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l'unesco

1

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H6H L.J

1

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I

Drogues et sociétés

TRÉSORSDE L'ART

MONDIAL

^El Salvador

"Champignon de pierre" mayaCette statuette de pierre (hauteur: 33,5 cm) au sommet en forme de parapluieremonte à une date qui s'échelonne entre 300 avant J.-C. et 200 de notre ère. C'estl'un des deux cents spécimens découverts en diverses régions de l'Amérique cen¬trale, là où s'épanouit un temps l'ancienne civilisation maya. Selon certains spécia¬listes, ces sculptures représenteraient des champignons. Si l'on ignore encore lerôle exact que jouaient ces effigies dans la pratique religieuse, leur existence attestel'usage, chez les Mayas, de champignons hallucinogènes. Avec d'autres plantes, leschampignons hallucinogènes tenaient une place importante dans les rites religieuxde nombreuses civilisations anciennes. Les effets étonnants qu'ils ont sur les fonc¬tions de l'esprit et du corps permettaient au célébrant de communiquer avec lemonde des esprits. Ces substances, dont les propriétés mystérieuses sontaujourd'hui analysées par les chercheurs scientifiques, sont encore vénérées parcertains peuples attachés à d'anciennes traditions.

LeCourrierdel'unesco

Une fenêtre ouverte sur le monde

JANVIER 1982 35«= ANNÉE

PUBLIÉ EN 25 LANGUES

Francais Italien Turc Macédonien

Anglais Hindi Ourdou Serbo-Croate

Espagnol Tamoul Catalan SlovèneRusse Persan Malais Chinois

Allemand Hébreu Coréen

Arabe Néerlandais Kiswahili

Japonais Portugais Croato-Serbe

Une édition trimestrielle en braille est publiée

en français, en anglais et en espagnol.

Mensuel publié par l'UNESCOOrganisation des Nations Uniespour l'Éducation,la Science et la Culture

Ventes et distributions :

Unesco, place de Fontenoy, 75700 Paris

Belgique : Jean de Lannoy,202, avenue du Roi, Bruxelles 6

ABONNEMENT 1 an : 48 francs français ;deux ans : 84 francs français. Paiement parchèque bancaire, mandat, ou CCP 3 volets12598-48, à l'ordre de : Librairie de l'Unesco.

Retourner à Unesco, PUB/C, 7, place de Fonte¬noy - 75700 Paris.

Reliure pour une année : 36 francs.

Les articles et photos non copyright peuvent être reproduitsà condition d'être accompagnés du nom de l'auteur et de lamention « Reproduits du Courrier de l'Unesco », en préci¬sant la date du numéro. Trois justificatifs devront êtreenvoyés à la direction du Courrier. Les photos non copy¬right seront fournies aux publications qui en feront lademande. Les manuscrits non sollicités par la Rédaction nesont renvoyés que s'ils sont accompagnés d'un coupon-réponse international. Les articles paraissant dans le Cour¬rier de l'Unesco expriment l'opinion de leurs auteurs etnon pas nécessairement celle de l'Unesco ou de la Rédac¬tion. Les titres des articles et les légendes des photos sontde la rédaction.

Bureau de la Rédaction :

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Rédacteur en chef :

Jean Gaudin

Rédacteur en chef adjoint :

Olga Rodel

Secrétaire de rédaction : Gillian Whitcomb

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Edition française :Edition anglaise : Howard Brabyn (Paris)Edition espagnole : Francisco Fernandez-Santos (Paris)Edition russe :

Edition arabe : Sayed Osman (Paris)Edition allemande : Werner Merkli (Berne)

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-Edition tamoule : M. Mohammed Mustafa (Madras)

Edition hébraïque : Alexander Broïdo (Tel-Aviv)Edition persane : Samad Nourinejad (Téhéran)Edition néerlandaise : Paul Morren (Anvers)

Edition portugaise : Benedicto Silva (Rio de Janeiro)Edition turque : Mefra llgazer (Istanbul)Edition ourdoue : Hakim Mohammed Saïd (Karachi)

Edition catalane : Joan Carreras i Marti (Barcelone)

Edition malaise : Bahador Shah (Kuala Lumpur)Edition coréenne : Lee Kwang-Young (Séoul)Edition kiswahili : Domino Rutayebesibwa

(Dar-es-Salaam)

Editions braille : Frederick H. Potter (Paris)

Editions cfoato-serbe, macédonienne, serbo-croate,Slovène : Punisa Pavlovic (Belgrade)Edition chinoise : Shen Guofen (Pékin)

Rédacteurs adjoints :Edition française :Edition anglaise : Roy MalkinEdition espagnole : Jorge Enrique Adoum

Documentation : Christiane Boucher

Illustration : Ariane Bailey

Maquettes : Philippe Gentil

Toute la correspondance concernant la Rédaction doitêtre adressée au Rédacteur en Chef.

pages

4 FACE A LA DROGUE, L'ÉDUCATION PRÉVENTIVE

Une enquête de l'Unesco

11 L'USAGE DES DROGUES:

POUR UNE ANALYSE MULTIDIMENSIONNELLE

par Griffith Edwards

13 UNE MOSAÏQUE MONDIALE

Etudes de neuf régions différentes

19 LE ROLE DE L'OMS

20 LES VOIES DE LA DÉLIVRANCE

"La désintoxication: un processus culturel et un acte social

25 L'ABC DES DROGUES

Les stupéfiants placés sous contrôle international

30 LE REMÈDE MIRACLE

Dangers de l'abus des tranquillisants

32 "NO SMOKING, PLEASE"

L'offensive contre le tabac au Royaume-Üni

par Martin Raw

33 DROGUES ET SOCIÉTÉS

Un problème en constante évolution

par Griffith Edwards et Awni Arif

2 TRÉSORS DE L'ART MONDIAL

EL SALVADOR : "Champignon de pierre" maya

Notre couverture

De plus en plus on considère que le problèmede l'usage abusif des drogues, loin de pou¬voir être traité d'une seule et même façon,

exige, dans chaque société, une réponseconforme à ce que cette société a de spécifi¬que. Mais il va de soi que dans un teldomaine, chaque pays a aussi beaucoup àapprendre de l'expérience des autres. Cenuméro du Courrier de /'Unesco étudie préci¬sément ce thème de l'usage et de la consom¬mation excessive des drogues dans les diffé¬rentes parties du monde ainsi que les diver¬ses stratégies élaborées dans de nombreusessociétés et cultures pour l'éducation enmatière de drogues et le traitement. Nousespérons ainsi contribuer utilement à mieuxfaire connaître cette grande diversité d'expé¬riences.

Photo montage © Peter Angelo Simon, New York

Pharmacodépendance. "Etat psychique et quelquefois aussi physiquerésultant de l'interaction entre un organisme vivant et un médicament,se caractérisant par des modifications du comportement et par d'autresréactions, qui comprennent toujours une pulsion à prendre lemédicament de façon continue ou périodique afin de retrouver seseffets psychiques et quelquefois d'éviter le malaise qui accompagne laprivation. Cet état peut s'accompagner ou non de tolérance. Un mêmeindividu peut être dépendant à l'égard de plusieurs médicaments. "

Organisation mondiale de la santé

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y.V,

Depuis dix ans exactement,

l'Unesco participe à l'action concer¬tée que mènent les Nations Uniesdans le domaine des drogues. Au

cours de cette période, l'Unescos'est surtout attachée à développerl'éducation scolaire et extra sco¬

laire, destinée aux jeunes et auxadultes relative aux problèmes

liés à l'usage des drogues, alcool ettabac inclus, à encourager larecherche et à divulguer les résul¬tats obtenus. La Commission des

stupéfiants est l'organe des NationsUnies chargé de coordonner lesdivers aspects des problèmes liés

aux drogues. Au sein du systèmedes Nations Unies, la Division des

stupéfiants et l'Organe internatio¬nal de contrôle des stupéfiants del'ONU veillent surtout au contrôle

international de la production et du

trafic des drogues. Le Fonds desNations Unies pour la lutte contre

l'abus des drogues (FNULAD), crééen 1972, aide à financer les activités,

liées à la drogue, des organismes

des Nations Unies. L'Organisationmondiale de la santé (OMS) se con¬

sacre à la recherche épidémiologi-

que, biologique et médicale, et autraitement des utilisateurs de dro¬

gues ; l'Organisation des NationsUnies pour l'alimentation et l'agri¬culture (FAO) élabore des program¬

mes visant à supprimer définitive¬ment la culture des plantes donnant

de la drogue et à introduire des cul¬tures de remplacement ; l'Organisa¬tion internationale du travail (OIT)

contribue à développer la réadapta¬

tion professionnelle des anciens uti¬

lisateurs de drogue sur le lieu de tra¬vail.

Dans l'article ci-contre, nous pré¬

sentons les résultats d'une enquêtede l'Unesco sur les tendances et

l'évolution de l'usage des drogueset de l'éducation préventive dans

vingt pays industrialisés. Les autresarticles de ce numéro, entièrement

consacré au thème de la drogue,

comprennent un dossier des

Nations Unies sur les types de dro¬

gues placées sous contrôle interna¬tional, page 25, et un ensemble detextes inspirés d'une importante et

nouvelle étude de l'OMS, "Les pro¬

blèmes des drogues dans leur con¬texte socio-culturel". Ces articles,

pages 13, 20, 30, 32 et 33, ont étéadaptés pour le Courrier de

l'Unesco par le professeur GriffithEdwards, co-éditeur, avec Awni

Arif, de l'étude de l'OMS. Ils sont

présentés dans un article liminaire,

page 11, écrit spécialement par le

professeur Edwards à l'intention duCourrier de l'Unesco.

Face à la droguel'éducation préventive

Une enquête de PUnesco

IL n'y a pas. si longtemps encore, la fonc¬tion que peut remplir l'éducation encontribuant à prévenir l'abus des dro¬

gues était virtuellement ignorée. L'action sefondait sur d'autres moyens comme lespoursuites judiciaires et la répression du tra¬fic. Après la guerre, l'évolution du phéno¬mène lui-même a amené les spécialistes àreconnaître enfin qu'il fallait aussi mobiliserl'éoucation pour tenter de résoudre ce pro¬blème. Le développement de l'éducationpréventive a ainsi commencé.

Beaucoup de chemin a été parcourudepuis les premiers efforts d'élaborationd'actions éducatives sérieuses à cet égard.Une plus grande compréhension du pro¬blème de l'usage des drogues dans les paysindustriellement développés et l'expériencetirée de divers tâtonnements ont permis deraffermir les bases et les techniques de l'édu¬cation préventive. Cette évolution est sansaucun doute appelée à se poursuivre car sicertains progrès ont été réalisés, de nom¬breuses questions restent encore sansréponses.

Quant à la finalité essentielle de l'éduca¬

tion préventive, il- semble manifeste qu'uneévolution s'est produite dans nombre depays. Cette évolution a eu des effets appré¬ciables sur les approches, les programmes etles méthodes. Dans le passé, le but recher¬ché était souvent de prévenir ou de minimi¬ser tout usage non médical des drogues.L'éducation se ramenait à une exhortation :

ne touchez pas aux drogues. C'est encore lebut avoué de nombreux programmes.

L'expérience semble montrer, aujourd'hui,que c'est là un objectif chimérique, notam¬ment dans les sociétés qui n'imposent vir¬tuellement aucune restriction à la consom¬

mation d'alcool et de tabac. Les spécialistesparaissent maintenant s'accorder à penserqu'il est bien préférable de poursuivre desobjectifs plus susceptibles d'être atteints. Lerapport du Canada indique, par exemple :"A long terme, il faut envisager et arrêterdes objectifs réalistes. Il est sans doute pos¬sible, en revanche, de faire en sorte que lesindividus soient plus à même de contrôlerleur consommation et de faire des choix rai¬

sonnables fondés sur une connaissance

concrète des effets des drogues." L'auteurdu rapport sur la Grande-Bretagne exprimele même point de vue en d'autres termes :"...A en juger par les résultats des évalua¬tions faites dans le monde entier, aucune

des méthodes d'éducation que nous con¬naissons ne garantit une réduction de laconsommation. La diminution de la

demande n'est pas un fondement judicieuxde l'éducation. Celle-ci devrait plutôt s'atta¬cher à minimiser les effets négatifs del'usage des drogues et à éliminer toute stig¬matisation superflue et toute hypothèse quiconditionne a priori les résultats, pour cher¬cher à promouvoir des types de consomma¬tion comportant relativement peu de ris¬ques..."

Aucune conception de l'éducation pré¬ventive n'a de chances véritables de faire

l'unanimité et celle qu'esquissent ces cita¬tions n'échappe pas à cette règle. Il n'en

reste pas moins que le rôle et les possibilitésde l'éducation sont de plus en plus perçusdans cette optique.

Une de ces questions fondamentales estcelle du rôle de l'information. Les données

relatives à la drogue et à ses effets formaientprécédemment le noyau, sinon la totalitéd'un grand nombre de programmes d'ensei¬gnement. Cette approche se fondait surl'hypothèse que ces connaissances suffi¬raient à détourner les jeunes de la tentationd'expérimenter les drogues ou d'en abuser.L'attention était donc appelée essentielle¬ment sur les substances et leurs effets

étaient souvent présentés de manière à cho¬quer, à susciter la peur et, de cette façon, àdissuader.

Cette stratégie n'a plus la faveur des spé¬cialistes. "Informer pour le seul plaisird'informer peut faire plus de mal que debien" indique le rapport de la Yougoslavie.La même opinion est exprimée dans le rap¬port de l'Espagne, qui fait observer que lesinformations fournies peuvent provoquer lacuriosité, voire justifier l'usage des droguesaux yeux des jeunes en présentant celui-cicomme une pratique antisociale et commeune forme de contestation de la générationdes adultes et de ses valeurs. En Norvège,une étude portant sur les attitudes desenseignants a fait apparaître qu'à leur avis,l'information seule n'apportait que des élé¬ments insuffisants pour fonder les choixindividuels en matière de drogues. Le rap¬port de l'Australie déclare : "On considèreque l'information a une contribution essen-

Face à la drogue, l'éducation préventive

, tielle à apporter pour atteindre les objectifsde l'éducation relative aux drogues, maisqu'elle ne suffit pas à modifier les attitudeset les comportements". Des réflexions allantdans le même sens figurent dans la plupartdes autres rapports.

|ALGRÉ cela, le débat, sur l'infor¬mation est loin d'être clos.

"Nous ne pensons pas que dif¬fuser des informations à des innocents éveil¬

lera leur curiosité et stimulera la tendance

des jeunes à expérimenter" indique le rap¬port du Danemark. En outre, les résultats derecherches effectuées au Canada sur les

effets des programmes d'information don¬neront peut-être à réfléchir à ceux qui les cri¬tiquent. Quoi qu'il en soit, cependant, lastratégie consistant à utiliser les informa¬tions sur les drogues pour provoquer la peurest aujourd'hui généralement rejetée decrainte qu'elle n'attire vers les drogues leséléments les plus suicidaires des groupes àhaut risque.

Cette approche a, dans une large mesure,cédé la place à une autre stratégie. Il ressortnettement de l'ensemble des rapports quel'on s'oriente vers uf\e approche qui, sanséliminer l'information, ne la considère plusque comme une des nombreuses compo¬santes de l'éducation préventive." L'apportd'informations sur les substances est de plusen plus englobé dans ce que certains rap¬ports désignent par le nom d'«éducationaffective». Celle-ci revêt un caractère global.Elle s'adresse à l'ensemble de la personnalitéet non plus seulement à ses aspects cogni-tifs ou intellectuels. Elle vise, pour reprendreles termes employés en Finlande quandl'éducation pour la tempérance y a été intro¬duite en 1963, à développer une "personna¬lité physiquement et psychiquement saine".Ainsi définie, elle est apte à toucher nonseulement les élèves les plus exposés maistous leurs condisciples.

Cette approche replace les individus dansle milieu socio-culturel qui leur est propre etest axée sur l'interaction de la personnalitéet des valeurs dans des situations où des

décisions doivent être prises en ce qui con¬cerne l'usage des drogues. "Nos études ontmontré qu'il importe au plus haut point queles enseignants partent de Vexamen desituation indique le rapport du Danemark.

Bien que -cette approche contribué main¬tenant à inspirer de nombreux programmes,l'éducation préventive héritée du passé semaintient parallèlement ou conjointement.Le rapport du Royaume-Uni, par exemple,note que, si les programmes nationaux repo¬sent habituellement sur des principes ou des

doctrines qui tendent à privilégier l'approcheaffective, les matériels didactiques reflètentégalement une approche qui s'articuleautour de l'apport d'informations sur lessubstances. En salle de classe, ajoute le rap¬port, cette approche mixte tend à susciterdes discussions axées sur les substances

parce qu'enseignants et élèves sont surtoutattirés par la question des drogues et deleurs effets. Les nouveaux programmes ne

sont pas mis en oeuvre avec rigueur. "Laconfusion qui règne au niveau desprincipes", note l'auteur "se répercute auniveau de la classe".

L'approche affective exige l'adoption deméthodes et de techniques pédagogiquesqui éveillent l'intérêt des élèves et fassentd'eux des partenaires actifs des expériencesd'apprentissage. La tendance à utiliser cesméthodes se manifeste non seulement dans

ce domaine, mais dans l'éducation en géné¬ral. Souvent qualifiées de "méthodes acti¬ves", elles se sont particulièrement révéléesutiles dans les matières comme l'éducation

morale et civique qui visent à susciter desattitudes et des comportements.

Il semble que la nécessité d'avoir recours àdes méthodes de ce type soit maintenant lar¬gement reconnue. Quelques exemples suffi¬ront à le montrer. Les instructions données

en Finlande au sujet de l'éducation pour latempérance et la santé (qui comprend l'édu¬cation préventive) précisent : "Un simpleenseignement théorique est insuffisant...L'enseignement est lié aux expériences fai¬tes chaque jour par l'enfant... Des méthodesde travail centrées sur l'enfant sont appli¬

quées" (Rapport de la Finlande).

Un exemple de ces méthodes centrées surl'enfant nous est donné par la Suède oùl'étude se fait en petits groupes et est orga¬nisée dans une large mesure par les élèveseux-mêmes. Le rapport cite le plan d'uneleçon qui débute par une discussion à pro¬pos d'un film ou d'un autre élément intro-ductif, se poursuit par l'étude d'élémentscommuns par tous les élèves et par des tra¬vaux individuels et en groupe, et s'achèvepar la rédaction de rapports et un nouveléchange de vues. Notant le rôle du dialogue,le rapport sur la Communauté flamande deBelgique souligne qu'il importe de faire ensorte que les élèves expliquent comment ilsperçoivent et vivent le problème. Un docu¬ment australien exposant les principes quirégissent dans ce pays le programme d'édu¬cation relative aux drogues, donne une lis.tedes techniques pédagogiques qui com¬prend, entre autres méthodes actives, lesdébats, les tribunes, les jeux éducatifs, lesdiscussions en groupe et le travail encomité.

UN certain nombre de rapports et dedocuments annexes évoquentdes exercices de clarification des

valeurs, de simulation, de solution de pro¬blèmes et de prise de décisions. Toutes cestechniques sont devenues des élémentshabituels de l'éducation affective dans ce

domaine. La clarification des valeurs, pro¬cessus de choix entre diverses options aprèsavoir examiné les conséquences de cha¬cune, contribue à la formation d'attitudes à

l'égard des drogues qui aideront l'individu àprendre des décisions conformes à son inté¬rêt et à celui des autres. Cette technique estdonc souvent axée sur des situations où

l'intéressé est amené à choisir entre saisir

une occasion d'expérimenter ou d'utiliserdes drogues ou s'en abstenir. Les exercicesde simulation aident les élèves à comprendredes problèmes pu des conflits de valeursreprésentés sous forme de psychodrames età se mettre à la place de personnes se .trou¬vant d.ans des situations parfois très diffé¬rentes de la leur. La prise de décision, géné¬ralement centrée sur des problèmes ou desconflits personnels, et la solution de problè

mes, qui sont habituellement d'ordre collec¬tif, comportent quatre phases essentielles :la définition du problème ou du conflit ;l'énumération des choix ou options quis'offrent pour le résoudre ; l'examen desconséquences de chaque ligne de conduitepossible ; la détermination de la solution laplus satisfaisante pour l'individu ou legroupe.

Un grand nombre des considérations fai¬tes au sujet des objectifs, des approches etdes méthodes s'applique aussi bien à l'édu¬cation scolaire qu'extra-scolaire. L'éduca-tipn .extra-scolaire tend moins, maintenant,à mettre fin à l'usage non médical de .dro¬gues qu'à développer des attitudes et descomportements qui en réduiront les effetsnégatifs, ou, «n d'autres termes, comme ledit un rapport, à "minimiser les dégâts", desorte que les méthodes actives succincte¬ment décrites ci-dessus sont de plus en plusutilisées dans ce contexte.

En ce qui concerne les matériels pédago¬giques, les ressources des pays qui fontl'objet de la présente étude vont d'une rela¬tive indigence à une surabondance derichesses. Dans la quasi-totalité d'entre eux,toutefois, il semble qu'il y ait eu ces derniè¬res années une augmentation de la produc¬tion de matériels de bonne qualité provenantde diverses sources.

Pour l'éducation scolaire, indépendam¬ment des informations contenues dans les

manuels d'étude des problèmes liés àl'usage des drogues, des matériels auxiliairessont produits dans un nombre croissant depays ; brochures illustrées, cahiers d'exerci¬ces et guides de discussion à l'intention desétudiants ; affiches, films, vidéo-cassetteset diagrammes à utiliser en classe ; guides,manuels, trousses ou ensembles contenanttous les éléments d'une ou de plusieursleçons à l'intention des enseignants.

Dans la plupart des pays, on constateaussi un accroissement dea matériels desti¬

nés principalement (mais pas toujours exclu¬sivement) à l'éducation extra-scolaire. Les

rapports mentionnent notamment à cetégard des brochures d'information, des arti¬cles et des avis parus dans la presse, despériodiques, des affiches, des auto-collants,des programmes et des messages diffuséspar la radio et la télévision. Si certains de cesmatériels sont destinés à des groupes-cibles,la plupart visent l'ensemble du public. Cer¬tains spécialistes ont mis en doute le bien-fondé d'une diffusion générale de certainstypes d'informations sur les drogues àl'ensemble de la population en arguantqu'elle pourrait faire plus de mal que debien. Selon eux, il faut adapter les informa¬tions et les matériels aux caractéristiques etaux exigences de groupes particuliers et lesdiffuser sélectivement.

Des matériels ainsi "personnalisés" sontmaintenant produits dans de nombreux paysà l'intention de groupes divers : enfants,adolescents, parents, travailleurs, person¬nes du troisième âge, groupes profession¬nels déterminés, etc. Il convient de noter en

particulier qu'une place prépondérante estsouvent accordée à la documentation rela¬

tive à l'alcool et au tabac qui suscitent, dans

les pays en question, les problèmes, liés àl'usage des drogues, les plus graves et lesplus fréquents. Parmi les nombreux exem¬ples données à ce sujet dans les rapports,nous en citerons un qui illustre non seule¬ment le principe des groupes-cibles, maisaussi une approche non prohibitive intéres¬sante. En Finlande, la société Alko, orga¬nisme public. qui a le monopole de la ventedes boissons alcoolisées, mène un impor¬tant programme d'information des consom¬mateurs. Elle distribue divers types de docu¬mentation à des groupes déterminés enrecourant à des intermédiaires appropriés(points de vente, restaurants, associationssportives, auto-écoles, etc.). Elle s'efforceainsi de réfréner l'abus d'alcool et de modi¬

fier les attitudes qui y prédisposent. Cettedocumentation développe les quatre idéessuivantes : l'abstinence est le meilleur

moyen d'éviter les problèmes ; boire beau¬coup est toujours nocif à long terme ; mêmede faibles dosés peuvent être dangereuses àcertains moments ; l'alcool peut aussi avoirdes effets positifs.

DES directives générales ont étépubliées dans certains pays pourl'élaboration de ces matériels.

Nous en donnerons également un exemple,choisi en raison des circonstances inhabi¬

tuelles qui ont donné naissance à ces directi¬ves. A la fin des années 60, un phénomèneprobablement unique de surabondance dedocumentation se produisit aux Etats-Unis.A cette époque, selon les indications don¬nées par ce pays, "est née une industrie trèsimportante qui reposait essentiellement surune seule activité : la production et la diffu¬sion de renseignements sur les dangers liés àl'usage des drogues. D'après une estimationfaite en 1972, son chiffre d'affaires s'élevaitau minimum à 100 millions de dollars par an.Ce flot d'informations souvent

inexactes est devenu lui-même préoccu¬pant". Un examen approfondi de la docu¬mentation disponible en 1971 a montréqu'elle était en majeure partie inexacte ouinappropriée pour d'autres raisons. Face àces résultats, le gouvernement fédéral aimposé un moratoire en ce qui concerne laproduction de matériels d'information surles drogues à l'aide de subventions du gou¬vernement. Il a été mis fin à ce moratoire

quand de nouvelles directives ont étépubliées.

Celles-ci exigent que les groupes-ciblessoient définis et les matériels testés préala¬blement. Elles interdisent les messages quifont essentiellement appel à la peur ou don¬nent des indications sur la manière de con¬

sommer les drogues, et formulent desrecommandations quant aux thèmes géné¬raux à développer.

Les dispositions qui ont été prises pourintégrer l'éducation préventive aux program¬mes scolaires varient considérablement dans

les pays étudiés ici. D'un côté, on trouve despays où elle constitue une matière obliga¬toire inscrite au programme officiel ; del'autre, des pays qui n'ont pris aucunemesure spécifique la concernant et où elles'effectue dans une large mesure à l'initia¬tive des enseignants. Dans certains cas,cette éducation est essentiellement une acti¬

vité hors programme. Les exemples qui sui¬vent donnent une idée de la diversité des

pratiques :

Finlande : des instructions relatives à

l'éducation pour la tempérance dans les pro¬grammes d'enseignement primaire et secon

daire ont été publiées par le Conseil nationaldes écoles au début du siècle. Depuis 1967,cet enseignement est intégré dans le pri¬maire (de la cinquième à la huitième annéed'école) à une nouvelle matière appelée"droits et devoirs du citoyen". Dans les éco¬les secondaires, il s'inscrit dans le cadre descours d'hygiène et de biologie, mais la ques¬tion est également abordée dans d'autrescours. Le programme se compose de deux àsix leçons par an.

Suède : l'enseignement relatif à l'alcool,aux stupéfiants et au tabac a été rendu obli¬gatoire à tous les niveaux dans le cadre duprogramme adopté en 1967. Il est dispensé àl'occasion de divers cours, conformémentaux instructions élaborées par le Conseilnational de l'éducation.

Danemark : toutes les écoles doiventoffrir une éducation préventive de la sixièmeà la dixième année d'études. Elle est intégréeaux cours de biologie, de sciences sociales,d'éducation physique, etc.

Norvège : l'éducation préventive est unematière obligatoire du programme des élè¬ves âgés de 10 à 16 ans. Aucun nombred'heures déterminé n'a été fixé à cet égard.

Grèce : l'éducation préventive est inté¬grée à différents cours pendant les première,deuxième et troisième années du secon¬

daire.

Italie : cette éducation est dispenséedans le cadre de l'éducation sanitaire, qui estconsidérée comme un élément du processuséducatif dans son ensemble et dont tous les

enseignants ont la responsabilité. Les pro¬fesseurs de sciences naturelles et de chimie

en sont expressément chargés dans l'ensei¬gnement secondaire.

République fédérale d'Allemagne :l'éducation préventive figure dans les pro¬grammes de tous les lender. Cette matièreest habituellement abordée à partir de la sep¬tième année d'école (élèves de 13 ans). De

nouveaux programmes sont actuellementélaborés pour toutes les classes par le Cen¬tre fédéral pour l'éducation sanitaire. Ilsseront achevés dans quelques années.

Yougoslavie : les programmes d'éduca¬tion préventive comportent un enseigne¬ment dispensé dans le cadre de divers coursobligatoires ou à option, des conférencessur des questions d'ordre social qui sontdonnées par des représentants d'organisa¬tions telles que la Croix-Rouge et des discus¬sions au sein de clubs scolaires. En ce quiconcerne l'enseignement, on peut citerl'exemple de la Serbie, où des élémentsd'éducation préventive figurent dans descours sur "la nature et la société" qui sontdispensés pendant les quatre premièresannées d'école et dans les cours de biologiedonnés aux élèves de huitième année.

Australie : les écoles sont autorisées

dans la plupart des Etats à entreprendre desprogrammes d'éducation préventive, c'estgénéralement aux chefs d'établissementsqu'il appartient de prendre des décisions àce sujet.

Tchécoslovaquie : les programmes sco¬laires prévoient à divers stades un enseigne¬ment relatif à l'alcool et aux problèmes qu'ilpose et des informations sur les dangers du

tabac sont données à tous les niveaux. Un

enseignement concernant d'autres droguesest assuré dans le cadre de projets hors pro¬grammes.

France : l'éducation préventive ne figurepas dans les programmes. Des informationssont communiquées aux élèves sur leurdemande, notamment dans les clubs "Vie et

Santé" qu'on trouve dans de nombreusesécoles et qui ne se limitent pas à ce sujetmais abordent également d'autres problè¬mes préoccupant les jeunes comme l'envi¬ronnement et la sexualité.

Aucun des rapports présentés ne préco¬nise un cours distinct et bien défini portantsur les problèmes liés à l'usage des drogues.Comme le démontrent les exemples cités ci-dessus, l'éducation préventive trouve plutôtsa place dans d'autres enseignements parmilesquels figurent en premier lieu l'éducationsanitaire et l'hygiène et en deuxième la biolo¬gie, les sciences sociales et l'éducation civi¬que. Les sciences naturelles, la chimie,l'éducation physique, l'économie familiale,l'anthropologie, l'histoire, l'écologie, l'édu¬cation sexuelle et les langues ont égalementété mentionnées.

OUTRE qu'ils donnent, au sujet dela consommation de drogues, lesinformations résumées dans les

paragraphes précédents, de nombreux rap¬ports fournissent des indications sur l'évolu¬tion des attitudes à l'égard des drogues engénéral ou de certaines drogues en particu¬lier. Les changements signalés sont tropdivers, à l'intérieur des pays ou d'un pays àl'autre, pour permettre des généralisationsvraiment significatives.

On peut néanmoins faire trois observa¬tions qui semblent justifiées :

dans certains pays, l'inquiétude que le"problème de la drogue" suscitait il y a10 ans dans le public semble s'être dissipée.Cette moindre préoccupation tient pour unepart au fait qu'on a de plus en plus tendanceà dédramatiser la question. Aux Etats-Unis,par exemple, le directeur du National Insti¬tute on Drug Abuse a attiré l'attention en1979 sur le fait qu'une "grande partie del'opinion" publique, bien que n'approuvantpas l'abus des drogues, reste à tout le moinsneutre à cet égard". Un autre documentofficiel de ce pays évoque "l'accroissementapparent de la tolérance à l'égard des dro¬gues",

l'usage de certaines drogues illicites sem¬ble être de plus en plus accepté. Il en estnotamment ainsi dans certains pays, pour lecannabis (Canada, Danemark, Etats-Unisd'Amérique, par exemple),

l'opposition à l'usage des drogues admi¬ses s'est renforcée dans certains pays. Plu¬sieurs rapports (par exemple, celui de laNouvelle-Zélande) font ainsi état d'attitudes

du public qui.mettent les consommateurs detabac sur la défensive ; d'autres montrentque l'opposition à l'alcool se renforce (exem¬ple : en Norvège, où 15 à 20 % de la popula¬tion prône l'abstinence totale).

A quoi peut-on attribuer ces fluctuationsapparentes des attitudes ? Il ne fait aucundoute que de nombreux facteurs qui varientd'un pays à l'autre entrent en jeu. Il convientnotamment de citer, à cet égard, les infor¬mations données au public par l'éducationet les médias. Il est indéniable qu'ellesinfluent de manière significative sur lamanière dont sont perçus les drogues et lesproblèmes qu'elles posent.

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L'usage des drogues :pour une analyse multidimensionnelle

par Griffith Edwards

DEPUIS une ou deux décennies,I' "éducation en matière de dro¬

gues" connaît une grande vogueen tant que moyen de répondre au problèmesocial que pose la consommation illégale dedrogues chez les jeunes. Mais, dans uneperspective plus large, il faudrait se deman¬der qui éduque les éducateurs et poser,comme un défi, cette simple question :"Sait-on de quoi l'on parle ?"

L'image du professeur discourant devantle tableau noir craie en main ou commentant

une série de diapositives récentes sur le sujetn'est, bien entendu, qu'une métaphore : envérité, la question qui se pose est de savoir siles lois et les politiques gouvernementalespour lutter contre l'usage des drogues, lesprogrammes curatifs et préventifs des dro¬gués aussi bien que la façon dont nous réa¬gissons à l'usage des drogues ou en usonsnous-mêmes (l'alcool et le tabac étant des

drogues) sont grevées par des conceptionserronées et timorées ou bien si nous agis¬sons, face à ce problème, en connaissancede cause et dans un esprit de compréhen¬sion.

Au nombre de ces idées fausses, parexemple, figurent celles-ci : croire quel'alcool n'est pas une drogue, que l'usagedes drogues ne concerne que les jeunes,qu'il suffit d'un type d'explication pour com¬prendre le phénomène de la drogue, qu'unesolution appréciée en Occident apporte uneréponse en Orient, que l'on peut "guérir" lessociétés des maux de la drogue en renfor¬çant toujours davantage l'action des doua¬nes et de la police, que l'usage des droguessignifie inévitablement une effroyabledéchéance, bref, que le problème tient sim¬plement à la drogue, simplement à l'indi¬vidu, ou simplement au déséquilibre de lasociété.

Laissons un instant notre craie et nos dia¬

positives de côté, et commençons, avanttoute chose, par nous demander quel sensnous donnons réellement à ce mot-clé :

"dépendance".

Dans l'esprit de la plupart des gens, le mot"dépendance" évoque, par un réflexe immé¬diat, l'image de quelque chose qui leur estétranger, inintelligible, et il n'est pasdépourvu d'une certaine connotation maléfi¬que. C'est un mot qui suscite la peur, peut-

GRIFFITH EDWARDS, du Royaume-Uni, est,depuis 1979, professeur chargé de l'étude duComportement des toxicomanes à l'Institut depsychiatrie de l'Université de Londres et, depuis1970, Directeur honoraire de l'Unité de recherchesur la toxicomanie de ce même institut. Il est aussi

membre du Comité d'experts sur la pharmacodé-pendance de l'Organisation mondiale de la santé.Parmi ses nombreuses publications, il faut citer :Drugs and Drug Dependence (1976), ouvragedont il est co-auteur, et Alcoholism (1977).

être le mépris et, assurément, des réactionspeu objectives.

Aujourd'hui, les nuances de significationde ce mot varient énormément selon les lan¬

gues ; dans toutes les réunions internationa¬les sur les problèmes de la drogue, on serend vite compte que l'on est pris dans uncasse-tête linguistique. Dans certaines lan¬gues, ce terme de "dépendance" n'a pas detraduction précise, dans d'autres, il n'existepas de concept qui se rapproche un tant soitpeu de ce mot-clé.

On constate là, encore, que les mots nesont pas uniquement à notre service maissont aussi nos maîtres : le vocabulaire

façonne notre conception des choses et (cequi est beaucoup plus dangereux) celle quenous nous faisons des gens.

Il y a quelques années en 1969exactement l'Organisation mondiale de lasanté a lancé le concept de pharmacodépen-dance, pour remplacer celui de toxicomanie.Son intention n'était pas de proposer unsimple synonyme d'un terme plus ancien. Ils'agissait de reconnaître cette évidence : lesdivers types de drogues entraînent uneaccoutumance d'une nature et d'un degrévariables, or le mot "toxicomanie" a troptendance à suggérer une image extrême etstéréotypée, du genre de celle qu'évoquel'usage de l'héroïne. Sans doute le mot"toxicomanie", en raison de la place qu'il aprise dans le langage courant, restera-t-il envigueur pendant longtemps encore leterme de "toxicomane" nous vient encore

plus spontanément que celui, plus long, de"pharmacodépendant".

Toutefois, que l'on qualifie l'usage con¬traignant de la drogue de mauvaise habi¬tude, de toxicomanie ou de dépendance, laquestion reste entière : quelle est la natureessentielle de ce phénomène, sa spécificité ?Il y a plusieurs niveaux d'explications possi¬bles. Le chercheur en laboratoire s'intéres¬

sera à la neurochimie et à l'influence de la

drogue sur la transmission des influx ner¬veux, ainsi qu'aux mécanismes qui détermi¬nent la tolérance et le syndrome de manque.Le psychologue mettra l'accent sur la phar¬macodépendance en- tant que comporte¬ment acquis, sur l'expérience de la drogueen tant qu'élément renforçant et entraînantl'habitude des drogues, ou sur les processusd'apprentissage qui se produisent quand lessyndromes de manque sont atténués grâce àune dose supplémentaire de drogue. De soncôté, le sociologue s'efforcera de compren¬dre les causes sociales de l'usage des dro¬gues, les pressions exercées par un mêmegroupe d'utilisateurs et la nature du milieusocial qui prédispose à l'usage des drogues.Il insistera sur le fait qu'être pharmacodé¬pendant confère un rôle social. L'anthropo¬logue, à son tour, mettra l'accent sur lasignification symbolique de la drpgue etconsidérera que les rites et fonctions liés à

son usage sont enracinés dans la culture del'individu.

De ces explications, laquelle doit préva¬loir ? Cette question suscite des partis pris.Le scientifique pensera que seule sa sciencepeut mettre en lumière la nature profonde dela pharmacodépendance et que la vérité seramène, en définitive, à la synapse des neu¬rones. Le spécialiste des sciences socialespeut aussi être tenté d'affirmer que la neuro¬logie est une science grossière qui n'opèrequ'à un niveau absurdement éloigné de laréalité sociale de la pharmacodépendancele microscope électronique, quelle que soitsa puissance, ne révèle pas de quoi se com¬pose le village bâti à flanc de colline dufumeur d'opium, et ne montre en rien la réa¬lité de l'univers urbain de l'héroïnomane. Et

il ne sert à rien de confronter ces différentes

perspectives.

Le défi que représente l'effort de com¬prendre l'usage des drogues et la pharmaco¬dépendance va plus loin que les problèmesimmédiats : son but est de dépasser cettehabitude de l'esprit qui consiste à préférerles explications unidimensionnelles. En réa¬lité, il est impossible de parvenir à vraimentcomprendre pourquoi, par exemple, le pay¬san andin mâche ses feuilles de coca, si l'onne fait pas, en même temps, l'effort de com¬prendre les propriétés pharmacologiques dela cocaïne, la nature psychologique del'expérience de la drogue, les conditions detravail de ce paysan, et la manière dont lasociété considère la pratique qui consiste àmâcher de la coca. Quelle que soit la dro¬gue, l'analyse doit se faire à tous lesniveaux.

Ce défi majeur ne doit pas rester un tourde passe-passe intellectuel, une simple vuede l'esprit. Au contraire, c'est là le fonde¬ment indispensable de toute entreprise prati¬que. Si on se limite à une vision unidimen-sionnelle, quelle qu'elle soit, on se trouveinévitablement pris au piège de politiques etde réponses mal ajustées à leur objet.D'avoir ainsi souligné, comme je l'ai fait,cette nécessité d'une compréhension équili¬brée et intégrée aidera peut-être à voir queles pires erreurs commises au cours de cesdernières années proviennent d'une ten¬dance à négliger les dimensions sociales etculturelles du. problème de la drogue. Unepolitique qui cherche, par exemple, à préve¬nir l'héroïnomanie urbaine en recourant à de

sévères condamnations à rencontre des

héroïnomanes ou en faisant aux écoliers des

cours sur les méfaits et les dangers del'héroïne, ne tient compte ni du type de viedes drogués ni de leurs frustrations dans unghetto où le fait d'être pharmacodépendantsuscite une camaraderie, un sens commu¬nautaire et une affirmation de soi-même, dif¬

ficiles à acquérir autrement. Une telle politi¬que s'engagera dans une voie qui sera sansdoute inefficace, coûteuse, et de surcroîtcruelle.

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Une mosaïque mondiale

// serait chimérique de vouloir brosser un tableaudétaillé et complet des innombrables usages des stupé¬fiants dans le monde. Mais les renseignements de pre¬mière main que des spécialistes donnent ici à propos deneuf contrées ou régions différentes mettent bien enlumière cette diversité. Dans chaque cas l'auteur souli¬gne que l'on ne peut comprendre le problème de la dro¬gue que dans un contexte social et culturel, quiautres caractéristiques comporte aujourd'hui uneconscience aiguë du changement : les populationsvoient leur environnement se modifier sous leurs yeux,leurs traditions disparaissent, les règles ne s'appliquentplus aux nouveaux modes de vie. Ces changements ontdes répercussions immédiates sur l'usage des stupé¬fiants.

Etudes

de neuf

régionsdifférentes

THAÏLANDE. Le docteur V. Poshya-chinda décrit la consommation d'opiumchez les Hmong, population monta¬gnarde du nord. Des comportementsbien établis et certaines idées sur les

effets de la drogue servent dans la prati¬que à régler cette consommation.

L'opium est surtout un calmant, qu'onemploie contre les douleurs. On y recourtaussi comme à un "tranquillisant" et pourses vertus euphorisantes et l'on commenceparfois à s'y adonner pour surmonter unedépression après un deuil, après une pertede récolte ou de bétail. Mais la drogue estaussi un instrument de détente et de sociabi¬

lité : elle est consommée aux assemblées de

village au même titre que le thé, l'alcool et letabac. D'autre part, les Hmong interdisentassez fermement l'opium aux enfants, demême que le tabac et l'alcool. Les adoles¬cents n'y ont droit qu'en cas de maladiecomme à un remède ; quelques-uns, cepen¬dant, en petit nombre, s'y adonnent, pouravoir tenté l'expérience par curiosité ou sousl'influence de camarades.

Les Hmong connaissent bien les effetspernicieux de la dépendance à l'égard de¡'opium. Selon une enquête menée dansleurs villages, près des deux tiers des habi¬tants jugent qu'il est mauvais de fumer del'opium, les principaux motifs de cette con¬damnation étant d'ordre économique. Cer¬tains, au contraire, insistent sur la valeurthérapeutique du produit qui, à leur avis, nefait pas de mal si on sait s'en servir. D'ail¬leurs, les fumeurs ne se gênent pas enpublic, dans la famille, devant les enfants.Seule exception : les jeunes femmes onthonte de fumer et se cachent chez elles ou

dans les bois si elles ne peuvent s'en empê¬cher.

MALAISIE. Pharmacodépendance enpleine évolution : traditionnellement les

pêcheurs demandaient à l'opium de lesaider à supporter des conditions de vied'une extrême dureté ; aujourd'hui desjeunes gens fument de l'héroïne dans lesdiscothèques en réaction sans doute àd'autres problèmes.

Selon le Docteur V. Navaratnam, on allaitautrefois dans les fumeries et l'on prenaitaussi de l'opium dans certaines réunions defamille mais aujourd'hui les jeunes utilisentles drogues dans les maisons, les discothè¬ques, sur les terrains de jeu, les stands deboissons. Les habitués fument des ciga¬rettes d'héroïne. C'était une tradition

d'employer l'opium pour trouver un peu dedétente, ou pour se donner le couraged'assumer des travaux particulièrementpénibles : les pêcheurs par exemple travail¬laient jusqu'à 18 heures par jour, dont 15heures de suite en mer. Une étude récente

montre que les jeunes prennent des stupé¬fiants pour de tout autres raisons : soit parcuriosité (environ 27 %), soit pour imiter descamarades (31%), soit encore et la pro¬portion est surprenante pour "oublierleurs problèmes" (18 %).

Pourquoi ces jeunes commencent-ils às'adonner aux stupéfiants ? On peut avancertrois explications conjecturales : la drogueest un moyen de se faire admettre dans unesous-culture ; c'est une manifestation dedélinquance et de défi social ; c'est unesorte de cure personnelle, une manière detraiter les frustrations que provoquent lemanque de débouchés et les difficultés éco¬nomiques.

Cette troisième explication est probable¬

ment importante dans les pays en develop- 1pement, ceux surtout qui connaissent une f

13

industrialisation rapide. Le passage de l'ado¬lescence à l'âge adulte est souvent unepériode de révolte, même dans des circons¬tances normales. En Malaisie les jeunes, quiont reçu plus d'instruction que leursparents, ont généralement plus d'ambitionaussi. Or la concurrence devient de plus enplus âpre, qu'il s'agisse de poursuivre desétudes ou de trouver un emploi. D'où lessentiments de frustration et la recherche de

l'évasion.

INDE. Le Docteur D. Mohan définit les

flux et reflux de la pharmacodépen¬dance dans les régions rurales du Pend¬jab, et évalue le rôle des mesures admi¬nistratives.

Les stupéfiants utilisés depuis bien long¬temps, l'alcool, l'opium, le chanvre indien(cannabis) semblent toujours en vogue,mais on croit remarquer certains change¬ments dans leur consommation par ordre depréférence. Celle du chanvre est en baisse ;celle de l'opium aussi, bien qu'elle reste plusélevée que ne l'indiquent les chiffres offi¬ciels ; et la consommation d'alcool a certai¬

nement augmenté. Les psychotropes nesont guère utilisés, malgré l'accroissement

En bas, à gauche, deux membresd'une équipe de réadaptationprofessionnelle de l'Organisationinternationale du travail (OIT)

admirent une broderie villageoiseen Thaïlande. Ils aident le

gouvernement thaïlandais à luttercontre la culture illégale du pavot etl'usage des stupéfiants dans lesvillages des régions montagneusesdu nord de la Thaïlande. Ce

programme ONU/Thaïlande, mis enuuvre par l'Organisation mondialede la santé (OMS) et l'OIT, vise au

traitement et â la réadaptation des

drogués, et à diversifier les sourcesde revenus en encourageant lescultures de remplacement (ci-dessus) et la fabrication d'objetsartisanaux.

Dans les sociétés où l'usage desdrogues est une pratique traditionnelle,

les changements sociaux etéconomiques peuvent amener de

nouvelles formes de vie qui entraînent âleur tour de nouvelles habitudes en

matière de drogues. Selon desrecherches menées dans les zones

rurales du Pendjab, en Inde, ce faitnouveau qu'est la consommation

d'alcool a provoqué des tensions et desconflits jusqu'alors inconnus. A droite,

modernité et tradition â Chandigarh,capitale de l'Etat du Pendjab, en Inde.

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du nombre de dispensaires et pharmacies. Ilest intéressant de noter que des mesureslégales d'interdiction visent le cannabis etl'opium depuis assez longtemps ; elles ontcertainement permis d'en contrôler l'appro¬visionnement. Mais la consommation décli¬

nait déjà quand on pouvait se procurer libre¬ment le cannabis, ce qui ne peut s'expliquerque par des raisons sociales. Quant àl'héroïne et aux autres opiacés synthétiques,ils n'ont pas fait leur apparition.

Dans le contexte de l'expérience indienne,que signifient ces observations pour unepolitique de développement ? Une premièreieçon est que les stupéfiants ont entre euxdes relations mouvantes : la consommation

augmente et décline et l'un ou l'autre pro¬duit est favorisé, alors que l'approvisionne¬ment demeure stable, les attitudes des con¬

sommateurs pouvant être influencées par lanature de cet approvisionnement. Deuxièmeleçon : dans les conditions telles que cellesqui caractérisent l'Inde, l'application desmesures légales concernant le marché desstupéfiants devrait être prudente. Pendantassez longtemps les lois devraient demeurerde simples déclarations d'intention, surtoutlorsque les stupéfiants sont d'origine végé¬tale et non des produits de synthèse. Mais ladéclaration d'intention est nécessaire

puisqu'elle tend à décourager la populationde se mêler au commerce et à la consomma¬

tion de ces drogues. La pharmacodépen

dance est étroitement liée à la structure

socio-économique des sociétés rurales. Uneprohibition draconienne ne sert qu'à détruireles traditions et à faciliter l'apparition de dro¬gues de remplacement, alors que si les loissont appliquées intelligemment, elles peu¬vent contribuer à promouvoir des change¬ments sociaux souhaitables.

AMERIQUE DU SUD. Région andine.L'antique coutume du coca. Le DocteurJ. Negrete décrit la consommation decocaïne sur les hauts-plateaux duPérou.

Neuf heures et demie du matin dans une

haute vallée des Andes. C'est le moment de

la pause, des paysans se rassemblent aubord d'un champ. Des sachets qu'ils portentà la ceinture, ils sortent des feuilles de coca,les débarrassent délicatement de leurs tigeset les placent une par une dans la bouche,

entre joue et gencive.. La pause terminée, ilsreprennent le travail : la chique de leur cocadurera deux ou trois heures. Le même rituel

a déjà eu lieu à l'aube ; les hommes lerecommenceront encore trois fois avant la

nuit. Telle est la scène qu'on peut observerpresque sans changement dans des milliersde communautés paysannes d'un bout àl'autre des Andes centrales, dans les planta¬tions de canne à sucre du nord de l'Argen¬tine et dans les mines de I'Altiplano bolivien.

La mastication est le mode de consomma¬

tion le plus répandu. C'est une habitude sigénérale et si ancrée que la plupart des gensla contractent simplement au cours de lasocialisation normale, comme on apprendailleurs à boire du café. Il n'est donc pasétonnant que si on demande aux paysanspourquoi ils chiquent, ils répondent ordinai¬rement que c'est la coutume.

Quand on interroge plus avant, on entendvanter les mérites de la coca, qui donne auxpopulations andines, courage, force, endu¬rance, amour du travail. Les traditions incafont du zèle une vertu et condamnent l'oisi¬

veté. Il y a même une formule de salutationen quechua qui enjoint de fuir la paresse. Enfait, de nombreux observateurs pensent quela mastication des feuilles de coca aident

sans doute les travailleurs les plus pauvres às'adapter à l'extrême insuffisance de l'ali¬mentation.

SUITE PAGE 17

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L'enfant et les drogues

"Jamais autant d'enfants n'ont ainsi

joué avec la drogue et tous les risquesqu'elle comporte... L'abus des droguesprive les enfants d'aujourd'hui nosenfants du droit d'aborder l'an 2000 la

tète haute, pleins de santé et capablesde contribuer utilement â l'avenir de

leur patrie et du monde. "Ces parolesd'avertissement, venant d'un dossierdes Nations Unies sur les enfants et les

drogues, attirent l'attention sur un sujetqui touche toutes les régions du mondesans exception, des montagnes reculéesoù sont cultivées les plantes donnant dela drogue aux grandes villes du mondeindustriel. Les dessins de cette pageillustrent trois aspects de ce problèmeaux dimensions multiples. (1) Pourcertains enfants, la

pharmacodépendance commence dès leventre maternel. La première chosequ'ils connaissent en venant au mondeest la souffrance atroce du sevraged'héroïne qu'ils ressentent parce queleurs mères en prenaient. (2) Dans lessociétés "surmédicalisées", la présenced'armoires non fermées â clef

contenant d'abondantes réserves de

médicaments jointe à l'exemple del'usage fréquent qu'en font les parentspique la curiosité des enfants etprovoque chaque année de nombreuxcas d'absorption intempestive detoxiques par les enfants etd'empoisonnements accidentels qui leurcoûtent la vie. (3) Un nombre beaucoupplus important d'enfants souffrent d'unmanque d'affection et de soins,conséquence de l'usage abusif dedrogues par leurs parents. Dans biendes cas, souligne ce document desNations Unies, "les enfants soumis àl'influence d'un milieu déficient, chez

eux ou au dehors... recherchent

l'évasion, un stimulant, un soulagementou plus de raison d'être dans le recoursau drogues."

Dessins AIE, Nations Unies

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SUITE DE LA PAGE 15

La coca a aussi des fonctions thérapeuti¬ques. Utile pour..|'anesthésie locale, on l'aemployée très longtemps avec grand succèspour calmer les maux de dent. En infusionelle est efficace contre les troubles gastri¬ques et intestinaux.

De surcroît la tradition andine attribue à

cette plante des propriétés magiques. Beau¬coup de travailleurs croient qu'elle les met àl'abri des accidents et des blessures, despiqûres d'insectes et des morsures de ser¬pent. C'est aussi une coutume répandueque de se plaquer des feuilles de coca sur lefront ou les joues pour éloigner les maux detète et les maux de dent, ainsi que l'insomnieet les soucis.

MEXIQUE. Le Docteur R. de la Fuente

rend compte d'une enquête sur de jeu¬nes marginaux qui se droguent en inha¬lant des colles et des solvants.

Le groupe observé comprenait desenfants de moins de 13 ans, des adolescents

de 13 à 16 ans, et de jeunes adultes de 17 à23 ans. Ils fréquentaient un quartier deMexico où les drogués trouvent des abrispour dormir, se cacher, se nourrir et con¬sommer leurs stupéfiants ; il y a un marché,des petites boutiques, des terrains vagues,des hôtels borgnes, des restaurants, desimmeubles, des places. Les habitants appar¬tenant à des couches socio-économiquesmodestes, travaillent généralement dans lequartier. Ils n'ont à peu près aucun contactavec les amateurs de colle ; ils les rejettentet les considèrent comme des dépravés. Enrevanche les jeunes ont entre eux des relations étroites. Tous ont fui des parents qu.les exploitaient en les obligeant à ramasserles ordures, à vendre du chewing-gum ou àlaver les vitres. Maltraités s'ils rentraient

sans argent, les enfants n'éprouvaientaucun attachement envers leurs familles ; ilsavaient préféré vivre ailleurs.

Au sein d'un groupe les adolescents,emploient les enfants pour se procurer de lanourriture et de l'argent, et recherchent laprotection des jeunes adultes qui se char¬gent de trouver et de distribuer le produit àinhaler. En quête d'affection, les enfantsentretiennent des liens très étroits avec leurs

aînés.

Mais pour être admis dans un groupe,l'enfant subit une série d'épreuves : il doit,par exemple, supporter qu'on lui prenne sonargent ou ses vêtements, ou recevoir descoups en silence ; il doit aulsi se battre, êtrele plus fort et prouver ses talents de voleur.Une fois accepté, il lui faudra se conduireselon les règles, sous peine d'expulsion ; cesrègles imposent surtout de ne jamais révélerl'identité des membres du groupe, de ne pasinterroger les camarades sur leur passé et derespecter la liberté de chacun de se droguerou non à sa guise.

Il y a ainsi certaines caractéristiques del'enfant de ce milieu. Il possède une sorted'intelligence pratique qu'il acquiert aucours de ses expériences quotidiennes. Il estcompréhensif, il ne reproche rien aux cama¬rades qui se plaignent ou pleurent de priva¬tion ou de tristesse. C'est un rebelle qui

rejette toute forme d'autorité.

ETATS-UNIS D'AMERIQUE. Dans les

écoles de Chicago, selon le Docteur P.Hughes, la distribution des drogues sefait au grandjour.

Les élèves pharmacodépendants ont uncomportement particulier très visible. On lestrouve toujours rassemblés pendant lesrécréations, ils ont généralement un terrainde rencontre à la porte de l'école. Ils fré¬quentent aussi des toilettes où des guetteurspeuvent signaler de loin d'éventuels surveil¬lants. A la cafeteria, ils occupent toujours lemême coin où on peut les joindre régulière¬ment. Ils sont donc bien repérés par bonnombre d'élèves et d'enseignants, mais per¬sonne n'essaie d'intervenir. D'où cette ques¬tion : pourquoi si peu de parents et d'ensei¬gnants essayent-ils d'empêcher ces activi¬tés ? Il y a des gens de bonne volonté, maistrop souvent ils se font insulter et mêmemenacer. Les camarades à l'école, dans larue, dans les jardins publics, et les responsa¬bles qui tentent d'intervenir constatent ordi¬nairement que les entretiens et les offresd'assistance ont bien peu de succès. D'autrepart, les gens qui connaissent le milieu hési¬tent à communiquer leurs observations à la'police ou à quelque autre institution,sachant qu'ils risquent de subir la vengeancedu groupe. Pourtant, si les travailleurssociaux, dans le domaine des stupéfiants,s'occupaient davantage des pharmacodé¬pendants dans les collectivités et dans leurmilieu au lieu de les attendre dans les institu¬

tions, il est probable que l'on trouverait denouvelles stratégies d'intervention.

JAMAÏQUE. Le Docteur M. H. Beaubrun

analyse les interprétations et les consé¬quences de la consommation de canna¬bis dans la classe ouvrière et dans tes

sous-cultures occidentalisées.

La ganja (tel est le nom local du cannabisou marijuana) est consommée à la Jamaïquedepuis plus de cent ans. On la cultive facile¬ment et, bien que sa consommation soit illé¬gale, l'usage en est très répandu dans lescatégories socio-professionnelles inférieu¬res, surtout chez les ouvriers agricoles.D'après une étude anthropologique effec¬tuée en 1970-1972 dans un village typique,60 % au moins des hommes adultes

fumaient la ganja à l'époque. On trouve lesplus grands fumeurs dans la secte politico-religieuse des Rastafariens qui attribue à\herbe des pouvoirs divins.

L'ouvrier jamaïquain utilise la ganjacomme tonique et comme panacée ; il luidemande l'énergie pour travailler et ladétente après le travail. Il en donne à ses

enfants pour qu'ils soient intelligents etréussissent bien à l'école. Il lui prête despouvoirs mystiques, notamment, l'éloigne-ment des esprits du mal. Il y a là un ensem¬ble complexe de croyances, d'attitudes, decoutumes qui a dû se répandre chez les pay¬sans d'origine africaine qui sont maintenantles plus grands consommateurs de ganja.

Il y a une différence immense, entre cescomportements et ceux de la classemoyenne. Dans celle-ci, les adultes réprou

vent généralement la ganja, mais leursenfants ont commencé à fumer : c'est

encore pour ces adolescents un symbole derévolte et une manière d'imiter la mode

nord-américaine ; toutefois le phénomèneprend de l'ampleur. L'adolescent des classesmoyennes fume par curiosité, pour aiguiserle plaisir sexuel, pour faire des découvertespsychédéliques, etc. Il n'a pas de code définiauquel se conformer, pas de modèle respec¬table à imiter.

Au contraire, un enfant qui grandit dans laclasse ouvrière apprendra peu à peu à se ser¬vir de l'herbe et les modèles ne lui manque¬ront pas. On met peut-être de la tisane deganja dans son biberon. Il peut commencerà fumer à sept ou huit ans, bien qu'ordinai¬rement ce soit vers douze ans que des cama¬rades l'initient au cours d'une fumerie de

groupe, qui ressemble, par plus d'un trait, àun rite de passage.

La manière dont il réagit à la premièreexpérience détermine apparemment son rôlede fumeur ou de non-fumeur dans la sous-

culture de la ganja. Si cette expérience estdésagréable, il peut refuser la ganja toute savie : son comportement aura une garantieculturelle. Les études anthropologiques indi¬quent que la culture a créé des automatis¬mes de protection qui atténuent les dangersdes stupéfiants. Rien de plus important parexemple que d'apprendre à "titrer" pourobtenir exactement le résultat attendu et

rien de plus. Ces mécanismes de protectionexpliquent peut-être que l'intoxication chro¬nique à la marijuana paraisse relativementinoffensive chez les ouvriers jamaïquains.

En revanche, la situation semble plus

grave chez les jeunes des classes moyennes,bien que le nombre des fumeurs y soit beau¬coup moins élevé : on parle d'abandonsscolaires, d'épisodes psychotiques, de réac¬tions paniques et autres troubles du com¬portement.

KENYA. Le Docteur S. W. Acuda placel'évolution de l'alcoolisme dans le con¬

texte du développement socio-économique.

L'abus de l'alcool augmente de façon alar¬mante, c'est certain. Une enquête dans unbidonville de Nairobi donne pour alcooliquesau minimum 46 % des hommes et 24 % des

femmes. Une étude analogue dans une zonerurale conclut que l'alcoolisme touche 37 %des hommes et 34 % des femmes.

Comment expliquer cette soudaine aug¬mentation ? Il y a certainement de nombreuxfacteurs en jeu. Le plus souvent cité est larapidité des changements qui se produisentdans les pays en développement. Le Kenya,en particulier, a connu au cours des derniè¬res décennies, une évolution vertigineuse àlaquelle la population n'a pas eu vraiment letemps de s'adapter. Les tensions et les con¬flits étaient inévitables. Le recours à l'alcool

ne paraît donc pas étonnant, d'autant plusque ce produit se trouvait en abondance ;en matière de boisson, les habitudes de con¬sommation se sont modifiées dans tout le

pays.

On parle trop superficiellement de "chan¬gement socio-économique rapide" à propos kdes pays en développement, sans bien voir f

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Dans nombre de pays l'usage decertaines drogues est devenu unepratique sociale bien définie. C'est lecas du khat [Catha edulis), un arbustequi pousse en Afrique de l'est, auYémen démocratique et au Yémen, etdont les feuilles et les jeunes poussesont un effet stimulant. Le khat est

mâché en groupe, dans un "décor decouleurs et de parfums" (ci-dessous) etsouvent dans une pièce spécialementréservée à cette activité.

ce que cela signifie en réalité pour les popu¬lations. Les traditions culturelles se désintè¬

grent dans la plupart des sociétés africai¬nes : il s'agit presque d'une révolte contreles autorités et les valeurs traditionnelles.

L'économie ne laisse pas survivre la familleélargie qui était puissamment protectrice ;en général, les liens familiaux sont brisés.Les mariages hors de la tribu deviennent fré¬quents, surtout chez les gens instruits ; ilsrencontrent souvent bien des problèmes.

D'autre part, la diffusion du christianismeet le progrès des connaissances scientifi¬ques, en matière de médecine surtout,minent l'influence de la superstition et de lasorcellerie. Les gens n'ont plus peur d'êtrepunis pour s'être mal conduits ou pours'écarter de la tradition.

Le manque de distractions, l'absencetotale d'occupation intelligente des loisirsexpliquent aussi l'alcoolisme des immigrésqui viennent grossir les périphéries urbaines,mais le mauvais régime alimentaire est uneautre explication. Il faut signaler enfin lesdifficultés d'une population qui doit s'adap¬ter aux horaires et aux cadences de l'indus¬

trie ou du moins d'une économie de marché

qui place ses employés en situation de con¬currence. A la campagne, la vie était plussimple, plus libre ; chacun travaillait selonses forces en suivant les contraintes naturel¬

les, la pluie, le soleil...

Ainsi les changements que l'on constateau Kenya à propos de la consommationd'alcool, et qui se produisent très vite enbeaucoup d'autres pays, ne peuvent secomprendre que si l'on considère dans sonensemble l'évolution culturelle et sociale

dont ils font partie.

YEMEN. Parfums et couleurs des soi¬

rées de khat, selon le Docteur T. A.Baasher.

Le khat est un arbre des montagnes dontles feuilles et les jeunes pousses contiennentun stimulant ; aussi leur consommation est-elle très répandue au Yémen (et au Yémendémocratique) ainsi qu'en Ethiopie, à Dji¬bouti, en Somalie, et, de manière sporadi-que, dans quelques régions du Kenya et dela Tanzanie.

Divers comportements collectifs sontassociés à la consommation du khat. On le

prend d'ordinaire pour se détendre ensociété, on le considère aussi comme un

remède. En raison de ses effets stimulants,les caravaniers s'en servaient autrefois en

voyage ; aujourd'hui ce sont les étudiantsqui le trouvent utile en préparant des exa¬mens, de même que les chauffeurs pourconduire sur de longs parcours. De nosjours, on mâche le khat, alors que les texteshistoriques le désignent sous le nom de théarabe ou thé éthiopien : il était consomméen infusion.

Comme le khat doit être mâché en

groupe, il y a souvent, dans les maisonsyéménites, une pièce réservée à cette acti¬vité ; ornée des plus beaux tapis, elle porteun nom comme "chambre de la paix" ou

"chambre de miséricorde". Au centre, des

narguilés décorés (mada'a) attendent lesfumeurs. C'est dans ce décor de couleurs et

de parfums que les invités arrivent, chacunavec sa portion de khat. On ôte ses chaussu¬res, on prend place sur les matelas, ons'adosse aux coussins et dans une ambiance

chaleureuse et gaie chacun se met à déta¬cher les feuilles de leur tige pour les mâcherméticuleusement. Ce faisant, on boit du thé,de l'eau fraîche, des boissons à la cola, des

sirops de menthe. (La séparation des sexesest scrupuleusement maintenue en cesoccasions, les femmes ayant leurs soirées dekhat, moins fréquentes et plus simples).

Bientôt la bonne humeur s'épanouit, unsentiment de bien-être envahit la compa¬gnie. Les esprits s'animent, on se répand endiscours passionnés. Mais, trois heures plustard,- le groupe atteint un stade plus calmede satisfaction et de "sagesse". Impossiblede s'y maintenir cependant, au bout d'uneheure, nouveau changement : les ennuis,les soucis personnels resurgissent. Alorscertains hommes deviennent nerveux et irri¬

tables ; plusieurs s'en vont brusquement.Ceux qui restent donnent à la conversationun tour plus amical. Les débats continueront

peut-être, ou seront ajournés jusqu'à la pro¬chaine soirée.

Le Dr. V. Poshyachinda est un collaborateur del'Institut de recherche sanitaire de l'Université de

Chulalongkorn, à Bangkok, Thaïlande.Le Dr. V. Navaratnam est Directeur du Pro¬

gramme national de recherche sur la pharmaco¬dépendance de l'Université de Sains, Minden,Pu/au Pinang, à Penang, Malaisie.Le Dr. D. Mohan est professeur adjoint duDépartement de psychiatrie de l'Institut pan-indien de sciences médicales, à.New Delhi, Inde.

LeDr.J. Negrete est Directeur adjoint du Dépar¬tement de psychiatrie de l'Hôpital général deMontréal, Canada.

Le Dr. R. de la Fuente est Directeur général duProgramme- national de santé mentale, à Mexico,Mexique.Le Dr. P. H. Hughes est Doyen de la Division desanté mentale de l'Organisation mondiale de lasanté, à Genève, Suisse.

Le Dr. M. H. Beaubrun est professeur depsychiatrie à l'université des Antilles de Port ofSpain, Trinité et Tobago.Le Dr. S.W. Acuda esf chargé de cours auDépartement de psychiatrie de la Faculté demédecine à l'Université de Nairobi, à Nairobi,Kenya.

Le Dr. T.A. Baasher esf Conseiller régional pourles questions de santé mentale du Bureau régionalde l'OMS pour la Méditerranée orientale, àAlexandrie, Egypte.

Le rôle de l'OMS

L'OMS mène de nombreuses activités

pour apporter son soutien aux Etatsmembres qui lui demandent assistanceou conseil en vue de résoudre leurs pro¬blèmes de santé liés à l'usage de la dro¬gue (y compris ceux de l'alcool et dutabac). L'Organisation fonctionne com¬me un terrain neutre où est résumée,

analysée et divulguée l'information rela¬tive à ces sujets. En procédant à cetéchange international d'information,l'OMS joue un rôle de coordination, l'undes plus importants parmi ceux qui luiincombent. Sa tâche est de rendre cette

information disponible à ceux qui en ontbesoin.

Entre autres objectifs prioritaires,l'Organisation, en coopérant avec lespays en matière de pharmacodépen¬dance, vise à :

accroître l'efficacité des systèmes

qui dispensent des services sanitaires etsociaux en mettant au point des métho¬des effectives et peu coûteuses pour letraitement et la réadaptation des phar-macodépendants ;

élaborer des stratégies pour le traite¬ment et la prévention, dans le cadre desprogrammes nationaux de santé, àl'intention des pays où les systèmes deprotection sanitaire ou sociale sontinsuffisants ou inexistants ;

coordonner la recherche internatio¬

nale sur la pharmacodépendance ;

renforcer la planification de pro¬grammes efficaces de prévention et decontrôle par la collecte et l'échangeinternationaux de données sur l'épidé-miologie de la pharmacodépendance ;

s'assurer de l'existence de program¬mes de formation adaptés aux besoinsen main-d' ;

en collaboration avec les

autres institutions et organisations desNations Unies directement responsablesdes questions relatives à la drogue ;

accomplir les tâches définies dansles conventions internationales relatives

aux drogues ;

créer un mécanisme efficace de

coordination pour faciliter la transmis¬sion et l'adaptation des connaissances etde l'expérience acquises par les organi¬sations et les centres non-gouvernemen¬taux de haut niveau, dans les pays quidisposent de peu de ressources techni¬ques et humaines.

Les responsabilités de l'OMS ont étéfixées par l'Assemblée mondiale de laSanté, le Conseil exécutif et les Comités

régionaux, ainsi que par les Traités inter¬nationaux sur les stupéfiants. L'Assem¬blée mondiale de la santé formule les

directives et les priorités en matièred'activités dans la lutte contre les problè¬mes de l'alcool et des drogues.

Au cours des cinq dernières années,l'OMS a établi des rapports de collabora¬tion avec de nombreux centres scientifi¬

ques de haut niveau. Dans le cadre duprogramme d'hygiène mentale, ces cen¬tres servent de lien entre l'OMS et les

autorités nationales pour élaborer desprogrammes en matière de pharmacodé¬pendance. Ils sont aussi responsables de¡'échange d'informations â l'échelonnational, régional et mondial et fonction¬nent, en outre, comme des centres spé¬cifiques de recherche et de formation.

Jusqu'à présent, cinq centres derecherche et de formation ont été rete¬

nus comme collaborateurs de l'OMS en

matière de pharmacodépendance : laFondation de la recherche sur la pharma¬codépendance de Toronto, au Canada :le Centre mexicain d'études sur la phar¬macodépendance, à Mexico ; l'Institut

national sur l'abus des drogues, à Rock-ville (Maryland) aux Etats-Unis ; le projetde recherche sur la pharmacodépen¬dance. Université de Sains à Penang, enMalaisie, et l'Institut de recherche sur la

Santé, Université de Chulalongkorn, àBangkok, en Thaïlande.

19

Les voies

de la délivrance

"La désintoxication:

un processus culturelet un acte social"

Le traitement d'un pharmacodépendant doit corres¬pondre aux manières de sentir, de penser et d'agir queproposent normalement sa société et sa culture. Letraitement et la réadaptation qui suit doivent en effetlui permettre de vivre en tant qu'être social dans cetenvironnement d'origine. La désintoxication est un pro¬cessus culturel, un acte social qui n'a de chance deréussir que s'il est en harmonie avec le monde du phar¬macodépendant. Le présent article reprend ces thèmesen les illustrant à l'aide de cinq cas, cinq exemples pro¬venant d'autant de cultures différentes.

THAÏLANDE. Au monastère de Tarn

Kraborg, le Bouddha reçoit les v,ux dedésintoxication (Docteur V. Poshya-chinda).

Depuis plus de 700 ans le bouddhisme estune religion d'Etat en Thaïlande : les monas¬tères, qui exercent une grande influence surla société, remplissent de nombreuses fonc¬tions publiques, surtout en matière d'éduca¬tion et de santé. Face à l'accroissement de

l'usage des stupéfiants, les temples boud¬dhistes ont assumé de nouvelles charges endevenant des centres de cure, suivant encela une évolution normale.

A cent trente kilomètres au nord de Bang¬

kok, le monastère de Tarn Kraborg estéquipé très simplement pour cette tâche.Une véranda meublée de tables et de bancs

sert de bureau d'accueil. Les clients sont

hébergés dans un grand hall, sorte de cham¬brée de caserne. Chacun dispose d'un châ¬lit, d'un matelas de roseaux et d'une couver¬ture. Au plein de sa capacité, le monastèreabrite jusqu'à 300 résidents et une centainede moines, dont près de quarante sontd'anciens patients qui sont entrés dans lesordres après le traitement.

La cure est dirigée par un moine et ne faitappel à aucun professionnel venu de l'exté¬rieur. Elle est gratuite ; le logement et lanourriture coûtent à peu près l'équivalent de5 francs français par jour. Depuis quelquesannées, des installations supplémentairespermettent d'organiser des cours de forma¬tion professionnelle : agriculture, maçonne¬rie, prêt-à-porter, etc.

A son arrivée, le client doit exprimer clai¬rement sa décision d'entreprendre la cure.

car celle-ci n'a qu'un but : parvenir aurenoncement total. Il prononcera ensuiteson v pour promettre au Bouddha de

s'abstenir toute sa vie d'opium, de mor¬phine, d'héroïne, de ganja et autres droguesdangereuses.-

Le programme comporte pendant les cinqpremiers jours deux grandes séances degroupe. Le matin, les patients prennent unetisane qui les fait vomir pendant unquart-d'heure. L'après-midi, ils prennent unbain de vapeur aux herbes médicinales quidure aussi une quinzaine de minutes. Onexplique que ce cycle a pour effet de purgerle corps, de le débarrasser des produits toxi¬ques. Les clients qui ont déjà franchi cescinq jours d'épreuves participent aux séan¬ces matinales pour venir en aide aux nou¬veaux : les uns les assistent au cours des

vomissements, les autres s'occupent de les

20

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il I

Dans un centre de cure, en Thaïlande, un nouvel arrivant boit une tisane

émétique, le matin, dans le cadre d'un traitement destiné à mettre fin à sonétat de pharmacodépendance (voir article page 20).

distraire en chantant et en plaisantant.L'impression générale n'est pas sans rappe¬ler celles des jeux animés et fort joyeux quel'on voit autour des temples les jours defêtes.

Aucune activité n'est prescrite pendantles cinq autres jours : les patients sont épui¬sés, on les laisse se reposer. Mais ceux quireprennent leurs forces assez vite sontencouragés, s'ils le désirent, à aider auxtâches ménagères ou à prendre part auxséances de cure des nouveaux venus. Enfin,

le dixième jour, tous se rassemblent dans lesanctuaire pour s'entendre rappeler le vauqu'ils ont prononcé. Ils sont libres ensuite des'en aller.

HONG-KONG. Les maisons appelées"Bonté humaine", "Vertu", "Courage","Sagesse" font partie d'un système deréadaptation collective, explique le Doc¬teur J. Ch'ien : c'est un procédé théra¬peutique conforme aux traditions chi¬noises. Le réseau a été fondé par laSociété d'Assistance aux pharmacodé-pendants.

Le monopole de l'opium et la commerciali¬sation légale de ce produit ont été supprimésà Hong-Kong en 1946. Parmi les réfugiéschinois qui ont afflué à cette époque et dansles années suivantes, bon nombre d'opio¬manes ont opté pour l'héroïne.

Les communautés thérapeutiques sontdestinées à des personnes motivées qui,après une cure de désintoxication, veulentse réadapter complètement. Le cours de réa

daptation dure de 20 à 25 semaines. Il existe18 maisons aménagées pour la vie commu¬nautaire ; elles ont leur dortoir, leur maison

de thé, un atelier, un jardin potager ou uneétable. Les nouveaux venus se font accepterpar le groupe en prouvant leur serviabilité etieur zèle au travail, mais reçoivent les con¬seils et les encouragements des anciens. Onapplique rarement les techniques de con¬frontation et la thérapie de choc en usagedans les communautés thérapeutiques amé:ricaines, car la culture chinoise préconisel'harmonie et la coopération : le nom de bonaugure que porte chacune des maisonstémoigne bien de cette tendance. Des chefsde groupe, qui pour la plupart sontd'anciens intoxiqués ayant passé avec suc¬cès toutes les épreuves du traitement, reçoi¬

vent une formation d'animateurs et d'ins- ^tructeurs techniques sous la direction d'un f

21

I personnel qualifié. On encourage l'honnê¬teté et le fair-play, les groupes font des con¬cours de propreté, de sports, de production,de travaux artistiques. Chaque semaine, unecérémonie accompagnée d'une matinéerécréative marque le départ des stagiairesqui ont suivi dans sa totalité le cours de réa¬daptation.

A leur sortie du centre, ceux-ci sontaccueillis par les responsables de leur post¬cure au siège de l'Association des anciensde la société d'assistance aux pharmacodé-pendants, organisation d'aide autonome etde secours mutuel formée et gérée pard'anciens pharmacodépendants. L'Associa¬tion comporte six "chapitres" de 2 ou 300membres, cinq hommes, un pour femmes.Après six mois de vie sans aucune rechutedans la pharmacodépendance ou dans ladélinquance, on devient membre associé del'un de ces chapitres, et l'on sera membre àpart entière au bout de deux années de viehonnête et productive. Les insignes de diffé¬rentes couleurs que portent fièrement lesmembres de l'Association proclament lenombre d'années d'abstinence.

JAPON. Le Docteur H. Suwaki décrit

l'organisation et ie fonctionnement dé lasociété anti-alcoolique Danshukai, àlaquelle peuvent adhérer les épouses etles enfants des alcooliques. On remar¬quera les ressemblances et les différen¬ces de cette société avec la célèbre

Association des alcooliques anonymes.(Voir ci-dessous la communication duDocteur Robinson).

Il y a de notables différences dans le traite¬ment de l'alcoolisme entre le Japon et lespays occidentaux. "Alcooliques ano¬nymes", bien connu en Occident, n'existeau Japon que dans quelques villes commeYokohama et Kobé où des étrangers viventen colonies. Le Danshukai (Société d'absti¬

nence d'alcool) est au contraire répandudans tout le pays. Une de ses branches lesplus actives a été fondée en 1958 dans lapréfecture de Kochi par un homme quel'alcoolisme avait conduit cinq fois à l'hôpitalpsychiatrique.

En 1977, la Société était établie dans cha¬cune des préfectures ; elle comptait 586branches et 35 000 membres alcooliques ins

crits. A l'époque, 25 000 d'entre eux sui¬vaient les séances, 16 000 étaient sobresdepuis un an au moins.

Axées sur le rôle de l'expérience et sur la.famille, les activités du Danshukai s'enraci¬nent dans les collectivités locales. Des réu¬

nions très régulières ont lieu jusqu'à quatrefois par mois au siège de la société, dans lesbranches, dans les groupes d'hôpital, ordi¬nairement sous la présidence d'un membreexpérimenté. Les psychiatres, les travailleurssociaux, les psychologues qui. collaborentavec la Société y assistent souvent.

Il existe aussi des "réunions de quartier"qui se tiennent entre voisins chez l'un ouchez l'autre. D'autre part, tous les membresprennent part à diverses activités de loisirqui leur permettent de mieux se connaître etresserrent les relations entre les familles. Ils

fréquentent aussi les écoles d'abstinence etles autres branches du Danshukai dans les

préfectures voisines et sont abonnés au bul¬letin du Danshukai.

Sur la foi de l'expérience acquise, lasociété proclame trois principes fondamen¬taux :

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En bas à gauche, membres de l'AssociationAlumni de la Société de Hong-Kong pour lesoutien et la réadaptation des drogués(SARDA) qui s'apprêtent à participer â unemarche ("Walk for a Million"). Les fonds

que rapporte cet événement annuel vont àla Caisse sociale de Hong-Kong qui apporteson concours financier à de nombreux

dispensaires bénévoles. En haut à gauche,des insignes de "délivrance de la drogue"sont remis lors de l'Assemblée annuelle de

l'association.

22

Les alcooliques doivent viser à s'abste¬nir totalement d'alcool : ils n'ont pas d'autrechoix puisqu'ils sont incapables de boireavec modération.

L'alcoolique ne peut pas se guérir toutseul. La cure n'est possible que grâce auxencouragements mutuels de ceux qui ontsouffert de l'alcoolisme.

La coopération de la famille, en particu¬lier des épouses, est indispensable à la pour¬suite de l'abstinence.

Les branches du Danshukai accueillent

généralement les femmes et les enfants deleurs membres dans les mêmes groupes queceux-ci ; toutefois, certaines d'entre ellesont des groupes spéciaux réservés auxépouses.

Les membres alcooliques sont presquetous des hommes : on ne compte pas plus

de vingt femmes parmi eux, dans tout leJapon. Ajoutons que le Danshukai ne sesoucie pas d'anonymat. Il publie souventdes communications de ses membres sous

leur nom, et il n'est pas nécessaire d'êtremembre pour fréquenter les réunions et yprendre la parole.

Le traitement de l'alcoolisme n'atteint paspleinement ses objectifs s'il ne concerne queles besoins physiques et psychologiques del'individu. Il doit englober aussi ses concep¬tions de la vie qui ont leur fondement dansles traditions culturelles.

En compagnie de leurs épouses, des alcooliques assistentà une réunion hebdomadaire d'une filiale de Danshukai, la

Société d'abstinence d'alcool japonaise.

ALCOOLIQUES ANONYMES. Cette

association d'entraide, dont le Docteur

D. Robinson expose les origines et la dif¬fusion internationale, à démontré son

efficacité dans la guérison de l'alcoo¬lisme. Quel enseignement les spécialis¬tes peuvent-ils en tirer ?

L'histoire de cette association est particu¬lièrement bien documentée. "Alcooliques

anonymes" est née d'un hasard ; en 1935 unagent de change new-yorkais, William Wil¬son, rencontra à Akron, dans l'Ohio, unmédecin du nom de Robert Holbrook Smith.

Wilson s'était guéri de l'alcoolisme grâce au"Mouvement d'Oxford" inspirateur de petitsgroupes de discussion qui s'efforçaient desuivre divers préceptes : confession, sincé¬rité, mise en commun des problèmes affec¬tifs, rachat des fautes, prières selon les con¬victions personnelles de chacun. Mais sil'illumination spirituelle l'avait rendu sobre,elle ne l'aidait pas à convertir d'autres alcoo¬liques : quelqu'un lui avait même expliquéqu'il faisait trop de sermons. Aussi décida-t-¡I, pour les convaincre, de leur parler d'aller¬gie et d'obsession en laissant la spiritualitépour plus tard. Et son premier succès fut laguérison du Docteur Robert Smith.

"Alcooliques anonymes" n'a pas inventéla pharmacodépendance, pas plus que l'abs¬tinence totale comme unique objectif de lacure. Mais l'association a joué un très grandrôle aux Etats-Unis dans la période qui asuivi la prohibition en contribuant à faireadmettre que l'alcoolisme est une maladie.

"Alcooliques anonymes" s'est développétrès vite, et n'aurait pu le faire si le mouve¬ment ne s'était fondé sur des conceptions

compatibles avec l'idéologie dominante. Au19e siècle, les Etats-Unis étaient essentielle¬ment une nation de classes moyennes danslaquelle la société capitaliste exigeait que lesindividus, pour réussir ou pour survivre,sachent gouverner eux-mêmes leurs affai

res, leurs familles et toutes leurs activités. Acette époque, en Amérique du Nord commeen Europe, on voyait de plus en plus dans lafolie une maladie dont le principal symptômeétait la perte du contrôle de soi. Les asilesd'aliénés cessaient d'enchaîner des fous

pour tenter de soigner moralement despatients et de rendre la force de se dominer àceux qui l'avaient perdue. Il devint donc nor¬mal de redéfinir presque tous les vices, tou¬tes les déviations, y compris l'alcoolisme,comme des maladies de la volonté. Et

comme les vertus de l'individualisme

autonomie, maîtrise de soi formaient unecomposante essentielle de l'idéologie et dela culture, tout ce qui pouvait nuire auxcapacités de l'individu acquérait une impor¬tance considérable. L'alcool était nuisible à

court terme parce qu'il affaiblissait lesréflexes, à long terme parce qu'il ôtait auxhommes le pouvoir de mener une vie cor¬recte, digne et bien ordonnée. L'existencerisquait de devenir "ingouvernable" disait-on.

De même que cette conception du pro¬blème, les principes qui inspirent le pro¬gramme d'action d'"Alcooliques ano¬nymes" devaient être compatibles avec lesidées, la pensée, la culture nord-américaines. Au niveau personnel, le pro¬gramme vise à transformer l'alcooliquebuveur, isolé, esclave de la boisson, enalcoolique sobre, intégré à une commu¬nauté, sans attaches et ne dépendant depersonne. L'association reste en dehors desdébats philosophiques, politiques, sociauxet religieux, ce qui ne l'empêche pas de col¬laborer avec d'autres organismes afin decontribuer à ramener autant d'alcooliquesque possible à la sobriété et de les aider à"se conformer aux normes d'une société de

classes moyennes dominante".

Il n'est donc pas surprenant que l'organi¬sation soit si bien considérée en Amériquedu Nord. Mais son audience, fort modeste

lors des débuts du mouvement à Akron en

1935, s'est élargie bien au-delà : l'organisa¬tion est devenue mondiale. En 1974, sonconseil central (General Service Board) esti¬

mait à 800 000 le nombre des membres, quidevait atteindre un million en 1977. Il y aaujourd'hui des groupes dans plus de centpays, de la Norvège au Nicaragua, de Trinitéà la Thaïlande.

Au plan mondial l'organisation est ainsireprésentée dans les pays les plus divers,catholiques ou protestants, riches ou pau¬vres, producteurs de vin ou producteurs debière, pays de médecine libérale, pays demédecine sociale. Si étendu soit-il, le mou¬

vement ne s'est pas développé partout éga¬lement. Il est peu implanté en Europe del'Est, encore que les clubs d'alcooliques enYougoslavie et ailleurs fonctionnent selondes principes assez semblables à ceuxd'"Alcooliques anonymes". Au Moyen-Orient et en Inde, les membres sont pour la

plupart des employés d'entreprises étrangè¬res, et en Asie les groupes ont été générale¬ment fondés par le personnel militaire améri¬cain. Mais le fait est que dans toutes lesrégions le nombre des groupes ne cessed'augmenter.

Dans les rapports qui tentent d'expliquerla faveur dont jouissent aujourd'hui les asso¬ciations d'aide mutuelle, deux grands thè¬mes reviennent le plus souvent. Le premierfait état des désillusions éprouvées par denombreux pharmacodépendants : les servi¬ces sociaux et médicaux les déçoivent ousont incapables de procurer l'assistancenécessaire. Le second concerne le déclin des

structures traditionnelles qui pouvaient prê¬ter aide et réconfort à l'individu : l'Eglise, levoisinage, la famille étendue. Il y a ainsi unbesoin de communauté chez trop de gensen détresse qui voient leur existence s'enaller à vau-l'eau. Pour beaucoup, le monde ichange vite, il est trop vaste, trop indifférent I

23

> aux qualités individuelles et aux besoins fon¬damentaux de compréhension, d'assis¬tance, d'amitié.

"Alcooliques anonymes" n'a jamais faitl'objet d'une étude internationale, on nepeut donc dire comment le mouvement s'estadapté aux diverses conditions socio¬culturelles. Mais quand on considère ladiversité des groupes dans une seule etmême ville, il est raisonnable de penser queceux de Thaïlande ne ressemblent pas tout à

fait à ceux du Nicaragua. C'est d'ailleurs unedes forces du mouvement : il sait s'adapter

aux besoins de ses membres, pourvu qu'ilreste fidèle aux quelques principes et prati¬ques de base qui sont sa raison d'être.Fondé sur l'idée d'assistance mutuelle à longterme, ayant fait la preuve de sa volonté decollaborer avec tous ceux qui travaillent pourla même cause, le mouvement des "Alcooli¬ques anonymes" peut sans aucun doutecontribuera une solution globale des problè¬mes de l'alcoolisme dans n'importe quel

pays.

ROYAUME-UNI. Interaction des "pro¬cessus naturels" et d'une cure d'entre¬

tien aboutissante la guérison d'unjeunepharmacodépendant (Docteur R. Wille).

La cure n'est qu'une variable dans unchamp de forces très complexe. -Il faut savoircomment les gens se défendent, quelles

sont leurs relations avec leurs amis et leur

famille, comment ils réagissent aux hasards,de l'existence. C'est dans ce contexte qu'ilfaut envisager la cure, dans la mesure où elleapporte un complément à ces processusnaturels.

Bob O. Arrêté à quatre reprises pourdivers délits depuis l'âge de 11 ans.S'adonne à l'héroïne a 16 ans, se présentepour la première fois à la clinique à 18 ans enjuin 1968. On lui ordonne d'abord 120 mgd'héroïne. L'année suivante, la prescriptionest réduite à 30 mg d'héroïne et 30 mg demethadone. Pour Bob l'année 1969 est de

plus en plus chaotique. Il s'injecte des som¬nifères, perd son emploi ; un jour il prendune surdose de barbituriques, la police leramasse inconscient sur la voie publique. Ilparle aujourd'hui de ce premier essai deréduction : "A l'époque, je n'étais pas prêtabaisser. Si les médecins vous obligent àbaisser, ils perdent leur temps".

Au début de 1970 on change l'ordonnancepour passer à 70 mg d'héroïne et 40 mg demethadone : ce sera la même dose jusqu'en1972. Commence alors une période de stabi¬lisation progressive de sa consommation destupéfiant comme de sa situation sociale.Plusieurs choses le font réfléchir : son déla¬

brement physique, ses abcès, ses surdoses,la mort de son 'meilleur ami, victime d'une

surdose de barbituriques, la fin de son milieud'intoxiqués, la maladie de sa mère, lesreproches que celle-ci lui adresse. Il cesse deprendre des somnifères et se met à travaillerrégulièrement. Il cesse aussi de fréquenter le

milieu, devient drogué solitaire et pendantdeux ans entreprend de diminuer lentementsa dose : c'est à son avis le meilleur moyend'arrêter un jour complètement.

Pourquoi la diminution a-t-elle réussi cettefois ? C'est une décision qu'il a prise parcequ'il a rencontré une jeune fille qui refusaitde l'épouser tant qu'il se droguerait. Aprèsdix ans d'intoxication à l'héroïne, il s'est déli¬

vré à 26 ans ; marié à cette jeune fille, il asuivi un stage de menuiserie et depuis aréussi dans ce métier. Il possède maison etvoiture ; voilà quatre ans qu'il n'a prisaucune drogue.

Pour Bob O. la découverte d'un rôle social

(une liaison sérieuse, un métier stable) amodifié le cours de sa vie. La thérapeutiquea réussi quand elle a pu compléter cette évo¬lution sociale.

¿e Dr. R. Wille est membre de l'Unité de recher¬

che sur la toxicomanie de l'Institut de psychiatriede Londres.

M. J. Ch'ien dirige les services sociaux de laSociété d'aide et de réadaptation des toxicoma¬nes, à Hong-Kong.Le Dr. V. Poshyachinda est un collaborateur del'Institut de recherche sanitaire de l'Université

Chulalongkorn, à Bangkok, Thaïlande.Le Dr. H'. Suwaki est membre du Départementde neuropsychiatrie de l'Ecole de médecine deKochi, Japon.Le Dr. D. Robinson est membre de l'Unité de

recherche sur la toxicomanie de l'Institut de

psychiatrie de Londres.

Consommation d'alcool, dans 25 pays, par habitant(âgé de quinze ans et plus) et en litres correspondant à 100 % d'éthanol

Pays*Consommation Moyenne annuelle de

ig76 changement depourcentage 1970-1976

France 21,3 2

Portugal 19,4 + 4

Espagne 19,3 + 2

Luxembourg 1.6,8 + 0,6

Italie 16,8 3

Rép. Féd. d'Allemagne 15,8 0,2 .Autriche 14,6 + 2

Nouvelle-Zélande 13,7 + 4

Hongrie 13,4 + 0,6

Australie 13,3 + 1

Suisse 13,2 2

Belgique 13,2 0

Irlande 12,6 +12

Yougoslavie 12,0 + 3

Tchécoslovaquie 11,9 3

Danemark 11,8 + 4

Canada 11,7 + 4

Hollande 11,1 + 7

Royaume-Uni 11,0 + 5

Pologne 10,8 + 7

Etats-Unis 10,7 + 2

Rép. Dém. Allemande 10,5 0

Finlande 8,1 + 5

Suède 7,4 1

Norvège 5,6 + 5

"Classés par ordre de consommation.

Sources : Organisation internationale du travail (1977) ; Nations Unies (1977) ; deProduktschap voor Gedistilleerde Dranken (1977) ; OMS (1977).

Lint (1975) ;

24

L'ABC des drogues

Les stupéfiants placéssous contrôle international

Les opiacés naturelset synthétiques

Le pavot â opium(Papaver somniferum L.)

Cet article s'inspire d'un guide intitulé Les NationsUnies et la lutte contre l'abus de la drogue due à laDivision des stupéfiants des Nations Unies àGenève (Nations Unies, New York, 1977).

L'opium. C'est le suc coagulé de la capsulenon parvenue à maturité du pavot à opium,dont le nom scientifique est Papaver somni¬ferum. Ce pavot peut se cultiver presquepartout ; dans plusieurs pays, on le cultivepour ses graines ou pour sa teneur enopium. Les graines sont oléagineuses etconstituent un aliment de valeur : on les

presse pour en extraire l'huile, ou bien on lesutilise en pâtisserie. Le pavot est une planteannuelle probablement originaire de larégion méditerranéenne et du Moyen-Orient.

Les plus anciennes preuves de la connais¬sance de l'opium remontent aux tablettesdes Sumériens, qui vivaient en basse Méso¬potamie (aujourd'hui l'Irak) il y a environ7 000 ans. La connaissance des propriétésmédicinales du pavot se propagea plus tarden Perse et en Egypte par l'intermédiaire desBabyloniens. Les Grecs et les Arabes utili¬saient eux aussi l'opium à des fins médicina¬les. Le premier exemple connu de culture dupavot en Inde date du 118 siècle ; la produc¬tion et la consommation de l'opium dans cepays devint très courante au 16e siècle autemps de l'Empire mongol. L'opium a proba¬blement été introduit en Chine par les Ara¬bes au 9e siècle ou au 10° siècle. L'opiumétait également connu en Europe, au MoyenAge, et le fameux médecin Paracelse enadministrait à ses malades.

L'opium était une drogue très utile enmédecine, mais la place prédominante qu'iloccupait revient aujourd'hui à certains deses alcaloïdes (morphine et codéine) et à desopiacés synthétiques (pethidine et metha¬done). Médicament nécessaire autrefois,l'opium est maintenant surtout la matièrepremière dont on extrait la morphine et lacodéine.

Lorsque l'opium était utilisé pour le plaisir,il était soit mangé, soit bu en infusion.L'habitude de fumer l'opium est récente etne remonte qu'à quelques centainesd'années.

L'abus de l'opium et de ses dérivés (mor¬phine et héroïne) fut à l'origine des premiersefforts internationaux pour mettre envigueur un contrôle des stupéfiants.

La morphine. C'est le plus actif des compo¬sants de l'opium. L'opium contient environ10 % de morphine en moyenne. La mor¬phine est fabriquée à partir de l'opium ouextraite directement de la paille de pavot(capsules desséchées et partie supérieure dela tige du pavot à opium après fauchage). Latechnique de l'extraction à partir de la paillede pavot supprime la production de l'opiumet réduit considérablement tous les risquesd'abus et de trafic illicite de celui-ci. Cette

technique s'est largement répandue, et cesdernières années, un bon tiers de la mor¬

phine utilisée en médecine a été extraite dela paille de pavot.

La morphine était utilisée courammentpour les douleurs aiguës de courte durée,dues à des interventions chirurgicales, desfractures, des brûlures, etc., et aux phasesterminales de maladies incurables. Par suite

de la découverte des stupéfiants synthéti¬ques et autres analgésiques, l'emploi et l'uti¬lisation de la morphine en thérapeutique ontbeaucoup diminué, mais elle est encore con¬sidérée comme le prototype du stupéfiant.

La codéine et autres dérivés de la mor¬

phine. La codéine, antitussif efficace, estl'un des médicaments les plus courammentet les plus largement employés.

La codéine (méthylmorphine) se trouvedans l'opium en faible concentration, maisles quantités fabriquées pour alimenter lemarché proviennent surtout de la transfor¬mation de la morphine. C'est ce qui expliquel'apparente contradiction entre la diminutionde l'emploi de la morphine en thérapeutiqueet l'augmentation de sa production : plus de90 % de la morphine préparée dans l'indus¬trie pharmaceutique est transformée encodéine. La codéine a des propriétés pro¬ches de celles de la morphine mais, commeanalgésique, son efficacité est moindre.

Les cas de toxicomanie à la codéine sont

relativement rares, car il faudrait en consom¬

mer régulièrement de grandes quantitéspour se trouver dans un état de dépen- v

dance. f

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L'héroïne. L'héroine (diacétyl-morphine)est dérivée de la morphine par acétylation.Sur la recommandation de la Commission

des stupéfiants, elle a été interdite dans laplupart des pays, et remplacée, en thérapeu¬tique, par des analgésiques moins dange¬reux.

L'héroïne est peut-être, de toutes les dro¬gues connues, celle qui engendre le plusfacilement la toxicomanie. L'euphorieintense qu'elle provoque en a fait aux yeuxdes toxicomanes le plus apprécié des dérivésde la morphine.

La qualité de la drogue écoulée sur le mar¬ché illicite est fonction de diverses activités

illicites ; au cours du long processus quis'étend du laboratoire clandestin au trafi¬

quant, et du trafiquant au toxicomane de larue, l'héroïne initiale est diluée tant de foisque, dans certains pays, la poudre blanche(ou rose, ou brune) que l'on trouve dans le"sachet" ne contient guère plus de 3 à 5 %d'héroïne. L'adultération de l'héroïne est

pour les trafiquants le moyen le plus faciled'augmenter leurs bénéfices.

Les opiacés synthétiques. Cette expres¬sion s'applique en général à plusieurs subs¬tances qui sont apparues sur le marchédepuis la découverte de la pethidine, réaliséeil y a une trentaine d'années par des chimis¬tes allemands. A son apparition sur le mar¬ché, la pethidine passait pour dépourvue detout pouvoir d'engendrer la dépendance ;l'expérience a toutefois prouvé qu'il n'enétait rien. La dépendance apparaît plus len¬tement et elle est moins grave que cellequ'engendre la morphine, mais elle peutexister.

La multiplication rapide de nouvelles dro¬gues synthétiques très variées et leur appari¬tion sur le marché, parfois accompagnéed'affirmations selon lesquelles aucune

dépendance n'est à craindre, ont incité laCommission des stupéfiants à avertir unefois de plus les gouvernements qu'ilsdevaient soumettre immédiatement ces dro¬

gues à des mesures de contrôle provisoiresen attendant que l'OMS ait nettement déter¬miné leurs effets. La Commission estime

qu'en pareil cas les intérêts commerciauxdoivent céder le pas aux impératifs de lasanté publique. On a fait valoir à ce proposque, sans vouloir attenter à la liberté de lapresse, il faudrait chercher à interdire unepublicité qui trompe les lecteurs et à infor¬mer ces derniers des propriétés dangereusesdes nouvelles drogues.

Une plantedu genre cannabis

Le cannabis

Les produits de la plante Cannabis sativaL. sont utilisés comme intoxicants par desmillions d'êtres humains, depuis quatre oucinq mille ans. Le cannabis s'emploie sousdes formes diverses. On peut le fumer, sou¬vent mélangé au tabac; on peut aussi mélan¬ger sa résine à des boissons ou à des sucre¬ries. Cet usage est encore toléré dans cer¬tains pays.

Rares sont les régions du monde où l'onne puisse cultiver le cannabis. Selon lanature du sol, le climat et le mode de cul¬ture, cette plante, qui ressemble à une mau¬vaise herbe, peut atteindre une hauteurvariant de 0,30 à 6 mètres. La plante de can¬nabis ou la substance brute qui en est déri¬vée, de même que les préparations artisana¬les à base de cannabis, sont connues sousdes centaines de noms différents. Les cons¬

tituants intoxicants de la résine de cannabis

(connue sous le nom de hachisch) se trou¬

vent surtout dans les sommités florifères, de

la plante femelle en particulier. La résine decannabis était la plus active des formes decannabis jusqu'à ces dernières années ; eneffet, un nouveau produit à base de canna¬bis est apparu depuis lors sur le marché illi¬cite : c'est le cannabis liquide, concentrécontenant quelquefois jusqu'à 60 % deTHC(tetrahydrocannabinol) et plus dangereuxque toutes les autres formes de cannabis.

Il y a lieu de penser que les effets intoxi¬cants du cannabis dépendent surtout de laquantité de THC (tetrahydrocannabinol)présente dans le cannabis utilisé, car la plu¬part des phénomènes ressentis à la suited'ingestion d'autres hallucinogènes, parexemple le LSD tels que dépersonnalisa¬tion, troubles graves de la vision et de la per¬ception du temps ont été observés aprèsingestion de THC ou de quantités suffisa-ment grandes de marihuana et, surtout, dehachisch. Il est cependant probable que leseffets du cannabis sont dus aussi à d'autres

composants.

Selon la Convention unique de 1961, leterme "cannabis" désigne les sommités flo¬rifères ou fructifères de la plante de cannabis(à l'exclusion des graines et des feuilles qui

ne sont pas accompagnées de sommités),dont la résine n'a pas été extraite, quel quesoit le nom qu'on leur donne ; mais, dans lelangage courant, l'utilisation du terme "can¬nabis" diffère de cette définition, et les mots

"cannabis", "marihuana", "hachisch"s'appliquent à des formes différentes decannabis préparé.

L'emploi du cannabis en thérapeutiqueest périmé. Il a donc été recommandé d'enarrêter l'administration dans la pratiquemédicale, mais, dans quelques parties del'Asie, les médecins l'utilisent encore pour letraitement de diverses affections.

La consommation du cannabis est une

tradition séculaire dans certains pays

spécialement dans les régions où la con¬sommation de l'alcool est interdite.

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Un cocaïer

[Erythroxylon coca)

La feuille de coca et la cocaïne

Le cocaïer est un arbuste à feuilles persistan¬tes, Erythroxylon coca, qui pousse dansl'ouest de l'Amérique du Sud. Ses feuillessont mastiquées depuis des siècles dans cer¬taines régions d'Amérique latine, surtout parles habitants des montagnes et des hautsplateaux ; elles servent également dematière première pour la fabrication de lacocaïne.

Comme l'habitude de mastiquer la feuillede coca va de pair avec divers facteurssociaux et économiques défavorables, lasolution du problème présente deux aspectsfondamentaux et parallèles ; il faut améliorerles conditions de vie de la population où lamastication de la feuille de coca est chose

courante ; il faut en même temps mettre surpied un programme gouvernemental visant àlimiter la culture du cocaïer, à contrôler ladistribution des feuilles et à supprimer l'habi¬tude de les mastiquer. Le Conseil économi¬que et social de l'ONU a recommandé queles pays où l'on mastique la feuille de cocabénéficient d'une assistance dans leurs

efforts pour éliminer cette habitude.

La cocaïne, stimulant puissant'1', est leprincipal alcaloïde de la feuille de coca, etpeut être extraite de cette feuille. On l'utili¬sait, il y a un siècle, pour l'anesthésie locale,mais elle a presque perdu son intérêt théra¬peutique depuis l'apparition d'autres anes-thésiques.

(1 ) En termes de pharmacologie, la cocaïne est unstimulant du système nerveux central ; au planjuridique, elle est visée par la Convention uniquesur les stupéfiants. Adoptée en 1961, la Conven¬tion unique des Nations Unies sur les stupéfiantsest entrée en vigueur en 1 964. Elle remplaçait neuftraités existants, étendait le contrôle Internationalà la culture des plantes dont on tire les stupéfiantsnaturels (pavot d'opium, cannabis et cocaïer) etsimplifiait l'organisation du contrôle international.Elle a été amendée en 1972 en vue de renforcer le

système de contrôle international des drogues.

En cas d'abus, l'effet stimulant de lacocaïne se traduit par un état d'excitation,de loquacité et par la diminution de l'impres¬sion de fatigue. La cocaïne peut produire unsentiment d'euphorie, l'impression d'uneplus grande force musculaire. L'effet stimu¬lant est suivi d'une période de dépression. Adoses élevées, la cocaïne provoque un étatde méfiance, des frayeurs, des hallucina¬tions (signe caractéristique de psychoseparanoide) et, dans certains cas, un com¬portement agressif et antisocial. Les effetsde la cocaïne sont analogues à ceux desamphétamines.

LSD

Les hallucinogènes

Les grandes civilisations fournissent denombreux exemples de l'emploi des subs¬tances hallucinogènes. La consommationrituelle de champignons hallucinogènes enAmérique, l'emploi d'autres champignonstoxiques par les sorciers d'Asie, l'utilisationde certaines plantes dans la sorcellerie euro¬péenne ne sont que quelques exemples de ladiversité des hallucinogènes traditionnels ;plus récemment, toutefois, on associe plu¬tôt le terme "hallucinogènes" à l'acide lyser-gique diethylamide (LSD), au STP, au DMTet à d'autres substances nouvelles.

Les hallucinogènes constituent une classede substances très diverses, appartenant àde nombreux groupes chimiques et pharma-cologiques. Leur abus toujours croissant etles effets qu'ils entraînent ont nécessité lamise sous contrôle international de plusieursd'entre eux. Le principe dont s'est inspiré laConvention de 1971 sur les substances

psychotropes dans le choix des substanceshallucinogènes à contrôler est énoncé àl'article 2 de cette convention. Une subs¬

tance doit être mise sous contrôle "si l'Orga¬nisation mondiale de la santé constate que

ladite substance peut provoquer... une sti¬mulation ou une dépression du système ner¬veux central, donnant lieu à des hallucina¬tions ou à des troubles de la fonction

motrice et du jugement ou du comporte¬ment ou de la perception ou de l'humeur..."et "qu'il existe des raisons suffisantes decroire que cette substance donne ou risquede donner lieu à des abus tels qu'elle consti¬tue un problème de santé publique et unproblème social."..".

Le LSD. Le sigle LSD (LSD-25, Lysergide)est une abréviation de l'expression alle¬mande désignant l'acide lysergique diethyla¬mide Lyserg Säure Diethy/amid). C'est uncomposé synthétique, ou plus exactementsemi-synthétique : on ne le trouve dansaucune substance naturelle, mais il se pré¬pare à partir de l'acide lysergique, produitnaturel que l'on trouve dans l'ergot du sei- vgle. r

27

Champignons hallucinogènes Peyotl (cactées)

Pour faire un "voyage psychédélique", onutilise de 100 à 250 microgrammes (1 micro¬gramme = 0,000001 gramme) de LSD sousforme de solution diluée, ou en combinaisonavec d'autres substances sous forme de

capsules. En général, on verse les gouttesde la solution sur un morceau de sucre ou de

papier buvard.

L'ingestion de LSD provoque un change¬ment d'humeur, une altération de la notiondu temps et de la perception visuelle et audi¬tive, des phénomènes de dépersonnalisa¬tion, d'irréalité, et des hallucinations auditi¬ves et visuelles.

Les réactions les plus courantes au coursd'un "voyage " sont les suivantes :

Réaction de panique : le "voyageur" serend compte qu'il ne peut dominer les effetsdu LSD ; il ne peut les supporter et s'efforcevainement d'y mettre fin.

Une réaction paranoïaque : sous l'effet duLSD, il a l'impression que quelqu'un veutl'emprisonner ou se rendre maître de sonesprit.

La mescaline. C'est le principe actif dupeyotl (cactées). Le nom scientifique decette plante est Lophophora Wi/liamsii ; sonnom populaire de peyotl semble d'origineaztèque. C'est un petit cactus, charnu etsans épines, qui pousse à l'état sauvage surle plateau du Mexique et dans la région sud-ouest des Etats-Unis, dans des lieux secs,sur des falaises ou des pentes rocheuses.

On employait et on vénérait le peyotl(comme panacée, amulette ou hallucino¬gène) dans les régions montagneuses dunord du Mexique, plusieurs centainesd'années avant l'arrivée des colons euro¬

péens au 15e siècle. Le peyotl était connudepuis longtemps des Indiens Huichols quile prenaient comme médicament, pour pro¬voquer des visions permettant des prédic¬tions prophétiques ; absorbé en collectivité,il servait à obtenir l'état de transe voulu pourles activités rituelles.

La mescaline est un hallucinogène moinsactif que le LSD, mais ses effets sont trèssemblables, avec des troubles de la person¬nalité provoquant des symptômes analo¬gues à ceux de la schizophrénie.

28

La psilocybine, la psilocine. Ce sont lesprincipes actifs du champignon hallucino¬gène Psilocybe mexicana. Ce champignonest le plus important des champignonssacrés adorés par les Indiens du Mexique,qui ont longtemps utilisé cette chair desdieux (teonanacatl) comme instrument de

culte dans les rites religieux aztèques.

Etant donné la discrétion des Indiens sur

cette question, il n'y a que quelques annéesque l'on a pu identifier quelques-uns deschampignons sacrés, dont le Psilocybe.L'étude pharmacologique de ses compo¬sants a bien montré les puissantes proprié¬tés hallucinogènes de la drogue.

Le DMT, le DET. Ces sigles sont les abré¬viations de la diméthyltryptamine et de ladiéthyltryptamine. Ces deux substances ontdes effets hallucinogènes puissants. LeDMT est également le principe actif de plu¬sieurs poudres à priser sud-américaines quel'on aspire dans la cavité nasale selon diversprocédés.

Ces substances chimiques sont utiliséespar les Indiens dans leurs cérémonies reli¬gieuses pour provoquer des états mystiquesqui, semble-t-il, leur permettent de commu¬niquer avec leurs dieux.

La psilocine et la psilocybine sont chimi¬quement proches du DMT.

Le STP. (diméthoxyméthamphétamine) estun composé synthétique préparé dans deslaboratoires clandestins. Il est chimiquementproche de la mescaline et des amphétami¬nes ; ses effets sont plus durables que ceuxdu LSD.

Le THC. Ce sigle désigne le tetrahydrocan¬nabinol, l'un des principes actifs du canna¬bis. Le THC est une drogue hallucinogènetrès active, dont les effets pharmacologi-ques présentent plusieurs analogies avecceux du LSD changement d'humeur,altération de la notion de temps, déforma¬tion des perceptions visuelles et auditives,perte du sens de la réalité, hallucinationsvisuelles et auditives, dépersonnalisation. Ilsemble toutefois que ces deux drogues agis¬sent par des mécanismes biochimiques dif¬férents ; leurs effets sur les fonctions céré¬brales sont aussi un peu différents.

Stimulants de typeamphétaminique...

Les stimulants

Les stimulants les plus importants sont lesamphétamines. Le terme "amphétamine"englobe les amines synthétiques qui sontanalogues à maints égards à l'adrénaline,hormone sécrétée par le corps humain. Lesamphétamines, comme la cocaïne, suppri¬ment l'appétit, renforcent l'activité et laconscience et stimulent le système nerveux

central. Ces drogues ont été synthétisées audébut du 20e siècle et utilisées à des fins thé¬

rapeutiques dans les années 30. En raison deleur effet stimulant, les amphétamines ontété largement utilisées dans les forcesarmées, notamment par les pilotes dechasse pendant la seconde guerre mondiale(1939-1945). L'amphétamine, la déxamphé-tamine, et la méthamphétamine sont lessubstances les plus courantes de ce groupe.D'autres substances, telles que la phenmé-trazine et le methylphé nidate, ont des effetspharmacologiques très proches des précé¬dents. Les stimulants sont très souvent utili¬

sés de façon abusive par les conducteurs decamion qui doivent couvrir de longues dis¬tances, par des étudiants qui préparent desexamens et par des athlètes (doping) quicherchent à dépasser leurs performances,etc.

L'abus des amphétamines a pris de plusen plus d'importance depuis une trentained'années dans les régions urbaines de nom¬breux pays. Dans certains d'entre eux, il apris les proportions d'une épidémie, obli¬geant les autorités à placer ces substancessous un contrôle sévère.

L'intérêt thérapeutique de ces médica¬ments est assez limité ; en pratique, on lesutilise, dans certains pays, dans deux casprécis ; comme stimulants dans des condi¬tions déterminées ; et pour les traitement del'obésité. Ces substances sont très efficaces

pour supprimer l'appétit mais cet effet dis¬paraît après quelques semaines, en mêmetemps que l'effet stimulant, sauf si l'on aug¬mente la dose. Selon certains experts, la

prescription d'amphétamines ne se justifie¬rait que dans les cas de narcolepsie (maladietrès rare).

Si l'emploi thérapeutique des amphétami¬nes est limité, elles n'en donnent par moinslieu, dans certains pays, à un commerce illi¬cite important et à des abus.

Les amphétamines, en thérapeutique,sont utilisées en général sous forme de com¬primés et de capsules. L'administration dedoses excessives de métamphétamine("speed") par voie intraveineuse constitue laforme d'abus d'amphétamines la plus dan¬gereuse. L'effet de cette nouvelle formed'injection de stimulants peut se prolongerpendant plusieurs jours, la fin deV'épisode"étant marquée par des signes d'hostilité,d'agressivité et de paranoïa dus à l'adminis¬tration intraveineuse régulière de doses mas¬sives de "speed". Les toxicomanes qui abu¬sent beaucoup de stimulants ne sont pas enmesure de travailler régulièrement à causede leur pharmacodépendance.

Les amphétamines et d'autres stimulantssont très souvent utilisés en association

avec d'autres drogues telles que les barbitu¬riques ou les opiacés, ou en alternance avecces substances. Il importe de relever que leSTP (diméthoxyméthamphétamine) et leMDA (méthylènedioxyamphétamine), deuxhallucinogènes puissants, sont chimique¬ment très proches des amphétamines.

Les sédatifs et hypnotiques

Les barbituriques. Les sédatifs et leshypnotiques les plus couramment utilisésappartiennent au groupe des barbituriques.On les utilise depuis un demi-siècle en méde¬cine ; dans plusieurs pays, ils représentent àpeu près le dixième de tous les médicamentsprescrits par les médecins. Les barbituriquessont considérés comme "sûrs" s'ils sont uti¬

lisés, sous une surveillance médicale adé¬quate, comme hypnotiques (somnifères) oucomme sédatifs, s'il sont utilisés à petitesdoses ou même à des doses plus fortes, enanesthésie. Leur utilité thérapeutique estdonc très différente de celle des amphétami¬nes, qui elle est très limitée. La consomma¬tion régulière de barbituriques entraînel'apparition d'une profonde dépendancephysique.

Dans de nombreux pays, la consomma¬tion des barbituriques n'est soumise à aucuncontrôle, ce qui engendre des conséquencesgraves, le danger de la dépendance parexemple. De plus, la consommation de bar¬bituriques sans contrôle médical peut abou¬tir à une polytoxicomanie c'est-à-dire àl'emploi de barbituriques en combinaison

...et sédatifs et hypnotiques.

avec d'autres substances. Les trois associa¬

tions de drogues les plus répandues et lesplus dangereuses sont les suivantes : barbi¬turiques et héroïne, barbituriques et alcool,barbituriques et stimulants.

Les tranquillisants mineurs. Il existe ungrand nombre de médicaments appelés tran¬quillisants mineurs qui sont surtout prescritsaux personnes souffrant d'anxiété ou detensions. Nombre de ces substances don¬

nent lieu à un usage souvent abusif. Dans denombreux pays, la production, le commerceet la distribution de ces substances ne sont

pas soumis à un contrôle efficace (à suppo¬ser qu'un contrôle existe) et l'on a observédes cas de toxicomanie aux tranquillisantsmineurs. Des décès provoqués par desdoses excessives de tranquillisants mineursont été enregistrés, moins fréquemmentcependant qu'avec les barbituriques. Lestranquillisants mineurs (telle la métaqua-lone) sont souvent consommés en associa¬

tion avec d'autres drogues afin de prolongerles effets obtenus, ou de renforcer les effetsdes autres drogues.

Fumer, avaler, se piquer...Un grand nombre de drogues se pren¬

nent tout simplement par voie buccale.

L'intervalle de temps entre le moment où

on l'avale et celui où la drogue produit

son plein effet sur le cerveau est relative¬

ment long. Selon certaines théories, ce

retard ne facilite pas la création rapide

d'une pharmacodépendance, bien qu'il

soit certain que les drogues ainsi absor¬

bées puissent l'entraîner.

L'alcool est l'exemple classique d'une

drogue que l'on ingère. Le cannabis peut

être avalé dans les gâteaux ou dans une

infusion, l'opium peut se manger, et tou¬

tes sortes de substances de synthèse

sont absorbées sous forme de compri¬

més. Un moyen rapide d'obtenir que cer¬taines substances aient un effet consiste

à garder la drogue dans la bouche, contre

la joue. C'est ainsi qu'on procède en chi¬

quant du tabac, du khat ou de la coca.

Pour certaines drogues, un moyen

encore plus efficace de les absorber rapi¬dement consiste à les aspirer sous forme

de fumée, comme il en va pour le tabac,

l'opium, la pâte de coca, les cigarettes decannabis. Le procédé qu'on appelle cha¬

sing the dragon permet de respirer lesvapeurs d'héroïne. D'autres substances,comme la colle ou des solvants, sont

inhalées par les "renifleurs". La dépen¬dance qu'entraîne la cigarette tient à ce

que ce tuyau roulé est une brillante réus¬site technique pour amener très rapide¬ment la nicotine au cerveau : chaque

bouffée envoie dans le système sanguin

une nouvelle dose de nicotine, qui par¬

vient au cerveau en quelques secondes.

Mais la technique triomphe avec

l'aiguille et la seringue, et les drogues

injectables. L'héroïne injectée dans

l'organisme provoque une dépendancebeaucoup plus rapide que ne le faitl'opium d'où elle est extraite chez

ceux qui ont l'habitude de le fumer. Le

grand danger de cette innovation vientde ce qu'il est très facile de s'exposer au

risque d'une surdose et d'introduire dessubstances contaminées ou des bacté¬

ries dans le système sanguin. Le fumeur

ou mangeur d'opium traditionnel nedétruisait pas nécessairement sa santé

pas plus qu'il n'abrégeait forcément ladurée de sa vie. En revanche, celui qui

s'injecte de l'héroïne court non seule¬ment le risque de mourir d'une surdose,mais de contracter diverses maladies

infectieuses, notamment le tétanos et la

malaria. Cette espérance de vie réduite

chez les usagers de l'héroïne résulte

moins de l'héroïne en soi, que des injec¬

tions faites sans stérilisation préalable.

29

Le remède miracle

Dangers de l'abusdes tranquillisants

LA production pharmaceutique mondiales'accroît de plus de 10 % par an. Lesbenzodiazepines, qui ont fait leur appa¬

rition au début des années 60, d'abord avecle chlorodiazépoxide (Librium) puis avec lediazepam (Valium) ont été lancés sur le mar¬ché comme anxiolytiques. L'objectif était defaire disparaître les troubles psychiatriqueset les malaises émotionnels quotidiens. Indi¬qués d'abord pour la sedation diurne, cesproduits ont vu leur utilisation s'élargir àmesure que leur nombre augmentait lesmédicaments de cette catégorie sontaujourd'hui légion on les emploie désor¬mais aussi comme sédatifs nocturnes,

décontractants musculaires et antispasmo¬diques. Par ailleurs, ils entrent dans la prépa¬ration de médicaments composés qui sontrecommandés pour combattre une vastegamme de troubles psychosomatiques. Ilsont été adoptés avec une surprenante rapi- W

en moins de quinze ans, le diazepam fdite

De plus en plus, selon leDr. Ruth Cooperstock, lesgens s'attendent à trouverun remède miracle pourchacun de leurs maux. Que

faire, face aux attentes des

malades et aux prescriptionsdu corps médical ? Le Dr.Cooperstock étudie le casdes benzodiazepines, groupede tranquillisants légers dontfont partie des médicamentsbien connus tels que levallum ou le librium.

30

s'est trouvé en tête des médicaments ven¬

dus dans le monde.

Il est de plus en plus certain que les con¬sommateurs de benzodiazepines ne se ren¬contrent pas indifféremment dans n'importequel groupe d'individus. Ils sont prescritsdeux fois plus souvent aux femmes qu'auxhommes. En dehors des personnes vivant enétablissements hospitaliers, c'est aux per¬sonnes âgées et à celles qui souffrent demaladies chroniques qu'ils sont surtoutadministrés, et c'est dans ces groupesqu'une consommation prolongée est la pluscourante. Comme il est facile de se les pro¬curer, ces médicaments, associés à l'alcool,sont ceux qu'on rencontre le plus commu¬nément dans les cas de surdosage auCanada et aux Etats-Unis d'Amérique. Selonles nouvelles études publiées sur les diverstroubles de la motricité (ceux notamment

qui se révèlent gênants pour le conducteur),de l'intelligence, du jugement et de la socia

bilité, si ces médicaments procurent desbienfaits immédiats, en revanche, leur con¬sommation n'est pas sans créer toute unesérie de problèmes minimes ou graves.D'autres, plus délicats, concernent certainesrépercussions psycho-sociologiques de leurutilisation et n'en sont encore qu'au stadede la recherche.

Vu le nombre élevé des patients qui fontune consommation prolongée de benzodia¬zepines et devant l'efficacité limitée de cesproduits et des méfaits qu'ils risquent decauser, il est capital de chercher à compren¬dre les raisons pour lesquelles ils sont pres¬crits. L'explication que l'on se contente cou¬ramment de donner est que les patients lesréclament. Pourtant, les recherches mon¬

trent que tel n'est pas le cas : il s'agirait plu¬tôt de présupposés de la part des médecins.Peut-être le mécanisme actuel des prescrip¬tions s'explique-t-il essentiellement par uneconception biomédicale que les médecins

ont de l'homme. Selon cette philosophie,tous les problèmes qui sont exposés dans lecabinet du médecin ont leur origine dansl'individu même, et exigent donc des solu¬tions biologiques.

On pourrait se demander ce qui a été faitpour sensibiliser davantage soignants etmalades au sujet de l'utilisation prolongéede ces médicaments. Les psychotropes sontun cas à part en ce sens que, tout autantque les pouvoirs publics et la professionmédicale, les médias et les groupements deconsommateurs semblent s'être émus deshabitudes de consommation et de leurs

effets.

Un des tout derniers numéros du "Journal

of the Royal College of General Practitio¬ners" était consacré presque exclusivementà la prescription en général. L'editorial faisaitobserver que les intérêts antagonistes despouvoirs publics, qui doivent supporter lecoût des médicaments, et de l'industrie

pharmaceutique se conjuguent "pour exer¬cer sur les 25 000 practiciens des pressionssans cesse plus fortes pour qu'ils se rallient àtelle ou telle politique". Certes, poursuivait-il, "la consommation de tranquillisants estde plus en plus attaquée et il est permisd'assimiler une prescription de tranquilli¬sants à une sorte d'échec thérapeutique".

Les pouvoirs publics ont pris consciencede la nécessité d'intervenir, en raison del'accroissement des coûts et aussi à la suite

de drames comme celui qu'à provoqué lamise en circulation de la thalidomide.

Dans beaucoup de pays, les organisationsde consommateurs publient des revues quidonnent des renseignements détaillés sur lesprestations sanitaires, notamment sur lesmédicaments. Mais d'une manière générale,la voix des consommateurs crie encore dans

le désert à cet égard. C'est seulement depuisquelques années que la recherche, quis'intéressait jusque là, en matière de con¬sommation de médicaments, à la plus oumoins bonne observance, par les patients,des prescriptions médicales, aborde désor¬mais les questions du point de vue du con¬sommateur. Elle s'adresse aux utilisateurs

des services sanitaires pour savoir commentils perçoivent les conséquences de la con¬sommation de tranquillisants au niveausocial et affectif ainsi que les effets physi-

'ques de celle-ci. Comme solution derechange à l'emploi des tranquillisants, on acréé les groupes de sensibilisation etd'entraide. Dans les grandes villes notam¬ment, ces groupes épaulent les individus quiveulent se libérer de leur pharmacodépen¬dance.

Deux tendances s'opposent donc enmatière de thérapeutique dans les paysdéveloppés: d'une part, l'acceptation dumodèle biomédical et de ses incidences et,

partant, de solutions chimiques aux problè¬mes socio-psychologiques, d'autre part, lacontestation croissante des systèmes théra¬peutiques courants. La seconde se traduitpar un refus, chez de nombreux patients, duschéma classique de la relation médecin-malade et par un recours croissant aux for¬mes de médecine non conventionnelle telles

que l'acupuncture, la phytothérapie, etc.Les benzodiazepines sont le point de ren¬contre symbolique de ces deux tendances,voilà pourquoi ils soulèvent dans le mondeentier de sérieuses controverses.

31

u

No smoking, please"L'offensive contre le tabac au Royaume-Uni

par Martin Raw

Al'époque où l'on a commencé à sedou-ter qu'il était dangereux de fumer,65 % des hommes et 40 % des fem¬

mes d'âge adulte, au Royaume-Uni, avaientacquis cette habitude. Depuis 1973, la con¬sommation de tabac connaît un déclin lent

mais régulier. Pour la première fois depuis1945, les fumeurs sont devenus minorité. On

peut distinguer sept grandes catégoriesd'actions dans la campagne menée contre letabagisme.

Education sanitaire. Des efforts ont été

accomplis pour associer la publication desrésultats des recherches et les effets du

tabac sur la santé, l'organisation de confé¬rences internationales et la création, auRoyaume-Uni, du "Health Education Coun¬cil" (HEC) et de "Action on Smoking andHealth" (ASH), le premier se consacrant àdes campagnes officielles éducatives.

Législation. La loi la plus importante votéedans ce domaine a été l'interdiction à la télé-

MARTIN RAW est psychologue à l'hôpital St. George de Londres,et un spécialiste de la recherche sur le tabac.

vision, en 1965, de la publicité pour les ciga¬rettes.

Pressions autres que légales exercées surles industries du tabac et les entreprises depublicité. Malgré diverses pressions, le Gou¬vernement britannique s'est toujours montréréticent pour adopter d'autres mesures quecelle interdisant la publicité du tabac à latélévision. Il a préféré exercer des pressionssur l'industrie du tabac au moyen d'accordsvolontaires.

Contrôle social. L'interdiction de fumer

dans les lieux publics est de mieux en mieuxacceptée du public et s'étend désormais auxtransports publics de Londres (1971), auxcinémas (1971) et aux avions (1972).

Contrôle des prix. Il a été démontré qu'enGrande-Bretagne, la consommation detabac diminue quand son prix augmente. LeGouvernement n'a pas encore voulu recourirà ce moyen, l'un des plus puissants dont ondispose pour réduire le tabagisme.

Cliniques de désintoxication. Elles comp¬tent peu dans la lutte menée contre le tabac;cela est dû en partie à ce que les services desanté ne leur accordent pas un grand crédit.

Conseils de spécialistes de la santé et del'hygiène. L'expérience montre que ces con¬seils peuvent être efficaces pour certainsgroupes de patients, le plus important étantcelui qui fait appel au médecin généraliste.

Après avoir reconnu les dangers du tabac,on s'est trouvé devant un problème extrê¬mement difficile. Les hygiénistes ont penséqu'il suffisait de convaincre les gens desdangers du tabac pour qu'ils cessent defumer. Cet espoir est apparu naïf surtoutparce qu'il ne tenait pas compte d'autresfacteurs liés à la consommation de tabac,

comme la dépendance qu'entraîne l'acte defumer et les ressources considérables inves¬

ties pour inciter à la consommation dutabac. Il est absurde qu'au Royaume-Uni, le"Health Education Council" ne dispose qued'un million de livres sterling (deux millionsde dollars) chaque année pour ses activitésanti- tabac alors que l'industrie du tabac con¬sacre, pour la même période, près de centmillions de livres sterling (deux cent millionsde dollars) à sa promotion.

Jusqu'à présent, le Gouvernement n'a pasvoulu entreprendre une action pour réduirela consommation, en raison, sans doute,des revenus considérables qu'il tire de lavente du tabao. Il semble d'autant plusremarquable, dans ces conditions, que lacombinaison des sept facteurs cités ait régu¬lièrement réduit la demande de tabac au

cours des cinq dernières années. Si aucunede ces méthodes de contrôle ne peut, à elleseule, aboutir à des résultats décisifs àl'exception du contrôle des prix appli¬quées conjointement elles portent leursfruits. Mais elles ne résoudront le problèmedu tabagisme que si le Gouvernement prenddes mesures plus énergiques là où il a la pos¬sibilité d'agir. g

32

Drogues et sociétésUn problème en constante évolution

par Griffith Edwards et Awni Arif

IL est inconcevable de vouloir aborder ou

résoudre les problèmes que pose l'usagedes drogues sans les replacer, à tous les

niveaux, dans leur contexte socio-culturel.Ce serait aussi irréaliste que de vouloir abs¬traire l'homme ou la femme de la société et

de la culture où ils vivent. Il ne s'agit pas denier l'importance des différences qui consti¬tuent la personnalité de chacun, mais debien voir que toute personne, quelle qu'ellesoit, ne peut s'accomplir que dans un envi¬ronnement culturel et social déterminé.

Notre propos, ici, n'est pas de nous livrerà un essai de futurologie, mais de soulignercombien il serait vain, pour ceux qui les étu¬dient, de couper les problèmes des droguesdu monde dans lequel nous devons vivre etdes éléments qui conditionnent l'avenir. Leschangements et la croissance que connais¬sent les ressources mondiales, les nouvellesformes de pauvreté et de richesse, ont sansdoute une influence décisive sur les problè¬

mes de la drogue et déterminent l'impor¬tance des investissements financiers dans

les programmes de lutte contre la drogue.

Au-delà de ces aspects extérieurs et maté¬riels de l'avenir, l'usage des drogues (et lesréponses apportées à ce problème) sera pro¬fondément affecté par des facteurs commeles valeurs sociales et culturelles, que ce soitla place qu'accorde la société à l'individu, oula valeur conférée à la liberté et au droit au

plaisir ou encore l'importance et la significa¬tion qu'on prête à la santé. Si l'on juge par¬fois que ce type de préoccupation relève del'utopie, on peut répondre que l'un deschangements auxquels nous assistons con¬siste précisément dans le fait qu'on redécou-

. vre que ces questions sont celles-là mêmesque nous sommes en droit de nous poser.Les ignorer, c'est courir des risques, entreautres ceux d'une accélération du mauvais

usage des drogues ou d'une mauvaise utili¬sation des activités thérapeutiques et pré¬ventives.

Dans un monde où les structures et les

valeurs du passé connaissent un bouleverse¬ment complet, l'équilibre séculaire entre lessociétés et leur usage des drogues sera éga¬lement rompu. Il est probable que dansl'avenir immédiat, le monde verra s'accen¬tuer les maux causés par la drogue.

Déjà, l'usage des drogues tend à devenirhomogène de par le monde. Le cannabis,

AWNI ARIF, d'Irak, est médecin chef du Pro¬

gramme de pharmacodépendance de la Divisionde santé mentale à l'Organisation mondiale de lasanté et ancien Directeur général des services demédecine préventive du Ministère de la santé del'Irak.

qui jusqu'à ces dernières décennies étaitessentiellement une drogue de l'Orient, estmaintenant bien connu des sociétés occi¬

dentales. L'alcool, qui a été si longtemps ladrogue traditionnelle du monde occidental,soulève aujourd'hui de plus en plus de pro¬blèmes dans les pays d'Orient. Le mauvaisusage des psychotropes est en passe dedevenir un problème universel. Toutefois,parallèlement à cette homogénéité crois¬sante, à cette tendance à l'unification, onobserve, dans l'usage des drogues, unegrande diversité de modèles culturels : à lamultiplicité des sociétés répond la multipli¬cité des problèmes de drogue.

Si l'on estime que ce problème de la dro¬gue se pose essentiellement en termessociaux et culturels, il faut s'attendre à deprofonds changements dans sa définitionmême. Ce qui est perçu aujourd'hui commeun problème ne sera peut-être pas défini dela même façon dans dix ans, période aucours de laquelle de nouvelles définitionsauront pu apparaître.

Il se peut, par exemple, qu'on ait eu ten¬dance, au cours des années passées, à met¬

tre trop l'accent sur l'usage des drogues ousur la dépendance, comme si c'était là lesproblèmes essentiels, au lieu d'analyser,plus au fond, leurs conséquences néfastes.Certaines sociétés s'acheminent vers une

vision plus tolérante de l'usage de certainesdrogues peu nocives, mais interdites àl'heure actuelle. Chez d'autres, le tabac estde plus en plus considéré comme un pro¬blème en raison des dommages qu'il cause àla santé. Si la plupart des pays, aujourd'hui,ne voient pas dans l'usage de l'alcool unproblème, mais s'inquiètent du phénomènede l'alcoolisme, on observe néanmoins unetendance à définir le niveau à partir duquel laconsommation d'alcool devient nocive pourl'individu et un problème pour les sociétés.

Si certaines définitions ne changent quelégèrement, l'ordre de priorité des problè¬mes peut être modifié. Par exemple, il peutsurgir une tendance qui attache plusd'importance à des drogues socialementacceptées, comme l'alcool et le tabac, ou àd'autres qu'on peut prescrire légalement,comme les benzodiazepines, qu'aux dro¬gues qui sont traditionnellement illicites. Ladichotomie classique entre drogues licites etsubstances illicites tend à disparaître.

Dans de nombreux pays, aujourd'huiencore, l'assistance socio-médicale la plusélémentaire fait encore défaut aux utilisa¬

teurs de drogues qui languissent souvent enprison sans bénéficier d'aucune aide cons¬

tructive. Des alcooliques meurent de deli

rium tremens par manque de connaissancestechniques élémentaires. Les moyens indis¬pensables pour entreprendre des désintoxi¬cations sont inexistants ; souvent, on ignoretout des rudiments en matière de réadapta¬tion. Il faut espérer que l'on veillera, dans unproche avenir, à satisfaire ces besoins etqu'on s'attaquera aux problèmes d'organisa¬tion.

Toutefois, il faut s'assurer que la mise enplace de moyens accrus ne se borne pas àamplifier encore un cadre médical, quiamène l'individu à avoir surtout conscience

de Son impuissance et la communauté à unabandon de ses responsabilités. Il serait illu¬soire de penser que les solutions dépendentseulement des responsables et des spécialis¬tes de l'assistance. Toute réponse à ces pro¬blèmes qui serait conçue uniquement en ter¬mes d'assistance médicale dépasserait lesDossibilités économiques des pays et risque¬rait donc d'être inefficace. Au contraire, ilest nécessaire de perfectionner un modèledans lequel le traitement associe la per¬sonne, la communauté et les spécialistes,ces derniers ayant essentiellement un rôle desoutien.

Il est probable que dans les dix ansà venir, on s'intéressera de plus en plusà des aspects qui n'apparaissaient pas,jusqu'alors, comme faisant partie du traite¬ment : le milieu thérapeutique et ce qu'on enattend, le rôle qu'on entend jouer et unedéfinition de soi plus active, l'optimisme quien résulte, les objectifs définis en commun,la possibilité de recouvrer un sens de l'auto¬nomie, et la relation thérapeutique. Lesrésultats futurs dépendront plus de la capa¬cité de comprendre et de développer cesprocessus que de la découverte de nouvellespanacées technologiques. Bien entendu, ilfaut explorer davantage encore le lien entreles processus naturels qui favorisent et ren¬forcent la guérison et les interventions théra¬peutiques.

En ce qui concerne la prévention, pourobtenir de meilleurs résultats, il faudra, làaussi, plus que par le passé, mettre en per¬manence l'accent sur ce thème fondamen¬

tal : la nécessité d'harmoniser la réponse dela société et le contexte socio-culturel. Dans

certaines régions, on assiste à une nouvellerépartition des investissements dans desprogrammes globaux, où l'on tend à accor¬der une priorité à la prévention. Pour ce quiest de l'alcoolisme, par exemple, certainspays, semble-t-il, ont trop mis l'accent sur

l'aspect thérapeutique, au détriment des ,mesures préventives. j

33

Autre question, fort préoccupante : nosefforts actuels en matière de prévention etnotre lutte pour résoudre les problèmes de ladrogue ne sont-ils pas voués à l'échec s'ilsse révèlent de simples manouvres de diver¬sion pour éluder ou négliger des problèmessociaux plus profonds d'où naît le mauvaisusage des drogues ? Prenons le cas del'alcoolisme au Kenya : nul ne peut préten¬dre sérieusement en venir à bout par une

simple campagne anti-alcoolique. Loin denous, ici, de prêcher le désespoir oud'encourager la négligence. Il faut seule¬ment veiller à ce que la société ne fuie passes responsabilités en abordant mal à pro¬pos et de façon trop superficielle les problè¬mes de la drogue. Voilà que nous caressonsde nouveau une utopie...

Nous avons insisté sur le fait qu'une appli¬cation pure et simple du modèle médicalpeut parfois susciter, chez un individu, uneconscience de son impuissance là où ilimporte surtout qu'il soit en mesure des'aider lui-même. En suivant le même raison¬

nement, on peut se demander, pour ce qui

est de la prévention, quelle sera l'attitudedes communautés collectifs de travail à

l'école et ailleurs, ou groupements de fem¬mes, par exemple. Ces groupes prendront-ils l'initiative de leurs propres politiques pré¬ventives plutôt que d'en laisser le soin àl'Etat ?

Cette nécessité de tenir compte, à l'ave¬

nir, du lien entre les grands changementssociaux-culturels et les problèmes relatifs àl'usage de la drogue, tant en ce qui concerneles définitions que le traitement et la préven¬tion, implique un nouveau calendrier de larecherche. Sans vouloir entrer dans les

détails, on peut dire que toutes les questionssoulevées plus haut sont des sujets poten¬tiels de recherche. Au plan pratique, il seraitbon de prendre ses distances par rapport àcertain type prédominant de recherche épi-démiologique sur les drogues. Si nécessairesoit-il, celui-ci a pris parfois un caractèremécaniste et volontariste, qui fait de l'utilisa¬teur de la drogue un objet d'étude coupé desinstitutions culturelles et sociales.

Quelle que soit la façon dont seront coor¬donnés ces efforts à accomplir à l'écheloninternational, par l'intermédiaire des organi¬sations internationales ou autrement, il est

indispensable que chaque pays se montre deplus en plus disposé à tenir compte desexpériences des autres. Il faut espérer qu'àl'avenir auront lieu des échanges d'idéesplus ouverts que cela n'a parfois été le cas,sans que prédomine un point de vue culturelen particulier. Ce critère essentiel vaut égale¬ment pour le traitement, l'action préventiveet la recherche.

Pour être à l'écoute de l'expérience desautres pays, encore faut-il avoir connais¬sance de celle-ci. Il est urgent de développerles moyens qui permettent un meilleuréchange de l'expérience réflexion,débats, réalisations acquise dans diverspays. Le programme actuel de l'OMS enmatière de drogues s'est assigné en grandepartie cet objectif. A sa manière, ce numérodu Courrier de ¡'Unesco entend aussi contri¬buer à cet effort.

Griffith Edwards et Awni Arif

NOSOTROS,

LOS ADOLESCENTES

mensaje audiovisual

Producción de los

alumnos Pares Guías

del Colegio Nacional

y Comercial de

Vicente López

Experiencia Piloto

Proyecto DINEMS - UNESCO - FNUFUID

1980

Un film et deux livres-

SOS DROGUE (film 16 mm couleur, durée 38 mn) réalisé par le Serviced'éducation télévisuelle extra-scolaire de la Côte d'Ivoire.

* LA DROGUE DÉMYTHIFIÉE par Helen Nowlis, une brochure publiéepar les Presses de l'Unesco (1980). Disponible en anglais, allemand, arabe,espagnol, français, italien, portugais, suédois, thai.

Si chez les adolescents la solitude, le manque de communication avec autrui,l'absence d'orientation et de motivation profonde sont des causes importantes dela pharmacodépendance, il revient au système éducatif de lutter contre ces insuf¬fisances en organisant, au sein même de l'école, des expériences de communica¬tion et d'orientation. Tel est le but que se propose, entre autres, le projet piloteDINEMS; UNESCO; FNULAD, en vigueur dans divers collages et écoles d'Argen¬tine. Sur ces photos, des élèves d'une de ces écoles, le Collège national et com¬mercial de Vicente López, s'adonnant à des activités de groupes propres à déve¬lopper le sens de la solidarité et l'esprit communautaire. Le "messageaudiovisuel", d'un groupe d'élèves choisis comme guides et orienteurs deleurs camarades, vise è aider ceux-ci à communiquer leur expérience d'adoles¬cents.

THE AETIOLOGY OF PSYCHOACTIVE SUBSTANCE USE rapport

et bibliographie critique sur la recherche concernant l'étiologie de l'usagede l'alcool, de la nicotine, des dérivés de l'opium et d'autres substancespsychoactives, par C. Fasey (1977), en anglais seulement.

Les demandes sont à adresser à : Madame N. Friderich, Chef de la Sectionde l'éducation concernant les problèmes liés à l'usage des drogues,Unesco, place de Fontenoy, 75700 Paris, France.

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NOUVEAUX TARIFS 1982

REVUE MENSUELLE

LE COURRIER DE L'UNESCO

Le numéro : 5 FF

Abonnement 1 an : 48 FF

Abonnement 2 ans : 84 FF

Dans le domaine des Sciences

IMPACT :

SCIENCE ET SOCIÉTÉ

Le numéro : 18 FF

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Abonnement 2 ans : 100 FF

NATURE ET RESSOURCES

Le numéro : 10 FF

Abonnement 1 an : 32 FF

Abonnement 2 ans : 56 FF

REVUES TRIMESTRIELLES

Dans le domaine de l'Education

PERSPECTIVES

Le numéro : 18 FF

Abonnement 1 an : 62 FF

Abonnement 2 ans : 100 FF

DOCUMENTATION ET

INFORMATION PÉDAGOGIQUE (B.I.ELe numéro : 14 FF

Abonnement 1 an : 45 FF

Abonnement 2 ans : 75 FF

Dans ie domaine des Sciences sociales

REVUE INTERNATIONALE

DES SCIENCES SOCIALES

Le numéro : 28 FF

Abonnement 1 an : 92 FF

Abonnement 2 ans : 150 FF

I.E.)

Dans ie domaine de la Culture

CULTURES

Le numéro : 28 FF

Abonnement 1 an : 100 FF

Abonnement 2 ans : 160 FF

MUSEUM

Le numéro : 28 FF

Abonnement 1 an : 100 FF

Abonnement 2 ans : 160 FF

Dans le domaine de ia Documentation

BULLETIN DU DROIT D'AUTEUR

Le numéro : 10 FF

Abonnement 1 an : 33 FF

Abonnement 2 ans : 55 FF

REVUE DE L'UNESCO POUR LA SCIENCE

DE L'INFORMATION, LA BIBLIOTHÉCONOMIEET L'ARCHIVISTIQUE

Le numéro : 14 FF

Abonnement 1 an : 45 FF

Abonnement 2 ans : 75 FF

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ALBANIE. N. Sh. Botlmeve Nairn Frasherl, Tirana. ALGɬRIE. Institut pédagogique national, 11, rue Ali Haddad, Alger,Société nationale d'édition et diffusion (SNED), 3 bd Zirout You-

cef, Alger. - RÉP. FED. D'ALLEMAGNE. Le Courrier del'Unesco (allemand, anglais, français, espagnol). Mr. HerbertBaum Deutscher Unesko-Kurier Vertrieb Besaitstrasse 57

5300 BONN 3. Autres publications : S. Karger GmbH, KargerBuchhandlung, Angerhofstr. 9, Postfach 2, D-8034Germering/München. Pour les cartes scientifiques seulement:Geo Center Postfach 800830 Stuttgart 80 - RÉP. DÉM. ALLE¬MANDE. Buchhaus Leipzig, Postfach, 140, Leipzig. Internatio¬nale Buchhandlungen, en R.D.A. ARGENTINE. Librería ElCorreo de la Unesco EDILYR S.R.L. Tucumân 1685 1050 Buenos

Aires. AUTRICHE. Buchhandlung Gerold and Co Graben31 A-1011 Wien. BELGIQUE. Ag. pour les publications del'Unesco et pour l'édition française du "Courrier" : Jean de Lan¬noy, 202, Avenue du Roi, 1060 Bruxelles, CCP 000-0070823- T3.Edition néerlandaise seulement : N.V. Handelmaatschappij Kee¬

sing, Keesinglaan 2-18,21000 Deurne-Antwerpen. RÉP. POP.DU BÉNIN. Librairie nationale, B.P. 294. Porto Novo. BRɬSIL. Fundación Getúlio Vargas, Editora-Divisao de Vendas,Caixa Postal 9.052-ZC-02, Praia de Botafogo, 188 Rio de JaneiroRJ BULGARIE. Hemus, Kantora Literatura, bd Rousky 6,Sofia. CAMEROUN. Le secrétaire général de la Commissionnationale de la République unie du Cameroun pour l'Unesco,B.P. N° 1600, Yaounde. CANADA. Editions Renouf Limitée,2182, rue Ste. Catherine Ouest, Montréal, Que H3H IM7.CHILI. Libreria La Biblioteca Alejandro, 1867 Casilla, 5602Santiago 2 CHINE. China National Publications Import andExport Corporation, P.O. Box 88, Beijing. COLOMBIE. Cruzdel Sur Calle 22 n° 6-32, Instituto Colombiano de Cultura, Car¬rera 3 A n° 18/24 Bogota. - RÉP. POP. DU CONGO. Librairiepopulaire B.P. 493 Brazzaville ; Commission nationale congolaisepour l'Unesco, B.P. 577, Brazzaville CÔTE-D'IVOIRE. Cen¬tre d'édition et de diffusion africaines. B.P. 4541. Abidjan-Plateau. DANEMARK. Munksgaard export and subscriptionservice 35 Norre Sogade 1370 Copenhague K. EGYPTE(RÉP. ARABE D'). National Centre for Unesco Publications, N°1, Talaat Harb Street, Tahrir Square, Le Caire ESPAGNE.MUNDI-PRENSA Libros S.A., Castelló 37, Madrid 1, Ediciones

LIBER, Apartado 17, Magdalena 8, Ondárroa (Viscaya) ;DONAIRE, Aptdo de Correos 341, La Coruna; LibreriaAl-Andalus, Roldana, 1 y 3, Sevilla 4. Librería CASTELLS,Ronda Universidad 13, Barcelona 7; Editorial Fenicia, Caméle¬

las, 7 "Riefrio", Puerta de Hierro, Madrid 35 - ÉTATS-UNIS.Unipub. 345, Park Avenue South, New York, N.Y. 10010. -FINLANDE. Akateeminen Kiirjakauppa, Keskuskatu 1, 00100Helsinki. Suomalainen Kirjakauppa Oy, Koivuvaraan Kuja 2,01640 Vantaa 64 FRANCE. Librairie Unesco, 7, place de Fon¬

tenoy, 75700 Paris. C.C.P. 12.598.48 - GRÈCE. Librairies inter¬nationales. - RÉP. POP. REV. DE GUINÉE. Commission

nationale guinéenne pour l'Unesco, B.P. 964, Conakry.HAÏTI. Librairie A la Caravelle, 26, rue Roux, 8. P. 111, Port-au-Prince. - HAUTE-VOLTA. Lib. Attie B.P. 64, Ouagadougou.

Librairie Catholique « Jeunesse d'Afrique ». Ouagadougou.HONGRIE. Akadémiai Konyvesbolt, Váci U.22, Budapest

V., A.K.V. Konyvtârosok Boltja. Népkoztasasag utja 16, Buda¬pest VI. INDE. Orient Longman Ltd. : Kamani Marg. BallardEstate. Bombay 400 038 ; 17 Chittaranjan Avenue, Calcutta 13 ;36a Anna Salai, Mount Road, Madras 2. B-3/7 Asaf Ali Road,Nouvelle-Delhi 1, 80/1 Mahatma Gandhi Road, Bangalore-

560001, 3-5-820 Hyderguda, Hyderabad-500001 . PublicationsSection, Ministry of Education and Social Welfare, 51 1 , C-Wing,Shastri Bhavan, Nouvelle-Delhi-110001 ; Oxford Book and Sta¬

tionery Co., 17 Park Street, Calcutta 700016 ; Scindia House,Nouvelle-Delhi 110001. IRAN. Commission nationale Ira¬

nienne pour l'Unesco, av. Iranchahr Chomall N°300 ; B.P. 1533,Téhéran ; Kharazmie Publishing and Distribution Co. 28 VessalShlrazi St, Enghelab Avenue, P.O. Box 314/1486, Téhéran.IRLANDE. The Educational Co. of Ir. Ltd., Ballymount RoadWalkinstown, Dublin 12. ISRAËL. Emanuel Brown, formerlyBlumstein's Bookstores : 35, Allenby Road et 48, Nachlat Benja¬min Street, Tel-Aviv ; 9 Shlomzion Hamalka Street, Jérusalem.

ITALIE. Licosa (Libreria Commissionaria Sansoni, S.p.A.) viaLamarmora, 45, Casella Postale 552, 50121 Florence.JAPON. Eastern Book Service Shuhwa Toranomon 3 Bldg,23-6 Toranomon 3-chome, Minato-ku, Tokyo 105 LIBAN.Librairies Antione, A. Naufal et Frères ; B.P. 656, Beyrouth.LUXEMBOURG. Librairie Paul Brück, 22, Grande-Rue, Luxem¬

bourg. MADAGASCAR. Toutes les publications : Commis¬sion nationale de la -Rép. dém. de Madagascar pour l'Unesco,Ministère de l'Education nationale, Tananarive. MALAISIE.

University of Malaya Co-operative Bookshop, Kuala Lumpur22-1 1 MALI. Librairie populaire du Mali, B. P. 28, Bamako.MAROC. Librairie « Aux belles ¡mages », 282, avenueMohammed-V, Rabat, C.C.P. 68-74. «Courrier de l'Unesco» :

pour les membres du corps enseignant : Commission nationalemarocaine pour l'Unesco 19, rue Oqba, B.P. 420, Agdal, Rabat(C.C.P. 324-45I. - MARTINIQUE. Librairie « Au Boul' Mich »,

1, rue Perrinon, et 66, av. du Parquet, 972, Fort-de-France.MAURICE. Nalanda Co. Ltd., 30, Bourbon Street, Port-Louis.

MEXIQUE. SABSA, Servicios a Bibliotecas, S.A., Insurgen

tes Sur N° 1032-401, México 12. Librería El Correo de la Unesco,Actipán 66, Colonia del Valle, Mexico 12 DF - MONACO. Bri¬tish Library, 30, boulevard des Moulins, Monte-Carlo.MOZAMBIQUE. Instituto Nacional do livro e do Disco IINLDI,

Avenida 24 de Julho, 1921 r/c e 1» andar, Maputo. -NIGER.Librairie Mauclert, B.P. 868, Niamey. NORVÈGE. Toutes lespublications : Johan Grundt Tanum (Booksellers), Karl Johansgate 41/43, Oslo 1. Pour le « Courrier » seulement : A. S. Narve-sens Litteraturjeneste, Box 6125 Oslo 6. PAKISTAN. MirzaBook Agency, 65 Shahrah Quaid-l-azam, Box 729 Lahore 3.PARAGUAY. Agencia de diarios y revistas, Sra. Nelly de GarciaAstillero, Pte. Franco N° 580 Asunción. - PAYS-BAS.« Unesco Koerier » (Edition néerlandaise seulement) Keesing

Boeken B.V., Postbus 1118, 1000 B C Amsterdam. - POLO¬

GNE. ORPAN-Import. Palac Kultury, 00-901 Varsovie, Ars-Polona-Ruch, Krakowskie-Przedmiescie N° 7, 00-068 Varsovie.

PORTUGAL. Dias Ef Andrade Ltda. Llvraria Portugal, rua doCarmo, 70, Lisbonne. - ROUMANIE. ILEXIM. Romlibri, Str.Biserica Amzei N° 5-7, P.O.B. 134-135, Bucarest. Abonnements

aux périodiques : Rompresfilatella calea Victoriei 29, Bucarest.- ROYAUME-UNI. H.M. Stationery Office P.O. Box 569, Lon¬dres S.E.1 SÉNÉGAL. La Maison du Livre, 13, av. Roume,B.P. 20-60, Dakar, Librairie Clairafrique, B.P. 2005, Dakar,Librairie «Le Sénégal» B.P. 1954, Dakar. - SEYCHELLES.New Service Ltd., Kingsgate House, P.O. Box 131, Mahé.SUÈDE. Toutes les publications : A/B CE. Fritzes Kungl. Hov-bokhandel, Regeringsgatan, 12, Box 16356, 103-27 Stockholm,16. Pour le «Courrier» seulement: Svenska FN-Forbundet,

Skolgrand 2, Box 150-50, S-10465 Stockholm-Postgiro 184692.SUISSE. Toutes publications. Europa Verlag, 5, Ramistrasse,

Zurich, C.C.P. 80-23383. Librairie Payot, 6, Rue Grenus, 1211,Genève 11. C.C.P. : 12.236. SYRIE. Librairie Sayegh Immeu¬ble Diab, rue du Parlement, B.P. 704, Damas. TCHÉCOSLO¬VAQUIE. S.N.T.L., Spalena 51, Prague 1 (Exposition perma¬nente) ; Zahracini Literatura, 11 Soukenicka, Prague 1. Pour laSlovaquie seulement : Alfa Verlag Publishers, Hurbanovo nam.6, 893 31 Bratislava. TOGO. Librairie Evangélique, B.P. 1164,Lomé, Librairie du Bon Pasteur, B.P. 1164, Lomé, LibrairieModerne, B.P. 777, Lomé. - TRINIDAD ET TOBAGO. Com¬mission Nationale pour l'Unesco, 18 Alexandra Street, St. Clair,Trinidad, W.l. TUNISIE. Société tunisienne de diffusion, 5,avenue de Carthage, Tunis. TURQUIE. Haset Kitapevl A. S.,Istiklâl Caddesi, N° 469, Posta Kutusu 219, Beyoglu, Istambul.- U.R.S.S. Mejdunarodnaya Kniga, Moscou, G-200 - URU¬GUAY. Edilyr Uruguaya, S.A. Librería Losada, Maldonado,1092, Colonia 1340, Montevideo. - YOUGOSLAVIE. Jugoslo-venska Knjiga, Trg Republike 5/8, P.O.B. 36, 11-001 Belgrade.Drzavna Zalozba Slovenije, Titova C 25, P.O.B. 50, 61-000 Ljubl¬jana. RÉP. DU ZAIRE. La librairie. Institut national d'étudespolitiques, B.P. 2307, Kinshasa. Commission nationale de laRép. du Zaire pour l'Unesco, Ministère de l'Education nationale,Kinshasa.

Photo © Lauros-GIraudon, Paris. Musée de Besançon, France

Ce verre est dangereux

La drogue: problèmes et solutions sont perçus différemment d'un paysà l'autre, selon les valeurs et la culture propres à chaque société. Qu'onen ait ou non conscience, l'alcoolisme est un fléau majeur. Dans lespages de ce numéro (voir l'article de la page 20) est étudiée l'action des"Alcooliques anonymes" aux Etats-Unis, et celle de la Société d'absti¬nence d'alcool au Japon, ainsi que d'autres formes originales de traite¬ment des divers utilisateurs de drogues. Notre photo: nature morte dupeintre hollandais Willem Claesz Heda (17e siècle).