le chef-d’Œuvre, Évaluation valorisante · le 31 mai sera la date limite pour le travail...

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Cahiers du Service de Pédagogie expérimentale - Université de Liège - 11-12/2002 149 Le chef-d’œuvre, évaluation valorisante LE CHEF-D’ŒUVRE, ÉVALUATION VALORISANTE Isabelle Pierdomenico 1 Prologue Le chef-d'œuvre, tel que nous en traiterons dans ces pages, est le triple résultat du travail d'une année scolaire, portant sur un sujet choisi par l'enfant en dernière année du quatrième cycle de l’école fonda- mentale. Triple, car il s'agit pour l'enfant de produire un journal écrit et un support en trois dimensions, puis de présenter le tout par un exposé oral lors de la Fête des chefs- d'œuvre réunissant enfants, parents, directeur, enseignants et invités spéciaux (notamment les parrains des chefs-d'œuvre). Le chef-d'œuvre est une évaluation sommative, car il exige la mobilisation de toutes les compétences travaillées au cours du primaire. C’est ainsi que l’ont vécu les enfants de l’école communale de My (Ferrières), où nous avons eu la chance d’être l’une de leurs deux enseignants. Après sept années de pratique professionnelle, nous avons eu l'opportunité de prendre du recul pour observer le chef-d’œuvre 2 et y réfléchir sous l'éclairage des cours en sciences de l'éducation. Notre mémoire tente de conceptualiser cette pratique, que nous avons présentée en deux temps. Cet article suivra la même structure : le premier temps, celui d’institu- trice primaire, est consacré à la présentation de nos enjeux et objectifs d’enseignants, et à la description des conditions organi- sationnelles ; le deuxième temps, celui de future pédagogue, confronte une logique de concepteur à celle de chercheurs en éducation, puis à celle des bénéficiaires : les enfants et leurs parents. 1 Faculté de Psychologie et Sciences de l’Éducation de l’Université de Liège. 2 Nous aurions pu observer le chef-d’œuvre au présent, mais nous avons choisi le regard rétrospectif, pour deux raisons : l’envie d’analyser notre pratique et son impact, d’une part ; l’absence de chef-d’œuvre personnel cette année à My, d’autre part, puisque notre collègue est devenu directeur à l’école de Vierset- Barse.

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Cahiers du Service de Pédagogie expérimentale - Université de Liège - 11-12/2002 149

Le chef-d’œuvre, évaluation valorisante

LE CHEF-D’ŒUVRE, ÉVALUATION VALORISANTE

Isabelle Pierdomenico1 Prologue

Le chef-d'œuvre, tel que nous en traiterons dans ces pages, est le triple résultat du travail d'une année scolaire, portant sur un sujet choisi par l'enfant en dernière année du quatrième cycle de l’école fonda-mentale. Triple, car il s'agit pour l'enfant de produire un journal écrit et un support en trois dimensions, puis de présenter le tout par un exposé oral lors de la Fête des chefs-d'œuvre réunissant enfants, parents, directeur, enseignants et invités spéciaux (notamment les parrains des chefs-d'œuvre). Le chef-d'œuvre est une évaluation sommative, car il exige la mobilisation de toutes les compétences travaillées au cours du primaire. C’est ainsi que l’ont vécu les enfants de l’école communale de My (Ferrières), où nous avons eu la chance d’être l’une de leurs deux

enseignants. Après sept années de pratique professionnelle, nous avons eu l'opportunité de prendre du recul pour observer le chef-d’œuvre2 et y réfléchir sous l'éclairage des cours en sciences de l'éducation. Notre mémoire tente de conceptualiser cette pratique, que nous avons présentée en deux temps. Cet article suivra la même structure : • le premier temps, celui d’institu-

trice primaire, est consacré à la présentation de nos enjeux et objectifs d’enseignants, et à la description des conditions organi-sationnelles ;

• le deuxième temps, celui de future

pédagogue, confronte une logique de concepteur à celle de chercheurs en éducation, puis à celle des bénéficiaires : les enfants et leurs parents.

1 Faculté de Psychologie et Sciences de l’Éducation de l’Université de Liège. 2 Nous aurions pu observer le chef-d’œuvre au présent, mais nous avons choisi le regard rétrospectif, pour

deux raisons : l’envie d’analyser notre pratique et son impact, d’une part ; l’absence de chef-d’œuvre personnel cette année à My, d’autre part, puisque notre collègue est devenu directeur à l’école de Vierset-Barse.

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Le chef-d’œuvre, évaluation valorisante

Le premier temps : institutrice primaire Notre logique de concepteurs

Puisque nous avons la chance d'être deux1 dans notre petite école de village perdue entre champs et forêt, et que nous pouvons suivre les enfants pendant six ans, nous choisissons de former une équipe et de fonctionner en continuité. Parce que nous pensons qu'apprendre est source de joie, la Fête des chefs-d'œuvre est l'ultime activité proposée à l'enfant dans son parcours à My. Elle est à la fois aboutissement et départ, car nous avons envie de faire vivre une scolarité différente de celle que nous avons vécue enfants : un moment d'auto-socio-construction de savoirs, savoir-faire, savoir-être, savoirs sur soi qui laisse le goût d'apprendre encore et toujours2. Nous la concevons comme une évaluation valorisante : c'est ainsi que nous avons défini le chef-d'œuvre, lors de l'une de nos quoti-diennes concertations pédagogiques. D’où vient l’idée de chef-d’œuvre ?

Depuis la fin du Moyen-Age, le tour de France est une école technique et morale qui inculque le goût du travail bien fait et prépare à la réali-sation du chef-d’œuvre par lequel le jeune ouvrier prouvera ses connais-sances et capacités techniques. Il fait

1 Le nous de ce premier temps est donc pluriel. 2 Ces mots tentent de résumer le PyraMy’s, notre

projet d’établissement, qui détaille comment cette option pédagogique se réalise concrète-ment.

suite à l’apprentissage en atelier avec un maître et dure six ou sept ans. Lors de cette longue marche, dont les étapes sont particulières à chaque métier, l’aspirant compagnon acquiert les tours de main régionaux, de nouvelles habitudes de travail, rencontre de nouveaux patrons, collègues, outils… C’est cette idée de compagnonnage (le partage des savoirs et des compétences, la solidarité entre générations) et du dépassement de soi qui nous ont inspiré le chef-d’œuvre à My.

1. Qu’est-ce que le chef-d'œuvre ? Les consignes

Nous avons reproduit ci-après le document écrit donné aux enfants.

CONTRAT 1. Réaliser un journal Dyna'My't3 spécial sur le sujet

choisi, qui sera vendu lors de la fête des chefs-d'œuvre

Le candidat le réalisera seul : rédaction,

typographie, mise en page, impression. La copie ne contiendra pas de fautes

d'orthographe. 10 exemplaires seront remis à l'école (ceux-là

pourront être photocopiés à l'école). L’auteur calculera son prix de vente et le vendra

pour en tirer un bénéfice. Prix de vente : maximum 35 Fr. L'auteur investira ses bénéfices dans son

matériel pour entrer dans le secondaire.

3 Lors des ateliers libres et des leçons collectives,

les enfants ont l’occasion de rédiger et de mettre en page différents types de textes, qui peuvent être rassemblés dans ce journal, dont chaque numéro tente d'équilibrer narrations, informa-tions, mots croisés, horoscope, dessins…

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Le chef-d’œuvre, évaluation valorisante

L'auteur présentera ses comptes après la Fête des chefs-d'œuvre.

Le journal contiendra obligatoirement, au minimum : 1. un texte argumentatif (sentiments par rapport au

sujet, pourquoi avoir choisi ce sujet ...) ; 2. un texte informatif ; 3. un récit (vrai ou fictif) en rapport avec le thème ; 4. un poème ; 5. un graphique ; 6. une ligne du temps ; 7. une carte de géographie commentée ; 8. un sommaire détaillé ; 9. un lexique ; 10. une grille de mots croisés en rapport avec le thème ; 11. un dessin personnel (humoristique ou non).

2. Un support personnel en trois dimensions

En rapport direct avec le sujet, le support sera exposé publiquement lors de la Fête des chefs-d'œuvre. Plusieurs supports peuvent être cumulés; un seul suffit. Exemples : maquette, exposition, sculpture, peinture, film, interview...

3. Un exposé oral d'au moins un quart d'heure, sur le

sujet choisi. Il sera présenté devant un jury composé au minimum des enseignants de My, du chef d'école, de parrains et d'une personne extérieure à l'école. Parents et enfants pourront y assister mais ne seront pas membres du jury.

MODALITES

Échéances Les sujets seront déterminés définitivement pour le 20

septembre. Après cette date, aucun changement ne sera accepté.

Le 31 mai sera la date limite pour le travail d'écriture et de mise au net à l'ordinateur.

Une fête des chefs-d'œuvre, ouverte au public, sera organisée dans le courant du mois de juin. A cette occasion, les points 1 et 2 du contrat seront présentés ( journal + support en 3 dimensions).

Le point 3 fera l'objet d'une séance séparée (en privé). Lors de cette fête, les enfants de 5e année qui le

souhaitent présenteront leur esquisse (points 1 et 2 du contrat).

Parrains Selon le sujet choisi, un parrain (hors enseignants ou

parents de l'école) peut être choisi pour guider les enfants dans leur projet global. Ceux-ci bénéficieront ainsi d'un regard extérieur « neutre ».

Avoir un parrain est intéressant mais n'est pas obligatoire. Celui-ci peut être proposé par l'école ou choisi par l'enfant, mais sera toujours choisi pour ses compétences en rapport avec le sujet.

Rôle de l’école Des périodes sont prévues dans l'horaire scolaire pour

satisfaire ce travail. Le chef-d'œuvre sera l'objet principal du travail à

domicile (nul besoin d'autres types de devoirs). L'enfant bénéficiera de toute la logistique de l'école

(ordinateur, photocopieuse, B.C.D1., caméra, ... ). Nous souhaitons que l'impression du journal se fasse à

l'extérieur de l'école pour permettre un calcul précis et objectif du prix de revient. Les autres étapes du journal peuvent être réalisées à l'école.

L'école présentera un spectacle ou une exposition (un chef-d’œuvre collectif).

2. Pourquoi un chef-d’œuvre ? Les enjeux

Trois enjeux sont pour nous intimement liés : la cohérence du parcours de l’enfant, son développe-ment personnel et son intégration dans la société. Nous voulons proposer une évalua-tion cohérente par rapport à notre culture d’établissement, où l’évalua-tion formative est omniprésente : le chef-d'œuvre est une évaluation formative perpétuelle, même si elle est certificative. Nous le voulons et le croyons valorisant, parce qu’il est cheminement personnel qui mène à la reconnaissance personnelle et institutionnelle. Nous aimons jouer sur ce mot, RE-CO-naissance, où le

1 Bibliothèque – Centre de Documentation.

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Le chef-d’œuvre, évaluation valorisante

CO fait référence à la solidarité, tant des pairs que des adultes (parents et enseignants), qui soutient l’enfant dans la réalisation de son chef-d'œuvre. Le RE évoque un renouveau, une deuxième naissance différente de la première : c’est cette fois l’enfant lui-même qui se fait CO-naître, qui accouche de lui-même, publiquement. Par le chef-d'œuvre, l’enfant se reconnaît et est reconnu : à nos yeux, le chef-d'œuvre ferait partie de ce bagage narcissique essentiel pour la suite du parcours de l’enfant. Nous rencontrons ainsi le premier objectif de l’article 6 du décret-missions : promouvoir la confiance en soi et le développement de la personne, mais aussi le troisième : par le chef-d’œuvre l’enfant se prépare à être un citoyen capable de contribuer au développement d’une société solidaire. Lors de son parcours à My, l’enfant a l’occasion de vivre la société et la démocratie en micro, ce qui lui donne un sentiment d’appartenance à la petite communauté de l’école et le prépare à être un citoyen capable de contribuer activement au développe-ment d’une société démocratique, pluraliste et ouverte à d’autres cultures, ainsi que le veut le décret. Par son chef-d'œuvre, il nous semble, pour paraphraser Crozier, que l’enfant rend à sa culture plus que ce qu’elle lui a donné : il laisse une trace à la postérité, modeste certes, mais, ce faisant, il ne se contente pas d’assimiler, il crée.

La diffusion du journal et le public présent à la Fête font du chef-d’œuvre une expérience qui peut donner à l’enfant un sentiment d’appartenance à une communauté plus large que celle de l’école. 3. Un chef-d’œuvre pour quoi ? Les

objectifs poursuivis

Nous voulons que l'enfant donne sens aux savoirs et savoir-faire travaillés tout au long de sa scolarité primaire : le traitement de l'information, la maîtrise de l'orthographe et de la grammaire, l'utilisation d'une bibliothèque… sont des compétences–outils parmi d'autres qui lui permettent de satisfaire sa curiosité au quotidien, dans tous les domaines (nous nous réjouissons donc lorsque les sujets sont très diversifiés), et lui permettent de communiquer. Au-delà de ces compétences « utilitaires », nous visons surtout les savoir-être : apprécier le sujet, avoir l'envie et l'audace de produire d'autres chefs-d'œuvre, honorer un contrat, apprendre comment j’apprends, savoir demander de l’aide, sont les plus évidents. 3.1. Apprécier le sujet

Il nous semble que l'enfant trouve dans le chef-d'œuvre – son projet personnel – une source de motiva-tion, parce qu'il a choisi librement son sujet. C’est son intérêt, voire sa passion pour le sujet, qui constituera

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Le chef-d’œuvre, évaluation valorisante

le moteur pour l’avancement de ses recherches. Nous attendons aussi qu’il nous fasse partager son intérêt ! 3.2. Avoir l'envie et l'audace de produire

d'autres chefs-d'œuvre

Nous voulons transmettre le souci du bien, du beau et du vrai. Le bien, de façon abstraite, c’est le dépassement de soi, les efforts fournis tout au long de la réalisation du chef-d'œuvre ; concrètement, c'est le journal. Il est la trace persistante que l'enfant laisse à la postérité. Il sera acté dans sa mémoire et dans celle de la communauté. Certains enfants s’en sont d'ailleurs spontanément servi comme portfolio à leur entrée en humanités. Or le portfolio, dans le milieu artistique, c'est le choix des meilleurs travaux, ceux qui sont bien réalisés techniquement, et non pas nécessairement les plus beaux au niveau esthétique. De même, les textes seront « bien » écrits, c'est-à-dire qu'il répondront aux exigences de chaque type de texte, soit à chaque fonction de communication, mais ils ne seront pas (nécessaire-ment) des morceaux d'anthologie ! Le beau, c'est le support en 3D. Il est exposé parce qu'il est digne d'être admiré, pour ses qualités esthétiques ou techniques. Il donne à l'enfant un retour immédiat sur son travail, tandis que le journal sera peut-être lu bien plus tard (voire jamais !) par l'acheteur. Le vrai, tout au long de la démarche, c’est le fait de créer, dans le sens de

faire œuvre personnelle, qui correspond à sa vision d’un sujet et à ses performances du moment. Concrètement, c'est l'exposé, parce que l'enfant est alors lui-même : expéditif ou démonstratif… L'enfant peut s'esquiver, mais il ne peut tricher. Aucune de nos pratiques à My ne prépare directement à l'exposé. Bien sûr, les spectacles, les communications au groupe lors des cercles, fêtes du savoir, ateliers… peuvent constituer autant d'expé-riences de prise de parole publique utiles à l'enfant, mais il n'y a de notre part aucun critère explicite quant à la forme de l'exposé. C'est donc sans doute le moment le plus stressant (pour l'enfant mais aussi pour les adultes !), parce qu'il faut tout créer. Nous voyons notre manque d'explicitation comme une richesse, parce que l'exposé implique alors davantage l'enfant dans son auto-évaluation et sa métacognition. La forme de l'exposé sera peut-être critiquable, mais pas le fond : si l'enfant a un trou de mémoire, s'il bégaye, cela prouve son envie de bien faire. Nous pensons qu’en accomplissant son chef-d'œuvre, l'enfant y gagne en image positive de soi, parce que, par la production d'un travail « bien, beau et vrai », il fait partager son intérêt, ses goûts, voire sa passion, et reçoit en retour la reconnaissance de ses pairs, de ses parents, des enseignants, et parce que, fort de la réussite de son chef-d'œuvre, il se reconnaît lui-même comme performant. Nous pensons que cette

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Le chef-d’œuvre, évaluation valorisante

reconnaissance personnelle et institutionnelle peut lui donner la force d'accomplir d’autres projets, d'autres chefs-d'œuvre au sens large : ce ne seront pas nécessairement des productions, mais des attitudes « bien, belles et vraies ». Au-delà, ce peut être un projet de vie, de réalisation de soi. Nous ne pensons pas que le chef-d'œuvre à lui seul puisse susciter cette envie, mais nous l’envisageons parmi les situations pouvant contribuer à l’épanouisse-ment personnel. 3.3. Vivre un contrat

Nous avons conçu le chef-d'œuvre comme un contrat, composé de droits et de devoirs : l’enfant a le droit de

• choisir son sujet ; • explorer librement toutes les

ressources logistiques de l'école ; • travailler librement lors des

ateliers ; • rencontrer les enseignants indi-

viduellement et régulièrement ; • demander de l'aide ; • se tromper, recommencer…

le devoir de

• respecter les critères de produc-tion ;

• rencontrer les enseignants indi-viduellement et régulièrement ;

• demander de l'aide à temps ; • communiquer son œuvre en

public.

Honorer un contrat demande une certaine maîtrise de soi : réaliser un projet personnel tout en respectant les normes extérieures. Le réussir prouve la capacité de maîtrise de soi, et contribue ainsi à rendre positive l'estime de soi. Un contrat impli-quant deux parties, la réussite du chef-d'œuvre est valorisante tant pour l'enfant que pour l'adulte (parent ou enseignant). 3.4. Apprendre comment j'apprends

Quelle que soit l'activité que nous lui proposions, l'enfant est souvent invité à expliquer comment j'ai fait pour…, de même lors des entretiens individuels qui balisent la réalisation du chef-d’œuvre. Il nous semble que bien connaître ses propres stratégies de résolution en situation-problème (et l'écriture en est une), autrement dit, la métacognition, est le meilleur moyen de les ajuster efficacement à tout problème rencontré. Cette compétence est intimement liée à la suivante. 3.5. Savoir demander de l'aide

Nous voulons former des enfants autonomes, non dans le sens de « ne plus avoir besoin des autres », ou de « compter sur soi-même », mais dans le sens d'avoir les compétences qui permettent de chercher, d'échanger, de recevoir et d'utiliser les ressources pertinentes, quelles qu'elles soient (humaines, livresques).

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Le chef-d’œuvre, évaluation valorisante

4. Le chef-d'œuvre, comment et à quelles conditions ?

Nous pensons que le chef-d’œuvre doit avoir un sens pour l’enfant, qu’il doit s’intégrer dans le paysage pédagogique : si au terme des six années primaires, nous demandons à l’enfant de mettre en (chef-d’) œuvre ses savoirs, savoir-être et savoir-faire pour réaliser son projet de façon autonome, nous devons tout au long de ces années lui proposer une pédagogie du projet interdiscipli-naire et fonctionnelle. Il s'agit dès lors de proposer des opportunités d'apprentissage et des outils suffisamment souples et ouverts pour permettre à chacun de développer sa propre méthode de travail. Cela tient à une certaine organisation, dont certains aspects sont peut-être difficilement repro-ductibles dans d'autres contextes, mais aussi, pensons-nous, à un certain climat, dû à quelques principes d'action pédagogique, que nous avons déjà sous-entendus. Dans notre mémoire, nous présentons les principes et les mises en œuvre nécessaires à la rencontre de nos objectifs, en général d’abord, puis

pour chaque étape de l’élaboration du chef-d’œuvre : • la préparation : choix du sujet,

recherches, lectures, contact avec des personnes-ressources ;

• la réalisation : rédaction, mise en page du journal, support en 3D, préparation de l'exposé ;

• la Fête des chefs-d'œuvre : exposition, exposé, vente du journal.

Nous en retenons ici les plus essentiels (le lecteur se référera au mémoire pour connaître leur concrétisation au quotidien et ce, au long de la scolarité à My) : • manifester sa confiance en la

réussite de chacun ; • rendre les ressources humaines et

matérielles disponibles et veiller à leur variété ;

• planifier des moments et réserver des espaces aux projets person-nels ;

• planifier des moments et réserver des espaces propices à l’expres-sion personnelle ;

• planifier des moments et réserver des espaces à la gestion de la vie communautaire ;

• donner sens à l’écrit.

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Le chef-d’œuvre, évaluation valorisante

Le deuxième temps : future pédagogue Notre logique de concepteurs en confrontations

Dans notre mémoire, le deuxième temps est divisé en trois chapitres : dans Le chef-d’œuvre en questions, nous organisons un débat entre les concepteurs du chef-d’œuvre (notre équipe à My) et les chercheurs en éducation. A la recherche du chef-d’œuvre perdu présente comment nous remuons les souvenirs des enfants et de leurs parents lors des entretiens. Dans Le chef-d’œuvre retrouvé1, nous faisons part des résultats de nos entretiens. I. Forum : le chef-d’œuvre en

questions

Après avoir exposé au premier temps en quoi le chef-d'œuvre est contextuellement réalisable, nous voulions examiner en quoi le chef-d’œuvre était axiologiquement désirable et scientifiquement souhai-table pour juger de sa pertinence. Pour ce faire, nous avons mis notre pratique en questions, que nous avons formulées comme autant d’ouvertures de débat. Nous avons ainsi passé en revue : • notre source d’inspiration (les

Compagnons) ; • les enjeux ; • les objectifs ; • les conditions…

1 Pour annoncer le lien que nous tenterons entre

sensation et mémoire.

Exposées au temps précédent, les consignes sont partie intégrante de ces différents aspects. Chacun d’eux fait l’objet d’au moins une question de débat. Pour chaque question, nous avons répondu par • notre logique de concepteurs ; • une confrontation de notre

logique de concepteurs à différents auteurs traitant de l’éducation

et nous avons conclu par ce que nous en retenons pour • notre futur métier de pédagogue ; • la confrontation de notre logique

de concepteurs à la logique de nos bénéficiaires, soit des indicateurs qui nous permettent de conclure en faveur du chef-d’œuvre comme évaluation valorisante.

Nous ne présenterons pas ici ces deux derniers points, mais nous synthétiserons les indicateurs pour aborder le paragraphe suivant consacré à la présentation de la confrontation à nos bénéficiaires. Par souci de concision, nous allons nous limiter aux questions qui abordent les thèmes les plus essentiels pour comprendre le chef-d’œuvre : • l’évaluation ; • la démocratie ; • le développement personnel.

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Le chef-d’œuvre, évaluation valorisante

Les enjeux en questions

Le chef-d'œuvre est-il valorisant parce que ou

même si il est une évaluation ?

Notre logique de concepteurs D’abord, qu’est-ce qu’évaluer ? Il nous semble que cette activité est quotidienne, sinon permanente, et qu’elle n’est pas propre au cadre scolaire. Nous avons constamment besoin de connaître la portée de nos actes, de nos choix, afin de nous ajuster ; nous avons besoin d’être reconnus pour nos performances, de connaître nos erreurs. À My, le droit à l’erreur est fondamental, car c’est en se plantant qu’on se fait des racines1, et l’erreur grandit2 : nous voyons l’erreur comme positive, parce qu’elle est le signe que l’enfant agit et parce qu’elle est annonciatrice d’un progrès. C’est pourquoi l’évaluation est quasi omniprésente, et de même tout au long de la réalisation du chef-d’œuvre, parce que évaluer signifie pour nous mettre en valeur, dans le sens de valoriser et non d'attribuer une valeur. Il nous semble que l’évaluation devrait aider à se découvrir, à connaître ses possibles pour accepter ses faiblesses, à donner la force de persévérer. Autrement dit, nous pensons qu’à l’école fondamentale l’expression évaluation valorisante devrait être un pléonasme !

1 B. Kersten et Ch. Jamaer (1993), p. 102. 2 J. Attali (1996), p. 105.

Confrontation de notre logique de concepteurs à • Vial, pour qui le chef-d’œuvre

serait une évaluation créatrice qui veut promouvoir les possibles ;

• Barbier, pour qui toute évaluation est une transaction de reconnais-sance.

Lors de l’élaboration du chef-d'œuvre, nous pratiquons l’évalua-tion diagnostique, en nous basant sur les référents et le « programme », mais nous travaillons aussi au service du projet personnel de l’enfant.

L’erreur est toujours à gérer, l’évaluation est toujours pensée comme une gestion de la situation, voire de ses acteurs. Mais la régulation va permettre non pas de boucler et de reprendre le programme prévu, mais de s’écarter du programme prévu. (…) On parlera d’ailleurs plus volontiers d’écart que d’erreur (Vial in Figari et Achouche, 2001, p. 71).

Lorsque nous pratiquons l’évaluation diagnostique, nous cherchons à rendre la production de l’enfant la plus conforme possible au référentiel ainsi qu’à ce que l’enfant intègre les contenus du programme. Quand nous pratiquons la régulation systémique, nous faisons évoluer le référentiel avec l’enfant selon son projet. Le chef-d'œuvre nous paraît plutôt relever de cette dernière pratique, même s’il n’exclut pas la première. Privilégier l’une ou l’autre serait d’ailleurs restrictif, selon Vial (op. cit., p. 76). Cette logique systémique…

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Le chef-d’œuvre, évaluation valorisante

… repose sur le pari (d’ordre philosophique) en l’ « humanitude », non comme panacée universelle, mais comme confiance en l’autre (…) (p. 74),

…soit l’un de nos principes d’action essentiels, et considère la régulation, non seulement comme un réajustement, mais aussi comme une création. Il ne s’agit plus alors de simple boucle de régulation, mais de spirale, parce que l’apprentissage est un va-et-vient entre acquisition et création.

La création ici relève plutôt de l’inventivité : du sentiment d’atteindre à une nouveauté ; il ne s’agit pas de savoir si c’est effectivement du neuf ; c’est du nouveau pour celui qui apprend. Ni la régulation, ni la création ne sont ici envisagées en soi : elles sont incarnées dans un sujet (op. cit., p. 75).

L'évaluation, comme toute situation éducative, est pour Barbier une transaction de reconnaissance, une situation d'attribution réciproque de valeur, et cette attribution de valeur donne ensuite, dit-il, la force d'agir. Si l'évaluation est positive, elle peut favoriser un nouvel engagement des acteurs dans l'action, et les repré-sentations que se construit l'acteur du déroulement effectif de son action viennent enrichir l'élaboration cogni-tive de l'évaluation. C'est ainsi que l'évaluation constitue

un lieu de médiation entre affects et processus opératoires, et favorise l'accélération des transformations à la fois des actes et des composantes identitaires engagées dans ces actes (p. 355).

Nous pensons que le chef-d'œuvre attribue les valeurs de bien, de beau et de vrai au travail de l'enfant, et

que l'enfant produit du bien, du beau et du vrai. Pour nous, enseignants, voir l'enfant prendre plaisir à réaliser et présenter son chef-d'œuvre nous procure le sentiment de travailler bien, beau et vrai, conformément à nos objectifs, nos désirs. En ce sens, cette évaluation est pour nous une transaction de reconnaissance, qui nous donne la force de continuer à pratiquer le chef-d'œuvre, mais aussi d'agir selon notre projet d'établisse-ment, et qui pourrait (c'est à vérifier) donner la force à l'enfant d'affronter d'autres tâches d'envergure. Le chef-d'œuvre est projet personnel qui mobilise et génère à la fois des compétences. Nous pensons qu'en produisant une œuvre originale, l'enfant opère une transformation du réel, ce qui, selon Barbier, génère toujours une transformation identi-taire. Autrement dit, le chef-d'œuvre serait pour l'enfant l'occasion de porter un regard neuf sur lui-même : Tiens ? Je suis capable de faire quelque chose d'original, de travailler seul, d'oser parler en public, de donner mon avis… Nous avons cru percevoir, chez la plupart des enfants qui présentent leur chef-d'œuvre, la satisfaction de voir leur travail reconnu publiquement, et nous supposons que cette reconnais-sance publique rejaillit sur la reconnaissance personnelle. Elle rejaillit aussi sur nous, car nous pensons que le chef-d'œuvre évalue non seulement le travail de l'enfant, mais aussi notre travail

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Le chef-d’œuvre, évaluation valorisante

d'enseignants. Et au-delà de nos objectifs raisonnés à partir des programmes, le chef-d'œuvre évalue aussi notre projet d'enseignants, le désir personnel – que nous avons déjà évoqué – de faire vivre une scolarité à l'opposé de celle que nous avons vécue enfants : un moment d'auto – socio – construction de savoirs, savoir-faire, savoir être qui laisse le goût d'apprendre encore et toujours.

Les enjeux en questions

En quoi la production d’une œuvre personnelle

peut-elle être un acte social ?

Notre logique de concepteurs Nous percevons dans le chef-d’œuvre un enjeu démocratique, parce qu’il contribue à construire un sentiment d’appartenance à une communauté et à sa culture et constitue un apport – modeste – à la culture : il rencontre ainsi le troi-sième objectif du Décret-Missions. Confrontation de notre logique de concepteurs à • Meyerson, qui voit en la

production d’œuvres la fonction principale de toute activité culturelle collective ;

• Bruner, qui fait de l’œuvre un principe pédagogique, dans le courant de la psychologie socio-culturelle ;

• le projet éducatif de la commune de Pistoia (Italie), à travers la documentation pédagogique.

La production d'œuvres est pour Meyerson la fonction principale de toute activité culturelle collective. Il la désigne par le concept du processus d'externalisation. À sa suite, Bruner (1996, p. 39) fait de l'externalisation l'un des principes pédagogiques qui guident l'approche psycho-culturelle de l'éducation. L'éducation étant une pratique sociale et une institution résultant du processus d'externalisation de notre culture, elle est à la fois l'une des incarnations majeures de notre mode de vie, et une préparation à l'entrée de l'enfant dans sa culture. Il importe donc, selon cet auteur, de définir les moyens que l'éducation offrira aux individus pour s'approprier leur culture. Parmi ceux-ci, l'externali-sation – la production d'œuvres collectives – présente notamment l’avantage d’aider à construire une communauté solidaire et de sensibiliser à la division du travail nécessaire pour produire des biens. Bruner relate l'expérience des écoles qui ont mis au point une culture de l'apprentissage mutuel1. Selon lui, ce serait la version la plus prometteuse de « l'éducation idéale », qui réconci-lie plaisir et efficacité. La culture est en permanence l’objet d’un processus de recréation, dit Bruner (2000, p. 149), parce qu’elle 1 Nous reconnaissons le fonctionnement général

de notre école et en particulier la pratique du chef-d'œuvre collectif dans la description que fait Bruner de la culture de l'apprentissage mutuel. Le chef-d'œuvre individuel présente les mêmes caractéristiques, dans la mesure où le contrat stipule une répartition du travail entre l'enfant et les adultes.

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Le chef-d’œuvre, évaluation valorisante

est à la fois forum et règles. Le forum, c’est tout lieu et toute circonstance où la culture est interprétée et renégociée. L’éduca-tion devrait être l’un de ces lieux, parmi le théâtre, les contes et la jurisprudence par exemple. C’est grâce à cette fonction de forum que les membres d’une culture peuvent jouer un rôle actif dans la (re)construction permanente de la culture, et non simplement en suivre les règles. C’est cette fonction de forum que prend l’éducation à Pistoia1, commune de la Toscane (Italie), où tous les professionnels de l’enfance documentent les paroles, actions et réalisations de chaque enfant et du groupe, au moyen de notes, d’enregistrements audio, vidéo, et de photographies. Chaque projet fait l’objet d’un livre, chaque année scolaire est racontée dans un journal de bord pour le groupe. Ces documents sont consultables en permanence par tout visiteur du lieu éducatif. À la fin de son parcours à la crèche ou à l’école fondamentale, chaque enfant reçoit son journal de bord personnel. Les œuvres des enfants sont exposées en perma-nence dans les couloirs. Ces œuvres sont des interprétations de la tradition orale, architecturale, picturale… il en est d’autres qui font l’objet de spectacles, dans les domaines de l’expression musicale et théâtrale. 1 Lorsque nous ne mentionnons pas de référence,

notre écrit est la synthèse de nos entretiens et observations lors de notre séjour.

La documentation est donc un projet qui concerne tous les acteurs dans l'éducation, parce qu’elle leur permet de communiquer : dans cette pers-pective, l'enjeu est démocratique. Documenter permet de valoriser les échanges de savoirs et d'instruments entre collègues, entre l’équipe éducative et la famille, entre enfants et entre enfant et enseignant permet de penser l'enfant dans tout son parcours. Par la documentation, le noyau familial devient un trésor et un patrimoine communs.

Pour Moss (1999), documenter c’est considérer les institutions pour enfants comme des forums dans la société, comme des communautés où la vie et le travail des enfants peuvent être vus comme des contributions à la communauté. En rendant la pratique pédagogique à la fois visible et sujet possible de débat, la documentation offre un important point de départ pour la création de vérité et de légitimité en relation à la large communauté. Grâce à la documentation, chaque enfant, chaque pédagogue et chaque insti-tution peut avoir une voix publique et une identité visible. La documen-tation peut offrir aux enfants et aux adultes de réels moment de démocratie, car en valorisant publi-quement le travail de l’enfant, et par là, le travail de l’enseignant, le chef-d’œuvre devient forum et peut susciter en chacun un sentiment d’appartenance à l’école, et à un projet plus général : celui d’éduquer. Parce que le chef-d’œuvre donne une

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Le chef-d’œuvre, évaluation valorisante

belle image de l’enfance en mettant en valeur les capacités de chacun, il contribue à répandre des connaissan-ces sur l’enfance. Par conséquent, il peut solliciter le partage des responsabilités éducatives et ainsi faire de l’éducation une affaire de société. Il fait sortir la qualité des murs de l’école pour qu’elle devienne patrimoine commun, par l’intermédiaire de la Fête et du journal en particulier.

Les objectifs en questions

En quoi les objectifs rencontrent-ils

les enjeux ? Notre logique de concepteurs Nous avons dit notre souci d'ensei-gnants de donner sens aux savoir-faire et de faire vivre les savoir-être : savoir demander de l'aide, apprendre comment j'apprends, honorer un contrat, avoir l'audace et l'envie de produire d'autres chefs-d'œuvre, apprécier le contenu spécifique. Ces compétences nous paraissent rencontrer le premier objectif de l’article 6 du Décret-Missions, que nous considérons comme l’un des enjeux du chef-d'œuvre : promouvoir la confiance en soi et le développement de la personne.

Confrontation de notre logique de concepteurs à • Leclercq et la pyramide des

compétences ; • Donnay et Coopersmith, qui

disent l’estime de soi détermi-nante dans la réussite scolaire

et pour l’épanouissement personnel.

Pour Leclercq (in Leclercq et al., 1998, p. 87) :

Les aspects "comportement" (savoir-faire) ou structures mentales (savoir) ne suffisent pas à eux seuls à couvrir l'étendue du sens de « compétences ». Il y manque encore deux volets. D'une part, un volet "dynamique" que l'on a parfois appelé "savoir-être", "vouloir", volet affectif ou encore "appétence". D'autre part, un volet "expérientiel", c'est-à-dire procurant l'épaisseur du vécu, avec ce que cela suppose de mémoire épisodique et d'image de soi (sentiments d'autoefficacité).

À notre avis, le chef-d'œuvre les ouvre tous les deux. Il répond, selon nous, à ce qui pourrait être un cinquième objectif du Décret-Missions proposé par Leclercq (op. cit., p. 84) :

Permettre à tout élève de VIVRE des situations relationnelles, civiques, sociales, émotionnelles, économiques, artistiques, sportives, valorisantes et socialisantes.

Leclercq compare sa pyramide des compétences à la mèche d'une foreuse : quand on attaque une matière, c'est avec la pointe de la foreuse, soit les compétences dynamiques (vouloir, désirer…). L'enfant choisit de traiter ce sujet parce qu'il l'intéresse, ou correspond à son vécu, et c'est cette compétence d'envie de savoir qui dynamise (comme son épithète l'indique) sa démarche durant laquelle il devra mettre en œuvre les compétences transversales stratégiques (respecter un contrat, vérifier son état d'avancement, résoudre des problèmes, s'adapter), démulti-

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Le chef-d’œuvre, évaluation valorisante

plicatrices (résumer, utiliser le dictionnaire, un index, Word… utilisables ultérieurement dans toutes les situations de rédaction et de mise en page d'un texte) et qu'il aboutira à des compétences spécifiques (la

géologie du sol ferrusien, l’évolution d’aspects concrets du mode de vie dans nos régions, le fonctionnement du sonar chez le dauphin…1). Nos objectifs sont à droite de la pyramide.

Savoir-être, vouloir, désirer, détester

Dynamiques

Apprécier le sujet Avoir l'envie et l'audace de produire d'autres chefs-d'œuvre

Connaître sa capacité à s’adapter, à coopérer, à s'engager, à résister, etc.

Stratégiques

Honorer un contrat Apprendre comment j'apprends Savoir demander de l'aide

Savoirs & savoir-faire techniques généraux

Démultiplicatrices

Sélectionner et traiter l'information Maîtriser le traitement de texte Word ; …

Savoirs et savoir-faire liés à un contenu

Spécifiques

(Selon le sujet choisi)

Nous nous intéressons principale-ment aux deux étages supérieurs, qui se retrouvent dans la définition de Leclercq (1999, ch.0, p. 13) pour l'image de soi :

Son estimation quant à sa capacité de réaliser les choses ou de les connaître, ou de les désirer.

Il en précise les composantes, que nous mettons directement en parallèle avec nos objectifs :

Compétences

Objectifs du chef-d'œuvre

Composantes de l'image de soi

Dynamiques

Savoir-être, vouloir, désirer, détester

Apprécier le contenu spécifique Avoir l'envie et l'audace de produire

d'autres chefs-d'œuvre

La conscience de ce que l'on veut, de ce dont on a besoin

Stratégiques

Savoirs sur soi

Vivre un contrat Apprendre comment j'apprends Savoir demander de l'aide

La capacité de bien doser son effort ; Le réalisme dans l'auto-estimation

de ses compétences, soit la métacognition L'image que nous avons des autres

1 Ces exemples sont des sujets de chefs-d’œuvre.

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Le chef-d’œuvre, évaluation valorisante

La correspondance de nos objectifs avec la définition de l’image de soi selon Leclercq conforte notre idée que le chef-d'œuvre est une évaluation valorisante parce que, si les objectifs sont atteints, celle-ci contribue à la construction de l'image positive de soi. Or, Donnay (in Depover, 1999, p. 192) souligne combien, pour tant de chercheurs et de praticiens, l'image de soi et plus précisément la confiance en soi (l'un des objectifs de l'enseignement décrété par la Communauté française), est détermi-nante dans la réussite scolaire. Quant à Coopersmith (1984), il affirme que l'image de soi se forge vers le milieu de l'enfance et ensuite reste stable, car même si l'appréciation de soi est affectée par les événements, elle retrouve son niveau habituel quand les conditions se normalisent. Passant en revue la littérature de recherche pour démontrer l'impor-tance de l'estime de soi, il affirme que tout individu ayant une bonne estime de soi est capable de : • résister à l'opinion d'autrui et de

percevoir une tentative d'influence ou d'intimidation;

• assumer un rôle actif dans un groupe ;

• s'exprimer librement et efficace-ment ;

• accéder à une vie affective harmonieuse.

Nous n’imaginons pas que le chef-d'œuvre à lui seul ait pu développer une image positive de soi, mais nous pensons qu’il a pu y contribuer. Il

ferait alors partie d’un bagage narcissique que nous pensons essentiel pour la vie : vitae non scolae discimus.

Les objectifs en questions

Comment le chef-d'œuvre contribue-t-il à la

construction de l’image positive de soi ?

Notre logique de concepteurs Nous pensons que cette contribution est inhérente au contrat. L’enfant choisit un sujet qui l’intéresse, et il voit cet intérêt partagé par d’autres : lui-même est donc digne d’intérêt. Ses efforts pour honorer le contrat sont reconnus publiquement. À travers la réalisation de son chef-d'œuvre, l’enfant apprend à se connaître et affirme ses préférences. Confrontation de notre logique de concepteurs à • Erikson, pour qui le chef-d'œuvre

répondrait à la volonté de l’enfant de 6 à 12 ans de faire œuvre personnelle ;

• Donnay, qui voit la motivation de l'enfant liée à l'espace de création qui lui est laissé ;

• Bruner, convaincu de la contribu-tion bénéfique de la communauté d'apprenants aux deux composan-tes de la personnalité que sont l’aptitude à agir et l’estime de soi.

Pour Erikson (in Crahay, 1999, p. 118), la satisfaction du travail bien fait et le sentiment de pouvoir produire des œuvres dignes d'intérêt

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Le chef-d’œuvre, évaluation valorisante

se fortifient pendant la période de latence, soit de 6 à 11 ans. L'enfant veut alors se mettre en valeur en réalisant ses propres œuvres. Si l'adulte est attentif à proposer des tâches attrayantes à la mesure des capacités de l'enfant, s'il lui apporte adéquatement de l'aide, s'il souligne de préférence les qualités de la per-formance, il renforcera la confiance de l'enfant dans la perception de ses capacités. C’est le principe de la documentation pédagogique à Pistoia, qui se centre sur les petits événements toujours positifs. L’enfant perçoit ainsi l'attention des adultes pour son travail (pas seulement pour sa production finale, mais aussi pour ses progrès, ses efforts…), et se sent digne d'intérêt. Les pédagogues italiens pensent que regarder ensemble la documentation donne aux enfants la sensation d'avoir de bonnes capacités et d'appartenir à une petite commu-nauté où les adultes apprécient ce qu'ils font. Donnay (in Depover, p. 192) trans-pose l'idée d’externalisation de Meyerson à la situation scolaire. Il lui paraît pertinent de considérer que

lorsque l'enfant est cré-acteur, plutôt que agent, voire avaleur de savoir, il peut mettre en œuvre des processus cognitifs différents (…).

Il lui semble que la motivation de l'enfant, c'est-à-dire son implication et sa persévérance, est liée à l'espace de création qui lui est laissé. Le

journal en tant que portfolio1 contribuerait ainsi à l'image positive de soi parce qu'il procure à l'enfant des œuvres qu'il thésaurise, et parce que, par cet outil, l'enfant maîtrise la diffusion de ses œuvres, soit la réalisation de soi, dirait Arendt. L'école joue un rôle essentiel dans la formation du Soi, dans la mesure où, comme le remarque Bruner (1996, p. 54), la scolarisation est l'une des premières implications institution-nelles de l'enfant hors de sa famille. Selon cet auteur, deux aspects de l'individualité, reconnus comme universels par les chercheurs, sont essentiels à la construction de la notion de Soi : l'aptitude à agir et l'estime de soi. L'aptitude à agir est la capacité de prendre l'initiative et de mener à bien par soi-même certaines activités. Cela implique une volonté d'aboutir, et une compétence, cette dernière étant évaluée par le succès ou l'échec de la performance. Le succès ou l'échec sera lui-même déterminé par des critères extérieurs, qui peuvent être perçus comme arbitraires : l'école est le premier lieu où l'enfant est confronté à ce type de critères. Il 1 Nous assimilons le journal DynaMy't produit

par l'enfant à un portfolio, plus particulièrement à ce que Schillings et Vanhulle (in Caractères, 4, 2001, p. 10) définissent comme dossier de présentation : • son objectif étant de donner les preuves des

compétences de l'enfant ; • sa réalisation d'accroître la capacité de l'enfant à

s'autoévaluer, de responsabiliser l'enfant pour qu'il ait prise sur ses apprentissages ;

• son contenu devant être le meilleur possible ; • la sélection de ce contenu étant faite par

l'enfant.

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Le chef-d’œuvre, évaluation valorisante

y est jugé, et se juge en retour, par auto-évaluation. Le Soi est marqué par ces évaluations. L'estime de soi est un mélange d'efficacité active et d'autoévalua-tion. Elle

(…) combine le sentiment que nous avons des choses que nous croyons ou que nous souhaitons être capables de faire et celui que nous avons des choses que nous craignons être hors de portée (Bruner, 1996, p. 55).

Bruner est convaincu de la contribu-tion bénéfique de la communauté d'apprenants à ces deux composan-tes de la personnalité. En général, il s'agirait de développer à l'école toutes les démarches qui impliquent l'enfant dans la vie du groupe : entretien des bâtiments, partage de décisions quant aux projets… Autrement dit, cette conception de l'école se veut reflet de la démocratie : les enfants y vivent droits et devoirs, qui leur donnent une idée de leurs capacités (aptitude à agir) et de leurs chances d'être capables de s'adapter au monde (estime de soi). D'autres auteurs étayent les argu-ments de Bruner. Selon Viau (1994), l'évaluation positive à l’école fondamentale est déterminante pour l'avenir de l'enfant et pour le développement de sa motivation à poursuivre son apprentissage

scolaire. Or, pour Bandura (1988, in Depover, p. 65), la motivation est facilitée notamment par le sentiment d'efficacité dans l'atteinte person-nelle des buts. Il souligne (Bandura, 1980) combien l'enseignant, qui a une attitude positive face aux efforts fournis et manifeste sa confiance en la réussite de chacun, peut renforcer chez l'enfant un sentiment d'effica-cité, précieux pour le développement de stratégies (méta)cognitives. Or, c'est dans les domaines affectant le bien-être personnel et l'estime de soi que l'autoévaluation a une consé-quence personnelle. Bandura ajoute que si l'enfant peut attribuer son succès à ses propres efforts ou capacités (cause interne), il éprouvera de la fierté pour, par exemple, son chef-d'œuvre, à condition que cette activité ait de la valeur pour lui : si le chef-d'œuvre est jugé négativement par l'enfant, il n'y consentira que peu d'efforts, et n'éprouvera aucune satisfaction particulière à l'avoir réalisé (op. cit., p. 124). Au terme du forum, nous avons décidé de conclure au chef-d’œuvre, évaluation valorisante, si nous décelions dans nos entretiens les indicateurs de bénéfices suivants1 (en gras), que nous pourrions entendre comme suit (en italique) :

1 Nous ne présentons ici que quelques extraits de

ce forum, ne manifestant explicitement que certains indicateurs : la reconnaissance personnelle et institutionnelle, l’envie et l’audace de réaliser d’autres chefs-d’œuvre.

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166 Cahiers du Service de Pédagogie expérimentale - Université de Liège - 11-12/2002

Le chef-d’œuvre, évaluation valorisante

Reconnaissance

personnelle C’est mon œuvre ! C’est ma vision personnelle de …(selon le sujet) J’étais content de voir mon journal, ma maquette, mon travail d’un an abouti. Quand je le revois, je me dis que j’ai été capable de ça tout seul.

Reconnaissance institutionnelle

À l’exposé, j’ai eu peur, mais j’ai senti que les gens s’intéressaient à mon sujet parce qu’ils posaient des questions. J’étais content que les gens achètent mon journal.

Image positive des autres

Ca fait plaisir de voir que les autres ont réussi aussi. L’exposition était belle. C’est aussi grâce aux adultes et aux enfants de ma classe que j’ai réussi.

Envie, audace de réaliser d’autres chefs-d’œuvre

Quand j’ai fait cela (à l’école ou ailleurs), ça m’a fait penser au chef-d’œuvre parce que… J’ai confiance en moi, quand je vois ce que j’ai pu faire. J’ai envie de bien faire, de me dépasser…

Métacognition Je constate que depuis le chef-d’œuvre je…

Autonomie Pendant mon chef-d’œuvre je me suis souvent débrouillé seul pour… maintenant je…

Transfert Quand on me donne des travaux semblable à l’école, je sais ce que j’ai à faire et comment.

Nous avons limité nos espoirs à ce qu’un indicateur minimum « au passé » (parmi les trois premiers) et un indicateur minimum « au présent » (parmi les quatre derniers) soient exprimés par au moins huit des 15 enfants interrogés et leurs parents. II. À la recherche du chef-d’œuvre

perdu : confrontation de notre logique de concepteurs à celle des enfants et de leurs parents

En interrogeant les enfants et leurs parents, nous n’avons pas cherché à vérifier l’acquis des compétences que nous voulions développer, car nous ne voulions pas être juge et partie, et nous n’étions pas une interlocutrice neutre. Nous avons plutôt tenté de cerner ce que les enfants et leurs parents avaient fait

de cette expérience, ce qu’ils en retenaient, ce qui faisait sens pour eux, et de voir en quoi cette signification rencontrait la nôtre. Pour ce faire, il fallait appâter les souvenirs. C’est ainsi que, nous inspirant de l’expérience de Proust, nous avons tendu une madeleine, pour susciter la persenpensée (mot-valise composé de perception, sensation et pensée). Outre cette idée de Krech, nous avons retrouvé des arguments en faveur de notre choix méthodologique chez Damasio et Lafortune : il est démontré que l’expression des émotions et l’activité métacognitive ne peuvent être séparées, or il s’agissait bien de mobiliser la métacognition chez les enfants et leurs parents. Notre personne (psychique et physique) appartient à l’expérience du chef-d’œuvre, et a – volontairement ou non – donné à chaque enfant et à

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Cahiers du Service de Pédagogie expérimentale - Université de Liège - 11-12/2002 167

Le chef-d’œuvre, évaluation valorisante

chaque parent des émotions, dont le souvenir pouvait être ravivé par notre présence lors des entretiens. Nous avons donc porté notre attention sur le vécu des enfants et des parents, par des questions ravivant la mémoire épisodique et portant sur la perception du chef-d’œuvre, car, comme le dit Huxley, ce n'est pas tant les faits mais la perception des faits qui marque l'individu. En conséquence, la désirabilité sociale était un risque évident. Mais…

(…) il s'agit surtout d'être objectif par la reconnaissance de sa subjectivité et par l'objectivation des effets de cette subjectivité (Van Der Maren, 1995, p.119, cité par Jans, 2000, p. 71).

C'est pourquoi il importait d'obtenir d'eux des récits qualitatifs du style : le chef-d’œuvre m'a donné l'idée de faire d'autres choses… – lesquelles et quand ? : cette recherche de "preuves" ou d'évidences était cruciale.

Construction d’une trame d'entretien en trois dimensions, cinq niveaux et

deux aiguilles à tricoter Trois dimensions En nous inspirant de la recherche de Montandon et Osiek (1996, p. 54), cherchant à faire s’exprimer les enfants sur leur éducation familiale, et plus particulièrement de leur grille de lecture, nous avons défini trois dimensions pour élaborer les questions : • les représentations que les

enfants et les parents ont du chef-d’œuvre (valeurs transmises, buts proposés, méthodes éducatives) ;

• les émotions qu’ils éprouvent par rapport à cette expérience (plaisir, crainte, réactions affectives) ;

• les actions et stratégies qu’ils ont élaborées en réaction au chef-d’œuvre et élaborent encore par transfert.

Ainsi nous pouvions inciter les enfants et les parents à fusionner rétrospectivement cognition, affect et action, autrement dit à persenpenser, et nous rencontrions les indicateurs retenus précédem-ment :

Émotion Reconnaissance personnelle Émotion Reconnaissance institutionnelle Émotion, représentation Image positive des autres Représentation, Action/Stratégie Métacognition, autonomie et transfert Action/Stratégie Envie, audace de réaliser d’autres chefs-d’œuvre

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168 Cahiers du Service de Pédagogie expérimentale - Université de Liège - 11-12/2002

Le chef-d’œuvre, évaluation valorisante

Cinq niveaux Nous avons réparti les questions sur les quatre niveaux d'évaluation d'une formation en entreprise de Kirkpatrick (in Leclercq, 1999*, ch. 1 p. 9) : 1. La satisfaction quant au

déroulement. 2. Les acquis au terme de la

formation. 3. Le transfert sur le terrain. 4. L'impact sur le fonctionne-

ment global. Pour ce dernier point, nous devons préciser nos intentions. Il ne s'agissait pas de chercher à mesurer l'impact sur la vie future à long terme, qu'elle soit privée ou professionnelle : il faudrait alors attendre que cette vie soit achevée, ce qui rendrait difficile le recueil d'informations ! Nous aurions pu chercher à mesurer l'impact à moyen terme, selon un point de vue choisi : faire le bilan d'une année par rapport à la précédente, selon la méthode de travail, par exemple. Mais nous pensions qu'il était plus intéressant de le voir à court terme et selon plusieurs points de vue, dans la vie de tous les jours. Vitae non scolae discimus : parce que nous avons voulu pratiquer une pédagogie fonctionnelle, nous pensions que le transfert sur le terrain pourrait dépasser le contexte purement scolaire. Nous proposons un niveau intermé-diaire entre les acquis, bénéfices immédiats du chef-d'œuvre, et le transfert sur le terrain, soit le fonctionnement a posteriori : nous le

nommons référence, parce qu'il correspond à l'impact sur la bibliothèque intérieure1 : outre la satisfaction et les acquis immédiats, parents et enfants en ont aussi le souvenir (Le souvenir du bonheur est encore du bonheur, selon l'intitulé du livre de Salvatore Adamo). Ce souvenir est une ressource qui peut permettre aux parents d'évaluer un projet d'école, un programme électoral relatif à l'éducation… et aux enfants de reconnaître dans les exigences d'un professeur du secondaire, du supérieur, les compétences qu'il attend au terme d'un travail donné, ou de se rappeler telle méthode de travail qui a bien fonctionné et qu'il serait donc intéressant de reproduire… L'idée de cette progression nous vient de la taxonomie de Krathwohl, où la réception précède le passage à l'acte, et nous paraît importante dans la mesure où le transfert dépend non seulement de la volonté et de la créativité des enfants, mais aussi des occasions qui leur seront données d'exploiter les acquis. Dans le cadre scolaire en particulier, il nous paraît possible que l'enfant ait conscience de ses acquis et envie de les transférer, mais que le type de travaux imposés par les professeurs ne lui permette pas de le faire effectivement.

1 Cette notion vient de Marianne Debry,

psychologue clinicienne, qui disait confronter ses observations à sa bibliothèque intérieure, soit son classement mental : le fait de mettre des noms et des théories sur des expériences de terrain et de lecture.

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Cahiers du Service de Pédagogie expérimentale - Université de Liège - 11-12/2002 169

Le chef-d’œuvre, évaluation valorisante

Deux aiguilles à tricoter Pour les enfants, le chef-d’œuvre est loin dans leurs souvenirs : de trois à sept années scolaires se sont écoulées depuis, soit plus du tiers de leur vie ! Il nous paraissait dès lors essentiel de « tricoter » un filet d’entretien afin d’aider les enfants à

« retricoter » leur réseau conceptuel. Pour Ausubel (in Leclercq et Denis, 1999, ch. 3 p. 12), il convient de réactiver d’abord les concepts englobants, pour ensuite faire émerger les concepts particuliers. Nous avons donc structuré notre entretien comme suit :

Figure 1 : Canevas des entretiens

Axe induit

Du global

Au détailAxe spontané

Du global 1. Parmi toutes les activités vécues à My (dont

le chef-d'œuvre), quelles sont les trois qui apportent le plus au niveau du plaisir et de l'apprentissage et pourquoi ? (satisfaction)

2. Qu'apporte en plus le chef-d'œuvre par

rapport aux autres activités, au niveau du plaisir et de l'apprentissage ? (acquis)

3. Quelles activités sont le plus au service du

chef-d'œuvre et pourquoi ? (satisfaction)

4. Comment apprend-t-on à réaliser un chef-

d'œuvre ? (questionnaire d'(auto)-description mathétique) (satisfaction)

5. Entretien « à bâtons rompus » : évaluation du chef-d'œuvre aux niveaux satisfaction, acquis, référence, transfert, impact sur le fonctionnement global

6. Quel est l'impact du chef-d'œuvre sur le

fonctionnement global ? (questionnaire d'anticipation et/ou de perception de l'impact sur le fonctionnement global)

Au détail 7. Quelle est l'étape du chef-d'œuvre la plus

marquante au niveau du plaisir et de l'apprentissage et pourquoi ? (référence)

8. Que s'est-il passé pour chaque étape ? Qui

a choisi le sujet, qui a fait des recherches?… (satisfaction)

Cette structure se lit de gauche à droite et de haut en bas. De gauche à droite, c’est l’axe induit : les réponses aux questions de gauche conduisent plus facilement aux réponses aux questions de droite, parce qu’elles abordent le même contenu, mais de façon plus globale avant de passer au détail. De haut en bas, c’est l’axe spontané, parce que

la ligne qui précède n’apporte pas d’aide au niveau du contenu, mais la progression des questions continuait à s’éloigner du global pour arriver au détail. Certaines questions permettaient de recueillir des informations qualita-tives, d’autres des informations quantitatives. Ces dernières ont été

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170 Cahiers du Service de Pédagogie expérimentale - Université de Liège - 11-12/2002

Le chef-d’œuvre, évaluation valorisante

traduites en graphiques et se voulaient représentatives du groupe d’enfants et de parents interrogé ; tandis que les informations qualitati-ves ont fait l’objet d’un texte pour chaque chef-d’œuvre. Réponses qualitatives et quantitatives se sont enrichies mutuellement car elles ont permis de recouper, nuancer ou enrichir les indicateurs en faveur du chef-d’œuvre, évaluation valorisante. III. Le chef-d’œuvre retrouvé

Dans notre mémoire, nous avons tenté une synthèse1 à partir de notre logique de concepteurs, des discussions théoriques, des résultats et des interprétations des entretiens. Nous avons imaginé que les enseignants, les parents et les enfants de My se rassemblaient pour rédiger ensemble un article sur le chef-d'œuvre. Selon nos résultats, ils seraient d’accord sur le titre : le chef-d'œuvre, évaluation valorisante… Parents et enseignants seraient aussi d’accord pour définir le chef-d'œuvre comme une œuvre personnelle reflétant les possibles du moment, donc améliorable, mais cependant digne d’être admirée parce que, ajouteraient les enfants, elle demande des efforts, elle est dépassement de soi. En ce sens du chef-d'œuvre, les enfants vivent une démarche semblable à celle des Compagnons. 1 Le lecteur qui souhaite en savoir davantage

pourra consulter la bibliographie de notre mémoire pour accéder à des références complémentaires.

C’est une évaluation, diraient-ils, parce que le chef-d'œuvre implique un regard conjoint de tous les acteurs sur les performances de l’enfant : ➢ de l’enfant lui-même d’abord, qui

s’autoévalue ; ➢ des enseignants, qui évaluent et

ajustent leur pratique en fonction du degré de maîtrise des compétences manifestées par l’enfant ;

➢ des parents, qui ont l’occasion d’observer – de plus ou moins loin – comment leur enfant mobilise ses acquis tout au long de sa démarche et lors de la Fête.

En cela, le chef-d'œuvre est une évaluation intégrée (De Ketele), ou naturelle (Gardner) ou authentique (Tardif), parce qu’elle est aussi une situation d’apprentissage qui mobilise et contribue à développer l’autonomie, la métacognition et le transfert, soit des savoirs sur soi ou des compétences stratégiques. 1. Le chef-d’œuvre est une

évaluation valorisante

1. Pour l’enfant, parce que ➢ elle est respectueuse des

différentes formes d’intelligence (Gardner), parce qu’elle donne le droit à la différence dans le choix et le traitement du sujet ;

➢ elle utilise des matériaux intrinsèquement intéressants et motivants (Gardner), comme le journal qui, en tant que portfolio, a un effet positif sur la motivation (Schillings et Vanhulle) ;

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Le chef-d’œuvre, évaluation valorisante

➢ elle cherche à promouvoir le potentiel de l’enfant (Vial), notamment lors des entretiens individuels, en adaptant le référentiel au projet personnel de l’enfant. Elle procure alors à l’enfant le sentiment d’être créateur, parce que la nouveauté n’est pas vue par rapport au produit, mais par rapport à la démarche qui est novatrice pour l’enfant ;

➢ étant source principale de plaisir chez la plupart des enfants, elle leur procure d’autant plus de satisfaction qu’ils se perçoivent très autonomes (Bandura).

2. Pour l’enseignant Parce qu’elle relève du paradigme éthique, qui considère l’évaluation comme attribution ou production de valeur (Lecointe) : l’enseignant est à la fois évaluateur et évalué. 3. Pour les parents Parce qu’ils éprouvent le plaisir de voir leur enfant se reconnaître et être reconnu publiquement, de (re)découvrir ses capacités, ses qualités. 4. Pour tous Parce qu’elle est transaction de reconnaissance (Barbier). C’est ainsi que, par le chef-d'œuvre, • l’enfant porte un nouveau regard

sur lui-même et sur autrui : il se reconnaît personnellement capable de… et voit positivement les adultes et les pairs (Donnay) ;

• les parents voient positivement leur enfant et l’enfant en général ;

• les enseignants voient l’enfant positivement et se sentent reconnus dans leur travail à travers la reconnaissance publique du travail de l’enfant…

Cette attribution mutuelle de valeur donne ensuite la force d’agir (Barbier) car : • en voyant le plaisir de l’enfant et

des parents, nous avions le senti-ment de travailler conformément à notre projet d’enseignants ;

• selon les parents et quelques enfants, le chef-d'œuvre (parmi d’autres pratiques) suscite l’envie et l’audace de se dépasser et d’affronter d’autres tâches d’envergure.

2. Le chef-d'œuvre sera effective-

ment valorisant – et pourra l’être pour tous, si

1. les enseignants postulent l’éduca-bilité de tous et surtout s’ils manifestent cette confiance en la réussite de chacun (Barbier, Bandura, Viau, Grisay, Erikson) ;

2. des outils permettent à l’enfant d’être autonome : principalement le contrat qui stipule les exigences minimales du chef-d'œuvre, mais aussi des référentiels construits lors des leçons de structuration collectives ;

3. du temps et de l’espace sont réservés régulièrement et explici-tement aux démarches autonomes de l’enfant (Perrenoud) : ressour-ces humaines et matérielles accessibles et variées (Lafontaine),

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Le chef-d’œuvre, évaluation valorisante

plages horaires suffisamment longues ;

4. les déplacements et l’occupation des lieux sont cadrés par des règles souples, basées sur la confiance en l’autogestion, afin de permettre le regroupement réconfortant, les échanges d’idées, de sentiments, les encouragements mutuels, la stimulation…

5. les conditions précédentes étant réunies, la Fête offre à l’enfant la reconnaissance publique de ses efforts et de son travail et permet à tous les acteurs de se trouver également impliqués, dans une atmosphère conviviale, une ambiance de partage (de compa-gnonnage, au sens étymologique du terme).

3. En tant qu’évaluation valorisante, le chef-d'œuvre contribue à rencontrer les objectifs du Décret-Missions

Promouvoir la confiance en soi et le développe-ment de la personne de chacun des élèves

Le chef-d'œuvre est une œuvre et un projet personnel qui permet à l’enfant de se réaliser (Arendt) parce qu’il s’inscrit dans une pédagogie de la réussite (Not). Par l’atteinte des objectifs en termes de compétences stratégiques et dynamiques, le chef-d'œuvre contribue à la construction d’une image positive de soi (Leclercq).

Préparer tous les élèves à être des citoyens responsables, capables de contribuer au

développement d’une société démocratique, solidaire, pluraliste et ouverte aux autres cultures

Le chef-d'œuvre, qu’il soit personnel ou collectif, relève du processus d’externalisation (Meyerson), qui présente notamment l’avantage d’aider à construire une communauté solidaire (Bruner) parce qu’il sensibilise à l’intelligence distribuée (Perkins). Par la Fête (la diffusion du journal, l’exposition, l’exposé oral), qui valorise publiquement chaque enfant, le chef-d'œuvre est un forum (Bruner) qui peut susciter chez tous les participants un sentiment d’appartenance à la petite commu-nauté de l’école et à la communauté élargie, impliquant ainsi davantage les acteurs dans le projet de l’établissement et plus largement, dans le projet d’éducation. Le chef-d'œuvre est aussi un forum parce qu’il fait de l’enfant un cré-acteur (Donnay) qui reconstruit un petit morceau de culture. En produisant un journal, acte social de commu-nication (Lafontaine), il laisse une trace de son identité, une trace de la culture de son école, et se fait connaître et fait connaître l’école dans la société (Pistoia, Moss). Autrement dit, le chef-d'œuvre s’inscrit dans un ensemble de prati-ques qui permettent de rencontrer ce qui pourrait être un cinquième objectif du Décret, proposé par Leclercq (1998, p. 84) :

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Le chef-d’œuvre, évaluation valorisante

Permettre à tout élève de VIVRE des situations relationnelles, civiques, sociales, émotionnelles, économiques, artistiques, sportives, valorisantes et socialisantes.

Épilogue

Au-delà de la conceptualisation, la rédaction de ce mémoire nous a permis d’expérimenter le chef-d’œuvre. En effet, pour nous, mais aussi pour d'autres auteurs1, travail de fin de cycle universitaire et chef-d'œuvre ont de nombreux points communs. Nous avons donc ressenti notre mémoire comme une évaluation valorisante et non comme une tâche, dirait Freinet : comme les enfants, nous le placerions en tête des activités qui nous ont appris le plus et qui nous ont procuré le plus de plaisir dans nos études. Nous avons donc cherché à vivre l’isomorphisme jusqu’au bout, par souci de cohérence envers les enfants à qui nous avons demandé cette démarche d’élaboration d’une œuvre personnelle. Nous avons donc conçu le mémoire en trois mouvements : • l’écrit : le mémoire et un journal

DynaMy’t qui permettait de suivre la présentation orale du mémoire,

• l’illustration : lors de la défense, nous avons exposé les supports en 3 D et les journaux des enfants, ainsi qu’une présentation intitulée Le chef-d’œuvre sur la

1 J.-P. Pourtois, H. Desmet (1997), p. 281 et

Philoux (2001). Compagnons du Devoir, 87, p. 10.

sellette, reprenant des extraits audiovisuels des entretiens, où enfants et parents réagissent à des critiques formulées à l’encontre du chef-d’œuvre. Le public pouvait aussi visionner la Fête des chefs-d’œuvre 1997 filmée par les enfants,

• la parole : la défense. Deux temps, trois mouvements pour le mémoire : cet article est un quatrième mouvement dans un troisième temps, puisque nous avons fini nos études, et nous en projetons d’autres, notamment un CD-Rom à destination des enseignants.

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