginer)en s’adressant à l’une d’entre elles. Il fallait toute la diplomatie de Blanchette, pour calmer l’offensée !Dans la rue il y avait aussi l’épicerie de Fifine, Madame Cervantes, une amie à maman. Son mari Pierre était un peu sourd, il nous racontait : -Quand il y a une conversation et qu’on me demande , hein Perrico ? je dis : oui, oui, même si j’ai rien entendu de ce qui se dit. Il portait un béret noir qu’il ne quittait presque jamais, et son épouse le taquinait toujours :-tu peux pas t’enlever ce béret, bientôt tu vas coucher avec !et bien là croyez-moi, un jour, d’un geste rageur, je l’ai vu s’arracher le couvre-chef, le diriger vers ses pieds, lever la jambe et hop d’un seul coup son pied droit a traversé le feutre noir, madame est restée sans voix et moi, je ne me suis pas attardée, ougna ! (fuyons). On dit souvent que les gens très calmes, et c’était le cas, encaissent, encaissent et ça finit par exploser la preuve ! en parlant de ça, me revient ce jour où, madame Cervantes avait préparé un bon pot au feu qu’elle faisait cuire dans une cocotte minute, c’était les premiers modèles sortis sur le marché, la soupape à commencer à tourner et, siffle que je te siffle, madame servait des clients au magasin elle n’a pas pensé à venir diminuer le feu du gaz, et siffle siffle, tout d’un coup une explosion, la cocotte s’est retrouvée au milieu de la cuisine et tout son contenu projeté sous forme de jet, par le petit trou d’ou

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s’échappait la vapeur. Le plafond a été tapissé de particules de viande, carottes, navets , c’était impressionnant !Comment ne pas vous parler de Juanico Parra,qui habitait chez Cervantes, je l’aimais beaucoup et il m’a toujours fait rire, même après notre exode (nous nous sommes retrouvés dans l’Est de la France, nous avions le même employeur Peugeot). En Algérie, les soirs d’été la coutume voulait qu’on prenne le frais. Tout le monde sortait sa chaise et on se rassemblait devant une maison. Nous partagions ce moment devant chez Juanico et Françoise. J’arrivais la première avec ma petite chaise et alors j’écoutais Jean racontait sa captivité en Allemagne dans les années 1940, il avait été envoyé dans une ferme pour aider aux travaux des champs, ce qui a été je suis sûre, une dure épreuve avec : le froid pour quelqu'un qui venait d’un pays chaud, l’éloignement, l’incertitude, eh bien lui nous en faisait un récit d’une drôlerie, raconté de façon «  Pagnolesque », c’était mon Raimu d’un soir, et tous les soirs le récit changeait, ma sœur Isabelle attrapait des fous-rire que l’on entendait à l’autre bout de la rue, son épouse le regardait et souriait sachant, qu’il en rajoutait beaucoup, mais quel bonheur de l’écouter ! quand venait le moment d’aller se coucher, je le suppliai, racontez-moi encore, qu’est-ce qu’elle faisait la frauleïn ?

- Demain, demain maintenant il faut aller dormir !Vivement demain soir !Juanico m’a raconté plus tard, que petit il a connu mon grand père maternel qui venait d’Andalousie avec toute une équipe d’hommes et des bourriquots espagnols (plus grands que l’âne), le soir quand ils rentraient des chantiers (ils travaillaient dans les carrières), ils croisaient Jean qui était enfant, ils le faisaient monter sur une bête et leur plaisir était de l’entendre chanter, il était déjà très gracieux. Il est maintenant dans un autre monde, mais je suis sûre que là-haut il fait rire même le Bon Dieu ! Joséphine sa fille l’a rejoint (trop jeune hélas) et il n’y a pas longtemps son épouse Françoise.Je rassure Séraphin et Jean, j’ai toujours eu un grand respect pour leur père, si je parle de Juanico ou de Jean c’est pour les anciens qui l’ont connu, pour ma part il reste Monsieur Parra.J’ai évoqué plus haut la famille Aillaud, c’était les seuls à une époque à avoir le téléphone dans le quartier, alors quand il y avait une urgence très aimablement Madame Aillaud, évitait à ma mère d’aller à la poste. C’était marrant de la voir tourner la petite manivelle pour avoir le standard, ensuite elle demandait :-le 12 Oran pour le 4 Télagh !Quelquefois il fallait raccrocher et attendre que la standardiste nous rappelle ; on n’ était pas encore au temps du Clic ! et des MMSMadame Aillaud jouait de l’harmonium à l’église, et après la communion solennelle, avec Maryse, Clotilde, Michèle, Raymonde nous avons fait partie de la chorale. L’abbé Filliard a interrompu un jour la messe pour dire :

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-je demanderais à ces demoiselles de la chorale de bien vouloir arrêter de parler !Celles et ceux qui se rappellent de notre curé savent, qu’il n’était pas toujours commode. La chorale c’était la messe du dimanche, mais aussi les mariages et après nous étions invités à l’apéritif, que de bons souvenirs !En évoquant le curé Filliard, il me souvient qu’un jour nous partions au catéchisme tout un petit groupe, juste avant le presbytère on rencontre Antoine Ségura (le mari à Odette Gomez) qui nous demande :-où vous allez ? ( il était gendarme auxiliaire donc en tenue)-ben on va au catéchisme !-mais il n’y a pas catéchisme aujourd’hui, monsieur le curé est mort !nous sommes partis en courant sans chercher à comprendre, annoncer la nouvelle à la maison, certaines mamans se sont précipitées au presbytère, et là devinez qui leur a ouvert la porte ? Oui, oui le curé ! je ne vous dis pas la surprise !Dans ma rue il y avait aussi Djillali l’aveugle, il avait une canne bizarre, autour du pommeau il avait des centaine de petits bouts de ficelle qu’il nouait et ça faisait comme un essaim d’abeille, pour les enfants c’était un peu mystérieux, mais il était très gentil Djillali, il nous reconnaissait au son de la voix :-toi ti Coulette la fille à Pépé !il m’attrapait la main pour me remercier de lui avoir donné, ou un morceau de gâteau ou un bonbon. Un jour on ne l’a plus revu, et on a appris plus tard qu’il était mort et que dans son essaim il y avait une grosse somme d’argent, est-ce vrai ?Mon frère André a travaillé jeune chez Monsieur Berger, notre voisin, qui était cordonnier -cellier. Je revois, la boule de suif où il passait le fil pour l’enduire de gras, l’alêne pour percer le cuir et aussi l’odeur que j’aime tant (plus tard j’ai vendu de la maroquinerie) ! Madame Berger était institutrice, les bûchettes, les découpages, c’était le cours préparatoire et l’entrée à la grande école !Devant chez moi il y avait une fontaine, souvent je m’asseyais dessus et je regardais passer les gens. C’est ainsi qu’un jour assise sur la fontaine j’ai vu arriver un camion comme je n’en avais jamais vu. Les roues avaient une grosseur impressionnante, pour monter dans la cabine il y avait une échelle, c’était un camion qui partait dans le sud où il y avait du pétrole. Bien vite il y a eu un grand attroupement pour voir ce curieux engin qui a stationné pour qu’on puisse voir et faire des photos. Je vous passe les : poh ! poh ! poh ! purééé ! pu…. ! et autres commentaires autour du terrible engin !Le vendredi jour du poisson nous arrivait tout droit de la ville, la pescatera ! elle chantait :-du poisson ! du poisson on ! -regarde mes rougets, poze on dirait qu’ils veulent nous parler tellement ils sont frais, et la bonite elle est pas belle ma bonite ?

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L’étal de poissons était à l’arrière de la camionnette sur des pains de glace.Pauvre de moi, j’aime pas le poisson, il va falloir en manger ! je préfère les migas avec la côtelette espagnole (la sardine séchêe)Il y avait aussi la venue du marchand d’oublis (une gaufrette en forme de tube).Pour signaler sa venue, il avait fabriqué un instrument avec une planche, une poignée vissée sur les 2 côtés, et il en jouait comme avec une castagnette, nous les gosses on comprenait vite le message !Et Joachina, la marchande de légumes, elle se déplaçait avec une charrette que tirait un âne, en achetant les légumes on apprenait les nouvelles du village, certains personnes étaient habillés gratuitement pour toute l’année.

La rue se transformait parfois en théâtre ouvert, c’est ainsi qu’un indigène venait 1 ou 2 fois par an (on ne sait d’où) habillé comme un homme orchestre, des clochettes aux mains, aux pieds, à la taille, il dansait et chantait en échange de quelques pièces. Et le marchand de vaisselle un personnage ! il pratiquait le troc, on lui donnait des vêtements usagés ou des peaux de lapins et en échange les ménagères pouvaient choisir dans son vieux landau pour bébé, de la vaisselle. Un jour il faisait la démonstration d’assiettes incassables, il en lance une ça marche, elle ne se casse pas, la deuxième se brise en mille morceaux et alors là, avec un talent de bonimenteur il lance à l’assistance :-cille là y’avait pas d’produit ! bravo l’artiste.Coiffeur à domicile, c’est un métier qui revient ! je me rappelle de Monsieur Ginès Castellon qui venait raser et couper les cheveux à mon grand-père Pédro-Andrès. On installait la chaise dans la cour, le coiffeur sortait tout son attirail et le travail pouvait commencer. Je tournais autour, surtout quand il rasait mon pépé avec le grand rasoir, j’avais peur qu’il le coupe, mais non, tout en parlant il avait le geste précis, il me promettait si j’étais sage de me donner la petite bouteille vide de la lotion dont il tapotait ensuite le visage de grand-père rasé de prés. J’attendais ça comme une récompense, pensez une petite bouteille qui sent bon ! allez donner ça aux enfants maintenant, ils vont vous rire au nez !Le métier de matelassier ambulant par contre lui n’existe plus. La plupart des matelas étaient en laine, tous les 3 ou 4 ans, il fallait refaire le matelas, parce que la laine était trop tassée et qu’au centre il y avait un creux, et ensuite, pour laver la laine et changer la toile. Première étape, découdre le tissus pour en extraire la laine et laver celle-ci, ensuite étaler la laine sur des grandes nattes pour la faire sécher au soleil. Arrivaient ensuite, Manuel Contreras et sa mère pour refaire le matelas : Manuel commençait par taper la matière avec un bâton en bois et une baguette en fer, il avait le savoir faire, et que je te soulève d’un côté et que je te donne la « tréja » de l’autre, ensuite avec une espèce de brosse aux dents en métal arrive le moment de carder, c’est à dire démêler la laine. La confection du matelas se faisait

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tout à la main, pour coudre le tissus, la longueur des aiguilles m’impressionnaient, il y avait 2 modèles, le simple ou à bourrelets, là aussi madame Contreras et Manuel étaient des artisans, la touche finale, des brins de laine cousus un peu partout sur la surface recto et verso, pour former des creux et des bosses pour le plus grand confort des dormeurs. Les premières nuits sur le matelas neuf, on se serait cru sur des montagnes russes, après la laine se tassait et on redescendait d’un cran. Je ne peux pas évoquer la cour, sans parler de la « matanza » ; mon oncle Antoine Gonzalez et ma tante Catherine venaient et là aussi c’était la fête. Je ne voulais pas aller à l’école ce jour-là, on allait tuer le cochon, je ne voulais pas rater ça ! que nenni on m’expédiait, on ne voulait pas voir les enfants tourner autour. A midi, quand je revenais le boudin était déjà prêt et les côtelettes attendaient d’ être grillées dans la cheminée. Et les grattons , les tchitcharons, ma mère faisait une galette de tchitcharons et c’était un délice ! (j’en ai remangé du côté de Perpignan, un boulanger Pied-noir en faisait). La fabrication de longanisses, blanquicos, pâtés etc durait 2 jours, mais quelle bonheur, l’odeur et surtout la chaleur de ces moments familiaux, sont encore présents lorsque je vous en parle. Mon cousin Jean-Jean m’appelait côtelettes, je n’appréciais pas trop ! mais bon, ça fait aussi partie de mes souvenirs. Quand il y a eu le couvre-feu, on ne pouvait plus prendre le frais dans la rue, alors on restait dans la cour, mon père arrosait pour faire un peu de fraîcheur, on disposait les chaises en cercle et là, c’est ma grand-mère Ysabel qui nous racontait des choses extraordinaires. Lors de la pleine lune, elle me disait : regarde la lune, mais pas trop, parce que tu sais, regarde bien, que vois-tu ?-je voyais des formes, mais quoi ?

- eh bien figure-toi qu’un meunier revenait avec son âne après avoir livré de la farine, et il s’est mis à fixer la lune, et d’un seul coup il a disparu, la lune l’a aspiré, alors tu le vois maintenant !

- oh, oui mémé je le vois et l’âne aussi ! les soirs de pleines lunes je ne peux pas m’empêcher de regarder le meunier et son âne, je pense à ma grand-mère , comme elle nous captivait avec toutes ses histoires merveilleuses ; de nos jours les soirées contées sont à la mode, Mémé était en avance sur son temps. Elle savait tout faire, coudre, cuisiner, elle faisait son savon, je la revois un foulard très serré sur la tête, devant le chaudron fumant et elle tournait le mélange, après elle faisait les morceaux. Mon grand-père Pédro-Andrès n’y voyait plus très bien, il tressait de l’alfa pour en faire de jolis paniers, des corbeilles, il s’occupait ! je lui portais quelquefois des cigarettes et il était content ! j’avais la chance de les avoir prés de moi, nous habitions au même endroit, des habitations séparées mais avec la cour commune, el patio de Coletta !Nous étions toute une petite bande rue de Saïda, Yves Talence, Jean-Guy Aillaud, Richard Durand, Régine Durand, Maryse

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Campos, Helyette Baldéras, Jacqueline Charasse, Jean Gonzalez, Paule Cardi, des fois on s’amusait à sonner aux portes et vite on s’enfuyait, quand la porte s’ouvrait on attrapait le fou-rire, contents de nous. Il y a eu la période hula-hoop, qui n’avait pas son cerceau, et vas-y que je me déhanche ! quand on maîtrisait le mouvement, qu’est-ce qu’on était fiers. Puis vint la période scoubidous, « des pommes, des poires, et des scoubidous, bidou ah » le stock de fils électrique a été vite épuisé ! il y avait des artistes qui arrivaient à tresser les fils pour reproduire une guitare, un dromadaire, enfin toutes sortes de gadgets. Nous avons même fabriqué, je ne sais pas qui en a été l’initiateur, des échasses : deux perches en bois, avec un petit carré cloué à mi-hauteur pour poser les pieds et nous voilà partis à grandes enjambées arpenter la rue en riant de notre trouvaille, certains plus prudents, ont accroché des ficelles à des boites de conserve et en on fait des « boites de 7 lieues »A vous dirais-je mes amis, que c’est rue de Saïda, où j’ai eu « une déclaration ! » ! Un beau jour, ma copine Clotilde vient me voir devant chez moi et me dit :-Voici de la part de ? (quelqu'un, il se reconnaîtra) il est amoureux de toi !elle me donne une sucette en forme de poupée. Je ne savais plus quoi dire, je pensais d’abord à une blague :-je te dis qu’il te l’offre, parce qu’il t’aime !Il venait d’avoir 9 ans et moi 8, aucun garçon ne m’avait encore offert quoique ce soit ! bien avant Jacques Brel, il avait compris que les fleurs c’est périssable et les bonbons c’est tellement bon ! surtout pour la gourmande que j’étais ! je suis restée muette, toute émotionnée ! j’ai pris le cadeau, le cœur rempli d’amour , je suis partie bien décidée à garder le précieux gage, dans un joli coffret entouré d’ un petit nœud rose, mais hélas, 1 heure après, la friandise a été sacrifiée sur l’autel de ma trop grande gourmandise ! Et la romance ? me direz-vous :- elle a vécu ce que durent les roses ! notre timidité et notre jeune âge, a eu raison de cette belle histoire, d’amour débutant !

Virazeil

Colette GARCIA-TEULET le 18 .02.2008Pour toute ma famille et tous mes amis télaghiens

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A la vitesse où le temps passe, rien n’efface l’essentiel ! (F. Cabrel)

Certains se rappellent leur premier noël, d’autres leur première voiture, d’autres encore leur premier amour, eh bien moi, mon premier souvenir est mon premier jour d’école !

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Je suis la petite dernière d’une famille de quatre enfants, André mon frère avec qui j’ai quinze ans d’écart, Edouarde treize ans, Isabelle onze ans, vous comprendrez que j’étais la petite gâtée et pour mes aînés la petite merveille du monde. Vers l’âge de 3 ans on m’a inscrite à l’école maternelle, ma sœur Isabelle était (comme on dit maintenant) auxiliaire scolaire chez les petits, elle aidait la maîtresse, à l’époque Madame Latorre. La veille de la rentrée, toutes mes affaires neuves étaient préparées, tablier, souliers, vêtements, cartable etc…Mon père très fier de son petit génie, je savais compter, écrire mon nom, me fait les dernières recommandations et il a ces paroles que l’on dit quelquefois aux petits enfants, sans penser qu’ils puissent les prendre au sérieux :-alors tu seras bien sage, et surtout si la maîtresse est méchante avec toi tu me le dis et elle aura à faire à moi !C’était des paroles surtout pour me rassurer, pour m’envoyer le message que si j’allais à l’école ce n’était pas parce qu’on ne m’aimait plus, qu’on m’écartait en quelque sorte du giron familial ! non rien de tout ça, c’était pour m’instruire.Au petit matin, après un bon petit déjeuner, toute mignonne, me voilà partie avec ma sœur, en route pour la grande découverte de la culture et de l’instruction. Après quelques pleurs dans le préau, nous voilà tous dans la salle de classe, certains sanglotent encore dans leur coin, moi j’ai ma sœur pas loin je suis un peu plus rassurée ; à un moment donné je vois Isabelle murmurer à l’oreille de l’institutrice, celle-ci jette un regard vers moi et me demande de venir :-Alors Colette, tu es contente, c’est bien l’école ?Moi toute innocente :-Oui, mais mon papa, il a dit que si tu m’embêtes, tu auras à faire à…. Je n’ai pas eu le temps de finir ma phrase, une volée de gifles, des pincements d’oreilles, les cheveux tirés et pour finir, elle a ordonné à ma sœur de m’enfermer dans le « Père cafard » la terreur des petits écoliers, en fait c’était la cave où on mettait le bois de chauffage. Voilà où j’ai passé ma première demi journée d’école, à sangloter et à me dire que j’étais victime d’une grande injustice, je le pense encore ! Pour un essai ce fût un coup de maître je dirai même mieux «pour un essai ce furent : les coups de la maîtresse ».Le retour à la maison a été une délivrance pour moi, mais pour ma sœur qui avait eu la maladresse de demander à Madame Latorre de me questionner, les foudres de toute la famille lui sont tombées dessus ! la pauvre elle était plus malheureuse encore que moi, d’ailleurs elle aussi s’en souvient. En tout cas la méthode a été radicale, je n’ai plus été au « Père Cafard » j’étais sage comme une image. Mon père n’a rien reproché à la maîtresse, à l’époque, les parents ne soutenaient pas les enfants, pourtant là  je m’interroge ? toujours est-il que je n’ai pas oublié mon premier jour de classe à l’école maternelle du Télagh.

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Puisque je vous parle du « père cafard », je ne peux pas ne pas évoquer le drame survenu avant la rentrée des classes de 1956 (je crois) ! les militaires avaient stationné à l’école pendant les grandes vacances. Des munitions avaient été stockées dans le local à bois. Après leur départ, André Thèvenot et le regretté Marcel Carmona jouaient dans la cour de l’école, qui a trouvé l’obus ? je ne sais pas, toujours est-il qu’il y a eu une explosion, Marcel a été tué sur le coup, André a été blessé, dans le village ça a été la consternation, je me rappelle encore de cette pauvre madame Carmona inconsolable et de la grande foule qui a accompagné Marcel pour son dernier voyage. La rentrée des classes a été un peu retardée, mais nous les enfants nous n’avons pas eu un psy pour nous prendre en charge, pourtant ça a été un vrai traumatisme pour nous, mais à l’époque ce n’était pas encore en vogue !

Pour aller à l’école je passais tous les jours devant la place où il y avait des bals l’été, avec des beaux orchestre. Je me rappelle aussi de l’orchestre Garcia, je n’ai pas grand mal à m’en souvenir puisque c’est mon nom de jeune fille ; à l’occasion de ces fêtes de village des concours de danse était organisés pour les enfants, auxquels je participais. J’ai souvent gagné le concours avec pour cavalier Raymond Alonzo, nous avons même gagné le premier prix en dansant la « Raspa » Pour les jeunes qui ne connaissent pas cette danse, originaire d’Amérique latine peut-être, ça consiste à faire un pas en avant jambe droite, la gauche derrière et revenir jambe gauche devant jambe droite derrière ceci en traînant les pieds, Raspa voulant dire râpe en espagnol, au refrain : bras dessus bras dessous on tourne et hop on change de bras. Ce n’était pas de la « tecktonik » mais c’était très amusant et entraînant. Nous avons ainsi fait plusieurs concours avec le regretté Raymond puis, il est parti au lycée à Sidi Bel Abbès ( il avait 3 ou 4 ans de plus que moi), il avait d’autres copines et l’une d’elle Paule Loubière de Rochambeau qui venait faire le boulevard dans notre village. J’étais un peu jalouse, une de mes cousines en parlant de Paule, la surnommait Poilla, c’est pas tombé dans l’oreille d’une sourde, un dimanche je croise sur le boulevard Raymond avec des copains, copines dont Paule, moi par dépit je lance :-bonjour Poilla !Raymond viens vers moi et me dit :-si tu l’appelles encore comme ça, je ne ferai pas le concours de danse avec toi !Très sure de moi j’insiste :-au revoir Poilla !Si Paule lit ces quelques souvenirs, je lui demande d’excuser la petite fille stupide que j’étais.Raymond a tenu parole, au concours suivant, ma sœur l’a supplié, j’ai pleuré, il n’y a eu rien à faire, j’ai dansé avec un cavalier qui

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venait de Tirman (un petit fils de Madame Louis Garland) nous avons perdu mais, heureusement Raymond a aussi perdu, ouf !L’onclede Raymond, Antoine Alonzo, tenait une boulangerie-pâtisserie, il m’arrivait d’aller avec ma sœur acheter le pain ou des gâteaux. Antoine était très moqueur ! quelquefois ma sœur Isabelle roulait ses cheveux dans des papillotes en tissus, pour avoir des frisettes, elle dormait avec toute la nuit, résultat elle se retrouvait frisée comme un mouton ; un jour, on entre dans la boulangerie, Antoine regarde ma sœur et d’un air très ironique lui dit :-Où tu vas ma fille ? quand « tiarives » on dirait que tu t’en vas !Elle a pris le pain sans répondre et on n’a pas mis longtemps pour parcourir la distance qui nous séparait de la maison tellement elle était vexée. Le père à Antoine, Manuel, grand père de Raymond et Manou, était un ami à papa, mon père bien plus jeune, avait été chauffeur dans son entreprise et c’est monsieur Alonzo qui lui avait permis d’acheter son premier camion, c’était un homme d’une grande gentillesse c’était comme un grand-oncle pour moi, petite dés-que je le voyais j’allais l’embrasser, s’il était devant la boulangerie il me disait :-va choisir un gâteau ! j’hésitais, parce que ma mère me disait toujours, si on t’offre quelque chose il faut dire : non merci ! ce n’est pas poli d’accepter, on va dire que tu es une mal élevée !Mais la gourmandise l’emportait sur les bonnes manières, j’allais choisir une madeleine, Mum mmmmmmmmmmm ma madeleine de chez Alonzo, comme elle était bonne ! et on voulait que je refuse, vous vous rendez compte ? je ne pourrais pas vous en parler aujourd’hui, merci Monsieur Alonzo.En parlant de son père et du mien, Antoine disait :-Quelle paire de pères !Je vous ai parlé de l’école, de la danse, il y avait aussi le théâtre ! au village il y avait les dames de la ligue Catholique, qui s’impliquaient dans la vie de l’église. Madame Cavé, madame Aillaud, Madame Bougeon Madame Fillol, madame Cambon (la maman à Claude) ;elles nous faisaient jouer des petites scènes, danser dans des petits ballets, pour la kermesse. Madame Fillol (l’épouse du receveur des impôts) nous faisait répéter chez elle, au son du piano. La représentation se faisait au marché couvert qui servait de salle des fêtes quand il faisait froid. Ma sœur Edouarde qui est couturière, me faisait de jolis costumes, ainsi j’ai été : lapin, petite maison rose, alsacienne avec la coiffe en forme de gros papillon noir, Michel Ramon était mon alsacien, il paraît que j’étais douée, madame Fillol avait conseillé à maman de m’inscrire au conservatoire, pensez ! une fille théâtreuse, quel scandale ! tant pis. maintenant c’est moi qui m’occupe d’un atelier théâtre enfants et adultes, je crois en souvenir de ces dames. Merci à elles, qui se sont consacrées aux enfants et aux jeunes du Télagh.

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Au marché couvert il y avait aussi des bals, les jeunes filles étaient accompagnées de leur mère, pas question de sortir seules. Dés que la musique commençait, vite les jeunes-hommes allaient inviter une cavalière il arrivait que celle-ci refuse, ça c’était un affront pour l’éconduit !Un après-midi mes sœurs étaient assises avec maman, commence la musique et voilà qu’Edouarde voit se diriger vers elle un garçon qu’elle avait surnommé « cabeza trueno » (traduction intégrale : tête de tonnerre ! pourquoi ? je ne sais pas ! je n’ai jamais vu la tête d’un tonnerre ! enfin) ;elle regarde ses chaussures pour ne pas croiser le regard de l’intrus, quand soudain elle entend :-vous dansez mademoiselle ?Elle le regarde et là il s’est ramassé une « calabaza » autrement dit elle a dit non ;le pauvre est allé s’asseoir humilié. Un autre cavalier vient inviter ma sœur, comme il lui plaisait elle se lève pour aller danser, tout d’un coup arrive la mère de l’offensé qui prend le bras d’Edouarde et lui dit :-tu n’as pas voulu danser avec mon fils, eh bien tu ne danseras pas !ma mère se lève à son tour :-Depuis quand tu décides si ma fille doit danser ou pas ? les danseurs en ont profité pour partir sur la piste, et les deux mères ont vite oublié l’incident. Dans le village tout le monde se voyait affublé d’un surnom ! ainsi Santiago du Chili, c’était un jeune algérien qui était commissionnaire, ma sœur Isabelle travaillait à la maison du colon (la banque Crédit Agricole) et souvent il faisait les courses pour les employés, le pauvre il avait eu de l’infection aux yeux ce qui faisait dire à ces demoiselles de la banque :-il a les yeux en boutonnières passepoilées !Pata rana ! ( pattes de grenouille), il habitait en face du café des parents à Jules Ségura, (je crois), il marchait les jambes écartées, d’où la comparaison avec le batracien. Pour tout vêtement il portait une abaya (genre de boubou) et rien dessous, il était souvent assis devant chez lui et quand les jeunes filles passaient, il écartait bien les cuisses pour montrer ses attributs, et il leur disait des mots grossiers.La Jefa (prononcée ré : la chef) son époux était chef de chantier ; très gentille madame Llépes elle avait beaucoup d’humour, elle venait dans l’Est chez sa fille Dolorès qui habitait juste à côté de chez moi. Elle m’a raconté, qu’une de ses voisines espagnole, voulait absolument parler français, elle appelait son fils Rémoundi, un jour elle l’envoie chercher de l’herbe pour les lapins, et voilà ce que ça a donné :-Rémoundi, Rémoundi, prends le capacette (panier) et va chercher de la llerbesse (l’herbe) pour le bouricon (âne)del pompillone ! (de papa)Si de là haut elle nous voit, je l’embrasse !Tio Rojo (tillo ) l’homme roux, mon grand père maternel que je n’ai pas connu, mais dont j’ai entendu parler.

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La tia bouriquera ( la dame qui a ou qui a eu des ânes)Bientôt nous allons voter pour élire nos maires ; qui n’a pas vécu les élections municipales au Télagh, n’a rien vu !Mon père a été fâché longtemps avec son jeune frère Henri, à cause des élections. Mon père était sur la liste de Monsieur Cambon, le maire sortant et mon oncle travaillait chez Pierre Bernabeu qui briguait le fauteuil , donc il le soutenait. Les poètes s’en sont donnés à cœur joie, chaque jour était publié un pamphlet  ! il y a même eu des crêpages de chignons :

Et Valérie au volant de sa vedetteDescend, pour assommer Odette !

Je cite ces vers de mémoire tant ils m’avaient marqué. Le jour dit, les gens allaient voter et vite ils rentraient chez eux. Heureusement ça ne durait pas, et souvent ça se terminait par une paëlla géante que l’équipe élue offrait à ses électeurs. En ce qui concerne mon père et son frère, un jour mon père était sur le bord d’une route, une roue de son camion avait éclaté, et là qui arrive et vient le dépanner, Henri son frère qui a toujours eu une très grande affection pour son aîné de vingt ans qui l’a élevé, bien entendu ils se sont réconciliés, et mon père qui était de mauvaise foi nous disait :-mais moi, je n’ai jamais été fâché avec mon petit frère !

Quelques jours avant Pâques, beaucoup de ménagères préparaient des « mounas » (brioches pieds-noirs), il y en avait toujours une petite pour les enfants, avec en son milieu un œuf. Comme le nombre de brioches était important, c’est au four du boulanger que l’on allait les faire cuire, il fallait prendre rendez-vous pour avoir son tour ; à la maison elles étaient stockées dans un endroit frais et recouvertes d’un linge bien blanc, pour ne pas que les mouches aillent dessus, on se méfiait de la « moscarda » (la grosse mouche verte qui pond) On avait droit de se régaler avec la mouna, le dimanche de Pâques, pas avant, carême oblige !Avant Pâques il y avait le dimanche des rameaux et nous les enfants notre rameau était décoré de friandises, petits sujets en sucre et en chocolat. Je devais avoir six ans, j’avais étrenné une belle robe blanche que ma sœur m’avait fait et un joli boléro en angora, j’arrive à la messe avec mon rameau et toutes ces tentations suspendues, on m’avait bien recommandé de ne pas en manger pendant la messe, j’avais beau essayer de suivre la messe, mais pensez-vous je les avais là sous mon nez, ils me narguaient,ces poules, ces cloches, ces lapins, ces œufs, n’y tenant plus je me saisis d’une poule en sucre à la crête rouge et aux yeux bleus, c’était bon ! tout d’un coup ma mère m’a regardée, j’ai compris à son regard que j’étais marquée du sceau de la honte, ma bouche était bleue et rouge, j’ai voulu m’essuyer c’était pire et en plus le joli boléro et la robe ont été tachés, ma

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punition c’est que quand la messe a été terminée tout le monde a rigolé, j’aurai voulu m’enfuir, mais tu parles j’avais toujours la branche d’olivier avec toute la basse-cour pendue, va courir avec ça !Le lundi de Pâques, nous partions manger le riz à Séfioun (direction de Saïda), ou au trou du curé sur la route de Bossuet. Une nappe à même le sol, la gargoulette enveloppée d’un linge humide au milieu, on s’asseyait par terre et c’était le bonheur ! ça commençait pour les grands par l’anisette Gras avec la quémia (on dit maintenant les amuses-bouches) les fèves, les pois-chiches grillés, les olives noires à l’eau Crespo, les variantes (petits légumes au vinaigre) nous les enfants on avait droit au sirop ou au coco (dans un litre d’eau on mettait un paquet de poudre de coco, ça faisait une boisson jaune au goût de réglisse) il y avait aussi l’anthésite. Pendant ce temps dans la poêle le bouillon safrané et tous les bons ingrédients mijotaient en attendant le riz qui ne serait mis qu’au dernier moment, il vaut mieux attendre pour le riz parce qu’après il se transforme en « gatchas » (pâte trop cuite). En entrée : salade juive, oh ce goût de poivrons et de tomates grillés ! un délice ;et la reine de la fête la grosse poêle de aroz ! esta de olé (elle est extra) même les oiseaux ils attendaient avec impatience leur part ! la salade, le fromage, vous vous rappelez le camembert avec une fleur en plastique dedans ? on faisait après des bouquets ,(je suis sure que des collectionneurs ont encore ça) et le dessert avec la mouna on goûtait, on comparait, celle là est parfumée à l’anis, celle là au citron et hop un petit coup de mousseux ou de thé à la menthe pour faire glisser. Les jeunes gens un peu gais s’amusaient parfois à frotter le fond de la poêle et ensuite ils barbouillaient celle qu’ils pouvaient surprendre, c’était des poursuites avec des cris et des rires, nous les enfants on riait quand la victime revenait le visage tout noir, ou bien c’était avec de la farine et là, la demoiselle avait pâli d’un seul coup ; les anciens à l’écart faisaient la sieste le visage masqué par un chapeau ou un mouchoir ! c’était le bon temps d’avant, le temps d’avant les évènements !Pour préparer Noël, dans toutes les maisons quelques jours avant c’était l’effervescence ! le gâteau traditionnel avec la bûche : el mantecao ! (pâte sablée saupoudrée de cannelle) la championne du mantécao c’est ma tante Béatriz Lazar ! elle nous faisait des minis au citron, à l’orange, ils étaient présentés dans des petits moules plissés en papier, c’était beau et bon !Vous vous rappelez la bûche maison, les oreillettes, le turron de Jijona, les pralines, les chocolats, les fondants, aie aie aie les dents !Le père noël on attendait ça avec impatience, oh ces matins de noël quand on se levait et qu’on se précipitait pour découvrir tous les cadeaux au pied du sapin ! nous n’ en avions pas autant que les enfants maintenant, mais c’était la joie quand enfin on

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avait le jouet désiré. C’est mon cousin Jean-Jean encore lui qui un matin de noël a mis fin à cette belle légende du père noël :-le père noël n’existe pas, c’est les parents qui achètent les jouets !avec ma cousine Helyette on a pleuré, pleuré pensant que jamais plus nous n’aurions de cadeaux. Il faut toujours croire au père noël !Le jour de l’an, les enfants nous allions souhaiter bonne année aux voisins, c’était comme Halloween bien avant l’heure, sauf qu’on n’ était pas déguisés et que nous ne jetions pas des sorts si on ne nous donnait rien ; des chocolats par ci une petite pièce par là, on revenait contents comme tout à la maison.

Maryse, Clotilde, Yves, Marcel, Raymonde sommes devenus des ados, c’était pas encore le temps des yé-yé mais déjà Dalida chantait Les enfants du Pirée, Léo Ferré Jolie Môme, Paul Anka Diana, les Platters Only you , le rock and roll venait de faire son apparition et il était « around the clock »avec Bill Haley. Un après midi, j’allais à la piscine Campos (route d’Ain Tindamine) j’avais le transistor emprunté à mon oncle Juan le frère à ma mère, je rencontre André Castellon qui allait se baigner aussi, nous avons fait le chemin ensemble et nous avons entendu cette chanson « jolie môme » la voix de Léo ferret et le texte, nous avons trouvé ça « extra ». Dédé est plus âgé que moi, cette année là, pour se faire de l’argent il donnait des cours de vacances et, justement j’allais chez lui travailler les maths ; je portais une chevalière au doigt, un jour il me demande, tu peux me la prêter, moi très gentiment je lui passe la bague, quelque temps après il me la rend, nous étions un groupe dont Marcel Encinas, celui-ci me dit tu peux me la prêter, je ne pouvais pas refuser alors que j’avais dit oui à Dédé ! et en plus c’était vraiment sans malice aucune, ma mère l’a appris par une chéqueme (rapporteuse) je me suis faite incendier, elle a ensuite été voir la mère de Marcel, dix minutes après je te vois arriver devant la maison la délégation, ma mère, madame Encinas, Marcel rouge de confusion ; on me fait venir et là j’entends :-rends lui sa chevalière, que mon fils c’est pas un voleur !-mais je lui ai prêté !-toi, tais-toiIl m’a rendu la bague, sans un mot, nous étions tous les deux honteux, et dépassés par cette histoire. ça ne nous a pas empêché par la suite d’être copains.

C’est Yves Talence qui a fait la première surprise-party, on dit maintenant une « boum ». Il avait invité deux copains du lycée de Sidi Bel Abbés et, je me rappelle de Roland Butteau, il avait souvent cette réflexion : Agua ! et moi je lui répondais : vino ! et on rigolait avec l’insouciance de la jeunesse. Il y a eu d’autres « boum » et je pense à celles qui ont eu lieu dans la salle de

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classe maternelle, la directrice nous la prêtait, je venais danser à l’insu de mes parents qui n’auraient pas compris que j’aille sans chaperon. Il n’y avait pas d’alcool, ni tabac et ça ne nous empêchait pas de nous amuser et de rigoler. La mode était aux jupes gonflantes, pour qu’elles soient bien bouffantes on mettait un jupon en crin de nylon (ça grattait) et le vêtement était amidonné avec de la farine de lin et surtout fin du fin, il fallait repasser un peu humide ! pour danser ça allait, mais pour s’asseoir c’était pas très pratique.Yves, Gérald Constant, et quelques autres ont monté un orchestre, ils se sont produits au café Munoz qu’avait repris Joseph Ortega, la salle était à l’étage (si j’ai bonne mémoire) il y avait beaucoup de monde, les militaires venaient au bal, beaucoup de jeunes filles du Télagh ont trouvé l’âme sœur grâce aux bals.Je ne peux pas parler des bars du Télagh sans évoquer « la tournée des grands ducs » ! cela consistait à faire en une soirée, la tournée de tous les établissements du village. Ce n’est pas offenser la mémoire de mon père que de dire qu’il a fait partie de ces « ducs », monsieur Espinosa, monsieur Edmond Garcia, et le musicien du groupe, monsieur TCHOUMINO. Point de départ café de madame Perret, suivaient , Ramon Bernabeu, Munoz-Ortéga, Bamy, Segura, Campos, et Bucher. Papa m’a raconté, qu’à l’issue d’une de ces tournées des « grands ducs » Tchoumino les invite à souper chez lui, ils arrivent chez leur hôte, sur sa table de la ferraille partout, il la pousse un peu, il les fait asseoir, il prend son accordéon et là il commence à jouer « tira pépé, tira juan » et ça dure, les estomacs excités par la « majia » (anisette) criaient famine, alors l’un d’entre eux ose demander :-on mangerait pas maintenant !et tchoumino de répondre :-ça vous suffit pas ma musique ! poh joël (morbleu)Et tout le monde de regagner son doux foyer.

Chez madame Perret, il arrivait que « les ducs » commandent l’anisette comme on commande du tissus. -Gilberte un mètre d’anisette !un certains nombre de verres étaient servis sur cette longueur désirée et ces messieurs, avaient tout le temps de parler à leur guise, le verre à portée de main, sans avoir à refaire servir la tournée.Chez madame Perret il y avait aussi un curieux personnage répondant au nom de HAMDI. Il buvait en solitaire au point de tituber quand il repartait chez lui, il avait une méthode personnelle pour franchir la porte : il arrivait péniblement en face de la porte, il se mettait au garde à vous, il prenait son élan et hop il se retrouvait à l’extérieur, eh bien là s’il vous plaît, il se retournait vers l’assistance, et avec un salut militaire il s’exclamait :-RAMDI ! tojors plous fort !

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Les dimanches à partir de 17 heures tout le monde se mettait sur son 31 pour pratiquer « le boulevard » ! ça consistait à descendre et monter la rue principale sur une certaine distance en l’occurrence, de la gendarmerie jusqu’au café l’Escale (chez Séraphin et Hortense Segura). Chemin faisant les langues allaient bon train :-anlle, t’yas vu celle là comme elle est maquillée ? on dirait un carnaval !-et celui-là le pauvre, il a sorti le pantalon de sa première communion !et je ne parle pas des mémés assises devant leur porte, qui plissaient les yeux et avançaient la tête pour mieux voir et pouvoir critiquer. Ça faisait partie du folklore et ce n’était jamais méchant. On faisait une petite pause, en s’asseyant sur la murette de la place parce que si on était rentrés s’asseoir sur les bancs, on aurait tout loupé ! les terrasses de café étaient pleines, les glaces étaient bonnes, tranches napolitaines et autres cornets à la pistache et moi gourmande devant l’éternel, je dois au mélange glaces et caramels Kréma, une terrible indigestion (on dirait maintenant une gastro) qui m’a guérie pour longtemps de ces deux sucreries.Les sucreries je les achetais le plus souvent chez Sirventé, je disais qu’on m’en excuse  « la grosse Munoz ». Les gros chewing-gum Globo étaient quelquefois gagnants alors, on en avait un autre, on te faisait de ces bulles que des fois quand elles éclataient tu en avais plein la figure, le pire c’est quand on s’endormait avec et qu’au petit matin on se réveillait les cheveux tout collés ; il y avait les rouleaux de réglisse avec le petit pois de couleur au milieu, les petits caramels à 1ct de franc, les sucettes au lait, les coquillages à sucer, les gros caramels pâtissier, les rochers Suchard, bref si on me donnait des sous j’avais vite fait de les investir ! A côté de la marchande de bonbons, il y avait la librairie Bernabeu, les parents à mon amie Eliette, c’est Raymonde, sa sœur, qui servait, j’allais m’acheter des mickeys, pipo, double rhum, les pieds nickelés, etc une fois lus on les échangeait avec les voisins ; un peu plus tard j’ai commencé à m’intéresser à Jour de France, on voyait les vedettes et les gens du grand monde, le mariage de Rainier et Grâce de Monaco, la naissance de Caroline, les premières photos du beau Johnny. Au café Ortega il y avait un scopiphone, et on voyait Johnny se déhancher en chantant « Laisse les filles »Elle était pas belle la vie, en Algérie ?

VIRAZEIL, 22.02.2008

Pour ma famille, mes amis Télaghiens, et tous les invités du site à

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JULIO COLETTE GARCIA-TEULET

Comme toutes les petites filles du Télagh, je croyais au père Noël, qui a notre époque était plutôt le « père invisible », car on ne le voyait jamais, tellement son traîneau était rapide, ( à mon avis ce devait être plutôt une fusée…. !). De plus, disait-on , même dans les rhaïmas , il aimait tellement les petits enfants que de distribuer tant de cadeaux à tous avec tant d’amour, le fit devenir tout rouge de plaisir.

Bien sûr son arrivée était signalée par trois coups à la porte, bien tapés, comme au théâtre, et nous attendions craintivement et avec beaucoup d’impatience et de joie, que nos parents nous appellent, pour découvrir la mise en scène de la remise des cadeaux, que notre immense sapin de ses branches protectrices, couvait à ses pieds.

Mais cette année là, tout avait changé, tout s’était écroulé pour moi, le père Noël, n’existait plus, c’était ce que j’avais appris à

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l’école, par les plus grandes. Le père Noël était-il vraiment une ordure ? Non….. !, non….. !, ce n’était pas possible. Au fond de moi-même je ne voulais pas y croire.

Nous devions fêter ce Noël, chez ma tante Lita, à SIDI BEL ABBES, la grande ville, c’était formidable et en même temps un événement inoubliable pour moi, et sans doute pour tout le monde. Une fête porteuse de temps de plaisirs et de joie : retrouvailles avec tous les cousins et cousines que j’aimais tant, les tantes et oncles… si imposants, avec toujours une gentillesse à dire ou à faire, et toute cette bonne chère et surtout gourmandises qui nous faisaient tirer la langue, bien acceptée cette fois, car il en était de même pour les grands.

L’après-midi, avant toutes ces agapes, pendant que nos mères préparaient la fête, nous, les petits étions gardés par nos cousins et cousines chez ma tante Françoise. Et durant toutes ces heures je n’ai cessé de dire et répéter : « Je sais qui est le père Noël, …je sais qui est le père Noël … ! na…na….na .. ! Bien sûr au fond de moi j’attendais que l’on me rassurât, et que l’on me réconfortât pour garder mon rêve intact. Les grands me rétorquaient : Ah ! oui, tu sais qui est le père Noël, ….a h ! oui , tu sais qui est le Père Noël, en se grattant la barbe, qu’ils n’avaient pas. Ce geste aurait dû me laisser présager une mauvaise farce, mais j’étais trop occupée à les embêter et essayer d’avoir la vérité….vraie ! Eux au moins, ne pouvaient me mentir. Rien n’y fit, ils ne me dirent rien de plus.. !

Le moment tant attendu, arriva, je veux dire la remise des cadeaux, car tout s’était déroulé comme prévu, dans la bonne humeur et la joie. Le père Noël était là, bien sûr, était-ce l’oncle Jean, ou l’oncle Denis, pour qui j’étais « la Négra », il savait déjà que j’irai dans les îles, ou bien mon père ou peut-être bien l’oncle Michel ?

Après un regard interrogateur sur les uns et les autres, je découvris la couvée sous le sapin, tous ces présents sur lesquels les chaussures « bien cirées » de chacun des enfants trônaient, afin que l’on reconnaisse respectivement nos cadeaux.

Et quelle fut ma Surprise…. ! pour moi, sur mes chaussures, un seul petit paquet misérable et mal ficelé était posé., et juste à côté , celles de ma sœur Isa, triomphales…, reposaient sur plusieurs et énormes paquets.. Vite, je retournai la situation à mon avantage, en disant que cette paire-ci était la mienne, et que le petit paquet était pour ma sœur. Mais là, malgré mon insistance, mes cousins me confirmaient évidemment le contraire avec l’approbation de tout le monde.

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J’étais obligée de me rendre à l’évidence, et c’est avec beaucoup d’inquiétude que le cadeau fut déficelé, avec nul empressement comme à l’accoutumé, et la crainte de ce qui était annoncé.

Et alors là….. !,le choc de ma vie …. devinez ce que je découvris, …une crotte, une vilaine crotte, (entre nous soit dit, je n’en ai jamais vue de jolie, même chez les bébés) soit, mais celle-là, , bien qu’inodore, d’imitation des plus douteuses de part sa couleur et son aspect, et qui plus est n’était pas de moi…. !, c’ était inacceptable. Vous en conviendrez…. !

Cette leçon m’a servie, car maintenant, à 57 ans, je crois toujours au père Noël. Je suis toujours très gâtée car il doit se faire pardonner pour la grosse peine et rage qu’il m’a infligées et, depuis , chaque année, j’ai en prime un petit paquet de plus, rouge bien sûr, c’est sa signature…, bien ficelé de ruban doré, , et à l’intérieur, devinez quoi …… des crottes……plein de crottes, oui ! …..mais au chocolat, et si vous aussi vous y croyez toujours et si vous êtes bien sages vous connaîtrez la suite….. !!

Geneviève PUIG née SEGURA

Le 16.02.2008

L’année 1968 -1969 n’était rien par rapport à celle de 1961 qui fut pour moi terrible, pensionnaire chez les Sœurs Fénelon à Sidi Bel Abbés dans l’ Oranie.Séparée de ma famille résidant au Telagh, pour de bonnes raisons, me voilà enfermée pendant quinze jours minimum, si mon comportement se révélait exemplaire.Imaginez mon excitation et mon immense Bonheur lorsque se présentait à moi, mon père avec ses yeux gris de velours et son beau sourire pour m’enlever de ce lieu sinistre ,et me ramener vers les miens à bord de sa Peugeot 203 grise .

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Cette année là, ma petite sœur Geneviève (Ginou) se fait opérer de l’appendicite, forcément à Sidi Bel Abbés et forcément accompagnée de maman, à deux pas de mon pensionnat.Il était impossible pour moi d’imaginer leur présence dans cette ville sans réagir. Après deux ou trois nuits de réflexion et avec la complicité du Christ qui se trouvait au dessus de mon lit, je devais réagir, donc m’évader…, mais comment… ? La porte d’entrée véritable forteresse gardée par une redoutable geôlière Sœur Clotilde la plus âgée du Couvent qui avait comme mission de surveiller la porte et d’entretenir tous les objets précieux et religieux de notre Chapelle.Une seule solution lui proposer mon aide pour le nettoyage, trop contente d’avoir un peu de compagnie, elle accepte avec joie ma proposition, dépose les clés sur la petite table, sort son échelle afin de pouvoir récupérer les objets qui se trouvent en hauteur dans un placard.

Pas une minute à perdre je m’empare des clés je me précipite vers la porte, je transpire, je tremble je suis au bord de l’évanouissement, mais toutefois mes gestes restent précis. Rien ni personne ne pouvait m’arrêter, j’irai jusqu’au bout et j’y suis parvenue, j’ai réussi mon évasion, avec en retour tout ce que cela comportait en sermonage, en culpabilité et en punition.Le respect des pensionnaires pour mon Courage et l’Amour de ma Famille pour ma petite personne a largement compensé cette prise de risques qui fut de moi une Héroïne...

Isabelle NIKOLIC née SEGURA

Le 07.03.2008

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Des Souvenirs enfouis dans ma mémoire, resurgissent les jeux avec lesquels nous avions l'habitude de jouer au milieu des années 1950 au TELAGH en Oranie .Se présentaient à nous plusieurs choix: la Toupie, le Pitchack , les Pignols , le Carrico , le Stack , dont je vous ferai une rapide description dans l’autre chapitre.Ma préférence allait au Carrico mot espagnol qui signifie "petite charrette" diminutif de Carro ( chariot ) dont j'étais un fervent adepte et qui me procurait des émotions très fortes.Il s'agissait à l'aide de cet engin diabolique de dévaler à tombeaux ouverts la rue au dénivelé important ,afin d'accentuer la vitesse de notre Carrico.Cette descente infernale se situait sur la Nationale 13 à la sortie du village vers la demeure de mon grand-père Bautista Parra direction Sidi Bel Abbès .

Encore fallait-il posséder ou avoir construit son petit bolide qui se composait de matériel simple : une solide planche ,un morceau de

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chevron ,trois roulements à billes faisant office de roues, un gros boulon avec écrou et rondelles, quelques clous et une petite corde.La difficulté majeure était de se procurer des roulements à billes, mon fournisseur préféré Mr Asencio dit " Goubi " avait son garage à coté de la menuiserie Lucas Parra et du bar à mes parents "L'Escale" .Non content de nous offrir ces précieux roulements ,et devant nos difficultés il nous aidait à les fixer sur le chevron avant.

Dans sa phase finale notre Carrico avait fière allure ,en forme de croix avec sa planche rectangulaire ou nous étions assis, deux roulements fixes à l'arrière, un à l'avant au milieu du chevron ou nous posions nos pieds et qui permettait de tenir le cap.La manière la plus impressionnante et dangereuse était celle ,ou allongé sur la planche, en tenant ses jambes parallèles au sol, je dirigeai l'engin avec mes avants bras , le sol défilait sous nos yeux à une vitesse folle accompagné d'un bruit infernale .La descente était très rapide ,mais une fois en bas ,il fallait prendre son Carrico sous les bras ,remonter la cote ou nous attendaient impatiemment les copains ,et recommencer à maintes reprises pour notre plus grand Bonheur, ils nous arrivaient d'être suivis ou de croiser des voitures peu nombreuses il est vrai.

J'ai appris beaucoup plus tard que certains villages organisaient des courses de Carrico le dimanche ou jour de fêtes, certains de ces petits bolides avaient un équipage avec deux ou trois petits garnements .Ces Carricos plus imposants atteignaient de grandes vitesses du au poids de son équipe ..mais là dure ….dure serait la chute…...ah! ….Souvenirs …..Souvenirs ...

Jules SEGURA

Le 17.02.2008

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Qu’il est loin le temps où, assise sur ses genoux, les genoux de mon papa, je lui disais « papa, parle-moi de l’Algérie ». L’Algérie, ce pays au doux accents de soleil, inconnu, qui faisait partie de moi je le sentais déjà, et le ressens encore aujourd’hui. Le regard brun aux reflets dorés (le soleil de l’Algérie je le savais) s’embrumait alors, en un fugace mais perceptible instant ; éclaircissant sa voix, il se mettait à raconter ses souvenirs d’enfance…Heureux souvenirs de gamin insouciant, loin du drame qui se tramait.Il commençait souvent ainsi, sans doute pour mieux se remémorer ces lieux baignés de lumière, SES lieux heureux :

« Nous habitions Le Telagh, un petit village près de Sidi Bel Abbés. Nous vivions dans la ferme « Fakrounia » où travaillait ton grand-père. Il se levait tôt tu sais, et partait s’occuper tour à tour des bêtes et des champs, il aidait toujours les ouvriers qui l’accompagnaient. Ta grand-mère s’affairait près de nous, et elle avait bien du travail ! ».

Il marquait souvent une pause, comme si les souvenirs remontaient lentement, après être restés longtemps enfouis, jalousement préservés. Le regard d’or s’illuminait, et il reprenait son récit.

« Dans la cour, nous avions une grande volière. Un de mes passe-temps favoris était d’observer et de capturer les oiseaux qui venaient s’abreuver

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aux auges remplies d’eau. Ils venaient se désaltérer en piaillant, secouant leur plumage poussiéreux. Je plaçais des brindilles d’alfa, perchoirs artificiels, que je badigeonnais malicieusement de colle ( glu )…les jolis étourdis n’y prenant garde, je les capturais sans peine pour emplir ma volière, après avoir soigneusement nettoyé le piège qui engluait leurs frêles pattes. Combien de moineaux, roitelets, pinsons , serins, fauvettes et chardonnerets sans méfiance se sont ainsi retrouvés captifs ! Pour ma plus grande joie ! ».

« Papa, raconte-moi encore ».

« Parfois j’allais faire un tour du côté de l’étable, j’aimais l’odeur du foin, j’aimais regarder les veaux nouveau-nés téter leur mère… d’horribles couleuvres prenaient parfois leur place, gourmandes, pendues au pis généreux et me faisaient fuir en hurlant. J’allais alors rejoindre la place du village où des jeux trépidants m’attendaient. J’étais assez téméraire. Le Carrico nous procurait les plus vives sensations. Cependant, je trouvais un jour de quoi enrichir davantage mes sources d’adrénaline… muni d’un parapluie j’escaladais le toit de la ferme, et décidais de sauter en parapluie. La chute fut dure sans para-chute ! ».

Aujourd’hui je sais qu’il y a d’autres souvenirs, obscurs, effrayants ; noirs cauchemars, rêves agités, brusques réveils dans la nuit.

Mais moi, je garde dans mon cœur l’or de ses yeux, le sourire de son visage quand il me racontait l’Algérie. L’Algérie est un pays au cœur meurtri, les Algériens d’aujourd’hui conservent les mêmes doux souvenirs et les enfants jouent encore au Carrico. A Oran on mange toujours la Calentita, préparée à chaque coin de rue, et les vieux assis sur leur pas de porte parlent en espagnol, et des bénévoles algériens refont vivre les lieux du passé commun en guidant les touristes…Les rayons du soleil réchauffent chaque soir Santa Cruz……….

Carine SEGURA

Le 21 février 2008.

A mon père que j’aime plus que tout et qui a su faire face aux démons du passé.

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Souvent les souvenirs de notre enfance sont liés à des recettes spécialement réalisées lors de la préparation de fêtes comme : Noël ou Pâques. Je me souviens particulièrement de PÄQUES et la "MOUNA". Pendant la semaine sainte, ma mère préparait la pâte des mounas: elle y apportait beaucoup de soins et notamment au pétrissage et au levage de cette pâte . Quand tout lui paraissait être accompli, elle prévenait ses amies, qui elles aussi avaient franchi les mêmes étapes, et nous nous rendions chez le boulanger , avenue KLEBER à SIDI BEL ABBES, dénommé "EL TIZNAO" . Il laissait son fournil à l'entière disposition de ces dames: son pétrin, son four à bois. Et alors là c' était l' effervescence on s'agitait ,parlait, riait mais surtout on mettait en forme les mounas: des grosses, des moyennes, avec ou sans oeuf pour les enfants, mais surtout il ne fallait pas oublier de graisser le fond avec du saindoux......... Ensuite le boulanger enfournait le tout et nous attendions la fin de la cuisson soit au fournil ou peut être chez l'oncle Michel CANTON dans son bar à côté du cinéma LE PALMARIUM à mes parents . Les mounas emballées soigneusement, deux jours plus tard nous prenions la route pour le TELAGH où nous allions passer PÄQUES chez ma tante Hortense et mon oncle Séraphin SEGURA.

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Le samedi, après 10 heures, nous pouvions, enfin, goûter les mounas.

Maman choisit la plus jolie avec un oeuf et l'offre à Séraphin qui la prend délicatement puis sort en courant la portant à bout de bras et s'étale sur le

trottoir...., Je ne me souviens plus a t il pleuré ? Il me semble que Séra ne pleurait jamais, je l'ai toujours vu rire...

Elisabeth DUBOIS née SEGURA

Le 26.02.2008

Un souvenir émouvant qui restera ancré dans ma mémoire .

Ma scolarité , en primaire s'est effectuée sur deux écoles, de la maternelle au CE1 à l'école communale de ZEGLA , aujourd'hui MERINE, et la deuxième partie de ma scolarité : l'école de garçons du TELAGH. De ce fait; ma grand-mère BERGER et mon oncle ALBERT "BEBERT" pour les intimes assuraient le gîte et le couvert. J'étais très heureux, et mes meilleurs souvenirs en tant qu'enfant datent de cette période. Bien entendu, en fin de semaine, je rejoignais mon domicile à ZEGLA. Avec mon oncle, nous entreprenions de beaux projets, et faisions énormément de découvertes, nous étions très proches l'un de l'autre, et mon oncle était très fier de me présenter à la clientèle, il était bourrelier et l'atelier était envahi des odeurs de cuir, de crin et toiles huilées. Il m'apprenait le travail sur le cuir avec l'utilisation de tous les outils spécifiques ...C'était une période bénie.

Dès les premières chaleurs - mai, juin - en fin de journée; nous prenions la PEUGEOT 202, véhicule porteur d'émotions à l'état brut, puisque mon oncle m'autorisait à "conduire" en me faisant asseoir sur ses genoux, je n'accédais pas aux pédales, mais j'étais

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heureux, heureux. Nous prenions , à la sortie du TELAGH, la direction de ROCHAMBEAU, 8 kilomètres, et ensuite direction CHANZY. Arrivé, nous stoppions le véhicule sous les arbres, une cascade ou une source jaillissait dans les rochers, et un nuage de vapeur d'eau s'échappait de ce déluge d'eau. C'était un site fantastique, la végétation luxuriante venait contraster avec la forte chaleur de journée. Nous étendions une couverture, et le panier était vidé, c'était la surprise, car tout était préparé dans la confidence ... mais les effluves de la cuisine, lors de confections du pique nique nous mettaient déjà l'eau à la bouche. La soirée se terminait dès que les premières étoiles scintillaient, et nous restions immobiles, en attendant d'apercevoir les premières étoiles filantes ; le signal du retour était annoncé, tandis que la lune nous offrait son éclairage, il fallait rentrer.....Et , mon oncle reprenait le volant, tous phares allumés, je surveillais le compteur kilométrique, 28 kilomètres à parcourir, quelques chauves-souris, des oiseaux de nuit cisaillaient les faisceaux des phares de la PEUGEOT. Le retour s'effectuait dans le calme, pas d'autoradio ni circulation, nous étions seuls sur la route du retour; de temps en temps, mon oncle se signalait par quelques coups de klaxon , quant à ma grand-mère, elle restait imperturbable et acquiesçait sans doute, les derniers moments de bonheur. C'était nos dernières sorties nocturnes, car le vent de l'histoire est venu gommer toutes ces joies simples, tous ces moments inoubliables qui resteront à tout jamais enfouis au plus profond de moi. Personne ne pourra effacer ces doux moments , car, sans contestation, qu'elle était belle notre région ! ! ! ! ! ! !

Henry DURAND

Le 27.02.2008

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Au TELAGH

Il était de tradition lors des fêtes de fin d'année de confectionner un repas festif et pourquoi pas un "repas de roi". Je me souviens encore aujourd'hui de ces moments de bonheur, qui resteront gravés dans ma mémoire, et ces souvenirs heureux, au milieu de ma famille, moment de partage, moments d'émotions lorsque je découvrais les paquets, tous les cadeaux qui entouraient le sapin de NOEL , le vrai, illuminé avec des bougies. J'en viens à mon repas, c'était ma grand-mère qui était le "chef cuisinier", le menu : la dinde traditionnelle, une dinde élevée dans la basse-cour; bref , une dinde telle que l'on ne doit plus trouver .... La préparation de ce plat était soumise à un grand cérémonial, je ne vous décrirai pas les prémices, seule, ma grand-mère en était capable de pratiquer, et dans les règles de l'art. Une fois, la dinde déplumée et ficelée, la bestiole était placé sur un plateau et acheminée, direction le four à pains de la boulangerie ALONZO , vous situez, j'en suis persuadé. Le boulanger offrait son four après le retrait de sa dernière fournée, disons 11 heures du matin, et c'est à ce moment là que notre dinde occupait le four. Une

température idéale pour rôtir cette pièce entre 2 et 3 kg . Je vous rappelle que ce four était chauffé au bois, aux ceps de vigne, que

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du bonheur pour notre nez, cela ne s'oublie pas, et tout naturellement, monsieur ALONZO était le maître incontesté du savoir-faire pour quantifier la température de son four. La dinde cuisait, et après quelques heures de cuisson, je me rendais, accompagné de mon oncle pour récupérer cette dinde dorée à point. Il ne restait plus qu'à la découper et déguster ce festin, et toute la famille réunie autour de la grande table, chacun des convives donnait son appréciation ...Bravo MAMIE, ta dinde est un délice ...etc. Un grand merci à monsieur ALONZO, j'étais très jeune, je n'ai pas du le remercier à ce moment là, mais ce souvenir de ces moments resteront gravés dans ma mémoire, NOEL au TELAGH, j'en redemande , la joie de nos jours heureux à partager avec notre famille de "TELAGHIENS".

Henry DURAND

Le 24.02.2008

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L'échange de quelques phrases au téléphone avec d'anciens habitants du Telagh , a suscité en moi, une intense émotion agréable, accompagnée d'une évocation soudaine d'une partie de mon PASSE .

LA GRANDE FAMILLE DU VILLAGE .

Après avoir quitté, plutôt abandonné le Télagh en 1961 , je me suis rendu compte au fil des années, que les européens du village étaient les .membres d'une même famille .Beaucoup de familles établissaient un réseau de relations privilégiées parmi les membres de cette grande « smala « .D'autres familles plus discrètes, plus repliées sur elles- mêmes, restaient solidaires par la pensée avec tous les habitants du village. IC'est ainsi qu'une chaîne de sympathie s'était créée parmi la population du village .

VOICI QUELQUES EVENEMENTS ILLUSTRANT MA THESE SUR LA SOLIDARITE DE TOUS LES TELAGHIENS .

LES CLOCHES DE L'EGLISE

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Lorsque la cloche de l'église annonçait par le glas le décès d'une personne, une grande émotion nous saisissait .Nous cherchions à connaître le nom de la famille endeuillée. Chez nous, bien souvent, un paquet de bougies était adressé aux proches du défunt .Lors du passage du convoi funèbre, un grand frisson parcourait tout notre corps, en percevant, les pas cadencés des accompagnateurs et la voix du prêtre psalmodiant les prières des morts.

LE MARIAGE

Lors d'un mariage les cloches de l'église carillonnaient et les habitants étaient avertis qu'un événement heureux se produisait. Tout le monde se réjouissait de la nouvelle .Beaucoup d'enfants se rendaient à l'église et attendaient la sortie du cortège pour déguster quelques dragées .

L'ENTRAIDE ENTRE DES GARCONS DE DIFFERENTS MILIEUX .

L'événement se déroule en 1931. En passant devant une maison de personnes peu fortunées, deux garçons surgirent et nous demandèrent ( à mon frère et à moi) poliment, de bien vouloir les accompagner au bosquet, pour effectuer une corvée de bois. Nous étions en saison hivernale.Leur proposition fut acceptée .A notre retour, le papa de ces jeunes garçons prit une miche de pain et donna à chacun de nous une généreuse tranche. Soixante ans après, j'éprouve un certain remords d'avoir accepté cette récompense. Je suis persuadé que ce pain dévoré par mon frère et moi, leur fit défaut au moment du souper. Mais comment des enfants de 8 à 6 ans pouvaient-ils refuser, ce qu'un père leur donnait si généreusement ?

LES FOSSES SEPTIQUES.

Au Télagh , jusqu'aux environs de l'année 1945, les fosses septiques étaient entretenues par des vidangeurs aux méthodes moyenâgeuses .Ces personnes au travail ingrat étaient au nombre de 3 .Le chef d'équipe rongé par la solitude, s'enivrait périodiquement. Pendant ses crises d'éthylisme, il provoquait les passants et déchaînait la fureur de petits voyous .Une véritable bataille de pierres s'organisait .Le chef d'équipe et l'européen adjoint au premier, étaient aidés par un arabe boiteux .Ce dernier personnage était surnommé le boiteux , voleur de poules .L'européen adjoint au chef d'équipe menait une existence misérable. Vers les derniers jours de sa vie, il était hébergé à l'infirmerie fréquentée uniquement par des arabes .Un jour de printemps par une chaude journée, ce pauvre hère s'était allongé à même le sol, près de l'école des filles .Accompagné d'un camarade européen et de deux camarades arabes, nous nous étions attendris sur l'état de ce pauvre personnage .Soudain, l'un des deux arabes, inspiré par le démon

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proféra des paroles odieuses accompagnées par des gestes abjects, à l'égard de ce pauvre déshérité .Surpris par l'attitude bestiale de cet individu, j'assistais sans broncher à ce lynchage .

Aujourd'hui , 70 ans après, je me reproche cette attitude .Avec du recul ,je pense que j'aurais dû intervenir et rompre mes relations avec cet énergumène .

UN INSTITUTEUR QUELQUE PEU SINGULIER .

Vers les années 1935 , j'ai eu le triste privilège d'être l'élève d'un instituteur un peu bizarre !Ce pédagogue se présentait sous une double étiquette .OPERATEUR CINEMATOGRAPHEIl eut le mérite de se démener pour acquérir un cinéma parlant. Les séances de projection de films intéressants occupèrent en partie, les loisirs des élèves et de la population .

LE MINABLE PEDAGOGUE

C'était un anarchiste « ni foi ni loi « .Il paraissait vouloir endoctriner ses jeunes élèves. Il ne parlait que de la Révolution de 1789 .Cette brute avait des procédés anti-pédagogiques .Il giflait, il tirait les oreilles, il nous humiliait par des termes peu élogieux .Elève très timide, lorsqu'il s'intéressait à moi, il me terrorisait, au point qu'il interrompait mon courant mental. Autrement dit, il me rendait incapable de l'écouter et de réfléchir. Aujourd'hui,que j'analyse son attitude en tant que psychophysiologiste , je la classe dans la rubrique des harcèlements psychologiques.Les agissements de cet ignoble instituteur ne s'arrêtaient pas là. Anticlérical ( il s'en vantait) le jour de la catéchèse, il nous retenait pendant un quart d'heure après la sortie des classes pour irriter notre aimable prêtre !

L'EQUIPE DE FOOTBALL .

Vers les années 1935, le village possédait une équipe de football solidement charpentée par les frères Bernabeu .Attentif au score de cette équipe, j'éprouvais un sentiment de joie lorsqu'elle remportait une victoire .

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Je me souviens du différend entre l'ingénieur Arneau et p .Bernabeu .Chacun de ces deux rivaux voulait diriger l'équipe. Ce malentendu se dissipa et l'équipe retrouva sa sérénité .

LE JOUR DU MARCHE

Le marché aux bestiauxLe marché avait lieu le dimanche. Il était intéressant de se rendre prés du marabout de Sidi-Bouchakor, pour assister au marché aux bestiaux .Outre les palabres échangées entre le vendeuret l'acheteur, il était curieux d'observer comment s'opérait l'appréciation de l'état physique de la bête. Par de multiples palpations dans différentes régions du corps, l'acheteur ayant évalué approximativement le prix de la bête, faisait une proposition au vendeur .

LA FOIRE

Sur la place, prés du Palais de justice, se déroulait une espèce de foire. Un brocanteur proposait des vêtements défraîchis. En outre, nous pouvions observer la conduite du phytothérapeute , celle du charmeur de serpents et enfin celle du bijoutier équipé de sa forge .

LA TRANSHUMANCE

Vers le mois de juin dans la rue principale du village, nous remarquions de temps à autre, la descente des transhumants vers les régions littorales du département d'Oran .Ce défilé pittoresque était composé pêle-mêle, d'hommes, de femmes, d'enfants, de moutons, de chèvres et de dromadaires. Cette foule disparate se déplaçait- rapidement dans la rue du village,pour ne pas gêner la circulation des véhicules .Les dromadaires faisaient l'objet d'une attention particulière. Ils portaient des palanquins, sorte d'habitacle protégeant les filles vierges, du regard des hommes .Les européens et les arabes appelaient ces transhumants des « Hamiyen » c'est-à-dire des personnes venant des pays chauds .Le terme « Hamiyen » a pour racine « hâmi « signifiantchaud.

LES FÊTES DU VILLAGE

Les fêtes du village se déroulaient le dernier week-end du mois d'août .Les festivités duraient deux jours. Pendant ce laps de temps, les travailleurs rompus à de durs travaux, oubliaient les affres de leurs métiers .

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Après la fin de la 2e guerre mondiale, les Fêtes des années 46 -47 -48 , marquèrent intensément les débuts de ma période adulte. A l'époque j'étais un étudiant, cherchant désespérément une sémillante créature, qui aurait pu partager mon existence .Je dus attendre l'année 1949 pour rencontrer une admirable étudiante d'origine espagnole, amie intime de ma cousine, aujourd'hui ophtalmologiste .Je me souviens avec beaucoup d'émotion de l'orchestre LASSORT -GARCIA, qui fit danser , pendant de longues années, la jeunesse de l'arrondissement de Sidi Bel Abbés .Je rends hommage aux ravissantes jeunes filles qui ont désiré être mes cavalières pendant cette exceptionnelle période .Lors de ces « SERIES TANGO « le trouble émotionnel ressenti et partagé par ma fascinante cavalière, l'était d'autant plus , que la

charmante Rolande GARCIA accompagnait de sa voix envoûtante la musique de cet orchestre réputé .

A cette époque le tango qui ravissait les coeurs s'intitulait « JE VEUX ENTENDRE UNE DERNIERE FOIS TA VOIX«….En ce temps là, les INTERDITS SOCIAUX ABSURDES ( Pression sociale - Rumeur publique ) empêchaient la jeunesse de s'exprimer sentimentalement. Ces interdits devenaient dans ces conditions un agent stresseur, c'est- à dire engendraient chez les individus un stress ( perturbation de tout le système neuro - endocrino -homéostasique ) .

Si les interdits avaient été levés, je pense aux fascinantes jeunes femmes et aux adorables jeunes filles, que j'aurais pu serrer contre une de mes épaules deltoïdées , au son d'un air de tango langoureux.

LES TEMPS FORTS DU BAL

LE LANGAGE DES DANSEURS

Le bal de la fête durait environ 5 à 6 heures. Les danseuses et danseurs qui s'unissaient pendant toute la durée du bal, pratiquaient mieux que les couples fugitifs, deux sortes de langage ( le langage parlé et le langage tégumentaire ) .

LE LANGAGE PARLE :

Au cours des danses successives et suivant le degré d'affinité entre les partenaires, des propos de différentes nature étaient échangés .

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LE LANGAGE TEGUMENTAIRE :

Par le contact de la peau, les partenaires pouvaient se transmettre des sentiments profonds de l'un à l'autre. Le cavalier en saisissant de sa main gauche, la main droite de sa partenaire, par le jeu de pressions de différentes intensités, il pouvait transmettre une indication sur ses divers états d'âme .La communication tégumentaire se parachevait par la pression de la main droite du cavalier sur les régions dorsale et lombaire du corps de la cavalière.

Le joue contre joue contact suprême entre les deux partenaires, n'était pas pratiqué dans nos localités. Pour satisfaire de vieux principes de comportements erronés, les jeunes devaient s'aimer en respectant ces vieux tabous.

LA SEPARATION DES PARTENAIRES A LA FIN DU BAL

Les moments qui précédaient la séparation des couples devenaient insupportables , voire stressants..Certains signes précurseurs, nous prévenaient de l'imminence de l'événement .Le ciel étoilé bleu de Prusse changeait d'aspect et devenait bleu clair, laissant entrevoir la venue des premières lueurs de l'aube. Le bruit des charrettes des agriculteurs allant au champ, laissait présager que la fin de la partie de plaisir était proche. Certains musiciens tout en restant sur le kiosque, rangeaient leurs instruments dans les étuis. Seuls l'accordéoniste, le saxophoniste et le trompettiste donnaient encore quelque espoir aux amoureux, qui imploraient les Forces Célestes d'éterniser ces moments délicieux, sensuels et voluptueux .Le moment fatal arriva, au cours de la dernière danse, je fredonnais mentalement l'air du Tango lascif, langoureux, envoûtant « JE VEUX ENTENDRE UNE DERNIERE FOIS »A la fin de la soirée, pour respecter les règles du savoir vivre, je me séparais de ma cavalière en lui serrant la main. Je la regardais tristement rejoindre ses accompagnateurs et je me dirigeaisvers le domicile de mes parents .

LE TELAGH , TERRE DE MES AMOURS.

Je pense aux objets inanimés, les murs des maisons et aux êtres animés, les arbres des rues et des places et la nature avoisinante. Tous ces éléments, d'une manière mystérieuse ont enregistré ma voix et l'image de mon corps, comme celles de mes compagnes .Ils représentaient le support affectif de nos

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relations. Ne persistent de ces traces, que les événements engrammés dans ma mémoire .

Aujourd'hui plus rien n'existe: la dépersonnalisation de nos demeures, de nos villages, la mutilation, le saccage de la dernière demeure de nos chers disparus. L'oeuvre de nos anciens pionniers est sur le point de disparaître .

Mon récit est terminé. Je vous est présenté une infime partie de l'histoire de notre Télagh et surtout l'histoire de mon Télagh .

Louis AMOURIQ

Le 20.02.2008

 

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Le principal usage du tablier de Grand-Mère était de protéger la robe en dessous, mais en plus de cela, il servait de gant pour retirer une poêle brûlante du fourneau ; il était merveilleux pour essuyer les larmes des enfants, et à certaines occasions, pour nettoyer les frimousses salies.> > Depuis le poulailler, le tablier servait à transporter les oeufs,

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les poussins à réanimer, et parfois les oeufs fêlés qui finissaient dans le fourneau.> Quand des visiteurs arrivaient, le tablier servait d'abri à des enfants timides ; et quand le temps était frais, Grand-Mère s'en emmitouflait les bras.> > Ce bon vieux tablier faisait office de soufflet, agité au dessus du feu de bois. C'est lui qui transbahutait les pommes de terre et le bois sec jusque dans la cuisine. Depuis le potager, il servait de panier pour de nombreux légumes. Après que les petits pois aient été récoltés, venait le tour des choux. En fin de saison, il était utilisé pour ramasser les pommes tombées de l’arbre. Quand des visiteurs arrivaient de façon impromptue, c’était surprenant de voir avec quelle rapidité ce vieux tablier pouvait faire la poussière.

A l’heure de servir le repas, Grand-Mère allait sur le perron agiter son tablier, et les hommes au champ savaient aussitôt qu’ils devaient passer à table. Grand-Mère l’utilisait aussi pour poser la tarte aux pommes à peine sortie du four, sur le rebord de la fenêtre, pour qu’elle refroidisse, tandis que de nos jours, sa petite-fille la pose là pour décongeler. Il faudra de bien longues années avant que quelqu’un invente quelque objet qui puisse remplacer ce bon vieux tablier qui servait à tant de choses.

Auteur Inconnu .

Le 20.02.2008

Qui se souvient du meunier du Telagh dont je ne me souviens plus le nom , ah oui Alonzo ! ! . Nous allions lui porter du blé tendre ou dur issu de la récole de

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nos parents pour qu'il nous transforme ces grains en de la bonne farine à pains ou à mounas .

Il avait une cage à l'entrée du moulin avec des canaris . Pour que ces oiseaux puissent boire, il leur avaient installé un abreuvoir à l'extérieur de la cage en forme de puits . Un dé à coudre trempait dans l'eau de cette réserve . A ce dé était relié une ficelle avec pour point haut le bout d'un perchoir dans la cage. Il fallait donc que ces braves canaris hissent avec leur bec cette ficelle jusqu'à leur hauteur pour pouvoir s'abreuver avec avidité dans le "seau" d'eau . Ils s'y reprenaient à plusieurs reprises et à chaque mouvement de tête vers le haut maintenaient avec une patte la cordelette .

Je ne me lassais pas de regarder et d'admirer ces oiseaux qui avaient compris le système de puisage tout simple pour les humains mais certainement peut utilisé dans la nature !..

Amitiés .

Norbert TOGNET

Le 08. Mars. 2008

Un petit résumé et condensé des principaux jeux pratiqués en Algérie par les jeunes enfants Pieds-Noirs.Ces textes ne sont pas tous de moi ,j'ai simplement apporté des petites notes personnelles ,j'ai glané par ci par là des

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informations et petits détails pour faire découvrir à certain, quelque jeux de rues que nous avions étant enfants en Oranie .Justement à la fin des différents jeux ,j'ai trouvé une vidéo sur youtube forte intéressante retraçant d'autres jeux .Merci à Alain de Mers El Kebir pour cette belle vidéo que l’on peut voir sur mon Site personnel.

LE PITCHACK

Le jeu Pitchack est avant tout un jeu d'adresse, il fallait le faire sauter avec les pieds, les genoux comme on jongle avec un ballon de Foot . Comme pour tous les jeux d'adresse, il fallait être très habile et beaucoup de pratique pour apprivoiser cette boule d'élastiques assez légère. Le jeu consistait à faire le plus de jongles possibles.

Les virtuoses rajoutaient des figures de style en se servant de toutes les parties du corps pour faire rebondir le Pitchack , tête ,genoux ,cuisses ,épaules ,.

Fabrication du Pitchack

Il faut une chambre à air de vélo, découper de petits bracelets et les assembler avec une ficelle. Cet amas de rondelles découpées donnait à l'engin de la souplesse et de l'élasticité qui facilitait les rebonds. La chambre à air découpée en rondelles.

Dans les cours de récréation, comme dans la rue de véritables championnats s'organisaient . Il y avait des virtuoses du jongle qui ont dû par la suite devenir d'excellents footballeurs.

LES NOYAUX D'ABRICOTS " LES PIGNOLS "

Le petits tas.

Il se composait de 3 noyaux assemblés et le 4ème dessus. Le "Banquier" (en quelque sorte) mettait en jeux 4 noyaux que l'on pouvait remporter avec un seul .

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Le joueur devait à une distance de 3 mètres disloquer le petit tas en lançant le noyau un peu comme à la pétanque.

Le Tuyau.

Les noyaux étaient placés dans un tuyau de descente des eaux de pluie. Le match opposait deux joueurs un à l'autre. Le nombre de noyaux était fixé par les deux joueurs.

Chaque joueur était accroupi de chaque coté du tuyau et lançait à tour de rôle son noyau dans la goulotte.

Plusieurs variantes régissaient la manière de jouer avec la descente d'eau, L'une d'elle était que celui qui chassait le dernier noyau de la goulotte ramassait la totalité des noyaux en jeu. La variante était intéressante parce que les deux positions de chaque coté du tuyau ne présentaient pas les mêmes difficultés pour deux droitiers par exemple. Afin d'éviter beaucoup de problèmes on choisissait souvent d'alterner pour que le jeu soit plus équitable.

LES CARRICOS

Heureux celui qui pouvait se procurer les précieux roulements à billes auprès d'un mécanicien qui permettait de fabriquer les CARRICOS ( petites charrettes ) diminutif de Carro qui veut dire en Espagnol ( Chariot ). Les roulements avant étaient fixés sur une barre mobile autour d'un axe vertical, il permettait de guider le Carrico. Le gouvernail était lui même fixé sur un timon à l'aide d'un gros boulon. Sur le timon était fixé le plateau avec ses deux roues arrières qui elles étaient fixes. Heureusement au Telagh les descentes étaient nombreuses avec un dénivelé largement suffisant pour nous permettre de prendre de la vitesse avec nos carricos et d'éprouver des sensations fortes .

LE STACK ( Etait-ce vraiment un jeu ) .

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Pour fabriquer le Stack , il fallait choisir une fourche en bois d'olivier, le façonner pour lui donner cette forme arrondie. On gardait l'arrondi par brûlage qui séchait le bois en lui donnant cette robustesse qui caractérise l'olivier.

Le matériel : l'élastique carré ou gomme , du cuir souple et de la ficelle. On découpait dans le cuir la poche qui recevait les projectiles en général des cailloux ou billes . On découpait également deux bandelettes de cuir que l'on fixait sur branches du stack et sur lesquelles on fixait l'élastique. Ces bandelettes évitaient le cisaillement de l'élastique quand il était directement fixé sur le bois. Certains étaient très adroits, ils déquillaient les cibles avec un précision extraordinaire. Beaucoup de petits oiseaux y ont laissé les plumes.Les pauvres .

LA TOUPIE

Je ne me souviens plus où on achetait nos toupies peut être à la quincaillerie Nanclares à coté du bar à mes parents sur la Nationale 13 ou dans une autre boutique au Telagh . On achetait la toupie mais on ne l'utilisait pas tel quel, il fallait la préparer. Je me souviens certaines étaient brutes et nous pouvions les décorer afin de les personnaliser.La toupie était surmontée d'une tête que l'on coupait. La seconde étape, la plus délicate enlever le clou trop pointu et le remplacer par un autre plus long et d'un diamètre plus gros. La difficulté de cette opération venait du fait qu'il fallait enfoncer le clou suffisamment pour qu'il tienne bien sans que la toupie éclate fendue en deux.

La dernière étape, scier le clou généralement d'un longueur d'un demi centimètre, puis arrondir et polir l'extrémité. La réussite n'était pas toujours assurée, il fallait que la toupie soit équilibrée pour qu'elle tourne sans bruissement d'air et qu'elle soit douce quand elle tournait dans la main. La toupie était actionnée par une cordelette qu'on enroulait soigneusement, puis on jetait la toupie sans lâcher la ficelle ce qui donnait à la toupie son mouvement rotatif. On jouait à Tchouk Tchouka, ce jeu consistait à faire avancer la toupie d'un joueur hors d'un cercle.

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Il fallait déplacer la toupie au sol uniquement sous le choc entre toupies, sans toucher la toupie au sol avec la main. Sous les coups (parfois violents) assénés par la toupie du lanceur, il arrivait parfois que la toupie à terre fende, ce qui nous a valu quelques empoignades.

Et bien d’autres jeux encore ……..

Jules SEGURA

Le 20.02.2008

jeudi 19 avril 2007,

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Je vous faire partager les moments forts, d’émotion, d’amitié, de joie, de rires qui ont marqué cette journée. 45 ans après avoir quitté le Télagh, je vais revoir Ysabel Contréras mon amie, qui me fait l’immense plaisir de venir passer la journée à la maison. Dominique son compagnon l’accompagne, ils ont effectué un grand périple avant de faire un saut dans mon coin de campagne Lot et Garonnaise : Ils reviennent d’un voyage en Algérie !Dés qu’ Ysavel est descendue de la voiture, j’ai retrouvé ma belle gitane comme si je l’avais quittée hier, vous remarquerez qu’à la place du « b »de son prénom instinctivement j’ai mis un « v » je ne corrigerai pas, parce que ça démontre s’il en était besoin, combien nos racines sont solides, l’accent revient, les souvenirs aussi ! et il y a les nouvelles, pensez si je lui pose des questions : alors, comment c’est là bas ? qui tu as vu ? et les maisons ?L’accueil a été très chaleureux, il y a eu des larmes de l’émotion de la joie, pensez ! revoir l’école, avec les mêmes bureaux où certains ont gravé leur nom, et madame Lassort entourée d’anciens élèves. Le directeur les a accueillis avec beaucoup de gentillesse, il leur a même offert un petit encrier où tant de petits François et Mohamed ont trempé leur plume Sergent Major pour faire des « pleins et déliés », quel joli symbole d’amitié !Beaucoup d’émotion quand les propriétaires actuels ont ouvert leur porte, pour que nos amis puisse revoir l’endroit si cher à tout être humain : La Maison ! Jean Pierre s’est vu offrir un cadre qui appartenait à ses parents !Ensuite le cimetière et nos chers disparus, pour eux, il n’y aura pas eu d’exil ! ils ont dû être contents au bout de tant de temps d’avoir 25 visiteurs.Zegla, Rochambeau, Bossuet, Bedeau, Sidi-Bel-Abbès, Oran, Santa-Cruz, un retour aux sources plein de nostalgie, de plaisir mais aussi de tristesse de voir, que certains lieux ne sont pas entretenus, l’Eglise du Télagh par exemple, délabrée, que certains aimerait bien qu’elle devienne au moins école coranique, pour qu’à nouveau cet endroit redevienne « vivant ».Ce que je ressens après avoir écouté le récit de ce premier voyage en Algérie, c’est qu’il ne faudrait pas grand chose pour que de nouveau se crée des liens d’amitié et de partage avec ceux que moi j’appelle « nos compatriotes » ne sommes nous pas nés sur la même terre ? et combien nous l’aimons encore notre belle Algérie ! pas grand chose ? qu’il est difficile à trouver ce « pas grand chose ».Mais je vous rassure, il existe des 2 côtés des personnes de bonne volonté et de gentillesse, qui oeuvrent pour que tout se passe bien, je leur tire mon chapeau, je les embrasse et je leur dis « MERCI , CHOKRANE »( pardonnez l’orthographe)La journée m’a semblé bien courte, il faut déjà se quitter, Ysavel et Dominique ont encore des parents à visiter avant de s’envoler samedi pour Nouméa. Merci à eux, j’espère les revoir bientôt, je

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leur souhaite un bon voyage de retour, et à vous tous mes amis, je vous donne rendez-vous à Santa-Cruz de Nimes à très bientôt.

Grosses bises.

Colette Teulet née Garcia.

Après tant d'Années de Silence.Envie de Raconter à qui, pour qui ……..à nos Enfants, Petits Enfants, ou peut-être tout simplement ,à moi-même !.

Non je vous dis que Non, Non je n'ai pas de bête, pas de Chien, et n'en aurai jamais plus...!

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Depuis l'Algérie Le Telagh mon village natal où nous avons été obligés de tout abandonner, même mon chien que nous avions baptisé Tarzan, laissé sur le trottoir devant le bar, il hurlait à la mort pendant nos préparatifs de départ, dans la nuit de juillet 1962.Il nous a suivi un très long moment, courant derrière la voiture à perdre haleine dans la descente en bas du village qui menait à Sidi Bel Abbés.Avec mes soeurs et mon frère, nous le quittions plus des yeux au travers de la vitre arrière, et dans le vacarme que faisait le moteur dans le silence de la nuit, nous sentions le long de nos joues couler de petites larmes, en sanglotant nous étions blottis les uns contre les autres.Au bout de plusieurs mètres notre Tarzan capitula et s'arrêta net, haletant, exténué par cette longue course inégale face au bolide de mon père, vous pensez une Peugeot 203 !!, dont la conduite s'est avérée très nerveuse ce soir là.Un silence lourd régnait tout le long du trajet, nous avions sur notre galerie, où porte-bagages, un matelas roulé comme un saucisson, deux valises, une malle en tout et pour tout .Notre première destination, nous devions traverser Sidi Bel Abbés située à 60 kilomètres au Nord du Telagh, mon Dieu que ce trajet fut long et pénible dans cette atmosphère si lourde et pesante dans la 203 grise.Chacun d'entre nous, repensions à ce que nous n'avions pas pu prendre faute de place, on aurait aimer tout prendre comme dirait certain, certes notre voiture était assez confortable pour l'époque, mais avec quatre enfants dont moi le plus âgé 16ans et le plus jeune 7 ans, il ne restait plus beaucoup d'espace pour d'autres bagages même de fortune ,sur la banquette arrière.Mon père refaisait constamment le point concernant l'itinéraire, car il nous fallait ensuite rejoindre la ville d' Oran, située à environ 80 kilomètres me semble t-il, tiens je crois d’ailleurs que nous étions immatriculés en 9 G pour l' Oranie et 9 A pour Alger. Oran, après avoir franchi de multiples barrages, subit plusieurs fouilles et vérifications de papiers par la Police locale et membres du F L N ( Front de Libération Nationale ), nous traversions certain quartier complètement en ruine suite aux opérations de destruction appelées "Terres Brûlées" pratiquées par l' O A S ( Organisation Armée Secrète ). Nous pouvions apercevoir d'épaisses fumées noires qui s'élevaient dans le ciel avec une odeur désagréable de caoutchouc brûlé et de mazout. Nous étions loin d'être rassurés, car au loin nous entendions plusieurs explosions accompagnées de tirs de fusils et d'armes automatiques.Arrivés enfin au Port d'Oran, d'énormes paquebots étaient à quai comme le Ville D'Oran, Le Kairouan, les quais étaient noirs de monde, des milliers de personnes attendaient leur tour

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d'embarquement avec au sol leurs valises ,des malles ,des matelas.

Après moultes palabres et heures d'attente, pour finalement nous entendre dire qu'il n'y avait plus de place pour nous, mais restait encore des places disponibles pour l'embarquement de voitures à destination de Marseille, Sete, Port-Vendres.Très difficile pendant cette période d'obtenir des billets de bateau ou d'avion tout était complet, les départs furent tellement massifs et inattendus, il faut dire que personne n'avait envisagé un départ aussi soudain, ça nous semblait tellement irréel de tout quitter, de tout abandonner, personne n'y croyait vraiment jusqu'à l' Indépendance du 1er juillet 1962.

Aujourd'hui je suis choqué et je m'aperçois, que notre village se vidait petit à petit ,et que tout le monde partait le plus discrètement possible, même parmi nos proches ,amis ,chacun avait peur d'annoncer son départ , Peur !! , Peur de quoi, une fuite, des représailles, n'oublions pas également que certain ont du fuir précipitamment suite à des menaces réelles ou fictives pour s'emparer de nos biens....est-ce pour ne pas compromettre la sécurité de notre fuite ? que sais-je !!! .

C'est le choix par obligation, que mes parents ont fait comme tant d'autres, d'envoyer le véhicule sur Marseille et prendre l'avion ,de ce fait nous nous sommes rendus à l'aéroport d'Oran La Senia, où nous avons pu obtenir des places ,après pas mal d'attente au milieu d'une foule nombreuse .L'avion en partance pour la France, Aéroport de Marignane près de Marseille, était je m'en souviens comme si c'était hier ,une Caravelle en très bon état ,par contre subsiste un doute et ma mémoire me fait souvent défaut ,s'agissait-il de Air Algérie je crois que oui ,ou Air France ? en 1962.C'est avec une certaine appréhension et curiosité et je dois dire ,avec fierté que nous montions à bord de cet énorme oiseau ,c'était bien sûr notre premier vol.

Je le dirai souvent je crois, nous étions nous, enfants inconscients, moi un peu moins peut-être, vu mon âge par rapport à mes soeurs et frère ,nous nous apprêtions à nous envoler vers un Pays certes La France notre Pays ,mais inconnu de tous du moins des jeunes générations.Car la plupart de nos pères Pieds Noirs ont foulé le sol Français, comme mon père et tant d'autres le 6 Juin 1944 lors du débarquement en Normandie avec la 2e D.B Division Blindée du Général Leclerc pour enfin libérer notre Capitale Paris et terminer par la Libération de Strasbourg, et revenir certain seulement, une fois leur devoir de citoyen français accompli vers Le Telagh leur village natal.

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Une fois sur le sol de l'aéroport de Marignane, il fallait nous rendre au Port de Marseille pour récupérer la voiture, au milieu des containers en ferrailles certains éventrés, valises , malles, matelas au milieu d'une foule triste en pleurs ,perdue , déracinée ,composée de jeunes enfants ,de bébés ,de grands-pères ,de grands-mères, de vieillards, d’handicapés ,au milieu de milliers de malles ,valises, pour ceux qui ont pu ramener quelques affaires .Cette foule était composée et représentait toutes les nationalités ayant vécu en Algérie, Français, Espagnols, Italiens, Juifs, Musulmans, Harkis, Maltais, Siciliens, Sardaigne, Corse . Des attentes interminables, de multiples démarches sur les quais à faire avant de prendre possession, pratiquement de notre seul bien de valeur que nous ayons pu ramener.Personne ,pas une âme chaleureuse pour vous accueillir à notre arrivée ,au contraire nous avons été maudits ,insultés ,traités de sales Pieds Noirs, accusés par la suite de nous accaparer de leur travail ,leur logement ,leur fille ,parait-il tous de gros et riches colons , des colonisateurs .Tu parles…. !

On semble oublier que l'Algérie ,ou faut-il le dire et le redire c'était la France ,la population était également composée de Fonctionnaires ,d'Ouvriers ,de Postiers ,Cheminots ,Gaziers ,Enseignants ,de Médecins, Banquiers, Ingénieurs ,Policiers ,et Gendarmes et j'en passe ,tout simplement le reflet de toute Société.Personne n'avait pensé à cette arrivée massive des Pieds Noirs quittant subitement l'Algérie, le massacre du 5 juillet 1962 à Oran où de nombreux Européens furent assassinés, ne fit qu'accélérer l'exode de plus d'un million de personnes. Et bien sûr rien n'était prévu, les structures d'accueil ont été longues à se mettre en place volontairement ou pas par certain Maire paraît-il comme celui de Marseille Gaston Defferre qui voulait rejeter Tous les Pieds Noirs à la mer.Dans sa déclaration dans Paris Presse le 22 juillet 1962 ,il aurait déclaré que Marseille avait 150 000 habitants de trop « Que les Pieds Noirs aillent se réadapter ailleurs ».Faute de structures d'hébergement les premiers soirs avec beaucoup de difficultés nous n'avions pas d'autres alternatives ou solutions que d'aller dormir à l'hôtel, vers la Canebière et la gare St Charles où certain hôteliers n’hésitent pas à pratiquer les prix forts en profitant de cet afflux de « Touristes « . Une fois le véhicule récupéré, nous sommes partis à Perpignan, après un long séjour en pension familiale vers les cabanes de Fitou dans l'Aude ,pour trouver enfin un logement et travail dans les Pyrénées Orientales devenues notre Terre d'accueil au Boulou précisément ,et notre intégration s'est tellement bien faite que nous avons tous pris pour époux et épouses ,catalans ou catalanes, Pays où il fait bon y vivre ,même si j'ai du à nouveau

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m'expatrier en Région Parisienne 1970 pour suivre mon épouse qui avait obtenu un poste d'enseignante.

Avant de terminer mon histoire, je voudrais rendre Hommage à mes Parents, à tous les Parents Pieds Noirs, ou pas Pieds Noirs qui ont connu cette Tragédie Humaine, l'Exode de 1962. Il faut leur rendre Hommage ils ont su avec courage et bravoure, redémarrer à zéro, sans jamais rechigner, pour rebâtir, reconstruire, sans oublier leur tâche principale nous élever, nous donner une éducation, un travail tout ça dans la dignité et la fierté avec peu de moyens le tout sans Haine ni Rancune et avec Amour...Nos Aieux n'étaient-ils pas tous des Pionniers ?, rien ne les arrêtaient même les taches les plus ardues .Un grand Merci à tous nos parents pour leur réussite, leur parfaite intégration en se fondant dans la masse le plus discrètement possible ,en oubliant même leur origine de peur d'être montré du doigt et traités de " Sales Pieds Noirs "..Aujourd' hui heureusement nous en rions encore.Grâce à eux, à leur sens de l'Honneur, de Fierté de voir la réussite de tous leurs enfants, Un grand Merci à eux, pour ce que nous sommes devenus aujourd'hui.Finalement avec le recul, certains finissent par penser que c'est une bonne chose d'avoir quitté notre Afrique, quel Avenir aurions nous eu là-bas, pour nous, pour nos enfants ?.

Subitement j'ouvre mes yeux, les larmes viennent naturellement et coulent tout doucement le long de mon visage ,que je tente discrètement ,et timidement d'effacer. Nous avons entre-temps j'en suis sûr, traversé, retraversé maintes et maintes fois la Mer Méditerranée, par avion, par bateaux en partance de Paris, Lyon, Marseille, Sete , Port-Vendres, pour arriver à Oran, Alger, Constantine ,Tlemcen.Certain réellement, d'autre fictivement ou dans leur rêve, pour certain le désir d'y retourner reste très fort encore aujourd'hui, mais le souhait de conserver leur souvenir intact ,l'emporte,..Mais jusqu'à quand….?.

Des Années, et des Années se sont écoulées depuis1962…C'est un autre Monde ......de nouveaux Paysages, de nouveaux Horizons, de nouveaux Parfums, une autre Vie qui s'ouvre à nous .Une autre Histoire qui commence !! Qui recommence.

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Faut-il Tourner la page ... Regarder devant...., se Retourner ... Oublier,...se Taire …Remuer le couteau dans la plaie qui pour certain est si profonde et dont la cicatrisation fait si mal ......se Souvenir.....Ecrire …Raconter …Transmettre…Ecouter… Comprendre … Pardonner … Oui Pardonner..?

Nos historiens mais que font-ils ?..Les Médias… La Presse …..Mais je ne peux leur en vouloir aujourd'hui. !Ne nous sommes pas tus nous-mêmes,pendant quarante cinq ans ? Heureusement maintenant, avec l'apport d'internet, nos Coeurs commencent Enfin.. à s'ouvrir.

Merci d'avoir pris le temps de me lire.

Ce soir j'ai posé ma plume, et laisser parler mon Cœur.

Pardon !!!! Une petite larme…. Le 04.10.2008 Julio.

Colette , Effectivement presque chaque année nous partions à la mer ,calés derrière notre Peugeot 203 grise que tu connais pour avoir effectué le trajet avec mon papa , pour rejoindre Marcello et ta soeur Edouarde cap Port-aux-Poules plage..Pour nous les enfants, c'était les grandes vacances loin de notre campagne, nos parents louaient des bungalows, cabanons ou villas en bois sur pilotis ,je crois que c'est le terme exact à l'époque sur un sable chaud et fin en bord de mer ,pas loin de grosses dunes de sable , à Port-Aux-Poules ,village romain dont le nom était Porto Poulos ou Portus Paulus sur le Golfe d'Arzew et vers le Cap Ferrat.On nous gardait à tour de rôle , cette tâche était réservée essentiellement à nos mamans ,la mienne ,mes tantes ,Emilienne épouse à Denis ou Françoise l' épouse à Jean celui du cinéma Le Palmarium à Sidi Bel Abbés Avenue Kleber, les papas repartant travailler à la ferme ,aux champs ,commerce ,transport d'alfa etc .Enfants nous bénéficions souvent de près de 2 mois de vacances , aussi nous revenions au village , tous noirs comme des corbeaux brûlés par le soleil et le vent de la mer.Certain week-end la famille arrivait à tour de rôle , Alphonse, Michel pour quelques fois seulement 2 ou 3 jours car les papas repartaient pour leur travail.

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Mon oncle Denis lorsqu'il venait nous rejoindre les week-end avec son camion marque BERLIET, transportait et ramenait ,tout le nécessaire en équipement pour notre séjour, du sommier au matelas ,les tentes ,grosses toiles que nous mettions aussi au dessus des terrasses pour nous abriter du soleil.Lorsque nous partions tous ensemble à la mer , adultes ,enfants , une personne se détachait du groupe , il s'agissait toujours du grand Marcello qui portait un grand parasol sur ses épaules, mais vraiment le parasol familial offert lors de l'achat d'un tracteur Américain agricole ,et lorsqu'on l'ouvrait on pouvait apercevoir une publicité Massey Harris de chez Ferguson et oui déjà...Nous étions je pense en 1959 -1960, et une chose aussi nous interpellait et nous frappait c'était la différence énorme de taille entre le grand Marcello et mon oncle Denis que nous appelions " Doubles pattes " et " Patachon " je crois ,aussi adorables l’un que l’ autre.

Je n'ai que de vagues souvenirs de mon enfance ,mais il y en a un que je ne n'oublierai jamais , imaginez je n'étais pas plus haut que trois pommes, nous partions nous baigner sans jamais oublier notre bouée énorme de camion à laquelle nous avions fixé avec l'aide de mes oncles une planche , qui nous servait selon le sens de plongeoir pour notre plus grand bonheur .Mais quelqu'un que j'adorais par sa gentillesse et sa disponibilité , c'est toujours vrai ,aujourd'hui , m'impressionnait ,il s'agissait du cousin ,du grand Marcel Segura dit " Marcello " qui du haut de ses 2 mètres, nous poursuivait en courant dans l'eau ,avec ses grandes jambes et sa carrure d'athlète, éclaboussant et renversant tout sur son passage ,qui par un dernier plongeon nous saisissait par les jambes et nous faisait boire la tasse .Il était très taquin avec les enfants et nous le taquinions également tout le temps , sous le regard amusé de son épouse Edouarde qui était dirons nous de taille moyenne !!!.Les premières années à Port-Aux-Poules , plage située au-dessus d' Oran entre Arzew et Mostaganem ,furent très dures et pénibles, comme nous bordions la rivière La Macta nous étions dévoré dès la nuit arrivée par une multitude de moustiques , malgré la citronnelle , vinaigre etc .Aussi un souvenir pas agréable et merveilleux à la fois me revient , afin d'éviter de nous faire dévorer tout cru nos oncles faisaient un grand feu de bois sur le sable fin avec des palettes en bois et branches recueillies le long de la Macta afin d'éloigner ces immondes bestioles .Vous imaginez notre joie de gamin nous attendions ce moment où le feu avait bien pris et crépitait dans la nuit , nous entamions garçons et filles la danse des sioux autour de ce feu magique ,en poussant des hurlements et cris comme le feraient de vrais indiens .Aussitôt me vint à l'esprit, lorsque j'étais enfant afin de sauvegarder la moisson de blé, d'avoine , d'orge ,quand les agriculteurs faisaient de grands feux pour éloigner les nuages

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noirs et immenses de sauterelles, qui venaient s'abattre sur les champs pour ravager en un temps record toute la parcelle de cérèales , au grand désarroi de tous .

La Macta cette rivière dont le poisson était abondant , nous allions pécher avec mes cousins germains Jean et François pendant des heures .Nous avions une technique toute particulière , afin de nous procurer comme appât des petits poissons pour la pêche , mais qui n'était pas sans difficulté car il fallait casser et faire une ouverture dans le cul d'une bouteille à fond creux , sans se blesser et sans briser la bouteille ,en protégeant nos yeux des éclats éventuels de verre .L'ouverture une fois pratiquée, nous mettions de la mie de pain au fond de la bouteille du moins vers le goulot que nous plantions dans le sable et dont l'ouverture se trouvait en haut , la bouteille complètement immergée dans l'eau de la rivière ,les petits poissons en entrant par l'ouverture venaient manger le pain et une fois dedans ne pouvaient plus sortir .

Par la suite vint heureusement la démoustication avec l'assèchement de la vallée de la Macta et l'assainissement de la rivière , pour notre plus grande joie ,nous pouvions rester torse nu à la tombée de la nuit sans la moindre piqûre.Les températures au mois de Juillet Août en Algérie et précisément en Oranie, étaient vous vous l'imaginez très bien, très élevées, rien à voir avec les températures de notre village Telagh altitude 872 mètres situé entre Sidi Bel Abbés et Bossuet dans les hauts plateaux où nous avions un vent très chaud et sec venant du Sahara appelé le Sirocco ,souvent chargé de sable , et qui par son souffle si puissant ,arrive même aux pieds de notre Capitale Paris bien sûr.En bord de mer les températures élevées paraissent plus douces , car souvent accompagnées d'une légère brise ,les sorties nous étaient interdites l'après-midi ,aussi nous avions une petite sieste d'imposée ,mais pas à l'intérieur de la villa ,mais sous les pilotis à l'ombre où régnait une douce fraîcheur, nous nous allongions sur le sable frais et quelque fois un peu humide,…mais nous chahutions souvent . Nous fermions les yeux à moitié....Heureux avec l'insouciance de notre Jeunesse .On était bien...nous écoutions les mouvements de va et vient de la mer si bleue , même les mouettes semblaient heureuses ,bercées par une brise légère, dans ce ciel d'un bleu si pur et où le soleil brillait de ses mille feux. J'ouvre mes yeux ...la fin d'un rêve ..les larmes viennent ..car je sais que je ne revivrai jamais plus de tel moment, ces moments de Bonheur, car nous venons de quitter notre Enfance ,l'Algérie ,l'Afrique, un Continent .C'était en 1962.

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Merci d'avoir pris le temps de me lire .

Le 25.09.2008

Julio.

Je tiens à préciser qu’au moment où les événements d’Algérie ont débutés, les communautés européennes et musulmanes de notre secteur vivaient en bonne entente. Le racisme était inexistant dans notre quotidien. Nous vivions en parfaite accord du moins le pensait t’on. J’ai travaillé de longues années avec des collègues algériens et mes enfants avaient tout naturellement des camarades algériens , sans que cela pose l’ombre d’un problème.

Le 1er novembre 1957 des événements d’insurrection ont débutés en Algérie et plus particulièrement dans les AURES . Des attentats avaient été commis d’abord dans les djebels pour peu à peu se propageaient vers les fermes, les villages et les villes. La situation commençait à devenir « critique » sur tout le territoire. Nous savions naturellement que des attentats étaient proférés un peu partout dans le pays mais tout cela paraissait encore bien abstrait . Nous n’étions pas alors au cœur des événements….

Très vite l’inquiétude se fit grandissante parmi la population. Nous vivions tous très mal cette situation d’insécurité. Le malaise était palpable…

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Puis des attentats se sont rapprochés, pour arriver jusqu’à nos portes.Des fermes étaient brûlées, des familles égorgées, le couvre feu instauré..… La tension devenait insoutenable. La peur faisait partie de notre quotidien.

J’étais à l’époque en service à la Sous Préfecture du Télagh (ancienne commune mixte) qui administrait 16 communes de plein exercice et 15 douars. La commune mixte a été érigée en Sous Préfecture en 1958. Nous avions, en Sous Préfecture, un service radio ce qui nous permettait d’avoir des nouvelles au quotidien. Nous étions de ce fait parfaitement au courant de l’avancée des événements et surtout de leur ampleur.

La situation devenait de plus en plus critique au fil des jours. Des rumeurs circulaient au sujet d’un éventuel arrêt des événements. !Il y eu alors la signature des « accords d’Evian » le 19 mars 1962 . Mais hélas le massacre était loin d’être terminé. Après ce 19 mars de nombreux attentats ont continué d’être perpétrés. Les morts de part et d’autre étaient légion.

Le 15 mai 1962 le Sous Préfet algérien du Telagh qui revenait d’une mission à Tiaret a été assassiné. Mon époux ainsi qu’un adjudant de gendarmerie qui faisait partie de l’escorte sont morts ce jour là dans l’embuscade. Des innocents, victimes de balles aveugles comme tant d’autres… Mon mari avait 43 ans, les autres à peine plus.Ce jour là pour nous le glas a sonné ………….. !

Après cet attentat, la situation est devenue extrêmement tendue de part et d’autre au sein de la commune. Les européens ont alors commencé à déserter les lieux, abandonnant tous leurs biens avec au cœur, le secret espoir de revenir …. mais pour l’heure il n’était question que de sauver sa peau .En quelques jours il n’y eu plus ni femmes ni enfants dans le village.

Le 12 juin 1962 au petit matin, mes 3 enfants en compagnie de ma mère ont quittés la maison sous escorte militaire pour rejoindre Oran … «  destination Marseille ». Ils allaient rejoindre, notre famille qui

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se trouvait déjà dans l’Est de la France. Une chance que n’avait que peu de rapatriés en partance.Nous, dans notre malheur nous avions cette chance là. On nous attendait là bas de l’autre côté de la mer..…….

Après l’assassinat du Sous Préfet, l’armée s’est installée à la Sous Préfecture avec pour mission l’expédition des affaires courantes et en particulier l’établissement des CNI, un laisser passer indispensables aux Français désireux de quitter l’Algérie. C’est dire que le travail ne manquait pas...

Je suis restée en service jusqu’au 25 juin 1962. Mes collègues avaient tous quitté bien avant moi leur poste, l’indépendance devant intervenir le 1er juillet 1962…

Le 27 juin 1962 j’ai quitté l’Algérie … destination la France. Arrivée à Marignane je n’ai eu qu’une hâte, retrouver ma famille dans l’Est de la France, et qu’un souhait, reconstruire pour eux une nouvelle vie.

« Ce 27 juin 1962 au petit matin en quittant sous escorte militaire Le Telagh , j’ai dit adieu pour toujours à ma chère Algérie ainsi qu’à tous nos morts restés là bas…. »

Martinez-ALONZO Maria Hermina.Née le 26/01/1920.

Le 25.11.2008

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"Le monde, hier, demain, toujours nous fait voir notre image" Baudelaire

Mes premiers rapports avec la lumière

"Tragique est la lumière".

Algérie : la peur règne. Tout autour du village les habitants ont installé des postes de garde. Un homme veille. Il entend des bruits de pas dans la nuit, il arme son fusil, demande apeuré "qui va là?"... Pas de réponse... Une silhouette apparaît, il tire, la masse sombre s'effondre, des gens accourent, s'approchent du cadavre et découvrent que c'est un habitant du village, un ami... Erreur tragique.J'ai 6 ans, je suis vêtu de blanc, cela me plaît, je me trouve beau, je transporte fièrement un récipient contenant de l'eau bénite, j'avance à côté du curé en tête du cortège.La lumière est blanche, dominatrice, puissante, elle écrase tout. Dans cette éclaboussure lumineuse, les hommes et les femmes vêtus de noir sont des silhouettes tranchantes.

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Chose étonnante, c'est la première fois que je vois des hommes pleurer.J'ai soif, j'ai envie de boire de l'eau bénite. Dans le cimetière, un trou noir et rectangulaire me fascine, les hommes mettent la boîte dans ce trou. Je suis très impressionné par le sérieux de cette cérémonie mais je ne comprends pas vraiment.

J'ai 6 ans. Il est 17 puis 18 puis 20 heures, mon père et mon oncle ne sont toujours pas revenus de la ferme qui se trouve assez loin du village. Ma tante et ma mère sont terriblement angoissées, elles attendent. Soudain un cri. La camionnette descend doucement, doucement, elle est criblée de balles, elle s'immobilise devant la porte. Tout s'immobilise, le temps s'est arrêté, c'est mon père qui conduisait, il a la tête appuyée contre le volant et il pleure, mon oncle aussi.Je comprends, je comprends que le trou noir était proche. Mais la peur que les grands m'ont transmise disparaît aussitôt... Bonheur... Je m'agrippe à leurs jambes, je veux les embrasser. Ce soir, c'est la fête de la vie, c'est la fête du bonheur.Maintenant, même adulte, quand le soleil part et que la nuit arrive dans cet espace que l'on dit entre chiens et loups, j'ai

souvent l'impression qu'un miracle va arriver, que le temps va s'immobiliser. L'Eternité

"Tragique est la lumièreÔ bonheur sourd je suis"

Algérie. J'ai 7 ans. Ma mère me sert très fort dans ses bras, elle m'embrasse et pleure, elle me dit : "mi hijico, mi vida, mi luz"Puis elle embrasse ma soeur qui a 9 ans qui elle, comprend et pleure aussi. Une grande personne me prend la main, m'éloigne de ma mère, de ma terre, de mon soleil, je me retourne, je comprends, je hurle, je hurle à la mort.C'est trop tard. Un grand bateau me transporte sur l'autre rive."Tragique est la lumièreÔ bonheur sourd je suisJe n'entend plus le moindre bruitQue les battements de mon coeur Dans la nuit"

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" mi hijico, mi vida, mi luz "

«  Mon petit fils , Ma Vie , Ma Lumière « 

Jean-François Segura.

Le 01.12.2008

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En souvenir de mes grands parents paternels.

Ceci est une histoire vécue par mes grands parents.Dans les années 1890 ma grand mère me racontait qu'ils transportaient l'alfa avec des charrettes, du sud de l'Algérie à Oran.Cela prenait plusieurs jours ! A la tombée de la nuit, les chariots s'arrêtaient, car il fallait faire reposer, les bêtes, les faire boire et manger, ainsi que le personnel. Alors on pratiquait la même méthode que l'on voit dans les westerns, les chariots en cercle.Car ma grand-mère me racontait, il fallait se protéger, des animaux sauvages !car à cette époque, il y avait encore des lions !ils entendaient ceux-ci rugir toute la nuit .Il y avait aussi les hyènes, les chacals, mes ces derniers existent encore aujourd'hui.A l'aube on reprenait la route .Voilà la vie que mes ancêtres ont vécu pendant plusieurs années.

Emile MARTINEZ né en 1933.

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Le 03 Décembre 2008.

Extrait de l’Historique du Telagh

L'ALFA:

Elle couvre environ 300.000 hectares dont 211.387 hectares dans la steppe et 88613 en sous-étage forestier. Son exploitation remonte aux phéniciens et aux romains pour la fabrication de cordages de navires. Avant la colonisation française l'alfa était cueilli sur la steppe pour les usages ménagers: rembourrage de coussins, tressages ou vannerie fine. Après la colonisation, il fallu attendre la fin du 19éme siècle pour que l'alfa devienne une plante industrielle grâce à la mise au point du procédé de transformation et son utilisation par les papeteries écossaises, rapidement son commerce prit un grand essor.-

Emile Martinez.

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J’espère que la nouvelle année 2009 qui approche à grands pas sera meilleure que l’Année 2008 où la famille a connu quelques soucis de santé, mais grâce à Dieu, tout rentre dans l’ordre, et je souhaite qu’il en soit ainsi pour tous ceux qui me liront et tous leurs proches.Pourquoi en cette veille de Noël je me remémore toutes ces années passées loin de mon Algérie natale, la ferme de Fakrounia , Zegla , Le Telagh , en Oranie ?Qui aurait pu me prédire que je viendrai finir mes jours ici en France,ce pays qu’en Algérie je souhaitai tant connaître. Pour moi en tant quePieds-Noirs cette France si généreuse, si fraternelle, si accueillante c’était Ma Patrie, comme la majorité d’entre nous.Pourquoi au bout de tant d’années resurgissent tous ces souvenirs passés en Algérie, ces souvenirs mêmes que j’avais enfouis pendantde longues années sans ne plus jamais les évoquer, car trop douloureux.Automne – Hiver.Si ma mémoire me le permet encore (j’espère pouvoir finir mon récit mais je vous rassure tout va bien), je vais tenter de vous décrire quelques scènes de la vie courante de notre Algérie et précisément de mon village natal Le Telagh, situé à environ 60 kms au sud de Sidi Bel Abbés, 800 mètres d’altitude se situant sur la Nationale 13 route qui nous menait vers les hauts plateaux Bedeau le pays de l’Alfa, puis le Sahara.Justement comme nous sommes à l’approche de Noël, je pense à tousles préparatifs pour confectionner toutes sortes de gâteaux, de friandises façonnées par nos mains. Il fallait toujours avoir à l’esprit

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de rechercher les meilleures recettes qui avaient fait merveille l’année précédente, en cas d’oubli ou d’une recette égarée nous faisions appeltoujours à nos mamans, tantes, cousines, car nous voulions à tout prix montrer notre savoir faire et épater tous nos convives , fussent t-ils tous de la famille. Nos fêtes où nous étions toujours très nombreux autour de la table se déroulaient dans une bonne et douce ambiance auprès de la cheminée qui crépitait et réchauffait nos grandes salles à manger.

Mais attendez je ne vous ai pas tout dit, avant les fêtes de Noël, il y avait d’autres préparatifs assez particuliers, comme tuer le cochon, unvrai rituel et là aussi l’occasion d’une vraie fête, toute la famille se retrouvait et chacun avait son propre rôle et souvent les voisinsparticipaient également. Je m’en souviens c’était après guerre dans les années 1947 et 1948, nous avions décidé de tuer le cochon à la maison .Pour moi c’était un véritable événement et c’était la première fois que je le faisais en tant que maîtresse de maison et une lourde tâche à assumer dont je voulais me montrer digne. Pour la mise à mort du cochon, c’était l’affaire des hommes et en général il y en avait toujours un qui en avait fait sa spécialité et on faisait appel à ses services. Dés le lever du jour il fallait allumer un grand feu et remplir les grandschaudrons afin d’y faire bouillir l’eau qui servait une fois le cochonsaigné, à le laver, le raser et ensuite laver les boyaux.Le cochon était allongé et maintenu par plusieurs personnes sur une planche les pattes attachées, la tête en bas une fois le couteau planté dans la veine sous les cris stridents de la bête, le sang jaillissait à flots et c’est là où j’intervenais avec ma bassine afin de recueillir le sang rouge et chaud qui servirait bien sûr par la suite à faire le boudin.Il fallait remuer le sang dans la bassine, inutile de vous dire que c’était une première pour moi et que j’étais très impressionnée.Je l’avais vu faire par ma mère autrefois, mais là je m’en souviendrais toute ma vie, ensuite le cochon était suspendu par les pattes arrières etnous pouvions commencer le découpage de la bête, ou rien ne se perdait.

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Nous étions un jeune couple marié et cette année nous avions dû tuer deux cochons, car c’était après la guerre et que le ravitaillement se faisait encore rare et nous étions une famille nombreuse.Chez nous, nous étions habitués à recevoir beaucoup de famille et amis à n’importe quel moment, n’importe quelle heure , dans la cuisine il y avait toujours de suspendu des jambons , saucisses ,du boudin à l’oignon qui était délicieux et à ce jour je n’en ai jamais mangé d’aussi bon.Cette année là j’ai appris à faire cette bonne charcuterie aidée par ma belle-soeur Françoise que j’aimais beaucoup. Je crois qu’en tant que maîtresse de maison je m’en étais bien sortie et en tirais un petit brin de fierté.Avec toute cette charcuterie nous étions prêts à affronter l’hiver qui était rude malgré que nous soyons en Afrique du Nord où la neige n’était pas rare.Justement en parlant de l’hiver, cela se passait l’année du mariage de ma sœur aînée Françoise, je devais avoir une dizaine d’années , pendant la cérémonie à l’église il avait commencé à neiger durant toute l’après-midi ,toute la nuit .Au petit matin en se levant nous étions étonnés de voir autant de neige à tel point que tous nos invités venus d’Oran sont restés bloqués à la maison, toute la circulation était interrompue .Tout cela pour vous dire qu’en Algérie nous connaissions également la neige, mais nous étions assez bien équipés pour affronter les rigueurs de l’hiver.Toutes nos maisons avaient des murs très épais, et la majorité d’entre elles avaient même plusieurs cheminées, dont la plus importante et la principale se trouvait en général dans la salle à manger, où le feu flambait en permanence et ou l’on rajoutait constamment de nouvelles bûches afin de maintenir une flambée douce et chatoyante qui donnait une sensation de bien-être et c’était l’endroit idéal pour se réchauffer et pour raconter en famille les durs travaux de la journée dans les champs, la naissance d’une brebis, ou celle d’un poulain .Une fois l’hiver passé je vous parlerai de………..

Suite…… 2

Le 01 Décembre 2008.

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Texte d’Hortense Segura née Parra 1923

Mise en page par Jules le 05.12.2008.

PRINTEMPS – ETE ( Suite et Fin )

Une fois l’hiver passé, au Telagh on attendait avec impatience les beaux jours car l’arrivée du Printemps annonçait les joyeuses Fêtes de Pâques, fêtes que nous attendions plus que tout, car c’était le renouveau de la nature, tout était plus beau, plus vert, même les oiseaux semblaient heureux .Alors ces fêtes de Pâques on se faisait toute une joie de les préparer,premièrement il fallait mettre de côtés tous les œufs que nos poules pondaient par-ci par-là car elles étaient toutes élevées en plein air.Ah ! nôtre Mouna traditionnelle de Pâques, la Mouna bien de chez nous et présente dans toutes les familles du village, chacun avait sa propre recette souvent transmise de père en fils, je devrais dire plutôt de mères en filles.Le plus dur de l’opération était de pétrir la pâte car il y en avait en quantité et bien-sur en dehors de tous les ingrédients comme les œufs,, la farine, la levure, des zestes de citrons, zeste d’orange, on rajoutait du beurre fondu ,de l’huile justement pour faciliter et rendre moinsdur ce pétrissage fait avec les mains, certain homme comme mon cher époux mettait la main à la pâte pour nous aider.La pâte une fois bien pétrie et bien reposée, devait grossir de volume

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une fois bien gonflée, nous la modulions en petites boules qui devaient à leur tour prendre du volume.Les boulangers du village et pour nous principalement les familles Alonzo et ensuite François et Marie Vera, la boulangerie était juste à l’angle de la Rue des Dames, mettaient toujours après leur fournée de pain, le four à la disposition de toutes les familles du village en nous prêtons de grande planche pour le transport profitons ainsi du four encore chaud.Nous transportions ces Mounas chez le boulanger des grandes et quelques petites car nous en faisions spécialement pour les enfants dont nous creusions un petit cratère en son milieu pour y loger un œuf entier avec sa coquille.Concernant la cuisson chez le boulanger je crois que je vais passer la main à ma nièce Elisabeth qui aura décrit cette péripétie mieux que moi lors de son récit de la Mouna à Sidi Bel Abbés. Au retour nous conservions nos Mounas toutes chaudes encore dans de grosses corbeilles en osier, nous recouvrions les Mounas de torchons blancs, que nous mettions en général au dessus d’une armoire pour éviter toute tentation et en attendant de pouvoir les déguster tous en famille le jour J.

Une autre saison l’été arrive également aussi rude car nous connaissions de très grosses chaleurs, la canicule, sans pluie, certaine fois nous avions un vent très chaud chargé de sable qui nous fouettait le visage, appelé le Sirocco un vent très sec qui souffle en Afrique du Nord et qui provient du Sahara . Certaine fois nous voyons passer des caravanes de chameaux qui passaient par le Telagh .C’était l’époque également des vendanges, des moissons, beaucoup de travail en perspectives pour nos parents ou grands parents dont beaucoup travaillaient toute la journée dans les champs, élevage du bétail moutons, chevaux.Ils ressemblaient tous à des Mexicains avec leur peau et leur teint basané, brûlés par le soleil et leurs mains étaient rugueuses par leurdur métier, une vie très dure, mais tout le monde semblait heureux de vivre ,et ou le mot famille avait tout son sens ,il est vrai que notre vie a été très dure ,mais peut être qu’avec le recul je vois aujourd’hui les choses différemment et que je ne retiens que les vraies parties de Bonheur ,de Joie, et de Fraternité ,en oubliant et occultant mes huit

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dernières années jusqu’à mon départ ou chacun d’entre nous a connu l’exode de 1962.

Ainsi s’arrête une petite partie de mon histoire vécue en Algérie….

Mes Sincères Amitiés à tous et Bonnes Fêtes.

Mon cher Jules je t’embrasse de tout mon cœur Ta Maman qui t’aime.

Texte de Hortense Segura née Parra 1923.

Mise en page par Jules le 05.12.2008.

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Ma soeur Edouarde se souvient des fêtes de fin d'année de son enfance et, surtout du réveillon.Quelques jours avant le réveillon ou noche buena, il y avait la décoration du sapin, maman qui préparait les pâtisseries, mantécaos, oreillettes, petits gâteaux au vin blanc, à l'anis mais, ce qui excitait le plus les enfants : c'était la confection de la Sambomba. Pour cela avec la Tia Dolores, la grand mère à Jean et Laurette, ils allaient cueillir une pousse de carisso, une genre de bambou très fin, ensuite commençait la fabrication de l'instrument de musique d'accompagnement ; sur une boite de conserve, Tia Dolores tendait une peau de lapin qu'elle avait fait sécher, elle l'entourait bien avec un lien pour bien la maintenir et ensuite elle la perçait en son centre avec la tige de bambou, la musique pouvait commencer, suivant le mouvement que faisait la grand-mère avec la tige, l'air en entrant ou en sortant émettait un son. Tio Rojo, mon grand-père maternel et païsano, du même village d'Andalousie Félix, que Tia Dolores, n'avait plus qu'à sortir sa guitare. Le 24 décembre donc Noche buena, le menu se composait d'une poule au pot avec les boulettes. A minuit tout le monde allait à la messe, quelque fois il y avait de la neige, pour la plus grande joie des petits. C'est en sortant de la messe, que commençait la parade, Tia Dolores à la sabomba, Tio Rojo à la guitare et tous les enfants derrière pour chanter tous en ch_ur, devant les maisons amies :

Esta noche, noche buenaY manana navidad! Se prononce magnanaSaca Maria la botaQué me voy emborachar !Y acacha la ramaY coje lemonesY darle a la virgenDe los mas mejores !

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C'était la joie, les rires, d'autres amis se joignaient au groupe pour faire un petit tour dans le village ! La fête se terminait en mangeant, le turron dur ou mou, les fondants, les pralines, les fruits secs, les petits gâteaux, des oranges. Après ça les enfants partaient au lit, en espérant que le Père —Noël n'oublie pas leur petit soulier !Les souvenirs de ma soeur ont 68 ans, quand elle me les raconte je les vis, je suis dans notre village Le Télagh, celui où il y avait notre belle église avec la place entourée de palmiers en face, la rue de Saïda, toute notre famille et tous nos amis ! Que reste -t'il de tout cela ? Nos photos, notre mémoire. J'ai eu au téléphone un ami du Télagh qui nous avait reçu en avril dernier, en ce moment il neige sur notre village, il m'a dit :-quand je passe devant certaines maisons, je me dis : là habitait, Ysabel, ici, Tonio, là Mimilo et je pleure !

Joyeux Noël à vous tous !

Souvenirs d’enfance d’Edouarde Segura née Garcia

Racontés et mis en pagespar Colette Garcia-Teulet

Le 02 Décembre 2008

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1ere Partie

Vous est-il arrivé d’assister ou de participer à la journée du cochon ? Oui ? Non ?

Quoi qu’il en soit voici en quelques lignes comment se déroule cette opération . Elle a lieu, faute d’abattoir à la campagne, dans une ferme, au moins une fois par an.Tout d’abord, le cochon, est indispensable...Il est choisi et séparé de ses congénères pendant une bonne période afin de parfaire son engrais.La veille du jour j la maîtresse de maison fait cuire suffisamment d’oignons qu’elle fait égoutter dans un linge destiné pour les besoins du boudin à l’oignon.De son côté le chef de famille chargé de l’abattage prépare les couteaux et la table sur laquelle sera saigné et préparé l’animal .Il dresse également une échelle de fabrication locale pour le suspendre une fois mort .Il se munit également de cordelettes pour immobiliser les pattes et attacher fermement le groin.Participaient à cette journée qui était une vraie fête tous les membres de la famille ainsi que les voisins et amis invités nous avions besoin de bras forts afin de maintenir le cochon.Je dois vous avouer, que enfant, chaque fois que cela devait avoir lieu j’étais mal à l’aise de penser qu’une pauvre bête ignorante allait être abattue pour nourrir des prédateurs humains.Mais je pensais aussi que la nature était ainsi faite: des espèces vivent grâce au sacrifice d’autres espèces.

Et nous voici arrivés à la dite journée :

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L’eau bien chaude est nécessaire pour bien nettoyer la peau, en particulier, en la débarrassant de ses poils, et pour arracher les deux sabots de chaque patte. Tout étant prêt, après avoir pris une légère collation, l’abattage va commencer : attaché à une corde on dirige l’animal innocent prés de la table où il va cesser de vivre. Là il est renversé au sol, ses quatre pattes bien attachées, sans oublier le groin ; puis de gros bras le place sur la table où il va être tué, inutile de dire qu’ayant compris que rien n’était plus normal, la pauvre bête poussait des cris assourdissants.

Stade de la saignée :

La maîtresse de maison, une bassine sur une chaise prés de l’endroit où la saignée va avoir lieu est prête à recevoir le sang. De son côté le préposé à l’abattage prépare la partie du cou où la saignée va être faite : lavage du cou et rasage des poils, puis se servant du couteau le plus long de façon à atteindre le cœur, l’introduit dans un geste ferme mais assuré. Immédiatement, un jet de sang gicle dans la bassine jusqu’à ce que le cochon soit exangue.Afin d’éviter que le sang ne se coagule, il est brassé dans la bassine fermement jusqu’à la fin de la saignée, il est ensuite mis de côté pour la confection ultérieure du boudin.Le cochon est enfin suspendu et écartelé sur l’échelle dont il est question plus haut. Il est ensuite vidé de ses viscères abdominaux et débité à la demande de la charcuterie que l’on a décidé de traiter.Voilà ce que je pouvais vous dire sur la journée du cochon, cependant j’ajoute que la dernière fois que j’ai assisté et participé un peu, c’était il y a soixante cinq ans, et, malgré toutes ces années, j’en garde un souvenir inoubliable : le cochon qu’on a abattu ce jour là poussait des cris stridents et avait trois taches noires que l’on apercevait nettement sur le flanc droit et encore davantage après nettoyage de la peau.

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Chaque fois que je pense à cette journée, je vois inconsciemment les taches noires du cochon, pour lequel je nourris encore aujourd’hui une certaine affection.

Dans un prochain récit ( 2e partie ) ,je décrirai et vous raconterai comment était confectionnée la charcuterie ,boudin , longanisse , saucisse , pâté etc .

Souvenirs et Récit d’

Antoine GARCIA né en 1924

Le 19.12.2008

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2eme Partie et fin

Le cochon, tué et préparé comme indiqué dans la première partie de ce récit, la maîtresse de maison, aidée de ses filles et d’aimables voisines, se charge maintenant de la confection de la charcuterie .Ensemble elles commencent par le nettoyage des boyaux, triés  , selon l’utilisation prévue ( charcuterie fine , moyenne ou épaisse ) , en les débarrassant de la graisse qui les entoure et autres impuretés. Puis dans l’ordre effectuent les opérations suivantes: 

-la tête du cochon est cuite dans un chaudron. La chair, la peau et la langue, sont utilisées pour le boudin et le pâté de tête La fabrique à charcuterie se met en marche, en commençant par le boudin à l’oignon :

Dans un récipient on procède au mélange des oignons, du sang et de la viande de tête ;le tout est ensuite haché à l’aide d’un appareil muni d’une manivelle ( le hachoir), puis à l’aide d’un entonnoir les boyaux sont remplis de ce mélange à la longueur souhaitée .A la fin de cette opération , les boudins en partie crus sont placés dans un chaudron dont l’eau est déjà chaude pour la cuisson. En ce qui concerne le boudin de tête, la recette est la même avec un peu plus de viande de tête et pas d’oignons. Bien entendu la salaison, le parfum et les épices restent le secret de la responsable de maison qui surveille en outre la cuisson du boudin. On passe ensuite à la fabrication de la saucisse, du saucisson, du pâté de tête et du pâté.

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Pour chaque espèce la viande correspondante est sélectionnée et hachée comme pour le boudin. Les boyaux sont ensuite remplis par catégorie . Toute cette charcuterie est ensuite suspendue en hauteur au moyen de longs roseaux ou bâtons pour séchage. Les jambons et éventuellement les épaules sont salés abondamment et placés dans une grande caisse, avec suffisamment de poids ( blocs de pierre en principe) pour bienégoutter les jambons. Enfin le pâté fait de foie de viande et de graisse du cochon est préparé à l’aide du hachoir et cuit dans un ustensile dont la capacité correspond au nombre de petits récipients (des verres à eau en principe) à utiliser.

Voilà je pense que l’on dispose maintenant de quoi organiser quelques casse-croûte

Ainsi s’achève la vie d’un animal que l’on a bien soigné pour les besoins de notre table.

Souvenirs et récits d’

Antoine Garcia né en 1924

Le 10.02.2009

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Au Telagh avant d'appeler le médecin, on y regardait à deux fois. On se soignait d'abord tout seul : friction d'essence de térébenthine ou alcool 96°, au lit avec une tisane bien arrosée ; ça faisait transpirer, le froid "sortait". Les ventouses aussi, toutes les maisons en avaient ,on peut développer brièvement les ventouses, comme support genre un pot de yaourt en verre auquel on mettait à l'intérieur du coton que l'on enflammait et que nous appliquions sur le dos ,bien sur au moins une dizaine de pots ,ça aspirait la peau qui pénétrait dans la ventouse en verre et était sensé te retirer le froid suite à une toux ou une petite bronchite ,et bien sur il y avait les cataplasmes de marque Sinapisme Rigollot, ce médicament à base de farine de moutarde ,ce médicament était utilisé comme décongestionnant des affections respiratoires rhume, toux et petite bronchite , certaine fois on t'en collait plusieurs plaques en genre de tissus épais genretoile de jute .

A cette époque, on ne connaissait pas le tétanos, personne n'était vacciné, moi, je me souviens seulement d'une vaccination contre la diphtérie et la variole quand j'étais tout petit.  Pour les petites misères, chaque famille avait son arsenal de remèdes naturels : les infusions , les fumigations de tilleul, les remèdes et les secrets, ce n'ait pas ce qui manquait : si tu saignais du nez, on mettait une clef dans le dos, on avait des recettes pour tout. Beaucoup faisaient confiance au rebouteux et aux guérisseurs.Nous allions voir un guérisseur pour faire sortir le soleil de la tète, l'ustensile utilisé : une poêle remplie d'eau ,et il invoquait dans son

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charabia la force divine, et pendant que la translation s'effectuait, la température de l'eau de la poêle s'élevait, l'eau bouillonnait, tandis que le "malade" revenait à lui, l'insolation avait disparu, c'est une histoire vraie, ce n'est une histoire banale ni une histoire loufoque, certains d'entre nous ont assisté à cette scène. L'on peut donner des noms..... Mais nous n'étions pas autant anti docteur, le docteur COLONNA, toujours disponible, de jour comme de nuit ; c'était le docteur qui prenait le patient ou le blessé, sa porte était toujours ouverte. C'était un médecin "fabuleux",, un médecin qui savait diagnostiquer, accoucher, nettoyer une plaie, et même extraire une dent, enlever un épillet de l'œil d'un ouvrier. C'était un médecin généreux, la vocation était en lui. Quelques années plus tard, le docteur LACHEZE, nouvelle génération de médecin, lui aussi, toujours à l'écoute et prêt à rendre la douleur moins difficile à supporter. Les nouveaux médicaments avaient leur apparition, le pharmacien avait transformé ses étagères, plus de confection de médicaments ; le XX° siècle avait pointé ses griffes, la médecine, à partir de ce moment, avait pris une nouvelle dimension, les médecins se spécialisaient et il fallait aller à la ville, pour nous SIDI-BEL-ABBES, pour une chirurgie, l'optique, les accidents et toutes les maladies graves.  Et je me pose la question, mais comment faisaient-ils nos Anciens pour retrouver la santé ? En fait, nos Anciens ne se plaignaient pas, ceux qui pleurnichaient, on ne les écoutait guère,ils étaient durs à la douleur, endurants, ils ne comptaient sur personne, et il fallait toujours entreprendre, toujours améliorer son quotidien ; c'était sans doute, une drogue, et ils ne pouvaient s'en passer, ils étaient issus d'une génération de souffrances, ils ne se sont pas dérobés à la tache, à l'amour de leurs terres. Aujourd'hui, nous pouvons trouver tout cela excessif, mais de grâce, respectons-les et essayons d'avoir cette volonté pour entreprendre l'écriture "d'une époque bien de chez nous". Le silence et l'oubli, deux mots qui me sont insupportables à entendre.... Le 09.01.2009Henry Durand

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 Les distractions au village Zegla sur la route de Saida , on n'en avait pas tous les jours, à part le café, les cartes, et de temps en temps les concours de belote pour les parents ; seul un baby-foot, pour les jeunes, équipait la salle du café.Voilà tout, pas d'autres loisirs. Aussi, quand arrivait le cinéma ambulant, quelle fête ! Un véritable événement ! l' opérateur faisait son tour du village pour annoncer la grande "soirée cinématographique". Une somme symbolique l'entrée, sans doute, aucune idée, mais il fallait apporter son siège. Nous, les jeunes, étions assis à la même le sol , tout proche de l'écran, les plus petits restaient auprès des parents sur les genoux. La salle du café était trop petite .....L'impatience gagnait l'assistance et quand le chef opérateur ordonnait d'éteindre les lumières, c'était des "chut ...chut !" attention, ça commence ! "taisez-vous". Au programme un petit film, un film court comique pour nous mettre" l'eau à la bouche" et puis le grand film. A chaque changement de bobine - lumière - mise en place  - "taisez-vous" "ça commence"   Chaque spectateur analysait et donnait son avis, en clair , il demandait une assistance pour comprendre le déroulement de l'intrigue.....Bref, un brouhaha digne d'un champ de foire.  Au moment crucial, il y en avait toujours  un qui donnait à haute voix, ses impressions ou qui mettait en garde le héros du film.  Le spectacle se terminait dans la joie et la bonne humeur, tous les spectateurs, que dis-je les " cinéphiles avertis" récupéraient les enfants et rentraient chez eux dans la pénombre, et les villageois expliquaient toutes les situations, car de nombreux spectateurs , à l'issue de la séance, n'avaient toujours pas compris l'énigme du film policier, pour le film, disons plus sentimental , le scénario du

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film était plus aléatoire pour la compréhension, chacun émettait un avis, d'autres en apportaient la contradiction ....Il est bien évident que tous les spectateurs avaient, pourtant assisté à la même projection, mais, en réalité, chacun avait vu un film différent..  Nostalgie d'un temps lointain, et je conclus ainsi

" le bonheur ne se vit pas au présent. Parfois, on s'y trompe, car il est reconstitué et revient sous la forme d'un présent historique. Le bonheur est une sorte de pari sur l'avenir ou une nostalgie du passé. Nostalgie, voilà le mot. 

 *note du narrateur* Je vous rassure, ce n'est pas de moi , cette conclusion. J'avais conservé ce paragraphe lors d'une lecture d'un texte dans une revue "l'indispensable illusion"

Le 12.01.2009

Henry Durand

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Je profite de cette période hivernale  pour te narrer de mémoire, une journée d'une vie laborieuse qui n 'existe plus :  le lave linge avec programmateur , avec économie d'eau et énergie , de la lessive dans une boule,, essorage à la demande ....Et bon pour notre environnement ....  La grosse lessive, chez ma grand-mère au Telagh , elle la faisait, une fois par mois. Du matin au soir, ce jour là, elle mettait à bouillir le linge dans une grande lessiveuse sur le feu, posée sur un trépied. Ma grand-mère mettait de la cendre dans un sac de jute et le posait sur linge. L'eau, en bouillonnant passait sur le sac, et le jus qui en sortait nettoyer le linge. La lessive bouillie, accompagnée de la femme de ménage, elles savonnaient le linge avec du savon de Marseille sur un bac qui disposait d'une avancée, ce support permettait de battre le linge, un travail de sportifs ! Personne ne rechignait à la tache, pas de douleurs,  la machine à laver  le linge n'existait pas, et les produits de lessive non plus ....De grandes longueurs de fils de fer permettaient d'étendre les grandes pièces, et le soir, le linge était sec, il était, ensuite, empilé dans des corbeilles, en attendant le repassage, cela sera un autre épisode de ma courte vie passée de l'autre coté de la Méditerranée . 

Le 23.01.2009

Henry Durand

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Manisfestation d'enfants au Télagh (juillet 1958)

En rangeant des documents familiaux, j'ai retrouvé ces vielles photos. Au dos de l'une d'elle, ma chère maman a écrit: « Le 13 mai 1958 au Télagh. » Je crois pour ma part, pour me souvenir du 13 mai 58 au Télagh, et en raison d'un indice sur la photo numéro 1, qu'il s'agit des photos de la manifestation d'enfants au Télagh, début juillet 1958. Qui est l'auteur des photos? Peut-être un gendarme qui les auraient ensuite données à mon père. (Mon père commandait la section de gendarmerie du Télagh).

Voici cette histoire de gamins, ou comment un jeu d'enfants devint une manifestation patriotique rapportée par l'écho d'Oran.

Fin juin 1958, ma sixième terminée au lycée Laperrine de Sidi Bel-Abbès, je rentre au Télagh pour les grandes vacances. Les copains de la gendarmerie me disent qu'ils ont organisé un grand jeu pour fêter mon retour: nous allons faire un grand défilé militaire. J'adhère avec enthousiasme à l'idée, mais l'un des gamins fait remarquer que dans la cour de la caserne ce ne serait qu'un petit défilé: si l'on veut faire un « grand » défilé, il faut défiler dans les rues du Télagh. Proposition adoptée bien sûr à l'unanimité, et nous voilà tous parcourant le village pour rameuter les copains. Enthousiasme général et communicatif.

 

 

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Nous rencontrons le fils Cambon, le fils du maire. Douche froide. Il nous faut, dit-il, l'autorisation de son père pour pouvoir défiler dans la rue. Nous ne sommes pas d'accord car

nous ne voulons pas l'intrusion d'adultes dans notre histoire de gosses. Mais le fils Cambon est formel: « pas d'autorisation de mon père, pas de défilé. » Il nous faut donc passer par cette fourche caudine, et nous voilà devant Monsieur le maire, qui nous écoute, semble approuver, et nous pose la question fatale: « Pourquoi voulez-vous faire ce défilé? »

C'est la cata, adieu lait, veaux, vaches, cochons. Nous sommes anéantis, mais tout à coup, ça m'échappe sans contrôle: « Nous voulons manifester pour demander la libération de mon cousin Serge qui a été enlevé par les fellagahs. » Monsieur Cambon, bien sûr, nous donne sa bénédiction mais nous dit-il, il nous faut de plus l'autorisation du commandement militaire. Il décroche son téléphone et nous organise un rendez-vous avec le colonel commandant les troupes du Télagh.

 

 

De la mairie au PC militaire il n'y avait qu'un pas, et nous voilà, franchement émus et presque tremblants devant le colonel. J'ai le souvenir qu'il était entouré d'adjoints qui me firent forte impression par leur allure de cow boys avec leur chapeau de brousse et l'arme pendante à la ceinture. Il nous interroge sur nos motivations, bien sûr devenues très fortes depuis que nous avons trouvé l'alibi de mon cousin, et nous met un sous officier à disposition pour nous aider (nous surveiller?). Il nous promet un drapeau. Il nous reste encore une couleuvre à avaler: il va de soi que tous les enfants du Télagh participent à la manifestation, donc les filles aussi. Avec les filles? Tu parles d'un défilé militaire!

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Il est convenu que le défilé partira le lendemain après midi de la gendarmerie, descendra la grande rue et ira au monument aux morts, où il faut

bien le dire nous ne savons pas trop quoi organiser. Quelqu'un suggère, sans trop de conviction, d'y réciter des prières.

Nous voilà sur le point de démarrer le défilé, n'attendant plus que le drapeau promis. Il arrive, mais pas seul. Il y a une femme d'officier qui vient avec son gamin, tout de blanc vêtu, gamin visiblement adopté: il est d'origine malgache. Personne ne le connaît et pour cause. Plus tard, moi même militaire je connaîtrais ces affectations à l'étranger en zone à risque, dites « postes célibataires » où l'épouse est tolérée par l'armée, un mois l'été, le plus souvent sans enfant. Nous n'en voulons pas de cet inconnu mais finissons par l'accepter, à condition qu'il se mette en queue de défilé. Que le lecteur nous pardonne cette attitude peu louable: nous étions gamins et donc inconséquents. Cependant la maman ne l'entend pas de cette oreille. Non seulement elle veut son fils devant, mais elle exige que ce soit lui qui porte le drapeau, sinon dit-elle, « je vais prévenir mon mari et il n'y aura pas de défilé. » C'est donc lui que nous voyons sur la photo, en tête et portant le drapeau. Le souvenir très clair et amusé de cet incident me fait dire avec certitude qu'il s'agit bien des photos de cette manifestation et non  celles du13 mai 58.

Le défilé se déroule sans aucun incident, le porte drapeau devant, suivi des filles, galanterie oblige.

 

 

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Au monument aux morts, l'un d'entre nous a la bonne idée d'entonner la Marseillaise et nous voilà tous à chanter. Sur la photo je reconnais le fils Cambon, et je

me reconnais. La population du Télagh, pied noir et musulmane assiste, curieuse, à la manifestation.  

 

 

À peu de temps de cet événement, mes parents vont passer la journée à Oued Imbert chez mon oncle Alex. Ma tante Germaine, la mère de Serge, est là. Elle a lu le petit article dans l'écho d'Oran et me sert très fort et très longuement dans ses bras, m'embrasse; elle est en sanglots: « je n'oublierai jamais ce que les enfants du Télagh ont fait pour Serge. » Je n'ai pas le cœur de dire que tout est parti d'un jeu de gamins.

 L'été passe puis la rentrée scolaire arrive. Je retourne au lycée Laperrine. J'y suis accueilli par un grand (pour moi était un « grand » tout élève de troisième et au delà). Il m'interpelle par un très soupçonneux: « tu as été enlevé par les fellagahs toi? » Il faut dire que l'article paru dans l'écho d'Oran contenait les approximations et ambiguïtés habituellement trouvées dans la presse locale. On pouvait en déduire, avec certes un peu d'imagination, que c'était moi qui avait été enlevé et miraculeusement retrouvé, et que les enfants du Télagh avaient spontanément manifesté à mon retour. Pour Serge, hélas, il n'y eut pas de miracle. Longtemps je me suis senti coupable de trahison à la mémoire de mon cousin: c'est ma saillie inconsciente en réponse à la question du maire qui a transformé un jeu d'enfants en affaire de grands. Mais avec ces photos, j'ai retrouvé ce poème daté de juin 1958 et pieusement conservé par ma mère, ce qui en quelque sorte m'absout. Ce gamin qui est moi, pas encore onze ans, me plait. Il ne se laisse pas abattre par l'adversité et ne songe qu'à une chose: s'évader. Par ailleurs j'adore la

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formule typiquement pied noir: « si j'aurais... » et note les fautes d'orthographe, mais ça, c'est universel. J'imite, plutôt mal, la signature de mon père. Non que je m'entrainais pour le carnet de notes, mais parce que j'avais et ai toujours eu la plus grande admiration pour lui.

le diaporama est visible à l'adresse:http://jalbum.net/browse/user/album/768610/;jsessionid=nn2zhw4vqhkewvbpbm1tcu90

Le 10.01.2011Denis KREMER

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Bonjour à tous ,d'abord vous remercier de m'avoir adresser autant de récits et souvenirs ( 34).Le succès est tel que j'ai du ouvrir une deuxième ,puis troisième ,quatrième rubrique dans mon Site Le SITE à JULIO du TELAGH pour pouvoir héberger tous vos souvenirs d'enfance .

Il m'est apparu intéressant de créer un fichier en word 97 et de mettre toutes vos histoires les unes derrières les autres afin d'en faire un récapitulatif sorte de petit livre de 85 pages à ce jour ,que vous pourrez lire et imprimer et pourquoi pas l'offrir à vos proches .

Mes Sincères Amitiés je vous embrasse tous .

Créé par Jules SEGURA Le 19.12.2008

Mise à jour Le 07.02.2011

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