le droit à un procès équitable

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    Le droit

    un procs

    quitableUn guide sur la mise en uvre

    de larticle 6

    de la Convention europenne

    des Droits de lHomme

    Nuala Mole

    et Catharina Harby

    oPrcis sur les droits de lhomme, n 3OUNCILOF EUROPE CONSEILDE LEUROPE

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    Le droit un procs quitable

    Un guide sur la mise en uvre

    de larticle 6

    de la Convention europenne

    des Droits de lHomme

    Nuala Mole

    et Catharina Harby

    Prcis sur les droits de lhomme, no 3

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    Srie Prcis sur les droits de lhomme

    Direction gnrale des droits de lhomme

    Conseil de lEuropeF-67075 Strasbourg Cedex

    Conseil de lEurope, 2003, 2007

    1re dition 2003 ; 2e dition, avril 2007

    Imprim en Belgique

    No 1 : Le droit au respect de la vie prive et

    familiale. Un guide sur la mise en uvre delarticle 8 de la Convention europenne des

    Droits de lHomme (2003)

    No 2 : La libert dexpression. Un guide sur la

    mise en uvre de larticle 10 de la Convention

    europenne des Droits de lHomme (2003)

    No 3 : Le droit un procs quitable. Un guide

    sur la mise en uvre de larticle 6 de la

    Convention europenne des Droits de

    lHomme (2007)

    No 4 : Le droit la proprit. Un guide sur la

    mise en uvre de larticle 1 du Protocole n 1

    la Convention europenne des Droits de

    lHomme (2003)

    No 5 : Le droit la libert et la sret de la

    personne. Un guide sur la mise en uvre de

    larticle 5 de la Convention europenne des

    Droits de lHomme (2003)

    No 6 : La prohibition de la torture. Un guide

    sur la mise en uvre de larticle 3 de laConvention europenne des Droits de

    lHomme (2003)

    No 7 : Les obligations positives en vertu de la

    Convention europenne des Droits de

    lHomme. Un guide pour la mise en uvre de

    la Convention europenne des Droits de

    lHomme (2006)

    No 8 : Le droit la vie. Un guide sur la mise en

    uvre de larticle 2 de la Convention euro-

    penne des Droits de lHomme (2007)

    No 9 : La libert de pense, de conscience et

    de religion. Un guide sur la mise en uvre de

    larticle 9 de la Convention europenne des

    Droits de lHomme ( paratre 2007)

    Les opinions qui sont exprimes dans cet ouvrage ne donnent, des instruments juridiques quilmentionne, aucune interprtation officielle pouvant lier les gouvernements des Etats membres, lesorganes statutaires du Conseil de lEurope ou tout organe institu en vertu de la Conventioneuropenne des Droits de lHomme.

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    3

    Introduction . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 5

    Article 6. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 5

    Aperu gnral . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 6A quel type de procdure larticle 6 est-ilapplicable ? . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 8

    Dlimitation de la notion de droits etobligations de caractre civil . . . . . . . . . . 11

    Droits ou obligations civils . . . . . . . . . . . . . 13

    Droits ou obligations non civils . . . . . . . . . 15

    Quentend-on par accusation en matirepnale ?. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 17

    Signification de la formule en matire

    pnale . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 17

    Signification du terme accusation . . . . . 21

    Porte du droit une audiencepublique . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 22

    Signification de lexpression rendupubliquement . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 25

    Signification de la garantie de dlai

    raisonnable . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 26Comment estimer ce dlai ?. . . . . . . . . . . . . 27

    Complexit de laffaire . . . . . . . . . . . . . . . . . 28

    Comportement du requrant . . . . . . . . . . . 29

    Comportement des autorits. . . . . . . . . . . . 29

    Enjeu de la procdure pour le requrant . . 31

    Signification de lexpression tribunalindpendant (1) et impartial (2) . . . . . . .33

    Indpendance . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .33

    Composition et nomination . . . . . . . . . . . . .33

    Apparences . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .34

    Subordination dautres autorits . . . . . . . .35

    Impartialit . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .35

    Diffrents rles du juge . . . . . . . . . . . . . . . . .38

    Nouveau jugement . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .40

    Juridictions spcialises . . . . . . . . . . . . . . . . .40

    Jurys . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .40

    Renonciation . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .40Etabli par la loi . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .41

    Contenu de la notion daudiencequitable . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 42

    Accs un tribunal. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .42

    Prsence laudience . . . . . . . . . . . . . . . . . . .48

    Droit de ne pas contribuer sa propre

    incrimination. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .49

    Egalit des armes et droit une procdure

    contradictoire . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .50Droit un jugement motiv . . . . . . . . . . . . .54

    Quels sont les droits spciaux reconnusaux mineurs ? . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .55

    Recevabilit des preuves . . . . . . . . . . . . . .57

    Actions susceptibles de porter atteinte la

    prsomption dinnocence . . . . . . . . . . . . . 61

    Signification du droit de laccus tre

    inform rapidement et intelligiblement

    des charges qui psent contre lui, prvu

    larticle 6 3.a. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .63

    Signification de lexpression temps et

    facilits ncessaires au sens de

    larticle 6 3.b . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 65

    Porte du droit un dfenseur ou un

    avocat doffice prvu larticle 6 3.c. . .68

    Porte du droit la convocation et

    linterrogation des tmoins prvu

    larticle 6 3.d . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 71

    Porte du droit un interprte prvu

    larticle 6 3.e . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .74

    La fonction de contrle exerce par la Cour

    europenne des Droits de lHomme . . . . 76

    Table des matires

    http://0.0.7.214/hrhb3fr_main.pdfhttp://0.0.7.214/hrhb3fr_main.pdfhttp://0.0.7.214/hrhb3fr_main.pdfhttp://0.0.7.214/hrhb3fr_main.pdfhttp://0.0.7.214/hrhb3fr_main.pdfhttp://0.0.7.214/hrhb3fr_main.pdfhttp://0.0.7.214/hrhb3fr_main.pdfhttp://0.0.7.214/hrhb3fr_main.pdfhttp://0.0.7.214/hrhb3fr_main.pdfhttp://0.0.7.214/hrhb3fr_main.pdfhttp://0.0.7.214/hrhb3fr_main.pdfhttp://0.0.7.214/hrhb3fr_main.pdfhttp://0.0.7.214/hrhb3fr_main.pdfhttp://0.0.7.214/hrhb3fr_main.pdfhttp://0.0.7.214/hrhb3fr_main.pdfhttp://0.0.7.214/hrhb3fr_main.pdfhttp://0.0.7.214/hrhb3fr_main.pdfhttp://0.0.7.214/hrhb3fr_main.pdfhttp://0.0.7.214/hrhb3fr_main.pdfhttp://0.0.7.214/hrhb3fr_main.pdfhttp://0.0.7.214/hrhb3fr_main.pdfhttp://0.0.7.214/hrhb3fr_main.pdfhttp://0.0.7.214/hrhb3fr_main.pdfhttp://0.0.7.214/hrhb3fr_main.pdfhttp://0.0.7.214/hrhb3fr_main.pdfhttp://0.0.7.214/hrhb3fr_main.pdfhttp://0.0.7.214/hrhb3fr_main.pdfhttp://0.0.7.214/hrhb3fr_main.pdfhttp://0.0.7.214/hrhb3fr_main.pdfhttp://0.0.7.214/hrhb3fr_main.pdfhttp://0.0.7.214/hrhb3fr_main.pdfhttp://0.0.7.214/hrhb3fr_main.pdfhttp://0.0.7.214/hrhb3fr_main.pdfhttp://0.0.7.214/hrhb3fr_main.pdfhttp://0.0.7.214/hrhb3fr_main.pdfhttp://0.0.7.214/hrhb3fr_main.pdfhttp://0.0.7.214/hrhb3fr_main.pdfhttp://0.0.7.214/hrhb3fr_main.pdfhttp://0.0.7.214/hrhb3fr_main.pdfhttp://0.0.7.214/hrhb3fr_main.pdfhttp://0.0.7.214/hrhb3fr_main.pdfhttp://0.0.7.214/hrhb3fr_main.pdfhttp://0.0.7.214/hrhb3fr_main.pdfhttp://0.0.7.214/hrhb3fr_main.pdfhttp://0.0.7.214/hrhb3fr_main.pdfhttp://0.0.7.214/hrhb3fr_main.pdfhttp://0.0.7.214/hrhb3fr_main.pdfhttp://0.0.7.214/hrhb3fr_main.pdfhttp://0.0.7.214/hrhb3fr_main.pdfhttp://0.0.7.214/hrhb3fr_main.pdfhttp://0.0.7.214/hrhb3fr_main.pdfhttp://0.0.7.214/hrhb3fr_main.pdfhttp://0.0.7.214/hrhb3fr_main.pdfhttp://0.0.7.214/hrhb3fr_main.pdfhttp://0.0.7.214/hrhb3fr_main.pdfhttp://0.0.7.214/hrhb3fr_main.pdfhttp://0.0.7.214/hrhb3fr_main.pdfhttp://0.0.7.214/hrhb3fr_main.pdfhttp://0.0.7.214/hrhb3fr_main.pdfhttp://0.0.7.214/hrhb3fr_main.pdfhttp://0.0.7.214/hrhb3fr_main.pdfhttp://0.0.7.214/hrhb3fr_main.pdfhttp://0.0.7.214/hrhb3fr_main.pdfhttp://0.0.7.214/hrhb3fr_main.pdfhttp://0.0.7.214/hrhb3fr_main.pdfhttp://0.0.7.214/hrhb3fr_main.pdfhttp://0.0.7.214/hrhb3fr_main.pdfhttp://0.0.7.214/hrhb3fr_main.pdfhttp://0.0.7.214/hrhb3fr_main.pdfhttp://0.0.7.214/hrhb3fr_main.pdfhttp://0.0.7.214/hrhb3fr_main.pdfhttp://0.0.7.214/hrhb3fr_main.pdfhttp://0.0.7.214/hrhb3fr_main.pdfhttp://0.0.7.214/hrhb3fr_main.pdfhttp://0.0.7.214/hrhb3fr_main.pdfhttp://0.0.7.214/hrhb3fr_main.pdfhttp://0.0.7.214/hrhb3fr_main.pdfhttp://0.0.7.214/hrhb3fr_main.pdfhttp://0.0.7.214/hrhb3fr_main.pdfhttp://0.0.7.214/hrhb3fr_main.pdfhttp://0.0.7.214/hrhb3fr_main.pdfhttp://0.0.7.214/hrhb3fr_main.pdfhttp://0.0.7.214/hrhb3fr_main.pdfhttp://0.0.7.214/hrhb3fr_main.pdfhttp://0.0.7.214/hrhb3fr_main.pdfhttp://0.0.7.214/hrhb3fr_main.pdfhttp://0.0.7.214/hrhb3fr_main.pdfhttp://0.0.7.214/hrhb3fr_main.pdfhttp://0.0.7.214/hrhb3fr_main.pdfhttp://0.0.7.214/hrhb3fr_main.pdfhttp://0.0.7.214/hrhb3fr_main.pdfhttp://0.0.7.214/hrhb3fr_main.pdfhttp://0.0.7.214/hrhb3fr_main.pdfhttp://0.0.7.214/hrhb3fr_main.pdfhttp://0.0.7.214/hrhb3fr_main.pdfhttp://0.0.7.214/hrhb3fr_main.pdfhttp://0.0.7.214/hrhb3fr_main.pdfhttp://0.0.7.214/hrhb3fr_main.pdfhttp://0.0.7.214/hrhb3fr_main.pdfhttp://0.0.7.214/hrhb3fr_main.pdfhttp://0.0.7.214/hrhb3fr_main.pdfhttp://0.0.7.214/hrhb3fr_main.pdfhttp://0.0.7.214/hrhb3fr_main.pdfhttp://0.0.7.214/hrhb3fr_main.pdfhttp://0.0.7.214/hrhb3fr_main.pdfhttp://0.0.7.214/hrhb3fr_main.pdfhttp://0.0.7.214/hrhb3fr_main.pdfhttp://0.0.7.214/hrhb3fr_main.pdfhttp://0.0.7.214/hrhb3fr_main.pdfhttp://0.0.7.214/hrhb3fr_main.pdfhttp://0.0.7.214/hrhb3fr_main.pdfhttp://0.0.7.214/hrhb3fr_main.pdfhttp://0.0.7.214/hrhb3fr_main.pdfhttp://0.0.7.214/hrhb3fr_main.pdfhttp://0.0.7.214/hrhb3fr_main.pdfhttp://0.0.7.214/hrhb3fr_main.pdfhttp://0.0.7.214/hrhb3fr_main.pdfhttp://0.0.7.214/hrhb3fr_main.pdf
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    SERIE DES PRECIS DU CONSEIL DE LEUROPE SUR LES DROITS DE LHOMME

    4

    Article 6 de la Convention europenne des Droits de lHomme

    Droit un procs quitable

    1. Toute personne a droit ce que sa cause soit entendue

    quitablement, publiquement et dans un dlai raisonnable, par

    un tribunal indpendant et impartial, tabli par la loi, qui dci-

    dera, soit des contestations sur ses droits et obligations de

    caractre civil, soit du bien-fond de toute accusation en

    matire pnale dirige contre elle. Le jugement doit tre rendu

    publiquement, mais laccs de la salle daudience peut tre

    interdit la presse et au public pendant la totalit ou une partiedu procs dans lintrt de la moralit, de lordre public ou de la

    scurit nationale dans une socit dmocratique, lorsque les

    intrts des mineurs ou la protection de la vie prive des parties

    au procs lexigent, ou dans la mesure juge strictement nces-

    saire par le tribunal, lorsque dans des circonstances spciales la

    publicit serait de nature porter atteinte aux intrts de la jus-

    tice.

    2. Toute personne accuse dune infraction est prsume

    innocente jusqu ce que sa culpabilit ait t lgalement ta-

    blie.

    3. Tout accus a droit notamment :

    a. tre inform, dans le plus court dlai, dans une langue

    quil comprend et dune manire dtaille, de la nature et de la

    cause de laccusation porte contre lui ;

    b. disposer du temps et des facilits ncessaires la pr-

    paration de sa dfense ;

    c. se dfendre lui-mme ou avoir lassistance dun dfen-

    seur de son choix et, sil na pas les moyens de rmunrer undfenseur, pouvoir tre assist gratuitement par un avocat

    doffice, lorsque les intrts de la justice lexigent ;

    d. interroger ou faire interroger les tmoins charge et

    obtenir la convocation et linterrogation des tmoins

    dcharge dans les mmes conditions que les tmoins charge ;

    e. se faire assister gratuitement dun interprte, sil ne

    comprend pas ou ne parle pas la langue employe laudience.

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    NO 3 : LE DROIT UN PROCS QUITABLE

    5

    Introduction

    Le prsent manuel vise permettre au lecteur de comprendre quelle

    forme doit prendre, lchelon national, le droulement dune pro-

    cdure judiciaire pour tre conforme aux obligations nes delarticle 6 de la Convention europenne des Droits de lHomme.

    Il se divise en plusieurs chapitres, qui traitent successivement dun

    aspect diffrent des garanties consacres par cet article.

    Article 6

    Ainsi quil ressort de son libell prsent p. 4, larticle 6 garantit

    toute personne le droit ce que sa cause soit entendue quitable-

    ment et publiquement, en vue de dcider des contestations sur ses

    droits et obligations de caractre civil ou du bien-fond de toute

    accusation en matire pnale dirige contre elle. La Cour et, avant

    elle, la Commission interprtent cette disposition dans un sens

    extensif en raison de son importance fondamentale pour le fonc-

    tionnement de la dmocratie. Dans larrt Delcourt c. Belgique, lesjuges de Strasbourg ont ainsi dclar que :

    Dans une socit dmocratique au sens de la Convention, ledroit une bonne administration de la justice occupe une place

    si minente quune interprtation restrictive de larticle 6 1 necorrespondrait pas au but et lobjet de cette disposition1.

    Le premier paragraphe de larticle 6 concerne la fois les proc-

    dures civiles et pnales, tandis que les deuxime et troisime para-

    graphes sont exclusivement applicables en matire pnale.

    Toutefois, comme nous le verrons par la suite, il arrive que les

    actions engages au civil jouissent, dans certains cas, de garanties

    identiques celles prvues par les paragraphes 2 et 3 de larticle 6.

    Le texte de larticle 6 ne reprsente cependant quun point de

    dpart, dans la mesure o la jurisprudence de la Cour europenne

    des Droits de lHomme en retient une interprtation largie2, en

    dfinissant la teneur des droits garantis par la Convention. Nous

    examinerons et analyserons tout au long de ce manuel les dci-

    sions de la Commission et de la Cour.

    Il convient cependant de procder une mise en garde au sujet de

    la jurisprudence relative larticle 6 : aucune requte ntant rece-

    1. Delcourt c. Belgique, 17 janvier 1970, paragraphe 25.

    2. Certaines rfrences cites correspondent des dcisions de la Commission euro-penne des Droits de lHomme. Cette instance charge deffectuer un tri pralabledes requtes a t supprime lors de lentre en vigueur, en 1998, du Protocole no 11 la Convention. Dsormais, toutes les dcisions manent de la Cour europennedes Droits de lHomme.

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    SRIE DES PRCIS DU CONSEIL DE LEUROPE SUR LES DROITS DE LHOMME

    Aperu gnral6

    vable avant lpuisement des voies de recours internes3, la quasi-

    totalit des violations allgues de cette disposition a dj t

    examine par les juridictions nationales suprmes avant

    datteindre Strasbourg. La Cour conclut frquemment labsence

    de violation de larticle 6, au motif que la procdure considredans son ensemble prsente un caractre quitable, puisquune

    juridiction suprieure a dj t en mesure de rectifier les erreurs

    dune instance infrieure. Il nest ainsi pas difficile de croire, tort,

    que tel ou tel vice de procdure est conforme aux normes

    nonces par la Convention, dans la mesure o la Cour de

    Strasbourg ne la pas jug constitutif dune violation de cet

    instrument. Or, cette situation sexplique en ralit bien souvent

    par le fait que le vice de procdure a t corrig, en partie au

    moins, par une instance suprieure. Les juges des juridictionsinfrieures sont pourtant chargs de veiller au respect de larticle 6

    tout au long des procdures dont ils sont saisis. Ils ne sauraient sen

    remettre lventuelle rectification de leurs erreurs par une

    juridiction suprieure.

    Aperu gnralCe bref aperu vise prsenter tous ceux qui prennent part

    lexercice de la justice les garanties consacres par larticle 6.

    Chacune delles sera examine de faon plus approfondie dans les

    chapitres suivants.

    Le libell de larticle tient lieu de simple colonne vertbrale. Les

    prcisions indispensables la comprhension de la nature des

    droits quil consacre sont apportes par la jurisprudence de laCour, abondamment voque tout au long du prsent manuel.

    Bien que larticle 6 fasse tat du droit un procs quitable, les

    garanties prvues sappliquent souvent longtemps avant quune

    personne ne soit formellement accuse dune infraction pnale ; il

    arrive galement quelles interviennent, dans les affaires civiles, au

    cours des tapes administratives qui prcdent lengagement de la

    procdure judiciaire. Lapplication de ces mmes garanties ne cesse

    pas compter du prononc dune dcision de justice, mais se

    poursuit pendant la phase dexcution de cette dernire. Bon

    nombre des garanties consacres par larticle 6, notamment la

    notion dquit, sont applicables aux procdures aussi bien pnales

    que civiles. Les termes en matire pnale et accusation ,ainsi que les droits et obligations de caractre civil ont un sens

    propre la Convention, qui diffre souvent de leurs dfinitions

    nationales. Lorsquune procdure concerne des droits civils ou des

    accusations en matire pnale dfinis par la jurisprudence de la

    Cour, toute personne doit pouvoir tre entendue par une juridic-

    3. Voir larticle 35.

  • 8/2/2019 le droit un procs quitable

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    NO 3 : LE DROIT UN PROCS QUITABLE

    7

    tion, cest--dire par un tribunal indpendant et impartial tabli

    par la loi, dont les dcisions ne sauraient tre subordonnes une

    autorit non judiciaire. Une part importante de la jurisprudence

    de la Cour dfinit les garanties indispensables qui assurent cet

    accs aux tribunaux. Une fois la procdure judiciaire engage, sondroulement doit en principe revtir un caractre public, tandis

    quun prononc public du jugement simpose systmatiquement.

    La procdure doit par ailleurs se clore par un jugement motiv

    rendu dans un dlai raisonnable, tout retard excessif entranant le

    versement dune indemnisation. Cette obligation se poursuit

    jusqu lexcution du jugement. Aucune dcision de justice nest

    rpute rendue lorsquune autorit non judiciaire a la capacit de

    modifier, au dtriment de lune des parties, leffet recherch par ce

    jugement4. Lexcution dun jugement prononc lencontre duneinstance publique doit tre automatique5. Sil est prononc

    lencontre dune personne prive, la partie qui a obtenu gain de

    cause peut demander que des mesures supplmentaires soient

    prises pour excuter le jugement, pour autant que la responsabilit

    ultime de cette excution incombe lEtat6. Cette tche particu-

    lire relve, lorsquelle na pas t attribue dautres services de

    lappareil judiciaire, de la comptence du juge qui a rendu le juge-

    ment.

    Le respect de principes tels que la prsomption dinnocence et le

    rglement armes gales du litige opposant les parties

    simpose au cours de la procdure judiciaire. Une protection parti-

    culire doit tre accorde aux enfants et aux autres parties vuln-

    rables. Seules les personnes faisant lobjet dune accusation pnale

    bnficient de droits spcifiques (article 6 3.a e), mais la Cour

    estime que le caractre quitable du jugement commande, lecas chant, lapplication au civil de garanties comparables.

    LEtat a lobligation concrte de prendre toutes les mesures qui

    simposent pour garantir lexercice aussi bien thorique que pra-

    tique de ces droits. Cela englobe la mise disposition de moyens

    financiers suffisants au profit de lappareil judiciaire. Les points

    abords dans ce manuel revtent une importance particulire

    pour les juges, qui sont les premiers gardiens des droits consacrs

    par larticle 6. Il leur appartient de veiller ce que la procdure

    judiciaire, que ce soit au moment de linstruction, du procs ou de

    lexcution du jugement, soit conforme lensemble des normes

    prvues. Ils ne sont toutefois pas les seuls fonctionnaires auxquels

    incombent de telles responsabilits. Les services de police et le

    parquet ont en effet lobligation, vis--vis des victimes dinfrac-

    tions pnales (ou des membres survivants de leur famille),

    dexercer efficacement laction publique. Les avocats commis

    doffice et, au civil, les avocats dsigns au titre de laide juridic-

    tionnelle chargs de dfendre les droits consacrs par larticle 6 deleurs clients, ont le devoir dexercer leurs comptences profession-

    nelles avec une conscience qui assurera lapplication concrte et

    effective, et non thorique et illusoire , de la garantie dun procs

    quitable. Toutes les personnes qui participent au fonctionnement

    de lappareil judiciaire rpressif ont le devoir de respecter la

    4. Van de Hurk c. Pays-Bas, 19 avril 1994.5. Hornsby c. Grce, 19 mars 1997, et Burdov c. Russie, 7 mai 2002.6. Glaser c. Royaume-Uni, 19 septembre 2000.

  • 8/2/2019 le droit un procs quitable

    10/82

    SRIE DES PRCIS DU CONSEIL DE LEUROPE SUR LES DROITS DE LHOMME

    A quel type de procdure larticle 6 est-il applicable ?8

    dignit de laccus et dassurer la scurit des victimes et des

    tmoins. Le fait de ne pouvoir bnficier de lassistance dun

    avocat lors dune garde vue ou dune dtention provisoire peut

    galement compromettre le caractre quitable du procs. Les

    mauvais traitements infligs pendant la garde vue relvent delarticle 3 (interdiction de la torture ou des traitements inhumains

    ou dgradants) ou de larticle 8 (droit au respect de lintgrit

    morale et physique , garanti dans le cadre du respect de la vie

    prive consacr par cet article). Ils sont, eux aussi, susceptibles de

    porter atteinte lquit du procs. Lallgation plausible de

    mauvais traitements subis exige louverture dune enqute officielle

    effective. Il convient que cette enqute permette den identifier et

    den sanctionner les auteurs. Sans cette garantie concrte, linter-

    diction primordiale de la torture ne serait pas suivie deffet en pra-tique et les agents de lEtat pourraient alors porter impunment

    atteinte aux droits des personnes places sous leur autorit7. Les

    obligations nes dautres instruments internationaux, comme la

    Convention des Nations Unies contre la torture et autres peines ou

    traitements cruels, inhumains ou dgradants, font partie des obli-

    gations qui simposent un Etat au titre de larticle 53 de la

    Convention europenne des Droits de lHomme.

    Les fonctionnaires sont souvent chargs de la mise en uvre de

    procdures dont les consquences sont dterminantes pour les

    droits et obligations de caractre civil, par exemple la prise encharge des enfants par lassistance publique, lenregistrement des

    transactions foncires ou la dlivrance dune autorisation. Il leur

    appartient galement de veiller ce que leur action respecte les

    garanties consacres par larticle 6.

    Enfin, larticle 6 nest pas exclusivement applicable aux procdures

    judiciaires nationales. La Cour estime galement que les obliga-

    tions imposes un Etat par cette disposition peuvent tre invo-

    ques lors de lexpulsion ou de lextradition dune personne en vuede sa traduction en justice dans un autre Etat, si le procs en ques-

    tion est susceptible de se drouler en labsence de garanties l-

    mentaires suffisantes8. Ce principe sapplique, a contrario,

    lexcution des jugements rendus ltranger.

    A quel type de procdure larticle 6 est-il applicable ?

    Lorsque, dans les affaires pnales comme en matire civile, il sagit

    de se prononcer sur des droits civils ou des accusations pnales,

    les intresss doivent avoir accs la justice (voir plus loin, p. 9,

    Contenu de la notion daudience quitable). Il incombe un tri-

    7. Assenov et autres c. Bulgarie, 28 octobre 1998, paragraphe 102.8. Soering c. Royaume-Uni, 7 juillet 1989, et Mamatkulov et Askarov c. Turquie,

    4 fvrier 2005.

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    11/82

    NO 3 : LE DROIT UN PROCS QUITABLE

    9

    bunal dment tabli de statuer sur le litige ou le bien-fond de

    laccusation (voir plus loin, p. 8, Signification de lexpression

    tribunal indpendant (1) et impartial (2) ). Mais les garanties

    institues par larticle 6 ne sont pas uniquement applicables la

    procdure judiciaire ; elles stendent galement aux tapes qui la

    prcdent et qui la suivent.

    En matire pnale, ces garanties concernent les enqutes judici-

    aires menes par les services de police. La Cour a ainsi dcid dans

    larrt Imbroscia c. Suisse9 que la garantie de dlai raisonnablecommence courir ds la naissance de laccusation10 et que

    dautres exigences prvues larticle 6, notamment au para-

    graphe 3, peuvent galement jouer un rle avant que le juge du

    fond ne soit saisi de laffaire, si et dans la mesure o leur inobser- vance initiale risque de compromettre gravement le caractre

    quitable du procs.

    La Cour a galement estim, dans les affaires relevant de larticle 8

    de la Convention (droit au respect de la vie familiale), que

    larticle 6 sappliquait aussi aux phases administratives de la pro-

    cdure11.

    Larticle 6 ne confre pas un droit de recours, mais cette facult estprvue en matire pnale par larticle 2 du Protocole n o 7 la

    Convention.

    Malgr labsence dun droit de recours consacr par larticle 6, la

    Cour a dclar que, lorsque la lgislation dun Etat prvoyait un tel

    droit, les garanties de larticle 6 stendaient la procdure en

    question12. Les modalits dapplication des garanties dpendent

    cependant des particularits de ladite procdure. Il convient deprendre en compte le droulement de lensemble de la procdure

    dans lordre juridique interne, le rle thorique et pratique de la

    juridiction de recours, ainsi que ltendue de ses pouvoirs et la

    manire dont les intrts des parties sont exposs et protgs

    devant elle13. Larticle 6 ne confre par consquent aucun droit

    un type spcifique de recours et ne fixe pas prcisment les moda-

    lits dexamen de ceux-ci.

    La Cour a par ailleurs dclar que larticle 6 tait applicable aux

    recours dposs devant une juridiction constitutionnelle, pour

    autant que lissue de cette procdure soit dterminante pour un

    droit ou une obligation de caractre civil14. La question dun

    pouvoir de contrle du caractre quitable dune procdure

    engage devant la Cour de justice des Communauts europennes

    (CJCE) confr la Cour europenne des Droits de lHomme a t

    souleve dans laffaire Emesa Sugar NV c. Pays-Bas15, sans quune

    rponse y soit apporte, puisque laffaire a t dclare irrecevablepour dautres motifs. La CJCE a cependant estim elle-mme que

    9. Imbroscia c. Suisse, 24 novembre 1993, paragraphe 36.10. Voir plus loin, p.17, Quentend-on par accusation en matire pnale ?11. Voir par exempleJohansen c. Norvge, 27 juin 1996.

    12. Delcourt c. Belgique, 17 janvier 1970, paragraphe 25.13. Monnell et Morris c. Royaume-Uni, 2 mars 1987, paragraphe 56.14. Krcmar c. Rpublique tchque, 3 mars 2000, paragraphe 36.15. Emesa Sugar NV c. Pays-Bas, sur la recevabilit du 13 janvier 2005.

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    SRIE DES PRCIS DU CONSEIL DE LEUROPE SUR LES DROITS DE LHOMME

    A quel type de procdure larticle 6 est-il applicable ?10

    larticle 6 tait applicable aux procdures introduites au titre du

    droit communautaire16.

    Larticle 6 couvre galement la procdure postrieure au procs,

    telle que lexcution dun jugement. La Cour a ainsi considrdans larrt Hornsby c. Grce17 que le droit un procs quitableconsacr par larticle 6 serait illusoire si lordre juridique interne

    dun Etat partie permettait quune dcision de justice dfinitive et

    ayant lautorit de la chose juge demeurt dpourvue de caractre

    excutoire, au dtriment dune partie. Elle la raffirm dans larrt

    Burdov c. Russie, qui concernait labsence dexcution dun juge-ment ordonnant le versement dune indemnisation au requrant

    en rparation de son exposition des missions radioactives. La

    Cour a soulign que les difficults financires auxquelles un Etattait confront ne sauraient justifier le non-acquittement par ce

    dernier dune dette rsultant dune dcision de justice18. Lexcu-

    tion dun jugement rendu suite une action intente lencontre

    de lEtat, et dans laquelle celui-ci na pas obtenu gain de cause, doit

    tre automatique. Dans les litiges qui relvent du droit priv, les

    dispositions qui imposent la partie qui a obtenu satisfaction de

    prendre des mesures supplmentaires pour excuter le jugement

    ne portent pas atteinte en soi larticle 6, bien quil incombe en

    dernier ressort lEtat de veiller lapplication dune dcision de

    justice et au respect de lEtat de droit19.

    LEtat ne doit pas simmiscer dans lissue de la procdure judi-

    ciaire (pour plus de prcisions, voir plus loin p. 33, Signification delexpression tribunal indpendant (1) et impartial (2) ). La Coura dclar que lintervention du pouvoir lgislatif, lorsquil adopte

    un texte de loi pour dterminer lissue dune action dj engage

    devant les tribunaux, pouvait porter atteinte aux principes de lga-

    lit des armes20. Elle a par ailleurs estim, dans larrt Van de Hurkc. Pays-Bas, que le pouvoir de rendre une dcision ayant force ex-cutoire, qui ne saurait tre modifie par une autorit non judi-

    ciaire au dtriment dune partie, tait inhrent aux notions mmes

    de tribunal et de dcision de justice 21.

    La procdure judiciaire de certains Etats prsente la particularit

    commune de permettre lexercice dune procdure de

    supervision ou dune contestation dun arrt rendu par une

    juridiction et qui nest plus susceptible daucun recours suppl-

    mentaire. La compatibilit de cette procdure de contrle avec la

    Convention a t examine dans larrt Ryabykh c. Russie22. Larequrante avait intent une action lencontre dun tablissement

    16. Voir par exemple, Orkem c. Commission (affaire 374/87) 1989 ECR 3283, LimburgseVinyl Maatschappij NV c. Commission (affaires jointes T-305/94-T-335/94) 1999ECR II- 931 et Baustahlgewebe c. Commission (affaire C-185/95) 1998 ECR I-8417.

    17. Hornsby c. Grce, 19 mars 1997, paragraphe 40.18. Burdov c. Russie, 7 mai 2002, paragraphe 35. La non-excution dune dcision dfi-

    nitive peut galement relever de larticle 1 du Protocole n o 1, puisquune dette rsul-tant dune dcision de justice est considre comme un bien au sens de ce mmearticle.

    19. Glaser c. Royaume-Uni, 19 septembre 2000 et Immobiliare Saffi c. Italie, 28 juillet1999.

    20. Raffineries grecques Stran et Stratis Andreadis c. Grce, 9 dcembre 1994, paragra-phes 46 49. Pour de plus amples informations sur le principe de lgalit des armes,voir plus loin, p. 11, Egalit des armes et droit une procdure contradictoire.

    21. Van de Hurk c. Pays-Bas, 19 avril 1994.22. Ryabykh c. Russie, 24 juillet 2003.

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    13/82

    NO 3 : LE DROIT UN PROCS QUITABLE

    11

    bancaire et de lEtat, en allguant que la rforme conomique avait

    considrablement amoindri la valeur de ses conomies person-

    nelles. Celles-ci taient le fruit dun dur labeur, destin lacquisi-

    tion dun appartement. LEtat navait pas rvalu les montants en

    dpt pour compenser les effets de linflation, comme lexigeait

    pourtant la loi. Le juge dinstance stait prononc en faveur de la

    requrante et lui avait octroy une indemnisation. Mais le prsi-

    dent du tribunal de grande instance avait dpos une demande de

    procdure de supervision, au motif que cette dcision tait

    contraire au droit positif. Le jugement avait t infirm et la requ-

    rante dboute.

    La Cour a raffirm son raisonnement dans larrt Burdov, enajoutant que le droit dun justiciable un procs quitable serait

    tout aussi illusoire si lordre juridique dun Etat permettait une juridiction suprieure de casser une dcision de justice devenue

    dfinitive et revtue de lautorit de la chose juge, non pas par

    lexercice dun quelconque droit de recours, mais par une requte

    manant dun fonctionnaire de lEtat. Elle a par consquent conclu

    la violation de larticle 6.

    La Cour a galement affirm lapplicabilit extraterritoriale delarticle 6 : cela signifie quune personne expulse ou extrade en

    vue dtre traduite en justice peut se prvaloir des obligations

    imposes lEtat au titre de larticle 6, lorsque les garanties consa-

    cres par ce dernier font cruellement dfaut23. De mme, il

    incombe lEtat de vrifier, au moment o il excute un jugement

    tranger, que celui-ci a t rendu au terme dune procdure

    conforme aux grands principes de larticle 624.

    Dlimitation de la notion de droits et obligations de caractre civil

    Les garanties consacres par larticle 6 sont uniquement applicables

    aux procdures qui visent dcider, soit des contestations des droits

    et obligations de caractre civil dune personne, soit du bien-fonddune accusation dont elle fait lobjet en matire pnale. La Cour a

    consacr une jurisprudence abondante la dfinition des termes

    droits et obligations de caractre civil au sens de la Convention. La

    signification retenue par cette dernire diffre en effet bien souvent

    de ce que la lgislation nationale entend par cette formule.

    Bien que la Cour ait affirm dans certaines affaires lautonomie de

    la notion de droits et obligations de caractre civil, qui ne saurait

    tre interprte en se rfrant uniquement au droit interne delEtat dfendeur25, elle a galement estim que lapplicabilit de

    larticle 6 supposait lexistence dun droit garanti par la lgislation

    23. Soering c. Royaume-Uni, 7 juillet 1989 et Mamatkulov et Askarov c. Turquie,4 fvrier 2005.24. Pellegrini c. Italie, 20 juillet 2001.

    25. Voir par exemple Ringeisen c. Autriche, 16 juillet 1971, paragraphe 94, et Knig c.Rpublique fdrale dAllemagne, 28 juin 1978, paragraphe 88.

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    14/82

    SRIE DES PRCIS DU CONSEIL DE LEUROPE SUR LES DROITS DE LHOMME

    Dlimitation de la notion de droits et obligations de caractre civil12

    nationale, dont le caractre civil puisse tre reconnu par les juges

    de Strasbourg26.

    Dans larrt Roche c. Royaume-Uni27, la Cour runie en GrandeChambre a conclu, par neuf voix contre huit cependant, que

    larticle 6 ntait pas applicable lorsque les juridictions nationalesdcidaient que la lgislation interne ne confrait aucun droit,

    mme si lobjet du litige aurait pu entrer, au regard de la Conven-

    tion, dans la catgorie des dcisions relatives la contestation dun

    droit de caractre civil. Elle a retenu ce principe pour exclure de

    lapplication de larticle 6 les actions engages pour faute

    lencontre des pouvoirs publics, dans les affaires o les juridictions

    nationales avaient estim que cette action ne reposait sur lexis-

    tence daucun droit. Lorsque cette situation avait pour cons-

    quence de priver les victimes datteintes aux droits consacrs par laConvention du versement dune rparation par lEtat, la Cour a

    plusieurs reprises conclu la violation de larticle 13 (droit un

    recours effectif). Elle a estim en lespce que les requrants

    auraient d disposer dun moyen qui leur permette de dmontrer

    la responsabilit des pouvoirs publics, dont les actes ou les omis-

    sions ont entran les violations subies, et dobtenir une indemni-

    sation pour le prjudice caus28.

    Une fois tablie lexistence dun droit confr par la lgislationnationale, ltape suivante consiste dterminer sil sagit ou non

    dun droit de caractre civil. Nombre de gouvernements ont

    cherch contester lapplicabilit de larticle 6, au motif que les

    actions en question avaient t engages devant des juridictions

    administratives et quil ne sagissait pas de statuer sur un droit de

    caractre civil. La jurisprudence de la Cour et de la Commission

    des Droits de lHomme a abondamment dlimit la notion de

    droit ou obligation de caractre civil et linterprtation de cette

    formule par les organes de la Convention sest faite progressive-

    ment. Des domaines autrefois considrs comme nentrant pas

    dans le champ sapplication de larticle 6, tels que la scurit

    sociale, relvent aujourdhui en gnral de larticle 6 au titre des

    droits et obligations de caractre civil.

    Plusieurs critres doivent tre examins pour apprcier le carac-

    tre civil, au sens de la Convention, du droit concern.

    Premirement, la nature du droit lui-mme importe davantage

    que celle de la lgislation29. Laffaire Ringeisen c. Autriche portaitsur la procdure administrative applicable lenregistrement dune

    transaction foncire. Selon la Cour,

    peu importent ds lors la nature de la loi suivant laquelle lacontestation doit tre tranche (loi civile, commerciale, admi-nistrative, etc.) et celle de lautorit comptente en la matire(juridiction de droit commun, organe administratif, etc.)30.

    La qualification du droit ou de lobligation en droit interne nestpar consquent pas dterminante. Ce principe revt une impor-

    tance particulire pour les affaires relatives aux rapports entre

    26. Z et autres c. Royaume-Uni, 10 mai 2001 et Roche c. Royaume-Uni, 19 octobre 2005.27. Roche c. Royaume-Uni, 19 octobre 2005.28. Z et autres c. Royaume-Uni, 10 mai 2001, T.P. et K.M. c. Royaume-Uni, 10 mai 2001.

    29. Knig c. Rpublique fdrale dAllemagne, 28 juin 1978, paragraphe 90.30. Ringeisen c. Autriche, 16 juillet 1971, paragraphe 94.

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    NO 3 : LE DROIT UN PROCS QUITABLE

    Droits ou obligations civils 13

    citoyen et Etat. La Cour a en effet estim quen pareil cas, le fait

    que lautorit publique ait agi titre priv ou en sa qualit de

    dtentrice de la puissance publique ntait pas dcisif31. Le critre

    essentiel de lapplicabilit de larticle 6 est en ralit le caractre

    dterminant de lissue de la procdure pour les droits et obliga-

    tions de droit priv32.

    Deuximement, il convient de prendre en considration toute

    notion europenne uniforme susceptible de prciser la nature de

    ce droit33.

    Troisimement, la Cour a affirm que, malgr lautonomie de la

    notion de droits et obligations de caractre civil, la lgislation de

    lEtat concern ntait pas dnue dimportance. Ainsi a-t-elle

    estim dans larrt Knig c. Rpublique fdrale dAllemagne :

    Cest en effet au regard non de la qualification juridique, maisdu contenu matriel et des effets que lui confre le droit internede lEtat en cause, quun droit doit tre considr ou noncomme tant de caractre civil au sens de cette expression dansla Convention34.

    Comme nous lavons dj indiqu, les juges de Strasbourg ont

    choisi de se prononcer dans chaque affaire en fonction des circon-

    stances de lespce ; aussi est-il plus simple de reprendre les

    exemples de situations dans lesquelles la Cour a estim tre enprsence ou non dun droit ou dune obligation de caractre civil.

    Droits ou obligations civils

    La Cour affirme avant tout le caractre systmatiquement civil des

    droits et obligations relatifs aux rapports entre particuliers. Il en

    va notamment ainsi des relations entre personnes prives, quellessoient physiques ou morales, rgies par le droit des contrats35, le

    droit commercial36, le droit de la responsabilit civile dlictuelle37,

    le droit de la famille38, le droit du travail39 et le droit de la pro-

    prit40.

    La question des rapports entre lEtat et les particuliers est plus

    dlicate. La Cour reconnat le caractre civil dun certain nombre

    de droits et obligations. Les juges de Strasbourg retiennent notam-

    ment lapplicabilit de larticle 6 en matire de proprit. Lagarantie dun procs quitable couvre ainsi les diverses tapes des

    procdures dexpropriation, de reclassement et de planification,

    loctroi des permis de construire et la dlivrance des autres autori-

    sations immobilires, qui entranent des consquences directes

    sur le droit de proprit attach au bien concern 41, de mme que

    31. Knig c. Rpublique fdrale dAllemagne, 28 juin 1978, paragraphe 90.32. H c. France, 24 octobre 1989, paragraphe 47.33. Feldbrugge c. Pays-Bas, 29 mai 1986, paragraphe 29.34. Knig c. Rpublique fdrale dAllemagne, 28 juin 1978, paragraphe 89.

    35. Ringeisen c. Autriche, 16 juillet 1971.36. Edificaciones March Gallego S.A. c. Espagne, 19 fvrier 1998.37. Axen c. Rpublique fdrale dAllemagne, 8 dcembre 1983, et Golder c. Royaume-

    Uni, 21 fvrier 1975.38. Airey c. Irlande, 9 octobre 1979, et Rasmussen c. Danemark, 28 novembre 1984.39. Buchholz c. Rpublique fdrale dAllemagne, 6 mai 1981.40. Pretto c. Italie, 8 d cembre 1983.41. Voir, par exemple, Sporrong et Lnnroth c. Sude, 23 septembre 1982, Poiss c.

    Autriche, 23 avril 1987, Bodn c. Sude, 27 octobre 1987, Hkansson et Sturesson c.Sude, 21 fvrier 1990, Mats Jacobsson c. Sude, 28 juin 1990, et Ruiz-Mateos c.Espagne, 12 septembre 1993.

  • 8/2/2019 le droit un procs quitable

    16/82

    SRIE DES PRCIS DU CONSEIL DE LEUROPE SUR LES DROITS DE LHOMME

    Dlimitation de la notion de droits et obligations de caractre civil14

    les procdures plus gnrales qui ont une incidence sur lusage ou

    la jouissance dudit bien42.

    Larticle 6 est galement applicable au droit lexercice dune acti-

    vit commerciale. Les affaires relatives cette catgorie concer-

    nent le retrait dune licence de dbit de boissons alcoolises unrestaurant43 et lautorisation douvrir une clinique44 ou une cole

    prive45. Les litiges portant sur le droit dexercer une profession

    librale, notamment dans le domaine de la mdecine ou du droit,

    relvent galement de larticle 646.

    La Cour retient par ailleurs lapplicabilit de larticle 6 au droit de

    la famille, aussi bien public que priv, dans les procdures ayant

    trait la jouissance mutuelle par les parents et enfants de leur pr-

    sence respective. Citons, titre dexemple, les dcisions de place-

    ment denfants auprs de lassistance47, de visite parentale48,

    dadoption49 ou de placement denfants en famille daccueil50.

    Comme nous lavons indiqu plus haut, la jurisprudence de la

    Cour a longtemps considr que les procdures relatives aux pres-

    tations sociales nentraient pas dans le champ dapplication de

    larticle 6. Mais elle affirme dsormais clairement lapplication de

    cette disposition aux procdures visant statuer sur la capacit

    bnficier, au titre dun rgime de scurit sociale, des prestations

    de lassurance-maladie51, des allocations dinvalidit52 et des pen-

    sions verses par lEtat53. Dans laffaire Schuler-Zgraggen c. Suisse,qui portait sur les pensions dinvalidit, la Cour a admis pour

    principe que lvolution juridique [] et le principe de lgalit

    de traitement permettent destimer que lapplicabilit de

    larticle 6 1 constitue aujourdhui la rgle dans le domaine de

    lassurance sociale, y compris mme de laide sociale 54. Larticle 6

    stend en outre aux procdures destines se prononcer sur lobli-

    gation dacquitter des cotisations au titre dun rgime de scurit

    sociale55.

    La garantie de larticle 6 englobe les procdures engages

    lencontre de ladministration publique en matire de contrat56, de

    prjudice caus par une dcision administrative57 ou de procdure

    pnale58. Elle sapplique aux procdures dindemnisation pour

    dtention illicite engages au titre de larticle 5 5, la suite dun

    acquittement prononc loccasion de poursuites pnales59. Bien

    42. Par exemple Oerlamans c. Pays-Bas, 27 novembre 1991 et De Geoffre de la Pradellec. France, 16 dcembre 1992.

    43. Tre Traktrer Aktiebolag c. Sude, 7 juillet 1989.

    44. Knig c. Rpublique fdrale dAllemagne, 28 juin 1978.45. Jordebro Foundation c. Sude, 6 mars 1987, rapport de la Commission, 51 DR 148.46. Knig c. Rpublique fdrale dAllemagne, 28 juin 1978, et H c. Belgique 30 novembre

    1987.47. Olsson c. Sude, 24 mars 1988.48. W c. Royaume-Uni, 8 juillet 1987 ; P, C, et S c. Royaume-Uni, 16 juillet 2002.49. Keegan c. Irlande, 26 mai 1994.50. Eriksson c. Sude, 22 juin 1989.

    51. Feldbrugge c. Pays-Bas, 29 mai 1986.52. Salesi c. Italie, 26 fvrier 1993.

    53. Lombardo c. Italie, 26 novembre 1992.54. Schuler-Zgraggen c. Suisse, 24 juin 1993, paragraphe 46.55. Schouten et Meldrum c. Pays-Bas, 9 dcembre 1994.56. Philis c. Grce, 27 aot 1991.57. Voir, par exemple, Editions Priscope c. France, 26 mars 1992, Barraona c. Portugal,

    8 juillet 1987, etX c. France, 3 mars 1992.58. Moreira de Azevedo c. Portugal, 23 octobre 1990.59. Georgiadis c. Grce, 29 mai 1997.

  • 8/2/2019 le droit un procs quitable

    17/82

    NO 3 : LE DROIT UN PROCS QUITABLE

    Droits ou obligations non civils 15

    que les litiges fiscaux ne relvent pas de larticle 6, celui-ci garantit

    le droit de recouvrer les sommes indment perues par le fisc60.

    En outre, le droit dun particulier au respect de sa rputation est

    galement considr comme un droit de caractre civil61. Enfin, la

    Cour estime que, lorsque lissue dune procdure de droit constitu-tionnel ou public est susceptible de se rvler dterminante pour

    des droits et obligations de caractre civil, celle-ci est couverte par

    la garantie dun procs quitable consacre par larticle 662.

    Les juges de Strasbourg ont indiqu, dans une affaire de 2004,

    vouloir mettre un terme lincertitude qui entourait lapplicabilit

    de larticle 6 la constitution de partie civile, par la victime dune

    infraction pnale, dans le cadre de poursuites pnales. Ils ont

    estim que le dpt dune plainte accompagn dune constitution

    de partie civile relevait du champ dapplication dudit article. Ce

    dernier ne confre toutefois aucun droit distinct lengagement de

    poursuites lencontre de tiers ou leur condamnation pour

    infraction pnale63.

    Droits ou obligations non civils

    Fidles lesprit de la Commission et de la Cour, qui consiste se

    prononcer dans chaque affaire en fonction des circonstances de

    lespce, les juges de Strasbourg ont galement estim que certainsdomaines du droit nentraient pas dans le champ dapplication de

    larticle 6 1. Cela signifie que mme les actions engages au sujet

    de litiges relatifs lexercice dun droit garanti par la Convention

    ne bnficieront pas automatiquement de la protection accorde

    par cet article. Larticle 13 (droit un recours effectif ) est toutefois

    systmatiquement applicable, ce qui exige parfois lexistence dun

    recours ou de garanties procdurales analogues celles prvues

    larticle 6 164.

    Les exemples suivants ne sont pas considrs comme des situa-

    tions donnant lieu une dcision relative la contestation de

    droits et obligations de caractre civil. Certains de ces arrts ont

    cependant t rendus il y a fort longtemps dj et il peut tre

    ncessaire de les rexaminer au vu de lvolution plus rcente de la

    jurisprudence largie de la Cour.

    Questions fiscales et douanires gnrales et imposition65

    Dans larrt Ferrazzini c. Italie66, la Grande Chambre a explicite-ment rexamin lensemble de la question de lapplicabilit de

    larticle 6 aux litiges opposant les contribuables et les pouvoirs

    publics, propos de la lgalit dune dcision prise par le fisc. Les

    juges se sont prononcs la majorit (soit onze dentre eux) en

    faveur du maintien de la conception en vigueur et ont estim que

    larticle 6 ntait pas applicable. Six autres juges ont toutefois consi-

    60. National & Provincial Building Society et autres c. Royaume-Uni, 23 octobre 1997.61. Voir, par exemple, Fayed c. Royaume-Uni, 21 septembre 1994.62. Ruiz-Mateos c. Espagne, 12 septembre 1993.63. Perez c. France, 12 fvrier 2004.

    64. Z et autres c. Royaume-Uni, 10 mai 2001, et T.P. et K.M. c. Royaume-Uni, 10 mai2001.

    65. Emesa Sugar NV c. Pays-Bas, dcision sur la recevabilit du 13 janvier 2005 et, parexemple, X c. France, requte no 9908/82 (1983), 32 DR 266. Voir cependant p. 14,note 42.

    66. Ferrazzini c. Italie, 12 juillet 2001.

  • 8/2/2019 le droit un procs quitable

    18/82

    SRIE DES PRCIS DU CONSEIL DE LEUROPE SUR LES DROITS DE LHOMME

    Dlimitation de la notion de droits et obligations de caractre civil16

    dr quil ny a pas dargument convaincant en faveur du main-

    tien de la jurisprudence actuelle de la Cour selon laquelle les

    procdures en matire fiscale nimpliquent pas de dcision sur

    des droits et obligations de caractre civil (voir plus haut, p. 11,

    Dlimitation de la notion de droits et obligations de caractre civil,pour une conception diffrente en matire damendes fiscales). Le

    prononc de larrt de la Grande Chambre dans laffaire Jusilla c.Finlande, requte no 73053/01, dont laudience avait eu lieu le5 juillet 2006, tait attendu au moment de la mise sous presse du

    prsent fascicule.

    Questions touchant limmigration et la nationalit67

    La Grande Chambre a conclu, dans larrtMaaouia c. France68, quela procdure ayant abouti la prise dun arrt dexpulsion ntait

    pas de nature pnale et quelle nimpliquait pas de dcision sur un

    droit de caractre civil, mme lorsque la prise de cet arrt dexpul-

    sion rsultait directement dune condamnation pnale. Dans

    larrt Mamatkulov et Askarov c. Turquie69, la Cour a de la mmemanire affirm que la procdure dextradition engage

    lencontre dun individu pour quil rponde des accusations

    pnales retenues par un autre Etat ne prsentait aucun caractrecivil ou pnal ayant vocation confrer ce mme individu

    durant la procdure dextradition dont il faisait lobjet, les garanties

    prvues larticle 6.

    Litiges professionnels concernant des fonctionnaires dont les

    fonctions impliquent lexercice de pouvoirs confrs par le droit

    public et le respect dobligations visant prserver lintrt gnralde lEtat, comme les forces armes ou les services de police70

    Obligation deffectuer un service militaire71

    Affaires relatives la couverture mdiatique dune procdure

    judiciaire

    Cest le cas, par exemple, de larrt Atkinson, Crook et TheIndependent c. Royaume-Uni72, qui concernait trois requrants, savoir deux journalistes et un quotidien, allguant dune atteinte

    lexercice de leur droit daccs aux tribunaux garanti par

    larticle 6 pour navoir pu contester la dcision de tenir huis clos

    une audience de fixation de peine dans une affaire dont ils souhai-

    taient assurer la couverture mdiatique. La Commission a estim

    que rien nindiquait que les requrants bnficiaient en droit

    interne dun droit de caractre civil rendre compte dune

    audience de fixation de peine et, par consquent, que les griefs des

    requrants ne portaient pas sur un droit ou une obligation decaractre civil au sens de larticle 6.

    67. P c. Royaume-Uni, requte no 13162/87 (1987), 54 DR 211, et S c. Suisse, requteno 13325/87 (1988), 59 DR 256.

    68. Maaouia c. France, 5 octobre 2000.69. Mamatkulov et Askarov c. Turquie, 4 fvrier 2005.

    70. Pellegrin c. France, 18 dcembre 1999, et Frydlender c. France, 27 juin 2000.71. Nicolussi c. Autriche, requte no 11734/85 (1987), 52 DR 266.72. Atkinson Crook et The Independent c. Royaume-Uni, requte no 13366/87 (1990),

    67 DR 244.

  • 8/2/2019 le droit un procs quitable

    19/82

    NO 3 : LE DROIT UN PROCS QUITABLE

    Signification de la formule en matire pnale 17

    Droit de postuler un emploi de la fonction publique73

    Droit une ducation assure par lEtat74

    Refus de dlivrance dun passeport75

    Questions relatives laide judiciaire dans les affaires civiles76

    Voir cependant, plus bas, p. 42, Contenu de la notion daudiencequitable.

    Droit un traitement mdical financ par lEtat77.

    Il peut savrer ncessaire de rexaminer cette dcision au vu de

    larrt Schuler-Zgraggen c. Suisse78. Larticle 6 est applicable lorsquelEtat choisit de prodiguer des soins mdicaux publics par le biais

    de socits dassurance sant prives79. Dans larrt Ashingdane c.Royaume-Uni80, le droit de caractre civil en question avait laforme du droit dun malade mental tre transfr dans un

    autre tablissement psychiatrique pour y recevoir le traitement

    ncessaire pralable sa sortie.

    Dcision unilatrale de lEtat dindemniser les victimes dune

    catastrophe naturelle81

    Il peut tre utile de rexaminer cette dcision au regard de larrt

    Burdov c. Russie.

    Demandes de dpt de brevets82

    Quentend-on par accusation en matire pnale ?

    Les garanties consacres sous cette rubrique par larticle 6 sont uni-

    quement applicables dans le cadre de procdures pnales et au

    profit exclusif des accuss . La Cour possde une jurisprudence

    abondante sur la signification des termes en matire pnale et

    accusation au sens de la Convention.La dfinition retenue par la

    Convention diffre bien souvent de celle prvue par le droit interne.

    Signification de la formule en matire pnale

    Bien que les Etats disposent dune marge dapprciation impor-

    tante dans le choix des comportements qualifis dinfraction

    pnale, ils ne sauraient incriminer lexercice normal des droits

    consacrs par la Convention, comme la libert dexpression. Cer-

    73. Habsburg-Lothringen c. Autriche, requte no 15344/89 (1989), 64 DR 210.74. Simpson c. Royaume-Uni, requte no 14688/89 (1989), 64 DR 188.75. Peltonen c. Finlande, requte no 19583/92 (1995), 80-A DR 38.76. X c. Rpublique fdrale dAllemagne, requte no 3925/69 (1974), 32 CD 123.77. L c. Sude, requte no 10801/84 (1988), 61 DR 62.78. Schuler-Zgraggen c. Suisse, 24 juin 1993.

    79. Van Kuck c. Allemagne, 12 juin 2003.80. Ashingdane c. Royaume-Uni, 28 mai 1985.81. Nordh et autres c. Sude, requte no 14225/88 (1990), 69 DR 223.82. X c. Autriche, requte no 7830/77 (1978), 14 DR 200. Les litiges relatifs la proprit

    de brevets ont toutefois t considrs comme impliquant une dcision sur desdroits de caractre civil. (British American Tobacco c. Pays-Bas, requte no 19589/92,20 novembre 1995).

  • 8/2/2019 le droit un procs quitable

    20/82

    SRIE DES PRCIS DU CONSEIL DE LEUROPE SUR LES DROITS DE LHOMME

    Quentend-on par accusation en matire pnale ?18

    tains comportements, comme les agressions sexuelles graves,

    doivent en revanche tre passibles dune peine si lon entend pro-

    tger les droits de la victime83.

    Comme la fait remarquer la Cour dans larrt Engel et autres c.

    Pays-Bas84

    , les Etats parties sont libres dtablir une distinctionentre droit pnal, droit administratif et droit disciplinaire, tant que

    cette distinction elle-mme ne porte pas atteinte aux dispositions

    de la Convention. La Cour a en lespce dfini des critres des-

    tins dterminer le caractre pnal ou non dune accusation

    au sens de larticle 6. Ces principes ont t confirms par sa juris-

    prudence ultrieure.

    Quatre lments prsentent une pertinence en la matire : la qua-

    lification en droit interne, la nature de linfraction, le but de la

    peine, ainsi que la nature et la svrit de la peine.

    Qualification en droit interne

    Larticle 6 est automatiquement applicable la procdure si laccu-

    sation est qualifie de pnale dans le droit interne de lEtat

    dfendeur ; les considrations prcdentes sont dans ce cas hors

    de propos. Mais labsence de qualification pnale nimplique pas

    systmatiquement la non-validit de la garantie dun procs qui-

    table prvue par ce mme article. Sil en tait ainsi, les Etatscontractants pourraient se soustraire lapplication de cette

    garantie en dpnalisant les infractions pnales ou en modifiant

    leur qualification. Comme la indiqu la Cour dans larrt Engel etautres c. Pays-Bas :

    Si les Etats contractants pouvaient leur guise qualifier uneinfraction de disciplinaire plutt que pnale, ou poursuivre

    lauteur dune infraction mixte sur le plan disciplinaire deprfrence la voie pnale, le jeu des clauses fondamentales desarticles 6 et 7 se trouverait subordonn leur volont souve-raine. Une latitude aussi tendue risquerait de conduire desrsultats incompatibles avec le but et lobjet de la Convention85.

    Les juges de Strasbourg ont adopt une approche similaire dans

    larrt Lauko c. Slovaquie86 lgard dinfractions quils estimaientpnales par nature, mais que le droit interne prfrait qualifier

    d administratives . Les juridictions appeles connatre

    dinfractions administratives pnales par nature ont lobliga-tion de se conformer lensemble des exigences de larticle 6.

    Nature de linfraction

    Lorsque la norme concerne est uniquement applicable un

    nombre limit dindividus, les membres dune profession par

    exemple, elle sapparente davantage une disposition disciplinaire

    qu une norme pnale. Il est probable, en revanche, quil sagisse

    dune norme pnale au sens de larticle 6 si elle produit un effetgnral. Dans laffaire Weber c. Suisse, le requrant avait intentune action au pnal en diffamation et tenu une confrence de

    83. X et Y c. Pays-Bas, 26 mars 1985.84. Engel et autres c. Pays-Bas, 8 juin 1976, paragraphe 81.

    85. Engel et autres c. Pays-Bas, 8 juin 1976, paragraphe 81.86. Lauko c. Slovaquie, 2 septembre 1998.

  • 8/2/2019 le droit un procs quitable

    21/82

    NO 3 : LE DROIT UN PROCS QUITABLE

    Signification de la formule en matire pnale 19

    presse pour informer le public de son initiative, ce qui lui avait

    valu une condamnation une amende pour violation du secret de

    linstruction. Il allguait dune violation de larticle 6 au motif que

    le recours dpos contre sa condamnation avait t rejet sans

    audience publique pralable. La Cour, appele par consquent seprononcer sur le caractre pnal ou non de laffaire, avait indiqu :

    Les sanctions disciplinaires ont en gnral pour but dassurer le

    respect, par les membres de groupes particuliers, des rgles de

    comportement propres ces derniers. Par ailleurs, la divulga-

    tion de renseignements sur une enqute encore pendante cons-

    titue, dans une large majorit des Etats contractants, un acte

    incompatible avec de telles rgles et rprim par des textes denature diverse. Tenus par excellence au secret de linstruction,

    les magistrats, les avocats et tous ceux qui se trouvent troite-

    ment mls au fonctionnement des juridictions sexposent en

    pareil cas, indpendamment de sanctions pnales, des

    mesures disciplinaires qui sexpliquent par leur profession. Les

    parties , elles, ne font que participer la procdure en

    qualit de justiciables ; elles se situent donc en dehors de la

    sphre disciplinaire de la justice. Comme larticle 185 concerne

    virtuellement la population tout entire, linfraction quil

    dfinit et quil assortit dune sanction punitive, revt un carac-

    tre pnal au regard du deuxime critre87.

    Cette disposition ntant pas applicable un nombre limit de per-

    sonnes un ou plusieurs titres, elle ntait ds lors pas exclusive-

    ment disciplinaire par nature.

    De mme, dans laffaire Demicoli c. Malte88, qui portait sur un

    journaliste auteur dun article extrmement critique lgard dedeux dputs, les poursuites engages son encontre pour atteinte

    aux privilges parlementaires nont pas t considres comme

    relevant de la discipline interne du Parlement, dans la mesure o

    la disposition invoque concernait virtuellement lensemble de la

    population.

    Dans laffaire Ravnsborg c. Sude89 en revanche, la Cour a constatque les amendes avaient t infliges au requrant en raison des

    dclarations faites par celui-ci en qualit de partie la procdurejudiciaire. Elle a estim que les mesures prises pour assurer le bon

    droulement de la procdure sapparentaient davantage des sanc-

    tions disciplinaires qu des peines infliges dans le cadre daccusa-

    tions en matire pnale. Larticle 6 a par consquent t jug

    inapplicable en lespce.

    But de la peine

    Ce critre sert distinguer les sanctions pnales des sanctions

    purement administratives.

    87. Weber c. Suisse, 22 mai 1990, paragraphe 33.88. Demicoli c. Malte, 27 aot 1991.89. Ravnsborg c. Sude, 21 fvrier 1994.

  • 8/2/2019 le droit un procs quitable

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    SRIE DES PRCIS DU CONSEIL DE LEUROPE SUR LES DROITS DE LHOMME

    Quentend-on par accusation en matire pnale ?20

    Dans larrt ztrk c. Rpublique fdrale dAllemagne90, la Courtait appele examiner une affaire de conduite dangereuse, dp-

    nalise en Allemagne. La Cour a cependant prcis quelle nen

    revtait pas moins un caractre pnal au regard de larticle 6. La

    norme concerne conservait en effet les caractristiques propres

    une infraction pnale. Gnrale dans son application, puisquelle

    sadressait tous les usagers de la route et non groupe parti-

    culier (voir plus haut), elle tait assortie dune sanction (une

    amende) punitive et dissuasive. La Cour a galement observ que

    limmense majorit des Etats parties traitaient les infractions

    mineures au Code de la route comme des infractions pnales.

    Dans larrt Ezeh et Connors c. Royaume-Uni91, la GrandeChambre a jug larticle 6 applicable aux poursuites disciplinaires

    pnitentiaires, dans la mesure o les requrants taient accussdavoir commis des infractions incrimines par le droit pnal, pas-

    sibles de jours de dtention supplmentaires, et effectivement

    condamns en ce sens des fins punitives par le directeur de lta-

    blissement pnitentiaire, une fois leur culpabilit tablie.

    Si la sanction concerne ne prend pas la forme dune peine

    demprisonnement ou dune menace demprisonnement, mais

    dune amende, la Cour examine si celle-ci visait accorder une

    indemnisation pcuniaire pour un prjudice subi ou dissuaderlauteur dune infraction de rcidiver. Seule cette dernire option

    est considre comme prsentant une dimension pnale92.

    Nature et svrit de la peine

    Ce critre se distingue de celui du but de la peine (voir ci-dessus).

    Lorsque larticle 6 nest pas applicable au regard de ce but, la Cour

    examine alors la nature et la svrit de la peine pour dterminer

    si elles justifient lapplication de la garantie dun procs quitable.

    En rgle gnrale, toute norme assortie dune peine de privation

    de libert prsente un caractre plus pnal que disciplinaire. La

    Cour a indiqu dans larrt Engel et autres c. Pays-Bas que :

    Dans une socit attache la prminence du droit, ressortis-sent la matire pnale les privations de libert susceptiblesdtre infliges titre rpressif, hormis celles qui par leur nature,leur dure ou leurs modalits dexcution ne sauraient causer

    un prjudice important. Ainsi le veulent la gravit de lenjeu, lestraditions des Etats contractants et la valeur que la Conventionattribue au respect de la libert physique de la personne93.

    Dans larrt Benham c. Royaume-Uni, les juges de Strasbourg ontestim que lorsquune privation de libert se trouve en jeu, les

    intrts de la justice commandent par principe daccorder lassis-

    tance dun avocat 94.

    Dans larrt Campbell et Fell c. Royaume-Uni95, la Cour a dclar

    que la perte dune remise de peine de presque trois ans, bien que le

    90. ztrk c. Rpublique fdrale dAllemagne, 21 fvrier 1984.91. Ezeh et Connors c. Royaume-Uni, 9 octobre 2003.

    92. Par exemple Bendenoun c. France, 24 fvrier 1994, et Vstberga Taxi Aktiebolag etVulic c. Sude, 23 juillet 2002.

    93. Engel et autres c. Pays-Bas, 8 juin 1976, paragraphe 82.94. Benham c. Royaume-Uni, 10 juin 1996, paragraphe 61.95. Campbell et Fell c. Royaume-Uni, 28 juin 1984, paragraphe 72.

  • 8/2/2019 le droit un procs quitable

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    NO 3 : LE DROIT UN PROCS QUITABLE

    Signification du terme accusation 21

    droit anglais considre cette dernire davantage comme un privi-

    lge que comme un droit, devait tre prise en compte, puisquelle

    avait prolong la dtention du prisonnier au-del de la date

    laquelle il aurait pu esprer tre libr. Comme le prcise lextrait

    de larrt Engel et autres c. Pays-Bas reproduit ci-dessus, toute pri-vation de libert nentrane pas automatiquement lapplicabilit de

    larticle 6. La Cour a ainsi jug quun emprisonnement de deux

    jours tait trop court pour tre assimil une sanction pnale.

    La simple possibilit dune peine demprisonnement peut suffire

    rendre larticle 6 applicable. Dans larrt Engel et autres c. Pays-Bas,le fait que lun des requrants se soit finalement vu infliger une

    peine non privative de libert na pas modifi lapprciation de la

    Cour, dans la mesure o le rsultat final ne saurait amoindrir

    lenjeu initial.

    Signification du terme accusation

    Larticle 6 garantit la tenue dun procs quitable dans la dtermi-

    nation du bien-fond de tout accusation en matire pnale, et ce

    ds la mise en examen dune personne. Que recouvre cette

    formule ?

    Au regard de la Convention, la notion d accusation revt un

    caractre autonome, applicable indpendamment de la dfinition

    quen donne le droit interne. Dans larrt Deweer c. Belgique, laCour a prcis que le terme accusation devait sentendre dans

    son acception matrielle, et non formelle ; elle sestimait tenue de

    dpasser les apparences et danalyser la ralit de la procdure en

    question. Les juges ont ensuite indiqu que l accusation

    pouvait tre dfinie comme

    la notification officielle, manant de lautorit comptente, dureproche davoir accompli une infraction pnale

    ou comme ayantdes rpercussions importantes sur la situation du suspect96.

    Dans laffaire susmentionne, le procureur avait ordonn la ferme-

    ture provisoire de la boucherie du requrant, sur la base dun

    rapport faisant tat de la violation par celui-ci dun arrt relatif

    la rglementation des prix. Lacceptation par ce commerant de la

    transaction propose dans le cadre dun rglement lamiable,

    prvu par le droit belge, avait teint les poursuites pnales enga-

    ges son encontre. La Cour a nanmoins considr que le requ-rant avait fait lobjet dune accusation en matire pnale.

    Les exemples suivants offrent une illustration supplmentaire de

    situations constitutives dune accusation :

    le premier interrogatoire subi par une personne en qualit de

    suspect97

    lordre darrestation dune personne pour une infraction

    pnale98

    la notification officielle une personne des poursuites enga-ges son encontre99

    96. Deweer c. Belgique, 27 fvrier 1980, paragraphes 42, 44 et 46.97. Hozee c. Pays-Bas, 22 mai 1998.98. Wemhoff c. Rpublique fdrale dAllemagne, 27 juin 1968.99. Neumeister c. Autriche, 27 juin 1986.

  • 8/2/2019 le droit un procs quitable

    24/82

    SRIE DES PRCIS DU CONSEIL DE LEUROPE SUR LES DROITS DE LHOMME

    Porte du droit une audience publique22

    la demande de preuves adresse une personne par les auto-

    rits enqutant sur des infractions douanires et le gel du

    compte bancaire de lintress100

    la dsignation par une personne dun dfenseur aprs louver-

    ture contre elle, par le parquet, dune instruction sur la basedun rapport de police101.

    Comme nous lavons indiqu prcdemment, bien que les critres

    fixs dans larrt Deweer c. Belgique semblent runis dans une pro-

    cdure dextradition, la Cour a estim que larticle 6 ne lui tait pas

    applicable102.

    Larticle 6 sapplique en revanche la procdure judiciaire relative

    la dtermination de la peine excute par la personne

    condamne103.

    Les garanties de larticle 6 jouent intgralement ds lors quil est

    t tabli quune personne fait lobjet dune accusation en matire

    pnale.

    Porte du droit une audience publiqueLarticle 6 garantit toute personne le droit de faire entendre sa

    cause publiquement, sagissant de la dtermination de ses droits et

    obligations de caractre civil ou du bien-fond de toute accusation

    en matire pnale dirige contre elle. Ce mme article prcise en

    outre que laccs de la salle daudience peut tre interdit la presse

    et au public pendant la totalit ou une partie du procs dans

    lintrt de la moralit, de lordre public ou de la scurit nationaledans une socit dmocratique, lorsque les intrts de mineurs ou

    la protection de la vie prive des parties au procs lexigent, ou

    dans la mesure juge strictement ncessaire par le tribunal,

    lorsque, dans des circonstances spciales la publicit serait de

    nature porter atteinte aux intrts de la justice. Cette disposition

    pose le principe dune audience contradictoire et publique,

    laquelle devraient assister, dans les affaires pnales, le ministre

    public et laccus et, dans les affaires civiles, les parties au procs.

    Laudience publique constitue un lment essentiel du droit un

    procs quitable, comme la soulign la Cour dans son arrtAxen

    c. Rpublique fdrale dAllemagne :La publicit de la procdure des organes judiciaires viss larticle 6 1 protge les justiciables contre une justice secrtechappant au contrle du public ; elle constitue aussi lun desmoyens de prserver la confiance dans les cours et tribunaux.

    100. Funke c. France, 25 fvrier 1993.101. Angelucci c. Italie, 19 fvrier 1991.

    102. Salgado c. Espagne, 16 avril 2002,Mamtkulov et Askarov c. Turquie, 4 fvrier 2005.103. T c. Royaume-Uni, V c. Royaume-Uni, tous deux du 16 dcembre 1999, et Stafford c.

    Royaume-Uni , 28 mai 2002.

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    25/82

    NO 3 : LE DROIT UN PROCS QUITABLE

    Signification du terme accusation 23

    Par la transparence quelle donne ladministration de la jus-tice, elle aide raliser le but de larticle 6 1 : le procs quita-ble, dont la garantie compte parmi les principes de toute socitdmocratique au sens de la Convention104.

    Laudience publique savre en gnral indispensable pour satis-faire aux exigences de larticle 6 1 devant les juridictions de

    premier ou dunique ressort. Il arrive toutefois quelle ne soit pas

    ncessaire dans les litiges hautement techniques105.

    Si aucune audience publique na t tenue en premire instance,

    cette lacune peut tre comble devant une instance suprieure. Il y

    a cependant violation de larticle 6 lorsque la cour dappel nexa-

    mine pas les faits de la cause ou ne jouit pas dune plnitude de

    juridiction. La Cour a ainsi tabli, dans larrt Diennet c. France106

    ,labsence daudience publique devant une instance disciplinaire et

    estim que cette lacune navait pas t comble par le caractre

    public des audiences tenues par linstance dappel mdicale, dans

    la mesure o cette dernire ne pouvait tre considre comme un

    organe judiciaire de pleine juridiction, notamment parce quelle

    navait pas le pouvoir dapprcier la proportionnalit entre la faute

    et la sanction inflige. Seules des circonstances exceptionnelles

    peuvent justifier labsence daudience publique en premire ins-

    tance107.

    Le droit une audience publique comporte gnralement le droit

    une audience contradictoire, sauf circonstances exception-

    nelles108.

    En rgle gnrale, lexigence dune audience contradictoire ne

    sapplique pas aux procdures conduites devant une juridictiondappel. Dans larrt Axen c. Rpublique fdrale dAllemagne109,par exemple, la Cour a jug superflues les audiences publiques

    en matire pnale, ds lors que la cour dappel concerne avait

    dbout lauteur de lappel pour des motifs purement juri-

    diques. Lorsque, en revanche, la juridiction dappel est tenue

    dexaminer la fois les lments factuels et juridiques de la

    cause, de statuer sur la culpabilit ou linnocence de laccus ou

    dapprcier la personnalit de laccus lors du contrle dune

    peine, laudience contradictoire est indispensable110. Cette der-

    nire est juge superflue dans les affaires civiles traites devant

    une juridiction dappel. Dans larrt K c. Suisse111, le requrantavait t partie un long procs, qui lopposait une entreprise

    charge par lui de travaux dagrandissement. Le tribunal de

    premire instance avait tranch en faveur de lentreprise et son

    jugement avait t confirm par la cour dappel. Le requrant

    stait alors pourvu devant le Tribunal fdral, qui lavait

    dbout sans tenir daudience publique, ni demanderdobservations crites.

    104. Axen c. Rpublique fdrale dAllemagne, 8 dcembre 1983, paragraphe 25.105. Schuler-Zgraggen c. Suisse, 24 juin 1993, paragraphe 58, sur le droit du requrant

    une pension dinvalidit.106. Diennet c. France, 26 septembre 1995, paragraphe 34.107. Stallinger et Kuso c. Autriche, 23 avril 1997, paragraphe 51.

    108. Fischer c. Autriche, 26 avril 1995, paragraphe 44.109. Axen c. Rpublique fdrale dAllemagne, 8 dcembre 1983, paragraphe 28.110. Ekbatani c. Sude, 26 mai 1988, et Cooke c. Autriche, 8 fvrier 2000.111. Voir par exemple, K c. Suisse, 41 DR 242.

    SRIE DES PRCIS DU CONSEIL DE LEUROPE SUR LES DROITS DE LHOMME

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    SRIE DES PRCIS DU CONSEIL DE LEUROPE SUR LES DROITS DE LHOMME

    Porte du droit une audience publique24

    La Commission a estim que :

    En outre dans la mesure o le requrant se plaint que les jugesdu Tribunal fdral nont pas dlibr ni vot en public sur sonrecours en rforme, la Commission fait remarquer que la

    Convention ne consacre pas un tel droit.A ce sujet, voir galement plus loin, p. 48, Prsence laudience.

    Dans certains cas, le requrant a la facult de renoncer son droit

    une audience publique. Comme la Cour la dclar dans son

    arrt Hkansson et Sturesson c. Sude :

    Ni la lettre ni lesprit de ce texte nempchent une personne dyrenoncer de son plein gr de manire expresse ou tacite [],mais pareille renonciation doit tre non quivoque et ne se

    heurter aucun intrt public important112.Dans laffaire Deweer c. Belgique113, le requrant avait accept lerglement extrajudiciaire dune affaire pnale en versant une

    amende, afin dviter la fermeture de son tablissement dans

    lattente dune procdure pnale. La Cour a estim que la renon-

    ciation laudience, cest--dire le fait que le requrant ait accept

    de sacquitter dune amende, avait t obtenue sous la contrainte,

    ce qui emportait violation de larticle 6 1.

    Les juges de Strasbourg ont considr, dans larrt Hkansson etSturesson c. Sude prcit, que les requrants avaient tacitementrenonc leur droit une audience publique en sabstenant den

    exiger une, alors que la lgislation sudoise les y autorisait expres-

    sment.

    La Cour a admis la possibilit de tenir une audience huis clos dans

    le cadre dune procdure disciplinaire pnitentiaire. Dans larrt

    Campbell et Fell c. Royaume-Uni114, les juges de Strasbourg ontdclar quil fallait tenir compte des problmes inhrents lordre

    public et la scurit que pourraient soulever ces procdures si elles

    avaient lieu en public. Lobligation contraire imposerait en effet un

    fardeau disproportionn aux autorits de lEtat.

    La Cour a galement estim que, si linterdiction de toute publicit

    tait injustifiable, le droulement huis clos de procdures disci-

    plinaires relatives lexercice dune profession tait nanmoins

    permis, sous rserve que les circonstances sy prtent. Parmi les

    facteurs prendre en considration pour juger de la ncessitdune audience publique figurent le respect du secret profes-

    sionnel et de la vie prive des clients ou patients115.

    Dans les affaires B et P c. Royaume-Uni116, la Cour a estim quelobligation de huis clos impose par la loi relative la protec-

    tion de lenfance aux audiences visant statuer sur la garde des

    fils de chacun des requrants nemportait pas violation de

    larticle 6. Cela vaut galement lorsque cette disposition

    implique lexclusion de proches parents qui ne sont pas partiesau procs, mais sur les droits desquels lgard des enfants la

    112. Hkansson et Sturesson c. Sude, 21 fvrier 1990, paragraphe 66.113. Deweer c. Belgique, 27 fvrier 1980, paragraphes 51-54.

    114. Campbell et Fell c. Royaume-Uni, 28 juin 1984, paragraphe 87.115. Albert et Le Compte c. Belgique, 10 fvrier 1983, paragraphe 34, et H c. Belgique,

    30 novembre 1987, paragraphe 54.116. B c. Royaume-Uni et P c. Royaume-Uni, 24 avril 2001.

    NO 3 : LE DROIT UN PROCS QUITABLE

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    NO 3 : LE DROIT UN PROCS QUITABLE

    Signification du terme accusation 25

    juridiction concerne est galement amene se prononcer,

    ds lors que la lgislation ne confre au juge aucun pouvoir

    dapprciation sur ladmission de personnes autres que les

    parties officielles.

    Signification de lexpression rendu publiquement Larticle 6 dispose que le jugement doit tre rendu publiquement.

    Cette disposition ne souffre aucune des exceptions admises en

    vertu du principe de la tenue daudiences publiques (voir ci-

    dessus, p. 22, Porte du droit une audience publique). Elle visecependant galement favoriser lquit du procs en instaurant

    une certaine transparence.

    La Cour considre que lexpression rendu publiquement ne

    signifie pas ncessairement que le jugement doit tre systmati-quement lu dans lenceinte du tribunal. Elle a ainsi dclar, dans

    laffaire Pretto et autres c. Italie :

    [] quil chet, dans chaque cas, dapprcier la lumire des particularits de la procdure dont il sagit, et en fonction dubut et de lobjet de larticle 6 1, la forme de publicit du jugement prvue par le droit interne de lEtat en cause117.

    Les juges de Strasbourg ont estim en lespce quen raison de la

    comptence limite de la cour dappel, le dpt de larrt au greffede ladite cour et, par consquent, laccessibilit de son texte int-

    gral au public suffisaient satisfaire lexigence de prononc

    public.

    La Cour a par ailleurs, dans larrt Axen c. Rpublique fdraledAllemagne118, jug inutile que larrt de la Cour fdrale de justicesoit rendu publiquement, dans la mesure o cela avait t le cas

    pour les dcisions des juridictions infrieures.

    De mme, dans larrt Sutter c. Suisse119, la Cour a estim que leprononc public de larrt du Tribunal miliaire de cassation tait

    superflu, puisque laccs public cette dcision tait assur par

    dautres moyens, en particulier par la possibilit de sen procurer

    un exemplaire auprs du greffe et sa publication ultrieure dans

    un recueil officiel de jurisprudence. Les affaires susmentionnes

    concernaient toutes des arrts rendus par des instances sup-

    rieures du systme judiciaire et les juges de Strasbourg ont estim

    quil ny avait pas eu violation de larticle 6 en lespce. En

    revanche, dans les affaires Werner c. Autriche120 et Szucs c.Autriche121, dans lesquelles, dune part, ni les tribunaux de

    premire instance, ni les juridictions dappel navaient rendu leursdcisions publiquement et, dautre part, le texte intgral desdites

    117. Pretto et autres c. Italie, 8 dcembre 1983, paragraphe 26.

    118. Axen c. Rpublique fdrale dAllemagne, 29 juin 1982, paragraphe 32.119. Sutter c. Suisse, 22 fvrier 1984, paragraphe 34.120. Werner c. Autriche, 24 novembre 1997.121. Szucs c. Autriche, 24 novembre 1997.

    SRIE DES PRCIS DU CONSEIL DE LEUROPE SUR LES DROITS DE LHOMME

  • 8/2/2019 le droit un procs quitable

    28/82

    SRIE DES PRCIS DU CONSEIL DE L EUROPE SUR LES DROITS DE L HOMME

    Signification de la garantie de dlai raisonnable 26

    dcisions ntait pas accessible au public auprs de leurs greffes

    respectifs, mais uniquement consultable par les personnes

    justifiant dun intrt lgitime , la Cour a conclu la violation

    de larticle 6.

    Cette violation a galement t constate dans larrt Campbell et

    Fell c. Royaume-Uni122, dans la mesure o, dans le cadre dune pro-

    cdure disciplinaire pnitentiaire, le comit des visiteurs (Board of

    Visitors) navait pas rendu sa dcision publiquement et navait pris

    aucune mesure pour en assurer la publicit.

    Dans les arrts B et P c. Royaume-Uni123 voqus plus haut, laCour a fait remarquer que toute personne capable de justifier dun

    intrt tait autorise consulter ou obtenir un exemplaire du

    texte intgral des ordonnances et/ou jugements des juridictions de

    premire instance rendus dans des affaires de garde denfant ; elle a

    galement relev que les arrts dappel et les jugements de pre-mire instance taient habituellement publis lorsquils prsen-

    taient un intrt particulier, ce qui permettait au public dexaminer

    le traitement rserv en gnral ces affaires par les juridictions et

    les principes retenus par celles-ci lorsquelles statuaient en lespce.

    Cette situation nemportait ds lors aucune violation de larticle 6.

    Signification de la garantie de dlai raisonnable

    Une part considrable des affaires dont la Cour est saisie concerne

    le droit, garanti par larticle 6, ce quune cause soit entendue dans

    un dlai raisonnable. Cette question occupe elle seule davantage

    darrts de la Cour quaucune autre. En 1999, les juges de Stras-

    bourg ont estim, dans les arrts de Grande Chambre Ferrari, A.P.,Di Mauro et Bottazi c. Italie124, que le retard gnral du systmejudiciaire italien constituait une pratique administrative incompa-

    tible avec la Convention. LItalie a adopt une nouvelle loi qui

    permet aux victimes de ces violations de la Convention dobtenir

    le versement, par lEtat italien, dune indemnisation pour la dure

    excessive de la procdure. Cependant, cinq ans aprs les arrts

    prononcs en 1999, la Cour, dans larrt Apicella c. Italie125, a jugdrisoire lindemnisation accorde par les autorits italiennes au

    titre de la nouvelle lgislation. Elle a en effet estim que les

    requrants devraient obtenir une indemnisation de lordre de

    1 000-1 500 euros pour chaque anne de procdure. Ce montant

    122. Campbell et Fell c. Royaume-Uni, 28 juin 1984, paragraphe 92. 123. B c. Royaume-Uni et P c. Royaume-Uni, 24 avril 2001.

    124. Ferrari, A.P., Di Mauro et Bottazi c. Italie, 28 juillet 1999. 125. Apicella c. Italie, 10 novembre 2004.

    NO 3 : LE DROIT UN PROCS QUITABLE

  • 8/2/2019 le droit un procs quitable

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    N 3 : LE DROIT UN PROCS QUITABLE

    Comment estimer ce dlai ? 27

    pourrait tre diminu en fonction du niveau de vie propre lEtat

    concern, mais augment ( hauteur de 2 000 euros) si laffaire

    porte sur une question exigeant une diligence particulire. Dans

    les arrts de Grande Chambre rendus ultrieurement dans les

    affaires Apicella, Scordino et plusieurs autres encore, la Cour na

    pas repris les sommes fixes prcdemment. Elle a au contrairejug impossible de traduire en chiffres lintgralit des aspects et

    des situations susceptibles de se prsenter, tout en considrant que

    tous les lments ncessaires figuraient dans sa jurisprudence

    antrieure. La Cour a profit de cette occasion pour sadresser aux

    Etats membres sur un ton incisif :

    [] si lexistence dun recours est ncessaire elle nest en soi passuffisante. Encore faut-il que les juridictions nationales aient la

    possibilit en droit interne dappliquer directement la jurispru-dence europenne et que leur connaissance de cette jurispru-dence soit facilite par lEtat en question.

    Les juges de Strasbourg ont galement soulign que les Etats

    taient soumis lobligation gnrale de porter remde aux pro-

    blmes structurels lorigine du non-respect du dlai raisonnable

    constat par la Cour.

    Cette dernire a indiqu que lobjet de cette garantie tait de pro-

    tger tous les justiciables [] contre les lenteurs excessives de laprocdure 126. Pareille disposition, en outre, souligne par l

    limportance qui sattache ce que la justice ne soit pas rendue

    avec des retards propres en compromettre lefficacit et la

    crdibilit 127. Cette exigence vise par consquent garantir que,

    dans un dlai raisonnable et au moyen dune dcision de justice, il

    soit mis fin lincertitude dans laquelle se trouve plonge une

    personne quant sa situation en droit civil ou quant laccusation

    en matire pnale porte contre elle : cette garantie sert donc la

    fois lintrt de la personne concerne et le principe de scuritjuridique.

    Comment estimer ce dlai ?

    La priode prendre en considration dbute au moment o la

    procdure (administrative ou judiciaire, selon le type daffaire) est

    engage au civil et au moment o le suspect se retrouve accus

    (selon la dfinition retenue prcdemment) dans les affaires

    pnales128. Le dlai cesse de courir avec la clture de la procduredevant la plus haute instance possible, lorsque la dcision de

    justice devient dfinitive129 et quelle a t excute. La Cour

    examine la dure de la procdure compter de la ratification de la

    Convention par lEtat contractant, mais elle tient compte de ltat

    davancement de laffaire cette date130.

    Les juges de Strasbourg ont tabli dans leur jurisprudence que

    lapprciation du caractre raisonnable dun dlai devait se faire au

    126. Stgmller c. Autriche, 10 novembre 1969, paragraphe 5.

    127. H c. France, 24 octobre 1989, paragraphe 58.128. Scopelliti c. Italie, 23 novembre 1993, paragraphe 18, et Deweer c. Belgique,

    27 fvrier 1980, paragraphe 42.129. Voir, par exemple, Scopelliti c. Italie, 23 novembre 1993, paragraphe 18, et B c.

    Autriche, 28 mars 1990, paragraphe 48.130. Proszak c. Pologne, 16 dcembre 1997, paragraphes 30-31, et Sahini c. Croatie,

    19 juin 2003

    SRIE DES PRCIS DU CONSEIL DE LEUROPE SUR LES DROITS DE LHOMME

  • 8/2/2019 le droit un procs quitable

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    SRIE DES PRCIS DU CONSEIL DE L EUROPE SUR LES DROITS DE L HOMME

    Signification de la garantie de dlai raisonnable 28

    regard des critres suivants : la complexit de laffaire, le com-

    portement du requrant, le comportement des autorits judici-

    aires et administratives, ainsi que lenjeu de la procdure pour

    le requrant131.

    La Cour se penche sur les circonstances particulires de la cause etna donc pas fix de dlai absolu. Il arrive galement quelle

    procde une apprciation globale, au lieu de vrifier directement

    les critres prcits.

    Complexit de laffaire

    Tous les aspects de laffaire prsentent une pertinence pour

    lapprciation de sa complexit. Cette dernire peut tenir despoints de fait ou de droit132. La Cour attache notamment de

    limportance la nature des faits tablir133, au nombre des

    accuss et des tmoins134, la dimension internationale135, la

    jonction de plusieurs affaires136 et lintervention de tiers dans la

    procdure137.

    Lextrme complexit de laffaire peut parfois justifier les lon-

    gueurs dune procdure. Dans larrt Boddaert c. Belgique138,

    par exemple, la Cour a considr quun dlai de six ans et trois

    mois ntait pas drai