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4c.rf-f f¿ P UNESCO UNE FENETRE OUVERTE SUR LE MONDE NUMÉRO SPÉCIAL L'ATOME AU SERVICE DE L'HOMME

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4c.rf-f f¿ P

UNESCOUNE FENETRE OUVERTE SUR LE MONDE

NUMÉROSPÉCIAL

L'ATOME

AU SERVICE

DE L'HOMME

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DANS LA FOURNAISE ATOMIQUE. - Voici la pre¬mière photo prise à l'intérieur d'un réacteur atomiqueen fonctionnement. Là sont provoquées les premièresréactions en chaîne avec l'uranium ou d'autres maté¬

riaux fissibles, dégageant l'énorme quantité de chaleurqui peut être utilisée pour la génération d'énergie.Cette «.piscine » du réacteur d'Oak Ridge (U.S.A.)est un réservoir d'eau de 500.000 litres destiné

à empêcher les radiations de s'échapper. (USIS)

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Le CourrierLe Courrier. N" 12. 1954

Numéro 12-1954

7e ANNÉE

SOMMAIRE

PAGES

3 EDITORIAL

L'atome au service de l'homme.

4 POUR CONJURER LA MALÉDICTION...et réhabiliter l'atome.

5 UTILISONS L'ÉNERGIE NUCLÉAIRE

...pour le bien de l'humanité.

10 80 TONNES DE CHARBON

...dans le creux de la main.

M COMMENT LES NATIONS COOPÉRERONT

...les projets de l'ONU et de l'UNESCO.

15 FORMER LES TECHNICIENS

...de l'âge atomique : une tâche urgente.

19 DERRIÈRE UN ÉPAIS BLINDAGE :

... le four nucléaire.

23 CERN : DES MACHINES GÉANTES

...exploreront un monde infiniment petit.

25 ISOTOPES :

...dans la médecine, l'agriculture et l'industrie.

41 LA RICHESSE DES PAUVRES

...c'est l'énergie atomique.

48 DEMAIN IL SERA TROP TARD

...pour forger la mentalité du monde nouveau.

Mensuel publié par

Le Département de l'Information de l'Organisation des NationsUnies pour l'Education, la Science et la Culture.

Bureaux de la Rédaction :

Unesco, 19, avenue Kléber, Paris- 16% France.

Directeur-Rédacteur en chef :

Sandy Koffler.

Secrétaires de rédaction :

Edition française : Alexandre Leventis.Edition anglaise : Ronald Fenton.Edition espagnole : Jorge Carrera Andrade

Maquettiste :

Robert Jacquemin.

Diffusion :

Jean Groffier

(U.S.A. : Henry Evans).

Sauf mention spéciale de copyright, les articles et documents paraissant dansce numéro peuvent être reproduits à condition d'être accompagnés de la men¬tion : Reproduit du « Courrier de l'Unesco ». Les articles ne doivent pas êtrereproduits sans leur signature.Les manuscrits non sollicités peuvent être retournés s'ils sont accompagnésd'un coupon-réponse international.Les articles paraissant dans le « Courrier » expriment l'opinion de leurs auteurset pas nécessairement celles de l'Unesco ou de la Rédaction.Abonnement annuel au « Courrier » : 300 francs fr. ; 6/-; ou S 1.50.

MC. 54. I. 87. F.

LA BOULE DE CRISTAL

DU MAGICIEN

Dans une exposition, une jeune femme regardeà l'intérieur d'un énorme globe de verre, lamaquette d'une centrale électrique fonction¬nant grâce à l'énergie atomique. C'est la cen¬trale de demain, encore mystérieuse pour legrand public, et qu'on admire un peu commela boule de cristal du magicien. (USIS).

L'atome, pendant près de dix ans, avait montré un sinistrevisage. Depuis l'Assemblée générale des Nations uniesde novembre dernier, sa physionomie est devenue plus

rassurante.

Par une tragique coïncidence, c'est en 1939, immédiate¬ment avant que n'éclatât la plus grande des guerres, que futdécouverte l'immense énergie dégagée par la désintégrationd'un atome d'uranium sous l'effet d'un neutron. Cette décou¬

verte fut immédiatement utilisée pour créer l'effroyablesérie des bombes qui contribuèrent à mettre fin à la guerre,et rendent de nos jours tout nouveau conflit pratiquementinconcevable.

L'agent de mort et de destruction est pourtant bien labombe et non pas l'atome; en des temps meilleurs, entre desmains plus prudentes, l'énergie atomique peut faire infini¬ment plus de bien que la bombe n'a fait de mal. Nous pou¬vons aujourd'hui espérer que ces temps meilleurs sont pro¬ches et que l'atome deviendra un bienfait pour l'humanité.

Utiliser l'énergie atomique pour accomplir les tâches deshommes est un rêve que les savants caressent depuis long¬temps : les progrès de la civilisation ont été fonction directede la somme d'énergie dépensée par les hommes. Il restecependant bien du chemin à parcourir. Toute nouvelle sourced'énergie utilisable en n'importe quel point du globe appor¬terait un avantage immédiat aux pays non industrialisés enleur permettant de mettre bientôt sur pied cette économielibérée du charbon et du pétrole que toutes les nations de¬vront un jour ou l'autre adopter.

C'est ce que nous promet l'énergie atomique. Pour produireune même quantité d'énergie il faut, en poids, près de troismillions de fois plus de charbon que de combustible dérivéde l'uranium (2.800 tonnes au lieu d'un kilo). En outre, lafabrication des combustibles atomiques permet d'obtenir cesprécieux sous-produits que sont les substances radioactivesappelées isotopes. Ces isotopes ont déjà trouvé des milliersd'applications en médecine, dans l'agriculture et dans l'in¬dustrie, et apporteront presque certainement à l'humanitéautant d'avantages que l'utilisation de l'énergie atomiqueelle-même.

Conscients de toutes ces possibilités, les savants du mondeentier ont été consternés de voir les matériaux atomiquesexclusivement réservés à des fins militaires. Ils espéraientque le progrès des armes atomiques serait enrayé et queserait stimulée l'utilisation pacifique de l'énergie atomiquepour le plus grand bien de l'humanité. Les nationalismes etla tension internationale rendirent la chose impossible.

Une nouvelle tentative vient d'être faite. Le 8 décembre

1953, le Président Eisenhower soumettait à l'Assemblée géné¬rale des Nations Unies une proposition de coopération inter¬nationale en vue du développement pacifique de l'énergienucléaire et des ressources en matériaux fissiles. Les grandsespoirs d'autrefois se ranimèrent soudain quand la Commis¬sion de l'Assemblée générale chargée des questions politiqueset de la sécurité, puis l'Assemblée générale elle-même, adop¬tèrent cette proposition à l'unanimité, l'une le 23 novembre,l'autre le 4 décembre 1954.

Ce peut être là un tournant de l'histoire ; les nouvellesperspectives demandent une étude approfondie car elles neconcernent pas seulement les savants et les hommes d'Etat.Dans un monde démocratique, tout individu doté d'instruc¬tion et d'intelligence se doit de comprendre ce qu'est l'atome,quels bienfaits il peut apporter. Ce sujet sera donc sansdoute introduit rapidement dans les programmes scolaires; ildoit aussi faire l'objet de débats publics.

Le Courrier, organe d'information et d'éducation publi¬que de l'Unesco, a consacré l'an dernier une grande partiede son numéro de décembre à exposer les éléments essentielsde la science atomique. Maintenant, puisque l'organisationdes Nations Unies et l'Unesco s'engagent dans la voie del'utilisation pratique de l'énergie atomique et des matièresfissiles, nous consacrons entièrement le présent numéro à unexamen objectif des faits, des possibilités, des conséquencesprévisibles de l'emploi de « l'atome bénéfique ».

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Pour conjurer lamalédiction de l'atome...

par Gerald Wendt en

LE 4 décembre 1954, l'Assemblée géné¬rale des Nations Unies se pronon¬

çait à l'unanimité en faveur de lacréation d'une Agence internationale del'énergie atomique et décidait de convo¬quer une Conférence internationale surl'utilisation de l'énergie atomique à des finspacifiques. Ce vote a été accueilli dans lemonde entier avec un enthousiasme dont

il est aisé de comprendre les raisons :

1 Pendant des années, le monde a

" été hanté par la crainte desarmes atomiques et des destructions quirésulteraient de leur emploi. Soudain appa¬raît l'espoir, sinon la promesse, de tempsmeilleurs. La malédiction de l'atome setrouve conjurée par un projet sincère demesures pacifiques tendant à faire bénéficierl'humanité des immenses ressources nou¬

velles créées par la science. On se sentsoulagé de ne plus entendre momen¬tanément tout au moins parler de guerre.

2 La décision a été prise à l'unani-" mité et dans l'intérêt de tous les

peuples. Par ce vote, l'Assemblée générale asignifié qu'elle entendait faire profiter desressources en question tous les Etats mem¬bres de l'Organisation des Nations Unies,qu'ils fussent petits ou grands, riches oupauvres, industriels ou agricoles, situés enOrient ou en Occident. Ce vote a montréégalement que l'Organisation des NationsUnies constituait vraiment une force, puis¬qu'elle était capable de s'emparer d'unegrande idée pour en faire une réalité. Pourune fois, ce n'était pas seulement un Etatou un groupe d'Etats, mais l'ensemble dumonde organisé qui acceptait de collaborerà l'exploration d'une voie nouvelle condui¬sant l'humanité vers plus de bien-être.

3 En suivant cette voie, en effet," on aboutira quasi certainement à

multiplier les ressources en énergie utili¬sable. Or, c'est l'énergie qui crée la richessematérielle et qui permet à l'homme demieux vivre et de remplacer de dures heuresde travail par des moments de loisir.

4. Il «st non moins certain que lesradio-isotopes, sous-produits des

piles atomiques, nous apprennent à dévoilerles secrets de la nature et provoquent une ré¬volution dans la recherche égale à celle quecausèrent jadis le microscope et le téles¬cope. Ainsi, une ère nouvelle va s'ouvrirgrâce à eux, non seulement dans la science,mais aussi dans la vie quotidienne deshommes.

5 Pour que ces bienfaits s'étendentaux nations qui ne se sont pas en¬

core mises à étudier l'énergie atomique et àen produire, un accroissement considérabledes facilités d'instruction est nécessaire; c'est

à quoi il faut pourvoir en priorité. Une pro¬duction massive d'énergie atomique exigenon seulement des spécialistes de la physi¬que et de la chimie nucléaires, mais aussides milliers d'ingénieurs spécialisés dansl'électricité, le génie civil et la mécanique

et un nombre plus élevé encore d'ou¬vriers qualifiés capables de faire fonction¬ner et d'entretenir les réacteurs, les généra¬

teurs électriques, tout le système de distri

bution et les multiples moteurs et appa¬reils qui utiliseront l'énergie produite. Pourmettre les radio-isotopes au service de larecherche, on aura également besoin de la¬boratoires, pour la plupart spécialisés dansles sciences biologiques et médicales; d'au¬tre part, la mise en application des nou¬velles techniques, dans presque toutes lesbranches de la science appliquée et de larecherche industrielle, ne pourra être as¬surée que grâce à la création de centres deformation spécialisée. Ce n'est pas tout :pour que puisse être valablement assuréecette formation supérieure, les Etats inté¬ressés se trouveront conduits à améliorerles programmes et les méthodes de leurenseignement secondaire, à équiper de la¬boratoires modernes les établissements sco¬

laires. Si le programme d'utilisation pacifi¬que de l'énergie atomique a pour effet destimuler le développement d'un tel ensei¬gnement scientifique dans les pays qui n'enpossèdent pas encore, il aura déjà apportéun bienfait, indépendamment de tous ceuxqui découleront directement de l'exploita¬tion de l'énergie atomique.

D Enfin, et surtout dans les pays*'* où, faute de force motrice, l'in¬

dustrie est demeurée à un stade rudimen-

taire, l'apparition d'une source abondanted'énergie nouvelle est appelée à entraî¬ner un bouleversement social comparableà la révolution industrielle d'il y a cent

cinquante ans. Les progrès qui se ferontsentir dans l'agriculture, la nutrition, lamédecine et la santé suffiront à provo¬

quer des transformations rapides dans lastructure de la société, et cela même dansles pays industriels. Dans le passé, les ré¬volutions de ce genre, avec leurs conséquen¬ces tant heureuses que désastreuses, se sontsouvent produites sans que l'humanité aitsu les prévoir. Mais cette fois, nous nousrendons compte de ce qui va arriver; nouscomprenons que bien des peuples, qui enétaient restés à l'âge de l'énergie animale,vont se trouver soudain plongés dans l'èrede l'énergie atomique. Une telle perspective,à part la stupeur qu'elle peut provoquer, estaussi de nature à inspirer aux éducateurs,aux sociologues, à toutes les autorités et auxgouvernements, la volonté d'être à la hau¬teur de leur tâche.

C'est précisément parce que l'exploitationinternationale de l'énergie atomique estdestinée à apporter à l'humanité d'incalcu¬lables bienfaits et parce que le rythme au¬quel se succéderont les changements atten¬dus sera nécessairement fonction de bien

des facteurs, que le projet internationalconcernant l'énergie atomique mérite d'êtreétudié, non seulement par la Conférence quisera convoquée en 1955 par les NationsUnies, mais aussi par le public éclairé detous les pays. L'évolution de la situationdépendra dans une large mesure des besoinsen énergie des divers pays, du prix de re¬vient de l'énergie nucléaire, de la réparti¬tion géographique des réacteurs atomiques,enfin de l'aptitude de chaque pays à tirerparti de ces connaissances et de ces res¬sources nouvelles.

(I) 'Jons 1rs tirtirlrs île ce numéro ont étéPerils pur (Jri'iild Wriull, sur r/ui nos lecteurstroureront une noie üiüijraiihii¡ue eu page 50.

Utilisons

'énergienucléaire

à des fins

pacifiques

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Le Courrier. N" 12. 1954

LE 8 DECEMBRE 1953, devant l'Assemblée générale des NationsUnies, à New York, le Président Eisenhower lançait un appel histo¬rique en faveur de la coopération internationale dans le domaine del'utilisation pacifique de l'énergie atomique, et faisait des propositionsconcrètes en ce sens. (Derrière le Président, on reconnaît de gaucheà droite : M. Dag Hammarskjöld, Secrétaire général des Nations Unies,

Mme Vijaya Lakshmi Pandit, à l'époque Président de l'Assemblée géné¬rale, et M. Andrew W. Cordier, Directeur du Cabinet du Secrétaire

général) Un an plus tard, le 4 décembre 1954, l'Assemblée généralevotait à l'unanimité la création d'une Agence internationale de l'Energieatomique et la convocation d'une Conférence internationale des NationsUnies sur l'utilisation pacifique de l'énergie atomique. (Photos ONU)

Dans les années qui suivirent 1945et la fin de la deuxième guerremondiale, il sembla que l'énergie

nucléaire constituerait un défi auquella sagesse humaine ne pourrait faireface. Développé sous la pression de né¬cessités militaires, ce pouvoir étaitconsidéré comme l'ultime recours en

période de tension internationale, cequi contraignait ses promoteurs à unerivalité incessante et à un secret ab¬

solu. Les tentatives faites en vue d'en

interdire l'utilisation à des fins mili¬taires échouèrent en raison de la mé¬

fiance réciproque des puissances inté¬ressées. La course aux armements

atomiques se poursuivit donc et abou¬tit à la mise au point d'engins millefois plus puissants qu'auparavant etcapables de compromettre l'existencede l'humanité tout entière. Cependant,il demeurait impossible de tirer large¬ment parti de cet immense pouvoir àdes, fins pacifiques car seul l'établisse¬ment d'un contrôle international fondé

sur une confiance mutuelle aurait per¬mis de renoncer au secret qui couvraitles expériences en cours. Ainsi, lemonde demeurait impuissant tandisque grandissait le péril.

Le 8 décembre 1953, toutefois, dansun discours prononcé devant l'Assem¬blée générale des Nations Unies, leprésident des Etats-Unis d'Amériqueallait ouvrir une nouvelle porte surl'avenir :

« Les Etats-Unis, dit-il, savent que,

s'il est possible de renverser la marcheeffrayante de la course aux armementsatomiques, la plus grande des forces dedestruction peut se changer en ungrand bienfait pour l'humanité toutentière. Les Etats-Unis savent quel'utilisation de l'énergie atomique à desfins pacifiques n'est pas un rêve. Cettepossibilité déjà démontrée est là, de¬vant nous, immédiate.

« Pour hâter le jour où la peur del'atome commencera à disparaître del'esprit des peuples et des gouverne¬ments de l'Est et de l'Ouest, il est uncertain nombre de mesures qui peuventêtre prises dès aujourd'hui.

« Je fais donc les propositions sui¬vantes :

« Les gouvernements principalementintéressés, dans la mesure que permetune prudence élémentaire, devraientcommencer dès aujourd'hui et conti¬nuer, en puisant dans leurs réservesd'uranium naturel et de matériaux fis¬

siles à apporter une contribution com¬mune à une agence internationale del'énergie atomique. Il nous paraît nor¬mal que cette organisation se constituesous l'égide des Nations Unies.

« Il est certain que les contri¬butions de début seraient d'une faible

importance. Cependant, la propositiona le grand mérite de pouvoir être miseen cuvre sans susciter les froissements

et les soupçons réciproques que pro¬voque inévitablement toute tentative

d'organisation, à l'échelle mondiale,d'un système complètement acceptabled'inspection et de contrôle. L'agence del'énergie atomique pourrait avoir pourtâche de prendre en charge, d'emma¬gasiner et de conserver les-matières fis¬siles et autres apportées en contribu¬tion.

« La plus importante tâche del'agence de l'énergie atomique serait deconcevoir des méthodes de répartitionde ces matières fissiles de façon qu'ellesservent la réalisation des buts pacifi¬ques que se propose l'humanité. Ses ex¬perts seraient appelés à assurer l'appli¬cation de l'énergie atomique aux besoinsde l'agriculture et de la médecine oud'autres activités pacifiques. L'agenceattacherait une importance particulièreà la fourniture d'une abondante éner¬

gie électrique aux régions du monde quien sont dépourvues.

« Les Etats-Unis seraient plus quedisposés ils en seraient fiers à en¬treprendre avec d'autres puissances« principalement intéressées », l'élabo¬ration de programmes qui permet¬traient de hâter cette utilisation paci¬fique de l'énergie atomique. Il va sansdire que l'Union Soviétique doit figurerau nombre de ces puissances « princi¬palement intéressées ».

« Je serais prêt à soumettre auCongrès des Etats-Unis, ettout me porte à croire qu'ill'approuverait, tout pro¬gramme de ce genre qui, pre-

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Un "pool" interna¬tional de ma¬

tières fissiles(suite)

mièrement, encouragerait dans lemonde entier des recherches en vue dedécouvrir les modes les plus efficacesd'utilisation pacifique des matières fis¬siles; deuxièmement, commencerait àréduire la force destructive que récè¬lent en puissance les réserves atomiquesdu monde; troisièmement, permettraitaux peuples de tous les pays de serendre compte que, en notre siècle delumières, les grandes puissances de laterre, qu'elles soient de l'Est ou del'Ouest, s'intéressent davantage auxaspirations de l'humanité qu'à laconstitution d'armements guerriers;quatrièmement, ouvrivait une voie nou¬velle à la discussion pacifique et inau¬gurerait au moins une nouvelle façond'aborder les problèmes nombreux etdifficiles qu'il faudra résoudre dans desnégociations tant privées que publiquessi l'on veut que le monde secoue l'inertieque lui a imposée la crainte et qu'ilprogresse vers la paix. »

Cette tentative faite par le présidentdes Etats-Unis pour apporter un débutde solution au terrible problème ato¬mique suscita immédiatement un nou¬vel espoir chez les habitants de nom¬breux pays.

Ce n'était cependant qu'un premierpas, et le délégué de l'Union Soviétique,feu Andrei Y. Vychinski,- ne tarda pasà faire observer qu'il n'avait pas étéquestion d'interdire les armes atomi¬ques, que l'agence ne disposerait qued'une faible part des réserves actuellesde matériaux atomiques, et qu'en faitcette proposition orientait simplementles débats vers un autre aspect duproblème. Mais la plupart des autresnations estimèrent qu'une étape déci¬sive venait d'être franchie.

Au cours d'études prolongées etapprofondies de la question, les hom¬mes d'Etat, les savants et les personna¬lités les plus eminentes de la penséen'ont jamais mis en doute la possibi¬lité de tirer parti de l'énergie atomiqueà des fins pacifiques. C'est seulementdans la mesure où la proposition desEtats-Unis visait un autre objectif plusimportant encore à savoir le déve¬loppement de la coopération internatio¬nale qu'elle souleva différents pro¬blèmes. Il fallait savoir jusqu'où iraitcette coopération.

S'agissait-il de constituer un « pool »international des matériaux atomiques?

Dans l'affirmative, quelles seraient lesnations qui alimenteraient ce fondscommun et celles qui en bénéficieraient?Un personnel international serait-ilchargé d'assurer la marche de l'entre¬prise et les recherches dans le cadred'une institution des Nations Unies ?Dans l'affirmative, de quelles nationa¬lités seraient les membres de ce per¬sonnel et comment s'assurer que lessecrets qu'ils détiendraient ne seraientpas divulgués ? Et surtout, y aurait-ilune limitation des armements ato¬

miques ?

C'est à ce dernier point surtout ques'attacha le Gouvernement soviétiquelorsqu'il déclara, le 21 décembre 1953,que son attitude était dictée par lesouci de se servir de cette grande de-couverte humaine, non pas pour dé¬truire la civilisation, mais pour assurerson progrès dans tous les domaines ;non pour exterminer les peuples, maispour satisfaire leurs besoins pacifiques,

et pour rendre certain l'accroissementde leur bien-être. Le Gouvernementsoviétique accepta de participer à desnégociations relatives à la propositiondes Etats-Unis, mais en demandant quesoit également prise en considérationune proposition ainsi conçue : « LesEtats parties à l'accord, animés du dé¬sir de réduire la tension internationale,

s'engagent solennellement et incondi¬tionnellement à ne pas faire usage desarmes d'extermination massive et no¬tamment des armes atomiques et ther¬mo-nucléaires. »

Cette proposition soulevait la ques¬tion du désarmement et elle aurait re¬

placé le débat sur le terrain militaire,ce que les Etats-Unis s'étaient précisé¬ment efforcés d'éviter, car tout progrèss'y était révélé impossibledepuis sept ans.

On en arriva donc à penseraux Etats-Unis qu'il faudrait

"MUSELÉS PAR L'HOMME" Voici les modernes armoiries adoptées

par la « Atomic Energy Authority »,organisme britannique officiel récemment créé. Les redoutables animaux héraldiquesenchaînés à la terre représentent la puissance de l'atome muselée par l'homme. Lesétoiles placées sur chaque animal totalisent 92 rayons symbolisant l'uranium, quiporte le n° 92 sur la liste des éléments chimiques. Le triangle inversé du blason estun symbole héraldique signifiant « pile », nom également porté par un réacteuratomique. Les lignes en zigzag représentent l'électricité fournie par l'énergie atomique.Au-dessus du heaume, symbole de coopération, un soleil représente la puissancebienfaisante de l'atome. L'oiseau est tiré des armoiries de feu Lord Rutherford, un

des pionniers de la recherche nucléaire. La « Atomic Energy Authority » à laquellecorrespond, en France, le Commissariat à l'Energie Atomique, a choisi pour devise :« Le plus grand par le plus petit. », car l'infiniment petit est astronomique.

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Le Courrier. N" 12. 1954

CENTRALES NUCLEAIRES

Le 27 juin 1954, ont annoncé il y a quelques moisles autorités soviétiques, a été mise en service enU.R. S. S. la première centrale électrique au mondefonctionnant à l'énergie atomique. Sa puissance estde 5.000 kilowatts. La centrale fournit du courant

électrique à l'industrie et à l'agriculture des districtsenvironnants. Voici, tiré de « Teknika Molodieji »(revue soviétique de vulgarisation technique) le dessin« d'une des versions de centrales électriques utilisantl'énergie nucléaire » (photo de gauche). Les diffé¬rents éléments de cette centrale sont, d'après cetterevue : (I) réacteur atomique, (2) échangeur-collec-teur de chaleur, (3) condensateur de vapeur, (4) tubu¬lure principale de vapeur, (5) pompes pour condensa¬teurs, (6) turbo-générateur, (7) tours de condensation,(8) cuve de refroidissement d'eau, (9) sous-stationtransformatrice, (10) station de pompage, (I I) ate¬liers, (12) entrepôt, (13) bâtiments administratifs.D'autres pays, et notamment les Etats-Unis, travail¬lent également, et depuis des années déjà, à la créationde centrales électriques fonctionnant à l'énergienucléaire. Voici (photo du bas) un projet américainmontrant comment deux réacteurs nucléaires pour¬raient être utilisés pour transformer l'énergie ato¬mique en courant électrique. La fission atomiqueréalisée dans les deux réacteurs (au centre du schéma)produirait de la chaleur amenée, par le sodium liquideet à travers les systèmes refroidissants primaire etsecondaire, dans les générateurs (à droite) où ellese transformerait en vapeur. Cette vapeur seraitensuite utilisée pour actionner des turbo-générateurs(en haut) et produire du courant électrique. Lapuissance d'une telle centrale serait de l'ordre de200.000 kilowatts (Photo North American Aviation, inc).

TOURS DE RE¬FROIDISSEMENT

GÉNÉRATEURSA VAPEUR

SYSTÈME DE RE¬FROIDISSEMENTSECONDAIRE

U. S. A.

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Nations Unies(suite)

LE BUILDING DES NATIONS UNIES, à New York,

dont voici, groupés sur ces deux pages, quelques élémentsdécoratifs et architecturaux. (Photos Nations Unis)

se passer du concours soviétique. Aussi,M. David Lilienthal, parlant en qualitéde simple citoyen, mais aucsi en tantqu'ancien président de la Commissionaméricaine de l'énergie atomique, dé¬clara à la fin du mois de décembre qu'àson avis il n'y avait pas de temps àperdre, et qu'une institution des Na¬tions Unies pourrait mettre en chan¬tier le projet américain dès août 1954,de préférence avec la collaboration del'U.R.S.S., mais, au besoin, sians elle. Ilproposa d'installer une centrale expéri¬mentale à Bruxelles et un centre inter¬national de recherches atomiques àGenève. Les nations qui pourraientparticiper aux travaux étaient, selonlui, la Grande-Bretagne et les Etats-Unis, qui détiennent des stocks de ma

tériaux d'une haute teneur en élémentsfissiles, le Canada, la Belgique et l'Aus¬tralie, qui ont d'abondantes réservesd'uranium naturel, le Brésil et l'Inde,qui disposent d'importants gisementsde thorium autre corps dont on peuttirer de l'énergie atomique ; et enfin laNorvège, les Pays-Bas et la France, quipossèdent une certaine quantité dematériaux radioactifs pour la recher¬che et des spécialistes des sciences nu¬cléaires hautement qualifiés.

Cependant, les pourparlers menés di¬rectement entre les Etats-Unis et le

Gouvernement soviétique se poursuivi¬rent du 2 janvier au 19 mars 1954, dateà laquelle la proposition des Etats-Unisfut précisée dans un mémorandumadressé par le secrétaire d'Etat desEtats-Unis à l'ambassadeur de l'U.R.

S.S. à Washington. Le projet américainvisait à constituer, en vertu d'un traitéentre les nations participantes, uneagence internationale de l'énergie ato¬mique financée par les cotisations desEtats membres et qui disposerait no¬tamment de dépôts où seraient emma¬gasinés des matériaux nucléaires, delaboratoires de contrôle, de servicesadministratifs et de tous autres moyenset installations dont elle pourrait avoirbesoin ultérieurement, en vue d'assurerl'instruction et la formation profes¬sionnelle du personnel, la conduite derecherches et la mise au point detechniques, la fabrication de combus¬tibles et le traitement de produits chi¬miques.

De nouveau, des semaines s'écoulè¬rent; puis, en avril et au début de mai,le ministre soviétique des Affairesétrangères, M. Vyacheslav Molotovet le secrétaire d'Etat américain,M John Foster Dulles, se rencontrè¬rent à Genève, mais une fois encore,

ils ne purent se mettre d'accordsur l'interdiction des armes nucléaires

préalablement à la création d'uneagence de l'énergie atomique. La ques¬tion fut alors soumise à nouveau au

sous-comité de la Commission du dé¬

sarmement des Nations Unies qui seréunit a Londres, au mois de mai, sansrésultat. Il semblait donc bien que,tant la proposition formulée par leprésident Eisenhower devant les Na¬tions Unies que les tentatives sovié¬tiques en faveur du désarmement ato¬mique dussent être abandonnées.

En conséquence, les Américains son¬gèrent de nouveau à développer l'utili¬sation pacifique de l'énergie atomiquesans le concours des Soviets et même

en dehors des Nations Unies. En août,un envoyé de la Commission de l'éner¬gie atomique se rendit au Brésil, enUruguay, au Pérou et au Chili, pourétudier la possibilité d'y installer depetites centrales atomiques. Le 6 sep¬tembre, le président Eisenhower posala première pierre d'une centrale ato¬mique commerciale située en Pennsyl¬vanie, qui doit fournir de l'électricité à100.000 habitants. A cette occasion, ilannonça que les Etats-Unis s'étaientmis d'accord avec un certain nombre

d'autres nations pour établir uneagence internationale- chargée de pro¬mouvoir le développement et la diffu¬sion d'une nouvelle technologie paci¬fique de l'atome. « Nous espérons », dit-il notamment, « qu'aucune nation nese tiendra longtemps à l'écart de l'acti¬vité de cette institution ».

Le Président annonça que des négo¬ciations avaient été entamées à cet

effet avec le Canada et la Belgique, etla presse signala que la Grande-Bre¬tagne, l'Australie, l'Afrique du Sud etla France y participaient également.Cependant, on ne manqua pas de re¬marquer qu'il n'avait pas été questiondes Nations Unies. Trois jours plustard, l'amiral Lewis S. Strauss, prési¬dent de la Commission américaine de

l'énergie atomique, déclara que lesEtats-Unis se préparaient à convoqueren 1955 une conférence internationale

de spécialistes de la physique nucléaireet que tous les pays intéressés, ycompris l'Union Soviétique, seraient in¬vités à y envoyer des représentants.

Mais le 23 septembre, le secrétaired'Etat Dulles lança, devant l'Assembléegénérale des Nations Unies, un nouvelappel conçu comme suit :

« Les Etats-Unis sont toujours prêts

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Le Courrier. N" 12. 1954

à négocier avec l'Union Soviétique,mais ils ne veulent pas renoncer pluslongtemps à créer une institution ato¬mique internationale. Nous ne voulonspas que la proposition du présidentEisenhower devienne lettre morte. Nous

voulons qu'elle soit mise en auvre.Nous insistons sur ce point, suivis parles nations qui, s'inspirant des idéauxde la Charte des Nations Unies, peu¬vent faire de cette force nouvelle un

instrument puissant et non plus seule¬ment une nouvelle arme des plus dan¬gereuses.

« Les Etats-Unis proposent l'inscrip¬tion à l'ordre du jour d'un point quinous permettrait de reprendre nos ef¬forts en vue de développer les im¬menses possibilités de l'utilisation del'énergie atomique à des fins pacifiques.Ces efforts tendront avant tout auxbuts suivants :

1. Création d'une institution in¬

ternationale, composée au début denations choisies dans toutes les régionsdu monde. Nous espérons qu'une telleinstitution pourra commencer à fonc¬tionner dès le début de l'année pro¬chaine.

2. Réunion d'une conférence scien¬

tifique internationale pour discuterl'ensemble de cette question au prin¬temps de 1955 etsous les auspicesdes Nations

Unies.

3. Création,au début de l'an-

n é e prochaine,aux Etats-Unis,d'une école où

des étudiants

étrangers pour¬ront apprendreles principes del'énergie atomi¬que dans sonapplication à desfins pacifiques.

4. Invitation

d'un nombre

considérable de

médecins et chi¬

rurgiens expertsdes autres pays,pour qu'ils parti¬cipent aux tra-v a u x accomplisdans nos hôpi-t a u x de can-

c é r e u x, où lestechniques de l'énergie atomique don¬nent les meilleurs résultats. Je tiens à

souligner que notre plan n'écarte au¬cune nation. A mesure que notre pro¬gramme prendra forme, toutes les na¬tions intéressées désireuses de prendreleur part des responsabilités pourrontse joindre à nous. »

La proposition américaine trouvatout de suite un accueil favorable.

Après dix mois d'atermoiements durantlesquels la crainte des engins atomi¬ques n'avait cessé de grandir dans lemonde entier, les membres de l'Assem¬blée genérale se montrèrent impatientsde faire enfin machine arrière. Le len¬

demain, M. Vychinski déclara que ladélégation soviétique souhaitait que laproposition américaine soit inscrite àl'ordre du jour, et que l'Assemblée gé¬nérale décide à l'unanimité de la

mettre à l'étude. Le rapport dontM. Dulles avait parlé fut immédiate¬ment renvoyé à la Commission desquestions politiques et de sécurité del'Assemblée générale. En quelques jours,nombre de nations souscrivirent à laproposition américaine.

Le 1" octobre, un Comité spécial desNations Unies entreprit , l'examen decette proposition, sous la' direction deM. Ralph J. Bunche, sous-secrétairegénéral des Nations Unies. Au mêmemoment, M. Henry Cabot Lodge Jr., re¬présentant permanent des Etats-Unisauprès des Nations Unies, annonça, aucours d'une conférence de presse, queles Etats-Unis présenteraient à l'Assem¬blée générale un projet de résolutioninvitant les Nations Unies à convoquerune conférence qui réunirait notam¬ment des hommes de science, pour ré¬gler les modalités de la création dunouvel organisme, et proposant deconfier le soin de réaliser l'ensemble de

ce programme à une nouvelle institu¬tion, conçue sur le modèle de l'Organi¬sation mondiale de la Santé, par exem¬ple, qui définirait elle-même sesrapports avec l'Organisation des Na¬tions Unies.

Le 5 novembre, M. Lodge prit effec¬tivement la parole devant la Commis¬sion des questions politiques et desécurité pour proposer la mise sur piedd'une telle institution. Un projet derésolution presenté conjointement parl'Australie, la Belgique, le Canada, lesEtats-Unis, la France, le Royaume-Uniet l'Union Sud-Africaine prévoyait l'or¬ganisation d'une conférence technique

qui serait convo¬quée au plus tarden août 1955, enun lieu que lesecrétaire généralfixerait en accord

avec un Comité

consultatif.

Le 12 novem¬

bre, M. Vychins¬ki indiqua, aucours d'une séan¬

ce de la Commis¬

sion, qu'il vote¬rait en faveur de

ce projet de ré¬solution, à condi-t i o n que lafuture agenceinternationale

dépende duConseil de sé¬

curité des Na¬

tions Unies au

lieu d'avoir le

statut d'institu¬

tion spécialiséeautonome.

En effet, selonlui, la production de matériaux ato¬miques à des fins pacifiques, contribue¬rait à accroître la quantité disponiblepour la fabrication d'armements, et laproduction de radio-isotopes elle-même pouvait avoir de l'importance surle plan militaire.

Cette proposition soviétique provo¬qua de nouveau de longues discussions;toutefois, une initiative inattendue desEtats-Unis y mit fin. Le 15 novembre,en effet, M. Lodge apprit à la Commis¬sion des questions politiques et de sé¬curité que la Commission américainede l'énergie atomique avait alloué centkilogrammes de matières fissiles à lafuture institution internationale pouralimenter un grand nombre de petitsréacteurs atomiques expérimentaux,mais que ces matériaux seraient detelle nature qu'ils ne pourraient servirà la production d'armements. Le len¬demain, M. Anthony Nutting, chef dela délégation britannique à l'Assembléegénérale, annonça que le Gouverne¬ment britannique tiendrait de son côtévingt kilogrammes de matières fissilesà la disposition de l'agence.

U fut, d'autre part, annoncé que leComité consultatif chargé de s'occuperde la fondation de l'agence internatio¬nale se composerait de délégués despays suivants : Etats-Unis, Union So¬viétique, Grande - Bretagne, France,Canada, Brésil et Inde ; et M. Vy¬chinski déclara que l'U.R.S.S. acceptaitde se faire représenter au sein de ceComité.

Enfin, le 23 novembre, la Commissiondes questions politiques et de sécuritédes Nations Unies décida à l'unanimité

d'adopter un projet de résolution pré¬senté par sept nations (Etats-Unis,Grande - Bretagne, France, Canada,Australie, Belgique et Union Sud-Afri¬caine), qui reconnaissait « l'impor¬tance et l'urgence, pour contribuer àfaire reculer la faim, la misère et lamaladie, de la coopération internatio¬nale en vue de développer et d'étendrel'utilisation de l'énergie atomique à desfins pacifiques ».

Il fut en outre décidé « qu'une confé¬rence internationale technique » seraitconvoquée sous les auspices des NationsUnies et que tous les Etats membresdes Nations Unies et des Institutions

spécialisées y seraient invités « pourrechercher les moyens de développer,grâce à la coopération internationale,les utilisations de l'énergie atomique àdes fins pacifiques et en particulierpour étudier le développement de laproduction de l'énergie atomique » etenvisager des questions connexes d'or¬dre technique ou relevant des sciencesfondamentales. Le secrétaire généralfut invité à organiser cette conférenceau plus tard en août 1955, et il futconseillé au Comité consultatif et au

secrétaire général d'entrer au préa¬lable en consultation avec « les Insti¬

tutions spécialisées compétentes, enparticulier avec la F.A.O., l'O.M.S. etl'Unesco ».

U restait à obtenir que l'Assembléegénérale entérine officiellement lesmesures décidées par la Commission,ce qui fut fait à l'unanimité, le 4 dé¬cembre

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80 TONNES DE CHARBONdans le creux ae la maind

Pour vivre, l'homme a besoin denourriture ; de même la civilisa¬tion urbaine moderne ne peut sub¬

sister que grâce à l'énergie. Il est dif¬ficile de définir l'énergie, car ce n'estpas une réalité tangible, mais unechose qui n'a ni taille ni poids. C'est lasource de toute activité, la capacité defournir un travail, c'est la différenceentre le mouvement et l'immobilité,

entre la vapeur en expansion et l'eaufroide, entre le charbon qu'on brûle etles roches incombustibles. Dans chaque

cas, le premier matériau contientl'énergie qu'il cède en produisant cer¬tains effets. Invisible et intangible,

l'énergie est cependant à l'origine detout ce qui se fait dans l'univers.

Les hommes et les animaux tirent de

leur nourriture une quantité d'énergie

qui, dans une société primitive, peutsuffire au travail d'une journée ; mais

dans la plupart des régions du mondeil n'est guère possible à un homme desubvenir par sa seule force musculaireà son existence et à celle de sa famille.

Avec un cheval, un chameau ou unb il lui devient possible de produiredavantage et d'accroître son avoir.Dans une société évoluée, l'éclairage, lechauffage, les transports et la fabrica¬tion des articles manufacturés ne peu¬

vent être assurés que grâce à l'énergiefournie par les combustibles, par levent ou par le soleil. Plus une sociétéest industrialisée, plus grande est laquantité d'énergie qui lui est indispen¬sable et, pour pouvoir « développer »un pays, il faut avant tout disposer deressources énergétiques.

DEVANT LA CARTE mi-

néralogique de la France, oùsont indiquées les régionsriches en uranium, un expertdu Commissariat français àl'Energie atomique examineun échantillon de pechblende(minerai d'uranium). LeNord-Limousin et la Vendée,

en particulier, offrent desgisements qui placent laFrance en très bon rang par¬mi les puissances européen¬nes riches en uranium. D'au¬

tre part, les gisements dethorium et de beryllium deMadagascar sont égalementtrès prometteurs.

Un kilogramme de pain ou de rizfournit au corps humain quelque 2.600calories. Une ration alimentaire quoti¬

dienne de 1.000 à 1.500 grammes équi¬valant à 2.500 ou 3.000 calories permetd'obtenir l'énergie dont un homme abesoin pour accomplir une journée detravail ordinaire. Augmentée de la pe¬tite quantité nécessaire à la cuisine etau chauffage, cette énergie suffit àrépondre aux nécessités premières del'existence. Mais dans les pays indus¬trialisés, la quantité requise est beau¬coup plus importante. Aux Etats-Unis,par exemple, elle représente au total172.000 calories par personne et parjour, soit près de soixante fois le tra¬vail physique fourni en moyenne parchaque individu : tout homme, femmeou enfant américain a donc à son ser-

DEUX ÉCHANTILLONS de mi¬nerais d'uranium vus à la lumière

ordinaire (photo du haut) et à lalumière ultraviolette, qui provoqueune luminescence très forte. La

lumière ultraviolette permet enoutre de déceler les parties les plusintéressantes, du minerai. (Clichéscopyright Kitrosser).

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vice une soixantaine d' « esclaves mé¬

caniques ».

Au cours des discussions auxquelles a

donné lieu le projet relatif à l'utilisa¬tion de l'énergie atomique établi parles Nations Unies, le délégué de laFrance, M. Jules Moch, ancien ministrede l'Intérieur, a parlé des besoins éner¬gétiques croissants qui se font sentirpartout. Dans les grands pays indus¬triels, la somme d'énergie utilisée adoublé pendant le premier tiers du

vingtième siècle et elle s'élève actuel¬lement à 0,5 cv par personne environ.

Aux Etats-Unis, par exemple, la quan¬tité d'énergie employéedans les usines (à l'ex¬

clusion de la consom¬

mation des automo¬

biles et autres moyens

de transport) est pas¬sée de 0,19 à 0,50 cv

par personne, entre1909 et 1950. Mais dans

les territoires sous-dé-

veloppés d'Asie, d'Afri¬que et d'Amérique, lechiffre correspondantest environ 400 fois

plus faible.

Dans l'ensemble du

-monde, la consomma¬

tion moyenne d'éner¬gie par habitant de¬meure six fois moins

forte qu'aux Etats-Unis. Pour atteindre

partout le même degréd'industrialisation

qu'en Amérique duNord, il faudrait donc

disposer d'une sommed'énergie au moins sixfois supérieure à cellequ'on peut utiliser ac¬tuellement. Exprimé en« tonnes de charbon

équivalent », ceci si¬gnifie que la produc¬tion annuelle de houille

devrait passer de2 milliards 500 millions

de tonnes à 15 milliards

de tonnes. La consom-

m a t i o n moyenne decharbon est aujour¬d'hui d'environ 8 ton¬

nes par an et par per¬sonne en Amérique, de

2,2 tonnes en Europe,

et de 0,9 tonne en Asie;

dans les pays qui peu¬vent être considérés

comme sous - dévelop¬

pés, elle tombe à 0,2 tonne la compa¬raison avec les Etats les plus industria¬lisés nous ramène donc ici encore à la

proportion de 1 à 400.

Si la consommation de combustibles

doublait et à plus forte raison si elleétait multipliée par six les ressour¬ces de notre sous-sol se révéleraient

bientôt insuffisantes. Les gisements

connus de pétrole et de gaz naturelseront épuisés d'ici quelques dizainesd'années et les réserves de charbon

d'ici quelques siècles. Mais dans lespays industrialisés le charbon de bonnequalité et facile à extraire devient déjàrare ; même en mettant les choses au

mieux, il apparaît donc que le prix derevient du charbon augmentera en

même temps que sa qualité s'abaissera.Aussi les ingénieurs clairvoyants s'in¬quiètent-ils beaucoup de l'avenir desindustries auxquelles les combustiblesextraits du sous-sol sont indispensables.

Mais ce qui est plus important en¬

core, c'est l'inégalité frappante des res¬sources en charbon des différents pays.Un avenir industriel est presque impos¬sible à envisager pour les pays qui nepossèdent que peu de charbon et depétrole. Le transport d'une centaine demillions de tonnes de charbon sur plu¬sieurs milliers de kilomètres coûterait

rTl$S»3

EN ATTENDANT LA « RELÈVE » des combustibles naturels (charbon, essence, etc.)par les sources d'énergie nucléaire, les savants créent des combustibles de synthèse.Cette relève est d'autant plus nécessaire que, si les combustibles naturels s'épuisent rapi¬dement, la demande d'énergie augmente dans le monde entier. La photo montre deuxexperts de la Gulf Oil Co à Pittsburgh (Pennsylvanie) étudiant le processus encore mys¬térieux par lequel le carbone est transformé en essence. L'expérience a été renduepossible grâce aux isotopes qui servent, dans ce cas, de traceurs. (Photo Gulf Oil Co.)

à lui seul un milliard de dollars (350

milliards de francs français), ce qui estévidemment prohibitif.

Il n'est donc pas étonnant que laperspective de tirer parti de l'énergieatomique soulève tant d'intérêt. Si l'onparvient à faire servir l'atome à lasatisfaction des besoins en énergie, lespays industrialisés n'auront plus rien àredouter de l'épuisement des ressourcesen charbon et de l'accroissement du

prix de ce produit. Les pays dépourvusde charbon pourront de leur côté espé¬rer entrer immédiatement en concur¬

rence avec les autres, même si l'énergie

consommée leur revient plus cher quecelle qu'on utilise à l'heure actuelledans les pays industriels.

Le Courrier. N» 12. 1954

La situation d'un pays fortementindustrialisé comme la Suisse peutfournir ici un exemple frappant. L'éco¬nomie de cet Etat repose sur l'emploide la force hydraulique fournie par lesabondants cours d'eau des Alpes. Ce¬pendant, la Suisse n'ignore pas que

cette forme d'énergie ne suffira plus àl'avenir à satisfaire ses besoins. M. Al¬

fred Winiger a récemment traité cettequestion devant des représentants desindustries électriques suisses. Selon ses

prévisions, les besoins en énergie conti¬nueront à s'accroître de 3,8 % par anenviron; et sur la base de cette évalua¬

tion, il aboutit auxconclusions suivantes :

« En 1975, nous au¬rons en Suisse une de¬

mande d'énergie nepouvant plus être cou¬verte par nos ' ressour¬ces hydrauliques, quisont aujourd'hui déjàutilisées à raison de

50 %. Selon les cir¬

constances, nous de¬

vrions déjà pouvoirdisposer entre 1970 et1975 de nouvelles sour¬

ces d'énergie si nousvoulons éviter d'être

dans une trop largemesure tributaires de

l'étranger pour la cou¬verture de nos besoins

en énergie.

« En considérant ces

facteurs, la logiquenous amène à voir

dans les réacteurs nu¬

cléaires notre future

source d'énergie. Nouscontinuerons à dépen¬dre de l'étranger pourla livraison du combus¬

tible, mais en revan¬

che, les frais de trans¬port du combustible,qui actuellement pè¬sent lourdement sur

notre économie, se-

raient pratiquementsupprimés; en effet,une tonne d'uranium,

utilisée au maximum,

permet de produire au¬tant de chaleur quetrois millions de tonnes

de charbon dont le

transport des mines dela Ruhr à Zurich coû¬

terait à lui seul près de120 millions de francs

suisses (plus les frais d'emmagasinage).Grâce à cette économie des frais de

transport, nous pourrions alléger d'unefaçon appréciable notre balance des

paiements avec l'étranger. »

M. Jules Moch, prenant la paroledevant l'Assemblée générale des Na¬tions Unies, a déclaré :

... « Les considérations précédentes...commandent pourtant le sens des ef¬forts humains. Pour le relèvement -du

niveau de vie de la majorité sur¬

développée de l'humanité, comme pourle maintien et l'améliora¬

tion de celui de la mino¬

rité industrialisée, les

hommes doivent, dans

I I

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De la mine

d'uranium

au réacteur

atomique

LE CHERCHEUR D'OR

d'aujourd'hui. Aux U.S.A.un prospecteur d'uranium,muni d'un compteur Geiger,relève des éléments qui per¬mettront de dresser la carte

de la radioactivité de la ré¬

gion et de pousser les recher¬ches dans tel ou tel district.

(Photo Usis.)

d'assez brefs délais, exploiter de nou¬velles sources d'énergie. La réalisation

de cet objectif est, à terme, la condi¬tion même du progrès social.

« L'énergie atomique apporte-t-elleune solution de remplacement ? Théo¬

riquement, sans aucun doute... L'anni¬hilation totale d'un gramme de matière

quelconque de poussière dégagerait uneénergie équivalant sensiblement à lacombustion de 20 millions de tonnes de

charbon. Les besoins actuels de tous les

hommes deux milliards et demi de

tonnes de charbon seraient ainsi

couverts par l'annihilation chaqueannée, de 130 kilogrammes de matière...

« Mais nous ne savons pas annihilerentièrement une particule de matière

et peut-être nos descendants ne' lesauront-ils jamais. Le phénomène de lafission détruit moins du millième des

masses en contact; celui de la fusion,

s'il pouvait être provoqué sous formeralentie, en ferait disparaître moinsd'un centième, n faut donc soumettre

à la fission des masses mille fois supé¬rieures aux précédentes pour créer lamême énergie, c'est-à-dire raisonner en

tonnes et non pas en kilogrammes. Enfait, et toujours théoriquement, il seraitnécessaire de provoquer la fission de150 tonnes d'uranium 235, et non pasde 133 kilogrammes, pour produirel'équivalent énergétique de la combus¬tion de 2 milliards et demi de tonnes de

charbon.

« Mais si nous passions à la pratiquedans les conditions expérimentalesactuelles, nous constaterions que desraisons diverses obligeraient à utiliserdes quantités d'uranium beaucoup plusconsidérables que celles que je viensd'indiquer ; le prix de revient de l'opé¬ration serait à jamais prohibitif.

« Supposons donc que la fission seréalise industriellement dans un cer¬

tain nombre d'années et non pas au¬jourd'hui ; nous avons quelques annéesdevant nous... Supposons aussi qu'onutilise un procédé, encore au stade desessais le procédé du breeding. Sup¬posons encore que le rendement del'opération atteigne, toujours dans unnombre indéterminé d'années, 50 pour

PRÈS DE L'ÉTANG DE RELIEZ, dans le Puy-de-Dôme(centre de la France), tour d'extraction de minerais d'uraniumet départ du transporteur aérien. Pour 1954 les créditsd'équipement et de fonctionnement de la CE.A. se sont élevés

à I 0 milliards de francs. (Photos CE.A.)

//jp

UN CHANTIER DE MINERAI d'uranium, près de Limouzat

(Loire), exploité par la Direction de Recherches et Exploita¬tions Minières du Commissariat français à l'énergie atomique.La D.R.E.M. emploie à elle seule près de 1.400 personnes sur

les 3.3 50 attachées au Commissariat.

12

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Le Courrier. N" 12. 1954

100..., dans ces conditions, la réactiondevrait porter annuellement sur 300tonnes de matière. Mais, comme nous

ne pouvons envisager ce progrès destechniques que dans un certain nombred'années, nous devons raisonnablementprévoir pour la même époque un ac¬croissement des demandes d'énergie

supposons un doublement de la con¬sommation ; il faudrait alors disposerd'uranium naturel et de thorium au

rythme de 600 tonnes par an... Pourdoter tous les peuples de l'industriali¬sation américaine, la quantité néces¬saire serait de près de 4000 tonnes paran.

« S'agissant dans ce cas de matières

« Ainsi, l'énergie atomique apparaîtcomme aisément dispersable et trans¬

férable dans les régions privées d'au¬tres ressources. Cette dissémination

constituerait sans doute l'immense, pro¬

grès social futur, en mettant l'énergieà la portée de tous les peuples. A cetitre, les réacteurs portatifs déjà enconstruction en Amérique et connus

sous le nom expressif de power package(colis d'énergie), constituent une heu¬reuse anticipation de la prolétarisationinternationale de la puissance disponi¬ble pour les hommes.

« Reste un écueil, d'ailleurs sérieux :

les prix de revient de la forme nouvelle

QUAND LA RI¬CHESSE des gise¬ments, le permet,on installe sur placeune usine où le

minerai d'uranium

est enrichi avant

son transport àl'usine où on le

transformera en

uranium métal. Ain¬

si, à Lachaux (dansle Puy-de-Dôme),un système de la¬veurs permet deséparer les parti¬cules lourdes, cons¬

tituées en majeure

partie de composésd'uranium, des im¬

puretés provenantde la gangue.

M.JULES MOCH,délégué de la Franceà la Commission du

désarmement des

Nations Unies, apris

une part très ac¬tive aux discus¬

sions sur l'utilisa¬

tion pacifique del'énergie atomique.(Photo ONU.)

charbon est de l'ordre de 0,4 cent lekilowatt-heure. Le prix moyen pour

tout le pays est de 0,5 à 0,6 cent si l'onen croit une étude du professeur

Weinberg de mai 1953. En Angleterre,le prix de revient du courant à la mêmeépoque était de 0,8 cent et le prix devente à l'industrie atteignait 1,1 à 1,3cent. Je me garderai de donner leschiffres français, nous sommes tropdéfavorisés en matière de prix de

l'énergie.

« Or, toujours à la même époque, onespérait pouvoir atteindre dans unavenir assez proche un prix de revientde 0,8 cent par kilowatt-heure pourl'énergie atomique. Si de tels projets seréalisent conformément aux espoirs de

leurs auteurs, on peut supposer quel'énergie atomique concurrencera assezrapidement l'énergie classique, mêmedans les pays où celle-ci est à bonmarché.

fertiles (1) pour la plus grande partie,ces chiffres peuvent aisément être at¬teints, mais le procédé technique resteà mettre au point. C'est pourquoi lagénéralisation de l'énergie atomiquepar ce procédé encore inexploité nepourra s'effectuer que très progressive¬ment. Donc, gardons-nous de trop ra¬pides espoirs.

« Par contre et... je crois que noussommes ici au c du sujet onmesure immédiatement l'avantage de

ce procédé pour les régions insuffisam¬ment développées du globe. Les 600 ton¬nes d'uranium précédemment envisa¬gées, qui correspondent à un double¬ment de la consommation actuelle de

combustible, correspondent à 5 mil¬liards de tonnes de charbon et, avec

un rendement moyen de métal de

1 pour 100, ces 600 tonnes d'uraniumnécessitent l'extraction de 60.000 ton¬

nes de minerais au lieu de 5 milliards

de tonnes de houille, c'est-à-dire untonnage 80.000 fois inférieur à celui dela houille dé même valeur énergétique.

« Le passage de l'ère thermique ouélectrique à l'ère atomique se traduiradonc par des réductions, dans le rap¬port de 80.000 à 1, du poids de matièresà extraire et par une réduction encore100 fois supérieure donc dans le rap¬port de 8 millions à 1, du poids ducombustible à transporter de la mineau lieu d'emploi.

(1) C'est-à-dire devenant fissiles par bombar¬dement neutronique, comme l'uranium 238 quiest, de beaucoup, le plus répandu dans lanature, ou le thorium.

A PARTIR DES

MINERAIS d'ura¬

nium recelés parle sous-sol : phos¬phates, oxydes mê¬lés à une ganguerocheuse, l'Usine du

Bouchet (à 40 km.de Paris) élabore del'uranium pur parréduction d'un de

ses sels par le cal¬cium métallique.L'uranium ainsi

élaboré est assez

pur pour être uti¬lisé directement

dans un réacteur

atomique. On voitici la flamme déga¬

gée lors de la réduc¬tion chimique. (Pho¬tos C.E.A.)

d'énergie. Il est certes imprudent dejouer au prophète. Nous ignorons ceque sera le coût de la production del'énergie atomique dans de grandescentrales utilisant à la fois des matiè¬res fertiles et des matières fissiles.Nous ignorons tout autant à quel pointla raréfaction progressive du charbonet l'épuisement des nappes pétrolifèresrelèveront les prix des énergies classi¬ques. La comparaison des donnéesfutures reste impossible et nous devonsnous limiter aux données actuelles, ensachant qu'elles ne seront pas celles dedemain, et moins encore celles d'après-demain.

« Aujourd'hui, l'énergie produite parles grandes centrales américaines au

« A plus forte raison, ses facilités detransport... lui donneront cette rarevertu de se vendre partout à peu prèsaux mêmes prix. Elle s'imposera doncdans les pays à ressources énergétiquesclassiques rares et coûteuses, c'est-à-dire dans les régions sous-développéesdu globe. Peut-être même une organi¬sation internationale inspirée par unsentiment de solidarité humaine pour¬

rait-elle faire réserver une certaine

priorité à ces régions.

« Mais, même si se confirmait lecaractère concurrentiel de l'énergie

atomique, il n'en demeurerait pasmoins que le passage de l'ère classiqueà l'ère atomique sera progressif etlong. »

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GOMMENT LES NATIONS VONT COOPERER

Nicolas van Kleffens, Pré¬

sident de l'Assemblée

générale de l'O.N.U.

Le monde entier se réjouira de notre décision», a déclaré, le 4 décembre dernier,M. Eelco N. van Kleffens, président de l'Assemblée générale de l'Organisationdes Nations Unies. L'ère atomique venait en effet d'entrer dans une phase nouvelle

et riche de promesses.

La Conférence générale de l'Unesco, réunie à la même époque à Montevideo,était saisie de propositions émanant de l'Inde, de la France et du Japon, tendant à luifaire entreprendre des études sur l'énergie atomique, les isotopes et les effets des radia¬tions. Elle a attendu, pour prendre une décision à cet égard, que l'Organisation desNations Unies eût pris la sienne, puis elle a adopté un programme en harmonie aveccette dernière. « C'est là une question d'une importance capitale», a dit le directeurgénéral de l'Unesco, M. Luther Evans, « et l'Unesco doit se montrer à la hauteurdes circonstances. »

La décision prise par les Nations Unies et les débats qui l'ont précédée ont étéexposés en détail au début du présent numéro. Voici les principales caractéristiquesdes projets adoptés par l'ONU et par l'Unesco, véritable plan de travail pour lesnations qui vont coopérer à cette grande tâche.

NATIONS UNIES UNESCO

L'Agence internationale de l'énergie atomique Coopération dans le domaine de la recherche

Elle sera organisée par voie de négociations entre les sept paysqui ont patronné la résolution des Nations Unies, à savoir : l'Austra¬lie, la Belgique, le Canada, les Etats-Unis d'Amérique, la France, laGrande-Bretagne et l'Union Sud-Africaine; les autres pays pourrontd'ailleurs, s'ils le désirent, participer à ces délibérations. Tous lesEtats qui sont membres des Nations Unies ou de l'une des institutionsspécialisées pourront faire partie de la nouvelle institution qui,comme celles qui existent déjà Organisation pour l'Alimentationet l'Agriculture à Rome, Organisation mondiale de la Santé à Genève,Unesco à Paris sera financée par ses Etats membres. Une fois créée,elle négociera avec l'Organisation des Nations Unies un accordapproprié et deviendra sans doute ainsi l'une des Institutions spé¬cialisées.

Dans l'esprit de l'Assemblée générale, c'est à cette Agence qu'ilappartiendra de répartir les matières premières fissiles, autrement ditgénératrices d'énergie atomique; en outre, elle étudiera et superviseral'utilisation mondiale de l'énergie atomique à des fins industrielles,et celle des matières atomiques et des isotopes à des fins de rechercheet d'application scientifiques. Peut-être s'occupera-t-el!e également dela formation de spécialistes de la science nucléaire. Elle travaillera enliaison avec les commissions de l'énergie atomique des Etats membres,avec le Centre européen pour la recherche nucléaire et avec lesinstitutions spécialisées des Nations Unies.

La Conférence internationale sur l'utilisation

pacifique de l'énergie atomique

Le secrétaire général des Nations Unies réunira une conférenceinternationale, au plus tard en août 1955, « pour rechercher lesmoyens de développer, grâce à la coopération internationale, lesutilisations de l'énergie atomique à des fins pacifiques et, en particu¬lier, pour étudier le développement de la production de l'énergieatomique et pour examiner d'autres domaines techniques tels queceux de la biologie et de la médecine, de la protection contre lesradiations, ainsi que de la science pure dans lesquels la coopéra¬tion internationale peut être réalisée avec le plus d'efficacité ». Uncomité composé de représentants du Brésil, du Canada, des Etats-Unis d'Amérique, de la France, de l'Inde, du Royaume-Uni et del'Union des Républiques soviétiques socialistes a choisi le lieu de 'réunion de cette conférence (Genève), il dresse la liste des invitationset établit un ordre du jour détaillé. Les institutions spécialisées,notamment la F.A.O., l'O.M.S. et l'Unesco, sont consultées au sujet dela préparation de cette conférence et elles y sont représentées.

La Conférence étudiera les problèmes extrêmement variés que sou¬lève ce nouvel aspect de la science, y compris ceux dont traitent lesarticles qui constituent le présent numéro du Courrier. Il se peutqu'elle examine le rôle et les fonctions de l'Agence internationale del'énergie atomique; mais il n'est pas indispensable d'attendre lerapport de la Conférence pour créer cette Agence et divers paysdésirent vivement procéder à cette création avant le mois d'août.

L'Unesco est l'Agence spécialisée responsable de l'établissement dela coopération internationale dans le domaine de la science, notam¬ment en ce qui concerne la recherche, la formation de spécialistes etla diffusion des connaissances scientifiques. L'Unesco, à qui l'on doitdéjà la création du Centre européen pour la recherche nucléaire,apportera son concours à la préparation des travaux proprement scien¬tifiques de la Conférence internationale. Elle collaborera avec lesinstitutions spécialisées des Nations Unies, telles que l'O.M.S. dansl'étude de certaines questions techniques et continuera à examiner lesmoyens de faciliter la coopération scientifique internationale dans cesdomaines, notamment en ce qui concerne l'utilisation des radio-isotopes dans la recherche et l'industrie. Elle pourra être appelée àétablir des rapports préliminaires sur certaines questions scientifiquesayant une importance capitale à la fois pour la Conférence et pourl'Agence de l'énergie atomique, et se tiendra prête à mettre en .uvreles recommandations de la Conférence touchant la recherche.

Formation scientifique

La Conférence et l'Agence internationale de l'énergie atomique sti¬muleront sans aucun doute l'enseignement des sciences et la forma¬tion technique dans de nombreuses parties du monde. Même les paysindustrialisés souffrent déjà, aujourd'hui, d'une grave pénurie de maî¬tres qualifiés pour l'enseignement des sciences. Le brusque avènementd'une ère atomique suscitera dans presque tous les pays des besoinsexceptionnels en ce qui concerne la formation professionnelle, l'en¬seignement des sciences dans les écoles secondaires et les cours spé¬cialisés des universités. L'Unesco développera ses services dans cesdomaines, notamment en faveur des pays insuffisamment développés.Elle organisera, en 1955, à l'intention des éducateurs de l'Asie du Sud,un stage d'études sur l'enseignement des sciences et, en 1956, dansle Moyen-Orient, une autre conférence du même genre sur la for¬mation professionnelle. Elle préparera en outre des manuels et desauxiliaires visuels qui aideront à présenter aux élèves des écoles lesfaits et notions qui concernent l'énergie atomique.

Education du public

Pour faire accepter les dépenses considérables que l'utilisation del'énergie atomique imposera au Trésor de nombreux pays, on aurabesoin de l'appui d'une opinion publique éclairée. Il faudra égalementque la population soit suffisamment instruite pour pouvoir appliquerutilement dans l'agriculture, la médecine et l'industrie, les résultatsdes recherches atomiques. Par-dessus tout, les conséquences écono¬miques et sociales de la transformation radicale que sont appelés àconnaître à très bref délai, sous l'effet de l'énergie atomique, lespays qui n'ont pas encore subi l'influence de la technologie, exigentune grande prévoyance de la part des gouvernements. L'atome nepourra devenir l'ami des hommes que lorsqu'il sera partout compriset bien accueilli. Aussi l'Unesco consacrera-t-elle à la compréhensionde la science par le grand public deux conférences, auxquelles par¬ticiperont des associations scientifiques de divers pays, des écrivainsscientifiques et des professeurs de science. La première de ces confé¬rences aura lieu en Europe en 1955, l'autre en Amérique en 1956.

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Le Courrier. N° 12. 1954

Une tâche

urgente :

Former les

teohniciens

de l'ère

nuoléaireLA CLASSE NUCLEAIRE au Laboratoire National

d'Oak Ridge (U.S.A.). Un instructeur expliqueaux étudiants (photo du haut) les caractéristiquesdu réacteur à graphite, construit il y a dix ans.Depuis I 948, plus de mille savants, technicienset ingénieurs des U.S.A. et d'autres pays ontsuivi, à Oak Ridge, des cours sur l'utilisationde l'énergie atomique à des fins pacifiques.Grâce au modèle réduit du même réacteur

(photo du bas), le public s'initie à la productionde l'énergie atomique et des isotopes radio¬actifs, essentiels pour l'industrie, la médecineet l'agriculture. Le schéma (en bas à droite)montre les détails du réacteur : (I) Barre decontrôle en acier au bore (2) Longues pinces degraphite (3) Réseau constitué par le modérateuren graphite et les lingots d'uranium. C'est làque se place la réaction en chaîne. (4) Ici sontintroduites les matières à irradier. Trous pourles tubes d'aluminium (6) Tubes d'aluminiumcontenant l'uranium (7) Modérateur en graphite(8) Ascenseur (9) Réflecteur en graphite (10)Ici circule l'air qui sert à refroidir la pile (I I)Ecran protecteur en plomb (12) Enlèvement destubes en aluminium contenant les radio-Isotopes(13) Ecran protecteur en béton. (Photos Usis).

15

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M. Paul Marticanadien à IGénérale de

Lorsqu'on examine de plus près leprojet des Nations Unies relatif àl'utilisation de l'énergie atomique,on en mesure mieux l'ampleur etla complexité. Il porte en lui lapromesse de grands et authenti¬

ques bienfaits, voire, pour bien despays, celle d'une profonde transforma¬tion sociale. Mais il ne s'agit pas seu¬lement de répartir les matières fissilesni de construire des génératrices ato¬miques. Il faut que de nombreux techni¬ciens de nationalités très diverses

soient capables de comprendre et demanier ces forces nouvelles, qu'ilsconnaissent à fond les principes de lascience atomique, ainsi que ses déli¬cates et dangereuses appli¬cations. Or, en fait, parsuite de la guerre et dusecret qui entoure depuislongtemps les recherches, ily a peu de pays quiaient, dans ce domaine, desconnaissances suffisantes ;la plupart ne savent rien,ou presque rien. De touteévidence, avant de pouvoirpasser aux opérations detechnique industrielle et deproduction, les pays quiparticiperont à l'action en¬visagée auront besoin d'unepériode de formation etd'éducation intensives. Plu¬

sieurs années d'instruction

préparatoire seront sans doute néces¬saires.

Dès les premiers débats consacrés àla question par les Nations Unies,M. Paul Martin, délégué canadien, ainsisté sur ce point. Il a déclaré :

« ...Le Gouvernement canadien est

d'avis que c'est en matière de rensei¬gnements et de cours de formation queles besoins sont les plus immédiats, etqu'il faut diffuser les connaissancestechniques qu'exige l'utilisation del'énergie atomique à des fins pacifiques.

« Pour l'instant, il serait déraisonna¬ble de s'imaginer fie, «i Trence ¿taitcréée d'ici un an, elle serait en mesure,peu de temps après, d'exporter desréacteurs générateurs d'énergie. On n'apas encore réussi à construire le pre¬mier réacteur pratiquementexploitable du point de vueéconomique. Il faut bien lepréciser afin de prévenir deserreurs qui seraient causede déceptions. Le Gouver¬nement canadien espèrenéanmoins que l'organismeenvisagé aidera les autrespays qui participeront auprogramme à installer leurspropres réacteurs expéri¬mentaux et à s'associer aux

Etats qui en possèdent déjàafin de parvenir à produireéconomiquement de l'éner¬gie atomique et à réaliserles autres applications,connues ou éventuelles, del'énergie atomique à desfiques.

« Pour construire des réacteurs et

pour procéder à des études dans ce do¬maine, il faut non seulement disposerdes renseignements techniques voulus,mais il faut encore avoir des savants,des ingénieurs et des techniciens habi¬tués à se servir de ces instruments de

recherche et à interpréter les résultatsobtenus. L'organisme envisagé devraitfaciliter les échanges de renseignementsrelatifs à l'utilisation pacifique del'énergie atomique, et la conclusiond'accords entre les pays qui désirentinstaller des réacteurs expérimentauxafin de donner la formation nécessaire

à leurs techniciens. Il devrait favoriser

n, déléguéAssemblée

l'ONU.

M. Henry Cabot Lodge Jr.,délégué permanent desU.S.A. auprès de l'ONU.

fins paci-

les recherches et les progrès sur leplan mondial et être en mesure defournir les matériaux nucléaires néces¬

saires. Le Canada pourrait éventuelle¬ment fournir non seulement des ren¬

seignements, mais aussi des matièrespremières et des matières fissiles. »

Les Etats-Unis avaient prévu ces be¬soins. Aussi, M. Henry Cabot Lodge,délégué permanent des U.S.A. auprèsde l'Assemblée générale, a-t-il exposéce que son pays était disposé à faire en1955, sans même attendre la créationde la nouvelle institution internatio¬nale. Il a dit notamment :

« En premier lieu, les Etats se pro¬posent de créer, au débutde 1955, une école de for¬mation pour l'emploi desréacteurs, dont les pro¬grammes porteront, nonseulement sur la théorie de

l'énergie atomique, maisaussi sur son application.Les Etats-Unis se préparentà inviter trente à cinquantesavants et ingénieurs étran¬gers qui étudieront de façonpratique la technique desréacteurs et qui acquerrontainsi les connaissances

scientifiques et industriellesqu'ils doivent avoirnon seu¬lement pour comprendre lathéorie, mais aussi pour

être parfaitement au courant du fonc¬tionnement des réacteurs...

« En deuxième lieu, puisque les mem¬bres de ce groupe s'occuperont d'uneforme d'énergie qui est à la fois undanger et une promesse, il faudra, touten les initiant à la production del'énergie atomique, leur donner descours spéciaux sur la médecine et lesmesures de protection contre les radia¬tions. C'est pourquoi les cours suivants,organisés sous les auspices de la Com¬mission de l'énergie atomique desEtats-Unis, pourront être suivis par desélèves venant de tous les pays : médecineappliquée aux industries qui utilisentdes matières fissiles; hygiène appliquéeaux industries qui utilisent des matièresatomiques dangereuses; enfin, physique

radiologique, théorie et uti¬lisation des installations de

radiologie.« En troisième lieu, pen¬

dant un an ou deux, deuxhôpitaux et un laboratoiredonneront des cours sur

l'application de l'énergieatomique à la médecine età la biologie ; cinq à dixétudiants étrangers pour¬ront suivre chaque cours.En outre, puisque la luttecontre le cancer est si im¬

portante et que d'autrespays ont fait tant de pro¬grès, les Etats-Unis sontdisposés à inviter jusqu'àcent cinquante spécialistes

étrangers à faire en 1955 un voyaged'études pour visiter les services de re¬cherches qui fonctionnent sur leurterritoire.

« En quatrième lieu, la Commissionde l'énergie atomique des Etats-Unis estdisposée à faire bénéficier des techni¬ciens étrangers de cours spéciaux surles façons de se servir des isotopes ra¬dio actifs comme radio-éléments tra¬

ceurs, ces cours devant commencer audébut de 1955.

« Avec les cours de formation quel'on envisage de mettre surpied, plus de deux cent cin¬quante spécialistes étran¬gers pourront s'initier aux

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Le Courrier. N" 12. 1954

LA LEÇON DE SCIENCE ATOMIQUEAU LABORATOIRE DE BIOLOGIE

L'une des applications les plusfrappantes de l'énergie atomiqueà la vie quotidienne et pacifiquedes hommes est l'emploi desisotopes radioactifs. En biolo¬gie, les expériences poursuiviesdans ce domaine permettentnon seulement de faire pro¬gresser la science à pas de géantmais aussi de donner aux étu¬

diants de nombreux pays l'occa¬sion d'acquérir une formationtechnique moderne. Voici, auService de recherches biologi¬ques de l'Argonne National La¬boratory (USA) la radio d'unesouris (à gauche en haut), mon¬trant un cancer localisé dans la

seconde vertèbre lombaire. Cet¬

te opération fait partie d'unensemble d'expériences desti¬nées à déterminer l'intensité

avec laquelle différents isotopesradioactifs peuvent provoquer l'apparition decancers, ou autres maladies, quand ils sontabsorbés en dose suffisante. Le détecteur uti¬

lisé ici est le Strontium 90. De même au

Brookhaven Laboratory (USA) les étudiantspeuvent suivre l'examen (en haut à droite)des phénomènes de la nutrition et des maladiesde l'appareil digestif, qui se poursuit grâce àl'injection de traceurs radioactifs. Injectésdirectement ou mélangés aux aliments, ces

traceurs permettent de suivre dans le corpsde l'animal les processus chimiques les pluscomplexes. A l'Institut du Radium de Paris (àgauche en bas) on procède à l'enregistrementde la concentration sanguine en carbone (C I 4)sur la souris vivante. Après injection de rimi-fon marqué (radioactif), on examine les excré¬ments de l'animal. Le tableau ci-dessous sché¬

matise l'expérience d'une injection de sub¬stance organique radioactive : stéride. (USIS)

CARBONE RADIOACTIF - C 14

POUR ÉTUDIER CE QUÉ DEVIENNENT LÉS STÉRIDÉS MARQUÉS

INJECTION DE STÉRIDEMARQUÉ MESURE DE LA

RADIOACTIVITÉ DES

ÉCHANTILLONS DE

TISSUS PRÉLEVÉS,

SOURIS NORMALE SOURIS CANCÉREUSE

INDIQUE:1° LA QUANTITÉ DE STÉRIDÉS ABSORBÉE PAR DIVERS ORGANES

2° CE QUE DEVIENNENT LES STÉRIDÉS DANS CHAQUE ANIMAL

3° LES RAISONS DES DIFFÉRENCES OBSERVÉES DUES A LA MALADIE

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Une bibliothèque nucléaire de 700.000 pages

(Suite de la page 16)

principes essentiels de la théorie et dela pratique pendant les douze à quinzeprochains mois. Si cette formation nedoit être donnée qu'à un nombre limitéde personnes, ce n'est pas parce que lesEtats-Unis veulent restreindre la dif¬

fusion de ces techniques, mais parceque les installations actuelles ne per¬mettent pas de former de façon satis¬faisante un plus grand nombre d'obser¬vateurs, d'étudiants et de stagiaires.

Les ingénieurs retournentà l'école (des réacteurs)

La question de la documentationécrite concernant l'énereie ato¬

mique est liée à ce programme.Les Etats-Unis pensent que, dès le dé¬but, l'agence internationale organiserades échanges de renseignements et deservices. Les Etats-Unis, où l'on a pu¬blié plus de 20.000 ouvrages, soit plusde 700.000 pages sur l'énergie atomique,ont constitué dix collections complètesde ces documents qu'ils sont prêts àoffrir aux principales bibliothèquestechniques des nations participantes.Ils sont également disposés à fournirdes séries complètes de fiches réperto¬riées et de revues

am éricaines

parues au cours

des sept derniè¬res années, oùsont analysés

50.000 ouvrages ou rapports scientifi¬ques et techniques publiés dans tousles pays.

« Outre la formation de techniciens

et la publication d'ouvrages, il resteune troisième étape qui concerne larecherche et le développement. Il fautétendre les applications pratiques del'atome à la médecine, à l'agricultureet aux autres branches d'activité paci¬fique, notamment en ce qui concernela production finale d'énergie. »

Ces projets de formation techniquedoivent être réalisés en 1955, sans at¬tendre la création de l'agence interna¬tionale de l'énergie atomique, ni mêmela réunion de la conférence scientifiquedes Nations Unies. Ils visent à gagnerau moins un an dans l'exécution du

programme de développement. Ils de¬vraient permettre de former un petitnombre d'experts jouissant d'une auto¬rité qui leur permette, à leur retourdans leur pays d'origine, de nouveauxprogrès. Le jour où l'institution inter¬nationale sera créée, elle pourra assu¬mer elle-même l'exécution de ce pro¬gramme de formation technique, ainsique l'a proposé la délégation cana¬dienne.

Mais à la base de cette proposition, ily a un postulat : c'est que de nombreux

ENRICO FERMI

MAITRE IN¬

COMPARABLE

Le Professeur Enrico

Fermi, mort récem¬

ment à Chicago, étaitun de ces hommes

dont l'histoire offre

seulement de rares

exemples, qui allientaux dons de théori¬

ciens ceux d'expéri¬mentateurs. Célèbre

surtout parce qu'il adécouvert la radio¬

activité artificielle

provoquée par lesneutrons, parce qu'ila créé la Statistiquede Fermi, parce qu'ila construit la pre¬mière pile atomique,Enrico Fermi a égale¬ment été un maître

incomparable. Il a for¬mé toute l'école mo¬

derne des physiciensitaliens et a poursuiviaux Etats-Unis son

rôle d'éducateur. Il

laisse derrière lui une

génération d'élèvesbrillants qui enrichis¬sent la science dans

tous les continents.

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pays disposent d'hommes compétents,ayant déià un certain fond de connais¬sances techniques, scientifiques ou mé¬dicales, et aptes à recevoir cette for¬mation spécialisée. Dans l'avenir, il enfaudra bien plus encore. Il s'ensuitqu'il faut augmenter assez fortement lenombre de ceux qui, dans leur paysd'origine, étudient les sciences fonda¬mentales, ou les principes et la pra¬tique des techniques industrielles. Ils'ensuit également que, dans nombrede pays, les Facultés des sciences desuniversités et les écoles d'ingénieursdoivent se préparer en vue de l'époqueoù l'on aura besoin de milliers de spé¬cialistes pourvus d'une formationscientifique et technique.

C'est ainsi qu'au Centre atomique deHarwell, en Angleterre, l'Ecole desRéacteurs forme des experts de l'âgeatomique, notamment des ingénieursse spécialisant dans l'utilisation del'énergie nucléaire à des fins indus¬trielles. Dans le même établissement,l'Ecole des Isotopes forme des étudiantsvenus des hôpitaux, des universités oude l'industrie pour se familiariser avecle maniement des produits radioactifs.En France, au Centre de Saclay (prèsde Paris), a été donné le 3 janvier 1955,le premier d'une série de cours destinésà la formation d'ingénieurs en réac¬teurs nucléaires. Par ailleurs seront

créées d'ici peu des chaires de physiquenucléaire dans plusieurs universitésfrançaises.

Améliorer le secondaire

avant le supérieur

Le Département des sciences exac¬tes de l'Unesco s'occupe déjà defaire progresser l'enseignement

des sciences et des techniques indus¬trielles dans les universités, et l'amélio¬ration de cet enseignement tient unegrande place dans le programme d'as¬sistance technique. Cette aide devraitpermettre d'agrandir les universités etécoles d'ingénieurs et de créer de nou-waux établissements dans tous les pay?dont la science atomique est appelée àtransformer l'existence.

' Il est fréquent, en outre, que les uni¬versités et écoles d'ingénieurs, malgréla qualité de leur personnel et de leurmatériel, souffrent de l'insuffisance del'enseignement scientifique dispensédans les écoles secondaires. Les exi¬

gences des programmes relatifs à l'uti¬lisation, de l'énergie atomique aurontdonc des répercussions certaines sur lesprogrammes d'enseignement général, etfavoriseront une rénovation profondede l'enseignement scientifique au ni¬veau secondaire. A cet égard encore, ilappartient à l'Unesco de prévoir les be¬soins futurs et de stimuler les progrèsde l'enseignement scientifique donnédans les établissements du second de¬

gré. La Conférence générale del'Unesco, réunie à Montevideo en no¬vembre et décembre 1954, a adopté ceplan d'action, et le Département dessciences exactes et naturelles comprendmaintenant une nouvelle section spé¬cialement chargée de l'enseignementscientifique.

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Le Courrier. N" 12. 1954

DERRIÈRE UN EPAIS BLINDAGE

FORTERESSE ?

Non : le réacteur de

recherche Raleigh,en construction au

North Carolina

State College(U.S.A.). Le labora¬toire sera installé

dans la base octo¬

gonale, dont les cô¬tés se trouvent à

8 m. du réacteur.

Le réacteur propre¬ment dit s'élève à

4 mètres au-dessus

du sol et contient

un noyau centralsphérique de 33centimètres envi¬

ron de diamètre

(Photo USIS.)

Le four atomiqueChacun sait que la matière est

composée de particules (atomes),qui sont les plus petits composants

des éléments chimiques. Avant la décou¬verte du radium, l'atome était consi¬déré comme indestructible et immuable.

Le radium a fourni les premières don¬nées relatives à la structure interne de

l'édifice atomique; incidemment, sonétude a permis de découvrir le proces¬sus de la séparation des constituantsdu noyau de l'atome, phénomène parlequel le noyau est amené à se frac¬tionner en ses constituants, à en per¬dre certains, à en capter d'autres,permettant ainsi la synthèse d'atomesnouveaux n'existant pas dans la nature.Ce processus est maintenant connusous le nom plus exact de « fission », etles atomes qui sont relativement facilesà désintégrer comme c'est le cas dansla bombe atomique sont appelés« fissiles ».

L'appareil complexe où se produit lafission, génératrice d'énergie et produc¬trice d'éléments nouveaux, était appeléà l'origine « pile », parce qu'en fait,il s'agit d'une pile de barres d'uraniumet de blocs de graphite. On l'appelleplus proprement « réacteur », ou toutsimplement « four atomique ». L'éner¬gie est produite par le combustible ato¬mique, bien qu'il n'y ait évidemment niflamme, ni combustion au sens propre.

Le noyau, qui contient toute la « ma¬tière » de l'atome n'occupe qu'un mil¬lième de millionième de millionième du

volume de celui-ci, soit un volume rela¬tivement moindre que celui qu'occupele soleil dans l'ensemble du systèmesolaire. Dans ces conditions, la densitéde ce noyau doit être un milliard demillions de fois supérieure à celle descorps ordinaires. Elle est telle qu'unnoyau qui aurait les dimensions d'unegoutte d'eau pèserait deux millions detonnes.

Autre sujet d'étonnement : l'énergieatteint à une concentration du même

ordre. Dans le volume extrêmement

réduit du noyau atomique, agissent desforces nouvelles qui assurent la cohé¬sion de la masse. La cohésion dé la

terre est maintenue par la gravitation;la force qui maintient la cohésion dunoyau est infiniment supérieure à lagravitation. Il n'y a pas de mot pourl'exprimer; elle est égale à la force degravitation multipliée par le nombre 1,suivi de 37 zéros. La gravitation, quimaintient les planètes dans leur orbiteet les étoiles dans leur position céleste,n'intervient pas dans le cas du noyau,atomique.

C'est le noyau qui, en explosant aumoment de la fission, émet des radia¬tions radioactives; c'est lui qui secombine avec d'autres noyaux pourproduire la chaleur du soleil; c'est luiqui fournira l'énergie de ce que nousappelons l'ère atomique. C'est grace àl'exploration du noyau et à l'exploita¬tion partielle des forces qu'il recèle quela science a pu, au cours des dernièresannées, doubler et améliorer considéra¬blement la radioactivité de certains

corps par rapport à celle du radium et",dépassant le rêve des alchimistes dûmoyen âge, transmuter un élémentchimique en un autre.

De même que les atomes des élé-

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ments chimiques se combinent pourformer les molécules des corps compo¬sés, de même des particules plus pe¬tites se combinent pour constituer lesdifférents noyaux atomiques. Trois ca¬tégories de particules élémentaires doi¬vent être décrites brièvement ici : leproton, le neutron et l'électron. Lesélectrons sont les « grains d'électri¬cité » bien connus qui, par millions,passent dans les fils conducteurs pourformer le courant électrique. Ils ontou plus exactement ils « sont » unecharge d'électricité négative, ce qui re¬vient à dire que toute électricité est« négative ».

Le proton nous est moins familier. Ilest près de deux mille fois plus lourdque l'électron. Il est incontestablementde la « matière » plutôt que de l'élec¬tricité. En fait, il est, pour une raisonquelconque, chargé d'électricité posi¬tive, comme s'il avait perdu un élec¬tron négatif. Tous les noyaux atomiquessont constitués principalement par descombinaisons de protons. Mais le pro¬ton peut avoir aussi une existence pro¬pre : il constitue à lui seul tout le

noyau de l'atome d'hydro¬gène, le plus simple et leplus léger de tous lesatomes.

UNE REACTION

EN CHAINE s'a¬

morce avec la dés¬

intégration d'unatome d'uranium

235 ou de pluto¬nium. La fission li¬

bère une énorme

énergie et plusieursneutrons se trou¬

vent éjectés. Ceux-ci heurtent à leur

tour d'autres ato¬

mes d'uranium 235

ou de plutoniumet les désintègrent.

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Le réacteur : une bombe à retardement

il y a

A la surface de l'atome d'hydrogène,vibre et danse, suivant une orbite d'unegrande complexité mathématique, unelectron unique. C'est lui qui confère àcet atome ses propriétés chimiques etqui lui permet de se combiner avecd'autres atomes pour former des molé¬cules, par exemple avec l'oxygène pourformer l'eau. Mais au centre de l'atome

d'hydrogène se trouve la masse concen¬trée du noyau, le proton, dont la chargepositive neutralise la charge négativede l'électron, relativement éloigné.

Les autres noyaux atomiques sonttous plus com¬plexes et pluslourds que celuide l'hydrogène, etcontiennent tous,outre des protons,des neutrons. Le

neutron est pres¬que identique auproton, il a pres¬que exactement lemême poids, maisil est électrique¬ment neutre. La

présence de neu¬trons a pour ef¬fet d'augmenterla masse et le poids du noyau atomique,mais n'affecte pas sa charge positive

Les protons, les neutrons et les élec¬trons sont les composants essentiels detous les noyaux atomiques; il s'y ajoutedes positrons, des mésons et d'autresparticules qu'il n'est pas nécessaire dedécrire ici. Les particules nucléaires lesplus connues sont constituées par diffé¬rentes combinaisons de protons et deneutrons. La « particule alpha », émisepar le radium, est connue depuis long¬temps; elle est composée de deux pro¬tons et de deux neutrons et possèdedonc deux charges positives. La « par¬ticule alpha », lorsqu'elle est émise parle radium, capte rapidement deux élec¬trons libres et se transforme en un

atome d'hélium. Cette particule est eneffet identique au noyau de l'hélium, etl'adjonction de deux électrons périphé¬riques fait d'elle un atome neutrecomplet.

*

Un autre groupe stable est forméd'un proton et d'un neutron; ilpossède par conséquent une seule

charge positive. Ce groupe intervientdans beaucoup de réactions nucléaires;on l'appelle le deuton. Lorsqu'il capteun électron, qui décrit une orbite au¬tour de lui, il forme un atome iden¬tique à celui de l'hydrogène quant auxpropriétés chimiques, mais deux foisplus lourd car son noyau comprend, enplus d'un proton, un neutron. C'est ledeuterium, « isotope » de l'hydrogène,dit « hydrogène lourd ». Lorsqu'oncombine chimiquement deux atomes dedeuterium avec un atome d'oxygène,on obtient « l'eau lourde ».

L'atome le plus simple et le plus légercelui de l'hydrogène ne comprend

qu'un proton. Mais il existe 92 élémentschimiques simples, et les noyaux ato¬miques des 91 éléments autres quel'hydrogène sont tous composés d'unnombre de protons et de neutrons su¬périeur à 1. L'atome le plus lourd et leplus complexe est celui de l'uranium,dont le noyau est formé de 92 protonset 146 neutrons, soit au total 238 parti-

Une science qui

n existait pas

dix ans

cules. Mais il existe aussi d'autres va¬

riétés d'uranium, représentant d'autrescombinaisons : ces variétés possèdent141, 143 ou 147 neutrons Mais ellesont toutes 92 protons, et présentent parconséquent les mêmes propriétés chi¬miques. Le poids de l'atome étant lasomme du poids des protons et de celuides neutrons, ces trois variétés d'ura¬nium ont pour poids atomique respec¬tivement 233, 235 et 239. Ces variétésd'atomes qui ont les mêmes composantset les mêmes propriétés chimiques,mais qui diffèrent par leur poids et par

le nombre des

neutrons, sontappelées isotopes.

La plupart desisotopes parais¬sent soumis à une

sorte de « ten¬

sion » et se dé-

sintègrent enomettant des par¬ticules et des ra¬

diations diverses.

On les appelle lesisotopes radioac¬tifs.

Les isotopesnaturellement radioactifs sont connus

depuis longtemps, principalement grâceà leurs radiations caractéristiques. Enoutre, si l'on bombarde l'un quelconquedes 92 corps simples avec des protonsanimés d'une grande vitesse, dans ungrand cyclotron moderne ou avec desneutrons, dans un réacteur atomique,on ajoute bu on enlève des neutronsau noyau de l'atome, transformantainsi ce corps en l'un de ses isotopes,dont quelques-uns sont stables, maisdont la plupart sont radioactifs. C'estainsi que l'on connaît maintenantdes isotopes de tous les éléments chi¬miques, ce qui représente au totalplus de mille variétés atomiques dif¬férentes. En fait, on a pu ajouterdes neutrons et des protons au noyaude l'uranium, créant ainsi six élémentsabsolument nouveaux, dont le dernieren date est le n° 98 : le Californium.

Le plutonium, qui est le principal ex¬plosif atomique, a été l'un des premierséléments ainsi créés par l'homme. Onne le trouve pas dans la nature.

La variété

d'uranium dite

uranium 235

(d'après le poidsatomique) se dé¬sintègre sponta¬nément sous le

choc d'un neu¬

tron qui peutprovenir de l'es-p a c e extra-ter¬restre sous la

forme d'un rayoncosmique libé¬rant quelques-unsde ses propresneutrons. Lorsqu'un des neutrons ainsilibérés rencontre un atome d'uranium

238, il est capté pour former un atomed'uranium 239. Celui-ci subit aussitôt

une série de réactions nucléaires pluscomplexes et se transforme en pluto¬nium, dont le poids atomique est 240.Lorsque l'atome de plutonium estheurté par un neutron qui peutprovenir d'un autre atome d'uranium235 il éclate littéralement. Il se

forme alors des atomes plus petits,d'éléments plus légers, mais le fait es

sentiel c'est qu'une partie de l'énergiecontenue dans la masse du noyau deplutonium se trouve du coup libérée, etque, lorsque l'atome éclate, ses frag¬ments sont projetés dans l'espace avecune énergie formidable. Cette réactionest à la base de la bombe atomique etde toutes les utilisations de l'énergienucléaire.

Dans le cas de la bombe, l'explosiond'un seul atome libère des neutrons

qui font immédiatement exploser lesatomes voisins; les neutrons de cesderniers font à leur tour exploserd'autres atomes, et ainsi de suite. Enmoins d'un millionième de seconde,toute la masse se désintègre dans l'ex¬plosion indescriptible qui a horrifié lemonde. Mais lorsque la désintégrationest contrôlée et se produit à un rythmemodéré, la libération d'énergie peutdurer des heures, des mois ou des an¬nées. L'énergie qui fait exploser labombe est aussi celle qui entretient lefour atomique, le « réacteur ».

*

L

Problème : capter

la chaleur dune

eau empoisonnée

e réacteur est le lieu où se produi¬sent des explosions contrôlées.Dans cet appareil, le mouvement

extrêmement rapide des fragments nu¬cléaires et des neutrons est freiné, etleur énergie, absorbée par les matièresenvironnantes, fournit de la chaleur.Dans l'avenir, on parviendra peut-êtreà produire directement l'électricité àpartir d'explosions nucléaires. Mais ac¬tuellement, les réacteurs atomiques neproduisent que de la chaleur, et c'estseulement sous forme de chaleur quel'énergie atomique est utilisable. Lepremier réacteur américain devait ser¬vir à produire rapidement du pluto¬nium; on n'avait ni le temps ni l'idéed'utiliser la chaleur dégagée. En fait,un bras entier de la rivière Columbia

passait dans le réacteur pour rafraîchircelui-ci.

Pour produire de l'énergie indus¬trielle, la chaleur doit être captée etexploitée. La construction d'un réac¬teur moderne pose essentiellement leproblème suivant : comment capter lemaximum de chaleur; autrement dit,comment utiliser efficacement l'énergie

libérée par l'ex¬plosion atomique.La question cru¬ciale, au stadeactuel, est de sa¬voir si l'on peutcapter suffisam¬ment de chaleur

pour justifier lecoût énorme du

réacteur et de

l'uranium fissile,et si l'énergieainsi produitepeut rivaliser, ence qui concernele prix de revient,

avec celle que l'on obtient en brûlantd'autres combustibles.

Le problème se complique du faitque les neutrons libérés par la fission,animés d'une très grande vitesse, spntdangereux pour le personnel et désas¬treux pour les appareils. Qui plus est,ces neutrons transforment une grandepartie des atomes qu'ils frappent enisotopes radioactifs, donc dangereux.De ce fait, pour abaisser la tempéra¬ture du réacteur, on ne peut utiliser lesprocédés ordinaires. Un liquide coulant

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Le Courrier. N" 12. 1954

11

une piscine

à travers le réacteur devient radioactif

et ne peut servir directement à action¬ner un moteur. Dans un type courantde réacteur, le refroidissement est as¬suré par du sodium liquide. Ce liquidepasse à travers le réacteur, puis estamené par des canalisations à unéchangeur de chaleur dans lequel il estrefroidi à son tour par de l'eau, avantde revenir au réacteur. L'eau, transfor¬

mée en vapeur, n'est pas dangereuseparce que le sodium radioactif n'émetpas de neutrons et ne la contaminedonc pas. La vapeur à haute pressionpasse ensuite àtravers une tur¬

bine qu'elle mete n mouvement,

produisant ainside l'électricité.

C'est ainsi que,par étapes suc¬cessives, l'énergielibérée par l'ex¬plosion des ato¬mes de plutoniumou d'uranium se

transferme e n

courant exacte¬

ment semblable à

celui que produit toute centrale élec¬trique. Dans une centrale électriqueatomique, le réacteur nucléaire ne se¬rait donc que la source d'énergie, rem¬plaçant le four à charbon ; tous lesautres éléments de l'installation reste¬raient les mêmes. Le réacteur atomiquene serait qu'un élément de l'usine gé¬nératrice d'électricité, et le remplace¬ment du charbon par l'uranium, commecombustible, loin de diminuer les fraisde production, ne ferait que les aug¬menter.

Il existe de nombreux types de réac¬teurs nucléaires. Ils présentent tous, àdes degrés différents, des caractéris¬tiques communes. Le combustible esttoujours une matière fissile : uranium233, uranium 235, ou plutonium. Apoids égal, chacun de ces corps libère,en se désintégrant, près de trois mil¬lions de fois plus de chaleur que ne lefait le charbon en brûlant. Mais lesmatières fissiles pures sont extrême¬ment rares et coûteuses. L'uranium 235existe dans tout uranium naturel (ura¬nium 238), mais seulement dans la pro¬portion de 0,7 %. Ces 0,7 % étant chi¬miquement identiques aux 99,3 % res¬tants, ne peuvent en être séparés quepar des procédés physiques complexeset coûteux. Le plutonium et l'uranium233 doivent être produits dans un réac¬teur, le premier à partir de l'uranium238, le second à partir du thorium.Chaque kilogramme de combustible fis¬sile pur revient donc à des milliers etdes milliers de dollars.

On trempe la

fournaise dans

n

*Le réacteur peut servir à produire

du plutonium. On emploie alorscomme combustible de l'uranium

238 à teneur élevée en uranium 235. Le

plutonium produit peut être isolé à

l'état pur par des procédés chimiquespour être utilisé dans la bombe oucomme combustible dans un autre

réacteur. Le réacteur peut servir aussià éprouver la résistance aux neutronsde métaux ou d'autres matières desti¬nés à être utilisés dans des réacteurs

ou des engins atomiques. On peut dansce cas encore utiliser comme combus¬

tible un uranium fissile pur, afin d'ob¬tenir une concentration maximum de

neutrons sur les matières soumises à

l'épreuve. Enfin, le réacteur peut servirà produire de l'énergie; on l'alimente

alors avec de l'uranium simplement« enrichi », parce qu'une forte inten¬sité du flux de neutrons n'est pas né¬cessaire, et qu'une réaction ralentiedégage une chaleur plus facilementutilisable.

Tous les réacteurs doivent être pour¬vus d'un « modérateur » quelconquegraphite, eau lourde ou berylliumdont l'objet est essentiellement de ré¬duire la vitesse initiale des neutrons

qui est de l'ordre de plusieurs milliersde kilomètres à la seconde de sorte

que ceux-ci puissent être captés plusfacilement parles atomes d'ura¬

nium, ce qui pro¬voque la fission.

Tous les réac¬

teurs doivent être

également pour¬vus d'une matière

capable de capteractivement les

neutrons sans

être désintégrée.La matière la

plus communé¬ment employée zcelte fin est le

cadmium. Ce métal réduit le nombre de

neutrons libérés, et diminue ainsi letaux de la fission. Le cadmium est gé¬néralement employé sous la forme degrosses barres que l'on introduit dansle réacteur pour ralentir la fission lors¬que celle-ci se produit à un rythmetrop rapide. En les introduisant à fond,on arrête la réaction : le réacteur cesse

de fonctionner. De cette manière, onpeut régler le rythme de la fission et dela production de chaleur, contrôler laréaction et éviter le risque d'une ex¬plosion.

Tout réacteur doit comprendre enoutre un dispositif qui absorbe la cha¬leur dégagée, afin d'éviter que le réac¬teur ne fonde. Dans un réacteur destiné

à produire de l'énergie, un tel disposi¬tif constitue, comme nous l'avons vu,un élément essentiel. Le refroidisseur

peut être de l'eau ordinaire; dans cer¬tains cas, la partie centrale du réacteurest tout simplement immergée dans ungrand bassin ou « piscine ».

Enfin, tout réacteur doit être entouréd'un écran effi¬

cace, pour arrêterles neutrons libé¬

rés par la fissionet les empêcherde pénétrer dansla pièce où setiennent les sa¬

vants et le per¬sonnel. Ces

écrans sont géné¬ralement consti¬

tués par d'épaismurs de plombet de ciment, oude l'une de ces

matières. Sans un

tel écran, qui pèse à lui seul plusieurstonnes, le réacteur est inutilisable.

Jusqu'en mai 1953, l'emploi decombustibles atomiques et de réacteurspour la production massive d'énergieindustrielle n'était qu'un rêve sédui¬sant. Et ce pour deux raisons princi¬pales : d'abord, le combustible fissilepur qui d'ailleurs n'est produit quepar des organismes d'Etat à des finsmilitaires et ne se trouve pas sur lemarché était apparemment hors deprix. Ensuite, on ignorait si les réservesmondiales d'uranium seraient suffi¬

santes pour alimenter l'industrie del'ère atomique. Ces deux raisons ont

disparu en 1951, date à laquelle laUnited States Atomic Energy Commis¬sion a annoncé qu'elle avait expéri¬menté avec succès à Arco (Idaho) un

réacteur générateur de combustible,type « breeder ». Du coup, l'approvi¬sionnement effectif en uranium s'est

trouvé multiplié par 140, et le prix derevient du combustible a été presqueréduit à zéro. Le réacteur régénérateur« breeder » est une invention d'une im¬

portance capitale pour l'avenir del'énergie atomique. Il s'agit d'un géné¬rateur d'énergie qui produit en outreautant de matière fissile qu'il enconsomme et peut-être même davan¬tage :

L

La chaudière

qui produit plus

queIle

*

orsqu'un atome d'uranium 235 se

désintègre, il émet, comme nousl'avons dit, des neutrons très ra¬

pides. Si la réaction est entretenue, lepremier neutron émis vient heurter un

autre atome d'uranium 235, qui se dé¬sintègre à son tour. Si un deuxièmeneutron est émis, il fera de même;mais, si la matière utilisée contient desatomes d'uranium 238 ordinaire (non

fissile), le deuxième neutron pourraaussi heurter un de ces atomes, letransformant en plutonium. Or, le plu¬tonium est fissile, exactement commel'uranium 235; la quantité initiale decombustible se trouvera ainsi restau¬

rée. Si l'atome d'uranium 235, en sedésintégrant, émet toujours deux neu¬trons, et si les deux processus ainsiprovoqués ont une efficacité totale, leréacteur fabriquera constamment sonpropre combustible en partant del'uranium 238 naturel, qui est bon mar¬ché.

Le nombre exact des neutrons émis

par un atome n'a jamais été révélé. Ona assuré, toutefois, qu'il y en a « plusde deux ». H y aurait donc une margesuffisante pour que, si quelques neu¬trons se perdent en frappant les barresou une autre matière inerte du réac¬

teur, il en reste toujours un pour pro¬duire la réaction et un pour produiredu combustible. Si trois neutrons sontémis, la marge est telle que le réacteur

peut produireplus de combus-tibie quil n'enconsomme. O n

peut espérer quetel est le cas,bien qu'on n'enait donné jus¬qu'ici aucuneCommission a an-

cielle. En fait, laUnited States

Atomic - EnergyCommission a an¬

noncé en mai 1953

que le « breeder »produit du pluto¬

nium fissile « à un rythme au moinségal à celui auquel l'uranium 235 estconsommé ».

ne brûle

Dans le cas du thorium, on sait quela quantité de combustible produite estsupérieure à la quantité consommée.Dans ce cas, le combustible utilisé audépart est aussi l'uranium 235. Un neu¬tron d'uranium 235 heurtant un atome

de thorium 232 (non fissile) le convertit

en uranium 233, fissile. La réaction est

assez efficace pour produire davantaged'uranium 233 qu'il n'estconsommé d'uranium 235.

Lorsque la production decombustible dépasse la con-

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PRIX D'UNE "PILE'' :

DE 700 MILLIONS A

7 MILLIARDS DE FRS

sommation, l'excédent peut être cédé àd'autres usagers (vraisemblablementdes installations gouvernementales), etle prix de revient de l'énergie produitepar le réacteur se trouve diminuéd'autant.

Dans les deux cas, des matières rela¬tivement peu coûteuses, l'uranium et lethorium, sont converties en combusti¬bles atomiques par le réacteur, dontl'objet essentiel est de produire del'énergie à peu de frais. En fait, toutl'uranium et tout le thorium dumonde pourraient être convertis encombustibles atomiques, alors qu'àl'heure actuelle on ne peut utiliser quel'uranium 235, qui représente seule¬ment 0,7 % (soit 1/140), de l'uraniumnaturel. Autrement dit, les ressourcesmondiales en uranium combustible setrouvent multipliées par 140. Il faut enoutre tenir compte des importants gise¬

ments de tho¬

rium qui existentnotamment e n

Inde et au Bré¬

sil. En somme, le

réacteur régéné¬rateur peut pro¬duire de l'énergieà relativement

peu de frais, etl'on peut comp¬ter avoir assez de

matière premièrepour alimenterles réacteurs

pendant des siè¬cles.

Le réacteur

« breeder » dont l'existence autorise ces

espoirs est un appareil de dimensionsassez modestes, qui produit seulement250 kilowatts d'électricité, soit à peinede quoi alimenter en courant une pe¬tite ville. Au centre de l'appareil setrouve la masse d'uranium 235 fissile,dont les dimensions sont à peu prèscelles d'un ballon de football. Autour

de cette masse est disposé un épais cy¬lindre d'uranium 238 ordinaire, quicapte les neutrons pour former duplutonium. La chaleur dégagée par laréaction est intense : le réacteur n'émet

pas moins de 100 trillions de neutronspar centimètre carré, et la chaleur dé¬gagée équivaut à 250 watts par centi¬mètre cube de la masse active. (A titre

de comparaison, signalons qu'une chau¬dière chauffée au mazout., telle quecelles qui sont utilisées sur les bâti¬ments de guerre ne fournit que36 watts par centimètre cube decombustible.) La chaleur est absorbéepar un courant de sodium liquide quicircule dans une tuyauterie intérieure.Ce courant, qui sort du réacteur à unetempérature de 350° C environ, cède sachaleur à l'eau dans un échangeur. Lavapeur ainsi produite sert à actionnerune turbine.

Il est assez facile de calculer le prixdu combustible utilisé pour la produc¬tion d'énergie. Comme on l'a vu, il nes'agit plus désormais d'uranium 235fissile, dont le prix est très élevé, maisd'uranium 238 ordinaire, qui coûte en¬viron 75 dollars le kilogramme. Etantdonné que 10 kilogrammes d'uranium

LE COSMOTRON DU BROOKHAVEN NATIONAL LABORATORY (U.S.A.)est, à l'heure actuelle, l'une des plus grandes machines construites pour permettre lebombardement des noyaux atomiques par les particules de haute énergie (photo du haut).La plus puissante est celle de l'Université de Berkeley, en Californie. Dans cet immenseélectro-aimant de 25 mètres de diamètre, les particules décrivent une trajectoire circu¬laire au cours de laquelle elles acquièrent une très grande vitesse sous l'effet d'une séried'impulsions électriques (en moins d'une seconde, elles font trois millions de fois le tourde l'électro-aimant, soit 250.000 km cinq fois le tour de la terre). Dans le cosmotron,elles entrent en collision avec d'autres particules placées sur leur trajectoire. L'étudede ces collisions est rendue possible par une « chambre à brouillard » (photo de gauche)qui enregistre la trajectoire des particules microscopiques. Le cosmotron du CERN, àGenève (voir page suivante), sera encore plus puissant que celui de Berkeley (photos Usis)

produisent environ 57 millions de kilo¬watts-heure d'électricité c'est-à-

dire de quoi éclairer une ville moyennependant un an, il suffirait de 0,0013cent (0,0455 fr. fr.) de combustiblepour produire un kilowatt - heure.L'électricité coûtant normalement plusd'un cent (0,35 fr. fr.) par kilowatt¬heure, le coût du combustible seraitdonc complètement négligeable.

Ce calcul n'est pas exact, parce qued'autres dépenses interviennent obliga¬toirement. Tout d'abord, le cylindre quientoure l'uranium naturel doit être

périodiquement renouvelé, et soumis àun traitement chimique afin d'en ex¬traire le plutonium qui fournira lenouveau combustible. C'est là une opé¬ration difficile, car, en raison de laradioactivité très forte des matières

traitées, elle doit être effectuée à l'aided'appareils télécommandés, sans aucuncontact direct avec le personnel.

En outre, la masse active s'épuisepeu à peu, à mesure que s'y accumu¬lent les produits de la fission. Elle doitdonc aussi être renouvelée et traitée

pour séparer les restes d'uranium 235des diverses autres variétés d'atomes

radioactifs plus petits résultant de lafission. Le traitement des combustibles

impose donc une dépense supplémen¬taire qui représente au moins dix foisle coût de l'uranium initial.

On doit tenir compte d'autres dé¬penses encore, la construction duréacteur représente toutefois la dé¬pense principale : elle se chiffre entre2 et 20 millions de dollars, sinon plus.Pour établir le prix de revient effectifet pratique de l'électricité ainsi pro¬duite, il faut donc procéder à une étudeplus détaillée d'autres installations deréacteurs, ainsi que des plans d'exploi¬tation des sociétés de productiond'énergie électrique.

LE CYCLOTRON MINIATURE, ou

omégatron, a été construit à Was¬hington. La partie essentielle de l'ins¬trument, qui est enfermé dans untube de verre, est à peine plus grosqu'un paquet de cigarettes. L'oméga-tron est monté entre les pièces po¬laires d'un gros électro-aimant maispourrait aussi bien utiliser un aimantde taille très réduite, le tout for¬

mant une espèce de dessus de bureau.L'omégatron a rendu possible pour lapremière fois, l'évaluation exacte duFaraday, qui est une unité de quantitéd'électricité. Il est également utilisépour mesurer la masse des particu¬les nucléaires, pour analyser les gaz etles vapeurs. Ici, on descend l'oméga¬tron entre les pôles d'un aimant.

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Le Courrier. N" 12. 1954

CERN FUTUR S

MACHINES

I E G E DE

GÉANTES

L'Organisation européenne pour la Recherche nucléaire,communément appelée C.E.R.N. (abréviation de « Conseileuropéen pour la Recherche nucléaire », l'organisme in¬

térimaire qui a précédé l'Organisation permanente actuelle)est née légalement le 29 septembre 1954. C'est la premièreOrganisation internationale de recherche scientifique crééepar une Convention intergouvernementale. L'entrée en vi¬gueur de cette Convention, qui constitue un événementhistorique, était sujette à deux conditions : ratification parsept Etats, y compris la Suisse, et total de contributions égalà 75 % selon un barème annexé à la Convention. Actuelle¬

ment, la Convention est ratifiée par les dix pays suivants :Belgique, Danemark, France, Grèce, Norvège, Pays-Bas,République fédérale allemande, Suède, Suisse et Royaume-Uni, dont les contributions représentent au total 88 %.

Le C.E.R.N. ne s'occupe pas d'énergie atomique, mais uni¬quement de recherches fondamentales sur la structure dunoyau atomique. Les travaux de l'Unesco qui ont abouti à lacréation du C.E.R.N. n'en constituent pas moins un excellent

exemple de la manière dont l'Unesco peut contribuer au dé¬veloppement de la collaboration internationale dans larecherche scientifique. Nous ne reviendrons pas sur les ori¬

gines de ce projet, qui ont fait l'objet d'un article publié dansle numéro de décembre 1953 du « Courrier ». Mais il est

nécessaire de rappeler succinctement les buts du C.E.R.N.

M. Longchambon, secrétaire d'Etat à la Recherche scienti¬fique et technique en France, faisait remarquer récemmentque les techniciens connaissent d'ores et déjà les moyens deproduire de l'énergie atomique, mais que le mécanisme et lecomportement des forces nucléaires restent encore mysté¬rieux. L'exploration de ces phénomènes porte essentiellementsur des particules de très haute énergie, que l'on trouvenotamment dans le rayonnement cosmique, et que l'on peutcréer artificiellement en bombardant des noyaux atomiquesà l'aide de machines appelées accélérateurs de

particules.

En fait, la création de ces rayons cosmiquesartificiels en laboratoire est indispensable pour

23

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LES EXGAVATRIGES DU MONDE FUTUR A L'rUVRE

LE DIRECTEUR général du CERN est Félix Bloch (Suisse), Prix Nobe

une recherche scientifique systématique. C'est pour cela queles physiciens et les ingénieurs construisent depuis une ving¬taine d'années des accélérateurs de plus en plus puissants. Ces

appareils sont extrêmement coûteux. D'autre part, les étudestechniques nécessitées par le perfectionnement de ces appa¬reils et l'augmentation de leur puissance nécessitent la mobi¬lisation de spécialistes extrêmement qualifiés. La plupart despetits pays européens ne sont pas en mesure de construire,par leurs propres moyens, de tels appareils. Les grands paysde l'Europe, par contre, disposent certainement de ressourcesfinancières et de la gamme des ressources scientifiques ettechniques nécessaires pour construire leurs propres appa¬reils. L'Angleterre est très avancée dans ce domaine, puis¬qu'elle possède un accélérateur d'un milliard d'électrons-volts, et la France vient de décider de construire à Saclay un

LE PRESIDENT du CERN est

Sir Ben Lockspeiser, Directeurdu Département de la Recher¬che Scientifique et Industrielleen Grande-Bretagne.

accélérateur qui devra attein¬dre 2,4 milliards d'électrons-

volts et plusieurs accélérateursde puissance moyenne. Néan¬moins, il n'y a pas de doute

que, même pour les grandspays, la collaboration inter»-nationale dans ce domaine ne

peut-être que profitable. Mê¬me les institutions américaines

les plus modernes, qui étaientencore tout récemment à la

pointe du progrès en cettematière, confient ces études àdes équipes de spécialistes re¬crutés dans le monde entier,

notamment en Europe.

Le C.E.R.N. a donc constitué des équipes composées des

meilleurs spécialistes de ses Etats membres afin d'étudier lesplans de deux accélérateurs : un synchro-cyclotron de 600millions d'électrons-volts, et un synchrotron à protons de25 milliards d'électrons-volts. Le premier est une machine de

type classique, dont la construction ne soulève pas de diffi¬cultés particulières et pourra être achevée dans un délai dedeux ou trois ans. Le second représente par contre une entre¬prise extrêmement audacieuse. Il sera cinq fois plus puissantque la machine la plus puissante qui fonctionne actuellementaux Etats-Unis (le Bevatron de Berkeley) et construit selon

un principe entièrement nouveau. La vitesse des particulesainsi accélérées ne sera plus très éloignée de la vitesse de lalumière, c'est-à-dire du plafond absolu. La construction decet appareil nécessitera six ou sept ans.

Le Conseil de l'Organisation «européenne pour la Recherchenucléaire, qui s'est réuni pour la première fois en octobre1954 à Genève, a approuvé formellement la construction deces machines et la mobilisation des ressources nécessaires,

qui se montent à 120 millions de francs suisses (10 milliardsde francs français) pendant les sept premières années.

Le Président du C.E.R.N. est Sir Ben Lockspeiser, Directeur

du Département de la Recherche scientifique et industriellede Grande-Bretagne, et le Directeur général de l'Organisa¬tion est le professeur F. Bloch (Suisse), prix Nobel.

Le C.E.R.N. emploie d'ores et déjà une centaine de per¬sonnes à Genève et une cinquantaine dans d'autres villes

européennes. Le chantier a été ouvert à Meyrin, à quelqueskilomètres de Genève, au début de l'été 1954. Les excavatriceset les bétonnières sont à l' l'Unesco peut s'attaquer àde nouvelles tâches.

..

LA CONSTRUCTION des laboratoires et bâtiments administratifs se poursuit sur un terrain offert par le Canton de Genèveet situé à environ cinq kilomètres au nord-ouest de la ville de Genève, tout voisin de la frontière française. Pour les sept premièresannées, la construction et l'entretien nécessiteront un financement de 120 millions de francs suisses (environ 10 milliards defrancs français). La Convention du CERN fut signée à Paris en I9S3 et l'Organisation devint une réalité le 29 septembre 1954.

Photos CERN.

24

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Le Courrier. N" 12. 1954

AU SERVICE DE LA

MÉDECINELA plus importante découverte depuis l'invention du

microscope. » Tel est le jugement que portent les

médecins sur les isotopes radioactifs. Ces substances

produites maintenant en quantités toujours plus grandes,

dégagent des radiations qui se révèlent bienfaisantes

dans le traitement de certaines maladies. C'est grâce

aux isotopes, notamment, que l'énergie atomique peutaider les hommes à réaliser leur vieux rêve : vaincre le

mal, même quand celui-ci se terre loin dans les tissus

ou les organes, car les puissantes radiations des isotopes

pénètrent profondément à l'intérieur du corps humain.

W^.''

..

*

DETECTION ET TRAITEMENT DU CANCER. Les isotopes radioactifs sont utili¬sés comme « traceurs » pour localiser les cancers, car ceux-ci absorbent certains élé¬ments radioactifs mieux que ne le font les tissus ordinaires. La photo de gauche montrecomment un cancer a été délimité grâce à un compteur à scintillations qui enregistreles radiations d'un isotope injecté à l'état liquide, dans le bras du malade. Le radium,autrefois arme principale pour l'attaque du cancer, est maintenant communémentremplacé par le radio-cobalt, moins coûteux. Sur la photo du haut, on voit une maladerecevant un faisceau intense de radiations fourni par un accélérateur Van Graff dedeux millions de volts, dirigé d'une pièce adjacente grâce à une petite fenêtre (Usis).

IODE RADIOACTIF 1-131

UTILISÉ POUR L'ÉTUDE PHYSIOLOGIQUE DE LA GLANDE THYROÏDE

LE MALADE BOIT UN

«COCKTAIL RADIOACTIF»

A BASE DE 1-131

1-13 1 EMET DES

RAYONS GAMMA TRÈSPÉNÉTRANTS

VERS L'ESTOMAC r DETECTION DES RADIATIONS

ÉMISES PAR L'IODEABSORBÉ

CE SCHÉMA MONTRE QUE1. LA GLANDE THYROÏDE ABSORBE LA MAJEURE PARTIE DE L'IODE

RADIOACTIF RETENUE PAR LE CORPS

2. L'ABSORPTION D'IODE EST PROPORTIONNELLE A LA PRODUCTION DETHYROXINE

3. L'ASORPTION RELATIVE INDIQUE L'ACTIVITÉ PHYSIOLOGIQUE DEU GLANDE

L'IODE RADIOACTIF est un traceur quiindique au médecin traitant comment fonc¬tionne la glande thyroïde de son malade.Celui-ci boit un « cocktail atomique » conte

nant un peu de radio-iode, qui est en ma¬jeure partie absorbé par la glande thyroïde.Cette absorption est proportionnelle à laproduction d'une hormone appelée thy

roxine. La mesure de la quancité de radio-iode absorbée indique si la glande thyroïdefonctionne normalement, ou non (PhotosC.O.I. Crown Copyright reserved et Usis).

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AU SERVICE DE LA

MÉDECINE

PHOSPHORE RADIOACTIF - P 32

UTILISÉ POUR DÉTERMINER L'ÉTENDUE DES TUMEURS CÉRÉBRALES

2

LE P 32

EST ABSORBÉPAR LA TUMEUR

EXPLORATION FAITE PEN¬

DANT L'OPÉRATION GRACEAUX RADIATIONS

PETIT COMPTEUR DE

CONTROLE (3 mm DEDIAMETRE)

4 DÉTERMINATION DE LA QUANTITÉ DEP 32 CONTENUE DANS LA TUMEUR

AVANTAGES DE CETTE MÉTHODE :

1 - L'ABSORPTION DU P. PAR UN TISSU MALADE (TUMEUR) EST DE 5 A 100 FOIS SUPÉRIEUREA CELLE D'UN TISSU SAIN

2 - LES LIMITES DE LA TUMEUR SONT EXACTEMENT DÉTERMINÉES

3 - ON PEUT UTILISER CETTE MÉTHODE PENDANT LES OPÉRATIONS id-jsaî:

LES TUMEURS CÉRÉBRALES. On peut diagnostiquer et localiser les tumeurscérébrales à l'aide d'un certain nombre d'isotopes traceurs. Le schéma ci-dessous indiquecomment l'un d'eux le radio-phosphore est utilisé. La photo du bas montre unmalade que l'on croit atteint d'une tumeur, examiné dans un hôpital d'Houston (Texas),à l'aide d'un compteur à scintillations. Le radio-iode qui lui a été injecté s'accumuledans la tumeur. L'enregistrement des radiations provenant des diverses parties ducrâne, permet au médecin de reconnaître s'il existe une tumeur et, dans ce cas, de déter¬miner son emplacement approximatif, son étendue et sa profondeur. (Photo Usis.)

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Le Courrier. H" 12. 1954

AU PLUS PROFOND

DU CERVEAU, GRAINS

D'OR RADIOACTIFS

La neuro-chirurgie tente de faire pénétrer lesbienfaits du rayonnement atomique au plus pro¬fond du cerveau, là où la chirurgie proprementdite risquerait de toucher des centres vitaux.Pour cela, on utilise des grains d'or radioactif(fils d'un millimètre de diamètre et de 0,5 à 2 mm.de longueur) introduits à l'endroit voulu à l'aided'une aiguille creuse (trocart). Ces grains d'or,qui émettent des particules bêta, ont la propriétéde détruire du tissu dans un volume sphériquetrès réduit, quelques millimètres de diamètre, etne s'attaquent donc pas inutilement à d'autresrégions. Ils restent radioactifs pendant dix àquinze jours et par la suite, leur présence dans lecerveau ne présente aucun inconvénient, cequi les fait préférer au radium. On s'en sertnotamment pour essayer d'attaquer une tumeurcérébrale. Après l'injection d'une dose de phos¬phore par voie intraveineuse (voir schéma) onradiographie le crâne (en haut à gauche) pour avoirune idée plus nette de la position du tissu malade.Puis (en haut à droite), le chirurgien introduitdans le cerveau un petit compteur de Geiger deforme effilée qui lui permettra de déterminer,plus exactement encore, l'endroit de la tumeur.Enfin, les grains d'or sont glissés à l'emplacementvoulu. Par ailleurs, employée depuis peu de tempsen neuro-chirurgie, la méthode stéréotaxiquepermet, à l'aide de trois coordonnées semblablesà celles utilisées dans l'aviation, de situer exacte¬

ment le point du crâne qu'il faut percer et àquelle profondeur il faut pénétrer. Cette méthodenécessite la pose d'un cadre stéréotaxique qui,fixé sur le crâne du malade (en haut, milieu), estradiographié en même temps que lui. C'est surce cadre que l'on pose des grilles parallèles, percéesde trous, à travers lesquels le chirurgien introduitavec précision ses instruments. La photo du basmontre la radiographie d'un cerveau dans lequeldeux grains d'or viennent d'être mis en placeà l'aide d'un cadre stéréotaxique et de deux tro-carts (deux points noirs dans le prolongementde ceux-ci, centre-bas). (Photos Usis par AndréSteiner, prises à l'Hôpital Sainte-Anne, Paris.)

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Le Courrier. N" 12. 1954

LA MANIPULATION des récipients de tous genres contenant certainsisotopes radioactifs est dangereuse à cause de leur intense rayonnement,aussi le personnel est protégé par d'épais murs de plomb, de béton etde paraffine. Au Laboratoire d'Oak Ridge, par exemple, le remplissage

et le capsulage des flacons s'effectuent automatiquement, leur contrôlese faisant au moyen de miroirs ou de périscopes. Il en est de même pourleur transfert dans une caisse de plomb que l'on expédie aux destinatairesdans le monde entier pour usages médicaux ou industriels. (USIS.)

Si importante et si précieuse quesoit l'énergie que nous pourronstirer de l'atome, il n'est pas exa¬

géré de dire que les sous-produits desréacteurs atomiques auront une valeurau moins égale. Lorsqu'un atome d'ura¬nium ou de thorium subit une fission,il éclate en deux ou plus de deuxatomes, de moindres dimensions. Lavitesse dont ces fragments sont animéspeut être utilisée sous forme de cha¬leur, mais les nouveaux atomes restentemprisonnés dans le noyau du réacteur,où ils sont soumis à un bombardement

intense et continuel de neutrons quiprovoque de nouvelles transformationsnucléaires.

Sous leur forme ultime,la plupart de ces atomessont tellement chargés >x:X:ÍXvXd'énergie que, lorsqu'on :í$:$íí$:$les sépare ultérieurement >Xxviv£vde ce qui reste de l'ura- fëvivivK*nium, ils sont intensé- 'i"i*i"i"i"i"ii-:í-,ment radioactifs. De mê- -XvX'Xx*:me, presque toute autre i'x'x'ivivÄmatière introduite dans le :"x"x:X$>Änoyau d'un réacteur, au :$ií"r"!"""í'"-"'moyen d'un tube spécial [vXv;par exemple, y subit untel bombardement qu'elle :$:$:$i$íí:en ressort sous une forme x'ÍXÑívX:extrêmement radioactive.

Ainsi que nous l'avonsexpliqué dans un précédent article dece numéro, ces formes nouvelles d'ato¬mes normalement stables sont appelées« isotopes » et, lorsqu'elles sont radio¬actives, « radio-isotopes ». Le noyaud'un réacteur constitue un instrument

d'une énorme puissance pour leur fa¬brication.

La radioactivité est une succession

ininterrompue de petites explosions,atome par atome. L'énergie ou tensioninhérente à l'atome d'un radio-isotopeest en effet abaissée par l'éjection d'unélectron, d'une particule alpha, et cetteéjection s'accompagne d'une intenseémission de vibrations extrêmement

courtes de l'éther. Ces vibrations, ou« rayons gamma », ressemblent auxrayons X, mais sont habituellementbeaucoup plus pénétrantes.

Les isotopes des divers éléments dif¬fèrent par le rythme selon lequel ilscèdent leur énergie. Avec certains iso¬topes, ce processus s'accomplit en unefraction de seconde ; avec d'autres,

c'est une question de minutes, d'heures,de jours, d'années ou même de siècles.Il est évident que les isotopes pour les¬quels le processus est très rapide émet¬tent pendant leur existence un rayon¬nement d'une extrême intensité. Ceux

dont la dégradation demande des an¬nées ou des siècles ne fournissent quedes radiations relativement faibles.

Au total, le nombre des isotopes ac¬tuellement connus est proche de 1.300,dont 800 isotopes radioactifs et 150isotopes utiles et assez stables pourêtre emmagasinés et vendus. Certainssont employés en raison de l'intensitéet du pouvoir pénétrant de leurs radia¬tions, d'autres parce qu'ils ont un

faible rayonnement. Le choix de l'iso¬tope dépend également du type deradiation dont on a besoin pour obtenirun certain effet. En outre, les isotopessont des éléments chimiques comme lecarbone, le fer, le phosphore et l'or, eton peut choisir de les employer en rai¬son de leurs propriétés chimiquesnormales.

Avant l'époque du réacteur atomique,la plupart des corps radioactifs étaientrelativement faibles. Un des plus puis¬sants était le radium, depuis longtempsutilisé pour le traitement du cancer. Ilse vendait alors par milligramme etcoûtait environ 100 dollars (soit 35.000

francs fr. 1955) le milligramme. Lors¬que les femmes américaines voulurentrendre hommage à Mme Curie, vers lafin de sa vie, elles lui offrirent ungramme de radium, valant plus de100.000 dollars (soit 35 millions de

francs français). La quantité totale deradium purifié existant dans le monden'atteint pas 2.500 grammes. Mais les

réacteurs modernes produisent des iso¬topes radioactifs en quantités telles queleur puissance est plusieurs milliers defois supérieure à celle du radium. Ilest maintenant possible d'acheter,pour un prix raisonnable, 10 kg decobalt radioactif.

Les radiations de ces corps permet¬tent d'obtenir des effets qui auraient àpeine été concevables il y a dix ans.C'est ainsi que l'Université du Michigan(Etats-Unis) a récemment annoncéque les « trichines », parasites de laviande de porc, pouvaient être détrui¬tes par une courte exposition au rayon¬nement intense d'un isotope du cobalt.Or, la viande de porc produite dans le

monde est infectée, dansune proportion de 18 %

XvSÍXvíX environ, par ces vers dan-XvivXvÎX gereux. D'autre part, desXvX*$>i°i: chercheurs du Collège;i'x*i";":$:$:î universitaire de l'Etat. >& í:Xv.:Í; d'Oregon, aux Etats-Unis,:í$i"??:i$:$; ont signalé que des pom-i$|$i$:$i$i mes de terre exposées aux$ mêmes radiations, puis'"ííí";":$:$ií « entreposées pendant,-;Y-X:.$x$: pr^s ^e ^eux ans dans les; conditions habituellesiívíi'Xvivi s'é t a i e n t parfaitement¡vÎXvXiiv conservées ». Il est pos¬

sible de détruire les bacté¬

ries, spécialement dans lesviandes, mais peut-être aussi dans lesfruits et légumes, de telle sorte que lesproduits alimentaires gardent leur fraî¬cheur et peuvent rester exposés pen¬dant des semaines.

Il existe un rapport étroit entre cesemplois des radiations et les dan¬gers du rayonnement au voisinage

d'un réacteur atomique. Les réacteurssont toujours entourés d'épaisses mu¬railles de plomb et de béton pour pro¬téger les opérateurs contre les radia¬tions. Il faut dire que les réacteursémettent aussi des neutrons extrême¬

ment rapides et pénétrants, ce qui n'estpas le cas des radio-isotopes. Cepen¬dant, l'enlèvement du noyau d'un réac¬teur épuisé et l'évacuation des déchetsextrêmement radioactifs qui s'y sontaccumulés est une des opé¬rations les plus risquées dumonde. On a recours pourcela à des procédés spé-

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ciaux : par exemple, on laisse tomberdirectement les barres d'uranium uséesdu réacteur dans un vaste réservoir

d'eau, sur un chariot immergé qui per¬met de les transporter ensuite en lieusûr.

Mais cette évacuation est elle-même

un des grands problèmes de l'indus¬trie atomique; car l'intense radioacti¬vité peut, en pareil cas, se prolongerpendant des dizaines d'années et par¬fois même pendant des siècles. Lesdéchets des réacteurs sont enfouis dans

des puits profonds ou bien immergés enpleine mer après avoir été enrobésd'une épaisse couche de béton.

Aucune de ces méthodes ne consti¬

tuant à la longue une solution satisfai¬sante, le Dr Ira M. Freeman, de l'Uni¬versité Rutgers, a émis l'idée qu'unedes meilleures façons d'employer lesfutures fusées interplanétaires consis¬terait à envoyer dans l'espace un réci¬pient plein de déchets radioactifs quitourneraient éternellement autour de

la terre ou peut-être du soleil, tout en

perdant progressivement leur radioac¬tivité.

Malgré Jes dangers dus au rayon¬nement, les hommes qui travail¬lent autour des réacteurs atomi¬

ques sont très rarement atteints. Enfait, la Commission de l'Energie atomi¬que des Etats-Unis a publié des chiffresqui montrent que, par rapport au nom¬bre des employés, on enregistre dans lesnombreuses grandes usines atomiquesdu pays nettement moins d'accidentset de maladies professionnelles que dansles entreprises industrielles ordinaires.Cette situation est due au fait que ledanger est connu, et que les précau¬tions nécessaires sont prises. Nonseulement toutes les opérations dan¬gereuses sont exécutées derrière desmurs épais au moyen d'instrumentstélécommandés, mais encore les em¬ployés qui risquent d'être exposés auxradiations portent des vêtements spé¬ciaux, et chacun d'eux est constam¬ment examiné au moyen d'instruments.

L'explosion d'une bombe atomique

LA « BOITE A GANTS » est

une enceinte étanche servant à

protéger le personnel appelé àmanipuler certains composésdont la radioactivité est sans

danger pour le corps humainmais qui sont, en eux-mêmes,des poisons très violents. L'in¬troduction des matières dange¬

reuses se fait par un sas à doubleporte (à droite). (Photo C.O.I.Crown Copyright reserved.)

présente exactement les mêmes dan¬gers, à cette différence près que lesatomes radioactifs sont alors dissémi¬nés dans des milliers de kilomètrescubes de la mince stratosphère. Laterre est entourée de plusieurs millionsde kilomètres cubes d'air et la disper¬sion provoquée par la bombe elle-même, par la chaleur et par les ventsest si considérable que la concentrationdes produits radioactifs dans l'air at¬teint un taux presque négligeable.

Il n'est cependant pas douteux que lalente accumulation de matières radio¬actives provenant de bombes successi¬ves, et particulièrement de bombes ahydrogène, qui sont plusieurs milliersde fois plus puissantes que les bombesà uranium, finirait par produire dansl'air une concentration de ces matièrescapable de nuire à tous les êtresvivants. Au mois de septembre 1954, leDr E. D. Adrian, Président de l'Associa¬tion britannique pour l'avancement dessciences, a lancé l'avertissement sui¬vant : « Nous devons envisager lapossibilité que des explosions atomiques

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Le Courrier. H" 12. 1954

Radioactivité: succession ininterrompue d explosions

répétées accroissent la radioactivitégénérale à un tel point que nul ne soitcapable de la supporter ou d'y échap¬per ».

On ne saurait dire actuellement si

ce taux serait atteint après l'explosiond'une centaine ou de quelques milliersde bombes atomiques. Les experts s'ac¬cordent à penser que les quarantebombes environ qui ont explosé jus¬qu'ici n'ont eu à cet égard aucuneffet nocif. Un seul cas fait exception

celui de la bombe à hydrogène lan¬cée au-dessus du Pacifique, qui a faitpleuvoir des poussières radioactives surune étendue bien plus considérablequ'il n'était prévu, provoquant des brû¬lures sur le corps de vingt-trois mal¬heureux pêcheurs japonais dont l'unest mort depuis.

Mais les dangers de ce genre, dus àl'explosion elle-même, sont beaucoupplus graves que ceux des isotopes dis¬persés à de grandes altitudes et surune étendue considérable.

Les dangers des radiations appellentnéanmoins une étude plus atten¬tive. C'est pourquoi, sur la propo¬

rtion de la délégation japonaise, laConférence générale de l'Unesco, réunieen décembre 1954 à Montevideo, a au¬torisé le Directeur général à entre¬prendre, en coopération avec l'Organi¬sation mondiale de la Santé, dont lerôle est évidemment prépondérantdans ce domaine, une étude spécialedes précautions à prendre contre leseffets de la radioactivité sur la vie en

général. En voici quelques exemples :

Bien qu'elle soit techniquement pos¬sible, la stérilisation des viandes et deslégumes par les radiations intenses de

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ACTIVE AREA

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ifiíftn uotw-t

VOICI LE VESTIAIRE d'un laboratoire cana¬

dien où l'on travaille sur des matériaux hautement

radioactifs et toxiques. Les techniciens déposentleurs vêtements dans des armoires « inactives »

et trouvent leur équipement dans les « actives».(Photo N.F.B. Canada).

puissants isotopes est encore trop coû¬teuse. Les isotopes seront d'abord em¬ployés pour la stérilisation de produitsplus précieux tels que la pénicilline etd'autres antibiotiques. Etant injectésou absorbés, ces médicaments doiventêtre entièrement purs, donc exempts detoutes bactéries ou autres germes in¬fectieux; or, il est habituellement im¬possible de les stériliser par la chaleurou par ebullitionLes ampoules qui1 e s contiennent

peuvent être ex¬posées pendantun temps trèscourt à un rayon¬nement intense

équivalent à ce¬lui de plusieurskilogrammes d eradium, ce quipermet de lesstériliser à froid,complètement etsans risque.

L'amiral Lewis

Strauss, p r é s i-dent de la Com¬

mission de l'E¬

nergie atomiquedes Etats-Unis, arécemment faitla démonstration

d'un autre e m-

ploi possible : ila présenté uncoffret d'une di¬

zaine de kilos

pouvant fournirdes rayons gam¬ma aussi intenses

que les radia¬tions d'un puis¬sant appareil àrayons X.

Les radiations

isotopiques de cet appareil portatif peu¬vent servir, comme les rayons X, à dé¬celer les défauts à l'intérieur de massesmétalliques et de machines ou à exa¬miner les personnes blessées.

Lorsqu'on n'a pas besoin d'un rayon¬nement intense, il est dès maintenantpossible d'employer les isotopes dansl'industrie. De grandes quantités d'iso¬topes sont disponibles, par exemple,pour stimuler la luminosité des pro¬duits fluorescents et phosphorescentset, par conséquent, pour remplacer àmoindres frais le radium sur lescadrans lumineux des montres et hor¬

loges et sur les enseignes publicitaires.La marine des Etats-Unis emploie unisotope du strontium sur des milliersde signaux lumineux qui ont, en pleinenuit, une intensité double de celled'une feuille de papier blanc exposéeà la pleine lune et qui peuvent sefabriquer dans presque toutes les cou¬leurs à l'exception du rouge foncé. Enpareil cas, la luminosité de la matièrecristalline est stimulée par les radia:tions du strontium, dont l'intensitédécroît si lentement que les signauxrestent lumineux pendant une vin-taine d'années au moins.

Les isotopes radioactifs sont égale¬ment employés dans les tubes à fluo¬rescence ordinaires; en effet, lorsqu'onles mélange aux matières lumineuses,ils augmentent la conductivité de l'airà l'intérieur du tube, si bien que l'allu¬mage de la lampe se produit beaucoupplus rapidement et sous l'effet d'un

LES ISOTOPES « A VIE COURTE » doivent

être utilisés dans les quelques heures qui suiventleur sortie de la pile; placés dans les ailes d'unavion, loin des passagers, on peut se dispenser deles emballer. Ici, l'opérateur retire la boîte d'alu¬minium contenant un flacon, à l'aide de longuespinces. (Photo C.O.I. Crown Copyright reserved.)

courant bien plus faible. De même, cesmatières faiblement radioactives sontutilisées dans les tubes lumineux lors¬

que l'électricité statique risque d'yprovoquer des étincelles, car leursfaibles radiations rendent l'air suffl-

somment conducteur d'électricité pourque l'accumulation d'électricité statiquesoit évitée.

Une forme typique d'utilisationindustrielle des

rayons émis parces matières ra¬dioactives est la

suivante : pourcontrôler auto¬

matiquement laproduct ion deminces feuilles

de papier, de ma¬tière plastique oude métal ser¬

vant à fabriquerdes boîtes de

conserves, on

place, au sortirdes rouleaux qui,par compression,donnent à ces

feuilles l'épais¬seur voulue, unappareil où ellespassent sur unepetite quantité dematière radioac-

tve et sous un dé¬

tecteur tel qu'uncompteur Geiger.Une partie desradiations est ab¬

sorbée par lafeuille, tandis quele reste la tra¬

verse pour at¬teindre le détec¬

teur. Si, pour uneraison quelcon¬

que, la feuille devient plus ou moinsmince qu'il ne le faudrait, l'intensitédes radiations reçues par le détecteuraugmente ou décroît instantanémenten conséquence. Cet appareil vérifiedonc constamment et automatiquementl'épaisseur.

La Radio Corp. of America a récem¬ment ouvert de nouvelles perspec¬tives en créant une petite pile

électrique qui utilise la force même desélectrons constamment émis par undemi-milligramme environ de stron¬tium radioactif, l'amplifie dans un« transistor » moderne et fournit

ainsi assez de courant pour faire fonc¬tionner un relais télégraphique ou unappareil téléphonique. Cette minusculepile produit de cette manière un cou¬rant de 5 microampères et d'un cin¬quième de volt.

La médecine nous offre un autre

exemple d'utilisation directe des radia¬tions des radio-isotopes. L'emploi despuissants rayons du radium, destruc¬teurs de tissus, a été introduit dans letraitement du cancer. Leur effet est le

même que celui des rayons X de puis¬sance égale, mais un cancer peut sou¬vent être atteint avec une petite pas¬tille ou un tube de radium

alors qu'il n'est pas facile¬ment accessible avec un

tube à rayons X. Les nou-

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SUR LA PISTE DES INSECTES RAVAGEURS. Les savants du centre expérimental de Rothamstead, à Harpenden, Angleterre,ont entrepris une série d'études sur les aphides, famille d'insectes ravageurs à laquelle appartiennent notamment les pucerons. Ici, unaph.de est marqué à l'aide d'un enduit radio-actif. L'insecte sera ensuite lâché sur un plant de navets dont il se nourrira et les traceursrévéleront le chemin suivi par l'insecte au cours de son passage d'une plante à l'autre. (Photo C.O.I.'Crown Copyright reserved.)

LA CONSERVATION DES POMMES DE TERRE par les rayons gamma constitue undes problèmes auxquels les agronomes de Brookhaven se consacrent avec le plus d'assiduité.Des tubercules exempts de germes, enterrés après exposition aux rayons gamma, ont étéretrouvés intacts après plusieurs mois, alors que normalement ils auraient dû pourrir. Uneautre expérience a montré que, lorsqu'ils sont soumis aux radiations pendant une périodeprolongée, les organismes vivants peuvent tolérer une quantité d'énergie qui, si elle avait étéfournie durant une période assez courte, causerait de sérieux dommages. (Photo Usis.)

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QUATRE EPIS DE MAIS ont poussé à dif¬férentes distances du cobalt radio-actif placéau centre du champ gamma du laboratoire deBrookhaven (que l'on voit en photographieaérienne) où des savants étudient les chan¬gements héréditaires dus aux rayons gamma.Les transformations les plus importantes, très

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Le Courrier. N" 12. 1954

AU SERVICE DE

L'AGRICULTURE

La technique qui consiste à introduire unematière radioactive dans un organisme vivant

quelconque, puis à en suivre le cheminement parle moyen de compteurs qui décèlent la radio¬activité des organes traversés par les radio-

isotopes, a permis à l'agriculture comme à lamédecine d'accomplir, en quelques années, des

progrès comparables à ceux qui avaient été enre¬gistrés pendant le dernier demi-siècle. Cettetechnique a donné naissance à des méthodes deproduction plus efficaces et a fourni aux techni¬ciens un outil de travail puissant et nouveau. Lessavants sont maintenant en mesure, bien plus

qu'auparavant, de suivre le cheminement deséléments nécessaires au corps humain, tout d'abord

du sol à la plante, puis de la plante à l'animal etenfin de l'animal à l'homme lui-même. Avec le

temps, il se peut que l'énergie atomique puissefaire disparaître de la face du monde le spectrede la famine, but essentiel, car des centaines

de millions d'hommes ne mangent pas à leur fa i.

DE NOUVELLES LIGNÉES DE PLANTES fournissant de meilleurs rendements sont

obtenues à Brookhaven (New York) en exposant les cultures à la radio-activité, car les radia¬tions accélèrent beaucoup la transformation des plantes qui sont, au fur et à mesure, sé¬lectionnées et croisées. La photo montre un hybride de maïs qui atteint la taille de l'homme.

apparentes sur la photo ci-contre, sesont produites dans les plantes les plus rap¬prochées du centre, c'est-à-dire celles frappéespar les rayons les plus puissants. Elles mon¬trent que la reproduction normale peut êtrealtérée d'une génération à l'autre. Résultatssimilaires pour toutes les espèces.

LA RADIOACTIVITÉ STÉRILISE LES ALIMENTS, c'est pourquoi, au MassachusettsInstitute of Technology, des filets de morue (photo) sont placés sur des courroies mobilespour être exposés à des radiations de forte intensité, qui annihilent en une seconde les bac¬téries destructives. Des tomates, du poisson et de la viande crus, stérilisés de cette façon,ont pu être conservés pendant 90 jours sans être altérés. Cette méthode n'en est qu'au stadeexpérimental, mais elle est peut-être amenée à jouer un rôle important en permettant dediminuer le gaspillage des réserves alimentaires dans le monde. (Photographies Usis.)

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PORTRAITS DE

PLANTES PAR

ELLES-MÊMES

Les savants avancent actuellement à grands pasdans l'étude de la photo-synthèse, le plus grandsecret de la nature, qui se résume de la façonsuivante : comment les plantes vertes utilisent-elles l'énergie solaire pour fabriquer leur propresubstance à partir de l'eau et du gaz carboniquede l'air, tandis que de l'oxygène est libéré aucours de l'opération. C'est une réaction quiapparaît simple à première vue, au cours delaquelle les molécules d'eau et celles du gazcarbonique se combinent, perdent de l'oxygèneet forment des amidons, des sucres, de la cellu¬

lose et d'autres substances chimiques pluscomplexes. Jusqu'à maintenant, l'homme n'avaitpas été capable de reproduire ce processus maisl'obtention d'un isotope légèrement radioactifde carbone a fourni un grand nombre de rensei¬gnements aux savants et on peut maintenantentrevoir l'explication complète de la réaction.On a trouvé que les feuilles vertes de certainesplantes exposées pendant une minute seulementà du gaz carbonique radioactif, avaient déjàfabriqué plus de 50 composés différents. Laphoto ci-dessous, à droite, montre l'une desétudes détaillées qui ont été faites en vue dedéterminer le mécanisme de cette réaction

fondamentale. Les isotopes sont maintenantlargement utilisés pour élucider d'autres pro¬cessus compliqués de la croissance et de lasynthèse. La photo de droite montre l'imageproduite par une plantule de haricot contenantune substance radioactive dont 1/25.000.000de gramme a été fourni à une feuille. Pendantles trois jours suivants, la substance a émigrédans d'autres parties de la plante. Ci-dessous,on voit des tomates « qui se sont photographiéeselles-mêmes » après avoir été marquées avecdu zinc radioactif et placées sur une plaquephotographique. La substance radioactive, aprèss'être concentrée dans les graines a fourni auxplantes leur propre « flash ». Des expériencesde ce genre ne permettront pas à l'homme dese passer de plantes comme nourriture, maisdémontrent que la production d'aliments parles plantes peut être grandement améliorée.

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Le Courrier. N" 12. 1954

Le "2e bureau" de la science recrute des traceurs

(Suite de la page 31)

veaux radio-isotopes peuvent être em¬ployés exactement de la même façonque le radium, mais avec l'avantageque les doses de radiations réalisablessont bien plus imrjortantes et que leurprix est bien moins élevé.

Le produit de substitution le pluscourant du radium est le cobalt radio¬

actif. Un petit cylindre de cobalt mé¬tallique de l'ordre du centimètre dehauteur et de diamètre égal donne lamême intensité de rayons gammaqu'une dose de radium valant plusieurscentaines de millions de francs. Un tel

fragment de cobalt pesant un peu plusde trente grammes est enfermé dansune enveloppe en métal lourd compor¬tant une petite fenêtre à traverslaquelle l'intense faisceau de rayonsest dirigé vers le tissu cancéreux àtraiter.

Dans certain*, cas, le phosphore etl'or conviennent très bien pourdes traitements de ce type. Pour

des cancers de la peau, on imprègne unbuvard ordinaire avec une solution de

phosphate radioactif, et, quand il estsec, on le découpe selon la dimension etla forme de la tumeur sur laquelle ilest alors fixé à l'aide d'un adhésif. Le

radio-cobalt peut être étiré sous formed'un fil fin ou découpé en perles minus¬cules qui peuvent être introduites dansla prolifération cancéreuse. Le radio-or peut être produit sous forme de toutpetits grains qui peuvent être projetésdirectement dans le cancer au moyend'un petit « canon ».

Le radio-isotope peut aussi être in¬jecté dans le corps ou être tout sim¬plement avalé pour finalement seretrouver dans le courant sanguin. Ilest absorbé à partir du sang par lestissus cancéreux. C'est là, en effet, unecaractéristique particulière des tissuscancéreux qui les différencie des tissusordinaires : ils absorbent le radio-

isotope. C'est ainsj qu'une maladiedans laquelle les globules rouges dusang se multiplient avec une telleabondance qu'ils obstruent les vais¬seaux sanguins, peut être traitée par leradio-phosphore : la production desglobules rouges est alors fortement di-

. minuée pendant une période d'environune année.

En pareil cas, les puissantes radia¬tions sont utilisées directement. Mais

on peut employer les radio-isotopesd'une manière toute différente sous la

forme de petites quantités d'isotopesayant un rayonnement extrêmementfaible, beaucoup trop faible pour êtrenocif et même pour être détecté sansappareils spéciaux d'une grande sensi¬bilité. On les connaît sous le nom

d'isotopes « traceurs », parce qu'ils ré¬vèlent leur présence par leur rayon¬nement, où qu'ils aillent et quelles quesoient les réactions chimiques aux¬quelles ils sont soumis, ce qui permetde les détecter en un point quelconquede leur parcours, à n'importe quelstade de leurs tribulations. On arrive

ainsi à suivre le parcours des atomeschimiques à travers le corps humain,par exemple, et non seulement à leslocaliser, mais encore à déterminer lestransformations chimiques qu'ils ontsubies. Les radio-isotopes trouvent

leurs plus vastes applications danscette nouvelle technique.

Le contrôle de l'écoulement du pé¬trole à travers les longs pipelines est unautre exemple d'utilisation directe. Ilest rare qu'une telle canalisation puisseservir longtemps à débiter une mêmequalité ou un même type de pétrole; lespompes y font couler successivementdes pétroles différents. Or il est impor¬tant de signaler, à l'arrivée, quand unequalité ou une livraison va commencerà en remplacer une autre dans la cana-

luer la quantité d'acier qu'elle contient,car ce système permet de détermineren quelques minutes les effets desdivers lubrifiants.

La « California Research Corpora¬tion » signale qu'à la suite de recher¬ches de cet ordre, un projet d'étude desfrottements qui aurait exigé soixanteannées de travail et coûté un million

de dollars, a pu être mené à bien enquatre ans au prix de 35.000 dollars.D'autres ont adopté ce procédé pourprouver que le moteur d'une automo-

LE CANAL PASSE sous le

réacteur. Aux U.S.A., dans

un centre de recherches, on im¬

merge (à gauche) des récipientscontenant de la viande, dans l'eau

d'un canal passant à travers un réac¬teur. On peut ainsi étudier dequelle façon la viande est affectéepar les radiations. A droite, onvoit des techniciens se servir de

longues pinces pour retirer untube d'aluminium contenant du

cobalt irradié, destiné à la lutte

contre le cancer. (Photo Usis.)

lisation. A cet effet, on introduit au¬jourd'hui une petite quantité de pétroleradioactif entre chaque lot à l'entréedu pipeline. Quand ce pétrole radioactifparvient au poste de réception, lequelpeut être situé à des centaines de kilo¬mètres, les compteurs de radiations ledétectent aussitôt.

Un autre exemple fourni par l'in¬dustrie pétrolière illustre l'utilisa¬tion des isotopes au profit de la

recherche scientifique. En Angleterre,la « Shell Petroleum Company » me¬sure maintenant le frottement et

l'usure des pièces en soumettant unsegment de piston à un bombardementde neutrons jusqu'à ce qu'une petitepartie de l'acier se transforme en iso¬tope radioactif. Ce segment est alorsmonté sur un moteur expérimental.A mesure que celui-ci s'use parfrottement, ses débris tombent dansl'huile du carter qui est alors refouléeà travers un détecteur de radiation de

grande sensibilité. Cette infime quan¬tité d'acier faiblement radioactif" peutêtre mesurée, ce qui indique immédia¬tement le degré d'usure du moteur.Grâce à une telle méthode, on évited'avoir à soumettre le moteur à de

longues observations et à effectuer dedélicates analyses de l'huile pour éva-

bile conduite à grande vitesse sur lesroutes s'use trois fois moins que celuid'une voiture utilisée en ville. Toute¬

fois, l'ultime objectif de ces recherchesest de réduire les frottements et de

perfectionner la lubrification.

Même les moustiques peuvent être« tracés » au moyen des radio-isotopes.Les larves de moustiques qui nagentdans une solution très diluée de radio-

phosphore demeurent radioactives pen¬dant toute la durée de leur exis¬

tence, et leur présence peut être déceléeà l'aide de compteurs de Geiger. Lecomportement des moustiques estmaintenant étudié à l'aide de cette

méthode, qui permet de déterminer ladurée de leur vie, la distance qu'ilspeuvent parcourir en volant, et la na¬ture de leur alimentation. On pensepouvoir employer des techniques analo¬gues sur les oiseaux pour recueillir desrenseignements dignes de foi sur leursm et plus spécialement sur leursmigrations.

Une autre application, extrêmementconcrète, de la technique des « tra¬ceurs » a permis aux agriculteursd'économiser des sommes importantes :elle a trait à l'étude de l'action des

engrais. Par exemple, les phosphatesconstituent une substance nutritive

nécessaire à la vie végé¬tale et entrent dans la

composition des engrais. Ilest facile de produire un

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L'homme change de corps tous les ans

isotope faiblement radioactif du phos¬phore et de l'introduire dans le phos¬phate normal qui se trouve dansl'engrais. Etant donné qu'il engendreconstamment un rayonnement faible etsans danger qui peut être décelé à l'aided'instruments convenables, il est trèssimple de suivre la trace du phosphoredans le sol et dans la plante. Dans cetype d'applications, le phosphore radio¬actif sera en conséquence appelé un« traceur ».

C'EST ainsi que l'on a pu acquérirdes connaissances importantes enagriculture. Des chercheurs sué¬

dois ont trouvé que le phosphate conte¬nu dans un engrais est assimilé im¬médiatement par les racines de laplante quand il est épandu à la sur¬face du sol. Des chercheurs américainsont constaté que les plantes des pâtu¬rages peuvent assimiler le phosphatequi est étalé sur leurs feuilles et leursracines, de telle sorte que d'ancienspâturages peuvent être « rajeunis »

par du phosphate sans qu'il soit néces¬saire de les labourer.

Un fait encore plus intéressant estque le maïs, la betterave sucrière, letabac et le coton n'assimilent le phos¬phate d'un engrais qu'au cours des pre¬miers stades de leur croissance. L'en¬

grais répandu sur le sol plus tard dansla saison ne sert à rien pour ce genrede récoltes. Par contre, les pommes deterre assimilent le phosphate engrande quantité pendant tout le tempsde leur croissance. Enfin, il a été mon¬tré que l'acide phosphorique ajouté àl'eau d'irrigation est tout aussi efficaceque l'engrais épandu à sec sur le sol.

De nombreux autres éléments tra¬ceurs utilisés de cette manière ont don¬

né des renseignements de grande va-,leur pour l'agriculteur. On a trouvéque du potassium radioactif introduitdans une sorte de peinture dont onbadigeonnait la branche d'un prunierendormi pour l'hiver pénétrait dans lasève par temps de gel et se déplaçaitau-dessus et au-dessous de la branche,en dépit du fait admis jusque-là quela sève restait immobile en hiver.

CHARIOT BLINDÉ de défournement, tel qu'on enemploie au Centre d'Etudes nucléaires de Saclay, prèsde Paris. Il sert à retirer de la pile atomique, par lespetites portes que l'on aperçoit à gauche, des maté-

LA « MAIN GÉANTE » a été construite aux Etats-Unis pour permettre aux techniciensde l'atome d'effectuer des opérations dans des ateliers où règne un dangereux rayonnement,sans s'exposer eux-mêmes aux radiations. La « main géante » qui pèse I 5 tonnes, faitpreuve à la fois d'une force prodigieuse et d'une délicate dextérité, elle peut manipulerdes charges de 3.500 kg mais aussi manier un canif. Par l'intermédiaire de leviers, la « maingéante » peut être commandée d'une pièce adjacente par un opérateur. (Photo Life.)

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D'autre part, en été, le phosphore par¬court dans l'arbre un circuit completqui le ramène aux racines en moins devingt-quatre heures.

Une autre application agricole decette technique des traceurs à l'aided'isotopes radioactifs est l'étude des in¬sectes et des champignons- Le radio-iode a été employé pour étudier lemode de propagation du champignonqui provoque la flétrissure du chêne àpartir des racines, et des racines d'unchêne à celles d'un autre. On peut éga¬lement incorporer des radio-isotopesaux insecticides. C'est ainsi que l'on apu montrer que les feuilles des plantesabsorbent les insecticides principale¬ment par leur face inférieure, et seule¬ment pendant le jour.

Un tel travail a également mis enévidence la différence de comporte¬ment entre les plantes à larges feuillesd'une part et les graminées à feuillesétroites et les herbes d'autre part, vis-à-vis des désherbants tels que le 2-4-D.Une plante à larges feuilles absorbefacilement un désherbant appliqué parpulvérisation, et en l'espace de deuxheures la plante tout entière s'entrouve imprégnée. Par contre, les her¬bes absorbent très peu de produit, etce qui est absorbé reste sur place sansaffecter l'ensemble de la Dlante.

UN des premiers résultats de l'uti¬lisation des isotopes « traceurs »fut une surprise : tous les tissus

du corps sont le siège d'un processusconstant de renouvellement. Il étaitnaturel de penser que le corps est unesorte d'édifice stable qui n'utilise lesaliments que pour entretenir sa chaleuret remplacer les « pièces usées ». Tellen'est pas la vérité. Lorsqu'on mangedes graisses dans lesquelles certainsdes atomes d'hydrogène ont été chi¬miquement remplacés par de 1' « hy¬drogène lourd », la nouvelle graisseest déposée dans les couches grassesdu corps tandis que les graisses

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Le Courrier. N» 12. 1954

riaux de toutes tailles qu'on y a placés pour les rendreradioactifs. La puissance de cette pile dépasse largement1.500 kW et la chaleur récupérée sert dès à présent

au chauffage des bâtiments du réacteur. (Photo CE.A.)

UN MUR DE PLOMB constitue une protection suffisante pour le technicien qui effectue des opérationsaccessoires de laboratoires, ne comportant qu'un faible rayonnement. Les mouvements des micro¬manipulateurs sont contrôlés à l'aide d'un miroir. Les précautions prises dans les entreprises oucentres utilisant l'énergie atomique, assurent normalement une bonne marge de sécurité. (Usis.)

plus anciennes, déjà emmagasinéesdans les tissus, sont brûlées pour pro¬duire de la chaleur.

De même, l'absorption de protéinescontenant de 1' « azote marqué » per¬met de constater l'existence de proces¬sus analogues : les protéines fraîchessont employées à la constitution detissus, de muscles et de globules san¬guins, tandis que les protéines déjàprésentes Sont oxydées et excrétées.Chaque partie du corps est donc cons¬tamment en reconstruction grâce à unéchange continuel de nouveaux maté¬riaux provenant des aliments et quiviennent remplacer les matériaux exis¬tants. Tous les douze mois, le corps dechaque homme, de chaque animal estainsi complètement « reconstruit ».Même les os sont reconstitués, et laseule exception est le fer, principale¬ment dans les globules du sang, quin'est pas rapidement remplacé par lesnouveaux atomes de fer apportés parles aliments. Il s'agit là d'un processusfondamental de la vie, mais qui n'au¬rait probablement jamais été décou¬vert sans l'emploi des isotopes traceurs.

La recherche de ce type la plus richede promesses est l'étude du processusgrâce auquel les plantes vertes opèrentla synthèse de leur substance à partirde l'eau et du gaz carbonique de l'air.Cette réaction est à la base de toute

vie puisque, sans elle, il ne pourraitpas y avoir de plantes vertes, et puis¬que toutes les autres plantes et tousles animaux dépendent de l'existencedes plantes vertes. Il s'agit là d'uneréaction apparemment simple au coursde laquelle la molécule d'eau et cellede gaz carbonique sont combinées, per¬dent une certaine quantité d'oxygèneet forment des sucres, des amidons, dela cellulose et ultérieurement des es¬

pèces chimiques plus compliquées.

Néanmoins, personne ne sait com¬ment s'y prend la plante et l'hommeest incapable de reproduire la réaction.Mais l'existence d'un isotope faible¬ment radioactif du carbone a déjàdonné beaucoup de renseignements etpermettra peut-être, d'ici un an oudeux, d'expliquer complètement ce

mystère. L'homme ne pourra probable¬ment pas pour autant se passer desplantes pour se procurer sa nourri¬ture, mais la production des alimentspar les plantes sera, selon toute vrai¬semblance, fortement améliorée.

La méthode consiste à former du gazcarbonique contenant une faible pro¬portion d'un isotope radioactif du car¬bone. On obtient ainsi du « gaz carbo¬nique marqué » qui est employé parles plantes en présence de la lumièresolaire, exactement comme si l'on étaitparti du carbone ordinaire. Il en ré¬sulte que le carbone radioactif entredans les tissus des végétaux et que saprésence et son emplacement dans laplante peuvent être immédiatementdécelés. Lorsque les feuilles vertes decertaines plantes sont ainsi exposéesau gaz carbonique radioactif pendantseulement une minute, on trouve en¬suite dans la feuille au moins cin¬

quante composés chimiques différents,en quelque sorte « étiquetés » par lecarbone radioactif. Lorsque le tempsd'exposition à la lumière solaire estréduit à deux secondes, la feuille a dé¬jà eu le temps d'élaborer deux ou troiscomposés à partir du gaz carboniquede l'air.

IL apparaît que les premières subs¬tances élaborées par la plante sontdes dérivés de l'acide phosphogly-

cérique, produits intermédiaires dans leprocessus aboutissant à la formationdu sucre de fruits ou de grains. Aprèsdeux minutes d'exposition, les essais decaractérisation de radio-carbone mon¬

trent que les protéines et les graisseselles-mêmes contiennent déjà le nou¬veau carbone qui vient d'être tiré del'atmosphère. Les études détaillées deces réactions sont actuellement en

cours et le mécanisme complet de cettesynthèse végétale fondamentale seraconnu dans un très proche avenir.

L'étude du processus dans différentesplantes a démontré que les premiersstades de la réaction sont les mêmes

dans toutes les plantes. Ce n'est qu'ul

térieurement qu'il prend des directionsdifférentes pour aboutir à la produc¬tion de composés qui sont caractéris¬tiques de chaque plante, tels que lesparfums, les colorants et les substancesmédicamenteuses.

Dans le cas des algues vertes, il aété possible de différencier la réactionselon les algues, de façon à obtenirdès le début du processus une prédomi¬nance de sucre ou d'acide malique. Lesexpériences ont été poursuivies sur cesbases pour arriver à montrer que lesmêmes algues qui contiennent norma¬lement quelque 50 % de protéines peu¬vent être modifiées de manière à pro¬duire environ 75 % de graisses au lieude protéines. En fait, la teneur en pro¬téines peut être modifiée depuis 7 %jusqu'à 88 %, tandis que la teneur engraisses peut varier de 1 % à 75 %.D'autre part, la proportion de gaz car¬bonique peut varier de 6 % à 38 % . Cesrecherches ouvrent manifestement

d'immenses possibilités pour la trans¬formation et l'accroissement des res¬

sources alimentaires qui sont à ladisposition des animaux et des hom¬mes.

Ces exemples illustrent seulementquelques-unes des applications infini¬ment nombreuses que les radio-iso¬topes ont déjà trouvées dans le do¬maine des recherches, dans l'industrie,dans l'agriculture et en médecine. LaCommission de l'énergie atomique desEtats-Unis estime que les économiesréalisées dans ces divers domaines

grâce à l'emploi des isotopes s'élèventau total à plus de 100 millions de dol¬lars par an. D'autre part, le montantde la vente des isotopes par la Com¬mission représente plus de 500 000 dol¬lars par an. Les réacteurs atomiqueseuropéens, notamment ceux de Winds-cale et de Harwell en Angleterre, pro¬duisent des radio-isotopes qui sontexpédiés dans toute l'Europe. Les radio-chimistes d'Amersham ont obtenu des

résultats remarquables, parfois enavance sur ceux de leurs collèguesaméricains, si bien que les envoisd'isotopes à travers l'Atlantique sontconsidérables.

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LA MÉTALLURGIE UTILISE couramment des matériaux radioactifs au cours des expériences industrielles. Dans une usinedu Michigan (U.S.A.), on a mélangé du minerai de fer radioactif en poudre à du minerai ordinaire, également en poudre, et on.ajeté le tout dans un four incandescent. La mesure de la radioactivité des gaz (photo) aide les techniciens à déterminer s'il est bond'utiliser les minerais sous forme de poudre pour la production de la fonte. (Documents de cette double page photos Usis.)

LES CONSTRUCTEURS D'AUTOMOBILES économisent du temps et de l'argenten employant des matériaux radioactifs pour la détermination de l'usure des moteurs.Des segments, rendus radioactifs par exposition aux radiations d'un réacteur, sontplacés sur un piston (photo). Puis le piston est essayé pendant plusieurs heures dansun moteur en mouvement, ce qui fait passer un certain nombre d'atomes radioactifsdans le lubrifiant. Par mesures effectuées à intervalles réguliers à l'aide d'un compteuron peut se rendre compte de la façon dont le métal et l'huile réagissent à la friction.

DANS UN PIPE- LINE, pour éviter de mélangerdeux sortes d'huiles, on gâchait plusieurs centaines debarils quand on passait d'un type de liquide à unautre. Aujourd'hui, la transition est « marquée »par une petite quantité de produit chimique radio¬actif. Un compteur Geiger, placé à l'extrémité dupipe-line, enregistre le moment exact de la transition.

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AU SERVICE DE

L'INDUSTRIE

Le Courrier. N" 12. 1954

Améliorer la qualité des produits et leurs méthodes deproduction, faciliter le contrôle de leur résistance, tels sontquelques-uns des avantages de l'emploi de matériaux radio¬actifs dans l'industrie. Ces avantages s'étendent à des domainesétendus, des médicaments aux huiles de graissage et des matièresplastiques aux plaques métalliques. Tout comme les premiershommes découvrirent le feu et le disciplinèrent, les savantsdu monde moderne, après avoir trouvé le moyen de désintégrerl'atome, mettent son énergie au service de l'humanité.

CONTROLE DE L'EPAISSEURPAR LA RADIOACTIVITÉ

L'ÉCARTEMENT DES ROULEAUXEST CONTROLÉ PAR L'INTEN¬

SITÉ DES RADIATIONS

Q $<

0«3 SOURCE-1 RADIOACTIVE

AVANTAGES DE LA MÉTHODE :1 POSSIBILITÉ DE CHOISIR LA SOURCE RADIOACTIVE D'APRÈS U MATIÈRE

PREMIÈRE EMPLOYÉE

2 - AUCUN CONTACT - PAS DE DÉCHIRURES - PAS DE MARQUES DE REPÉRAGE3 - RAPIDE ET SURE

DE NOUVEAUX ALLIAGES métalliques se caractérisant par une grande résistance à la chaleur et à la corrosion sontrecherchés par les métallurgistes dans le but de développer l'application de l'énergie atomique à l'industrie. La photomicrogra¬phie (photo ci-dessous) d'un alliage d'uranium est un agrandissement d'une coupe de métal corrodée dont se servira le spécia¬liste pour déceler l'existence de propriétés physiques différentes (résistance à la corrosion, comportement mécanique, etc.),grâce aux variations locales dans la composition de l'alliage. La pointe du crayon souligne une nouvelle « phase » apparitionsoudaine de nouvelles propriétés physiques d'un alliage provoquées par la transformation des proportions de ses composantschimiques, indices qui permettent la production d'alliages aux caractéristiques bien spécifiées. (Usis)

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ftJÉÉà

AU SERVICE

DE L'INDUSTRIE

Voici quelques exemples des méthodes employéespar les techniciens pour améliorer la produc¬tion industrielle grâce à l'énergie atomique. Laradiographie, comme celle d'un appareil télé¬phonique (photo du haut), prise en Angleterreà l'aide d'un isotope nommé « Or I 98 », permetd'examiner en profondeur n'importe quel pro¬duit de l'industrie. Cette méthode est parti¬

culièrement utile pour détecter des pailles oudes défauts. Sur la photographie de droite,dans un laboratoire américain, un ingénieur suit

la progression d'atomes radioactifs à traversla structure interne du métal. Il enregistre les

particules rapides avec un compteur de Geigerà mesure qu'elles sont éjectées d'un simplefragment de métal dans lequel du carbone radio¬actif aura été injecté auparavant. En bas, à droite,des bactéries radioactives sont utilisées pourmesurer l'efficacité de différentes sortes de sa¬

vons et de détersifs dans le lavage du linge etdes vêtements. Les bactéries sont placées surde petits morceaux d'étoffe que l'on lave ensuite.Les bactéries qui restent sont décelées grâce àleur radioactivité. La photo du bas, à gauche,montre des pièces d'automobile que l'on aus¬culte dans « l'atelier radioactif » d'une usine

américaine, dans le but d'améliorer leurs qua¬lités de souplesse et de résistance. Des techni¬ciens placent la pointe radioactive d'un delco(distributeur) dans un distributeur de moteurde série. Après la période d'essai, l'usure de lapointe peut être mesurée grâce aux atomesradioactifs qui sont passés dans le delco. (Pho¬tos C.O.I. Crown Copyright reserved et Usis.)

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Le Courrier. N" 12. 1954

L'énergie

atomique :

L A

RICHESSE

DES

PAUVRES

EN AUSTRALIE,

les un i versi tés ont,

jusqu'ici, limité leursrecherches à l'étude du

noyau de l'atome, enemployant des machinestelles que le générateurd'impulsions (multiplica¬teur) Cockcroft-Walton,destiné à l'accélération

des particules et permet¬tant d'atteindre une dif¬

férence de potentiel del'ordre de 1.250.000

volts. Cette machine est

installée à l'Université

de Canberra. On pro¬jette de construire, enAustralie du Sud, unréacteur nucléaire indus¬

triel qui coûtera environdouze milliards. (Photoofficielle australienne.)

Depuis trois ou quatre ans on ac¬corde beaucoup d'attention auxconditions économiques de l'uti¬

lisation des combustibles nucléaires

dans l'industrie. On ne possède pasencore une expérience suffisante pourdéfinir avec précision ces conditions.En fait, on n'avait guère d'espoir de lefaire avant mai 1953, date à laquelle unréacteur générateur de matières fissiles« breeder » a pu fonctionner aux Etats-Unis en utilisant comme combustiblesde l'uranium commun à bon marché etdu thorium.

C'est aux Etats-Unis que les progrèsont été les plus rapides dans ce do¬maine : grâce aux immenses ressourcesde ce pays, de nombreux réacteurs ontpu y être construits pendant et depuisla guerre. Mais même en Amérique,aucun « breeder » n'est encore utiliséâ des fins industrielles.

Plus de vingt grands réacteurs fonc¬tionnent aux U.S.A. ; les uns servent àfabriquer du plutonium et de l'uranium

235, d'autres à éprouver la résistancedes matériaux devant être soumis aurayonnement atomique ; d'autres en¬core, à vérifier le principe de la géné¬ration d'énergie ; la plupart servent àexpérimenter différents types de com¬bustibles en les soumettant à des bom¬

bardements neutroniques d'intensitévariable, divers procédés de refroidisse¬ment, et d'autres techniques. Un typede réacteur, par exemple, utilise del'uranium fissile dispersé dans l'eau :la chaleur dégagée par la fission faitbouillir l'eau et produit directement dela vapeur. Dans un autre type de réac¬teur, l'uranium est dissous dans du bis¬muth. Les expériences se poursuivent,mais on a pu d'ores et déjà construiredeux grands réacteurs générateursd'énergie.

Le premier de ces réacteurs a été ins¬tallé dans un sous-marin d'un nouveau

type, lancé le 21 janvier 1954, et quifonctionne exclusivement à l'énergieatomique. Ce réacteur tire d'une petitequantité de combustible atomique une

énergie équivalente à celle que produi¬raient 1.740.000 litres de « fuel oil » ou

3.000 tonnes de charbon. On n'a pastenu compte dans ce cas du prix derevient parce que les avantages du mo¬teur atomique en compensent large¬ment le coût. Ces moteurs n'ayant pasbesoin d'air, le sous-marin peut resterimmergé indéfiniment. Le combustibleatomique étant pratiquement inépui¬sable, il n'a pas besoin de revenir à sabase pour faire son plein de carburant.Plusieurs sous-marins atomiques, munisde moteurs améliorés, sont déjà enchantier ; et on envisage la construc¬tion d'un réacteur plus puissant, capa¬ble de propulser un porte-avions.

Ces faits démontrent que, les consi¬dérations de prix de revient mises àpart, l'énergie atomique est désormaisune réalité. Ce n'est pas tout. L'expé¬rience ainsi acquise depuis deux ans enmatière de construction etde fonctionnement des mo¬

teurs atomiques, a permisd'envisager en utilisant

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Expédié en pièces le " colis d énergierr

comme combustible de l'uranium enri¬

chi et comme réfrigérant de l'eau souspression la construction, sur des plansà peu près semblables, d'une grandeusine fonctionnant à l'énergie atomi¬que. Cette usine, qui sera installée prèsde Pittsburgh, coûtera 30 millions dedollars et produira 60.000 kW d'électri¬cité, soit une quantité suffisante pouralimenter en courant une ville de 60.000

à 100.000 habitants. L'énergie ainsi pro¬duite alimentera directement un sec¬

teur électrique, aux environs de Pitts¬burgh. Elle coûtera probablement pluscher que l'énergie produite à partir ducharbon, mais la Commission de l'éner¬gie atomique des Etats-Unis paiera les5/6 des frais de construction de l'usine,et fournira le combustible uranium, desorte que l'électricité produite par leréacteur reviendra finalement bon mar¬

ché à la Duquesne Light Co de Pitts¬burgh. Le Gouvernement estime quecette dépense se justifie, car on pourraainsi étudier les conditions effectives et

économiques de fonctionnement d'unegrande usine atomique. Cette expé¬rience doit permettre de construire, dèsque possible, une autre usine qui pro¬duira de l'énergie à aussi bon comptequ'une centrale thermique.

Dès 1 976, 50 % des centralesU.S. seront atomiques

Des à présent, l'industrie américainesurtout l'électrique se pas¬

sionne pour toute une série deprojets atomiques. M. Ralph J. Cordiner,président de la gigantesque GeneralElectric Company, a fait appel à ceteffet au concours des grandes compa¬gnies et des entreprises privées. Il adéclaré récemment à la National Asso¬ciation of Manufacturers : « Nous esti¬

mons que, si tout va bien, dès 197650 % des nouvelles centrales électriquesqui seront installées seront atomiques ».D'après des calculs effectués récem¬ment par les ingénieurs de la GeneralElectric, une centrale thermique coûteenviron 130 dollars par kilowatt de ca-

IL FAUDRA 3.000.000 D'ANNEES

à l'horloge de l'âge atomique, construitepar le National Bureau of Standards,Washington, pour avancer ou retarderd'une seule seconde. (Photo Usis)

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pacité de production, et une centraleatomique de 195 à 215 dollars. Maiscette différence est compensée par lefait que le coût du combustible atomi¬que y compris les frais de traitementde l'uranium et d'élimination des

déchets chimiques est d'environ0,1 cent seulement par kWh d'électri¬cité produite, alors que le coût du char¬bon, dans une centrale thermique demême importance, est d'environ 0,35cents. L'économie réalisée sur le com¬

bustible compense donc les frais d'ins¬tallation plus élevés de l'usine atomique.

Dans ces conditions s'est constituéle New England Regional AtomicEnergy Committee, représentant lessix petits Etats de la partie nord-estdu pays, quine possèdentni charbon ni

pétrole maissont néan¬moins très in¬

dustrialisés. Ce

comité se pro¬pose de saisirla premièreoccasion quis'offrira d'uti¬

liser l'énergieatomique dansla région. Demême, dansl'état monta¬

gneux du Co-1 o r a d o, ài'o u e s t du

pays, un

groupe dequatre coopé¬ratives d'élec-

trification ru¬

rale a lancé

une campagne

pour l'instal¬lation de la

première pe¬tite centrale électrique, équipée d'unréacteur atomique.

Les prix de revient paraissent surtoutfavorables dans le cas de grandes ins¬tallations ; la réalisation de cellesd'importance moindre sera beaucoupplus coûteuse. On envisage cependantla construction de nombreuses petitesinstallations atomiques de caractèrespécialisé. C'est ainsi qu'un physicienbien connu, le Dr Lyle B. Borst, del'Université de l'Utah, a établi, en coo¬pération avec cinq compagnies ferro¬viaires et neuf sociétés industrielles, lesplans d'une locomotive atomique d'unepuissance de 7.000 chevaux et de 50 mè¬tres de long. Cette locomotive revien¬drait à 1.200.000 dollars, mais son réac¬teur, du type chaudière, ne consomme¬rait que 11 livres d'uranium par an.M. Louis Armand, directeur général dela Société nationale des chemins de

fer français, a fait observer qu'il vau¬drait mieux utiliser un réacteur pouralimenter directement en énergie unréseau électririé. Encore faut-il qu'untel réseau existe, comme c'est le cas enFrance et en Suisse. Pour les pays oùles distances sont immenses et l'électri-fication peu poussée, la locomotive nu¬cléaire représente une possibilité plusimmédiate.

L'armée américaine a déjà passé unecommande pour la construction d'unecentrale électrique nucléaire de2.000 kW, d'un prix de revient approxi¬matif de 2.000.000 de dollars et conçuede telle sorte que tous ses éléments

LA PREMIÈRE AMPOULE éclairée à l'énergie ato¬mique, par l'intermédiaire d'alternateurs, a fonctionné en1951 à Oak Ridge, dans un centre de recherches quiactuellement, est entièrement éclairé grâce à un généra¬teur utilisant l'énergie atomique. Avant I 980, (dit-on) 50 % des Etats-Unis seront éclairés de cette façon.

puissent être transportés par avion.

Cette centrale permettrait de fournirl'énergie, la lumière et la chaleur né¬cessaires à une collectivité de 2.000 per¬sonnes, et pourrait être installée dansdes postes militaires isolés, par exem¬ple dans l'Arctique. C'est le type mêmedu « réacteur portatif » ou « colisd'énergie » auquel M. Jules Moch a faitallusion à l'Assemblée générale desNations Unies. Si cette expérience estsatisfaisante, il sera possible de s'eninspirer pour construire les petits réac¬teurs dont la nécessité se fait sentir

dans de nombreux pays. On pourra parexemple expédier des centrales atomi¬ques par avion dans les régions déser¬tiques, où elles serviront à pomper les

eaux souter-

raines ou,dans le cas

des déserts cô-

tiers, à trans¬former l'eaude source en

eau douce.

L'Agence in¬ternationale

de l'énergieatomique en¬couragera pro¬bablement de

telles utilisa¬

tions. Les 100

kg de combus¬tible atomiqueque les Etats-Unis ont pro¬mis de mettre

à la disposi-t i o n de

l'Agence, ajou¬tés aux 20 kgofferts par leGouvernement

o ritan niquesuffiraient à

alimenter une

quinzaine de petits réacteurs qui se¬raient installés dans des pays étran¬gers.

La Commission de l'énergie atomiquedes Etats-Unis continue à expérimen¬ter, à grands frais, de nouveaux typesde réacteurs; elle a autorisé la cons¬truction de cinq nouveaux réacteurs,qui viendront s'ajouter à la vingtainedéjà en service. Ces réacteurs sont dedeux types : les uns utilisent l'eaucomme refroidisseur, les autres du mé¬tal liquide. Ils comprennent des réac¬teurs « homogènes », où le combustibleest dissous dans un liquide qui sert à lafois de ralentisseur et de refroidisseur,et des « réacteurs générateurs rapi¬des », où le combustible forme un bloccompact et qui fonctionnent à unetempérature élevée.

« Nos enfants auront

l'électricité sans compteur »

L'Amiral Strauss, président de laCommission de l'énergie atomique,a déclaré récemment : « Nos en¬

fants auront chez eux l'électricité à si

bon marché que ce ne sera pas la peined'installer des compteurs. » Il a ajoutéqu'on peut prévoir, sans optimisme exa¬géré, que dès 1960 c'est-à-dire d'ici5 ans 10 % des nouvelles centrales

électriques qui seront installées enAmérique utiliseront l'énergie atomiqueau lieu du charbon, du pétrole ou du

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Le Courrier. N" 12. 1954

LE PREMIER RÉACTEUR de pocheest ce petit cylindre que l'on voitdevant la bibliothèque. Il a été cons¬truit par le North Carolina State College,U.S.A. et sert à la formation des ingé¬nieurs. La réaction, obtenue par de l'ura¬nium 235 contenu dans le cylindre,démarre lorsqu'on sort du réacteur deuxbarres actionnées par télécommande.

gaz, et qu'avant 1980, cette proportionatteindra 50 %. Une telle déclaration

présente d'autant plus d'intérêt que lecharbon, le pétrole et le gaz naturelsont abondants et bon marché aux

Etats-Unis, et que les installations ato¬miques y auraient à faire face à uneconcurrence très sévère en ce qui con¬cerne les prix de revient. On peut enconclure que, dans les pays où lescombustibles ordinaires sont coûteux

ou difficiles à se procurer, l'ère ato

mique ne saurait être très éloignée.

La recherche et la production atomi-'ques canadiennes sont depuis plus dedix ans étroitement associées à celles

des Etata-Unis, notamment en ce quiconcerne l'exploitation et la fabricationde l'uranium. En dehors d'un modèle

expérimental, le Canada ne possèded'un accident, démonté pour être ré-Chalk River, il possède une puissancede 30.000 kW et une intensité neutroni-

que de 60 trillions de neutrons par cm2.Après avoir fonctionné plus de cinqans, de 1947 à 1952, il a été, à la suited'un accident, démonté pour être ré¬paré. C'était probablement le réacteurà uranium naturel le plus puissant dumonde ; il a servi à fabriquer de gran¬des quantités de radio-isotopes trèsactifs qui sont utilisés dans le com¬merce et pour la recherche scientifique.

On construit actuellement un deuxiè¬

me grand réacteur, qui sera terminé en1955 et qui coûtera plus de 30 millionsde dollars. Plus puissant encore que lepremier, il utilisera l'eau lourde commeralentisseur et doit servir à des études

et à des essais techniques en vue de laconstruction d'un réacteur générateurd'énergie. Trois grandes sociétés cana¬diennes de production d'électricité et la

Commission hydro-électrique de l'Onta¬rio coopèrent à l'exécution de ce projet,sous le contrôle de YAtomic Energy ofCanada, Ltd. qui est une compagnie dela Couronne.

« En 1956 notre réacteur

fournira 50.000 kW »

L'utilisation de l'énergie atomiqueconstitue pour l'Angleterre unenecesité plus urgente que pour

les U.S.A. ou le Canada. En effet, lesgisements de houille facilement exploi¬tables donnent déjà dans ce pays des

AU SIÈGE DE L'O.N.U., à New York, vient d'avoir lieu une exposition organiséepar le Gouvernement des Etats-Unis et destinée à vulgariser l'utilisation pacifiquede l'énergie atomique. Un panneau montrait comment une centrale peut être transportéepar avion (en pièces détachées) dans un pays isolé ou dépourvu de sources d'énergienaturelles, et remontée sur place. Une telle centrale (photo de la maquette) permettraitde pourvoir aux besoins d'une communauté minière ou de pomper l'eau d'irrigation.

signes d'épuisement, ce qui provoqueune augmentation graduelle du prix derevient du charbon. D'après les prévi¬sions officielles, il manquerait, dès 1965,au Royaume-Uni, 20 millions de tonnesde charbon par an.

Pendant toute la durée de la guerre,le Royaume-Uni avait associé ses ef¬forts « atomiques » à ceux des Etats-Unis et du Canada. C'est seulement en

1946 que des recherches nucléairesfurent entreprises en Angleterre même.Cette année-là furent créés : une sta¬

tion de recherche, dirigée par Sir JohnCockcroft, à Harwell, et un centre deproduction, dirigé par Sir ChristopherHinton, à Risley. Le premier réacteurexpérimental fut construit à Harwell, etune usine de production d'uranium (àpartir de minerais australiens et afri¬cains) fut créée à Springfields, En 1947,deux réacteurs, destinés à produire duplutonium à partir de l'uranium, furentinstallés à Sellafield, sur la côte duCumberland.

En mai 1953, les possibiltés d'utilisa¬tion de l'énergie atomique paraissaientd'ores et déjà suffisantes pour que l'onentreprît la construction, à CalderHall, près de l'usine de Sellafield, d'ungrand réacteur générateur d'énergie. Ceréacteur doit entrer en service en 1956.

D'une puissance de 50.000 kW, il estdoté d'un système de refroidissementspécial dans lequel le gaz carboniquesous pression est utilisé pour amener lachaleur aux chaudières à vapeur. Cesera probablement le premier grandréacteur générateur d'énergie à entreren service. On ne dispose pas de chif¬fres concernant les prix de revient.

Un réacteur générateur d'énergie, decaractère expérimental, fonctionne de¬puis auelaue temps déjà à Harwell etles services compétents ont autorisé laconstruction à Dounreay, dans leCaithness, en Ecosse d'un grandréacteur qui doit permettre de réduireconsidérablement les prix de revient.Dans le discours où il a exposé les plansdu gouvernement dans ce domaine, SirDavid Eccles, ministre des Travaux pu¬blics, a souligné la nécessité de formerdes techniciens capables de construireet de faire fonctionner des réacteurs,non seulement dans le Royaume-Uni etdans le Commonwealth, mais aussidans les pays amis du monde entier.

« Nous construisons des

centrales de 1 00.000 kW »

Le 2 juillet 1954, une revue sovié¬tique publiait une « Déclarationdu Conseil des ministres de

l'U.R.S.S. » ainsi conçue : « Grâce auxefforts des savants et des ingénieurssoviétiques, une première centrale élec¬trique atomique, d'une puissance de5.000 kW, a commencé le 27 juin 1954 àproduire de l'électricité destinée auxexploitations industrielles et agricolesdes districts environnants. C'est la pre¬mière fois qu'une turbine industriellefonctionne, non pas au charbon ou àun autre combustible ordinaire, mais àl'énergie atomique produite par lafission du noyau de l'atome d'uranium.La- mise en service de cette centrale

électrique atomique représente un réelprogrès dans l'utilisation de l'énergieatomique à des fins pacifiques. Lessavants et les ingénieurs soviétique?travaillent maintenant à la construc¬

tion de centrales, atomiques, d'une puis¬sance de 50.000 à 100.000 kW. »

Le 12 novembre 1954,M. André Y. Vychinski, ré¬pétant cette déclaration de-

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De l'énergie nucléaire

au courant électrique

Même dans les pays où les progrès réalisés en vue de l'utilisation concrète de l'énergie atomiquedans l'industrie ont été les plus rapides comme les Etats-Unis le prix de revient de l'énergienucléaire reste encotre trop élevé par rapport à celui de la force motrice tirée des combustiblesnaturels. Le stade des recherches préliminaires est donc loin d'être terminé. Voici, protégé par unmasque et un tablier, un technicien retirant du phosphore d'un « briseur d'atomes » où il a été renduradioactif (photo de gauche), expérience de laboratoire qui servira à des fins pratiques puisque l'uti-

vant la première commission de l'As¬semblée générale des Nations Unies,ajoutait : « Rien ne s'oppose à ce quedes progrès rapides soient accomplis enUnion Soviétique dans l'utilisation del'énergie atomique à des fins pacifiques,dans tous les secteurs de l'économie...L'Etat soviétique, qui dispose de largesfacilités pour la production de l'énergieatomique, s'intéresse activement à l'uti¬lisation de cette nouvelle forme d'éner¬

gie à des fins pacifiques et pour le bien-être de la population. »

Après les deux Zoé,Gl et G2

La France, aui a produit une lignéede physiciens illustres, qui pos¬sède d'importants gisements

d'uranium sur son propre territoire etdes gisements très importants de tho¬rium à Madagascar, dont les réserves decharbon, enfin, s'épuisent progressive¬ment, ne pouvait manquer de s'intéres¬ser à la production de l'énergie atomi¬que. Un réacteur expérimental (« Zoé »)fut construit à Châtillon, près de Paris,dès 1948. Un deuxième réacteur, un peuplus important, fonctionne à Saclay,également près de Paris, depuis 1952.Il utilise l'uranium métallique purplongé dans un bain modérateur d'eaulourde. Il a été prévu pour produireune énergie de 1.000 kW ; en fait, il enproduit davantage, et pourrait, grâce

à certaines améliorations, atteindre unepuissance de 2.000 kW. Il est refroidipar un procédé utilisé à Saclay pour lapremière fois au monde, par circulationde gaz sous pression.

L'édification du Centre industriel de

Marcoule, dans le sud de la France,près d'Avignon, a commencé fin 1953. Ilcomprendra d'abord deux grandes pilesGl et G2 à uranium et graphite ayantpour principal objet la production deplutonium en quantités utilisables in¬dustriellement. Ces deux piles, d'unepuissance totale de 150.000 kW envi¬ron de chaleur dégagée, dont la pre¬mière doit entrer en activité dans lecourant de 1956, seront complétées parune usine d'extraction de plutoniumpour laquelle une usine pilote a étéréalisée à Châtillon. Dans ce domaine,les commandes passées à l'industrie parle Commissariat français à l'Energieatomique sont particulièrement im¬portantes. En même temps que Glentrera en fonctionnement une cen¬

trale électrique. Il s'agit d'une centraleexpérimentale, qui n'en aura pas moinsune puissance électrique de 5.300 kW.

Chaque pays aborde le problème del'énergie atomique d'une façon diffé¬rente, suivant ses besoins et ses res¬sources. La Norvège est le principalproducteur mondial d'eau lourde ;celle-ci s'obtient en soumettant l'eauordinaire à une série d'électrolyses

ce qui exige une énorme quantitéd'énergie fournie par les centraleshydro-électriques norvégiennes. L'eaulourde est un excellent modérateur

pour certains réacteurs, mais elle coûte20 dollars le gramme soit près d'undollar la goutte. Elle ne pourra êtrelargement utilisée qu'à condition quele prix en soit abaissé.

L'un fournit l'eau lourde,l'autre l'uranium

En 1951, la Norvège avait commencéla construction d'un réacteur. Ce

pays possède de l'eau lourde, maispas d'uranium. Les Pays-Bas, enrevanche, disposaient à l'époque deplusieurs tonnes d'uranium, que, fortprudemment, ils avaient achetés dèsqu'était apparue la possibilité d'une fis¬sion de l'atome d'uranium. Les deux

gouvernements se mirent d'accord pourcréer, à Kjeller, en Norvège, un Centrecommun de recherches nucléaires,Ce centre, où des savants néerlandaiset norvégiens travaillent côte à côte,est financé par les Conseils de la re¬cherche scientifique des deux pays. LaSociété norvégienne Norsk Hydro, quiproduit l'eau lourde, a fourni environ lamoitié des fonds nécessaires à la cons¬

truction du premier réacteur ; elle aconclu avec le gouvernement norvé¬gien un contrat en vue de nouvellesrecherches atomiques. '

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Le Courrier. N" 12. 1954

lisation du phosphore radioactif est déjà très étendue dans l'industrie comme dans l'agriculture.D'autre part, si des piles (réacteurs) fonctionnent déjà un peu partout dans le monde (à un prix trèsélevé) on n'a pas encore réussi à transformer directement l'énergie atomique en courant électriqueforce motrice par excellence. Pour le moment, le courant est obtenu en utilisant l'énergie nucléaireau chauffage d'un liquide qui, à son tour, actionne des turbines. La photo du milieu représente uneligne de force, celle de droite le réacteur de Brookhaven (Photos Usis et Edison Electric Institute.)

Un réacteur de 300 kW est en service

depuis près de trois ans ; il sert à pro¬duire des radio-isotopes et à étudierles processus de la fission dans l'eaulourde. Dans quelques années, un nou¬veau réacteur utilisant de l'uranium

naturel, avec de l'eau lourde commeralentisseur, produira de la vapeur àenviron 250° et fournira de 5.000 à

10.000 kW d'énergie. Le docteur Ran-ders, dans un discours prononcé devantla Société d'économie politique de Nor¬vège, a déclaré récemment que si l'onn'utilise pas l'énergie atomique, les res¬sources mondiales en énergie devien¬dront insuffisantes avant la fin du siè¬cle.

La Suède, qui produit de l'uraniumdepuis quelque temps déjà, augmenteactuellement cette production. L'ura¬nium est extrait des dépôts de schistebitumineux de Karnstorp, où l'on trouvedes conglomérats d'une espèce decharbon hydraté contenant jusqu'à3 kg d'uranium par tonne. La Suèdepossède un petit réacteur, d'une puis¬sance de 100 kW, installé à Stockholmdans une salle souterraine spéciale¬ment creusée dans le roc ; ce réacteurutilise trois à quatre tonnes d'uranium.La Société A.B. Atomenergi C, dontles actions sont réparties entre le gou¬vernement (57 %) et quinze sociétésprivées, doit construire un réacteurd'une puissance de 10.000 kW. Les ser

vices officiels estiment que l'énergieatomique ne pourra pas concurrencerl'énergie hydro-électrique en Suèdeavant que toutes les ressources dupays en énergie hydro-électrique aientété utilisées ce qui ne se produiravraisemblablement pas avant unevingtaine d'années.

Trois sociétés suisses

auront un réacteur privé

La Belgique est le principal paysproducteur mondial d'uranium,qu'elle extrait de la grande mine

de Shinkolobwe dans le Congo belge.Depuis 1944, elle expédie d'importantesquantités d'uranium aux Etats-Unis,mais le contrat en vertu duquel cesexpéditions étaient assurées arrive àexpiration et des négociations sont encours à ce sujet. La Belgique souhaiterecevoir des renseignements techniquesconcernant l'utilisation de l'énergieatomique à des fins pacifiques, ainsique des matériaux nucléaires produitsdans les usines américaines et pouvantêtre utilisés à ces fins.

La Belgique construit actuellement,à Mol, un réacteur expéri¬mental, d'une puissance de2.000 kW, qui servira principa¬lement pour la formation de

LE ZÉPHYR, réacteur rapide, fonc¬tionne au Centre de Recherches d'Har-

well (Angleterre). Il sert aux spécialistesà étudier le processus du « breeder »grâce auquel un réacteur produit plusde combustible atomique qu'il n'enconsomme. (Photo copyright AtomicEnergy Anthority, Grande-Bretagne).'

Suite

au

verso

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Comment chacun profite du prodigieux pouvoir

personnel technique spécialisé ; il doitentrer en service au début de 1956.

La Belgique a d'autre part signé avecle gouvernement suisse un accord parlequel elle s'engage à fournir à laSuisse de petites quantités d'uraniumprovenant des mines belges et à échan¬ger avec elle des informations techni¬ques concernant le fonctionnement desréacteurs. La Suisse envisage d'entre¬prendre d'ici un an la constructiond'un réacteur générateur d'énergie,d'un coût approximatif de 4.500.000 dol¬lars . Ce réacteur, qui utilisera de l'ura¬nium naturel et de l'eau lourde, auraune puissance de 10.000 kW/h. Ilsera construit par trois sociétés suissesd'appareillage électrique et sera doncl'un des rares appareils de ce genrefinancés et contrôlés par l'iridustrie pri¬vée.

Les recherches atomiques ont été in¬terdites en Allemagne occidentale à lafin de la guerre. L'institut Max-Planck,de Göttingen, a été autorisé seulementà traiter et à distribuer des radio-isoto¬

pes que lui expédie par avion l'usineanglaise de Harwell. L'Allemagne ex¬ploite aujourd'hui, avec l'autorisationdes Alliés, des gisements d'uraniumdans la Forêt-Noire et dans le Fichtel¬

gebirge. Quatre puissantes sociétés in¬dustrielles allemandes ont formé tout

récemment, avec douze autres sociétés,un groupe industriel qui doit construireun réacteur atomique d'une puissancede 10.000 kW. Ce réacteur coûtera cinqmillions de dollars, mais des considéra¬tions d'ordre militaire imposeront desévères restrictions à son utilisation.

Il n'existe pas encore de réacteur enAmérique latine, mais un représentantde la commission de l'énergie atomi¬que des Etats-Unis a indiqué, à l'issued'un long voyage à travers ce continent,que dans une grande partie de celui-cil'uranium est aussi abondant que leplomb. Certains pays d'Amérique latinepeuvent donc envisager une révolutionindustrielle fondée sur l'utilisation de

l'énergie atomique. Le Brésil, au centrede recherches physiques de l'Universiténationale, possède à Niteroi, dans labaie de Rio de Janeiro, un cyclotronqui fonctionne depuis quelques années.

Voici par suite de quelles circonstan¬ces : une mission d'assistance techni¬

que des Nations Unies s'étant rendueen Bolivie pour aider à l'installation depostes d'observation des rayons cosmi¬ques, un des experts, le professeur ita¬lien Ugo Camerini, se fixa au Brésiloù il prit la direction du Centre derecherches physiques. A la suite des

études nucléaires effectuées sous sa

direction, le gouvernement brésilien aautorisé récemment la création d'uneusine pour le traitement de l'uranium,à Poços de Caldas, station thermale del'Etat de Minas Gérais. L'amiral Alvaro

Alberto, président du Conseil nationalbrésilien de la recherche scientifique, adéclaré que, d'ici trois ans, le Brésil en¬treprendra la construction d'un réac¬teur expérimental qui utilisera le com¬bustible nucléaire produit à Poços deCaldas. Ce projet constitue la premièreétape d'un programme national de pro¬duction d'énergie atomique à des finsindustrielles.

LE JAPON n'a pu encore prendre partà la grande compétition de l'énergieatomique mais envoie des savants àl'étranger pour qu'ils se spécialisent dansce domaine. Cette photo montre unedoctoresse de la Faculté de médecine de

Tokio qui prend part, à des expériencesau Laboratoire d'Oak Ridge (U.S.A.).

D'après certaines informations depresse, un centre expérimental dispo¬sant d'un réacteur nucléaire aurait été

créé par l'Argentine dans l'île Huemul,mais ces informations n'ont reçuaucune confirmation officielle.

L'une des principales tâches del'agence internationale de l'énergie ato¬mique sera d'établir un ordre de prioritépour le développement des utilisations

de l'énergie atomique, en tenant comptedes besoins et des possibilités des diverspays. D'ores et déjà, M. Thomas E. Mur¬ray, membre de la Commission del'énergie atomique des Etats-Unis, apubliquement proposé d'accorder unepriorité au Japon, qui n'a encore rienentrepris dans le domaine de l'énergienucléaire.

L'Inde est riche en matières premiè¬res nucléaires : elle possède sur la côtedu Travancore d'immenses réserves de

monazite qui contiennent au moinsun million de tonnes de thorium faci¬

lement exploitable et des gisementsd'uranium en divers points de son ter¬ritoire. Le gouvernement, conscient del'importance de ces matériaux pour ledéveloppement industriel du pays, aimposé de sévères restrictions auxexportations de béryllium et des mine¬rais de thorium et d'uranium. Une

usine, qui extrait de l'uranium et duthorium de la monazite, fonctionnedéjà à Alwaye. dans l'Etat de Travan-core-Cochin. Une deuxième usine en¬

trera en service vers le mois de mai 1955

à Trombay, près de Bombay.

Le gouvernement de l'Inde s'efforceaussi d'intensifier la production d'eaulourde. A Bagkra Nangal, où l'on dis¬pose de ressources abondantes et peucoûteuses en énergie, il est possibled'obtenir cinq à six tonnes d'eau lourdepar an, comme sous-produit de la fabri¬cation de 250.000 tonnes d'engrais. Legouvernement de l'Inde attend d'avoirmis en train la production d'uranium,de thorium et d'eau lourde, pour en¬treprendre la construction d'un pre¬mier réacteur atomique. Celui-ci doittoutefois entrer en service avant 1958.

Le gouvernement a déjà accordé à laCommission de l'énergie atomique del'Inde les crédits nécessaires à cet effet.

Une conférence sur l'utilisation de

l'énergie atomique à des fins pacifiquesen Inde s'est tenue à New-Delhi, les26 et 27 novembre 1954, avec la parti¬cipation du premier ministre, M. Nehru,du Dr H.-J. Bhabha et d'une centaine

de savants. Dans le discours de clôture,le premier ministre a déclaré que l'Indeavait signé avec la France un accordofficiel en vertu duquel de jeunesIndiens reçoivent en France une forma¬tion technique qui doit leur permettrede travailler au développement des uti¬lisations de l'énergie atomique en Inde.L'Inde a également conclu dans cedomaine un accord partiel avec lesEtats-Unis d'Amérique et des accordsnon officiels avec la Norvège et laSuède.

l'édition française du ((Courrier» est en ventechez /es agents généraux de /'Unesco dontvoici la liste. Pour les autres distributeurs,voir les éditions anglaise et espagnole du« Courrier ».

Afrique-Occidentale-Française : Librai¬rie « Tous les Livres » 30, rue de Thiong,Dakar.

Allemagne : Unesco Vertrieb für Deutsch¬land, R. Oldenbourg, Munich.

Belgique : Librairie Encyclopédique, 7, ruedu Luxembourg, Bruxelles IV. (Fr. B. 60)et M. Louis de Lannoy, 15, rue duTilleul, Genval.

Cambodge : Librairie Albert Portail, 14,Avenue Bouiiocke, Phnom-Penh.

Canada : Centre de Publications Interna-

POUR VOUS ABONNER

tionales, 5 112, avenue Papineau, Mon¬tréal 34.

Chypre : M. E. Constantinides, P.O.B. 473,Nicosia.

Egypte : La Renaissance d'Egypte, 9, rueAdly-Pasha, Le Caire.

France : Vente en gros : Division des VentesUnesco, 19, av. Kleber, Paris- I 6e. Venteau détail : C.C.P. Paris 21-27-90 Sté Gé¬

nérale, 45, av. Kléber, en indiquant« Compte 13.801, Librairie Unesco ».

Grèce : Elefthéroudakis, Librairie Interna¬tionale, Athènes.

Haïti : Librairie « A la Caravelle », 3 6, rueRoux, Port-au-Prince.

Hongrie : « Kultura », P.O. Box I 49, Buda¬pest 62.

Irak : McKenzie's Bookshop, Bagdad.Israël : Blumstein's Bookstores Ltd., P.O.

Box 5154, 35, Allenby Road, Tel-Aviv.

Italie : G.C. Sansoni, vía Gino Capponi 26,Casella postale 552, Florence.

Laos : (Voir Vietnam).Liban : Librairie Universelle, Avenue des

Français, Beyrouth.

Luxembourg : Librairie Paul Brück, 33,Grande-Rue, Luxembourg.

Madagascar : Librairie de Madagascar,Tananarive.

Portugal : Publicaçoes Eu ropa-Am ericaLtda, Ruadas Flores, 45, Lisbonne. (3OSO0.

Suisse alémanique : Europa Verlag, 5Rämistrasse, Zurich. Suisse romande :Librairie de l'Université, Case Postale 72,Fribourg, (Fr. suisses 3.90.)

Syrie ; Librairie Universelle, Damas.

Tchécoslovaquie : Artîa, Ltd., 30 VeSmeckach, Prague 2

Tunisie : Victor Boukhors, 4, rue Nocard,Tunis.

Turquie : Librairie Hachette, 469, IstiklalCaddesi, Beyoglu, Istanbul.

Vietnam : Librairie Nouvelle A. Portail,

B.P. 283, Saigon.

Yougoslavie : Jugoslovenska Knjiga, Tera-zije 27/ i I, Belgrade

Pour tout autre pays, renseignements à l'Unesco, 19, avenue Kléber, Paris.

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Le Courrier. N" 12. 1954

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NAVIGUONS

GRACE A

ÉNERGIE

NUCLÉAIRE rr

L'énergie atomique est également la solution

de l'avenir pour les navires. Un avenir nullement

utopique puisque le «Nautilus», premier sous-

marin atomique (photo 3), a procédé à ses pre¬

miers essais en mer. Ses moteurs sont mus par

par l'énergie produite dans un réacteur nucléaire.

Le capitaine du submersible a pu lancer le mes¬

sage, désormais historique : " Naviguons grâce

à énergie atomique ". C'est dans le désert

d'ldaho (U.S.A.), à l'intérieur d'un énorme bâ¬

timent sans fenêtres (photos I et 2), que l'on

a procédé aux essais d'un prototype de centrale

d'énergie du genre de celle dont est équipé le

« Nautilus ». D'autre part, dans le Knolls Ato¬

mic Laboratory, à West Milton, Etat de New

York, s'édifie un autre sous-marin atomique, le

« Loup de Mer », frère cadet du « Nautilus ».

Pour des raisons de sécurité, la construction

de la coque et du réacteur de ce sous-marin

se poursuit à l'intérieur d'une sphère métal¬

lique (photo 4) de 75 mètres de haut. (Photos

Usis, General Dynamics Corp. et Gen. Elec.)

3

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Préparez aujourd'hui la

civilisation atomique car...

DEMAIN

L SERA TROP TARDL'explosion, en août 1945, de la pre¬

mière bombe atomique, fabriquéederrière le mur impénétrable du

secret militaire, a frappé de stupeur unmonde que rien n'avait préparé à cettenouvelle. Depuis lors, chaque paysrevise fiévreusement ses plans militai¬res et politiques pour les adapter auxconséquences universelles d'une telledécouverte. Les possibilités qu'offrel'utilisation de l'énergie atomique à desfins pacifiques ont mis plus longtempsà nous apparaître, et leurs effets serontégalement moins soudains. Néanmoins,aux yeux des historiens de l'avenir, ceseffets sembleront d'une importancecapitale, et d'une réalisation rapide.

Les inventions des savants et lesgrandes idées scientifiques ont toujoursexercé une action très profonde sur lavie des hommes et la structure de lasociété, surtout au siècle dernier où lesprogrès ont été particulièrement rapi¬des. Dans les temps plus reculés, ladécouverte des procédés de fabricationdu bronze et du fer, ou du fait que laterre est ronde, ou encore l'inventionde la poudre à canon, ont été à l'ori¬gine de vastes bouleversements poli¬tiques, géographiques et sociaux.

En formulant les principes de lamécanique, Sir Isaac Newton a rendupossible l'âge des machines. Il y amoins d'un siècle, la théorie de l'évolu¬tion de Charles Darwin a transforméles idées des hommes dans le monde

entier. A l'époque moderne, l'inventionde la machine à vapeur et du cheminde fer, puis du moteur électrique, etensuite du moteur à combustion in¬

terne et de l'automobile ont provoquéle développement des grandes villes.

Il le craint, car il

ne le comprend pas

Plus récemment, les progrès de lamédecine ont porté la duréemoyenne de la vie humaine de

trente environ à près de soixante-dixans dans les pays les plus évolués sur leplan scientifique. Chacun de ces pro¬grès a changé la structure même de lasociété, ainsi que la culture, l'éducation,et même les conceptions religieuses desindividus. Ces transformations résul¬tent de l'action combinée des nouveaux

produits ou procédés, des nouvelles mé¬thodes employées dans l'industrie, lamédecine et l'agriculture, et des nou¬velles notions philosophiques. Pris dansleur ensemble, ces divers facteurs cons¬tituent les plus puissantes des forces

qui modifient sans cesse l'existence deshommes et qui accélèrent l'évolution.

Au xx" siècle, c'est la théorie de larelativité d'Einstein qui a provoqué lestransformations les plus profondes.Cette théorie commence à peine, au¬jourd'hui, à influencer la manière depenser, du grand public. Mais sa consé¬quence la plus importante est la décou¬verte du fait que, comme l'a préditEinstein, la matière et l'énergie ne sontpas deux éléments séparés et immua¬bles, et qu'il est possible, par desmoyens appropriés, de transformerl'énergie en matière et vice-versa.

C'est probablement là le conceptle plus révolutionnaire que l'esprithumain ait formé depuis le commen¬cement des temps. Ce ne fut d'ailleursqu'une théorie mathématique à laquelleon n'accordait guère d'attention, jus¬qu'au moment où Otto Hahn etF. Strassmann montrèrent en 1939, eneffectuant en Allemagne des expérien¬ces très complexes, que des atomesd'uranium isolés, bombardés par desneutrons, explosent en perdant envi¬ron 1 % de leur masse et en déga¬geant une quantité incroyable d'énergie.

Mais cette expérience eut lieu en1939, l'année où éclata la deuxièmeguerre mondiale, et passa à peu prèsinaperçue. Pourtant, elle apparaîtra, .sans doute, dans l'histoire de l'huma¬nité, comme plus importante que laguerre elle-même, car elle a prouvéqu'Einstein avait raison. A peine troisans plus tard, à l'Université de Chicago,un groupe de savants dirigé par le Pro¬fesseur italien Enrico Fermi produisait,par cette méthode, une quantité appré¬ciable d'énergie et après trois autresannées, l'explosion de la bombe atomi¬que, qui est fondée sur le même prin¬cipe, fit comprendre au monde entierqu'une nouvelle ère avait commencé.

Si la science est bien la force la pluspuissante qui agisse sur la société, alorsla théorie d'Einstein selon laquelle onpeut transformer la matière en énergie,est aujourd'hui la principale force quipuisse changer le mode de vie deshommes et leur manière de concevoirl'univers. Ce fait deviendra manifeste

d'ici cinquante ans, et peut-être mêmeavant là fin du siècle, c'est-à-dire aucours de l'existence active des jeunesgens et des enfants d'aujourd'hui.

La science oblige la société à se mo¬difier. Mais l'esprit de l'homme répu¬gne le plus souvent au changement. Ils'y oppose parce qu'il le craint, et il lecraint parce qu'il ne le comprend pas.

La bombe atomique éveille dans lemonde entier une terreur de caractère

hystérique. Mais on ne commencera àcraindre l'effet des utilisations pacifi¬ques de l'énergie atomique qu'au mo¬ment où l'on se rendra compte des bou¬leversements sociaux qu'elles entraîne¬ront. Les gouvernements pourrontdéclarer ces changements souhaitableset de nature à élever le niveau de viedes masses et sans doute en effet en

sera-t-il ainsi. Mais ces avantages irontde pair avec de graves inconvénientssi l'on ne prend pas à l'avance desmesures pour protéger les individusdont l'existence risque de se trouverbouleversée.

Réaction en chaîne

dans les espritsIl ne faut pas oublier que la révolu¬

tion industrielle résultant de l'in¬

vention 'de la machine à vapeur acréé, en Angleterre, il y a un siècle etdemi, une situation sociale désastreuse,et cela principalement parce que nuln'en avait prévu les conséquences iné¬vitables, nous faut uonc absolument

prévoir les conséquences de la révolu¬tion atomique, et surtout agir de façonà atténuer ou à éliminer la peur qu'elleprovoquera.

Puisque la peur n'est habituellementque la peur de l'inconnu, son antidoteest l'éducation. Lorsqu'elle exécuterason vaste programme d'utilisation del'énergie et des matériaux atomiques,l'Organisation des Nations Unies devratenir compte de l'expérience acauisedans les opérations d'assistance techni¬que aux pays insuffisamment dévelop¬pés : ces activités ont en effet démontréqu'on ne peut donner à un peuple denouvelles forces, de nouvelles compé¬tences techniques et de nouvelles ri¬chesses, en se bornant à mettre à sadisposition des machines et des servicesdivers, si précieux soient-ils; car il estindispensable que les bénéficiairescomprennent et accueillent ces innova¬tions, en acceptant toutes leurs consé¬quences.

Pour développer l'utilisation del'énergie atomique, on ne pourra doncpas se contenter d'installer de puis¬sants réacteurs nucléaires dans les

pays qui manquent de ressources éner¬gétiques et autres, ni d'assurer la for¬mation de savants et d'ingénieurs; cequi apparaît plus nécessaire encore,c'est de mettre en un pro¬gramme préliminaire, dont la réalisa¬tion prendra peut-être des années,

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Le Courrier. N" 12. 1954

LA LOCOMOTIVE PROPULSÉE A L'ÉNERGIE ATOMIQUE n'existeencore que dans un monde lilliputien, sous la forme d'un modèle réduit cons¬truit à l'Université d'Utah, aux Etats-Unis (photo du haut). La partie vitale del'engin se trouve derrière la cabine du conducteur. En coupe (schéma de gauche),on y distingue le réacteur nucléaire (A) contenant une solution d'uranium 235.La vapeur produite par ce réacteur passera à travers la tubulure (B) pouraboutir à la turbine (C) qui actionnera quatre générateurs d'électricité. C'estle courant produit parces générateurs qui propulsera la locomotive. Un blocd'acier de 250 tonnes, épais de I m 40, servira d'écran contre les radiations.

mais qui préparera aux changementsinévitables les esprits et les crurs deshommes qui sont appelés à en recueillirles bienfaits. Pour dispenser une telleéducation, en particulier aux adultes,il ne suffira pas bien loin de làd'expliquer ce qu'est l'énergie atomique.Dans nombre de pays, il faudra opérerune véritable révolution culturelle.

Il faudra tout d'abord encourager uneattitude d'esprit « scientifique », quiconsiste essentiellement à considérer

les problèmes à résoudre qu'ils aienttrait aux mathématiques, à la mécani¬que ou aux sciences naturelles, à l'éco¬nomie politique, au commerce interna¬tional ou aux relations entre les classessociales ou entre les nations comme

une stimulation au travail. Les hommes

appartenant à une culture non-scienti¬fique réagissent souvent lorsqu'ils sontplacés en face d'un problème quel¬conque, par le désespoir, la violence oula prière. En pareil cas, les problèmesdeviennent choses à éviter, car il estrare qu'on arrive à les résoudre.

Au contraire, l'esprit scientifique faitlittéralement des problèmes sa pâture;il les analyse et essaie une solutionaprès l'autre, jusqu'à ce qu'il ait trouvé

la bonne, en se fondant d'ordinaire surl'expérience acquise ou sur des princi¬pes généraux. La plupart des problèmesscientifiques sont, en fin de compte,résolus de façon satisfaisante quoi¬que parfois au prix de longs et patientsefforts. Aussi l'homme de science consi-

dère-t-il normalement les problèmescomme un défi lancé à son intelligence,un stimulant qui le force à mettre enjeu toutes ses ressources mentales.

Atomique rimera

avec prosaïque

En second lieu, il est indispensable,dans le cadre d'une vie basée

sur l'énergie atomique d'appli¬quer ce qu'on appelle souvent la mé¬thode scientifique, mais qui n'est, enfait, rien d'autre que la méthode expé¬rimentale. Il s'agit simplement dechercher tout de suite à « mettre à

l'épreuve », si possible à une échelleréduite, les idées, interprétations ouprojets nouveaux, pour voir s'ils sontexacts ou réalisables.

Au début de l'âge atomique, on aurasans doute à prendre en considéra¬tion d'innombrables théories et plansconcernant par exemple la techniqueindustrielle, les travaux publics, lalégislation, la vie sociale, etc., dont ilsera impossible, faute d'expérience, deprévoir les conséquences. La sagesseconsistera alors à expérimenter toutesces idées, en vue d'adopter tels ou telsprojets ou conclusions en fonction deces expériences, et non pas à la légère,pour des raisons affectives ou sousl'influence de préjugés.

Toutes ces considérations sont d'or¬

dre culturel. Elles tendent, non pas àsubstituer la science à la culture non

scientifique, mais à favoriser une fusionharmonieuse. On peut estimer que,dans Deaucoup de pays industrialisés,les idées scientifiques ont en fait acquisaujourd'hui une influence exagérée audétriment des principes moraux et spi¬rituels. Une synthèse serait donc salu¬taire à tous égards. S'il en est ainsi, ilfaut qu'une véritable rénovation desvaleurs s'opère dans le monde entier.

Pour que l'âge atomiqueapporte la prospérité et-l'importants avantages au

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Perspectives lointaines, mais inéluctablesplus grand nombre possible d'indi¬vidus de toutes nationalités, il doits'accompagner d'une réforme de l'édu¬cation aussi bien dans les pays les plusévolués qu'ailleurs. Cette réforme devracommencer dans les écoles primaires etmême dans les familles.

Si, à la suite du développement del'utilisation de l'énergie atomique, lascience parvient ainsi à imprégner lesvieilles cultures, et si l'esprit et laméthode scientifiques en arrivent àjouer normalement un rôle dans laformation des idées du grand public,celui-ci pourra assimiler une fouled'idées et de mots nouveaux. Poètes etprosateurs parleront avec précision deconcepts tels que la matière et l'éner¬gie, l'espace et le temps. Les écrivainsscientifiques n'auront plus besoin d'ex¬pliquer sans cesse la différence entreune quantité et un taux entre unkilowatt et un kilowatt-heure, par

exemple, ou entre les calories et lapuissance en chevaux. Ces termesscientifiques élémentaires seront com¬pris de tous lorsque l'énergie et la forcemotrice seront disponibles partout etque les localités les plus reculées rece¬vront de l'électricité produite par lesréacteurs atomiques.

Tout le monde acquérera égalementdes idées scientifiquement acceptées surl'électricité, les électrons, les solutions,les protéïnes, les vitamines et les hor¬mones. Les principes de l'hérédité etde la génétique seront mieux compris,ce qui ne saurait manquer d'améliorerles relations entre les races. L'étude des

grandes théories relatives par exempleà révolution des espèces, à la mécani¬que céleste, à la nature des planètes età l'origine de la terre, sera considéréecomme l'un des éléments de l'enseigne¬ment général, au lieu d'être réservée àquelques spécialistes. Ces questionsfigureront au programme des écolesprimaires, et c'est en étudiant de tellesdonnées et leurs rapports logiquesqu'enfants et adultes apprendront àconnaître l'esprit et les méthodes scien¬tifiques.

26 novembre dernier à la séance d'ou¬verture de la Conférence sur le déve¬loppement de l'énergie atomique à desfins pacifiques en Inde, le PremierMinistre indien, M. Nehru a déclarénotamment : « Aucun Etat ne sauraitpermettre que l'utilisation de l'énergieatomique soit développée par des entre¬prises privées; c'est là en effet unepuissance bien trop redoutable pourqu'on puisse la confier à des par¬ticuliers... Il y a déjà six ans qu'aprèsavoir étudié le problème du développe¬ment de l'exploitation de l'énergie ato¬mique, nous avons conclu qu'il doitêtre assuré exclusivement par l'Etat. »Mais aux Etats-Unis, on a tout aucontraire retiré, l'année dernière, augouvernement, le monopole dont iljouissait dans ce domaine parce quel'on considère que c'est une responsa¬bilité beaucoup trop lourde pour êtreexercée par une autorité centrale, etqu'en laissant à l'esprit d'initiative desdifférents groupes privés la possibilitéde se manifester librement, on accélé¬rera au maximum les progrès.

D'autres problèmes encore plus im¬portants se poseront. L'accroissementdes ressources énergétiques et de laproductivité permettra de réduire lesprix de revient; la concurrence devien¬dra donc plus sévère sur les marchésmondiaux et des modifications radicales

se produiront dans les échanges inter¬nationaux, ce qui risque de provoquerde nouvelles tensions entre les Etats.Enfin, dans tous les pays, grâce à l'aug¬mentation de la production, on dispo¬sera non seulement de plus de biensmatériels et d'argent, mais aussi deplus de loisirs. Dans les Etats indus¬trialisés, où la population est habi¬tuée à fournir une somme considérabled'efforts, l'introduction du systèmeconsistant à réduire les heures de tra¬

vail plutôt qu'à augmenter les salaires,soulèvera de graves difficultés ; maiselle offrira une merveilleuse occasionde créer une véritable culture fondéesur la certitude de disposer de quan¬tités suffisantes de biens et d'argent,et d'avoir assez de temps libre pour enprofiter. Dans les pays non industriels,

dont les habitants ont souvent plus deloisirs que d'argent, il faudra s'attacherà préserver les valeurs propres à leurrythme de vie particulier, tout enlaissant les moteurs et les machines

faire la majeure partie du travail.

Évolution rapideet non révolution

Les perspectives qu'offre l'ère ato¬mique montrent qu'il n'est pasexagéré de parler d'une révolu¬

tion dans l'organisation du travail etde l'existence des hommes. Peut-être

cependant conviendrait-il d'employerl'expression « évolution rapide », plu¬tôt que « révolution ». Mais en toutétat de cause, il nous fait voir bienau-delà de la physique nucléaire et dela technologie des réacteurs. Il est évi¬dent que l'âge atomique dans lequelnous entrons exigera beaucoup declairvoyance -de la part non seulementdes physiciens et des ingénieurs, maisaussi des éducateurs et des spécialistesdes sciences sociales. Il ne suffit d'ail¬

leurs pas de prévoir ce qui va se pas¬ser; il faut aussi établir des plans etprendre des mesures pour éviter d'êtredébordé par les événements.

En ce qui la concerne, l'Unesco estainsi appelée à faire face à un pro¬blème nouveau et immense. Chaque

département de cette Organisationaura son rôle à jouer dans l'avènementde l'âge atomique, et l'on devra aussirecourir aux compétences particulièresde l'Organisation mondiale de la santéet de l'Organisation des Nations Uniespour l'alimentation et l'agriculture. LesInstitutions spécialisées des NationsUnies accueilleront donc avec satisfac¬tion la création d'une nouvelle insti¬

tution et elles sont toutes disposéesdans l'intérêt de leurs Etats membres,à participer à la discussion, à l'établis¬sement et à la mise en du plande développement mondial qu'impliquele programme d'utilisation de l'énergieatomique à des fins pacifiques.

A qui confier cetteredoutable puissance ?

Ces prévisions peuvent paraître uto-piques parce que nous sommesencore loin d'une pareille époque;

mais il faudra bien qu'elles se réalisentpour que les hommes arrivent à résou¬dre de manière démocratique, lesgrands problèmes qui se poseront sansdoute à l'âge atomique : Comment pro¬duire assez de nourriture pour subveniraux besoins des multitudes de travail¬

leurs nécessaires aux industries nou¬velles ? Comment ravitailler en eau les

régions arides afin qu'une populationnombreuse puisse y vivre et y utiliserl'énergie électrique désormais fourniesans difficultés ? Comment faire béné¬ficier de services médicaux les vastes

groupes humains dont l'énergie atomi¬que assurera la subsistance ? Commentrépartir les richesses que créeront lesgrandes industries atomiques et quedes usines, où le travail sera entière¬ment mécanisé, transformeront peut-être en biens tangibles ?

Ce sont là des questions que chaquenation devra résoudre à sa façon.Dans le discours qu'il a prononcé le

GERALD WENDT

Les articles sur l'énergie atomique publiésdans ce numéro ont été rédigés parM. Gerald Wendt, chef de la Division de

l'Enseignement et de la diffusion de lascience au Département des SciencesExactes et Naturelles de l'Unesco.

M. Gerald Wendt, auteur de « The

atomic age opens », et de « l'Energieatomique et la Bombe à hydrogène »,a été professeur de chimie à l'Universitéde Chicago et Doyen du PennsylvaniaState College. Depuis plusieurs années,il s'est consacré à l'étude de la science

et de ses conséquences sociales, sujetqu'il a traité dans de nombreuses confé¬rences à la radio et à la télévision. Il a

été directeur de la section d'Education

de la Foire Universelle de New York,

Chef de la rubrique scientifique del'hebdomadaire américain Time. En outre,

il a dirigé la Rédaction du magazine« Science Illustrated ». Depuis sonentrée à l'Unesco il a assuré la publi¬cation de Impact, revue trimestrielleconsacrée à l'influence de la science

sur la société, et des InformationsScientifiques de l'Unesco. Les articlesqu'il a rédigés pour le Courrier del'Unesco et les Unesco Features ont été

traduits en de nombreuses langueset reproduits dans des journaux etmagazines de la majeure partie desEtats-Membres de l'Organisation.

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JENER» SYMBOLE : COOPÉRATION atomi-ue pacifique. Sur la partie supérieure du réac¬

teur de l'usine atomique <ie Kjeller, près d'Oslo, enNorvège, deux techniciens mesurent au compteur Gei¬ger l'intensité d'un bombardement de neutrons. Aufond du réacteur on distingue le? barres d'uranium.L'usine, connue soi imds *< jener », a été construite avec une re¡ blé perfection technique enassociation par la Norvège et la Hollande. Les acti¬vités du centre de Kjeller résident principalement dansla fabrication commerciale de radio-isotopes pourusages médicaux, industriels et agricoles, et dans lapréparation du plutonium indispensable à la produc¬tion de l'énergie électro-nucléaire. L'entreprise fonc¬tionne au profit des deux pays associés. (Photo USIS)

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LE « VETEMENT DE TRAVAIL » DU MONDE NOUVEAU :

Les techniciens qui travaillent dans des établissements utilisant l'énergieatomique et qui effectuent certaines tâches les exposant d'une façondangereuse au rayonnement hautement radioactif d'un composé toxique,endossent obligatoirement un vêtement protecteur. Dans ces établis¬sements, une vigilance constante est exercée, de sorte que le personnelqui y est employé court moins de risques d'accidents de travail que celuides industries normales. La combinaison étanche est revêtue par le tech

nicien dans une sorte de tunnel en matière plastique qui aboutit auvêtement lui-même. L'intérieur du vêtement est en légère surpressionpar rapport à l'atmosphère ambiante ce qui diminue le risque de conta¬mination en cas de fuites dans la combinaison. Cette photo a été priseà l'exposition organisée récemment à New York, au siège des NationsUnies, et qui avait pour thème l'utilisation de l'énergie atomique à desfins pacifiques. On reconnaît, à droite de la photo, Mme Lakshmi Menon,délégué de l'Inde à l'Assemblée générale des Nations Unies. (Photo ONU)