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LE BAGOT, LA DABA ET L’OUGUIYA. ROLE DES MOBILITES SAISONNIERES DANS L’ECONOMIE DES MENAGES PAUVRES Commune de Tikwobra et Ville de Nouakchott, Mauritanie Étude du 14 février au 10 mars 2013 RAPPORT D’ETUDE Marielle Cartiaux Projet « Initiative de lutte contre la pauvreté et la prévalence de la malnutrition au travers du transfert d’argent aux populations vulnérables de la Wilaya du Gorgol en République Islamique de Mauritanie» Figure 1. Chargement de riz au garage M’Beydia à Nouakchott. M. Cartiaux, mars 2013

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LE BAGOT, LA DABA ET L’OUGUIYA.

ROLE DES MOBILITES SAISONNIERES

DANS L’ECONOMIE DES MENAGES PAUVRES

Commune de Tikwobra et Ville de Nouakchott, Mauritanie

Étude du 14 février au 10 mars 2013

RAPPORT D’ETUDE

Marielle Cartiaux

Projet « Initiative de lutte contre la pauvreté et la prévalence de la malnutrition au travers du transfert d’argent aux populations vulnérables de la Wilaya du Gorgol en République Islamique de Mauritanie»

Figure 1. Chargement de riz au garage M’Beydia à Nouakchott. M. Cartiaux, mars 2013

CRF–projetTESEtudesurlesmobilitéssaisonnières

Rapportfinal,M.Cartiaux,avril2013

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TABLES DES MATIERES

SYNTHESE .......................................................................................................................................3 I. INTRODUCTION ............................................................................................................................4

1. Rappel du contexte ................................................................................................................4 2. Objet et finalités de l’étude ....................................................................................................5

II. UNE ETUDE QUALITATIVE EN METHODOLOGIE CROISEE ...............................................................8 1. Une démarche d’enquête qualitative ....................................................................................8 2. Un travail en équipe de partenaires ......................................................................................9 3. Un échantillon documenté et apparié...................................................................................9 4. Un calendrier rééquilibré en fonction des zones d’enquêtes.............................................11 5. Des outils d’enquête croisés ................................................................................................12

III. LES DEPARTS ET LES VOYAGES : LES TEMPORALITES DES MOBILITES ........................................14 1. Un taux de départ élevé.......................................................................................................14 2. La décision de partir : entre contrainte et choix ? ...............................................................14 3. Les profils des membres à l’extérieur ..................................................................................16 4. Le capital nécessaire pour partir ..........................................................................................17 5. La communication à distance ..............................................................................................18 6. Le rythme des retours et des circulations ...........................................................................19

IV. LES ARRIVEES ET LA VIE EN VILLE.............................................................................................22 1. Les villes et quartiers de destination ...................................................................................22 2. Les opportunités recherchées en ville .................................................................................23 3. Des activités à faibles revenus .............................................................................................23 4. Les effets de la vie en ville ...................................................................................................27

V. LES EFFETS DES MOBILITES : LES SOUTIENS DANS L’ECONOMIE DES MENAGES ..........................29 1. Les effets des mobilités sur le système agro-écologique et socio-économique. ..............29 2. L’absence ou l’existence de soutien : du soulagement de l’assiette au garnissage du grenier. .....................................................................................................................................31 3. Des envois corrélés aux parcours migratoires ....................................................................31 4. Composition budgétaire et affectation des soutiens .........................................................33 5. La charge du soutien : les coûts des canaux d’envoi ..........................................................36 6. Distribution et redistribution des soutiens : une « économie en archipel » ......................38

VI. MOBILITES ET FILETS DE SECURITE COLLECTIFS : COTISATIONS ET TRANSFERTS MONETAIRES

VUS PAR LES RESSORTISSANTS ......................................................................................................40 1. Mobilités et systèmes de solidarité pratiqués.....................................................................40 2. Eléments d’information des ressortissants à propos des transferts monétaires ...............43 3. Un faible impact des transferts monétaires sur les circulations de personnes .................43 4. Des impacts variés des transferts monétaires sur les envois de soutiens .........................43 5. Une prise de décision concertée sur l’octroi des transferts monétaires.............................44

VII. CONCLUSION GENERALE .......................................................................................................45 VIII. RECOMMANDATIONS ...........................................................................................................46

1. Recommandations pour la recherche ..................................................................................46 2. Recommandations pour l’action ..........................................................................................47

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Le rapport d’étude a été produit à la demande de la Croix Rouge française sur financement de l’Unioneuropéenne. Le contenu de la publication relève de la seule responsabilité de la consultante et ne peutaucunementêtreconsidérécommereflétantlepointdevuedel’Unioneuropéenne.

Lesnomsdespersonnesenquêtéesontétémodifiéspourpréserverleuranonymat.

SYNTHESE L’étudesur lerôledesmobilitéssaisonnièresdans l’économiedesménagespauvresaétéréaliséedanslecadre du projet de Transferts Economiques et Sociaux mis enœuvre par la Croix Rouge française et leCroissant Rougemauritanien dans la commune de Tikwobra, Moughataa deM’Bout,Wilaya du Gorgol,Mauritanieenfévrieretmars2013,surfinancementEuropeAid.Elleestcomplémentairedel’étudesurlesvulnérabilités à l’insécurité alimentaire des ménages (EVIAM) réalisée par la CRF dans la zone, en tantqu’elleapporteunéclairagesurlapartdélocaliséedel’économiedecesménages.

L’étudesedonnepourobjectifde répondreà laproblématiquesuivante:dansquellemesure et suivantquelles configurations lesmobilités vers les villes s’inscrivent‐elles dans la lutte contre la pauvreté et laréductiondesvulnérabilitésàl’insécuritéalimentairedesménagesqu’ellesconcernent?

La méthodologie qualitative employée pour répondre à cet enjeu a été élaborée sur le principe d’uneenquêtemulti‐situéeentrelacommunedeTikwobraetlacapitaledupays,Nouakchott.Elleestprésentéedanslapremièrepartiedurapportd’étude.L’échantillonnageapparielesreprésentantsdeonzeménagesau villaged’unepart, et les quatorzemembres de cesménages «exodants» àNouakchott d’autre part.Trois Focus Groups ont été menés par villages selon le même schéma apparié. Des informationscomplémentairesontétécollectéesauprèsdesprofessionnelsdescirculations,àsavoirlescommerçantsettransporteurs.

Le rapport d’étude présente les informations collectées et les analyses qui en découlent en quatrechapitres,organisésensuivantlesdifférentesétapessymboliquesd’unparcoursmigratoire.

Latroisièmepartieretracelesdépartsetlesvoyagesobservés.L’accentestmissurlesdéterminantsmulti‐dimensionnels des départs, l’implication duménage dans la prise dedécision, le capital nécessaire pourvoyageret les logiquesqui rythment les retours.Ellesnesontpassi«saisonnières» et liéesaux travauxchampêtresquel’onpeutlecroiredeprimeabord.

La quatrième partie est consacré aux arrivées et à la vie en ville. Il détaille les conditions d’accueil desnouveaux venus des villages étudiés, les attentes croisées exprimées par leménage et les exodants, lesactivitésprofessionnellesexercéesetlesmodesdevieetd’alimentationenville.La«professionexodant»apparaît moins comme une stratégie que comme une logique incertaine de sécurisation économique àdistance.

Lacinquièmepartieapprofonditleseffetsdesmobilitéssurl’économiedesménages.L’absencedechargeest évoquée, puis les envois de soutiens en nature et en numéraire sont détaillés dans leurscaractéristiques, le profil de leurs expéditeurs, leurs canaux d’envoi, leur affectation budgétaire et leurredistribution.Ensuivantainsi les soutiensenvoyés, lechapitredonnedespistesde réflexionsur lapartnécessaire,maisinsuffisante,qu’ilsreprésententpourlebudgetdesménages.

La sixième partie informe sur l’articulation des mobilités avec les filets de sécurité socio‐économiquescollectifs. Il renseigne sur les systèmes de solidarité pratiqués par les ressortissants des villages àNouakchott. Il détaille les multiples imbrications entre lesmobilités et les transferts d’argent distribuésdans le cadre du projet en cours. Les compétences acquises dans la concertation entre le village etNouakchottsontmisesenavantdansunelogiqueprospective.

Lerapports’achèvesur lesconclusions tiréesdecesphénomènesétudiés,quisontdéclinéesentypesderôles joués par les mobilités dans l’économie des ménages. L’ouverture finale est consacrée à laformulationde recommandations destinées auxparties prenantes duprojet dans lequel l’étude s’inscrit.Les premières recommandations ont trait aux activités de recherche du projet. La seconde liste estdavantageorientéeverslapoursuitedel’actiondetransfertséconomiquesetsociaux.

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I. INTRODUCTION « Si c’est l’hivernage,

je prends la daba

dès la descente de voiture »

Entretien à Amoire, 25 février 2013

1. Rappel du contexte Unedémarchederecherche‐action

La Croix‐Rouge française (CRF) intervient en Mauritanie en coopération avec le Croissant Rougemauritanien (CRM) à la fois en milieu urbain et rural dans le domaine socio‐sanitaire. Ses activités ensécurité alimentaire sont actuellement développées dans la région du Gorgol. Elles ont pour point dedépartlaréponseauxvulnérabilitésàl’insécuritéalimentaireetàlamalnutrition,doncellesconserventunlien ténu avec l’axe d’intervention sanitaire. Elles sont développées selon une approche qui prend encomptelescausesconjoncturellesetstructurellesdelavulnérabilitédespopulations,delapriseenchargede la malnutritionmaternelle et infantile à l’appui aux organisations de producteurs. Dans un contextemarquépar larécurrencedesalertesà l’insécuritéalimentaire,laCroix‐Rougefrançaisecontribueàl’aidealimentaire tout en se réservant des temps d’analyse en profondeur des dynamiques à l’œuvre enMauritanie. Comment répondre aux vulnérabilités issues des aléas climatiques et de la flambéedes prixd’une année difficile, tout en prenant de la hauteur pour analyser les mécanismes sociaux,communautaires,économiquesvoirepolitiquesquientrentenjeudansl’insécuritéalimentaire?Comment«sauver des vies» tout en se ménageant un espace critique sur les outils et méthodes de l’aideinternationale? Cette approche combinéed’action et de recherche a orienté la structure vers unprojetexpérimental, dans une démarche exploratoire de filets de sécurité socio‐économiques. Le projet estintitulé«Initiativede luttecontre lapauvreté et laprévalencede lamalnutritionau traversdu transfertd’argent aux populations vulnérables de la Wilaya du Gorgol en République Islamique de Mauritanie»(ProjetTES,deTransfertsEconomiquesetSociaux)etadémarréenmai2011.Desstratégiesd’accèsàlaressourceéconomique

Selon les enquêtes sur la sécurité alimentaire des ménages (ESAM) en Mauritanie du ProgrammeAlimentaireMondial, l’insécuritéalimentairestructurelledans lawilayaduGorgol toucheenviron30000personnes,soitplusde11%delapopulationdelazone(périodederéférencede2008à2011).Ellen’estpas nécessairement corrélée à la production agricole (70% de la consommation céréalière nationaledécoule d’importations), mais davantage aux inégalités dans l’accès à l’alimentation et à la production(GRDR,2012).

Dans ce contexte, les activités agro‐pastorales ne couvrent pas la totalité des besoins alimentaires àl’échelledesménages.Lesprivationsalimentairess’imposent,dontdécoule,enpartie,laproblématiquedela malnutrition. La monétarisation de l’économie en milieu rural, devenue progressivement dominantedepuislesannées1950,incitelesménagesvulnérablesàadopterdesstratégiesderecherchedenumérairepour se nourrir et pour couvrir les autres postes de dépenses essentiels: endettement ponctuel ouchronique,migrationsaisonnièreoupermanented’unmembreduménage,décapitalisationducheptel,ouencoreappelàlasolidaritéauseindelacommunauté.

L’aidealimentaireparladistributiondevivresétantenplacedepuisparfoisplusdequaranteans,avecdeslimitesavérées,lapertinencedestransfertsd’argentparlesacteursdel’aideinternationaleestenvisagée.Sonarticulationaveclesautresformesd’accèsàlaressourceéconomiquedéjàutiliséesparlesménagesse

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posenécessairement. Leprojetpilotede transferts économiques et sociauxa justementmis l’accent surcettedimensionparlademanded’uneétudecomplémentairesurlesmobilitéssaisonnières.

2. Objet et finalités de l’étude L’objetdel’étudepeutêtrecirconscritàpartirdestermesemployésdans letitre:mobilitéssaisonnières,économies des ménages pauvres. Les enjeux sous‐jacents et les finalités de l’étude sont tirés desinterconnexionsétabliesentrecestermes.

Mobilitéssaisonnièresetcyclesdecirculation

L’intitulé de l’étude est centré sur les mobilités saisonnières, définies ici comme des mouvements depopulationtemporairesetrécurrentsdontla«saison»estdéfinieenfonctiondesdatesdedébutetdefind’activité dans le secteur agricole. Elles sont particulièrement corrélées aux besoins de main‐d’œuvre,puisqueles«brasvalides»partentlorsquel’activitéestréduite.LeprogrammeRégionaldeLuttecontrelaPauvretédanslaWilayaduGorgolpour2012‐2016évoquelephénomène,sansquel’onsoitenmesuredele quantifier ni d’en analyser les effets localement (PRLP Gorgol 2012, p.7). Le terme «mobilité» estentendu comme plus générique est moins connoté que d’autres expressions utilisées localement pourdéfinir les phénomènes en jeu. Celui de «migration», voire «immigration» se réfère uniquement auxmobilitésinternationalesversdespaysriches.Celuid’«exode»,trèsemployéetayantdonnénaissanceaunéologisme«exodant»,estutiliséuniquementsilapersonneconcernéerevientdefaçonannuelledanssalocalitéd’origine.Durantl’étude,l’équipeaemployéletermegénérique«hijra»enhassanya.

Les travauxpubliésausujetdemobilités saisonnièresconcernentdavantage les travailleurs sedéplaçantpourêtreembauchésdansl’agriculture,quelestravailleursprofitantdel’absencedetravauxagricolespourchercherunemploienville(horsunepublicationde l’IRD–voirDelaunay,1997), travailleurshorssaisonagricole donc. Le fait d’employer ce terme pour des mobilités de la campagne vers la ville singularisel’étude par rapport aux expressions communément admises d’exode rural, de migrations internes,mobilitésrural‐urbainoucampagne‐villed’uncôté,maisaussiparrapportauxexpressionsplusrécemmentmisesenavantauniveaudespolitiquesdegestiondesfluxmigratoiresquesontlesmigrationscirculaires,lesmigrationstemporairesoucellesdetravailleurssaisonniers.

L’analyse a été élargie à des mobilités plus permanentes, puisque les soutiens familiaux de membres«vivantdéjàendehorsduvillage»étaientévoquésdès lestermesderéférence(TDR,annexe2,p.3).Lechoixaétéfaitdeconserver leterme«saisonnier»dans le titredel’étude,malgrésoncaractèrepartielimpropre à retranscrire toutes les configurations observées. L’expression ne rend pas la diversité derythmes des départs et des retours, et de motifs extra‐agricoles des mobilités. Son usage coutumier seréfèrecertesauxsaisonssuruneannée,sonusagemétaphoriquepourraits’appliqueraucycled’unevie.Elle retient notre attention dans la mesure où elle renvoie à l’idée de cycles de mobilité entre localitéd’origineetdedestination1.Lacitationquichapeautel’introduction,extraited’unentretiendanslevillaged’Amoiré le 25 février 2013, confirme l’existence des mobilités saisonnières dans la zone d’étude. Parl’utilisation du conditionnel, le libellé précise cependant d’emblée que ces mobilités font partie d’unecirculation plus vaste: «Si [souligné par la rédaction] c’est l’hivernage [lorsque je reviens au village], jeprends la daba [outil aratoire] dès la descente de voiture». Il est à noter qu’une forme de mobilitérépanduedanslazoned’étuden’estpastraitéedansl’analyse:ils’agitdesparcoursdetranshumance,quiobéissentàdeslogiquespropresetnesontpasdirigésverslesvilles.

Uneéconomiedesménagesinterprétéeàtraversleurssituationsalimentaires

La «stratégie» de mobilité (TDR, annexe 2, p.3) d’un membre du ménage induit le postulat que lapersonne travaillant à distance continue à faire partie intégrante dunoyau familial. Cela se vérifie avanttoutpar sacontributionà l’économieduménage.Ladocumentationdéjà existantepermetdedéfinirun

1Aproposdelanotionde«circulationmigratoire»(encontexteinternational),cf.MaMungetalii,1998.

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ménage et le fonctionnement de son économie, notamment en ce qui concerne l’alimentation puisquel’insécuritéalimentaireoccupeuneplaceprivilégiéedansleprojetTES:«[L]a notion de «ménage »[est] une unité d’observation dont le sens polysémique doit combiner descritères difficilement conciliables (communauté de résidence et de consommation, reconnaissance de lamême source d’autorité) pour devenir opératoire [Lacombe, Lamy, 19892]. Il est en effet fréquent qu’unindividu reconnaisse l’autoritéd’unchefdeménagesanspourautantprendreson repasavec lui. » […] Sielle est commode pour saisir des situations relativement simples, et de façon instantanée, la notion deménageapparaîttrèsinsuffisante,enrevanche,pourcomprendredessituationspluscomplexesetsujettesàdeschangementsrapides.Sans vouloir poursuivre ici un débat perpétuellement ravivé, il s’agit simplement de rappeler qu’utiliséessansprécautions,lesnotionsde«platfamilial»etde«ménage»risquentdepasseràcôtédelacomplexitédes situations résidentielles, familiales et alimentaires locales. Dans la suite du texte, elles seront doncdavantagementionnéesparcommoditéde langagequeparadhésionconceptuelle.»(deSuremain,1998,pp.47‐48)

Lacontributionà l’économieduménagevarieentredeuxpôlesque leprojetTESenvisagedelamanièresuivante:«Nousnoussommesbaséssurunedéfinitioncentréesur«l’assiette»etle«grenier».Autourdel’assiette,pourconsidérerquefontpartieduménagetouteslespersonnesquipartagent lesmêmesrepas.Nous avons aussi introduit la notion de grenier afin d’intégrer les personnes qui sont en migrationsaisonnière.Ces dernières nepartagent pas les repasdu resteduménagemaisparticipent (et parfois demanièretrèssignificative)àl’approvisionnementdugrenier.Legrenierconcernel’alimentationmaisilpeutêtre étendu à d’autres postes de dépenses tels que la santé, les obligations sociales…» (Etude sur lesvulnérabilités à l’Insécurité Alimentaire desMénages, EVIAM 2013, version consultée le 8 février 2013).Ainsi,unmembreéloignéduménageallège lachargedans«l’assiette»par le faitdeprendreenchargeson alimentation hors du ménage. S’il travaille et envoie un «soutien»3 à partir de sa rémunération, ilcontribueégalementau«grenier»4.

L’interprétationdelanotionde«pauvreté»desménagesenlienaveclamobilitéanécessairementévoluédurant l’étude. Dans les termes de référence, il est mentionné que les «communautés» ont défini«l’absencetotaledesoutienextérieur»commeun«critèredevulnérabilitéàl’insécuritéalimentaire»surlequel lesbénéficiairesdestransfertsd’argentontétésélectionnés(TDR,annexe2,p.3).Or ils’avèrequenombreuxsontlesménagesbénéficiairesayantunmembreàl’extérieurduvillageetsoutenantlesautresmembres. Le rapport n’est pas le lieu pour définir ce qu’est unménage«pauvre» ou «vulnérable». Laconduitedel’étudeadavantageétéorientéepourpermettredepréciserlesliensqueles«communautés»établissentelles‐mêmesentrepauvretéetmobilité.L’étudeacquiertainsiunedimensioncollectiveau‐delàde l’échelle des ménages, quoiqu’en constante articulation avec cette unité démographique et deconsommation.

Enjeuxetfinalitésdel’étude

Lesdifférentsconceptsmobiliséspar l’étudesontdéclinésdans letitre: lesmobilités,symboliséespar le«bagot»,termecourantdufrançaismauritanienpourdésignerlavalise;l’économiedesménages,dontlapart laplus importanteestsymboliséepar la«daba»,outilaratoireutilisédans lechampfamilial;et lestransferts économiques et sociaux, dont le billet en «ouguiya», la monnaie mauritanienne, permet desaisirladimension.Lesrelationsentrecesconceptsrenseignentsurlesenjeuxetobjectifsfixésàtraverscetravail. Les termes de référence structuraient les objectifs, qui en réalité s’apparentent à des résultats,selontroisrendusdéclinésenquatrechampsdequestionnementsagencésdelafaçonsuivante:

2LACOMBEB.,LAMYM.‐J.[1989],«Leménageetlafamillerestreinte,illusionméthodologiquedelastatistiqueetdeladémographied’enquête»,Cahiersdesscienceshumaines,3,pp.407‐414.CitépardeSuremain.3 Le terme «soutiens» est employé dans la commande de l’étude (TDR, annexe 2, p.3). Dans le domaine desmigrations internationales,on retrouveplus couramment les termes«remises»ou«transferts»de fonds,mais leterme«transferts»estdéjàemployédansleprojetpourdésignerunedesesactivitésprincipales(cashtransfer).4VoiraussiDeHaasetDeMas,2005.

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1. «une typologie des parcoursmigratoires rencontrés chez lesménages bénéficiaires des transferts»,déclinéeselonlestroischampssuivants:

- «définirlesparcoursmigratoires:quellesfamilles?quidanslafamille?quiprendladécision?àquellepériode?avecquelsmoyens?pourlogeroù?

- caractériser les activités menées: lieu? durée? type d’activités menées? chez quelemployeur?niveauderémunération?

- caractériser le soutien apporté: nature? quels montants? fréquences? modes? part durevenu?»;

2. «unemiseenrelationentrelamobilitéetlesvulnérabilitésàl’insécuritéalimentaire[transversaleauxquestionnementsprécédents];

3. une évaluation des effets induits par les transferts monétaires sur les dynamiques migratoires [enétablissant] les relations entre mobilité et transferts monétaires: les transferts ont‐ils accéléré ouralentil’exode?lestransfertsont‐ilseuunimpactsurlessoutiensextérieurs?»(TDR,annexe2,p.3)

Lesenjeuxontétéreformulésaudébutdel’étudeselontroisanglesd’approche:1 ‐ Quels rôles les mobilités occupent‐elles dans l’économie desménages pauvres, dont la situation deréférenceetlesdynamiquesontdéjàétéidentifiéesdanslaphase«EVIAM»duprojet?Commentdéfinirunensembledeprofilsdynamiquesenfonctiondesparcoursempruntés?2 ‐ Quel est l’impact des revenus migratoires plus précisément sur la vulnérabilité à l’insécuritéalimentaire?Dansquellemesurela«stratégie»migratoireest‐ellegagnantepourlesménages?3 ‐ Comment les stratégies d’accès à la ressource économique s’articulent‐elles entre elles, plusparticulièrementlesmobilitésetlestransfertsdefondsduprojet5?Commentpenserleurcohérencedansunedémarcheprospectivedefiletdesécuritésocio‐économique?

Parconséquent,laproblématiquegénéraleinterrogéedanslerapportestlasuivante:dansquellemesureet suivant quelles configurations les mobilités vers les villes s’inscrivent‐elles dans la lutte contre lapauvretéetlaréductiondesvulnérabilitésàl’insécuritéalimentairedesménagesqu’ellesconcernent?

Lerapportd’étudeprésenteenpremierlieulaméthodologieretenueàtraverslaconceptionetlaconduitede l’étude. Dans un deuxième temps, sont détaillées les informations collectées au fil des parcoursmigratoires et les analyses effectuées à partir des perceptions exprimées, des trajectoires racontées, del’économie déclarée et des filets de sécurité socio‐économiques intégrés. Enfin, un troisième temps durapport est consacré aux recommandations tirées de l’étude, qui complètent l’approche en termes destratégiesd’action.

5 L’analyse de l’accès à la ressource par endettement avait été prévue dans une seconde étude complémentaire àmenerenparallèlede l’étude sur lesmobilités.Bienquecette étuden’aitpasété réaliséeà ce jour,uneattentionparticulièreaétéportée toutau longdes travaux sur l’articulation entre les soutiensdesmembresà l’extérieuretl'endettementdesménages.

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II. UNE ETUDE QUALITATIVE EN METHODOLOGIE CROISEE Revenirsur laconceptionet laconduitedel’étudepermetdesituerlesconditionsderecueildesdiscourspar l’équipe mobilisée, ainsi que les conditions d’interprétation de ces représentations. Après avoirintroduit ladémarchequalitativegénéralede l’étude, laparticularitéméthodologiquequ’elleaprésentéedufaitdesonterrainmulti‐situéestapprofondie.Ilconditionneàlafoisl’échantillonnage,lecalendrieretl’élaborationd’outilsd’enquêtecroisés.

1. Une démarche d’enquête qualitative La commande de l’étude par la Croix Rouge française met en avant le caractère «de typeanthropologique»attendu(TDR,annexe2,p.4).L’enquêteaétémenéedansuneviséepluri‐disciplinaire,particulièrementgéographiqueethistorique.Lesdynamiquessocio‐économiquesdéployéesdansletempset l’espace ont été resituées dans le contexte agro‐économique étudié en amont par le projet TES. Ladémarchequalitative inspiréedesscienceshumaineset sociales impliquede travailler surun échantillonrestreint et approfondi. Des informations précises en sont tirées, dont la montée en généralisation estrenduepossibled’unepart via la contextualisationdansunéchantillonquantitatif plus vastemaismoinsdétaillé, disponible au préalable dans le projet TES. D’autre part, des logiques etmécanismes qui sous‐tendent les mouvements de population sont mises au jour à travers les cas observés. Toutefois, ladémarche ne peut prétendre couvrir l’exhaustivité des configurations demobilités à l’échelle des zonesd’enquête.Elleestdeplustrèsrestreinteparletempsimpartipourl’enquête,surdesphénomènesdontledécodagetirepourtantpartid’unecollectesurdespasdetempslongs.

Situer les paroles collectées implique nécessairement de faire le point sur leurs destinataires et lesconditionsdeleurexpression.Lefaitquelespersonnesenquêtéess’adressentà laCroixRougefrançaise

Figure 2. Enquêtes dans la commune de Tikwobra (à gauche) et à Nouakchott (à droite). © B. Belkhair, D. Camara, M. Cartiaux, A. Ourabah, Février-Mars 2013

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estunbiaisnécessairedel’étudecomplémentairedanslecadreduprojetmenéconjointementparlaCRFet le CRM. Cela a présenté un avantage indéniable en termes d’introduction auprès des personnesenquêtées,préalablementbénéficiairesdestransfertsdefondsduprojetetinforméesdesadimensionderecherche‐action.Mais cette postureprésente également des limites qui peuvent amener à orienter lesdiscours lorsqu’ils sonténoncésdevant leschargésd’étude.Commentobtenirdes informations tangiblessurlemontantdesrevenusacquisàl’extérieur,surceluidessoutiensenvoyésàunménage,ouencoresurlepostededépensealimentaire,siunespoirexistedebénéficieràl’avenirdenouveauxtransfertsd’argentoud’unenouvelledistributiondecomplémentsnutritionnels?

Unautrebiaisdetailledoitêtrementionnédans l’approchequalitative: lefaitquelesdiscoursrecueillisont nécessité une traduction simultanée du hassanya (ou du pulaar dans un unique cas) au français. Laforceévocatriceetlaprécisiondesreprésentationss’entrouventnécessairementamoindries.

2. Un travail en équipe de partenaires L’enquêteaétémenéeconjointementpar laCRFet leCRM, conformémentà l’approchepartenarialeduprojet dans lequel elle s’inscrit. Une équipe de quatre personnes fut mobilisée au quotidien : uneconsultante, un animateur‐traducteur, un enquêteur–traducteur et un chauffeur (cf Annexe3). Au total,cinqsalariésde laCroixRouge française et sixvolontairesduCroissant Rougemauritanienainsique leursuperviseurontétémobilisés.

Letableauneseraitpascompletsansévoquerlaparticipationactivedescomitésvillageoisconstituésdansle cadre du projet TES, celle des leaders villageois résidant à Nouakchott dans la mise en contact et lamobilisationencapitale,ainsiqueleséquipesdelaCRFàKaédietNouakchott,etduCRMàKaédipourleuraccueildansleslocauxetleurattentiondurantlesdeuxrestitutionsquiontététenuessuiteàl’enquête.

3. Un échantillon documenté et apparié Lechoixdesménagesàsolliciterpourrecueillirdesparcoursetreprésentationss’estopéréenfonctiondesdonnées préalablement disponibles dans le projet TES. La commande précisait que les dynamiquesmigratoiressontàobserverparmilesménagesbénéficiaires,bienquedesentretienssoientproposésavecdes«ménagesvulnérablesetnonbénéficiaires»(TDR,annexe2,p.3et4).L’échantillonaétésélectionnédans un premier temps en entonnoir, en partant des bases de données disponibles parmi les 500bénéficiaires. La partie supérieure de la Figure 3 détaille les différents degrés de documentation TESdisponiblesurlesmobilités,etplusgénéralementsurlesménages.Parmilesménagesbénéficiaires,ilaeneffetétéproposéparl’équipedes’appuyersurlabaseexistanted’informationsdétaillées,afindepouvoirconcentrerl’enquêtesurlesmobilités.Ainsi,saufactualisationdelasituationouabsencededonnéespourunménage,iln’apaséténécessairederevenirsur:

- lacompositionetlatrajectoirehistoriqueduménagedéjàrécoltéesdanslesenquêtesdel’EVIAM,Etude de la Vulnérabilité à l’Insécurité Alimentaire des Ménages, à la fin de l’année 2011(69ménagesconcernésautotal);

- l’utilisationdestransfertsparlesmembresduménage,quelesenquêtesqualitativesde2012ontapprofondie(30ménages);

- l’évolution de l’économie du ménage durant la dernière année, évaluée par des enquêtes à untempsinitialT0en2012destinéàêtrecomparéultérieurementàuntempsfinalTFen2013(200ménages);

- le suividesmouvementsde trésorerieduménageparcinq relevés effectuésde juinàdécembre2012(100ménages).

Lesordresdegrandeurdeséchantillonsconcernésparlesmobilitésdansladocumentationdisponiblesontmentionnésdanslafigure3.Toutefois,unelimitedanscettedémarchedesélectiondoitêtremiseaujour:les conditions de collecte de l’information sur «l’existence d’un exodant» dans le ménage par lesenquêteursmobiliséssurchacunedesétudesontpuvarier.Cela impliquequeladéfinitionde«l’exode»

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préalableestsusceptibledenepasprendreencomptetouteslesconfigurationspossiblesdemobilités.Eneffet,unménagepeut interprétercettenotiondans sonsenssaisonnier strict,etnepasmentionnerunmembre du ménage installé en ville. Ou encore, on peut l’interpréter dans une définition du ménagerestreinteauplatpartagé(parfoisparlepassé),etnepasmentionnerunsoutienvenantd’unexodantquin’a jamaisdirectementmis lamaindans l’assietteduménage (un frère élevépar lesgrands‐parentsparexemple).

Quoi qu’il en soit, l’échantillon documenté est finalement constitué de onze ménages répartis sur sixvillages,correspondantàtroisdesquatrezonesdélimitéesparleprojetdanslacommunedeTikwobra(voirFigure4). Ilest lefruitdeladémarcheenentonnoirdétailléeci‐dessus,maiségalementdelavérificationde l’existence actuelle d’«exodant» par les volontaires sur place, avec une insistance sur l’exode versNouakchott,etinfinedeladisponibilitédesmembresduménageauvillageaumomentdel’enquête.

Leprincipemêmed’unéchantilloncroiséreposesurlefaitquel’entonnoirs’élargitdansunsecondtemps,pour que le fonctionnement de la sélection adopte une formeen sablier.De la rencontre avec les onzeménagesdécouleunemiseenrelationavecquatorzedeleursmembresrésidanttemporairementounonàl’extérieurduvillage(basdelaFigure3).Pourrespecterlesbesoinsdel’étude,letempsimparti,maisaussiles grandes tendances migratoires observées, le ciblage a concerné des ménages particulièrementconcernéspar lesmobilitésvers lacapitaledelaMauritanie,Nouakchott.Le«sablier»s’estainsiélargiàdixquartiersd’enquêtedanscetteville(voirFigure4).Aufildesenquêtes,d’autresparcoursmigratoiresontétémentionnés,voirereconstitués.Ilsdonnentaccèsàuneinformationpluspartiellesurdesménagesnonbénéficiairesdestinatairesdesoutiensdelapartdelamêmepersonnequ’unménagebénéficiaire,etpermettent ainsi de retrouver dans l’analyse les données deménages hors duprojet TES (de TransfertsEconomiquesetSociaux).

Lalistesuivanterécapitulelesmodalitésd’appariageentrelesménagesetleursmembreséloignés:- 11ménagesontétérencontréspour14exodants;- 5exodantsontétérencontrésdirectementauvillageouàM’Bout;- 9exodantsontétérencontrésàNouakchott;- 1ménagearefusélamiseencontactavecl’exodantconcerné;- 1exodantàNouakchottn’ajamaispuêtrecontacté;- 6 entretiens avec les ménages ont fonctionné en appariage véritable entre le village et

Nouakchott;- 3 appariages ont été effectués au village, où la famille parlait en présence de l’exodant et vice

versa.

Desélémentsspécifiquesàuneméthodologiecroiséeetmulti‐situéeontétéparticulièrementappréhendésavecl’équipe:

- lesmodalités de prise de contact et d’information sur l’enquête entre les deux composantes duménageaprèslepassagedel’équipeauvillageetavantsonarrivéeenville;

- les modalités de rencontres sur un site ou sur l’autre, car le contexte villageois ou citadin peutmodifiersensiblementlafaçondeprésenterunparcours(cf.Boyer,2005);

- lesmodalitésdevérificationdecertainesdonnéesquiprésententdesvaleursdissemblablesdansles deuxdiscours sur lemêmeménage, comme lemontant ou la régularité des soutiens oudesappels.

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4. Un calendrier rééquilibré en fonction des zones d’enquêtes Le calendrier initialement proposé comportait quinze jours d’enquête dans la commune de Tikwobra etcinq à Nouakchott. Il avait été pensé en tenant compte de la période de l’année pendant laquelle lesenquêtessesontdéroulées,àsavoirlestravauxagricolesdelacampagnedecontre‐saison,durantlaquelledes exodants étaient susceptibles de se trouver au village. Or les temporalités desmobilités n’étant pasuniquementcorréléesauxbesoinsagricoles,cettehypothèsenes’estpasvérifiéesur leterrain.Suiteà lapremièresemained’enquête, leconstats’estimposéqueles informationslespluscomplètesetlesmoinsrenseignées au préalable étaient celles détenues par les membres à l’extérieur, constat étayé par larencontredanslesvillagesetàM’Boutaveclespremiersexodants.Unrééquilibragedestempsd’enquêtefutdoncrapidementopéré,afindeconsacreruntempségalà lacollectededonnéesdans lesvillagesetdanslesquartiersdeNouakchott(Cf.annexe4pourlecalendrieretannexe5pourleszonesenquêtées).

Les zones d’enquêtes concernées, auxquelles il est fait mention tout au long du rapport, sontcartographiées précisément dans l’annexe5. Elles précisent la plupart des lieuxmentionnésdans sablierdeszonesd’étudedelaFigure4ci‐après(voiraussilaP.IVsurlesdestinations).

Figure 3

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5. Des outils d’enquête croisés Lamise enapplicationde l’approchemulti‐situéepassepar l’élaborationd’outilsd’enquêteappropriés àuneanalysecroiséed’informationssimilairesrecueilliesd’uncôtédanslesménages,etdel’autreauprèsdeleurs membres à l’extérieur. Quatre modalités différentes d’enquête qualitative ont été appliquées,correspondant à des outils pensés et ajustés en fonction du croisement auxquels ils ont contribué (Cf.annexe6,7et8pourlesoutils).

1. Les entretiens longs. Les grilles d’entretiens longs reprennent les champs de questionnement posésdans la commande, tout en les appliquant et en les approfondissant: parcours migratoire, activitésmenées, soutiens apportés, transferts duprojet etmobilités, en concluant par unequestionouvertesur les perceptions de la pauvreté en lien avec lamobilité. 21 entretiens ont étémenés selon cettegrille. Avec les personnes les plus loquaces, ils ont pris la forme de récits de vie par chapitres dequestions,avecdesdemandesdeprécisionà la finde l’entretien ; si lespersonnes répondaientplusbrièvementauxquestionschapeautantleschapitres,lesentretiensontprisuneformedavantagesemi‐directive. Quelques variations sont effectuées selon l’interlocuteurménage ou exodant, suivant leschapitresauxquelsl’unoul’autren’estpasenmesurederépondreauvudesondegréd’information.Parexemple,aucunménagenepouvaitmentionnerlerevenudesonmembreéloignéendehorsdelapartdesoutienenvoyée.Cesentretiensdurentde1hà2h.L’annexe9.Aprésentelesdonnéessaisiesparcebiais.

2. Les Focus Groups. Les grilles d’animation des Focus Groups approfondissent les perceptions desmobilitésvis‐à‐visde lapauvretéd’unepart,et lesmobilisationscollectivesdesressortissantsd’autrepart.6FocusGroupsontétémenésavec3villagespuisavecleursressortissantsrespectifs:M’Beydia,

Figure 4

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Leghneiba et Amoire. Ils correspondent aux deux plus grands villages enquêtés dans la commune,complétés par celui d’Amoire qui a présenté une forme particulière de solidarité en lien avec lesressortissants à Nouakchott, déjàmentionnée dans l’étude EVIAM (EVIAM 2013 et CRF, 2012b). Lestechniques d’animation utilisées durant les Focus Groups dans les villages ont été étudiées pourpouvoir recueillir les avis du plus grand nombre. Il s’agit du don de la parole, qui circule entre lesparticipants dès les présentations sans ordre préétabli; et des débatsmouvants, où chacun exprimeson opinion sur un sujet donné en se déplaçant concrètement d’un coin à l’autre e l’espaced’animation,augrédesargumentsque l’un et l’autrecampéchangentsur la thématiqueetqui l’ontconvaincu.L’animationdesFocusGroupfutallégéeàNouakchottpourdesraisonsdedisponibilitédesparticipants(moinsnombreux)réduitedansletemps.LesFocusGroupsdurentde2hà3h.Ilsontréunide5à18participantshorséquipeduprojet(Cf.Annexes4et9.C).

3. Les entretiens courts. Enparallèle des entretiens longs, d’autres plus courts ont étémenés avec lesacteurs desmobilités et de leurs soutiens: transporteurs de personnes, ou encore commerçants etleursrelaissurlevoletdel’envoid’argentetdebiens.12entretiensontétémenésenproportionégaleentrelacommunedeTikwobra(6)etNouakchott(6).Ilsdurentde30à45min(Cf.Annexe9.Bpourlescommerçants).

4. L’observationparticipante.Deuxopportunitésd’observationparticipanteontétésaisiesparl’équipeduprojet:ils’agitdufonctionnementeffectifdescanauxd’envoid’argentdansuneboutiqueàLeghneibale 20 février 2013; et d’une réunion de concertation de 16 jeunes ressortissants du village deLeghneiba le8mars2013pour l’équipementde lamosquée,à laquelle ilsont invité lesmembresdel’équipe.Bienquel’observationaitnécessairementétéintroduiteparuneprésentationdesactivitésdelaCroixRouge françaiseetduCroissant Rougemauritaniendans lacommunedeTikwobra, le faitdepouvoir assister à des dynamiques impulsées par les acteurs eux‐mêmes apporte un éclairage trèsfécondetcomplémentaireauxenquêtesplanifiées.

Lapositiond’enquêteenrecherche‐action,lespartiesprenantesimpliquées,lacirconscriptionensablieretles outils élaboréss’articulentpour privilégieruneapprochecroisée etappariéedesmobilités issuesdesménages pauvres. Les résultats produits par cette méthodologie, présentés dans en deuxième partie,dépendentnécessairementducorpusdesdonnéesdisponiblesetdeleurtraitement.Ilsneprétendentenaucun cas être exhaustifs ou ériger des systèmes de relations socio‐spatiaux incontournables pourappréhenderlerôledesmobilitésdanslaréductiondesvulnérabilités.

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III. LES DEPARTS ET LES VOYAGES : LES TEMPORALITES DES MOBILITES Déroulerlefildesparcoursmigratoiresinformed’abordsurlesdéparts:quelleestleurimportancedanslacommune de Tikwobra? Comment les départs sont‐ils motivés et décidés? Qui sont les membres desménages concernés ? Les voyages, qu’il s’agisse du premier ou d’allers et retours, seront par la suiterenseignésselonlesentréessuivantes:commentvoyagentlesressortissantsdelacommunedeTikwobra?Commentvoyagent lesnouvellesentre levillageet laville?Quelles logiquessous‐tendent lerythmedesretours?

1. Un taux de départ élevé Enl’absencedestatistiquesrécentesdurecensementgénéraldelapopulation,encoursactuellement, lesdonnées quantitatives récoltées dans le cadre de l’enquête à un temps zéro (T0) en 2011 permettentd’estimerunordredegrandeurdesménagesconcernéspar lesmobilitésdans lacommunedeTikwobra.Parmi les deux centsménages vulnérables bénéficiaires du projet TES et suivis dans l’enquête T0, 65%déclarent avoir unmembreduménage«exodant» à l’extérieur, soit 130ménages sur 200 (CRF, 2013).Pourles6villagesdel’échantillonretenupour l’enquêtesurlesmobilités,soit100ménagesbénéficiaires,76%déclarentavoiraumoinsunmembreàl’extérieur.Letauxestplusélevé,puisqueles6villagesontétésélectionnésenfonctiondelaprésencedemembresexodantsdanslesménages.

Lespersonnesayantparticipéàl’enquêtesurlesmobilitésn’étaientpasenmesured’évaluerprécisémentlenombred’exodantsenvaleurabsoluequelesproportionsreprésententàl’échelledechaquevillage.Lesressortissants de certains villages à Nouakchott ont entrepris un recensement de leurs pairs installés ourégulièrementprésentsdans laville.PourAmoire, ilsévaluentà 20 lespersonnesdu village concernées,pourles32ménagesconstituantlevillage(FocusGroupdesressortissantsd’AmoireàNouakchott,7mars2013). PourM’Beydia, ils ont pu recenser effectivement 189 personnes, mais estiment que les effectifsavoisinent plutôt les 300 à Nouakchott, soit environ 10% de la population villageoise pour cette seuledestination(FocusGroupdesressortissantsdeM’BeydiaàNouakchott,1ermars2013).

Les estimations chiffrées tendent à considérer le phénomène de mobilité comme une donneincontournable dans la commune de Tikwobra, notamment parmi les ménages que les communautésqualifient deplus vulnérables. La comparaison avec un échantillondeménagesmoins vulnérables seraitintéressante,afindedéterminersicesont«lespluspauvres»quipartentoutoutes lescouchessociales,etsilesplusaisésserendentdans lesmêmesdestinationsousontenmesuredemigreràl’international,vérifiantainsilestendancesmondialesrelevéesparlesinstitutionsinternationales(IOM2005p.26;PNUD,2009p.27).

2. La décision de partir : entre contrainte et choix ? Quelapauvreté,voirela«misèredumonde»(M.Rocard,1990)pousseleshommessurlesroutesestuneidéequimérited’êtredétailléeetnuancéeparlesperceptionsfinesdespersonnesconcernées.LesmotifsdedépartontétéabordésàlafoisdanslesFocusGroupsencollectif,etdanslesentretiensindividuels.Leséléments mis en avant varient fortement en fonction de la méthode d’enquête, et dans une moindremesureenfonctiondesinterlocuteurs,villageoisouressortissantsàl’extérieur.

Encollectif,lesdiscoursreprennenteffectivementlemotifgénériquedelapauvreté,maisledéclinentetleprécisent. Les nuages de mots6 en Figure 5 rendent compte de la nébuleuse de causes avancées pour

6Touslesnuagesdemotscontenusdanslerapportontétémisenpageaveclelogicielenlignewww.wordle.net.IlsontétéréalisésàpartirdessixdébatsenFocusGroupsaveclesvillageoisdeM’Beydia,LeghneibaetAmoire,puisavecleurs ressortissants respectifs à Nouakchott (enquêtes du 21 février au 7 mars 2013). La taille de police est

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motiver les départs. La pauvreté est évoquée à 9 reprises, 4 dans les villages et 5 à Nouakchott. Lesvillageoisontmentionnéà8repriseslapériodedesoudure,donclefaitquelesrécoltesnepermettentpasde se nourrir toute l’année, alors que les ressortissants ne l’ont évoquéqu’une seule fois. Les villageoismettent l’accent sur les conditions climatiques défavorables au travail agricole (pluviométrie réduite x3,sécheresse x3occurrences), tandisque les ressortissants identifient leproblèmedavantageauniveaudel’absence de terres cultivables (3 occurrences) qui peut découler du climat, mais aussi des techniquesutilisées,destravauxd’aménagementd’envergureàproximitéouencoredesenjeuxdufoncier.Quandlevillageavancelemotifdel’inactivité(x4),dufaitderesterles«brascroisés»,lesressortissantsmettentenavant l’ignorance (x5), lemanqued’éducationetdeconnaissances, voiredecapital intellectuel incitant àcréersespropresopportunités.Danslesentretiens individuels,ladécisiondupremierdépartestrapportéeàdesmotifsplusfamiliauxougénérationnels.Lacontraintedelapauvretéestimplicite,maisn’estpasénoncéeaumomentderaconterunparcourspersonnel,lapudeurpouvantjouerunrôlenonnégligeabledanscetteretenue.Lesdifférentessituationspersonnellesénoncéesquiontmotivélepremierdépartsontlessuivantes7:

- lorsque leménagedoit faire face à la situation sanitaire critiqued’unmembrequi détenait uneforcedeproduction,etcomptesurledépartpournepastomberdansune«trappe»depauvreté:paralysie(1cas),vieillesse(1cas)ouencoredécèsdupère(1cas).

- lorsqu’une reconfiguration maritale est opérée au sein du ménage: le divorce d’une mère quiengendre la perte de la force de production de l’époux (1 cas), le regroupement familial d’uneépousemariéeavecunrésidentà l’extérieur(2casrencontrés),unenaissancehorsmariagepourunejeunesœur(1casoùelleestpartieelle‐même), lemariaged’unfrèredéjàparti,quinepeutplusparconséquentenvoyerautantdesoutienauvudeschargessupplémentairesqu’ilendosse(1cas).

- lorsquel’âgedepartirestatteintparunfilsduménage(5casrencontrés):«Jesuisparticommetous les jeunes garçons du village» ou «par jalousie» ou encore: «Tous mes égaux d'âgerevenaientauvillageenpayantunechèvrepar‐ci,deshabitsparlà»(entretienàAmoire,25février

proportionnelleaunombred’occurrencesdesthèmesdurantchaquedébat.Lacomparaisond’undébatàl’autren’estvalablequ’enproportion,etnonenvaleursabsoluesd’occurrences.7L’expressiond’unliendeparentédansla listedessituationspersonnellessous‐entendlapositiondeceluiquipart.Pourledécèsd’unpère,c’estsonfilsquiseraconcernéparledépart.

Figure 5

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2013).Dans lesdiscours, lephénomène générationneln’estpasconnectéàun rite initiatiquedevoyagepourdevenirunhomme,commecelapeutêtrelecaspourd’autrescommunautésdanslawilayaduGorgoltelsquelesSoninké(Bertinietalii,p.10).L’âgepeutêtrecorréléàl’échecscolairelorsdel’examenen6e(2cas).Enrevanche,4départsparmilesplusrécentsontétéévoquésavecpourobjectif lapoursuitede la scolaritéenvilleaucollège. L’undesélèvesexposeunmotiflié àl’émancipationparrapportàunesituationdecarcansocial :«jesuisparti[en1985,àsixans]carmonpropriétairenevoulaitpasquej’ailleàl’école.Magrand‐mèreainsistépourquejepoursuivemesétudesàNouakchott»(entretienàNouakchott,2mars2013).

- Lecasd’undifférend entreunpère et son filsa été évoquéausujetde lagestionducheptelduménage.

Ilseraitintéressantdepouvoirmettreenparallèlecertainsdecesélémentsaveclasituationdesécuritéoud’insécurité alimentaire éprouvée par le ménage au moment de l’événement déclencheur. Dans lesenquêtesmenéespardeSuremainetRazyàBamako,«lecaractèreagressif,voireintrusif,delafaim[estévoqué,]entantqu’elleseraitassimiléeàuneformedepossessionentraînantlaperteducontrôledesoi,desesémotions,desesactesetlaperturbationdurapportauxautres.»(deSuremain,Razy,2008,p.160).Lesévolutionsdestatutmatrimonial,lajalousieoulesdifférendspeuventytirerunesourced’accentuationdestensions.

Bienquelescausesserapportentessentiellementàunesituationduménage,l’opportunitédepartirnesefaitpastoujoursenconcertationaveclespersonnesayantautoritéauseinduménage.Dans9casrelevés,leménagecommel’exodantdéclarentquelepère,lagrand‐mère, l’oncleoulamèreontvendudesbienspourpayerlesfraisdetransport.Ilsétaientparconséquententièrementimpliquésdanslechoixdudépart.Dans4cas,lesexodantsdéclarentêtrepartissansprévenirlesmembresdelafamille,ensuivantungroupede jeunes qui partait et en se débrouillant pour payer le transport. Bien que la date du départ soitimprévue,etqu’unrefusdeprincipepuisseêtreexpriméaumomentdudépartnotammentparlesmères,les départs sans aval familial sont vite régularisés, et aucun cas de rupture familiale totale et pérenne àtraversledépartn’apuêtrerecensé8.

3. Les profils des membres à l’extérieur A l’échelle des 130 ménages enquêtés en T0 ayant déclaré un membre à l’extérieur, les positions desexodantsauseinduménagesontprésentéesdefaçonproportionnelledans lediagrammeenFigure6enfonction de leur lien de parenté avec le chef du ménage bénéficiaire. Le diagramme comprend uneapproximationcatégorielleentrelechefdeménageetsonépouxouépouse.Lesdeuxcatégoriess’avèrentnonexclusivesl’unedel’autre,puisqu’uneépousepeutêtredéclaréechefdeménageenl’absencedesonmari,quiredeviendracheflorsdesonretouràl’hivernage.58%des«exodants»déclarésparlesménagessontlesfilsoufillesduchefdeménage,et21à29%sontleschefsdeménageeux‐mêmes.Lespetits‐filsoupetites‐filles, souvent élevés par leurs grands‐parents, représentent 7,4% des exodants (CRF, 2013). Lesproportionsvalidentlareprésentativitédel’échantillond’étude,puisqueparmiles22enquêtésquisontouontétéexodants,12sontdesfilsoufillesduchefdeménage,4sonteux‐mêmeschefsdeménage,4sontdespetits‐filsoupetits‐neveux,et2sontdesfrères.

8Laméthodologieemployéepourconstruirel’échantilloncroiséexcluaitdefaitd’avoiraffaireàdescasderupturefamiliale,sansquoiileûtpus’avérerdifficiled’apparierl’échantillon.

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Les données quantitatives sur le sexe et l’âge des exodants n’étant pas disponibles à l’échelle des 130ménagesT0, lesautresélémentsdeprofil valentpour l’échantillondelaprésenteétude.12exodantsdesexemasculinpour2femmesontétérencontrés.Atitredecomparaison,lesonzeménagesdel’échantillonlorsdenotrepassagedanslesvillagesétaientreprésentéspar12femmeset5hommes9.Outrelefaitqueles femmes ne doivent migrer que si aucun homme n’est en mesure de le faire pour le ménage, doncdevraient en principe être moins nombreuses que les hommes à l’extérieur10, ces chiffres reflètentégalement une appréhension de l’étude qui varie en fonction du sexe du potentiel enquêté. 3 autresfemmesauraientpuêtrerencontréessurNouakchott,si leurmèreouleurfrèren’avaitpasdissuadéavecinsistancel’équipedeprendrecontactavecelles.

L’âge médian des candidats au départ est de 17,5 ans (16 cas renseignés). Le plus jeune est parti pourpoursuivresascolaritéà6ans,etleplusâgéavait24anslorsdesondépart.Seulsdeuxétaientdéjàmariésaumomentdepartir.L’âgemédiandesexodantsrecensésdurantl’étudeestde42ansselonlesexodantseux‐mêmes(18casrenseignés),maisde28selonleschefsdeménage,quisous‐évaluentl’âgedesenfantsenexode.Leplusjeunedesexodantsrencontrésavait18ans,etleplusâgé,53.Lesconditionsd’enquêteontpujouerdanscerésultatd’âgerelativementélevé: lesplusâgéstrouvaientdavantageladisponibiliténécessairepourparticiperauxentretiens,s’ysentantaussiplusà l’aisepour laplupart.Danstous lescas,lesmembresduménagepartentpourlapremièrefoisavant25anset4casattestentqu’ilsnecessentpasencoredecirculeraprès50ans.Latranched’âgecorrespondrelativementàcelled’unepopulationactivecapablede fourniruncapitalphysiquenécessaireaux travaux effectués en ville. A titrecomparatif, l’âgemédiandeschefsdeménage(parintérim)rencontrésauvillageestde46ans.

Les informations démographiques concernant les liens de parenté, le sexe, la situation matrimoniale etl’âgerenseignentsurdesélémentsquis’avèrentdéterminantspourapprécierlaproportionetlarégularitédes soutiens envoyés auménage. Lorsque ces éléments démographiques évoluent, les soutiens peuventêtremodifiés:parexemplesiunfilspartiàl’extérieursemarie,ousil’âgedel’exodantaugmentedetellesortequ’iln’estplusenmesuredetravailler.Uneapprochedynamiquedesprofilss’avèredoncnécessaire.

4. Le capital nécessaire pour partir Le voyage constitueuncertain investissementpour lesménages, carcetaspect de lamobilitéauncoûtdirectement décomptédubudget,mais aussi un investissement en termesde capital social, physique et

9 Le nombre de personnes interviewées est supérieur au nombre deménages. Par exemple, un père et sa femmepouvaientrépondreàdeuxvoixsurl’exodedufilsouduneveu.10 Source: Focus Group au village deM’Beydia, 21 février 2013: «Les femmes ne partent pas, c’est au frère departir.»«Ce sont les femmesqui font fuir leshommesduvillage [carprésentesennombre,ellesnécessitentunepriseencharge]».VoiraussiGuilmoto,1997,p.511.

Figure 6. Source : CRF, 2013.

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humain. Les communautés aux villages ont évalué en Focus Groups les différents actifs que le voyagemobilise(Cf.Figure7).

Levoyageetlesmodesdetransportcristallisentsouventl’imagedesmobilités11.De1200MROen1987à10000aujourd'huiensaisondespluies12, lafourchetteest trèsvariable.Lesprixactuels lesplussouventmentionnés sont néanmoins compris entre 2 000 et 3 000 MRO. Ils couvrent le transport en minibus,voitureoucharretteparpistejusqu’àM’Bout,puissurroutegoudronnéeenminibusoucamiondeM’Boutà Nouakchott en passant par Kaédi. Les agents de transport en minibus rencontrés à M’Beydia et àNouakchottfixentleprixdel’allerverslavilleà3000MRO,ou3500encasdepaiementendifféré;leprixduretourestfixéquantàluià4000MROversM’Beydia,et5000MROsilapersonnesouhaitecontinuerletrajetjusqu’auvillagedeTikwobra.

Pour couvrir ces frais, 4ménages déclarent avoir vendudes récoltes, 4 avoir venduune chèvre, 1 avoirconfectionné et vendu une natte, 1 autre avoir reçu un don des voisins. Un jeune exodant a tenté devendresonboubouàKaédipourcontinuerletrajet,maissanssuccès.3premiersvoyagesontétécouvertssuivantlesystèmed’«arriver‐payer»:unparent(le«tuteur»)prendenchargele«pass»detransportdel’exodantàsonarrivéeàNouakchott.S’iln’apasdetuteuràl’arrivéeetqu’ilsefaitemprisonnersuiteaucontentieuxavec lesagentsde transport, lacommunauté villageoisesemobilise pour libérer lenouveauvenuetremboursersontransport.Laplupartdutemps,lorsdesallersetretourssuivants,lesexodantsseprennenteux‐mêmesenchargeouvoyagenten«arriver‐payer».

Le capital nécessaire pour partir pourrait constituer une entrave à la mobilité des ménages les plusvulnérablesquine ledétiennentpasnécessairement.Mais lesressourcesagricoleset issuesde l’élevage,comme la communauté villageoise à destination, sontmis à contribution pour réaliser la part d’activitédélocaliséeduménage.

5. La communication à distance Lemaintiendes liensàdistanceentre leménage et sonmembreà l’extérieurest essentielpourgarantirl’unité qu’ils constituent. Si l’envoi de soutien en forme le cœur économique, les moyens detélécommunicationsontaujourd’huitrèsutilisésetengendrentunnouveaupostededépense.3exodants

11Lerapportd’étudenedérogepasàlarègle,puisquelaFigure1.encouverturedonneàvoirlechargementdumini‐busNouakchott‐M’Beydia12L’enclavement,accentuéensaisondespluies,nécessitedesmoyensetdutempssupplémentairespourletransport.

Figure 7

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plusâgésmentionnentlefaitd’avoirécritdeslettresparlepassé,etl’und’entreeux,d’avoircommuniquéaveclesystèmedeRadioAdministrativedeCommandement.Désormais,letéléphonedétientlemonopole,avecdesappelssurportabledepuisNouakchottetdesréponsessur lefixe leplusprocheduménageauvillage.Lecoûtdescommunicationsesttrèsdifficilementévaluéparlesexodants,quilejugentnéanmoinsélevé.Uneseulepersonnel’aestiméà3000MROparmois.Lesfréquencesd’appelvarient:

- appelsquotidiensselon3exodants;- appelsàlasemaineselon2exodantset1ménage;- appelstousles15joursà2moisselon5exodantset2ménages;- pasd’appelsdirectsselon2exodantset3ménages.

Les ménages déclarent des appels moins fréquents que les exodants. La fréquence s’accélère lorsqu’uncolisouunenvoimonétaireestencoursd’acheminement,enguisedesuividucourrier.

6. Le rythme des retours et des circulations Lesgestionnairesdeminibus,quiontunevued’ensembledesmouvementstransitantpar leurmoyendetransportenplacedepuis2004,déclarentavoirdespicsd’activitéannuelsdurantlesmoisdejuinetjuillet,avec deux à trois bus par jour au départ de Nouakchott à destination de la commune de Tikwobra. IlsestimentenjanvieretfévrierlepicdesretoursversNouakchott.

A l’échelledesménagesvulnérablesenquêtéspour laprésenteétude, lerythmeétalondesretoursrestemajoritairement annuel (9 cas mentionnés). Quelques dérogations d’une année sont évoquées: enfonctiondes revenusdisponibles car onnepeut retourner lesmains vides (Guilmoto, 1997, p. 516); enfonction du nombre d’enfants à charge à Nouakchott; en fonction d’examens scolaires à passer àNouakchottcomme lebaccalauréat;ouencoreen fonctionde l’attented’une redistributiondeparcellesdeGazra(quartiersinformels)par l’Etatpouraccéderaufoncierenville.Lesretoursauvillagesefontsuruneduréede15 joursà6mois,avecunemoyenned’environdeuxmois.Cependant, tous les retoursnesontpasmotivésparlesactivitésagricolesàassurerdurantl’hivernage.Leshommesavouentrentrerpour«se reposer»,pendant lapérioded’hivernageounon.Certaines femmes reviennent lorsqu’elles sont enétatdegrossesse,ousimplementpour«profiteraveclesenfantsdelatempératureauvillage»,ressentiecommemeilleurequ’envilledurantl’hivernage(entretiend’uneressortissantedeTikwobraàNouakchott,4mars2013).A l’échelled’unevie,deuxcasdefigureévolutifsseprésentent:soit le jeunepartirevientrégulièrementaudébutpuisespacesesretours,soitilnerevientpaspendantquelquesannéespuisrevientrégulièrementunefoisqu’ils’estmariéauvillage(3casétudiés).

Pourcequiestdesretoursponctuels,4personnesnerentrentqu’unefois tous les2à5ans,et4autresmoinsd’unefoistous les10ans.Cesretourssontmotivésparunévénementdans leménagecommeundécèsou lamaladied’unproche, oupar lapériodedeconstructiond’un logementendurauvillage,quinécessite laprésenceduchefdeménagemobiliséparfoispendantdeuxannéessurplace.Unseulcasdenon‐retouraétéévoqué.

Lorsqu’ilestdemandéauxenquêtésmigrantss’ilssouhaitentrepartirauvillagedéfinitivement,lemytheduretoursedessine.«Exploitetajeunesseetreposetavieillesse, ilfautsesacrifierenmigrationpuisrevenirau village pour se reposer et se servir de ses économies», explique un participant en Focus Group àM’Beydia (21 février 2013). A Nouakchott, les avis sont plus contrastés: 5 enquêtés en entretiensindividuelsexprimentleursouhaitderesterenville,voirepourl’und’entreeux,deréussiràfairehabitersamèreavecsonpropreménageenville.Lesexpressionsemployéessontparfoiscontradictoires:«ResteràNouakchottmêmesansenvoyer,celadonneplusd'espoirquederesterauvillage».«Jesouhaiteretournerauvillageenfamille[lafemmeetl’enfantduconcernésontavecluiàNouakchott].PourtantàNouakchott,ilyadavantagedepossibilitésdes'endetter,detravailler,d'acheter.Auvillage,quandçacale,çacale.»(entretienavecunressortissantdeLeghneiba,2mars2013,Nouakchott).

Afind’illustrerdifférentesconfigurationsderythmesderetour,maisaussidevoir commentlesmobilitéss’articulentàl’échelled’unménage,laFigure8présentelesparcoursd’unpère,troisdesesfilsetundeses

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petits‐filsdesannées1980àaujourd’hui.Une«saga»migratoiresemetenplacesurplusieursgénérationsentrelevillagedeLemseiguem(représentéparl’aplatgriséaucentreduschéma),DakaretNouakchott.Onyretrouvelamobilitéàlafoiscomme:

- uneactivitésoumiseauxaléasdesituationsextérieures,commelesévènementspolitiquesde1989pourlesexodantsauSénégal,oul’émergencedeNouakchottcommepôled’attractionaufuretàmesurequelasédentarisationetl’urbanisationmauritaniennesaugmentent;

- un capital transmis en héritage de père en fils, qu’il s’agisse de savoir circuler ou exercer unmétier13;

- unpassageobligéentre18et20anspourlesjeunesadultesdesexemasculin;- unetemporalitédéterminéeparlesautresmembresduménage:lesmariages,lesdécèssontdes

occasionsde retours,des roulements sontorganiséspourassurer lecomplémentde revenud’unexodantàl’autrelorsquelepremiersouhaitesereposer;

- une activité principale, maintenue même en cas de chômage ou de maladie prolongés, quis’organise davantage autour du calendrier professionnel en ville que du calendrier cultural auvillage.

Les configurations de départs et de voyages détaillées dans ce premier chapitre d’informations etd’analyses permettent de retracer le contexte de la mobilité comme «stratégie» de sécurité socio‐économiquepourunménage.Avoirunmembreduménageàl’extérieurduvillageaumoinsunepartiedel’annéeestuneréalitépartagéeparlamajoritédeshabitantsparmilesplusvulnérablesdelacommunedeTikwobra. Les motifs invoqués pour les départs rejoignent les faiblesses chroniques du système agro‐économiquedelazone,coupléesàlaméconnaissancedes leviersdecréationd’opportunitéssurplace.Ladécision du départ coïncide avec les phases démographiques clés du ménage, lorsqu’un événementengendreundéséquilibreentre«bouchesànourrir»et«brasvalides».L’événementleplusrécurrentestle gainde«bras valides» lorsque les jeunes hommesatteignent l’âgedepasserd’un«statut»à l’autrevers 18 ans, mais les déséquilibres imprévus, très enclins à faire glisser le ménage dans une trappe depauvreté, apparaissent plutôt dans le sens des pertes de «bras valides». L’investissement en capitalfinancier pour assurer le transport est relativement réduit au vu des apports escomptés, mais celui entermes de capital social s’avère beaucoup plus important. Le ménage n’est jamais assuré de pouvoircomptersurleretourdel’exodantdurantlesmoisdeculture,puisquelesretoursdoiventaussisecalquersur lecalendrierurbainet les revenus irréguliersen ville.Deplus, leménagedoitmobiliser son réseauàdestinationetencaisserlecoûtaffectifdudépart.

La mobilité apparaît alors comme une logique installée, léguée en héritage, relevant davantage de la«tactique» (Michel et alii, 2011) ou de la «dynamique de survie» (de Haas, 2005) que d’une véritable«stratégie». Les propos dede Suremainparaissent très pertinents à cet égard: «Les acteurs sont tropsouvent présentés – de façon dichotomique voire manichéenne – soit comme de redoutables stratègesmaîtrisant lesmultiples contraintes enmatière de ressources matérielles et symboliques, d’espace et detemps qui composent leur environnement physique et social au sens le plus large soit commede simplesspectateurs passifs subissant de plein fouet le cours inattendu des événements. Or, […] force est deconstaterquelesacteursnesontnil’unnil’autre,maisqu’ilsoscillentenpermanenceentrecesdeuxpôlesd’attitudelesplusextrêmes.»(deSuremain,2008,p.166).

13lemétierde«Wgav»»ou«wegav»(celuiquirestedeboutenhassanya)correspondàcommis‐vendeur.VoirP.IV.

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21 Figure 8

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IV. LES ARRIVEES ET LA VIE EN VILLE Les parcoursmigratoires comprennent dans unpremier temps les départs et les retours. Les arrivées etdestinations constituent le second temps qui les constituent. La partie répond aux questionnementssuivants: Quelles sont les destinations des membres des ménages vulnérables de la commune deTikowbra?Qu’enattendent‐ilsetqu’ytrouvent‐ilsréellement?Commentytravaillentetvivent‐ils?

1. Les villes et quartiers de destination A l’échelledes130ménagesbénéficiairesduprojet avec exodant,enquêtésà T0 en2011, ladestinationd’uneécrasantemajoritéderessortissantsdelacommunedeTikwobraestlacapitaledupays,Nouakchott.LaFigure 9 illustre cette proportionde 85%desménages enquêtés (CRF, 2013). Cette donnée valide laméthodologiecroiséequiaprivilégiécettevillecommeuniquedestinationenquêtéedefaçonimmédiate.

Neuf autres villes ont étémentionnées durant lamissionpar les enquêtés commedestinations à savoir,classées par nombre décroissant d’occurrences: Guérou (filière active de boulangers), Dakar (surtoutdepuisLemseiguem),Kaédi,Tiguint,Nouadhibou(capitaleéconomique),Kiffa,Akjoujt,SélibabyetlawilayaduTagant.LesdeuxpaysdedestinationmentionnésparlesenquêtéssontlaMauritanieetleSénégal.Lesmobilitésrestentdoncprincipalementinternesaupays,etdanstouslescas,sous‐régionalesàl’échelledel’Afrique de l’Ouest. Les destinations répondent à des exigences de proximité et s’ajustent au capitaldisponible,danstouteslesdimensionsqu’ilcomprend.

Leréseauen tantquecapitalsocial, incarnépar le«tuteur»évoquédans laFigure7,constitueunsoclepourlesarrivées.Ilconditionnesouventlequartierd’arrivéedunouveauvenu,sonpremierlogementetlapremière activité exercée en ville. Les quartiers d’installation les plus souvent cités à Nouakchott sontCapitale(5casrelevés),le6e(4cas),le18eàTarhil,le5eetTenSouellim(3caschacun.CfcartographieenAnnexe 5). Une évolution de l’accueil des nouveaux venus a été décrite en Focus Group par lesressortissants de Leghneiba: «Avant 1989, le villageois nouvellement arrivé était accueilli par le chef detribu.Progressivement,cesontlesonclesoulescousinsquiontaccueillilesmineurs,tandisquelesmajeursdécidaientoùilsvoulaientloger.[…]Souvent,c’estchezunprochequialesmoyens.[…]En1978lorsquejesuisarrivé,j’ailogéchezmontuteurquiétaitboucherauKsar.Quandilaeudesdifficultésàremboursersesdettes, deux compagnons et moi avons pensé à monter une blanchisserie pour gagner notre argent etpouvoir l’appuyer.[…]Ondéjeunaitetondînaitensemble, lerepasétaitprisenchargepar le responsabledans un restaurant. Puis chacuna trouvé un travail de son côté,mais nous avons continuéà prendre en

Figure 9. Source : CRF, 2013.

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chargelesfraiscommunsquotidiensparroulement.Lorsqu’unnouveauvenuintégrait lemétier,toutes lesblanchisseriessecotisaientpour leprendreencharge.»(participantauFocusGroupdesressortissantsdeLeghneibaàNouakchott,28février2013).LesFocusGroupsontmisaujourl’évolutiondelaconsidérationdes nouveaux venus: désormais, leur prise en charge à l’arrivée est assurée par les membres de leurfamilleàNouakchott,oupardesprochesarrivésunpeuavanteux,avecquiilslogentencolocation.

2. Les opportunités recherchées en ville L’acquisition de numéraire est l’attente principale du mouvement vers la ville. Les nuages de mots enFigure10reflètentlesobjectifsquelavilledoitêtreenmesurederéaliser.Lescommunautésauvillagelesexpriment à travers ce qu’elle faitmiroiter: l’argent, les moyens, les ressources ou encore les soutienscertes,maisaussilascolarisationetladécouverte.LesressortissantsàNouakchottlesressententdefaçonplus pragmatique: l’emploi est leur premier objectif, duquel découlent à la fois des discussions sur lemarchéde l’emploi etdesattentesd’argent. Cenuagedemotsde l’ordrede laprojectionmérited’êtrecomparé à ses corollaires sur les effets constatés des mobilités enFigure 12 (négatifs) etFigure 13(positifs).

Le profil de «familles saisonnières» décrit par A. Michel (et alii) pour le cas du Mexique, éclaire lesopportunités recherchées en les replaçant dans un contexte où l’objectif est bien de maintenir unesituationéconomique(notammentenpériodedesoudure)plusquedel’améliorer:«pourcesfamilles«saisonnières», lamobilités’inscritdansunelogiquedéjàinstalléededépendancevis‐à‐visd’unmarchédel’emploi fluctuant. Ladistancepermetd’augmenter lesopportunités,mais très rarement le niveaudevie.On peut dire qu’il s’agit d’emplois de journaliers « délocalisés » et que la gestion de la distance (coût,régulation,obstaclesmatérielsetaffectifs)revientàlafamille.»(Micheletalii,2011,p.85).

3. Des activités à faibles revenus L’emploietl’argentétantaucœurdesattentesexprimées,qu’enest‐ileffectivementdesactivitésmenéesetdes rémunérationsdesmembresdesménages vulnérablesà l’extérieur?Une vingtainedeprofessionsdifférentesexercées envilleapu être recensée,qui ont été croiséesavec les listesdéjàétabliesdans ladocumentationpréalableduprojet14. 14 Cf. l’étude EVIAM (EVIAM 2013), le rapport de mission de l’IRC en Mars 2012 (Wampfler, 2012) et l’analysehorizontaledesenquêtesqualitatives(CRF,2012a).

Figure 10

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Lesdomainesd’exercicerelevéssontlessuivants:- le commerce: commis‐vendeur (wegav) ou gardien denuit en grandeboutique avecpignon sur

rue,petitcommercedemontres,dejujube,debissapouencoredesacsplastiquesaumarchéoudanslarue;

- ladistributionalimentaire:boucherendibiterie,restauratrice,boulanger;- le transport de biens et marchandises : pousse‐pousse à traction humaine, courtier en eau, en

bétail,enmatièrespremièresoudesecondemain,dockerportuaire,bagagisteàl’aéroport;- lesservicesàdomicile:gardiennage,femmedeménageou«boy»,cuisinier;- letextile:blanchisseur,tailleur;- lebâtiment:maçon;- lestravauxpublics:ouvrierroutier;- l’administration:plantonchargédethé;- laformation:élèveàl’écolecoranique,étudiantàl’université15.

La majeure partie de ces activités est exercée dans le secteur informel car selon l’adage clamé par unressortissant de Leghneiba: «Pas de diplôme, pas de contrat!» (entretien à Nouakchott, 2mars 2013).Pourlesmétiersdontleniveauderémunérationaétéévoquélorsdesenquêtes,uneéchelledesrevenusaété établie (consultable en Figure 11). Elle présente la limite de ne pas être convertie en monnaieconstantepourlessommesretenuesdemémoireparceuxquilesontgagnéesilyaplusieursdécennies.Deplus,laconversiond’unrevenujournaliertrèsfluctuantàl’échellemensuellecomporteunemarged’erreurimportante.L’échellederevenusmetaujourunelimitedelacollectededonnées: lamentiondurevenuparlesenquêtésdépendfortementducontexted’enquête.Ilestsusceptibled’êtreexpriméàlabaisseenprésenceduménage,ouenprésenced’uneONG.Plusgénéralement,dissimulerouminimiserlessommesgagnéesestuneattitudeque l’onpeut,avecprudence toutefois,«mettreen relationavec la règle selonlaquelleceluioucellequidisposed’argentsedoitdeledistribueréquitablementàsesréseauxdeparentsetd’amis. Faute de cela, l’individu risque d’être marginalisé» (de Suremain à propos des habitudes de«popote» des Brazzavillois, 1998, p.54). L’expression de fourchettes de revenus mensuels permet deconserverunemargeimprécise.Iln’enrestepasmoinsquesurles16métiersrépertoriés,11situent leurfourchette basse en dessous du SalaireMinimum Interprofessionnel Garanti en Mauritanie (SMIG), fixédepuis 2011 à 30 000MRO parmois (9métiers sont concernés si l’on exclut lesmétiers anciennementexercés).

L’éclairage par trajectoires professionnelles replace des éléments dynamiques dans la présentation desactivités. L’insertion professionnelle en début de carrière s’effectue essentiellement à travers le réseaufamilial et villageois. Lemétier s’acquiert lorsd’unepérioded’apprentissage réduitedequelques jours àquatre mois, car la plupart nécessite des compétences qui n’étaient pas activées dans les activités auvillage, si ce n’est le capital physique. Une exception doit cependant être mise en avant: les métiersexercésparlesfemmes(restaurationou«boy»)s’inscriventdansunecontinuitéavecl’expériencequ’ellesontdéjàacquiseauvillage.Devéritablesfilièresd’activitésspécialiséessesontbâtiesprogressivement:lesressortissants de M’Beydia sont réputés pour leur travail en tant qu’ouvriers boulangers, et ceux deLeghneibapourleurcompétencesenblanchisserie.

Les opportunités de carrière restent très minces. Un seul ouvrier boulanger rencontré a pu devenircontremaîtreau fildu temps,c’est‐à‐direqu’ilestpassédumélangede lapâteàpain etdesadécoupe,tâchesdévoluesàl’ouvrier,àlagestiondufouràpainetdel’équipecomplètedel’atelierdeboulangerie.Débutantavecunrevenudemoinsde20000MROparmoisen1984,iltoucheaujourd’hui50000MROparmois,tandisqu’unautreouvrierboulangerayantappris lemétieren1987déclaretoujoursgagnermoinsde 20 000 MRO par mois. Un seul blanchisseur rencontré a fait l’expérience de monter sa propreblanchisserie,eninvestissant30000MROdansunetableetunferàrepasser,despoteauxetdescordespour étendre le linge, des bassines. Cependant, il est revenu au salariat informel après 7 mois nonconcluantsd’exerciceenindépendant.

15Laboursepourlesétudiantss’élèveà8500MRO/moisdelapremièreàlatroisièmeannée(versésendeuxfoisdansl’année),puisà10500MRO/mois.Source:universitédeNouakchott.

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Contretouteattente, lapluriactivitéestapparuecommepeurépandueparmi lesexodantsenquêtés.Lesmétiersexercésnepermettentsouventpasdecompléter lesrevenusparuneautreactivitéensimultané.Parcontre, lamultiplicitédesactivitésapparaîtsurdespasdetempscorrespondantàunevieentièredemobilités. Un exodant de 50 ans rencontré àWouro DembaNdikiri le 26 février 2013 est parti pour lapremièrefoisen1987.Ilaététouràtour:

- de1987à1997,manœuvrejournalierenmaçonnerieàNouakchott:ilmélangelecimentetappliquelecrépis.

- de1998à1999,ilfutcourtierdebétailàKaédi.- Aprèsunepauseauvillage,ilrepritde2003à2005entantquegardiendenuitchezlechefdemission

delaposedugoudronentrelesvillesdeNouakchottetdeNouadhibou.- Aprèsuneautrepauseauvillage, ilserenditàSélibabyde2008à2012,d’abordcommejournalieren

maçonnerie,toutendémarchant l’entreprisechinoisechargéedeposer lachausséeentreSélibabyetM’Bout. Ilréussitàsefaireembaucherauprèsd’ellecommemanœuvrepour legoudron. Ilassembleles résidus de pierre, mélange le ciment, transporte les pierres, tamise le sable, décharge lescargaisons.

Son parcours reflète les grands travaux publics de chaussées entrepris en Mauritanie, entrecoupés demenustravauxàlajournée,etdepausesauvillageenfonctiondesconstructionsàybâtir.

Le tour d’horizon ne saurait être complet sans évoquer les périodes d’inactivité des exodants. Certainsaffirmentnejamaisêtreauchômage,7casmentionnentunchômagevariantd’uneduréed’unesemaineàtroismoisconsécutifs.Lesretoursenvillesuiteàunpassageauvillagenécessitentuntempspourretrouverdutravaildans lesecteurprofessionnelmaîtrisé.Lespostesassurésd’uneannéesur l’autresontraresetjouentsurlesrelationsinterpersonnellesaveclesresponsablesdel’activité.Unepersonneestrestée7anshorsduvillagesanspouvoirtravaillerpourdesraisonsdesantéattribuéesàunenvoûtement.Lechômeurcourtier en bois qui a été rencontré se caractérise ainsi car il déclare parfois ne pas trouver de travaildurant4à6joursconsécutifs.Laprécaritédel’emploi,quin’estpasnécessairementexercétouslesjours,peutentraînerlemembreéloignéduménagedansunetrappedepauvreté:«Enville,ilpeutsepasserunejournée sans que personne ne se rende compte que tumeurs de faim ou de soif.» (entretien avec uneressortissantedeTikwobra,Nouakchott,le4mars2013).

Lesactivitésmenéesconstituent l’angled’approcheprincipalde laviedesmembreséloignés en ville,envuedereconstituer lerôledesmobilitésdans l’économiedeleursménages.Toutefois,elles intègrentunenvironnement trèsdifférentdeceluidu village,qui impactenécessairementsur la viedes exodants en‐dehorsdutravail.

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Figure 11

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4. Les effets de la vie en ville L’étudeamisaujourd’autresaspectsqueletravaildanslarésidencetemporaireannuelleoupermanenteenville.Sansviser l’exhaustivité,certainsméritentnéanmoinsd’êtrementionnéscar ilsontunimpactsurlesreprésentationsquelesexodantsexprimentdelapauvretéetdesleviersàleurdispositionpourréduirelesvulnérabilités.

LaFigure12présentelesnuagesdemotsconstituésenFocusGroupssur leseffetsnégatifsdesmobilitésspécifiquementobservés en ville. Lescommunautés auvillage focalisent leurattentionsur l’éloignementculturel : l’acculturation (4 occurrences) concerne avant tout le mode de vie paysan. «Ici, nous neconnaissonsquel’agricultureet l’élevage.Le jeunequipartnesaitplusfairecela: iln’estplusdesnôtres.Celuiquin’exercepasl’agriculturenevitpas,dumoinssavien’apasdesens»(FocusGroupàM’Beydia,21février2013).Pour les ressortissantsàNouakchott, l’effetnégatif lepluspesant sur leurvie est le travailincessant et pénible (3 occurrences). «Je ne sais même pas comment me qualifier. Je gagne 25 000ouguiyasetjedoism’occuperdetoutlemonde,mafamilleici,lamèreauvillage,sonménage.[…]Letravail[deboulanger]c’est7jourssur7,avecquelquesheuresdereposseulement.[…]Aveccequejeperçois,sijeme nourrissais bien, rien ne resterait pour soutenir le ménage au village.» (Focus Group avec lesressortissants de M’Beydia à Nouakchott, 1er mars 2013). Le pendant d’effets positifs est consultableenFigure13,pourlapartie«vueparNouakchott».Ils’agitnotammentd’alphabétisation(2casrencontrésparmi les exodants les plus âgés), d’apprentissage religieux par la fréquentation de mosquées et demahadra renommées, de participation à des formations professionnalisantes (les techniques ettechnologiesdelaboulangerieparexemple).

D’autresaspectsàsouleverauseindecetteétudeonttraitàlavulnérabilitéàl’insécuritéalimentairequelesexodantspeuventeux‐mêmeséprouverenville.Uneambivalenceestomniprésentedans lesdiscourssur l’alimentation en ville.D’unepart, la plupart des exodants concèdent en entretiens individuels qu’ilsmangentàleurfaimetmieuxqu’auvillageenqualité,enquantitéetendiversité.D’autrepart,lesdébatsen collectif mettent en avant des privations alimentaires consenties pour diminuer les dépenses àNouakchott.CedoublemouvementrenvoieàunesituationanalyséepardeSuremainàBamakoen2008:«si les situations où la faim et le manque se font sentir surviennent régulièrement, l’individu, en

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manifestantouvertementsa faim, étale auxyeux desautres sapauvreté ainsi quecelle desa famille. Lamauvaise éducation, évoquer le manque, dire que l’on ne mange pas suffisamment, trahit la situationéconomique,socialeetfamiliale.Cefaisant,l’individuexpose[…]sonconjointàlavindictedesparents,desvoisins,del’entourage…quilequalifientalorsd’irresponsable.»(deSuremain,2008,p.159).Encollectif,onestplusenclinàparleraunomdugroupeetàévoquer lafaim…àmoinsquecenesoitlaréactionfaceàl’opportunitéàsaisirdelarencontreavecunacteurhumanitaireintervenantentreautresdanscedomaine.

Parailleurs, lesexodantsrencontrésauvillageseplaignenttousdemangerdefaçoninsuffisanteenville.Les plats ne sont pas diversifiés car lorsque le repas est pris en charge par le patron, dans la filièreboulangerieparexemple,uneconventionestpasséeavecunrestaurantàproximitéqui livre«toutes lesnuits desmacaronis!» (entretien àAmoira, 25 février 2013). Pour expliquer cette posture exprimée enprésence des autres membres du ménage, une approche anthropologique de l’alimentation permet de«comprendre les choix alimentaires (ainsi que les non‐choix) qui s’opèrent selon les enjeux sociaux etsymboliques privilégiés à unmoment donné.» (de Suremain, 2008, p.166).Un ressortissant deM’Beydiaexprimecettedimensionsocialeetsymboliquedans lesrapportsdegenre:«Auvillage, lanourritureestmeilleurecarc’estunefemmequiprépare.Elleprendtoutsontempsetlefaitbien.Ici,c’estunhommenonqualifié pour cela qui cuisine de façon rapide. Ce n’estmême pas cuit lorsque c’est servi!» (entretien àNouakchott,le3mars2013).

Lesmodalitésdel’étuden’ontpupermettred’approfondirdavantagelevoletalimentairedelavieenville.C’est pourquoi, pour ouvrir le champ des réflexions sur la vulnérabilité à l’insécurité alimentaire àdestination, la référence à des travaux antérieurs est l’entrée principale. de Suremain assoit la notion«d’incertitude alimentaire» justement sur les trajectoires alimentaires des individus. «Développer lanotiond’incertitudepermetd’éviter lesécueilsd’unecatégorisationoud’unecaractérisationdéfinitivedesacteurs et des situations fondées sur des critères strictement économiques ou démographiques, et lesraisonnementscirculairesquilesétayent(«ilssontpauvresparcequ’ilsgagnentmoinsdedeuxdollarsparjour»;«ilssontdanslamisèreparcequ’ilssonttropnombreuxdanslafamille»).Bienaucontraire,danslamesureoùelleprendà lafoisencompte leschangementsdesituation«positifs»et«négatifs»ouleuralternancedansletemps,qu’ilsoitcourtoulong(Braudel1952),lanotiondevraitpermettrededépasserlesanalysessommaires,ainsiquelesactionsdedéveloppementoulespolitiquesquipeuventendécouler.[…]Lanotiond’incertitudealimentaire traduit auplusprès la façondont les acteursperçoivent et vivent leursituation. « On ne sait pas… » est d’ailleurs la formule qui, tel un leitmotiv, revient sans cesse dans lesdiscours dès lors que le propos implique une projection au‐delà de quelques jours» (de Suremain, 2008,p.166). L’incertitudealimentaireestaussi exprimée trèsclairementdans la (les)définition(s) religieuse(s)delapauvreté: lefikrestceluiquinesaitpascequ’il vamangeraujourd’hui.Lemeskinestceluiquiestassurépouraujourd’hui,maisn’estpasenmesuredeseprojeterplusloin(CRF).

Le fil des parcoursmigratoires a conduit la réflexion jusqu’à l’arrivée en ville dans ce deuxième chapitred’analyse. Lesmodes de vie adoptés sont conditionnés par la nécessité d’assurer à distance la sécuritésocio‐économique du ménage. Le choix de destinations balisées et la mobilisation familiale à l’arrivéeconfirmentlerôleducapitalsocialdansledispositifmigratoire.Lesactivitésintégréestraduisentl’optiquededélocalisationducapitalphysiqueduménagedurantlesmomentsdefaibleactivitéauvillage,plusquelastratégied’enrichissement.Ils’agitenmajoritéd’emploisnonqualifiés,exercésdanslesecteurinformel,à durée non spécifiée au préalable, et nécessitant une bonne condition physique. Les possibilitésd’évolutionsontraresquoiqueintéressantesàprendreencompte.Laseuleévolutiondecarrièreassurée«àvie»estcelled’exodantpluri‐actif.Cetteviedelabeurpourraitêtrecompenséepar l’acquisitiond’uncapital intellectuel stimulé en permanence dans la ville,mais les exodants rencontrés déplorent pour laplupartnepasavoirletempsoul’énergiedes’instruire.Al’incertitudeprofessionnelles’ajoutel’incertitudealimentaire, qui mériterait un approfondissement en miroir des effets de la mobilité sur l’insécuritéalimentaire au village. Ces derniers seront abordés dans le chapitre suivant concernant les soutiens auxménages.

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V. LES EFFETS DES MOBILITES : LES SOUTIENS DANS L’ECONOMIE DES

MENAGES Leseffetsdesmobilitéssurlesmembresduménagerestésauvillagesontabordésprincipalementàtraversles soutiens envoyés et reçus. Les «soutiens» ou «remises» des migrants concentrent une attentionparticulière de la part des institutions internationales qui porte en partie (mais accessoirement) sur lesmobilités internes: «Les effets de la migration interne sur la réduction de la pauvreté […] ont étédémontrés par des étudesmenées dans divers contextes nationaux» (PNUD, 2009, p.82). Les modalitésd’implication des mobilités dans l’économie des ménages au village nécessitent un approfondissementselonlesquestionnementssuivants:quelssontleseffetsglobauxdesmobilitéssurlesystèmeéconomiquedans lequel lesménages évoluent?Quiest enmesureounondesoutenir leménagedepuis l’extérieur?Quelles sont les valeurs et caractéristiques des soutiens? Comment sont‐ils envoyés et quellesconfigurationsleurréceptionauvillageprend‐elle?

1. Les effets des mobilités sur le système agro-écologique et socio-économique. L’étude EVIAM replace l’économie desménages dans un système agro‐écologique (agriculture, élevage,hydrologie) et socio‐économique (structuration sociale, historique et peuplement, infrastructures socio‐sanitaires,économie)quigénèredesfacteursdéterminantsdans lavulnérabilitéà l’insécuritéalimentaire(EVIAM, 2013, consultée le 8 février 2013). L’animation en Focus Groups a permis de positionner lesmobilitésauseindecesystème.LaFigure13représentelesnuagesdemotscorrespondantauxeffetsdesmobilités sur les différentes composantes du système. Les effets négatifs sont évoqués dans les deuxnuagesdemotssupérieursdelafigure.Leseffetspositifssontmentionnésdanslesdeuxnuagesdemotsinférieurs.Ilfautd’embléereleverlefaitquelesressortissantsàNouakchottontaxélamajeurepartiedeseffetspositifssurleurvieenvilleplutôtquesurl’impactdeleurmobilitéauvillage. Figure 13

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Le système agropastoral apparaît davantage dans les propos des communautés au village. D’une part,l’absencedufilsbergerpartiàlavilleentraîneunedivagationanimalequipeutconduireàlapertedebêteslaisséessanssurveillance.D’autrepart,lesrevenustirésdesactivitésenvillepermettentderecapitaliserlecheptel en achetant du bétail. Des interventions marquantes manifestent le fait que les villageoisconsidèrentl’exodecommeunesourcederichesseplusincertainequeladétentiond’untroupeau:«Avoirunexodantneréduitpas lapauvreté,unménagepeut resterpauvremêmeavecdesexodants.Pourmoi,celuiquin’estpaspauvre,c’estceluichezquitutrouvesdubétail.»(entretienàTikwobra,18février2013).

En termes sociaux, l’absence d’un membre du ménage entraîne une multiplication des tâches pour lesmembresrestéssurplace,notammentpourlesépousesetlessœurs,puisquelamobilitéentraîneselonlesparticipants une évolution genrée du peuplement dans la zone. Les effets sur l’éducation se jouent surplusieurs tableaux : l’absence du père ou du frère va pousser les autres fils à quitter l’école de façonprécocepours’occuperdes tâchesquinesontplusassuméespar lesabsents.Ellevaaussientraîneruneéducationplus difficile à assumer en ménage qui fonctionne sur une présence mono‐parentale : «Lesenfants sont trèsmal éduqués. Ils cassent les fenêtres car ils n’ont pas peur de leurmère» (entretien àWouroDembaNdikiri,26février2013).Pourtant,c’estparleursfréquentationscitadinesquelesmembreséloignésdeviennentplusalphabétisésetéduqués.L’acquisitiond’idées,l’apprentissageetl’éducationsontlesoccurrencesqui reviennent enmajoritédans les discours tenusàNouakchott (2à3occurrences). Lecapital santé des ménages est évoqué au village (les soins sont accessibles) comme à Nouakchott (laprévention et la sensibilisation peuvent être prodiguées grâce aux conseils reçus en ville). Il apparaîtcependantpeuentermesderécurrencedesoccurrences.

En termes économiques, l’acquisition de biens est soulignée au village, qu’il s’agisse d’amélioration del’habitat, de moyens de transport contre l’enclavement, de technologies d’information et decommunication. L’effet positif le plus cité au village délivre un enseignement capital sur le systèmeéconomique:ils’agitdelagarantiequ’apportelamobilitépourleménageaumomentdecontracterunedetteauprèsd’uncommerçant(9occurrences).UneressortissantedeTikwobrahabituellementrésidenteàNouakchottdéclare:«C’estparcequenousnesommespasauvillageque lecommerçantaconfianceennous» et accepte plus facilement de faire crédit à sa mère (entretien à M’Bout, le 19 février 2013). 9ménages sur les 11 enquêtés ont déclaré avoir recours à cette garantie, et pouvoir par la suite

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effectivementremboursergrâceauxsoutiens.Unseulaévoquélefaitdedevoirs’endetterauvillagepourpayerlesfraisdevoyageinhérentsàlamobilité.

2. L’absence ou l’existence de soutien : du soulagement de l’assiette au garnissage du grenier. Sil’endettementestfacilitéparlamobilité,celaestdûaufaitquelescommerçantscomptentsurlesenvoisdes membres éloignés à leurs ménages au village. Il est avéré par l’enquête en T0 que les soutiensprovenantdel’extérieurfontpartieintégrantedel’économiedenombreuxménages.Surles200ménagesbénéficiaires suivis à T0, 46% déclarent recevoir un soutien. Dans 14 villages sur les 38 que compte lacommune,lesménagesenquêtésenT0onttousdéclarérecevoirunsoutiend’unmembreéloigné.Seuls4villagesdelacommunenesontpasdutoutconcernésparcesenvois.L’échantillondes6villagesd’enquêterecoupe des réalités variées de soutiens: 100% desménages vulnérables enquêtés à Amoire déclarentavoirdusoutiendel’extérieurduvillage,tandisquelespourcentagessontdel’ordrede57%àLeghneiba(8ménages) et72%àM’Beydia, les villages lesplus importantsdémographiquement.ALemseiguem, letauxdesoutienparrapportaunombredeménagesvulnérablesenquêtésestde78,6%,etàWouroDembaNdikiri,de67%.ATikwobra,chef‐lieudelacommune,ils’élèveà67%(CRF,2013).

Pourtant, toutmembre à l’extérieur n’est pas en mesure d’envoyer un soutien. Parmi les 130ménagesvulnérables enquêtés en T0 qui ont une personne à l’extérieur, 71% reçoivent du soutien et 28% n’enreçoivent pas (CRF, 2013). Le simple fait d’être parti en ville est d’ores et déjà considéré comme unavantagepour leménage, puisque lamobilité soulage le plat familial d’unebouche à nourrir. Entre uneunité de consommation en moins et une unité de production potentielle qui est amenée à remplir legrenier, «rester à Nouakchott,même sans envoyer, cela donne plus d’espoir que de rester au village»(entretienàNouakchottle2mars2013).

L’importancedessoutiensestcependantancréedansl’imaginairefamilial,àtelpointquecen’estpastantlevoyagequiconstitueraitunrite initiatiquepour les jeuneshommes,que laréceptionpar leurmèredupremiersoutien.«IlseprenddéjàenchargeàNouakchottsansvoler,c'estencoreungosse,sonsalaireesttropbasetillegèremal.Lejouroùildeviendrasage,celavachanger.[…]Ilvadevenirunhommeetnoussoutenir.»(entretienàM’Beydia,19février2013).

3. Des envois corrélés aux parcours migratoires Dansl’exempleprécédent, lamèreattendavec impatiencelepremiermandatdufils.Plusgénéralement,l’enveloppedusoutienestfortementcorréléeàlapositiondel’exodantvis‐à‐visduchefdeménage.Plusleliendeparentéestdirect(époux,filsoufille),plus lemontantestsusceptibled’êtreélevéet larégularitéassuréeune fois l’activité rémunératricemaîtrisée. La femmedivorcée rencontréedurant les enquêtesàLeghneiba, sœur de deux exodants, déclare qu’elle compte peu sur les soutiens de ses frères sachantpertinemmentqu’ilsontdéjà leurspropresménagesàcharge.Lespetits‐enfantsélevéspar leursgrands‐parents laissentà leursparents le soinde redistribuerunepartde leur envoià la grand‐mèreau village,plutôtqued’assurerdirectementlesoutien.

Concernantlesmontantsdesenvois,lerésultatobtenudoitnécessairementprendreencomptelebiaisdelapostured’enquêteparunacteurhumanitairequiadistribuédesliquiditésdansl’année.Lesménagesauvillage minimisent tous soit le montant, soit la régularité de l’envoi par rapport aux déclarations desexodantsenville.Pourlapériodedejuinànovembre2012,lasommetotaledessoutiensenvoyésdanslesménages vulnérables enquêtés en suivi de trésorerie s’élève à 1031600MRO. Enmoyenne, lemontantenvoyéestde15168MRO.Lemontantleplusélevéenvoyéestde70000etlepluspetitmontantenvoyés’élève à 1 000MRO. Pour 50%des soutiens reçus chez lesménages bénéficiaires enquêtés en suivi detrésorerie,lasommevarieentre10000et25000MRO.Elleestperçueenmoyenne(52,7%)touslestroisà sixmois. LaFigure 14 indique les proportions des différentes sommes exprimées enMRO relevées ensuivi de trésorerie pour les envois de juin à novembre 2012. Les sommes moyennes déclarées sont

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inférieuresauxtransfertsmonétairesreçusparleprojetTES,del’ordrede24000MROpartransfertsoit70000MROsurlamêmepériodeen2012(CRF,2013).

L’enquêteauprèsdescommerçantsnepeutpasêtreutiliséepourvérifiercesinformations,carellereposesurlesenvoisdetouslesménagesduvillageparundesmodesdetransfertlepluscoûteux(voirP.IV).Lessommesayant transitépar leur intermédiairedepuis la tabaski2012sont largementsupérieuresàcellesmentionnéesenT0,puisquelesménagesconcernésnesontpasenprioritélesplusvulnérables.

Parmi l’échantillon des onze ménages, les données de l’enquête en suivi de trésorerie sevérifientpartiellement : 6 exodants et 3 ménages déclarent des soutiens à hauteur de 10 000MRO. Lemontantmédiantousdiscoursconfonduss’élèveà9500MRO.Ilestde11000MROselonlesexodants,etde 4 500MRO selon lesménages. Lesmontants s’avèrentmoins élevés que dans l’enquête T0,mais ilscorrespondentàunepériodequisuitunvolumedeproductiontrèsbas16,quiavaitnécessitéd’envoyerdessommes importantes, ce queplusieurs exodants ontmentionné: «Durant l’année 2011, la sécheresse ademandé beaucoup de dépenses. Je n’avais pas assez d’économies pour repartir au village en 2012»(entretiend’unressortissantdeM’BeydiaàNouakchott,3mars2013).Ledifférentielentrelesexodantsetlesménages estégalement trèsmarquéconcernant la fréquenced’envoi:6 exodantsaffirment envoyertous lesmois,dont4énoncentcetteaffirmationauvillageenprésencedeleurménage.Enrevanche,unseul exodant déclare des envois annuels, alors que 5 ménages relèvent une temporalité annuelle desoutien.

Lanaturedusoutien envoyéestcorréléeà sonmoded’acheminement. L’envoi en espèces estprivilégiépour51%des130ménagesavecexodantenquêtésenT0,comme l’indique laFigure15,auxquels il fautajouter les19%des envoisqui combinent espèces etnature (CRF,2013). Les envois ennature parcolisconcernentdesdenréesalimentaires,notammentduthéetdusucreoud’autresdenréessurcommandedu ménage, ainsi que des habits ou dans de plus rares cas, des fournitures scolaires. Le délaid’acheminementapudissuaderunexodantd’envoyerdesdenréespérissables(entretienàWouroDembaNdikiri,26février2013).Si l’onprendencompte lesoutienapporté lorsdescirculationsdesexodants, lapart des envois en nature augmente lors de leurs retours au village. Personne ne rentre sans avoir auminimumunbidond’huile,unsacderiz,duthéetdusucredansses«bagots»,achetéssoitàNouakchottsoit à M’Bout sur le trajet du retour. Ils peuvent parfois être complétés de quelques habits ou des

16Laproductionagricoleaététrèsfaibleen2011dufaitd’unepluviométrielimitée(réduitedemoitiéparrapportà2010danslazonedeM’Bout).

Figure 14. Source : CRF, 2013. Sommes exprimées en MRO pour la période comprise entre juin et nov 2012.

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Figure 15. Source : CRF, 2013.

chaussures.Unexodantaévaluéqu’ildoitcommenceràéconomiserdeuxàtroismoisavantderentrerauvillage,afindepouvoirapporterlesoutienattendu(entretienàLemseiguemle26février2013).

Silesoutienestleplussouventenvoyéenespèces,laréceptionauvillagepeutêtrelivréedirectementennature.Unboutiquier villageois amentionné le cas de ressortissants installés àDakar, dont lesmandatssonttransformésenavoirs.Ilsluienvoientunesommequin’estpasnécessairementindiquéeauménage.Lechefdeménageauvillagese rendchez lecommerçantpour récupérerdesdenréesdèsque lebesoins’enfaitsentir.Lecommerçantinformeleressortissantlorsqueson«compte»chezluiestvide.

4. Composition budgétaire et affectation des soutiens Que le soutien se présente en nature ou en espèces, son affectation dans le budget du ménage estprincipalementdévolueà l’alimentation17.Tous leschefsdeménageau villageontaffirméêtre les seulsdécisionnaires en termes d’affectation quotidienne du soutien. Les exodants «flèchent» l’affectationuniquementlorsqu’ilssontleschefsdeménageàdistanceetqu’ils’agitd’investirdansuncabri.

En revenant sur l’affectation des derniers soutiens reçus, les bénéficiaires des envois présentent unerépartitioncommesuit:

- 11ménagesl’utilisentpourlaration.Elleestcomposéederiz(x10cas),huile(x8),sucre(x5),thé(x4),mil (x4), sel et jumbo (x4), blé (x2), viande (x2), poisson, oignons et/ou haricots (x1 chacun). Lesproportionsachetéesvarientenfonctiondelasommeenvoyée,maisnedépassentpaslesacderizetlebidonde5Ld’huile;

- 6casderemboursementdedette.Pourceuxquiontspécifiél’originedeladette,ils’agitd’alimentaireoudel’achatd’uneânesse;

- 4achatsd’habits;- 2achatsdechaussures;- 2dépensesensoins;- 1dépenseen équipementdepetitmatérielpour la tente:piles, torche…«Toutcequevouspouvez

voirsouscettetente»provientdessoutiensdumariselonunechefdeménageenentretienàAmoire,le25février2013.

Pourserendrecomptedefaçoncroiséedelapartdessoutiensdanslacompositionbudgétaireduménage,lacomparaisonentrelaFigure16etlaFigure17paraîtparticulièrementévocatrice.Ellepermetd’étudier

17Pouruneestimationéquivalentepour leGuidimakhaàproposdesmigrants internationaux,voirLeCouster,2009,p.39.

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lecasd’unménagedontl’épouxtravailledurantseptmoisdel’annéeàNouakchottentantqueboulanger.Ellecomportelebiaisdesefondersurdesdonnéesquiontétérécoltéesàunand’intervalle(entrel’étudeEVIAMetl’étudemobilités).Ellemetenparallèlelesdépensesdel’épouxàNouakchottd’unepart,etlesrecettes de son épouse au village d’autre part. Afin d’avoir des pas de temps comparables, les donnéescollectéesontétérapportéesàl’échellemensuelle,cequiinduitdesdistorsionsdanslareprésentationendiagramme,pointapprofondidanslasuitedel’argumentation.

LesdépensesdeSidiatteignentlasommetotalede22000MROparmoisenviron(Figure16).Lespostesdedépensedessoutiensennature,deséconomiespourleretour,etdessoutienscollectifséquivalentàunesommedépenséesursesseptmoisderésidenceàNouakchott,icirépartieparmois.Ilapparaîtclairementquelamoitiédesdépensescorrespondentauxenvoisendirectionduménageauvillage.Acelas’ajoutentlesenvoisennatureparcolis,leséconomieseffectuéespourretourner lesmainspleines,etunepartieducrédit de téléphone qui sont destinés eux aussi au ménage. Si l’on retranche également la solidaritécollective,matérialiséepar les soutiensauxvillageoisponctuellementàNouakchott,Sidinécessite5850MROmensuelspourvivreàNouakchott,soitenvironlequartdesesdépenses.Ilal’avantagedetravaillerdansunsecteurd’activitéoùlerepasestprisenchargeparlepatronquil’emploie.

Figure 16. Source: enquête mobilités, février 2013

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Taharadéclaredesoncôtécompteravanttoutsursonchamppournourrir leménage,quicomprendsixenfantsde4à17ans(Cf.Figure17)18.C’estcequelesenquêtesEVIAMconfirment: leproduitbrutdelaproduction agricole est évalué à 403 228 MRO par an, soit 57 600/mois rapporté sur les sept mois deconsommationquecelacouvre19.Lecheptelcomprendquantàluidouzechèvres,dontleproduitbrutestévaluéà79200MRO/an,soit6600d’économiesdisponiblesenbétailsil’onreporteceproduitsurdouzemois.Lesdettescontractéesdurantl’année2012,selonlesenquêtesqualitatives,sesontélevéesà21000MRO,soit1750rapportéessur12mois.Lapartdusoutiendumaridurant lesseptmoisoùilsetrouveàNouakchottestestiméeà10000MROparmois20.

Lacompositionbudgétaireprésenteunelimite:lesrecettesévaluéesà75950MROvalentpourunmoisMdans l’annéeoù l’épousepourraitencorese reposer sur les revenus tirésdescultures,etqui couvrent larationdurantseptmoissurdouzeseulement,etlessoutiensdesonmari,pourtantdisponiblesseptautresmoissurdouzeseulement.Laquestionestposée:quelpostederecettespourrasesubstituerauxchampsdurant les 5 mois de soudure de l’année, où les trois quarts des recettes ne sont pas couverts? Est‐ilenvisageablequeSidi envoiedavantage,au vudubudgetdedépensesàNouakchott ?Leménageva‐t‐il

18VoirlesenquêtesEVIAMetqualitativespourensavoirplussurleménagebénéficiaire.19 L’estimation de consommation autour de 50 000 MRO par mois correspond à ce que le ménage déclare dansl’EVIAM:uncoûtalimentaireparjourà1573MROpourleménageentier.20Ledifférentielentreladéclarationdumarietcellede l’épouseestcettefoispeuélevé,de1000MROseulement,quipourraitcorrespondreaucoûtd’envoi.

Figure 17. Source: enquête EVIAM, novembre 2011

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opterpour lavented’unechèvre?Oupour lacontractiond’unedettesupplémentaire?Lapartoccupéepar lessoutiensdans lebudgetdeceménage,del’ordredemoinsd’unquartsi l’oncompte lessoutiensindirects et ennature, apparaît donc commenécessairemais absolument pas suffisantepour assurer lasécuritééconomiquedesesmembres.

5. La charge du soutien : les coûts des canaux d’envoi Lemoded’acheminementdesenvoisenespècespeutprendredifférentesvoies.Certainesfontpeserunecharge budgétaire supplémentaire sur lemembre éloigné qui envoie (Cf. Figure 18). Parmi lesménagesenquêtés,12personnesontmentionnélefaitdepasserparlemoded’envoi«àlavalise»,entransmettantdirectement l’argent à un voyageur ou à un chauffeur de confiance, pour remise en main propre auménage.Cemoded’envoiestgénéralementgratuit.

En cas d’imprévu ou d’événement (mariage, baptême…), 10 personnes ont déjà utilisé le système detransfertdit«envoyer‐payer»,dontlecoûtvarieentrezéroet10%decommissionparenvoi.Letransfert,canald’envoirécentquis’estdéveloppédepuis2007enparallèledestélécommunications,consisteenundépôtd’argentpar lemembre éloignéchezun commerçantouunepersonnerelaisàNouakchott. CettepersonneappellesonrelaissoitàM’Bout,soitdans levillageduménagedestinatairedelasomme,et luiindiquelemontantàremettreauménage.Lesdeuxintermédiaires(aminima,mais ilspeuventêtretrois)s’arrangentensuiteentreeuxpourserembourser:lecommerçantauvillagecommandedesmarchandisesàNouakchottsansdevoirfaireparvenird’argentàsonrelais,oubien ilreçoit lasommeparvoyageurendifféré. Le cas d’un villageois avec liquidités a été évoqué en référence à une personne détenant unpanneausolaire,etfaisantpayerlarechargeenélectricitédetoutappareilàpartirdecepanneau.ElleestconnuedesrelaisàNouakchottcommeayanttoujoursunecaissepleine,élémentessentielpourpouvoirgarantirlarapiditédutransfertd’argent.Laplupartdutemps,lesdifférentsacteursd’uncanald’envoisontdelamêmefamilleouontgrandidanslamêmeclassed’âgeauvillage.

Le service est gratuit si les intermédiaires agissent par «entraide sociale» pour les villageois, selon lesentretiens menés. Ce sont les intermédiaires nouakchottois, et non au village, qui prennent unecommission. Ilaétéfaitmentionparunrelaisducasuniqued’envoidans lesens inverse,duvillageversNouakchott,suiteàlavented’unanimaletsurdemandedumembreéloignéalorsdanslebesoin.

Uneattentionparticulièreaétéaccordéedurant l’étudeà lacorrélationentre lesenvoispartransferten«envoyer‐payer»etlesremboursementsdedettes.Surles68mouvementsd’argentenregistrésparles12commerçants et relais enquêtés, 16 remboursaient des dettes (dont 7 étaient destinés en partie auremboursement et en partie à permettre de nouveaux achats), soit un quart des envois environ. Lesdonnées, accessibles en annexe9.B, ne valent cependant pas uniquement pour les ménages les plusvulnérables.

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Figure 18

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6. Distribution et redistribution des soutiens : une « économie en archipel » Siledéficitbudgétaired’unménagepeutserépercuterendettesauprèsd’autrevillageois,inversement,laportéedessoutiensenvoyésauménagedépassesespropresmembres. Ladistributiondesoutienspar lemembreéloigné,puis laredistributionparlesmembresduménageauvillagerenseignesur lenombredepersonnesquiviventenpartiedecettesourcederevenus.Étant donné la distance géographique entre les différentes composantes du ménage, la métaphore del’archipel apparaît comme particulièrement évocatrice pour penser le fonctionnement de l’économie decesménages.CeconceptestempruntéeàLéonard,QuesneletdelReyPoveda(Leonardetalii,2004),quil’ontdéveloppéedanslecontexteaméricano‐mexicainentantquestratégieoùlepèreseplaceaucœurdel’archipel,etpositionnesesenfantsàl’internationalauserviceduménage.Ilsjustifientl’imagedel’archipelpar une approche mettant l’accent sur les problématiques foncières et d’héritage au sein de l’archipel(Quesnel,delRey,2009).Mêmesilesenjeuxqu’ilssoulèventnecorrespondentpastousaucontexteétudiéenMauritanie, cette expression est retenue ici, tout en l’expérimentant selonune autre dimension plusadaptée à desménages vulnérables, qui par conséquent ne sont pas enmesurede se projeter dans detelles stratégies. La notion d’économie en archipel paraît féconde pour penser la complexité et larecompositionpermanentedeménagesayantdesmembresauvillageetdesmembreséloignés.

LaFigure19 consisteenune étudedecaspour introduire l’économie enarchipel. Leménagedont il estquestion est composé de six personnes (en vert), dont trois se trouvent à Nouakchott au moment del’enquête(représentésparunfiguréenpiedsymbolisant lamobilité).Houssein, leprotagonisteprincipal,est installéàNouakchottetestleseuldestroisàenvoyerunsoutienauménagedesamèreMoya.MoyaétaitmariéeavecRahil,maisestdivorcée depuis1985.Ses enfantsn’ont pasconnu leursparents vivantdanslemêmefoyer.LefrèredeHoussein,Ahmed,estàNouakchottdepuis1996,maismaladedepuis2011etnegagnedoncpasassezpoursoutenirlafamille.SasœurMinetouétaitenmesured’envoyerdel’argentavantsonmariageentantquefemmedeménageàNouakchottde2002à2005,puissuiteàsonmariageàNouakchott,elleenvoyaitdeshabitsàsamère.Maisayantdivorcéen2011etétantretournéeauvillage,elle n’est repartie que le 13 février 2013 à Nouakchott pour chercher du travail. Elle a laissé ses deuxenfantsde4et9ansavecsamèreMoyaauvillage.

Houssein,blanchisseurde34ansnonmarié,gagne20000MROparmois. Ilenvoiedessoutienstous lestroismoisàsamère,dontlemontantvarieenfonctiondulocuteur.Aveclamêmerégularité,ilenvoieunsoutienàsonpèrerevenuauvillageen1998.Ponctuellement,illuiarrivedesouteniravec5000MROlessœursdesamèrelorsqu’ellesserendentenvisiteàNouakchott.Ilgarde1000à2000MROpourlesautresvillageois en visite de demande de soutiens à Nouakchott. Il lui est arrivé de cotiser 1 000 MRO pourcontribuerà laconstructionde lapremièremosquéedeLeghneiba. Il se souvientégalementavoir cotisé500 MRO pour couvrir les frais de santé d’un villageois évacué à l’hôpital de Nouakchott. La mère deHoussein,Moya,redistribuequantàelleunefractionde lasommeenvoyée.Avant ledécèsdesapropremèreen1999,unepartie luiétaitdestinée.ElleaélevéHousseinjusqu’àses6ans.Moyaredistribue500MROdetempsentempsàsessœurs.Lesvoisinsbénéficientd’uneredistributionennatureparduthéetdusucre.Moyan’apasmentionné lesoccasionsponctuelles de redistribution tellesque lesmariagesoubaptêmes,maisellesjouentnécessairementunrôlesocialcrucial.

Ainsi,10personnesidentifiéesbénéficientaujourd'huideladistributionoudelaredistributiondusoutien,selon une logique en archipel qui, tout en variant sensiblement dans le temps, entremêle les liens deproximitéphysique,deparenté,etlesobligationssocialesetmorales.

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Figure 19

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Le troisièmechapitred’analyseapermisd’exposer leseffetsdesmobilitésauvillage,enentrantdans lesdétailsdufonctionnementdessoutiensenvoyés.Ladistancegéographiqueentre lesmembreséloignésetleursménagesinduitquelespremiersneconsommentplusàlachargedesderniers.Lesmembreséloignésapportent également une contribution aubudget familial, variable en fonctiondes liens d’autorité et deresponsabilitédirecteexercésparousur euxdans lahiérarchie familiale. Ils gèrent lecoût et les risquesinduitsparl’acheminementdeleursoutienensereposantsurlaconfianceduréseausocialexistantentrelavilleetlevillage.Enretour,l’envoidesoutienleurassureunereconnaissancesocialeautourduménage,etunfortcapitaldeconfianceauprèsdesacteursdel’économieduvillagequilesconsidèrentcommedesgarants fiables. Néanmoins, les soutiens, principalement affectés à la consommation alimentaire,concernentuneparttouterelativedubudgetduménage.Parfoisinférieurau8edelaproductionagricole,lesoutienrestenécessairemaissouventinsuffisantpourassurerlasécuritésocio‐économiqueduménageduranttoutel’année.Dessystèmesdesolidaritésedéploientalorsdepuisl’extérieurduménage.

VI. MOBILITES ET FILETS DE SECURITE COLLECTIFS : COTISATIONS ET

TRANSFERTS MONETAIRES VUS PAR LES RESSORTISSANTS Aulongdecesparcoursetdanscesarchipels,lecollectifvillageoistientuneplacespécifique.Lesétudesdecasdecompositionbudgétaireetd’archipelontmentionnéenII.3qu’unepartdebudgetestdévolueà lasolidaritéenverslesautresvillageois.L’équipeduprojetTESalaissélesoinàdesinstancesvillageoisesdepiloter lasélectiondesménages lesplusvulnérables,avantoctroides transfertsd’argent.Lesconnexionsentremobilitésetfiletsdesécuritésocio‐économiques,qu’ilssoientendogènesoupensésdanslecadreduprojet, nécessitent un éclairage particulier. Dans un premier temps, le cadre général des systèmes desolidarité pratiqués impliquant les ressortissants du village à Nouakchott est approfondi. Par la suite lesrelationsentre lesmobilitésetlestroistransfertsmonétairesopérésdans lecadreduprojetTESdemaiàoctobre2012sontexaminéesendétail.Leurarticulationestévaluéesousquatreangles: lacirculationdel’information à travers les différentes «îles» du ménage, l’impact observé sur les mobilités, l’impactobservé sur les soutiens envoyés et la prise de décision lors des réactions des communautés face auxtransferts.

1. Mobilités et systèmes de solidarité pratiqués LessystèmesdesolidaritépratiquésdanscertainsvillagesdelacommunedeTikwobraontétéanalysésetcapitalisés dans l’EVIAM (EVIAM2013, CRF 2012b). Afin de comprendre le rôle jouépar les villageois del’extérieurdanscessolidarités,l’équipeaaxéunepartiedesFocusGroupsetdel’observationparticipantesur ce point. Bienqu’il ne fassepas partie des champsdequestionnements évoqués dans la commandeinitiale, il est apparu comme riche d’enseignements sur le fonctionnement des filets de sécurité socio‐économiquesdéjàenplace,etsurlespotentialitésmobilisablespourladéfinitiondefiletsdesécuritédanslecadreduprojet.Ilrépondainsipleinementàl’enjeudel’étudeainsireformulé:penserlacohérencedesstratégies d’accès à la ressource économique dans une démarche prospectivede filet de sécurité socio‐économique. Ilouvre lavoiepour«émettre des recommandationsconcernant la faisabilité des’appuyersurlesdynamiquesmigratoiresexistantesdanslaconceptiondesfiletsdesécuritéssocio‐économiques»etdans«lerenforcementdessystèmesdeprotectionsociale»(TDRAnnexe2,p.3et6).

LasolidaritécollectivepratiquéeparlesressortissantsdeM’Beydia,LeghneibaetAmoireàNouakchottestorganiséesuivantdifférentesmodalitésd’actionquivarientdansletempsetdansl’espace(Cf.Annexe9.C).

La première modalité de mobilisation solidaire est ponctuelle. Elle concerne principalement la santé, ledécèsetl’emprisonnement.Lalistesuivanteindiquelesdifférentsévènementsrelevésdanslesenquêtes:

- Les villageois de l’extérieur sont systématiquement mis à contribution financière immédiate lors del’évacuationde villageoismalades encapitalepourpermettrede leur fournir les soinsnécessaires (5casmentionnés).LacotisationparpersonneàNouakchottvarieentre500et1000MRO.LessommestotalescollectéesàNouakchottvarientde120000à420000MRO.Leschefsdeménageauvillagesont

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égalementmisàcontributionpour l’acheminementdelapersonneetdesonaccompagnant jusqu’encapitale, et pour les soins prodigués à Kaédi si le malade ne nécessite pas d’hospitalisation àNouakchott. Par exemple, pour la fracture d’une femme hospitalisée à Nouakchott, les chefs deménageontcollecté20000MROetlesressortissantsàNouakchott,420000MRO.

- Deuxcasontétéévoquésdepaiementpourlalibérationsouscautiondeprisonniers,àhauteurde250000et500000MROen2009et2008.

- Des sommes très importantes sont collectées à l’échelle d’une tribu entière pour le paiement de ladiya,réparationexigéeparlafamilled’unevictimed’homicidecauséparunmembredelatribu.Deuxcasdedécèssuiteàdesaccidentsdevéhiculeontétémentionnés,del’ordrede2millionsdeMROen2003 (dont 1,2 payés par lesmembres de la tribu à Nouakchott) et 1milliondeMRO en2012. Unecotisationde3000MROparmembreàNouakchottapuêtredemandéeàcetteoccasion.

- D’autres évènements ont été mentionnés, où la cotisation des villageois de l’extérieur est moinssystématique:lamortd’unchameausurleterraind’unvillageois,quidoitalorsréunirjusqu’à190000MROpourdédommagerlepropriétairedel’animal;ouencorelataxecommunaleàpayer.

- Nous ne revenons pas ici sur la solidarité à l’échelle familiale déployée au moment d’accueillir unnouvelexodantenville,déjàmentionnéeenP.IV;ni surcellemobiliséeaumomentderépondreà lasollicitationd’unmembrede lafamillevenuenvisiteàNouakchottspécialementpourdemanderdessoutiens(évoquédanslesétudesdecasenP.IV).

La deuxièmemodalité de mobilisation collective est régulière.Elle concerne exclusivement lesaffaires religieusesduvillageàtraverslaconstructionoularénovationdesmosquées.Selonleprésident du comité local du Croissant Rouge mauritanien àKaédi,M.M’Bodj,«ToutMauritanienestprêtàsesacrifierpourpouvoir cotiser pour la mosquée» (échanges lors de larestitutionprovisoire de l’étude, 20mars 2013, Kaédi). Quatrecas de mobilisation ont été mentionnés pour les trois villagesenquêtésenFocusGroups.Achaquefois,l’initiativerevientauxvillageois de l’extérieur. L’ordre de grandeur de chaquecotisation varie entre 300 MRO (en 1991) et 3 000 MRO (en2009) par mois. Les montants globaux collectés sont estimésentre 105 000 et 350 000 MRO. Les cotisations ont étécollectéesmensuellementpendantunàquatreansconsécutifs.

La Figure 21 est une photographie prise durant une réunionmensuelle de levée de fonds pour la mosquée de Leghneiba,tenuele8mars2013.L’assembléeconstituéedeseizehommesjeunes a échangé sur lesmodalités logistiques d’utilisationdesfonds déjà collectés, afin d’acheter un panneau solaire pouréclairer l’intérieur de lamosquée et faire fonctionner le haut‐parleurdurantlesprièresnocturnes.Leprésidentdeséance,unétudiant en gestion, finances et comptabilité à l’Université deNouakchott, a délégué la prise de notes dans le registre descotisationsausecrétaire.LaFigure20présenteleregistred’uneréunion mensuelle tenue précédemment, en février 2013. Les ressortissants font remarquer que cettecultureduregistredecotisationsestrécente,etdevraitpermettreunsuiviplusefficacequ’auparavant,oùla caisse commune était conservée par l’aîné du village, dont la mémoire était la seule garantie pourvérifier qui était à jour de sa cotisation. Cependant, les participants insistent sur le fait que leurmobilisationestouverteàtouslesvillageoisàNouakchottsansdistinctiondeclassed’âge:«C’estouvert,iln’y a pas que notre génération. Chacun a le droit de donner son point de vue» (Focus Group desressortissantsdeLeghneibaàNouakchott,28février2013).Lamodalitérégulièredemobilisationapuêtrel’occasiondedemanderdesappuisextérieurspourlevillageàpartirdeNouakchott.Ainsi,lesressortissantsontpriscontactavecunéminentouléma(théologien)aumomentdeconstruire lamosquéeduvendredi.S’étantrendudanslevillagesuiteàleurinvitation,BabaOuldMatarademandéàl’organisationreligieuse

Figure 20. Registre de cotisations des ressortissants de Leghneiba à Nouakchott. © A. Ourabah, mars 2013.

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Dawo Ould Archade un appui pour prendre partiellement en charge le salaire de l’enseignant de lamahadra(écolecoranique)àLeghneibapendanttroisans.

La troisièmeetdernièremodalitédemobilisationsolidaireobservéeestpermanente,maisellene relèvepas de l’ordre financier. Il s’agit du système de solidarité déjà mentionné dans l’EVIAM comme casspécifiqueàAmoire(EVIAM,2013etCRF,2012b),etintituléManchoura(de«التشاور»,concertationenarabe).Lesvillageoisavaientmisenavantlefaitquel’initiativedecesystèmedesolidaritéétait«venuedecinqpersonnesvivant leplussouventàNouakchott»(CRF2012b).CequelesparticipantsauFocusGroupauvillaged’Amoireenretiennentprincipalement,c’estuneprisededécisionhebdomadaireàlamosquéeconcernantl’appuisocialdanslevillage.L’aidecollectiveentravailsurbasedevolontariatendécoule,danslestravauxdeschampsoulaconstructiond’unbâtimentpour lesménageslesplusdémunis(FocusGroupdu24 février 2013).De leur côté, les ressortissants d’Amoire àNouakchott enparlent commed’un toutcomposédepréceptesàappliquer«selonlareligion».Ilsenontentenduinitialementparleràlamosquéequ’ilsfréquententenmajorité(MosquéedesDouatàPK9).L’aidecollectiveestreplacéeparmi lesautrespréceptesquesont les visitesauxproches, le rappel des textes sacrés, les sortiesdeprédicationhorsduvillage et la désignation d’un responsable. Le principe de concertation s’applique à cet ensemble depréceptes.Seloneux,laconcertationalieutouslesmatinsaprèslaprière.Ilssontinformésàdistancepartéléphonedesmissionsetactivitésmenées(FocusGroupaveclesressortissantsd’AmoireàNouakchott,7mars2013).

Cetourd’horizondessystèmesdesolidaritéquiincluentlesressortissantsàl’extérieurpermetdedégagerle panel de compétences qu’ils ont acquises par leur expérience pluri‐décennale de mobilisationscollectives:

- Prised’initiative;- Concertation;- Ecoutedespartiesprenantessanshiérarchied’âge(maisavecunefortehiérarchiedegenre);- Prisededécision;- Mobilisation(pasuniquementfinancière)dansdecourtsdélais;- Régularitédelamobilisation(pasuniquementfinancière);- Suivibudgétaireàl’écrit;- MobilisationduréseauàNouakchottpourlevillage.

Autantdecompétencesetd’expériencesàprendreencomptedanslaconceptionet lerenforcementdessystèmes de protection sociale dans la commune de Tikwobra, sous réserve que les ressortissantscontinuentàexprimerunintérêtconstantpourlesactivitésmenéesdanslecadreduprojet.

La suite des liens entre mobilités et filets de sécurité socio‐économiques est analysée sous l’angle destransfertsd’argentassurésparleprojetTES,envisagéscommeuncomplémentauxsystèmesdeprotectionsocialedéjàpratiquésparsolidarité.

Figure 21. Réunion de mobilisation pour la mosquée de Leghneiba, 8 Mars 2013, Nouakchott. © B. Belkhair

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2. Eléments d’information des ressortissants à propos des transferts monétaires Après avoir évoqué la concertation à l’échelle du village, le premier élément à prendre en compteconcernant les transferts monétaires réside dans la circulation de l’information à distance au sein dechaqueménage.9exodantsontrépondusurcevolet.4d’entreeuxontétédirectementinformésparleurménage au téléphone, et 4 par le biais d’un intermédiaire ou par rumeur. L’un d’entre eux a apprisl’existencedestransfertsmonétairesparl’équipedel’étudesurlesmobilitésen2013.4informésl’ontsudès lepremiertransfertenmai2012,et3enoctobre,aumomentderetournerauvillagepourlafêtedetabaski.

Endehorsdesressortissantsduvillaged’Amoire,personnen’avaitétéinformédelaméthodedesélectiondesbénéficiairesparlescomitésvillageois.UnressortissantleaderàM’Beydia,aprèss’êtrefaitlirela listedes bénéficiaires au téléphone par le président du comité villageois, a supposé qu’il s’agissait des pluspauvres nécessitant un appui pour éduquer des enfants (entretien à Nouakchott le 3 mars 2013). Uneréunion des ressortissants de Leghneiba à Nouakchott a fait ressortir que le choix s’était probablementporté sur les plus âgés parmi les plus pauvres (8mars 2013). Reste à savoir si lesménages étaient eux‐mêmesinformésdelaméthodedesélectionlesconcernant,pourêtreenmesureounond’échangeràceproposavecleursmembreséloignés.

3. Un faible impact des transferts monétaires sur les circulations de personnes L’impact des transferts monétaires sur les circulations de personnes, leur rythme voire leur existence,constitueundeuxièmeélémentconstitutifdesrelationsentremobilitésettransfertsmonétaires.Selonlamajoritédespersonnes interviewées, lestransfertsduprojetTESn’onteuaucunimpactsur lesmobilités(13cas).2exodantsdisentêtrerentrésauvillageaprèsunappeldeleurépouse:«Mêmesitun'asrien,tupeux revenir au village cette année» (entretien à Amoire, 25 février 2013), ce qui correspond à unallègement des économies habituellement nécessaires pour rentrer sans avoir les mains vides. 2 autrespersonnes ayant été sur place lors d’un transfertmonétaire ont prolongé leur séjour au villagededeuxmoissupplémentairesparrapportauxannéesprécédentes.

4. Des impacts variés des transferts monétaires sur les envois de soutiens Concernantlessoutiens,10enquêtésdéclarentquelestransfertsTESn’ontpaseud’impactsurlesenvois.Lapostureaffichéeparlesexodantssoulignequelessoutienséquivalentàunedettemoraleirremplaçablecontractée du fait de l’absence du village. Un transfert monétaire peut être complémentaire, mais nesaurait remplacer un soutien filial oumarital. Cependant, 1 cas a été évoquédediminutiondumontantenvoyé, 2 cas de diminution de la fréquence (on n’envoie pas le même mois que la réception d’untransfert),et3casd’arrêtcompletdessoutiens.Danslecasdesarrêts,leménageapusignaleràl’exodantqu’iln’étaitpasnécessaired’envoyercemois‐ci.LaFigure22retracel’évolutiondessoutiensdanslestroisménagesdel’échantillondontlesmouvementsdetrésorerieontétésuivisen2012.Lemontantdusoutien,exprimé en MRO, est reporté sur l’échelle de temps des cinq suivis de trésorerie effectués par lesvolontairesduCroissantRougemauritaniendanslecadreduprojetTES,àsavoir:

- Le1ersuivi(S1)aeulieudanstoutelacommunedeTikwobraentrele7maietle12juin2012;- Le2esuivi(S2)aétérelevéentrele4juilletetle28août2012;- Le3esuivi(S3)aétéeffectuéentrele6etle29septembre2012;- Le4esuivi(S4)aeulieuentrele10etle30octobre2012;- Enfinle5esuivi(S5)correspondàunrelevéentrele1ernovembreetle5décembre2012.

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LeménageconcernéàAmoireareçudessoutiensréguliersdurantlapériodedestransfertsTES,avecunediminutiondumontantentreaoûtetseptembre.Leménage449àLeghneiban’aplusreçudesoutiensàpartir du 2d transfert en juillet, et ce jusqu’en octobre à la fin des transferts monétaire. Un des deuxexodantsduménageestrevenupourcultiveràcettepériode,doncn’apasenvoyédesoutien.Ledeuxièmeexodantadéclaréquelapériodedestransfertsavaitcoïncidéaveccelleducoûteuxlancementéchouédesapropreblanchisserie,durantlaquelleiln’étaitpasnonplusenmesured’envoyerunsoutien.Leménage452àLeghneibaareçudusoutiendesesdeuxexodantsàlafinduramadan(6000)etpourlatabaski.Lasommede2000MROreçueàcettedeuxièmeoccasioncorrespondauxenvoisréguliersde l’undesdeuxexodants. L’explication qualitative du suivi quantitatif des soutiens donne à voir une myriade deconfigurationsdifférentes,quimériteraientd’êtresuiviessurplusieursannées.

Entermesd’affectationbudgétaire,touslesménagesontdéclaréutiliserlessoutiensdelamêmemanièrequelestransfertsTES.Touteentréed’argentestgéréeselonlemêmeprismedonnantlaprioritéàlarationalimentaire.Enconclusion,lestransfertsontpuavoirunimpactsur lessoutiens,bienquelamajoritédesenquêtésnedécèlepasde liendirectoude«vases communicants» entrecesdeux formesde liquiditésreçues. Quant à l’impact des transferts monétaires sur la vie des membres éloignés des ménages àNouakchott,ilestinexistant,sicen’estsurletondel’humour:«Quandmonamim’aapprisquemamèreadoptiveavaitreçuletransfert,jeluiairépliqué:«Dis‐luidemegardermapart».Ellearépondu:«Jetegarde3000[MRO]»mais je luiai signaléquecen’étaitpas lapeine…» (entretiend’un ressortissantdeM’BeydiaàNouakchott,3mars2013).

5. Une prise de décision concertée sur l’octroi des transferts monétaires Unemiseen lien intéressanteentre transfertsmonétairesetmobilitésaconcerné laprisededécisionaumomentdeladistributiondupremiertransfertmonétaire. Ils’agitdanscecasd’unimpactdesmobilitéssur les transferts d’argent du projet, et non plus l’inverse. Au village d’Amoire, le premier transfertmonétaire a été partiellement redistribué selon la configuration suivante: «4ménages bénéficiaires ontaccepté le partage, 2 ont refusé. Le montant global des transferts redistribués s’élève à 92000 UM,partagésentre25ménages»(source:CRF,enquêtequalitative,entretienle1ernovembre2012).EnFocusGroupàNouakchott le7mars2013,unnotableressortissantduvillage,représentantduvillageauniveau

Figure 22. Source : CRF, 2013.

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deNouakchott21,explique:«Après lepassagedel’équipeduprojet[vers le20mai2012], lesnotablesduvillage m’ont appelé. Ils m’ont informé de la réception des transferts monétaires. Ils m’ont demandéconseil:fallait‐ilredistribuerl’argentreçuparles6ménagesbénéficiairesàtouslesménagesduvillage?Jeleurai réponduqu’ilnefallaitobligerpersonne.»Laprisededécisions’opèreicienconcertationavec lesressortissantsdeNouakchott,quipeuventavoiraccèsentreautresàunenseignementreligieux‐etmoral‐plusinforméetdiversdufaitdeleurrésidenceenville.Lecasd’Amoireestparticulier,puisquelevillageetsesressortissantsontérigélaconcertationenrègledecommunication,commecelaaétédétailléenP.IV.

Pourconclure lequatrièmeetdernierchapitred’analyse, lesfiletsdesécuritésocio‐économiquesd’ordrecollectif se réfèrent à différentes échelles de solidarité. De la tribu au village, à la communauté descroyants, à la famille voire au ménage, les systèmes de solidarité historiquement pratiqués par lesressortissantsdelacommunedeTikwobraàNouakchottsontd’ampleurvariable.Ilslesalimententcertesfinancièrement, mais aussi à travers le capital intellectuel, moral et social, les capacités de gestion,d’organisation et de concertation, la force de proposition qu’ils ont progressivement acquis en ville.CertainesdecescompétencesontétéactivéesenréactionauxtransfertsreçusdanslecadreduprojetTES.Les articulations entre transferts et mobilités s’avèrent balbutiantes après une année de distribution,quoiquerichesd’enseignementssur les logiquesdecomplémentaritéoudesubstitutionadoptéespar lesménages bénéficiaires au moment d’arbitrer entre les différentes sources de numéraire qui leur sontaccessibles.

VII. CONCLUSION GENERALE Les différents termes du titre de l’étude, «bagot», «daba», ouguiya» s’interpénètrent pour rendrecomptedelacomplexitédesmécanismesdemobilitéenlienavecl’économiedesménages.- le «bagot» dépasse la sphèredu transport lors des voyages pour intégrer celle de la réductiondes

vulnérabilités à l’insécurité alimentaire lorsqu’il consiste en un apport en nature pour la ration. Ilpermet au ménage qui reçoit des fournitures scolaires d’assurer une éducation plus poussée à sesjeunesmembresdansl’optiquede«sortirdel’ignorance».Bagagemétaphoriquesymbolisantaussilecapital acquis enmigration, le «bagot» se rapporte davantage à l’acquisitionde connaissances et àl’activationd’uncapitalsocialétendu,plutôtqu’àunenrichissementfinancierquidemeurelimitéouàunecapacitéd’épargne(notammentenbétail)quin’estpasmiseenavantparlesintéressés.

- La«daba» est certesutiliséeaux champs lorsdes retoursou en l’absenced’unmembreéloigné, etsymbolise la plus grande part des recettes de certains ménages. Mais elle peut aussi être mise surl’épaulebénévolementpourtravaillerdans lechampd’unménagepauvre,suiteà l’appelàsolidaritélancéauvillageselonuneconfigurationinitiéeparlesressortissantsàl’extérieur.

- L’«ouguiya»symbolisel’utilisationrécentedunumérairedans lesvillagespourcomblerledéficitdesactivitésd’autosuffisancealimentaire.Enlienaveclesmobilités,ilseprésentesousdesformesvariées:argent transmis «à la valise», circulation dématérialisée, vente de capital bétail, dettes aurecouvrement multi‐situé, cotisations collectives récoltées à l’extérieur en cas de coup dur. Lesopérations de transfertsmonétairesmises enœuvredans le cadre duprojet TES, parmi les derniers«ouguiyas»endatereçusparlesménages,sontarticuléesauxsoutiensdesmembreséloignéssuivantdes logiques qui oscillent entre soulagement de la charge des exodants d’une part et de celle desactivitésduménageauvillaged’autrepart. Laprise dedécisionquantà lagestionbudgétairedecetapportapus’avérerconcertéeentrelesdifférentes«îles»del’archipelcomposéparchaqueménagebénéficiaire.Lesmodalitésdedistributiondecefiletdeprotectionsocialeàl’échellevillageoiseontétéarrêtées par la décision de comités villageois que les conseils des ressortissants à l’extérieur ont puorienter.

21 Les ressortissantsduvillageont égalementdésignéun représentantdesaffairesde lamosquée, en lienavec lesacteursconcernésauvillage.

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Enconclusion, lesmobilitésvers les villes s’inscriventdans la luttecontre lapauvretéet la réductiondesvulnérabilitésàl’insécuritéalimentairedesménagesenendossantdifférentsrôlesdansleuréconomie,queleprésentrapportadéclinés,dontilamisenavantlescaractéristiquesainsiqueleslimites.Adéfautd’unetypologie, qui se dégage difficilement de l’échantillon réduit, l’étude permet d’identifier des rôles enfonctiondedegrés d’implicationdesmobilités dans l’économie. Ils sont agencés selonune échelle dontl’équilibre balance entre la consommation et la production, ou entre «l’assiette» et le «grenier» duménage.- Lesmobilitésjouenttoutd’abordunrôleàchargedesménagesdanslecapitalqu’ellesnécessitentlors

des départs, certes principalement de l’ordre social, mais aussi économique. Le report des tâchespréalablement accomplies par l’absent sur la pluri‐activité des membres restés au village pèselourdementsurleursemploisdutempsetserépercutentdansd’autresdomainestelsquel’éducation.

- Lesmobilitésendossentunrôle«encreux»dansl’économiedesménageslorsquelemembreéloignéestenmesuredeseprendreenchargeàl’extérieur,sanstoutefoisapporterdecontributionaubudgetglobalduménage.

- Lerôledeproductiondélocaliséequelesactivitésenvillegénèrents’inscritdansunelogiquehéritéededépendancevis‐à‐visdumarchédutravailhorsdesvillages.

- L’affectation des soutiens correspond davantage à une consommation différée dans l’espace et letemps,plutôtqu’àunedémarched’investissement:ils’agitd’unrôlenourricierdesmobilités,prenantsapartnécessairemaisinsuffisantedanslaréductiondesvulnérabilitésàl’insécuritéalimentaire.

- Unrôled’inscriptiondubudgetdansuneéconomiemonétariséeestégalementjouépar lesmobilités(maispasseulementparelles),quifontparvenirdunuméraireauseindesménages.

- Le rôlede garantiedesolvabilitéest reconnupar lesacteurs économiques influentsdans lesvillagestelsquelescommerçants,ets’avèredéterminantdans l’octroid’uncrédità laconsommationpour leménage.

- Unrôlederedistributionducapitaléconomiqueàl’extérieurduménageestrenforcéparlesmobilités,etplusgénéralementunrôledesolidaritéauseindesgroupesdontleménagefaitpartie.Ilconsacrelerayonnement d’une économie construite en archipel. Ses logiques sous‐jacentes réaffirment lacompositionsocialeduménage.Ellesportentpourtantenelleslefermentpotentieldefaireréfléchirlemembre en exode à la marge de manœuvre qu’il détient à distance, en tant que détenteur d’uneressourceéconomiqueessentielle,danslareconfigurationdesliensd’autoritéetdesprisesdedécision.Lapréservationdusystèmedevaleurssocialesauseinduménageetdelacommunautéruralepousseàunfortcontrôledece«risque»,maislesaspirationsexpriméesparlesressortissantssontsansappelquantauxtransformationsqu’ilssouhaitentvoirentreprisesdansleursvillagesd’origine.

Le rapportd’études’achèvesur la formulationde recommandations,quipermettentd’ouvrir la réflexionproposéeàd’autreschampsd’intérêtetdelaprolongerenperspectivesd’actions.

VIII. RECOMMANDATIONS Lesrecommandations issuesdesanalysesetconclusionsde l’étudesontdestinéesauxdifférentespartiesprenantesduprojetTES: laCroixRougefrançaise, leCroissantRougemauritanienainsiqueles instancesdedécision constituées dans les villages de la communede Tikwobra. Comme toutes recommandations,ellesontuncaractèreuniquementindicatif.Ellessontprésentéesendeuxtemps,correspondantauxdeuxpôlesd’activitésduprojet:lesrecommandationsrelativesàladimensionderecherche,puiscellesquionttrait à l’action de transferts d’argent et d’expérimentation de filets de sécurité socio‐économiques.Quelquescasdemiseenpratiqueoudecontre‐exemplessontévoquésaufildesrecommandations.

1. Recommandations pour la recherche Concernant lesactivitésde rechercheduprojet, les recommandationssontaxéessur les temporalités enjeuetlesaspectssoulevésquiméritentapprofondissement.

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- Inscrire le suivi des circulations et des soutiens à venir dans une temporalité pluri‐annuelle. Lesrécurrences et logiques de fond concernant l’articulation entre transferts etmobilités en serontdégagées.

- Approfondir l’étude desmécanismes d’endettement en lien avec les mobilités. L’étude sur lesmobilitésconfirme lapertinencedelasecondeétudecomplémentaire initialementprévuepar lesparties prenantes du projet, et de la mise en lien des deux études. Une forte pressioninstitutionnelle internationale se dégage des études dans le domaine des migrations (certes,internationales)envuederecommanderuneaméliorationdela«culturefinancière»desmigrantset de leurs familles, pour que les remises intègrent des canaux «bancarisés». Il n’apparaît paspertinentd’axer les réflexionsactuelles suivantcetteorientation22.Dans le contextemauritaniendemobilitésentrevillesetcampagnescaractériséespar l’informalitédesréseauxd’emploietdescanaux d’envoi des soutiens, il semble plus adapté de commencer par bien connaître lefonctionnementenplaceavantdeproposer l’implicationd’institutionsdemicro‐financedestinéesentreautresà«capter»lesremisesdefonds.

- Approfondirlefonctionnementdesréseauxdécisionnairespolitiquesetreligieuxmulti‐situésdanslarégulationencollectif.L’étudeapermisd’identifier,sanspouvoirlesdétailler,certaineslogiquesdefonctionnementencollectif,commelafuiteduvillagepours’extraired’unpasséenesclavage,ouencorelarépercussionauvillagedespréceptesmorauxentendusàlamosquéeàNouakchott.

- Apporter un éclairage complémentaire sur les enjeux fonciers dans leurs relations avec lesmobilités. La corrélation entre les ménages propriétaires d’un champ, métayers ou autres, etl’existence de leurs membres à l’extérieur n’a pu produire de résultats tangibles à partir del’échantillon qualitatif (un exemple de typologie à partir de cette corrélation est consultable:Micheletalii,2011).Uneautrepisteàexploreraétémiseaujouràtravers lasédentarisationenvillepouraccéderaufoncierlorsdesredistributionsnationales.

- Proposer un croisement des données avec les approches de la pauvreté des ménages àNouakchott.Parexemple,unemiseenparallèlepeutêtreinitiéeàl’occasiondutravailengagéparlaCommunautéUrbainedeNouakchottàproposdelavulnérabilitédesménagesdanslacapitale,afindecreuser ladimensionmulti‐situéede lapauvretédansuncontextenationaldecroissanceurbainetrèsrécente.

2. Recommandations pour l’action En ce qui concerne la mise en place de filets de sécurité socio‐économiques, les recommandations del’étudeportentessentiellementsur le jeud’acteurs impliquésdans ledispositif,ainsique lerôlepionnierpotentiel des villageois résidant à l’extérieur du village dans la mise en place d’activités composant cesfilets.

- Maintenir le contact engagé avec les personnes ressources des villages àNouakchott. Elles sontvivementintéresséesparlasuiteduprojet.LalistedescontactsdesleadersvillageoisàNouakchottestcomprisedansl’annexe9.C.

- Intégrerlesvillageoisdel’extérieurdanslescomitésdeconcertation:Ilsfontpartieintégranteduvillage et des décisions des ménages au‐delà de leur absence chronique. La circulation del’informationsur lesactivitésduprojet, lesmécanismesdereprésentationetdeparticipationà laprisededécisionàdistancesontàenvisager.

- Renforceret/ouvaloriser lecapital intellectuelacquisà l’extérieurdesvillages.Lesressortissantsontexprimédescapacitésàexprimerunregardcritiqueparrapportauxactions,etontdémontré

22Levocabulaireentreguillemetsdansleparagrapheestempruntéauxappelsàprojetsetauxguidesdecapitalisationsur les migrations et le développement de l’Union européenne et du Programme des Nations Unies pour leDéveloppement.VoirnotammentICMD2011,pp.46‐65.

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descapacitésdegestionetd’organisation.Leur intégrationdans lesréflexionssur leprojetet lesdispositifsd’actionsapparaîttoutàfaitbénéfique.

- Inscrire les filets de sécurité dans le temps long des soutiens structurels. Pour le moment, lesmembres des ménages envisagent les activités du projet TES comme un appui ponctuel. Lesmembres éloignés à Nouakchott sont allés au‐delà des remerciements pour suggérer unepérennisationdesactivitésàtraverslagénérationderevenus.

- Prendreencompte lapartdélocaliséedel’économiedesménagesdans lecalibragedesfiletsdesécurité, économie dite «en archipel» dans sa globalité. Les caractéristiques de montant, derégularité, de coût ou encore d’affectation des soutiens apportent des enseignements précieuxquantàl’appuidesménagesennuméraire.Unevigilanceparticulièredoitcependantêtreexercéepournepastomberdansle«piège»duco‐financementobligatoiredestransfertsparlasolidaritédes villageois de l’extérieur, malgré le caractère attractif qu’il présente en termes d’implicationdirectedescommunautésdanslesmécanismesd’aide23.

- Accompagner les initiativesd’activitésgénératricesde revenus amorcéespar les ressortissants24.Desmicro‐filièresd’exportdesvillagesvers lavilleontétémentionnéesetméritentuneattentionparticulière(jujube).Letransfertdecompétencesen termesdecréationdemicro‐entreprisesparlesvillagoisàl’extérieur(blanchisserie,restaurant)pourrasusciterdavantaged’attentiondelapartdes habitants de la commune de Tikwobra du fait de la proximité sociale. Néanmoins, unredimensionnementseranécessairepourmettreenrelationlescompétencesàmobiliserenvilleetau village. Pour la filière boulangerie par exemple, les fours à pain industriels en ville ettraditionnels au village ne présentent pas du tout les mêmes caractéristiques, mais lescompétencesacquisesengestiondestocks,d’équipeetdecaissesontadaptablesauvillage.Enfin,le souhait de mettre en place des activités génératrices de revenus a été exprimé par tous lesgroupesde ressortissantsrencontrés : jardinmaraîcherpourM’Beydia,boutiquecommunautaireetboucheriepourAmoire,activitésgénératricesderevenunonspécifiéespourLeghneiba.

- Renforceret/ouvaloriserlecapitalsocialacquisàl’extérieurdesvillages.Lesressortissantsontmisen avant des capacités de mise en réseau interne, ainsi que des capacités de démarchage departenairesexternes(notammentdans ledomainedesaffairesreligieuses).Prendreencompteleréseausocialqu’ils entretiennentà l’extérieurpermetd’inscrire les filetsdesécuritédansun jeupartenarialmaîtriséetreconnuparlespopulations.

23Parexemple,ledispositifinter‐étatiquefranco‐malien«CodéveloppementMali»exigeaitàsacréationen2002uncofinancementobligatoirede15%àchargedel’associationdemandeusecomposéedemigrantsmaliens.En2012,laformuleaétéassouplie:«Lespartenairesdeladiasporamalienne[soulignéparnossoins]doiventcofinancerl’actionàhauteurminimumde10%dutotaldescoûtséligiblesdel’action.»(Lignesdirectricesdel’appelàproposition2012,consultéessurlesitehttp://codeveloppementmali.org/IMG/zip/lignes_directrices_et_Annexes_AP3_Codev.ziple31Mars2013).24Aproposdelapropensionàinvestiretdesmécanismesd’entreprenariatdesmigrants(internationaux),voirLacroix,2011,pp.22‐26.

LE BAGOT, LA DABA ET L’OUGUIYA.

ROLE DES MOBILITES SAISONNIERES

DANS L’ECONOMIE DES MENAGES PAUVRES

Commune de Tikwobra et Ville de Nouakchott, Mauritanie

Étude du 14 février au 10 mars 2013

Marielle Cartiaux

ANNEXES

Table des matieres 1. REFERENCES BIBLIOGRAPHIQUES ...................................................................................... II

A. Documentation interne du projet TES (Transferts Economiques et Sociaux)............ II B. Documentation externe ............................................................................................. III

2. TERMES DE REFERENCE ..................................................................................................... V 3. RESSOURCES HUMAINES MOBILISEES ..............................................................................XI 4. CALENDRIER DE L’ETUDE .................................................................................................XII 5. ZONES D’ENQUETES CROISEES...................................................................................... XIV 6. GRILLE D’ENTRETIEN LONG ........................................................................................... XVI 7. GRILLE DE FOCUS GROUP.............................................................................................. XVI 8. GRILLE D’ENTRETIEN COURT ......................................................................................... XVI 9. TABLEAUX DE SAISIE DES DONNEES EN .XLS ................................................................ XVI

A. Tableau des ménages et de leurs membres à l’extérieur ....................................... XVI B. Tableau des commerçants et de leurs relais........................................................... XVI C. Tableau des systèmes de solidarité incluant les villageois à Nouakchott ............ XVI

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II

Le rapport d’étude a été produit à la demande de la Croix Rouge française sur financement del’Unioneuropéenne.Lecontenudelapublicationrelèvedelaseuleresponsabilitédelaconsultanteetnepeutaucunementêtreconsidérécommereflétantlepointdevuedel’Unioneuropéenne.

1. REFERENCES BIBLIOGRAPHIQUES

A. Documentation interne du projet TES (Transferts Economiques et Sociaux). Classementparordrechronologique

CRF,2013,AnalyseunivariéesurlesmobilitésenT0,CroixRougefrançaise,2p.

CRF,Etudesur laVulnérabilitéà l’InsécuritéAlimentairedesMénagesdelacommunedeTikwobra(EVIAM,2013,àparaître): Introduction(4p),Monographiecommunale(16p),Profilsdesménages(17p).,CroixRougefrançaise.

WAMPFLERBetty,2012,Appuiauprojet«Initiativede luttecontre lapauvretéet laprévalencede lamalnutritionautraversdutransfertd’argentauxpopulationsvulnérablesde lawilayaduGorgolenRépublique Islamique deMauritanie» (projet TES) Croix Rouge française. Rapport de la 2emissiond’appuiIRC(Mars2012),MontpellierSupAgro/IRC,39p.

CRF,2012b,Note d’informationsur les systèmesdesolidarité pratiquésdanscertains villagesde lacommunedeTikwobra,CroixRougefrançaise7p.

CRF, 2012a, Analyse horizontale «Apport de l’exode» des enquêtes qualitatives, Croix Rougefrançaise,2p.

CRF,Retranscriptiondesentretiensenenquêtequalitativede6ménages,2012.

CRF,Grilled’entretienEnquêteQualitative,2012,4p.

CRF,GrilledequestionnaireEnquêtesT0,2012,françaisetarabe,4p.

CRF,RetranscriptiondesentretiensEVIAMde10ménages,2011.

WAMPFLERBetty,2011,Appuiauprojet«Initiativede luttecontre lapauvretéet laprévalencede lamalnutritionautraversdutransfertd’argentauxpopulationsvulnérablesde lawilayaduGorgolenRépublique Islamique de Mauritanie» (projet TES) Croix Rouge française. Rapport de la missionréaliséeenoctobre2011,MontpellierSupAgro/IRC,26p.

CRF,Grilled’entretienEVIAM,2011,2p.

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III

B. Documentation externe Classementparordrealphabétique

BAAida,LECOUSTERVirginie,N’DONGOAbderrahmane,2011,Etudederecherchesurlesdéterminantsdel’insécuritéalimentaireauGuidimakha.Migrationsetsécuritéalimentaire.GRDRSélibaby,33p.

BERTINIBarbara,GONINPatrick,KOTLOKNathalie,LEMASSONOlivier,2008,«Engagementscitoyensicietlà‐bas.L’insertionpluri‐territorialedesmigrants(France,bassindufleuveSénégal)»inMigrationsinternationalesSud‐Nord,ChaireQuetelet,20p.

BOYER Florence, 2005, Etremigrant et Touareg de Bankilaré (Niger) à Abidjan (Côte d'Ivoire) : desparcours fixes, une spatialité nomade, Thèse de doctorat sous la direction de Patrick GONIN,UniversitédePoitiers,578p.

CARTIAUXMarielle,2008,Repèresspatiauxauseind’associations«issuesdesmigrations»,MémoiredeM2sousladirectiondePhilippeVENIER,UniversitédePoitiers,125p.

COMMUNAUTEURBAINEDENOUAKCHOTT,2011,AtlasdeNouakchott. Infrastructuresetservicesurbains,ProjetPAMOCCGret‐CUN,72p.

DEHAASHein,DEMASPaolo,2005,«Relationentre ladynamiquedémographiquedeménageset laparticipationmigratoire. L’approchePasconienneappliquéedans le Rifet leTodgha.», inColloqueInternational Paul Pascon, InstitutAgronomique etVétérinaire IAV Hassan II, Rabat, 8‐9 décembre2005,22p.

DELAUNAY Valérie, WAÏTZENEGGER‐LALOU Florence, 1998, «Migrations saisonnières», in DELAUNAYValérie(coord.),LasituationdémographiqueetépidémiologiquedanslazonedeNiakharauSénégal,1984‐1996,Paris,Ed.del’Orstom,pp.33‐38.

DESUREMAINCharles‐Édouard,RAZYElodie,2008,««Quinedînepasnedortpas!».Del’insécuritéàl’incertitudealimentaireàBamako»,inJANINPierre(dir.),Acteursstratégiques,cadresnormatifsdel’actionetrégulationsdespolitiquesalimentairesauSahel.Rapportscientifique,IRD,CIRAD,pp.153‐168.

DESUREMAINCharles‐Édouard,1998,«De laparcelleà larue, iln’yaqu’unpas:versuneapprochesocioanthropologiquedelaprécaritéàBrazzaville(Congo)»,Autrepartn°7,pp.43‐62.

GRDR,2012,«Unphénomènedesédentarisationréel…maisàrelativiser : lamobilitéhumaineaucœurdesdynamiques rurales», InGALLESEEugenia, LECOQYvan,Atlas du Sud‐estmauritanien,pp.73‐86.

GUILMOTO,C.Z.,1997«Effetsd’échelleetdéterminantsdelamigration:uneétudedecasenAfriquede l’ouest», inMARCHAL J.Y.,GASTELLU J.‐M. (coord.), La ruralité dans les paysdusud, Paris,Ed.del'Orstom,pp.495‐530.

INITIATIVE CONJOINTE POUR LA MIGRATION ET LE DEVELOPPEMENT (ICMD), 2011, Migration etdéveloppement: une approche issue de la base. Un manuel pour les praticiens et les décideurspolitiques,Bruxelles,UNDPBrusselsOffice,166p.

INTERNATIONAL ORGANIZATION FOR MIGRATION (IOM), 2005, Internal Migration and development: aglobalperspective,IOMMigrationResearchSeriesn°19,82p.

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IV

LACROIX Thomas, 2011,Migrations, rural development, poverty and food security: a comparativeperspective,InternationalMigrationInstitute(IMI),UniversityofOxford,52p.

LAVIGNE‐DELVILLE Philippe, 1991, La rizière et la valise. Irrigation,migration et stratégies paysannesdanslavalléedufleuveSénégal,Coll.Ateliersdudéveloppement,Paris,SyrosAlternatives,231p.

LE COUSTER Virginie, 2009, Etude d’impact des migrants sur le développement de la wilaya duGuidimakha,GRDRSélibaby,PAIDELII,47p.

LEONARD Eric, QUESNEL André, DEL REY POLVEDA Alberto, 2004, «De la comunidad territorial alarchipiélago familiar: movilidad, contractualización de las relaciones inter‐generacionales ydesarrollolocalenelsurdelestadodeVeracruz.»EstudiosSociológicos,vol.22n°66,pp.557‐589.

MA MUNG Emmanuel, DORAI Kamel, HILY Marie‐Antoinette, LOYER Franz, 1998, «La circulationmigratoire.Bilandestravaux.Synthèse.» InMigrationsétudes,revuedesynthèsesur l’immigrationetlaprésenceétrangèreenFrance,n°84,pp.1‐12.

MICHEL Aurélia et al., 2011, « Familles migrantes et ancrages locaux au Mexique : trajectoires etpatrimoinesmigratoiresdanslarégiondeTehuantepec»,Autrepart,2011/1n°57‐58,pp.77‐94.

PROGRAMME DES NATIONS UNIES POUR LE DEVELOPPEMENT (PNUD), 2009, Rapport mondial sur ledéveloppement humain 2009. Lever les barrières: Mobilité et développement humains, New York,PNUDEd.LaDécouverte,239p.

QUESNEL André, DEL REY POLVEDA, Alberto, 2009, «Dynamiques intrafamiliales et migrationinternationale.ObligationsetancragesdesmigrantsduVeracruz(Mexique)», inBaby‐CollinVirgine(dir.), Cortes Geneviève (dir.), Faret Laurent (dir.) Guétat‐Bernard H. (dir), Migrants des Suds,Montpellier,IRDEditions,pp.327‐348.

ROCARDMichel,1989,Discoursàl’occasiondes50ansdelaCimade,nonpublié(quoiquemaintesfoisrepris).

2012,ProgrammeRégionaldeLuttecontrelaPauvretédanslawilayaduGorgol2012‐2016,75p.

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V

2. TERMES DE REFERENCE

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VI

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VII

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VIII

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IX

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X

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XI

3. RESSOURCES HUMAINES MOBILISEES

Structure NomRôledansleprojetTES

Rôledansl’étude

OurabahAdel Chefdeprojet Superviseur

BelkhairBennahy Animateur Animateur‐traducteur

CamaraDjibril Animateur Enquêteur‐traducteur

BaAlassaneChargédesuivi‐évaluation

Chargédesanalysesquantitatives

CroixRougefrançaise1

MaregaFodié Chauffeur Chauffeur‐assistantphotographe

DialloIssaSuperviseurdesvolontaires

Facilitateurauprèsdesvolontaires

OuldBrahimAlmamy

VolontaireFacilitateurauprèsdesménagesdeLemseiguem

SouadouHarouna VolontaireFacilitateurauprèsdesménagesdeWouroDembaNdikiri

OuldKhiyarhoumAhmed

VolontaireFacilitateurauprèsdesménagesdeTikwobra

OuldBrahimNaji VolontaireFacilitateurauprèsdesménagesdeAmoire

OuldYahyahMohamed

VolontaireCRMFacilitateurauprèsdesménagesdeM’Beydia

CroissantRougemauritanien

HamoudiMohamedIssouf

VolontaireCRMFacilitateurauprèsdesménagesdeLeghneiba

1M.SowOusmaneAmadou,chargéd’étudedans leprojet,n’étaitpasprésentdurant lesenquêtes,maisuntempsd’analyseaétémenéspécifiquementavecluile17mars2013pourvaliderlesdonnéescollectéesdanssesdomainesdecompétence.

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XII

4. CALENDRIER DE L’ETUDE Dates2013

Lieu Activitésdel’étude Personnesmobilisées

Avantle13fév

Paris Revuedocumentaire

13 fév14

Paris‐Nouakchott

Voyage

14 Nouakchott PréparationetentretienspréalablesCRF

Chefdedélégation,DéléguéSA,Chefdeprojet

15‐16

Nouakchott‐Kaédi

Voyage. Chauffeur

17 Kaédi‐Mbout Voyage.Réunionavecl’équipeprojetàKaédietMbout

Chefdeprojet,Chargédesuivi,Animateurs

18‐26 Tikwobra Voyage.Terrain1:Testpuisenquêtessurlieud’origine.

18

Tikwobra 2entretiens+2commerçants

19 Mbeydia 3entretiens+2commerçantset1transporteur

20

Leghneiba 3entretiens+2commerçants

21 Mbeydia 1FocusGroup(18participantshorséquipe)

22 Kaédi Outilsd’enquêteetdébutd’analyse 23 Kaédi Révisionoutilsd’enquêteetdébut

d’analyse 24 Amoiré Focusgroup(7participantshors

équipe) 25 Leghneiba+

Amoiré FocusGroup(17participantshorséquipe)+1entretien

26 W.DembaNdikiri+Lemseiguem

2entretiens

27

Kaédi‐Nouakchott

Voyage

Animateurs,SuperviseurCRM,VolontairesCRM,Chauffeur.ChefdeprojetetChargédesuivimobilisésponctuellement.

28‐8mars Nouakchott Voyage.Terrain2:enquêtessurlieuderésidence.Analyse

28 Nouakchott 1FocusGroup–Leghneiba(5participantshorséquipe)

01 Nouakchott 1FocusGroup–Mbeydia(9participantshorséquipe)

02 Nouakchott 2entretiensLeghneiba+2commerçants

03 Nouakchott 1entretienMbeydia+1commerçant 04 Nouakchott 2entretiensTikwobra+2

commerçants

Animateurs,Leadersressortissants,Chauffeur.Chefdeprojetmobiliséponctuellement.

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XIII

05 Nouakchott 2entretiensLemseiguem+1commerçant

06 Nouakchott 2entretiensLeghneiba+1transporteur

07 Nouakchott 1FocusGroup–Amoire(6participantshorséquipe)

08 Nouakchott Observationparticipante–Leghneiba(16participantshorséquipe)

09

Nouakchott Préparationdelarestitution

10mars Nouakchott RestitutionCRF Chefdedélégationetdesous‐délégation,DéléguéSA,Chefdeprojet,Stagiaire

10‐20mars

Kaédi Saisieettraitementdesdonnées,productiondesgraphiques

16

Mbout 1entretientransporteur Animateur

20 Kaédi Restitution CRFetCRMKaédi,équipeprojetTES.

27mars‐4avril

Divers Suitedel’analyse,rédaction

27Mars

Nouakchott‐Paris

Voyage

04avril Rendudurapportinitial+synthèse. 15avril

Rendudurapportfinal

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XIV

5. ZONES D’ENQUETES CROISEES

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XV

CRF – projet TES Etude sur les mobilités saisonnières

Annexes, M. Cartiaux, avril 2013

XVI

6. GRILLE D’ENTRETIEN LONG VeuillezvousréférerauCD‐Romjointaurapport.

7. GRILLE DE FOCUS GROUP VeuillezvousréférerauCD‐Romjointaurapport.

8. GRILLE D’ENTRETIEN COURT VeuillezvousréférerauCD‐Romjointaurapport.

9. TABLEAUX DE SAISIE DES DONNEES EN .XLS Veuillez vous référer au CD‐Rom joint au rapport. Merci de préserver l’anonymat des contactsmentionnés.

A. Tableau des ménages et de leurs membres à l’extérieur

B. Tableau des commerçants et de leurs relais

C. Tableau des systèmes de solidarité incluant les villageois à Nouakchott