l'art d'Être bon

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STEFAN EINHORN L’ART D’ÊTRE BON Oser la gentillesse Préface de Thomas d’Ansembourg Traduit de l’anglais par Christine Lefranc

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STEFAN EINHORN

L’ART D’ÊTRE BON

Oser la gentillesse

Préface de Thomas d’Ansembourg

Traduit de l’anglaispar Christine Lefranc

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Titre originalþ:KONSTEN ATT VARA SNÄLL (THE ART OF BEINGKIND)publié par Bokförlaget Forum, Stockholm, SuèdeÉdition publiée par l’intermédiaire de Bonnier Group Agency, Stockholm, Suède.

Si vous souhaitez recevoir notre catalogueet être tenu au courant de nos publications,vous pouvez consulter notre site internet,www.belfond.frou envoyer vos nom et adresse, en citant ce livre,aux Éditions Belfond,12, avenue d’Italie, 75013 Paris.Et pour le Canada,à Interforum Canada Inc.,1055, bd René-Lévesque-Est,Bureau 1100,Montréal, Québec, H2L 4S5

ISBNþ: 978-2-7144-4383-0© Stefan Einhorn 2005. Tous droits réservés.

Et pour la traduction française

© Belfond, un département de , 2008

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À ma famille, à mes amis,À mes collègues – pour tout ce que vous avez fait

Et tout ce que vous faites.

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«þPersonne ne peut sincèrementaider autrui sans s’aider soi-mêmeþ:c’est l’une des plus belles compensa-tions de la vie.þ»

Ralph Waldo EMERSON

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Préface

LE POUVOIR DE LA BONTÉET DE LA GENTILLESSE

Ce livre nous emmène à la découverte, joyeuse etsurprenante, du pouvoir de la bonté et de la gen-tillesse. Nous accordons rarement à ces deux valeursle crédit qui leur revient, précisément parce que lepouvoir de transformation qu’elles possèdent sur lesindividus est mal compris.

Je suis donc particulièrement heureux et honoré derédiger cette préface.

Ce livre est écrit par un homme de terrain, médecinoncologue qui a accompagné bien des êtres humainsdans la souffrance et les épreuves. Les constats et lesréflexions que Stefan Einhorn partage avec nous nesont ni un vœu pieux ni une utopie naïve. Ils sontle fruit de son expérience d’homme, de professeur (ilenseigne et anime des séminaires d’éthique et deleadership), de soignant et de scientifique habitué àobserver des phénomènes et à discerner leurs interac-tions et leurs conséquences. Je souscris pleinement àsa démarche.

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Si j’ai écrit, il y a quelques années, Cessez d’être gen-til, soyez vrai1, un livre dont le titre paraît aux anti-podes du présent ouvrage, c’est pour mettre en évidenceun phénomène que beaucoup d’entre nous ignorentþ: lepouvoir transformateur de la vérité bienveillante. Ni lagentillesse de façade ou de complaisance, ni l’agres-sivité ne nous rendent service dans nos relations auxautres. Si nous sommes souvent à l’aise pour dire àquelqu’un ses quatre vérités, nous le sommes beau-coup moins pour exprimer la vérité de ce qui se passeen nous avec bienveillance et clarté, sans agression,critique ni reproche. La gentillesse sincère et la bontéauthentique nécessitent vigilance, attention et bonnombre d’efforts. Dans mes livres, je décris une méthoded’apprentissage qui m’a personnellement sauvé la vie, la«þcommunication non violenteþ», sans laquelle je seraisresté ce que le fondateur de cette méthode, le Dr Mars-hall Rosenberg, appelle «þa nice dead person2þ», une per-sonne bien gentille, en quelque sorteþ!

Lorsque l’éditeur de Stefan Einhorn m’a demandécette préface, j’ai accepté sur-le-champ. À travers monpropre travail d’enseignement et d’accompagnementdes personnes dans leur processus d’évolution, je voistous les jours des vies se transformer significativementdès lors que les êtres s’ouvrent à la dimension profondedes deux valeurs que sont la bonté et la gentillesse. Jepartage donc tout à fait la vision de Stefan Einhornquand il souligne le pouvoir contagieux de la bonté etqu’il affirmeþ: «þC’est une grande responsabilité qued’être un être humain parmi ses semblables.þ» En effet,je suis particulièrement sensible à sa manière d’étendre

1. Les Éditions de l’Homme, 2001.2. Littéralement, «þune gentille personne morteþ».

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la réflexion de l’individu à la collectivité en soulignantl’immense impact dont nous disposons – que nousignorons hélas encore largementþ! – pour transformeret embellir la société (et le monde) par notre propreattitude. Ainsi, il décrit les processus de réconciliationindispensables à la restauration d’une vie en communcompromise par des conflitsþ; il montre la portéecitoyenne de la bontéþ; il évoque aussi Nelson Man-dela qui, après trente-sept années d’emprisonnement,n’a pas perdu une once d’énergie, ni surtout de tempsà ressasser le passé ni à céder à l’amertume et au res-sentiment contre qui que ce soit, mais a d’emblée tra-vaillé à transformer le monde autour de lui. Bien sûr,ces transformations ne se font pas toutes seules, etStefan Einhorn précise que «þse réconcilier avec lesévénements passés peut demander un énorme travailintérieur, mais au final nous serons les plus grandsvainqueurs si nous pouvons franchir cette étape, mêmesi de nombreuses années se sont écouléesþ».

Bien loin des clichés dont on affuble la gentillesse,décriée pour son côté soit hypocrite soit «þbonnepoireþ» plutôt fade, il nous parle de ces valeurs quifont la véritable force de notre humanitéþ: la responsa-bilité et l’exemple, l’authenticité et la fermeté, l’empa-thie et la réconciliation. Ainsi j’ai été édifié par lafaçon dont il traite la questionþ: «þQue faire si nouscôtoyons quelqu’un qui a mauvaise haleineþ?þ» Ennous poussant à sortir de nos petits conforts frileux età aborder le sujet par générosité, il conclut que «þpri-ver une personne de la chance de s’améliorer est uneforme d’avariceþ». Nous qui pensions être généreuxen nous taisant, voilà qui nous recadre un peuþ!

J’ai été également intéressé par les trois clés de ce qu’ilappelle une «þbonne critiqueþ», qui se doit d’être faite

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en privé, dans l’espoir de faire évoluer le destinataire(et donc évidemment sans aucun ressentiment ni désirde se faire valoir…), et formulée avec sympathie, ou,en tout cas, avec une considération bienveillante. Nosmeilleures intentions sont souvent sabotées par l’habi-tude culturellement bien ancrée qui consiste à vivrenos rapports comme des rapports de force, surtout encas de désaccord. Lorsque je constate sur quel ton etdans quel contexte parents, éducateurs et enseignantséchangent la plupart du temps leurs critiques réci-proques, je me demande s’ils n’ont pas perdu de vueque le sens de la vie n’est pas de réussir à se chamaillerpour des choses à faire, mais de tenter de se réjouird’être ensemble. Et je rêve qu’un jour toute personneexerçant un rôle d’éducateur puisse s’imprégner desprincipes proposés par Stefan Einhorn. C’est ainsique nous pouvons espérer que les citoyens de demainauront fait dès l’école maternelle l’apprentissage le plusfondamental pour vivre – avant celui de lire, écrire etcalculer –þ: écouter, comprendre et formuler leursbesoins avec clartéþ; écouter, comprendre et respecterles besoins des autresþ; chercher ensemble des solu-tions satisfaisantes pour chacun.

UN ART QUI DEMANDE DU COURAGE

Le titre de cet ouvrage vient clarifier un doubleenjeu. La bonté est un art, et la gentillesse demandedu courage.

La conscience de ces deux aspects facilite la mise enpratique de ces valeurs dans la vie quotidienne. Eneffet, l’apprentissage d’un art ne tombe pas du ciel. Ildemande une intention claire et une attention soute-

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nue. La bonté est attentive, prévenante, prévoyante.Tout d’abord, elle procède à l’avance et par anticipa-tion. Car la bonté est synonyme de «þpréparerþ»þ: descadeaux, des repas, des fêtes, une rencontre, une lettrepour l’absent, des semis pour les légumes, des plan-tations d’arbres pour les prochaines générations, descrêpes pour le goûter des enfants… Et puis, la bontéveille et prend soin pendant l’action. Enfin, elle soigneà la suite, a posteriori. Elle «þrépareþ» beaucoupþ: despetits bobos, des défauts, des sanglots et des conflits,des adieux, des oublis…

Préparer, veiller et réparer, c’est tout un art, faitd’attention, de «þsavoir-êtreþ» et de gratuité.

L’attention, c’est ce qui nous fait percevoir le subtilau-delà du visible. Ce qui nous permet par exemplede distinguer le silence contemplatif comblé du silencedouloureux de celui qui souffre. C’est la même bontéqui nous fera nous tenir à distance de l’un et nousrapprocher de l’autre. Si nous sentons, avec Saint-Exupéry, que l’«þessentiel est invisible pour les yeuxþ»,c’est que la bonté éveille en nous une sorte d’instinctdu cœur pour capter ce qui n’est pas de l’ordre duvisible. L’attention est aussi ce qui nous fait percevoirqu’une limite est dépassée ou risque de l’être, et qu’ilest temps de dire, de réagir, peut-être même de crier«þAttentionþ!þ» ou «þStopþ!þ» avec vigueur et rigueur.

Le savoir-être, c’est ce qui nous apprend peu à peul’attitude juste, dans l’art de choisir ses mots, maisaussi dans les formes de communication non verbali-sée. Ainsi, le ton de la voix, le temps accordé à autrui,le tact, les sourires, les silences attentifs et la douceursont autant de manières d’exprimer de la bonté.

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L’attention et le savoir-être nous aident à être«þvraisþ», quitte à bousculer l’autre par une colèrebienveillante ou par un «þnonþ» constructif. Dans nosrelations, une grande partie des malentendus et desmalaises éventuels résulte de notre difficulté à direnon et à exprimer notre désaccord à temps, de façonmesurée et à la bonne personne.

LA BONTÉ N’EST PASTOUJOURS CONFORTABLE

Oui, la bonté n’est pas toujours confortable, ni àexprimer sincèrement ni à recevoir simplement. Sinous avons souvent appris à «þêtre gentilþ», et à por-ter un masque de complaisance en taisant noscolères, nos désarrois ou nos désaccords «þpour nepas dérangerþ», la bonté, elle, nous invite à oser êtrevrai, avec le ton adéquat, même si cela signifie«þdérangerþ» l’autre. Cette démarche, pour être juste,demande de l’intériorité, c’est-à-dire la capacité deprendre du recul à l’intérieur de soi, de se centrer unmoment à l’écoute de notre être profond, de cettepartie de nous qui est au-delà des émotions et desimpulsions de l’ego.

Ainsi, pour rendre notre désaccord constructif,nous avons intérêt à préciser «þce à quoi nous disonsoui quand nous disons nonþ». Les principes de la«þcommunication non violenteþ» peuvent nous aider àprendre conscience de l’ensemble des enjeux, en sor-tant notamment des pièges de la pensée «þbinaireþ»qui réduit souvent une situation à un choix entre ouiet non. Par exempleþ: «þNon, je t’interdis de dépasserles limitations de vitesseþ» devient «þOui, je comprends

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ton souhait d’arriver à l’heure à ton rendez-vous, outon plaisir de conduire vite, et cependant je tiens à lasécurité de chacun, je tiens à réduire la consommationd’énergie et la pollution.þ»

Je ne dis pas que cette attitude est facile. Je disqu’elle en vaut la peine.

APPRENDRE LA COLÈRE BIENVEILLANTE

Quant à la colère, lorsque nous travaillons sur cetteémotion en toute conscience, à l’écoute de nos besoins,nous constatons qu’elle n’est pas au fond dirigéecontre l’autreþ; elle est là pour que nous nous fassionscomprendre et pour que nous améliorions une rela-tion. La colère exprime le besoin de faire évoluer lefonctionnement du système relationnelþ: nous ne som-mes pas seuls, nous vivons tous dans un système rela-tionnel qui cherche de façon plus ou moins réussieson équilibre, son écologie (on parle en effet d’écolo-gie relationnelle pour désigner cette recherche d’équi-libre dans un système relationnel, qui vise à maintenirsa pérennité à travers ses variations. Ainsi, une sainecolère – ou le rappel de nos propres limites – peutêtre écologique). Cette perspective nous permet deprendre conscience que nous ne sommes pas vraimenten colère contre nos enfants qui ne rangent pas leurchambre, mais parce que nous sommes fatigués, nousavons besoin de repos, d’ordre, d’aide ou de compré-hension, et surtout nous avons besoin de trouverensemble une façon de cohabiter qui soit respec-tueuse des besoins de chacun. Non pas les nôtres ouceux des autres – selon les vieux schémas de la pensée

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binaire qui divise – mais et les nôtres et ceux desautres. Nous découvrons ainsi que l’écoute est plusefficace et plus satisfaisante que l’autorité et l’obéis-sance pour assurer le respect équitable des besoins dechacun.

Déplaçons cet exemple à l’univers professionnel.Nous ne sommes pas vraiment en colère contre notrepatron. Nous sommes en colère parce que nous avonsbesoin d’être écoutés et qu’on nous fasse confiance.En prendre conscience nous éclaire sur la nécessitéd’apprendre à mieux nous écouter nous-mêmes et àoser nous affirmer à temps, et nous aide à faire pas-ser notre demande autrement qu’en nous plaignantou en boudant. Les plaintes et les reproches n’invitentpas le patron ni quiconque à l’écoute. En revanche,une demande claire, formulée avec détermination, aplus de chance d’inciter l’autre à l’écoute et à laconfiance.

Bien sûr, à force d’entretenir un rapport conflic-tuel avec le temps, qui est un compagnon incontour-nable de notre existence, nous avons pris l’habitudede privilégier les choses à faire en oubliant d’êtreþ;l’intendance et la logistique, plutôt que la qualité dela relation. C’est pourquoi prendre le temps, entreparents et enfants, employés et patrons, entre collè-gues ou entre amis, de se rappeler les uns aux autresque nous avons tous besoin d’apprendre à cohabiterdans l’écoute, la confiance et le respect réciproques,n’est-ce pas se rendre serviceþ? N’est-il pas utile deprendre le temps de reformuler les valeurs du «þbienvivre ensembleþ», que nos mauvaises habitudespourraient compromettreþ? N’est-ce pas servir laqualité et la continuité de la vie en commun que de

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se rappeler le respect des limites sans lesquelles unesociété juste ne peut se construireþ?

APPRIVOISER LE TEMPS

La bonté est un savoir-être qui nous fait dépassernotre confort immédiat – souvent acquis au péril denotre santé et au prix de compromissions coûteuses enterme d’énergie déployée – pour tenter de créer, là oùnous sommes, des relations basées sur la franchise et labienveillance, même si cela passe par le conflit. Lesdésaccords sont un ingrédient inévitable de la vie, etnon un accident. Ils découlent du respect même de nosdifférences. Il est utopique de prétendre aimer la diffé-rence si l’on ne supporte pas les différends. Dans unesituation conflictuelle, tout l’art de la bonté consistera àne pas rompre les liens, car elle sait que désaccord n’estpas désamour. Si, comme on l’a vu, la bonté peut faireusage de franchise, voire de vigueur, elle est avant toutpatiente. Et pour nourrir cette patience, nous avonsbesoin de nous réconcilier avec le temps, que celui-cidevienne notre ami, notre allié, l’associé qui nous aide àréaliser nos projets, et non plus l’ennemi qui nousronge et nous empêche de vivre… Ce pacte avec letemps représente du travail. Personnellement, aprèsavoir passé presque quarante ans à courir après letemps, ce travail m’a pris quelques années. Mais il s’estrévélé l’investissement le plus gratifiant de ma vie.

Il me semble que, sans un rapport paisible avec letemps, notre bienveillance vis-à-vis de nous-mêmescomme des autres est bien vite compromise. Noussommes si habiles à trouver mille choses plus urgentesà faire qu’être là, présent et bienveillantþ!

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Ce savoir-être demande du courage, comme l’évoquele sous-titre de cet ouvrageþ: oser la gentillesse. Cecourage sévit autant dans la fermeté que dans la dou-ceur. Conserver sa douceur face à l’agressivité, sa fer-meté malgré la peur de déplaire, cela demande de laforce intérieure et du courage. Celui de ne pas s’aban-donner à l’apparente facilité des habitudes qui consistentsoit à renchérir dans l’agression, selon le vieil adage«þœil pour œil, dent pour dentþ», soit à dissimuler lavérité en disant, par exemple, «þtout va bienþ» alorsque nous pensons «þrien ne va plusþ», ou bien «þmaisoui, bien sûrþ» alors que nous pensons «þah non, pasdu toutþ».

Si nous déplorons généralement la confusion et labrutalité qui règnent dans le monde, comment pour-rions-nous espérer améliorer la situation sans nousimpliquer nous-mêmes pour créer à la fois plus declarté et plus de douceur dans nos propres relations, àcommencer bien sûr par celle que nous entretenonsavec nous-mêmesþ? Pouvons-nous nous plaindre d’unproblème que nous entretenons par notre attitudeþ?

La bonté et la gentillesse se révèlent des forces detransformation socialeþ: ce sont nos comportementsindividuels qui nourrissent et transforment la consciencecollective et les habitudes sociales.

LA GRATUITÉ EST L’ESSENCE DE LA JOIE

La bonté est par essence gratuite. Elle donne sanscompterþ: de l’attention, du temps, de la tendresse etdes sourires, sans attente de retour. Non parce qu’«þilfautþ» ou qu’«þon doit…þ», mais parce que nous aimonsdonner et que c’est sans doute ce qui nous procure le

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plus de joie, ce qui nous comble le plus. Si nous nedonnons pas de bon cœur, c’est que nous sommessouvent empêtrés par la peur de perdre ou l’attentede remerciements ou de reconnaissance, au risquede ressasser de l’amertume, soupeser des attentespour le futur, et donc manquer l’instant présent, et lajoie d’être, tout simplement.

Stefan Einhorn le répète au fil des pages : « Celuiqui choisit la bonté a compris le fin mot de l’his-toire.þ» Il n’y a sans doute pas d’autre moyen d’êtreprofondément heureux que de vivre dans cette évi-dence, libre de tout calcul.

Cette générosité, qui est à mes yeux l’essence même dela joie, est intimement liée à la nature, à laquelle nousappartenons. La nature est surabondante – pour autantque l’homme n’en compromette pas les richesses. Elledonne sans compter. Dans la nature, n’y a-t-il pas plus depommes ou de cerises sur l’arbre que n’en pourra ramas-ser le cueilleurþ? Plus de poissons dans la mer que debouches à nourrirþ? Même dans le contexte actuel, où lahausse des produits bruts a des conséquences très gravespour certains pays menacés de famine, on sait que la faimdans le monde n’est pas un problème de ressources, maisde gestion ou d’affectation de ces ressources.

En 1998, le PNUD (Programme des Nations uniespour le développement), dans une étude consacrée aurapport entre le nécessaire et le superflu à l’échelle mon-diale, chiffrait à 40þmilliards de dollars le budget néces-saire pour éradiquer la famine de la planète, ainsi que lesproblèmes d’accès à l’eau potable et certaines maladiesmortelles qui peuvent aujourd’hui être soignées ouprévenues à faible coût. Pour se rendre compte que cebudget n’est pas démesuré, comparons-le par exemple

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aux dépenses en cigarettes pour l’Europe, qui s’élèvent à50 milliards.

J’aimerais aller plus loin en disant que l’homme estbien «þde la natureþ» et non seulement «þdans lanatureþ». Cela peut paraître provocateur, mais, commeStefan Einhorn, je suis convaincu que la nature humaineest instinctivement généreuse, et qu’elle s’épanouit dansle don. Voyez le plaisir que nous avons à préparer uncadeau ou une table pour accueillir des invités. Voyezcomme nous aimons créer et «þdonner de nous-mêmesþ»dans des réalisations, des actions et des projets per-sonnels. Voyez aussi combien les enfants aimés et res-pectés sont le plus souvent aimants et respectueux, etressentent le partage comme une condition du «þbienvivre ensembleþ». C’est faute d’avoir reçu bonté et ten-dresse en abondance qu’ils courent le risque de grandiren apprenant à tout compter, en projetant sur chaquerapport humain un rapport de forces, en compensant lesmanques affectifs par d’insatiables besoins de reconnais-sance et toutes sortes d’avidité – de l’alcool à l’argent,de l’avoir au pouvoir – qui ne rassasient jamais.

Nous commençons enfin à percevoir que les iné-galités criantes de notre monde et la mise en péril denos ressources et du climat planétaires ne sont pastant le fait de l’économie que des angoisses existen-tielles de ceux qui dirigent l’économie mondiale.

«þC’est par peur de l’avenir et par peur d’autruique des êtres humains accumulent de la richesse oudu pouvoir au détriment d’autres, placés ainsi arti-ficiellement en situation de pénurieþ»1. Ce n’est pas

1. Patrick Viveret, Pourquoi cela ne va pas plus malþ? (Fayard,2005).

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l’abbé Pierre qui s’exprime là, mais Patrick Viveret,conseiller à la Cour des comptes, dans une analysedes maux de notre société qui, singulièrement, bienau-delà de l’aspect économique ou financier, nousramène à cette conclusionþ: si nous voulons que l’huma-nité survive, nous avons besoin d’apprendre à respecternotre nature intime et la bonté avec laquelle accueillirtoute chose vivante, et revoir la façon dont nous envi-sageons notre appartenance à la nature et à l’univers.

LA BONTÉ N’EST PAS SEULEMENT MORALEOU SPIRITUELLE, ELLE EST CITOYENNE

Aujourd’hui, nous parvenons enfin à cette prise deconscienceþ: si la bonté est bien une des plus hautesvaleurs morales célébrées par toutes les religions ettraditions spirituelles, c’est qu’elle est l’essence mêmede notre humanité et donc la condition d’une véri-table citoyenneté. En effet, dès que la bonté est négli-gée, notre humanité individuelle ou collective s’entrouve rapidement compromise et menacée.

On le sait, bien souvent, ceux qui maltraitent ont étémaltraités et ceux qui abusent ont été abusés. Cettemécanique tragique n’explique pas tout. Elle n’excuserien. Elle permet juste de comprendre que le «þbesoind’amour blessé se transforme invariablement envolonté de puissanceþ»1. Ce constat nous invite à entre-tenir et favoriser la bonté dans nos relations aux autres,et à l’envisager non seulement comme la condition de

1. Guy Corneau, psychanalyste jungien auteur de nombreuxouvrages, dont Victime des autres, bourreau de soi-même (Laffont,2003), et Le Meilleur de soi (Les Éditions de l’Homme, 2007).

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notre bien-être personnel et familial, mais égalementcomme la condition de survie de notre espèce. Avec labonté, notre humanité, notre générosité, notre sens col-lectif refleurissent rapidement. Voyez les réactions desolidarité qui surgissent dans les catastrophesþ; voyez lacapacité de résilience1 des personnes traumatisées quis’ouvrent ensuite à la compassion.

N’attendons ni les catastrophes ni notre éventuelleexpérience de la résilience pour observer, valoriseret encourager ces trésors d’humanité, de généro-sité, de patience, de tendresse et de détermination quis’expriment dans les milliers de gestes quotidiens,modestes et répétés à l’infini, qui font que les familles,les communautés et les sociétés traversent le tempsþenrendant possible ce miracleþ: la vie.

La bonté n’est pas seulement une valeur humaine,morale ou religieuse, c’est une valeur citoyenne, unecondition pour transformer notre société de compé-tition, de fragmentation et de solitude en une sociétéqui promeut la collaboration des individus entreeux et entretient le sentiment d’appartenance à unecommunauté.

En même temps que j’écris cette préface, je suis entrain de terminer mon prochain livre qui aura pourthème ce que j’appelle l’«þintériorité citoyenneþ»,

1. Le principe de la résilience a été étudié par Boris Cyrulnik,psychiatre, éthologue, psychanalyste et professeur d’uni-versité, auteur de nombreux ouvrages dont Les Vilains PetitsCanardsþ(Odile Jacob, 2001) et Un merveilleux malheur (OdileJacob, 1999). La résilience est le «þressort intime face aux coupsde l’existenceþ», c’est-à-dire la capacité à se transformer pourretrouver son élan de vie malgré les épreuves.

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c’est-à-dire l’intériorité au service de la citoyenneté. Eneffet, devant les enjeux écologiques planétaires et la frac-ture économique qui divise le monde, je rencontre deplus en plus de gens qui ont comme moi la convictionque nous ne changerons pas notre rapport à notre envi-ronnement extérieur, à la nature et aux ressources de laterre, sans transformer profondément la perception denotre propre nature et de nos ressources intérieures. Ilme paraît urgent, pour notre survie, que chacun de nousaccepte de remettre en question son système d’interpré-tation du monde, de croyances et de pensée.

LE DÉVELOPPEMENT PERSONNEL,LA CLÉ DU DÉVELOPPEMENT

SOCIAL DURABLE

J’ai aimé le livre que vous allez découvrir parce qu’ilest une illustration, proche de nous et de nos viesquotidiennes, du bénéfice de la bonté et de la gen-tillesse, et une invitation à transformer notre manièrede fonctionner. Je souhaite qu’il puisse toucher leplus grand nombre de lecteurs, car il nous fait com-prendre que la bonté est l’avenir de l’humanité.

À voir comment la bonté et la gentillesse ouvrent lesportes, lèvent les jugements, démantèlent les croyanceset les a priori, secouent les préjugés et les idées toutesfaites, dissolvent le «þprêt-à-penserþ» comme le «þprêt-à-prierþ» colportés par nos sociétés, jettent des pontset créent des liens au-delà des divisions et des ruptures,réconcilient ce qui s’opposait et rassemblent ce quise disperse, je nourris le rêve que, tôt ou tard, pluspersonne n’osera prétendre que faire preuve de gen-tillesse est un signe de faiblesse.

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Bien au contraire, il sera un jour évident que la bontéet la gentillesse sont notre vraie force, la seule capablede permettre à l’humanité de survivre aux risques qui seprésentent et de trouver un sens à l’existenceþ; la seulecapable de donner à notre développement personnelune portée citoyenne, et les clés d’un véritable déve-loppement social durable et équitable.

Thomas d’Ansembourg,Bruxelles, avrilþ2008

Thomas d’Ansembourg est thérapeute, auteur etconférencier. Il anime des séminaires sur la communica-tion et la conscience non violente. Il est l’auteur de plu-sieurs ouvrages, parmi lesquels le best-seller Cessezd’être gentil, soyez vraiþ! (Les Éditions de l’Homme,2001).

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Introduction

Dès mon arrivée à la clinique ce matin-là, j’ai déceléune certaine tension dans l’atmosphère. «þQue s’est-ilpasséþ?þ» ai-je demandé à la réceptionniste. Elle m’ajeté un regard anxieux avant de répondreþ: «þL’un devos patients est mort pendant la nuit. Le médecin degarde qui vient juste de partir a raconté à qui voulaitl’entendre qu’il avait incité les proches à porter plaintecontre vous auprès du Conseil de l’ordre, et que s’ilsne le faisaient pas, c’est lui qui s’en chargerait. Lesmembres de la famille sont manifestement furieuxcontre vous.þ»

J’ai su d’emblée de quel patient il s’agissait. La veille,une dame d’environ soixante-quinze ans enjouée et auregard interrogateur était venue me consulter à laclinique. Son fils l’accompagnait. Nous ne nous étionsjamais rencontrésþ; elle était là pour recevoir unsecond traitement de chimiothérapie. Elle souffraitd’une forme de lymphome plus connu sous le nom decancer du système lymphatique, fatal s’il est non traité,mais que l’on guérit une fois sur deux au moyend’une médication appropriée. Le premier traitementavait occasionné des troubles cardiaques et elle avaitété admise en observation. À présent, elle se sentait

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mieux et était prête pour le second. Nous avons euune longue conversation au cours de laquelle je lui aiexpliqué, entre autres, les risques cardiaques encou-rus avec ce second traitement, tout en lui faisantcomprendre que c’était sa seule chance de guérir. Ellem’a répondu qu’elle était consciente des risques etqu’elle voulait continuer. Je lui ai alors proposé depasser la prochaine nuit en salle d’observation, cequ’elle a refusé, préférant partir à la fin de la séance.Elle irait dormir chez son fils et se pensait ainsi entrede bonnes mains. Je n’insistai pas.

Sur le seuil, au terme de la consultation, elle m’avaitregardé en souriant avant de me direþ: «þC’est vrai-ment très gentil à vous, docteur, d’avoir pris le tempsde parler avec une vieille dame alors que votre salled’attente est pleine de patients.

—þAucun problème, vraiment, je suis contentd’avoir fait votre connaissanceþ», avais-je répliqué touten pensant que si je travaillais pendant l’heure dudéjeuner, j’aurais à peu près rattrapé le retard.

Cette nuit-là, les troubles cardiaques s’étant à nou-veau déclarés, la dame a été ramenée à la clinique oùle médecin de garde l’a admise en salle d’observation.On l’a trouvée morte dans son lit quelques heures plustard.

Bien que le décès d’un malade ne soit pas rare en can-cérologie, j’en éprouve toujours de la tristesse, maiscette fois, c’était différentþ: une patiente était morte parma faute et cela m’était intolérable. J’ai passé en revueles événements de la veille. Continuer le traitement était,selon moi, la bonne décision à prendreþ; la patiente elle-même en était convenue, tout en connaissant les risquesencourus. Néanmoins, j’aurais dû insister pour la garderla nuit. Pourquoi ne l’avais-je pas faitþ?

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Ces pensées tourbillonnant dans ma tête, j’ai télé-phoné à son fils. Alors que je me présentais, jem’attendais à une avalanche de récriminations. Aussiai-je été fort surpris lorsqu’il a déclaréþ: «þJe suiscontent que vous appeliez. Je voulais vous remercierpour la façon dont vous vous êtes occupé de mamère.þ» Il m’a raconté ce qui était arrivé la nuit précé-dente et m’a fait part de ses sentiments et de ceux deses proches. Nous avons discuté un long moment.

Puis, je l’ai informé des critiques formulées à monencontre, et que je commençais moi-même à mereprocher de n’avoir pas insisté pour la garder enobservation. À ma grande surprise, il a réponduþ:«þMais vous l’avez fait. Je m’en souviens, mais mamana refusé. Si quelqu’un entend vous poursuivre pournégligence, je témoignerai par écrit en votre faveur.þ»

Surpris de son soutien et de ma mémoiredéfaillante, j’ajoutai que je répondrais volontiers à sesquestions ou à celles de sa famille dans les jours àvenir, s’il le souhaitait. Il resta silencieux un instantpuis il déclaraþ: «þIl y a quelque chose que j’aimeraisque vous sachiez, docteur. Maman a dit qu’ellen’aimait pas le médecin de garde, alors que vous aviezété tellement gentil avec elle. C’est pourquoi je neferai rien qui puisse vous nuire.þ» La conversation ter-minée, je suis resté un moment assis près du télé-phone à réfléchir à ses propos. Je compris que mamémoire ne m’avait pas trahi concernant l’entretienque j’avais eu avec sa mère et que son fils se souvenaitde mon manque d’insistance à la garder. Il avaitdécidé de me protéger.

Je n’ai pas eu de comptes à rendre – le médecin-chefayant conclu que je n’avais pas commis d’erreur en tantque telle, contrairement au médecin de garde qui, lui,

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aurait dû appeler un cardiologue pour examiner sapatiente. Si la famille avait décidé de me poursuivre,j’aurais dû me plier à un échange de procédures admi-nistratives interminables avec l’Ordre des médecins,sans parler des mois d’incertitude sur l’avenir de macarrière. Si je n’avais pas été inquiété, c’est parce quej’avais été perçu comme quelqu’un de bon.

J’ai eu plusieurs fois l’occasion de réfléchir sur lanotion de «þgentillesseþ». Comme beaucoup d’entrenous, j’ai souvent entendu dire dans mon enfanceþ: «þCen’était pas très gentil de ta partþ» ou «þTu dois être gen-til avec ta sœurþ». Dès qu’il s’adresse à des adultes, cemot prend une connotation différente, comme l’attestele proverbe suédois «þOui, il est gentil, mais une vachedans un pré l’est aussiþ»þ; ou bien «þTout ce que l’onpeut en dire, c’est qu’elle est bien gentilleþ»þ; ou encore«þOui, j’imagine qu’elle est gentille comme toutþ».

Ainsi, que doit-on entendre par «þgentillesseþ»þ?Est-ce un attribut positif ou négatifþ? Est-ce bien oumal d’être gentilþ? Rapportée aux adultes, cettenotion est souvent associée à un comportement jugéinfantile ou immature. Une personne gentille passe unpeu pour une «þarriérée mentaleþ», quelqu’un de faible,qui n’ose soulever aucune objectionþ; bref, une mau-viette. Ce n’est qu’aux enfants qu’est donné le privi-lège d’être gentil.

Quant au mot «þbonþ» qui, pour moi, est presquesynonyme de gentil, que faut-il en penserþ? On entendrarement dire que quelqu’un est «þbonþ», sauf peut-être lorsqu’on parle d’un défunt. Lorsqu’on qualifiequelqu’un de bon, c’est souvent sur un ton ironique.

Comment en est-on arrivé làþ? Pourquoi des motstels que «þgentilþ» et «þbonþ» se sont-ils chargés d’un

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sens négatifþ? Chaque fois que j’entends cette intona-tion méprisante, je m’en étonne et me demande si lapersonne qui parle a vraiment compris ce qui importedans la vie. Le temps est venu de changer radicale-ment la façon de concevoir la gentillesse.

À mon avis, une personne gentille est quelqu’unqui vit selon une éthique du cœur. Son esprit se pré-occupe sans cesse du bien-être de ses semblables.C’est pour moi une caractéristique extrêmement posi-tive. En outre, une telle personne est loin d’être stu-pide. Au contraire, c’est quelqu’un de très avisé, qui acompris – consciemment ou inconsciemment – le finmot de l’histoire, à savoirþ: ce que nous faisons àautrui, nous le faisons à nous-mêmes.

Nous avons tout à gagner à être bons envers ceuxqui nous entourent, et beaucoup à perdre à ne pasl’être. Une personne bonne est sur le chemin du suc-cès. En fait, je pense que la gentillesse est le facteurdéterminant de notre degré de réussite. Aussi, àdéfaut d’être gentils pour quelque autre raison,soyons-le au moins par égard envers nous-mêmes –afin de réussir notre vie. Ou, comme l’exprime autre-ment James Freeman Clarke1þ: «þVeillez à faire le bienet vous verrez que le bonheur vous rattrapera.þ»

Il est intéressant de noter que ce qui vient d’être ditne s’applique pas seulement à des individus, mais à

1. James Freeman Clarke (1810-1888) fut un pasteur écrivainaméricain, grand défenseur des droits de l’homme, qui s’estjoint au mouvement national de l’abolition de l’esclavage. Il afondé l’Église des disciples dont il fut le ministre jusqu’à samort. Il était aussi secrétaire de l’Association universitaire etprofesseur de religion ethnique et de la doctrine chrétienne àHarvard. (N.d.T.)

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des groupes, des organisations et même des sociétés.Pourtant, lorsqu’on étudie différents épisodes del’histoire de l’humanité, il semble que ce n’ait pas tou-jours été le cas. Certains États impitoyables, totali-taires, ont opprimé des populations aux mœurs pluséthiques. Toutefois, les victoires s’avèrent générale-ment de courte durée et conduisent bien souvent àleur chute. Selon moi, les sociétés bienveillantes,ayant le souci du bien-être des gens, l’emportent surle long terme.

La gentillesse n’est pas toujours facile à mettre enpratique. Par exemple, laisser les autres n’en fairequ’à leur tête n’est pas une preuve de bonté, d’autantplus qu’ils ont tort et que les conséquences de leursactes risquent d’être négatives. Être bon, ce n’est pasnon plus manquer de caractère et se faire exploiter parautrui, ni commettre délibérément des actes contrairesà sa nature.

La gentillesse est une qualité à manier avec beau-coup de discernement. Dans des circonstances excep-tionnelles, vous pouvez être amenés à agir d’unemanière que certains jugeront préjudiciable à courtterme. C’est en partie la raison pour laquelle j’aidécidé d’écrire sur l’art de la gentillesse. Car êtregentil d’une manière authentique, positive et à bonescient est véritablement un art.

Certains affirment que la race humaine est fonda-mentalement mauvaise et que tous les échanges entreles êtres sont pernicieux. Je ne suis pas d’accord. Maperception va à l’encontre de cette opinionþ: presquetout ce que nous faisons les uns pour les autres est

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bien. La grande majorité des gens s’efforce d’avoir uncomportement fondamentalement juste.

J’ai souvent fait des conférences sur l’éthique et surla façon de nous comporter avec nos semblables. Enpréambule, j’ai pris l’habitude de poser la questionsuivanteþ: Quelle qualité aimeriez-vous posséder avanttoute autreþ? Je laisse à mes auditeurs, outre la bonté,le choix entre l’intelligence, la créativité, une grandecompétence professionnelle, l’humour, et y ajouteoccasionnellement la richesse (même si ce n’est pasune vertu en soi). Ils peuvent aussi opter pour labonté. En général, plus de quatre-vingt-dix pour centdes gens choisissent la bonté. Un chiffre éloquentþ:nous préférons la bonté à l’enrichissement sans fin ouà un degré supérieur d’intelligence.

Comme il existe déjà nombre d’ouvrages traitant dela manière de devenir riche, intelligent, créatif, com-pétitif dans son travail, etc., j’ai pensé qu’il devrait aumoins exister un livre sur la façon de développer cetart de la gentillesse et de réussir en étant bon.

Nous connaissons tous l’intelligence ordinaire etl’intelligence émotionnelle. La première se réfère ànotre pensée analytique et la seconde à la gestion dessituations sur le plan émotionnel. Je pense qu’il enexiste une troisièmeþ: l’intelligence éthique. Notre QIéthique révèle notre disposition à faire le bien. Cettequalité est en partie innée et en partie acquise durantl’enfanceþ; c’est une forme d’intelligence que nouspouvons continuer à développer tout au long de notreexistence. Elle est capitale, car il s’agit d’un facteurdéterminant pour réussir dans l’existence.

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Dans les premiers chapitres, je parlerai des notionsde gentillesse, d’éthique et de bonté. J’aborderai égale-ment les pièges fréquents, à éviter si nous voulons êtrevraiment gentils. J’expliquerai ensuite pourquoi nousavons beaucoup à gagner à l’être. Dans un chapitreultérieur, je présenterai la notion de réussite et définiraice concept très répandu. Enfin, je me permettrai dedonner quelques conseils concrets au lecteur sur lafaçon de mettre en application la bonté, l’éthique, lagentillesse, dans la perspective d’une vie réussie.

Ce livre peut se lire d’une manière conventionnelle,de la première à la dernière page, mais aussi demanière moins systématique en choisissant un passagepar-ci, un autre par-là. Après tout, nous avons tousdes intérêts et des cheminements différents.

Peut-être vous demandez-vous, ce qui me sembletout à fait justifié, si je suis moi-même un exemplevivant de gentillesse. La réponse est non, toutefois jem’efforce de me rapprocher toujours plus d’une vraievie de bonté.

Personne n’est parfait et nous devons nous méfierde ceux qui se targuent d’être irréprochables. Le jouroù nous pensons avoir atteint notre idéal de perfec-tion, nous avons tout intérêt à repartir de zéro. Vou-loir devenir totalement bon est utopique. Nouspouvons nous y employer de toutes nos forces, ce seraen vain, comme vouloir décrocher la lune – nous n’yarriverons jamais. Cependant, nous pouvons déciderde devenir meilleurs, tout en sachant que nous neserons jamais parfaits. Faire de notre mieux, en défi-nitive, c’est ce dont nous sommes capables.

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