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Conférence inaugurale du Medec - 12 mars 2002 Ordres des chirurgiens-dentistes, des médecins, des pharmaciens et des sages-femmes Le dossier médical : enjeu de transparence et de qualité des soins Quel cahier des charges ? PREFACE La loi du 4 mars 2002, relative aux droits des malades et à la qualité du système de santé, consacre les droits des malades, en réaffirmant et renforçant le droit d’information du patient : c’est l’accès direct au dossier médical. Etape essentielle vers une reconnaissance du patient en tant qu’acteur de sa santé, l’accès direct au dossier médical constitue une avancée majeure pour une plus grande transparence de la relation professionnel de santé - patient et pour la qualité des soins dans notre système de santé. Cependant, outre le cadre législatif qui fixe les informations contenues dans le dossier médical, des questions restent en suspend quant à sa formalisation dans l’exercice quotidien des professionnels. C’est pourquoi, conformément à leur mission de garant de la qualité des soins au service des professionnels et dans l’intérêt des patients, les Ordres des chirurgiens-dentistes, des pharmaciens, des médecins et des sages-femmes ont souhaité, à l’occasion de la Conférence inaugurale du Médec 2002, se pencher sur les enjeux d’un accès direct au dossier médical, tant du point de vue des patients que de celui des professionnels. En posant la question de son cahier des charges, intervenants ordinaux et experts extérieurs ont souhaité préciser les 1 e contours du dossier médical, afin de soutenir et d’aider les praticiens dans sa mise en oeuvre effective. En effet, outil d’échange par excellence, aussi bien entre le patient et le professionnel ou entre les professionnels eux-mêmes, le dossier médical doit être conçu avec la plus grande rigueur, tant sur le fond que sur la forme, pour faciliter son accessibilité et sa lisibilité par tous. Ce n’est qu’à ce prix que le dossier médical prendra la pleine mesure de son potentiel, c’est-à-dire qu’il s’affirmera comme vecteur d’une plus grande transparence de l’information, comme outil de communication entre les professionnels eux-mêmes et avec les patients, comme outil d’évaluation des pratiques ou encore outil de recherche et d’enseignement. Aussi, compte tenu de l’ensemble des éléments, il apparaît aujourd’hui que l’avenir du dossier médical réside dans le rôle clef de l’informatique et des nouvelles technologies de l’information et de la communication, à la condition évidemment que soient garantis les impératifs de sécurisation et de gestion des données médicales informatisées.

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Conférence inaugurale du Medec - 12 mars 2002 Ordres des chirurgiens-dentistes, des médecins, des pharmaciens et des sages-femmes

Le dossier médical :

enjeu de transparence et de qualité des soins Quel cahier des charges ?

PREFACE

La loi du 4 mars 2002, relative aux droits des malades et à la qualité du système de santé, consacre les droits des malades, en réaffirmant et renforçant le droit d’information du patient : c’est l’accès direct au dossier médical.

Etape essentielle vers une reconnaissance du patient en tant qu’acteur de sa santé, l’accès direct au dossier médical constitue une avancée majeure pour une plus grande transparence de la relation professionnel de santé - patient et pour la qualité des soins dans notre système de santé. Cependant, outre le cadre législatif qui fixe les informations contenues dans le dossier médical, des questions restent en suspend quant à sa formalisation dans l’exercice quotidien des professionnels.

C’est pourquoi, conformément à leur mission de garant de la qualité des soins au service des professionnels et dans l’intérêt des patients, les Ordres des chirurgiens-dentistes, des pharmaciens, des médecins et des sages-femmes ont souhaité, à l’occasion de la Conférence inaugurale du Médec 2002, se pencher sur les enjeux d’un accès direct au dossier médical, tant du point de vue des patients que de celui des professionnels.

En posant la question de son cahier des charges, intervenants ordinaux et experts extérieurs ont souhaité préciser les 1e contours du dossier médical, afin de soutenir et d’aider les praticiens dans sa mise en œuvre effective.

En effet, outil d’échange par excellence, aussi bien entre le patient et le professionnel ou entre les professionnels eux-mêmes, le dossier médical doit être conçu avec la plus grande rigueur, tant sur le fond que sur la forme, pour faciliter son accessibilité et sa lisibilité par tous. Ce n’est qu’à ce prix que le dossier médical prendra la pleine mesure de son potentiel, c’est-à-dire qu’il s’affirmera comme vecteur d’une plus grande transparence de l’information, comme outil de communication entre les professionnels eux-mêmes et avec les patients, comme outil d’évaluation des pratiques ou encore outil de recherche et d’enseignement.

Aussi, compte tenu de l’ensemble des éléments, il apparaît aujourd’hui que l’avenir du dossier médical réside dans le rôle clef de l’informatique et des nouvelles technologies de l’information et de la communication, à la condition évidemment que soient garantis les impératifs de sécurisation et de gestion des données médicales informatisées.

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Introductions

Première ouverture sur le champ des possibles du dossier médical

Jean PARROT

L’accès direct au dossier médical : un dispositif inscrit dans son temps

Docteur DUSEHU

Le point de vue du profane

Philippe LEFAIT

Le dossier médical et la transparence de l’information : aspects juridiques et réglementaires

L’accès au dossier médical

Maître Catherine PALEY-VINCENT

L’organisation et le contenu du dossier médical

Professeur Eric FOUASSIER

Le dossier médical, outil de communication

La prise en compte des attentes des patients

Etienne CANIARD

les enjeux du dossier médical en tant qu’outil de communication : transparence et respect de la confidentialité, informatisation et sécurisation

Docteur André CHASSORT

la bonne tenue du dossier médical : vers quels outils d’évaluation ?

L’évaluation des pratiques de santé au fondement de la nécessité d’évaluation du dossier médical

Docteur Robert REGARD

Le point de vue de l’ANAES

Docteur Marielle LAFONT

Le dossier médical, outil de recherche

L’enseignement et la recherche

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Jacqueline GIRONA

L'utilité du dossier médical pour le réseau

Antoine FLAHAULT

Conclusion

Le dossier médical, outil de confiance

Bernard KOUCHNER

Questions de la salle

Clôture

Synthèse des interventions

Nicole ATECHIAN

Fonctions et avantages du dossier médical

André ROBERT

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Introductions

Première ouverture sur le champ des possibles du dossier médical

Jean PARROT Président de l’Ordre des pharmaciens

En choisissant le thème du dossier médical voici six mois, les ordres des professions de santé prenaient un risque, anticipant sur le vote d’un projet de loi qui devait être enrichi sur ce point par divers amendements. La loi, finalement promulguée le 4 mars 2002, réaffirme et complète le droit d’accès du patient à son dossier médical et concerne tous les professionnels de santé, de ville ou hospitaliers.

Une semaine après la publication de la loi, nous allons pouvoir vous éclairer sur ses finalités, ses conséquences et les exploitations possibles des dossiers qui contribueront à l’amélioration des pratiques, donc de l’efficacité du système de soins.

Un dossier est un ensemble de données ; celles-ci seront produites ou recueillies par l’ensemble des professionnels de santé en vue d’une transmission vers un dossier consultable par les patients. Seule une solution informatique paraît pertinente ; le dossier médical sera donc vraisemblablement un fichier électronique.

La loi prévoit que ces informations concernent l’élaboration, les suivis de diagnostic et de traitement, mais également les actions de prévention et plus généralement tous les échanges écrits entre professionnels. Elles devront donc être formalisées, ce qui contribuera d’une part à une meilleure tenue des dossiers, d’autre part à la création de dossiers aujourd'hui inexistants, d’un point de vue formel, en tant que “ dossiers ”.

S'agissant, par exemple, des pharmaciens, toutes les officines devront tenir à jour un dossier de suivi thérapeutique et émettre des opinions pharmaceutiques à l’adresse des prescripteurs. Il en sera de même des biologistes.

J’ai pris connaissance d’offres de services provenant de futurs "hébergeurs de données", esquissant un système de dossier unique interprofessionnel, par patient, qui devra faire l’objet d’un décret en Conseil d’Etat. Les professionnels de santé doivent également anticiper afin d’appréhender ensemble la façon d’envisager ce futur dossier informatisé, qu’ils alimenteront. Pour ce faire, il est nécessaire d’en établir le cahier des charges. Souhaitons que cette conférence soit la première pierre apportée à cet édifice.

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L’accès direct au dossier médical : un dispositif inscrit dans son temps

Docteur DUSEHU Président de la section éthique et déontologie de l’Ordre des médecins

Lorsqu’un thème devient d’actualité, il convient de s’interroger sur les raisons de ce phénomène, non par plaisir intellectuel, mais pour répondre de façon appropriée aux attentes et aux interrogations, conscientes ou non, qui sous-tendent ce subit intérêt. Il n’est possible d’apporter un éclairage, selon un angle approprié, que si l’objet à éclairer est connu et localisé.

Tout semble aujourd'hui réuni pour mettre le dossier médical sous le feu des projecteurs.

• opportunité Elle se présente sous la forme de la loi sur les droits des malades et la qualité du système de santé, récemment votée à l’issue de deux années de débats et d’interventions des interlocuteurs concernés, par exemple des consommateurs qui souhaitaient voir affirmés dans la loi le rôle et la place du patient dans les décisions de soins.

• médiatisation Elle déforme trop souvent, voire interprète de façon erronée, les décisions de justice touchant à la santé qui, s’il n’est pas certain qu’elles soient plus nombreuses qu’auparavant, sont en tous cas plus volontiers connues du public dont l’intérêt pour la santé ne se dément pas.

• consumérisme Il poursuit son inexorable progression, tandis que s’accroissent les attentes du public vis-à-vis d’un système échappant à la rigueur implacable de l’économie, la santé représentant alors pour certains le seul domaine dans lequel ils aient encore accès à la consommation.

• judiciarisation Il s’agit d’une évolution de notre société. Elle concerne les activités relevant du domaine de la santé, au même titre toutefois que d’autres domaines d’activité.

• science Elle a rendu la pratique des soins efficace, mais il s’agit également parfois d’un “ miroir aux alouettes ”, fascinant le chaland tout en satisfaisant l’ego du professionnel. Les découvertes scientifiques se raréfient pourtant ; ce moteur s’essouffle donc, mais l’informatique et Internet “ boostent ” fort opportunément à nouveau ce moteur.

Cette rencontre de l’informatique et de la volonté, voire du besoin, de communiquer entre professionnels ou en direction des usagers, fait naître de nouveaux châteaux en Espagne. Mais avant de s’intéresser aux outils de la communication, il conviendrait de s’intéresser au contenu à communiquer. Le contenu et la qualité du dossier médical sont au cœur de cette problématique.

Le contenu du dossier du patient a évolué : hier réduit à quelques notes et impressions subjectives d’intérêt strictement personnel pour le médecin et destinées à soulager sa mémoire, le dossier médical est aujourd'hui constitué d’un ensemble d’éléments objectifs d’observation, d’une iconographie, d’un ensemble de paramètres biologiques, et d’épreuves fonctionnelles qui sont autant de « photographies » du patient, sans intérêt si n’y figure pas la valeur ajoutée constituée de leur interprétation, telle qu’elle est formulée par le professionnel et si les données

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produites ne sont pas utilisées par le médecin traitant, ou le médecin demandeur, pour avancer pas à pas dans la démarche diagnostique ou thérapeutique qu’il poursuit avec son patient.

Le dossier médical n’est donc jamais une « archive ». Il peut toujours présenter quelque intérêt, même au-delà du décès du patient, par exemple quand il s’agit de certaines maladies à transmission génétique. Le dossier médical est le lieu commun de l’histoire pathologique d’un individu ; c’est également celui de la valeur ajoutée des professionnels de santé pour combattre, guérir ou limiter les conséquences de la maladie, celle-ci n’étant désormais plus prise en charge par un seul médecin solitaire. Le dossier médical doit être un outil compréhensible par tous de l’intervention des différents professionnels de santé qui se sont succédés, un outil partagé, un outil de communication aisée, un médiateur entre les professionnels de santé, ainsi qu’entre ces derniers et le patient ; là réside le véritable enjeu.

Il convient d’opérer une transition culturelle, or une transition culturelle ne se décrète pas, elle s’accompagne ; il ne peut en effet être question de « forcer » les professionnels dans ce domaine intime de leur activité.

Les professionnels de santé et les usagers doivent faire le chemin qui nous sépare de l’objectif à atteindre. Gageons que le pari sera tenu…

Le point de vue du profane

Philippe LEFAIT Journaliste

Animateur de la conférence

Nous sommes dans une époque de la transparence, de la responsabilité voire, à terme, d’une authentique citoyenneté partagée. Le dossier médical est au cœur de cet échange d’information, donc au cœur d’une certaine forme de liberté.

Pourtant, Alain Rey, auteur du Dictionnaire historique de la langue française, note, dans le Robert 1998, à propos du dossier médical : “ résumant la situation médicale d’un patient avec des chiffres, des rapports en langage codé et des images également indéchiffrables, son dossier donne du malade une image partielle, toute physique et pour lui assez obscure avant qu’elle ne soit commentée par un thérapeute bienveillant. En attendant, l’objet humain du dossier médical, remâchant des termes mystérieux et inquiétants, en est réduit à faire le gros dos et à se mettre en boule ; mais le réflexe du porc-épic est inutile, car le dossier, précisément, est fait pour déplier l’organisme et rendre sa pathologie lisible. Insensible, objectif, le dossier médical est le double efficace et calme d’un sujet souffrant, mais ce dernier parfois en a plein le dossier ”.

L’idée est donc de rendre le dossier accessible, mais également lisible, ce qui ne semble pas évident au regard des dossiers médicaux aperçus chez mon médecin, amas de feuilles gribouillées et agrafées. Le rôle de l’informatique sera sans doute essentiel de ce point de vue.

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Le dossier médical et la transparence

de l’information : aspects juridiques et réglementaires

L’accès au dossier médical

Maître Catherine PALEY-VINCENT Avocate au barreau de Paris

Philippe LEFAIT

Quelle était la situation antérieure au vote de la loi ?

Maître Catherine PALEY-VINCENT

L’information médicale était donnée par l’intermédiaire d’un médecin désigné ; il n’y avait pas de communication directe du dossier au patient.

La loi du 4 mars 2002 instaure la consultation, l’accès, la communication du dossier au patient (chapitre premier, titre I, livre 1). L’article 1111-7 organise cet accès du patient à l’ensemble des informations concernant sa santé.

I. Quelles informations ?

Il s’agit des informations détenues par des professionnels et des établissements de santé. Il n’existait autrefois qu’une obligation déontologique (article 45), et non légale, notamment pour les médecins de ville.

La question de l’accès est traitée de façon positive. Il n’existe pas d’obligation pour le médecin, mais une possibilité de consultation pour le patient.

Les informations sont les informations formalisées, ayant contribué à l’élaboration et au suivi du diagnostic, du traitement ou d’une action de prévention, ou ayant fait l’objet d’échanges écrits entre professionnels, ce qui inclut le courrier ; Il existe donc un cadre.

Cet article mentionne ensuite une liste introduite par un “ notamment ” qui révèle son caractère non exhaustif : résultats d’examen, comptes-rendus de consultation, d’intervention, d’exploration ou d’hospitalisation, protocole et prescriptions thérapeutiques mises en œuvre, feuilles de surveillance, correspondance entre professionnels de santé.

En revanche, les confidences concernant des tiers ou ayant rapport aux tiers peuvent conserver un caractère de confidentialité. Cette exception s’applique concernant “ des informations mentionnant qu’elles ont été recueillies auprès de tiers n’intervenant pas dans la prise en charge thérapeutique ou concernant un tel tiers ”. La loi, posant le principe d’un accès très direct, conserve donc un espace de confidences.

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Philippe LEFAIT

Il s’agit en quelque sorte du domaine réservé du professionnel.

Catherine PALEY-VINCENT

C’est exactement cela.

II. Particularités du droit d’accès

1. Hospitalisations psychiatriques d’office

Il existe en cas d’hospitalisation psychiatrique d’office la possibilité de conserver un mode de transmission par le médecin désigné. La loi a déjà prévu la possibilité d’un conflit entre le demandeur de communication et le praticien qui refuserait cette communication au titre qu’elle serait contraire aux intérêts de son patient et présenterait un risque de gravité particulière. L’arbitre désigné est la commission départementale des hospitalisations psychiatriques, dont l’avis s’impose aux deux parties.

2. Patient mineur

Le mineur devient un véritable acteur de santé. Il peut avoir accès à son dossier, dans la mesure où il a désiré se situer dans le cadre de la possibilité qui lui est aujourd'hui offerte que ses parents ne soient plus informés des soins qui lui sont prodigués. Il s’agit là d’une exception considérable au principe de l’autorité parentale.

Ce point est sans doute l’un de ceux qui généreront le plus de difficultés, car il s’agit d’un champ libre étonnant et dérogatoire aux règles habituelles.

3. Patient décédé

Les ayants droit du patient décédé – excepté s’il s’y est formellement opposé, ce qui pose la question du recueil de ce refus –, c'est-à-dire les personnes figurant dans le certificat de notoriété du notaire, peuvent demander communication du dossier. Le professionnel de santé doit donc s’assurer, en cas de demande, qui en est à l’origine, qui en est le destinataire et s’ils y sont autorisés. La communication du dossier médical peut intervenir dans plusieurs cas.

• Les ayants droit souhaitent connaître la cause du décès. Cela peut avoir une grande incidence, notamment en matière de droit des assurances.

• Les ayants droit souhaitent défendre la mémoire du défunt.

• Les ayants droit souhaitent faire valoir des droits des héritiers. Il s’agit le plus souvent de faire valoir des droits les uns contre les autres. Les décrets d’application devraient compléter les dispositions légales ; des difficultés se présenteront presque inévitablement.

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Si le praticien estime qu’il n’est pas souhaitable que le patient accède directement à son dossier médical, il pourra suggérer l’intermédiation d’une tierce personne ayant une fonction d’accompagnement. Il pourrait s’agir de la fameuse “ personne de confiance ” instituée par l’article 1111-6, qui peut être un parent, un proche, le médecin traitant…

La communication du dossier est insérée dans un délai fort court. Après un délai de réflexion de 48 heures, le dossier devra être transmis dans les huit jours ou, dans les deux mois s’il s’agit d’un dossier d’archives vieux de plus de cinq ans ou concernant des données d’un patient psychiatrique.

Il n’est même plus question de communication du dossier ; la loi affiche de façon récurrente le principe de consultation. La consultation sur place est donc prévue, que ce soit au cabinet ou dans l’établissement hospitalier. Communication du dossier n’est donc pas synonyme d’envoi du dossier. Les praticiens de ville devront faire l’acquisition d’une photocopieuse. Les éventuelles copies demandées seront facturées au coût réel ; l’envoi du dossier pourra également être facturé.

La communication du dossier médical s’inscrit donc dans un cadre assez contraignant pour le praticien.

III. Suggestions

Le dossier médical devient un vecteur d’information, permettant de transgresser l’opacité tant reprochée aux professions médicales et leurs réticences coupables à communiquer certains éléments.

La rédaction devra désormais être claire et la lecture aisée, tant du point de vue de l’écrit que de l’image. En droit, la preuve maîtresse est l’écrit. Si le patient entretient quelques arrière-pensées judiciaires, c’est par cette communication qu’il pourra recueillir des preuves – ensuite passées au crible de l’expertise – susceptibles de mettre en cause la responsabilité du médecin. Il conviendra donc de veiller, sur le fond mais également sur la forme, à ce que le dossier soit d’une approche plus facile pour le patient.

Philippe LEFAIT

Les avocats accueillent certainement cette loi avec satisfaction, car le dossier médical peut le cas échéant constituer une preuve.

Catherine PALEY-VINCENT

Un dossier médical bien établi permet de pallier une mémoire souvent déficiente.

Le dossier médical devra être abordé avec le souci constant de toujours être en mesure de justifier ses choix. S’il est possible de taire ou de récuser, cela ne doit pas ensuite être interprétable comme une négligence ou une dissimulation, mais un choix délibéré et réfléchi. Lorsqu’il s’agit de justifier des choix plusieurs années après qu’ils ont été opérés, face au patient, à l’expert, voire au juge, il est bon de disposer de notes.

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Philippe LEFAIT

Le dossier médical va semble-t-il constituer un bouleversement culturel. En 1996, l’ANAES notait dans l’un de ses rapports : “ Il semble que 90 % des médecins généralistes français tiennent des dossiers pour les patients qu’ils voient régulièrement en consultation et que les dossiers sont utilisés en visite au mieux dans environ 50 % des cas ”.

Catherine PALEY-VINCENT

Il existait uniquement, à cette époque, une obligation déontologique de tenir une fiche d’observation. Un pas a incontestablement été franchi.

Philippe LEFAIT

Il reste cependant un certain retard à rattraper.

L’organisation et le contenu du dossier médical

Professeur Eric FOUASSIER Docteur en droit et en pharmacie Professeur à l’université Paris XI

Membre du Conseil national de l’Ordre des pharmaciens

I. Le patient, acteur de santé

Les dispositions de la nouvelle loi relatives au dossier médical constituent une véritable révolution. L’intitulé des chapitres au sein desquels elles s’insèrent, révèle assez l’esprit de ce texte. Le code de la santé publique s’ouvrait autrefois sur des “ dispositions générales ”. Désormais, un chapitre préliminaire s’intitule “ droits des personnes ” et le chapitre premier “ information des usagers du système de santé et expression de leur volonté ”. Ce texte est empreint du souci de faire du patient un acteur à part entière de sa santé. Les articles déclinés à l’intérieur du chapitre premier débutent d’ailleurs tous de façon active et positive : “ le patient a le droit… ”, “ toute personne prend avec le professionnel de santé, et compte tenu des informations qu’il lui fournit, les décisions concernant sa santé ”, etc.

Ce souci se traduit par l’accès direct du patient à toutes les informations le concernant. Aucun texte ne précisait jusqu’à présent les informations que les médecins libéraux devaient collationner ; en revanche, les établissements de santé étaient soumis à des textes listant les éléments devant figurer dans le dossier médical. Désormais, ce texte, qui n’établit pas de distinction entre médecins travaillant dans un établissement de santé et médecins libéraux, définit indirectement le contenu du dossier médical.

Il convient de noter que la loi ne parle pas de dossier médical, mais d’un “ accès direct à l’ensemble des informations ”. C’est donc implicitement que se trouve défini le contenu du

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dossier médical ; dès lors que le patient a accès à des informations, il convient en effet qu’elles puissent être collationnées et lui être remises, d’autant que les délais de remise de ces informations sont relativement brefs.

II. Le contenu du dossier médical

1. “ L’ensemble des informations concernant la santé du patient ”

Le dossier médical doit contenir l’ensemble des informations concernant la santé du patient. Il existe un critère de forme, à savoir que ces informations doivent avoir été formalisées, ainsi qu’un critère fonctionnel, à savoir qu’elles doivent avoir contribué à l’élaboration, au suivi du diagnostic, du traitement ou à la prévention.

Il convient de ne pas adopter une attitude trop judiciaire de la pratique médicale, c'est-à-dire de ne pas chercher à éviter d’éventuelles poursuites ultérieures en ne versant pas au dossier certains documents susceptibles d’être présentés devant les tribunaux dans le cadre d’une recherche en responsabilité. Il n’est pas question d’opérer un choix entre les différentes informations ; la formule “ l’ensemble des informations concernant la santé du patient ” est très claire de ce point de vue.

2. Les données personnelles

L’un des grands sujets de débat au cours de travaux parlementaires a été de déterminer si les annotations personnelles du praticien devaient ou non être soumises à l’accès direct.

Il s’avère que ces données personnelles devront figurer dans le dossier et devront être fournies si elles ont été formalisées : compte-rendu, échange de correspondance entre médecins. En revanche, les petites notes et annotations, hypothèses de travail ou hypothèses diagnostiques qui constituent le quotidien du praticien n’ont pas à figurer dans le dossier médical. Il peut également s’agir d’informations recueillies auprès de tiers qui n’interviennent pas dans la prise en charge ; ainsi, dans une unité de soins palliatifs, au sein de laquelle existe un accompagnement des malades, mais également des familles, il est évident que les soignants notent des informations sur la famille : vécu, psychologie, etc., qui n’ont pas à être communiquées au patient lui-même.

III. Conséquences du texte législatif

1. Segmentation du dossier de prise en charge

La première conséquence de ce texte sera sans doute la segmentation du dossier de prise en charge du malade : d’une part le “ dossier médical ”, qui sera en fait le dossier directement accessible, contenant l’ensemble des informations formalisées concernant la santé du patient ; d’autre part les données personnelles non formalisées, que le professionnel de santé devra sortir du dossier médical.

2. Attention portée à la qualité du dossier médical

Cette loi constitue sans un doute un outil de qualité pour le dossier médical. Auparavant, ainsi que l’ont révélé des enquêtes de l’IGAS, même au sein des établissements de santé, pourtant

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soumis à un texte définissant le dossier médical, le contenu des dossiers et la qualité des informations y figurant étaient fort variables. Peut-être le présent texte permettra-t-il au praticien de veiller plus attentivement au contenu et à la qualité du dossier médical, d’une part parce qu’il en aura la responsabilité, d’autre part parce que ce dossier pourra éventuellement être exploité devant les tribunaux.

3. Augmentation des actions en justice ?

Il convient de ne pas succomber à la psychose judiciaire. Il est loin d’être certain que l’accès direct au dossier médical se traduise par une extension des recours contentieux. Il se pourrait même que le phénomène inverse se produise. D’une part, le contenu même du dossier médical suffira à répondre aux doutes et interrogations à la base d’une partie des recours contentieux. D’autre part, certains recours contentieux sont motivés par l’impression d’une rétention d’information, donc le sentiment que certains éléments sont volontairement dissimulés ; le dossier médical pourra être source d’apaisement et de rassérènement de ce point de vue.

4. Surcharge de travail ?

Philippe LEFAIT

Il semble que cette obligation légale induise une certaine surcharge de travail. Les enfants de médecins ne voient déjà pas leurs parents le soir ; avec l’instauration de l’accès du dossier médical au patient, ils ne les verront plus du tout.

Professeur Eric FOUASSIER

La gestion du dossier médical demandera effectivement un investissement supplémentaire, au moins dans un premier temps. Cependant, ce surcroît de travail devrait à terme être largement compensé car l’effort de hiérarchisation, de classification et de rigueur qui résultera de la mise en place des dossiers médicaux se traduira par des gains de temps en termes de recherche d’information. Aujourd'hui, il est souvent difficile de retrouver un renseignement précis dans un dossier médical d’hospitalisation.

5. Partage de l’information

Dès lors que le patient aura accès – sous forme de consultation ou de communication – aux données de santé le concernant, se posera la question de leur conservation. Déjà, certains prestataires proposent sur Internet un service de gestion des données médicales. Quelle sera la qualité d'une telle gestion ?

Ce dossier médical devra-t-il être alimenté par le patient au fur et à mesure de ses consultations et de ses accès aux différents dossiers médicaux le concernant (médecin traitant, spécialistes, hôpitaux, etc.) ? La qualité et l’actualisation d’un tel dossier pourraient s’avérer problématiques.

Peut-être les professionnels de santé doivent-ils anticiper ce partage d’information et mettre en place des structures (certaines expériences ont déjà été réalisées au niveau de réseaux ville - hôpital), des coffres-forts électroniques consistant en des dossiers médicaux virtuels alimentés

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par chacun des professionnels de santé concernés, avec des degrés d’accès variant suivant le niveau d’intervention du professionnel.

6. Interférence possible avec le code de déontologie

Pour finir, les médecins pourraient être conduits à s’interroger sur la compatibilité des nouvelles dispositions avec leur code de déontologie : confidentialité, possibilité – ménagée par l’alinéa 2 de l’article 35 du code de déontologie – de taire la vérité au malade si le médecin considère que cela est nécessaire dans l’intérêt du patient. La disposition législative primant sur la disposition déontologique, cet article ne pourra plus être opposé au malade, pour refuser l'accès direct au dossier médical.

Le dossier médical, outil de communication

La prise en compte des attentes des patients

Etienne CANIARD Vice-président de la Mutualité française

Philippe LEFAIT

Vous avez exercé la fonction de secrétaire général des Etats généraux de la santé et vous êtes l’auteur du rapport sur la place de l’usager dans le système de santé ; vous représentez l’Autre, le patient, celui qui est “ de l’autre côté de la barrière ”…

Etienne CANIARD

Je ne me sens pas porteur de la parole des usagers, que j’ai pourtant beaucoup écoutée, car la forme de cette expression fait partie des enjeux dont il est aujourd'hui question. Appréhender les usagers de façon monolithique, ainsi qu’ont tendance à le faire les professionnels de santé, est tout aussi erroné qu’appréhender le système de soins comme une forteresse inaccessible, ainsi qu’ont tendance à le faire les usagers.

L’accès au dossier médical relève plus de l’évolution que de la révolution. Deux symboles ont émergé lors des Etats généraux de la santé puis du débat autour de la loi sur le droit des malades : l’accès direct au dossier médical et l’indemnisation de l’aléa thérapeutique – deux sujets sensibles, complexes, touchant à la relation médecin - patient. Pourtant, du point de vue du droit, l’instauration de l’accès direct au dossier médical a simplement consisté en la suppression de l’intermédiaire. Le dossier médical en lui-même a été étendu à certains éléments. Par ailleurs, de véritables révolutions sont à l’œuvre, telle la question des mineurs, mais elles s’inscrivent dans un continuum ; en matière de droit des enfants vis-à-vis de la santé, l’évolution est permanente et relève d’une logique de restauration de la personnalité du malade vis-à-vis du droit, quel que soit

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son statut juridique. Cette évolution est révélatrice d’une évolution plus large et de portée plus générale.

L’accès au dossier médical relève d’une modification qui le dépasse largement et qui porte sur la relation soignant - soigné. La transition épidémiologique, c'est-à-dire le passage du soin d’épisode aigu à la prise en charge de pathologies chroniques a transformé la vision par le patient de sa maladie, donc du système de soins. Dès lors, la problématique d’un accès facilité était inévitable.

I. Un outil de communication

1. Un outil de communication médecin - malade

La formalisation, à l’issue d’une consultation, du contenu de celle-ci, modifie probablement déjà les comportements et rapports entre le médecin et son patient pendant la consultation, tant dans la pratique de l’un que dans les attentes de l’autre.

Par ailleurs, le dossier médical peut être un outil de qualité, notamment en termes d’observance et d’association du patient à son traitement. L’informatisation, qui semble être la seule solution valable, pourra se traduire par la mise en place d’autres outils, notamment d’accompagnement, aux côtés du dossier. Ces outils d’accompagnement seront incontestablement des outils d’enrichissement de la relation médecin - patient, d’aide au dialogue, à la prescription, à l’explication de la maladie.

Il existe cependant un risque important, à savoir la reproduction, à travers le dossier, de l’éclatement constaté dans le système de soins, qui aboutirait à une situation dans le cadre de laquelle il y aurait autant de dossiers que de spécialistes, de lieux de consultation, etc. L’ANAES a largement pris en compte cette préoccupation majeure. La dernière recommandation qu’elle a publiée, destinée aux ergothérapeutes, porte entre autres sur l’intégration de l’ensemble des éléments dans un dossier médical unique, suivant la logique d’une centralisation autour du patient. L’ANAES en est ainsi à publier des recommandations concernant la tenue des dossiers médicaux pour de nombreuses professions de santé

2. Un outil de communication entre les professionnels de santé

Le dossier médical est rarement abordé comme sujet de conflit potentiel concernant les frontières entre les différentes professions de santé. Il est pourtant évident que la circulation transparente de l’information posera certains problèmes.

Par ailleurs, l’outil en lui-même induit l’existence d’un lieu de regroupement des informations. Des décrets en Conseil d’Etat devraient préciser la nature de ces lieux, mais il est prévu un agrément de cette fonction d’hébergement, de ces hébergeurs. Là réside un enjeu majeur. Il existe en effet un danger, à savoir la confiscation, par l’outil, de la transparence et de la communication introduites par le dossier médical partagé, pour peu que cet outil échappe à la fois au patient et au professionnel.

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II. Le temps : un enjeu majeur

Il existera inévitablement une période de rodage. Il conviendra également, les premiers temps, de prendre en compte la tendance à surestimer par manque d’habitude le temps nécessaire à la réalisation des dossiers médicaux.

Si le dossier médical doit modifier la relation soignant - soigné et être un outil de dialogue, il va également contribuer à restaurer une fonction de parole, d’échange, d’explication, qui nécessitera du temps. Il s’agit de faire du patient non un consommateur aveugle, mais un individu partie prenante de son processus de soin.

Souvent, les plaintes des patients ne portent pas sur l’essentiel mais sur l’accessoire, car ils ne sont pas en mesure d’appréhender l’essentiel. L’accès au dossier médical risque de modifier cette réalité. Il est souhaitable de réfléchir à l’ensemble des processus de contractualisation susceptibles d’être mis en œuvre afin de faciliter la rémunération du médecin et la prise en compte du temps passé dans le cadre de ses nouvelles fonctions.

Après la loi relative aux droits des malades et à la qualité du système de santé, adoptée durant les derniers jours de la législature, les questions de tenue du dossier médical ou de continuité des soins étant nommément désignées dans la loi, il peut s'agir d'excellents outils de mise en œuvre des contrats de bonne pratique et des accords de bon usage. Ceux ci peuvent être développés et étendus à tous les professionnels de santé.

Philippe LEFAIT

Les patients sont-ils prêts à accepter la distinction entre dossier médical et domaine réservé du praticien ?

Etienne CANIARD

Oui, si elle est négociée. Durant les mois consacrés à ces sujets, j’ai constaté une grande maturité des associations de patients dès l’instant où la décision est prise en commun. Le risque est aujourd'hui que les patients ne soient pas suffisamment associés aux réflexions et décisions ; cela n’est certes pas simple, car ils ne sont pas toujours idéalement organisés. Les patients sont prêts à accepter cette distinction s’ils ont le sentiment que c’est dans leur intérêt qu’il convient de réserver au médecin un domaine touchant à la façon dont se prennent ces décisions.

Cependant, cette distinction ne doit pas devenir un prétexte et générer l’impression d’une absence de transparence.

Il s’agit d’une question de confiance ; l’accès à l’information représente avant tout un élément de restauration de la confiance.

les enjeux du dossier médical en tant qu’outil de communication :

transparence et respect de la confidentialité, informatisation et sécurisation

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Docteur André CHASSORT Secrétaire général adjoint du Conseil national de l’Ordre des médecins

Philippe LEFAIT

Vous pratiquez depuis dix ans un suivi attentif des dossiers médicaux de vos patients. S’agit-il d’un plus en termes de gestion de ces patients ?

Docteur André CHASSORT

Il s’agit d’un important travail initial, mais qui se traduit par la suite par des gains de temps appréciables ; il en va de même de l’archivage et de l’informatisation.

Philippe LEFAIT

Les outils informatiques sont-ils adaptés ?

Docteur André CHASSORT

Ils sont de plus en plus formalisés. Un regroupement des logiciels est attendu à terme.

Tant au niveau juridique que scientifique, le dossier médical doit être un vecteur de communication, répondant à une équation complexe, intégrant plusieurs facteurs : quels sont les interlocuteurs ? Quelles sont les questions à se poser suite à la loi de modernisation sociale ? L’informatisation du dossier médical modifie-t-elle son cahier des charges ?

I. Les interlocuteurs

1. Les professionnels

L’essentiel de leur métier est de soigner, en collaboration ou partenariat avec leurs confrères, mais également avec les paramédicaux. Cet outil de communication doit être envisagé comme une extension vers les professions paramédicales, ce qui nécessite clarté et qualité dans l’organisation et la rédaction du dossier. Dans l’hôpital où j’exerce, nous nous sommes interrogés, à l’occasion de l’informatisation des dossiers médicaux, sur le fait de savoir s’il convenait de ménager l’accès au dossier par le biais du dossier soignant ou du dossier médical. Il a finalement été décidé, avec les médecins, de retenir l’option dossier soignant.

Philippe LEFAIT

Quid du secret partagé ?

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Docteur André CHASSORT

Il est possible de le réglementer, en particulier au sein d’un dossier informatique, qui limite parfaitement les accès via la carte professionnelle de santé.

Il conviendrait de mettre en place une démarche normative inhérente au dossier médical, telle qu’elle se développe actuellement notamment à l’ANAES ou dans le cadre du lourd travail de l’AFNOR auquel le Conseil national de l’Ordre des médecins est associé, qui consiste en l’élaboration d’un langage commun.

Une autre propriété du dossier médical réside dans son interactivité et dans la capacité des données médicales à circuler entre les professionnels, que le dossier soit tenu par un libéral, un hospitalier ou un professionnel de réseau.

La notion de secret partagé ne s’applique qu’aux professionnels de santé ayant réellement en charge la fonction de soigner le patient. Il conviendra donc de définir précisément le territoire d’accès de chaque professionnel et son niveau d’intervention.

2. Les patients

Il convient de distinguer deux niveaux.

a. La communication durant l’acte médical

L’article 35 du code de déontologie stipule que le médecin doit délivrer à son patient, pendant qu’il travaille, une “ information claire, loyale, appropriée ”. Ce point ne doit pas être négligé.

Philippe LEFAIT

L’obligation de tenue du dossier médical a-t-elle modifié le rapport au patient dans le cadre de la consultation ?

Docteur André CHASSORT

Non, mais un dossier clair et bien tenu facilitera les soins et la communication durant les soins. Il est alors probable que le patient ne cherchera pas à accéder à son dossier médical. Le recours aux dispositions de la loi de modernisation ne sera effectif que lorsque la bonne information ne sera pas délivrée durant les soins.

b. La communication du dossier médical

Au-delà de l’information due au patient, la loi rend quasiment caduque l’ancien article 46 du code de déontologie, qui instituait le médecin intermédiaire.

Le dossier médical devra être organisé de manière à satisfaire à cette communication. Les praticiens devront donc atteindre un certain niveau de qualité et d’objectivité dans la rédaction du dossier.

Une sélection peut s’opérer au sein du dossier afin de ne pas rendre communicables certains éléments : informations concernant des tiers, pronostics diagnostiques graves, données

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médicales psychiatriques. Ce sont là des obligations déontologiques devenues des obligations légales.

Philippe LEFAIT

Le risque n’est-il pas celui d’un dossier “ à deux vitesses ? »

Docteur André CHASSORT

Le Conseil national de l’Ordre des médecins a choisi de s’exprimer à ce sujet en déconseillant aux médecins de s’orienter vers un dossier à deux vitesses, comprenant des notes personnelles non communiquées. Un dossier médical unique et clair semble préférable car il constitue un gage de qualité. Par ailleurs, il ne serait pas acceptable que certaines données médicales soient sorties du dossier – en dehors des exceptions précédemment citées, à savoir les données concernant des tiers et les réflexions médicales pouvant aider au diagnostic – au prétexte que le médecin estime qu’il n’a pas à les communiquer. Je rappelle qu’en cas de procédure pénale, le juge fera saisir la totalité du dossier.

Enfin, plus la réflexion médicale sera claire, précise et scientifique, moins elle donnera lieu à récrimination.

II. La loi de modernisation sociale et le code de déontologie

Les dossiers doivent gagner en qualité et en rigueur pour devenir un miroir conférant au médecin et au patient une vision objective de la réalité. Des efforts doivent encore être accomplis de ce point de vue. La loi de modernisation sociale n’empêche pas le respect des obligations déontologiques, qui conservent toute leur valeur, notamment l’article 73, selon lequel “ le médecin doit protéger les données médicales contre toute indiscrétion ”, ou encore l’article 96, qui stipule que “ les données des dossiers médicaux sont conservées sous la responsabilité du praticien ”.

III. Le cahier des charges et l'informatisation

L’informatisation du dossier médical induit-elle une réforme du cahier des charges ?

Tout d’abord, en informatique médicale, il conviendra de parler plus de données médicales que de dossier médical, en raison d’un éclatement de l’information, d’une circulation accélérée, mais également en vertu de la lutte contre la capacité de centralisation de l’informatique, qui pourrait être source d’un danger social, philosophique ou politique.

La circulation d’un dossier “ virtualisé ”, dématérialisé, pourra donner lieu à des rencontres en des points fixes – point fixe d’un réseau par exemple – accessibles depuis l’ordinateur du médecin.

Le cahier des charges, bien connu, a toujours été rappelé par le Conseil national de l’Ordre des médecins :

• interopérabilité de tous les contenants Les données devront pouvoir être facilement transmises à partir des contenants. Un important travail est à accomplir de ce point de vue, tant au niveau national qu’international, ainsi que s’y emploie le Conseil de l’Ordre au niveau européen.

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• sécurisation Elle passe par les systèmes d’accès, le cryptage et la signature électronique protégeant la circulation.

• gestion des données par les hébergeurs Un amendement de la loi de modernisation leur est consacré. Le Conseil de l’Ordre a beaucoup œuvré pour qu’ils fassent l’objet d’un agrément ; il sera fixé en Conseil d’Etat par un décret à l’élaboration duquel participeront la CNIL et les ordres des professionnels de santé.

L’informatisation facilite la circulation des données médicales, mais accentue encore la rigueur nécessaire en termes de transmission et de sécurité. Non seulement elle ne permet pas un libre accès généralisé, mais de surcroît elle impose une optimisation de la qualité de gestion. Un dossier mémorisé sur un ordinateur accessible via une carte pointeuse ou un dossier en ligne accessible lors de la rencontre entre le professionnel et son patient sont préférables à un dossier médical sur support papier traînant sur un bureau à la vue de tous.

En conclusion, le cahier des charges du futur dossier médical devra satisfaire à la nécessité d’un accès direct par le patient à ses données médicales ; l’informatisation est irrémédiable ; le dossier médical y gagnera en qualité et en sécurité, ce qui constituera un élément de protection pour les praticiens.

Philippe LEFAIT

Etes-vous confrontés, dans votre pratique quotidienne, à une croissance des demandes d’accès au dossier médical ?

Docteur André CHASSORT

Oui, mais cette montée en puissance est progressive pour peu que le praticien ait lui-même senti qu’il devait communiquer certaines parties du dossier. Personnellement, je communique depuis longtemps tout ou partie du dossier médical aux patients qui en font la demande. Cette communication s’effectue dans de bonnes conditions lorsqu’elle a préalablement donné lieu à discussion et accord.

Philippe LEFAIT

En définitive, la loi organise l’échange entre le médecin et son patient via le dossier médical ; l’informatique est au cœur du système ; la nécessaire lisibilité impose une simplification.

la bonne tenue du dossier médical : vers quels outils d’évaluation ?

L’évaluation des pratiques de santé au fondement de la nécessité d’évaluation du dossier médical

Docteur Robert REGARD Vice-président du Conseil national de l’Ordre des chirurgiens-dentistes

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Président de la Commission de la vigilance et des thérapeutiques

I. La nécessité d’évaluation

Toutes les professions de santé ont depuis plusieurs années souscrit aux indispensables démarches d’amélioration de la qualité des soins, qui imposaient un processus d’évaluation – des pratiques, des comportements des praticiens et équipes soignantes, des structures de soins – nécessitant des outils adaptés aux objectifs de l’évaluation. Cette dernière doit être opérée dans l’intérêt des patients et des praticiens, mais également afin de garantir une bonne utilisation des sommes allouées à la santé.

II. Le mode d’évaluation : la comparaison

Il s’agit du système d’évaluation le plus pratique. L’ensemble des professions de santé, les différentes autorités sanitaires (ANAES, etc.) ont entrepris l’élaboration de recommandations, de référentiels, d’enquêtes, etc., qui sont autant de repères indispensables à toute comparaison.

Philippe LEFAIT

A qui revient la responsabilité de l’évaluation ?

Docteur Robert REGARD

Concernant les chirurgiens-dentistes, le Conseil national de l’Ordre des chirurgiens-dentistes et l’Association dentaire française ont fait le choix de l’auto-évaluation, à laquelle le praticien peut procéder à partir des outils disponibles (référentiels, etc.) et des supports existants au sein de son cabinet, à savoir ses dossiers médicaux.

Cette auto-évaluation doit être sincère, précise et objective.

L’ANAES, quant à elle, a mis en place une procédure d’évaluation basée sur le recours à des intervenants extérieurs, qui sont les médecins et visiteurs de l’ANAES et qui disposeront semble-t-il d’outils plus nombreux et de possibilités plus larges que le professionnel pratiquant l’auto-évaluation. Ils auront notamment la possibilité de s’entretenir avec les praticiens, mais auront également besoin d’un support matériel, c'est-à-dire du dossier médical ou dossier du patient. Ce dossier pourra par ailleurs permettre de déterminer les modalités de l’entretien.

Cette évaluation ne sera de qualité que si ses outils sont de qualité – recommandations et référentiels d’une part, dossier du patient d’autre part.

La qualité des recommandations et référentiels ne saurait être remise en cause. Il en va autrement des dossiers médicaux, dont il n’est pas toujours certain qu’ils soient parfaitement tenus.

Un dossier mal tenu donnera une mauvaise image de l’activité d’un praticien et ne permettra pas une comparaison utile, efficace et de qualité avec les éléments de référence. Il sera en ce cas difficile de fixer le niveau de qualité de l’exercice du praticien, quoiqu’il ait été admis que certains

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professionnels ont une pratique de grande qualité tout en ayant une tenue médiocre de leurs dossiers.

III. Le dossier médical : nature et objectifs

Il doit s’agir d’un support formel écrit ou informatisé de l’ensemble des informations concernant un patient, qu’il s’agisse des données administratives, médicales et nécessaires à sa prise en charge. Il doit également s’agir d’un outil d’analyse, de synthèse, de planification, d’organisation, de traçabilté des soins et de l’ensemble des prestations dispensées à un patient. Il doit contenir toutes les informations utiles et nécessaires pour justifier les choix thérapeutiques, la nature des actes effectués, les conditions et circonstances dans lesquelles les soins ont été dispensés ; enfin, il doit assurer la connaissance des résultats obtenus.

Le dossier médical ne peut satisfaire de telles exigences que s’il est bien structuré, si les données qu’il contient sont précises, bien rédigées, contrôlables, facilement disponibles et aisément accessibles. La fiabilité des informations contenues dans un dossier médical doit être sans faille.

L’ensemble implique la définition et le respect de règles précises, qui doivent être portées à la connaissance des professionnels. Les recommandations de l’ANAES font partie de ces règles.

IV. Une normalisation souhaitable

Une normalisation du dossier médical, visant à faciliter son évaluation et réalisée à partir d’un cahier des charges lui-même élaboré dans le souci de l’évaluation, est souhaitable.

Toutefois, même avec de bons outils, l’utilisation de dossiers médicaux bien tenus n’est valable que si un enseignement adéquat est apporté dès la formation initiale et pendant la formation continue. Une culture de la bonne tenue des dossiers s’impose à tous les praticiens, qui doivent être imprégnés de la nécessité de l’évaluation, elle-même réalisée à partir d’un langage commun, qui doit être trouvé dans la tenue de ces dossiers.

Grâce au respect de ces recommandations, le dossier médical pourra être un support d’outils multiples permettant d’évaluer non seulement les pratiques des praticiens, mais également l’efficacité des thérapeutiques, des techniques de soin et des actes, ainsi que le comportement global des praticiens et des équipes soignantes, sur le plan médical, humain, administratif et économique.

Puisqu’il faut évaluer à partir d’un dossier médical de qualité, tout processus d’évaluation doit débuter par l’évaluation du dossier médical.

Philippe LEFAIT

De quelle façon le corps des chirurgiens-dentistes, que vous représentez, est-il engagé dans la démarche que vous préconisez ?

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Docteur Robert REGARD

Les chirurgiens-dentistes sont fortement engagés dans une démarche qualité. La seule évaluation à laquelle ils procèdent est une auto-évaluation réalisée sur support écrit ou informatique à partir des référentiels diffusés par l’Association dentaire française et le Conseil national de l’Ordre des chirurgiens-dentistes. Cette démarche, engagée voici un an et à laquelle les praticiens sont de plus en plus nombreux à souscrire, permet de mesurer la progression des pratiques.

Philippe LEFAIT

Quelle est la proportion des chirurgiens-dentistes participant à la démarche ?

Docteur Robert REGARD

Environ 20 % des chirurgiens-dentistes pratiquent une auto-évaluation sincère, organisée et respectant les recommandations élaborées par la profession.

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Le point de vue de l’ANAES

Docteur Marielle LAFONT Médecin généraliste

Responsable du service évaluation des pratiques, ANAES

Philippe LEFAIT

Quels sont les repères en matière d’évaluation du dossier médical ?

Marielle LAFONT

L’ANAES a bien précisé que l’information orale primait, de son point de vue, sur les autres types d’information. Sa dimension communicative permet de régler de nombreux problèmes.

L’ANAES est actuellement missionnée pour étudier la transmission de l’information. Les connaissances en la matière devraient donc s’accroître d’ici quelques mois.

Par ailleurs, je préfère insister sur la notion de dossier patient plus que de dossier médical.

Nous avons travaillé sur le dossier médical, le dossier en ergothérapie, en soins infirmiers, en kinésithérapie. L’une des priorités de l’ANAES est de réfléchir aux notions de transmission des données et de continuité des soins.

I. Le dossier médical en tant qu’outil de la qualité et de la sécurité

Le dossier médical est le premier élément étudié dans le cadre de l’évaluation des pratiques professionnelles, mais paradoxalement, il n’est pas possible d’évaluer l’ensemble du champ des pratiques sans un bon dossier médical. La réflexion s’articule donc autour de deux niveaux :

• le dossier médical, à évaluer en tant qu’outil de pratiques médicales ; • le dossier médical en tant qu’outil d’évaluation des pratiques médicales.

Le recueil des données est fondamental. La sécurité et la qualité nécessitent un minimum d’informations, le problème étant de déterminer les limites de ce recueil. Une banque de données ne doit pas être un cimetière de données. Face à chaque information à rechercher, il convient de s’interroger sur les finalités de cette recherche.

Etant donnée l’étendue du champ de la médecine générale, il est facile de passer 90 % de la consultation à écrire et consulter son ordinateur. L’un des pièges de cette nouvelle disposition législative est de faire passer l’élaboration d’un dossier médical de qualité devant le patient.

Le recueil de données est plus que chronophage ; il est donc indispensable de se fixer des limites, de déterminer les données minimales sans s'imposer des contraintes insupportables et irréalistes.

Il convient avant tout de penser les choses dans la simplicité, car il est indispensable de gérer sa consultation en même temps que l’outil.

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Depuis le décret de 1999, instaurant l’évaluation des pratiques professionnelles en médecine de ville, l’ANAES travaille à formaliser les référentiels d’accréditation.

Ce décret est aujourd'hui complété par une loi qui ouvre cette évaluation aux professions paramédicales. Il devient donc nécessaire de créer des outils transversaux susceptibles d’être utilisés dans le cadre de dossiers partagés.

La méthode doit être pensée avant le contenu.

Le contenu du dossier médical est en cours de formalisation. L’ANAES a travaillé avec les généralistes, mais également certaines spécialités, afin de définir une trame qui constituerait un dénominateur commun à l’ensemble des professionnels de santé, sachant que les dispositions doivent être déterminées en fonction des priorités, à savoir la qualité, l’efficacité et la sécurité des soins. Dans le cadre de cette approche, il convient d’aborder le sujet non sous un angle judiciaire, mais uniquement sous un angle qualitatif.

II. Le socle commun

Trois axes ont été identifiés, constitutifs d’un socle commun.

• données d’identification du patient

• données de fond, ou données essentielles Il s’agit des allergies, interférences médicamenteuses, évènements biographiques significatifs, traitements en cours, prescrits par l’ensemble des prescripteurs, y compris automédication, antécédents personnels et pathologies chroniques, antécédents familiaux significatifs et facteurs de risque, risques professionnels. La réflexion a porté sur l’actualisation de ces données. Elles doivent impérativement être datées et il doit être régulièrement procédé à des bilans de synthèse visant à réactualiser ces informations. Par ailleurs, les données négatives doivent également être mentionnées : absence d’allergie à telle date, par exemple. Cette prise en compte constitue un véritable changement culturel. Ces données doivent être rédigées en tenant compte du patient, mais également du fait que les dossiers sont partagés : stagiaires, remplaçants, intervenants extérieurs, correspondants, etc.

• notion de dernier contact Il s’agit de détailler la dernière rencontre avec le patient : date, type de contact, données significatives, synthèse, conclusions, actions mises en place, nécessité ou non d’intervention d’autres correspondants, du réseau, de professionnels de santé, etc.

Autour de cette trame commune, l’idée est de laisser à chaque discipline la possibilité de décliner la mise en place pratique de ces éléments.

Dans le champ de l’évaluation, l’ANAES tente de mettre en exergue le fait qu’une évaluation formative, dans le cadre d’une auto-évaluation, peut faire progresser la profession. L’évaluation normative et sanctionnante peut certes présenter quelques avantages, mais il est fondamental que les professionnels de santé s’approprient la méthode et les contenus.

La culture du dossier médical doit s’intégrer dans l’appropriation de la culture de l’évaluation, qui ne fonctionnera pas si elle est imposée.

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III. La dimension informatique

La réflexion de l’ANAES à ce sujet n’est pas encore très avancée.

Elle porte notamment sur l’intégration des recommandations pratiques cliniques dans le cadre des logiciels. Pour faire évoluer les comportements, la meilleure méthode est que le praticien reçoive l’information alors qu’il est en train de réaliser l’acte médical et que le patient lui fait face. Les éléments de rappel doivent intervenir au moment de la décision médicale ; il est donc important de travailler avec les concepteurs de logiciels médicaux afin que le rappel intervienne au bon moment.

L’avenir des professions de santé va de pair avec celui de la démarche d’évaluation, qui constitue un champ vaste et passionnant.

Il convient cependant de faire preuve de réalisme et accepter que les professionnels prennent le temps d’intégrer cette démarche et de s’approprier cette culture.

Philippe LEFAIT

Comment la profession s’approprie-t-elle le dossier médical et la nécessité de le formater pour le partager ?

Docteur Marielle LAFONT

Je travaille sur ces sujets depuis une douzaine d’années et je constate une forte évolution des mentalités, ainsi que le révèlent les travaux d’évaluation de la tenue du dossier médical réalisés par l’ANAES en 1992, 1994, 1998, sur d’importants échantillons. L’ensemble des professionnels est conscient qu’il ne peut exister une médecine de qualité sans dossier médical. Par ailleurs, au-delà d’une nécessité de formalisation, il est indispensable de laisser au praticien un espace lui permettant d’exprimer ses propres modes de fonctionnement. Enfin, il existe des facteurs limitants, qui nécessitent d’être capable d’anticiper sur les données à rechercher en fonction de la thématique retenue.

Le dossier médical, outil de recherche

L’enseignement et la recherche

Jacqueline GIRONA Membre de l’Ordre national des sages-femmes

Il est avant tout nécessaire d’aborder la façon dont les étudiants doivent impérativement apprendre à tenir un dossier médical.

La prise en charge du patient, qu’elle soit en secteur public ou privé, débute toujours par le même rituel, à savoir l’ouverture d’un dossier médical, souvent confiée, dans les hôpitaux, à des

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étudiants en formation, qui doivent avant tout prendre conscience des exigences imposées par la bonne tenue du dossier.

Il est impératif qu’existe en amont une volonté très ferme d’enseigner la prise en charge du dossier médical par les étudiants, quels qu’ils soient. Cette exigence nécessite un accompagnement, voire un tutorat, qui doit s’opérer de façon très stricte, afin que le dossier médical soit bien construit, bien compris et puisse ensuite être bien utilisé.

Les enjeux de la bonne tenue du dossier médical sont multiples. Il s’agit avant tout de connaître et comprendre pour soigner. Le dossier médical est également le reflet des soins, un aide-mémoire pour toute l’équipe médicale, pour qui il constitue la référence. Le dossier médical constitue un outil de communication, un outil d’évaluation et un outil d’enseignement et de recherche.

I. Un outil d’enseignement

Le dossier médical devient une architecture de communication, indispensable au regard de la tendance actuelle en faveur des soins ambulatoires et des réseaux. Il doit dans le même temps offrir toutes les garanties de sécurité et de confidentialité. Beaucoup de personnes auront accès au dossier et une discipline commune est donc obligatoire.

Le développement de l’HAD, très positif dans certaines régions, et plus généralement des réseaux ville - hôpital prouve à quel point les dossiers médicaux seront amenés à circuler entre l’hôpital et la ville, ce qui imposera une grande rigueur et un fort souci de confidentialité.

Au-delà de la création de nouvelles modalités de prise en charge du patient, l’utilisation correcte des apports de la technologie et ceux d’une gestion efficace du dossier médical doivent permettre une bonne coordination entre les différents acteurs de santé. Avant même l’informatisation, c’est la coordination qui est essentielle.

Cette politique de soins intra et extra muros doit impérativement s’appuyer sur un meilleur échange d’informations entre les professionnels de santé. Il existe encore bien des difficultés à ce niveau, malgré les nombreuses bonnes volontés. Par exemple, sans parler de rétention, la circulation des informations entre l’hôpital et le milieu libéral pose problème par manque de coordination, ce qui peut être gênant, entre autres dans le cadre de la modification d’un traitement en cours.

Voilà pourquoi il est indispensable que des exigences soient posées dès la période d’apprentissage, via l’enseignement. Il faut apprendre aux étudiants à recourir à une formulation claire et compréhensible.

Le dossier médical devra notamment contenir :

• la fiche d’identification du malade ; • le document médical indiquant le ou les motifs d’hospitalisation ; • la conclusion de l’examen clinique initial, sans lequel il n’est pas possible d’apprécier

l’évolution de la maladie ; • les comptes-rendus des examens para-cliniques ; • les fiches de consultation pré-anesthésiques, pour lesquelles il existe désormais une

exigence légale ; • les prescriptions thérapeutiques ;

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• le dossier des soins infirmiers ;

Il convient par ailleurs de ne pas omettre, ainsi que cela a été dit, les éléments négatifs. Jusqu’à présent, le médecin ne demandait pas à la femme enceinte si elle fumait. Il existe désormais une démarche qui permet, dans le cours de la discussion, de façon simple et non moralisante, de poser ce type question.

La rigueur de la tenue du dossier médical est à la base même de l’enseignement en pratique médicale. L’élaboration du dossier médical permet de développer le sens de l’observation, l’écoute du malade, qui s’intègre dans le cadre de l’évolution des rapports médecin - patient, et l’esprit de synthèse.

II. Un outil de recherche

Le dossier médical est pour la recherche une source précieuse d’information ; il s’agit de la première étape dans la longue marche de la recherche, qu’elle soit clinique, biologique, épidémiologique ou de santé publique.

Le dossier médical est à l’origine même de la recherche. Il permet une approche en termes de qualité des soins et une remise en question des moyens utilisés – l’auto-évaluation procède d’ailleurs de cette démarche critique –, de même qu’il permet l’évaluation thérapeutique et la recherche clinique, cette dernière s’avérant être une nécessité morale et scientifique.

La recherche médicale est cependant soumise à des normes éthiques, qui visent à garantir le respect de l’être humain et la protection de sa santé et de ses droits : déclaration d’Helsinki de l’Association médicale mondiale en juin 1964, amendée par la déclaration d’Edimbourg en octobre 2000.

Le dossier médical contribue à développer la recherche clinique, la recherche à visée cognitive, à visée diagnostique et thérapeutique, la recherche en santé publique ; c’est dans un esprit de tutorat, à l’occasion des stages pratiques et au cas par cas que l’étudiant apprendra à poser de façon claire et concise la question précise – c'est-à-dire celle que vous attendez tous d’un dossier médical bien construit – en ayant toujours en toile de fond que la tenue du dossier médical et la recherche médicale doivent avoir comme règles communes le respect de l’autre, celui de la personne humaine, dans le cadre d’une réflexion éthique.

Enfin, ce sujet ne peut être clôt sans que soit évoquée l’évolution irréversible du dossier médical vers l’informatisation et le dossier médical en ligne – avec les impératifs qui accompagnent cette évolution.

Philippe LEFAIT

Votre pratique du terrain semble vous permettre d’être en première ligne sur ce sujet.

Jacqueline GIRONA

J’ai effectivement longtemps été en première ligne concernant l’approche du dossier médical, qui exige une extrême rigueur.

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L’utilité du dossier médical pour le réseau

Antoine FLAHAULT Responsable du réseau Sentinelle

Philippe LEFAIT

Les nouvelles dispositions légales facilitent le travail du réseau. En tant qu’outil commun, accessible, bien écrit et partagé, le dossier médical représente certainement l’outil primordial du réseau…

Antoine FLAHAULT

Le dossier médical représente un trésor pour le chercheur en santé sociale et pour le chercheur spécialisé dans les sciences de la vie. L’un des enjeux capitaux de la recherche actuelle est de coupler des données cliniques avec des données biologiques, des données phénotypiques, c'est-à-dire de coupler le dossier clinique et biologique avec des données génétiques, voire génomiques ; pour ce faire, il est nécessaire de disposer du dossier médical.

I. Les modèles épidémiologiques

Pour simplifier, il existe trois modèles épidémiologiques importants : la cohorte, les cas - témoins et les cas croisés, modèle dérivé des précédents et qui ne sera donc pas détaillé.

1. La cohorte

Elle résulte de la constitution de très grandes séries, suivies pendant très longtemps. Un essai randomisé, un essai thérapeutique, représente méthodologiquement une petite cohorte. Le dossier médical est intéressant dans le sens où il permet la constitution de ces grandes séries. Il ne s’agit pas là d’un fait nouveau, même si des instruments juridiques se mettent en place et que le secteur de la santé fait preuve d’une volonté d’organisation de l’information.

Certains risques majeurs, tel le risque de cancer de la plèvre lié à l’amiante, ont été découverts par reconstitution, grâce à des dossiers médicaux très bien tenus par des médecins du travail, qui procédaient annuellement et d’une façon routinière, mais jugée excessive par certains, à des radiographies pulmonaires. Le suivi d’une cohorte d’individus exerçant des métiers où ils étaient susceptibles d’être exposés à l’amiante et la comparaison entre celle-ci et une cohorte d’individus travaillant dans les mêmes secteurs socioprofessionnels, mais non susceptibles d’être exposés à l’amiante, a permis de découvrir que les individus exposés étaient plus souvent victimes de plaques pleurales, puis de mésothélomes et de cancer de la plèvre. L’intérêt de la cohorte réside dans le fait qu’elle peut être utilisée de façon historique, rétrospective.

Le dossier médical, lorsqu’il permet d’accéder à des données issues de longues séries chronologiques, rend donc possibles de telles découvertes.

2. Les études cas - témoins

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Il est bien plus fréquent, en médecine, de procéder à des études cas - témoins. Les cas sont des individus atteints d’une maladie, les témoins étant des individus indemnes de cette maladie. Il s’agit de rechercher, grâce à la mémoire de ces individus, à quels éléments ils ont été exposés et s’il existe des différences entre les cas et les témoins en termes de fréquence d’exposition. Cette démarche permet de déduire des facteurs de risque.

Le dossier médical permet de ne plus se reposer sur la mémoire de l’individu, susceptible de défaillances et de “ biais de mémorisation ”, mais sur des données engrangées dans le passé. Cette utilisation est tout sauf théorique ou idéaliste. Lucien Abenhaïm, épidémiologiste et actuel Directeur général de la santé, a récemment utilisé la base de données des dossiers médicaux du GPRD, General practitioner reserve database, une base de données informatiques britannique, ancienne et fort bien organisée. Il a comparé le cas de patients atteints de sclérose en plaque à des témoins afin de déterminer si le nombre de personnes exposées au vaccin contre l’hépatite B était plus important dans le groupe des cas que dans le groupe des témoins ; il est apparu que les résultats n’étaient pas significatifs et que la très légère augmentation de risque n’était pas significative. Ces résultats ont permis de prendre des décisions de santé publique en France.

Il est souhaitable de s’organiser de la même façon en France, avec le réseau Sentinelle ou avec d’autres types de réseaux, afin de disposer de données fort utiles.

Philippe LEFAIT

Il convient de toujours être dans l’anticipation.

Antoine FLAHAULT

Oui, mais en France, la recherche ne l’est pas toujours ; la recherche clinique est essentiellement basée sur le dossier médical. Il existe dans certains services la préoccupation de maintenir un dossier médical de haut niveau qualitatif ; de ce fait, de très nombreux étudiants en médecine rédigent leur thèse grâce au dossier médical. Quant à savoir si les résultats sont bons ou médiocres, je puis simplement dire que d’excellentes publications, dans les meilleures revues scientifiques, reposent sur des dossiers médicaux.

L’un des dossiers médicaux informatisés les mieux tenus était celui de l’équipe de Broussais, le dossier Lead, développé par Patrick de Boulet, qui, sur l’hypertension artérielle, a permis, avec Joël Leenhardt, de procéder à des publications extrêmement renommées.

Dans le domaine de la médecine de ville, la France accuse un certain retard qui pourra peut-être être comblé grâce au nouveau dispositif juridique qui institue la tenue obligatoire du dossier médical.

Il existe toutefois des expériences privées, qui ne mettent pas de données à la disposition de la santé publique, mais qui rapportent de nombreuses données très intéressantes pour d’autres secteurs relevant de la santé publique, celui des industriels du médicament. Ils disposent de panels de médecins pour lesquels ils ont des dossiers informatisés ; Thalès et IMS deux drat brokers, rapportent des données qui constituent un modèle intéressant même s’il ne donne pas lieu à des publications scientifiques dans le domaine de la recherche.

II. Le caractère crucial de la qualité des données

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Il peut se poser un problème d’exhaustivité et de qualité, lié au surcroît de travail que représente la tenue de ces dossiers médicaux pour des praticiens qui dénoncent déjà la surcharge de travail dont ils sont victimes.

Il est donc indispensable de trouver des outils aidant au codage ; il s’agit là d’un autre pan de la recherche, celle consacrée aux systèmes d’information. Le réseau Sentinelle a demandé aux médecins de rapporter toutes les hospitalisations en langage libre, partant du principe qu’un médecin généraliste ne dispose probablement pas d’un vocabulaire extrêmement varié car les motifs d’hospitalisation ne sont pas infinis. Il est donc inutile de demander aux médecins de procéder à un codage dans un thésaurus aride et complexe.

III. Stimuler la motivation des médecins volontaires pour participer à l’aventure

Cette stimulation peut passer par l’utilisation faite des données : alertes épidémiologiques, recherches épidémiologiques de bon niveau, publiées dans de bonnes revues et donnant lieu à un retour auprès du médecin praticien.

Philippe LEFAIT

Quelle est la proportion de généralistes réellement motivés ?

Antoine FLAHAULT

En cas de sondage de portée générale, environ 20 % des généralistes affichent leur motivation en répondant. La constitution de réseaux de médecins volontaires permet d’augmenter la proportion, de façon toutefois quelque peu artificielle.

Ainsi, les médecins se conforment rarement à l’obligation de déclaration des maladies transmissibles lorsque celles-ci sont courantes et qu’ils ne voient pas l’intérêt d’une telle déclaration. En revanche, si un cas d’anthrax était découvert dans le pays, il serait immédiatement déclaré ; de même les cas de choléra, en provenance de pays voisins, sont-ils immédiatement déclarés.

La motivation dépend donc du sujet traité et du retour d’information. En cas d’absence de retour et de non-traitement des données envoyées par les médecins, la motivation n’est plus au rendez-vous.

Philippe LEFAIT

Comment faciliter ce retour ?

Antoine FLAHAULT

Il convient notamment de mettre le maximum de données à disposition du grand public, sur le web. Cela ne fait hélas pas partie de notre culture immédiate. Il ne s’agit pas de mettre en ligne le dossier médical nominatif ; cependant, il ne serait pas étonnant que les patients, après s’être appropriés le dossier médical, le confient à des unités de recherche de l’INSERM ou d’autres

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organismes, publics ou privés, afin qu’il soit exploité utilement, dans le respect de la confidentialité, des bonnes mœurs et de la méthodologie.

J’espère également qu’il sera possible de procéder au couplage de ces données cliniques avec des données biologiques, voire génétiques, afin de réaliser des études cruciales pour l’avenir.

Conclusion

Le dossier médical, outil de confiance

Bernard KOUCHNER Ministère de la santé

Le dossier médical a constitué l’un des thèmes majeurs de la loi sur les droits des malades et l’amélioration de la qualité des soins. Ceux qui se sont rendus au Ministère pour en débattre se souviennent combien ce sujet a été l’un des plus discutés.

Je me réjouis de constater, à vous entendre, que vous vous en êtes emparés et que vous en avez fait, Madame Lafont, un objet différent, déjà plus riche que la sécheresse des textes ayant présidé à cette loi.

Je partage la conviction de Monsieur Flahault sur le fait qu’il appartiendra en définitive au patient de s’emparer de son dossier médical pour le partager avec les professionnels et les chercheurs. Il s’agira là d’un enrichissement notable.

Les lois ont besoin de textes d’application pour être concrètement mises en œuvre, mais elles ont aussi et surtout besoin que les populations concernées, en l’occurrence les professionnels de santé et les usagers, s’en emparent.

La loi relative aux droits des malades et à la qualité du système de santé, votée voici quelques semaines, a été publiée au journal officiel le 4 mars. Un dossier de qualité et transparent est un enjeu de confiance entre les professionnels et les malades. Cette loi avait pour ambition d’établir ou de rétablir cette confiance.

Le débat sur l’accès direct au dossier médical, auquel les professionnels, à travers leurs ordres et leurs organisations représentatives, ont apporté une contribution décisive, aux côtés des usagers, est désormais derrière nous.

La loi a été promulguée la semaine dernière et le décret d’application de la disposition concernant l’accès direct au dossier a été soumis à la concertation et sera examiné par le Conseil d’Etat ces prochaines semaines.

J’entends que cette disposition importante et attendue entre dans les faits le plus rapidement possible ; elle constitue une étape majeure au regard du progrès qui doit être accompli concernant les questions relatives à l’information, à l’organisation, à la gestion des données médicales. D’autres articles du texte complètent cette disposition, notamment les articles portant

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sur l’information du patient et les articles encadrant les conditions de détention des données médicales personnelles par des hébergeurs.

Monsieur Flahault a souligné l’importance potentielle du suivi rétrospectif d’une cohorte particulière grâce aux dossiers médicaux, mais il s’avère hélas, dans les faits, que de très nombreux dossiers ne peuvent être retrouvés au-delà de quatre ou cinq ans. Des hébergeurs vont donc être institués ; ce seront des professionnels soumis à un cahier des charges.

Toutes ces questions ont tenu une place importante dans la préparation de cette loi sur les droits des malades.

Lors du lancement du débat sur l’accès direct au dossier médical, les arguments des opposants étaient souvent les arguments des partisans. Les problèmes soulevés n’étaient pas uniquement techniques ; ils touchaient d’une part à la conception que les médecins ont de leur métier, d’autre part à l’idée que se font les malades de leurs droits en tant que personnes. Tous les arguments étaient recevables, alors même qu’ils pouvaient apparaître inconciliables ; notre rôle a été de contribuer à ce qu’ils soient tous entendus. Nous y sommes semble-t-il parvenus…

Le sujet était également emblématique de l’esprit général de la loi sur les droits des malades, dont le maître mot est la confiance. La modernisation du système de santé passe par l’approfondissement ou la restauration du dialogue et de la confiance entre les personnes malades et leurs médecins. La qualité de la relation médecin - malade demeure la pierre angulaire du système. Son contexte et ses données ont sans doute changé ; son équilibre doit évoluer en conséquence. Les usagers du système de santé sont aujourd'hui davantage informés ; ils souhaitent l’être plus encore. Ils désirent être partenaires de leur santé et participer à part entière aux décisions qui les concernent.

Il s’agissait donc de rejeter tout dogmatisme et toute position intransigeante, sauf à ne pas œuvrer dans le sens de cette consolidation de la relation médecin - malade, essentielle à la modernisation du système.

Les conditions même d’exercice de l’activité médicale évoluent également rapidement, du fait des progrès de la médecine. Les prises en charge se font par équipe ; le colloque médecin - malade n’est plus si souvent singulier ; l’évolution des besoins liés au développement des maladies chroniques et aux progrès de la médecine a transféré vers la médecine ambulatoire nombre de traitements hier réalisables uniquement à l’hôpital – tous les jours, nous faisons sortir des médicaments et des molécules nouvelles de l’hôpital vers la ville, et avec eux les patients – ; les réseaux se sont fortement développés ; les nouvelles dispositions législatives, contenues tant dans la loi sur les droits des malades que dans la loi de financement de la Sécurité sociale pour 2002, vont accentuer cette évolution.

Un réseau, c’est d’abord de l’information partagée entre professionnels autour d’un malade ; il suppose donc avant tout un dossier médical de qualité, appréhendé comme outil d’échange entre professionnels dans la conduite de soins et plus largement dans la prise en charge coordonnée des malades.

La question qui reste à approfondir est la suivante : “ de l’accès à quel dossier médical parlons-nous ? ”.

Sans attendre les décrets d’application, il a été décidé de décrire précisément les contours du dossier médical dans la loi sur les droits des malades. La liste déclinée dans le premier paragraphe de l’article comporte les éléments principaux, à la fois potentiellement disponibles dans le dossier médical d’un patient et suffisamment fiables du point de vue de la qualité de

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l’information médicale. Tous ces éléments seront précisés dans le cadre du décret d’application, pour lequel votre collaboration est requise.

Cette disposition législative, associée aux évolutions de fond précédemment évoquées, impactera fort significativement la qualité des dossiers médicaux et de l’information qu’ils contiendront.

Oui, le dossier médical est un outil de communication entre professionnels et avec les malades ; oui, il doit être clair, accessible et exploitable quel que soit le lieu ou le mode d’exercice ; oui, cela est difficile.

Se pencher sur la qualité du dossier revient à se pencher sur la qualité de soins. La communication est aujourd'hui indispensable, en santé comme dans tous les autres domaines d’activité. La tenue du dossier médical est partie intégrante – et essentielle – de l’activité médicale.

Il convient aujourd'hui d’explorer plus avant cette question : les nouveaux modes d’exercice partagés, l’informatisation des dossiers, le besoin d’information exprimé par les malades sont autant de raisons qui poussent à une évolution du contenu et de la présentation du dossier. C’est pourquoi je salue l’initiative des ordres professionnels – que je remercie de m’avoir invité – de l’organisation de ce colloque.

Avant de conclure, je souhaite formuler deux remarques.

Premièrement, nous avons été très critiqués quant au secret et à l’écriture médicale. Des questions se posent notamment en psychiatrie sur les informations à mentionner dans le dossier médical. Je partageais cette crainte. Or après avoir travaillé avec des associations de malades psychiatriques et de familles de malades psychiatriques, il s’est avéré qu’elles souhaitaient que les professionnels mentionnent clairement dans le dossier médical les états constatés et les diagnostics. Peut-être conviendra-t-il de trouver des formules intermédiaires, afin de nommer les choses de façon élégante, mais ces associations, qui connaissent leur sujet, sont sans équivoque quant à leurs propres attentes.

Cette remarque concernant les malades psychiatriques s’applique également aux malades du cancer et aux “ vérités assénées ”, ce qui me permet d’opérer la transition avec ma seconde remarque.

En effet, deuxièmement, le dossier médical ne consiste en aucun cas à asséner la vérité. Dans les services qui servirent de modèle pour l’élaboration de la loi, notamment le service d’éthique médicale de l’hôpital de Chicago, l’accès direct au dossier n’a pas entraîné de réclamations supplémentaires de la part des malades. Je souhaite à ce propos que la CME des Hôpitaux de Paris ait accepté ce matin le projet d’ouverture d’un service d’éthique médicale à Cochin – un service qui se situerait physiquement à l’intérieur de l’hôpital et serait présent quotidiennement auprès des malades, et non une structure éthérée sans lien avec la réalité.

6 à 9 % des patients demandent communication de leur dossier. Tous les exemples prouvent que l’instauration d’un accès direct au dossier médical n’entraîne pas d’afflux soudain des demandes. Il convient donc de relativiser la nécessité d’une écriture nouvelle et d’une transparence de toute façon essentielle en vertu du principe que ce qui se conçoit bien s’énonce clairement.

Il est inutile de s’entourer de mystère ; il est également inutile de craindre que les patients ne se précipitent tous sur leur dossier médical. D’ici quelques années, lorsque la procédure relèvera de

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la routine, il apparaîtra certainement que la crainte des professionnels de devoir immédiatement changer leur manière d’écrire n’était pas totalement fondée – même si elle était compréhensible.

Enfin, dans le cadre de la prise en compte de l’aléa thérapeutique, qui constitue une avancée importante, instituée par la loi sur les droits des malades, les commissions de conciliation ont besoin de ces dossiers médicaux, à condition bien entendu que le malade ait souhaité en demander communication.

En outre, il semble certain qu’un échange d’informations le plus transparent possible se traduira par une diminution du nombre de plaintes et de recours en responsabilité et en indemnité.

La formule “ loi de confiance ” n’a rien d’officiel, mais elle correspond à l’esprit du texte que nous souhaitions mettre en place. Cette communication transparente – sur le plan scientifique et médical, car elle l’était déjà sur le plan humain – se traduira par une confiance restaurée ou renforcée entre le patient et le praticien.

Questions de la salle

J’interviens comme conseil dans les systèmes d’information de santé. Nombre de problématiques majeures ont été évoquées – sécurité, confidentialité, interopérabilité des contenants, standards de communication. Cependant, l’un des freins majeurs à la mise en œuvre des réseaux de santé et à la communication entre la ville et l’hôpital n’a pas été évoqué : l’identifiant unique du patient. Quelle est l’opinion des intervenants quant à la mise en place d’un identifiant patient unique au niveau national ?

Docteur André CHASSORT

Le Conseil national de l’Ordre des médecins y est favorable depuis longtemps, mais il existe des pesanteurs. A l’instar de la carte professionnelle de santé, qui identifie absolument le professionnel, il serait souhaitable que le praticien puisse authentifier, via cet identifiant, le patient auquel il a affaire. Cet identifiant pourrait figurer sur la carte Vitale ou une autre carte publique ou privée, ce marché étant ouvert au secteur privé.

Il existe cependant de nombreuses réticences, notamment de la part de la CNIL. Se pose notamment la question de déterminer si le numéro d’identifiant devra être spécifique au domaine de la santé ou créé à partir du numéro INSEE. Le débat est en tout cas ouvert. Vos propos sont rassurants ; vous avez en effet démontré que le dossier médical, conçu par certains professionnels comme une véritable épée de Damoclès, pouvait être l’outil d’une meilleure communication, d’un meilleur dialogue, permettant de désamorcer des contentieux en recherche de responsabilité médicale.La loi du 4 mars instaure concomitamment deux dispositifs : l’indemnisation de l’aléa thérapeutique et la modernisation de la procédure d’expertise médicale. Ces deux autres aspects ne sont-ils pas également de nature à diminuer le fantasme procédural que d’aucuns évoquent à propos de ce libre accès au dossier médical ?

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Maître Catherine PALEY-VINCENT

Je partage absolument votre avis et je suis frappée par la façon dont l’expertise a été encadrée dans le cadre de l’aléa thérapeutique. Il semble que les experts seront désormais soumis à un crible bien plus sévère qu’auparavant. Or un expert, dès lors qu’il est désigné, consulte le dossier médical. Ce dernier constituera donc la clé de voûte de l’expertise. Dans le cadre d’un procès, le fait de disposer d’un dossier médical insuffisant peut être extrêmement préjudiciable. J’ai défendu un chirurgien d’un hôpital de province au sein duquel on ne rédigeait même pas de compte-rendu opératoire ! De même, il faut avoir défendu un obstétricien confronté à une équipe – anesthésiste, sage-femme, intervenants, etc. – et à sa clinique pour comprendre le caractère essentiel d’un dossier de transmission parfaitement rédigé. En leur absence, il s’ensuit inévitablement des discussions sans fin sur le déroulement de l’intervention en question.

Je suis Georges-Alexandre Humbert, de l’Association d’aide aux victimes des accidents et des maladies liés au médicament. Il existe une différence majeure entre les associations de patients et les associations de victimes, nuance que les journalistes négligent trop souvent. Notre association, très représentative, a reçu plus de trois mille témoignages portant sur les anti-cholestérols Bayer ; il s’avère que la sécurité sanitaire n’est pas du tout assurée. L’Association reçoit actuellement des questionnaires de pharmacovigilance que des médecins lui adressent car eux-mêmes ont été victimes de ces produits. L’un des derniers émanait d’un médecin expert judiciaire. Que peut inscrire un médecin dans le dossier du patient au sujet des anti-cholestérols alors qu’il ignore la façon dont ils fonctionnent ? Nous sommes donc particulièrement dubitatifs face à cette question de dossier médical. Il existe une relation de confiance entre le médecin et le patient ; dès lors que ce dernier demande communication de son dossier, c’est que cette confiance a en partie disparu. L’affaire de l’Isoméride va prochainement réapparaître sur le devant de la scène. De nombreux dossiers apparaissent d’ailleurs plus de dix ans après les faits, ce qui complique singulièrement les opérations.

Enfin, vous n’avez pas évoqué le pourcentage d’invalidité retenu ; il n’est certes toujours pas défini, mais il est important de savoir que la prise en compte de la CIVI se fait à partir d’une invalidité de 1 %, alors que le projet porte sur une prise en charge à partir de 25 %, ce qui est considérable.

Professeur Eric FOUASSIER

Il est largement exagéré de soutenir qu’il n’existe pas de sécurité sanitaire ; il est en revanche certain qu’il n’existe pas de risque zéro en matière de santé. La prise en charge de l’aléa thérapeutique, instaurée par la loi, constitue une bonne réponse. L’évolution récente du droit de la responsabilité, qu’il soit médical ou pharmaceutique, notamment par le biais de l’introduction d’une loi sur la responsabilité du fait des produits défectueux, qui retient la responsabilité sans faute du producteur et qui instaure une indemnisation dès lors qu’il peut être démontré un lien de causalité entre la prise d’un produit défectueux et un dommage, montre que la notion de responsabilité était de plus en plus étirée. En effet, la recherche en responsabilité n’était parfois pas tant motivée par la recherche d’un responsable – il arrive qu’il n’y en ait pas, qu’aucune faute n’ait été commise malgré l’existence d’un dommage – mais par celle d’un indemnisateur.

Tout l’intérêt de ce texte de loi relatif à l’indemnisation de l’aléa thérapeutique réside dans le fait de substituer à cet étirement excessif de la notion de responsabilité médicale la notion d’aléa thérapeutique. Ce texte est donc bien plus satisfaisant d’un point de vue juridique. On voyait en

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effet apparaître de façon croissante des responsabilités spécifiques sans faute, alors que la faute est le fondement classique de la responsabilité en droit français : sans faute, il n’y a pas de responsabilité.

Docteur André CHASSORT

En matière de vigilance sanitaire, je signale que le Conseil national de l’Ordre des médecins mettra en œuvre l’ensemble de ses moyens informatiques, dans le courant de l’année, afin d’instaurer un dispositif de vigilance, voire d’alerte sanitaire, auprès de tous les médecins, ce à partir de son fichier géré informatiquement et contenant les numéros de téléphone à contacter. L’objectif est d’être en mesure de contacter tous les médecins sous 48 heures – sous la pression du plan Biotox – ou de leur faire parvenir certaines données. Certaines données concernant la Cérivastatine auraient pu par exemple, à l’époque, intéresser les médecins. Cependant, je tiens à affirmer que la majorité des confrères savaient ce qu’était la Cérivastatine avant de la prescrire.

Je tiens à rappeler l’intérêt de la confidentialité. Toute l’éthique et la déontologie antérieures reposaient sur l’équation “ confidentialité = confiance ”, destinée à protéger le patient et non le praticien. Or à l’instar du dossier médical, l’informatisation fera de la confidentialité un principe “ virtuel ”.

Par ailleurs, cette absence de confidentialité se traduit éventuellement par des sanctions, professionnelles (éviction du salarié sous antidépresseurs), policières ou judiciaires. Le secret médical fut institué à une époque de terrorisme, au cours de laquelle il était demandé au médecin de soigner son patient sans le dénoncer au pouvoir en place. Qui sera responsable du non-respect de la confidentialité ? N’oublions pas non plus les indiscrétions concernant la santé de personnalités publiques. La transmission transparente des informations constitue incontestablement un point positif, mais elle ne doit pas faire oublier la nécessité de respecter le principe de confidentialité. Certains de mes patients m’ont indiqué que s’ils étaient prêts à ce que je rédige un dossier les concernant, ils s’opposaient à son informatisation. Que leur répondre ?

Docteur André CHASSORT

Si un patient s’oppose à la mise sur support informatique de son dossier, il convient évidemment de respecter son refus, conformément aux dispositions la loi de la CNIL de janvier 1978 et aux dispositions de votre profession – puisque vous êtes responsable du dossier médical.

Le professionnel doit évidemment protéger les données concernant le patient par rapport à tous les tiers extérieurs au processus de soins (journaliste, banquier, assureur, etc.). Le secret n’est en revanche pas opposable au patient lui-même.

Enfin, l’informatique, si elle permet la circulation des données, n’accroît pas le risque de rupture de la confidentialité. Elle peut même la renforcer si les données sont diffusées de façon suffisamment éclatée en réseaux et si cette diffusion est accompagnée de tout un ensemble de dispositifs de sécurité (signature, cryptage, etc.). La situation ne saurait en tout cas être pire que la situation déjà existante : dossiers médicaux traînant sur des coins de bureaux, internes dissertant dans les couloirs des hôpitaux, etc.

Une centralisation excessive des informations peut en revanche générer un risque.

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Clôture

Synthèse des interventions

Nicole ATECHIAN Présidente de l’Ordre national des sages-femmes

L’information contenue dans le dossier médical doit répondre impérativement à des critères de qualité. Le dossier médical doit permettre une meilleure communication entre tous les professionnels de santé et une meilleure information du patient, en l’éclairant sur son état de santé. Cette information est indispensable pour lui permettre de participer à la décision médicale et de donner son consentement aux soins. La confiance doit s’installer entre médecin et patient.

Cette information devra être orale et écrite, hiérarchisée et reposer sur des données validées. Elle devra préciser les risques graves, voire exceptionnels, ainsi que les moyens mis en œuvre afin de faire face à d’éventuelles complications. Elle devra être courte et synthétique, mais claire, donc compréhensible par tous, d’où la nécessité d’élaborer des documents avec des usagers. En effet, en 2002, le patient sera acteur de son traitement ; il conviendra donc de s’assurer que les informations divulguées ont été bien comprises et traduites dans la langue du patient.

Cet objectif doit répondre à un processus de mise en place validé par des sociétés savantes. L’ANAES, par exemple, préconise surtout des informations orales, car elles nécessitent un dialogue permanent dans le cadre de la relation de soins.

Le dossier médical doit enfin permettre une utilisation par la recherche.

Telles sont les caractéristiques du dossier médical, tel qu’il est souhaité par les professionnels de santé et les usagers. N’oublions pas que le patient du troisième millénaire voudra gérer sa santé.

Fonctions et avantages du dossier médical

André ROBERT Membre de l’Ordre des chirurgiens-dentistes

Elément fondamental, symbole des relations nouvelles qu’entretiennent les usagers avec les professions de santé, le dossier médical est la consécration légale des droits des usagers et de la démocratie sanitaire.

Il prévoit l’accès direct du patient à toutes les informations contenues dans son dossier, partant du postulat que l’on ne peut lutter que si l’on est informé et qu’une information loyale et claire représente l’élément fondamental du rapport de confiance praticien - malade.

En effet, le dossier patient constitue le support formel écrit – papier ou informatisé – de l’ensemble des informations concernant le malade, qu’il s’agisse des données administratives ou des données médicales nécessaires à sa prise en charge. Ce dossier patient est l’outil d’analyse, de synthèse, de planification, d’organisation et de traçabilité – des soins, des actes, des

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prescriptions, des produits et des dispositifs médicaux – et contribue directement, à ce titre, à la qualité et à la sécurité des prestations servies au patient. Il permet de s’assurer que les soins prodigués sont bien conformes aux données acquises de la science, rejoignant ainsi les obligations déontologiques. Il constituera également la clé de voûte des expertises futures. Il facilite par ailleurs l’obligation d’assurer la continuité des soins par la transmission des informations en cas de changement de praticien traitant et favorise les conditions de la prise en charge en cas de remplacement ou de changement de thérapeute.

Le dossier patient constitue le support de communication le plus approprié.

Pour atteindre son plein potentiel en termes d’efficacité et conserver sa crédibilité, la tenue et la conservation du dossier patient doivent respecter certains principes :

• confidentialité des données individuelles, qui doit être garantie ; • sécurisation des données individuelles ; • déclaration à la CNIL en cas d’informatisation ; • droit d’accès direct du patient.

Il convient également d’appréhender le délicat problème des hébergements.

Au titre du secret professionnel, le praticien doit veiller à la protection de ses dossiers individuels, conformément à sa déontologie.

La tenue du dossier patient est devenue une obligation incontournable, indispensable pour améliorer les conditions de prise en charge des patients et pour sécuriser les pratiques.

Le dossier médical est la réponse des professionnels de santé, dans le respect de la déontologie professionnelle, aux exigences accrues en termes de qualité des soins et de gestion des risques sanitaires, ainsi qu’aux attentes légitimes des populations. Se trouveront ainsi légalisées les nouvelles relations praticien - patient donnant aux malades les moyens d’exprimer leurs volontés et leur permettant de participer aux responsabilités nouvelles qu’ils souhaitent assurer à l’égard de leur santé.

Nous pourrons ainsi éviter au patient de se trouver sur le plan médical dans la situation de Meursault, “ l’étranger ” de Camus, voyant l’appareil judiciaire développer inexorablement son propre cas en dehors de lui, sans possibilité d’intervention. Le patient appréciera toujours le chaleureux réconfort d’un thérapeute bienveillant…