lasymbolique del'eauetdufeu chel pauleluard - dergipark

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ll. U. Edebiyat Falıültesi Dergisi. .3.1.1985 63 LA SYMBOLIQUE DE L'EAU ET DU FEU CHEl PAUL ELUARD .'Hes I1wtssont fraternels maisje les veux meIes Aux elements a l'origine au souffle pur Poesie ininterrompue Kemal Özmen * Une lecture globale et approfondie de la poesie de PaullEluardl revele un re- seau organique de themes majeurs a I'interieur duquel s'ordonne et se deploie tout un univers lpoetique. Ces themes aisement reperables par le critere de frequence au derepetition forment des dominantes dont chacune merite teute une etude minu- tieuse. Ainsi sont lesthemes du visage, des yeux, du mirair, du solcil, de'la lumiere, du vegctal etceux des elements materiels (eau, feu, terre, air) avec toutes leurs rami- fications qui se Hent a des dominantes esscntielles (mobil\te universellle, negation je toute structure logique, destruction des limites du temps et de I'espace, meta- morphose de I'homme et des choses) et qui demelent par consequent les constituan- tes de la çosmogonie du poete. C'est bien donc dansce contexte queıl10uSavans cssa- y~ de fair~ valoir la symbolique de I'cau et du feu ayant une predominance incoh- testable sur celle de I'air et deıla terre,eıtfments qui ne se revelent pas aussi signifi- caifs dans.leur substance que les deux premiers. _ Les themes de I'cau et du feu reviennent avec une friquance remarq:ıable des fes premiers poemes datant des annces de ıa.premiı~reguerre mondiale. Leur presence privilegiee s'affirme indeniablement a travers les dominantes profondes de I'univers poetique eluardien multiple en sesapparances, uniqı,ıeen sa realite. Ccs deux iMments fondamentaux participent par leur dyriamiqueil la transfigurationde I'universen- tier. Se faisant tres soovent I'echo de la conscience individuelleau coııective, ils sont assoeib ~des formes, des activites et des aspirations humaines. lls nous rendent sen- sibles par I'exaltarite ~vocationdeleu rs diversesapparenceslı cet univers, anime d'une exceptionnelle mobilit~ 2 auquel se trouventegales I'aimee et I'amant, realite primor- (*) Yrd. Doç., Dr. H.U. Fra.nsız Dili ve Edebiyatı Anabilim Dalı (1) L '~dition de r4r4rence est Paul Eluard, Oeuvres completes, 2 vol., Gallimard, "Bibliotheque de la P~iade, Paris,196S. Pour, ehaque eitation,nous avons indiqıı~ au bas des pages les titres des reeueils de poemes;le' ehiffre ı;omain est le nO du tom e, dans lequel elle figure. il est suivi del'indieation de la page. (2) II fi'est pas saM in~r&t de noter que la mobilİt~ unİverselle est ala base du sys- te'me 'cosmogonique d'Ehwrd.Louis'Parrault(PaulEluard,) Col!., " poetes d'au-

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Page 1: LASYMBOLIQUE DEL'EAUETDUFEU CHEl PAULELUARD - DergiPark

ll. U. Edebiyat Falıültesi Dergisi. .3.1.198563

LA SYMBOLIQUE DE L'EAU ET DU FEU CHEl PAUL ELUARD

.'Hes I1wtssont fraternels maisje les veux meIesAux elements a l'origine au souffle pur

Poesie ininterrompue Kemal Özmen *

Une lecture globale et approfondie de la poesie de PaullEluardl revele un re-seau organique de themes majeurs a I'interieur duquel s'ordonne et se deploie toutun univers lpoetique. Ces themes aisement reperables par le critere de frequence auderepetition forment des dominantes dont chacune merite teute une etude minu-tieuse. Ainsi sont lesthemes du visage, des yeux, du mirair, du solcil, de'la lumiere,du vegctal etceux des elements materiels (eau, feu, terre, air) avec toutes leurs rami-fications qui se Hent a des dominantes esscntielles (mobil\te universellle, negationje toute structure logique, destruction des limites du temps et de I'espace, meta-morphose de I'homme et des choses) et qui demelent par consequent les constituan-tes de la çosmogonie du poete. C'est bien donc dans ce contexte queıl10uSavans cssa-y~ de fair~ valoir la symbolique de I'cau et du feu ayant une predominance incoh-testable sur celle de I'air et deıla terre,eıtfments qui ne se revelent pas aussi signifi-caifs dans.leur substance que les deux premiers.

_

Les themes de I'cau et du feu reviennent avec une friquance remarq:ıable des fespremiers poemes datant des annces de ıa.premiı~reguerre mondiale. Leur presenceprivilegiee s'affirme indeniablement a travers les dominantesprofondes de I'universpoetique eluardien multiple en sesapparances, uniqı,ıeen sa realite. Ccs deux iMmentsfondamentaux participent par leur dyriamiqueil la transfigurationde I'universen-tier. Se faisant tres soovent I'echo de la conscience individuelleau coııective, ils sontassoeib ~des formes, des activites et des aspirations humaines. lls nous rendent sen-sibles par I'exaltarite ~vocationdeleu rs diversesapparenceslı cet univers,anime d'uneexceptionnelle mobilit~ 2 auquel se trouventegales I'aimeeet I'amant, realite primor-

(*) Yrd. Doç., Dr. H.U. Fra.nsız Dili ve Edebiyatı Anabilim Dalı

(1) L '~dition de r4r4rence est Paul Eluard, Oeuvres completes, 2 vol., Gallimard,"Bibliotheque de la P~iade, Paris,196S. Pour, ehaque eitation,nous avons indiqıı~au bas des pages les titres des reeueils de poemes;le' ehiffre ı;omain est le nO dutom e,dans lequel elle figure. il est suivi del'indieation de la page.

(2) II fi'est pas saM in~r&t de noter que la mobilİt~ unİverselle est ala base du sys-

te'me 'cosmogonique d'Ehwrd.Louis'Parrault(PaulEluard,) Col!., "poetes d'au-

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64 LA SYMBOLlQUE DEL'EAU ETQU FEU CHEZ PAUL ELVARD. .

diale de la 'po6sie d',Eıuard3. Ces derniers s'y 6panouisşentet s'y accomplissentpar lapuissance fascinante de I'amour qui n'est pası seulement un lien entre les ~tres,maisqui est une force fo'ndatriceet unificatrice qui permet de recreer le monde.

EAU ET FEU: COMPOSANTES PRIMORDlALES DE LA COSMOGONIEiELUARDIENNE

1

La notion d'element ne represente,chezEluard, rien de fige-et ne se reduit nul.lement 'a un principe inerte. Elle pr~sentedans la profondeur d6voilee de la matiereune force gen~ree tant pat-Ie ~gne de l'inan1m~que par celui de l'anim6. Eluardtro,uvedans la .~veriedec;es deux ~Iementsmateri~fsainsi cpe dans leursMriv6s'deselıments dynamicpes et constants, et en fait les principes-fondamentauxelesonuni.vers poetiq(ıe '(4). L'elemel1t licpide(eau) sous forme de goutte, de pluie, de so~rce,

jourd'hui"; P; S€ghers,Pan's, '1953,;p.126) indiqu 'eque le jeune Eluard 'aurait~te marque par 1es philosophes mateıia!istes, 'et nc;>t8mmentpar HeracHte, phi-losophe,grec (576'580 av. J. -C.). L~ cosmogonie ~ıuardienne se rapproche en

fait en beaucoup de points de celle d'H~raclite b~e sur l'~ternel devenir o~ leseontrastas s'opposent ,et .s'unnissent toura tour, et dont le .pnncipe est un('eu ~terneııement .vivant. Tout change con~mmant, tout ~'6croule et touı estdevenirJ Chez.Ehıard aussi,toutest enmouvement, Tput marche et nen ne de-meure. "Pas un Jeude mots. Tout est cQmparable 'li 'tout, tout trouve son echo,sa raison,sa ressemblance. son deve~ir partout. Et ce. devenir est infini "D~nner;}, voir, 1, }1.971)' "

. .

.(3) L'homme, ıe- pb'bte et l'amant (Elllılrd) y ~nnns6parablement unis ainsi que

la femme et l'aim~(Ga1a, Nusch, Dominique) dans les diverses parties de la viedu p~te. lls Se substituent spontan~ment l'tın al'auf;re.

(4) Nous aurions aime chercher l'origine des empreintes mouvantes de l'eau et dufeu dans les detai1s!)iographiques du,p~te, et nomınment dan~ ses \ongs sejoursa Davos (Suisse) OÜ il etaitsoign~ dans un.sanatonum (1912-1914). Mais les in-'suffisances des donn'es biographiques henous permetıent p.as ici de le faire.Cetteville ch~mante l'aurait sans doute sensibili~ par ses paysages de Imonta-gnes et par seschamps de neige. En effet, c'est la qu'Eluard, livrJ a ses reves, s'estrefugi~ dans la lectu~ Classique et moderne et c'est l}ı qu 'il a eu le go~t de lar~verie et qu'il a connu la fasci~ante r6velation de ramour, qui restent deuxconstantes de sa nature. "La guerre, disait.i1 en 1946,les deux guerres Qnt eusur moi une infliıenCe comme tout &Jnem~nt de ma vie, mais moins sans douteque mon enfance, ma formation, mes amours "Poernes retrouvb.s, n, p. 873.)

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KEMAL öZMEN

de rUisseau,de riviere, de fleuve, de mer, d'ocban, de neige, de sang, etc. - et i'~i~-ment ign~ (feu)-sous celle d'ttincclle, de flamme, de soleil, de cendre, de foudre,etc. opei'ent de maniere spectaculaire, car ils sont porteurs du dynamisme. Le carac-tere actif de lelır substanee g~neratriceleur assure une placc\ de .choix parmi les au-tres themes majeurs deil'Oeuvre. ' '

Et sur la teri'eune femmeEntant miroir oeil eau feu (5)

Mille liens les attachent aux ~treset aux choses memes les plus disparatesen appa-renec, et mille rapportsmanifestes ousous-jaeents s'etablissent entre eux. lls pren-nent place dans I'ordre des ~treset des choses entre lesqııels il ıı'ya pas de djscontin~ite,

C'~st I'oiseau e'est I'enfant e'est le roe e'est Laplaine, .,. Qui se melent a nous

L'or ~Iate de rire de se voir hors du gouffreL'eaule feu se denudentpour une seule saisonII n'y a Pi\s d'eclipse au front de ('univers(6)

Ces elements-b(lSes. createurs et ordonnateurs et dooos de qualites de tı:anspareneeet de pu rete

Diaph~esl'eau I'air et le feu 7

sont aI'origine detout dans I'universIimpide et lumineux (J.I'ils.animentd'un dyna-misme heureux; iis le eolorent d'un mnouveau de fra~cheuret de lumiere et fontpartie int6grante de la substaneepure et Itgeredont il semble~trefait. lls sont tantdans le ciel (J.Iedans la terre. "Le feuest du eiel, CM il monte, tandis Cfle l'eaLIestde la terre, car elle descend en pluie. Elle est d'origine e~lesteet de destinee terrestretandis que le feu est G'origine terrestre, mais de destint!e c~leste"l!. L'eau, origineet vehicule de toute vie ~traversun reseaude mi/le veines irrigueI'universet le nour-rit. Elle est mere et matrice. Elle se lie de façon fondamentale aux realit~sanim6esauissi bien qu'aux realiıes inanim6es;elles s'impregnent toutes les deux de sa subs-tanee reconde et la transforment en 'nergie vitale.

L'eau dans la terre et dans le noir.Au coeur de la terre et dans I'herbe...................................L 'eau dans I'aurortEt sur les routesmollesDu matin prenant feu

'

(5) Cou.rs natu.rei,i I, p. 804.(6) Imd, p. 800.

/(7) Le lit la tableII,p. 1199.(8) Dictionnaire des symboles, Ed.Robert Laffont, 1969, p. 350.

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66 LA SYMBOLlQUE DE L'EAU ET DU FEU CHEZ PAUL ELVARD

L 'cau dam; Lapierre fransparcntcAux carrefoursde la clard 9

~ant au feu, bleıncnt originel par excellence, il fait songer au feu heraclit6cn "6ter-nellement vivant", çcntrc g6nerateur dc toute chose et de tou te vie. Ce gcrmc cr~a-teur et illuminatcur qui anirnc tout ct a qui tout doit d'cxistercst ?ı"rcproduirc"sans cesse dans son po ncipe vivant, et ilexige de tout ~tre une participation constan-te

ı o

11 y a du feu sous rochePour qui eteint le feu

ı ı

Invente perpetuellement le feuL'air la.terre et I'eauSont des enfants

ı 2

.b . h i ,d / i

/.. . d / / I. iLes attrı uts ın erents a ces eux e ements, sooree e regeneratıon,preserventI'ordrede I'univers de toute destruction.Par le potentfel rigoureux de leurforce, ilssont le plus s~r garant de tout ce epi favorise la continuit6, la beaud et la puret6lumineusede ('universp06tique. lls son1 incorruptibleset indestructibles.

Une Jtincelle rompt la mortUne goutte d'eau le d~sert

ı 3

Principes de vie, ils prennent une telle forceei une telle densit6 <pe tout I'universsemble ~tre affecte par leur puissa"ce benifique.La premierebrise la mort et sa nuitpar I'ardeur vitale ei la luminositequila caracterisenttandis que I'autre, subst;mceaqua.tique concentree,forme des sa naissanceunmonde dos et epanoui en lui-m&ıe, etprtfigure par'la suite une genese fulguıante dans cet espace hostile et st~rile~nI'ab-reuvantet le remplissant d'une pl~nitude.

ii

~terminant le cours des choses et de I'existence, I'eau et lefeu .s'int6rp~netrentavec des ~tres et des objets les plus lointains; ils entrent aveceux dans des rapports

(9) Voir, I, P. 175.(10)"ı\ tou tes les forees de la nature, le p~te(ElUil1'd) eonseille de sortir de terre,

de vainere un ehaos, de fixer enfin le soleiL. Car toute vie veut la lumi~re tout- '.'

"t

~tre veut voir clair" (G. Baehelard,Genne etraison dans la poJsie d'Eluard ,inEurope, Paul Eluard, numero special, Juillet-Aotıt 1953/Novembre-D~eembre1962, Paris, p. 61.)

(ll)Lesyeux (erli/es, I,p. 497.~12)Les mains libres, I, p. 627.(13)Gr~ce ma rose de raisoıı, II, p. 284.

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KEMAL öZMEN67

inhabituels et fornıent des inıages qui deconcertent tr'es soovent parleur edat insoli-te. Ces dernieres paraissent alors detach~es de tou t lien logique.

Plunıe d'eau daire pluie fragile 14

Ton exp~ıience'sur Ia-paillede I'equ15

Les feux noy~sdu verre16

Le feu du soir e"t un serpendı la tete fröideı?

Cependant, desimages surgies de ce rapprochenıent arbitraire cr~ent des rapportsvivants et sensi~les correspondant ala symboliq.ıe ~Iuardienne de latransfiguration,d'ou ['aboUlion. des structures conventionnelles du monde. L'eau et le f~ n'y con-naissentaucune barriere, aucune.linıite.lls s'apprqpıieht demanihe laplusimprevueles attributs des choses, et r~ciproquenıent. lls accentuent la m~tanıorphose des ap-parences; les formes, les couleurs et les sensadons se confondent.

.Voici qJe .Iesgouttes de pJuieDeviennent les oiseau~ iii

Cette averse est u'n feu de pailleLa chaleu r va I'etooffer 19

Dans le renversenıent des normes traditionnelles de perception, l'univers fabu.leuxd'Eluard se trouve valorise par une ~uali#~ hydrique qu'est la {luidite. To.,t y estmouvement, caracte.ıistiqJe del'~I~merıtliquide.

Le flot de la ıiviheLa croissance du cielLe vent la feuille I'aile

'Le regard la paroleEt le fait qJe je t'aimeTout est en nıouvement 20

Par son soleil, principe menıe de La vie, et ses innombrables astres le ciel a substancefluide. ii entre dans le cercle des choses immediatement tangibles.

Lourd le ciel coole il pk 21

(14)A toute ~preuve, i. p. 293(15)La vie imm~diate, I,p. 364.(16)D~fensede savoir, I,p. 222.(17)Poesie ininterrompue, Il,p. 54,(18)Le livre ouvert, I,p.lD9S.(19)Les mains libres, I, p. 588.(20)Le phenix, Il, p. 425.(21)L'amour la po~sie, ı. p. 262

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68 LA SYMBOLIQUE DE L'EAU ET DU FEU CHEZ PAUL ELVARD

Et des images comme "la mer du ciel", "la mer des ~toi1es", "Ies sources du soleil"font appel ~ I'immensit~iIlimitee, a cette ~tendueinfinimentfuyante. Le soleil, feudu ciel et signe de vitalit6, possede aussi fes attributs essentiels de I'eau. ii est evoquıfcomme une SQurce d~sal~rante, fratche et Iimpide dans une fusion cosmique du vege-tal et du celeste.

. .

Un bel arbreSes branches sont des ruisseauxSous les feuilleslls boivent aux sources du soleil 22

Le ciel et le soleil ne sont pas les seulsa se voir attribuer les caracteristiques deleau, mais aussi les elcments-terrestres. Le v6g~tal,organiquement lil1 la terre et aI'eau, est consid6n~comme un licJıide intime, doux etraffraichi.ssant.

L'air et I'eau couJent dans nos veinesCamme verdure en notre coeur 23

La terre en arriye m~e, dans sa masse lourde,a envahir le ciel 24qu'elle remplit deses eaux et de sa verdure.

C'est Lalune qui estau centre de la te~reC'est laverdure qui couvre le ciel 25

Le ciel, peupl6 du v6'ge'tal, devient une prairie naissante que I'eau impregne agr~able-ment. .

Sous le poids du soleil vertLes nuages disparaissent-Dans leureau pure les betesFendent les arbres du. cie i 26

iii

L 'eau et le feu, principes antagonistes, outre qu'ils se melent aux choses etqu'ils les metamorphosent, s'~quilibrent,

Et lesSaisons sont ~I'unnissoriColorant de rteige et de feu 27

(22)La Rose pub1ique, I, p. 425.(23)Poesie ininterrompue, II, p. 674.(24)La leg~rete exaltante de l'univers eluardien libere di! tous les liensdu temps, de

l'espace et de toute 19i de la pesı.nteur conf~re aux et~set aux choses une puis-sance et une agilit~ fantastiques.

. .

(25)Capitale de la douleur, I, P. 188(26)Le 1it la table, I,p. 1218(27)_Po~sieininterrompue,n, P. 1064

_._~--

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KEMAL öZMEN 69

et fusionnent entre eux en d~pitde leur rivalit~universelle. En fait, I'union et Lacon-ciliati-ondes contrairesse rtalisent suivant la transfiguration q.ıe ~bit I'universenti.er.

Les seduissantes formeş de la decomposition des genres dan-sent dans la nuit. i L'oiseau prend racine dans la femme,

I' homme dans un nid, a vieille tee, fee Confuse qui m~lesinnocemment toutes choses, les couleurs et les formes, lesrires et les larmes, les betes et les hommes, I'eauet le feu, ledel et la terre.2 ii

La {usian de l'eau "et du feu s'opere d'abord par I'echange de leurs propres qualites.Le feu peut facilement se liqu'fier, et I'eau prendre feu.

Feu liquide d6luge du desir de vivre 29

je vois brtı er I'eau pure et I'herbe du matin 3o

Parfois, ils se trouvent gıroitemel1tunis I'una I'autre:.

je m&le la neige et le feu 31

La pluie ajailli de la brÔlure 3 2

Et je serai de neig~ dans les .flammes 33

. Une goutte de feu se pose sur I'eau froideEt chante le dernier cantiquede la brume 34

(28) Donner 1 uoir, I,p.929. GastonBachelard apporte encore phıs de precisionlı l'unite'fohdamentale des eıe'nients: L'imagination mat'rielle unit l'eau et la tene;elle unit l'eau a son contrı-ire le feu; elle unit la tene et le feu; elle voit parfois dansla vapeur et Ies brumes l'union de I'air et de I'eau. Mais jamais, dan"sıaucune imagematerielle, on ne voitse rea1iiıer la triple union materielle de l'eau de la terre et du.feu. Aucune image ne peut recevoir les quatre eıements (...) Toute union est mariage,et il n'~ a pas de mariage ii trois (L 'eau et le, ,.eves, Jose Corti 1984, p. 129.)

(29)LePhenix, II,p.'436.(30)Poesie ininterrompue, II, p. 42.En partant d'une formule balzacienne, "L'eau

est un corps brul~", Bachelard souligne que l'eau pure n'est qu 'un punch 'teint,un.e veuve, une substance abim~e et qu 'il fau t une image ardentepour la ranimer,pour faire daniıera. nouveau une fiamme surson miroir (V oir ,Gaston Bachelard,op. i cit., p. 132). Cette image, e'est bien cene du soleil qui se I~vemıQestueuse-ment au dessus dE!!l'eau;neau s'embrase Aoudainement.C'est le feu jailli de l'eau.

(31)Mldieuses, I, p. 907.(32)Une leçon de morale, 11, p. 303.(33)Leda, ll,p. 266.(34)Le livre ouvert,1,p.1033

~ --

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70 LA SYMBOLIQUE DE L'EAU ET DU FEU CH'EZ PAUL ELVARD

Dans la "goutte de feu", dans cette "flamme mouill~e" (Heradite), I'imaginationcondense les deux matieres fondarnentales. Elles sont en parfait aceord par I'harmoni-euse mise en valeur de -leurs CJlalit~s. Leurfusion intime ne se ~arepas du pur ~(anCJli les attire I'un vers I'autre, et CJli les pousse en m~me temps vers une nouvelleet impressionnante substance ~tineelante etp~rlante qu'est la "goutte de feu". Elletraduit, a elle seule, admirablement I'ampleur que prend le dynamisme universelet en eonfirme ı'imp~rieuse 6videnee.

EAUET FEU : INTERR.ELA TIONS A VEC L'HUMAIN

ii importe de souligııer CJle la m~tamorphosede I'univers~laquelle participentactivement I'eau et lefeu n'est pas du tout arbitraire. Elle tend dans sa visionlblou-issante~ re"velerle regne de I'humain. Les sch'm1eseondueteurs puissamment sug-gestifs de ces ~I~mentss'ordonnent sur unm~me axe symbolique,~ savoir eelui desdeux protagonistes de I'~niversp~tique: l'aim6e et I'amant. Ces demiers n'etant passoumis aux r~gles de I'exi~tenceordinaire s'lmerveilleılt de eet univers qu'ils domi-nent et qui leurıressemble.Tous les elements, tous les objets,qui y figurent ne fontqu'en fait r6~lerll'evidence, d~ leur r~ciprocit6er6atrice et glorifier leurlıx-6sence.L'union qu'ils symbolisent estle modeleapraposer au monde, 'a toute I'humanite.A partirdu couple,I'amourse'tourneparla suiteversles autreset rejoindafraternit6universelle.

.

ii m'a t~jours fallu un seul ~trepo~r vivrePour exalter (esautres (35)

.

~ cours de ceUe ~volu1ion "de i 'horizoTl d'un homme ~1 'horizon de tous",I'existenee du po~te et eelle de sa "capitale feminine" se lient indissoulublement~. ,. i - i/'celle de tous les hommes. Les rapports des amants a 1'unıvers metamorphose se re.~Ient si profonds et si au1hentiques que ces derniers se trouvent sanscesse confron-tes et identifi~s~ses diversescomposantes, tels I'eau et le feu dont les manifesta-tionsse rattachent ~ de multiples ph~nomenesde leur vie.

Oue je vive pour que I'arbre. Ne perde pas Sesfeuilles

Pour que le coeur de I'eau battePour q.ıe le jour revienne e6)

Les elements dynamisent avec plus de foree q..ıe jamais la profonde e.ı douee intimiteq..ıi existe entre eux et (es amantsı symboles de l'humanit6 enti~re.

(35)Po{sie ininterrompue, II, p. 675.

(36)Le livre ouvert,l, p. 1080.

,

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KEMAL öZMEN71

Symbiose avec les amants

i

. "Pour vivre ici" compos~en 1918, au front, dans les conditions durcs de la guer-re contient en genne la symbolique des ~16Olents en relation ~troite avec l'humain.En .qu~te de quelque support contre la s6litude physique etmorale due aux privationsirnpos~espar la guerre, Eluard prend contact avec eux:

/Je fis un feu I'azor m'ayant abandonne.Un teu pourıtre son ~i

.

Un feu pour Ol'introduire dans la fluit d'hiver.Un feu pourmieux vivre

Je lu i donnai ce que le jour m'avait donnG .Les for~ts les buissons leş champs de ble les vignes[es nids et leurs oiseaux les Olaisons et leurs c\~sLes insectes les fleurs les fourrures et les f~tes

Je vfcus au seul bruit des flarnOles cdpitantesAu seul parfuOl de leur chaleurJ'~tais comme un bat~au coulant dans I'eau fenn~eComme un m ort je n'avais cp.ı'ununique ~Iem'ent

37

Dans les ruines morales et mat~riellesde laguerre, I'homme abandonn~,sansrecours,coup~ de son "azur" lumineux fait du feu dans La nuit froide de I'hiver. Grace 1ce feu alluOl'~ qui '{claire et~i rlchauffe, le contact du po'ete avec le monde reelest constamment maintenu. ii r~inventele fcu; mais sachant cp.ı'il risquede s'etein-dre, illui fait une offrande: ill'entretientpar les 61imentsda la nature et I'anime parcp.ıelquesr~miniscencesde sa vie intGrieure. Face'it la sensation bieııfaisante de lachaleur et de la vive lumiere QUfeu assuıant une certaine securit~eUe bien~tre, ils'isoledu monde exWrieuret s'enfenne par lasuite41ns une solitude mystique carac-terisee par I'image stagnante des deux ~1~entS lourds -et dos cp.ıisubmergent etrecouvrenttout. t 'e~ et la terre, bien qu'elles soient originairementdes imagesma-ternelles sont ~galement des images de mort. Toutef.ois, ici, plutot que d'aspirer ~la mart, le poete se laisse doucement absomer par la contemplation du feu et s'as-socie 1 sa p rofondeur dans laquelle il s'enfonce 'Ientement. C'est un~ descente en soi-m~me. Le "bateau coulant dans I'eau ferm6e" seıait sans doute un retour aux sour-ces pour renaıtre ~ la vie. L'immersion dans ('cau nous pa,..{;'t;si paradoxa1equ'ellesoit, r6g~n~ratrice.L'eau, priridpe receptif et matridel, op'ere,une renaissancedansle sens olı elle est a la fois mart et vie. Mais, le p~te ainie mieux etre guid~par ce.

.. i .feu rassurant, par cet espoir prometheı:n. Avec tout le rayonnement dont est ca-

(37)Ibid.p.1032

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~ -_.~~.,: ~-~-~.

72 LA SYMBOLIQUE DE L'EAU ET DU FEU CH EZ PAUL ELVARD

pable sa volont~ ferme, et constructrice, il se VoUc au feu qui devient le createur desa p,ropre vie, le compenSateu r de sa solitude et de son d~sartoi int~rieur. La pr6sen-ce m ouvante et projctante de ce feu iIIumine, apartir de ces ann~es terribles de laguerre mondiale, les voies tenfbreuses et froicles vers lesquelles sa vie risquc de bascu-ler, et indique la bonne direction qu'il doit prendre 3 ii

Fini de fuire j'avance etLe m'animeDe la ~ve d'6n feu lucide 39

Ce "feu lucide"5C marıifestant sous le şigne d'un pur dynamisme r~veleau po~te la'pr~sence d'un ~tre do~ d'un fascinant rayonnement: la decouverle du principe ri-minin lui pennet de se d6livrer de I'existence solita.ireet de suımonter I'angoissede1'6tendue d6serte, I'impuissance du vide int~rieur. L'aim6e joue au m&1e titre queI'ea.! et le feu un rQle d'initiateur, et .wace it elle 'I'absence devient pr~nce et pl6-nitude; C'est d~sormaisautour d'eux, "deux gouttes d'eau" qui se refl~tentet se fas-cinent mutuellement, que leselements se juxtaposent, se combinent et se concen.trent en une v6ritable~ymbiose.

.

Apres ce premier contactavecl'eau et le feu qui redonne au PQete-soldat saforce vitale et line pleineconsc~nce de sa condition d'homme, I'image exaltantede la femme amoureuse remplit en tous sens et de tous c&t~sI'universdu pOete parsa çhaire expansive et radieuse.

.

Le vois.ses mains retrouver leur lumiere et ~ soulever com medes fleurs ~pr~slapluie; les f1ammesde ses doigts cherchentcelles des cieuxet I'amour qu'elles engendrent sous lesfeuil-

\ les, sous la terre,dans bec des oiseaux, me rend~ moiof11~me,) ce que j'ai ete4o .

.

Non seulement elle le comble parsa presence, mais elle s'y assimileentib-ement. Lesole~, "mere Confiance", est"la traduction la plus revelatrice et la pius heureuse dec~tte identification totale; feu,*n~fique, ast-recentral provocateur de lumiere, demaleur et de vie, ce grand ranimateur d'existence r~and ~profusion par son rayon-nement vivifiant sonlnergie f~condantedans toutl'univers.

Le suis ensoleill6 car elle est le soleiı4ı

(38)La remarque de Bachelard est nes significative 1 cepropos:"Eluard avait mis une

~tincene c~anteau centre detous ses pÖemes" (Germe et raison dans la ~o~s{ed:Eluard, in Europe, Paul Eluard, numero spedal,.p. 61.)

.

(39)Poesie ininteTTompue, ll, p: 672..(40)Lesdessousd'unevie, ı,p.204.(41) Une leçon de morale,lI, p. 320

--

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KEMAL öZMEN 73

Tu es le grand soleil.<pime monte ~ la t~te4 ~

Sans songer ad'autres soleils

Que celui quibfille en mes bras43

"La femme aim~e fait detout~tre Leprochain, son amour se diffuse en sympathieuniverselle"44. "Re'vel~e a I'infini':, celle ': ci change perp6tuellement de forme, decouleur et de visage. Peu de sensationsplus exaltantes ""e de yoir {JIe toutl'universsetrouve humanisl et que I'aim~een devient un itemel pJincipe d 'identification.

Je t'ai identifte!~ des ~tres dont seule la vari6t6 Justifait lenom, touiours le m~me, le tien, dont ie voulais les "ommer,des ~tres que ie transformais comme ie te transformais, enpleine lumiere, comme on transforme I'eau d'une source en

.Ia prenant dans un verre, eomme ontransfonnait sa main enla mettantdans une autre4 5.

ii

ii n'ya donc rien d"tonnant.~ ce <pe les 61~ments,eau et feu, se rattachentason intimite par leur substance suggeslive. L'eau alaquelle.correspondentl'emotivitçet la sensbilite priYil6gieI'apparition rle la forme femininepar sesvertus ~n~triceset la caracte'risedans ses aspectS lesplusfugitifs, les plus intMeurs et les plus :pı'o-fonds.L 'aime'ec~lebr~ecomme "sacr~e" est entouree tOlljoursd'eau coriimeun lieude p€l~inage.

.

Ma foi est en toi si bitm entou..eeDe terre et d'eau si bien COllyerteDe soleil fraiset de nuit ciaire 46

Elle est assimu6e'it I'eau, ~ la f~minit6de sa substance. Cette eau n'a pas deprofon-deur; elle Ii'est autre qu'une puresurface, promesse dereflets. Le regard de I'amantiouit infinimentde sasoomoce matricielle.L'eau feminis~eest lafemme .. liquefiee,et elle est amoureusementconternplbe.

Tu te I~es I'eau se ~IieTu te COlIchesl'eau s'lpanOllitTu es I'eaudt;toumte de sesabtmes4 7

(42)LepMnix,ll,p.439.(43)Le livreouverl, 1, p. 1016.(44)Pierre Emmanuel, Le jeu

Seuil,Paris, 1967,p. 156.(45)La vie immMiate, 1, p. 374.(46)Le liIJre ouIJert, iı p.1036,(47)Facile, I; p. 459

~universel de Paul Eluard in Le monde est inteneur,

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74 LA SVMBOLIQUE DE L'EAU ET DU FEU CHEZ PAUL ELVARD

Le mouvement qui agite Lasurface de I'eau est suivitout de suite par un mouvementinverse; la nappe d'eau retrouve sa forme initiaı'e; L'eau calme et sereine refl~tantdans toute son 'etendue I'image rayonnante de l'ami6e participe des mouvementscorporels.Le parallelismeoriginel qui s'Mablit entre le corps feminin' et te deploimentde I'eau apporte du charrlie, de la douccur et de la tendresse. Le troisim,e vers:ampli-fie la vision, et I'union intime de I'eau et de "l'~temel {eminin" s'accentue par uneidentification fondere. L 'eau apparait alors dans sa ~alite originelle et eıbnentaire,massive,pro'fonde et froide; "Ses abfmes" 6voquent le chaos t~nebreuxdes origines.Mais, la femme, initiatrice du monde, anrı.ıle tous les mysteres, 9.JpprimeI'invisible.et les i"vestit de ses qualit~s.Elle en changele cours, i'adoucit, l'illumine,l'humaniseet la fJminise. C'est ~sormais dans les t'JUX douces, pureset claires que la femmes'aftirmera comme veritabrema1tresse.

Mattresse de I'eau m/ıtresSe de I'air Je domine ma solitude4 ii

Par sa fonction "narcissi~e", I'eau est toute miroitante d'images; les @tresetles choses sont d~oubh~s ~cieusement ~ sa surface et leurs reflets lumineux s'ycristallisent. Tout trouve sa pl~nituded'~tre dansun miroitement et dans la fratcheurluisante de I'eau pure. Et le reflet de l'aim6e s'y re~le comme une evidence ravis-sante.

.

Et mon visage dans I'eatı pure ie le voisChanter un sad arbreAdoucir des caiiıouxRefleter I'horizon......................Sur I'eau j'applaudis le soleilla p.luieEt le vent serieux 49

Le rayonnement &nanant de I'aim~eest le m~me que celui de l'eau;princiPe univer-sel de reflets. C'est sous re signe du reflet, fugon elementalre de I'eau et de la lumi-~e, qu'est saisie comme valtur fondamentale I'imageg~cieuse de I'aimee.Cette derni-'ere, tout comme I'eau,a le pouvoir de refleter les objets. On voit dairement id ceque laremme doit au prineipe.de reflet dans son corps fragile et leger.

Le ciel remue et le lac de mo!:,corpsReflMe un cygne des ntlages c:aime s

'II est massif sesplumes sont mouilleesso

Le visage de I'aimbe apparaissant com me une r~alit~ lumineuse devient soit un soleilquieclaireet rechauffele monde,

.

,Le soleil nu de ton visage 51

(48)M~dieuses, i. p. 901.(49)Ibid, p. 899.(50)Leda. II, p. 264.(51 )Le livre ouvert. I, p. 1035.

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KEMAL öZMEN 75

soit uneeau Iimpidequi le baigneet qui le reflechit.

Mon paysage est un bien grand bonhoorEtmon visageun limpideunivers 52

Non soorement les yeox se renvoient la lumiere et se ~flechissent tendrement les unsdans las autres, mais les I~vres, les paroles, les mains et

Tous les mots se refı'etent 53

aussi de la m~e maniere. L 'amant et l'aim6e se'font miroirs reciproquementet setrouvcnt confondus dans l'unit6 harmQnioosedu cbuple.

Sa main tendue vers moiSe reflete dans,la mienne 54

n'est d'autre chose que I'incamation heureuse du principe de reflet, de lasaisie duref1et aquatique. Ainsite vers suivant:

Tu es comme la mertu bercesles etoiles S-S

Parmi les quatre ~I~ments,il n'y a, en effet,que I'eau qui puisse bereer; elle nousporte, nous beree,nousendort et nous rend notre m~re.

Et les f10is de la mer, et lesbras de ma mereme portentet m'endorment 56.

L'indentification avec la mer se ~vtle interessantea plus d'un titre. Tout d'abord)amer, ('un des plus grands,des plus eonstants Symbolesmaternels,et la meresont, I'uneet I'au~e, rtceptacles et matrices de la vie. Elles sont conçues eanme element uni-verseliement nutritif. Deplus, il n'y a pratiquement pas de'diffbe nce de valeurpho-nique en.tre les deux substantifs. La mer, par les ondulations et les bruits rythmi-ques de ses vagues argent~s semble balancer doucement lasreflets mouvants etphosphorescents des etoilt!s comme u,nemm berçant son enfant dan'sses bras.Cetteimage matemelle de I'eau ~voque~galementdeux de sesattributs essentiels: la pure~et la limpidit~,qui deviennent en mQme-tempsceux de l'aim6e.

Toute petiteet delabrte,parfaite et pure .

Pareille~un verre d'eau <ıli sera toujoursbu 57

(52)M~diuses, I, p. 899.(53)Po~sie ininterrompue, II, p. 27.(54)Comme deux gouttes d'eau, I, p. 412.(55 )Corps mlmorables, II, p. 134.(56)Les sentiers etles rou tes de lo poesie,ll,p. 604.(57)Le tempsdeborde, iı,p.114.

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76 L.A $YMBOL.lQUE DE L.'EAU ET DU FEU CHEZ PAUL. EL.VARD

L'identite de substance, de forme et de couleur avec 1'~I~ent li~ide.. S'y ajoute\"celle de caractere:

Nousconduisons I'eau pure et touteperfectibnVers I'ttt diluvien "

Sur une mer qui a la forme et la couleur de ton corps

"

Ravie de ses tem~tes ~i lui font robe neuveCapricieu se et chaudeChangeantecommemoi 58

Cette complicitt intime entre I'aimte etja mer prouve ~'eUes sont le produit de Lam~e substance vivante, dynami~e, r6ceptacle des passions violentes.

Parfois, chose rare, il se trouve que le..{eu, malgre son principe mdle, s'assimile~elle. Dansce cas, il ne lui communi~e ~e son dynamisme et sa force regentratri.ce. Comme le soleil par ses rayons, le foo par sesflammes symbolise I'action ficon-dante, dirigeante et illuminatrice. L'aim~e, h-e,flamboyant sans la~elle la flammevive du monde s'~teindrait,est I'essencem&ne de ıicreation. Elle est

..I'~temelle jeunessede la flamme exacte<ııi yoile la natu", en la reproduiSant 59

La femme flamme de natureTissant la trame du soleilEt s!exaltant:pou m'exalter

6 o,

1\1

Detou~ les orgaı:ıesdu corps, l'oeil est le seuf ~i soit le plus inten~ment valo-,

ri~ par Eluard suivant qu'iI se rattache aux diversattributs del'eau et du feu; il peuti"se noyer' de I"-rmes" ou bien "lancer des €clairs" Ilıest, avant, toute choSfl, uneetendue d 'eaupure oil ~ miroite tendremeıittdut un monde de mouvements et delumiere. Vivifi6 par sa substance hydri~e, ii permei cette douce 'pen~tration de

! i' amour qui s'anime et $!irradiedans tout le corps. '

Dans I'amour la vie a encorel! Eau pure de sesyeux<d'enfants61

(5Ş) Facile, ı,p. 462.(59)Facile, ı, p. 459

(60)Lamoralit~ du 8ol11meil, 1,1049.(61)Le ph6nix, ll, p. 442

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KEMAL öZMEN 77

Relevant de la symbolique de I'eau, le sang, notre liquide organicp..ıe, intimc et ar-dent, et porteur de la seve amoureuse confere aux yeux, a"Ieurs regards" la chaleur

.;'/'de son essen ce noble et genereuse.

Le monde entier d6pend de te.s yeu~ pursEt tout mon sang coule dans I~rs regards6 2

L'oeil focalise, par son intensite rayonnante, le monde reel, favorise I'elan des for-meset caractirise leur ividence.' ' '

L 'homme la plante le jet d'eauLes flammescalmes certaines betesEt I'implacableoiseau de nuitJoignent tes yeux 63

Le po~te jouit de se conternpler et de contempler le monde d~s le miroir acp..ıati-que, dans cette eau pure, douce et riantequ'est devenu pour lui I'oeil de I'aim~e.Ce-luki apparait'alors comme un lieu etle moyen priYilegi~sd'echange d'une,Y6ritableinteriorisationdu monde dans un acte de puramaur. Le reflet du monde conternpl~se charge o'un contenu luisantcomme il le faisait dans I'eau pureet ctalre. L'oeilde I'aim~ n'est donc pas un miroir m~tallique~ourvude profondeur CJli nousoffre une reproducı;on statique de I'objet regarde. ii est/bien au contraire un espacevivant, Yibrant, Sensible, f~rtiJe et ayant tout liquide 00 Jel images ,!iieconcretisent,s'enrichissentct s'epanouissent danstout leur eelat.

Pour I'oeil qui devient Yisage 00, paysageEt le sommeillui rend le ciel de sa couleur'64

Un nayiredanstes yeuxSe rendaitmaitre du vent 6 s

Q-Jand la vision cesse d',etre rkiproque, un climat de mon9tonie, d'obscurit', de st'-rilit~commence 'a r~!JIer. Layaleurfondamentale de la we et du reflet est renver~e.L'eaı perd sa luminosite, se temit, s'assombrit faisantplace ~une eau lourde et dor-mante qui submergetout. La yisibilitedisparait.La n6gatiyite s'installe.

J 00 rs des paupi~res closes ~I'horiion des mers 6 6

(62)Capitale de la douleur, 1, p. 196.(63)Les nıainslibres, 1,p. 563(64)~ 'amoutla p~sie, 1, p. 230.(65)Les septpoemes d'anıour en gen-e, I, p.1183.(66)Capitalede la douleur, 1, p. 18~. ·

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78 LA SVMBOLIQUE DE L'EAU ET DU FEU CH EZ PAUL ELVARD

Et ta nuit met sous les paupieresDe l'homme et de I'eau la rneme ombre 6 .,

La nuit etant essenticllement extinction et inertil' est la mort de la lumi~resolaireet du reflet aquatique.l'univers.se tait et ratentit sa course;t'espace lumineux sereırecit et s'efface devant fes forces de I'ombre.' C'est le silence total; le silence,I'ombre, le noir, le vone, c'est comme une malediction chez Eluard.

Revetınt une qualite hydrique, l'oeil se revele egalement de nature solaire etiglHie, et le feu 1!n devient le principe generateur, le pouvoir fertilisant.

Le jour incame nOScouleursEt le fcu 1'105yeuxEt la mer notre union 6 ii

Dans son printipe suprfmement actif, le feu cherche toujours te douxfoyer de I'oeilet d~sire ardemment le penetrer. C'est la qu'jf Mcouvre le ryidle plus sur, Le plusfidele et le plus cammode, et c'est la qu'it pcut perpetuer sans cesse sa presence enuneconcentration lumineuse.

'

Devant tes yeux pctit! feuQui souteve tes paupieresEt qu i passe et qui s'en vaDans le soir Iimpide et frais 69

Le ~euanime, soutient et exalte la grandepassion de t'amour qui est un feu inrerieur.Les yeux se te renvoient dans le mouvement continu d'un va-et-vient,et le feu devientporteur devouc du desir amoure,uxen m~e ternps qu~iIest nouITide tous les suesde 1'3mour. ii cree uneintime reciprodte entre lesamants plon~s dans la doueemagiede:sa substance suggestive.

Et le ehant d'un gra"d fcu reveurMu", entre nospaupieres"o

Le fcu eouvant dans I'oeil eonfere au refPrd une animation profonde et une foreepas$ionnee.Chaque,oeil po~de sa propre flamme.

Comme un oeil SUr de sa flamme .,l'

Et chaque flamme ch.erchesonpartenaireıeomme

(67)Poesie ininte7'l'Ompue, ll, p. 702.(68)/bid, p.29.(69)lbid, p. 69.(70)Le livre ouvert. p.1081(71)lbid, p. 1092.

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KEMAL ÖZMEN79

L'amour choisit I'amour sans changer de visagc7z

Le regard de I'amant decouvre dans.les yeux de I'aimee son image et son refletlumineux. Tous deux sont reduits aleurs "yeux liquides" et il~eurs"regards de feu"qui s'illuminent I'un I'autre et tout I'univers. Les regards se font respectivementmi~roirs d'ou jaillit une t1ammefertile, douce etdynamique face au voile epais de la nuit.

Et I'aZlır en tes yeux ravisContre la masse de la nuitTrouvait sa flamme dans mes yeux 73.

LV

,II n'est done pas suprenant quela femme, ~tre erotique, se confondant cıtout dansl'univers erotise toute vision. L'erotique eluardienne d'une remar~able franc:hiseetlibrement ouverte aux "jeux du desir', de I'exıase amoureu.setrouve dans I'eau et lefeu deux composantes essentiellesprovo~ant un9 exaltation continue et lucide dudesir. .,'. "-

Viens boire un baiser par iciCede au feu ~i te!desespere

74,

"La voix, les yeux, les mains, les levres -toutes choses ~i appartiennent il I'ordre'de la biologie humaine. sont pour Eluard deselements.au meme titre que I'~u,I'air ou le feu..75

je citerai pour commencer les elementsTa voix tes yeux t~smainstes levres

76

Dan.s ce oouvel univers dont les CJJatre eıements sont familiers, I'amant se sent irre-sistiblement attire par le "paysage feminio" debÔrdant devitalite et d'ardeur, et exal-te I'amour camme une certitude pleinemeot aCCJJisc.

L 'eau si tendrement feminisee exceUe ci faire s'ipanouir Le corps de la (emmedans sa seduisan"te beaute. Elle est Iimpide, daire etplacide CJJand elle est en repos;

. sa surface est !isse et douce comme la peau !em inine. Elle appelle la c:aresse.

Caressesau fil de la peau 77

(72)L 'amour la poesie, I, p. 229.(73)Le dur desir de durer, n,p. 73.(74 )Les yeux fertiles, I, p. 508.(75 )Raymond Jean. Eluard par lui-meme, Ecrivains de toujours", Paris, 1968, p. 59.(76)Le durdesirde durer.n. p. 68.

-

(17)L 'amourlapoesie,I, p. 230.

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80 LA SYMBOLlQUE DE L'EAU ET DU FEU CHEZ PAUL ELVARD

Sa liquidi~ est tellement'dense qu'on ne peut I'abimer "-ı~d on la maltraite.

L 'eau te ile unepeauQ.ıe nul ne peut blesser

Est caresseePar I'homme et par le poisson 78

L'eau tranquille reagit cl la main caressante et commence cir.ıyonner comme I'etreaime caresse rayonne de bonheur. -Lacaresse est I'activite meme de "amour, et I'a-mour, c'est luire d'une lumiere vive et inepuisable.

D'une seule caresseJe tefais briUerde teut to!,!edat 79 .

La recondite symboıisee par les epis nutritifs se He directement ii la dite femininedemmı~ quelesvaguesparleursondulations.

rai sousfamain 1anudite des vagues 81

La mainest Porgane de caresses; elle devient un. element tertile et createurJpourI'erotique eluardienne,

Ta. main dooaisneuse del'eGW des caresses 82

ainsiqıe ,la ch~velure; denouee etondoyante sur les €paulesnues de "aimee, elleenrichit toute-la symboiiquedes eaux claires doucement mouvementees, source detoutes les ferveurs 83

(78)Les animaux et leurs hommes, I, p. 47.(19)La rose publique, I, p. 418.(M)Voir,n, p.181~-(82)La vieimmediate, I, p. 371-(83)Les mouvements de la chevemre, selon-I'expression de Bachelard, "excitent les

fremissements onduleux semblables aııx t10ts d'une mer phosphorescente"(G.Bachelard, L 'eau et les reves, p. 117). Jean - Pjerre Richard en donne eneoreplus de pr4cision: "Tout en elle ondule: ses veternents ondoyants etnacr~s, seshanches qui roulent ayee I'harmonie .ryt1\mique d'un beau navire,sa peau quimiroite comme une etoffe vacillante, sa chevelure qui d~roule sur le eou sonocean de tresses" (J. -P.Rich'ard,Poesie et profondeur, Seuil, Points, 1976,p.145.)

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K EMAL öZMEN 81

,

Tes cheveux blonds m'ouvrent la barque de ton corps

La barque evoquant le desir de COhqueteet d'exploration glissesur I'eau et I'ef-fleure doucement. Dans I'image aquatique de la houle vivante des cheveux blonds,couleur solaire, la barque par sa forme creuse et son aspect de conque peut avoir unevaleur erotique. Les sein; rewtent aussi les qualftes de I'eau comme tous'les autre'selements corporels. LLss' assodent ala purete, la fraıcheur et la ıfecondite des sour-ces ruisselantes. lls possedent un.€CLat fasdnant et miraitant et crtent uncerde intimeautour d'eux

Des sources Qo tes seinsFont miroiter le jour 115

Le rapport symbolique demeure constant entre Jesdeux termes. ii suggerela dou-reur, la fertilite et la sacralisationde leur substance purequi fait naitre'Ia vie et quifait erottre tous les vivants. Le sein, symboJe de maternite, de securite, deresSource, .est lieau lait, naurriture premiere. Quant a la source, eau viergenaissantede la terreet lait de la nature-Mere,elle est fmıinine. Elle feconde le sol et facil'te lagermina--tion. C'est grace aelle que J'eau, matiere matricielle,fait sa premi~remanifestatiansur la terre. Elle symbolise done la matemite et I'origine de la vie.

Le feu, com me I'eau, recueille egalement en tui des valeurs sensue lles. Sasi~gnification est Jiee d'at>ord a' ,son obtention parfrottement qui est une experience for-

. tement erotisee. Les caresses sont, en fait, les frottements des deOx corps, et de cescaresses na!t La fI<I!11meardente de I'amouf charnel. Obtenu par frottement, ce "feulucide" du desir s'empare des corps, des yeux et des coeurs. L 'ardeur, I'enthousi-asme et la force virile proc~dent de luijsi I'homme est pJein de feu, c'est parce que{JJelque chose brOle en lui.

.Un feu d'homme.un seul feü d'hommeUn seul baiserEt ce {JJi do it brOler brule 116

Le principe mascuilin du feu est un principe actifet soudaincoınme l'etincelle.Douedu plus fondamental'dynamisme, le feu s'avere fecond stimulant pour l'ex1ase amou-reuse. d'au1ant plus qu'n prend une structure dense et concentree. Car" "la forcedemande cietre compaCte'et pre~e. L'on voit la force du feu €tretantiPıus Ifortequ'elle est presseeet serree~7

Toujours en train de rireMon petit feu chamefToujourspret.e clchanter .

Ma double I~re enflamme 1111

(84)Voir, l1,p. 131.(85)Lingereslegeres, II, p.n(86)A 1'indrieur de lavue, II, p. 153. .(87)Gııston Bachelard, Lapsychanalys du feu, Id~s/Gallimard,Paris, 1983, p. 84.(88)Facile, I,p. 461.

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..

82 LA SYMBOLIQUF OE L'EA.U ET DU FEU.cHEZ PAUL ELVARD

i

Le rire, symbole de la vitalite chamelle, bonheur et plaisir d'amour, ranime I'ardeuramoureu se par sa libre spontaneite. Ce mouvement sonore et vifeclate sur les ıevreset la bouche-zones erogenes - estintimement mSle ace "petit feu" sensuel infıni-ment vivant. Le caractere irnfsistible des impulsions vitales et instinctives permet auxamoureux de consumervoluptueusement I'undans I'autre.

.

Je suis devant ce paysage fem inincom me une branche dans le feu 89

"Apres le desir, il faut CJ.Ie La flamme aboutisse, il faut CJ.Iele feu s'acheve et CJ.Ielesdestins s'accomplissent" 90. Le des.ir amoureux trouve $On apaisement dansıles cen-dres du feu chamel. Ce feu devarant laisse par saviye impression CJ.IelCJ.Iechose debrulant, de corrosif, et il marCJ.Ie les ~x corps de $On empreinte {JJ'est lacendre,residu de lacombustion; elle est essentiellement ce qui reste apres I'extinction du f~vivant, I'empreinte des desirs assouvis.

Maintenant ie me leve car tu t'es leveeRose du feu sur les cendres du feu 9 ı

Le feu charg6 du d6sir s'unit ason principe antagoniste, I'eau. Des CJ.I'ilse propa.gea la chair feminine

Cern~e de plaisif"Comme un.feu 92

il devient

un feu rebelle un feu de veinessous la vague uniCJ.Ie des levres 93

et se transforme en une "flamme mouillee", en une liCJ.Iiditeardente:

Notre seve s'enflamme dans notre miroir 94

La seve, vitale etliquide, esteau:Sous I'effet de I'impetuositi du desir et deI'intimit€chaleureusede lamatiere,les substances corporelles prennet feu de I'interleuret s'enflamment!amoureusement.

Ton corps prend la forme des flammes 9 s

(89)Poisie ininterrompue, II, p. 107.(90) Gaşton Bachelard, La psychanalyse du feu, p .92(91)Le phenix,II, p. 427.(92) La rose pu blique.I, p. 446.(93) lbid,p. 428.(94) Le phinix, n, p. 430 .(95) Les yeux fertilles,I, p. 503.

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KEMAL öZMEN 83

le desir passionne du contact donne naissance alors il une effusion chamelle. Lefeu se liquefie par les caresses des corps conıraires, sexes opposc~,comme les nuagescharges'd'electricite se transforment enpluies ftcondes. L'eau freine, modere et a-doucit les ardeurs amoureuses et etanche cette soif ettimelle q.ıi vit en nous. ElleprGservedone le feu de Sesteı:ıtationsalors q.ıe ce dernier I'enrichit de son energie.

Et ma foudre devient I'humidite feconde96

La [oudre, ce feu celeste inc.andescent, d'une imense puissance et d'une redoutablerapidite, est rendue inoffensive dans sa force destrut:trice. Elle traduit finaJementau fond intime des ttres, un equilibre heureux du "see" et de \' ''humide, une "hu-midite chaude" qui est ii la base de toutes les formes vivantes.

Principes unİversels du bİen et du mal

L'eau et le feu depassent largement par leur riche dynamisme et leur rythme~a~diose les cadres restreints de I'amour.adeux et finissent par acq.ıerir unesymboli-que moralisante a travers les !fand's remous socio.politiq.ıes qui ont secoue vivementla France et toı.ıteI;Europe, Eıuard, demeurant profondement sensiblecila miser~hu-maine, ne se sep'arepas de la communaut~souffrante; il nourriten tout temps I'i-dee d'espoir et de liberte et aftirmc atout instant sa tenace contiance en I'homme eten I'avenir, tous deux symbolises freq.ıemmentpar I'eau et le feu, Ces demiers 9Jb -stituent constamment auxforces malefıques his plaisirs d'une vie libre et fraternelle,maintiennentde toute leurforce cet "empired'HüMME" en'proieaunedestructiontragique et aident aconstruire un monde pacifıste ou il fa,it bon vivre.

Eluard ne cesse de chanter un hymne victorieux'ala solidarite des hommesquiluttent nrolement contre les fQrces aveugles, contrela douleur et la m(rt, Et cethymne constant trouue dans la symboÜque des eılments des images tort suggestives.

L'eau se mele aI'espoir visible97

des hommes et renforce, chez eux cette volonte de "resistance". Par sa vertLi,elleefface toute "souillure" etcommunique sa purete a tous les corps, a tous les espritsepris de liberte et de bonheur; elle guerit, rajeunit et conduit a une.nouvelle nais-sance.

(96) dda, ll, p. 265(97) Poesie ininterrompue. ll, p. 702.

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84 LA SYMBOLIQUE DE L'EAU ET DU FEU CHEZ PAUL ELVARD

Leurs yeux sontlesrivesDu bon soleil et de I'air purRives d'un peuple printanier

,................lls joi~ent I'eau pure et I'ivres~ ii

Les grandes etendues d'eau comme la mer et l'o~an symbolişent constamment lesaspirations vers la liberte. Elles donnent it la we un grand elan, a I'espoir et a 1'01'.timisme ulıe grande poussee que nur ne pourra brlser. La mer e'Staboutissement detotıte eau, et par ce caracıere de receptade elle donne mouvement etvigueur ac.equ'eJle symbolise.

Nous fUmes a la source et Lamer n'est pas loin 99

Au. grandair de la mer fIeur de fratemiteı 00

De la source cl la mer, de la mer aI'ocean I'eau aspire toujours a une ~tendue plusvasie~ Elle s'etend dans toutes les directions des qu'elle trOtM une pente~Ce pouvoirim!sistiblement .c!manatoire de I'eau amplifie la vision et d~loie la certitude etle rayonnement des jours a.venir.

.

N ous etions la source et le fleuv~Nousrevions d'~tre odan

ı Qı

les combattantspuisent leur force vitale ;} I'eau vive, pure etfecondante que r~an-d~t\ 'les saurces, et le (leuve devient le symbole de leur puissance Invincible. Cetecouhiment c'ohtim des eaux est donc lapromesse genereuse d'une ouverture vers

" "..

la conquete de la liberte, valeur essentielle.

Cercle apres cerdeLesvagues oceaniquesde I',;tyenirSe dilateront s' agwanditont

ı 02

l;es vagues animees sans cesse par l'espoir,1a forceet l'union fratemelle sont asso-ciees cl la marche progressiye del'tıJmanite, ason ascensiQnde telle sorte.-qu'ellesdeviennent une immel1seet seulevague ch;ıl1tantet exaltant cl I'intini la lforce "Iu-minatriceletuniticatrice de I'amour, de la fraterniteuniverseJle.

.

Moteur de la force generatrice, le feu e,t le ,upport primordial de l'upoir hu-main. C'est grace ases pouvoirs liberateurs que I'homme survit atous les maux, ajtou.tes les oppressions qui aceablent son existence. ii stimulecontinuellement I'espoir,

Nous melerons le feu de I'espoir a nos cendresı 03

(98)Grece ma rose de raison, n, p. 282i '(99)Po~mes politiques, n, p. 282

(100) Ibid, p. 226'(101) Gr~ce marose de raisan, n. p. 278(102) Ibid, p. 292 .

(103)Au rendez-voU8 allemand, I, p. 1283

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ı-<:EMAL. öZMEN 85

et I'enthousiasme "des combattants saignant le teu" dans leur merveilleuselutte"pour le soleil", pour" la libert~ aux yeux fIambants". Esp~rer, c'est retrouver lavitalite et la plt~nitudede ~tre. Rien n'accable I'espoir chez Eluard hante par le my-the du phenix sanscesse renaissant.II sait que

messager du jour. Et de meme, en s'adressant il tous lesinfortunes, cl tous les mu til esde la guerre, il evo~e ce feu, cette force d'espoir.

Exiles prissonniersVous nourrissez dans i'om breUnfeu quiporte I'aubeLa fraicheur et la rosee ! 06

C'est le feu de Promethee, dont la possession suggerea I'homme la con(JJete d'unmonde libre, la conquete d'une nouvelle djgnite, d'une nouvelledimensionhumaine.Devenu done instinct d,e libert~et force tenace, il faut lefaire coorir partout dans lemonde, de re9Prdil regard, de cooura coeur et de corps a corps. Son pouv~ir dedai.gne "Ies' batisseurs de ruines''quisement çi et la les germesdu mal et de la 'mrt .Mobilisant I;energie potentielle qu'iI de'tient condensee en lui, ce feu annonce au.contraire les germes de Lavie, le monde futur lib~e. ii est inclu dans tout ce quiaffranchit; il est salut et confiance, bonheur et plaisir; il est la joie coJlective.

Fe'u fertile desgrains des mains et desparolesUn feu de jôie s'allume et cha~e coour aichaud!

o 7

La lumiere, la chaleur, la tendresse, la liberte, I'amour; le bonheur, tousces "motsfr;ıternels"soni des promesses et s'alimimtent de ce qu'apporte ce''feu sublime" etcreateur. LaoU il ya amoor, le feu brille, rechauffe, ilumine.Symbole de puret~, ilbrule d' amoor. Cependant, il a des ennemis achames (JJine cessent de complotercontrelui: I'ombre,la nuit,le froid,la misere;la mort, fııJJresde lan'gationdufeu '

vital, de toutes les vertus dynami~es de la vie,le chassent, et alors descorrespondan-

(102) Ibid, p. 292'(103) Au rendez-IJous allemand, I, p. 1283

(104) Lephenix, II, p. 422(105) Ibid,p. 422(106) Poemes politiques, II, p. 220.(107) Le IJisage de la paix,II, p. 406

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86 LA SYMBOLIQUE DE L'EAU ET DU FEU CHEZ PAUL ELVARD

ces intimes se nouent entre fes emotions de la conscience mafheurooseet I'element~i perd son edat, sa vivacite; il devient u'n "feu noir", "un feu mourant", "un feuexsangue".

L 'arbre s'abat le foo s'eteint -

Le pont se brise comme u n os 108

Toutefois, le feu ne s'eteint pas completernent; sa frustration n'est jamais definitiveCar,

Au dCclin de la forceUn feu tres sombre rleambule 109

ii couve effectivement "sous roche"" sous I'amas de sa propre cendre dont il tiresa force. ii peut de nouveau recon~€rirsa vivacite, embraser fes coeurs et al}imer,I'universde sa lumineusefecondite

Tout a ete plus dur plus obscur ~e jamaisMais la nuit ne s'est pas m~leea notre sang 110

Le saJ'lgsymbolisant toutes les valeurs solidaires,du feu, de-la clarte et de la chaleurpossede cemme le feu I'essentielle vertu dynamique face aux forces du maL.Sa sıbs-tance ardente et feconde renforce l'espoir,la foi dans la vie et dans sa contilJuite. Car,

Le sang repete le printemps 111

"Le Chant du feu Vain~eur du feu" illustrc de maniere sollenelle ce pouvoir extra.ordinairement regenerateurdu feu etenfaitun hymneplein d'ardeur. ce feu atlumesous l'Occupation, epoque de I' "ombre", de la "rIJit" et du malhet.ir. intensement\.ecu, est le meme feu qu'allumaitfluard sur le fronten 1918, dans Lefroid glaciald'une nuit d'hiver. Soncheminementdebu~ acette date se poursuit sans relache,et le feu s'impose toujOUr5 comme une obsessfon de continuite. Le poete n'est passeulcette fois. Ses freres ont livre Un "combat sacrefl pourbCnirleur "sang reb~lIe"

(108) Le visage de la paix. II, p. 406.(109)Cou/'S natureI, I, p: 815.(110) Poemes politiques, II, p. 225(111) lbid p.231.

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KEMAL ÖZMEN87

il toutes les forees aeeablantes du maL. ii saitq.ıe

.M ort est clvainere ou bien e'est le desertı ı

2

Mais heureusement que le feu est precisement i~ et que

Tout s'aecomode du feuı ı

3

Tous les mots s'ordonnenten rosaeesautourde sa foree potentielle et eommuniquentavee lui des rapports vivants. Dans son ehant profond et vietorieux, le feu teur pro-digue ge'nereusementsa foree regeneratriee,son dynamisme organisateuret son prin-cipe lumineIİ5f.Noos n'hesitons pas de transcrire integralement ce glorieux "chantdu feu":

Ce feu prenai t dans laehairEt I'aubeen etai t son,e'galeCefeu prenait dans lesmainsDans le re~rddans la voixii mefaisaitavaneerEtje brulais le desertEt je earessais ce feuFeu de tme et de terreurContre les terreu rs de la nuitContre les terreu rsde ta eendreUn feu comme une H~e droiteUn feu fatal dans tes tenebresComme un pas dans la poussit~rel)n feu vocal et; capitalQui criait par dessus les-toiUAu feu la mortCe feu prenait dans la ehairce feu s'en prenait aux ehaines .Aux ehaineset aux murs aux baHlons aux serruresAuxaveugles aUX lannesAux naissanees infirmesAla mort q.ıe j'avais mechammentmise au mondeAux aHes ehu es au x fleu rs fanees

-

U n feu q.ıi s'attaq.ıait aux ruinesU nfeu (pi reparai t les ~esastres 'du feuSans ambres san~victimes

(112) Po~mes politique~ n, p. 231.(113) Le livre ouvert, I, p. 1034.

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88 LA SVMBOLIQUE DE L'EAU ET DU FEU CHEZ PAUL ELVARD

Buis~on de sanget d'airMoissons de cris sublimesEt moissQn de rayonsDans i~fronde d'un hymne

Un feu sans createur

Demere lui la roseeDerri"ere lui le printempsDerriere lıli des enf.ıntsQJi font croire atous les hommesA leurcoeur indivisibleA leur coeur immaculeUn foo clair jusq.ı 'a naissanceDes lueurs et des"cooleursFeu de vue etde paroletaresse perpet~ııeAmour espoir de natureConnaissance par I'espoirReve ou rien n'ejf invenıeReve entier vertu du foo.

ı ı 4

ii

L 'eau et le feu peuuent reIJetir dansleurlJalorisation >l1egatiIJede diuerses facettesdu mal. Mais, leur freepence se rewle,en I'occurrence, beaucoup moins ~Ie~e. L 'eau",el;ment matricielet matemel,se transforme en un acmt malefique epand ellesubmerge, engloutit,

le ciella nıer la terreM'ont engloutiL 'homme m'a fait renaitre

ı ı s

et dissout; fluide, sa tendance esİ-it LadissOlution.

j'aspire a ton neaotje vou4rais voirmon frontComme un bateau fondu dansi'eau

ı ı 6

la cause du mal est done ici la manere elle-rnenıequi comporte une pulssancefatale.l'eau, quand elle est. "close", "souple" fermee". "noire", "Iangoureuse", "mys-terieuse", "\ivide", "deserte", i'immobile", morte, dQrrnante,profonde, insonda-

(114) Au rendez-IJOus allemand, I, p. 1264(115)Poesie ininterrompue, II, p. 690.

. (116) Le temps d€borde. n, p. 114.

~-

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KEMAL öZMEN .89

ble et tenı~breuse inspire a Eluard une peur paralysante. Et lorsuque'elle a tendancea s'obscurcir, elle ne peut .alors fusionneravec la lumiere solaire, et elle n'est pluscapab le de reflet, principe fondamental de la reciprocite u'liverselle. U ne fois (JJ 'elleperd son pouvoir ref~echissant, elle devient lourde, impure et desehe, done receptıc-de ouvert a tous les maux; elle devient une substance du mal dans laquelle la vie s'englue et s'asphyxie.1 1 7

Et l'hOlnme sombre au fond des eaUxPour le poisson ,

().ı pour la solitude amere

De I'eau souple et toujours close 11 8

L'eau-notammentI'eau de la mer -peut etre agitee o-uen fureur dans son etenduemassiye et lourde; impossible alors de ,.esister<!evantla puissance d~vastatricede sacolere:

L 'eau se wottant !es mains aiguise des couteauxLes gUerriers orit trouve leurs armes dans les flotsEt le bruit deleurs coups est semblablea celuiDes rochers d~fonçant dan's la nuit des bateaux 119

Le (eu aussi peut ~tre porteUL~'un. intension tres expressemerıt mal~fi(JJe.ii e,St de sa nature de bruler, de ravager, de detruire, d'etouffer par sa fumee et defaire fondre. lessubstances. La cendre, si~e de 'douleur,- n'est (JJ'une dissolutiondes corps brUlespar lui. .

Dans la clainere de tes yeuxMontrele~ ravages du foo ses oeuvres d'impireE.t le parad is de sa cendre 12o

(117) La mort ehez Eluard n'est pas le sHenee eternel; elle est heraeliteenne, un"devenir hydrique", undevenir mns eesse renouvele. Ap.res la mort de sa plusgrande inspiratriee, Nusch, la nuit silencieuse.de la mort l'envahit un moment,mais sachant qu 'elle est pour ~tre dominee et vaineue, illa traverse lucidementpour retrouver la lumiere, l'aurore,eette promesse du jour. Et illa trouve ehezDoıninique; les reflets foisonnent 'de nouveau 11la surface des eaux; le feu seranime. C'est done le ret~ur de l'eau et lıuevanehe du feu SUrla mort.

(118) Les animawc et leurs hommes, I, p. 47.(119) Mourir de ne pas maurir, I, p. 140.(120) La vie immidiate, I, p. 367.

.

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90 LA SYMBOLlQUE DE L'EAU ET DU FEU CHEZ PAUL ELVARD

"Tous les c omptexe s lies au feu sont des complex~ douloureux~'(ı 2 ı),

La brulure de toutes lesmetamorphosesı 22

Car, par sa substance avide et effervescente "il suggere le desir de changer, de presserle temps, de porter toute i~ vie ason terme"

ı 23. De ce point de vue, il est propre-ment destructeur, et il symbolise les forces obscures qui bouillonnent en nous, laferocite elementaire de5 instincts cpi nousdevorent; la destruction peut s'appliqueralors a la violence, ala malfaisance, aI'injustice, et lefeu devient un objet de degout,de crainte,une torture.

ii y a desfeux de terreurs dans ta nuitı 24

Pourtant, il 'peut etre constructeur en detruisant en ce sens qu 'il symbolise le combatpour le triomphe de la justice et de la liberte.

Portes.y le feu de ta haineı 2 5

Le feu de la "hainesainte", ce tel. impatient, irresistibleet colereux qui inspiretantd'indignation au poote devient un feı.ı CJ.1i(hatie, et un feu qui construit finalementlapaix et la justice.

CONCLUSION

Nous pouvons affirmer, au terme de cetteetude, qu' Eluard parvient, grace ala toute-puissance desel~ents-eauet feu-qui opere finalement la transfıgurationdeI'universet de I'homme,arendre plusintimement perceptibles les rapportscaches quise tissententre les etres et les choses, Ceselements, principesconstitutifs, apporterıtI'offiande genereuse de leur substance aux composantes du ciel et de la terre aveclesquelles iis entretiennent des affinites profondes, lls etablissent precisement uncentre de relations dynamiques.qui surmonte des oppositions et fraye le voie aunesignificative harmaıie universelle; des conflits, des rivalitessont annult!s."Eliminantabsences: dissemblances et reticenees) le poete s'est anange, comme on dit, pourvivre d'un bonheur sam nuages"

ı 26. Conırnuniquant e~lement entre eux desrapports intimes et animes, les elements ont ,,!us de fdrce suggestived'auta.ntplusqu'ils se trouvent en conjonetion et qu'ils se comph~'tentmiJtuellement.Puisque"tout

(121) Gaston Bachelard, La psychaııalyse du feu, op. cil "p. 183.(122) L'amourla poesie, I, p. 245,(123) Gaston B achelerd, La psychanalyse du feu, op. cit., p. 115.(124;) La vie immediate, I, p. 38ı.(125) Cours noturel, L, p. 831.(126) Georges Poulet, Etudes sur le temps humain III, Ed. du Rocher, 1977, p. 115.

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,:,E:',1AL öZMEN 91

est comparable 'a touf et qtie "tout truuvc son ~cho, sa r.ıison, sa res5ı~lllbıance,son devenir partout" 12\ ils proııvent 'lu'jls ne sont nullemen! inCCAl1patiblcs et

q,J' ils sont suscep ribles de fu sion entre eux oll avec les objets les plus varics de I'uni.vers. ,Entre-tcıııps, si nombreux 'lur soient les autres termes intervenant dans 13 rela.

tion symbloique, ils contribucnt, chacıın asa m;ıniere, J ileur donner une color;ıtionp3rticulicre q.ı i enrichit d;ıvantage leu r valeur symbolis3llte.

Ce nouvel ordre, cette nouvelle architecture de la cosıııogonie eluardienne at-teint sa plenitude lorsque les amants, sJ,Jprcmes syrnboles de I'amour, s'ye associent defaçon totale et absolue; ils participent aJors de la nature et du dynamisme les uns desautres dans une sorte de symbiosc. TransposCs sur le regne hurnain, les elements son-dent et puis rev~lent les p-rofondeurs du "moi" du poete auxquelles ilsdonnent for-me et fıgurc.lls lui font sentir qu'il n'estpas isole, perdu dans le vasıeenscmblequi I'cntoure. Et I'aimcc, cc demiurgc fcminin e,n qui ils s'cpanouissent de tout leUreelat, s'affirme comme reine des clements, comme veritable maiıresse de I'univers.Demeurant identiques dans leur essor, les elements et les amants sont animes, glorifi.e's par un accord fraternel qui ~ ctablit entre eux; par leur substan'ce puissammentsuggestivc et plus particulierement charnelle, les premiers favorisent I' epanouisse-ment des autres, \ibercs de tOlıtcs les limites de la condition humaine et vivantdans une "lumiere cxelusivc", celle de I'amour; ils,suseltent un sentiment de commu-nion intense, une sensıti on de precence debordante d'une infinie douceıır.Et ainsi,la reciprocite amoureııse sc colore, s'cnrichit et se fortitie par leur chaleureııse et par-faite intimite.

Ce "bonheur sans nuages" soutenu aV\'c ardaır par (es elements donne ii:la poesieeluardienneun accent prestigieux de fratcheur, un ~ha"";e iııcomparable. Ceux~a

tendent il faire triompher, dans un elargissement progressif de la vision am oureu sC,cebonheur, ce ravissement du.-coeur partout dans le monde malgre-Ie mal qui ne cessed'etre menaçant. Fascines par la prtfsence famili~re des amants, iis sont compatisSantsala peine des hommes; ils s'imposent avec plus de force encore et traduisent unesymbolique proprement moralisante en rapport direct avec I'humanisme confiantdu poete; E luard abouıi-! par la grace fecondante de I'amour a-Ia constiturlon d'unemorale OiI lebonhaır personnel se confond avec le bien commun.Son optimisme _

contribuant ajustificr I'espoir, LaJiberte et la contiance en I'homme s'exprimc tou-jurs par les traits deselements quiont un veritable destin de grandeur.

Le mondetout entier devient un nouveaumondeEt I'hommeen ~5tla flamme et la source fecondeD'ou peuvent na1trela rais'onet le bonheur

ı 28

Poete de I'amour et de I'espoir,' de.laliberte et de la ju stice, Eluard est inspire plu spar I'aspect' constructeu r et benefi quedes elemenu que par leur.aspect dcstructeu ret malefique. Malgre cette bipolariti de le'ur symbolique. ils se reve1ent tres frequem-ment com me generateurs d'images heureuses tout en glorifiant La certitude del'amOllr, de cet amour veritablement universel, de cet immortel empjre dans lequ~1le couple, mythique ct grandiose, trouve son apotheose. -

-(127) Donn~r «voir, p. 97 ı.(128) Po~mes po ur toıı,., II, p. 647.