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Le centre historique Histoire et architecture en résumé Alors qu'ils croisent au large de la baie de Rio, en 1502, les navigateurs portugais croient y voir l'embouchure d'un fleuve. Ils le nomment « Rio de Janeiro » (la rivière de janvier). Cinquante ans plus tard, ce sont les Français qui accostent, ici, sous la conduite de l'amiral calviniste Nicolas de Villegagnon. Ils bâtissent un fort sur un îlot de la baie, à quelques encablures du centre historique (qui jouxte aujourd'hui l'aéroport Santos Dumont), début d'une petite colonie marquée de puritanisme. L'aventure dure deux ans, sapée autant par des luttes intestines (Villegagnon s'est converti au catholicisme) que par la pression des Portugais. La ville prospère grâce notamment à la culture de la canne à sucre et à l'or. En 1807, fuyant l'invasion napoléonienne, le prince régent du Portugal, João VI, s'installe à Rio avec sa cour. Il en fait la capitale du royaume, en 1808, très ouverte sur l'Europe. Cet événement entraîne la modification de fond en comble de la ville qui de « musulmane » pour évoquer son archaïsme devient européenne. Au XIXe siècle, la ville prend son essor grâce au commerce du café. De cette époque date le célèbre tramway qui desservait déjà, tiré par des ânes, le quartier chic de Santa Teresa et dont une version moderne circule toujours. En 1889, la république est proclamée : la population a triplé, et l'architecture baroque coloniale recule au profit du néoclassicisme. Le Brésil tourne le dos au Portugal et va développer une architecture plus mouvementée, influencée par la France, l'Italie ou l'Espagne. C'est ce qu'on appelle l'époque éclectique avec ses façades chargées, dont le théâtre municipal, réplique du palais Garnier à Paris, est l'un des meilleurs exemples. Ce style résistera jusqu'aux années 1920, celles d'un art nouveau tardif avec lequel il coexistera un temps, avant que tous deux ne se diluent dans le modernisme. Avec les années 1930 vient ce que l'on appelle l'État nouveau, un État fort à la façon du Salazarisme portugais. Il rencontre l'art moderne, car gouvernants et bâtisseurs appartiennent aux mêmes sphères. Ainsi s'impose pour des décennies une architecture sans modestie certes, mais parfois profondément originale influencée par Le Corbusier. Dans les années 1950, Brasilia symbolise l'apogée de ce style, mais à Rio la tendance va à la verticalité, celle des gratte-ciel. Les pauvres, eux, confirment leur implantation sur une autre verticalité, celle des favelas. À l'époque de Kubitschek, avec la bossa nova, le cinéma nouveau et la première Coupe du monde, les temps sont à l'euphorie et à l'optimisme. Dans ce Brésil fasciné par sa propre grandeur, l'ébullition se déplace vers les plages Copacabana puis Ipanema. Avec la création de Brasilia, Rio perd en 1960 son statut de capitale : le narcissisme carioca en prend un coup. Il y en aura d'autres : pollution, tension sociale et violence ont un peu terni l'image de la ville, parfois injustement, mais l'ont aussi conduite à réagir.

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Page 1: Le centre historique - TV5Monde · Avec la création de Brasilia, Rio perd en 1960 son statut de capitale : le narcissisme carioca en prend un coup. Il y en aura d'autres : pollution,

Le centre historique

Histoire et architecture en résumé Alors qu'ils croisent au large de la baie de Rio, en 1502, les navigateurs portugais croient y voir l'embouchure d'un fleuve. Ils lenomment « Rio de Janeiro » (la rivière de janvier). Cinquante ans plus tard, ce sont les Français qui accostent, ici, sous la conduite del'amiral calviniste Nicolas de Villegagnon. Ils bâtissent un fort sur un îlot de la baie, à quelques encablures du centre historique (qui jouxteaujourd'hui l'aéroport Santos Dumont), début d'une petite colonie marquée de puritanisme. L'aventure dure deux ans, sapée autantpar des luttes intestines (Villegagnon s'est converti au catholicisme) que par la pression des Portugais. La ville prospère grâce notamment à la culture de la canne à sucre et à l'or. En 1807, fuyant l'invasion napoléonienne, le prince régent duPortugal, João VI, s'installe à Rio avec sa cour. Il en fait la capitale du royaume, en 1808, très ouverte sur l'Europe. Cet événemententraîne la modification de fond en comble de la ville qui de « musulmane » pour évoquer son archaïsme devient européenne. Au XIXe siècle, la ville prend son essor grâce au commerce du café. De cette époque date le célèbre tramway qui desservait déjà,tiré par des ânes, le quartier chic de Santa Teresa et dont une version moderne circule toujours. En 1889, la république est proclamée: la population a triplé, et l'architecture baroque coloniale recule au profit du néoclassicisme. Le Brésil tourne le dos au Portugal et vadévelopper une architecture plus mouvementée, influencée par la France, l'Italie ou l'Espagne. C'est ce qu'on appelle l'époqueéclectique avec ses façades chargées, dont le théâtre municipal, réplique du palais Garnier à Paris, est l'un des meilleurs exemples. Cestyle résistera jusqu'aux années 1920, celles d'un art nouveau tardif avec lequel il coexistera un temps, avant que tous deux ne sediluent dans le modernisme. Avec les années 1930 vient ce que l'on appelle l'État nouveau, un État fort à la façon du Salazarisme portugais. Il rencontre l'art moderne,car gouvernants et bâtisseurs appartiennent aux mêmes sphères. Ainsi s'impose pour des décennies une architecture sans modestiecertes, mais parfois profondément originale influencée par Le Corbusier. Dans les années 1950, Brasilia symbolise l'apogée de cestyle, mais à Rio la tendance va à la verticalité, celle des gratte-ciel. Les pauvres, eux, confirment leur implantation sur une autreverticalité, celle des favelas. À l'époque de Kubitschek, avec la bossa nova, le cinéma nouveau et la première Coupe du monde, lestemps sont à l'euphorie et à l'optimisme. Dans ce Brésil fasciné par sa propre grandeur, l'ébullition se déplace vers les plagesCopacabana puis Ipanema. Avec la création de Brasilia, Rio perd en 1960 son statut de capitale : le narcissisme carioca en prend un coup. Il y en aura d'autres :pollution, tension sociale et violence ont un peu terni l'image de la ville, parfois injustement, mais l'ont aussi conduite à réagir.

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Aujourd'hui, la ville est plus soucieuse de son environnement et de son patrimoine. Rio est devenue un peu moins emphatique, àl'image du Brésil qu'elle a toujours voulu incarner. PP

Les origines Vers Tiradentes

Notre Dame et sesenvirons

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Les origines

C'est ici que tout a commencé, au fond de la baie de Guanabara. La colonie portugaise s'est implantée là en 1560 après avoir défaitles Français, pour deux cent soixante-cinq années, jusqu'à l'indépendance de 1825. Entre temps, la ville sera devenue la capitale del'Empire portugais en exil et aura transformé sa physionomie selon un urbanisme inspiré des villes européennes. De ces sièclesd'histoire, et à l'échelle d'une telle ville, ne subsistent que peu de vestiges. Les années de l'entre-deux-guerres ont imposé des tracésqui, selon les axes des avenues Vargas et Rio Branco, ont entaillé à vif la chair du vieux Rio. On dit que les pays neufs ont d'autrespriorités que de se préoccuper de leur patrimoine. Le Brésil, pays en constante évolution n'a pas dérogé à la règle : mieux valait semunir de tous les outils de la raison pour aborder les temps nouveaux. Dommage pour le promeneur, qui cherchera au pied des tourset des immeubles de verre, un peu de ce glorieux passé.

Vue depuis la place du 15 novembre : une juxtaposition de styles et d'époques. Le PaçoImperial, ancien palais du vice-roi du Brésil, de style colonial du XVIIIe siècle, le PalaisTiradentes, Chambre des députés de l'État de Rio, immeuble néoclassique d'inspirationfrançaise et, plus loin, un bâtiment du XIXe siècle portugais.

Place du 15 novembre, les styles se bousculent encore.

Arco de Teles : le quartier est régulièrement entretenu pour le bonheur des restaurateurs.

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L'ancienne cathédrale Nossa Senhora do Carmo da Antiga Sé, construite au XVIIe siècle àl'ombre des gratte-ciel.

L'église Santa Cruz dos Militares, XVIIe siècle, un exemple de baroque exubérant.

La fontaine publique, place du 15 novembre, connue sous le nom de Fontaine de MaîtreValentin (1789).

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Vers Tiradentes

La place Tiradentes est au cœur d'un quartier de la vieille ville où la vie culturelle est intense. Le patrimoine y est relativementpréservé, les ruelles font alterner des palais du XIXe siècle et des demeures bourgeoises aux façades colorées. L'activité nocturne yest débordante. La ville a repris ici, en plein centre, sa dimension la plus conviviale, celle d'une ville latine de fêtes et de plaisirs,dans un écrin chic mais pas toc.

Le cabinet royal de lecture portugaise : un clin d'œil à une architecture manuéline depuis le XIXesiècle, sur la rue Camoens... tradition quand tu nous tiens

Rue du Théâtre, le centre culturel Carioca est le siège de nombreux concerts.

Le théâtre João Catalano.

Le Rio Scenarium, au 20 de la rua do Lavradio : un lieu de musique et de danse branché sur4 étages.

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Sambistas dans un décor de tangueros !

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Notre Dame et ses environs

L'avenue du président Vargas et l'église Notre-Dame de Candelaria (1775) représentent le centre du dispositif mis en œuvre dans lesannées 1920 pour restructurer Rio de Janeiro. On doit à l'urbaniste français, Alfre Agache, l'étude et la réalisation de ce remodelagequi avait pour but de revitaliser la ville selon un vaste plan d'ensemble en prenant en compte la dimension sociale. Pour Agache,l'urbanisme était à la fois une science, un art et une philosophie. Aujourd'hui, l'immense église Notre-Dame de Candelaria, longtempsla plus vaste d'Amérique du Sud, semble jurer au milieu des buildings modernes. Mais si l'on considère la masse des bâtiments, ons'aperçoit que leur monumentalité se complète néanmoins au-delà des styles.

Symétrie absolue pour cette façade baroque.

L'intérieur rappelle que Rio, au XVIIIe siècle s'était enrichie avec le commerce de la canne àsucre mais aussi avec celui de l'or.

Une vision doloriste de la Piétà..

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Sur le parvis, où furent exécutés des enfants par les commandos de la mort en 1993, retour àla dure réalité : une jeune fille se sert des égouts pour ranger ses modestes effets.

Près de la station Uruguaiana, sur l'avenue Vargas.

Depuis l'avenue Vargas, une enclave préservée, la rue Miguel Couto avec, au fond, l'égliseSanta Rita de Cassia (1753).