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1 Le centre d’expérimentation du Pacifique (1963 - 1974) Référence : F66-184 RC75 Vue aérienne de l’atoll de Hao et des installations du CEP. Été 1966, photographe Antoine, copyright ECPAD.

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Le centre d’expérimentation du Pacifique (1963 - 1974)

Référence : F66-184 RC75 Vue aérienne de l’atoll de Hao et des installations du CEP.

Été 1966, photographe Antoine, copyright ECPAD.

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Sommaire

I - Les infrastructures du CEP p. 5

A - Infrastructures et travaux

a) Tahiti, base arrière b) Hao, base avancée c) Mururoa et Fangataufa

B - Détachements interarmées

a) La Marine nationale et la force Alfa b) L’aéronavale et l’armée de l’air

II - Les essais nucléaires atmosphériques p. 13

A- La procédure du tir

a) Station météorologique et dégagement de la zone de sécurité b) PC de tir

B - Les différents moyens de tirs

a) Tirs sur barge b) Tirs aériens c) Tirs sous ballon d) Tirs de sécurité

III- Analyses des résultats p. 20

A - Prélèvements et décontamination B - Analyses de la radioactivité et essais sur le matériel

a) Le SMSR b) Le SMCB c) Le STAT

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Introduction

Dès la fin de la seconde guerre mondiale, les grandes puissances mondiales se lancent dans une course à l’armement et notamment à la maîtrise du nucléaire. L’objectif ultime pour ces pays est de se doter de l’arme atomique afin de dissuader leurs ennemis d’une attaque éventuelle, dans le cadre des politiques de défense nationale.

Au cœur de cette course, la France lance de nombreux travaux de recherche afin de maîtriser au plus vite l’énergie atomique dans les domaines militaire et civil. En 1954 débutent les travaux du premier centre de recherche établi en Algérie, alors territoire français, et plus particulièrement dans le Sahara, sur les sites de Reggane (le premier tir, « Gerboise bleue » est lancé le 13 février 1960) et d’In Ecker (premier essai souterrain en novembre 1961). Dès 1958, une alternative au site d’expérimentation du Sahara est recherchée et, en 1961, trois possibilités s’offrent aux ministères concernés : la Polynésie, la Réunion et la Nouvelle-Calédonie. Le début de l’année 1962 sonnant la fin du conflit de décolonisation et de l’Algérie française, il devient urgent de choisir un site d’expérimentation et en juillet 1962, le conseil de défense décide de l’établir en Polynésie française. C’est ainsi qu’est créée la Direction des centres d’expérimentations nucléaires (DirCEN), à qui sont confiées la réalisation et la conception des nouveaux centres de tirs. La DirCEN est placée sous l’autorité directe du ministre des Armées et assistée par la DAM-CEA (direction des applications militaires - Commissariat à l’énergie atomique), dont une partie du personnel est constituée de civils, des « missionnaires » établis dans les atolls. Le ministère des armées est le responsable en chef des infrastructures et du déroulement des expérimentations.

La réalisation du projet débute en mai 1963, par le débarquement du premier détachement du génie à Mururoa (ou Moruroa), suivi trois mois plus tard des légionnaires du 5e GMP (groupement mixte de Polynésie). En trois ans, ces militaires participent à l’érection d’un gigantesque centre d’expérimentation, permettant d’abriter des centres de recherche et des laboratoires de pointe, mais aussi capable d’accueillir toute une nouvelle population de travailleurs civils et militaires. Ces travaux colossaux sont soutenus par la contribution essentielle de la Marine nationale qui envoie cent bâtiments assurer la logistique et l’intendance dans les différents sites. La création en mai 1966 du GOEN, le groupement opérationnel des essais nucléaires, marque officiellement la mise en service du CEP (Centre d’expérimentation du Pacifique). Parallèlement, les essais de poursuivent dans la région saharienne du Hoggar jusqu’en 1966, suite à une clause secrète prévue dans les accords d’Evian instaurant l’indépendance de l’Algérie (1962).

Entre 1966 et 1974, quarante-six essais nucléaires ont été réalisés en Polynésie, par différents modes de lancement et de largage (tir sur barge, sous ballon ou encore par avion). L’année 1968 marque la réussite du premier tir d’une bombe H (hydrogène), beaucoup plus puissante. Ces expérimentations sont le fait d’un travail interarmées sans précédent et, sans la coopération de la Marine nationale, de l’armée de terre ou encore de l’armée de l’air, le CEP n’aurait pu accomplir ces études et ces essais.

Les représentants du pouvoir se succèdent à Tahiti, principalement le président de la République Charles de Gaulle, le ministre des Armées Pierre Messmer et le ministre de la Défense nationale Michel Debré, qui mettent ainsi en scène le pouvoir de dissuasion de la France.

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Dès l’année 1964, des photographes et des caméramans de l’ECA (Établissement cinématographique des armées) sont envoyés en Polynésie pour réaliser des reportages sur le CEP. Leurs photographies et les films montés à partir de leurs épreuves de tournage envoyées au fort d’Ivry-sur-Seine, siège de l’ECA, sont destinés à être communiqués aux professionnels du monde scientifique ou au grand public. Certains de ces documents ont néanmoins été classifiés à l’époque pour des raisons de sécurité, de protection du secret industriel et réservés aux personnes qualifiées pour les connaître.

Les reportages photographiques ainsi que les documentaires filmiques commandés par le ministère des Armées (jusqu’en 1969) puis de la Défense nationale (1969 - 1973) relaient la démonstration du progrès scientifique français et par conséquent son pouvoir et sa place sur l’échiquier politique mondial, tout en certifiant qu’aucune de ces expérimentations n’est néfaste ni à l’environnement ni à la population polynésienne.

Entre 1964 et 1974, plus de 2 000 photographies réparties en une trentaine de reportages ont été prises par les opérateurs de prises de vues de l’armée française sur les différents sites du CEP et une dizaine de films ont été réalisés à l’époque par l’ECA puis à partir de 1969 par l’ECPA (Établissement cinématographique et photographique des armées) sur les essais nucléaires en Polynésie française1. Cinquante ans après la création du CEP, l’ECPAD revient sur ces images et propose une sélection de vingt-cinq d’entre elles, conservées, numérisées et accessibles à la médiathèque de l’ECPAD située au fort d’Ivry-sur-Seine.

Organigramme issu de : Bernard Durmotier, « Atolls de l’atome », Marines éditions, Rennes, 2004, p.27

1 À noter qu’il n’existe pas dans l’inventaire actuel des fonds d’archives cinématographiques conservés à l’ECPAD de références de rushes (épreuves de tournage) sur le CEP.

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Carte de la Polynésie française – Capture d’écran issue du film « Campagne d’expérimentations nucléaires dans le Pacifique, 1968 » - Référence SCA 475 - TC 00 :12 :29

I- Les infrastructures du CEP

À partir de l’année 1963, de grands travaux d’infrastructure sont lancés en Polynésie française pour établir le CEP.

A - Infrastructures et travaux

a) Tahiti, base arrière

En mai 1963, un premier détachement du génie débarque à Tahiti. Le port de Papeete et la piste d’aviation de Faa’as sur Tahiti subissent des travaux d’agrandissement et de modernisation pour recevoir des bâtiments et des appareils de gros tonnage, désignant Tahiti comme la base arrière du CEP. Le quartier général du CEA est construit à Mahina, près de Papeete, ainsi que le camp militaire d’Arué pour le 5e RMP (régiment mixte du Pacifique), ancien 5e REI (régiment étranger d’infanterie), qui effectua toutes ces transformations. Des zones résidentielles pour les familles des militaires et des personnels civils sont également érigées tout comme l’hôpital militaire Jean-Prince.

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N° 1/Référence : F 67-338 RC02 Une partie du port de Papeete, Tahiti. Août 1967, photographe inconnu, copyright ECPAD.

N° 2/Référence : F 64-103 RC14

Chantier du 5e RMP près du camp d’Arué, aux abords de Papeete, Tahiti.

Février 1964, photographe René Bail, copyright ECPAD.

b) Hao, base avancée

À 900 km à l’est de Tahiti se trouve l’atoll de Hao, appelé également « l’île de l’Arc » en raison de sa forme : une couronne de 130 km de long pour une largeur allant de 10 à 140 mètres. Au cœur de cet arc, un lagon, accessible par une passe. L’atoll a été choisi par la DirCEN pour servir de base avancée aux sites de lancement de Mururoa et Fangataufa.

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N° 3/Référence : F 66-184 RC75 Vue aérienne sur l’atoll d’Hao et ses installations.

Eté 1966, photographe Antoine, copyright ECPAD.

Les travaux sur cet atoll débutent en septembre 1964 par l’infrastructure aéronautique, c'est-à-dire les quais de débarquement et la piste d’aviation de 3 420 mètres, puis quelques pavillons de la base vie pour accueillir les personnels. Des lieux d’habitation sont construits pour 2 500 personnes, civiles et militaires, sur une bande de 17 km recouverte de cocotiers. Enfin, de nombreux laboratoires, des ateliers et également un hôpital sont installés.

N° 4/Référence : F 64-101 RC8 Travaux sur l’atoll d’Hao, future base avancée du CEP. Février 1964, photographe René Bail, copyright ECPAD.

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N° 5/Référence : F 64-101 RC14

Construction du camp de vie sur Hao. Février 1964, photographe René Bail, copyright ECPAD.

L’unique village de Hao, Otepa, est alors habité par 194 Polynésiens. Ils seront rejoints par 2 500 employés du CEP sur cette base.

La base avancée d’Hao constitue le lien entre Tahiti et les sites de tir et permet également d’assurer plus de sécurité à Papeete en évitant le transfert et les manipulations de matériels et d’engins nucléaires.

c) Mururoa et Fangataufa

À 450 km au sud d’Hao, se trouvent les atolls de Mururoa et de Fangataufa, deux atolls vierges de l’archipel des Tuamotu, qui subissent de grandes modifications lors des travaux d’infrastructures : les cocoteraies sont rasées, des zones portuaires et des pistes d’aviation sont construites, ainsi que des blockhaus abritant les PEA (poste d’enregistrement avancé) « Dindon » et « Denise », la zone portuaire « Kathie » et le PCT (poste de commandement de tir) « Anémone ».

Dans les premières campagnes de tirs, les personnels sont hébergés pour les uns, à bord de bâtiments militaires dans la zone portuaire « Kathie », pour les autres, à terre, entre les zones « Kathie » et « Anémone », à l’est de l’atoll, où la base vie « Martine » est aménagée à partir de 1970 afin d’améliorer l’urbanisation de l’atoll. Ces travaux ont tous été réalisés par les sapeurs du génie et par les légionnaires du 5e RMP qui ont démontré leur savoir-faire en créant tout un village fonctionnel à partir d’un terrain vierge : réseau d’électricité, traitement de l’eau, route, fondations des habitations, etc.

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Carte de Mururoa - Capture d’image du film « Campagne d’expérimentation nucléaire dans le Pacifique 1968 »,

TC 00 :09 :14 ; référence SCA 475

N° 6/Référence : F 66-184 RC218 Vues sur l’atoll de Mururoa et plus particulièrement sur la zone portuaire « Kathie ».

Été 1966, photographe Antoine, copyright ECPAD.

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Carte de Fangataufa issue de

Bernard Durmotier, « Atolls de l’atome », Marines éditions, Rennes, 2004, p.66

Les PEA sont édifiés à l’ouest de l’atoll pour « Dindon » et sur la pointe nord pour « Denise ». Le site de tir est alterné à chaque essai pour assurer un minimum de repos à l’environnement. Les PEA abritent de nombreux engins de mesure, des radars et des appareils de transmission de données. Les murs de ces bunkers sont épais de cinq mètres ou de dix mètres du côté faisant face à l’explosion. Pour construire de tels bâtiments, aussi lourds, le génie militaire a dû renforcer le sol en y introduisant des tonnes de béton.

N° 7/Référence : F 68-318 RC23 Poste d’enregistrement avancé (PEA) « Frégate » à Fangataufa. 24 août 1968, photographe Leblanc, copyright ECPAD.

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B - Détachements interarmées

a) La Marine nationale et la force Alfa

Pour assurer la construction du CEP, la participation de la Marine nationale fut essentielle. Plus de cent bâtiments sont mobilisés en Polynésie dans la première moitié des années soixante pour de nombreuses réalisations d’infrastructures : le quartier général de Papeete, la base aérienne 185 avancée de Hao et les chantiers sur les atolls de Mururoa et Fangataufa. Le bâtiment emblématique du CEP demeure le croiseur anti-aérien De Grasse. Des travaux d’aménagement sont effectués sur le bâtiment afin d’en réduire l’armement et d’en augmenter la capacité d’accueil : cent-vingt logements y sont réalisés pour l’état-major du GOEN (groupement opérationnel des expérimentations nucléaires).

N° 8/Référence : F 66-184 RC 382 Le croiseur De Grasse au large de Hao. Eté 1966, photographe Antoine, copyright ECPAD.

En 1965, le détachement de la Marine constitue le groupe aéronaval du Pacifique, dit groupe

Alfa puis force Alfa, et participe à deux campagnes de tirs dans le Pacifique.

Lors de la première, en 1966, plus de 3 500 hommes et sept bâtiments militaires sont mobilisés : les escorteurs d’escadre Forbin, La Bourdonnais, le Jauréguiberry, les pétroliers La Seine et Aberwrach, le bâtiment de soutien Rhin et le porte-avions Foch. Cette première force Alfa, placée sous le commandement du contre-amiral Storelli, quitte Toulon le 23 mars 1966 et aborde la Polynésie deux mois plus tard pour assister et superviser les six premiers essais atmosphériques déclenchés par le CEP, dans un dispositif nommé « Phoebus ». En 1967, lors de la deuxième campagne de tirs du CEP, qui ne prévoit que trois tirs, la présence de la force Alfa n’est pas justifiée.

En revanche, la force Alfa gagne Papeete le 16 mai 1968 dans le cadre de la première campagne de tirs thermonucléaires. Elle est constituée du porte-avions Clemenceau, des avisos-escorteurs Commandant Rivière, Protet, Amiral Charner, Doudart de Lagrée et Enseigne de vaisseau Henry. Celle-ci assure le soutien du tir « Canopus », premier essai de la bombe H par la France.

La force Alfa assure la surveillance de la zone maritime, abrite en son sein des laboratoires et des logements aux marins de la flotte et transporte également les appareils aériens de défense et de

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mesure : avions Mirage IV et Vautour, hélicoptères, etc. dans le cadre de la recherche nucléaire militaire.

N° 9/Référence : F 66-184 RC384 Bâtiments de la force Alfa à Hao, dispositif naval spécialement créé en 1965 pour les besoins opérationnels de la première campagne d'essais dans le Pacifique : le croiseur de commandement De Grasse, la décontamination d'hélicoptères Alouette II et III à bord du TCD (transport de chalands de débarquement) Ouragan. Eté 1966, photographe Antoine, copyright ECPAD.

b) L’aéronavale et l’armée de l’air

La mise à disposition de nombreux aéronefs lors des campagnes de tirs du CEP a été essentielle pour le bon déroulement des opérations : avions de patrouille maritime, avions de combat, hélicoptères, etc. La venue dès 1965 du groupe Alfa, regroupé autour d’un porte-avions, permet la participation active des appareils de l’armée de l’air et de l’aéronavale.

Cependant, avant même l’édification du CEP, ce sont les appareils de l’armée de l’air qui ont assuré les missions photographiques au-dessus des atolls pour effectuer les mesures de construction des bases. Dès les premières campagnes, les appareils de l’aéronavale sont divisés en trois groupes : les appareils de servitude de type transporteur comme l’hélicoptère Super-Frelon mis en service dès 1968 ou les appareils Breguet 763, des appareils de reconnaissance de type Vautour ou hélicoptères Alouette II, et enfin des appareils de combat, de type Mirage IV lanceur de bombe A.

Jusqu’en 1974 de nombreux appareils se succèdent en Polynésie : Mystère XX, DC-6, Cessna F7 ou Nord 2501. Les forces de l’armée de l’air sont rassemblées au sein du GAM 82 (groupe aérien mixte) créé le 1er mai 1964 en Polynésie française pour assurer le transport des personnels et du fret entre la métropole et Tahiti, puis entre Tahiti et Hao, et entre Hao et Mururoa et Fangataufa, chaque atoll disposant d’une piste d’atterrissage ou d’un aéroport.

N° 10/Référence : F 66-271 R15 Base aérienne d’Hao. Juillet 1966, photographe Antoine, copyright ECPAD.

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II - Les essais nucléaires atmosphériques

Entre 1966 et 1974, le CEP effectue quarante-six essais nucléaires dans l’atmosphère, utilisant différents moyens de tirs. La mise au point et la réalisation des expérimentations nucléaires sont dirigées uniquement par des scientifiques civils du CEA alors que l’organisation logistique et la mise en œuvre opérationnelle sont gérées par l’armée. Le GOEN se charge de la coordination entre ces deux institutions lors de chacune des campagnes de tir.

A- La procédure du tir

a) Station météorologique et dégagement de la zone de sécurité

Le bon déroulement des essais nucléaires dans l’atmosphère est lié en grande partie aux conditions météorologiques susceptibles d’influencer l’orientation des particules radioactives, que les personnels du CEP se doivent d’anticiper. Le vent et la pluie constituent par exemple deux éléments incompatibles avec les essais et certains ont été retardés pour ces raisons. Des piquets et des stations météorologiques sont alors installés au sol mais également à bord des bâtiments de la Marine nationale sur lesquels se déroulent les réunions de préparation de tirs en présence du commandement.

N° 11/Référence : F 66-185 R574 Station météorologique sur le bâtiment de soutien Rance. Eté 1966, photographe Antoine, copyright ECPAD.

Une fois les conditions météorologiques optimales réunies, l’essai peut être réalisé. Les

patrouilles de surveillance maritime commencent leur ronde durant les deux jours qui précèdent le tir pour évacuer la zone estimée dangereuse. La veille du tir, les bâtiments de la Marine nationale et les bâtiments bases quittent le lagon pour s’éloigner du site et les patrouilles maritimes s’assurent qu’aucun individu n’est présent sur la zone.

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b) PC de tir

Il existe plusieurs PCT (poste de commandement de tir) ; un sur la côte est de Mururoa dit « Anémone », près de la zone portuaire « Kathie », et un sur le croiseur De Grasse, bâtiment à la tête de la force Alfa. Un bunker est construit autour du PCT « Anémone », dans lequel assistent au tir seulement quelques personnels. C’est depuis ce PCT qu’est lancé le compte à rebours du tir, après en avoir reçu l’ordre par le GOEN, embarqué quant à lui sur le De Grasse. La salle du PCT comprend des consoles de contrôle et surtout le pupitre sur lequel sont enclenchées trois clefs contrôlant le déclenchement du tir. De chaque côté du bunker, des tours de transmission et d’observation assurent la communication entre le GOEN, le DirCEN et le PCT.

C’est depuis bâtiment De Grasse que le général de Gaulle, alors président de la République, déclenche le quatrième tir de la première campagne du CEP, le tir « Bételgeuse », le 11 septembre 1966. Il est accompagné de plusieurs autorités civiles et militaires parmi lesquelles Pierre Messmer, ministre des Armées, Alain Peyrefitte, ministre de la Recherche scientifique et des questions atomiques et spatiales, et le général de corps aérien Jean Thiry, directeur des centres d'expérimentations nucléaires. Unique président de la République à avoir assisté à un essai nucléaire, le général de Gaulle cherche alors à se positionner en chef d’un état puissant.

N° 12/Référence : F 66-467 L04 Déclenchement de l'essai nucléaire "Bételgeuse" par le général de Gaulle depuis le croiseur De Grasse à Mururoa.

11 septembre 1966, photographe René-Paul Bonnet, copyright ECPAD

Autour du PCT, sur les atolls et à bord des bâtiments militaires et des bâtiments bases, les passagers assistent pour la plupart au tir. Munis de lunettes et d’une combinaison, les personnels au plus près de l’expérience tournent le dos à l’explosion pour se protéger du flash, puis se retournent pour observer l’évolution du champignon.

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B - Les différents moyens de tirs a) Tirs sur barge

Le tout premier essai nucléaire lancé en Polynésie française se nomme « Aldébaran » et a lieu le 2 juillet 1966, face au PEA « Dindon », depuis une barge placée au large à quelques centaines de mètres face au PEA. Sur la barge, une tour d’environ dix mètres de hauteur abrite le conteneur de l’engin nucléaire. Au sommet de cette tour, un toit est disposé afin de cacher la préparation de l’engin à tout satellite espion. La barge est reliée au PEA par des câbles de mesure et des capteurs.

N° 13/Référence : F 66-184 RC376

Barge contenant l’engin nucléaire du tir « Sirius ». 4 octobre 1966, photographe Antoine, copyright ECPAD.

Étant donné la position de la barge de tir, ancrée dans le lagon, l’engin explose sur ce dernier, atteignant directement sa faune et sa flore. Les expérimentations sur barge flottante se révèlent ainsi trop polluantes, interdisant de fait l’accès à une partie de l’atoll au-delà du lieu de l’explosion dit point zéro.

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N° 14/Référence : F 66-184 RC339 Champignon du tir « Aldébaran », premier essai du CEP. 2 juillet 1966, photographe Antoine, copyright ECPAD.

Liste des tirs sur barge 2

Date Heure Nom Atoll Lieu Hauteur 02/07/1966 5 h 34 Aldébaran Moruroa Dindon 10 m

24/09/1966 7 h Rigel Fangataufa Frégate 3 m

04/10/1966 11 h Sirius Moruroa Dindon 10 m

b) Tirs aériens

Dès le deuxième essai de la campagne de tirs en 1966, la Direction des forces aériennes stratégiques décide de procéder au largage d’une arme nucléaire. Le tir se déroule le 19 juillet 1966 et se nomme « Tamouré ». L’engin nucléaire est largué à 1 000 mètres d’altitude depuis un Mirage IV, à 85 km à l’est de Mururoa. Il s’agit d’un essai en condition réelle de combat. Deux autres bombes ont été larguées : en 1973 par un Mirage III et en 1974 par un Jaguar A. Il s’agit pour le ministère des armées de s’assurer du bon fonctionnement de l’arme nucléaire en mission opérationnelle. Ces essais rappellent que les expérimentations se déroulent en pleine course à l’armement au milieu de la guerre froide et que la France estime avoir besoin d’un moyen de dissuasion opérationnel contre les pays du bloc de l’est. 2 Moruroa, Mémorial des essais nucléaires français (http://www.moruroa.org/)

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N° 15/Référence : F 66-185 R156 Activités aériennes sur la base d’Hao.

L’un des deux Mirage IV au retour d’une mission d’entraînement de largage de l’AN-21, pour le prochain essai nommé « Tamouré ».

Juillet 1966, photographe Antoine, copyright ECPAD. Liste des essais nucléaires par bombes larguées 3

Date Heure Nom Lieu Hauteur 19/07/1966 5 h 05 Tamouré 85 km Est Moruroa 1000 m 28/08/1973 9 h 30 Tamara océan intérieur eaux territoriales 250 m 25/07/1974 8 h 30 Maquis 20 km au sud-ouest de Moruroa 250 m

c) Tirs sous ballon Le procédé le plus utilisé par le CEP lors de ses campagnes d’essais est le tir sous ballon. De

1966 à 1974, trente-quatre essais atmosphériques ont été réalisés avec cette méthode, depuis les PEA « Dindon » et « Denise » à Mururoa, et le PEA « Frégate » à Fangataufa.

Dans cette configuration, la bombe est accrochée à un ballon gonflé à l’hélium, disposé à des centaines de mètres du PEA. Les expérimentations en altitude, contrairement aux tirs sur barge, permettent à la faune et à la flore aquatiques de ne pas être touchées directement par l’explosion, mais « uniquement » par les pluies de particules après celle-ci.

3 Moruroa, Mémorial des essais nucléaires français (http://www.moruroa.org/)

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N°16/Référence : F 68-318 LC55 Préparation du ballon pour le tir « Canopus » sur l’atoll de Fangataufa. 24 août 1968, photographe Leblanc, copyright ECPAD.

N° 17/Référence : F 68-318 RC58 Tir « Canopus », premier essai de bombe à hydrogène. 24 août 1968, photographe Leblanc, copyright ECPAD.

Tirs sous ballon effectués depuis Frégate (Fangataufa)4

Date Heure Nom Hauteur 24/08/1968 8 h 30 Canopus 520 m 30/05/1970 10 h Dragon 500 m 02/08/1970 11 h Orion 400 m

4 Moruroa, Mémorial des essais nucléaires français (http://www.moruroa.org/)

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Tirs sous ballon effectués depuis Dindon (Mururoa)5

Date Heure Nom Hauteur 27/06/1967 8 h 30 Antarès 340 m 15/07/1968 9 h Castor 650 m 08/09/1968 9 h Procyon 700 m 22/05/1970 10 h 30 Cassiopée 500 m 03/07/1970 10 h 30 Licorne 500 m

06/08/1970 11 h Toucan 500 m 12/06/1971 10 h 15 Encelade 450 m 14/08/1971 10 h Rhéa 480 m 30/06/1972 9 h 30 Titania 220 m 29/07/1972 9 h 40 Oberon 220 m 21/07/1973 9 h Euterpe 220 m 24/08/1973 9 h Parthenope 220 m 16/06/1974 8 h 30 Capricorne 220 m 07/07/1974 14 h 15 Gémeaux 312 m 15/08/1974 15 h 30 Scorpion 312 m 14/09/1974 14 h 30 Verseau 433 m

Tirs sous ballon effectués depuis Denise (Moruroa) 6

Date Heure Nom Hauteur 11/09/1966 7 h 30 Bételgeuse 1200 m 05/06/1967 9 h Altaïr 295 m 07/07/1968 12 h Capella 463 m 03/08/1968 11 h Pollux 490 m 15/05/1970 10 h Andromède 560 m 24/06/1970 10 h 30 Eridan 560 m 27/07/1970 11 h Pégaze 220 m 05/06/1971 10 h 15 Dioné 275 m 04/07/1971 12 h 30 Japet 230 m 08/08/1971 9 h 30 Phoebe 230 m 25/06/1972 10 h Umbriel 230 m 28/07/1973 14 h 06 Melpomène 270 m 18/08/1973 9 h 15 Pallas 270 m 17/07/1974 8 h Centaure 270 m 24/08/1974 14 h 45 Taureau 270

5 Moruroa, Mémorial des essais nucléaires français (http://www.moruroa.org/)

6 Idem

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d) Tirs de sécurité

Des tirs dits de sécurité sont également lancés depuis une tour de cinquante mètres de hauteur, sur la zone « Colette », au nord de Mururoa entre 1966 et 1974. Ces essais ont pour objectif d’assurer la sûreté d’un engin nucléaire en vérifiant qu’aucune interférence extérieure ne puisse faire s’enclencher le mécanisme d’allumage de l’engin. Une bombe à charge nucléaire doit être fiable et par conséquent exploser uniquement suite à un ordre donné. Ces essais n’ont pas été enregistrés comme tirs nucléaires : la bombe est bien larguée et explose au sol mais jamais la mise à feu nucléaire n’est déclenchée.

Tirs de sécurité effectués depuis « Colette » et « Denise »7

Date Heure Nom Lieu Hauteur 21/07/1966 2 h Ganymède Colette 12 m 31/07/1972 12 h 30 Ariel Denise 10 m 13/09/1973 5 h 42 Vesta Colette 4,1 m 01/07/1974 7 h 30 Bélier Colette 5,6 m 28/07/1974 7 h 30 Persée Denise 5,6 m

III - Analyses des résultats

A - Prélèvements et décontamination

Une fois l’essai terminé, il s’agit pour les organismes du CEP de pouvoir tirer des conclusions scientifiques de ces expériences. Dans l’heure qui suit le tir, une escadrille d’avions Vautour et Neptune quitte la base d’Hao pour se rendre au plus près du nuage afin d’y lancer des fusées de prélèvement. Ces fusées sont ensuite récupérées en mer par les hélicoptères Alouette II et III et ramenées à bord des bâtiments Ouragan et Rance.

7 Moruroa, Mémorial des essais nucléaires français (http://www.moruroa.org/)

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N° 18/Référence F 68-318 RC35

Avions Vautour en vol équipés de fusées de prélèvement après le tir « Canopus » à Fangataufa. 25 août 1968, photographe Leblanc, copyright ECPAD.

Les bombardiers biplaces Vautour sont déployés dans un premier temps avant le tir pour vérifier les retombées théoriques suite à l’essai. Mais leur mission principale est de tirer des missiles dans le champignon nucléaire quelques minutes après l’explosion, lancés à quelques kilomètres de distance. Les missiles, de marque Matra ou Bertin, y récupèrent des particules et des gaz radioactifs et tombent en mer ralentis dans leur chute par un parachute déclenché automatiquement. Munis de flotteurs, ils sont repérés par des avions Breguet Alizé de la force Alfa ou par des Neptune de l’aéronavale et sont envoyés au Service mixte de sécurité radiologique (SMSR) par des hélicoptères. Les têtes de prélèvement des missiles sont envoyées à Hao, où les échantillons de particules sont analysés par les laboratoires « radiochimie et dépôt d’énergie » du CEA.

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N° 19/Référence : F 68-318 RC59

Avion Vautour dans le champignon du tir « Canopus ». 25 août 1968, photographe Leblanc, copyright ECPAD.

Une seconde mission est assignée aux Vautour et à leurs pilotes : la traversée du nuage atomique une heure seulement après l’explosion. Pendant une demi-heure de vol, les appareils ont en charge l’accumulation d’un maximum de données grâce à leurs équipements spéciaux (filtres et tuyères de prélèvement). À la fin du vol, les pilotes regagnent Hao et les appareils sont parqués sur une zone isolée de l’atoll afin d’y être décontaminés par une équipe du SMSR vêtue d’une tenue NBC (nucléaire, bactériologique et chimique), dite tenue chaude. Les pilotes passent dans des douches installées dans la base d’Hao ou sur le Rance avant d’y subir des contrôles biologiques.

N° 20/Référence : F 66-184 RC359 Décontamination d’hélicoptères Alouette de retour de mission sur le TCD Ouragan. Juillet 1966, photographe Antoine, copyright ECPAD.

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N° 21/Référence : F 66-184 RC160

Décontamination du personnel sur le Rance. Eté 1966, photographe Antoine, copyright ECPAD.

B - Analyses de la radioactivité et essais sur le matériel

Deux laboratoires sont au centre des missions d’analyse et de contrôle radioactifs. a) Le service mixte de sécurité radiologique (SMSR) Le SMSR, créé le 30 juillet 1964, a pour mission d’assurer la sécurité radiologique des sites et

des personnels, ainsi que de la population civile, notamment celle de l’archipel des Gambier, au sud des sites de lancement, qui présente un grand risque de retombées radioactives. Les personnels du SMSR, au nombre de cinq cents, doivent prévenir les risques radiologiques, réaliser des contrôles et assurer la décontamination des zones polluées. Ils participent également aux opérations de récupération des échantillons prélevés en vol par les avions Vautour ou par les engins des PEA sur les atolls. Une fois recueillis et conditionnés dans des conteneurs spécifiques, les échantillons sont envoyés dans les laboratoires à Hao, et parfois renvoyés en métropole, à Montlhéry (Essonne), au centre d’études du CEA. Environ 50 000 analyses d’échantillons sont effectuées dans les laboratoires du SMSR. Parmi ces laboratoires, certains, installés à Hao, sont spécialisés dans les mesures radioactives et dépendent uniquement du CEA.

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N° 22/Référence : F 66-184 RC57 Manipulation d’éléments radioactifs dans les laboratoires de Hao.

Juillet 1966, photographe Antoine, copyright ECPAD.

Le SMSR en Polynésie est composé de la manière suivante : une direction locale à Faa’a et un laboratoire à Mahina (Tahiti), un groupe technique et assainissement, un groupe études et surveillance de l’environnement, un groupe radioprotection des chantiers et installations, un groupe essais, un détachement à Hao, des éléments embarqués sur le De Grasse, la Rance et la Maurienne, et un détachement à Mururoa.

b) Le service mixte de contrôle biologique (SMCB) Créé en août 1964 par le gouvernement et dépendant de la DirCEN, le SMCB est issu

de la fusion de deux organismes présents lors des essais au Sahara : le Centre d’études et de recherches atomiques militaires (CERAM) et le Service de protection des sites (SPS).

Composé d’une part de personnels militaires du service de santé des armées et du service biologique et vétérinaire des armées, et d’autre part de personnels civils du département de la protection sanitaire du CEA, le SMCB a en charge la surveillance de la faune et de la flore dans la zone d’essais, notamment dans l’environnement immédiat des atolls, ainsi que le contrôle des ressources alimentaires et de l’eau.

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N° 23/Référence : F 66-267 RC12 Contrôle de la contamination d’éléments nutritifs dans les laboratoires de Mahina, Tahiti. Juillet 1966, photographe Antoine, copyright ECPAD.

Les équipes du SMCB prélèvent régulièrement dans la nature, dans les lagons et sur les atolls,

des échantillons, animal et végétal. Elles disposent à cet effet d’un bâtiment océanographique nommé « La coquille » puis du « Marara » à partir 1973, pour les prélèvements en mer. Les scientifiques étudient les échantillons à Tahiti, au laboratoire de surveillance radiologique de Mahina, dirigé par l’Institut de protection et de sûreté nucléaire. Certains échantillons sont également envoyés en métropole au sein de laboratoires ultra spécialisés. Le procédé utilisé est la lyophilisation des éléments afin d’analyser les échantillons de nourriture sous forme de poudre.

Pour la population polynésienne, qui se nourrit alors principalement de poissons et de produits de la mer, le contrôle de ces ressources alimentaires est primordial. Des milliers de contrôles d’échantillons issus de la nature ont été réalisés entre 1966 et 1974.

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N° 24/Référence : F 66-185 R127

Étude et contrôle d’éléments radioactifs à bord de la Rance. Juillet 1966, photographe Antoine, copyright ECPAD

c) Le service technique de l’armée de terre (STAT) Créé en 1946, le service technique de l’armée de terre est un organisme de l’armée qui

travaille en étroite collaboration avec la DGA (Délégation générale à l’armement) et dont la mission est l’expérimentation des matériels et des armes militaires. Lors des campagnes nucléaires dans le Pacifique, un détachement du STAT se déplace en Polynésie afin d’y tester de nombreux matériels : uniformes, masques à gaz mais aussi véhicules et blindés.

En 2011, l’ECPAD a reçu un versement d’archives cinématographiques du STAT sur le nucléaire. Sur dix films, six ont été tournés lors des essais nucléaires du CEP entre 1966 et 1974. Ces archives, bientôt numérisées et accessibles au public, proposent des vues sur l’installation de mannequins et de matériels sur un atoll puis leur résistance pendant l’explosion de l’engin nucléaire. Le STAT effectue des tests poussés sur tout matériel susceptible d’être utilisé par les militaires.

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N° 25/Référence : F 67-308 LC44 Expérience sur des masques à gaz en zone d’essai nucléaire.

Eté 1967, photographe inconnu, copyright ECPAD.

Conclusion Les essais nucléaires atmosphériques du CEP s’arrêtent en 1974. Cependant la base du CEP

continue ses expérimentations : des essais, souterrains, sont lancés en 1975 et sont effectués jusqu’au 27 janvier 1996, date du 198e et dernier essai nucléaire français.

Les atolls du CEP, classés « zones protégées de Défense » en 1980, sont restés le théâtre de la course à l’atome des autorités gouvernementales mais sont également celui de nombreux accidents causant la mort de plusieurs personnels, civils et militaires. Durant quarante ans, le gouvernement français a poursuivi ses recherches et ses avancées sur le nucléaire, en s’opposant toutefois à de vives critiques de l’opinion publique et du monde politique. Le combat contre les risques du nucléaire débute dès les années 1960, d’abord mené par des élus locaux (en Polynésie en premier lieu), puis de manière internationale avec notamment la création de Greenpeace en 1971.

Les productions photographiques et cinématographiques détenues à l’ECPAD illustrent une

stratégie de communication de défense qui tend à adresser un message positif et rassurant au public. Aucunement remis en question et cherchant à illustrer toujours davantage les progrès scientifiques et les précautions mises en œuvre pour la sécurité des hommes et de l’environnement, les essais nucléaires ont été un objet délicat de communication du ministère de la Défense et du chef du gouvernement.

En 1998, la France ratifie le traité d’interdiction complète des essais nucléaires et aujourd’hui, le démantèlement du site se poursuit. Enfin un important travail de mémoire et de vérité historique, mais également de réparation est réalisé par des associations représentant l’environnement ou les victimes humaines des essais.

Pour autant, si l’armée française a stoppé ses activités sur le terrain, c’est grâce à l’avancée des technologies modernes, et notamment à l’informatique qui permet de nos jours au CEA de calculer des simulations nucléaires à l’aide de puissants logiciels.

Constance Lemans

documentaliste, chargée du fonds contemporain.

Ouvrage de référence : DURMOTIER Bernard, Atolls de l’atome, Rennes, Marines éditions, 2004, 191 p.