l’appareillage des personnes amputées de 1914 à nos...
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L’appareillage des personnes amputées
de 1914 à nos jours
P. Fodé, D. Azoulay
Centre d’Etudes et de Recherche sur l’Appareillage des Handicapés
Institution Nationale des Invalides
Premières rencontres internationales sur la mémoire partagée
Paris, 26 et 27 octobre 2006
« Handicap : du droit à réparation à la réhabilitation »
Forum Autonomic le 12 juin 2014, Paris
La prise en charge des personnes amputées est multiple
• suppléance non technologique :
chirurgie,
rééducation,
aides humaines,
aides financières
• mise à disposition de moyens technologiques :
prothèses
produits d’assistance
pour réduire les déficiences et les limitations d’activité
pour participer à la vie sociale
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1914• La première guerre mondiale : un conflit long et sanglant.
• Les pouvoirs publics français rapidement confrontés à la prise en
charge de plus de trois millions de blessés, tous handicaps
confondus. Les amputés de Guerre ont nécessairement leur place
dans l’évolution économique d’après 1918 car la France, qui compte
aussi 1,4 millions de morts, doit faire face à une pénurie de main
d’œuvre.
• Dès le début de la guerre 1914-1918, les maisons de prothèse et
d'orthopédie sont submergées par l'affluence massive des mutilés à
appareiller. Des mesures sont prises en France et dans d'autres pays
d'Europe pour la réorganisation de l’attribution des appareils et par
suite de la profession de prothésistes et orthésistes afin de l'aider à
sortir définitivement de sa condition artisanale et empirique
incompatible avec les enjeux de l’époque.
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• Les appareillages évoluent pour répondre aux besoins
fonctionnels des victimes de guerre : de nombreux travaux de
recherche se consacrent à l’évolution des pieds, genoux ou
mains prothétiques...
• Plusieurs médecins (Broca et Bourrillon) prônent des
appareillages simples « des appareils robustes, rustiques à l'abri
des pannes répétées et s'il s'en produit, permettant aux
menuisiers, bourreliers, forgerons de village d'y porter
rapidement remède ».
1914 : les matériauxPendant la 1ère guerre mondiale et jusqu'en 1929 les matériaux utilisés
dans la fabrication des prothèses sont essentiellement :
• le cuir à mouler ou le bois pour les emboîtures,
• l’acier ou le hêtre pour les armatures.
Les bois les plus recommandés sont :
• le saule et le tilleul pour les prothèses pour amputation de cuisse ou
de jambe,
• le frêne pour les quillons,
• le peuplier pour les pilons dits « torpilles » et les pilons rigides pour
amputations de jambe à moignon très court nécessitant un appui sur
le genou fléchi,
• le hêtre pour les montants bois des pilons cuirs rigides ou articulés.
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• L’emboîture, le bas de jambe et le pied sont taillés en plein
bois mais pour alléger ces appareils en bois, les orthopédistes
creusent à la plus faible épaisseur diminuant ainsi la
robustesse des éléments.
• L‘Américain Marks a l'idée d'améliorer la résistance du bois en
recouvrant la surface de l'emboîture d'une mince pellicule de
cuir (parcheminage) ; le parchemin est un cuir spécial
provenant de peaux de chèvre, doué d'un pouvoir de
rétractibilité au séchage.
• Le bord supérieur de l'emboîture en bois est renforcé par le
frettage : corde circulaire de maintien au niveau du collet.
• En 1927, le duralumin est utilisé par les
Anglais pour la première fois. C’est un alliage
d’aluminium, de zinc et de cuivre, résistant et
léger, utilisé pour la fabrication d’emboitures
fémorales et de bas de jambe des prothèses
tibiales.
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2014 : les matériaux
• Les résines acryliques, les composites de carbone pour
les emboitures définitives,
• Les PETG (polyéthylène téréphtalate glycol) pour les
emboitures transparentes d’essai,
• Les gels de silicones, copolymères et polyuréthanes pour
les manchons (interfaces moignon-emboiture),
• L’acier, le titane, le carbone pour les composants
prothétiques,
• Les composants électroniques…
restituer l’intégrité anatomique
rétablir la station debout et la marche
Toute prothèse de membre inférieur comporte :
• une emboîture, interface entre le moignon et l’appareil ,
• des pièces intermédiaires : tubes, articulation de genou,
• une pièce terminale assurant le contact au sol : le pied.
Les prothèses de membre inférieur
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1914 : Les prothèses pour amputation de cuisse
• Le pilon cuir et acier avec verrou de
genou
• Le pilon en bois, « jambe des
pauvres » d'Ambroise Paré.
Ce pilon comporte un cône creux à
base supérieure en bois de tilleul. Le
bord de ce cône est garni d'un gros
bourrelet en laine ou crin qui vient
présenter un point d'appui à la
tubérosité ischiatique.
Ce rebord supérieur est surmonté en
externe d'une palette latérale qui sert
d'attache à la ceinture du bassin.
• L'absence de pied compense l'excès
de poids de l'emboîture.
• La prothèse française se compose
d'une emboîture en cuir, ouverte en
avant et fermée par laçage et
courroie et d'une fausse jambe en
cuir.
• L'articulation de genou est en acier,
de type monoaxial postériorisé (2
attelles métalliques incluses dans le
cuissard et dans la jambe). Le pied
articulé porte lui aussi un seul axe
et est muni d'un ressort postérieur.
Le rappel en extension de la jambe
sur la cuisse est assuré par une
lame de tissu caoutchouté ou par
une bretelle passant sur l'épaule.
> 1914 : Les prothèses pour amputation de cuisse
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• La prothèse américaine est une
prothèse fémorale en bois, articulée
au genou et au pied.
• légère, comporte un cône
d'emboîtage en saule, en tilleul ou
peuplier de mince épaisseur donc
plus fragile mais renforcé par
parcheminage et frettage.
• Le bord supérieur de l'emboîture
rappelle exactement les formes
anatomiques et servant de point
d'appui sous-ischiatique.
• L'emboîture est taillée en plein bois,
creusée et évidée manuellement
par des orthopédistes chevronnés
ou mécaniquement (machine à
polycopier reproduisant la forme à
partir d'un moulage).
> 1914 : Les prothèses pour amputation de cuisse
• Les bretelles et ceintures assurent la suspension de la prothèse
fémorale et la bonne adaptation entre le moignon et l'emboîture.
• Il faut toujours apposer 2 systèmes de sangles pour équilibrer les
forces adductrices et abductrices qui s'exercent sur la prothèse :
un ensemble bretelle adductrice passant sur l'épaule opposée à
l'amputation compensée par une ceinture abductrice fixée sur une
pièce de hanche
ou
une bretelle adductrice passant sur l'épaule opposée et une
bretelle abductrice sur l'épaule homolatérale à l'amputation.
> 1914 : Les prothèses pour amputation de cuisse
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• L'emboîture des prothèses fémorales évolue et passe d'une
forme triangulaire à une forme quadrangulaire, avec appui
partiel sous la tubérosité ischiatique mais toujours avec
suspension par bretelle ou ceinture.
• Le moulage selon Carle Roederer en 1923 préfigure le moulage
orienté et insiste pour le cône fémoral moulé en plâtre de bien
marquer la région ischiatique.
• Les orthopédistes se préoccupent alors plus des matériaux ou
mécanismes que de la qualité de l'interface moignon-appareil.
Le moulage intégral reproduit la forme anatomique superficielle
du corps et ne vise pas à obtenir une répartition de pression sur
l'ensemble de la surface du moignon.
• Pour les emboîtures en bois, une prise de mesures suffit.
> 1914 : Les prothèses pour amputation de cuisse
2014 : L’emboîture fémorale
Les travaux après la seconde guerre mondiale permettent de supprimer
ceinture et brettelles : emboiture quadrilatérale de contact.
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2014 : les emboîtures pour prothèses transfémorales
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• implant en titane vissé
dans le canal médullaire,
• une tige en titane insérée
dans l’implant.
• sur laquelle se fixent
les composants prothétiques
externes
Avantages :
pas d’emboîture
flexion et rotation hanche
ostéoperception améliorée
proprioception des chocs,
dénivelés durant la marche
2014 : ostéointégration (Branemark)
M.Bertrand, P.Ducros, R.Branemark « l’ostéointégration en orthopédie.
Un nouveau concept chirurgical dans la réhabilitation des amputés : le protocole OPRA-
Série française de 9 patients amputés fémoraux »
ISPO Marseille 3-4 11-11;60-72C
> 1914 : Les prothèses pour amputation de jambe
• la prothèse tibiale à
cuissard avec ou sans
pied en cuir et acier
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> 1914 : Les prothèses pour amputation de jambe
• la prothèse tibiale à cuissard
avec ou sans pied en bois
comportant un cuissard en cuir,
deux articulations latérales
montées sur un bas de jambe
en bois dans lequel est creusée
l'emboîture qui doit recevoir le
moignon.
• Plus tard naît l'emboîture à
double gaine : gaine extérieure
en bois fixe et gaine intérieure
en cuir moulé solidaire du
moignon (le frottement se fait
alors entre les deux gaines).
• La prothèse tibiale en alliage léger
(duralumin) apparaît : le concept de la
double gaine est conservé.
• Un manchon en cuir formé sur le
moulage positif du moignon et
étroitement adapté à la forme du
moignon , maintenu en place par 2
tracteurs élastiques antérieurs
s'attachant à leur partie supérieure
sur le cuissard. Ce manchon a pour
avantage lors des inévitables
mouvements de "pompe" de
supporter les frottements contre
l'emboîture. Les emboîtures
comportent un appui partiel sous les
plateaux tibiaux laissant libre
l'extrémité inférieure du moignon.
> 1914 : Les prothèses pour amputation de jambe
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2014 : les emboîtures pour prothèses transtibiales
De nouveaux pieds apparaissent :
• pied monoaxial en bois et
feutre à articulation
monoaxiale de cheville avec
souvent une articulation en
cuir de l'avant-pied (tarso-
métatarsienne) et parfois une
articulation métatarso-
phalangienne,
• pied biaxial ou polycentrique
• pied en caoutchouc (USA)
1914 : les pieds prothétiques
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2014: les pieds prothétiques
Le pied « intelligent »
Propriofoot Ossur
Pieds propulsifs en composite carbone
pour amortir l’attaque du talon en se déformant.
L’énergie absorbée est restituée lors du
décollement du talon recréant une phase de propulsion
active
Modular III
Ossur
Triton Vertical Shock
Otto Bock
Protéor
Les pieds prothétiques
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• Les genoux contrôlent uniquement
la stabilité de la prothèse et non la
phase d'oscillation de la marche
• genou monoaxial à verrou
• genou monoaxial libre avec
quadriceps artificiel
• genou monoaxial à frein
• genou de Frees-Clarke dite "jambe à
cordes » mouvement du genou
associé au mouvement du pied
• genou physiologique à engrenage
(Habernan)
• genou physiologique à quatre
biellettes (Lamers 1922) - Fig. 434
1914 : les genoux prothétiques
2014 : les genoux prothétiques : cycle de marche
0 10 30 50 8060 100%
Phase d’appui Phase oscillante
Unipodal BipodalBipodal
Stabilité Mobilité
X.Bonnet
ENSAM
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Les genoux de haute technologie : à microprocesseurs régulant
la phase oscillante et la phase d’appui
Marche physiologique :
marcher, piétiner, reculer, pivoter,
monter et descendre des pentes,
monter et descendre des escaliers à pas alternés
passer un obstacle
Symétrie et rapidité marche
Coût énergétique moindre
Absorption chocs
Réduction des mouvements de compensation
sécurité et mobilité
Genium-Bionic Prosthetic System
Otto Bock
Genou à vérin hydraulique
Combinaison d’accéléromètres,
gyroscopes, capteur de pression…
Mesure angle genou, moment de
genou et cheville, charge axiale,
inclinaison segment jambier
Commande par microprocesseur
Sécurité pour reculer et effectuer
des pas latéraux
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Genou motorisé
Combinaison d’accéléromètres, gyroscopes, un
capteur de couple et une cellule de charge qui
interfonctionnent pour contrôler la
position et les mouvements du genou
pour mesurer les forces et la charge appliquée
Données transmises à l’ordinateur
embarqué où l’intelligence artificielle
détermine avec exactitude le type
d’activité de l’utilisateur et le prochain
mouvement
Power Knee
Ossur
Symbionic LegOssur
Prothèse combinant
un genou à microprocesseur et
une cheville motorisée à
microprocesseur
avec flexion de cheville proactive
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Recouvrement esthétique
restituer l’intégrité anatomique
rétablir la préhension
Toute prothèse de membre supérieur comporte
• une emboîture, interface entre le moignon et l’appareil
• des pièces intermédiaires : tubes, articulation de coude…
• une pièce terminale assurant la prise d’objet : la main
Les prothèses de membre supérieur
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• Le cuir à mouler pour les emboitures.
• Les mécanismes en acier.
• La main de parade est en bois.
1914 : les prothèses de membre supérieur
La main artificielle ou de parade
en bois
• pouce à ressort de flexion (la
pince est ouverte par l'autre
main) ou bien
• le pouce mis en extension par
traction par câble utilisant
l'extension du coude ou les
mouvements de l'épaule et du
thorax.
(Conception ancienne de
préhension passive et ouverture
active.)
1914 : les prothèses de membre supérieur
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Les outils de remplacement de la
main sont multiples.
La fixation de l'outil à la pièce
terminale métallique du brassard
se fait par vissage ou guillotine.
• pinces universelles passives ;
• crochet et anneau, outils de
base qui peuvent être
remplacés par des outils plus
spécialisés ;
1914 : la prothèses de travail du membre supérieur
• outils adaptés aux différents
métiers
1914 : la prothèses de travail du membre supérieur
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• pinces auto motrices par câble :
traction par l'épaule ou l'extension
du coude pour écarter les mors de
la pince.
1914 : la prothèses de travail du membre supérieur
2014 : les prothèses de membre supérieur
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Capture sur la peau du moignon à l’aide d’électrodes de surface
(myocontact) dans l’emboîture des potentiels d’action musculaire
engendrés par la contraction des muscles résiduels.
Selon le traitement électrique des signaux myoélectriques recueillis,
chaque électrode peut commander 1 ou 2 fonctions de prothèse ou 1
fonction à 1 ou 2 vitesses différentes.
Contrôle proportionnel de la main en fonction de l’intensité de la
contraction musculaire.
La commande myoélectrique
Types de préhension :
la prise doit être stable, sans glissement et sans déformation de
l’objet.
Prise digitale :
• pince tridigitale pouce-index-médius
La main myoélectrique
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Pince bidigitale terminolatérale :
préhension fine
Prise palmaire et digitopalmaire :
préhension en force et objets
volumineux
Main i-limb ultra
Touch Bionics
Main Michelangelo
Otto Bock
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> 2014 : les prothèses de membre supérieur
le bras bioniqueLa prothèse « commandée par la pensée ».
Réinnervation musculaire ciblée
TMR (Targered Muscle Re-
innervation).
Les nerfs du membre supérieur
amputé transférés vers les muscles
pectoraux.
La commande de la prothèse (6
moteurs) vient du système nerveux
central.
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Les moyens technologiques de compensation
• nombreux sur le marché
• évaluation précise des besoins / déficiences,
activités de la vie quotidienne, environnement
• suivi de l’utilisation
Les travaux de recherche
• multiples
• nécessairement multidisciplinaires
La diffusion de l’innovation technologique
• complexe
• coûteuse