Le contrôle du comportement des systèmes complexes … · Le modèle « d induced fit » selon lequel la fixation du 5 AMP sur son site induit une série de déplacements de la
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Le contrôle du comportement des systèmes complexes ; des enzymes allostériques aux cellules tumorales et au‐delà Bernard Vandenbunder Institut de Recherche Interdisciplinaire USR 3078 Interdisciplinary Research Institute Berder 2013
Le contrôle du comportement des systèmes complexes ;des enzymes allostériques aux cellules tumorales et au‐delà
Bernard Vandenbunder
Institut de Recherche Interdisciplinaire USR 3078
Interdisciplinary Research Institute
Berder 2013
Bernard Vandenbunder
Note
J’étudie aujourd’hui dans des cellules vivantes des dynamiques d’interactions moléculaires que j’étudiais pendant ma thèse dans un tube à essai ; dans les deux cas il s’agissait de régulations. Mon exposé sera composé en trois parties qui recouvrent à différentes échelles la problématique "causalité corrélation" et plusieurs séminaires de cette école.
Le contrôle de l’activité de la Glycogène Phosphorylase
5’AMP Glc6Pcaffeine
Phosphorylase bActive(état R)
Phosphorylase bInactive(état T)
I
I
Bernard Vandenbunder
Note
Pour un jeune physicien qui avait eu bien du mal pour calculer les orbitales et les niveaux d’énergie des électrons dans l’atome d’hydrogène, l’étude d’une molécule de poids moléculaire 97.412 représentait une gageure. Cette molécule, la glycogène phosphorylase, est une enzyme qui catalyse la dégradation du glycogène. Les biologistes avaient montré que cette enzyme pouvait être activée par une petite molécule, le 5’AMP qui ne présente aucune analogie structurale avec son substrat. Ils avaient suggéré que cette activation était la conséquence de la fixation du 5’AMP sur un site distinct du site catalytique. Jacques Monod avait forgé le mot « allostérie » pour décrire ce mécanisme d’activation. Deux modèles étaient proposés pour expliquer cette activation. Le modèle « d’induced fit » selon lequel la fixation du 5’AMP sur son site induit une série de déplacements de la chaine polypeptidique qui se transmettent jusqu’au site catalytique. Le modèle allostérique selon lequel l’enzyme oscille entre deux conformations, inactive (ou tendue) et active ou (relaxe) ; en se fixant sur leur site, les activateurs allostériques stabilisent une conformation active de l’enzyme.
Le contrôle de l’activité de la Glycogène Phosphorylase
5’AMP Glc6Pcaffeine
Phosphorylase bActive(état R)
Phosphorylase bInactive(état T)
Phosphorylase aInactive(état T)
Phosphorylase aActive(état R)
caffeine
Ph kinase
Ph phosphatase
P
P
P
P
I
I
Bernard Vandenbunder
Note
Parallèlement, les biologistes avaient montré que la glycogène phosphorylase pouvait être activée par la phosphorylation d’un de ses résidus (le résidu sérine 14) ; ce mode d’activation est mis en place à la suite d’une simulation hormonale, tandis que l’activation par le 5’AMP permettait à l’enzyme d’ajuster son activité à l’état métabolique de la cellule. En première approximation on considère la phosphorylase a comme la forme active de l’enzyme.
Le contrôle de l’activité de la Glycogène Phosphorylase
5’AMP Glc6Pcaffeine
Phosphorylase bActive(état R)
Phosphorylase bInactive(état T)
Phosphorylase aInactive(état T)
Phosphorylase aActive(état R)
caffeine
Ph kinase
Ph phosphatase
P
P
P
P
I
I
Bernard Vandenbunder
Note
Lorsque notre travail a commencé, la structure de la forme inactive de la glycogène phosphorylase a été décrite par le groupe de Louise Johnson. Les sites activateurs et catalytique sont bien distincts de 3nm ; la sérine 14 est invisible, parce que l’extrémité peptidique sur laquelle elle est située « flotte » dans le solvant.
inactive« tendue »
la Glycogène Phosphorylase b peut être activée par des effecteurs spécifiques et non spécifiques
Ph b en absence de 5’AMP
site activateur
site catalytique
active« relaxée »
Conformational changes and local events at the AMP site of glycogen phosphorylase b : a fluorescence temperature‐jump relaxation study. Vandenbunder et al. Biochemistry 17, 4153‐4160 (1978).
Le contrôle de l’activité de la Glycogène Phosphorylase
ms min
Bernard Vandenbunder
Note
Marked définie par Bernard Vandenbunder
Bernard Vandenbunder
Note
Les techniques de cinétique rapide (T-jump) mises au point dans le laboratoire de Manfred Eigen ont été utilisées pour étudier la dynamique de cette enzyme. Une première série de travaux avait été basée sur les variations du spectre d’absorption de ses résidus aromatiques selon leur environnement. Elle avait permis de mettre en évidence trois étapes dans le retour à l’équilibre de la phosphorylase perturbée par une variation brusque de température en absence de tout effecteur. Les temps caractéristiques des deux premières étapes indépendants de la concentration d’enzyme, étaient caractéristiques de deux isomérisations.
inactive ‐ Phosphorylation
‐ Fixation 5’AMP
‐ Solvants apolaires (alcools)
« tendue »
la Glycogène Phosphorylase b peut être activée par des effecteurs spécifiques et non spécifiques
Ph b en absence de 5’AMP
site activateur
site catalytique
active« relaxée »
Conformational changes and local events at the AMP site of glycogen phosphorylase b : a fluorescence temperature‐jump relaxation study. Vandenbunder et al. Biochemistry 17, 4153‐4160 (1978).
10ms
εAMP
200µs
εAMPεdAMP
Le contrôle de l’activité de la Glycogène Phosphorylase
ms 10 min
Glc1P
Bernard Vandenbunder
Note
Nous avons utilisé deux analogues fluorescents de l’AMP, l’edAMP et l’eAMP qui tous deux se fixent au site activateur de la phosphorylase b. Suite à cette fixation, on observe une extinction de leur fluorescence qui a été attribuée à un empilement de la base de ces nucléotides avec un résidu aromatique de l’enzyme. Cette extinction est différente pour l’edAMP et l’eAMP. Les études de cinétique montrent que la phosphorylase a fixe l’eAMP avec un temps de résidence de 10ms, tandis que l’edAMP ne se fixe que sur une configuration minoritaire de la phosphorylase a avec un temps de résidence de 0,7ms. La phosphorylase b fixe l’edAMP et l’eAMP avec des temps de résidence de l’ordre de 200µs. Une conformation minoritaire de la phosphorylase b fixe l’eAMP seulement avec un temps de résidence de 10ms. Nous avons montré que conformation devient majoritaire en présence de sels qui augmentent la solubilité des résidus chargés, et en présence de solvants apolaires comme l’éthanol ou le méthanol.
Bernard Vandenbunder
Note
Il est donc possible d’activer la phosphorylase b par trois chemins différents, la fixation du 5’AMP, la phosphorylation d’un résidu sérine et la modification non spécifique de l’environnement des résidus hydrophobes et chargés.
inactive« tendue »
Ph b en absence de 5’AMP
site activateur
site catalytique
1
Les échanges d’information entre le site effecteur et le site catalytique sont réciproques
Mechanism of allosteric activation of glycogen phosphorylase probed by the reactivity of essential arginyl residues. Physico‐chemical and kinetic studies. Dreyfus et al. Biochemistry 19, 3634‐3642 (1980).
* *
Le contrôle de l’activité de la Glycogène Phosphorylase
Bernard Vandenbunder
Note
Nous avons ensuite exploré le site catalytique de la phosphorylase. Un de ses substrats, le Glucose 1P, tout comme son activateur le 5’AMP comporte un groupement phosphate, qui est susceptible d’interagir avec un résidu arginine de l’enzyme. Nous avons donc incubé la phosphorylase b en présence de réactif spécifique des arginines. L’enzyme ainsi marqué n’est plus activable par le 5’AMP, mais elle reste activable par des alcools ; nous avions donc marqué un résidu arginine au site activateur.
inactive« tendue »
Ph b en absence de 5’AMP
site activateur
site catalytique
1
Les échanges d’information entre le site effecteur et le site catalytique sont réciproques
Mechanism of allosteric activation of glycogen phosphorylase probed by the reactivity of essential arginyl residues. Physico‐chemical and kinetic studies. Dreyfus et al. Biochemistry 19, 3634‐3642 (1980).
* *
2Marquage covalent
+ 5’AMP active« relaxée »
*
*
5’AMP
Le contrôle de l’activité de la Glycogène Phosphorylase
Bernard Vandenbunder
Note
Si on effectue l’expérience de marquage des résidus arginine avec la phosphorylase a ou la phosphorylase b en présence de 5’AMP, on perd l’activité catalytique de l’enzyme par la capacité de fixer le Glucose 1P. Nous avons donc mis en évidence l’existence d’un résidu arginine au site catalytique, enfoui dans la forme inactive de l’enzyme et accessible au substrat dans la forme active de l’enzyme. Avec des techniques classiques de chimie des peptides, nous avons identifié ce résidu comme le résidu Arg568, résidu que Louise Johnson avait repéré au voisinage du site catalytique sur la structure de la phosphorylase b.
inactive« tendue »
Ph b en absence de 5’AMP
site activateur
site catalytique
1
Les échanges d’information entre le site effecteur et le site catalytique sont réciproques
Mechanism of allosteric activation of glycogen phosphorylase probed by the reactivity of essential arginyl residues. Physico‐chemical and kinetic studies. Dreyfus et al. Biochemistry 19, 3634‐3642 (1980).
* *
active
10ms
εAMP
« relaxée »
3
‐ 5’AMP
Ph b marquée en absence de 5’AMP
*
*
2Marquage covalent
+ 5’AMP active« relaxée »
*
*
5’AMP
Le contrôle de l’activité de la Glycogène Phosphorylase
Bernard Vandenbunder
Note
Nous avons ensuite cherché à caractériser la conformation de la phosphorylase b dont le site catalytique était marqué par le réactif spécifique des arginines. Nous avons montré que ce marquage stabilisait l’enzyme dans une configuration active, qui fixe l’eAMP et non l’edAMP avec un temps de résidence de 10ms ! Ce résultat établit une réciprocité entre l’état du résidu Arg568 et la conformation de l’enzyme.
Le contrôle de la prolifération et de la différentiation cellulaire
Bernard Vandenbunder
Note
2. Pour les chercheurs confrontés à la grande variété des phénotypes de cellules cancéreuses, parmi laquelle il était difficile de distinguer ce qui était essentiel et ce qui était accessoire, la découverte des oncogènes (« gènes de cancer ») apportait un espoir de simplification. Les premiers oncogènes ont été identifiés dans le génome de virus qui causaient des tumeurs dans les animaux (poulets, souris) infectés. Avec certains mutants de ces virus, l’apparition de ces tumeurs était observée beaucoup plus rapidement qu’avec les virus sauvages. La comparaison des génomes de ces virus a permis d’établir que ces mutants avaient embarqué dans leur génome un gène de la cellule qui était activé de façon constitutive dans les cellules infectées. L’étude de la prolifération de cellules en culture a fourni autre voie pour la recherche « de gènes de cancer ». Des cellules « normales » prolifèrent jusqu’à ce quelles forment un tapis confluent qui recouvre la boite dans lesquelles elles sont mises en culture. Si on leur « transfecte » de l’ADN extrait de cellules cancéreuses, ces cellules « normales » se mettent à proliférer comme des cellules cancéreuses, en formant des petits amas qui « ressemblent » à des tumeurs. Le premier gène qui a été ainsi identifié dans l’ADN d’une tumeur de poumon d’un fumeur était l’oncogène ras, qui avait été trouvé par ailleurs dans le génome d’un virus qui causait des tumeurs chez les souris infectées. Une troisième voie pour l’identification des « gène de cancer », l’étude des anomalies (translocations) chromosomiques dans des leucémies humaines a permis d’identifier l’oncogène myc, qui avait été trouvé par ailleurs dans le génome d’un virus qui causait des tumeurs dans les poulets infectés. A une époque où les techniques de séquençage d’ADN étaient beaucoup moins performantes qu’elles le sont aujourd’hui, la convergence de ces trois voies indépendantes pour l’étude des oncogènes suggérait qu’on avait mis le doigt sur des gènes essentiels.
Bernard Vandenbunder
Note
Mes collègues biologistes m’ont suggéré alors que ces travaux de physico-chimie avaient un intérêt limité parce qu’ils avaient été effectués dans des conditions non physiologiques (entre 4 et 11°C). Ils m’ont convaincu que le challenge était d’aller faire de la physique dans les cellules vivantes. Dans les années 80, les physiciens s’intéressaient au cytosquelette qui détermine la forme des cellules. C’était aussi l’époque où triomphait le concept d’oncogène qui contrôle la prolifération des cellules.
Une « théorie unificatrice des cancers »
Le contrôle de la prolifération et de la différentiation cellulaire
1985
Les oncogènes agissent comme des accélérateurs de la prolifération, les anti‐oncogènes comme des freins
Oncogènes et anti‐oncogènes sont peu nombreux et essentiels
Bernard Vandenbunder
Note
Quelques années après les oncogènes étaient découverts des gènes suppresseurs de tumeurs ou « anti oncogènes » dont l’absence est associée à la progression tumorale. La découverte de la fonction des produits de ces oncogènes a permis de proposer une « théorie unificatrice des cancers ». On notera que la notion d’oncogène est associée à une vision linéaire (et câblée) de la voie de signalisation contrôlant la prolifération cellulaire "Nature education).
Une « théorie unificatrice des cancers »
Le contrôle de la prolifération et de la différentiation cellulaire
1985
Les oncogènes agissent comme des accélérateurs de la prolifération, les anti‐oncogènes comme des freins
Oncogènes et anti‐oncogènes sont peu nombreux et essentiels
contrôle FGF‐2
LIBE
‐neo
LIBE
‐DB
Etudes fonctionnelles
Etudes in situ
Wernert,N
.etal.c‐ets1
proto‐oncogeneisatranscription
factorexpressed
inendothelialcells
duringtum
orvascularization
andother
formsofangiogenesis
inhum
ans.American
JournalofPathology(1992)140
:119‐127Mattot, V., et al. Constitutive expression of the D
NA binding dom
ain of Ets1 increases the adhesion of endothelial cells and stim
ulates their differentiation into capillary‐like structures.Oncogene, (2000), 19, 762‐772.
Ets1
Bernard Vandenbunder
Note
Les travaux qui ont suivi ont remis en cause cette théorie. Les oncogènes sont peu nombreux ? Le nombre de gènes impliqués dans la progression tumorale est de l’ordre du millier. Les oncogènes sont essentiels ? L’inactivation de nombreux oncogènes, à commencer par src, n’est pas létale. L’étude de leur patron d’expression montre qu’ils sont impliqués dans une grande variété de processus physiologiques. Src est exprimé dans le cerveau, un tissu qui n’est pas caractérisé par la prolifération des cellules qui le constitue. On a pu dire que fos était activé quand on fait du jogging ! Pour la tumeur représentée ici, nous avons montré qu’ets1 ne s’exprimait pas dans les cellules cancéreuses, mais dans les cellules endothéliales des vaisseaux qui irriguent cette tumeur ! L’expression d’ets1 est induite dans ces cellules par les facteurs angiogéniques comme le FGF ; elle n’est pas observée dans les cellules endothéliales des vaisseaux qui irriguent les tissus sains. Nous avons immédiatement pensé qu’en bloquant l’activité du facteur de transcription codé par ce gène, on bloquerait la formation de nouveaux vaisseaux qui est indispensable au développement des tumeurs. En bloquant l’activité d’Ets1 (et des membres de sa famille) par le domaine de fixation à l’ADN d’Ets1 qui agit comme un leurre, on stimule in vitro la formation de structures qui ressemblent à des petits vaisseaux sanguins. On trouve dans la littérature un grand nombre d’effets paradoxaux similaires. Selon leur niveau d’expression, le lieu ou le moment de leur expression certains gènes se comportent comme oncogènes ou comme anti-oncogènes. Les oncogènes étaient considérés comme des chefs d’orchestre, « key master genes » et voici que certains « gènes de ménage » se comportent comme des oncogènes !
2010
Une vision dynamique
Le contrôle de la prolifération et de la différentiation cellulaire
Bernard Vandenbunder
Note
Un tournant dans l’étude des oncogènes est venu par la contribution de physiciens qui ont repéré des boucles de rétroaction dans les voies de signalisation impliquant les oncogènes p53 et NFkB/rel. Ils ont montré que ces systèmes pouvaient osciller ; la preuve expérimentale, qui n’était pas très convaincante à l’échelle d’une population de cellule (dont on extrait les ARNs) est devenue manifeste lorsqu’on a pu observer l’activité de ces boucles de rétroaction dans des cellules uniques grâce à des protéines marquées avec des étiquettes fluorescentes. Pour l’activation de NFkB par le TNFa, on observe une série d’oscillations amorties qui différent d’une cellule à l’autre.
2010
Une vision dynamique
Le contrôle de la prolifération et de la différentiation cellulaire
Implication of HIC1 (Hypermethylated in Cancer1) in the DNA damage responseDehennaut V and Leprince D, 2009, Bulletin du Cancer, 96
Bernard Vandenbunder
Note
Marked définie par Bernard Vandenbunder
Bernard Vandenbunder
Note
Il faut noter l’existence de nombreuses boucles de rétroaction qui ont été mises en évidence par les approches de biologie moléculaire, dont la dynamique n’a pas été étudiée.
Le contrôle de la prolifération et de la différentiation cellulaire
Is the cytoplasm intelligent too ? Albrecht Buehler G, Cell Muscle & Motility 1985, 6;1‐21
Bernard Vandenbunder
Note
Au cours de cette brève histoire des oncogènes, on est passé de l’étude des gènes à celles des réseaux qui contrôlent la prolifération et la différentiation cellulaire. On a vu apparaitre le rôle du microenvironnement dans la progression des tumeurs.
Le développement du cœurde l’embryon de poulet
Le contrôle de la prolifération et de la différentiation cellulaire
Cell tension, matrix mechanics and cancer development Huang S and Ingber DE, 2005, Cancer Cell, 8, 175‐6
Bernard Vandenbunder
Note
Il est important de souligner ici que les réseaux qui contrôlent la prolifération et la différentiation cellulaire ne sont pas des réseaux de gènes, mais des réseaux multi-échelles dans lequel il faut tenir compte de la structure de la chromatine, des modifications post traductionnelles, et de la rigidité du microenvironnement. On peut considérer la cellule comme une collection d’oscillateurs qui battent à des rythmes qui vont de la milliseconde à la journée, et une question majeure concerne la façon dont des programmes de développement robustes peuvent émerger au milieu des activités stochastiques des acteurs moléculaires individuels. Une des réponses possibles à cette vaste question sera peut être trouvée en considérant la robustesse du programme de développement du cœur. Ici, développement et fonction sont étroitement liés. Lors de la formation de l’arbre vasculaire, seuls les néo-capillaires convenablement irrigués sont stabilisés.
Le contrôle spatio‐temporel de la régulation transcriptionnelle
E. Coli H. Sapiens
3.200 25.000
102 to 103 bp : 400 gènes103 to 104 bp : 6000 gènes, 1 à 10 minutes104 to 105 bp : 12.200 gènes 10 à 100 min 105 to 106 bp : 3200 gènes106 to 2.4 106 bp : 62 gènes 16 à 24 h
Nombre de gènes
Longueur des gènes Durée transcription
Nombre de transcrits par gène , 0.1 à 106
Nombre de molécules de RNA Pol II 300.000
10 nm
2 µm
Bernard Vandenbunder
Note
Nous allons donc chercher à mettre en œuvre des outils de physico-chimie pour étudier ces réseaux de régulation, et plus particulièrement les réseaux de régulation transcriptionnelle dans des cellules vivantes. Il convient d’abord de rappeler la complexité du système, telle qu’elle a pu être décrite par les approches globales. On rappellera aussi que le noyau n’est pas une soupe de gènes et d’enzymes, mais qu’on peut y distinguer des compartiments fonctionnels (ici les territoires chromosomiques ou des usines à transcription) dont la structure dépend de l’activité. J’évoquerai notre travail sur les Polycomb bodies et sur le facteur d’élongation de la transcription P-TEFb.
!e tube à essais
10 nm
RNA Pol II 12 sous unités
50 nm
200 nm
600 bp
20/100 kbp
20 à 45 spour la transcription
200 µs.
Diffusionpour une protéine de
30kDa
30 min à 3hpour la transcription
temps
200 nm
Le contrôle spatio‐temporel de la régulation transcriptionnelle
E. Coli H. Sapiens
3.200 25.000
102 to 103 bp : 400 gènes103 to 104 bp : 6000 gènes, 1 à 10 minutes104 to 105 bp : 12.200 gènes 10 à 100 min 105 to 106 bp : 3200 gènes106 to 2.4 106 bp : 62 gènes 16 à 24 h
Nombre de gènes
Longueur des gènes Durée transcription
Nombre de transcrits par gène , 0.1 à 106
Nombre de molécules de RNA Pol II 300.000
dimensions
600 nm
10 nm
Médiateur 28 sous unités
2 µm
Nécessité d’une approche intégrée
Molécules marquées/ µm3 Gamme de temps
FRET > 1000 secondes/min
Spectroscopies de corrélation, FCS, FCCS, ICS, < 10 µs à secondes
Méthodes de photoblanchiment, FRAP & FLIP > 100 ms_
Suivi de particule unique 10 ms à 300ms_
!es outils pour étudier la dynamique des interactions moléculaires
Le contrôle spatio‐temporel de la régulation transcriptionnelle
Spiller DG et al. Measurements of single cell dynamics. Nature 465, 736-745 (2010).
Un compartiment silencieux : les polycomb bodies
plusieurs peignes !
Le contrôle spatio‐temporel de la régulation transcriptionnelle
Bernard Vandenbunder
Note
« Polycomb », plusieurs peignes, est le nom qui a été donné aux mutants de Drosophile qui présentent plusieurs peignes sexuels, suite à la duplication du segment des secondes et troisièmes pattes portant cet ustensile. Ce mutant est le prototype de mutants qui présentent des anomalies de leur plan de développement (une patte à la place d’une antenne, ou une paire d’ailes supplémentaires ...). Les gènes correspondants sont impliqués dans le maintien de l’identité des segments de la mouche ; ils sont conservés au cours de l’évolution et jouent des rôles « similaires » au cours du développement de l’embryon humain.
Un compartiment silencieux : les polycomb bodies
Le contrôle spatio‐temporel de la régulation transcriptionnelle
Chromosome kissing
Bernard Vandenbunder
Note
Les gènes de la famille Polycomb conservent la mémoire de l’identité des cellules en maintenant la répression de l’expression de nombreux gènes cibles. Les produits de ces gènes forment des complexes qui peuvent être recrutés par la chromatine par des mécanismes différents, directement par la reconnaissance de séquences cibles, ou via des modifications des histones ; on distingue une fixation de ces complexes et leur étalement sur la chromatine. Dans le noyau de cellules de Drosophile, ces protéines forment des Polycomb bodies, qui sont considérées comme des zones où se rassemblent leurs gènes cibles pour être réprimés (on appelle ce phénomène « chromosome kissing »).
Un compartiment silencieux : les polycomb bodies
À l’extérieur
time (s)
CBX4
À l’extérieur
Diffusion. Df 5 µm2/s
Fixation trésidence 2 à 4s
Le contrôle spatio‐temporel de la régulation transcriptionnelle
prebleach postbleach
0.10s 0.15s 0.21s 0.26s
time (s)
( Gau
ssia
n w
idth
)2
DCN
orm
aliz
ed in
tens
ity
time (s)
Bernard Vandenbunder
Note
Nous avons étudié la dynamique des protéines qui constituent ces complexes dans des cellules humaines. A l’extérieur des Polycomb bodies, les courbes de recouvrement de fluorescence après photoblanchiment (FRAP) sont reproductibles ; on interprète l’évolution du profil de fluorescence de la zone photoblanchie et les cinétiques de recouvrement par la diffusion des protéines du complexe et leur fixation sur l’ADN.
Un compartiment silencieux : les polycomb bodies
À l’extérieur A l’intérieur
CBX4
time (s)time (s)
CBX4
À l’extérieurA l’intérieur
Diffusion. Df 5 µm2/s
Fixation trésidence 2 à 4s
Compartiment lent 20 à 75s
Compartiment « immobile »
Le contrôle spatio‐temporel de la régulation transcriptionnelle
Vandenbunder et al, soumisFixation sur gènes cibles ? Etalement sur la chromatine ?
Bernard Vandenbunder
Note
Unmarked définie par Bernard Vandenbunder
Bernard Vandenbunder
Note
A l’intérieur des Polycomb bodies, les courbes de FRAP sont plus lentes et elles présentent une grande variabilité. On distingue plusieurs fractions, une fraction immobile, une fraction qui s’échange lentement (20 à 70s) et une fraction rapide dont l’amplitude diminue quand l’intensité du Polycomb body augmente. Il est tentant d’interpréter l’immobilisation et les échanges lents comme des processus de fixation sur la chromatine et non plus sur l’ADN. Ce travail montre à la fois l’intérêt des études dynamiques sur des cellules individuelles et les limites de l’utilisation d’une seule technique (ici le FRAP) pour aborder la complexité de ces systèmes.
Au cœur des usines à transcription, P‐TEFb et l’élongation
Les leçons de la biochimie Les leçons de la biophysiquedans des cellules vivantes
5% 45%
Ultracentrifugation sur gradient de sucrose
FRAP/FLIP
FRET
FCS
DRB ralentit la migration de CT1
DRB augmente le signal de FRET entre CT1 etHEXIM, entre CT1 et la RNA Pol II
Mise en évidence d’au moins 3 fractions de CT1Une fraction lente majoritaire en présence de DRBUne fraction qui migre à la même vitesse que la RNA Pol IIsans être engagée dans la transcription
400/500Kd 130Kd
DRB
Site de stockage
Usine à transcription
50nm
CT1-CDK9
CT1-CDK9-HEXIM-7SK
Le contrôle spatio‐temporel de la régulation transcriptionnelle
Collaboration avec les équipes d’Olivier Bensaude et Xavier Darzacq, ENS Paris
Bernard Vandenbunder
Note
Après l’assemblage des dizaines de protéines qui composent le complexe d’initiation de la transcription et la copie en ARN de quelques dizaines de nucléotiques, il arrive à la RNA Polymérase de faire une pause avant d’entreprendre la transcription du gène sur toute sa longueur. Cette pause peut être un moyen pour la RNA polymérase de se tenir sur les starting blocks prête à répondre à des besoins urgents de la cellule ! Le Positive Transcription elongation factor b (P-TEFb) a été identifié, qui stimule comme son nom l’indique l’élongation de la transcription.
Bernard Vandenbunder
Note
Les travaux du groupe de Xavier Darzacq et nos travaux ont donné des résultats inattendus. Ils montrent que ce qui se passe dans une cellule vivante est bien différent de ce qui se passe dans un tube à essais !!! Ils visent à étudier la régulation transcriptionnelle dans le temps et dans l’espace.
Bernard Vandenbunder
Note
P-TEFb s’associe à d’autres protéines qui contrôlent son activité. Les travaux de biochimie du groupe d’Olivier Bensaude ont permis de caractériser deux catégories de complexes P-TEFb, des complexes légers actifs et des complexes lourds inactifs. Le DRB stimule la dissociation du gros complexe
We'll be able to do excellent biology without having to learn it. Sir Francis Crick cited by Vittorio Luzzati
« out of control »; les acteurs et les institutions
Sydney Harris, ScienceCartoonsPlus.com
Ce que j’aime bien dans ce travail de savant philosophe, c’est que je n’ai pas besoin de me salir les mains
Bernard Vandenbunder
Note
Tout au long de cet exposé, j’ai cherché à illustrer l’intérêt que présente une approche multidisciplinaire d’un système biologique, à commencer par une façon différente de poser les problèmes et d’ouvrir un nouveau champ de questions. Le succès des entreprises interdisciplinaires suppose des compétences solides dans sa propre discipline et l’identification d’un système ou d’un problème pour lequel une approche purement moléculaire a montré ses limites. Il n’est pas facile de reconnaître ses limites dans une société qui considère l’excellence comme valeur suprême ! Il n’est pas facile de réussir un projet interdisciplinaire alors que le vocabulaire, les rythmes et les codes des acteurs sont différents ; l’aide d’ethnologues ou de sociologues pourrait être utile pour comparer les mœurs des tribus de physiciens, biologistes, mathématiciens ...
Bernard Vandenbunder
Note
Je voudrais aussi associer à ces entreprises des philosophes pour nous aider à dépoussiérer les concepts et reconnaître les lunettes idéologiques que nous utilisons (La plus grande entrave au progrès de la science provient très souvent d’œillères conceptuelles et non pas du manque de données. SJ Gould, La vie est belle). Contrairement à ce que suggère le personnage de ce dessin, nous ne sollicitons pas la philosophie en fin de carrière, pour faire joli ou apporter un alibi éthique. Il importe que ce travail philosophique soit relié le plus directement possible au travail de paillasse, pour aider à penser la complexité du vivant.
Il y a quelque chose qui est pour ainsi dire la mauvaise conscience de la bonne conscience rationaliste et lescrupule ultime des esprits forts ; quelque chose qui proteste et « remurmure » en nous contre le succès desentreprises réductionnistes …
Si, au lieu de battre des mesures différentes, les durées étaient accordées entre elles par une harmonieimmémorialement préétablie, ou si, au lieu de s’accorder quelquefois, elles formaient entre elles unecacophonie absolument informe, il n’y aurait pas de place pour l’occasion. La miraculeuse occasion tient à lapolymérie et à la polyrythmie, ainsi qu’à l’interférence momentanée des devenirs. Plus précisément encore :l’occasion est le point où coïncident les moments privilégiés de deux chronologies distinctes ; l’occasion estdonc une simultanéité ‐ non pas une simultanéité indifférente, mais une heureuse simultanéité qui favorisenos desseins ou notre savoir.
L’occasion n’opère que parce que la situation est rendue instable, explosive, virtuellement féconde en effetspotentiels grâce à la préexistence latente de la cause ...
Hélas ! la crasse grossièreté de nos organes, aggravée par la pesanteur et l’hébétude d’un incurable esprit degéométrie, prépare mal l’entendement obtus à saisir les impondérables. L’entendement est plutôt fait pourdénouer des câbles que pour trier des fils d’araignée ! « Ce sont, dit Marivaux, des objets de sentiment sicompliqués, et d’une netteté si délicate, qu’ils se brouillent dès que ma réflexion s’en mêle. ». Un objetinfiniment délicat veut un esprit délié infiniment.Comme on a trouvé le microscope pour corriger la myopie lamentable des hommes et allonger leur courtevue, trouverons‐nous l’appareil qui aiguise notre faculté de discernement si émoussée ?
V.Jankélévitch « Le Je ne sais quoi et le presque rien »
Bernard Vandenbunder
Note
Voici quelques extraits d’un petit livre qui m’a accompagné lorsque je « prenais en pleine figure » la complexité des patrons d’expression des oncogènes à un moment où la notion d’oncogène était à son apogée. Je me permets de vous en recommander la lecture ; vous y trouverez des perles !
Ne dors pas quand tu rêves !
« out of control »; les acteurs et les institutions
from the New Yorker
Bernard Vandenbunder
Note
Le succès des entreprises interdisciplinaires suppose de leur définir un cadre institutionnel adéquat. Mina Bissel m’a donné ce dessin du New Yorker, qui fera sourire celles et ceux qui peinent à gérer le dossier d’étudiants physiciens dans des UFR de biologie, ou qui cherchent la commission qui sera à même d’apprécier leur activité. Franchir les frontières entre disciplines n’est pas une entreprise aisée ; mais elle vaut la peine ! Ce n’est pas les participants à cette école qu’il faut convaincre.
Merci !
Henri Buc
Michel Morange
Marc Dreyfus
Germaine Saudemont
Antoine Danchin
Françoise Dierterlen
Véronique Fafeur
Gary G Borisy
Dominique Stéhelin
Michel Bornens
Nicolas Wernert
Luc Pardanaud
Thierry Jaffredo
Fabrice Soncin
Virginie Mattot
Frédéric GillesLaurent Héliot
Institut Pasteur
U of Wisconsin Madison
Marie Anne Mirabel
Marie Berthe Raes
Etienne Lelièvre
Xavier Desbiens
Elisabeth Brambilla
Institut d’embryologie Nogent/Marne
Isabelle Bolon
Olivier Bensaude
Xavier Darzacq
Aymeric Leray Florian MuellerENS Paris
IRI
Nicolas Fourré Laboratoire d’Oncologie Moléculaire Lille