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Le livre de la Confiance

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Le livre de

la Confiance

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Le livre de la Confiance

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Le mariage de la Sainte Vierge et de saint Joseph

Voici un exemple admirable de confiance. Saint Joseph est

l’époux réservé par Dieu à la Sainte Vierge qui a fait vœu de vir-

ginité perpétuelle. Cet engagement est irrévocable : Elle l’oppose

même à l’ange Gabriel venu lui demander son consentement

avant de devenir la Mère du Sauveur. Mais la Très Sainte

Vierge s’abandonne à la volonté de la Providence tout en ayant

confiance que Dieu, qui lui a inspiré ce vœu, interviendra pour

en assurer l’exécution.

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Elle fait confiance aussi à saint Joseph qui saura respecter sa

promesse. Marie sait par révélation les dispositions de saint Jo-

seph qui, lui aussi, a consacré à Dieu sa virginité. « Ce sont deux

virginités qui s’unissent pour se conserver éternellement l’une

l’autre »1 dira Bossuet.

L’Ange du Seigneur apparut en songe à saint Joseph et lui dit :

« Joseph, fils de David, ne crains pas de prendre chez toi Marie, ta

femme: car ce qui a été engendré en elle vient de l’Esprit Saint; elle

enfantera un fils, et tu l’appelleras du nom de Jésus : car c’est lui

qui sauvera son peuple de ses péchés ». (Matthieu 1, 20-21)

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Société française pour la défense de laTradition, Famille, Propriété – TFP6, avenue Chauvard – 92600 AsnièresTél. : 01 45 55 61 88N° Siret : 310 209 994 000 22

Hors-commerce, ne peut être vendu.ISBN : 2-901039-31-6

Dépot légal : juin 2006

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Abbé Thomas de Saint Laurent

Le livre

de la

Confiance

— TFP—

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Jésus et la Samaritaine

Jésus se tenait assis près du puits de Jacob,

en Samarie. Une femme vient pour puiser de

l’eau et Il lui dit : « Donne-moi à boire ».

Comme elle s’étonnait, Jésus lui répondit :

« Si tu savais le don de Dieu et qui est celui qui te

dit : Donne-moi à boire, c’est toi qui l’aurais prié

et il t’aurait donné de l’eau vive ». (Jean 4, 5-42)

Chapitre premierConfiance !

Confiance !I. Notre-Seigneur nous invite à la confianceII. Beaucoup d’âmes ont peur de DieuIII. D’autres manquent de foiIV. Cette défiance leur est préjudiciableV. But et division de l’ouvrage

I – Voix du Christ, voix mystérieuse de la grâce quirésonnez dans le silence des cœurs, vous murmurez aufond de nos consciences des paroles de douceur et de paix.

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Dans nosmisères présentes, vous nous répétez le mot, quele Maître prononçait si souvent pendant sa vie mortelle :« Confiance, confiance ! »

A l’âme coupable, oppressée par le poids de ses fau-tes, Jésus disait : « Confiance, mon enfant ! Tes péchés tesont remis2. » « Confiance ! disait-il encore à la maladeabandonnée, qui attendait de lui sa guérison ; ta foi t’asauvée3. » Quand ses apôtres tremblaient d’épouvante, enle voyant marcher la nuit sur le lac de Génézareth, il lestranquillisait par cette déclaration rassurante : « Ayezconfiance ! C’est moi , ne craignez rien4. » Et le soir dela Cène, connaissant les fruits infinis de son Sacrifice, ilpoussait, en allant à la mort, ce cri de triomphe : « Confian-ce, confiance ! J’ai vaincu le monde5. »

Quand il tombait de ses lèvres adorables, tout vibrantde tendresse et de pitié, ce mot divin opérait dans les âmesune transformation merveilleuse. Une rosée surnaturellefécondait leur aridité ; des clartés d’espoir dissipaientleurs ténèbres ; une sereine assurance chassait leurs an-goisses. Car les paroles du Seigneur « sont esprit et vie6 ».« Bienheureux qui les écoute et les met en pratique7. »

Comme jadis ses disciples, c’est nous maintenantque Notre-Seigneur invite à la confiance. Pourquoi refu-serions-nous d’entendre sa voix ?

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II – Peu de chrétiens, même parmi les plus fervents,possèdent cette confiance, qui exclut toute anxiété et toutehésitation. De ce fait on peut trouver plusieurs causes.

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Chapitre premier

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L’Évangile raconte que la pêchemiraculeuse stupéfiaPierre. Avec sa fougue habituelle, il mesura d’un coupd'œil la distance infinie, qui séparait la grandeur duMaîtrede sa propre bassesse. Il frissonna d’une terreur sacrée etse prosternant la face contre terre : « Éloignez-vous demoi,Seigneur, s’écria-t-il ; car je suis un pécheur8. »

Certaines âmes partagent cette crainte de l’Apôtre.Elles sentent si vivement leur indigence et leurs souil-lures, qu’elles osent à peine s’approcher de la Saintetémême. Il leur semble qu’un Dieu si pur doive éprouver às’incliner vers elles une invincible répulsion. Impressionfâcheuse, qui donne à leur vie intérieure une attitude con-trainte et parfois la paralyse complètement.

Comme elles se trompent, ces âmes !

Bien vite Jésus s’approcha de l’Apôtre effrayé. « N’aiepas peur9 », lui dit-il ; et il le releva.

Vous aussi, Chrétiens, qui avez reçu tant de marquesde son amour, ne craignez pas. Notre-Seigneur redoute pardessus tout que vous ayez peur de lui. Vos imperfections,vos faiblesses, vos fautes les plus graves, vos rechutes sifréquentes ne le rebuteront pas, pourvu que vous désiriezsincèrement vous convertir. Plus vous êtes misérables, plusil a compassion de votre détresse ; plus il désire remplir au-près de vous sa mission de Sauveur. N’est-ce pas surtoutpour les pécheurs qu’il est descendu sur la Terre10 ?

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Confiance !

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III – D’autres âmes manquent de foi. Elles ont assu-rément cette foi générale, sans quoi elles trahiraient lagrâce de leur baptême. Elles croient Notre-Seigneur toutpuissant, bon et fidèle en ses promesses ; mais elles appli-quent malaisément cette croyance à leurs nécessités parti-culières. Elles ne sont pas dominées par cette convictionirrésistible, qu’attentif à leurs épreuves, Dieu se penchedéjà sur elles pour les secourir.

Le Christ nous demande pourtant cette foi spéciale,concrète. Il l’exigeait autrefois comme condition indis-pensable à ses miracles ; il l’attend encore de nous pournous accorder ses faveurs.

« Si tu peux croire, tout est possible à celui qui croit11 »,disait-il au père de l’enfant possédé. Et dans le couvent deParay-le-Monial, employant presque les mêmes termes, ilrépétait à Sainte Marguerite-Marie : « Si tu peux croire, tuverras la puissance de mon cœur dans la magnificence demon Amour. »

Pouvez-vous croire ? Pouvez-vous arriver à cette cer-titude, si forte que rien ne l’ébranle, si claire qu’elle équi-vaut à l’évidence ? Tout est là. Quand vous parviendrez àce degré de confiance, vous verrez des merveilles se réali-ser en vous.

Demandez donc au Divin Maître d’augmenter votrefoi. Répétez-lui, souvent la prière de l’Évangile : « Jecrois, Seigneur ; aidez mon incrédulité12. »

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IV – La défiance, quelles qu’en soient les causes,nous porte préjudice : elle nous prive de grands biens.

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Chapitre premier

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Quand saint Pierre, sautant de sa barque, s’élançait à larencontre du Sauveur, il marchait avec assurance sur lesflots. Le vent soufflait avec violence. Les vagues tour à tourse dressaient d’un bond furieux et creusaient des gouffresprofonds. L’abîme s’ouvrait devant l’Apôtre. Pierre trem-bla ; il hésita une seconde. Aussitôt il enfonça : « Homme depeu de foi, lui dit Jésus, pourquoi as-tu douté ?13 »

Voilà notre histoire. Dans nos moments de ferveurnous nous tenons recueillis près duMaître. Vienne la tem-pête, le péril absorbe notre attention. Nous détournons nosregards de Notre-Seigneur pour les porter anxieusementsur nos souffrances et nos dangers. Nous hésitons ; aussi-tôt nous enfonçons.

La tentation nous assaille. Le devoir nous paraîtmaussade ; son austérité nous rebute ; son poids nous ac-cable. Des imaginations troublantes nous obsèdent. L’ora-ge gronde dans notre intelligence, dans notre sensibilité,dans notre chair... Et nous nous affolons ; nous tombonsdans le péché ; nous tombons dans le découragement, pluspernicieux que la faute. Âmes sans confiance pourquoiavons-nous douté ?

L’épreuve nous frappe de mille manières. Nos affai-res temporelles périclitent ; notre avenir matériel nousinquiète. La malveillance s’attaque à notre réputation. Lamort brise les liens de nos affections les plus légitimeset les plus tendres... Et nous oublions quel soin paternella Providence prend de nous. Nous murmurons, nousnous révoltons : nous augmentons ainsi nos difficultés etl’amertume de nos deuils. — Âmes sans confiance pour-quoi avons-nous douté ?

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Confiance !

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Si nous nous étions attachés au BonMaître, avec uneconfiance d’autant plus grande que notre situation sem-blait plus désespérée, nous n’aurions subi aucun dom-mage. Nous aurions marché paisiblement sur les flots ;nous serions arrivés sans encombre au golfe tranquille etsûr ; nous aurions bientôt retrouvé la plage ensoleillée,qu’illuminent les clartés célestes.

Les saints ont lutté contre les mêmes difficultés quenous ; plusieurs d’entre eux ont commis les mêmes fautes.Mais du moins ils n’ont pas douté. Ils se sont relevés sansretard, plus humbles après leur chute, ne comptant désor-mais que sur le secours d’en-haut. Ils conservaient dansleurs cœurs cette certitude absolue, qu’appuyés sur Dieu ilspouvaient tout. Leur confiance ne les a pas confondus14.

Devenez donc des âmes de confiance. Notre-Seigneurvous y invite ; votre intérêt le réclame. Vous deviendrezen même temps des âmes de paix et de lumière.

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V – Cet ouvrage n’a d’autre but que de vous initier àla connaissance et à la pratique de cette vertu. Il vous enexposera très simplement la nature, l’objet, les fonde-ments et les effets.

Pieux lecteur, si jamais ce modeste volume tombesous vosmains, ne le repoussez pas dédaigneusement. Il neprétend ni au charme littéraire, ni à l’originalité. Il contientdes vérités consolantes, que j’ai recueillies dans les livresinspirés et dans les écrits des saints : c’est son seul mérite.

Lisez-le lentement, avec attention, en esprit d’orai-son. J’allais dire : méditez-le. Laissez-vous pénétrer dou-

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Chapitre premier

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cement par sa doctrine. La sève de l’Évangile en gonfleles pages : est-il pour les âmes meilleure nourriture queles paroles du Sauveur ?

Puissiez-vous, en achevant cette lecture, vous confieruniquement en ceMaître adorable, qui nous a tout donné :ses trésors, son amour, sa vie, jusqu’à la dernière goutte deson Sang !

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Notes

1. Bossuet, Premier panégyrique de saint Joseph2. « Mon fils, aie confiance, tes péchés te sont remis ». Math. IX, 2.3. « Ayez confiance, ma fille, votre foi vous a guérie ». Math. IX, 22.4. « Ayez confiance, c’est moi, ne craignez point ». Marc VI, 50.5. « Prenez confiance, j’ai vaincu le monde ». Jean XVI, 33.6. « Les paroles que je vous ai dites sont esprit et vie ». Jean VI, 64.7. « Heureux plutôt ceux qui écoutent la parole de Dieu et qui la

gardent ». Luc XI,28.8. «Eloignez-vousdemoi,Seigneur, parceque je suis unpécheur».

Luc V, 8.9. « Ne crains point ». Luc V, 10.10.« Je ne suis pas venu appeler les justes mais les pécheurs ».

Marc II, 17.11.« Si vous pouvez croire, tout est possible à celui qui croit ».

Marc IX,22.12.« Je crois, Seigneur ; venez au secours de mon incrédulité ».

Marc IX, 23.13.« Homme de peu de foi, pourquoi as-tu douté ? » Math. XIV, 31.14.« L’espérance ne trompe point ». Rom. V, 5.

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Confiance !

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Chapitre premier

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Saint Elie réconforté par l’Ange

Le prophète Elie, après avoir passé au fil de

l’épée quatre cent cinquante prophètes de Baal,

fuit la colère de la reine Jézabel. Ayant perdu

courage, « il se coucha et s’endormit. Mais voici

qu’un ange le toucha et lui dit : “Lève-toi et

mange”. Il regarda et voici qu’il y avait à son

chevet une galette cuite sur les pierres chauffées

et une gourde d’eau. Il mangea et but, puis il se

recoucha. Mais l’ange du Seigneur revint une

seconde fois, le toucha et dit : “Lève-toi et mange,

autrement le chemin sera trop long pour toi.”

« Il se leva, mangea et but, puis soutenu par cette

nourriture il marcha 40 jours et 40 nuits jusqu’à

la montagne de Dieu, l’Horeb ». (1 Rois 19, 5-8)

Chapitre IINature et qualités de la confiance

Nature et qualitésde la confiance

I. La confiance est une ferme espéranceII. Elle est fortifiée par la foiIII. La confiance est inébranlableIV. Elle ne compte que sur DieuV. Elle se réjouit dans la privation des secours humains

I – Avec cette concision qui porte la marque de songénie, saint Thomas définit la confiance : « Une espérance

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fortifiée par une solide conviction1. » Parole profonde, quenous nous bornerons à commenter dans ce chapitre.

Pesons attentivement les termes qu’emploie le DocteurAngélique.

La confiance, écrit-il, est « une espérance » ; non pascette espérance ordinaire, commune à tous les fidèles. Unqualificatif précis l’en distingue : c’est une espérance for-tifiée.

Remarquez-le bien cependant : il n’y a pas ici dif-férence de nature, mais seulement de degré. Les lueursincertaines de l’aube appartiennent au même jour quel’éblouissement du plein midi. Ainsi la confiance et l’es-pérance appartiennent à la même vertu : l’une n’est quel’épanouissement complet de l’autre.

L’espérance commune se perd par le désespoir ; elletolère toutefois une certaine inquiétude. Mais quand elleatteint cette perfection, où elle change son appellationcontre le nom de « confiance », sa susceptibilité devientplus chatouilleuse. Elle ne supporte plus l’hésitation, si lé-gère qu’on la conçoive. Le moindre doute la rabaisseraitet la ramènerait au niveau du simple espoir.

Le Prophète royal choisissait exactement ses expres-sions, quand il appelait la confiance « une surespérance »2 :il s’agit, en effet, d’une vertu portée à son maximum d’in-tensité. Et le P. Saint-Jure, l’un des auteurs spirituels lesplus estimés du XVIIème siècle, voyait justement en elleune espérance « extraordinaire et héroïque3 ».

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Chapitre II

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La confiance n’est donc pas une fleur banale. Elle croîtsur les cimes ; elle ne se laisse cueillir que par les généreux.

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II – Poussons plus avant cette étude.

Quelle force souveraine affermit l’espérance, aupoint de la rendre inébranlable aux assauts de l’adversité ?— La foi.

L’âme confiante a retenu dans sa mémoire les pro-messes du Père céleste ; elle les a méditées profondément.Elle sait que Dieu ne peut pas manquer à sa parole ; de làson imperturbable assurance. Que le péril la menace,l’environne, la terrasse déjà, elle conserve sa sérénité.Malgré l’imminence du danger, elle répète la parole duPsalmiste : « Le Seigneur est ma lumière et mon salut ;que craindrais-je ? Le Seigneur protège ma vie ; qui meferait trembler ?4 »

Il existe, entre la foi et la confiance, des rapports inti-mes, des liens très étroits de parenté. Pour employer l’ex-pression d’un théologien moderne, il faut trouver dans lafoi « la cause et la racine5 » de la confiance. Or plus la ra-cine s’enfonce dans la terre, plus elle en puise les sucs-nourriciers ; plus vigoureuse poussera la tige, plus opu-lente sera la floraison. Ainsi notre confiance se déve-loppe, dans la mesure où s’approfondit notre foi.

Les Livres Saints reconnaissent la relation qui unit cesdeux vertus. Le mêmemot « fides » ne désigne-t-il pas tourà tour l’une et l’autre sous la plume des écrivains sacrés ?

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Nature et qualités de la confiance

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III – Les considérations précédentes auront peut-êtreparu trop abstraites. Il importait de nous y arrêter : nous endéduirons les qualités de la vraie confiance.

La confiance, écrit le P. Saint-Jure, est « ferme, stableet constante, à un degré si éminent, que rien au monde nepeut, je ne dis pas la renverser, mais même l’ébranler6. »

Imaginez les extrêmités les plus angoissantes dansl’ordre temporel, les difficultés les plus insurmontablesdans l’ordre spirituel : elles n’altéreront pas la paix del’âme confiante. Des catastrophes imprévues pourrontamonceler autour d’elle les ruines de son bonheur, plusmaîtresse d’elle-même que le sage antique, cette âmene bronchera pas : « Impavidum ferient ruinae7. » Ellese tournera simplement vers Notre-Seigneur ; elle s’ap-puiera sur lui avec une assurance d’autant plus grande,qu’elle se sent plus privée de tout secours humain. Ellepriera avec une ardeur plus vibrante, et dans les ténèbresde l’épreuve elle poursuivra sa course, attendant en si-lence l’heure de Dieu.

Une telle confiance est rare, sans doute. Mais si ellen’atteint pas ce minimum de perfection, elle ne mérite pasle nom de confiance.

On en trouve d’ailleurs de sublimes exemples dansles Écritures et dans la vie des saints.

Frappé dans sa fortune, dans sa famille, dans sa chair,Job, réduit à la dernière indigence, gisait sur son fumier.Ses amis, sa femme même aiguisaient sa douleur par lacruauté de leurs paroles. Lui pourtant ne se laissait pasabattre ; aucun murmure ne se mêlait à ses gémissements.Il se soutenait par les pensées de la foi. « Quand le Sei-

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Chapitre II

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gneur m’ôterait la vie, disait-il, j’espèrerais encore enlui8. »—Confiance admirable, que Dieu récompensa ma-gnifiquement. L’épreuve cessa. Job recouvra la santé ; ilretrouvera une fortune plus considérable et une existenceplus prospère qu’auparavant.

Dans un voyage, saint Martin tomba entre les mainsdes voleurs. Ces bandits le dépouillèrent ; ils allaient lemettre à mort, quand soudain, touchés de repentir ou frap-pés d’une crainte mystérieuse, ils le délivrèrent contretoute espérance. On demanda plus tard à l’illustre évêquesi, dans ce danger pressant, il n’avait pas ressenti quelquefrayeur. — « Aucune, répondit-il : je savais l’interventiondivine d’autant plus prochaine que sont plus éloignés lessecours humains. »

La plupart des chrétiens n’imitent malheureusementpas ces exemples. Jamais ils ne se tournent moins versDieu qu’au temps de l’épreuve.

Beaucoup ne poussent pas ce cri d’appel que le Sei-gneur attend pour leur venir en aide. Négligence funeste.« La Providence, disait Louis de Grenade, se réserve de ré-soudre par elle-même les difficultés extraordinaires, qui seprésentent dans la vie, tandis qu’elle laisse aux causes se-condes le soin de trancher les difficultés ordinaires9. » En-core faut-il réclamer l’aide céleste. Cette aide, Dieu nousl’accorde avec joie. « Loin d’être à charge à la nourricedont il suce le lait, l’enfant au contraire la soulage10. »

— D’autres, aux heures difficiles, prient ardemment,mais sans constance. S’ils ne sont pas exaucés sur lechamp, ils tombent d’une espérance exaltée dans un abat-tement déraisonnable. Ils ne connaissent pas les voies de

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Nature et qualités de la confiance

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la grâce. Dieu nous traite en enfants : il fait parfois lesourd pour le plaisir qu’il prend à nous entendre l’invo-quer. Pourquoi se décourager si vite, quand il conviendraitsurtout de prier avec plus d’instance ?

Saint François de Sales n’enseigne pas une autre doc-trine : « La Providence ne diffère son secours que pourprovoquer notre confiance. Si notre Père céleste ne nousaccorde pas toujours ce que nous demandons, c’est pournous retenir auprès de lui et nous donner sujet de le pres-ser par une amoureuse violence, ainsi qu’il le fit bien voirà ces deux pèlerins d’Emmaüs, avec lesquels il ne s’arrêtaque sur la fin du jour et quand ils le forcèrent11. »

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IV – Inébranlable fermeté, telle est donc le premiercaractère de la confiance. La seconde qualité de cette ver-tu est encore plus parfaite.

« Elle porte l’homme à faire peu d’état de tous les se-cours des créatures : soit des secours qu’il peut tirer delui-même, de son esprit, de son jugement, de sa science,de son adresse, de ses richesses, de son crédit, de ses amis,de ses parents et de tout ce qu’il a ; soit des secours qu’ilpeut attendre des autres, des rois, des princes, et générale-ment de toutes les créatures, parce qu’il sent et connaît lafaiblesse et la vanité de tous les secours humains créés. Illes regarde, comme ils sont en effet, et comme sainte Thé-rèse les appelait avec vérité, comme la tige sèche du géne-vrier qui rompt dès qu’on veut la charger12. »

Cette théorie ne procède-t-elle pas d’un mysticismefaux ? Ne conduit-elle pas au fatalisme, ou tout aumoins à

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Chapitre II

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une dangereuse passivité ? Pourquoi multiplier nos effortspour surmonter nos difficultés, si tous les appuis doiventse briser sous nos mains ? Croisons donc les bras, en espé-rant l’intervention divine !

Non, Dieu ne veut pas que nous nous endormionsdans l’inertie ; il exige que nous l’imitions. Sa très par-faite activité n’a pas de limites : il est l’acte pur. Nous de-vons donc agir ; mais nous devons attendre de Lui seull’efficacité de notre action.

Aide-toi, le Ciel t’aidera.

Telle est l’économie du plan providentiel.

A l'œuvre ! Travaillons de notre mieux, mais l’espritet le cœur tournés en haut. « En vain, vous vous lèverezavant le jour13 » ; si le Seigneur n’y met pas la main, vousn’aboutirez pas.

En effet, notre impuissance est radicale. « Sans moivous ne pouvez rien faire14 », dit le Sauveur.

Dans l’ordre surnaturel, cette impuissance est abso-lue. Ecoutez plutôt l’enseignement des théologiens.

Sans la grâce, l’homme ne peut résister à toutes lestentations, si violentes parfois, qui l’assaillent.

Sans la grâce l’homme ne peut pas observer, long-temps et dans leur ensemble, les commandements deDieu.

Sans la grâce, nous ne pouvons pas avoir une bonnepensée, faire la plus courte prière ; sans elle, nous ne pou-vons même pas invoquer pieusement le Nom de Jésus.

Ce que nous pouvons accomplir dans l’ordre surnatu-rel, nous vient uniquement de Dieu15.

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Nature et qualités de la confiance

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Dans l’ordre naturel même, c’est encore Dieu quidonne le succès.

Saint Pierre avait travaillé toute la nuit. Il était dur àla peine ; il connaissait à fond les secrets de son rude mé-tier. Cependant, il avait sillonné en vain les flots paisiblesdu lac : il n’avait rien pris. Mais il reçoit le Maître dans sabarque ; il lance ses filets au Nom du Sauveur : il fait alorsune pêche miraculeuse et les mailles se rompent sous lenombre des poissons.

A l’exemple de l’Apôtre, lançons nos filets avec unepatience inlassable ; mais n’attendons que de Notre-Seigneur une pêche merveilleuse.

« Dans ce que vous avez à faire, disait saint Ignacede Loyola, voici la règle des règles à suivre : fiez-vous àDieu, en agissant comme si le succès de chaque chose dé-pendait entièrement de vous et nullement de Dieu ; et ce-pendant, en employant tous vos soins à la faire réussir, necomptez pas plus sur eux que si Dieu seul devait tout faireet vous rien16. »

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V – Ne pas se décourager quand se dissipe le miragedes espérances humaines, ne compter que sur l’aide duCiel, n’est-ce pas déjà une haute vertu ? De son aile vigou-reuse la vraie confiance s’élance cependant vers des ré-gions encore plus sublimes. Elle y parvient par une sortede raffinement dans l’héroïsme ; elle arrive enfin au plushaut degré de sa perfection.

Ce degré « consiste à se réjouir quand on se voit dé-nué de tout secours humain, abandonné de ses parents, de

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Chapitre II

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ses amis et de toutes les créatures, qui ne veulent ou nepeuvent nous aider ; qui ne peuvent ni donner conseil, nise servir de leur adresse et de leur crédit ; à qui il ne resteaucun moyen de venir à notre secours17. »

Quelle profonde sagesse dénote une pareille joie dansdes circonstances aussi cruelles ! Pour chanter le cantiquede l’allégresse sous les coups qui devraient naturellementbriser notre courage, il nous faut connaître à fond le Cœurde Notre-Seigneur ; il nous faut croire éperdument à sa pi-tié miséricordieuse et à sa toute-puissante bonté ; il nousfaut avoir l’absolue certitude qu’il fixe pour ses interven-tions l’heure des situations désespérées.

Après sa conversion, saint François d’Assise dé-daigna les rêves de gloire, qui l’avaient ébloui quelquetemps. Il fuyait les réunions mondaines ; il se retirait dansles bois pour s’y livrer longuement à l’oraison ; il faisaitd’abondantes aumônes. Ce changement mécontenta lepère du jeune Saint : il traîna son fils devant l’officialitédiocésaine, lui reprochant de dissiper ses biens. Alors, enprésence de l’évêque émerveillé, François renonça àl’héritage paternel ; il quitta jusqu’aux vêtements, qu’iltenait de sa famille ; il se dépouilla de tout. Puis frémis-sant d’un bonheur surhumain : «Maintenant, ô mon Dieu,s’écria-t-il, je pourrai vous appeler plus justement que ja-mais : Notre Père qui êtes aux Cieux. »

Voilà comment agissaient les Saints.

Âmes frappées par l’épreuve, pas de murmures, dansl’abandon universel où vous êtes réduites. Dieu ne vousdemande pas une allégresse sensible, impossible à notrefaiblesse. Ranimez seulement votre foi, reprenez courage,

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Nature et qualités de la confiance

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et selon l’expression chère à saint François de Sales, « à lafine pointe de l’esprit » efforcez-vous de vous réjouir. LaProvidence vient de vous donner le signe, à quoi l’on re-connaît son heure prochaine : elle vous a privées de toutsoutien. C’est le moment de résister à l’inquiétude de lanature. Vous êtes arrivées à ce point de l’office intérieur,où l’on doit chanter le Magnificat et faire fumer l’encens.« Réjouissez-vous en Dieu ; je vous le répète, réjouissez-vous : le Seigneur est tout près18. »

Suivez ce conseil, vous vous en trouverez bien. Si ledivin Maître ne se laissait pas toucher par une telle con-fiance, il ne serait plus celui que les Évangiles nous mon-trent compatissant, celui que la vue de nos souffrancessecouait d’un frisson douloureux.

Notre-Seigneur disait à une âme privilégiée : « Si jesuis bon pour tous, je suis très bon pour ceux qui se con-fient en moi. Sais-tu quelles sont les âmes qui profitent leplus de ma bonté ? — Celles qui se confient davantage...Les âmes confiantes sont les voleuses de mes grâces19. »

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Chapitre II

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Notes

1. Saint Thomas, 2-2, q.129, art. 6, ad 2.

2. Ps. CXVIII.

3. Saint-Jure,De la connaissance et de l’amour de Jésus-Christ, tomeIII, p.3.

4. « Le Seigneur est ma lumière et mon salut : qui craindrais- je ?Le Seigneur est le rempart de ma vie : de qui aurais-je peur ? »Ps. XXVI, 1.

5. Pesch, Praelectiones dogmaticae, tome VII, p. 51, note 2.

6. Saint-Jure, De la connaissance et de l’amour de Jésus-Christ,tome III, p.3.

7. Horace, ode 3 du livre III.

8. Job XIII, 15.

9. Louis de Grenade, Premier sermon pour le deuxième dimancheaprès l’Épiphanie.

10.Idem.

11.Petits Bollandistes, tome XIV, p. 542.

12.Saint-Jure, De la connaissance et de l’amour de Jésus-Christ,tome III, p.3.

13.«C’est envainquevousvous levezavant le jour».Ps.CXXVI,2.

14.« Séparés de moi, vous ne pouvez rien faire ». Jean XV, 5.

15.« Cette assurance, nous l’avons par le Christ en vue de Dieu ».II Cor. III, 4.

16.R. P. Xavier de Franciosi, L’esprit de saint Ignace, p. 5.

17.Saint-Jure, De la connaissance et de l’amour de Jésus-Christ,tome III, p.4.

18.« Réjouissez-vous dans le Seigneur en tout temps ; je le répète,réjouissez-vous (...) le Seigneur est proche ». Philip. IV, 4 et 5.

19.Sœur Bénigne Consolata Ferrero, p. 95 et 96. Imprimerie Roudil,Lyon. Cette vie a paru, en 1920, avec l’imprimatur del’Archevêché et les déclarations prescrites par les décretsd’Urbain VIII.

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Nature et qualités de la confiance

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Le Bon Pasteur

« Je suis le bon pasteur ; le bon pasteur donne sa

vie pour ses brebis. Le mercenaire,

qui n’est pas le pasteur et à qui n’appartiennent

pas les brebis, voit-il venir le loup,

il laisse les brebis et s’enfuit, et le loup s’en

empare et les disperse. C’est qu’il est mercenaire

et ne se soucie pas des brebis.

« Je suis le bon pasteur ; je connais mes brebis et

mes brebis me connaissent, comme le Père me

connaît et que je connais le Père, et je donne ma

vie pour mes brebis ». (Jean 10, 11-15).

Chapitre IIILa confiance en Dieu et nos nécessités temporelles

La confiance en Dieu etnos nécessités temporelles

I. Dieu pourvoit à nos nécessités temporellesII. Il le fait conformément à la situation de chacunIII. Ne pas s’inquiéter de l’avenirIV. Chercher en premier lieu le royaume de Dieu

et sa justiceV. Prier pour nos besoins temporels.

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I – La confiance, nous l’avons vu, est une espérancehéroïque : elle ne diffère de l’espérance commune à tousles fidèles que par son degré de perfection. Elle s’exercepar conséquent sur les mêmes objets que cette vertu, maispar des actes plus intenses et plus vibrants.

Comme l’espérance ordinaire, la confiance attend duPère céleste tous les secours qui sont nécessaires pour vi-vre saintement ici-bas et mériter la béatitude du Paradis.

Elle attend, en premier lieu, les biens temporels, dansla mesure où ils nous conduisent à notre fin dernière.

Rien de plus logique. Nous n’allons pas à la conquêtedu Ciel à la façon des purs esprits : nous sommes composésd’un corps et d’une âme. Ce corps, que le Créateur a pétri deses mains adorables, est l’inséparable compagnon de notreexistence terrestre ; il le sera encore, après la résurrection gé-nérale, de notre sort éternel. Nous ne pouvons nous passer deson assistance dans notre lutte pour la vie bienheureuse.

Or pour se soutenir, pour remplir pleinement sa tâ-che, notre corps a des exigences multiples. Ces exigences,il convient que la Providence les satisfasse : elle le faitmagnifiquement.

Dieu se charge de subvenir à nos nécessités temporel-les ; il y pourvoit largement. Il nous suit d’un regard vigilantet ne nous laisse pas dans le besoin. Au sein même des diffi-cultés matérielles les plus angoissantes, ne nous troublonsdonc pas. Avec une assurance tranquille attendons de lamain divine ce qu’il nous faut pour l’entretien de notre vie.

« Je vous le dis, déclare le Sauveur, ne vous deman-dez pas avec inquiétude comment vous procurer les ali-

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Chapitre III

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ments pour vous soutenir et les habits pour vous couvrir.La vie n’est-elle pas plus que la nourriture, et le corps plusque le vêtement ?

« Regardez les oiseaux du ciel : ils ne sèment point,ils ne moissonnent point, ils n’amassent rien dans des gre-niers ; et votre Père céleste les nourrit. N’êtes-vous pasbeaucoup plus qu’eux ? ...

« Et pour le vêtement, pourquoi vous inquiétez-vous ? Voyez comment croissent les lis des champs : ils netravaillent pas ; ils ne filent pas. Cependant, je vous l’as-sure, Salomon même dans toute sa gloire n’a jamais étévêtu comme l’un d’eux. Si Dieu habille si magnifique-ment l’herbe des champs, qui pousse aujourd’hui et de-main sera jetée au feu, combien aura-t-il plus de soin devous vêtir, hommes de peu de foi !

« Ne vous inquiétez donc point. Ne dites pas : Quemangerons- nous ? Que boirons-nous ? De quoi nous vêti-rons-nous ? N’imitez pas les païens qui se préoccupent decela. Votre Père sait que vous en avez besoin.

« Cherchez donc premièrement le royaume de Dieuet sa justice, et toutes ces choses vous seront données parsurcroît1. »

Il ne suffit pas de jeter en passant un coup d’œil sur cediscours de Notre-Seigneur. Il importe de s’y arrêter lon-guement pour en chercher la signification profonde etpour se pénétrer de sa doctrine.

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La confiance en Dieu et nos nécessités temporelles

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II – Faut-il prendre ces paroles au pied de la lettreet les entendre dans leur sens le plus étroit ? Dieu nousdonne-t-il seulement le strict nécessaire : le morceau depain sec, le verre d’eau, le lambeau d’étoffe, dont notremisère ne peut se passer ?

Non, le Père céleste ne traite pas ses enfants avec uneavaricieuse parcimonie. Le croire serait blasphémer soninfinie Bonté ; ce serait, si j’ose ainsi m’exprimer, mécon-naître ses habitudes. Dans l’exercice de sa Providencecomme dans son œuvre créatrice, il met, en effet, unesorte de prodigalité.

Quand il lance les mondes à travers les espaces, il tiredu néant des astres par milliers. Dans la voie lactée, cetteplage immense des nuits lumineuses, chaque grain de sa-ble n’est-il pas une étoile ?

Quand il nourrit les oiseaux, il les invite à la tableopulente de la Nature. Il leur offre le blé qui gonfle lesépis, les graines de toutes sortes qui mûrissent sur lesplantes ; les baies que l’automne fait rougir dans les bois,les semences que le laboureur confie au sillon. Quel menuvarié à l’infini pour ces humbles bestioles !

Quand il crée les végétaux, il pare leurs fleurs de grâ-ces légères. Il cisèle leurs corolles comme des joyaux pré-cieux ; il verse dans leurs calices des parfums pénétrants ;il tisse leurs pétales d’une soie si éclatante et si délicate,que les artifices de l’art n’en égaleront jamais la beauté.

Et quand il s’agit de l’homme, son chef-d’œuvre, lefrère adoptif de son Verbe incarné, Dieu ne se montreraitpas d’une générosité plus libérale encore ? Envers nous

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Chapitre III

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seulement il deviendrait avare ! Assurément cela n’est paspossible.

Tenons donc pour une vérité indiscutable que la Pro-vidence pourvoit largement aux besoins temporels deshommes.

Sans doute il y aura toujours sur la terre des riches etdes pauvres. Tandis que les uns vivent dans l’abondance,les autres doivent travailler et pratiquer une sage économie.Mais le Père céleste fournit à tous les moyens de vivre avecune certaine aisance, dans la condition où il les a placés.

Revenons à la comparaison qu’emploie le Sauveur.Dieu a vêtu le lis de splendeur ; mais cette robe blanche etparfumée, la nature du lis la réclamait. Dieu a plus modes-tement habillé la violette ; il lui a donné cependant ce quiconvenait à sa nature particulière. Et ces deux fleurs s’épa-nouissent paisiblement au soleil, sans manquer de rien.

Ainsi Dieu fait-il pour les hommes. Il a placé ceux-cidans les plus hautes classes de la société ; il a mis ceux-làdans une situationmoins brillante ; aux uns comme aux au-tres il donne le nécessaire pour tenir dignement leur rang.

Vous m’objecterez peut-être l’instabilité des condi-tions sociales. Dans la crise présente, n’est-il pas plus facilede déchoir que de s’élever et même que de se maintenir ?

Sans doute. Mais la Providence proportionne exac-tement ses secours aux besoins de chacun : aux grandsmaux elle apporte les grands remèdes. Ce que nous enlè-vent des catastrophes économiques, nous pouvons le re-gagner par notre industrie et notre travail. Dans les castrès rares où notre activité personnelle se trouve réduite à

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La confiance en Dieu et nos nécessités temporelles

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l’impuissance, nous avons le droit d’attendre d’en-hautune intervention exceptionnelle.

Généralement, je le crois du moins, Dieu ne fait pas dedéclassés. Il désire, au contraire, que nous nous dévelop-pions, que nous croissions, que nous nous élevions sage-ment. Si parfois il permet une déchéance, il ne la veut pasd’une volonté antécédente à l’action de notre libre arbitre.

Le plus souvent les amoindrissements sociaux pro-viennent de nos fautes, personnelles ou héréditaires. Cesont des conséquences naturelles de la paresse, de laprodigalité, des passions. Encore l’homme ainsi tombépeut-il se relever et, avec l’aide de la Providence, recon-quérir par ses efforts la situation perdue.

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III – Dieu pourvoit à nos besoins. « Ne vous inquié-tez donc pas », dit le Sauveur.

Quel est le sens exact de ce conseil ?

Devons-nous donc, pour obéir à la direction du Maî-tre, négliger entièrement le soin de nos affaires temporel-les ! —Que la grâce demande à certaines âmes la pauvretéstricte et un total abandon à la Providence, nous n’en dou-tons pas. Il faut constater cependant la rareté de telles vo-cations. Les autres, communautés religieuses ou individus,possèdent des biens : ils doivent les gérer convenablement.

L’Esprit-Saint loue la femme forte d’avoir administrésagement sa maison. Il nous la montre, au livre des Prover-bes, se levant de bonne heure, pour distribuer à ses domes-tiques leur tâche journalière, et travaillant elle-même de ses

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Chapitre III

Page 34: Le livre de la Confiance - Tradition Famille Propriété · la montagne de Dieu, l’Horeb ». (1 Rois 19, 5-8) Chapitre II Nature et qualités de la confiance Nature et qualités

mains. Rien n’échappe à sa vigilance. Les siens n’ont rien àcraindre : ils trouveront, grâce à sa prévoyance, le néces-saire, l’agréable et jusqu’au luxe modéré. Ses enfants l’ontproclamée bienheureuse et son mari chante ses vertus2.

La Vérité même n’aurait pas loué si magnifiquementcette femme, si elle n’avait pas rempli son devoir.

Ne pas s’inquiéter, c’est donc, tout en s’occupant rai-sonnablement de ses affaires, ne pas se laisser angoisserpar les sombres perspectives de l’avenir et compter sanshésitation sur l’aide de la Providence.

Ne nous y trompons pas : une telle confiance supposeune grande force d’âme. Il faut éviter un double écueil, letrop et le trop peu. Celui qui, par négligence, se désinté-resse de ses affaires, ne peut, sans tenter Dieu, attendredu Ciel des secours exceptionnels. Celui qui donne auxsoucis matériels le premier rang dans ses préoccupations,celui qui compte moins sur Dieu que sur lui-même, setrompe aussi, plus lourdement peut-être : il dérobe au TrèsHaut la place qui lui revient de droit dans notre vie. In me-dio stat virtus : entre ces deux extrêmes se tient le devoir.

Quand on s’est occupé sagement de ses affaires, s’in-quiéter de l’avenir, c’est méconnaître la Puissance et laBonté de Dieu.

Pendant les nombreuses années que saint Paul vécutau désert, un corbeau lui apportait chaque jour un demi-pain. Or il advint que saint Antoine rendit visite à l’illustreermite. Les deux solitaires causèrent, oubliant le boire etle manger dans leurs pieuses conversations. Mais la Pro-vidence pensait à eux : le corbeau vint à son ordinaire ; ilportait, cette fois, un pain entier. Le Père céleste a créé l’u-

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La confiance en Dieu et nos nécessités temporelles

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nivers en se jouant : éprouverait-il quelque peine à secou-rir ses enfants dans leurs besoins ?

Saint Camille de Lellis s’était endetté pour secourirses malades pauvres. Ses religieux s’alarmaient.— « Il nefaut jamais douter de la Providence, leur disait le Saintpour les rassurer. Est-il si difficile à Notre-Seigneur denous donner un peu de ces biens temporels, dont il a com-blé les [païens], qui sont les ennemis de notre foi ?3 » Laconfiance de Camille ne fut pas trompée : un mois plustard, un de ses protecteurs lui léguait en mourant unesomme considérable.

S’inquiéter de l’avenir, c’est une défiance qui offenseDieu et provoque son indignation.

Quand les Hébreux, fuyant l’Egypte, se virent perdusau milieu des sables, ils oublièrent les miracles de Jéhovahen leur faveur. Ils craignirent, ils murmurèrent : « Dieupourra-t-il nous préparer une table dans le désert ?... Pour-ra-t-il donner du pain à son peuple ? » Ces paroles irritèrentle Seigneur. Il lança contre eux le feu du ciel ; sa colère sedéchaîna contre Israël, « parce qu’ils n’avaient pas eu foien Dieu et qu’ils n’avaient pas espéré en son secours4. »

Pas d’inquiétudes vaines : le Père veille sur nous.

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IV – « Cherchez donc en premier lieu le royaume deDieu et sa justice et le reste vous sera donné par surcroît. »

C’est ainsi que le Sauveur conclut son discours surla Providence. Conclusion consolante, qui renferme unepromesse conditionnelle : il ne tient qu’à nous d’en béné-

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Chapitre III

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ficier. Le Seigneur s’occupera d’autant plus de nos inté-rêts, que nous nous occuperons davantage des siens.

Là encore il convient de nous arrêter pour méditer lesparoles du Maître.

Une question se pose nécessairement : où se trouvece royaume de Dieu, que nous devons chercher avanttout ? — « Il est en vous5 », répond l’Évangile. RegnumDei intra vos est.

Chercher le royaume de Dieu, c’est donc dresser àDieu un trône dans notre âme : c’est nous soumettre entiè-rement à sa domination souveraine. Courbons toutes nosfacultés sous le sceptre miséricordieux du Très-Haut. Quenotre intelligence se rappelle sans cesse sa présence ; quenotre volonté se conforme en toutes choses à sa volontéadorable ; que notre cœur s’élance fréquemment vers luipar des actes d’une charité ardente et sincère. Nous prati-querons alors cette justice, qui dans le langage des Écri-tures, signifie la perfection de la vie intérieure. Noussuivrons alors à la lettre le conseil du Sauveur : nous cher-cherons le royaume de Dieu.

Et le reste nous sera donné par surcroît.

Il y a là une sorte de contrat bilatéral : de notre côté,nous devons travailler à la gloire du Père céleste ; de soncôté, le Père s’engage à subvenir à nos besoins. « Jetezdonc vos soucis dans le Cœur du Maître » ; exécutez lecontrat qu’il vous propose : il tiendra sa parole ; il veillerasur vous et « il vous nourrira6. »

— « Pense à moi, dit le Sauveur à sainte Catherine deSienne, et je penserai à toi. » Et quelques siècles plus tard,

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La confiance en Dieu et nos nécessités temporelles

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dans le monastère de Paray, il promettait à sainte Margue-rite-Marie de faire réussir dans leurs entreprises ceux qui semontreraient particulièrement dévôts à son Sacré-Cœur.

Heureux le chrétien qui se conforme à cette maximede l’Évangile ! Il cherche Dieu et Dieu prend ses affaires en-tre ses mains toutes puissantes : de quoi « pourrait-il man-quer7 » ? Il pratique les vertus intérieures et solides ; et par lefait même il évite les désordres, les fautes, les vices, qui sontla cause la plus commune des insuccès et de la ruine.

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V– La confiance, telle que nous venons de la décrire,ne nous dispense pas de la prière. Dans nos nécessitéstemporelles, il ne suffit pas d’attendre le secours de Dieu ;il faut encore le lui demander.

Jésus-Christ nous a laissé, dans le Pater, un modèleparfait d’oraison. Or il nous y fait demander notre pain dechaque jour : panemnostrum quotidianumda nobis hodie.

Ne négligeons-nous pas souvent ce grand devoir ?Quelle imprudence et quelle folie ! Nous nous privons ainsipar notre légèreté de la protection céleste, la seule souve-rainement efficace. Les Capucins, dit-on parfois, ne meu-rent jamais de faim, parce qu’ils récitent pieusement leNotre Père. Imitons-les et le Très-Haut ne nous laisserapas manquer du nécessaire.

Nous devons donc demander notre pain quotidien.C’est une obligation, que nous imposent la foi et la charitéenvers nous-mêmes. Mais pouvons-nous hausser davan-tage nos prétentions et demander la richesse ?

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Chapitre III

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Rien ne s’y oppose, pourvu que notre prière s’inspirede motifs surnaturels et que nous restions soumis à la Vo-lonté de Dieu. Le Seigneur ne nous défend pas de lui ex-primer nos désirs ; il aime au contraire que nous agissionsfilialement avec lui. N’attendons pas cependant qu’il seplie à toutes nos fantaisies ; sa Bonté le lui défend. Il saitce qui nous convient ; il ne nous accordera les biens de laTerre que s’ils doivent servir à notre sanctification.

Abandonnons-nous donc entièrement à la conduite dela Providence et récitons la prière du Sage : « Ne me don-nez ni la pauvreté ni la richesse. Donnez-moi seulementce qui me sera nécessaire pour vivre ; de peur que rassasiéje ne sois tenté de vous renoncer et de dire : Qui est le Sei-gneur ? Ou qu’étant contraint par l’indigence je me dé-robe et que je ne blasphème le Nom de mon Dieu8. »

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Notes

1. Math. VI, 25-26 et 28-33.2. Prov. XXI, 10-283. Petits Bollandistes, tome VIII, 18 juillet.4. « Dieu pourra-t-il dresser une table dans le désert ? (...) Pourra-t-il

aussi nous donner du pain ou bien procurer de la viande a sonpeuple ? (...) Un feu s’alluma contre Jacob, et la colère s’élevacontre Israël, parce qu’ils n’avaient pas eu foi enDieu et n’avaientpas espéré en son secours ». Ps. LXXVII, 19-22.

5. Luc XVII, 21.6. Ps. LIV, 23.7. «LeSeigneurestmonpasteur ; jenemanqueraiderien».Ps.XXII,1.8. Prov. XXX, 8 et 9.

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Le Banquet chez Simon le Pharisien

« Un Pharisien l’invita à manger avec lui ;

il entra dans la maison du Pharisien et se mit à

table. Et voici une femme, qui dans la ville était

une pécheresse. Ayant appris qu’il était à table

dans la maison du Pharisien, elle avait apporté

un vase de parfum. Et se plaçant par derrière, à

ses pieds, tout en pleurs, elle se mit à lui arroser

les pieds de ses larmes ; et elle les essuyait avec

ses cheveux, les couvrait de baisers, les oignait

de parfum.

« (...) Puis il dit à la femme : “Tes péchés sont

remis.” Et ceux qui étaient à table avec lui se

mirent à dire en eux-mêmes: “Qui est-il celui-là

qui va jusqu’à remettre les péchés?”

« Mais il dit à la femme: “Ta foi t’a sauvée;

va en paix”. » (Luc 7, 36-50)

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Chapitre IVLa confiance en Dieu et nos besoins spirituels

La confiance en Dieu etnos besoins spirituels

I. La miséricorde de Notre-Seigneur pour les pécheursII. La grâce peut nous sanctifier en un instantIII. Dieu nous accorde tous les secours nécessaires

pour nous sanctifier et nous sauverIV. La vue du Crucifix doit ranimer notre confiance.

I – La Providence qui nourrit l’oiseau sur la branche,prend soin de nos corps. Qu’est-il cependant ce corps demisère ? Un être fragile, un condamné à mort que guettentles vers. Dans notre course folle nous croyons aller à nosaffaires ou à nos plaisirs : chacun de nos pas nous rap-

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proche du terme ; nous traînons nous-mêmes notre ca-davre au bord de notre tombe.

Si Dieu s’occupe ainsi de nos corps périssables, avecquelle sollicitude veillera-t-il sur nos âmes immortelles ?Il leur prépare des trésors de grâce, dont la richesse dé-passe notre imagination ; il leur envoie des secours sur-abondants pour leur sanctification et leur salut.

Ces moyens de sanctification, que la foi met à notredisposition, je ne les étudierai pas ici.

Je m’adresserai simplement aux âmes troublées, quel’on rencontre si souvent. Je leur montrerai, l’Évangile enmain, l’inanité de leurs craintes. Ni la gravité de leurs fau-tes, ni la multiplicité de leurs rechutes, ni leurs tentationsne doivent les abattre. Bien au contraire, plus elles sententle poids de leurs misères, plus elles ont à s’appuyer surDieu. Qu’elles ne perdent pas confiance. Quelle que soitl’horreur de leur état, quand même elles auraient vécu long-temps dans le désordre, avec le secours de la grâce ellespeuvent se convertir et s’élever à une haute perfection.

LaMiséricorde deNotre-Seigneur est infinie : rien nela rebute, pas même les fautes qui nous paraissent les plushonteuses et les plus criminelles. Pendant sa vie mortelle,le Maître accueillait les pécheurs avec une bonté toute di-vine ; jamais il ne leur refusa son pardon.

Poussée par l’ardeur de son repentir, sans se préoccu-per des convenances mondaines, Marie-Madeleine entredans la salle du festin. Elle se prosterne aux pieds de Jésuset les inonde de ses larmes. Simon le pharisien contemplecette scène d’un œil ironique ; il s’indigne secrètement.« Si cet homme était un prophète, pense-t-il, il saurait ce

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Chapitre IV

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que vaut cette femme et la chasserait avec mépris. » Maisle Sauveur ne la repousse pas. Il accepte ses soupirs, sespleurs, tous les signes sensibles de son humble contrition.Il la purifie de ses souillures et la comble de dons surnatu-rels. Et son Cœur Sacré s’emplit d’une joie immense, tan-dis que là-haut, dans le royaume de son Père, les Angestressaillent d’allégresse : une âme était perdue et la voilàretrouvée ; une âme était morte et la voilà rendue à la vraievie.

Le Maître ne se contente pas de recevoir avec man-suétude les pauvres pécheurs ; il va jusqu’à prendre leurdéfense. N’est-ce pas d’ailleurs sa mission ? Ne s’est-ilpas constitué « notre avocat1 » ?

On lui amène un jour une malheureuse surprise dansl’acte même de sa faute. La dure loi de Moïse la condam-ne formellement : la coupable doit périr dans le lentsupplice de la lapidation. Cependant les Scribes et lesPharisiens attendent impatiemment la sentence du Sau-veur. S’il pardonne, ses ennemis lui reprocheront de mé-priser les traditions d’Israël. Que va-t-il faire ?

Il dira un seul mot ; cette parole suffira pour confondreles Pharisiens orgueilleux et pour sauver la pécheresse.

— « Que celui d’entre vous qui est sans péché, luijette le premier la pierre2. »

Réponse pleine de sagesse et demiséricorde. En l’en-tendant, ces hommes arrogants rougissent de honte. L’unaprès l’autre ils se retirent confus ; les vieillards fuient lespremiers.

« Et Jésus demeura seul avec la femme. »

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«— Où sont vos accusateurs ? lui demanda-t-il. Per-sonne ne vous a condamnée ? »

Elle lui dit : « Personne, Seigneur. » Et Jésus lui ré-pondit : « Je ne vous condamnerai pas non plus. Allez, et àl’avenir ne péchez plus3. »

Quand les pécheurs ne viennent pas à lui, le Maître selance à leur poursuite. Comme le père du prodigue, il at-tend le retour de l’ingrat. Comme le bon Pasteur, il cherchela brebis égarée ; et lorsqu’il la retrouve, il la charge sur sesépaules divines et la rapporte ensanglantée au bercail. Oh !il n’irritera pas ses blessures : il les pansera, comme le BonSamaritain, avec l’huile et le vin symboliques. Il verserasur ses plaies le baume de la Pénitence ; et pour la fortifier,il la fera boire dans sa coupe eucharistique.

Âmes coupables, ne craignez donc pas le Sauveur :c’est pour vous spécialement qu’il est descendu sur laTerre. Ne répétez pas le cri de désespoir que poussa Caïn :«Mon crime est trop grand pour pouvoir en obtenir le par-don4. » Comme vous connaîtriez mal le Cœur de Jésus !

Jésus a purifié Madeleine, il a pardonné le triple renie-ment de saint Pierre, il a ouvert le ciel au bon larron. En vé-rité, je vous l’assure, si Judas avait été le trouver après soncrime, Notre-Seigneur l’aurait accueilli avec miséricorde.

Comment donc ne vous pardonnerait-il pas ?

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II – Abîme de la faiblesse humaine, tyrannie desmauvaises habitudes ! Que de chrétiens reçoivent, au tri-

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Chapitre IV

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bunal de la Pénitence, l’absolution de leurs fautes : leurcontrition était sincère ; leurs résolutions énergiques. Etils retombent dans les mêmes péchés, parfois très graves ;le nombre de leurs chutes s’accroît sans cesse. N’ont-ilspas, semble-t-il, de bonnes raisons de se décourager ?

Que la constatation de notre misère nous maintiennedans l’humilité, rien de plus juste. Qu’elle nous fasse per-dre notre confiance, ce serait une catastrophe, plus dange-reuse que tant de rechutes.

L’âme qui tombe, doit se relever au plus tôt. Qu’ellene cesse pas d’implorer la pitié du Seigneur. Ne savez-vous pas que Dieu a son heure et qu’il peut en un momentvous élever à une très sublime sainteté ?

Marie-Madeleine n’avait-elle pas mené une vie cri-minelle ? Cependant la grâce l’a transformée instantané-ment. Sans transition, de pécheresse elle est devenue unegrande sainte. Or le bras de Dieu ne s’est pas raccourci.Ce qu’il fait pour d’autres, il peut le faire pour vous. N’endoutez pas : votre prière confiante et persévérante obtien-dra la guérison complète de votre âme.

N’objectez pas que le temps passe et que déjà peut-être votre vie touche à son terme. Notre-Seigneur n’a-t-ilpas attendu l’agonie du bon larron pour l’attirer victorieu-sement à lui ? En une seule minute cet homme si coupables’est converti. Sa foi et son amour ont été si grands, que,malgré ses crimes, il n’a pas passé par le purgatoire ; il oc-cupe à jamais une place très élevée dans les Cieux.

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La confiance en Dieu et nos besoins spirituels

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Que rien n’altère votre confiance. Du fond de l’abîmecriez sans trêve vers le ciel. Dieu finira par répondre à vo-tre appel et il accomplira son œuvre en vous.

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III – Certaines âmes angoissées doutent de leur salutéternel. Elles se rappellent leurs fautes ; elles songent auxtentations si violentes qui nous assaillent parfois ; elles ou-blient la miséricordieuse Bonté de Dieu. Cette angoissepeut devenir une véritable tentation de désespoir.

Dans sa jeunesse, saint François de Sales a connu cetteépreuve : il tremblait de n’être pas prédestiné. Sa douleurétait si violente, que sa santé s’altéra. Il passa plusieursmois dans ce martyre intérieur. Une prière héroïque l’endélivra. Le saint se prosterna devant un autel de Marie : ilsupplia la Vierge Immaculée de lui faire aimer son Filsavec une charité d’autant plus ardente sur la Terre, qu’ilcraignait davantage de ne pas l’aimer dans l’éternité.

Dans ce genre de souffrance, il est une vérité de foiqui doit nous consoler entièrement. On ne se damne quepar le péché mortel. Or il est toujours en notre pouvoir del’éviter ; et quand nous avons eu lemalheur de le commet-tre, nous pouvons toujours nous réconcilier avec Dieu. Unacte de contrition parfaite nous purifiera sans délai, en at-tendant la confession obligatoire, qu’il convient de faireau plus tôt.

Certes notre pauvre volonté humaine doit se défier desa faiblesse. Mais le Sauveur ne nous refusera jamais les

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Chapitre IV

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grâces dont nous avons besoin. Il fera tout son possiblepour nous aider dans l’affaire souverainement importantede notre salut.

Voilà la grande vérité que Jésus-Christ a écrite de sonSang, et que nous allons relire ensemble dans l’histoire desa Passion.

Vous êtes-vous jamais demandé comment les Pha-risiens ont pu s’emparer de Notre-Seigneur ? Croiriez-vouspar hasard qu’ils y ont réussi par la ruse ou la force ? Pen-seriez-vous que, dans la grande tourmente, Jésus a été bri-sé parce qu’il était le plus faible ?

Assurément non. Ses ennemis ne pouvaient rien con-tre lui. Plus d’une fois, pendant les trois années de sa pré-dication, ils ont cherché à le faire périr. A Nazareth, ilsveulent le jeter dans un précipice ; à plusieurs reprises ilsramassent des pierres pour le lapider. Mais sa Sagesse di-vine déjoue les plans de leur colère ; sa Force souveraineretient leur bras ; et il se retire tranquillement, sans qu’onait pu réussir à lui faire le moindre mal.

AGethsémani, quand il dit simplement son nom auxsoldats du Temple qui viennent se saisir de sa Personnesacrée, toute cette troupe, frappée de terreur, tombe à larenverse. Ils ne peuvent se relever que sur sa permission.

Si Jésus a été arrêté, s’il a été crucifié, s’il a été im-molé, c’est qu’il l’a voulu dans la plénitude de sa liberté etde son amour pour nous. « Oblatus est, quia voluit5. »

Si le Maître a répandu sans hésiter son Sang pournous, s’il est mort pour nous, comment pourrait-il refuser

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La confiance en Dieu et nos besoins spirituels

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les grâces qui nous sont absolument nécessaires et qu’ilnous a méritées par ses souffrances ?

Ces grâces, pendant sa Passion douloureuse, il les a of-fertes miséricordieusement aux âmes les plus coupables.

Deux de ses Apôtres avaient commis un crimeénorme : à tous les deux il a offert son pardon.

Judas le trahit et lui donne un hypocrite baiser. Jésuslui parle avec une douceur touchante ; il l’appelle « sonami » ; il tâche à force de tendresse de toucher ce cœur,endurci par l’avarice. «Mon ami, lui dit-il, pourquoi es-tuvenu ? Judas, tu trahis le Fils de l’homme par un bai-ser ?6 » C’est la dernière grâce que leMaître fait à l’ingrat.C’est une grâce d’une telle force, que nous n’en compren-drons jamais toute l’intensité. Mais Judas la repousse : ilse damne, parce qu’il l’a bien voulu.

Pierre qui se croyait si fort, Pierre qui avait juré desuivre le Maître jusqu’à la mort, l’abandonne, quand il levoit entre les mains des soldats. Il ne le suit plus que deloin. Il entre en tremblant dans la cour du Grand Prêtre.Par trois fois il renie le Sauveur, parce qu’il a peur desrailleries d’une servante. Il atteste par serment qu’il neconnaît pas « cet homme ». Et le coq chanta. Jésus se re-tourna et leva sur son Apôtre des yeux pleins de misé-ricordieux reproches. Et leurs regards se rencontrèrent.C’était la grâce, une grâce foudroyante, que ce regard ap-portait à Pierre. L’Apôtre ne la repoussa pas : il sortit aus-sitôt et pleura amèrement.

Comme à Judas, comme à Pierre, Jésus nous offre sesgrâces de repentir et de conversion. Nous pouvons les ac-cepter ou les refuser : nous sommes libres. C’est à nous de

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Chapitre IV

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décider entre le bien et le mal, entre le Ciel et l’Enfer. No-tre salut est entre nos mains.

Le Sauveur fait plus que de nous offrir ses grâces : ilintercède pour nous auprès de son Père. Il lui rappelle lessouffrances qu’il a endurées pour notre Rédemption. Ilprend notre défense devant lui ; il excuse nos fautes :«Mon Père, s’écrie-t-il dans les affres de son agonie, monPère, pardonnez-leur, car ils ne savent ce qu’ils font7. »

LeMaître, pendant sa Passion, avait un si grand désirde nous sauver, qu’il ne cessa pas un instant de penser àchacun de nous.

Au Calvaire, il porte sur les pécheurs ses derniers re-gards ; il prononce en faveur du bon larron une de ses der-nières paroles. Il étend largement ses bras sur sa Croix,pour marquer avec quel amour il accueille nos repentirssur son Cœur adorable.

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IV– Si jamais dans vos luttes intimes vous sentez fai-blir votre confiance, méditez les passages de l’Évangileque je viens de vous indiquer. Jetez un long regard survotre Crucifix.

Contemplez cette Croix ignominieuse, sur laquelle ex-pire le Sauveur. Regardez sa pauvre tête couronnée d’épi-nes, qui retombe inerte sur sa poitrine. Regardez ses yeuxéteints, sa face livide où le Sang précieux se coagule. Re-gardez ses pieds et ses mains percés, son corps déchiré.Regardez son Cœur adorable, que vient d’ouvrir la lance

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La confiance en Dieu et nos besoins spirituels

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du soldat : il en est sorti quelques gouttes d’eau ensan-glantée. Il vous a tout donné ! Comment vous défier delui ?

Mais il attend que vous le payiez de retour.

Au nom de son amour, au nom de son martyre, aunom de sa mort, prenez la résolution d’éviter désormais lepéché mortel.

Votre faiblesse est grande, mais il vous aidera. Mal-gré votre bonne volonté, vous aurez peut-être des chuteset des rechutes ; mais il est miséricordieux. Ce qu’il vousdemande, c’est de ne pas vous endormir dans le péché, dene pas croupir dans de mauvaises habitudes. Promettez-lui de vous confesser sans retard et de ne jamais passer lanuit avec un péché mortel sur votre conscience.

Heureux, si vous tenez courageusement cette sainterésolution ! Jésus n’aura pas vainement répandu pour vousson Sang précieux. Vous pourrez vous rassurer sur vos dis-positions intérieures. Vous aurez le droit d’envisager avecsérénité l’effroyable problème de la prédestination : vousporterez sur votre front le signe des élus.

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Chapitre IV

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Notes

1. « Et si quelqu’un a péché, nous avons un avocat auprès du Père,Jésus-Christ, le Juste ». I Jean II, 1.

2. Jean VIII, 7.3. Jean VIII, 9- 11.4. Gen. IV, 13.5. Is. LIII, 7.6. Math. XXVI, 50 et Luc XXII, 48.7. Luc XXIII, 34.

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La confiance en Dieu et nos besoins spirituels

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L’Annonciation

« “Sois sans crainte, Marie; car tu as trouvé

grâce auprès de Dieu. Voici que tu concevras

dans ton sein et enfanteras un fils, et tu

l’appelleras du nom de Jésus (...). Mais Marie

dit à l’ange : “Comment cela sera-t-il, puisque je

ne connais pas d’homme ?”

« L’ange lui répondit : “L’Esprit Saint viendra

sur toi, et la puissance du Très-Haut te prendra

sous son ombre ; c’est pourquoi l’être saint qui

naîtra sera appelé Fils de Dieu. (...) Marie dit

alors : “Je suis la servante du Seigneur ; qu’il

m’advienne selon ta parole!” Et l’ange la

quitta ». (Luc 1, 26-38)

Chapitre VLes fondements de la confiance

Les fondements dela confiance

I. L’incarnation du VerbeII. La puissance de Notre-SeigneurIII. Sa bonté.

I – Lamaison du sage est bâtie sur le roc : ni les inon-dations, ni les pluies, ni les tempêtes ne la renverseront.

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Pour que l’édifice de notre confiance résiste à toutes lesépreuves, il faut l’élever sur des assises inébranlables.

« Vous voulez savoir, dit saint François de Sales, quelfondement doit avoir notre confiance. Il faut qu’elle soitfondée sur l’infinie Bonté de Dieu et sur les mérites dela Mort et de la Passion de Notre-Seigneur Jésus-Christ,avec cette condition de notre part, que nous ayons et con-naissions en nous une entière et ferme résolution d’êtretout à Dieu, et de nous abandonner du tout et sans aucuneréserve à sa Providence1. »

Nos raisons d’espérer sont trop nombreuses pour quenous puissions les énumérer toutes. Nous examineronsseulement ici celles que nous fournissent l’Incarnation duVerbe et la Personne sacrée du Sauveur. Aussi bien leChrist est-il la « pierre angulaire2 », où doit s’appuyerprincipalement notre vie intérieure.

Quelle confiance nous inspirerait le mystère de l’In-carnation, si nous nous efforcions de l’étudier d’une ma-nière un peu moins superficielle !

Qui est-il donc cet enfant qui vagit dans la crèche, cetadolescent qui travaille dans l’atelier de Nazareth, cetorateur qui enthousiasme les foules, ce thaumaturge quifait d’innombrables prodiges, cette victime innocente quimeurt sur la Croix ? C’est le Fils du Très-Haut, éternel etDieu comme son Père ; c’est l’Emmanuel, si longtempsattendu ; c’est celui que le prophète appelle « l’Admira-ble, le Dieu fort, le Prince de la Paix3. »

Mais Jésus, nous l’oublions trop souvent, est encore« notre propriété ». Dans toute la rigueur de ce terme, ilnous appartient ; il est à nous ; nous avons sur lui des droits

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Chapitre V

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imprescriptibles, car son Père nous l’a donné. L’Écriturel’affirme : « Le Fils de Dieu nous a été donné4. » Et saintJean, dans son Évangile, dit à son tour : « Dieu a tellementaimé le monde qu’il lui a donné son Fils unique5. »

Or si le Christ nous appartient, les mérites infinis deses travaux, de ses souffrances et de sa mort nous appar-tiennent aussi.

Alors comment pourrions-nous nous décourager ? Ennous livrant son Fils, le Père nous a livré la plénitude de tousles biens. Sachons exploiter largement ce trésor précieux.

Adressons-nous donc au Ciel avec une sainte au-dace ; et au nom de ce Sauveur qui est à nous, demandonssans hésiter les grâces que nous désirons. Demandonspour nous les faveurs temporelles et surtout les secours dela grâce ; pour notre pays, la paix et la prospérité ; pourl’Église, le calme et la liberté.

Une telle prière sera certainement exaucée. En agis-sant ainsi, ne faisons-nous pas un marché avec Dieu ? Enéchange des biens que nous désirons, nous lui offrons sonFils unique. Dans ce marché, Dieu ne sera pas dupe : nouslui donnerons infiniment plus que nous ne recevrons de lui.

Cette prière, si nous la faisons avec la foi qui trans-porte les montagnes, sera tellement efficace, qu’elle ob-tiendra, si nécessaire,même les prodiges les plus éclatants.

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II – Le Verbe Incarné, qui s’est donné à nous, pos-sède un pouvoir sans limites. Il nous apparaît, dans lesÉvangiles, comme le Maître suprême de la terre, des dé-

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Les fondements de la confiance

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mons et de la vie surnaturelle : tout est soumis à sa domi-nation souveraine.

Il y a pour nous, dans cette puissance du Sauveur, unautre motif très assuré de confiance. Rien ne peut empê-cher Notre-Seigneur de nous secourir et de nous protéger.

Jésus commande aux forces de la nature.—Au débutde sonministère apostolique, il assiste aux noces de Cana.Or au cours du repas, le vin vient à manquer. Quelle con-fusion pour les pauvres gens, qui ont invité le Maître avecsa Mère et ses disciples ! La Vierge Marie s’aperçoit dumalheur : elle est toujours la première à voir nos besoins età les soulager. Elle jette sur son Fils un regard implorant ;elle lui murmure à voix basse une courte prière. Elle con-naît son pouvoir et son amour. Et Jésus qui ne sait rien luirefuser, change l’eau en vin. Ce fut son premier miracle.

Un soir, pour éviter la foule qui l’assaille, il traverse enbarque avec ses disciples le lac de Génézareth. Tandisqu’ils naviguent, le vent se lève, l’orage éclate, les flotsse gonflent, les vagues déferlent en hurlant. L’eau ruissellesur le pont : le navire va sombrer. Mais Lui, fatigué par sondur travail, il dort à la poupe, sa tête divine appuyée sur lescordages. Les disciples effrayés le réveillent en criant :«Maître, Maître, sauvez-nous ; nous périssons !6 » Alors leSauveur se lève ; il menace le vent ; il dit à la mer : « Si-lence, apaise-toi. » Aussitôt il se fit un grand calme. Les té-moins de cette scène se demandaient avec stupeur : « Quelest donc cet homme à qui obéissent la mer et les vents ? »

Jésus guérit les malades. — Des aveugles s’appro-chent de lui à tâtons ; ils lui crient leur détresse : « Fils de

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Chapitre V

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David, ayez pitié de nous !7 » LeMaître touche leurs yeux,et ce contact divin les ouvre à la lumière.

On lui amène un sourd-muet en le priant de lui impo-ser les mains. Le Sauveur exauce ce désir ; et la langue decet homme se délie, ses oreilles entendent.

Sur sa route il rencontre, un jour, dix lépreux. Dans lasociété humaine, le lépreux est un exilé : on le chasse desagglomérations ; on évite son contact par crainte de lacontagion ; on se détourne avec dégoût de sa pourriture.Ces dix malheureux n’osaient pas approcher de Notre-Seigneur ; ils se tenaient à l’écart. Mais rassemblant lepeu de force que leur laissait la maladie, ils lui criaient deloin : « Maître, prenez-nous en pitié ! » Jésus qui devait êtresur la Croix le grand lépreux, lui qui devait être dans sonEucharistie le grand délaissé, il s’émut de leur misère. –« Allez vous montrer aux prêtres »8, leur dit-il. Et tandisqu’ils cheminaient pour exécuter son ordre, ils furent guéris.

Jésus ressuscite les morts. Il en rend trois à la vie. Etpar le plus merveilleux de tous les prodiges, après êtremort dans les ignominies du Golgotha, après avoir été misau tombeau, il se ressuscite lui-même à l’aube du troi-sième jour. C’est ainsi qu’il nous ressuscitera à la fin destemps. Il nous rendra transformés, mais toujours ressem-blants à eux-mêmes dans leur gloire, ceux que nous ai-mions et que nous avons perdus. Il séchera nos larmespour l’éternité. Alors il n’y aura plus ni pleurs, ni absence,ni deuils, parce que le temps de notremisère aura pris fin.

Jésus commande à l’Enfer. — Pendant les trois an-nées de sa vie publique, il rencontre des possédés. il parleaux démons sur le ton de l’autorité souveraine ; il leur

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Les fondements de la confiance

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donne des ordres impérieux, et les démons s’enfuient à savoix en confessant sa divinité.

Jésus est le Maître de la vie surnaturelle.—Il ressus-cite les âmes mortes et leur rend la grâce qu’elles avaientperdue. Pour prouver qu’il possède réellement ce pouvoirdivin, il guérit un paralytique.

— « Quel est le plus facile, demande-t-il aux scribesqui l’entourent, quel est le plus facile, de dire : Tes péchéste sont remis, ou de dire : Lève-toi et marche ? Afin quevous sachiez que le Fils de l’homme a sur la terre lepouvoir de remettre les péchés : Lève-toi, dit-il au paraly-tique, prends ton lit et retourne à ta maison9. »

Il était bon de méditer longuement sur la puissancedu Sauveur. Lorsqu’il s’agit de notre bien, jamais le Maî-tre n’hésite à mettre son pouvoir divin au service de sonamour pour nous.

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III –C’est que Notre-Seigneur est adorablement bon :son cœur ne peut pas voir souffrir sans être déchiré. Cettepitié lui a fait accomplir quelques-uns de ses plus grandsmiracles spontanément, avant d’avoir reçu aucune prière.

La foule le suit à travers les montagnes désertes de laPalestine ; pendant trois jours elle oublie pour l’entendrede boire et de manger. Mais leMaître appelle les Apôtres :« Voyez ces pauvres gens, leur dit-il ; je ne puis les ren-voyer ainsi : ils tomberaient en défaillance sur la route.J’ai pitié de cette foule10. » — Et il multiplie les pains quirestaient à ses disciples.

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Chapitre V

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Une autre fois, il se rendait dans la petite ville deNaïm, escorté d’une troupe nombreuse. Presque aux por-tes de la cité, il rencontra un cortège funèbre. C’était unjeune homme que l’on portait à sa dernière demeure : ilétait fils unique et sa mère était veuve. Sans espoir désor-mais, n’attendant plus rien de la vie, la pauvre femme sui-vait lamentablement le corps de son enfant. La vue decette douleur muette bouleversa le Maître : il fut ému demiséricorde. « Pauvre affligée, lui dit-il, ne pleurezplus11. » Et il s’approcha de la civière où gisait le cadavre ;et il rendit le jeune homme vivant à sa mère.

Âmes meurtries par l’épreuve ; consciences trou-blées par le doute peut-être, peut-être aussi par le re-mords ; cœurs brisés par la trahison ou par les deuils ;vous qui souffrez, croyez-vous que Jésus n’ait pas pitié devos douleurs ? Vous ne comprendriez rien à son immenseAmour. Il connaît vos misères ; il les voit et son Cœur enest touché. C’est sur vous qu’il jette aujourd’hui son cri decompassion ; c’est à vous qu’il redit, comme à la veuve deNaïm : « Ne pleurez plus, je suis la Résignation ; je suis laPaix ; je suis la Résurrection et la Vie ! »

Cette confiance, que devrait nous inspirer naturel-lement sa Bonté, Notre-Seigneur nous la réclame explici-tement. Il la pose comme une condition essentielle à sesfaveurs. Nous le voyons, dans l’Évangile, en exiger desactes formels avant d’accomplir certains miracles.

Pourquoi lui, si tendre, se montre-t-il en apparence sidur envers la Chananéenne qui lui demande la guérison desa fille ? Il la repousse à plusieurs reprises ; mais rien ne larebute. Elle multiplie ses supplications touchantes ; rien

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Les fondements de la confiance

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n’arrête son inébranlable confiance. C’est précisément ceque veut le Sauveur : « O femme, s’écrie-t-il avec une ad-miration joyeuse, comme ta confiance est grande ! » Et ilajoute : « Qu’il te soit fait selon ta volonté12. »

La confiance obtient la réalisation de nos désirs : Notre-Seigneur lui-même nous l’affirme.

Étrange aberration de l’intelligence humaine. Nouscroyons aux miracles de l’Évangile, puisque nous sommesdes catholiques convaincus ; nous croyons que Notre- Sei-gneur n’a rien perdu de sa Puissance enmontant aux Cieux ;nous croyons à sa Bonté, que prouve sa vie tout entière... etnous ne savons pas nous abandonner à la confiance.

Nous connaissons très mal le Cœur de Jésus. Nousnous obstinons à le juger d’après nos faibles cœurs : on di-rait vraiment que nous voudrions réduire son immensitéaux mesquines proportions des nôtres. Nous avons de lapeine à admettre son incroyable Miséricorde envers lespécheurs, parce que nous sommes vindicatifs et lents àpardonner. Nous comparons sa tendresse infinie à nos pe-tites affections. Nous ne comprenons rien à ce feu dévo-rant qui faisait de ce Cœur un immense brasier d’amour, àcette passion sainte pour les hommes qui le dominait toutentier, à cette charité folle qui le poussa des abaissementsde la crèche au sacrifice du Golgotha. Et nous ne pouvonspas dire avec l’apôtre saint Jean, dans la plénitude de no-tre foi : « Nous croyons à son Amour !13 »

O Maître adorable, nous voulons désormais nousabandonner entièrement à votre amoureuse conduite.

Nous vous confions le soin de notre avenir matériel.Nous ignorons ce que nous réserve cet avenir, chargé de

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Chapitre V

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menaces.Mais nous nousmettons entre les mains de votreProvidence.

Nous vous confions nos peines. Elles sont bien cruel-les parfois. Mais vous êtes là pour les adoucir.

Nous vous confions nos misères morales. Notre fai-blesse nous fait craindre toutes les défaillances. Maisvous nous soutiendrez et nous préserverez des chutes.

Comme votre Apôtre préféré qui reposait sa tête survotre poitrine, nous nous reposerons sur votre Cœur di-vin ; et selon la parole du Psalmiste, nous nous y endormi-rons dans une paix délicieuse, parce que vous nous avezétablis, ô Jésus, dans une inaltérable confiance.

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Notes

1. Les vrais entretiens spirituels. Ed. d’Annecy, t. VI, p.30.

2. Cf. Act. IV, 11.

3. Is. IX, 6.

4. Is. IX, 6.

5. Jean III, 16.

6. Math. VIII, 25.

7. Math. IX, 27.

8. Lc. XVII, 13-14.

9. Marc II, 9-11.

10.Marc VIII, 2.

11.« Ne pleurez pas ». Luc VII, 13.

12.Math. XV, 28.

13.I Jean IV, 16.

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Les fondements de la confiance

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L’Enfant-Jésus au Temple

« Et il advint, au bout de trois jours, qu'ils le

trouvèrent dans le Temple, assis au milieu des

docteurs, les écoutant et les interrogeant; et tous

ceux qui l'entendaient étaient stupéfaits de son

intelligence et de ses réponses.

« A sa vue, ils furent saisis d’émotion, et sa mère

lui dit : “Mon enfant, pourquoi nous as-tu fait

cela ? Vois ! ton père et moi, nous te cherchons,

angoissés”. Et il leur dit : “Pourquoi donc me

cherchiez-vous ? Ne saviez-vous pas que je dois être

dans la maison de mon Père ?” » (Luc 2, 40-52)

Chapitre VILes fruits de la confiance

Les fruits dela confiance

I. La confiance glorifie DieuII. Elle attire sur les âmes des faveurs exceptionnellesIII. La prière confiante obtient toutIV. Exemple des saintsV. Conclusion de l’ouvrage

I – Le plus magnifique éloge qu’on puisse faire de laconfiance, consiste à en montrer les fruits : ce sera le sujet

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de ce dernier chapitre. Puissent les considérations suivan-tes encourager les âmes inquiètes à vaincre enfin leurpusillanimité et à pratiquer parfaitement cette précieusevertu !

La confiance n’évolue pas dans les sphères plus hum-bles des vertus morales ; elle s’élance d’un bond jusqu’autrône de l’Eternel, jusqu’au cœur même du Père céleste.

Elle rend un excellent hommage à ses Perfections in-finies ; à sa Bonté, parce qu’elle n’attend que de lui les se-cours nécessaires ; à sa Puissance, parce qu’elle dédaignetoute autre force que la sienne ; à sa Science parce qu’ellereconnaît la sagesse de ses interventions souveraines ; àsa Fidélité, parce qu’elle compte sans hésitation sur la pa-role divine.

Elle participe donc à la fois de la louange et del’adoration. Or il n’y a pas, dans les manifestations de lavie religieuse, d’actes plus élevés que ceux-là : ce sont lesactes sublimes, à quoi s’occupent au Ciel les Esprits bien-heureux. Les Séraphins se voilent la face de leurs ailes enprésence du Très-Haut, et les choeurs angéliques lui répè-tent éperdument leur triple acclamation.

La confiance résume, dans une lumineuse et trèsdouce synthèse, les trois vertus théologales : la foi, l’espé-rance et la charité.

Aussi le prophète, ébloui par l’éclat de cette vertu, sesent-il incapable de contenir son admiration et il s’écriedans son enthousiasme : « Béni l’homme qui se confie enDieu !1 »

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Chapitre VI

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Mais par contre, l’âme défiante outrage le Seigneur.Elle doute de sa Providence, de sa Bonté, de son Amour.Elle va chercher le secours des créatures ; parfois mêmede nos jours, elle se livre à des pratiques superstitieuses.La malheureuse s’appuie sur des soutiens fragiles : ils sebriseront sous son poids et la blesseront cruellement.

Et Dieu s’irrite d’une pareille offense.Il est raconté, au quatrième livre des Rois, qu’Ocho-

zias, tombé malade, envoya consulter les prêtres des ido-les. Jéhovah s’en irrita ; il chargea le prophète Élie deterribles menaces contre le souverain : « N’y a-t-il pas unDieu en Israël, pour que vous consultiez Béelzébub, ledieu d’Accaron ? C’est pour cela que vous ne vous relève-rez pas du lit où vous êtes, mais vous mourrez très certai-nement2. »

Le chrétien défiant de la Bonté divine, qui accroche sonespoir aux créatures, ne mérite-t-il pas le même reproche ?Ne s’expose-t-il pas à de justes châtiments ? La Providencene veille-t-elle pas sur lui, pour qu’il s’adresse follement àdes êtres débiles, incapables de lui venir en aide ?

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II – « Ne perdez pas votre confiance, dit l’apôtresaint Paul ; car elle mérite une grande récompense3. »Cette vertu procure en effet, une telle gloire à Dieu,qu’elle attire nécessairement sur les âmes des faveurs ex-ceptionnelles.

Le Seigneur a déclaré plus d’une fois dans les Écritu-res avec quelle généreuse magnificence il traite les cœursconfiants :

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Les fruits de la confiance

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« Parce qu’il a espéré en moi, je le délivrerai ; je leprotégerai, parce qu’il a connu mon Nom. Il criera versmoi et je l’exaucerai. Je serai avec lui dans ses tribulation ;je l’en tirerai et le glorifierai4. »

Quelles promesses pacifiantes, dans la bouche de Ce-lui qui punit toute parole inutile et qui condamne la pluslégère exagération!

Ainsi donc, au témoignage de la Vérité même, la con-fiance écarte de nous tous les maux.

« Parce que vous avez choisi le Très-Haut pour votrerefuge, le mal ne viendra pas jusqu’à vous et les fléauxn’approcheront point de votre tente. Car il a commandé àses Anges de vous garder dans toutes vos voies : ils vousporteront dans leurs mains, de peur que vous ne heurtiezvotre pied contre la pierre. Vous marcherez sur l’aspic et lebasilic ; et vous foulerez aux pieds le lion et le dragon5 ».

Parmi les maux dont nous préserve la confiance, ilfaut en première ligne placer le péché. Rien de plusconforme d’ailleurs à la nature des choses. L’âme con-fiante connaît son propre néant comme celui des créatu-res ; c’est pour cela qu’elle ne compte ni sur elle-même, nisur les hommes et qu’elle met enDieu tout son espoir. Ellese défie de sa misère ; elle pratique par conséquent la véri-table humilité.

— Or ne savez-vous pas que « l’orgueil est le prin-cipe de toutes nos fautes6 », « le commencement de laruine7. » Le Seigneur se détourne du superbe ; il l’aban-donne à sa faiblesse et le laisse tomber. La chute de saintPierre en est un exemple terrible.

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Dans les desseins miséricordieux de sa Sagesse, Dieupermettra peut-être que l’épreuve frappe pour un tempsl’âme confiante : rien cependant ne l’ébranlera ; elle de-meurera immobile et ferme « comme la montagne deSion8 ». Elle conservera « la joie au fond de son cœur9 » et,malgré le fracas de l’orage, elle s’endormira « en paix,comme un enfant, dans les bras du Père.10 » Elle se laisseraporter jusqu’au terme bienheureux de son voyage ; carDieu sauve « ceux qui espèrent en lui.11 »

Mais ce ne sont là que faveurs purement négatives.

Dieu comble de ses bienfaits les plus positifsl’homme qui se confie en lui. Ecoutez avec quelle amplepoésie le prophète expose cette vérité :

« Heureux l’homme qui met sa confiance au Sei-gneur, et dont le Seigneur est l’espérance. Il sera sembla-ble à un arbre transplanté au bord des eaux, qui plonge sesracines dans le sol humide : il ne craindra point, quandviendra la chaleur. Sa feuille sera toujours verte ; il ne serapas en peine au temps de la sécheresse et ne cessera ja-mais de porter du fruit12. »

Pour faire ressortir par un contraste saisissant la paixradieuse de ce tableau, contemplez le sort lamentable decelui qui compte sur les créatures :

« Maudit l’homme qui met sa confiance en l’homme,qui s’appuie sur la chair et dont le cœur se retire du Sei-gneur. Il sera semblable au tamaris du désert, ... il demeure-ra dans la sécheresse, dans une terre salée et inhabitable13. »

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Les fruits de la confiance

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III – Enfin, ce n’est pas la moindre de ses prérogati-ves, la confiance est toujours exaucée. On ne saurait trople répéter : la prière confiante obtient tout.

Avec une insistance très accentuée, les Écritures nousrecommandent de ranimer notre foi, quand nous présen-tons à Dieu nos humbles requêtes, « tout ce que vous de-manderez avec foi dans votre prière, vous le recevrez14 »,déclare le Sauveur. L’apôtre saint Jacques tient le mêmelangage : il veut que nous demandions « avec foi, sans hé-siter. Celui qui doute, ressemble aux flots inconstants dela mer : dans cette disposition qu’il ne prétende pas êtreexaucé15 ».

Or de quelle foi s’agit-il dans les textes précédents ?

—Non pas de la foi habituelle, que le baptême infusedans nos âmes ; mais bien de cette confiance spéciale, quinous fait attendre fermement l’intervention providentielledans une circonstance donnée. Notre-Seigneur le dit ex-plicitement dans l’Évangile : « Quoi que ce soit que vousdemandiez dans la prière, croyez que vous l’obtiendrez ;et cela vous sera accordé16 ». — Le Maître ne pouvait pasdésigner plus clairement la confiance.

Nous pouvons avoir une foi très vive et douter cepen-dant que Dieu veuille accueillir favorablement telle denos demandes. Avons-nous la certitude, par exemple, quel’objet de notre désir convienne à notre vrai bien ? Noushésitons donc. Cette simple hésitation, remarque un théo-logien, diminue l’efficacité de notre prière17.

D’autres fois, au contraire, notre assurance se fortifieau point de chasser complètement le doute et l’hésitation.

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Nous sommes tellement certains d’être exaucés, qu’ilnous semble déjà tenir en main la grâce sollicitée.

« En considération d’une confiance si parfaite, écrit leR. P. Pesch, Dieu nous fait parfois des faveurs, qu’il nenous aurait pas faites sans cela. En effet, le bien que nouslui demandions, ne nous était pas nécessaire ; ou encore cebien ne réalisait pas les conditions requises, pour que Dieufût tenu à nous l’accorder en vertu de ses promesses18 ».

Le plus souvent, d’ailleurs, cette assurance intérieureest l’œuvre de la grâce en nous.

« Aussi, conclut le même auteur, une confiance singu-lière d’obtenir telle ou telle grâce, est une sorte de pro-messe spéciale, queDieu nous a fait de nous l’accorder19 ».

Un mot de saint Thomas résumera cette courte dis-cussion. « La prière, dit le Docteur Angélique, tire sonmérite de la charité ; mais son efficacité impétratoire luivient de la foi et de la confiance20 ».

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IV – Les saints priaient avec cette confiance ; et Dieuse montrait à leur égard d’une infinie largesse.

L’abbé Sisoïs, comme le rapporte la vie des Pères,priait pour un de ses disciples, qu’avait abattu la violencede la tentation. « Que vous le vouliez ou non, disait-il àDieu, je ne vous quitterai pas que vous ne l’ayez guéri ! »Et l’âme du pauvre frère retrouva la grâce et la sérénité21.

Notre-Seigneur daigna révéler à sainte Gertrude quesa confiance faisait une telle violence à son Cœur Sacré,qu’il ne pouvait s’empêcher de la favoriser en toutes cho-

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ses. Et il ajoutait qu’en agissant ainsi il satisfaisait auxexigences de sa Bonté et de son Amour pour elle.

Une amie de la même sainte priait depuis quelquetemps sans rien obtenir. « J’ai différé de t’accorder ce quetu me demandais, lui dit le Sauveur, parce que tu ne teconfies point en ma Bonté comme ma fidèle Gertrude.Aussi je ne lui refuserai jamais rien de ce qu’elle me de-mandera22. »

Enfin voici, au témoignage du bienheureux Ray-mond de Capoue, son confesseur, comment priait sainteCatherine de Sienne :

« Seigneur, disait-elle, je ne quitterai pas vos pieds,votre présence, tant que votre Bonté ne m’aura pas accor-dé ce que je désire, tant qu’il ne vous plaira pas de faire ceque je veux. »

« Seigneur, poursuivait-elle, je veux que vous mepromettiez la vie éternelle, pour tous ceux que j’aime. »

Puis avec une admirable hardiesse, elle tendait lamain vers le Tabernacle.

« Seigneur, ajoutait-elle, mettez votre main dans lamienne. Oui, donnez-moi une preuve que vous m’accor-derez ce que je vous demande. »

Que ces exemples nous invitent à nous replier surnous-mêmes ; examinons un peu notre conscience. Posons-nous, avec un pieux auteur, la question suivante :

« Mettons-nous dans nos prières une confiance ex-trême, quelque chose de cet absolutisme de l’enfant quisollicite de sa mère un objet auquel il tient ; l’absolutismede ces petits mendiants qui nous poursuivent et à force

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d’importunité sont exaucés ; surtout l’absolutisme à lafois si respectueux et si confiant des saints dans leurs de-mandes23. »

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V – Une conclusion se dégage naturellement, impé-rieusement, de cette courte étude.

Âmes chrétiennes, employez tous les moyens en vo-tre pouvoir pour acquérir la confiance.

Méditez beaucoup sur le Pouvoir infini de Dieu, surson immense Amour, sur son inviolable Fidélité à tenirses promesses, sur la Passion de Notre-Seigneur.

Mais ne vous cantonnez pas indéfiniment dans laspéculation. De la réflexion, passez à l’action.

Faites très souvent des actes de confiance ; que cha-cune de vos occupations vous soit une occasion de lesrenouveler. C’est surtout aux heures de difficultés etd’épreuve, qu’il faudra les multiplier.

Répétez fréquemment l’invocation si touchante :« Cœur Sacré de Jésus, j’ai confiance en vous ! »

Notre-Seigneur disait à une âme privilégiée : « Laseule petite prière : Je me fie à vous, me ravit le Cœurparce qu’en elle sont compris la confiance, la foi, l’amouret l’humilité24. »

Ne redoutez pas d’exagérer dans la pratique de cettevertu. « Il ne faut jamais craindre, en supposant cependantque l’on mène une bonne vie, il ne faut jamais craindred’avoir une trop grande confiance. Car de même que Dieu,à raison de sa véracité infinie, mérite une croyance en

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quelque sorte infinie ; de même, à raison de sa puissance,de sa bonté, de l’infaillibilité de ses promesses, perfec-tions qui ne sont pas moins infinies que sa véracité, il mé-rite une confiance infinie25. »

N’épargnez donc pas les efforts. Les fruits de la con-fiance sont assez précieux pour que vous peiniez à lescueillir.

Et si jamais vous veniez à vous plaindre de n’avoirpas retiré les merveilleux avantages que vous vous pro-mettiez, je vous répondrais avec saint Jean Chrysostome :« Vous dites : J’ai espéré et j’ai été confondu. Étranges pa-roles. Ne blasphémez pas les Écritures. Vous avez été con-fondu parce que vous n’avez pas espéré comme ilconvenait ; parce que vous vous êtes découragé ; parceque vous n’avez pas attendu la fin de l’épreuve ; parce quevous avez été pusillanime. La confiance consiste surtout àse redresser, dans la souffrance et le péril, et à lever soncœur vers Dieu26.

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Chapitre VI

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Notes

1. Jer. XVII, 7.

2. II Rois 1, 6.

3. Hébr. X, 35.

4. Ps. XC, 14 et 15.

5. Ps. XC, 9-13.

6. Eccl. X, 13.

7. Prov. XVI, 18.

8. Ps. CXXIV, 1.

9. Ps. IV, 7.

10.Ps. IV, 9 et 10.

11.Ps. XVI, 7.

12.Jérém. XVII, 7 et 8.

13.Jérém. XVII, 5 et 6.

14.Math. XXI, 22.

15.Jac. I, 6 et 7.

16.Marc XI, 24.

17.Pesch, Praelectiones dogmaticae, t. IX, p. 166.

18.Pesch, ibid.

19.Pesch, ibid.

20.Somme théol., q. LXXXIII, art. 15, ad 3.

21.Vita Patrum, lib. VI.

22.Saint-Jure, Delaconnaissanceetdel’amourdeJésus-Christ, t. III,p.27.

23.Sauvé, Jésus intime, t. II, p. 428.

24.Sœur Bénigne Consolata Ferrero. cf. la note 19 du chapitre II.

25.Saint-Jure,Delaconnaissanceetdel’amourdeJésus-Christ, t. III,p.6.

26.Saint Jean Chrysostome. In Ps. CXVII.

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Les fruits de la confiance

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Table des Matières

Chapitre I : Confiance ! 9

I. Notre-Seigneur nous invite à la confiance 9

II. Beaucoup d’âmes ont peur de Dieu 10

III. D’autres manquent de foi 11

IV. Cette défiance leur est préjudiciable 12

V. But et division de l’ouvrage 14

Chapitre II : Nature et qualité de la confiance 17

I. La confiance est une ferme espérance 17

II. Elle est fortifiée par la foi 18

III. La confiance est inébranlable 19

IV. Elle ne compte que sur Dieu 22

V. Elle se réjouit dans la privationdes secours humains 24

Chapitre III : La confiance en Dieu

et nos nécessités temporelles 29

I. Dieu pourvoit à nos nécessités temporelles 29

II. Il le fait conformément à la situation de chacun 31

III. Ne pas s’inquiéter de l’avenir 34

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IV. Chercher en premier lieu le royaumede Dieu et sa justice 36

V. Prier pour nos besoins temporels 38

Chapitre IV : La Confiance en Dieu

et nos besoins spirituels 41

I. La miséricorde de Notre-Seigneurpour les pécheurs 41

II. La grâce peut nous sanctifier en un instant 44

III. Dieu nous accorde tous les secours nécessairespour nous sanctifier et nous sauver 46

IV. La vue du Crucifix doit ranimer notre confiance 49

Chapitre V : Les fondements de la confiance 53

I. L’Incarnation du Verbe 53

II. La Puissance de Notre-Seigneur 55

III. Sa Bonté 58

Chapitre VI : Les fruits de la confiance 63

I. La confiance glorifie Dieu 63

II. Elle attire sur les âmes des faveurs exceptionnelles 65

III. La prière confiante obtient tout 67

IV. Exemple des saints 69

V. Conclusion de l’ouvrage 71

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