l’amour, c’est comme la guerre, facile à démarrer...

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L’amour,c’estcommelaguerre,facileàdémarrer,difficileàfinir…etimpossibleàoublier.AnnBrashares

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Prologue

Illaretournafaceaumuretl’yplaquadurement.Sontorsefrôlasondos,sesmainsemprisonnèrentsespoignets.—Jen’aipenséqu’àvoustoutelajournée,luisouffla-t-ilàl’oreille.Il inséra une jambe entre les siennes. Ses doigts resserrèrent leur emprise. Elle était à bout de souffle,impuissante,soumiseàsesmoindresdésirs.—Vousêtesunedrogue,murmura-t-ileneffleurantsoncoudeseslèvres.Unefoisquel’onvousagoûtée,onnepeutplussepasserdevous.L’espaced’un instant, Juliasentit le tempssuspendresoncours.Plus rienn’existaithormis lapressiondu torsepuissantdecethommesursoncorpsainsiquesescaresses.Ill’oppressaitunpeuplusàchaquerespiration.—Votreodeur,votregoût,lasensationdevoslèvrescaressantmonsexe…Elledéglutitdifficilement. Il luidevenait impossibledenier l’emprisequ’il avait sur elle.Trop sûrde lui,de sonpouvoir,desadominationsurtouteschoses…Oui,c’estbiencequ’elleétait:sachose.Ellen’étaitqu’unobjetseplaisantàassouvirsesdésirs,encoreetencore…etelleaimaitça.Autantquecette impressiondeviolencequiémanaitdelui.Elleauraitdûfuir,maispouruneraisonquiluiéchappaitcomplètement,elleluiappartenait.Ildéposaunlégerbaisersursanuque,gestecontrastantindéniablementavecsonattitudebrutale.Seslèvres,sesdentsparcouraientlachairdélicatedesoncou.Ilpressaseshanchescontresesfesses.Juliasemordit lalèvrelorsqu’elleperçutsonmembreérigéàtraversl’étoffedesajupe.Ç’enétaittrop,etpourtant,elleenvoulaitplus…tellementplus…Tremblantededésir,ellenebougeapaslorsqu’illâchaenfinsespoignets.Ilsoulevasajupecrayon,frôlantduboutdes doigts ses jambes galbées dans des bas noirs.Un grondement lui échappa lorsque les deux globes blancss’offrirentàsonregard.Mutine,Juliasemordit la lèvredeplusbelleausouvenirqu’ellen’avaitpasmisdedessous.Ellebrûlaitd’envied’êtreprise,qu’illapénètreviolemment,qu’ilcomblechacundesesorifices.Ilattrapasesfessesàdeuxmains,l’écartadumuretpressacontreellesonsexeenérectiondifficilementcontenuparsonpantalon.Haletante,ellecambralesreins,maisillaretournad’ungestebrusque.

—Lola,ilfautvraimentquetuteprépares.Onvaêtreenretard…—Hein?Quoi?Merde!Ilestquelleheure?J’enregistremontexte,jetteuncoupd’œilàmamontre.Ilestdéjà11h45.Etremerde!Jevaisencoreêtreàlabourre.Bon,onrespire,jepeuxlefaire.Jesuisuneprodel’habillageexpress,aprèstout.Jemelève,retiremonpyjamaàlavitesseéclair,attrapelepremierpantalonquimetombesousla

main, regrette instantanémentmon choix : j’ai beaume dandiner en tirant dans tous les sens, il restecoincéenhautdemescuisses.

Jegrogne,l’enlèveetlebalancedansuncoin,furieuse.C’estletroisième,cettesemaine!Àcerythme-là,jevaisdevoiremménagerdansuncampnaturiste.Oui,parcequesepromenerculnuenpleinManhattan,çapassepasgénial…Jesoupireetregrettedem’êtreresservietroisfoisdugratindemacaronisaufromagehiersoir.

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Notepourplustard:moinsdeféculents,defromage,deglace,debonbons,dechocolat…Bon,engros,plusdelégumesetmoinsdetoutlereste!

Jefarfouilledansmonarmoire.Deplusenplusdésespérée,j’envisagedenouveaulapossibilitédesortirnue.

Jejetteuncoupd’œilàmonrefletetmesyeuxs’écarquillentlorsqu’ilstombentsurmonpostérieur.Depuisquandmesfessessont-ellesaussigrosses?!—Lola!Jegrogneenréponseetattrapevivementunautrepantalonpourundeuxièmeessai.Unejambe.Puis

l’autre.Levisagecrispé,jemesenstenduecommeuneficelledestring.Cemorceaudetissun’apaslamoindreidéedecequisejoueencemoment.Tousmesespoirsreposentsursesfinescoutures.Çapasse,çapasse…Mesfessespassent!

Un faible rayon de soleil éclaire la chambre au même moment. Certainement un signe que, cepantalonetmoi,nousallonsaccomplirdegrandeschoses.Lesquelles?Jen’enaipaslamoindreidée,maisçavaêtreépique.

Majoieestdecourteduréecarjen’arrivepasàlefermer.Espècede…Jen’aipasdemotpourqualifiercette trahison. Je lui faisaisconfiance !Luietmoidevionsêtre

sexyetremarquables!Jerentreleventre,tiredanstouslessens.—Ah-aaah!jem’écrie,victorieuseetàboutdesouffle.Tel RoboCop avec la respiration sifflante de Dark Vador, je m’avance vers mon armoire pour

chercherunhautconvenable.—J’aiappeléuntaxi,annonceJerryenentrantdanslachambre.Bordel!Qu’ilestsexy,avecsasimplechemiseblancheetsonpantalongrisanthracite,medis-je

enledévorantdesyeux.Parcontre,lui,ilmeregardebizarrement.Est-cequeçasevoitquecefoutupantalonmeboudineetque jen’arrivepasà respirer?Est-ce

qu’ilaremarquéquej’aiprisdupoids?Agissonscommesitoutétaitnormal…Jeleremercietoutencontinuantàfarfouillerdansmonarmoired’unairconcentré.Maispourquoiilmeregardetoujours…?Lola,restenaturelle…—Tun’auraispasvu…Jen’aipasletempsdefinirmaphrasequeleboutondemonpantalonlâchesouslapressionetfile

commeunbouletdecanonendirectiondeJerry.J’ail’impressionderegarderunépisoded’OliveetTom.Auralenti,jevoisleboutonfendrel’airdansunsifflement,sedéformantsousl’effetdelavitesse.

Bon,OK,j’exagère.Jedoisregarderunpeutroplatélé.Jerryattrapeleboutonauvoletl’observeentresesdoigts,visiblementamusé.Puissonregardse

porte surmoi, et enfin, surmon pantalon, qui s’ouvre tout doucement, laissant apparaîtremon ventrearrondi.

Jeresteimmobileunesecondepuisdéclare,commesiderienn’était:—Finalement,laissetomber,jevaismettreunerobe.Jeremetslenezdansmapenderieaussinaturellementquepossible.Jejetteundiscretcoupd’œilà

Jerry,quis’estinstallédanslefauteuilàcôtédelacommodeetm’observeensilencetoutenjouantaveclebouton.

J’enlèvelepantalonquim’alâchementabandonnée,lejettedansuncoinettentedemeconcentrertandisquejesensleregarddeJerryparcourirmoncorps.C’estpasfacile,avecsesyeuxrivéssurmoi.

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Est-cequ’iltrouvequej’aidegrossesfesses?Est-cequejerentreencoredansunfichuvêtementdecettesaloperied’armoire?Est-cequ’ilrestedugratindemacaronisdanslefrigo?

— Lola, ce n’est pas que la vue me dérange, bien au contraire, mais il faut vraiment que tut’habilles.

Jemeretourneetluidemande:—Tutrouvesquej’aidegrossesfesses?Ilm’observe,l’airsurpris,etmerépondavecsavoixgravedeSexy-Fossetteslover:—Non,tuasdesfessesmagnifiques.Sesyeuxgrisprennentuneteinteplussombreetbalayentmoncorpsavecenvie.C’estmoiouilfaitchaudtoutàcoup…?Jememordslalèvre,contemplesesépaulescarréesàpeinecontenuesparsachemise,sesavant-

brasdénudés…—Lola,arrêtedemeregardercommeçaethabille-toi!melance-t-il,amusé.—OK!Maisc’esttoiquieslà,àmereluquer,jeluisorsenexaminantànouveaumapenderie.—Tusais,tevoirt’habillerestaussiexcitantquetedéshabiller,dit-ildoucement.—Doncjedoisconsidérerçacommedespréliminaires?jeluidemande,aguicheuse.Ilnerépondpas,maisjesourisenpartantàlarecherchedelarobeidéale.J’ai de grosses fesses,mais jem’en fous, parce quemon fiancé top canonme trouve toujours

aussijolie,jechantonnedansmatêteencontinuantmonexamen:…troppetite,tropcourte,tropsexy,tropmoche,tropfleurie,trop…parfaite!

J’attrapemarobenoireportefeuille,tirediscrètementsurletissu,remerciementalementl’inventeurdel’élasthanneetl’enfile.

Jemedandine jusqu’à lacommodeetm’empared’unepairedebasnoirs.Alorsque je lesenfileaveclenteur,jelevoisretenirsonsouffle.

—Lola,situcontinuescommeça,tunesortiraspasdecettechambreavantunbonmoment,dit-ilavecunevoixrauque.

—C’esttoiquivoulaisresterregarder,jeterappelle!jeluilanceenmepenchantpourattrapermesescarpinsnoirs.

Jesouris,fièredemonpetiteffet.—Lola…,souffle-t-il,leregardrivésurmesfesses.Mesyeuxtombentsurletissutenduàsonentrejambe.Ilselèveets’approchedemoisansmequitterdesyeux.Jevendraismonâmepourceregard…Il s’arrêteàquelquescentimètresdemoi. Je sens sachaleurm’envahir, sonodeur si familièreet

réconfortantem’entourer.Ilcaressemajoueduboutdesdoigts.Jefermelesyeux.Jemedemandesijemelasseraiunjourdesescaresses,desesregards,deseslèvressidouces…Saboucheseposesurlamienneetjemelaisseemporterparcebaiser,dur,sensuel,excitant.Ils’écartedemoiàboutdesouffle,sonfrontcontrelemien.—Lola,ilfautvraimentqu’onyaille,chuchote-t-il,lesyeuxencorefermés.Jedéposeunlégerbaisersurleboutdesonnezetluilance,espiègle:—Tuessûr?Ilouvrelesyeux,esquisseunsourireetfinitpardire:—Vousêtesdiabolique,mademoiselleMorell.—Et vous, vous êtes à croquer,monsieurWalker, je sors en lui pinçant les fesses avant d’aller

mettremonmanteau.—Letaxiestdéjàlà,déclare-t-ilenmetendantmonportable,mesclésetmonsacàmain.

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—Vous êtes vraiment l’homme idéal,monsieurWalker ! je lance avant de lui donner un rapidebaiser.

J’ouvrelaporteetvoisletaxidémarrersousmonnez.—Etmerde!jelâcheenmemettantàcourircommeunefollederrièrelavoiturependantqueJerry

ritenfermantlaporteàclé.Heureusement,lechauffeurs’arrêtequandilm’aperçoitdanssonrétroviseur.Jegrimperapidement

àl’intérieuretattendsJerry.Unefoisaucomplet,jedonnel’adresseetnousdémarronsàtouteallure.Ehben,ilestpressé,celui-là!jerâleintérieurement.Jerryattrapemamainetydéposeunlégerbaiser,cequimecalmeinstantanément.Jesuisfolledecethomme…NousarrivonsavecquelquevingtminutesderetardauPlazza,oùsedéroulelafêtedefind’année

deHEH.J’aibiensongéàmedéfiler,maisimpossible.DepuisledécèsdemonancienP-DG,riennevaplus

danslaboîte.Leconseild’administrationlicencieàtourdebrasaveccommeprétexte«c’estlacrise».Elleabondos,cettesaletédecrise,àmonavis!Enfinbref,toutlemondeestsurlasellette,d’oùuneambiancebienpourrie.Engros,c’estlafiestaderêve…Touslesemployésaffichentunsourirecrispéetdiscutentàvoixbasse.Onsecroiraitàuneveillée

funèbre.Je ne peux même plus me moquer de mes collègues qui ressemblaient à des Barbie, elles ont

presquetoutesétélicenciées.C’estvraimentnul.Onnepeutpasdirequ’ellesétaientcompétentes,maisunebimbo,çaégailletoujourslepaysage.

Tiens,enparlantdetrucinutile…—Natacha!jem’exclameavecmonsourireplus-faux-cul-tu-meurs.Mabossrefaitedespiedsàlatêtes’approcheenreluquantouvertementJerry.Ben,vas-y,tegênepas,vieillemorue!Ellem’examineavecunlégerairdedégoûtenarrivantànotrehauteur,puissonregardrevientsur

Jerry.—Vousêteslà!Quellemerveilleusesurprise!s’écrie-t-elleenlesaluantavecungrandsourire–

rectification:aveccequidoitêtreunsourire.Elleesttellementrefaitequejenesuispascertainequ’ellepuissefermerlesyeux.—Oui,maintenantquejepeuxànouveaumedéplacer,jenecompteplusquittermabelleLola,lui

répond-ilenmejetantuncoupd’œil.Etvlan,vieillebique,ilestàmoi!—C’esttoutdemêmeterrible,cemalheureuxaccidentdevoiture,souffleNatachaenbattantdeses

fauxcils.—Oui,cegenredechoseesttristementbanal,répondJerryavecunhochementdetêteaffecté.Des fois, jemedis qu’entre sonphysiquede star et sa facilité àmentir, il aurait été un très bon

acteur.En vérité, il n’y a pas eu d’accident de voiture, mais il a bien fallu inventer une histoire pour

expliquer pourquoi Jerry s’était fait passer pour le P-DG deHEH – et accessoirement sa blessure –lorsqu’iladécidéderesteravecmoi.

Jemevoyaismalraconterqu’enfait,c’étaitunagentsecretquienquêtaitsurmoiàcaused’unvold’informations ultraconfidentielles, qu’il avait été blessé par sa chef à la coiffure de Playmobil etqu’aujourd’hui,ellecroupitenprison,avecdestasd’autresterroristessuperdangereux.

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Donc,ensomme,pourtousceuxquinesontpasaufaitdemespetits(voiregros)secretsdefamille,Jerrytravaillepourlesassurances,s’estfaitpasserpourleP-DGafind’enquêtersurlamortdeJosephHamlish–quiestbeletbienmortd’unecrisecardiaque–et,malheureusement,moncherettendreaeuungraveaccidentdevoiture,d’oùsonhospitalisation.

—Etvousreprenezvotretravailbientôt?l’interroge-t-elleenluitripotantlebras.—Pourlemoment,jenesaispas.Jeveuxprofiterdemafuturefemmeetpartageravecelletousles

momentsdesagrossesse,dit-ilencaressantdoucementlelégerarrondidemonventre.Cen’estpascomplètementfaux:Jerryestofficiellementàlaretraite.Saufqu’ilafaitlademande

pourunposteadministratifaubureaudeNewYork.Jecroisquel’idéederesteràlamaisons’occuperdubébénel’enthousiasmepasdesmasses.D’ailleurs,c’estplutôtamusantdevoircethommecapablededésamorcerunebombenucléaireetdesauverlemondepaniquerfaceàunbébé.Ildoutedesescapacitésàêtreunbonpère,maispasmoi.

Jesuiscertainequ’ilvaêtremerveilleux.Desfois,jemeprendsàimaginermonaveniravecJerry.Jelevoistorsenu,notremagnifiquebébé

assoupi contre lui, repu de tout cet amour que nous lui portons. Il le dépose délicatement dans sonberceauet,unefoislaportedelachambrerefermée,ilmeprendfougueusementpartout,n’importeoù…

Notrepassionseraitnotreseultémoin.—Qu’est-cequetuenpenses,Lola?mecoupeJerry.De?Merde,j’aipassuivilaconversation!JesourisetaperçoisPauletWillàcôtédubuffetquirigolent.Regardez-moicettebandedesalopardsquimelaissentgaléreraveccettegarcedeNatacha…Paulm’aperçoitetlèvesacoupedechampagneenm’adressantunsourire.Quelpetit…—Veuilleznousexcuser,Natacha,jesorsavecunrictusentirantJerryparlebras.Commeça,jen’aipasbesoinderépondre,c’estparfait!—Allez-y,jeresteaveccetrèscher…Jesuisdésolée!Jen’arrivepasàretenirvotrevraiprénom.—Jerry!jerétorqueplussèchementqu’ilnelefaudrait.—Ahoui,c’estvrai!s’exclame-t-elleenriantetenluitripotantànouveaulebras.J’aiunegrosseenviedeluitapersurlesdoigtspourqu’elleenlèvesessalespattesdemonmec.— Désolée, j’avoue que cela me coûte. Pour moi, vous resterez toujours notre brillant, fier et

autoritairesupérieur…Jerêveouellevientdesusurrerlesderniersmots?—Oui,bennon,enfait.Ilestenquêteurpourlesassurancesetils’appelleJerry!jesors,àboutde

nerfs.—Celaauraitétéavecplaisir,Natacha,maisjeresteavecmafiancée.Jenevoudraispasquel’on

melavolealorsquej’ailedostourné,ditJerryenseretenantderiretandisquejefusilleduregardlamaindeNatachaquicontinuedeluitâterlebiceps.

—Euh,oui,allons-y,jelâche,lamâchoirecrispée.Unefoisunpeuplusloin,jechuchoteàl’oreilledeJerry:—Ilvafalloirqu’ondésinfectetaveste,maintenant.—Moi,jepensaislabrûler.—Ohoui!Onlabrûledanslejardinetondansetoutnusautourdufeu!Ils’interromptetm’observe,l’airamusé.—Lola,c’étaituneblague.—Oui,tuasraison.Enplus,enpleinmoisdedécembre,onauraitfroid,àpoildanslejardin,je

sorsensoupirant.Jerrysemetàrire,meprenddanssesbrasetmeditdoucementavantdem’embrasser:

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—Jevousaime,LolaMorell,etjenesuispassûrquel’éternitéenvotrecompagniemesuffise.Quandilmelâche,jesouriscommeuneidiote.Sionm’avaitdit,ilyatroismois,quemavieressembleraitàça,jen’yauraispascruuneseconde.Ilm’arrived’êtreterrifiéeàl’idéequecelam’échappeunjour.Parfois,mêmelesplusbelleshistoiresnefinissentpastoujoursbien.

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Chapitre1

—Maman,ouvrelesyeux.Maman,jet’enprie!jehurle.Sonvisageensangreposemollementsurlevolant.Uneodeurâcredefuméeemplitl’habitacle.Je

mesensmal.Mapoitrineestdouloureuse.Jepleure.J’aipeur.Jeveuxdétachermaceinturedesécuritémaisjen’yarrivepas.

—Maman!jecrieplusfort.Ellenebougepas.Sesyeuxsontouvertset fixent levide.Pourquoiellenebougepas,sielleest

réveillée?—Jerry,melanceunevoixdouce.Marespirations’apaiseenuninstant.Unange…Unangem’appelle…J’ouvrelesyeuxetmefrottelevisage.Macagethoraciquemonteetdescendàunrythmeeffréné.

Moncœurcogneviolemmentdansmapoitrine.Ilmefautquelquessecondespourreprendrepieddanslaréalitéetcomprendreoùjesuis.

NewYork…JesuisàNewYorkavecLola…Jetournelatêteetlavoisquimedévisage,l’airinquiet.Jeresteimmobile.Jenesuispasencoreen

étatdebouger.Mesmusclessontcommetétanisés.Lolapasseunemaindansmescheveuxetlescaresseavecdouceur.Unefoisqu’ellesentquejesuiscomplètementrevenuàlaréalité,elleselovecontremoi.

Jelaserreplusfort.Soncorpsdouxetchaudm’apaise. Je ferme lesyeuxetplongemonvisagedanssescheveux,me

laissantenivrerparsonodeur.Lesbonbons…Lolaestmonunivers.Lalumièrequim’aideàsortirdemesténèbres.—Encoreuncauchemar?chuchote-t-elle.L’inquiétudeperce dans sa voix,mais je ne répondspas etme concentre sur la sensationde son

corpscontrelemien.Jerèglemarespirationsurlasienneettentederetrouverunsemblantdecalme.Ellesoupire.Jesaisqu’elleadumalàsupportermonsilence.J’aimeraisnepasavoiràluiimposerça,maisilyacertaineschosesquejenesouhaitepasluirévéler.Jenemesenspasprêtàneplusvoirsesbeauxyeuxmarronme regarder avec cet amour qu’elle seule est capable deme donner. Je ne suis pas sûrqu’ellemepardonneraitdeluiavoircachécertaineschoses.

—Rendors-toi,mapuce, je luiglisseàl’oreilleenlaserrantplusfortalorsquel’angoissedelaperdrem’étreint.

—Jerry,parle-moi,dit-elle,encoreplusinquiète.J’avalemasaliveavecdifficultéetréponds,lavoixempreinted’émotion:—Cen’étaitrienqu’unmauvaisrêve.

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Elle frotte sonnezcontre lemienetdéposeunbaiser légercommeuneplumesurmes lèvres. Jesourisetluicaresseledosjusqu’àcequ’elleserendorme.

Jesaisqu’ellepensequejevismalsagrossesse,notrefuturmariageetjenesaisquoiencore…Jelesaispuisqu’ellemel’adit–ouplutôtcrié.Je n’ose pas lui dire que ces cauchemars, c’est la routine pour moi. Et que mes démons me

rongeaient avant nous, avant tout ça.Car si je les lui révélais, je devrais lui parler de tout cequimebouffedel’intérieuretjeneveuxpas.

Las,jemepasseunemainsurlevisage.Encoreunefois,jenemerendormiraipas.Jem’éloigneunpeud’elle,glissemespiedsnushorsdescouverturesetlesposesurlesol.Jeplace

mamainsurlatabledenuit,poussesurmonbrasafind’allégerlepoidsdemoncorpssurmajambeetmelèveensilence.Jeclopinejusqu’àunechaiseoùj’attrapemonpantalondepyjamaetprendsappuisurlacommodepourl’enfiler.Chaquemouvementmeramèneaumomentoùj’aiétéblessé,cemomentoùj’aicrutoutperdre…

Ilyamaintenantpresquedeuxmois, lorsque jemesuis réveillédansunechambred’hôpitalsanspouvoirbouger.J’aicrumourirunedeuxièmefoisquandonm’aannoncéquejeresteraihandicapéàvie.J’ai supplié Lola de me quitter, mais elle est venue chaque jour. Elle a supporté mes silences, meshumeurs, mes échecs et m’a encouragé dans mes réussites. Je devrais être heureux de pouvoir medéplacer,maisjenepensequ’àLola.

Elleméritetellementmieuxqueça.Sij’étaispluscourageux,jelalaisseraismeneruneviemeilleure,avecunhommebien,etpasun

handicapéhantépardescauchemars.Maisjenelesuispas.Jen’arrivepasàimaginermaviesansLola.Jesoupireànouveauetquittelachambreensilence,traînantmajambeinvalidejusquedanslacuisine.Jecaresselematouobèsequilèvelemuseauquandjepasseàcôtédelui,ouvreleplacard,ensorsunverreetyverseunpeud’eau.

Raspoutines’étireettrottinejusqu’àmoi.Ilsefrotteàmesjambes,meroulesurlespieds,mefaitducharme,maisjenerépondspasàsaprièrefélinequiest:«File-moiàmanger!»

—Désolé,mongros,maisonprend l’aviondansquelquesheures et tudois être à jeunpour tescachets.

Jefroncelessourcilsenleregardant.Ilsemblecarrémentvexé.Ilauraitdesmains,ilmeferaitundoigtd’honneur.

—Tuasledroitd’êtreencolère,maisc’estcommeça!Ilm’observeavecsonairdefélinsupérieuretrepartensedandinant.Jecroisquecechatnem’aimepas.Au départ, ça allait, mais depuis que j’ai emménagé ici, c’est la guerre. Il a pissé dans mes

chaussures, fait sesgriffes surmespantalons,etparfois, il se tapitdansuncoinetm’attaquequand jepasse près de lui. Franchement, se faire attaquer le mollet par un chat obèse handicapé, c’est aussihilarantquepathétique…

Lola pense qu’il est jaloux et a décidé que je devais apprivoiser la bête.Donc c’estmoi qui lenourris.C’estcensécréerunlien,maisjenesuispascertainqueçasoit trèsefficace.Ilvientmevoirquandilafaim,maisilcontinuedemefairedescrasses.

Jeboisunegorgéed’eauetmerendsdanslebureau.Jeconfirme:cechatnem’aimepas.Ilachiésurletapis!Jeretournedanslacuisine,croiseRaspoutinequim’observe.Unmoment,j’aimêmel’impression

devoirs’étirerunsouriresadiquesursesbabines.Quellesalebête!Pourmevenger,jepousseungros«bouh!»,etilsecarapateencourant.

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Jenettoietout,etmedemandesilebébém’aimeraousij’aurailedroitàunRaspoutinebis.J’entendslaportedelachambregrincer.Benvoyons,CatzillavadormiravecLola,histoiredesefairedorloter!Jecroisquejenel’aimepasnonplus,enfait.Jesoupire,tireunechaiseetm’yinstalleengrimaçant.Majambeetmondosmefontmal,maisje

mefaisuneraison.Çaseracertainementlecastoutemavie.Alorsautantm’yhabituer…Toutcommeauchatobèse!J’observedistraitementlesaffairesentreposéesautourdemoi.Cebureau,c’estleseulendroitoùje

mesentevraimentbien.Enplus,normalement,Raspoutinen’apasledroitd’yentrer.Maislabestioleestfourbeetsaisitchaqueopportunité…

Jeposeleverresurleboisbrutetmefrottelesyeux.Machinalement,j’attrapemonportableetvoisuntextodeDamien.

Quandtuarrives,ilfautqu’onparle.D.

Çan’augureriendebon…Jediraismêmequec’estcertainementlaraisondesondépartprécipitédeNewYork…Jenesaispascequ’ilmeveut,maismaplaceestavecLola.Donc,quoiquecesoit, ildevrase

débrouillersansmoi.J’aidemandéuneplaceàl’AgenceàNewYork,untravaildebureautranquille.J’attendstoujours

leurdécision.Jenesaispascequeçadonnera.Cegenredeposteesttrèsconvoité,etenplus,laretraiteanticipéem’a déjà été accordée.Mais j’ai de bons états de services qui devraient entrer en ligne decompte.

Audépart,jepensaisretournervivrechezmoi.Leproblème,c’estquecefameux«chez-moi»tientplusd’unecabanequed’unevéritablehabitation.LolatravailleàNewYork,vitàNewYork,doncmaplaceestàNewYork.Saufquejen’aimepascetteville.J’aimejardiner,pêcher,j’aimelegrandair,etàNew York, on en est vraiment loin. Et comme pour me le rappeler, on a commencé à regarder lesappartements.Jesaisbienqu’avecl’arrivéedubébé,ilnousfautplusd’espace.Maisj’ail’impressionde renierunepartdemoi.Àchaque foisque je regarde l’unedesannoncessélectionnéesparLola, jepenseàmacabane,àlaviequej’aimeraisoffriràmafamilleendevenir,loindesbuildings.

Ilvafalloirquejemefasseuneraison…Pourlemoment,SafiavitavecMattenCalifornie,donconnesepressepas,onatoutl’appartement

pournous.Enplus,aveclespréparatifsdumariageetmesséancesdekiné,nousn’avonspasvraimenteuletempsdenousmettreàrechercheractivement.Maisjesaisqu’aprèslemariage,illefaudra…

Jesoupireetmonregardtombesurletiroirdubureau.Indécis,jel’observeunmoment,puisfinispar l’ouvrir et en sors l’invitation que j’aimise de côté il y a déjà quelques semaines. Je l’examine,effleuredudoigtleslettrescalligraphiéesethésiteencore,commetouteslesnuitsdepuisdessemaines.Jem’appuiecontreledossierdufauteuil.Dansquelquesheures,nousnousenvolonspourlaFrance,alorssijeveuxlaposter,c’estmaintenantoujamais…

Jamais…Unelarmerouledoucementlelongdemajoueets’écrasesurlesol.C’estcequejem’étaispromis,

etpourtant,maintenant…Toutçan’aplusaucunsens.Mavie a pris un tournant inattendu.Lola l’a changée indubitablement.Alors pourquoi devrais-je

vivreavecce«jamais»?Peut-êtreparceque siLola savait, elleneme lepardonnerait pas.Et surtoutparcequ’il est trop

tard,maintenant.

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Lemot « famille » siffle dansmes oreilles en continu.Rageusement, j’essuie une autre larme etrangel’enveloppe.

Jenepeuxpasprendrelerisquedetoutperdre.C’esttroptard…Je regarde mon portable, 7 heures. Je me passe une main sur le visage et me relève

douloureusement.Jejetteunderniercoupd’œilautiroircontenantl’invitation,hésiteencore,maistrouvelaforcedem’endétourner.Jefermeprécautionneusement laportedubureauderrièremoietmedirigevers la cuisine. J’ouvre l’eau froide, m’asperge le visage et en verse dans la bouilloire. J’entredoucementdans lachambreetvoisRaspoutinequimeregarde, l’airdedire :«C’estmoiquipionceavecelle,connard!»

Saletédechat!Jem’approchedeLola,maisçaneplaîtpasàCatzilla,quicommenceàgrogner.Maisbonsang,quellesalebête!Pouraffirmer sa supériorité, il luimontedessuset commenceà ronronner en lapétrissantde ses

pattes avant. Instinctivement, Lola le caresse. Raspoutine m’observe, l’air moqueur, et continue sonmanègeenbavantlégèrement.J’approchemamainpourlaposersurlevisagedeLola,maisCatzillamemetuncoupdepatte.

Iln’yaplusqu’unesolution…Je me rends dans la salle de bains, attrape mon arme secrète, la recharge et retourne dans la

chambre.CatzillaestroyalementaffalésurLola,quidorttoujours.Confrontationvisuelle…J’attrapelevaporisateuretarroselabête.Raspoutines’enfuitencourant.Sonchariotémetunbruit

retentissantquandiltombedulit.Lolaseréveilleensursaut.Jecachelevaporisateurderrièremondosetluisourisavectendresse.

—Tuasbiendormi?jedemandeinnocemment.—C’étaitquoi,cebruit?m’interroge-t-elleenregardanttoutautourd’elle,lescheveuxdanstous

lessens.—Quelbruit?—Qu’est-cequetuasfaitàcepauvreRaspoutine?mequestionne-t-elleencroisantlesbrassursa

poitrine.«PauvreRaspoutine»?!Rienqueça!Cechatestfourbe!Et,bonsang,quej’aimelesseinsdeLola…Je tente de me concentrer sur autre chose que sa poitrine à peine contenue par sa nuisette et

réponds:—Absolumentrien!Ellenemecroitpas.Ellem’observe,unsourcil relevé.Jen’aimepasquandelleaceregard,ce

n’estjamaisbonsigne.—Ettoi…tuasbiendormi?reprend-elleententantd’avoirl’airdétaché.Jenerépondspas,elleconnaîtdéjàlaréponse.—Jerry,pourquoitunemeparlespas?dit-elledoucementens’asseyantauborddulit.—C’estjusteuncauchemar,Lola.—Maisçarevienttouteslesnuits!Jemeperdsdanslacontemplationdusol.Jenesupportepasdevoirsesbeauxyeuxinquiets.—Jerry,onpartdansquelquesjoursettun’asinvitépersonneaumariage.—Nousenavonsdéjàparlé.Jen’aipasdefamille,c’estaussisimplequeça.

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—Tucriespendanttescauchemars,commence-t-elle.Tul’appelles.Jesouffle,agacéparletourqueprendlaconversation.—Tucries«maman»touteslesnuits,Jerry,continue-t-elletristement.—Elleestmorte,Lola.Iln’yariendeplusàdire.C’estçaquetuveuxsavoir?Mamèreestmorte,

etjeneveuxplusenparler.Jenelaregardetoujourspas,maisjelasenss’approcher.—Jevaisprendremadouche,dis-jeplussèchementquejelevoudrais.Jeme dirige vers la salle de bains,me tourne et reprends,mal à l’aise, en évitant toujours son

regard:—J’aimislabouilloireenroute.Jefermelaportederrièremoietpriepourqu’elleneviennepasmerejoindre.

***

Jeme lève etm’immobilise devant la porte de la salle de bains, lamain posée sur la poignée,hésitante.Si jen’entrepas, la situationn’évoluerapas. Je le sais.Mais jenepeuxpas le forceràmeparler…

Bonsang,samèreestmorte!Aufonddemoi,jelesavais.Touscescauchemars…Ilm’arrachelecœur,chaquenuit,avecsescris.J’avaledifficilementmasaliveetentre.Moncœurs’arrêtedebattreuninstantquandjelevoisassissurleborddelabaignoireentrainde

pleurer.Jeretiensmeslarmes,carilabesoinquejesoisforte…—Lola…jet’enprie…,mechuchote-t-il.J’avancedoucementettombeàgenouxdevantlui.J’essuieseslarmesavecmonpouceetlelaisse

nichersatêtedansmoncou.Jeluicaresselescheveuxensilencetandisqu’ilpleure.—Jet’aimeàenmourir,Lola,finit-ilparsouffler.Un frisson me parcourt au contact de ses lèvres. Je ferme les yeux et me laisse envahir par la

sensationdesonsouffledansmoncou,deseslèvres…—Jeseraipatiente,Jerry.Maisunjour,ilfaudraque…Je n’ai pas le temps de finir que sa bouche s’écrase sur lamienne. Ilm’embrasse avec tout son

amour,sondésespoir,etd’autressentimentsquejen’arrivepasidentifier.—Nemequittepas,medit-ilenaccentuantchaquemotavecunbaiser.D’ungestesûr,ilfaitglisserlesbretellesdemanuisetteetsesyeuxmedéshabillentenmêmetemps

quesesmains.—Pourquoijetequitterais,Jerry?jechuchote,lavoixlégèrementéraillée.Il s’interromptetm’observe,commesi j’étais folledeposercettequestion,commesi la réponse

étaituneévidence.—Parcequejenesuispasl’hommequ’iltefaut,Lola,répond-ilsimplement.Mes yeux plongent dans un océan en pleine tempête, mes mains frôlent ses cuisses, et je lui

demande,enrapprochantmabouchedelasienne:—Alorspourquoiveux-tum’épouser?—Parcequejenepeuxpasvivresanstoi,souffle-t-ilcontremeslèvres.—Lejouroùtucomprendrasquemoinonplus,tuserasleplusheureuxdeshommes,Jerry,jedis

avantdel’embrasseramoureusement.

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Jem’accrocheàsoncou,laissesesmainsparcourirmoncorpsavecenvieetl’entraîneavecmoisurle sol. Il finit de faire glisser ma nuisette, dénudant mon corps brûlant. Je passe mes mains sousl’élastique de son pantalon et l’enlève d’un coup sec.La douceur laisse place à l’urgence, ses lèvresarpententmoncorps,sesdoigtss’enfoncentdansmachair.Sonsexefrôlemonintimité.Jen’attendsquelui,moncorpsnevibrequepourlui,toutmonêtreleréclame…

À bout de souffle, il plonge son regard dans lemien etme pénètre avec lenteur. J’enfoncemesonglesdanssesfesses,leforçantàmepénétrerplusprofondément.Jeluimordslalèvreetlalècheavecgourmandise.Jel’embrasseànouveautandisqu’ilvaetvientenmoi,puisparcourssamâchoireduboutdemalangue.

—Dis-le,jelesupplie,arquantledosàlarencontredechacundesescoupsdereins.Ilgémitetfinitparsouffler:—Tuesàmoi…àmoi!Ilrépètesalitanieenl’accompagnantdepuissantsva-et-vient.Ilsecambre.Jeluimordslelobedel’oreilleetjouisenmêmetempsqu’ilsedéverseenmoi.—Rienqu’àtoi…,j’ajoute,àboutdesouffle.Il pose son front contre le mien. Son torse frôle ma poitrine à chaque inspiration. Mes jambes

ceignentsatailletandisquesonsexeresteenmoi.Nousdemeuronsainsi,l’uncontrel’autre,etpourlemoment,c’esttoutcequim’importe.

Laisse-moiunechance…Parle-moi,jelesuppliesilencieusementenleserrantplusfort.Justeunechance…

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Chapitre2

Jeudi12décembre

Jeplieetdépliemesjambesavecunegrimace.J’aimalpartout,c’esthorrible…Jem’étire tantbienquemal,mais il fautque jemerendeà l’évidence :çanefaitaucuneffet.Je

savaisquelevoyageallaitêtrelong,maisjenepensaispassouffrirautant.—Çava,Jerry?medemandeLolaenlevantlesyeuxdesonmagazine.—Trèsbien,jeluimensavecungrandsourire.Duboutdesdoigts,jetraceunchemininvisiblesurlapeaunuedesesbras,ydéposeunlégerbaiser

etsouris.Rassurée,ellereplongedanssalecture.J’admireuninstantsesbouclesblondesquitombentsursesépaules,sesdouxyeuxmarron,seslèvrescharnuesquej’aimetantembrasser…

Lolaestmonmonde,etj’aitantbesoind’elle…Jel’aimetellementque,parfois,çamefaitmal.Aussimalquecetteputaindejambequinem’obéitplus…Je l’aime tellement que je suis prêt à traverser l’océanpour qu’elle soit àmoi pour l’éternité, à

affrontersafamillededégénéréset,pouruneraisonquim’échappeencore,àaccepterdeneplusboireunegoutted’alcool.

Elleadécidéquepuisqu’ellen’yavaitplusdroit,çadevaitêtremoncaségalement.Donc,j’aibeaunepasêtreenceinte,vivelejusdepapayebio…

Unfrissonmeparcourtàl’idéedecequim’attendcesprochainsjours.Jen’airiencontresafamille,vraiment.Ilssontcharmants…àleurmanière.Leproblème,c’estquecesentimentn’estpaspartagé.Damienn’apasaiméquejemettesasœur

enceinteaulieudelaprotéger.Etsurtout,ilyalepèredeLola.Bon sang, rien que d’y penser, j’en ai des sueurs froides. Il n’a pas franchement apprécié que

«j’omette»deluidemanderlamaindesafille.Ànoterqu’ilaquandmêmesoulignémonbonsensdevouloirépousersafilleaprèsavoir«profité»d’elle.

Oui,«profité».Carpoursonpère,Lolaest l’innocencemême,etmoi, lediableenpersonne.Àcroirequejesuisallélakidnapperdansuncouvent…

Laquestionquim’obnubileest:«Va-t-ilordonnerdemedescendreaumomentoùmonpetitorteilvafoulerletarmacmontpelliérainouva-t-ilchoisirdemetortureravant?»

Jemepasseunemainsurlevisageetregardemamontre.Plusquequelquesheuresetnousyserons…Lolasepelotonnecontremoietmesyeuxtombentsursabague.

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Jenesaispassijelahaisoul’adore,cettefoutuebague…J’avoue que, quand je l’ai achetée, je ne pensais pas… enfin… je nem’attendais pas à tout ça.

Normalement,monhospitalisationdevaitdurerplus longtemps,mais ilyavait lemariagedesamisdeLola,PauletWill. Jesavaisqueçacomptaiténormémentpourelle,donc j’aidemandé–rectification,supplié –aumédecindeme laisser sortir.Sur le cheminpourme rendreà la cérémonie, j’aivucettebijouterieetlabague…Enlavoyant,j’aipenséàLolaetjel’aiachetée,toutbêtement.

Ensuite,leschosesnesesontpaspasséescommeprévu.Jesuisarrivédanslagrandesalleetj’aivuLola.Moncœurnes’enesttoujourspasremis!Elle

étaitmagnifique…,jemesouviens,ensouriantcommeunabruti.C’estunebellefemmeentempsordinaire,maiscejour-là,elleétaitparfaite…Etc’estlasoiréequ’elleachoisiepourm’annoncerqu’elleétaitenceinte…Saufqu’onn’annonce

pasçacommeça!Onattendunmomentplusintime,pluscalme,etpasjusteavantunecérémoniedemariage!Etpas

justeaprèsqu’unhommeaachetéunebaguesansréfléchir!Évidemmentquej’aipaniqué!Jeneregrettepas,maisjenem’imaginaispas…Bordel,jen’enrevienstoujourspasqu’elleaitdit

«oui»–etsurtout,quej’aioséluifaireunedemandeenmariageaussimerdique!JenesuispaslemecleplusromantiquedelaTerre,maislà,franchement,c’étaithorrible.Bon,àmadécharge,rienn’étaitprémédité.Jepensaissincèrementluioffrirlabagueetpuis…ehbien,enfait,c’esttout.Au lieu de ça, jeme retrouve dans un avion destination la France à prier pour que son père ne

m’arrachepaslescouillesàmainsnues.Jenecomprendstoujourspaspourquoionnepeutpassemarieràlamairieetpuisbasta.Untruc

simple,enclair.Non,ilfautqu’onaillechezsesparents,qu’onsemariedanslamêmeéglisequ’eux,qu’onsetape

safamilleaugrandcomplet,sesamies,lesamisdesafamille…Bon,onsentleséjourquim’emballe!Pourquoifaut-ilqueçasoitsicompliqué?Elle,moi,quelqu’unpournousmarieretc’estbon!On

n’apasbesoindeplusdedeuxcentspersonnes,d’assortirlesdragéesauxfaire-part,quieux-mêmessontassortisauxfleurs,quielles-mêmessontassortiesàlarobe.

Unsacrébordel,quoi!—Tuvasvoir,lamaisondemesparentsestgéniale,tuvasadorer!melanceLolaavecunevoix

aiguë.Elleplonge sesbeauxyeuxdans lesmiens, semord la lèvre, la relâcheetypassedoucement sa

langue.Jesuishypnotiséparsalangue,sabouche,sesseinshautsetbienrondsmoulésdanssonminuscule

débardeur…Bon,OK,iln’estpasminuscule.Maisàmesyeux,si.Unsourireencoinfendmonvisageetmonregardnesembleplusvouloirquittersesseins.Ellevamerendrefou…,medis-jeensentantmonentrejambeprendreduvolume.Lolaposedoucementsamainsurmacuisseetlaremontelégèrement.Ellesepenche.Jefermeles

yeuxquandsapoitrinesepressecontremonbras.Ellecollesabouche toutprèsdemonoreilleetmechuchote:

—Tuessûrqueçava,Jerry?Samainparcourtmacuisse,s’arrêtetoutprèsdemonsexe.Bonsang,quec’estexcitant…ettellementfrustrant…—Jetetrouve…tendu,continue-t-ellesansbougersamain.

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Justeunpetitcentimètre…—Tudevraispeut-êtrealler…terafraîchirunpeu,non?—Lola…,jesouffleententantdemeconcentrerpournepasluisauterdessus.—Situveux,jepeuxt’accompagner.Jemedécalelégèrement.Samainglissesurmabraguette…—Aprèstout,monfiancéestensouffrance…Elle me mordille le cou, se lève et se dirige vers les W-C en roulant des fesses, aguicheuse.

Plusieurshommesseretournentsursonpassage,etunetrès,trèsgrosseenviedeleurarracherlatêtemeprend.

Etilyenaquiinsiste…Espècedeconnard,va…Elleestàmoi,etenceinte!Jefermelesyeuxettentedeconsidérerlasituation.Jesaisque jenedevraispas lasuivre.Lolaestenceinte,nousnesommespasdesanimaux,nous

allonsatterrir,avoirunechambre…Maiselleestdéjàauxtoilettesetellem’attend.Probablementnue…Lesfessesoffertes…Jemelèveavecunlégersourireetavanceàmontourlelongdesrangéesdesiègestropserrées.Je

n’aijamaisditquej’étaisunsaint!Surtoutquandils’agitdeLola…Jefaissemblantdetrébucheretmetsuncoupdecoudedanslatêtedumecquiluiamatéleculavec

insistance.Enmerelevant,jeluienmetsunautrepourlaforme.Jemarmonneuneexcusequin’enestpasuneetreprendsmonchemin.Jejetteuncoupd’œilauxalentours.Personneneregarde.JemefaufiledanslesW-C.Jen’aipasle

temps de dire quoi que ce soit que Lola se jette sur moi et m’embrasse avec passion. J’en perdsl’équilibreetmondosheurtebrutalementlaporte.

—On…Lolamecoupelaparoleparunnouveaubaiser.Bonsang,ellevavraimentmerendrefou…,medis-jealorsqu’ellefrôlemontorseets’agenouille

devantmoi.Elledéfaitrapidementmonjeanetbaissemoncaleçon.Monsexe sedressedevant elle. Iln’attendplusqu’elle. Il est à sesordres, etmoi, je suis à ses

pieds.Ellemejetteunderniercoupd’œilmalicieux,etj’arrêtederespirerlorsqueseslèvreseffleurentmonsexe.J’inspirebruyammentalorsqu’ellesuçotedoucementmongland.

Jemesensdéjàprêtàexploser.Ellefaitcourirlapointedesalanguelelongdemonérectiontoutenresserrantsonétreinteavecsa

main.Quand,enfin,ellemeprenddanssabouche,jelâcheunjuron.—Lola…,suce-moifort,jelasupplieenrejetantlatêteenarrière.Jenesaispascequim’exciteleplus,ladoucetorturedesalangueetdesaboucheoulefaitqu’elle

yprenneduplaisir.J’emmêlemesdoigtsdanssesbouclesblondes,laforçantàmeprendretoujoursplusprofondément.

Satêtevaetvient,suivantlacadencedesamainquim’empoignetoujoursplusfort.Soudain,elles’arrêtepour faire courir sa langue le long demon pénis, le lape goulûment.Mon sexe enfle. Je cherchemonsouffle,j’ail’impressiondemenoyer.

C’esttrop…—Lola,tumerendsdingue…J’aibesoindeplus…Jepressesa têtecontremoietonduledeshanches,allantetvenantdanssabouche, tandisquesa

mainsaisitmesboursesetlescaresseavecdélicatesse.

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—Lola…,jegémisavantdejouiràenperdrelatête.Monspermecouledanssabouchetandisquejecontinuedelapilonnerimpitoyablement.Monsexe

palpite,faisantéchoàmonplaisir,sedéversantparà-coups.Jerouvrelesyeuxetmedélecteduspectacle.Lolalèchedoucementmonérectionquinesemblepas

vouloirredescendre.J’aienvied’elle…d’êtreenelle…Jepassedoucementmamainsoussonmentonetplongedanssesmagnifiquesyeux.Bonsang,quej’aimecettefemme…Elleserelèveetjel’embrasseavecpassion.Jegoûteseslèvres,sabouche,m’enivrantdemongoût

partoutenelle.Jedéboutonnesonjeanetregrettequ’ellen’aitpasmisunejupe.Jemeséparequelquessecondesdeseslèvrespourdescendresaculottelelongdesescuisses.

—Tuneladéchirespas,celle-là?m’interroge-t-elle,mutine.—Mafiancéem’a interditdedéchirer lesculottes, jecommenceendéposantun légerbaisersur

l’intérieurdesacuissedroite.Jeremontelelongdesoncorps,laissantmesmainsparcourirchacunedesescourbes.—Etjel’écoutetoujours,jefinisparsoufflercontresabouche.Elle me sourit, amusée. Je frôle ses lèvres des miennes, pose mes mains sur ses hanches et la

retourne.Elleémetunpetitcridesurpriseetappuiesa têteenarrièrecontremonépaule tandisquejecaressesonventrelégèrementarrondi.

J’aimevoirsoncorpsquisemétamorphoseaufildesjours,medis-jeenparcourantsanuqueavecleboutdemonnez.

J’attiresesfessesenarrièreetluichuchote,leslèvresprèsdesonoreille:—Jevaistebaiserfort,Lola.Jeviensdejouirdanssabouche.Jedevraisêtrerassasié,maisaucontraire,jebrûleencoreplusde

désir.Jecommenceàlapénétrerdoucementetmefigequandj’entendsquelqu’uncogneràlaporte.Merde!Lolaseredresseinstantanémentetremontesonpantalon,lesjouesenfeu.Ellesemblechercherune

issuependantquejemerhabilletantbienquemaldanscetespaceminuscule.—Madame,monsieur,ilfautsortir,nouslanceunevoixféminineàtraverslaporte.Je vois Lola blanchir, rougir et blanchir à nouveau tandis qu’elle boutonne son pantalon en

tremblant.—Jecroisqu’ondevraitl’écouter,jechuchoteavecunegrimace.Droitecommeunpiquet,Lolahochelatêteetouvrelaportesurl’hôtessedel’airquiattendjuste

devant,lesbrascroisés.—Désolé, jemurmure, alorsqueLolapartpresqueencourant rejoindre saplace sous le regard

amusédesautrespassagers.Jeregagnemaplaceàmontour,adresseaupassageunsourire–quiestenfaitunavertissement–au

mecquiamatésesfessestoutàl’heure.Situreposestesyeuxsurelle,jetelesarrache!JesuistentéderirequandjeretrouveuneLolarougecommeunetomateetpresqueenboulesurson

siège.Jememordsleslèvres,luiprendslamainetdéposeunlégerbaiserdanslapaume.—Jevousaime,LolaMorell,jeluiglisseàl’oreille.Elleseredresseàmoitié,meregardeetsemetàpouffer.Jenemeretiensplusetmemetsàrirede

bon cœur avec elle. Je finis par l’embrasser sous le regard réprobateur d’une vieille dame qui nousdévisageencore.

—Jet’aime,JerryWalker,mesouffle-t-elleenplaçantmamainsursonventre.Elleposesatêtesurmontorseetjefermelesyeuxensouriant.Encetinstant,jesuisl’hommeleplusheureuxdelaTerre…

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—Jerry,mesouffleLolaàl’oreille.J’émergedoucementetmefrottelesyeuxdesdeuxmainspourmeréveiller.—Onvaatterrir,m’annonce-t-elleavecungrandsourire.Jemerenfrogneetcalematêtecontrel’appui-tête.L’espaced’uninstant,j’avaisoubliélaFrance,lemariage,sonpère…Jejetteuncoupd’œilàLola.Elleestaussiheureusequejesuisangoissé.Jemesouviens,lesoirdumariagedePauletWill…Labagueaudoigtetdéjàmonsortétaitscellé.

Nousavionsàpeinefranchileseuildelasallederéceptionqu’elleavaitdégainésontéléphone.Troiscrishystériquesplus tard, samère, sonpère et ses frères étaient au courant.Ensuite, j’ai eudroit auxphotos.Bague,diamant,mainavecbague/sansbaguesur leventre,mains jointes–maispasn’importecomment:ellesétaientartistiquementjointessurleventre…

Unefoislaséancephototerminée,elleatoutmissursonFacebook,Instagram,Twitteretd’autresréseauxsociauxdont jen’avais jamaisentenduparler.J’aieuplusieursfoisenviede luidirequ’onnevoyait absolument pas qu’elle était enceinte, mais j’ai préféré me taire, pour ma sécurité et pourpréservermonaudition.

Commentunsipetitboutdefemmepeut-ilproduiredessonspareils?Elleadûsacréments’entraîner.Jenevoispasd’autresexplications.— J’espère que tout va bien se passer, souffle-t-elle, soudainement inquiète, alors que l’avion

amorceladescente.Jeluiprendslamain,laserrelégèrementetluidisd’untonréconfortant:—J’ensuiscertain.Regarde,nousavonsquelquesjoursdeplusqueprévupourtoutpréparer.Lolaadûharcelersachefpourpouvoirprendredesjoursdevacancessupplémentairesenvuedu

mariage.Elleavaitdéjàutilisétoussescongéslorsquej’étaisàl’hôpital.Natachaamystérieusementfiniparcéder,et luiamêmeaccordéun jeudietunvendredisupplémentaires.Onnediraitpascommeça,maisjesuisincroyablementcontentdepouvoirprofiterdelaFrancequelquesjoursenplus,ouais…

NotreavionatterritetLolatapedesmainsensautillantsursonfauteuil.L’instantdevéritéapproche…J’inspireungrandcoupetmesens…presqueprêt.Non,enfait,jenemesenspasprêtdutout!Quandjepartaisenmission,j’étaisarmé,aumoins!Lolaestlittéralementsurvoltée.Ellesautedanstouslessensetsonsourirenesemblepasvouloir

disparaître. Jeclopineaussivitequepossiblepour récupérer lesvalises,maisquand j’atteinsenfin lecarrousel,Lolaadéjàsaisiunchariot,lesvalisesetlacagedeRaspoutinequipioncetoujours.

Pendantuneseconde,jel’envie,cettesalebête!Jemerenfrogneetmamauvaisehumeuraugmenteàmesurequemafuturefemmefaitdesbondsde

joie.Jen’aimepasmesentirdiminué.Jeneveuxpasêtrelehandicapédeservice.JesuiscenséêtreJ.,le

tueursanspitiéquerienn’arrête,etaujourd’hui,jenesuisplusrien.Justeunmecquiadumalàmarcher.Franchement,entremacanne,majambeboiteuseetmafemmequis’occupedesvalises,jesuislavirilitépersonnifiée…

JetentedesuivreLolaquipousselechariot,maismesbéquillesnesemblentpasêtred’accordaveccetteidéeetjemetraîneàuneallured’escargot.Jesuistenduàl’extrême.Levoyageaétéhorrible,maiscen’estpaslemomentdememontrerfaible–j’enaiassezd’êtrefaible.Jeveuxêtreunhomme,etpasqu’onportemesvalisesetqu’onm’attendetouslesvingtmètresparcequejen’avancepasassezvite.

Enfin,j’essaie,maisc’estpasgagné.Jetournelatêteetaperçoisunevieilledameavecunecannequimeregarded’unairdécidé.

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Non,maisdites-moiquejerêve!Vas-yqu’ellemedouble!Résolu,j’accélère.Mafiertédemâleestenjeu…Elleme regarde, je la regarde,elle fronce les sourcils, je les fronceaussi.Ellene lâche rien, la

vieillepeau!J’aichaud,jetranspire,mesmusclesmefontmal,maisrienàfoutre,jetenteunenouvelleaccélération.Lavieilleleremarqueetaccélèreàsontour.

Jepeuxlefaire…Allez!Saufquec’estpeineperdue…Jesoupireetobservelavieilleclopinerdevantmoi.Elleseretourne,mejetteunderniercoupd’œiletsourit,victorieuse.Saletédevieillepeau!

Je râle encore plus quand je vois Lola quim’attend quelquesmètres plus loin, toujours avec cemêmesourire,etjememaudisdenepasêtreplusrapide,etjemaudissonsourireaussi.Enfait,non,passonsourire,parcequej’aimesonsourire,maistoutlereste,si.Etlesvieillesaussi,jelesmaudis!

Mêmelesvieillescroûtessontplusvivesquemoi,maintenant…LepèredeLolavientànotrerencontre,serresafilledanssesbraset,quandj’arriveàleurhauteur,

meregardedehautavantdemefaireuneaccolademaladroite.Apparemment, ilachoisid’attendreunpeuavantdemetorturer.

—Vouslaissezmafilleenceinteporterlesvalises?mesouffle-t-ilàl’oreille.Çacommencebien…—Allons-y,lesenfants,lance-t-il,plusjoyeux.Tamèreetmoiavonsunesurprisepourvous.«Pourvous»…Bon,detouteévidence,jesuisinclusdansleprojet.Lolaestfolledejoie,etmoi,jemesensdeplusenplusgrincheux.Sonpères’occupeduchariotet

nous partons gaiement (enfin, eux, pas moi) vers la voiture. En ce qui me concerne, je me traînelamentablementjusqu’auvéhicule.

Unefoisinstallédanslavoiture,jesouffleenfin.Jevaispouvoirreposermesmembresdouloureuxquelques instants. Je suis tellement naze que j’ai dumal à garder les yeux ouverts, mais je faismonpossible.

—Dites-noussionvousennuie,jeunehomme,grommellelepèredeLola.—Papa!Onvientdefaireunlongtrajet,jeterappelle,leréprimandeLola.— Il faudra encore attendreunpeupour la sieste, reprend-il enme jetantun regardnoirdans le

rétroviseur.—Onneprendpasladirectiondelamaison?faitremarquerLola.—Non,jetel’aidit,c’estunesurprise,répondlepèredeLolaensouriant.Unedizainedeminutesplustard,ilgarelevéhiculedevantunegrandebâtissebordéedepiedsde

vigne.Lolasortde lavoitureet sautedans lesbrasdesamère,qui l’accueilleavecungrandsourire.J’ouvrelaportièreetm’extraistantbienquemaldel’habitacle.Jetented’attrapermesbéquilles,maismondosnesemblepasvouloirseplier.Lolavoleàmonsecours,lessaisitpourmoietm’aideàsortir.Sonpèrenousobservelessourcilsfroncésetj’aicommel’irrépressibleenviedemecachersousterre.Oui, ma future femme enceinte est obligée de m’aider à sortir de la voiture, oui, je sais que c’estpathétique, et oui, j’ai conscience que ce devrait êtremoi quim’occupe d’elle et pas l’inverse…Lagorgeserrée,jerelèvelatêteettentedeprendreunairdigne.

—Çavaaller,Jerry?medemandeLolaàl’oreille.Jeladévisageetlisànouveausoninquiétude.Jehochela têteet luisourispour larassurer.Çasemblefonctionnerpuisqu’ellefrottesonnezau

mienavantdemefaireunlégerbaisersurleslèvres.Nousmarchonsjusqu’àsesparents,quisontentraindediscuteravecunhommeencostume.

Danscelapsdetemps,jedétaillelabâtisseenfronçantlessourcils.ElleressembleaumasoùLolavoulaitorganiserlaréception…Jeregardeautourdemoi,reconnaissantcertainsélémentsvusenphotos.

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Nousavionscontactélespropriétairesàplusieursreprises,maisilsnousavaientditêtrecomplets.Ilsembleraitquesesparentsaientréussilàoùnousavionséchoué.

Dèsqu’ellem’aperçoit,lamèredeLolameserredanssesbras.—Commentçava,Jerry?m’interroge-t-elleavecungrandsourire.J’ouvrelabouchepourrépondre,maisjen’enaipasletempscarellereprend:—Vousn’avezpasl’airenforme,lance-t-elleenmedévisageant,àboutdebras.—Je…,jetentederépondre.—Oui,vousêtestoutpâle!Vousprenezbienlesvitaminesàl’huiledefoiedemoruequejevousai

envoyées?—Je…,jetenteànouveauderépondre.—Lola,est-cequeJerryprendbiensesvitamines? luidemande-t-elle.Je lui trouvevraiment la

minefatiguée.—Oui,maman,touslesmatins.Maislevoyageaétélong,tusais,luiexpliqueLola,rayonnante.Satisfaite,samèrefinitparmelâcher.—Entoutcas,pasd’inquiétude,onvavousrequinquer.Voussereztoutpimpantpourlemariage!

s’exclame-t-elleenmetapotantl’épaule.Étrangement,j’endoutefort…—Mais quel endroit splendide ! s’extasie Lola en regardant autour d’elle, des étoiles plein les

yeux.Jesuiscontentquesesparentsaientréussiàobteniruneréservation.Lolaétaittellementdéçue.— Oui, ce mas…, commence à expliquer d’un ton morne le responsable, tandis que je songe

distraitementauxarrhesdéjàverséespourl’autresalle.Est-ce que nous serons remboursés ?À la fin dumonologue commercial du type, j’entendsLola

s’exclamer:—C’estgénialquevousayezréussiànoustrouveruneplacepourleweek-endprochain!—Désolé,mapuce,maisc’étaitvraimentcomplet, luiditsonpèreenaffichant toujours lemême

sourire.—Oh!lanceLola,déçue.Alorsqu’est-cequ’onfoutlà?Franchement, si c’est justepour leplaisirdesyeuxetde lapromenade,mondoss’enseraitbien

passé!—Maisnousavonsunesurprise,continue-t-ilenattrapantlamaindeLola.Samèresembleretenirsonsouffle.—Tout s’est passé si vite.On a à peine appris la nouvelle que lemariage était déjà organisé !

commence-t-ilenmejetantunregardantipathique.—Tun’asmêmepaseudefêtedefiançailles,lancesamère,visiblementpeinée.—Doncceciesttasurprise!s’exclamesonpèreendésignantlavieillebâtisse.—Nousvousavonsorganiséunesoiréederépétition.—«Répétition»?ditLola,surprise.—Onauraitpudire«fiançailles»,maisàunesemainedumariage,çaauraitétéridicule,ditson

pèreenmejetantunnouveauregardnoir.Lolasemetàsautillerentapantdesmains.Ellesejettedanslesbrasdesonpère,puisdesamère,

etmêmeleresponsabledulieuypasse,àsongranddam.—N’est-cepasmerveilleux,Jerry?s’écrieLola,complètementsurexcitée.—Oui,c’esttellement…—Généreux,n’est-cepas?Jediraismêmequevousprésenterànotrefamilleavantlegrandjour

est…approprié,mecoupe-t-ilsèchement.

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—Jevousremercie,jeconclus,froidement.—Voussavez,monsieurWalker,lafamille,chezlesMorell,c’estsacré.Nousaimonsrespecterles

traditions.EtlefaitdenepasavoirpuoffrirdefêtedefiançaillesànotreLolanousfaisaiténormémentdepeine.

C’estmoiou j’ai l’impressionqu’ilm’enveutencoredenepas luiavoirdemandé lamaindesafille?

—Jesuistrèsheureuxdefairebientôtpartiedecettegrandefamille,jeréponds,crispé.Horsdequestionque je le laissemedéstabiliser !JesuisJ.,un tueursansémotion.J’aidéjàété

torturé,affamé,enfermé,alorscen’estpaslepèredemafuturefemmequivam’effrayer!Mêmesi,encetinstant,jepréféreraisvraimentêtrearmé.Nousnoustoisonsensilenceavantd’êtreinterrompusparLolaquisautepartout,aucombledela

joie.Toutensautillant,Lolaavanceàl’intérieurdelabâtisse,suiviedeprèsparsamèrequiluiparlede

fleurs,decolombes,depétalesderoses,desculpturesdeglace…Jelessuisàmontour,sousleregardglacialdesonpère.Jefranchislesportesenboismassifetsuis

immédiatementsaisiparl’angoisse.C’estmoioucemasn’estabsolumentpasaccueillant…?Ladécorationestlourde,l’intérieurtrèssombre,etc’estsanscompterlesregardsenbiaisqueme

jettelepèredeLola.Ondiraitqu’ilseprépareàmemettreuneballeentrelesdeuxyeux.Desfrissonsmeparcourenttandisqu’unairangoissantmeparvientauxoreilles.Ondiraitqu’onégorgequelqu’un!—Riendemieuxqu’unpeud’opérapouréleverl’âme,ditleresponsableavecunsourirepincé.Si

vouslesouhaitez,nouspourronsgardercegenred’ambiancepourvotreréception.—Jenesuispascertainque…—Maisc’estsuper!mecoupeLolaavecunevoixsuraiguë.Ilfautvraimentqu’ellearrêtelejusdepapayebio…Je fronce les sourcils et explore la salle du regard. C’est joli, mais bon, ce n’est pas non plus

exceptionnel. Finalement, le principal attrait du lieu, c’est surtout les vignes qui entourent la bâtisse.Vignesquionttristemineencemoisdedécembre…Etpuis,cettemusique,c’estvraimentabominable.C’estpasunopéra,c’estuncrimeauditif!

Bon,ons’enva,apparemment,medis-jequandjevoistoutlemondesedirigerverslasortie.Jefaisdemi-touretlessuisjusqu’auparking.

—Allons,monsieurWalker,nousn’avonspastoutelajournée,melancelepèredeLolad’untonsec.

Enretour,jeleregardedurement.Qu’est-cequej’aimeraisêtreenpleinepossessiondemesmoyens…J’attraperaisLola,lajetteraisdanslavoiture,medirigeraisversl’aéroport,directionLasVegas,où

jel’épouseraisetluiferaisl’amourcommeundingue!Jesoupire.Jecroisquec’estmalbarré,etquelesneufprochainsjoursvontêtretrès,trèslongs.J’arriveenfinjusqu’àmapromisequidiscutevivementde…Enfait,j’ensaisrien.Jenecomprends

pas,jesuisnazeetelleparletropvite.—Qu’est-cequetuenpenses,Jerry?medemandeLolatoutàcoup.Oups,j’auraispeut-êtredûmeconcentrerunpeuplussurlaconversation…Elleserapprocheetmedit:—Çanet’ennuiepasderentrerseulavecmonpère?Mamèreveutquel’onaillevoirlesrobes

pourdemainsoir.Jejetteuncoupd’œilàsonpère,quisetientraidecommeunpiquetetm’observe,semblantjauger

maréaction.J’offrealorsmonplusbeausourireàLolaetluiréponds:

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—Biensûrquenon,amusez-vousbien.Lola s’approchepourm’embrasserquand sonpèreémetunétrangegrognement.Elle finitparme

frôler timidement les lèvres. Je plonge quelques secondes dans ses doux yeux marron et m’apaiseinstantanément.Samèremesalueàsontour,glisseun«Martial,soisgentilaveclui»àl’oreilledesonmari,quigrondeetsecouelatête.

Maisoui,Martial,soisgentil!jememoquementalement.Lolam’envoieundernierbaiserdeloinets’enva,toutejoyeuse,encompagniedesamère.—Nousvoilàseuls,melancesonpère.Bien.C’estdoncmaintenantqu’ilcomptemetorturer.Parceque,franchement,çarésonnevraiment

commeunemenace…—Effectivement,monsieurMorell,jeluirétorque,leslèvrespincées.Ilfaitunesortedegrimacequiressembleàunsourire.Enfait,jenesuispascertainquecesoitun

sourire.Peut-êtrequ’ils’apprêteàgrogner.Bon,jemeposerailaquestionplustard,ilfautquejemonterapidementdanslavoiture.Àpeineai-jeattachémaceinturequelavoituredémarreentrombe.Lesyeuxécarquillés,jeregardelepaysagedéfileràviveallure.

—Vous avez une conduite très sportive, je lui fais remarquer enm’accrochant à ce que je peuxtandisquelavoiturevoleau-dessusd’undos-d’âne.

—Celavousdérange?demande-t-ilenpilantàunfeurouge.J’avale difficilement ma salive, regarde les pneus fumer et me dis qu’il ne cherche qu’à

m’impressionner.Enfin,jecrois…Nous déboulons sur un chemin de terre qui semblemener à une vieillemaison.Mon corps déjà

douloureuxestballottédanstouslessenscommeunepoupéedechiffon.C’estpasbonpourmondos,toutescesconneries…Soudain,ilfreinebrutalement.Heureusement,j’aileréflexedejetermesmainsversl’avant,cequi

m’évitedemefracasserlatêtecontreletableaudebord.Jesorsdelavoitureetsuistentéd’embrasserlesol, mais j’ai peur que mon geste soit mal interprété. Discrètement, je tente de masser mon dosdouloureuxetdem’étirertoutenregardantautourdemoi,lesyeuxplissés.

Ehbien,jenem’attendaispasàça.J’imaginais… Je fronce les sourcils, jette un coup d’œil circulaire. Je nem’attendais pas à une

vieille maison perdue au milieu d’un champ. Plutôt à une forteresse avec des caméras, des hommesarmés,des…

Mais…qu’est-cequec’estquecetruc!jemedemandeenvoyantunesortede…Çaalatailled’ungrosrat,unairdepandaoudehamster…—Ehben,alors,c’estleChewbibiàsonpapa…Perplexe,jeregardelepèredeLolasebaisseretcaresserunchien/chat/rat…«Chewbibi»?—C’estvotre…?Illèvelatêteversmoietm’observeunesecondeavantdeseredresseretsedirigerverslamaison.

Je regarde à nouveau la bestiole et ne vois toujours pas de quel genre d’animal il peut s’agir. LeChewbibis’approchedemoi,merenifleetsemetàgrogner.Donccemachinestunchien!Ilcommenceàmemordillerlebasdepantalon,puisàlemordrecarrément.

—Maistuvasmelâcher,salebête!jecrieensecouantlajambe.Jefinispar l’envoyervalserets’écrasercontre lavoiture.Chewbibiseremetrapidementsurses

pattes,mefixeetgrogneànouveau.Jenemelaissepasabattre,froncelessourcilsetl’observe,leregardféroce.

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Ceseraittristequelabêtedisparaissemystérieusement.Unaccident,c’estsivitearrivé…Ilfinitpars’avouervaincuetpartentrottinantendirectiondelamaison.—Walker,nousn’avonspastoutelajournée,melancelepèredeLolaenrevenantsurleperronet

en prenant l’affreuse bestiole dans ses bras.Ehoui,monChewbibi, on rentre vite avant d’attraper unvilainrhume!

Jerêveouilparleàsonchien?Etill’appelleChewbibi?J’observe les dégâts que l’abominable chien/rat/hamster a faits à mon pantalon et y constate de

petitstrous.—Quellesalebête!jepesteenm’avançantverslamaison.J’entreetcomprendsimmédiatementpourquoiLolaaimecetendroit.Uneodeurdefeudecheminée

flottedansl’air,desphotosdefamillesontaccrochéesauxmurs.Lolaetsesfrèresàtouslesâges,medis-jeensourianttendrementdevantsafrimousse.

Sur l’une d’elles, elle porte des couettes et il luimanque quelques dents. Sur une autre, elle estdéguiséeenprincesse.

Unconstatmefrappe.C’estçaquejeveux.Jeveuxunemaisoncommecelle-là,rempliederires,debruitsetdephotosdebambins…Bon,parcontre,jeneveuxpasd’unchienquiressembleàunhamster.—Vousn’avez rienoublié?m’interroge lepèredeLolaencaressant labestiole toujoursnichée

danssesbras.Jeréfléchisunesecondeetnevoispastrop.—Vouscomptezlaisserunchathandicapédehorsdanslefroid?Etvouspensezpeut-êtrequeles

valisesvontrentrertoutesseules?Merde,Catzilla!J’aioubliélechatetlesvalisesdanslecoffre!JeretourneàlavoitureetrécupèreRaspoutinesurlabanquettearrière.Ilmeregardeetémetunlongmiaulement,dugenre«jenerisquepasdet’apprécierplus,abruti».J’entredanslamaisonaveclacage.—Quelmerveilleuxpèrevousallezfaire,melanceironiquementMartial.Jene réponds rien.Pourune fois,nous sommesd’accord. Jen’arrivedéjàpasàm’occuperd’un

chatcul-de-jatte,doncd’unbébé…—Lechauffagen’estpasgratuit,alorsfermezlaportederrièrevousetouvrezlacagedecepauvre

Raspoutine.Jem’exécuteetresteimmobilecommeunestatue.Ilm’observe,caressantsonespècedechienàla

languependantedanssesbras,etcegesteluidonneunje-ne-sais-quoidediabolique.—Ilfaudraitpeut-êtreluiremettresonchariot,vousnepensezpas?dit-il,insondable.—Leharnaisestdanslavalise,jerépondsencherchantaufonddemoilapatiencepournepaslui

dévisserlatête.—Etvousattendezquecesoitmafilleenceintequilesortelorsqu’ellerentrera?Ou jepourraispeut-être l’assommeravecmacanne.Jeprétexteraisqu’ilaeuunmalaiseetqu’il

s’estcognélatêtedanssachute…JeluirenvoiecequeLolaappellemon«regarddetueur»etaperçoisunelueurdedéfibrillerau

fonddesesyeux.—J’aifaitquelquesrecherchessurvous,votrefamilleetvosétatsdeservices,dit-iltoutensortant

unsecondchariotd’unplacard.—Sivousaviezdesquestions,vouspouviezaussimelesposer.Je ne sais pas ce qu’il a trouvé surmoi, donc je reste calme.Règle no 1 d’un agent : ne jamais

dévoilersesémotions.

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Pourtouteréponse,unlégersouriresedessineaucoindeseslèvres.IlposesondrôledechienetsortRaspoutinedelacage,quim’observe,leregardmauvais.D’ungestesûr,illuiinstallesonchariot.Unefoislibre,Catzillapartentrottinant,suivideprèsparlechien.

—Allonsdansmonbureau,Walker,lance-t-ilenpartantsansattendremaréponse.Ilsedirigevers lesalon,quenous traversonssansnousarrêter.J’y jettederapidescoupsd’œil,

curieuxdedécouvrirlelieuoùLolaagrandi.Desmursenpierre,unecheminéequisembleêtrel’élémentcentral,descanapésvertusésdisposésenL.Seullepianoestunpeuàl’écart,mêmesionvoitqu’ilatoutesaplacedanslagrandepièce.Jenesaispas,maisjeretrouveLoladanscelieu,etducoup,jem’ysensbien.Unpanentierdemurestremplidelivresdetoutessortes.Jevoisquemafuturefemmetientdesafamillesonamourpourlalecture.

Puis,jesuismonhôtedansuncouloir,etl’ambiancechangedutoutautout.Lesmurssontbordeaux,il y a toujoursdesphotos,mais l’atmosphère sembleplus froide.Auboutdu couloir, le pèredeLoladéverrouilleuneporteenbois,etjecomprendsimmédiatementquenousnoustrouvonsdanssonbureau.Unegrandetabledetravailenchênetrôneaumilieudelapièce,ornéededeuxfauteuilsenvieuxcuirmarrondisposésenface.LaseuledécorationprésenteestunephotodeLolaetsesfrèressurlaplage.Ils’installeetmefaitsignedeprendreplace.

—JerryWalker,commence-t-ilenattrapantungrosdossieravecmonnominscritdessus.Jenedisrienetl’observetournerlespagesaveccirconspectiondepuismonsiège.Ilbluffe,etjelesais.Règleno2d’unbonagent:savoirsedétacherdesonpassé.—FilsdeLaurenetToadWalker,décédésdansuntragiqueaccidentdelaroute…Touslesdeux?

m’interroge-t-il,unsourcilrelevé.—C’estcequiestindiquédansmondossier,ilmesemble,jeréponds,crispé.— Et vous êtes entré à l’Agence après vous être fait remarquer en maison de redressement.

Pourquoiyétiez-vous?— Ça doit être également indiqué dans mon dossier, alors pourquoi me poser la question ? je

demandefroidement.Ilnerelèvepaslaremarque,souritlégèrementetfroncelessourcils.—Vouscomptezledireàmafille?—Quej’aiétéenmaisonderedressement?—Luiavez-vousparlédevotrepassé?De«l’accident»,ajoute-t-ilenmimantdesguillemets.—Lolasaitquejen’aipasdefamilleetquej’aieuuneadolescencecompliquée.—J’enconclusquenon.—Cen’estpascequej’aidit.Ilmedévisage,regardeuninstantparlafenêtreetreposelesyeuxsurmoi.—Mafilleestextraordinaire,etjenesaispastroppourquelleraisonellevousachoisi,vous,pour

l’accompagnerlerestedesavie.Jetoussote,malàl’aise.C’estbien,noussommesd’accordsurundeuxièmepoint.—Votrepasséadel’intérêtpourelle,quevouslevouliezounon.Elleméritedesavoiravecqui

ellevapartagersonexistence.—Jevousl’aidit…—Vousêtesunpiètrementeur,Jerry…Ilterminesaphraseeninsistantsurmonprénom.Unfrissonmeparcourt.Pourquoiai-jelafâcheuse

impressionqu’ilensaitbienplusqu’ilnedevrait?Ilselèveetmetourneledos,tandisqu’ilregardeparlafenêtre.—Lolaaraison,ceprénomesthideux.J’espèrequevouschoisirezmieuxceluidemonpetit-fils.Jemefige.Non,c’estimpossible…

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Chapitre3

IbelieveIcanfly…MoncœurbatàunevitessefolleetR.Kellyn’arrêtepasdechanterdansmatête.J’aienviedecouinerdebonheur,maisjemeretiens.Jesuisenpleinessayagepourmagrandesoiréededemain,alorsjedoisresterdigne.J’inspire,jesouffle…J’yarrivepas.Etpuis,ladignité,c’esttrèssurfait!Dansmoinsdedeuxsemaines,jevaisépousermonSexy-Fossettes…Moi, Lola, petite, grosse, incorrigible romantique et follement amoureuse de mon rugbyman aux

alluresdetopmodel,jevaisdevenirMmeJerryWalker!Àcettepensée,jememetsàsautillersurplace.Jejetteuncoupd’œilàmamèrequiestenpleine

conversationaveclavendeuse.Toutvabien,personnenem’avue.J’espèrequeJerrynevapasavoirl’idéed’ouvrirlahoussedemarobe…Je ne veux pas qu’il la voie avant le mariage. Je veux lire la surprise sur son visage lorsqu’il

m’apercevra.J’imaginedéjàlascène…Ilm’attendradevantl’autel.Unedoucemusiqued’ambiance,unelumière

tamisée,jem’avanceversluilepasléger,avectellementdegrâcequel’onpourraitcroirequejevole.Ilmeregarde,subjuguéparcettevision.

Unange?Uneapparitiondivine?Non,justemoidansunerobehorsdeprix,coifféeetmaquilléeparuneesthéticienneauxdoigtsd’or

toutaussihorsdeprix.L’émotionselirasursonvisage.Unetensionsexuelled’uneintensitéfollecrépiteraalorsautourde

nous.Jerougirailégèrement,nousnousdirons«oui»pourl’éternité.Ilarracheramarobeetme…Je m’arrête, coupée net dans mes rêveries par la vendeuse qui m’apporte une robe de cocktail

blanche.—Elleestmagnifique,dis-jeenpassantdoucementmesdoigtssurlefintissu.—Oui.Nousl’avonsconçueàpartirdesmensurationsdevotrerobedemariée,m’explique-t-elle

avecunsourirepincéenmescrutant.—Mes«mensurations»?jerépète,ensentantvenirl’embrouille.—Oui,votremèrenousadonnéledevisdevotrerobedemariée,continue-t-elle.—«Ledevis»?Monregardpassefrénétiquementdelavendeuseàlarobe,delarobeàlavendeuse…—Ildatedequand,ledevis?jedemandeàvoixbasse.Sesyeuxontl’airdedire«d’ilyabiencinqkilos»,maisfinalement,ellechuchotesimplement:

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—D’ilyaquelquessemaines.—N’est-ellepasmagnifique!s’exclamemamère,lesyeuxbrillantsd’excitation.—Si,maman,elleest…splendide!Pourvuquejerentrededans…Mamèreladéplieavecsoin.—Etsitunousmontraiscommeelletevabien,lancemamère,lesourirejusqu’auxoreilles.Unegrimaceapparaîtsurmonvisagefaceàl’airdeplusenplussceptiquedelavendeuse.Noussavons l’unecommel’autrequejenerentreraipasdedans.Lavendeusemetendlarobeen

souriant.—Souhaitez-vousquejevousaideàlapasser?demande-t-ellepoliment.Pourquoi?T’asunebaguettemagique?Oumêmedelavaseline?—Ça va aller, je lui dis, en rêvant de lui faire ravaler son petit sourire de vendeuse trop sûre

d’elle.Je me rends donc dans la cabine pour un tête-à-tête musclé avec la robe. Je lui tourne autour,

m’étire.J’ail’impressiond’êtresurunring.Jemepréparementalementpourlecombatquim’attend.DavidcontreGoliath,Goliathétantévidemmentmonpostérieur.Jel’attrapeetl’observe,menaçante.Jetepréviens,jevaismebattrejusqu’aubout,ettunevaspastedécoudre!Jemetortille, tired’uncôté, tiredel’autre,rentreleventre, transpire,meretortille…Àforcede

gesticulationlaborieuse…j’ysuis!J’entends même des anges chanter tellement cet instant est magique ! Ou bien c’est le manque

d’oxygènequimedonnedeshallucinations…—Alors?interrogemamère,quisembletrépignerd’impatiencedel’autrecôtédurideau.—J’arrive!jechuchote,haletante.TelR2-D2enrobedecocktail,jem’avanceavectoutelagrâcedontjesuiscapablesanspouvoir

plierlesgenoux.J’adresseunsourirecrispéàmamèrequimefixe,lesyeuxécarquillés.Oui, ça peut surprendre, les coutures tendues à l’extrême. J’aimême dû enleverma culotte pour

éliminertouteépaisseursuperflue.Jesensquejenevaispastarderàdevenirbleueàcausedumanqued’oxygène.—Alors?jedemandeenpassantmesmainssurlebustierbrodé.Leregarddemamèreoscilledelavendeuseàmoi,puisdemoiàlavendeuse…—MademoiselleMorell, ilsembleraitquevosmensurationsaientchangé,sehasardepolimentla

vendeuse.—Commentça«changé»?jedemande,l’airfaussementinnocent.—Ilsembleraitque…—Tuasgrossi,mapuce, achèvemamère,quiprendenpitié lapauvrevendeuse.Tues toute…

boudinée,conclut-elleenmetournantautour.«Boudinée»?Letermeestfaible!Àchaqueinstant,messeinsmenacentdesefairelabelle.—MademoiselleMorell,larobeesttroppetite…,poursuitlavendeuse.Non,tucrois?—J’auraisdûchoisiruneformeEmpire,ditmamèreentirantsurlasoie,quiestdéjàaumaximum

desespossibilités.—Ilserait…peut-être…possible…de…Bonsang,j’enpeuxplus!J’aibesoind’air!J’arrivemêmeplusàfaireunephrasecomplète.—Lola,mapuce,cesontdeschosesquiarriventlorsqu’unpetithabitantsefaufilesouslenombril,

chantonnemamèreenpassantsamainsurmonventre.

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«Unpetithabitant»?Tuparles,vulavitesseàlaquellej’augmentedevolume,j’attendsaumoinsunsumo!

—Onnepourrapaslareprendre.Ilfaudraitlarefairecomplètement…,commencelavendeuse.J’inspire,tentededirequelquechose,maisjesuiscoupéedansmonélanpar…Oups!Là,toutdesuite,jeregrettedenepasavoirmisdeculotte.—Onvavousenchercherd’autres,ditlavendeuseenpartantpresqueencourant.—Jevais…,jecommenceenmedirigeantverslacabined’essayagedansunremakedeLaMarche

del’empereur.—Tusais,mapuce,çaneserapascelle-là,maisonentrouverauneautreaussibelle,melancema

mèreàtraverslerideau.—C’estde la fautede Jerry ! jem’écrie, en toutemauvaise foi. Il estgigantesque,y apas idée

d’être aussi grand. Et maintenant, je suis enceinte d’un bébé géant ! je continue, en essayant de medépêtrerdecettefoutuerobetroppetite.

—Ehbien,çaneveutriendire,mapuce.Damienétaitungrosbébé,etpourtant,j’aicommencéàgrossiràcinqmois.Tuastoujourseudespetitssoucisdepoids.Déjàenfant,tuétaisdodue…

Non,maisellesefoutdemoi,là?Jevisundrameexistentieletellemerappellequejesuisgrassedepuistoujours!

—Tuétaisdodue,maismagnifique!insiste-t-elle.—Maman…—Cequejeveuxdire,c’estque,mêmesitun’aspaslatailleaussifinequetulesouhaiterais,tu

seraslaplusbellemariéedumonde.J’émetsungrognementdésespéréenmanquantdetrébucher.—Net’enfaispas,onvatetrouverunetrèsbellerobepourdemainsoir.Saleté de robe… Tu te venges parce que j’ai craqué tes coutures ?!À bout de souffle, rouge,

entortillée,jemesenscommeunrôtiprêtàpasseraufour.— Mademoiselle Morell, je suis certaine que dans toutes ces robes, vous allez trouver votre

bonheur!j’entendslavendeuses’écrieràtraverslerideau.Bon,jevaisdevoirlamettreenlambeauxsijeveuxm’ensortirvivante.—Jetelaisseregarder,maman,jechantonnetoutendéchirantlasoie.Jerenfilemaculotteettentederemettre,nivuniconnu,cequisetrouvedésormaisêtredesboutsde

tissusurlecintre.Bon,ben,ça,c’estfait!—Celle-ciestmagnifique,lancemamèreenm’entendantune.—Maman,elleestrose!Onn’avaitpasditquelasoiréedevaitêtredanslesmêmesteintesque

pourlemariage?—Oui,maisiln’yapastataille,etcettecouleurfaitressortirtesjoliesjouesrebondies!Pourquoij’aitoujoursl’impressiond’avoirhuitansavecelle?Jemefaisuneraisonetlaprends.Bon,aumoins,celle-cim’ira.J’auraipasbesoindeladéchiqueterpourl’enlever.Jel’enfile,sorsdelacabineetmefigedevantmonreflet.Alors,commentdire?…Déjà,lacoupe

façontubenememetpasenvaleur,enplus,leseffetsdutissudonnentl’impressionquejesuisenrobéedansdupapiertoilettesuperluxe,etpourfinir,jesuistoutsimplementaffreuse,moche,hideuse…!Ondiraituneespècedecachalotrosededessinanimé!

—Onvoussent…,commencelavendeuse.—Enveloppée?jelacoupeenlaregardantd’unairsceptique.Nivuniconnu,mamèreprendsontéléphoneetimmortalisecetinstantdegrâce–oudegraisse,je

nesaispastrop…Sansrire,sijemetsça,Jerrys’enfuitetnevamêmepasàl’église!Ressembleràune

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pubpourLotus,c’estpaslebutdutout!—Tuesmagnifique,lancemamère,larmoyante.Lavendeuseladévisageettrifouilleunpeuletissu,genrejeferaismoinscachalotrosebonbonsile

tissutombemieux.—Maman,jenepensepasque…—Avecuncollierdeperle,unchignonhaut,ajoute-t-elleenattrapantmescheveuxetenformant

unesortedechoucroute.—JepourraisfaireconcurrenceàSueEllendansDallas,jeluiréponds,encoreplusgrognon.—Tutrouvesqueçanefaitpasassezjeune?demandemamère,l’œilpétillantd’espoir.—Euh…non,effectivement.—Tusais,mafille,çavaêtreunegrandesoirée!Tudoisêtreclasse.—Maman,j’aimepasdutout.Ondiraitunbonbonobèse.—Netedénigrepascommeça.Enplus,lesbonbonsobèses,çan’existepas.—Voussavez,siellenesesentpasàl’aise…,commencelavendeuse,avantquemamèrenelui

lancesonregarddelamortquitue.Quandelleacegenrederegard,j’aitoujoursl’impressiond’entendreungrincementlugubreetque

lalumièresetamisesoudainement.C’estcarrémentflippant.C’estmamèrequiadûinspirerCarrieàStephenKing.Pourlecoup,lavendeusesetaitetreculemêmedequelquespas.—Ondevraitpeut-êtreessayerautrechosede…moinsrose!jereprendsenmedirigeantversla

cabine.—C’estcommetuveux,machérie,melance-t-elle.Vouspouveznouslamettredecôté?demande

mamèreàlavendeuse.—Vousêtessûre?luirépond-elletoutdego.—Oui,oui.J’enenfileuneautre,jaune,puisuneautre,orange,puisuneautre,bleue…Etc’estterrible,carjemetrouvedeplusenplusaffreuse,etmamèretombeàchaquefoissousle

charme.Jesuisauboutduboutdurouleau.C’estbien,aumoins,aveclaroberose,jerestedanslethème!

…Quandjesorsdelacabineaprèsm’êtrerhabillée,jetrouvemamèreentrainderegarderdesgants

assortisàlaroberose.Jerêveouilyadescœursquibrillentdessus?…Euh,non,jenerêvepas.Ilfautquejelafassesortird’ici…—Maman,ondevraityaller.Jen’aimepasl’idéedelaisserJerrytroplongtempsseulavecPapa.—Tuasraison.Maisonpréparetongrandjour…—Oui,maissijen’aiplusdemarié,çarisqued’êtrecompliqué,jereprends,crispée.Ellesembleréfléchiruninstantetfinitpardire:—Etpuis,nousavonslaroberose!Respire,Lola…Jesuistenduecommeuneficelledestring.J’aibesoindemonSexy-Fossettes…Enespérantqu’il

soittoujoursvivant.Jecroisquemonpèrenel’aimepasdesmasses,maisalors,vraimentpasdesmasses…Saufque

j’aicommeenviedeluidire:«T’aspaslechoix,papa!»Bon,allez,plusquequelquesminutesetjeretrouveJerry…Jeremercielavendeusepoursapatienceenomettantlefaitquej’aicachélapremièrerobe(enfin,

cequ’ilenreste)sousunecompositionflorale.Enretour,ellemeprometderegardersiellenetrouvepasautrechose.

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Malàl’aise,jeluiadresseunsourirecrispéenpensantqu’ellenevapasdutoutapprécierquandellevatrouvercequej’aifaitàlajolierobeblanche.

Unefoissortie,jecourspresquejusqu’àlavoiture.—Maman,tudevraistedépêcher,jeluisorsenimaginantlavendeusenouspoursuivre,larobeen

lambeauxàlamain.—TuesbienpresséederetrouverJerry!merétorque-t-elleavecungrandsourireendémarrant.Quandnoussommesloindelaboutique,jerespireenfin.Jem’enfoncedansmonsiègeetcontemplelespaysagesdemonenfance.Parfois, jeme dis – en fait, surtoutmaintenant avec le bébé – que j’aimerais revenir vivre ici.

J’aime être entourée de ma famille, et je ne me vois pas élever mon enfant à New York. J’aimeénormémentcetteville,mais ici, jemesensdavantagechezmoi.Leproblème,c’estque Jerry sembletenir à notre vie à New York. Il veut que l’on cherche un appartement après le mariage. Il a mêmecommencéàregarderlescrèches.

Peut-êtrequesijeluimontraislesbonscôtésd’unevieici,j’arriveraisàleconvaincre…Mamèregarelavoituredansl’allée.Dèsquej’ouvrelaportière,jesuisaccueillieparRaspoutine

etChewbacca,lespitznaindemesparents.J’esquisseunlégersourirequandjelesvoisfairedesbondsdanstouslessens.Chewbaccaestlepetitchienleplusadorabledumonde.Mamèreluicoupesespoilsrouxtrèscourt.Ducoup,ondiraitunesortedepeluchetropchou.JeluicaresselatêteetenfaisdemêmepourRaspoutine,quidoitbienmesurerdeuxfoissataille.

—Alors,tuasretrouvétoncopainChewbi?dis-jeenlecaressant.—Chewbaccavaarrêterdepoursuivreleschatsdesvoisins,semoquemamère.ChewbaccaetRaspoutine,unegrandehistoired’amour!Ilssecâlinentl’unl’autreetnesequittentpasd’unesemelle,unvraipetitcouple.Mongrosmatou

estcommeunfouquandilvient,carChewbaccaestleseultrucqu’ilarriveà…Bon,enfinbref,passonssurlaviesexuelledemonchatcul-de-jatte.

JevoisJerryinstallésurlabalancelle,l’airsongeur,quinousobserveavecattention.Bordel,l’intensitédeceregardgrismeferatoujoursautantd’effet!Je me demande si un jour, ça me passera… Je suis certaine que non, me dis-je en souriant

amoureusement.Arrivéeàsahauteur,mamèrelesalueetappelleChewbacca,quinesemblepasvraimentapprécier

Jerry.Ilgrogneenpassantàcôtédelui,suivideprèsparRaspoutine,quil’ignore,lui,ostensiblement.—Décidément,tun’espasl’amidesbêtes,jememoque,quandChewbaccarevientgrogneruncoup

avantderepartirentrottinant.Jerrymesondeuninstantduregard.Bon,soitças’esttrèsmalpasséavecmonpère,soitmablague

n’estpasdrôle.J’optepluspourlapremièresolution,carjesuisl’humourpersonnifié.—Alors,cetterobe?—Jen’aipasvraimenttrouvémonbonheur,dis-jeenm’installantàcôtédeluisurlabalancelle.Nebrisonspaslamagie…Iln’apasbesoindeconnaîtrecegenrededétail.—Jerry,toutvabien?—Oui,j’avaisbesoindeprendrel’air,medit-il,leregarddanslevague.Monsourires’effacetandisquelepoidsdesessecretsréapparaît.Jenesaisplusquoifaire,plusquoidirepourqu’ilmeparle,alorsjemetais.Jeposemamainsurla

sienne.Nosdoigtss’enlacentetmonregardseperddanslerosierquibordelejardindemesparents.Puis jeme tourne vers lui et le fixe un instant. Je dépose un léger baiser sur sa joue et lui dis

doucement:

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—Ilfaitfroiddehors.Jepensaisallerprendreunbaintrès,très,trèschaud.Enplus,tumedoisunorgasme.

Jemelèveetmedirigejusqu’àlaported’entréeenmedandinant.Jeluijetteunderniercoupd’œiletlevoissourireenmedéshabillantduregard.

J’aimequandilmeregardecommeça,medis-jeenentrantdanslamaison.Ilneluifautpasbeaucoupdetempspourmerejoindreàl’intérieur.Aubasdel’escalier,ilm’attire

prèsdeluietm’embrasseavecpassion.—Rienqu’un,mademoiselleMorell?mechuchote-t-ilàl’oreilleavantdeparcourirmoncoude

baisers.Nos lèvresne sedécollentpas tandisquenousgravissons lesmarches.Sesmainscaressentmon

corpsavecenvie,etmoi,jesuisdéjàenfeu.Jeleplaquelangoureusementcontrelaportedemachambre,maissoudain,ilmerepoussebrutalement.Jel’interrogeduregardavantdemerendrecomptequemonpèreestdanslecouloir.

Jerrytoussote,malàl’aise.Pourmapart,jeresteblasée.Jesensquelebainsuperméga-hotneserapaspourtoutdesuite…

—Lola,tusouhaitespeut-êtretereposer?Tamèrem’aditquetuavaiseubeaucoupd’émotions,lâchemonpèresèchement,lesyeuxrivéssurJerry.

—Justement,Jerryetmoiallionsnousreposer.Enplus, tusais,entre l’avionet toutet tout,onabesoindese…rafraîchir.

—Jerry,votrechambreestaufondducouloir.—Pourquoiondortdanslachambredesgarçons?—Çan’estqueJerryquidortdanslachambredesgarçons.Toi,tuastachambre.—Papa,onvasemarierdansneufjoursetjesuisenceinte!—Ehbien,dansneufjours,vouspourrezdormirdanstachambre.Enattendant,Jerrydormiradans

lelitsuperposéavecAlexetMatt.N’est-cepas,Jerry?demande-t-ilavecsonairdetueurpsychopathe.—Papa,Jerryamalauxjambes.Lelitsuperposé,cen’estpasunebonneidée.Enplus,lasallede

bainsdesgarçonsesttoujourscrado…—Tuasraison.Ilseramieuxaurez-de-chaussée,surlecanapé-litdemonbureau.Enplus,ilaura

sapropresalledebains.J’aicommel’impressionquejenevaispasfairedecochonneriescettenuit…Jeregardemonpèredugenre«T’espassérieux».Enréponse,lesienmedit«Jesuistonpère,pas

dediscussion».—Jesuiscertainquetoutseratrèsbien,ditJerry,nouscoupantdansnotreconversationvisuelle.—Bonneinitiative,ajoutemonpère,sansbougerpourautant.Ducoup,Jerryposetimidementseslèvressurmonfront(oui,jedisbien«monfront»)ets’enva.J’hallucine!Je suis furieuse. Ça se voit, et surtout, ça s’entend quand je claque violemment la porte de ma

chambre.Jemevautresurmonlit,exaspéréeetexcessivementfrustrée.MoiquicomptaismeremonterlemoralavecunegrandedosedeSexy-Fossettes,c’estfoutu.Je soupire, ouvrema valise et attrapemon nécessaire de toilette tout en réfléchissant à un plan

démoniaquevisantàun rapprochementstratégiqueavecJerry.Parceque,pourdevrai,neuf jourssanssexe,c’estpaspossible,maisalorspaspossibledutout!

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Chapitre4

J’arme mes doudounes, passe les doigts dans mes boucles, étale une pointe de rouge à lèvrescouleurceriseetchaussemesescarpinsàtalonsaiguillesbleumarine.Jeprendsuneposelascivedevantlemiroir…

Jerry,laprochainefois,tuyréfléchirasàdeuxfoisavantdedonnerraisonàmonpère…C’estparti!Jesorsdemachambre,attrapelaramped’escalieretentreprendsdeledescendrecommeunenfant

quiapprendàmarcher.Bon,jesuissexy,maisalorsquandjemarche,j’ail’aircloche!Entremaminirobetroppetitequiremontesansarrêt–pourtant,j’aimisuneculotteventreplatqui

me rentredans les fesses– etmes talons trophauts, certainement inventésparun fétichistedes talonsaiguillesàtendancesadomaso,jesensquelecheminjusqu’ausalons’annoncetortueux.

Arrivéeenbasdel’escalier,jeréajustemarobe,histoirequemesfessesnes’enrhumentpas,inspireungrandcoup,débranchelesconnexionsnerveusesdemespiedsetmerépèteàplusieursreprises«ladouleur,c’estdanslatête».

Déhanchementlangoureux,GertrudeetDominique(mesdoudounes)enplace,sourirecoquinactif,jesuisprête.J’entredanslesalonenmode«jesuisunebombesexuelle»et…metordslacheville.

Jerry,quiétaitprochede l’entrée,m’attrapeauvol.Sesmainssurmeshanchessontchaudes,sesyeuxgrismetranspercent,sonregardseperddansmondécolleté…etunsoupirs’échappedemeslèvres.

J’aichaudtoutàcoup…Jeposemesmainssursesavant-braspuissantsetmesensdéfaillir.—Maisqu’est-cequec’estquecettetenue?!hurlemonpère,mefaisantsursauter.Jerrymeplaquebrusquementcontrelui.—Je…je…Ben,jenesaisplusoùj’ensuis!Je collemes fesses contre Jerry et…Oh,my«gode»! Je savais que je souffrais pour la bonne

cause!Il toussote.Visiblement, il tentedese ressaisir,mais ladiablesseque jesuisne luien laissepas

l’occasion.Jefrottemesfessescontresamonumentaleérection.Samainsecrispesurmonventre.—Lola,jet’enprie,cen’estpaslemoment,meglisse-t-ilàl’oreille,lavoixchargéed’unetension

érotiqueàfaireexploserunecentraleélectrique.—C’estpascequedittonpénis,jerépondsàvoixbasseenluifaisantunclind’œil,cequilefait

s’étoufferavec…Non,maisdites-moiquejerêve?!

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Jerrys’étrangleenavalantdetraversunegorgéedewhisky.Monexpressionaguicheuse«Viens,onvafairedesfoliesdenoscorps»alaisséplaceà«Qu’est-

cequetubois?Tuastrentesecondespourrecracheravantquejet’arrachelatête».Ilavalesasalive,regardeàdroite,àgauche…Laissetomber,mongars,tunet’ensortiraspasvivant.—Duwhisky, répond-il doucement. Il n’y avait pas de jus de goyave bio, argumente-t-il,mal à

l’aise.— Tu m’avais promis de ne pas boire jusqu’à l’arrivée du bébé ! je crie en portant

mélodramatiquementlamainàmonvisage.—Remets-toi,lagrosse,c’estjusteunverre,mejetteDamien,moqueur.Jeluilancemonregard«Mêle-toidetesfessesoujetetrucide».Etqu’est-cequ’ilfoutlà,celui-là,

d’abord?—T’essûrquetuveuxpasserlerestedetavieaveccetruc?demande-t-ilenrigolantàJerry,qui

nesemblepasapprécierl’humourdemonfrère.—Évidemmentqu’ilestsûr!jehurleencroisantlesbrassurmapoitrine.—DamienproposaitquevousalliezvoirThomas,ditmamèrepourchanger–ostensiblement–de

conversation.—Mouais,jelâche,pastrèsconvaincue.Jeneveuxpasquel’onsedisputedevantmafamille,maisjefaisbiencomprendreàJerryquenous

n’enresteronspaslà.—Non,rectification:jepensaisJerryetmoi,lanceDamien.—Commentça«Jerryetmoi»?jem’écrie,vexée.—Damien…,l’avertitmonpère.Etvoilà,jemecroiraisrevenueàmonadolescence,quandmesparentsobligeaientmesfrèresàme

trimballeraveceux.—Maman,c’estunesoiréeentregarçons!râleDamien.Non,maisjerêve!Commequoi,leschosesnechangentpas…J’aivraimentl’impressiond’avoirà

nouveauquinzeans!—Lola peut venir avec vous voir Thomas, et avant d’aller chercherMatt à l’aéroport, vous la

ramenez.Enplus,Alexdevraitêtrearrivéàcemoment-là.Donccommeça,vouslerécupérezaupassage,ditmonpère.

—OK,lecachalot.Alorsc’estparti!lanceDamienenavalantsonverred’untrait.—Ah,maisjenevoudraispasdéranger!jem’écrie,furieuse.—Non,maist’espaspossible…Ilfautquetufassesdeshistoiresdetout,s’énerveDamien.—C’estpasmoiquifaisdeshistoires,c’esttoi,Damien!—Pourtant,là,c’estbientoiquiesentraindecrier,merépond-ilcalmement.Ilmecherche…J’enlèveunechaussure.Çasentlafight.Jevaisluifairebouffersonpetitairarrogant…—Lola,m’interpelleJerryentenantmonmanteau.Jeleregardedetravers.Ilvoitpasquejesuisoccupée,là?— Je suis certain que Thomas va être ravi de te voir,me souffle-t-il enm’aidant à enfilermon

manteau.—Mouais…,jerépondsenlelaissantfairesanspourautantquitterDamienduregard.J’aibienenviedevoirThomas,etc’estpasfaux,jesaisqu’ilseracontentdemevoiraussi.—J’enaipasfiniavectoi!jemenaceDamienavecmachaussure.Pourtouteréponse,ilmetirelalangueetvamettresaveste.

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Jerechaussemonescarpinetglisseàl’oreilledeJerry:—Si,parhasard,ilvenaitàchuterd’unemanièrefortuite…—Bon,lagrosse,onyva!s’écrieDamiendepuisl’entrée.Jerryravaleunsourireetmechuchote:—Jesuisvotrehomme,mademoiselleMorell.J’émetsun rirediaboliquequi finitparune sortedegrognement etm’avance,maindans lamain,

avecJerry.DamiengarelavoitureàbiendeuxpâtésdemaisonsdechezThomasetjeregrettedenepasavoir

changédechaussures.Jesuisultra-sex’,maisalors,jemarchecommesij’étaisbourrée.—TuneveuxpasrefaireuntourducôtédechezThomasvoirsitunetrouvespasuneplaceplus

près?jedemande,pasmotivéedutoutparl’expéditionquim’attend.—Unpeudemarchen’ajamaistuépersonne,etàCarnon,c’estdifficiledesegarer,ditDamienen

sortantdelavoiture.Bon,jevaisdevoirmarcher,semble-t-il,jerâlementalement.J’ouvremaportière,m’extirpeduvéhiculeet,unefoissurmespiedsendoloris,metordspresquela

cheville.Heureusement,jemerattrapeàuneboîteauxlettres.—Çava,Lola?m’interrogeJerry,lessourcilsfroncés.Jeprendsuneposelascive,unemainappuyéesurlaboîteauxlettres,avantdehocherlatête.—Sérieux,vousêtesspace,touslesdeux!s’exclameDamienensecouantlatête.—T’as qu’à partir devant puisque tu es si pressé, je lui rétorque en adressant unemoue sexy à

Jerry,quimeregarded’unairamusé.Damien,exaspéré,finitparprendreladirectiondelamaisonsansnous.—Tuasmisdeschaussuresdanslesquellestun’arrivespasàmarcher?medemandeJerryense

plantantdevantmoi.Jeplongedanssesyeuxgris,soupireetlèvelesyeuxauciel.—Jevoulaisquetumetrouvessexy,jeluiexpliqueengrimaçant.Ileffleuremonvisagedesamain,serapprochejusteassezpourquesonsoufflechaudcaressemon

cou.—Lola, tues la femme laplusbandantede laTerre,mechuchote-t-il avantdedéposerun léger

baisersousmonoreille.Jememords la lèvrepour retenir lesourire idiotquimenaced’apparaître,maisc’est sansgrand

succès.Cethommemerendfolle…Il semet à genoux devantmoi,me soulève un pied, ôte l’escarpin, embrassema cheville et fait

pareildel’autrecôté.Ilserelèveetmesort,lafossetteautaquet:—Jenepeuxpasteporter,maisjepeuxteproposermonbras.J’accepteavecunerévérenceetnousnousdirigeonsbrasdessusbrasdessousendirectiondechez

Thomas.Unefoisdevant laported’entrée, jeremetsmesescarpinsenadressantunsourirecompliceàJerry.Puis,j’entrelapremière,etmefige.Damienestlittéralementpliéderire,sousleregardfurieuxdeThomasetunerouquinerougecommeunetomate,entortilléedansuneserviettedebainet…quisaignedunez!

Alorsça,jenem’yattendaispas!Thomassortavecquelqu’un?—Lola?s’exclameThomasenmevoyant.Ilmesourit.Wouahou!Çafaitbienlongtempsquejenel’aipasvusourirecommeça!

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Doncilssontbienensemble,aveclarouquine,etsemblentheureux…—Jecroisqu’ondérange,jelanceenriant.Larouquinemejetteundrôlederegard.Pasbesoindepluspourconfirmerqu’effectivement,ondérange.—Jevaisaller…,commence-t-elle,gênée.Ellenefinitpassaphraseetmontrelachambredudoigt.—Jeviensaussi,ditThomasenpassantlamainaubasdesondosetenlaretirantimmédiatement.J’enrevienspas…Thomasaunepetitecopine!—Prenezvotretemps,sortDamienenriant.—T’arrêtesjamais,toi,jeleréprimande.Sérieux,jen’aijamaisvuThomasavecunefille.Onpensaittousqu’ilétaitgayetqu’iln’osaitpasnousledire.Quoique…IlyaeuCatharina,sonexfollefurieuse,medis-jeengrimaçantàcesouvenir.—J.,retienstoncaniche,ilmord!répondDamien.Jeleregarde,outrée.—Jenesuispasuncaniche!jem’écrie,énervée.—Tevexepas,lagrosse,reprend-ilenpouffant.—Etjenesuispasgrosse!—Jecomprends,c’estpasfacilepourtoi.Mamannousaracontépourlarobe…,commence-t-il.Jejetteuncoupd’œilaffoléàJerry.Elleapasfaitça!?—Retirecequetuviensdedire!jehurleenattrapantunespatuledecuisinesurleplandetravail.—Ettuvasfairequoi?Jeterappellequet’esenceinte…—Maispasmoi,ditJerryenlançantunregardfroidàDamien.—Ah,tuvaspast’ymettre.C’estpasdemafautesiellerentrepasdanssarobe!Malèvreinférieurecommenceàtrembler,maisjerestedigne…Nepleurepas,Lola…—Damien,excuse-toi,l’avertitJerry.Enguisederéponse,monidiotdefrèresemetàrire.CequineplaîtpasvraimentàJerrypuisqu’il

sejettesurDamienetl’immobiliseenquelquessecondes.Sexy-Fossettes:1Damienl’abruti:0Ah,ah,ah!quej’aimemonSexy-Fossettessuperagentdanscesmoments-là!JeprofitequeDamiensoitsansdéfensepourmevengeràgrandscoupsdespatulesursesfesses.—Vilaingarçon!jesorsenlecorrigeant.Excuse-toi!Retirecequetuasdit!—Tiens,notrecoquinoudefranginenafiniavecsarouquine!lâcheDamien,sarcastique,latête

contreletapis.Oups!Jedonneunedernièretapepourlaforme,merelèveaussidignementquepossibleetfaisunsigneà

Jerry pour qu’il relâchemon abruti de frangin.Bon,maintenant quemon fiancé a vengémonhonneur,occupons-nousdesavoirquiestcettefille.

J’arrangemarobeetm’approchedelarousse,souriante.—Bonjour,jesuisLola,lasœurdeThomas.—Enchantée,répond-elleenmedévisageant.Jecroisqu’ellenousprendpourdescinglés…J’auraispeut-êtredûchoisirunautremomentpourmevengerdeDamien.Aupassage,jeneluiai

pasditmonderniermot,àcelui-là!

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—VoiciJerry,monfiancé,jecontinuealorsqu’elleafficheleregarddeNémo.NémoouDori…Jenesaispas…Entoutcas,elleaunesacréetignasse…—Etmoi,jevousprésenteSamantha,mafiancée,lanceThomasfièrement.«Fiancée»?—Oh,monDieu!Toutesmesfélicitations!jememetsàcrierensautillantpartout.Jen’enrevienspas:Thomasvasemarier!jechantonnedansmatête.Aprèstoutcequiluiestarrivéaveclafolle,jesuisravie.—Lola,J.,jesuisvraimentheureuxquevoussoyezparminous,reprendThomas,toutsourire.Hum,c’estbizarre,larouquinesembleauborddumalaise…Est-cequ’ellenes’attendaitpasàofficialiserleschosesaussivite?—Oui,normalement,nousétionscensésn’arriverquelasemaineprochaine,maisfinalement,j’ai

réussi àme libérer avant. LeDragon a fini par céder ! Ça n’a pas été facilemais je l’ai harponnée,trucidée et laissée pour morte ! dis-je en partant dans un rire diabolique qui finit en reniflement decochon.

Laroussemeregardebouchebée.Franchement,ellemefaitvraimentpenseràDoriavecdeslunettes…—Euh, le Dragon, c’estma boss, jem’explique, de plus en plusmal à l’aise. C’est une garce

botoxéequimepourritlavie,jecontinue,maisbon,jenel’aipasvraimentlaisséepourmorte.Jeveuxdirequejemevenge,mais…enfin,jenelafrappepaspourdevrai.

Silencegênant.—J’aiunepoupéevaudouecachéedansmontiroir,jeconclus.OK…Elleestvraimentbizarreàmeregardercommeça.Jerrymeprenddanssesbrasetjemesensimmédiatementsoulagée,mêmesiMachinecontinuede

medévisager.—Ettuasdesnouvelles,J.?Tuensaisplus?demandeThomas.—Jenesaisrienencore,répondJerryenresserrantsonétreinte.Jemefondsunpeupluscontrelui.Jerryn’atoujourspasdenouvellesconcernantsademandede

posteàNewYork.Jesensquel’attentecommenceàluipeser,maisjenepeuxpasm’empêcherdepenserqueceserait tellementbiens’ilneretravaillaitpas.Ilpourraits’occuperdubébé…etdemoi…Maisd’unautrecôté,ceneseraitpasbienpourlui.Ilm’afaitpartdesondésirdereprendreuneactivité,doncjedoislesoutenir.C’estàluiqu’appartientcechoix.

Mais s’il choisissait la première solution… on baiserait comme des lapins en chaleur toute lajournée…

Desimagessuperhotmetraversentl’esprit.Bon,Lola,reprends-toi,c’estpaslemoment…—Alors,Samantha,çafaitlongtempsquevousvousconnaissezavecThomas?jel’interroge.Enréponse,elledevientencoreplusrouge,cequi,étrangement,faitressortirlerouxdesescheveux.Jemedemandesic’estsacouleurnaturelle…—Nousnoussommesrencontréslorsd’unesoirée,répondThomas.C’esttrèsévasif,toutça…Etellesemblesoudainementsoulagée.Pourquoi?Jesuissûrequec’estmêmepassacouleurnaturelleetqu’ellecacheuntruc.J’ouvrelabouche,maisThomasmedevanceendemandant:—EtMatt,ilarrivequand?—Cesoir.Ilatterrità20heures,répondDamien.Ellecacheuntrucénorme…J’ensuiscertainemaintenant.Etsic’étaitunmec,enfait?Mmh,pisteàexplorer…—Vousvenezmangeràlamaisoncesoir,Samantha?jeluidemande,l’airderien.

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Jevaistoutsavoirdetoi…Mouahahahah!—Euh…Je…jenevoudraispasdéranger,ellebégaie,intimidée.—Oh!Maisvousnedérangezpas,Samantha…Aucontraire!jeluilance,unbrinsadique.—Je…Non,merci.Uneprochainefois,peut-être,ellerépondenremettantseslunettesenplace.J’hésite.Sij’insistetrop,ellerisquedeserendrecomptedequelquechose.Aprèstout,elleestpeut-êtrejustetimide.—Thomas,tuviensdînercesoir?Tant pis, siDori ne veut pasme donner d’infos, toi, tu ne résistes jamais àmes yeux de chat

botté.—JepensequejevaisresteravecSamantha,merépond-ild’untonpresqueenjoué.OK,detouteévidence,ilestsuperaccro.C’estpasdrôle!—Bon,trèsbien.Samantha,j’aiétéravie.Onserevoitdemain,jeluidisavecungrandsourire.—Euh…demain…,ellebégaie.— Le dîner de répétition aura lieu à 20 heures. On reste dans les mêmes teintes que pour le

mariage:champagneetcrème,jelacoupe.Sérieux,ellenepeutpasarticulerunephrasecomplète?—J’aihâted’assisterauconcoursdeMissTee-shirtmouilléauchampagne,larouquine!luilance

Damienavecunclind’œil.Thomasluijetteunregardnoirtandisquejeluitapel’épaulepourlesermonner.Damienmerenvoie

uneétrangegrimaceenguisederéponse.Jesoupire,lèvelesyeuxaucieletfinispardire:—Damien,arrêteunpeuetallons-yavantqueSamanthanousprennepourdesbarjots!—Elleestdrôlementjolie,cetterouquine,sortDamien,songeur,enserendantàlavoiture.—Damien,n’ypensemêmepas!jem’exclame.—Lola,quandmême!J’aijusteditque…Laissetomber,finit-ilsuruntonagacé.Tiens,c’estnouveau,çaaussi.Habituellement,ilrenchéritavecuneconnerie,maislà,non…—Bon,lagrosse,onpassetedéposer,melance-t-ilenouvrantlavoiture.—Commentça,me«déposer»?—Sortieentremecs,tutesouviens?Jejetteuncoupd’œilàJerryquis’installedifficilementducôtépassager.—Mouais,jeréponds,encorevexéedenepasêtreinvitée.Jecroiselesbrasetregardelepaysage,vannéed’avancedelasoiréeavecmesparentsalorsque

lesgarçonsvontfairelafête.MêmeThomasapréféréresteravecDori,jesonge,deplusenplusboudeuse.

***

J’embrasseunedernière foisLolaqui fait la têteetsourisquand je l’entendsrâlerenclaquant laported’entrée.

—Çayest,Roméo?Onn’apastoutelanuit!s’écrieDamien,déjàprêtàrepartir.Monvisagesecrispe.Jesaisqu’onnevapasfairelafête,quetoutcecin’estqu’uneexcusepour

Lola.Est-cequeleurpèreamisDamienaucourantdecequ’ilaapprisàmonsujet?Jeprendstrèsausérieuxsesmenaces,maisjenepeuxpasmerésoudreàtoutdireàLola.Ellenemelepardonneraitjamais…

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Jemontedanslavoitureetattendsavecangoissecequivasuivre,lapeurauventredeperdrecellequej’aimeplusquemavie.Damienabeaudonnercetteimagedebeaugossequeriennetouche,jesaisquetoutçan’estqueduvent.Damienestunputaindebonagent.

Peut-êtremêmelemeilleuravecquij’aijamaisbossé.Maiscequilecaractériseavanttout,c’estl’amourqu’ilporteàsafamille,enparticulieràsapetite

sœur.Ilestprêtàtoutpourelle.Et,évidemment,moiplusencore…

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Chapitre5

Vendredi13décembre

—Lola!Uncri,unsautsurlelit…—Safia,jesoupireencachantmatêtesousl’oreiller.—Debout,espècedelarve!crie-t-elleencoreplusfortenfaisantvolermacouette.Jeme redresse, attrape la couverture etme rallonge en lui jetantmon regard «Tu touches àma

couette,jetecrève!».—Vas-y,dors,cen’estpascommesi tutemariaisdanshuit jours.Tudoiscertainementavoirun

jeanquitraînequelquepartpourlaréceptiondecesoir.Avecunequeue-de-chevaletunpeudemascara,çadevraitfairel’affaire.

Jesoulèvelacouetteetlaregardedetravers.Lagarcemarqueunpoint…Jeneveuxnijeanniroberosebonbonpourcesoir.Jeveuxêtreuneprincesse,unange…enfin,un

trucquiadelagueule,quoi!UntrucquifaitdireàJerry:«Tuestellementmagnifique,faisonsl’amourtoutdesuite!»

Jesoupireànouveauetmedécideàquittermonlit.Ilvamefalloirdesheuresetdesheuresderavalementdefaçade…—Jolipyjama,melance-t-elle,unbrinmoqueuse.—C’estl’hiver!mejustifié-je.—C’estquoi,cetruc?Desoreilles?demande-t-elleentripotantmacapuchepolaire.—Pastouche,jeréponds,vexée,enécartantsesmains.Personnen’étaitcensémevoirdanscette

tenue.J’avaismismanuisetterougesupersexy,maisvuqueJerryestrentrétarddesasoiréeavecmesfrèresetquejemegelaislesfesses,j’aimisça,dis-jeenattrapantdesvêtementsdansmacommode.

—Bordel,maisilyaunequeueaussi!?poursuit-elleenrigolant.—C’estunecombinaisonpolaire!crié-jeenallantm’enfermerdanslasalledebains.—Tamèrem’aditquetuavaiseuquelques…soucisderobe,hier,continue-t-elleàtraverslaporte

delasalledebains.Jegrimaceausouvenirdelasijolierobequemamèreavaitchoisie.Elleétaitsibelle…maissi

serrée!Quellefintragique…Jemetslechauffage.Undoutemesaisit.—Mamèret’aditquoi,aujuste?—Tout,lance-t-elle,énigmatique.

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Je me déshabille, fronce les sourcils. Sa réponse est vague, ce qui veut dire qu’elle ne saitcertainementpastout.

—Ehbien,lapremièreétaitmagnifique,maistroppetite,jedissobrementenmeglissantsousladouche.

—D’après ceque j’ai compris, tun’esplus labienvenuedans laboutique,maintenantque tu asmassacréunerobe,meraconteSafia.

Jerestepétrifiée.Çaveutdirequelaboutiqueatéléphonéetque,maintenant,mamèresait!Ellevametuer.Jepassematêtesousl’eau,attrapelegeldoucheetmesavonneenréfléchissantàunefaçondem’en

tirer.Mamain passe surmon ventre qui s’arrondit un peu plus chaque jour et un sourire éclairemon

visage.—Mon petit têtard n’est pas encore né que je vais déjà me servir de lui, je chuchote en me

shampooinant.Est-cequejedevraism’inquiéterdemescapacitésàêtreunefuturebonnemère?Aprèstout,jem’apprêteàmeservirdecepauvreenfant,quin’estmêmepasencorené…J’aimauvaiseconscience,quandmême…Doncjenevaispasêtresinullequeça!conclus-jeen

éteignantl’eau.—Cen’étaitqu’unregrettableaccident,jereprendsenmeséchant.—Moui… J’imagine qu’il est meilleur pour son ego de détruire une robe plutôt que d’avouer

qu’elleesttroppetite.Formulécommeça,çamedonneencoreplusmauvaiseconscience…Carenfait,dèsledépart,je

savaisquelarobeétaittroppetite.—Jenepensaispasqu’elleseraitsiserréeavantde lapasser ! jem’exclameenmetartinantde

crèmehydratante.Comment ajouter la mauvaise foi à la longue liste des choses qui vont faire de moi une mère

pitoyable…—En tout cas, ce serait sympaque tu ne fasses pas un remakede l’incroyableHulk ailleurs, se

moque-t-elle.—«Unremakedel’incroyableHulk»?!jerépèteenm’habillant.—Oui,tusais,lemectoutvertquidétruitsesfringuestouteslesdeuxsecondes!—J’avaiscompris.Mercipourcettecomparaisonflatteuse!—C’estvraiquelevertn’estpastacouleur,lance-t-elle,songeuse.—Jesuisenceinte,Safia,jeterappelle.—Jenevoisabsolumentpaslerapportaveclefaitquelevertnet’aillepas.—Jefaisaisréférenceàmonpoids,jechouine.Unefoismonjean,undébardeuretmonpullroseenfilés,jem’observedanslaglace.J’aivraimentunesalegueule,jeconstateenm’observantsoustouslesangles.—Tusais,jepensequedestasdefemmesprennentdupoidssanspourautantmettreenpiècesune

robeà700euros.700euros?!Lavache,mamèrevavraimentmetuer…—Dis,tupensesqu’avantdedescendre,tuaccepteraisdemelamontrer?demande-t-elle.Tandisquejemecoiffe,jesouris,sachantexactementcequ’elleveut.—Jenesaispas…,jelance,taquine,ensortantdelasalledebains.—Tudevraispeut-êtrel’essayer,histoired’êtrecertainedenepasrefaire…—Çava,j’aicomprisl’idée,jelacoupe.

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Assisesurlelit,Safiamescrute.Jelèvelesyeuxaucieletattrapelahoussedanslapenderie,tropheureusedeluimontrermarobe

demariée.Ellel’adéjàvueenphoto,maisc’estPaulquim’aaccompagnéepourlachoisir,puisqu’ellevitmaintenantavecMattàLosAngeles.

Jelaposesurlelitetouvrelahousseavecsolennité.Safiavapourlacaressermaisjel’arrêted’ungeste.

—D’abord,tutelaveslesmains!jem’écrie,commesielles’apprêtaitàtuerquelqu’un.—Venantd’unefillequiafaitexprèsdeléchermavoiture,jetrouveçavexant.—Cen’esta-bso-lu-mentpasnégociable,jesorsencommençantàrefermerlahousse.Ellehésite,puisse lèveensoupirant.Jerouvre lahousse tandisqu’ellese lave lesmains.Àson

retour,elleeffleureduboutdesdoigtslesmotifsbrodés.—Elleestvraimentmagnifique,Lola,dit-elled’unevoixlégèrementenrouée.Jememordsleslèvrespournepassourirecommeuneidiote,maisc’esttrèsdur.—Tuneveuxpaslapasser?medemande-t-elleavecdesyeuxsuppliants.Jedétestelavoiravecceregard-là.Enplus,elleestbientropbelleavecsesyeuxvertsenamande

etsonteintmat…Ondiraitunestardecinéma.—Lola,bougetongroscul,ont’attendpourlepetitdéjeuner!crieAlexàtraverslaporte.—Désolée,onnousattend.Maisjetejurequetoutrentreimpeccablementdedans,jesorsàSafia.Nousrionsetjerefermelahousse,quejelaissesurlelit.Jesuistellementcontentequ’ellesoitlàpourm’aideràmepréparer.Jesavaisqu’unjouroul’autre

nos chemins prendraient des directions différentes et qu’elle ne serait plusma colocataire,mais je nem’attendaispasàcequecesoitaussirapide.J’aitoujoursPauletWill,etsurtout,maintenant,j’aiJerry,maismameilleureamiememanque.

J’espèrejustequeMattserendcomptedelachancequ’ila.En tout cas, ils semblent vraiment amoureux…Ce qui relève de l’exploit lorsqu’on connaîtmon

frère.Peut-êtrequ’unjourlesautresprendrontexemplesurlui.Thomassemblesurlabonnevoieavecla

Dorirousse…—Àquoitupenses?m’interrogeSafiaenmedévisageant.—Pasgrand-chose…TusavaisqueThomasavaitunecopine?Ilfautvraimentquej’enapprenneplussurelle…—Non.C’estsérieuxentreeux?—Jecrois.Je secoue la tête au souvenir d’hier soir, quand on les a surpris, et je soupire. Je suis tellement

heureuse de voir Thomas aussi épanoui. Il a vécu tant demoments difficiles avec Catharina, son ex-copineagentdoublepsychopathe.

Entoutcas,unechoseestsûre:j’aihâtederetrouvermonSexy-Fossettes!Lanuitdernièreaététerrible.JesuisenmanquedeJerry,desesfossettes,deseslèvres,desesmains…Quandjepensequenous

n’avonspasétéséparésuneseulenuitdepuisqu’ilestsortidel’hôpital!C’estquandmêmehallucinantquemon père dresse toutes ces foutues barrières entre nous. C’est pas comme s’il pouvait avoir desdoutessurmavirginité.Jesuisenceinte,doncforcément,Jerryyajouéunrôle…

J’aimaldormi.Jemesentaisseuleetabandonnée.Mêmequandilétaitauxsoinsintensifs,j’avaistrouvéunmoyend’êtreaveclui,etlà,àmoinsdedeuxsemainesdenotremariage…

Notremariage…Attention,crashdepetitegrosseaupaysdespaillettesetdesarcs-en-ciel…

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J’entredans la cuisineavecun sourirebéat sur les lèvres.Mon regard tombe immédiatement surJerry,debout,lesmanchesdesonpullrelevéessursesavant-braspuissants.Illèvelesyeuxdesatassedecaféetmesourit.Paslesouriregenre«Salut»maislesourire«Aucunepetiteculottenemerésiste».Je rougis, j’ai chaud, je bous… Ses lèvres s’étirent un peu plus, apparition de la fossette… Je meliquéfie.

—Oh,mapauvrechérie!Tuasdéjàdesboufféesdechaleur,melancemamèreenm’embrassantsurlefrontpourmedirebonjour.

Jemerendscomptequ’évidemment,nousnesommespasseulsetjerougisencoreplus.—Lagrossesse,c’estunpeucommelaloterie,tunesaisjamaissurquoituvastomber,reprendma

mèreenmeservantmonboldeNesquiketenpréparantmachinalementdestartinesdeNutella.Tuasdesnausées?Desflatulences?Ceseraitfâcheuxque,quandtut’avancesversl’autel,tunesoispasbien,situvoiscequejeveuxdire…

—Lolavanouslâcherunventenmarchantversl’autel,ditAlexenrigolant.Monpères’étouffeenbuvantsoncaféetlecrachesurMatt,quisemarrecommeuncondelablague

pourried’Alex.Mamèretentedecalmertoutlemondetandisquejeresteimmobileetdeplusenplusrouge(difficiledesesentirplusgênée!!).JelèveunemicrosecondelesyeuxsurJerryquimeregardeintensément.

Aumoins il ne rigole pas, c’est déjà ça !me dis-je enm’installant à table aussi dignement quepossible.

—Mapauvre chérie,me ditmamère enme caressant les cheveux avant de taper sur la tête deDamien,quicontinuederire.

Jefourreunetartinedansmabouche,plusgênéequejamais.Franchement,iln’yapaspirequemafamillepourgâcherlesmeilleursmomentsdemonexistence!—Lemagasind’hieratéléphoné,ditmamèreenmescrutant,lessourcilsfroncés.Nooon,ellenevapasraconterçadevantJerry,quandmême!—Net’enfaispas,onvatetrouverunerobemagnifique!s’exclameSafiaenm’adressantungrand

souriredustyle«Nemeremerciepas».Jelèverapidementlesyeuxsurmamère,quicontinuedem’observer.Est-cequelatempêteestpassée?—Bien,maintenantquevousêtestouslà,votrepèreetmoiavonsàvousparler,ditfinalementma

mère.Jerespireànouveau.Jenem’étaispasrenducomptequejeretenaismonsouffle.Je jette un léger coupd’œil àmonpère qui se lève et se positionne aux côtés demamère.Elle

demandeàJerryd’allers’asseoiravecnous.Jegrimacequandilseplaceàcôtéd’Alex.Monpèrenelequittepasdesyeux.

Qu’est-cequisepasse?—Thomasn’estpaslà,constateDamienenmâchouillantsatartine.—Nousluiavonsdéjàparlé,commencemonpèreenprenantlamaindemamère.Jecommenceàêtreinquièteetmeredresse,unpeutendue.—Cesoir,c’estlagrandesoiréedeLolaetJerry,reprend-il,visiblementému.Mapetitefilleest

devenueunefemmeetbientôt,elleseraàsontourparent…Mamèreseserreunpeupluscontrelui,l’encourageantàpoursuivre.— D’ici quelques heures, des membres de la famille ainsi que des amis vont arriver. Je vous

demandedoncdebienvouscomporter.—Sérieux?Onn’estplusdesgamins!s’exclameDamien,outré.—Damien,jeterappellequ’àNoëlderniervousavezmislefeuàlagrangeparcequevousavez

essayédecuireladindeaulance-flammes,rétorquemamère.

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—Sanscompterquetun’astoujourspascomprisqu’êtreunhomme,c’estaussisavoirgardersonpantalon,ditmonpèreenluilançantunregardnoir.(CequifaitrireAlexetMatt,quisecachentpresquesous la table pour éviter le courroux demon père.)Ça vaut aussi pour vous deux ! Je veux voir desadultes,pasunebanded’adosattardés,reprend-il.Etsouvenez-vousquevotremèren’estpaslabonneàtoutfaire.Sijevoisunechaussettetraînersurlecanapé,jevouslafaismanger.

—Quantàtoi,Lola,s’exclamemamère,onvaretournerfairelesboutiquespourtarobe,maisilesthorsdequestionquecequis’estpasséhiersereproduise.

Jemevoûtelégèrement.Bon,moiquicroyaisquej’avaisévitélepire!Jehochetimidementlatête,leregardrivésurlatable.Jerryvanousprendrepourunefamilledebarjots,sicen’estpasdéjàlecas.—Bien, passons à l’essentiel.Afin que tout se déroule demanière optimale, votremère etmoi

avonstoutorganisé,ditmonpèreenjetantunregardentenduàmamère.Ohnon…ohnon…Paslesdémonstrationsvisuelles…Jesoupireetm’avachisencoreplus.Safiasautille,surexcitée.Elle,elleadorecegenredetrucs.—Alex,lumière!s’écriemonpèreensortantlatélécommandedesapochearrièretandisquemon

frèreéteint.Pourquoi je ne peux pas avoir une famille normale ? me dis-je quand la musique deMission

impossibleretentit.Je jetteundiscretcoupd’œilàJerry,quisemblesurprisquand les laserssemettentenroute.Si,

aprèsça,ilveutencorem’épouser,çatiendradumiracle!Entoutcas,pourunefois,mesparentsn’ontpassortilegénérateurdefumée…Oups,j’aiparlétropvite!Quelquessecondesplustard,nousfaisonstousdegrandsgestespourchasserlesvolutes.Monpèredescendlefondblancetenclencheleprojecteur.Avant,nousfaisionsçadans lesalon,maisdepuisqu’ila installé lesdétecteursdefumée,çasepassedanslacuisine.Enplus,mamèredisaitquel’odeurimprégnaittouslestissus.Leplussimpleauraitétéquemonpèrelaissetombersonintroduction,maisc’estmalleconnaître!Ilallumelemicroetcommencesaprésentation.

—Commevouslesaveztous,danshuit jours, lafamilleMorellfranchiraungrandcap.(Ilprenduneinspirationetcontinue.)MapetiteprincesseLolavasemarieravec…

Illaissesaphraseensuspens.Mamèreluifrottelebrasavectendresse.Première image : moi enfant déguisée en mariée, puis une pièce montée, puis l’église où se

dérouleralacérémonie…—Notreobjectifestceci,dit-ilenencerclantavecsonstylolaserlaphotod’uncoupledemariés

souriantscertainementpiquéedansunmagazine.Samedi,15heures,heurelocale,Lolas’avanceradevantl’autel.Nousnedevonsrienlaisserauhasard.Damien,distributiondesdossiers.

« Dans chacun, vous trouverez le planning, les documents relatifs à la bonne exécution de vosmissions, différents plans ainsi que les descriptions des lieux. Je vous remercie de respecterscrupuleusementlestâchesquivoussontattribuées.Ensemble,nousvaincronsetnousferonsdecejour…(effetsdefuméeetdelumière,suivisdelavoixrobotiquedemonpère:)TheLola’sWeddingDay!

« Pour ce soir, nous avons confié l’organisation à la sociétéBeautifulDay,mais vous trouverezmalgrétoutunedescriptionprécisedudéroulementdelasoiréedansvotredossier.

Ilprendlavoixqu’ilutilisepournousgronderetnousobservedurementavantd’ajouter:— S’il prenait à l’un d’entre vous l’envie de ne pas suivre ce qui est indiqué, il en subira les

conséquences.La lumière se rallume, personne ne bouge. Mon père prend une grande inspiration et finit par

s’exclamerensouriant:—Çavaêtreungrandjour!

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PuisilregardeJerrydetravers,lequeltoussote,malàl’aise,avantd’ouvrirledossieretdefairecommes’illelisait.

Àmoinsqu’ilneleliseréellement?!Jeparcoursdistraitementlesfeuillestandisquelerestedelafamillecommenceàseleverdetable.Jejetteuncoupd’œilàJerry.Enréponse,ilmesouritetdemandeuneautretassedecaféàmamère.Auboutdequelquesminutes,noussommesenfinseuls.Jerrys’installeàcôtédemoietm’observeuneseconde.Ilinspireprofondémentetpassedoucement

unemainsurmajoue.Jefermelesyeuxetmelaisseemporterparcesimplecontact.—Tum’asmanqué,cettenuit,jesouffleenrouvrantlesyeux.Jefroncelessourcilsetluitrouveunairencoreplustourmentéqued’habitude.—Toiaussi,finit-ilparmeglisseràl’oreille.Unfrissonparcourtentièrementmoncorps,etjesensdéjàlefeus’immiscerentremescuisses.—Etjenedispasçaparcequej’aidormidansunlitsuperposé,dansdesdrapsSpiderman,bercé

parlesronflementsdetonfrèreAlex,lance-t-ilavecunegrimace.Jememordsleslèvrespournepasrire,maissansgrandsuccès,etfinisparpouffer.—Tun’aspastropmalàtajambe?jel’interroge,enpassantdoucementmamainsursacuisse.Je vois sa pomme d’Adammonter et descendre lentement tandis que son regard tombe sur mes

lèvres.S’ilnem’embrassepasimmédiatement,jesensquejevaissombrerdanslafolie…Letempssemblesuspendu.Aucundenousnebougenineparle…Embrasse-moi…Marespirations’accélère,maisriennesepasse.—Jerry…,jecommence.Ilnemelaissepasfiniretposeseslèvressurlesmiennes.Sonbaiserm’électrise.Salanguepénètre

dansmaboucheetenlacelamienneavecdouceur,désespoiretpassion…Commentpeut-onressentirautantd’émotionsdansunsimplebaiser?J’aibesoindeplus!Jemonteàcalifourchonsurlui.Jelesenssetendrecontremonentrejambe.Sesmainssefaufilent

sousmonpulletcaressentmapeaunue.Jemefrottecontrelui.Ilattrapemesfessesetlespressedesesmainspuissantes.Jetiresescheveux,mordssalèvre,l’aspire,passemalanguedanssoncou…

Il est délicieux et il est àmoi, rien qu’àmoi…pour toujours…Bientôt, je seraiMmeLolaÉvaWalker,etriennecompteplusqueça!

Ungémissementavides’échappedemagorgequandj’entendssoudaintoussoterdanslapièce.JesensJerrysestatufier.Ilsedétachebrusquementdemoi,etj’encomprendslaraisonquandjevoismonpèrequinousobserve,lesbrascroisés,surlepasdelaporte.

JerrytentedésespérémentdecachersonérectionaveclepotdeNutella.Monpères’approcheetluiglisseàl’oreille,lamâchoirecrispée:—JecroyaisquenousavionsétéclairsquantàtoutrapprochementavantleTLWD…C’estquoileTLWD?jemedemandeavantdecomprendrequecesontlesinitialesdeTheLola’s

WeddingDay.—Trèsclair,monsieur,ditJerryentoussotant.Lolaetmoidiscutionsde…Ilsemblecomplètementdésarçonné.—…delasoirée!jem’exclame,sousleregardabsolumentpasconvaincudemonpère.Bonsang,j’aijamaisvuJerryaussinerveux!Jenepensaispasquemonpèreleterrifiaitautant…Bon,c’estvraiquemonpaterneln’estpasl’hommelepluscharmantdelaTerre.Hormisavecmoi:

jesuissaprincesse.

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—Jepensequ’ildoitêtreplusévidentdeparleravecvotrelanguedansvotreboucheetpasdanscelledemafille.

Jemesensrougirdespiedsàlatête.Non,iln’apasosédirecequej’aicruentendre?—Lola,ton…amieestlà,ditmamèreenentrantdanslacuisineavec…Non,maisdites-moiquejerêve?Jeviensd’avoiruneattaque.C’estça,ilnepeutpasenêtreautrement!—Oh,oh,oh!faitSafiaenentrantàsontourdanslacuisine.—J’avoueque jem’attendaisàunautreaccueil, lance lediableenpersonneen regardantautour

d’elleavecunegrimaceécœurée.Jevaismeréveiller…Toutçan’estqu’unhorriblecauchemar!—Qu’est-ceque…Pourquoi…Cequejeveuxdire…C’est…Bonsang,jen’arriveplusàparler!—Natacha!Jenesavaispasquevousaviezétéinvitée,finitpardireJerry.Toutlemondedévisagemaboss,attendantdeconnaîtrelepourquoiducomment.—Damienm’aexpliquépour lafête-surprise.Jenevoulaispasmanquerça, lance-t-elleavecun

trucquiressembleà…unsourire.—Damienvousainvitée?demandemamère,surprise.—Biensûr!sortNatacha,commesic’étaitl’évidencemême.Nemeditespasque…Ilapasfaitça?Oh,monDieu!—DamiencoucheavecleDragon!jem’écrie,horrifiée.Toutlemondesetourneversmoi.Oups!Jecroisquejel’aidittouthaut!—Ehbien,effectivement,Damienetmoi,carjesupposeque«leDragon»,c’estmoi,noussommes

ensemble.—C’est…affreux!jecrieavantderendrel’intégralitédemonpetitdéjeunerparterre.L’assembléerecule,meregarde,fixelevomi,meregardeànouveau…Jerryattrapeuntorchonetmeletend.Ilcontournelaflaqueenfaisantattentiondenepasglisseret

s’approchedemoiendisantdoucement:—Assieds-toi.Jeresteimmobile,plantéedevantmaflaquedevomi.—J’aimeraisquel’onmemontremachambre,ditNatachad’untonhautain.Mamère l’observecommesic’étaituneétrangebêtequ’il fallaitéliminerdesamaisonavantde

crier:—Alex!Monfrèrearrivepresqueaussitôtets’arrêteàl’entréedelacuisineenlâchantunénorme«Beurk».—MontreàMmeDragonlapetitechambrerouge.—Jenem’appellepas…,commenceàriposterNatacha,avantd’êtrecoupéeparmamèrequilance

sèchement:—Maintenant!Mon frère attrape ma boss par le bras et l’embarque tandis que je finis par m’asseoir, sur

l’insistancedeJerry.—Lola,est-cequetuveuxunverred’eau?medemande-t-ildoucement.Jesecouelatêteavantdesoufflerentremesdents:—JevaistuerDamien!

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Chapitre6

JevaistuerDamien…Jevaisluiarracherunàunlesonglesdesesorteilsd’êtrefourbe,etaprès,jeletuerai…

Lola,respire…Ensuite,jetueraiaussimagarcedeboss,etpourfinir,levendeurqui,lorsquenouscherchionsune

robe,m’aregardéedetraversetadit«Jenefaispaslesgrandestailles»…Lemondeentierestcontremoi!Jesuisauboutduboutdurouleau.Jemesensdéfailliràchaqueseconde.J’aibesoindesexe,de

Jerryou…dechocolat!Mespaquetsàlamain,jecourspresquejusqu’àHäagen-Dazsetcommandeunetripleration.—Jesuisdésolémaisnousn’avonsplusdechocolat,melancelevendeur.Lecielsenoircitinexorablement.Deséclairszèbrentlesnuages.JesuisHalleBerrydansX-Men.—C’estuneblague?jesouffleentremesdents.Moncorps entier est contracté.S’il nemedonnepas immédiatementduchocolat, je le réduis en

miettes.Il paiera pour tous les autres…De toute manière, ce mec est forcément suicidaire pour ne pas

vendredeglaceauchocolat.—Vousdevriezvousabstenir,cen’estpasbonpourvous,semêleNatacha.Vousêtesdéjàpleinede

cellulite, alors autant dire que dans sixmois, à la naissance de votremorveux, vous ne serez qu’unemasseinforme.

Levendeurdeglacelaregardelesourcilrelevé,l’airdedire«c’estquoi,cetruc?»,etmoi,jesouffle commeunbœuf, je transpire et suis à deuxdoigts de commettre unmeurtre sur la place de laComédie.

— Écoute-moi, petit, soit tume trouves du chocolat, soit je te gave de glace jusqu’à ce que tumeuresétouffédansunemaredelaittellementsucréequ’undiabétiquecrèveraitdanslaseconde.

—Lola!merappelleàl’ordremamèrequinousrejointàcemoment-là.Jegrognedecolèreenobservantlevendeurquipartencourantdanslaréserve.—Maisilsn’ontplusdechocolat…,j’expliquedoucementàmamère.—C’estcequej’avaiscrucomprendre.—Onpeutallervoirunautreglaciersituveuxabsolumentduchocolat,metranquilliseSafiaavec

unlégersourire.—Commeje l’expliquaisàLola, jenepensepasque toutecettegraissesoitbonnepourelle.Je

pensequ’unepomme…—Jeveuxduchocolat!jehurle,lespoingsferméslelongdemoncorps.

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—MadameDragon,jepensequevousavezassezdonnédevotretempsetdevotrepersonnepouraujourd’hui,ditmamèreenpassantdoucementsamaindansmondos.

—Jenem’appellepas…—J’aiduchocolat!s’écrielevendeuralorsqu’ilrevientencourant,victorieux.— Si vous n’aviez pas autant de boutons d’acné prêts à exploser sur votre visage, je vous

embrasserais,jeluilanceavecungrandsourire.Ilrougitetmesertunemaxi-dosedechocolat.Sitôtlaglaceentrelesmains,jeladévoreavecdélectation,léchantchaquemillimètrecarrédela

minusculecuillèreenplastiquesousleregardchoquédeNatacha.—Bon,ehbien,maintenantquenousavonsunerobe,deschaussuresetdelaglace,nousdevrionsy

aller,ditSafiaenregardantsamontre.J’émetsunsongutturaldesatisfactionenréponseetsuislemouvementjusqu’àlavoiture.Commeàl’aller,Natachafaittoutuncinémapourmonteràl’avant.Maisjem’enfiche,jesuisloin,emportéeparladouceurduchocolat…Jechantonnedansmatêteen

lapantdoucementmacuillère.Letrajetderetoursepassedansunsilencepesant,entrecoupéparmonronronnementchocolaté.Par

contre, une fois l’euphorie de la glace passée, je reprends mon téléphone et continue d’envoyer desmenacesdemortpartextosàDamien.

Jetrouveçaexcessivementlouchequ’ilaitchoisidepartircouriravecMattpilecinqminutesavantl’arrivéedemagarcedebossbotoxée…

Coïncidence?Non,jediraiplutôtsadismecalculé.Jelehais,etdèsquejel’aurairetrouvé,jevaismevenger…UnsouriredefollequieffraieraitHannibalLecterenpersonnebarremonvisage.DamienMorell,tuvassouffrir…Ma mère gare la voiture devant la maison et nous sommes accueillis par le couple d’enfer

RaspoutineetChewbacca.—MonDieu,maisc’estpirequ’aucirque.C’estquoi,ceshorreurs!s’écrieNatachaenrepoussant

monchatduboutdesonescarpinhorsdeprix.Jesuistentéedecrier«Chewbacca,attaque!»maisjeneveuxpastuercettepauvrebêteàcause

d’uneingestiondebarbaqueavariée.—MadameDragon,ici,noussommestrèsrespectueuxdesanimaux,luiditfroidementmamèreen

attrapantRaspoutine.—Jenem’appellepas…—Maman,maman,viensvite!criesoudainAlex.Papanesesentpasbien!Mamèrelaissetomberlespaquetsqu’elletenaitàcôtédelavoitureetseruedanslamaison,suivie

deprèsparSafiaetmoi.Nousretrouvonsmonpèreallongésurlecanapé.Jerryluicaledescoussinsderrièrelatêtepourle

surélever.Mamèrepartendirectiondelacuisine,maisJerryluicrie:—C’estbon,ilaprissescachets.Mamèrefaitdemi-touretchuchoteàmonpère:—Çava,lescachetsvontfaireeffet.—Jevaisbien,soufflemonpère,encoreunpeuhagard.—Ondevraitappelerlemédecin,ditAlex,quitourneenrondàcôtéducanapé.—Non,cen’estpaslapeine,répondmonpèreenlançantunregardentenduàmamère.Jelesobserveetattendsdesexplications.— Il y a quelques semaines, on m’a diagnostiqué une légère faiblesse cardiaque. J’ai suivi un

régime,maisilsemblequ’unpontagesoitnécessaire.

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—Oh,monDieu!Papa,pourquoin’as-turiendit?jem’écrie,leslarmesauxyeux.—Jevoulaisattendreaprèslemariage.C’estuneopérationcourante,iln’yapasàs’enfaire.C’est

simplementqu’avectoutecetteagitation,jesuisunpeufatigué.—Onpeutannuler,tusais,etattendrequetutesentesmieux,jeluichuchote.—Certainementpas.Jevaismereposeretçavaaller.—Mais,papa…—Lola,j’enaidéjàdiscutéaveclemédecin.Silescachetsnefontpaseffet,nousannulerons,mais

sinon,lafêteaurabienlieu,mecoupe-t-il.Jejetteuncoupd’œilàmamère,quimeglisseàl’oreille:—Vatepréparerpourtasoirée,jem’occupedelui.Je hoche la tête et Jerry m’aide à me relever. Il m’accompagne jusqu’à l’étage et me prend

doucement dans ses bras. Je ferme les yeux et le laisseme réconforter par sa chaleur et son odeur sifamilière.

—C’estdemafaute,lâcheAlexànotrehauteur.Jem’écartedeJerryetregardemonfrère,quisemblecomplètementsouslechoc.—Pourquoitudisça?jel’interrogeenm’approchantdelui.—Ilm’asurpris,souffle-t-il,lesyeuxbrillants.—Ilt’asurprisentraindefairequoi?—J’étaisautéléphoneavec…Etpapaaentendulaconversation…Je…jenesavaispasqu’ilétait

malade!—Alex,qu’est-cequepapaaentendu?—Papam’ademandéquijefréquentais.Ilsemblait…Ilm’aditquejeluimanquais,quejen’étais

jamaislà,etjeluiaiditpour…Marcetmoi,finit-il.—Marc,l’amiavecquituvoyages?Ilhochelatête.—Oh,Marcettoi,vousêtesensemble?Ilhocheànouveaulatête,maisplusfaiblement.Ilsemblecraindremaréactionetçamefaitdela

peine,carj’auraisaiméqu’ilmefasseassezconfiancepourm’enparler.Jem’approcheunpeuplusdeluietleprendsdansmesbras.Audépart,ilsemblesurpris,puisilfinitparmeserrerenpleurant.

—Alex,cemalaise,cen’estpasdetafaute,ettuasbienfaitdeledireàpapa.Tun’aspasbesoindecachercegenredechose,etencoremoinsàtafamille.

—Jenesavaispasqu’ilétaitmalade,mechuchote-t-ilenreniflant.—Alex?l’interpellemamère.Ilsetournemaisn’osepaslaregarder.—Monchéri, papavient deme raconter. Il s’enveut, il nevoulait pas te fairepeur. Il est juste

fatigué.PourquoitunenousasrienditpourMarc?—Je…jenesaispas…Mamèrenelelaissepasfiniretleserredanssesbrasàsontour.—Tonpèreveutteparler,finit-elleenluisouriant.Aprèsunebrèvehésitation,Alexsedirigefinalementverslesalon.J’entreprendsdelesuivremais

mamèrem’intimedeleslaisseretjesaisqu’ellearaison.Alexabesoindediscuteravecmonpère.Jesais qu’au premier abord,mon père ne semble pas facile, mais une chose est sûre, c’est qu’ils nousaimentplusquetout.

Jesoupireenpoussantlaportedemachambre…etmefige.—Non,non,non,non!jerépèteenm’avançantverslahousseposéesurmonlit.Depuisleseuil,Safiaétouffeuncrid’horreurenvoyantlahoussedemarobedemariéeéventréeet

pleinedepoils.

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Jerrymeprenddanssesbras.Jen’avaismêmepasremarquéqu’ilétaitlà.JepleuredanssesbrastandisquemamèreetSafiaévaluentlesdégâts.

—Ilsemblequelahoussesoitlaplustouchée,maisilvaudraitmieuxquetupasseslarobe,ditmamère,lessourcilsfroncés.

Jehochelatête,encorelarmoyante,alorsqueJerrymesoutienttoujours.—Maisqu’est-cequisepasseici?s’écrieMattsurlepasdelaporte.Nousleregardonstous,interloqués.—Franchement,c’estflippant:papaetAlexpleurenttouslesdeuxenbas,etvous,voussemblez

pasmieux.—Damiencoucheavecmachefdespotique,ill’ainvitéeàmonmariagesansrienmedire.Papaest

malade,ilauntrucaucœur.Alexn’avaitpassuffisammentconfianceennouspournousdirequ’enfaitMarcestsonpetitami,etRaspoutineadéchirémarobe!jecrie,àboutdenerfs.

—Papaestmalade?demandeMatt,paniqué.— Il a juste une faiblesse cardiaque, tente de le rassurer ma mère. Les médecins ne sont pas

vraimentinquiets.—Enfait,Raspoutineafaitpipiaussi,chuchoteSafiaentenantunmorceaudehousseduboutdes

doigts.—Attendez!jecrie.JescruteMattuneseconde.—PourquoitunesemblespassurprispourAlexetMarc?jel’interroge,unsourcilrelevé.—Je…jenevoispasdutoutdequoituparles,lance-t-ilenévitantmonregard.J’étouffeuncriavecmamainetsouffle:—Tuétaisaucourant?Maisdepuisquand?Matt sembleembarrassé,ouvre laboucheet la refermequandAlexarrive, lesyeuxrouges.Nous

l’observonstous.—Euh,vousvousrendezcomptequec’esttrèsgênant?finit-ilpardire.—Commentvapapa?demandeMatt.—Ilvabien.Ilm’aditqueçan’avaitrienàvoiravec…enfin,mesrévélations.—C’estpourçaqu’ilafaitunecrisecardiaque?interrogeMatt,ànouveauinquiet.— Matt, mais tu n’écoutes rien ! Votre père n’a pas fait de crise cardiaque et Alex n’y est

absolumentpourrien!s’écriemamèreenmettanttouslesgarçonsdehors.Papaestsimplementfatigué,etmaintenant,vousalleztousvouspréparer!

MêmeJerryypasse. Ilnesemblepasvraimentd’accordavec l’idée,mais il finitparsuivremesfrères.

Mamèrerefermelaportedemachambreetjeregarde,lasse,marobedévastée.—Tuvaslapasseretonvaregardercommentonpeutarrangerleschoses,meglisseSafiaavecun

sourireréconfortant.C’estmoioujepassefranchementunejournéedemerde?!MêmeBruceWillis,àcôté,c’estunpetit

joueur!

***

J’enfilemavestedecostumeetsoupireenrepensantàmaconversationavecDamienetlepèredeLola.Moiquipensaisavoirtiréuntraitsurmonpassé,ilsemblequ’ilm’aitrattrapé,finalement.

Ilfautque…Enfait,non, jenesaispasquoifaire!LepèredeLolaveutquejediselavéritéàLola,Damien

veut…

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Commetoujours,lesidéesdeDamiensontradicales!Jesecouelatête.Radicales,maisnécessaires.Jesensmagorgeseserrer.Jesaiscequejedoisfaire,maisjenesuispassûrd’enêtrecapable…Jemefrottelevisageetrelèvelatêtequandj’entendsquelqu’unfrapperàlaportedelachambre.Je

n’aipasletempsderépondrequecelle-cis’ouvresurLola.Jerestescotché.Elleesttellementbelle…Elleporteunerobecouleurcrèmequiépouselesformesvoluptueusesdesoncorps.—Tunedisrien,doncsoitjesuistrèsvilaine,soittellementmagnifiquequetuenasperdul’esprit!

melance-t-elle,moqueuse.J’aienviedeluirépondre:«J’aiperdul’espritlejouroùjet’airencontréedanscetascenseur»,

maisjenedisrien.Aulieudeça,jemelèveetmejettesurseslèvres.J’aibesoinderessentirautrechosequelapeurdelaperdre,detoutperdre…Jel’embrassecommesic’étaitlafin,commesic’étaitladernièrefoisquejepouvaisgoûteràelle,

àsoncorps.D’ungeste,elleverrouillelaportederrièreelle.Jeneperdspasdetemps.Jen’enaipas,detoutefaçon!

Doucement, j’écarte les bretelles de sa robe qui glisse comme par magie le long de son corpsvoluptueux.Monregards’arrêtesursapoitrinenue,quej’embrasseensuiteavecpassion.Lolasecambrequand je lamordille. Je passemes doigts de chaque côté de ses hanches et lui enlève d’ungeste sonstring.

Elleestnue,ettellementbelle…Jecaresseavec tendresse sonventre et jenepeuxpas retenir la larmequi coule le longdemon

visageets’écrasesurletapisàsespieds.—Oh,monDieu,Jerry,çanevapas?m’interroge-t-elleeneffaçantmalarmeavecsonpouce.—J’aitellementbesoindetoi,jechuchoteenpassantmamaindanssescheveux.Jeneluilaissepasletempsderépondre.Jelacoucheàmêmelesoletl’embrasseànouveau.Jene

suisqu’urgenceetdésespoir.Mesmainsparcourentsoncorps,tentantd’enmémoriserchaquedétail.Jedéboutonne mon pantalon, libère mon sexe et, sans attendre, la pénètre d’une seule poussée. Jem’immobiliseetmelaisseenvahirpar lasensationdemonsexeenelle.Moncœurmenaced’exploserdansmapoitrine.

Elleesttellementparfaite…Jevais et viens, sansdouceur.Mesdoigts s’enfoncent dans la chair tendrede ses fesses et je la

prendsplusloin,plusfort,jusqu’àmerépandredansuncri,ressemblantàunanimalàl’agonie.Ilmefautquelquessecondespourreprendremonsouffle.Jeroulesurlecôtéetmedemandedequoinouspouvonsbienavoirl’air.Lola,justevêtued’unepairedechaussuresàtalonsdorée,etmoi,complètementhabillé,monsexeramollisortantàpeinedemoncaleçon,tousdeuxallongéssuruntapisàl’effigiedeSpiderman.

Puis,finalement,l’imagemefaitsourire.Jemetourne,attrapeLolaparlanuqueetl’embrassetendrement.Elleposemamainsursonventre

etjelecaresseduboutdupouce.—Jet’aime,Lola,jefinisparluidiredoucement,monregardperdudanssesyeuxmarron.—Moiaussi,jet’aime,Jerry,meglisse-t-elleavecungrandsourire.Jedéposeunlégerchemindebaiserslàoùgranditlepetitboutdenousetdis,d’untonenjoué:—Tonpères’inquiètepourleprénomdenotrefuturenfant.Elleéclatederireavantdemerétorquer:—OnvaéviterJerryWalkerJunior,effectivement.Jel’embrasseetrépèteencaressantsonbeauvisage:—Effectivement.

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Nousrestonspétrifiéslorsquequelqu’unfrappe.—Euh…j’aibesoinderécupérermaveste,enfait,lanceAlex,gêné,derrièrelaporte.NouséclatonsderireetjeregardeLolaserhabilleràcontrecœur.Jefinisparmereleveràmontour

etremettremonpantalon.Unefoisquenoussommesprésentables,LolaouvreàAlex,quinousregardeàtourderôle,lessourcilsfroncés,avantdedire:

—Çapuelaluxurequandonentre!Ilsecouelatêteavantdes’arrêterprèsdutapis.—Mamanvatetuer,s’écrie-t-ilenmontrantdudoigtunetachedespermesurletapisàLola,qui

rougitdelatêteauxpieds.—Jem’enoccupe.Vafinirdetepréparer,jeluidis.Lolam’embrassechastementsur la joueet repartendirectiondesachambre.Je regarde la tache

d’unairsceptique.Commentjevaisnettoyerça?—Onn’aqu’àenleverletapis,melanceAlex,visiblementamusé.J’acquiesceetl’enroulepourlecachercontrel’armoire.—Allez,allons-y,meditAlexenmetapantdansledos.Je le regarde etme dis que,mis à part Lola, c’est vraiment le seul de cette famille qui semble

normal.

***

—Jesuistellementcontented’êtrevenueplustôt!nouslanceNatachaenroulantdesfessesdansunerobetellementétroitequel’onsedemandecommentellepeutencoremarcher.

—Etmoidonc!jem’exclame,ironique.J’arrangemarobependantquel’ontraverseleparkingendirectiondumas.— Oui, quand je pense qu’un peu plus et je ne pouvais pas assister au mariage la semaine

prochaine… Le pauvre Damien en aurait été bouleversé, continue-t-elle en secouant la tête, l’airsongeuse.

Moi,jevaistele«bouleverser»quandjevaislechoper,celui-là!—Pauldoitêtretellementdéçu,achève-t-elle.Jemeplanteaumilieuduparking.—Commentça,Paulvaêtredéçu?jel’interroge,crispée.—Ehbien,àcausedelatempêtedeneige.LetraficaérienaudépartdeNewYorkaétéinterrompu

jusqu’ànouvelordre.—MaisPaulestmontémoin!jem’écrie.Commentjevaisfairesanslui?Non,maisc’estquoicecauchemarencore?!—Oh!c’esttellementgentildeproposer.Évidemmentquejeserairaviedevousaccompagnerce

jour-là!melance-t-elleavecunesortedegrimacequiestcenséeêtreunsourire.—Maisj’airienproposé!jecrie.Inspireetsouffle,Lola.Toutçaesttrèsmauvaispourtescheveux…—MadameDragon,voulez-vousboirequelquechose?luidemandemamèreenl’attrapantparle

braspourl’éloignerdemoi.—Jenem’appellepas…Oui, c’est ça, emmenez-la loindemoi, jeme sensàdeuxdoigts debouffer de la brochette de

Dragon!—Tuessplendide,meglissemonpèreàl’oreilleavecungrandsourire.—Merci,papa.Tuessûrqueçavaaller?Jemesenségoïstedemaintenircettesoiréealorsquemonpèrenesemblepasengrandeforme.

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—Ma puce, ne t’inquiète pas. Je suis un vieux monsieur très coriace qui ne mourra pas avantd’avoirune ribambelledepetits-enfants.N’est-cepas,Walker ? finit-il en lançantunétrange regardàJerry,quisetientraidecommeunpiquet.

Bon,onestloind’unefranchecamaraderie,maisaumoinsilssemblentsesupporter.C’estdéjàça!Nous entrons dans la salle et sommes accueillis par des amis de la famille que je n’ai pas vus

depuisdesannées.JeleurprésenteJerry,quinesemblepasfranchementemballéparlasituation,maissemontrecourtoisetsouriant.Mattarriveàmahauteuretmeglisseàl’oreille:

—Damienvientd’arriveravecThomasetsacopine.Unsouriresadiqueéclairemonvisage.—Veuillezm’excuser,jelanceàMachins-Trucs(jenesuispassûredemesouvenirdeleursnoms,

enfait).Jecourspresquejusqu’àl’entrée.Jesuis furieuse, j’aicommeuneenviede lecogner,de le torturer. Jeveuxqu’ilpleure,qu’ilme

suppliedeluipardonneretqu’ildeviennemonesclavepourl’éternité.J’arriveàl’entréedumas,voisDorilarouquinesortirdelavoitureetposerunchiotàterre.Non, mais sérieux ! Est-ce que je trimballe Raspoutine à des soirées, moi ? Enfin, bref, on se

concentresurmontraîtredefranginquej’aiharcelétoutelajournéeetquin’amêmepasprislapeinedemerépondre.

Je l’aperçoisqui s’étiredans tous les sens. Il ne semblemêmepas avoir conscienceque, par safaute,j’aipassélapirejournéedemonexistence.

—Ahben,vousvoilàenfin!jecrieavecunevoixaiguë.Jesuisàboutdenerfsetmavoixaussi,ilsemblerait!Jetranspiredepartout,j’ailevisageenfeu…—Lola,tuessuperbe!m’intercepteThomasenmefaisantlabise.Ils’écarteetm’observe,lessourcilsfroncés.Jemesensbourréeàcraquerd’hormones,j’aichaud,j’aienviedepleurer…—Qu’est-cequisepasse?medemande-t-ilalorsquejem’efforcedenepasfondreenlarmes.—Cedînerestunecatastrophe,voilàcequisepasse!jehurleenlevantlesmainsauciel.Enfait,cen’estpastoutàfaitvrai.Ledînerest trèsbien, lemasestmagnifique,mesparentsont

vraimentmislespetitsplatsdanslesgrands…maisNatachaestlà.Etça,çagâchetout.PourquoiDamienmeregardecommeça?Jesensmalèvrequicommenceàtrembler.Ahnon!Jenevaispaspleurermaintenant!—Rentrons,dit-ilfroidement.Non,maisgenre,enplus,ilestencolère!Jerêve!JemetapetoutelajournéecettegarcedeNatachaetc’estluiquifaitlatronche!—Tun’espaslebienvenu,Damien,jesouffle.OK,c’estunpeuexcessif.Enplus,ilfautqu’ilrécupèreleDragon.Moi,j’enveuxpasunjourdeplus…—Qu’est-cequisepasse?répèteThomasquisemblesurpris.Etmerde,foutueshormones!Voilàquejepleure,maintenant!Jedevaismevenger,paschouiner!Ducoup,jememetsàpleurerencoreplusfort…—Demande-lui!jefinisparlâcherenessuyantunelarmesurmajoue.Çaveutpass’arrêter…,medis-jeensentantlacrisedelarmess’intensifier.Damienfroncelessourcilsetdétourneleregard, lamâchoirecrispée.Jelui jetteunderniercoup

d’œiletm’envaispresqueencourant.

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Voilà,maintenant,jevaisavoirdestracesdemascaraetlevisagebouffi.C’estlepompon!J’aiplusqu’àallerauxtoilettespouressayerdelimiterlesdégâts.J’ouvrelaporteetgrimaceenvoyantmonreflet.Jedevaisêtreuneprincesse,pasunratonlaveur!Toutça,c’estlafautedeDamien.Ilvavraimentfalloirquejemevengeuntrucdefou…Je soupire enme disant que, la prochaine fois, ça serait bien que je nememette pas à pleurer

commeuneMadeleine.Jem’installe et fais pipi en réfléchissant à lameilleureméthode pourme débarrasser du couple

infernalNatacha/Damien.—Merde,merde,merde,j’entendsrâlerderrièrelaporte.JedistinguelesescarpinsrosesdeSafia,maisquandjesors,elleestdéjàpartie.J’arrangeunedernièrefoismatignasseetretourneauprèsdemesinvités.—Lola,jesuisdésolé,lanceDamiendansmondos.J’inspireungrandcoupetmeretourne.—Pourquoituasfaitça?jeluidemandeententantdenepasànouveaufondreenlarmes.—Jenel’aipasinvitée,avoue-t-ilensoupirant.Jel’observe.Ilsembles’envouloir…—PapaetmamanvoulaienttefaireunesurpriseetjesuisallévoirNatachapourqu’elletelaisse

quelquesjoursdecongésupplémentaires,etunechoseenentraînantuneautre…Ilfinitsaphraseavecungestedelamain.—Sérieux,tunepeuxpasgardertaqueuedanstonpantaloncommeunhommecivilisé!jem’écrie,

ànouveaumoi-même.Ouais,leshormones,çavabiencinqminutes!—Cettefemme,Lola,crois-moi,elleavaitfaim.—Peut-êtreque,pourunefois,tuauraispudire«non,merci»!Merde,Damien,c’estmaboss!Tu

terendscomptedansquellepositiontumemets?Jevaismemarieretj’attendsunenfant,tucroisquelechômageestunepossibilitéenvisageablepourmoi?

—Jen’yaipas…réfléchi,souffle-t-il.—Tun’yaspas«réfléchi»?!Commentcrois-tuqu’ellevaleprendrelorsqu’elleserendracompte

quetuneveuxpaslarevoiretquetuascouchéavecellejustepourquejepuisseavoirquelquesjoursdecongésupplémentaires?Etsurtout,demande-toiquelgenredepersonneçafaitdetoi!

Ilmeregardelessourcilsfroncés,maisneditrien.—Damien,soisadulte,jetermineavantdepartirrejoindreJerry.Dèsqu’ilm’aperçoit,unlégersourireapparaîtsursonvisage.Jememordslalèvrepouréviterau

mienderessembleràunsmileygéant.—Tuesalléprendrel’air?jel’interrogeavecunsourireàpeinecontenu.Ilpassedoucementsesdoigtssurmesbrasnusetmerépond:—Jevoulaisvoircesvignesdonttum’astantparlé.—Et?—Etjecroisquelasallequenousavonschoisiepourlaréceptiondumariageestplusadaptée.— C’est vrai qu’avec le recul je me dis que l’extérieur est magnifique, mais je ne suis pas

convaincueparl’opéra.Ilmeregardeetfaituneffortpournepasrire.—Tuaimes,toi?jel’interroge,amusée.—J’avouequec’est…particulier.

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—Maintenant tuvas t’asseoiret tecalmer, lance froidementmonpèreàThomasqui semble trèsagité.Damien,vavoirdehorssitutrouvesSamantha,ordonne-t-ilsansquitterThomasduregard.

—Qu’est-cequ’il se passe ? je demande enposant doucementmamain sur l’épaule deThomaspourl’apaiser.

Ilsembleavoirunenouvellecrisedenerfs.PauvreThomas…Il souffrede stresspost-traumatiquedepuisdes années,maisdepuisqu’il amonté son agencede

sécurité,ilsemblaitallermieux.—Samanthaadisparu.J’airetrouvésonchiottoutseulquicouinaitaprèsavoiremmêlésalaisse

danslesvignes,ditDamienentenantunchiennoirdanssesbras.Thomasserelèvebrusquementenmebousculantaupassage.—Ilfautlaretrouver!s’écrie-t-il,nerveux.—Tusais,ellenedoitpasêtrebienloin,jechuchotedoucementpourlecalmer.Ilmefixe,lesyeuxinjectésdesang.—Tunecomprendspas,elleestendanger!—Thomas,àpartdessangliers,iln’yapasgrand-chosedehors,jeluisorsensecouantlatête.— Non, tu ne comprends pas ! Il y a un meurtrier psychopathe qui lui court après, reprend-il,

hystériquedésormais.Jejetteuncoupd’œilautourdemoi,medemandants’ilsouffred’hallucinations.—Onvaallerlachercher.Toi,turesteslàaveclechien,lanceDamien.—Oui,biensûr,valachercher,j’acquiesceencaressantdoucementledosdeThomaspourtenter

delecalmer.—Lola,onvatouslachercher!merétorqueAlex,lessourcilsfroncés.—Maisilfaitfroiddehors!Onestenpleinmoisdedécembre,jem’exclame.—Justement.SiSamanthaestperdue,ilvautmieuxlaretrouverrapidement,m’expliqueAlex.Toutlemondem’observe.Unpeuplusetjelesentendraisdire:«Maisquelgenredepersonnetu

es?»Moi,jedirais«frileuse»!Etmerde,jesuisbonnepourallermetrimballerdanslesvignes.Non,maissérieux,ilnemanquaitplusqueçapourfairedemajournéeunenfer!

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Chapitre7

Promenons-nousdanslesvignes,tantquelesangliern’yestpas…Silesanglieryétait,ilnouscourserait…Maiscommeiln’yestpas,jenecourraipas!

—Lola,çava?medemandeJerryenm’attendantunpeuplusloindanslesvignes.— Ouais, je gère carrément ! je réponds, ironique. Tu sais quoi ? Lorsque j’ai choisi ces

magnifiquesescarpinsdorés, jemesuisdit :«Humm,c’est lapaire idéale!Tout-terrain!Jepourraismêmefaireunroadtripdansleschampsavec!»

Amusé,ilmeregardeleverhautlesjambestandisquejeremontemarobejusqu’àlamoitiédemescuisses.

—Sérieux,j’enaimarredecettejournéedemerde.Jevoulaismangerdespetits-fours,rireavecmafamille,montreràquelpointtuesgénial,etaulieudeça,jemeretrouveàcrapahuterdanslesvignes–etmêmepaspourbaiser!jerâle.

—Lola,j’avouequ’ilfaitunpeufraispour…,commenceJerryavantdes’interromprefaceàmonregardnoir.

Silence.—OK,jetelaisserâler!dit-ilenlevantlesmainsauciel.—Toutça,c’estlafautedeDamien.Ilpassesontempsàbaisertoutcequiaunvagin,etvoilàoù

çanousmène!—Trèsfranchement,lefaitqueDamienaitunerelationavectasupérieuren’aaucunrapportavecla

disparitiondelafiancéedeThomas,medit-ilenm’aidantàenjamberunfossé.—Non,maistunevaspasledéfendre!jel’avertisenpointantmonindexdanssadirection.—Quoi?Jen’aijamaisditça!—Remarque,c’estvraique,toiaussi,tuavaisl’habitudedetrempertonbiscuitpartout.—Je«trempemonbiscuit»?Çaveutdirequoi?s’écrie-t-il.—Tusaistrèsbien!—Lola…,commence-t-ilavantdes’arrêterbrusquement.—Pourquoi tu t’arrêtesdemarcher ? je luidemandealorsqu’il scrute le solbizarrement.Tuas

enfincomprisquej’avaisraison?—Ilyadestracesdelutte…,ilmerépondentouchantlaterreduboutdesdoigts.— Quoi ?! Mais on n’y voit rien ! je sors en m’approchant de lui pour voir ce qu’il regarde,

accroupi,avecautantd’attention.—Chut…,medit-ilenlevantlamainentrenous.Ilserelèvebrusquementetmepoussesurlecôté,presquedanslesvignes,enregardantautourde

lui.

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—Non,maisnemepoussepascommeça!Sérieux,c’estlatactiquelaplusmerdiquedumondepouresquiverunedispute!—Lola,tais-toi,m’ordonne-t-il.—Ouh!Non,tunemeparlespascommeça,Jerry!jehurle.—Lola,shutup!mecrie-t-il.Etvoilà,maintenantj’aienviedepleurer!Jem’efforcedenepaslaissercoulermeslarmesquandjevoisJerrysauterdansuneravineàcôté

de nous. J’attrape mon téléphone portable dans ma poche et l’allume pour éclairer Jerry qui tientSamanthadanssesbras.

J’étouffeuncriavecmamainquandjeconstatequ’elleestligotée.MonDieu,Thomasavaitraison…—Calme-toi,Samantha!hurleJerryquitentedel’immobilisertantbienquemal.Lapauvreesttoutaffoléeetremuedanstouslessens.Jerry finit par ladétacher. Il lui parledoucement. Jene saispas cequ’il luidit,mais ça semble

l’apaiser.Jem’avancepourallerlesaider,maisJerrymecrie:—Lola,net’approchepas!—Est-cequ’ellevabien?J’appellelapolice!jeluirépondsenvenantverseux.—Lola,jet’aiditderesterlà-bas!mehurle-t-ilànouveau.Jecompose lenumérodessecours, leurdonnedes indicationssur le lieu,mêmesi jenesaispas

précisémentoùl’onest.—Est-cequ’elleestblessée?jedemandeànouveau.Personnenemerépond,doncjedisàl’agentquejenesaispasencore.Ilfaitnoiretlaravineestescarpée.Àchaquepasquejefaisdansleurdirection,laterresedérobe.JevoisqueJerryluienlèvecequisembleêtreunbâillonetluidemandesielleestblessée.Mais

ellenerépondpas,elleal’aircomplètementsouslechoc.Je raccroche avec les secours tandis que Jerry et Samantha remontent doucement la pente. Jerry

grimace.Jenesaispass’ilvaarriveràsoutenirSamanthatoutdulong,ilsembleavoirmalàlajambeetjenepeuxpasl’aidersansqueleterrainnes’effondreencoreunpeuplus.

—Jerry,faisattentionàtajambe!jeluicriedepuislechemin.Jel’aperçoisretirersonmanteauetledéposersurlesépaulesdeSamantha.Ils’immobilise,semblereprendresonsouffleettireànouveauSamanthaendirectionduchemin.Unefoisqu’ilssontpresqueàmahauteur,j’attrapeSamanthapourl’aider.Jejetteuncoupd’œilàJerryetluimurmure:—Jesuisfièredetoi.Ilm’adresseunpetitsourireenretouretfrottelesbrasdeSamanthapourlaréchauffer.Moncœurse

serre tout à coup quand je prends conscience que Jerry ne sera jamais heureux en travaillant dans unbureauouenrestantàlamaison.Notreviedefamilleneserajamaissuffisante.Ilestfaitpouraiderlesgens,poursauver lemonde…paspourêtrepèreaufoyer.Jesouris tendrementenmedisantquec’estaussipourçaquejel’aime.Unvéhiculesedirigeversnous.JereconnaisimmédiatementlaPorschedeThomasquisegare,etjevoisDamienensortir.

Thomasadûresteraumas.Jenesaispassic’estunebonneouunemauvaisechose.S’iltientvraimentàsarouquine,ildevraitêtrelà,avecnous…Jen’aipasletempsdepousserplusloinmesréflexionscarjevoisuneambulancearriver.—Çavaaller,jeglisseàl’oreilledeSamantha.L’ambulanceestlà,jecontinueenlafrottantàmon

tourpourlaréchauffer.Jenesaispassielletrembleparcequ’elleafroidouparcequ’elleapeur.

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L’ambulances’immobiliseetunmédecinensort.Ill’enveloppeimmédiatementd’unecouverturedesurvie. Je propose àSamanthade l’accompagner dans l’ambulance,maisDamienyva àmaplace. JeretourneauprèsdeJerryetmelovecontrelui.

Jenepeuxm’empêcherdemedemandersic’estnousquiluiavonssauvélavie.Queserait-ilarrivésinousn’étionspaspassésparlà?Jerrymesouffledesmotsdoux toutenmecaressant lescheveux.J’inspiresonodeuret, l’espace

d’uneseconde,jemesensunpeumieux.Lapolicearriveenfin,et…Ben,disdonc,jenesavaispasquelespoliciersétaientsi…sexy!Ilmefaitpenseràquelqu’un…Ouuuuuh,àJamie!Bordel,c’estlesosiedeJamieSexyDornan!Je pouffe discrètement en me disant qu’il n’a pas besoin d’investir dans une matraque et des

menottes, il a déjà tout ce qu’il lui faut. Je le dévisage alors qu’il discute un peu avecDamien, puisl’ambulancepart.Apriori,Samanthaaquelquesecchymoses,maisriendegrave.

Thomas va certainement la rejoindre à l’hôpital, me dis-je, juste avant de le voir sortir de lavoiture.

JemedégagedesbrasdeJerryetluidemande,surprise:—Tuesdanslavoituredepuistoutcetemps?Il ne me répond pas et se rend directement auprès du sosie de Jamie, qui discute encore avec

Damien.JejetteunregardàJerry,dugenre:«Tuycomprendsquelquechose,toi?»Ilsecouelatête.Bon,aumoins,jenesuispaslaseule!—Onvaallerattendredanslavoiture,meglisseJerryàl’oreille.Unfrissonparcourtmondosetjelesuis.—Tuesunhéros,jeluichuchoteavecunsourirecoquin.Ilm’attrapelebrasetmetireversluipourm’embrasser.Jepensequ’onatrouvéunbonmoyenpourpasserletemps,medis-jeenluimordillantlalèvre.IlouvrelaportièrearrièredelaPorscheetunchiennoussautedessusensedandinantdanstousles

sens.—Maisqu’est-cequetufaislà,toi?jel’interrogealorsqu’ilmelèchelamain.—C’estlechiendeSamantha,merépondDamienenarrivantàmahauteur.—Et tuvasenfairequoi?Ondevraitpeut-être le luiamener, jedisencaressant lechiotquise

pelotonnecontremoi.—Non,jevaisledéposerchezThomas,medit-ilens’installantauvolant.—Etenparlantdechosesencombrantes…TucomptesfairequoideNatacha?Ildémarre,soupireetfinitparsouffler:—Jem’encharge…—Cesoir?—Cesoir.Unsouriresatisfaitéclairemonvisage.Bon,peut-êtrequeleschosesvontenfins’amélioreretquejevaisavoirunmariagederêvela

semaineprochaine,finalement,medis-jeenobservantJerryàladérobée.Bientôt,jeseraiMmeLolaÉvaWalker,etrienqueça,c’estdéjàlaconcrétisationd’unrêve…

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Chapitre8

Unesemaineplustard…Unpsychopatheenmoins,beaucoup,voireénormémentdechocolatengloutipourcejour…TheLola’sWeddingDay!

—Tuesmagnifiiiiique,soufflePaulenajustantmarobe,leslarmesauxyeux.—J’espèrequeJerryvaêtredecetavis,jeluirépondsavecungrandsourire.—C’estcertain!s’exclameSafiaenm’aidantàfixermonvoile.—Maman,çava?Pour toute réponse, j’ai droit à une successiondehoquets humides. J’observemon reflet dans le

miroiretsoupire.Onyestarrivé!Bon,c’étaitpasgagnévulesdébuts,maislà,toutestenordre.Monpères’estreposé,aprissescachetsaucasoù,AlexainvitéMarcaumariage,Thomasafait

arrêterlepsychopathedesarouquine,DamienestdévouécorpsetâmeàNatacha…Mêmemarobeestparfaite!Mamèrel’aamenéechezleteinturier,puisacousudesperlesassorties

aubustierlàoùilyavaitdesmarquesdegriffures.Toutvabiendanslemeilleurdesmondes!—VousavezvuJerry?Iln’estpastropnerveux?jedemandesansquittermonrefletduregard.—Non,toutvabien!s’exclamePaulunpeutroprapidement.Silencegênant.Pourquoitoutlemondeseregardecommeça?—Tuesl’amourdesavie,évidemmentqu’il…vatrèsbien!serattrapetantbienquemalPaul.—Est-cequ’ilyaquelquechosequejedevraissavoir?j’interrogeenlesdévisageant.—Absolumentpas!s’écrieSafiaavecungrandsourirebizarre.—Onvavoiroùçaenest,lancePaulenattrapantSafia.—Turesteslà,onrevienttoutdesuite,s’exclament-ilsenpartantpresqueencourant.Jesaisqu’ilsmecachentquelquechose,maisbon,onvaattendre…,medis-jeavantdegrimacer

quandmamèresemouchebruyamment.—Maman,tudevraispeut-êtreallerterafraîchirunpeu?Bordel,elleamorflé!Ilvautmieuxqu’elleseremaquille,sinon,voilàlerendusurlesphotos!Elleacquiesceets’enva.Jeregardel’heure.Lemariagenedevraitplustarderàcommencer…Lepremierjourdurestedenotrevie…C’estcequem’aditJerryhiersoir,jemeremémoreavecunlégersourire.

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Jenesaispascequisetrameencore,maisjesuissûred’unechose:dire«oui»àl’hommequej’aimesuffiraàrendrecettejournéeparfaite.

Jesursautequandquelqu’unfrappeàlaporte.J’ouvreavecungrandsourireàunjeunegarçonquejeneconnaispas.Ilmetenduneenveloppeavecunairnavréets’envaencourant.

—Bon,ben,merci,jesouffleenrefermantlaporte.Jeregardel’enveloppe.

Lola

C’estl’écrituredeJerry…Jel’ouvreetlis.

MachèreLola,Écrirecettelettreestcertainementlachoselaplusdouloureusequim’aitétédonnéedefaire.Hier,jet’aiditquecejourseraitlepremierdurestedenotrevie,etjemerendscompteàquelpointj’aieutort.Mavieacommencélejouroùj’aicroisétonregarddanscetascenseuretsefinitàl’instantoùtuliscettelettre.Jesuisdésolédenepasêtrel’hommequ’iltefaut.Chaquejour,j’aisouhaitédevenirmeilleur,devenirunautre,maisjemerendscomptequejenesuisquemoi,ettuméritestellementmieux,Lola.Jet’aime,J.

MonDieu,c’estimpossible.Jerelis.J’aibesoindem’asseoir…J’aviseunechaiseetm’ylaissetomber.Jerelisencore,onnesaitjamais…Unelarme,puisdeux…

Jesuisdésolédenepasêtrel’hommequ’iltefaut.

Laportes’ouvre,maisjenelèvepastoutdesuitelatête.Jedoisrelireencore.

Chaquejour,j’aisouhaitédevenirmeilleur,devenirunautre…

Jen’yarrivepas,mesyeuxsontpleinsdelarmes.JefinisparleverlatêteetreconnaislafiancéedeThomas.C’estquoi,déjà,sonnom?—Samantha?—Oui?merépond-elleavecsonairbizarre.Jeluitendslalettre,peut-êtrecomprendra-t-ellemieuxquemoi,parcequemoi…jenecomprends

pas…Commentpeut-ilmelaissersi,commeildit,ilm’aime?Pourquoiilm’abandonne?—Ilestparti…,jem’écriealorsqu’unviolentéclairdedouleurétreintmoncorpstoutentier.Ilestparti…Ilm’alaissée…Ilnereviendrapas…Toutestfini,mavieestfinie…Quelqu’unmeserrefort,maisjenesensplusrien.J’aimal…tellementmal…C’estimpossible,Jerrynem’auraitpasabandonnée,jemerépète.—Non,iln’auraitjamaisfaitunechosepareille,jedisdoucement.Jetentedemeressaisir.Jefermelesyeux,inspire,souffle.Jemerendscomptequejesuisblottie

danslesbrasdeThomasetquetoutlemondem’observe,mafamille,Safia,Paul,mêmeNatacha…

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—Ilfaut…Jen’arrivepasàfinirmaphrase.J’ailesoufflecourt.—Ilfautleretrouver,jedisenmelevant.J’inspireprofondément,arrangemarobeetmetapotelevisage.—Jerryneseraitjamaisparticommeça.Illuiestarrivéquelquechose,c’estsûr…—Enfait,nouslecherchonsdepuisunmomentdéjà,lâcheMatt,malàl’aise.—C’étaitdoncçaquevousmecachieztous!jem’écrie.Depuisquand?jedemande,deplusen

plusanxieuse.—Laissez-nous,ditmonpèreavecautorité.Toutlemondeleregarde.Ilshésitentuninstant,puisfinissentparsortir.Moncœurbatàtoutrompre.Pourquoiai-jelafâcheuseimpressionquejenevaispasaimercequel’onvamedire?—Papa…,jelesupplie.Dequoi?Jen’ensaisrien.Peut-êtredemedirequetoutvas’arranger,queJerryvarevenir très

vite,quetoutçan’estqu’uncauchemar…—Assieds-toi,mapuce,medit-ilenm’indiquantunechaise.Jesecouelatêteenmerépétant:IlfautqueJerryrevienne.—Lola,tudevrais…—Parle!jecrie,àboutdesouffle.Moncœurmenacedesortirdemapoitrine.—LorsquejesuisrentréavectamèredeNewYork,j’aifaitdesrecherchessurJ.Audépart,jen’ai

rien trouvéde compromettant.Debons états de services, rien de particulier,mais en creusant un peu,certaineschosesme…

Ilsoupire,attrapemamain.— Il a menti, Lola. Il ne s’appelle pas JerryWalker, sa mère est décédée dans un accident de

voiture,mais…Ilsepasseunemainsurlevisage.Jen’aijamaisvumonpèrecommeça…Ilsembleavoirmal.Un

constatmefrappeimmédiatement,ilsouffrepourmoi.—Cen’étaitpasàmoide…—Papa?Mavoixn’estqu’unmiaulement.—J.aeuuneenfancecompliquée,mais jevoulaisqu’ilsoithonnêteavec toi, jevoulaisqu’il te

disetoutça…Jeretirebrusquementmesmains.—Tul’asmenacé?—Lola,tuallaisépouserunhommesansconnaîtrenisonnomnisonpassé.J’étouffeuncriavecmamain.—MonDieu,qu’est-cequetuasfait?—J’aidéfendumafille!s’emporte-t-il.—Non,tuluiasfaitpeur.Jesavaisqu’ilavaiteuuneenfancecompliquée,commetudis,maisje

saisaussiunechose,c’estqu’ilm’aime!—Alorspourquoinet’a-t-ilriendit?Ilachoisi,ilestparti.—C’esttoiquil’asfaitpartir!jehurleenlepoussant.Ilfautquejeleretrouve.—Lola !mecriemonpèreenm’attrapant lebras,mais jemedégageet sorsprécipitammentde

cettefoutuepièce.

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Jetrébuchepresqueensortant.Lesinvitésquisontentraindequitterlamairiemedévisagent,maisjem’enfous.JedoisretrouverJerry…

Jecours,manquedetomberendévalantlesmarches,regardeàdroite,àgauche.Jesuisàboutdesouffle.

Jenesaispasoùlechercher…Deslarmescoulentlelongdemesjoues.JedoisretrouverJerry…—Lola!Damienm’attrapeparlebras.—Jenesaispasoùlechercher,jedisensanglotant.—Tuveuxallervoiràlamaison?demande-t-il,ensachanttrèsbienqu’iln’yserapas.Jesecouelatête.—Tu…JeveuxdireThomas,toiettouslesagentsdanslesparages,vouspouvezleretrouver.—Jesuistellementdésolé,Lola…—Appelezuneambulance!entend-oncrierquelqu’underrièrenous.—Papa!

DécouvrezlasuitedesaventuresdeLoladansleprochainépisode:

Lola–Petite,grosseetcomplètementlarguée

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Chapitre9

Samedi21décembre

Uneinfirmièrepassedanslecouloiretmedévisage.Ellem’observedespiedsàlatête,manquedeseprendrelemuretcontinuesonchemin.

Ça,c’estsûrquejenepassepasinaperçue…Entremarobedemariée,monvoile,macoiffurequipartdanstouslessens,lestracesdemascaraet

monteintblafard,jesuisautop.Jesoupireetmediriged’unpasdécidéverslestoilettes.J’observemonrefletdans laglaceet,pendantun instant, jenemereconnaispas.Jeposemonportablesur le lavabo,attrape du papier-toilette, le mouille et entreprends de me laver le visage. Je m’applique à éliminerchaquemarquedemascara,effaçant lesvestigesdemeslarmes.Ellesmarbrentmonvisagecommelesblessuresd’uneguerreperdued’avance.

Oùes-tu,Jerry?J’aitentédelejoindre,encoreetencore.J’ailaissétellementdemessagesquesaboîtevocalen’en

accepteplus.Thomasaenvoyédeshommesàluichezmesparents.Onnesaitjamais…Mais rien !Onn’a rien retrouvé.Mêmesesaffairesontdisparu.Paula téléphonéàWill, restéà

NewYork,etluiademandéd’allersurveillerl’appartement.J’aicommeunétrangepressentiment…Lesentimentqueplusrienneseracommeavant…Unenouvellelarmecoulelelongdemajoue.Jel’essuievivementetinspire.Ilnem’apaslaissélamoindrechance,medis-je,lagorgeserrée.Mon père a eu tort de le mettre au pied du mur, mais Jerry ne m’a pas donné la chance de le

comprendre,deluipardonner…Etluines’estpasdonnélachanced’avoirunefamille.Mequitter est une chose,mais le bébé…Est-ceque lebébé a rendu sadécisionplusdifficile à

prendre?Jenesaispas.Detouteévidence,j’aiprissonangoisseàl’idéededevenirpèreàlalégère.Biensûr,jeveuxqu’ilrevienne,maisjenesuispascertainedepouvoirluipardonnercettenouvelle

trahison.Jemescrutedanslemiroir.Mesyeuxsontcreusés,sansvie,monteintestblafardetmacoiffureme

donneunairdefolleaubordduprécipice.J’ôtefinalementmonvoile,puisretireuneàunelesépinglesmaintenant mon chignon.Mes boucles retombent lourdement sur mes épaules. Je crois qu’après cetteépreuve,jeneseraiplusjamaisvraimentmoi-même.Jejetteuncoupd’œilàmonportablequin’affichetoujoursrienetrêvedeleprojetercontrelaglace,detoutfairevolerenéclat,qu’ilsebrise,toutcommejesuisbrisée.

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Mais je ne le ferai pas, car je veux que Jerry puisseme joindre. Je garde l’espoir que tout vas’arranger,quetoutrestepossible.

Jeposeunemaintremblantesurmonventreetlaissecoulermeslarmesenpensantàtoutcequej’aiperduaujourd’hui.

Jerry…Unefamille…Etsijeperdaismonpèreaussi…J’ailatêtequitourne.Jemelaisseglisserausol,ramènelesgenouxcontremapoitrine,lesceinsde

mesbrasetpleure,lenezenfouidansletissusoyeuxdemarobedemariée.J’aimeraisêtreplusforte,maisjen’yarrivepas,jenesuisquemoi…queLola…Unefemmeentredanslestoilettesetm’observe,lesyeuxronds.Jemerelèveimmédiatementetne

luirépondspaslorsqu’ellemedemandesijevaisbien.Sij’allaisbien,jeneseraispasentraindepleurerdanslesW-Cd’unhôpital!Jerécupèremonportableetsorsenbredouillantquelquechosequejenecomprendspasmoi-même.La porte se referme. J’inspire un grand coup, essuie une fois de plus les larmes qui strientmon

visage et pars rejoindre ma famille dans la salle d’attente. Ils sont tous assis en silence. Quand ilsm’aperçoivent,ilsmeregardentavectristesse.

Est-cequec’estparceque j’aiprobablement tuémonpère,oubienparcequemon fiancém’aabandonnéedevantl’autel?Oualors,c’estpourlesdeux?

Je lisse le devant de ma robe blanche avant de porter mon attention sur Thomas, qui tient sarouquine dans ses bras. Je devrais être heureuse pour mon frère, mais je ne peux pas. Les voir seréconforter, si amoureux, ne fait queme rappelerma solitude et à quel point Jerrymemanque en cetinstant.

Dansunbonnombredemessages,jeluidisquemonpèreestàl’hôpitaletquej’aibesoindelui.Maisçaaétésansgrandeffet,semble-t-il,puisqu’ilnem’apasrappelée.

Dansd’autres,jeluiparledubébé,denous,maisçanonplus,çan’apasfonctionné.Est-cequ’ilécoutemesmessages,aumoins?Jem’avanceversThomas.IllèvelesyeuxetlâcheSamantha,quirougitenfixantsespieds.–Tuasdesnouvelles?jeluidemandepourlamillièmefois.–Non,Lola.Sij’enavais,jetel’auraisdit,merépond-ildoucement.Jesais,maisd’unecertainefaçon,çamerassuredeluidemander.Ilouvrelabouchepuislareferme.Jesaiscequ’ilpense,ainsiquetouslesautres.OnneretrouveraJerryques’ilaenviequecesoit lecas.Etpourquoichercherà toutprixun

hommequineveutplusdemoi?Maisjemefousdecequ’ilspensent,enfait!Ilsnesaventpasàquelpointilm’aime,etàquelpoint

çaluifaitpeur.Enfin,jecrois…–Tudevraispeut-être rappeler teshommes,oumêmeyaller.Tues lemeilleurdanscegenrede

chose…Jeveuxdire…pourretrouverlesgens.–Lola,jeteprometsdefairetoutmonpossible,maisc’esticiquejedoisêtre,maintenant.Papaest

entraindesefaireopérer,etjeneferairiendeplusquelesagentsquej’aimissurcetteenquête…enfin,pourretrouverJerry.

Thomasapeut-êtredelapeinepourmoi,maisilneprendpasçaausérieux.Sinon,ilneresteraitpaslà,àcâlinersarouquine.

–C’estjusteque…,jetenteànouveau.–Jesais,Lola,m’interrompt-ilenposantlamainsurmonépaule.Jelerepousseviolemment.–Non,tunesaispas,Thomas!jesors,plusfortquejenelevoudrais.J’inspireprofondément.Toutlemondemeregarde…

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– Non, tu ne sais pas ce que je peux ressentir, là maintenant, je reprends plus doucement encommençantàpleurer.Aujourd’hui,jedevaismemarier,etaulieudeça,j’attendsdesavoirsimonpèrevamouriroupas,simonfiancévareveniroupas,si…

Jen’arrivepasàfinirmaphrase,lessanglotsm’enempêchent.Safiaselèveetmeprenddanssesbras,maisjelarepoussefermement.J’aibesoind’êtreseule.Je

neveuxplusqu’onmeregardeavecdelapeineoudelapitié.Jeparsencourant,aperçoisauboutducouloiruneportequiouvresuruncagibiaménagéenplacardpourentreposerlematérielmédicaletm’yengouffre.Jerefermederrièremoi,melaissetomberparterre,entrelescompressesetlesmédicaments,etéclateensanglotsenpensantàcequidevaitêtreleplusbeaujourdemavie.

Lepremierjourdurestedenotrevie…JecomposeànouveaulenumérodeJerry.Çasonne,messagerie.– Jerry, c’est… c’est encoremoi. Je… je ne peux pas vivre sans toi, reviens… Je t’en supplie,

reviens…Je…jesuisàl’hôpital…Jet’aime.Etjeraccroche,lesmainstremblantes,lesyeuxbaignésdelarmes.Sij’aipulaisserunmessage,c’estqu’ilaécoutélesprécédents!Marespirations’accélèreàcette

pensée.Est-cebonoumauvaissigne?…Jem’assiedsparterre,serrelesgenouxcontremapoitrineetimagineJerryvenirmechercher.Ilme

prendraitdanssesbras,plongeraitsonvisagedansmescheveuxettoutiraitbien…Soudain, la porte s’ouvre, mais ce n’est pas lui, c’est Damien. Il m’aperçoit, n’allume pas la

lumière,entredans lecagibiets’assiedàcôtédemoi,ensilence. Ilnedit rien,nemeregardepas, ilrestesimplementlà,àm’écouterpleurer.Jefinisparposermatêtesursonépaule.Ilpasseunbrasautourdemoi,maisnedittoujoursrien.

J’ouvrelesyeuxetmerendscomptequejemesuisendormiedanslesbrasdeDamien.Est-cequej’aidormilongtemps?Est-cequeJerryvarevenir?…J’inspireungrandcoupettentedemeressaisir.Damienn’apasbougéd’unpouce.J’aidûm’assoupirquelquesminutes,sansplus…Soudain,unéclairdedouleurmeparcourtledos.Jememordslalèvreenessayantdesoulevermes

jambes.Moncorpstoutentiern’estquesouffrance.Etjenefaispasréférenceàlaplaiebéantedansmapoitrine, mais à mes articulations et mes muscles complètement ankylosés…Damien attrape quelquechosedanssapocheetmeletend.Ilmefautunepoignéedesecondesàcausedelapénombrepourmerendre compte qu’il s’agit d’un paquet deKleenex. Jeme redresse et le saisis.Malgré lemanque delumière,jedistingueunegrossetachesombresursonépaule.

–Jet’aibavédessus,jechuchoteensortantunmouchoir.–Jesais,dit-ilsimplement.Jepréféreraisqu’ilmesorteunedesesblaguesvaseusesdontilalesecret.Maisjesaisqu’ilnele

ferapas.Ilregardetoujoursdevantlui,lamâchoirecrispée.–J’aidormilongtemps?jedemandeavantdememoucherbruyamment.–Jenesaispastrop.–Tupensesquepapava…Jen’arrivepasàfinirmaphrase.Déjàparcequel’idéeseuleestinsoutenable,etenplus,parceque

celapourraitrendrelachosepossible.Pourlemoment,jepréfèreimaginermonpèreimmortel…–Toutlemondemeurtunjour,Lola,dit-ildoucement.–S’ilmeurt,çaserademafaute,jelâcheensanglotantànouveau.

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Damienmereprenddanssesbrasetsouffle:–Crois-moi,Quenelle, car j’ai beaucoupd’expérience dans ce genre de chose,même si pour le

momenttunelevoispas,tun’yespourrien.–C’estmoiqui…–Ilestmalade,Lola,mecoupe-t-ildurement.Alors,non,tun’yespourrien.Jehochelatête.Jesaisqu’ilaraison,maisjenepeuxpasm’empêcherdemereprocherdem’être

emportéecontremonpère,etjen’arrivepasnonplusàluipardonnercequ’ilafaitàJerry.–TusavaisqueJerryn’étaitpaslevrainomdeJerry?Ilsetend.Jeconnaislaréponseavantqu’iln’ouvrelabouche.–Oui.J’attendsqu’ilmedisesonvraiprénom,maisriennevient.–Etc’estquoi,alors?jedemande,agacée.Jelevoisesquisserunsouriremalgrél’obscurité.–Iltelediraquandilreviendra,mesort-il.S’ilrevient!jepenseinstantanément.Salettresemblaitassezdéfinitive,quandmême.Pasunmot,pasunephrase,pasuneexpressionquimepermettraitd’espérer,rien.Ilajusteécritque

c’étaitfini.Ilnem’alaisséaucunepossibilitéderetourenarrière…–Ilreviendra,Lola,ditDamien,sûrdelui,mecoupantdansmessombrespensées.Commej’aimeraisavoirsabelleassurance…,medis-jeenentendantuntéléphonevibrer.Damienattrapesonportable,quiestposéàcôtédelui,etlitlemessage.–Tuesprêteàsortirduplacard?medemande-t-il.Jesaisquesijedis«non»,ilresteraavecmoisansriendire.Maisilfautsortir.Jenepeuxpas

resteréternellementcachée,à tenterd’oublier la réalité.Pourtant,encet instant, jedonnerais toutpourpouvoiroublier,oumêmepourfairetairecettedouleurquiétreintmoncœur.

Jefinisparhochertimidementlatête.–Super,parcequej’avaisvraimentmalauxfesses!lance-t-ilenselevant.Ilm’aideàmeleveràmontour,puismeditavecunsourirerassurant:–Papavabien,ilvientdeseréveiller.Tuveuxallerlevoir?Jememordslalèvre,hésitante,etfinisparsoufflerunfaible«oui».J’aipeurquemonpèrem’en

veuille.Aprèstout,s’ilestlàcesoir,c’estvraimentdemafaute.Jemesuisemportéecontreluialorsquejesavaisquesoncœurétaitfragile.J’étaistellementaveugléeparladouleurqueplusriennecomptaitendehorsdeça.

Ets’ilnemepardonnaitpas?Je sursaute quandDamien pose samain dansmon dos pourm’inviter à sortir. Je le suis le long

d’innombrables couloirs, les yeux rivés au sol, avec l’impression d’avoir le poids dumonde sur lesépaules. Je me demande comment va réagir mon père. Ou comment je vais réagir, moi. Parce que,inlassablement,jemerépèteques’iln’avaitpasmenacéJerry,riendetoutcelaneseraitarrivé,etqu’àl’heurequ’ilest,jeseraismariéeàl’hommequej’aime.

Plusrienneseracommeavant,jelesais…Nousnousarrêtonsdevantuneporte.Damienmesaisitlamain,laserre,puislarelâche.Jeluijette

underniercoupd’œil,puisantunpeudanssaforce.J’inspire,ouvre…Pourvuqu’ilnemedétestepas.Moncœur tambourine violemment dansmapoitrine. Ilme faut quelques secondes pour lever les

yeux.Maislorsquemonregardcroiseceluidemonpère,jecoursverslui,lesyeuxemplisdelarmes.Jemeblottiscontreluiet,encetinstant,lepoidsdesregretsetdesremordsmequittent,nelaissantplusque

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ladouleur.Jesuppliemonpèredelafairepartir.Ilmeserrefortenmechuchotantdesmotsapaisantsetenmecaressantlescheveuxcommequandj’étaispetite.Maisellenepartpas.Ellenepartirajamais…

***

Àtravers lehublot, je regarde lameràpertedevueet inspireprofondément.Si jepensaisavoirsouffert,cen’estriencomparéàcequejeressensencetinstant.

–Vousavezprislabonnedécision,meditunevoixféminineàcôtédemoi.Jetournelatêteetdévisagelajeunefemmequim’aparlé.Brune,lesyeuxd’unbeaubleu,ungrand

sourire.Elleestbelle,c’estindéniable.–Jem’appelleÉlia,seprésente-t-elleenmordantdanssalèvrerosecerise.Jenerépondspasettourneànouveaulatêteendirectiondelamer.Commentvais-jepouvoirvivreaprèsavoirfaitça…Lola…

***

–Lola…J’ouvrelesyeuxetdistinguemamèreàcôtédemoi.Jemerendscomptequejemesuisendormie

danslesbrasdemonpère.Jem’écartedeluienprenantsoindenepasleréveilleretdescendsdulit.– Tu devrais rentrer, maintenant, chuchote ma mère en me faisant un sourire qu’elle espère

réconfortant.–VousavezdesnouvellesdeJerry?jedemande,pleined’espoir.Mamèresecouelatêteetjevoislapeineassombrirsonvisage.Jejetteuncoupd’œilàmonpère.–Jevaisresterlàcettenuit,medit-elledoucement.–OK,jeluirépondsensortantdelachambre.Lorsqu’ellem’aperçoit,Safiaselèveimmédiatement.ElledonneunpetitcoupdepiedàPaulpour

leréveiller,maissansgrandsuccès.Ilseretourneetsemetàronflerplusfort.JememordslalèvrepournepasriremaisçadevientimpossiblequandSafiafaitunnouvelessaietqu’ilsemetàgrogner.

–Onn’aqu’àlelaisserlà,jesors,amusée.–Ahnon!vouslerécupérez!s’écrieuneinfirmièreenpassant.Onseregarde,Safiaetmoi,avantdesemettreàrireencoreplusfort,cequi,pourfinir,leréveille.

Ilnousobservesanscomprendrecequisepasse.–Pourquoivousriezcommeça?finit-ilparnousdemanderensefrottantlevisage.–OnplaintcepauvreWillquidoitsupportertesronflements,luisortSafiaenattrapantsesaffaires.–Je…jeneronflepas!Jerespirefort,sedéfend-iltantbienquemal.–Non,tufaisunbruitgenre«sanglierentraindemourirdansd’atrocessouffrances»,sortMatten

nousrejoignant,desbarreschocolatéespleinlesmains.En réponse, Paul croise les bras et regarde ailleurs pour bien nous montrer qu’il est vexé. Je

grimaceenapercevantDamienetNatachaauboutducouloir.Jel’avaisoubliée,celle-là!–Parfait,nousyallonsenfin!s’exclame-t-elle.D’unbloc,nousnoustournonstousverselle.Qu’elleestexaspérante!medis-jeenmeretenantdenepasluiexprimermafaçondepenser.– Je n’en pouvais plus de cette odeur et de tous ces gens, continue-t-elle de se plaindre. Il

sembleraitqu’ilsneconnaissentpaslachosequel’onappelle«savon».Oh,mapauvreLola!vousêtesdansunétatlamentable…

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Jejetteuncoupd’œilàDamien,quisembleprendreénormémentsurlui.Àcetinstant,jenesuispascertained’avoirlaforcedelasupporter.

–Natacha,jepensequ’ilestl’heurepourvousderentrer,jeluidisdoucementenmedirigeantverslasortie.

– Je croyais que nous partions tous ensemble ? demande-t-elle en attrapant son tube de rouge àlèvresdanssonsacàmain.

–Jevoulaisdire,àNewYork.–Oh,jeneveuxpaslaissermonpetitDamientoutseul…,enchaîne-t-elleensetartinantleslèvres

desonrougecriard.–VotreplaceestàNewYork,j’affirmeencherchantenmoiunelueurdepatience.–CequeveutdireLola,monpetit chat, c’estquenous souhaitons rester en famille, lui explique

Damienavecunlégersourire.Sérieusement?Monpetitchat?C’est…beurkissime!Ellenousregardechacunnotretour,puisrangesonrougeàlèvresdanssonsacàmain.Pourquoiai-

jecommel’impressionqueçanevapasêtresimpledesedébarrasserd’elle?–Jevoisbienquevousessayezdememénager,maisregardecettepauvreLola,dit-elleàmonfrère,

elleressembleàuneserpillièremalessorée.Ilestévidentqu’elleabesoin…jediraisbiend’unmiracle,maisjecroisquemesservicesferontl’affaire.

Tandisquejeladévisage,mamâchoiresecontracte,mespoingsseferment.–Euh,jecroisvraimentqu’ondevraityaller,sortprécipitammentDamienenattrapantNatachapar

lecoude.–Mapauvrepetite,vousauriezdûvousdouterquecen’étaitpasunhommepourvous.Ilvousfaut

tournerlapageetchercherquelqu’undavantage…dansvoscapacités.Troptard:moncerveaus’estéteint,etmonpoingestpartitoutseul,frappantviolemmentmagarce

debossenpleinvisage.J’ail’impressionterriblequejen’auraispasdûfaireça!Hagarde,j’observelascène.Natachagîtausol,lenezensang.Damiententedel’aideràserelever,

maiselleseprendlespiedsdanssarobeetglissesurlesol.Toutlemonderestepétrifiéparcequivientdesepasser.Cependant, l’espaced’uneseconde, jecroisdistinguerun léger sourire sur les lèvresdePaul.

–Je…je…jesuis…Pasdésoléedutout!Jel’achèveraisbienavecuncoupdepied!–Vousêtesvirée!crie-t-elleenroulantsurlecôtépouressayerdeserelever.–Natacha,jevousassure,jesuis…Je n’ai pas le temps de terminer ma phrase que Damien lâche brusquement sa main et qu’elle

retombelourdementausol.–Maisqu’est-cequiteprend?luihurle-t-elleensetortillant.Jeresteimmobile.Jesaisquejedoisarrangerlasituation,maisaucuneidéenemevient,àpartune

énormeenviedel’achever.Jetenteunpasenavant,maisjem’arrêtequandDamienluisort:–Tul’asvirée,etmoi,j’aiassezdonné.–Hein?crieNatachasurleventre.Il s’approche et lui chuchote un truc à l’oreille, l’airmoqueur.En réponse,Natacha essaie de le

frapperavecsonsacàmain,maisDamienvoitlecoupvenirets’écarteàtemps.–Onyva?nousdemande-t-il.–Euh…ben,oui,jesors,sansplustropsavoiroùj’ensuis.Jecroisque,detoutemanière,onaatteintlepointdenon-retour.

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Finalement, c’était pas si jouissif que ça de la frapper, me dis-je, un brin déçue. Dans monimagination,c’étaitbienplussympa.

JevoisPauldétalerverslasortieetcomprendsvitepourquoiquandNatachal’appelle,menaçantdelevireraussis’ilnevientpastoutdesuitel’aider.

–Jesuisdésolépourtontravail,meditDamienenposantsavestesurmesépaulesavantdesortirdel’hôpital.

–Çadevaitbienfinirpararriver,jerépondsensoupirant,carc’esttoutcequimevientàl’esprit.–Entoutcas,tuasunesacréedroite!conclut-ilenouvrantlavoiture.J’aurais dû lui donner un coup de pied, en fait. C’est pour ça que j’ai comme un goût

d’inachevé…–Jesais,jeluisorsenattachantmaceinture.Jejetteunderniercoupd’œilàmontéléphone,toujoursrien…Jerry,reviens…

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Chapitre10

Mercredi25décembre

J’ouvre les yeux, m’étire comme un chat après une longue sieste et souris quand mon regardrencontreceluideJerry.

Moncœurseserre,submergéd’amour.Jenepensaispasquec’étaitpossibled’aimerautantquelqu’un…–Biendormi?medemande-t-ilàvoixbasseencaressantdoucementmescheveux.Monsourires’élargitencoretandisquesesdoigtsjouentavecmachevelure.Iln’yabienqueluipouraimermescheveux!Unfrissonmeparcourttoutàcoup.J’aifroid.Jemesenstriste,maisj’enignorelaraison.Ils’estpasséquelquechosedeterrible,maisjenemerappelleplusquoi…–J’airêvéquetum’avaisquittée,jeluisouffle,ensentantmagorgesenoueràcesouvenir.Jecroiselesbrassurmapoitrine.J’aideplusenplusfroid.Jerrycontinuedemecaresserlescheveuxsansunmot,leregardperdudanslevague.–Çafaisaittellementmal,jechuchoteenfermantlesyeuxuninstant.Quand je les rouvre, je suis dans ses bras. Le froid s’estompe petit à petit. Je me sens mieux,

apaisée,commeaprèsunaffreuxcauchemar.–Jet’aimeàenmourir,j’avoueenluimordantlalèvrequandsaboucheseposeenfinsurmoi.Jefermelesyeuxetm’abandonneàsesdélicieusescaresses.Sesmainsparcourentmoncorps,un

soupirm’échappequand ilme retiremaculotte. Ildéposeun légerbaiser sur l’intérieurdemacuisseavantdelamordredoucement.

–Jerry,nemequittepas,jegeinsalorsquesesmainspétrissentmesfesses.–Ilesttroptard,chuchote-t-il.–Ilesttroptardpourquoi?jedemande,soudainmalàl’aise.Pasderéponse.Jenesensplussesmainsniseslèvres.J’ouvrelesyeux.Iln’estpluslà.Ilestparti…Laréalitém’étreintviolemment.Cen’étaitqu’unrêve.Quelquechosemechatouille levisage. Je

portelamainàmajoueetmerendscomptequejepleure.J’inspireprofondément,jetteuncoupd’œilauréveil,5h45.Lejourn’estpasencorelevé,laluneéclaireleplafonddemachambred’enfant,etjemeposelamêmequestionenboucle:Oùes-tu,Jerry?

Unelarmecoulelelongdemonvisageets’écrasesurmataied’oreiller.Aujourd’hui,c’estNoël.

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ÇadevaitêtrenotrepremierNoëlenfamille…J’aiessayéde le joindre, je luiaienvoyédesmessages,desmails,Thomasacrééuneéquipede

recherche,Damienfouilleauseindel’Agencepourvoirs’iln’auraitpasintégréunenouvelleéquipeouaumoinsdonnésignedevie…Rien,toujoursrien.

C’estcommes’ils’étaitvolatilisé.Iladisparu,toutsimplement,commes’iln’avaitjamaisexisté.Commesinousn’avionsjamaisexisté…Jecaressemonventrelégèrementarrondietmedisque,sijen’avaispaslepetitêtrequigranditen

moi,jen’auraisplusriendelui.Rien,plusrien…,jemerépèteensanglotantensilence.–C’estàcetteheure-ciqueturentres?JereconnaislavoixdeSafiadanslecouloir.Visiblement,ellefaitdeseffortspournepascrier.Jemetourneetregardeendirectiondelaporte.–Jefaiscequejeveux,grogneMatt.–Non,tunefaispascequetuveux!Cen’estpaslapremièrefoisquejesurprendsMattetSafiaentraindesedisputer.C’estmêmede

plusenplusfréquent.J’aiessayéd’enparleravecSafia,maisellem’assurequetoutvabien.–Lolameposedesquestions,s’écrieSafia.Doncilyabiendessoucis.–Et?–Etonétaitd’accord.–Iltemanque?demandeMattavecunevoixéraillée.–Tuessaoul,Matt.D’ailleurs,oùétais-tupassé?– J’étais avecDamien et Thomas.On est allés réveillonner avec la famille de Samantha. Tu es

jalouse?–DeSamantha?sort-elleenriant.–Oui,deSamantha.Elleestjolie!–Etsurtouttrèsavectonfrère.–Tun’aspasrépondu.–JenesuispasjalousedeSamantha.–Jenevoulaispasparlerdeça.Est-cequ’iltemanque?–Çaneteregardepas.–Ettoi,tuluimanques?Silence.Maisdequiparle-t-il?–Tuferaismieuxd’allertecoucher.–Iln’apaspeur?–Dequoiaurait-ilpeur?Mattrit.–Jenesaispas.Tupourraissuccomberdenouveauàmescharmes…,souffle-t-il.Jenedevraispasécouterça.–Arrête,luiditsèchementSafia.Enfin,c’estplutôtdifficiledenepasécouter,vuqu’ilssontdanslecouloirjustedevantmaporte.–Tuaimaisçaavant…,reprendMatt.–«Avant».–Tumebrisesettunet’enrendsmêmepascompte.–Matt,jenevaispasm’excuserencore.–Essaieaumoinsdelefaireunefois.

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Silenceànouveau.–Jet’aimecommeunfou,Safia,ditMatttoutdoucement.Çanecomptepas?–Jesuisdésolée,cracheSafiacommesiçaluicoûtait.–Quejet’aimeoudem’avoirtrompéàlapremièreoccasion?Bordel!SafiaatrompéMatt?–Lesdeux,lâche-t-elle.–Est-cequetum’asaiméaumoins?luidemande-t-il,lavoixvibrantd’émotion.Bonsang,jesouffrepourMatt.Jen’auraispasdûêtretémoindeça…– Je l’ai cru, pendant un temps, puis j’ai compris que ce n’était pas toi que j’aimais mais la

perspectivedefairepartiedecettefamille.Non,jen’auraisvraiment,maisalorsvraimentpasdûassisteràça!Unbruitdeportequigrinceetseferme.Moncœurbatàtoutrompre.SafiaetMattnesontplusensemble?!Unsonétouffémeparvientdanscetétrangesilence.Quelqu’unpleure,etj’ailepressentimentque

cen’estpasSafia.Jemelèveetmedirigeverslaportesurlapointedespieds.Jefermelesyeux,inspireetouvre.Il

me faut quelques secondes pour l’apercevoir. Matt est assis par terre, la tête entre les genoux. Jem’approchedoucementetposelamainsursonépaule.

–Lola?Jesuisdé…–Nerestepaslà,jel’interrompsenl’attrapantparlecoude.Bordel,ilpuel’alcool!Ils’estaspergédevinouquoi?Ilselèveetmesuitdansmachambre.Puisilselaissetombersurmonlit,s’enrouledansmacouette

etmetourneledos.Ben,voyons!Je lui enlève ses baskets, attrape une couverture dans l’armoire et me couche à côté de lui. Je

regardeleplafondetgrimacequandilsemetàronfler.Çavaêtredurdeserendormiravecça…–Bah,alors,onafaitunesoiréepyjamaetonnem’apasinvité?J’ouvrelesyeuxetsursauteenvoyantDamiendebout,lesbrascroisésdevantmonlit.Jejetteuncoupd’œilàMatt,rouléenboulesousmacouetteetquidortlaboucheouverte.–TusavaisqueMattetSafian’étaientplusensemble?j’interrogeDamienenmelevant.–Oui,merépond-ilens’emparantd’unmagazinedegrossessesurmacommodeetenlefeuilletant.–Pourquoijesuistoujoursladernièreaucourant?!jem’exclameenattrapantmonpeignoir.–Lesgenst’aimenttrop,neveulentpastefairedepeine,enfin,lestrucshabituels,dit-ilentournant

lemagazinedanstouslessens.–C’estl’excuselaplusbidonquej’aiejamaisentendue,jeluirétorqueenluiprenantlemagazine

desmains.–Etpourtant,c’esttellementvrai,lâche-t-ilenhaussantlesépaules.Je secoue la tête enmedisant qu’il a tristement raison.Mais je préféreraism’arracher la langue

plutôtquedeluiavouer.JemepenchepourréveillerMatt,maisDamienm’arrêteenmetendantunpapier.–Laisse-ledormirencoreunpeu,ajoute-t-il.J’attrapelafeuilleetlis.

Lola,Jesaisquetuastoutentendu…

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Blabla…

Jesuisdésolée,jenevoulaispasgâchertongrandmoment,doncjenet’airienditavantlemariage.

Blablaencore…

Pardonne-moi,jesaisquetuasbesoindesoutienplusquejamaisencemoment,maismaplacen’estplusici.Pasaprèscequis’estpasséavecMattcettenuit…

Reblabla…

Appelle-moiquandtuveux…

Rereblabla…

Safia

–Maisqu’est-cequec’estquecettemaniedemelaisserdeslettres!jesorsenfroissantlepapieretenlejetantàlapoubelle.

–C’estparceque,quandon te faitde lapeine, tuasun regarddechiotbattu,meditDamienentripotantunpetitchatenpeluche.

–«Unregarddechiotbattu»?–Oui,tusais,tuinclineslatête,talèvretrembleettutemetsàpleurer…C’estpasfaciledetevoir

triste.Onal’impressiond’avoirvoléunesucetteàunbébé.–Tumecomparesàunchiotetàunbébé?!jesors,lessourcilsfroncés.–Calme-toi,Quenelle!Moi, je t’aipasfaitde lettrederupture, lance-t-ilen levant lesmainsen

l’air.Jesoupire,croiselesbrassurmapoitrineetregardeparlafenêtre.Toutlemondem’abandonne…,medis-je,mélancolique.–Bon,prépare-toi,onvaprendrelepetitdéjeuneràl’hôpitalavecpapa.Etjetelaisseannoncerle

départdeSafiaàMatt,dit-ilenquittantlachambreavecunegrimace.Ilseretourneetmesort,avantdes’enaller:–Écris-luiunelettre,c’estàlamode,semble-t-il.J’attrapelechatenpelucheetluijetteaumomentoùilfermelaporte.Loupé!Jesoupire,metourneversMatt,et,pendantuninstant,envisagedenerienluidire.Non,c’estpeut-êtredouloureux,maislesnon-ditslesontencoreplus…Sceptique, j’observequelquesminutesmon frère endormi.Envérité, je ne sais pas tropquoi lui

dire.Ets’ilsemetàpleurer?jepenseengrimaçant.J’avoue que le voir dans cet état m’a fait énormément de peine. Lui qui n’est pas du style à

s’épanchersursessentiments…Pourtant,quandilétaitpetit,c’étaitunevraieMadeleine!ThomasetDamienpassaientleurtempsà

l’embêteretilchouinaittoutletemps.Lepauvre,ilétaitpetitetmaigrichon,toujoursdanslaluneetçaacreuséunfosséaveceux.Nous

sommesdesincompris,Mattetmoi.Perdusparmicesbrutes…Enfin,bref,ilalecœurbrisé.Ilestpeut-êtremêmebrisémenutoutcourt!Nousrafistoleronsnos

petitscœursensemble,jeluioffriraiuneépaulecompatissanteetuneoreilleattentive.Maisjevaisallerprendremadouched’abord,parcontre.

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J’ouvremapenderieetensorsunedemesnouvellesrobes.Ehoui,malgrémonmoralenberne,çan’empêchepasmonventredepoussertelunchampignonatomique.Doncj’aidûinvestir,etfinalement,jeneleregrettepas,jemesensbienplusàl’aise.Enplus,j’avouequejeveuxrestercoquette.JemedisquequandJerryreviendra–parcequ’ilvarevenir,jelesens–,jepréfèreêtreàmonavantage.Çaseraitnulqu’ilrevienneetreparteaussitôtparcequejeressembleàuneserpillièredifformeetmalessorée.

J’attrapeuncollantnoir,dessous-vêtements,etdirectionlasalledebains.Jelisseledevantdemarobeetmedisquelerenduestplutôtpasmal.Elleestbleumarine,lecol

légèrementfroncé,etjel’aiagrémentéed’unefineceinturerougequimetmonventreenvaleur.J’arrangemescheveuxetsaisisdesescarpinsrougesdansleplacard.

–Salut,lagrosse,sortMattenguisedebonjour.Jemeretourneetleregardeémerger.–Qu’est-cequejefaislà?demande-t-ilensegrattantlesfesses.Çaaussi,j’auraispréférénepasyassister!–Tut’esdisputéavecSafiaetjet’airetrouvéentraindepleurerdanslecouloir,j’énonceavantde

memordreleslèvres.–Ahoui,quandmême,lâche-t-ilsimplement.OK,etjerépondsquoi,là?–Jesuispathétique,putain!ajoute-t-ilensoupirant.–Moi,j’auraisdit«malheureux»,maisbon…Ilrepousselacouetteets’assiedauborddulit.–Bon,jevaisprendreunedouche,dit-ilenselevant.–Safiaestpartie,jesorsavecunesortedesourirecrispéqui,jel’espère,veutdire«désolée».–OK.Ilsedirigeverslasalledebains.–Tuveuxuncâlin?jedemande,pascertainedesavoirquoidire.–Non!s’écrie-t-ilcommesijeluiavaisproposédelamortaurat.Ilouvrelaporte,suspendsongesteetchuchote:–Onn’enparleplusjamais,OK?–D’accord,jedisenhaussantlesépaules.Satisfaitdemaréponse,ils’engouffredanslasalledebains.Bon,ben,ças’estmieuxpasséquecequejepensais.J’hésite,m’avance,puisfrappeàlaporte.–Quoi?demande-t-ilsansouvrir.–Tusais,situveuxenparlerouêtreconsolé…enfin,jesuislà…–Maisputain,c’estbon,Lola!Jesuispasunenana!crie-t-il,vexé,àtraverslaporte.–Non,maistuasledroit…–Fiche-moilapaix!Bon,ben,jecroisqueledébat«ruptures,larmes,chagrinsd’amour»estclos.J’aimaconsciencepourmoietilsaitqu’ilpeutvenirmeparlers’illesouhaite.–Jetelaisse,alors,jedisavecunegrimace.Pasderéponse.Jejetteuncoupd’œilautourdemoi.–Bon,jelâcheenhaussantlesépaules.Jemeregardeunedernièrefoisdanslemiroir.Enfait,jesuislégèrementdéçueparsaréaction.Je

diraismêmevexée…C’estpasquejevoulaisqu’ilsemetteàpleureretàsemoucherdansmescheveux,mais…jene

saispas,ilm’aunpeuenvoyéebouler,quandmême!Oualors,ilahontedepleurerdevantmoi.

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Ouais,çadoitêtreça,parcequejepeuxêtretrèscompatissanteetsupergentille,quandjeveux!Toujoursàl’écoute,prêteàrendreservice…L’amieetlapetitesœuridéale.Pourdevrai,jesuis

géniale, donc ça ne vient pas de moi, mais de lui, qui est beaucoup trop coincé pour exprimer sessentiments.

Jesecouelatête,fièredemafineanalyse,etdescendsretrouverlerestedelafamille,puisqueMattn’estqu’unhandicapésentimentalincapabledeprofiterdemonsoutiensansfaille.

–Alors?demandeAlexdèsqu’ilm’aperçoit.–«Alors»quoi?–Matt,commentva-t-il?m’interroge-t-ilàvoixbasse,commes’ilavaitpeurqu’onnoussurprenne.–Ilestsousladouche,jeluidissurlemêmeton.–Maistuluiasdit,tusais,pourSafia?continue-t-ilàm’interrogerenchuchotant.–Oui.–Et?–Etpourquoionchuchote?–Parceque!répond-il,agacé.Jeledévisage,nesachantpastropquoidire.–Alors,ilvacomment?–Ilesttriste,maisjecroisqu’ilvas’enremettre,jefinisparrépondre.–OK,lâcheAlexenhochantlatête,visiblementsatisfait.–Tunedisrien?medemande-t-il,lessourcilsfroncés.Bordel,jenecomprendsrienàcetteconversation!–Surlefaitquej’aiposédesquestions,ajoute-t-il.–Ah,d’accord,jeréponds,hésitante.–Bien,finit-ilensouriant.–Raviequecetteétrangeconversationtesatisfasse!Ilmetapotel’épauleets’enva,melaissant,perplexe,aubasdel’escalier.Jefroncelessourcilsetdécidedemeservirunjusd’orange.Monestomaccriefamineetjenesais

pasquandnousallonspartirfêterNoëlavecmonpèreàl’hôpital.–Salut,Quenelle.–Bonjour,Thomas,tuestrès…élégant!Cenœudpapillonesttrès…enfin,c’esttrèsrouge!–Tuaimes?medemande-t-ilavecungrandsourire.C’estuncadeaudeSamantha,ajoute-t-il,au

casoùjen’auraispasreconnulesgoûtsdechiottesdemafuturebelle-sœur.–Lechienn’apaslemême?–Non,celuideMauriceestbleu.Bon sang,mais quel nomà chier ! J’y arrive pas. Je ne sais pas, il n’y a pas assez de nomsde

chiens ? Non, il faut qu’elle choisisse un truc aussi moche que le nœud papillon. Moi, au moins,Raspoutine,c’estlaclasse!Çaenjette,quandmême…

–Oui,lacouleurfaittouteladifférence.Regardez-moisonsourireidiottandisqu’ilremetlenœudenplace.– J’ai donc… J’ai appris pour… hier soir… Enfin, comment va Matt ? m’interroge-t-il tout

doucement.Pourquoiilchuchote,luiaussi?–Ilvas’enremettre,jesorssurlemêmetonenlefixantintensément.Ilhochelatêteetmetapotel’épaule.–Bien,trèsbien.–Est-cequetuashontedemedemandersiMattvabien?jedemande,intriguée.–Non!s’écrie-t-il,avantd’ajouter:maisjepréfèrequeçaresteentrenous.

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J’ouvrelefrigo,ensorslejusd’orange,attrapeunverreetmesers.–Doncçat’ennuiequejedisequetuasdemandédesnouvellesdetonfrère?– Non, c’est juste que… Laisse tomber ! s’exclame-t-il en partant, visiblement choqué par ma

question.Leshommessontunmystère…–Çayest,tuasmouchélenezdeMatt?demandeDamienenentrantdanslacuisine.–Cen’estpastrèsgentildeparlerdeluicommeça,jelegrondeentredeuxgorgéesdejusdefruit.

Etsiçavousintéressetousautant,pourquoinepasluidemanderdirectementcommentilva?–Maistusorsd’où?medemande-t-il,outré.Çasefaitpas!–Tuaspeurqu’iltedemandeuncâlinetquevousvousfassiezdestressesaucoindufeu?Jepouffeenvoyantsonairhorrifié.Alorsc’estça!Maisquellebandedemachos!–Ilapleurédanslecouloir!finitparlâcherDamien,visiblementsouslechoc.–C’estparcequ’ilaunchagrind’amour!jedisensortantunyaourtdufrigo.–Jenepensaispasquec’étaitsigrave…Enfin,ilapleuré,quandmême!–Tuesconscientqu’ilnevapasenmourir?Etquecen’estpascontagieux?–Jedevraisl’emmenervoirdesstripteaseuses,continue-t-il,songeur.–Iln’apasbesoindevoirdesfillesàpoil,crois-moi.–Maissi!Detoutefaçon,laissetomber,t’yconnaisrien!lâche-t-ilenrepartant.Aumoins,ilnem’apastapotél’épaule,medis-jeenmangeantmonyaourt.Ehben,voilàlabellebrochettedeboulets!

***

–Alors,BeauGosse,encoredanslesnuages?medemandeÉliaenposantlamainsurmacuisse.Jemelèveinstantanément.J’aibesoindemettredeladistanceentreelleetmoi.Ellebientropjolieetentreprenante,etmoibientropbourréetcon!–J.,tuneveuxpasrevenirt’asseoir,dit-elleentapotantlaplacequejeviensdelibérer.C’estuneputaindemauvaiseidée…–C’estbien,mesusurre-t-elleàl’oreillelorsquejemesuisrassis.J’ailatêtequitourne…Lola,tumemanquestellement…

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Chapitre11

Mi-janvier

Jem’enveloppeunpeuplusdanslacouverturepolaireetmeperdsdanslacontemplationdujardin.Les arbres sont nus et quelques rares feuilles volettent dans tous les sens. C’est calme et tellementapaisant.Amusée,jesourisenregardantRaspoutinetenterd’enchoperunesansgrandsuccès.C’estsûrquec’estplusrapidequ’unsurimi!

Ilsetrémoussequelquessecondes,lesyeuxrivéssurlafeuille,avantdebondir.Enfin,jecrois…Sespattessemblentencorepluscourtesqued’habitude,alorsjenesuispascertainedutout…Ilagrossiànouveau,ondirait…Sonventretraînepresqueparterre.Enmême temps, ilpasseson tempsà réclamer,etmes frèresne lui refusent rien.Unmorceaude

pouletparci,unrestedelasagnesparlà,unléchouillagedeyaourtmaisonaubonlaitentierpourfaireglissertoutça…Onestloindurégimeimposéparlevéto!

–Tudevraisrentrer,tuvasattraperfroid,meditMattensortantsurleperronavecunetassedethé.–Heureusementquej’aimongentilgrandfrèrepourm’amenerunthébienchaud! je luirétorque

avecunlégersourireencoin.–Sérieux?chouine-t-il,leregardnaviguantentrelefauteuiletsatasse.–Tunevoudraispasquej’attrapefroid?Jesuisenceinte,Matt!Ilsoupire,metendsatasseavecunegrimaceets’assiedbrusquementàcôtédemoi.–J’ailedroitàunboutdecouverture,quandmême?medemande-t-ilentirantsuruncoin.–Arrête,tuvasrenversermonthé!jem’écriealorsqu’iltireencoreplusfort.–T’escarrémententortilléededans!grimace-t-ilencherchantunmoyenpourarriveràsesfins.Jeposelatassesurl’accoudoiretluitapesurlesdoigtsalorsqu’ils’apprêteàtirerencore.–Maistuvasmelaisserl’installer,oui?Tuvasenavoir,delacouverture,pasbesoindefairela

brute!Agacé,ilsoupireetlèvelesmains.Jedéplieleplaidpourleposersurnousdeux.–C’estpastroptôt,lâche-t-iltandisquejemeréinstalle.Enréponse,jeluifaismonregarddetueuseetsourisenbuvantunegorgéedethé.–C’estdé-li-cieux!jesouffleenadoptantunemoueinnocente.Ilmarmonneuntruc,maispeuimporte,carc’estmoiquiailethédelavictoire.–Tuasmaigri,non?jel’interrogeenledévisageant.–Ettoi,tuasgrossi,maispersonnenetejuge.–C’esttonrégimequitemetdemauvaispoiloutuastesrègles?jeluidemandeenpouffant.

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–Jenesuispasaurégime!–Donctuastesrègles?–Bon,çava,j’aipleuréunefoisdanslecouloir,maisvousallezvousenremettre!s’écrie-t-il.–Lesgarçonst’ontencoretraînévoirdesfillesàpoil?–C’estagaçant!J’enaimarredefairedupaintballetd’allervoirdesfillessetrémoussercontre

unebarre,continue-t-il,visiblementénervé.–Mmh,jelâchesimplement.–JesaisqueDamiense faitdusoucipourmoi,et…c’estplutôtcooldevoirdes fillesàmoitié

nues,surtoutcellesavecdesgrosseins…Pourquoiilmeraconteça?J’airiendemandé,moi!–…maisbon,là,jeveuxpasseràautrechose,achève-t-il.J’hésiteàenchaînersurlesujet,parcequelesfillesauxgrosseins,çam’emballepastrop.–Tun’aspasmangédelasagneshiersoir.Encoreuntrucquemonchatobèses’estbienenfilé,enrevanche…–Je…j’évitetoutcequiestitalien,dit-il,l’airgêné.–Pourquoi?–Tusais,àcausede…Enfin,tuvois…Jefroncelessourcils,réfléchis,puisréfléchisencore,jusqu’àcequ’uneidéesaugrenuemepasse

parlatête.–TuesentraindemedirequetunemangesplusitalienparcequeSafiat’aquittépourunItalien?–Jesais,ditcommeça,çafaitidiot.Maisçanel’estpas!–Franchement,jenesuispaspersuadée,Matt,jeluidisdoucement.En plus, les Italiens font plein de trucs super bons à manger. C’est un vrai crime contre

l’humanitédelabouffe!–Moinonplus,finit-ilparavouer.Aumoins il se rendcomptede l’idiotiede lachose,c’estdéjàpasmal,medis-jeenbuvantune

autregorgéedethé.–J’airéservémonbilletd’avionderetour,m’annonce-t-ilenregardantRaspoutinequi,surledos,

n’arrivepasàserelever.Ilfautvraimentquejeleremetteaurégime.Jevaislelaissersetortillerunpeu,histoirequ’ilse

dépenseavantledîner…–TurentresdéjààLosAngeles?jedemandeententantdeprendreunairdétaché.Envérité,j’aimeavoirmafamilleautourdemoi.Malgrétouteslesrecherchesdemesfrères,jen’ai

aucunenouvelledeJerry,etjenesaispasquoifaire.Monpèreestrentrédel’hôpitalet,concrètement,jen’aiplusderaisonderesterici.MaisjenemesenspasprêteàrentreràNewYork.

Jecroisque,mêmesij’yaiPauletWill,jecrainsdemeretrouverseule.Sanscompterquejemeposedeplusenpluscettequestion:est-cequeJerryarécupérésesaffaires?Etj’avouequejenesuispascertainedesupporterlaréponse.

Ets’illuiétaitarrivéquelquechose?Moncœurseserre.Jesenslapaniquemesubmerger…–Viensavecmoi,lanceMatt,leregardtoujoursrivésurmonchatobèse.–Quoi?–TunevaspasretournervivreàNewYork,Lola,pastouteseule,dit-ilensetournantversmoi.

J’aiunegrandemaisonàLosAngeles,unepiscine,ilyadusoleil.Tuaurastoutcequ’iltefaut,medit-ilavecunsourirerassurant.

–C’esttrèsgentil,Matt,maisjenesaispas.IlfautquejeretourneàNewYork.–Pourquoifaire?

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Jesecouelatête,cherchantuneréponse.–MavieestàNewYork.–Lola,tun’asplusdetravail,tuvischezSafiaettuesenceinte,medit-ildoucement.–Jesais.Enfin,jepaieunloyeràSafiaet…et…Jerryvarevenir,j’ajoutepourmoi-même.–Si tu viens chezmoi, tu n’auraspasde loyer à payer, et avec le bébéqui va arriver, ce genre

d’économieneserapasduluxe.Enplus,tutevoisvivreavecSafiaetlebébé?Jegrimace.JeneluiaipasditqueSafias’étaitinstalléeenItalie,avecsonMarcotellement…OK,

jesuiscertainequ’ilestenpartieresponsabledelafontedesglacesenAntarctique.Bon,çan’excusepascequ’elleafaitàMatt,maisbordel,qu’ilestsexy!

Enfin,bref,Mattn’apas tort. Jene travaillepluset jenevaispasvivrechezmameilleureamiejusqu’àlafindestemps.

Souvent, jemedis quemavie apris un tour auquel je nem’attendaispas. J’avouequ’êtremèrecélibatairechômeusenefaisaitpaspartiedemesprojets.

Jepose la tassesur lapetite tableàcôtédu fauteuil. Jeme forceànepaspenseràcequivasepassersiJerrynerevientpas,parcequ’ilvarevenir,jelesais.

Enfin,jecrois…Mattaraisonsurunpoint:jen’aiplusdetravail,et…Jesensmagorgeseserrer.J’inspireungrand

coup.SiJerrynerevientpas,jeseraiseuleetsanstravail.–Jenepeuxpas,jeluidisensentantdeslarmescoulerlelongdemesjoues.Ilsoupireetmetapotelatête.Jemetourneversluietledévisageavecunegrimace.–Jerêveoutumeconsolescommesij’étais…unchien?–Oooh,jenesuispasdouépourcegenredetruc.Etpuis,detoutefaçon,tupleurestoutletemps!–Ben,tuvois,c’estpourcegenrederaisonquejeneveuxpasvivrecheztoi!Etc’estpasvrai,je

nepleurepastoutletemps,jetermine,lavoixaiguë.–QuandtufinirassurlecanapédeDamienàcôtéd’untasdechaussettessales, tupenserasàma

villaetàlapiscine,medit-ilenselevant.–Ah,ça,jenecomptepasallerchezDamien!jeluicriealorsqu’ilestdéjàpresquerentré.Ils’arrêteet,avantdefermerlaporte,mesort:–Etj’avaiscrachédanslethé!–Non,mais…beurk!Sérieux?JecrachouilleetaperçoisChewbaccacourirversmoi.Maisqu’ilestcon,cechien,ilpensequejel’appelle!Jelerepousse,deplusmauvaispoilquejamais.EtsiMattavaitraison…Est-cequejedoisprévoirunplanderechange?EtsiJerrynerevenait

pas?Ets’ilrevient,queva-t-ilsepasser?Jesuiscoupéedansmespenséesparmonobèsedechatquiémetunmiaulementdésespéré.–C’estbon,j’arrive!jelâcheenallantleremettresursespattes.Jeleretourne,arrangesonchariotetlesoupèse.–Tuesvraimentgrascommeuncochon,monpauvreRaspoutine!Ilmeregardeintensémentavecsesyeuxjaunes.Jecroisquejel’aivexé!–Àpartirdedemain,jeteremetsaurégime,jeluidisalorsqu’iltournelatête.Bon,cettefois,c’estsûr,jel’aivexé.Jelereposesurlesoletl’observepartirentrottinant.Jejetteuncoupd’œilcirculaire,croiselesbrasetsoupire.AvecousansJerry,jedoiscontinueràvivre,meconstruireunavenir…

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Chapitre12

Février

–Net’enfaispas,toutvatrèsbiensepasser,mechuchotemamèreenmetapotantlamain.Je ne réponds pas et laissemon regard se perdre dans lamasse de nuages.L’avion atterrit dans

quelquesminutes:nousysommes.NewYork,merevoilà!Cen’estpasfranchementleretourquej’espérais…Toujourspasdenouvellesde Jerry. J’en suisarrivéeau stadeoù jecroisavoircomprisqu’ilne

reviendrapas.Oui,jecroisavoircompris,carilyadesjoursoùjesembleavoiracquiscettecertitude,etd’autres

oùjecontinued’espérerquetoutçan’estqu’uncauchemar.Enl’occurrence,onestplutôtdansunjouroùjesombredansundésespoirprofond,carjedoismeconfronteràmonanciennevie.Ancienne,carj’aiofficiellementdécidéderestervivreenFrancechezmesparents.Autantdirequecen’estabsolumentpasl’éclate,maisaprèsmûresréflexions,çarestelameilleuresolutionpourlebébéetmoi.

Et puis, ce n’est pas comme s’il y avait beaucoup de possibilités. Safia a décidé de s’installerdéfinitivement en Italie et, du coup, de vendre son appartement new-yorkais. Elle m’a quand mêmedemandésijesouhaitaisyrester,maisjen’allaispasluidire:«Nelevendspas!Jesuisdésespérée,enceintejusqu’auxoreilles,seuleetsansboulot!»

Enfait,j’enaimêmepaseubesoin,toutlemondelesait…Toutlemonde,saufJerry…Oubienillesait,maisils’enfoutroyalement…

Jesoupirerageusement.Commentpeut-onenarriverlàsivite?J’avaisuneviesupercooljusteavantJetravaillaispourcettegarcedeNatachaavecPaul,quiavaittoujoursquelquesgentillesattentions

etdescupcakespourmoi.Jen’étaispascomplètementsatisfaite,maisaveclerecul,jemerendscomptequemavieétaitplutôtgéniale.Jepartageaisl’appartdeSafia,jesortaislesoir…enfin,j’avaisunevie,toutsimplement!

Maintenant, jevoueunehaineféroceauxascenseurs–d’ailleurs, ilsontde lachanceque jesoistropgrossepourprendrelesescaliers,sinonjelesboycotteraistous–,jefaisdugrastoutelajournéesurlecanapé,nevoismesamisqueparwebcam,nesorsquerarement…Mêmemesfringues,jelesachètesurleNet!Engros,jen’aiplusvraimentdevie.Jerryestpartiavecaussi,ilfautcroire!

Àchaqueséparation,ilyaungagnantetunperdant.Jecroisquejesuisofficiellementlalooseusehors catégorie. Je suis grosse, j’ai unevergeture sur la fessedroite, je suis au chômage…Mavie esttragiquement ennuyeuse. Tandis que Jerry – qui ne s’appelle pas vraiment Jerry, d’ailleurs – n’a

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certainementpasprisdixkilosdanslagueule,lui!Non,j’imaginequ’ilfaitjenesaispasquoiavecjenesaispasqui…Est-cequ’ilm’aoubliée?Remplacéeparunefilleplusbelle,plusmince,plus…

Jeconclusmapenséeparungrognement.Ilfautquej’arrêtedepenseràtoutça.C’estpasbonpourlemoral.Enplus,çamedonnefaim,etsi

jecontinuecommeça,jevaisaccoucherd’unbébéhippopotameetavoirencoreplusdevergetures.L’avionamorceladescenteetjemesensdeplusenplusdemauvaisehumeur.– J’adoreNewYork, souffleDamienenmatantdemanièreabsolumentpasdiscrète les fessesde

l’hôtessedel’airquipassedansnotreallée.Elleseretourneetluiadresseungrandsourireavantdecontinuersontravail.–J’aimepasleshôtessesdel’air,jelâche,plusgrognonquejamais.Je ne comprends pas pourquoi ils ont tous tenu àm’accompagner.Mamère, passe encore,mais

Thomas,DamienetAlex,jenecomprendspas!Thomas psychote d’avoir laissé Dori, Alex passe son temps à envoyer des messages (que je

soupçonneêtrecoquins)àMarc,etDamien,ben,c’estDamien!–TucroisqueSamanthaaeumonmessage?medemandeThomasenvérifiantpourlacinquantième

foissontéléphone.–Certaine.Maisellenerépondpasparcequ’elleesttombéefolleamoureusedumanagerduQuick

pendantl’entretien.D’ailleurs,encemomentmême,elleestentraindefairedesfoliesdesoncorpsentredeuxQuick’nToast!jeluisors,deplusenplusmorose.

JevoisThomassedécomposersousmesyeuxetmerappelletoutàcoupquemonfrèren’aqu’uneconnaissancelimitéedel’humourou,pire,dusarcasme.

–C’estuneblague,Thomas!jefinispardirequandunelueurdepaniqueilluminedangereusementsonregard.

Ilvérifiedenouveausontéléphone,encoreplusstressé.–Nel’écoutepas,Thomas.Ellen’apasmangédepuisplusdedeuxheuresetçalarendgrognon,

s’esclaffeAlex.–Pourquoit’eslà,Alex,déjà?–Parcequejen’allaispaslouperlafiestanew-yorkaise!merépond-ilcommesic’étaitlogique.–Onnevapasfaire«lafiesta».Onvatrier,emballermesaffairesetenmettrecertainesdansle

garagedePauletWill.–Non,toi,tuvasfairetoutçaavecmaman,etnous,onvafairelafête!Jerestebouchebée,souslechoc.–C’estpourçaquevousêtesvenus?–Tucroyaisquoi?demandeDamienenfaisantunclind’œilàl’hôtesse,quirougit.–Excuse-moid’avoirpenséquevousvouliezmesoutenirdanscetteépreuve,jesors,vexée.–Bah,non,c’estpourçaquemamanestlà…pasnous,ditDamienenselevant.–Tuvasoù?jeluidemande.–Jevaisbaiserl’hôtesse,mechuchote-t-ilavecungrandsourire.–Boncourage,lestoilettessontminuscules,jelâche,grognon.Ilm’envoieunclind’œiletpartchassersaproie.Enréponse,jeluitirelalangue.–Tuveuxpasvérifiersituasduréseau?m’interrogeThomas.–Thomas,onestdansunavion!Alors,non,jen’aipasderéseau.Enplus,elleestfolledetoi!

C’estbizarre,jesais,maisc’estcommeça.Donccalme-toi.Jesuisinterrompueparlasonneriedesontéléphone.Commentçasefaitqu’ilaitduréseau,lui?J’ouvrelabouchepourl’interroger,maisj’abandonne

quandjevoissonsourireidiotàlalecturedumessage.

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–Elleditquejeluimanquedéjà!sort-ilavecunairaussicrétinqu’amoureux.Bordel,soncasestdésespéré!

***

–J’adorecetteville!s’exclameÉlia,desétoilespleinslesyeux.NewYork…Bonsangquejedétestecetteville!Déjà, à l’origine, je n’étais pas sensible au charmede lamétropole,maismaintenant, c’est pire.

ChaquecoindecettefoutuevillemefaitpenseràLola.– Tu es sûr que tu peux venir ici ?me demande-t-elle en entortillant unemèche de ses cheveux

autourdesonindex.–Jetel’aidit,jemesuisrenseignéavant.–Jenecomprendspastroppourquoituasbesoindeforcerlaserruresituhabitesici.–J’aisimplementoubliélesclés,jesorsenmeconcentrantpournepastropfairededégâts.Et jemevoyaismal téléphoneràSafia,oudemander ledoubleàPaul, l’amideLola, j’ajoute

pourmoi-même.Quelquessecondesplustard,laportes’ouvreetlessouvenirssebousculent.C’estcommesi jevenaisretrouverLola…,medis-jeenapercevantsonécharpesuspenduedans

l’entrée.Jel’imaginetoutàcouptraverserlecouloiretmesauterdanslesbras.Unlégersouriresedessine

surmeslèvresavantd’êtreeffacéparlesremordsetlatristesse.Siellemevoyaitàcetinstant,ellenemesauteraitpasdanslesbras,elle…Jenesaispascommentelleréagirait,maissesbeauxyeuxmemanquentàenmourir.–Tuveuxbienm’attendrelà?Jen’enaipaspourlongtemps,jedisàÉliaavantqu’ellen’entredans

l’appartement.Ellemefixelonguement,unsourcilrelevé.– Je vais t’accompagner, me lance-t-elle avec un léger sourire qui essaie de rendre la phrase

amicale.–J’aibesoinquetufassesleguet,tucomprends?jetente.Ilesthorsdequestionque je la fasseentrerchezLola.Rienque l’idéequ’ellepuisserespirer le

mêmeairqu’elleouneserait-cequeposersesmainssurcequiluiappartientmedonnelanausée.–Jecroyaisquetut’étaisrenseigné?–J’aimenti,jerépondsrapidement.Ellefinitparsoupirer,mejetteundernierregardd’avertissementetrestesurlepasdelaporte,les

brascroisés.Jeneperdspasdetempsetmerendsdirectementdanslebureauoùsontrangéesmesaffaires.Je

rassemble rapidement les dossiers dont j’ai besoin et, une fois terminé, je les pose sur la table de lacuisine.Jejetteuncoupd’œilàÉlia.Ellegardelesyeuxrivéssurlarue.Jeprendsunpapieretunstylo,mepasseunemainsurlevisage,incertain.

Jenedevraispasfaireça…maisc’estplusfortquemoi.

***

–Lola,jesaisquetuesfatiguée,maisaccélère!mesortDamien,àboutdepatience.Jeralentisencoreetluijetteuncoupd’œilnonchalant.–Tuveuxquejeportetonsacàmain?demande-t-il,deplusenpluscrispé.

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–Jenevoudraispastecharger!jeluilance,faussementinnocente.–Compte tenuque jeportedéjà tesdeuxvalises, tonvanity et la sacochede tonordinateur, j’ai

enviededirequejenesuisplusàçaprès.Enguisederéponse,jeluitendsmollementmonsac.–Bien,maintenant,marcheplusvite,lance-t-ilenl’attrapantbrusquement.Ilavance,m’attend,puisavanceencore…J’avouequejenefaisabsolumentaucuneffort.–Tuvois,tuauraiseuquelqu’undanstavie,tun’auraispasétéchargédem’accompagnerrécupérer

mesvalises!jeluilanceenprenantlabouteilled’eaudansmonsacàmainquipendouilleàsonépaule.–Dois-jeenconclurequetumefaispayermoncélibat?–Tun’espascélibataire,tuesenattented’unplancul!jerétorqueenrangeantlabouteille.–Jesuisjeune,beauettrèssexy,Lola.–Etsurtouttellementseul!jelecoupeenprenantuntondramatique.–Tudevraisêtrecontenteque,contrairementauxdeuxautres,jen’aipersonneàappelerpourdire

qu’onestbienarrivés.Sinon,tuauraisdûtetrimballertesaffairesdanstoutl’aéroport.–Jesuispasbête,j’auraisprisunchariot!jesorsalorsquenousretrouvonslerestedelafamille

devantl’aéroport.Damienme jette un regard, et je lis son envie deme tuer à cet instant. Je hausse les épaules et

grimpedansletaxipendantqu’ilchargelesvalisesdanslecoffreaveclechauffeur.–Tuasdelachanced’êtreenceinte,magrosse,lance-t-il,rougeetensueur.–J’aisurtoutlachancedet’avoir!jeluisorsavecunsourireexagéré.–Bon,alors,SamanthaaeuleposteauQuick,commenceànousraconterThomas.Maisqu’est-cequ’ons’enfoutquesarouquineaitdécidédefairedeshamburgers!medis-jeen

enfilantmeslunettesdesoleil.EllepeutbiensetransformerenfriteetseroulerdansdelasaucepourRustiques,siçapeutlui

faireplaisir!Àchaquecoinderue,unsouvenirm’assaille.Mesamismemanquent,cetteviememanque…Avec

ousansJerry,NewYorkresteNewYork!Letaxiarrivedansmarueets’arrête.J’ai l’impressionde rentrer chezmoi aprèsune longueabsence.Quand jepenseque, bientôt, cet

appartementserahabitépard’autrespersonnes,moncœursebriseànouveau.Oh!là,là,jenesuismêmepasencoredescenduequej’aidéjàenviedepleurer!J’inspireettentedenepasfondreenlarmesenm’extirpantduvéhicule.–Qu’est-cequit’arrive,lagrosse,t’estoutebizarre?medemandeDamienenouvrantlecoffre.–Riendutout,c’estsimplementquejenem’attendaispasà…Jenefinispasmaphraseetmemetsàpleurer.–Maispourquoituasdemandé?!s’écrieThomasensoupirant.Jeleregarde,complètementoutrée.Àcroirequejepleuretoutletemps!Bon,c’estvraiquejepleurebeaucoup,maisquandmême…Pourlapeine,jeleslaissesedémerderaveclesbagages.Jesors lesclésdemonsacàmainetmefigedevant laported’entréeentrebâillée.Safiaétanten

Italie,c’estmauvaissigne.–Etmerde,restelà,m’ordonneDamienenposantlesvalisesetenpassantdevantmoi.–Qu’est-cequ’ilya?medemandemamèrequimerejointavecAlex.–Laporteaétéforcée,jeluidisavecunegrimace.Etaccessoirement,j’aisuperenviedefairepipi!–Toutsembleenordre,ditThomasenressortantavecDamien.

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–OK,jepeuxallerauxtoilettes?jedemandeensautillant.Damienhochelatêteavecunairbizarre.Jepassedevantluiencourantpresque,maisjem’immobiliseaumilieuducouloir.–Aufait,pourquoiquelqu’unauraitforcélaportepournerienvoler?jel’interroge,étonnée.–Parceque…,commenceThomasenregardantsespieds.–J.nedevaitpasavoirlesclés,finitpardireDamien,malàl’aise.–Oh!jesors,confuse.Ilsm’observenttousalorsquejemedemandecommentréagiràcetteinformation.J’ouvre,fermela

bouchepuisfinisparmedirigerverslestoilettes.Aprèstout,jem’attendaisbienàcequeJerryviennerécupérersesaffaires,maisjenepensaispas

qu’iliraitjusqu’àforcerlaporte.S’ilavaitbesoindesclés,ilauraitpumelesdemander,oumêmeàPauletWill.

Unfrissonmeparcourt.Est-cequ’ilmehaitaupointderejetertoutcequia,deprèsoudeloin,unrapportavecmoi?Iln’amêmepaseu lecourageni ladécencededemanderdesclés. Il apréféré forcer la serrure

plutôtqued’affronterlasituation.Marespirationsebloqueet,àcetinstant,j’ailacertitudequ’ilnereviendrapas.Il…Jemepasseunemainsurlevisage,tentedereprendremonsouffle.C’estfini.Je le savais, mais j’avais encore, dans un coin de mon esprit tourmenté de grande romantique,

l’espoirqu’ilreviendraitversmoi,versnous.–Lola,toutvabien?m’interrogemamèrederrièrelaportedestoilettes.Jesecouelatête,caraucunsonnepeutsortirdemabouche.Mondiaphragmesemblebloqué.MonDieu,j’arriveplusàrespirer!Ilfautquejesorted’ici.Tremblante, j’essaied’ouvrir laporteàplusieurs reprises,mais jen’yarrivepas. Jecogneavec

mespoingsdetoutesmesforcesetfinispardistinguerlesvoixdemesfrèresetdemamère.Jemelaisseglisser au sol. Des larmes coulent le long demes joues. La porte s’ouvre. Des brasm’attrapent, meportent etme déposent surmon lit. Jeme roule en boule et geins de douleur tandis quemamèremecaresse les cheveux. Leurs regards posés sur moi et emplis de tristesse me semblent soudaininsupportables,mais aucun sonneveut sortir demagorge, alors je ferme lesyeuxet priepourmoinssouffrir.

Quandjelesrouvre,machambreestplongéedanslapénombre.Jeregardeautourdemoietmedis

quec’estunesagedécisiondeneplusvivreici.Mesyeuxtombentsurlefauteuilàcôtédelacommodeet,pendantuninstant,jel’yvois,installé,mescrutantdesesyeuxgris.

Quanda-t-ildécidéquenotrecouple,notrefamillenevalaientpaslapeinequ’ilsebatte?Quanda-t-ilcessédem’aimer?Jefermeànouveaulesyeuxet laissemeslarmesinonder l’oreiller.J’yfrottemachinalementmon

nez,espérantytrouversonodeur,sanssuccès.Ilatoutpris,mêmeça…Decolère,jelejettecontrelemuretmerouleenbouledanslacouette.J’attrapel’autreoreiller,et

sursauteaucontactd’unmorceaudepapier.

Lola,tumemanquestellement,situsavais.Soisheureuse,jet’aime.J.

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Non,maisjerêve?!–Sijetemanquetellement,ducon,t’asqu’àrevenir!jecrieendéchirantlafeuille,follederage.Lesboutsdepapiersemettentàvolerdanslachambre,maisriennem’arrête.Jelesdéchirejusqu’à

enfairedesconfettis.–Qu’est-cequisepasse?demandemamèreenouvrantlaporte.–Rien,jesouffleenessuyantmeslarmes.Elleobserve,interloquée,lesboutsdepapierépars.–JevaistéléphoneràPaul,jesorspouréviterd’avoiràrépondreàd’autresquestions.Ellehochelatêteetnem’endemandepasplus.Jequittelachambreetmedirigeversl’entréeafindeprendremonportabledansmonsacàmain.Je

sélectionnelenumérodePauletsourisquandildécrocheauboutdetroissonneries.Jeneveuxpasresterdanscetappartementuneminutedeplus.J’yaitropdesouvenirs.

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Chapitre13

Mars

Jemepasseunemainsurlevisageet,commetouslesmatins,jeregrettelasecondeoùj’aiouvertlesyeux.Cettesecondequireprésentelefugaceinstantoùmatête,encoreembrumée,nesesouvientpasàquelpointmoncœursouffre.

Sedirequec’estfinin’effacepasladouleur.Jedonneraistoutpournepluspenseràlui,maisilmehante.Jelehais,jel’aime,ilfaitpartiede

moi.Ils’estintroduitdansmatête,dansmoncœuretneveutplusensortir.J’enrageàlapenséequ’enfait,c’estmoiquinelelaissepaspartir,etjemehaispourça.

Jerrynereviendrapas.Jelesaismaisçanechangerien.Jepenseàluidèsl’instantoùj’ouvrelesyeux.Chaquesoir, jesupplie jenesaisqui–monesprit,unDieu,peu importe–de l’oublier,mais lematin,ilestdenouveaulà,accompagnédecettedouleurlancinantequinemequitteplus.

Jene comprends toujourspas lebutdupetitmotqu’ilm’a laissé lorsqu’il estvenuchercher sesaffairesàNewYork.

Si je lui manquais vraiment, il serait revenu ! Et s’il m’aimait tellement, il ne m’aurait pasabandonnéecommeunemerdedevantl’autel!

Non,maisquelgenred’hommeestcapabledecegenredechose…Jefermelesyeuxettentedemecalmer.Ilestbientroptôtpoursemettreencolère.Jesensmagorgeseserrer,marespirationsebloquer.Voilàquej’aienviedepleurer,maintenant!JehaisJerry,jehaislesyeuxgris,jehaislesfossettes,jehaisleshommesetjehaislematin!Monventresemetànouveauàgigoter.Parcontre,ça,j’adore,medis-jeavecunlégersourire.Jeposedoucementmamainàl’endroitoùilm’asemblépercevoirunpiedetmonsourires’élargit

quandjeperçoisunnouveaucoup…puisunautre…puisencoreunautre…Monsourires’effaceetlaisseplaceàunegrimacelorsquemavessieappelleàl’aide.–Iln’estque7h45,jechouineenregardantmonréveil.C’estpasvrai,c’esttroptôt…,jecontinue,

commesimesparolesallaientcalmermonpetitdiable.Jetenteuncaressagedebidonavecdespetits«chut»,maisçanefonctionnepasdesmasses.Cetenfantn’estpasencorenéqu’ilaimedéjàmetorturer!Etvas-y,coupdepiedretournédanslavessie!Bordel,maisc’estquoi,cemôme,unninja?Ilfautvraimentquejemelève,maisjesuistellementbienauchaud.

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Jepointeleboutdemonnezpouruneestimationmétéoexpress.Températureextérieure…Tropfraîche!Euh,çavapaslefaire!Aaaah,monpetitdiablesemblesecalmer…Àmoilesommeilsupplémentaire,lagrassemat’jusqu’àpasd’heure…Je rentre la tête sous les couvertures, remue mes fesses de gauche à droite jusqu’à trouver la

positionidéalepourmonhibernation.Satisfactiondecourtedurée,jegrognelorsquemonventresemetdenouveauàgigoter.Bon,là,jecroisquec’estlesignal:Bougetesfessesavantdetefairepipidessus.OK,nouveauplan:jemelève,jecoursjusqu’auxtoilettes,jefaiscequej’aiàfaireetretourneme

coucher.Simple,clair,rapide.Enplus,jel’aidéjàfait!Jemesouviensdumatinoùj’avaisdormidanslachambred’hôteldeJerryetoùjem’étaispris

lemur.Çan’étaitqueledébutdenotrerelation…Unsourirenostalgiquefendmonvisageavantd’êtreremplacéparunevilainegrimaceaccompagnée

d’uneboulequineveutplusquittermapoitrinedepuis…qu’ilm’aabandonnée.Cette pensée me tire une larme, que j’essuie rageusement. J’en ai marre de pleurer. Je mange,

pleure,dors,pleure,mange…Jedois reprendre ledessus et çan’est pas enm’apitoyant surmon sort que ça changeraquelque

chose!Bon,jepenseraiàtoutçaplustard,mavessiedevientuncasdésespéré.Allez,versionkamikaze!Je soulèvemacouetted’ungestevifetassuré,m’extirpedemon lit etmedandineaussiviteque

possiblejusqu’auW-C.Unefoismapetiteaffaireconclue,jetentederetournerdansmonlit,maisjesuisinterrompueparla

voixdemamère.–Tuesdéjàdebout,mapuce?dit-elledepuisleseuildemachambre.J’ouvrelabouchepourrépondre,maisellenem’enlaissepasletemps.–Habille-toietmetsteschaussons,tuvasattraperfroid.Dépêche-toi,jetepréparetonchocolatet

testartines,finit-elleenredescendantsansattendre.Bon,jecroisquemonplanhibernationesttombéàl’eau!Leproblème,danscettemaison,c’estqu’unefoisrepéré,onnepeutpasretournersecoucher.Carje

sais que si je ne descends pas (avec des chaussons aux pieds), ma mère va venir me chercher etm’expliquerqu’«ilfautselevertôtpourlepetitdéjeuner,sinon,après,onesttoutdécaléetcen’estpasbonpourlasanté…»Blablabla…jusqu’àcequejemelèveensoupirantetqu’ellemegavedetartinesauNutella.

Nutella…Lemotrésonneenmoicommeunedoucemusique.Je suis sûrequedesgensontperdu l’esprit pour cettedélicieusepâte à tartiner au légergoûtde

noisette.Certainssontpeut-êtremêmemorts…Cetteintenseréflexionmedonnefaim…Enfait,j’aitoutletempsfaim!Lesjoiesdelagrossesse…Monventregonfleaufuretàmesurequemonfessieraugmentedevolume.Ils’agitd’unthéorème

mathématiquetrèscomplexecommeceluidunéant,ouuntrucdanslegenre.J’attrapemon peignoir polaire rose, enfilemes chaussons-chaussettes antidérapants poilus etme

rendsdanslacuisine.

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DepuismondépartdeNewYork,j’aiprisconsciencequejen’auraisplusaucuneviesexuelleavantles dix-huit prochaines années.Alors que jusque-là, jeme concentrais sur le désespoir d’avoir perduJerryetblablabla(onnevapaslarefaire,vousavezcompris l’idée),unsoiroùj’étaisdesortieavecPaul,Willetd’autresamisnew-yorkais,j’aicompris.Déjà,avecunbébé,rencontrerquelqu’un,c’estpasfacile;enplusavecdeskilosentrop,çadevientcompliqué.Etsionajoutedesvergetures,çadevientcarrémentmissionimpossible!Lalisteesttellementlonguequejemedisquemoncasestfoutu(sitantestque j’aienviederencontrerquelqu’und’ailleurs,cequin’estpas lecaspour lemoment).Donc,àpartir demaintenant, j’ai décidé de vivremon célibat à fond et qu’un relooking s’imposait. Je nemedoucheplustouslesjours,j’optepourdestenusconfortablestrèsmoches,etdepuisquej’aicassémonpeignelasemainedernière,j’aicomprisquemecoifferneservaitplusàrien.

Toutcommel’amour!Çafaitsouffriretc’estnul!Mmmh,çacommenceàsentirlabouffe…Accélération.Jemedandinedeplusenplusviteàmesurequel’odeurdestartinessefaitsentir.LeNutellan’attendplusquemoi!jechantonne.Jepousselaporteetconstatequetoutlemondeestdéjàlà.Depuismonmariage,oudumoinsletruc

catastrophiquequiaeulieucejour-là,mesfrèressontbeaucoupplussouventàlamaison.Damienétaitdéjàpasmalprésentpuisqu’iltravailleavecmonpèresurcertainesmissions.Alex,lui,semblevouloirrécupérerdeseslonguesabsencesetresteaussidanslecoin.Parcontre,onn’apasvuMattdepuisqu’ilest rentréàLosAngeles.Et ilasupermalprisdenepasêtre invitéauweek-endfiestadesgarçonsàNewYork.

MêmeDorilarouquineestlà,avecsonchienaunomàchier.Ellem’observeavecsesyeuxvertsbizarres,labouchelégèremententrouverte,toutenlecaressant.Qu’est-cequet’as,Dori?T’asjamaisvudebaleineéchouéedansunocéandedésespoir?J’attrapemonmalheureuxRaspoutinequinesaitplusoùdonnerdelatêteentreChewbietMaurice.Caroui,contrairementàmoietàma loosesentimentale,monchatvitunepassiondévoranteavec

deuxchiens. Je croisque soncœur appartient àChewbi,maisqueMaurice et sapetitequeueen tire-bouchonlerendentfou!RaspoutineobserveMaurice,puisChewbiquidortauxpiedsdemonpère,etémetunmiaulementdésespéré.

Etvoilà,lepauvre,dansquelétatilsemet!Rouquineleregardedetraversetserresonchiencontreelle.Disquemonchatn’estpasassezbienpourtonMaurice,tantquet’yes!Ilestbeaucommeuncamion,monchat!Depuisquejel’aimisaurégime,ilalepoilbrillantettout

doux.Mêmesonchariotestmagnifique.Lasemainedernière,commejem’ennuyais,jel’aipeintenrosemétalliséetj’yaicollédesstickers.Monchatestfashion!

Etpuis,qu’est-cequ’elleficheici,aufait?Mêmesielleaenfiléunsurvêt’rougeaffreux,jenelavoispascourirdixbornesavecsonchienquipètetoutletemps.Quandilssontensemble,mesfrèresenprofitentsouventpourfaireunloooongjoggingsurlaplage.Trèsfranchement,jecroisqueleseulsportqu’ellepratique,c’estdemettrecetaffreuxsurvêt’!

–Salut,grosseQuenelle!–Arrêtedel’appelercommeça,Alex,leréprimandemamère.–OK,alors,salut,lagrosse!C’estvraiqu’elleneressembleplusàunequenelle.Elletientplusde

l’hippopotamedeFantasiamaintenant,lance-t-ilensemarrant.Enguisederéponse,jem’installeàtableetémetsungrognement,cequi,évidemment,faitriretoute

latribu.Jevoismêmemonpèretenterdesedissimulerderrièresatasse.J’adoreêtrelecentred’intérêtdetoutelafamille!Ceciestuneremarqueironique,celavadesoi.

Plus le temps passe, plus j’envisage de prendre un appartement. Sauf que,même si ce n’est pasl’aspectfinancierquimegêne–puisqueentremesindemnitésdelicenciementetl’argentdemeslivres,

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jem’entireassezbien–,j’avouequelasolitudemefaitpeur.Jen’aijamaisvécutouteseuleetjenemesenspasprêteàl’expérimenter,avecmagrossesseetmoncœurenlambeaux.

Jevaismieux,maishonnêtement,cen’estpasencoreça.Ilmefaudradutempspourm’enremettre,etjeneparlepasd’unpointdevuesentimental(mêmesijeneportepasvraimentleshommesdansmoncœurencemoment),maisplutôtpsychologique.

Danslefond,jesaisquemonhistoireesttristementbanale.Jenesuispaslaseulefilleenceinteàs’êtrefaitplaquer.Maisquandçavousarrive,vousensortezmarquéeàjamais.

Heureusement, j’ai lachanced’avoirma famille,aussienvahissantequebizarre.Mais là, je sensquelemomentdecouperlecordonestvenu.Premièrement,pourmasantémentale,etdeuxièmement…pourmasantémentale,encore!

Jepourraism’incrusterchezMattenCalifornie,maismaintenantquej’aitoutici,redéménageraussiloinnemesemblepasunebonneidée.

Durdeprendreunedécision,carilm’enparletouteslessemaines!Enfait,jecroisqueMattsesentexclu.MêmeAlexaréussiàrevenirunmomentdanslecoin.Ilaprofitédesesvisitespourmonteruneexpositiondansunegalerieparisienne.Ducoup,onlevoitpresquetouslesweek-ends,cequin’estpaspourmedéplaire…

–Tiens,mapuce,nelesécoutepas,tuesmagnifique,meditmamèreenposantdevantmoiunboldeNesquiketdestartines.

–Merci,maman,dis-jeenfourrantunetartinedeNutelladansmabouche.–Etpuis,net’enfaispas,unefoisquetuauras…,commenceThomasenagitantlamaindevantmon

ventre.–Accouché ? je sors à sa place, puisque de toute évidence, le fait de prononcer lemot lemet

étrangementmalàl’aise.Jelecomprends,jenemesenspasnonplustrèsbienàl’idéequ’untrucdelatailled’unedinde

sortedemonvagin.Ilhochelatête,puisreprend:–Enfin,tupourrasteremettreaukickànouveauettudevraisperdrerapidement,achève-t-ilavecun

sourirerassurant.J’aitoujourseudessoucisdepoids.Lepire,çaaétéàl’adolescence.MaisgrâceàThomasetau

sport, j’ai réussi à me stabiliser. Par contre, je ne pense pas qu’une fois moins enceinte, je lesaccompagnerai tous les matins. Déjà parce que, eh bien, c’est le matin, et en plus, parce que dixkilomètres,quoi!

Franchement,jen’arrivepasàsavoirsileshommesdecettefamillesontfousoucourageux.Jepenchesérieusementpourlapremièreoption!medis-jeenobservantdiscrètementDamienqui

regardesonrefletdanssacuillèrepourvérifierqu’iln’apasdecéréalescolléesauxdents.Enfin,bref…–Lola,dépêche-toidefinirtonchocolat,mesortmamèreenfaisantlavaisselle.Commetouslesjoursdepuisquatremois,j’ail’impressiond’avoirhuitans.Mamèremeprépare

touslesmatinsmonchocolatchaudavecdestartinesdeNutella.Etlepire,c’estquandmesfrèressontlà.Ils se bagarrent, m’embêtent, et mon père en rigole en se cachant derrière de multiples accessoires.Commequoi,riennechangejamaisvraiment.OnpourraitpenserqueRouquineajouteunje-ne-sais-quoiaupaysage,maisonnel’entendpas…Jamais…Pouruneraisonquejeneparvienspasàm’expliquer,Thomas semble complètement accro à cette fille muette, aux yeux étranges et au goût vestimentaireapproximatif.

Enplus,jesuispersuadéequesacouleurdecheveuxn’estpasnaturelle.Pendantuntemps,j’aimêmeenvisagéqu’ellesoitunhomme,maisçasemblepasêtreça.

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Entoutcas,elleluirendbien!Elleleregardedesesyeuxbizarrescommesimonfrèreétaitundieuvivant.C’estaffreusementpathétique!Lepire,c’estlafaçondontilss’occupentdeMaurice.Lasemainedernière,labêteaeuledroitàunethalassodéstressante.Ilsl’emmènentaussiparfoisvoirunpsypourchien.Genre,c’esttraumatisantd’êtreleuranimaldecompagnie!

–Ilfautqu’onyaille!lancetoutàcoupThomas,lesyeuxrivéssurSamantha,quisembleretenirsonsouffle.

Jesuissûrequ’ilspassent leur tempsàbaisercommedes lapins,cesdeux-là,medis-jeen lesregardantpartirencourantpresque.

C’estdégueulasse!Non,maisvraiment,ilsn’ontaucuneretenue.Depuismesgenoux,Raspoutineobservelaporteserefermeretlâcheunmiaulementsonore.Elleauraitaumoinspulaissersonpéteurdechienperturbédireaurevoiràmonchat!Ducoup,jelereposeparterreetilvasecoucherenronronnantàcôtédeChewbi,quil’accueille

avecuneléchouille.Çafaittellementlongtempsqu’onnem’apasléchouillée,moi…Pleurepas,Lola,pleurepas…J’inspireungrandcoupetregardemonpèreselever,débarrassersonpetitdéjeuner,etsortir…le

planning!Matristesselaisseplaceàunintenseagacement.Chaquejour,àl’heuredecefoutuplanning,jeme

rappelleàquelpointmaviecraint,mavieestpourrie,mavieestladéfinitionmêmeduterme«àchier».Car oui, tous les jours,mon père nous prépare un planning quasimilitaire. Pourquoi quasi ? Je

devraisdirecomplètement!Ettoutlemondeypasse:Damien,quivaetvientaugrédesesmissions.Alex,quigèresesallers-retoursàlacapitale,mamèreet,biensûr,moi.

Encequimeconcerne,c’estplus tranquille,carmonpèremeconsidèrecommeunepetitechosefragilequin’apourseulbutdanslaviequedepondreunbongrosbébé.LorsdemonretouràNewYork,j’aipris ladécision,enplusdevivremoncélibatà fond,dedéveloppermapassionpour l’écriture– chose quemon père n’intègre pas. Je pense que le fait que j’écrive des romans érotiques y est pourbeaucoup.Mais,pourmapart,jeconsidèrecelacommeunvéritabletravail.Entoutcas,pourmonpère,la seule incertitudedema journée consiste à savoir àquelleheure jevaism’endormirpourma siestequotidienne.

OK,ilapastort,jenesuisjamaiscontreunpetitsomme!D’ailleurs,aujourd’hui,jeneveuxpastropm’avancer,maisjepensequeceserasurlecanapévers14h17,durantlegénériqued’Arabesque.

Ilestloinletempsoùjefaisaisdukickboxing,duvélo,delacourseàpied,quej’avaisuntravail,desamis,unevie…Jerry…

–Tuescontente,Lola?medemandemonpèreavecungrandsourire.Vuquetut’esplaintdetonmanqued’exercice,ons’estditquelejardinageteferaitplaisir.

–Quellefolie!Jenesaispassijevaismeremettredetantd’efforts!–Tupréfèrescontinuerletricot?m’interrogemamèreavecunelueurd’espoirdansleregard.–Non,maman,jecroisqueletricotetmoiavonsbesoindefaireunbreaknécessaireànotrebonne

entente.Ildevientdeplusenplusurgentquejeparted’ici,medis-jeenmastiquantmadernièretartine,de

plusenplusmaussade.Jemeursd’ennui, jefaisdugras, lasiestedevantArabesqueet, les joursoù j’aide lachance, je

jardine–etencore,avecdesgantsdésinfectés,etj’aidespausesobligatoirestouteslesdixminutes.Tropcool,malife!Envieuse, je regarde l’emploi du temps des autres, qui ont des réunions et pleins d’autres trucs

prévus.MêmeAlexleglandeurfaitdeschosesintéressantes!Achatdepeintureenville,allerchercherlescoursesauDrive,prendredel’essence…

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Bon,OK,c’estpasnonplussuperexaltant,maisc’estpasdufoutujardinage.Alorsrienqueça,çarendsonplanningsupergénial!

Peut-êtreque,sijeluifaisducharme,ilm’emmèneraenville.Jepourraismangerdelaglaceauchocolat, m’acheter un bouquin, peut-être même une paire de chaussures… Le chocolat et leschaussures,çaremontetoujourslemoral…

Enplus,jebloquesurmonnouveauroman,doncçasetente.Parcontre,monpèrenevapasêtrecontent.Iln’aimepasqu’ondérogeauplanning.Jevaisdevoir

lajouerdiscrétos.Detoutemanière,soitj’arriveàm’incruster,soitjemependsàunplantdetomate,auchoix!Alexdébarrassesonpetitdéjeuner,ducoup,jemedépêche.C’estmaintenantoujamais,jedoisle

choperdanslesescaliersseulàseul.Tandisqu’ilcommenceàmonter,jefourrelederniermorceaudetartinedansmaboucheetmelève

rapidement–enfin,j’essaie.–Doucement,Lola…,sortmamèreenlavantlatablependantquemonpèresèchelavaisselle.–Ilfautquej’aillefairepipi!jem’écrieenpartantencourantpourrattrapermonfrère.Le bon côté de la grossesse, c’est cette super excuse.Onpeut la placer n’importe où, n’importe

quand.Merde!Ilesttroprapide,oumoipasassez.Jeneperdspasespoiretaccélèreendirectiondela

chambredesgarçons.Troptard,laporteestfermée!Pasgrave,jetentequandmêmeetgratteàsaporte.–Alex,jel’appelledoucement.Allez,ouvre…,jelesupplieengrattantplusfort.–Quoi?demande-t-ilenouvrant,sabrosseàdentsdanslabouche.Jemefaufiledanssachambreetrefermelaporte.Ilmeregarded’unairamuséetretournedansla

salledebainsfinirdesebrosserlesdents.–Emmène-moi,jesorsalorsqu’ilcrachedanslelavabo.Ilserincelabouche,cracheànouveauetdemande:–Où?–Enville!Allez,s’ilteplaît,onneditrien,jemecacheraidanslavoiture!–Te«cacher»?Onnepeutpasdirequetupassesinaperçue.Enplus,tunemarchesvraimentpas

vite.–Soissympa,pitié,jel’imploreenluifaisantmonregardspécialdepetitesœurmalheureuse.–OK,maissionsefaitchoper,c’estdetafaute.–Promis!jechantonneensautillant.–Soisprêtedanstrenteminutes.Tum’attendsducôtéouestdelagrange.–OK!jelanceencommençantdéjààpartir.–Lola?m’interpelleAlex.–Oui,jerépondsavecungrandsourire.Jesuistoutexcitée!C’estletrucleplusamusantquejefaisdepuisquatremois!–Prendsquandmêmeletempsdetedoucher,dit-ilengrimaçant.–OK!jelanceenm’enallantdenouveau.–Euh…etcoiffe-toiaussi,parcequefranchement,tescheveux,là,çadevientcompliqué!–«Compliqué»?–Bizarre,approximatif,indéfinissable…–C’estbon,j’aicompris!jelecoupesèchementenpartant,furieuse,dansmachambre.Jesorsdemacommodeuneculottequimontejusqu’endessousdemesnichonsetunsoutien-gorge

mégarenforcé.Franchement,jenesenspassimauvaisqueça,medis-jeensoulevantlebraspourmerenifler.

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Oh,putain!Jesensleratcrevé!Etpasfraîchementcrevé,plutôtbiendepuisunesemaine.Alexa raison, ilvautmieuxque jemedouche.Çaserait conde se faire repéreràcausedemon

odeurpestilentielle.Directionlasalledebains!J’allumelalumièreetsursauteenapercevantmonreflet.Ilaégalementraisonpourmescheveux.Jesecouelatêteetfilesousladouche.Jemerécureàfondetarrosematignassed’unedoubledose

dedémêlant.Une fois terminée, j’ouvred’un coup sec le rideaudedouche et fends la buée enmedéhanchant

commeShakira.Jesuissexy,aventurière…Aujourd’hui,jenepleureraipas,jenechouineraipas,jenenoierai pasmondésespoir dans un océan de bouffe. Je suisLolaMorell, et je suis une survivante del’amour!

Yepa!J’aibienfaitdemelaver.Déjà, jesens lepropre,etenplus, j’ai l’impressiond’avoirperduune

bonnecouchededésespoir.Àmoinsqu’ilnes’agissejustedecrasse…Commequoi,ilnefautjamaissous-estimerlepouvoirdugeldouche!Je me sèche, me tartine une bonne dose de crème anti-vergetures et enfile mes sous-vêtements

«maintiende l’extrême». J’enchaîneavecquelques flexions,basculemes fesses enavant, enarrière,lève une jambe puis l’autre. Cette culotte est hideuse, mais je dois bien avouer qu’elle est trèsconfortable.

J’essuielemiroirdelamainpourychasserlabuéeetinspireungrandcoupavantdem’occuperdemescheveux.

J’enappelleauxdivinitéscapillairesafindemevenirenaidedanscettepérilleusemission.J’attrape la nouvelle brosse que ma mère m’a achetée et entreprends de les démêler. Quelques

nœudsfontbiendelarésistance,maisj’arriveàobtenirunrésultatsatisfaisant.Mêmemescheveuxsontdemoncôté,aujourd’hui!

Toutçaannonceunebellejournée,jelesens…Etjenedispasçaparcequejenevaisnitricoternijardiner!

JemefaisunetresseàlaLaraCroft,histoiredememettreenmodeaventure.Bon,maintenant,desvêtements…J’ouvregrandmonarmoireetdécided’opterpourunlooksport.Ilvautmieuxquejesoisàl’aise,onnesaitjamais,sijedoiscourir…Mouais, onvaprierpourque jen’aiepas à courir. Jemarche commeuncanardobèse, donc les

accélérations,çadevientvitecompliqué!J’enfiledesleggingsnoirsavecungrandpullachetésurInternet,desbottesplatesetmonmanteau.

Jemetsmonsacenbandoulière.Etvoilà,Lolaisback,etelleestautaquet!Maintenant,passagecompliqué:nepassefairerepéreravantd’atteindrelagrange!Alexn’apastort,mongrosventrenepassepasinaperçu.Jesorsdiscrètementlenezdemachambre.Coupd’œilàdroite,àgauche,personne.Jemarchesur

lapointedespiedsjusqu’àl’escalier,medissimuleautantquepossibledanslesombres.Toujourspersonne.Jedescendslesescaliersenfaisantattentionauxmarchesquigrincent.Arrivéeenbas,jemecache

derrièreleportemanteau,entendsmamèrequiestdanslacuisineavecmonpère.Beurk…Ilssebécotent!Sérieux,cinqgaminsetilsn’enontpasmarre!Aumoins,ilssontoccupés.Jepeuxpasserdevantlaportesansmefaireremarquer.Go!

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Je franchis la porte d’entrée et la referme silencieusement. Accroupie, je longe la maison pourpassersouslesfenêtres,tourneaucoindelagrange,etaperçoisauloinlavoiture.

Jepresselepas.Alexdémarre,ouvrelaportièrepassager.Jemonte,mecachejusqu’àlasortiedelapropriété–on

nesaitjamais.Auboutdequelquesminutes,jegrimace.Jecommenceàavoirmalauxgenouxàforcederesteraccroupie.–Allez,c’estbon,attachetaceinture,melanceAlexenseretenantderire.Jemerelèveavecsoulagementetm’installeenfinsurlesiègeavecungrandsourire.Yapasàdire,désobéiràmonpère,c’esttoujoursaussiamusant!Mêmemonbébéjediestcontent,

iln’arrêtepasdefairedescabriolesdansmonventre.–Tunedevaispasécrireaujourd’hui?medemande-t-ilenenclenchantleclignotantpourtourner.–J’avouequejebloquepasmal,jeluidis,songeuse.C’est terrible, j’ai décidé de me lancer dans une carrière d’écrivain à temps complet, mais je

n’arriveàrien.Cequivafinirparêtreproblématique!–Peut-êtrequec’estparcequetuenasfiniavecJuliaetquetuasbesoindepasseràautrechose?–Commenttusaisquemonhéroïnes’appelleJulia?jedemande,surprise.Jeneparlejamaisdemesbouquinsavecmafamille.Ilyapeu,c’étaitunsecretbiengardé.Maisil

yaeul’enquêtedeJerry,etmafamilleaalorsapprismonpasse-temps.Jusqu’àprésent, j’avaisplutôtl’impressionquetoutlemondefaisaitcommesiçan’avaitjamaisexisté.

–Parcequejet’ailue!Jevoulaisvoircequemapetitesœurécrivait.–Et?Attention,lefameux«et?»del’écrivain.Deuxmalheureuseslettresquiveulenttoutdire…Qu’est-

cequetuenpenses?Est-cequeselontoijeserailaprochaineJ.K.Rowlingdel’érotisme?Est-ceque,situtrouvesçanulàchier,tuvasquandmêmemeledire?

–Et…cen’estpasmalécrit,maisjepensequecen’estpascequetudevraisécrire.– Ah, nous y voilà ! Forcément, comme toujours, écrire de la littérature érotique, c’est nul, et

blabla…Jeveuxdire,c’estaussidifficilequ’autrechose.–Lola!mecrieAlex.Jemetaisinstantanémentetleregarde,lesyeuxronds.Jen’aipasl’habitudedel’entendrecrier.Il

esttoujourssicalme.–Cequejeveuxdire,reprend-ilmaintenantqu’ilatoutemonattention,c’estquesitubloques,ça

signifiepeut-êtrequetuesàlarecherched’autrechose.–«D’autrechose»?–Tu as vécu desmoments difficiles, ces derniers temps, et l’art évolue enmême temps que son

auteur.Penses-y.Jefroncelessourcilsetréfléchis.Effectivement,Alexn’apas tort.Jen’arrivepasàécrire leshistoiresdeJuliacar jenesuisplus

danscetétatd’esprit.Jedevraispeut-êtrem’autoriseràécrirecequej’aivraimentenvied’écrire.Messynapsessemettentenmarche,uneétincelledecréativitéjaillit.Jesouris.Jesaiscequejevaisécrire!–Tuvois,ceregard,jelereconnais:c’estceluidel’inspiration,dit-ilenriant.Jerisàmontour.Ilaraison.Pourquoinepasselancerdansunenouvelleaventurelittéraire?Cela

nem’empêcherapasdereveniràJuliaplustard.

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Chapitre14

Mars

Élionaregarda lecorpssansviedesonami.Soncœurs’arrêtadebattreàcet instant.Désormais,plus rienneseraitcommeavant.Passanslui…Commentcontinueràsebattre–oumêmeàvivre?Pourtant,elleledevait,ellelesavait.L’avenirdeTerrafantasiadépendaitd’elle.Maisenserait-ellecapable?–Tonpeuplecomptesurtoi,luiditungnomeauvisagetuméfié.–Jenepeuxpas…,souffla-t-elleendétournantenfinlesyeuxducorpsinertedeGuylo.Sesyeuxs’emplirentde larmesmalgréelle.Sacage thoracique tressautaen rythmeavecdescrisd’unanimalagonisant.Illuifallutquelquessecondespourserendrecomptequelesplaintesvenaientd’elle.Elletombaàgenouxdanslamaredesang…

–Lola,viensmanger!

Sacagethoraciquetressautaenrythmeavecdescrisd’unanimalagonisant.Illuifallutquelquessecondespourserendrecomptequelesplaintesvenaientd’elle.

C’esttrès,trèsmauvais,ça,medis-jeeneffaçant.–Lola,ThomasetSamanthaviennentd’arriver!s’écrieànouveaumamère,commesiçaallaitme

fairedescendreplusvite.

Maisenserait-ellecapable?–Tonpeuplecomptesurtoi,luiditungnomelevisagetuméfié.–Jenepeuxpas…,souffla-t-elleendétournantenfinlesyeuxducorpsinertedeGuylo.Sapeinefutdecourtedurée.Undessbiresdel’impitoyableJerryal’attaqua,maisÉliona…

–Lola,onsertl’apéritif!Tuécrirasteshistoiresdenainsplustard!s’énervemamère.–C’estpasdesnains,c’estdesgnomes!jecrieendirectiondelaporte.Jegrimace,regardel’heure:19h28.Sijenedescendspasimmédiatement,mamèrevapiquerune

criseetjen’auraipasdechips.Àregret,j’enregistredoncmontexteetrejoinslerestedelafamille.J’entredanslesalon,manquant

detrébuchersurMauriceentraindelécherlederrièredemonchatquisembleauxanges.–Ah,enfin!s’écriemamèreenm’apercevant.–Tuviensjustedem’appeler,maman,jedisenmeservantunverredejusdefruits.–Çaavance,tonlivre?medemandeThomasavecungrandsourire.–Oui,jepensedeplusenplusàyinsérerdeszombies,jerépondsavantdeboireunegorgée.

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–Deszombiesenplusdesgnomes?Tun’aspaspeurqueçafasseunpeutrop?Enfin,jenesuispascertain…

–Samanthanousparlaitdesafuturecroisière,nouscoupemamère.–J’aimaisbienl’idéequ’unearméedezombiesdévorelacervelledeJerrya, jepoursuis,malgré

l’intrusiondemamèredanslaconversation.–L’océan Indien aumois d’avril, c’est bien. Par contre, vous risquez d’avoir chaud, relancema

mère.Bon,jecroisqu’avecmonhistoiredezombies,j’aiperduThomas,vusafaçondem’observer.–Vouspartezencroisière?jedemandeàThomaspourm’intégreràlaconversation.Manifestement,jesuisuneauteureincomprise,lelotdetouslesgrandscréatifs.–SeulementSamantha.Ellepartavecsafamillepourlerenouvellementdesvœuxdemariagedesa

sœur.Commec’estpasdutoutintéressant,toutça!Non,maisfranchement,monhistoiredezombiesestbienpluscoolqu’unecroisièresurl’océan

Indien…–IlsvontàlaRéunion,meditmamère,enthousiaste.–Ouch,Rouquinevacramer!jem’exclameenprenantunegrossepoignéedechips.CommeDorimedévisagedesesyeuxbizarres,jemedisquesoitelleveutdeschips,soitelleest

vexéequeje l’appelleRouquine.Dansledoute, je lui tendsmamainpleinedechipsécrasées.Elle laregarde,meregarde…

–Tuenveux?jefinisparluidemanderalorsqu’elleneréagitpas.Ellesecouelatêteetrougit.– Tu as intérêt de prévoir une sacrée dose de crème solaire, je lui sors en délogeant une chips

coincéeentremesdentsavecmalangue.–Je…Oui…,tente-t-elledecommuniquer.– Sinon, comment se passent tes recherches d’appartement ?m’interroge Thomas en passant son

brasautourdeDori.–C’estunepertedetemps!s’exclamemonpèredepuisl’autreboutdelapièce.Mesparents–enfin,surtoutmonpère–necomprennentpasmonbesoind’indépendance.Poureux,

çan’estqu’uneperted’argent,enplus,écrivainn’estpasunmétier,etenfin,jesuisinconscientecarmonutérusest,semble-t-il,prêtàexploseràtoutmoment.

Lefaitestque,danslarégion,l’immobilierestcher,quejen’aipasdetravailetque,sansungarantsuperbéton,çaparaîtimpossible.Autrementdit,jesuiscondamnéeàresterdanscettemaisonjusqu’àlafindemesjours!

Bon,OK,jedramatiseunpeu,là.Onvadire,jusqu’àcequemasituations’améliore.ThomasserreplusfortSamanthacontreluietmeregardeavecungrandsourire.–Samanthaetmoi enavonsparlé, et si tu esd’accord,bien sûr,Raspoutineet toi,vousêtes les

bienvenuscheznous.Jelesobserveuninstant,stupéfaite.D’uncoup,Doriremonteconsidérablementdansmonestime!–Jevaischerchermesaffaires!jerépondsenmedirigeantd’unpasfermeversmachambre.–Ahnon,jeunefille!Onvad’abordmanger,m’interpellemamère.Jehochelatêteetmefaisuneraison:cesoir,c’estgratindepommesdeterre!–Merci, je dis timidement à Thomas et à Samantha (qui sourit. Je diraismême quime sourit à

moi!).Est-cequeDorim’aimeraitbien?Jepouffeàcetteidée.Non,elleaimemonfrèreetmonfrèrem’aime!

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Maisons’enfiche,jevaisvivreauborddelamer.Etvousnelevoyezpas,là,maisdansmatête,jedanse!

Je me vois déjà faire de longues promenades dans le sable, écrire sur la terrasse, aller mebaigner…

–Jen’aipasfaim,mecoupedansmespenséesmonpèrequipartdanssonbureau.Toutlemondemeregarde,etj’aicommeladésagréableimpressionquejesuisresponsabledesa

mauvaisehumeur.Je posemon verre sur la table, enfourne dansma bouche les chips qui restaient dansmamain,

prends la direction dubureau, retourne finalement prendremonverre, le bois d’un trait (les chips, çadonnesoif!)etvaisretrouvermonpère.

Unefoisdevantlaportedesonbureau,jemeredresseet inspireprofondément.Jefrappe.Pasderéponse.

–Papa,c’estmoi,jedisavecmavoixdepetitefille.–J’aipasfaim,grogne-t-ilenréponse.Jegrimace,incertaineàl’idéedecequejem’apprêteàfaire,maisjelefaisquandmême:j’ouvre

la porte sans en avoir l’autorisation.Monpère est debout, le regard perdupar la fenêtre. Je ferme laporte.Ilseretourneenfinetm’observe.

–Tuparsdéjà,c’estça?medemande-t-ildurement.–Non,papa,jepartiraiaprèsmanger,jeluisorsavecunlégersourire.–Quand je te regarde, je te vois encore commemonbébé, puis je vois tongros ventre et jeme

rappellequetun’esplusunbébéetquetuvasenavoirunàtontour.Ilsoupire,sonregardseperdànouveaudanslejardinpuisrevientsurmoi.– Lola, ma chérie, je suis très heureux de devenir grand-père, mais pendant ces dernières

semaines…Tuavaistellementbesoindenous…Etj’avouequej’aiaimét’avoirtoutprèsdemoi.Tuesmapetitefille,termine-t-il,lagorgenouéeparl’émotion.

Émueàmon tour, je traverse lapièceet le serredansmesbras. J’enfouismonvisagecontre sontorseetsouffle:

–Jeleseraitoujours,papa.JevaisjustechezThomas,quihabiteàcinqminutesd’ici.–Jesais,maisçamerassurequandtueslàetquejepeuxveillersurtoi.–Papa…–Jesais,tuesunegrandefille,maisjemesensresponsablede…Jem’écarteencomprenantoùilveutenvenir.–Papa,aumariageet,enfin…honnêtement,mêmeaprès,jet’enaivoulupourJerry,jecommence,

lavoixenrouéeausouvenirdecetteterriblejournée.J’aimisdutempsàpardonneràmonpère,merépétantque,s’iln’avaitriendit,peut-êtrequeJerry

neseraitpasparti.–Maismaintenant,jecomprends.C’estluiquiachoisidepartir.Lui.Etpastoi,jecontinue.Monpère,lui,n’auraitjamaisfuisesresponsabilités.Carc’estcequefaitunhommequivousaime.

Ilnefuitpas.Ilreste,ilvousépaule.– Je suis triste parce qu’être trahie par celui qu’on aime, c’est dur, mais ce qu’a fait Jerry est

impardonnable.Qu’ilmequittemoi,c’estunechose,maisenquatremois,ilnem’ajamaisappeléepourdemandercommentallaitsonenfant.C’estvraiqu’iln’estpasencorené,mais lesimplefaitdesavoirqu’ilgrandirasanspère,çamefaitplusmalquetoutlereste.Parcequemoi,j’aieulachanced’avoirleplusmerveilleuxdespapas,etquemonenfantneconnaîtrajamaisça,jetermineenpleurant.

Monpèremereprenddanssesbrasetmecaresse lescheveuxtandisquemes larmes inondentsachemise.

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***

–Joshua,vatecoucher,jechuchotepournepasqu’ilnousentende.–Veuxpas,merétorquemonpetitfrèreavecungrandsourire.J’aimeraisbiensourire,moiaussi,maisjenepeuxpas.Jesaisques’ilnousentend,ilvanousfaire

dumaletjeneveuxpasqueJoshuaarrêtedesourire.J’écartemacouvertureetmelèveàmontoursurlapointedespieds.J’attrapelamaindeJoshuaqui

commenceàsortirsapetitevoituredelacommodeetessaiedeletirerjusqu’aulit.–Laisse-moi,s’écrie-t-il.Jemefigelorsquej’entendsunbruitenprovenancedusalon.Moncœurcognedansmapoitrine.Il

nedoitpasnousentendre.Maintenantquemamann’estpluslà,iln’yapluspersonnepournousprotéger.–Joshua,vadanstonlit!jedistoutbas.Maisc’esttroptard.Joshuahésiteuninstant,puiscourtsecachersoussacouverture.Laportes’ouvreviolemment,mais

jenebougepas.JeneveuxpasqueJoshuaarrêtede sourire…, jeme répète alorsqu’il s’approchedemoi, les

yeuxrougesdecolère.Lepremiercouptombe.J’aimal.Jemerouleenboulepourtenterd’éviterlescoupsdepied.JeneveuxpasqueJoshuaarrêtedesourire…Jemeréveilleensursaut.Mapoitrinesesoulèveets’abaissefrénétiquement.Jesuisentortillédansmesdraps,ensueur.Je

lesouvrebrutalementetm’assiedsauborddulit.Jen’enpeuxplusdetoutça,medis-jeenmefrottantlevisage.Quand j’ai quitté Lola, j’étais sûr d’avoir pris la bonne décision.Maismaintenant, jeme rends

comptequejenepourraiplusrevenirenarrièreet…J’inspireprofondément,jetteuncoupd’œilàÉlia,quiestcouchéesurleventre.Lacourbedeson

dos,desesfesses…Elleestparfaite…Tellementbelle…Jemelèveprécipitamment.J’aibesoind’unedouche.

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Chapitre15

Avril

Seizièmejourdemonexil.Lesétrangeshabitantsdulieugloussentencoredanslachambredufond…

Je fronce les sourcils, tente de me concentrer sur mon texte, mais abandonne en entendant unnouveaucouinementintempestif.

–Thomas…chuttt…IlfautpasréveillerLola,soufflelafemelleauxyeuxétranges.Enréponse,lemâleenrutémetungrognementguttural.J’attrape une pleine poignée de la réserve personnelle de Dragibus de Rouquine et la fourre

rageusementdansmabouche.Commesilefaitd’avoirmisunautocollantrougeestampillé«Samantha»allaitm’empêcherde

lesmanger!C’estbien,elleaencoredesrêves,elle!Maisqu’est-cequim’aprisd’accepterdevivreaveceux?Chaque jourquipassene faitqueme rappelerma solitude, alors je suisobligéedemangerpour

oublier.Jen’aijamaisétéaussigrosseetaussipathétiquedemavie.Cetteoverdosedesucremedonnedelacelluliteetdesboutons.

Je suis au bout du bout du rouleau et ça, c’est vraiment la merde, me dis-je en attrapant unenouvellepoignéedebonbons.

Heureusement,demain,Machines’envamarinerdans l’océanIndienavecsafamille.CequiveutdirequeThomasvacertainementpassersontempsàbosserpouroublierl’absencedesarousseetquej’aurailesuperbeappartementavecvuesurlamerpourmonchatcul-de-jatteetmoi.

Unsourireseformesurmonvisageàcettepenséeavantd’êtreeffacéparuncouinementétrange.Maisc’estpasvrai!OnsecroiraitdansLeLivredelajungle,maissanslesdoublagesenfrançais.

JefroncelessourcilsenimaginantBaloogrognantcommeunvraiours.PasditqueçafasseautantmarrercecondeMowgli!

–Ohnon,pasça,gémitlemâle,àboutdesouffle.Ilfautvraimentquejeparted’iciDamienavait raison,c’est insupportable !Quand je luiaiditque j’emménageaischezThomaset

Samantha, ilm’a souhaitébonnechanceetm’aoffertuncasqueaudio. Jepeuxvousdireque j’aivitecomprispourquoi!

Donc,maintenant,iln’yaplusbeaucoupd’optionsquis’offrentàmoi:

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Numéro1:jevisavecuncasquesurlesoreilleséternellement=Pasenvisageable:ilmeratatinelescheveuxsurlehautducrâne,doncj’ail’aircon.

Numéro2:lespousseràrompreetfairedeThomasmonserviteurdévoué=Pasenvisageablenonplus,carj’auraistroppeurqu’ilmetuedansmonsommeilpoursevenger.

Numéro 3 : prendre un appartement = Envisageable, mais compliqué : j’ai besoin d’un garantpuisquejen’aipasdetravail.Etpuis…évidemment,jepourraisdemanderàThomasdeseportergarant,maismavieestaussiennuyeusequepathétique,ettorturermonfrèreetsontrucrouxesttellementplusamusant!Jedoisavouerqu’ilssonthyperpatients,mêmesijesensRouquineatteindreseslimites.

QuantàThomas…Ladernièrefois,sansvraimentlefaireexprès,j’aimisdelaglaceauchocolatsurlecoussinducanapé.Ilafaillifaireuneattaquequandjel’ailéché!D’ailleurs,depuis,ilapréférétoutrecouvrird’unehousseplastifiéequicolleauxfessesquandons’assied.

Àcetteallure,jepensequequandjepartirai,leurappartementneressembleraplusàrien.Jedélogeméthodiquement lesbonbonscolléssurmesdentsetme lève,unsouriremachiavélique

auxlèvres.Jejetteunderniercoupd’œilauxannoncesd’appartementssurmonordinateurportableetfixema

ported’unaircalculateur.Jel’ouvrebrutalement,prendsunairmalheureuxetmedirigeverslachambredeThomas.

Etvas-yqueçagazouille…Jecommenceàgratter.Pasderéponse.–Thomas?j’appelledoucement.Toujoursrien.Jegratte à laporte en appelantmon frèredeplus enplus fort jusqu’à finir pary tambouriner en

continutoutenhurlantsonprénom.Ilouvreetmeregarde,lesyeuxécarquillés,lescheveuxébouriffés.Ilsembletellementperduque

ç’enseraitpresquetouchant.–Qu’est-cequ’ilya?demande-t-ilenm’observantdelatêteauxpieds.–Ilyaplusdebonbons,jelâchetoutsimplement.–De…dequoi?Jesorslepaquetdederrièremondosetluidisànouveauenluitendant:–Ilyaplusdebonbons.Ill’attrape,letournedanstouslessensetvoitlenomdeSamanthadessus.–Mais,iln’étaitpasàtoi,mesort-il,lessourcilsfroncés.Attention…1,2,3…–Nemecriepasdessus…Jeveuxjustedesbonbons…Tuneterendspascompte,jesuistellement

seule!jem’écrieenmemettantàpleurerdefaçonthéâtrale.–Je…jesuisdésolé…jevaisvoirs’ilyenad’autres!finit-ilenregardantàdroiteàgauche.–Samanthaenaencore,jecrois,jesorsencontinuantdepleurer.–Euh,jenesaispas…–Si…Ellelescachedansledeuxièmetiroirdelasalledebains,dansuneboîtevidedetampons

hygiéniques…,jedisentredeuxhoquets.–Euh…jevaisvoir…,dit-ilenretournantdanslachambre.–Qu’est-cequisepasse,encore?luidemandeSamantha.–Elleveutdesbonbons,luichuchote-t-il.Silence.–Mais,c’estmesDragibus!s’exclame-t-elle.–Jet’enachèteraidemain,promis,luidit-il,visiblementmalàl’aise.–Ilfautquetuarrêtesdecéderàtoussescaprices,luisortSamanthadurement.

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–Maisellepleure…,souffle-t-il.Silence.Jel’entendsrevenir.Jemevoûtelégèrementetbaisselatête.–Euh,tiens,fait-ilenmetendantlaboîtedetamponsrempliedesachetsdeDragibus.–Merci,jechuchoteenlesprenant.Jerenifleencoreuncoupetretournedansmachambre.Lesbonbonsdelavictoire…

***

JeregardelaphotodeLola,passemonindexsurlacourbedesonventreetsouris.Elleestmagnifique…Untasdequestionsmesubmergent.Filleougarçon?Est-cequeLolaadéjàchoisiunprénom?Est-

cequ’ellem’aoublié?Àcettedernièrequestion,monsourires’évanouit.Ellenelesaitpas,maiselleestlafemmedema

vie.Sanselle,monexistencen’estplusqu’unesuccessiondejoursdontleseulbutestdesurvivre.Etàlapenséequ’ellem’oublieetqu’ellemeremplaceparunautrehomme,jemesensmourir.

–Encore?medemandeÉlia,avecunemoueréprobatrice.Sansunmot,jeremetslaphotodanslapochearrièredemonjean.–SiQ.apprendquetuasencoreunephotodetachèrefiancée,çanevapasluiplaire,situvoisce

quejeveuxdire.Mesmuscles secontractent,mon regardseposesurÉlia. Je la fixe jusqu’àcequ’ellebaisse les

yeux.Jen’aimepascegenredemenaceetellelesait.–Garde-la,taphoto,siçapeuttefaireplaisir!Maisunefoisquetasijoliefiancéeseraaucourant

detoutcequetuasfait,ellenevoudraplusdetoi,lâche-t-elleavecungrandsourire.Elleserapproche,posedoucementsespaumessurmontorseetsouffle:–Danstouslescas,ç’enestfinientrevous,ettulesais.Elle se hisse sur la pointe des pieds et dépose un léger baiser surmonmenton avant de partir.

J’observelemouvementdeseshanchesquis’éloignent.Ellearaison.C’estfini…Toutestfini…

***

Cours,Tyler…Cours…Moui,tuasraison,arrachecevilaintee-shirt…Qu’est-cequ’ilesttorridecemec,medis-je,hypnotiséeparlesabdossaillantsdeTylerHoechlin.Oui…Grognepourmoi…Montéléphonevibre.Je jetteuncoupd’œiletsoupireenvoyantquec’estencoreunmessagede

Matt.

Qu’est-cequetufais?JeregardeHotwolf.

Jerépondssansquitterlasériedesyeux.Noooon…Ellevapasl’embrasser?

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Montéléphoneseremetàvibrer,etMauricevientsedandinerdevantmoiàcemoment-là.Jechopelechienetregarde,lesyeuxécarquillés,Alisonposerseslèvressurcellesd’Isaac.–Lola, tu saisqueMauricen’apas ledroitdemonter sur le canapé sans sa couverture,me sort

Thomasdepuislacuisine.Maisilsvoientpasquejesuisoccupée,là!Qu’est-cequ’ilsont,tous,àvenirm’embêter!–Mmh,ilestsurmesgenoux,jeréponds.Scottvapasêtrecontentdutoutquandilvaapprendrequ’AlisonsefaitbizouillerparIsaac.Ilestcharmantluiaussi…Ildevraitenleversontee-shirt…Thomass’approcheavecunecouvertureetMauricevas’ycoucherdocilement.–Cechienestcommetoi,mortellementennuyeux,jem’exclameenmepenchantpournerienlouper

demasérie.–Jeteremercie,Lola,çamevadroitaucœur.Mmhderien,déga…Jerêveouilamissurpause?!Maisc’est…Maisc’estscandaleux!–Jepeuxsavoirpourquoituasmissurpause?jedemande,àdeuxdoigtsdel’étriper.–Jedoisteparler.Ilaintérêtàcequecesoitcostaud,sinon,jevaisfairedesavieunenfer!Non,ça,c’estdéjàle

cas…Ben,çavaêtrepire!–J’aidécidéderejoindreSamanthapendantsacroisière.Youhouuu ! Je vais avoir l’appartement pour moi toute seule… Faisons comme si cette

perspectivenemeréjouissaitpastrop.–Tuasdécidéçaquand?–Ilyaunmoment,enfait.JeprendsleprochainvolpourlaRéunion.Leprochain?C’estquand?Aujourd’hui?–AvecMaurice?jedemande,l’airderien.Toutd’abord,jevaisprendreunmégabaindanslasuperbaignoiredeleursalledebains.Jegrimaceenpensantquec’estpeut-êtrepasunetrèsbonneidée.Ladernièrefois,jen’arrivaisplus

àensortir,etRouquineadûm’aider.Encoreunmomentdemaviequejepréfèreoublier.–Non,c’esttoiquivaslegarder,medit-ilensortantungrosclasseurbleudutiroir.JefixelaphotodeThomas,SamanthaetMauriceenguisedecouverture.Bordel!Finalement,lepluspathétiqueentrenousdeux,c’estThomas!–MauriceMorell?jesors,amusée.–Pourlemoment,c’estMauriceGarnier,maisj’espèreque,bientôt,ceseraMorell.Pathétiquementpathétique!–Oh!–Oui.–TuvasrejoindreSamanthapourluidemanderd’adoptersonchiot?jesorsenpouffant.–Non,pourlademanderenmariage!–Tucroisqu’ellevadire«oui»?jedemandesansréfléchir.–Pourquoi?Tupensesquec’est trop tôt?Qu’elle refusera?Oh,monDieu,elleveut rompre?

m’interroge-t-ilavecunevoixhautperchée.–Non!Jedisaisçacommeça!Elleestfolledetoi.Pourvuqu’elleaccepte!J’espèrenepasêtrealléetroploin…Etsielleluidisait«C’estmoiou

tasœur»?Ilseraitfoutudemechoisir!–Situsavaisquelquechose,tumeledirais?Sielledit«non»,ils’enremettrajamaisetçaseramafaute.

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Etsiellelequitte,quic’estquivam’aideràmettremeschaussures?Ou…pire,jen’auraispluspersonne à torturer ! Pourvu qu’elle ne supprime pas la seule chose qui me rende heureuse. J’en aitellementbavécesderniersmois,ettorturerDori,c’esttellementmarrant…

Etvoilàquemeshormonespointentànouveauleurnez!J’aiétéméchanteavecRouquineet,parmafaute,ellevajeterThomascommeunegrossemerde,etjedevraimarcherpiedsnus,etjen’auraipluspersonneàquivolersesbonbons!

Thomasm’observe,attendantvisiblementquejerépondequelquechose.–Oui,jenelalaisseraipasbrisertoncœurcommeJerrymel’afait,jesorsententantderefouler

meslarmes.Jevaistrouvercommentlafairerester.Peut-êtreque,pendantuntemps,jepourraisêtregentilleavecelle?Non,ellevasedouterdequelquechosesijechangedecomportementd’unseulcoup…–Revenons-enàMaurice,mesortdemessongesThomasentapotantleclasseur.Ungenred’adaptationendouceur…–Jeveuxquetulegardespendantquejeneseraipaslà,reprend-il.Le problème de l’adaptation en douceur, c’est que Dori est en train de faire un remake de La

croisières’amuse.Doncçavaêtrecompliqué…–Qu’est-cequej’aimeraispartirencroisière,jelecoupe,enpleineréflexion.Maisvoilàlasolution!Jeregardeauloinuninstantetj’ail’impressionderevivreBraveheartàmoitouteseule.Unefolle

dosedecourage,d’audaceetd’impétuositémesaisitàcet instant.Si j’étaisdansunfilm,unemusiquesuperinspiranteretentiraitàcemoment.Peut-êtreAlivedeSia.

Ouais,elleestintense,cettechanson!–Lola,lechien!mecoupeànouveauThomas.Ilnevoudrajamaisquejevienneavecluiencroisière,medis-jeenlescrutant,agacée.–Oui,bon,çava!Jelenourriraietlesortirai.Soispasgrognoncommeça.S’iln’ymetaucunevolonté,aussi,jenerisquepasd’arrangerleschoses!Pourtant,leplanesttellementgénial.Moi,lesoleil,untransat…Jediraisunoudeuxtrucssympasà

Rouquine.Du style que ses cheveux sont… indescriptibles, par exemple…Non, ça risque d’êtremalinterprété…Oubien…Bonsang,riennemevient!

–Ilnesuffitpasdelenourriretlesortir,reprendThomasenouvrantsonclasseur.Mauriceabesoindesoinsparticulierscomme…

IlmemontredesphotosdeMauricesurledos,etlà,jedoismerendreàl’évidencequeThomasestcinglé.Oupathétique.Oubienpathétiquementcinglé.

–Là, par exemple.Tu as comment lemasser, et surtout, quel type demassage il faut adopter enfonctiondesonhumeur.

Mesyeuxs’agrandissentaufuretàmesurequejelis.–Maisqu’est-ceque…«Fatigué?Couinementsupérieuràdeuxminutes?»Maisqu’est-ceque

vousfaitessubiràcettepauvrebête?!–C’estjusteque,deuxsemaines,c’estlongpourunpetitchien.Cesontdesrepères…Maisqu’est-cequec’estquecesconneries?–«Lemassagedoitêtrerelaxant.Presserlespointssensiblesentresescoussinets».Commesij’allaismasserlescoussinetsd’unchien!–Oui,tudois…–J’hallucine,tuasmêmefaitunDVDexplicatif?!–Oui,c’estpourquetuvisualisesbien.–Bonsang,Samanthaettoi,vousêtescomplètementfrappadingues!

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–Enréalité,c’estsurtoutmoi.–Çanem’étonnepas,onreconnaîtbientapatte!jesorsenriant.–Donc…,iltentedereprendre.Sapatte…oh,bonsang,cequejepeuxêtredrôle!–Passonsaurepas.Quand je pense que je vais devoir masser leur chien pendant qu’ils vont bronzer dans l’océan

Indien.Iln’yavraimentaucunejustice.C’estmoiquidevraispartirencroisière!–Tusaisquejen’aimêmepaseudevoyagedenoces?jelecoupeenm’imaginantsuruntransatau

borddelapiscineavecTylerHoechlin.–C’estnormal,puisquetunet’espasmariée!s’écrie-t-il.Jeleregarde,horrifiée,et…voilà,jepleure!–Jesuisdésolé,Lola,jenevoulaispas…–Ohnon, tu as tout à fait raison, jeneme suispas«MARIÉE» ! je reprends, enmemettant à

pleurerencoreplusfort.Moiquicommençaisàmesentirmieux,etvloup,ilmebalanceça!–Écoute,tupartiras…–QUAND?jecrie.Jesuisénorme!Sijevoulaisfaireunvoyage,ceseraitmaintenantoujamais…

Après,jeseraiseule…avecmonbébé…Ilsoupireetselaissetomberdanslefauteuilàcôtéducanapé.Jechercheautourdemoi:pasdemouchoir!Jelorgnelecoussin.–N’ypensemêmepas!mesortThomas,lessourcilsfroncés.Cequi,pouruneraisonm’échappantcomplètement,faitredoublermessanglots.Thomassortsontéléphonedesapochependantquejepleureenfixantlecoussin.–Regardez s’il resteuneplacepour levolMontpellier-laRéunion,demande-t-il.OK, lâche-t-il,

quelquesminutesplustard,l’airdépité,avantderaccrocher.Tuasdixminutespourfairetesvalises,melance-t-il.

Jeleregarde,lesyeuxécarquillés.–JevaisàlaRéunion!jem’écrieenbondissantdejoie.–Ilsemblerait,souffle-t-il.Jeleserredansmesbrasetparsencourantendirectiondemachambre.J’attrapemontéléphoneetenvoieunmessageàMatt.

JevaisàLaRéunionavecThomas!!IlvademanderDorienmariage!

Jesorsmavalise,yjetteunmaillotdebainetlesacdevêtementsdegrossessed’étéquej’aiachetérécemment.

Montéléphonevibre.C’estMatt…

Tucroisquejepeuxveniraussi?

Jeréfléchisunesecondeetmedisquesij’yvais,iln’yapasderaison.

Oui.

Puisjebouclemavalise.C’estletruclepluscoolquejefaisdepuiscinqmois!Jecroisque jevaisêtreplusgentilleavecThomasetRouquineàpartirdemaintenant.Ou,en

toutcas,jevaisessayer!

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Chapitre16

Mi-mai

–Çafaisait longtempsque jene t’avaispasvuesourirecommeça,meditAlex,enmeregardantavecsesyeuxdegrandfrèrefier.

Pourtouteréponse, je luiadressemonplus jolisourireavantdemeremettreàfarfouillerdansleplacardàlarecherchedemonchapeau.

– Dois-je en conclure que tu te plais, ici, finalement ? m’interroge-t-il en poussant un amas devêtementssurmonlitpours’asseoir.

– J’avoue qu’au départ, ce n’était pas évident,mais jem’y fais. J’adore vivre à côté de lamer.Raspoutinepeutgambadertoutelajournée,etj’aipresquefinimonromanfantastique!

–Zombieornotzombie,alors?–Ilfaudralelire,jeluisorsavecunclind’œil.–Tanouvelleéditriceenpensequoi?–Ehbien,jenesaispasencore.Maissiçaneluiplaîtpas,jel’enverraiàd’autres,jeluiréponds,

sûredemoi.Jetrouveenfinmongrandchapeau,levissesurmatêteetreprends:–J’avouequejel’aisurtoutécritpourmoi.J’avaisbesoinde…jenesaispascommentdire…–FairearracherlecœurdeJerrypardeszombies?–Entreautres,jesorsavantdem’esclaffer.Alex n’a pas tort. J’avais besoin de faire ce que je n’avais pas eu l’occasion de faire en vrai :

arracherlatête,lecœuret,aupassage,lespartiesintimesdeJerry.J’enaifinidesouffrirpourunhommequineveutplusdemoi.Çan’apas été facile,maismaintenant, çavabeaucoupmieux. Je croisquecequi a tout changé,

c’est lemariage deThomas et de Samantha.C’est ça que je veux. Je veux unhappy end, je veux unThomasetSamantha,unPauletWill(quimecassentlespiedsaveclesphotosdeTeckyleurteckel).

Jenesuispasparfaite,mais jeméritemieuxquecequem’a fait Jerry.J’aimisdu tempsàm’enremettre,maisjevaissurvivre,etmonpetitJedietmoi,onvaêtrelesplusheureuxdelaTerre.

–Allez,magrosse,onvabronzer!lanceAlexenselevantd’unbond.Jelesuisgaiement,enm’emparantaupassagedelacouverturedansleplacarddel’entrée.–Onvaprendrelesoleil,tuveuxvenir?jeproposeàSamanthaententantdenepasrire.–Enfait,jesuisencoreunpeu…–Rouge?jefinispourelleenpouffant.

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J’avouequejen’avaisjamaisvuquelqu’und’aussicramé!–C’est vrai que tu as une jolie teinte.Entre la tomate et le potiron, je dirais, lui ditAlex en la

dévisageantouvertement,cequilafaitrougirencoreplus.Finalement,jel’aimebien,cetteDori.–À toutà l’heure,Rouquine, je lâcheenpassantdevantelle touten tâchantd’ignorer leséclairs

danssesyeux.J’aiditquejel’aimaisbien,pasquec’étaitdevenumameilleureamie!–Jesuiscontentequetusoislà,jedisàAlexensautillantpresqueendirectiondelaplage.–Moiaussi,Quenelle,mesouffle-t-ilensouriant.–Mêmesimoiaussij’auraisaiméveniràlacroisière,ajoute-t-ilavecunemouededépit.–TunevaspasfairetonMatt!jem’écrie.–IlrabâcheencoreleséjouràNewYorksanslui?–Ilsesentmisà l’écart.Et jecroisqu’iln’atoujourspasoubliéSafia, jesorsenchaussantmes

lunettesdesoleil.–C’estvraiqueThomasaattrapédespouxensefaisantmordreparunsinge?medemande-t-il,

amusé.–Alors,enfait,non.Lemédecinaditqu’ilrisquaitd’attraperdespoux.Ducoup,ilapsychotétout

leséjouretilafalluregardertouslesjourss’iln’enavaitpas.Alexsemetàrire.C’étaitpastriste,cettecroisière,etjesuiscontented’yavoirparticipé.Thomas

etsarouquinem’auraientpresqueréconciliéavecl’amourtellementilsétaientbeaux.–Tusaisquoi?Installelacouverture,jeterejoins.Jevaischerchermapochetteàdessin,melance

Alexunefoissurlaplage.Jehochelatêteetleregardes’éloignerverslavoiture.J’inspireungrandcoup.Leventsouffleàcemoment-làet,commepourparfairecetinstant,lebébé

medonneuncoupdepied.Jedéposelacouverturesurlesableenchantonnantet,enattendantAlex,jedécidedemetremper

lespiedsdansl’eau…oupas,enfait:elleestgelée!Jeplongeunorteil,histoirededirequejel’aifait,etretrouvemonfrèrequiestdéjàinstallé.–Onn’estpasbien,là?jesorsenrestantplantéedevantlacouvertureavecunegrimace.Ilnem’écouteplusetfixelameravecsonregardinspiréquej’adore.Alex,Mattetmoisommeslabranchecréatricedelafamille,tenantdenotremèrenotreimagination.DamienetThomasressemblentdavantageànotrepère.Ilssontcarrés,danstouslessensduterme,

etpossèdenttouteslesqualitésquifontd’euxdesupersagents.Bon,maintenant,lesouci,c’estcomments’asseoiravecunminimumdedignité.Habituellement,je

viens lematin très tôt, ou en toute finde journée avecDori.Et– j’ai hontede l’admettre–mais ellem’aide(àmereleveraussi).

–Tunet’assiedspas?finitparmedemanderAlex.–Jeprofitedelavue.–Tuveuxuncoupdemain?–Allez,oui,jeveuxbien,puisquetuinsistes,jesorsavectoutelamauvaisefoipossible.Ilselèveenriant.Une foismes fesses sur lacouverture, jemedisqu’après touscesexercices,unepetite siestene

seraitpasderefus.

***

Rendez-vousà17heuresaveclesfichiers.

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Q.

Jen’aimepasçadutout.Ils’agitd’untest,j’ensuissûr.Untestpourvoirsij’aioubliéLola?Oupourvérifiermonimplicationdanssesplansmachiavéliques?Oubienlesdeux…

Éliaavaitraisonpourlaphoto.J’ai besoin deme défouler. J’enfile un jogging,mes baskets et rajoute une casquette.On ne sait

jamais,jesaisquelefrèredeLolanevitpasloin,jenevoudraispasqu’onmereconnaisse.Unefoisenbasdel’hôtel,jem’étireunpeuetgrimacequandjeressensunedouleurviveàlahanche.Jecommenceàtrottiner.Ma jambevabeaucoupmieux. Jeneboitequasimentpluset j’arrivemêmeàcourir.Maisnemettonspas…

Jemefige.Lola…

***

J’ouvreunœil.J’aichaudauxjoues.Jem’étire,ouvrel’autreœil.Jemesuisendormieauborddel’eauetj’adoreça!Par contre,mon visage ne semble pas apprécier lemanque de crème solaire. Je dois être rouge

commeuneDori.Jediraisbien«commeunetomate»,maislaRouquineesttellementplusreprésentativequ’unetomatequ’ilfaudraitdemanderàl’Académiefrançaisedechangerl’expression.

–Ben,mazette,t’asprisunsacrécoupdesoleil.T’asmêmelamarquedeslunettes!J’avaisoubliéquetugrillaisaussifacilement,lanceAlexentouchantmesjouesduboutdel’indexavecunegrimace.

Ilrangesesaffaires,selèveetmetendlamainpourm’aideràmemettredebout.–Allez,viensmagrosse,onvanourrirlebébé!lance-t-ilenramassantlacouverturependantqueje

m’étire.DeretourchezThomas,nousposonstoutdevantl’entrée.–Rouquineestpartiedéjeuneravecsoncherettendre,jedisàAlexenlisantlemotsurlatable.–Jet’invite?–Avecplaisir!Je lorgnemesbasketsetmedisfinalementquelesballerines,c’estmieux,etsurtoutplusfacileà

enfiler.

***

Ilfautquejeparted’ici…Jenepeuxpasresterlà,àlaguetterdevantchezThomas!Putain,s’ilmerepère…Siellemerepère…Jemepasseunemainsurlevisage,deplusenplusagité.Jedoispartir,jelesais,maissijepouvaislavoirneserait-cequ’unesecondedeplus…Comme pour exaucer mes souhaits, Lola finit par sortir de la maison avec son frère Alex. Ils

discutent,rientetprennentladirectionduport.Jemefaufilederrièreeux,m’arrêtantàplusieursreprisesàcausedeleurfaibleallure.Elleestencoreplusbellequesurlaphoto.Elleaprisdescouleurs,etsescheveuxsontplusclairs,aussi…

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Je sais qu’elle va bien, j’aimême pu avoir les échographies du bébé,mais j’aimerais tellementpouvoirposermamainsursonventreetsentirnotrebébébouger…

J’interrompsmespenséesquandLolaetAlexchoisissentunrestaurant.J’aviseunpalmierettentedemecacherderrièreletroncautantquepossible.

Jenesaispassij’arriveraiàpartir,àlalaisserencore…J’aimeraistellementluiparler…Est-cequ’ellealumonmotàNewYork?Moncœursemetàbattreplusfortquandlaplusgrandequestionquejemeposemebrûleleslèvres

etlapoitrineàm’enrendrefou.Est-cequ’ellem’aimeencore?

***

–J’ailuqu’onsupportemoinslesoleilquandonestenceinte.J’auraisdûemporterlacrèmesolaire,melanceAlexenm’observant,lessourcilsfroncés.

–Quoi?T’asluçaoù?–Unmagazinequitraînaitdanslestoilettesdesparentsetjem’ennuyais,commence-t-ilenattrapant

lemenu.Jeleregarde,l’airétonnée.Ilrelèvelatêteetmesort:–Ilsdisentquec’estàcausedeshormones.Commesicettedernièrephraseexpliquaitlefaitquemonfrèrelisedesmagazinesdegrossesseen

s’ennuyantauxtoilettes.–Franchement,Alex,c’estbizarre.–Jenepensepas.Jenesuispasunexpertenbiologie,maisc’estbienprobablequeleshormones

aientuneincidencesurlapeau.–Jeparlaisdufaitquetulisesdesmagazinesdefemmeenceinteauxtoilettes.–Danslestoilettesoulesalon,jenevoispascequeçachange.–Jefaisaisréférenceaufaitquetulisesdesmagazinesdecegenre,etnonaulieu!–Ehbien,peut-êtrequesituleslisais,tuauraissupourcettehistoired’hormones!merétorque-t-il,

lessourcilsfroncés.Mamèreachètepleindemagazines,soi-disantpourmoi,maisjen’ensuispascertaine.Ladernière

fois,j’aitrouvémonpèreentraindelireunarticlesurlarééducationdupérinée.Ilspassentleurtempsàme tripoter leventre, à regarderdesémissionsetdesbouquins sur lesbébéset les femmesenceintes.Bientôt,ilyenaunquivamedirequ’illuiapousséunvagin!

J’aimêmeeuledroitàunelistedeprénomsdelapartdechacund’entreeux.Etc’estàceluiquivagagner.Touteslesdeuxsecondes,ilsmevantentleurchoix.

Jemedemandemêmes’iln’yapasunpariencours.–Sinon,pourleprénom,tuasjetéuncoupd’œilàmaliste?medemande-t-il,l’airderien.Qu’est-cequejedisais?–Oui,maisilsnemeplaisentpas,jeluirépondsavecunlégersourire.– Comment ça ? Il y en avait des vraiment chouettes ! lance-t-il, outré. Coccinelle ? Ou bien

Gabin…,continue-t-il.–«Coccinelle»?–C’estoriginal.–C’estlemoinsqu’onpuissedire.Noussommesinterrompusparlaserveuse,àquijecommandeuncocaetunepizzaquatrefromages.

J’aibesoindegras!

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Tandisquejelaregardepartir,j’aperçoisauloinunhommeavecunecasquettedebase-ballbleue.C’estdrôle,ilmesemblefamilier…

–Donc,moinsoriginal…LucieetBernard?mecoupeAlexdansmespensées.–T’asfaitunpari,ouquoi?–Jenevoispaspourquoitudisça,chouine-t-il,vexé.–Bernard,Coccinelle,Émeraude…Etpourungarçon,enplus ! J’avoueque jene saispasquoi

dire.Jemedemandejusteoùtuvascherchertoutça.–Arrête,c’estquandmêmemieuxquecequet’aproposéThomas!–J’avoue,jeconfirmeenriant.–C’étaitquoidéjà?–Charles-VincentetMardoche,dis-jeengloussant.–Etaprèsça,tucritiqueslesmiens!–Émeraude,pourungarçon,jetrouvel’idéeunpeuétrange.–C’estmieuxqueCamomille.–C’estvrai.Mamann’apasététrèsinspirée,là.–EtMatt?–Shakira.–Bordel,çadoitêtreduràporter!–Commetudis…–Damien?–Tom,jesouffle.Monsourires’effacelégèrementenprononçantleprénom.Damienl’avaitproposéavantqueJerry

nes’enaille.Jetrouvaisçamignon,àcemoment-là.TometJerry…Maismaintenant,jenesaisplusquoipenser.DéjàparcequeJerryn’estmêmepassonvraiprénom,

ensuiteparcequ’ilneverracertainement jamaiscetenfant,vuque jen’aiplusaucunenouvellede lui.Est-cequ’illuiarriveseulementdepenseràsonbébé,oumêmeàmoi?

–Bon,donne-moijusteunindice.Ildoitbienyenavoirunquiteplaît?medemandeAlex.Jetoussotepourmeressaisiretluilance,taquine:–Jenetedirairien.Tudevrasattendre,commelesautres.–Dis-moijustesic’estunefilleouungarçon,mesupplie-t-il.Aaaah,j’aimepasquandilmefaitceregard-là!Alexestbientropcharmant…etillesait!Jemeredresseetluirétorque,sûredemoi:–Jenesaispas.Etjetel’aidéjàdit,ceseraunesurprise.–Lola,tumenstrèsmal!Pourtouteréponse,jememetsàrire,cequil’agaceencoreplus.NoscommandesarriventmaisAlexnelâchepasl’affaire.–Margarita!s’exclame-t-il,commes’ilvenaitd’avoirunerévélation.Jeregardeautourdemoietaperçoisànouveaul’hommequinousobserve.Ilmeditvraimentquelquechose,maisilestbeaucouptroploinpourquejedistinguebien.Jeplisselesyeuxfaceausoleiletfinisparlaissertomber.–Alors,tuaimes?medemandeAlex.–Leprénom,lapizzaoulecocktail?Ilréfléchitunesecondeetmesort«Lestrois!»enhochantlesépaules.–Jen’appelleraipasmonenfantMargarita.EtpourquoipasTequila,tantqu’onyest!

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–J’aimeassezTequila,merépond-il,l’airsongeur.Maisonditquec’estmoiquil’aiproposé,situlechoisis,continue-t-ilenfourrantunénormemorceaudepizzadanssabouche.

–Alex,sérieusement,qu’est-cequevousavezparié?Ilseredresseetmesort,l’airfaussementinnocent:–A-bso-lu-mentrien!Jeleregarde,ilmeregarde…Etaprès,onditquec’estmoiquimensmal!Unepizza,monfrère,lesoleil,monbébéquigigotedansmongrosventre…Uninstantparfait!

***

Jepresselepas,arriveàl’hôteletunefoisdansl’ascenseur,j’enlèvemacasquette.Putain,j’auraispasdûfaireça.Lesmainstremblantes,jemefrottelevisageavantd’expédierunviolentcoupdepoingdanslacage

enfer.J’inspireprofondémentavantquelesportesnes’ouvrent.Mespasrésonnentdanslecouloir.Jesors

lacartemagnétiquedemapocheetouvrelaportedemachambre.–Ehbien,moncœur,oùétais-tupassé?medemandeÉliaensortantnuedelasalledebains.–Jemesuisditquedescroissantsteferaientplaisir!jeluisorsavecungrandsourire.–Àcerythme-là,jevaisfinirparêtreénorme!s’exclame-t-elleentriturantsonventreultra-plat.–Tuasdelamarge,jeluisouffleavecunsourireencoin.Ellesemblesatisfaitedemaréponseetretournedanslasalledebains,melaissantseulavecmes

regrets.Jenesaispascequimepeineleplus.D’êtrepartidurestaurantoudel’avoirvue.D’êtreparti,incontestablement.Jenepensaispasquej’enaurailaforce,mais…l’enjeuestbientropimportant.

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Chapitre17

J’auraispasdûmangerdepizza,medis-jealorsqu’uneremontéeacidem’indisposedenouveau.Jetourne,meretourne,mereretourne,songeàmamèrequiditque,quandonadesremontées,c’est

quelescheveuxdubébésontentraindepousser,imaginequejevaisaccoucherdeKingKong,grimaceàl’idéed’avoirunbébépoiluqu’ilfaudraitquej’épile…

Bon,fautquejeprenneuntruc,j’enpeuxplus.Est-cequesijeprendsunantiacide,çavaempêcherlespoilsdubébédepousser?Est-cequesijeposecegenredequestionaugynéco,ilvametrouverbizarre?Certainement!Onvaéviter.Parcontre,riennem’empêchedefairedesrecherchessurInternet.Googlesauracertainementme

répondre.Jemelève,medirigeverslasalledebainsetm’arrêtequandj’entendsThomasdanssonbureau.–Nonseulementcetenfoirésepermetdemettremasœurenceinteetde la laisserdevant l’autel,

mais, comme si ça ne suffisait pas, il s’introduit dans mon agence pour me voler des dossiersconfidentiels!hurle-t-il.

IlparledeJerry?–Calme-toi,Thomas,luiditunevoixquejereconnaisimmédiatement.ThomasparledeJerryavecmonpère…J’entendsmonfrèresoupirer.Ilnedécolèrepas.J’essaiedefaire tairemoncœur,quis’estmisà

cognerviolemmentdansmapoitrine,maisc’estsanssuccès.C’estlapremièrefoisdepuiscinqmoisquej’aidesnouvellesdeJerry.–Nouspensonsqu’ilarejointl’équipedeQ.etquec’estpourellequ’ilavolécesinformations.«Q.»?Jecroyaisqu’elleétaitenprison!Etpourquoiill’aiderait?–Est-cequ’onadunouveauàproposdesonévasion?–Non,Damienétaitsurlecoupavantlemariage,maisaprès,lenouveaudirecteurdel’Agencel’a

missurautrechose.Q.s’estéchappéeetpersonnenemel’adit?J’enaimarredecettefoutuemaniedenejamais

rienmedire!Jerrynetravailleraitjamaispourelle,j’ensuispersuadée.Elleadûlemenacer…oumemenacer…

Moncœur accélère encore à l’idée qu’il a peut-être choisi deme sauver, qu’il nem’a pas justequittée,qu’ilm’aimevraiment…qu’ilyaunespoirpournousdeux…

– Mes hommes ont pu récupérer quelques infos, mais rien de concret, explique Thomas. Il estaccompagnéd’unefemme.Selonlespremiersélémentsdel’enquête,ilsentretiennentuneliaison.

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Une femme…Une liaison… Je manque une respiration et m’appuie contre le mur pour ne pasm’effondrer.

Ilyaencoreuneseconde,jepensaisqu’ilm’aimaitpeut-être,jepensaisque…Oh,monDieu…–Tulesaisdepuisquand?demandemonpère.Jerestesuspendueàcesmots.J’attendslaréponsecommeonespèreunebouéedesauvetage.J’ai

l’impressiond’êtreperdueenpleinetempêteetquerien,plusriennepourramesauver.–Nousavonsdesphotosd’euxjusteaprèssafuitedumariage.Lemariage…Ilm’aquittéepouruneautre…Monestomacsesoulève.Jeposeunemaintremblantesurmabouche.J’aimal,tellementmal…Silence.–Ilsontdéjàl’airplutôtintimes,sortmonpèreavecdudégoûtdanslavoix.«Intimes»?Ilétaitintimeavecellealorsquenousétionscensésnousmarier?Commentest-ce

queçaapuarriver?Pourquoijen’airienvu?J’entendsunesortedebruitsourdetcomprendsqu’ils’agitd’uncoupdepoingsurlebureau.–Regarde-moiça!C’estdatédulendemainetonlesvoits’embrasser!criemonpère,fouderage.C’estellequ’ilachoisie.Seslèvresàelle,soncorpsàelle…Ilm’aditqu’ilm’aimait,qu’ilnepourraitpasvivresansmoi,alorsquec’étaitàellequ’ilpensait,

c’étaitavecellequ’ilvoulaitêtre,etpasavecmoi!–Jepensequ’ilvautmieuxneriendireàLola,souffleThomas.Ben,voyons!Çanem’étonnemêmeplus!–C’estpréférableeffectivement,vusonétat.Elleadéjàassezsouffert.J’essuieunelarmeégaréesurmajoue,memordsleslèvrespourqu’ilsnem’entendentpaséclater

ensanglots.–Ilvaudraitmieuxquej’yaille,tamèrevas’inquiéter,ditmonpère.Il me faut quelques secondes pour intégrer l’information et que je reparte me cacher dans ma

chambre.Exténuée,jemelaissetombersurmonlit.Depuisledébut,Jerrysemoquedemoi.Ilnem’acertainementjamaisaimée,etlebébén’estquele

fruitd’unmalheureuxaccident.Maispourquoim’avoirdemandéeenmariage?Pourquoiilnem’apaschoisie,moi?Nous?Iln’amêmepaseulecouragedemedireenfacequ’ilnevoulaitpasfairesavieavecmoi.Ils’est

enfuicommeunlâche.Jepasseunemainsurmonventreetsensbouillirlacolèrequisommeilleenmoidepuisbientrop

longtemps.Jevaisleretrouver.Jeveuxqu’ilmeregardeenfaceetqu’ilmedisequ’ilnem’aimepas,quejen’aijamaiscompté

pourlui.J’essuierageusementmeslarmes.J’aibientroppleurépourlui.Ilneméritepasmonchagrin.Lolaestderetouretellen’estpascontentedutout…

DécouvrezlasuitedesaventuresdeLoladansleprochainépisode:

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Lola–Petite,grosseetprêteàtout

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Chapitre18

Toujoursmi-mai

Voilàoùj’ensuis…Couchéedansmonlit, lesjambesetlesbrasécartés,leregardperdudanslacontemplationduplafondetsurtout,encoreunefois,lecœurenlambeaux.

Enfinpasexactement-exactement.Parceque,vuqu’ilest4heuresdumatin,jedistinguepasgrand-choseduplafondàpartdesombres.

Maispourtoutlereste,c’estça!medis-jeensoupirant.Jesuisépuisée…Q. s’est échappée. Jerry m’a quittée pour une autre et, accessoirement, a rejoint l’équipe de

psychopathesdesonex-chefàlacoiffuredePlaymobil.Jeveuxdireque,lemec,ilnepeutpasjustemequitter.Non,ceseraittropsimple.Ilfautqu’enplus

il rejoigne lecôtéobscurde la forceet s’embarquedans jenesaisquelplan torduquineconsisteenaucunefaçonàsauverlemonde!

Jecroisqu’onpeutdirequec’estlepomponsurlegâteau.Ouuntrucdanslegenre…Jenesaispas,jenesaisplus…,medis-jeenmefrottantlevisage.Monmondes’estànouveaueffondréparsafaute.Encore!Ilyacommeunairdedéjà-vu…Jesuisirrécupérable.Pathétiqueetgrosse…Jesensmagorgeseserrer,malèvreinférieuresemettreàtrembler.J’yenfoncemesdents,mords

plusfortpournepasmeremettreàpleurer.Malgrétout,unelarmecoulelelongdemajoue.Jel’essuierageusement,encolèrecontremoi,contreJerryquim’aabandonnée,etencorecontremoi,quipleureunhommequinememéritepas.Jerenifleencherchantàtâtonsunmouchoirdanslapénombre.

–Lemondeestcontremoi ! jecrieenmemettantàpleureràchaudes larmesquand jeme rendscomptequelaboîteestvide.

Furieuse,jelajettecontrelemuretmelaisseretombersurlelit.Raspoutinesursaute,m’observe,outréquej’aieoséperturbersonsommeil,etserecouche.Ilmejetteunderniercoupd’œilquisembleêtreunavertissement,«Situmeréveillesànouveaujetebouffe»,etserendort.

–Tuescensémeréconforter,saletédematou!jeluihurleenmemettantàpleurerencoreplusfort.Ronronthérapie,hein?!Quelleblague,çaaussi!Lavieestfaitedemensonges:l’amour,c’estnuletçafaittropmal.Etpuis,leschatsneserventàrien!Ilsnesontréconfortantsqu’entredeuxsiestesouquandonleur

donneàmanger.Lagrossesse,c’estnulaussi.J’arrivemêmeplusàmemettresurlecôté,àmoinsdeme

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tractercommeunebaleineéchouée.Jenevoisplusmespiedset,quandauprixd’intenseseffortsj’arriveàlesapercevoir,ilsressemblentàdesKnackiobèses.

Mavieestunmensonge…Ladéfinitionmêmedumensonge…Mondernierespoirpourtrouverunmouchoirrésidedansmonoreiller.Jepasselamaindessouset

entrouveunpastropcrado.Jenesuisqu’uneidiote,unesotte,unegourdasse!Unmecsupersexymeditqu’ilm’aime,etmoi,j’ycrois.Jemevoisdéjàacheterunemaisonavec

une jolie barrière blanche, un labrador nomméPupuce et une ribambelle de gamins qui jouegaiementdanslejardin.

Maiscommentest-cequej’aipucroirequemoi,Lola,petite,grosse,jepouvaistombersurl’hommedemesrêvesetêtreheureusejusqu’àlafindemesjours?!

Leshappyends,c’estpourlesHeidiKlum,paslesValérieDamidot!–Moi,j’aiunphysiqueàmaroufler,pasàm’envoyerunmecquiressembleàunepubpourparfum,

jesorsenmemouchantbruyammentavantdejeterleKleenexparterre.Lefaitqu’ilm’aitabandonnéelejourdenotremariageauraitdûmemettrelapuceàl’oreille,mais

noooon!Jepersisteàcroireauxcontesdefées,auxécureuilsquiparlentetauxmouettesquinetechientpassurlatête.

Onn’abandonnepasquelqu’unqu’onaime.Onchéritchaquejourpasséaveclui,onnelelaissepascommeunvieuxmorceaudefromagerestétroismoisaufonddufrigoetquicommenceraitàavoirdespoils.

Donc,voilàoùj’ensuis:moncerveautourneenboucle,mesyeuxmepiquentsansinterruptionetdesremontéesacidesmebrûlentlagorge.

Je regrette d’avoir mangé de la pizza, bu du coca, surpris cette conversation entre mon père etThomas,d’êtrearrivéeenretardautravaililyahuitmoiset,surtout,d’avoircruencetteidiotiedebasétagequ’estl’amour.

Jesuisépuiséeàforcedechercherdanslestréfondsdemamémoireunsigne,ungeste,n’importequoi,quiauraitpumeprépareràcettecatastrophe.Épuiséedemerépétersanscesse«Jerryt’aquittéepour une autre ». Épuisée de me demander s’il m’a aimée ou si j’ai rêvé tous ces moments passésensemble.

Je ferme lesyeuxet repenseàcettevieque j’ai tant imaginéeavec l’hommeque j’aiaiméetmedemandecequ’ilm’enreste,hormismonpetitJediquigranditenmoi.

J’étaistellementpersuadéeque…qu’ilm’aimait…,medis-jeenétouffantmonchagrindansmonoreiller.

Je prends une grande bouffée d’air, tente de refoulermes larmes etme tourne sur le côté.Enfin,j’essaie!

Jesuisénorme,doncc’estgalère.Jemedandine,metracte,meredandine.J’ail’impressiond’êtreunphoqueobèseperdusurlabanquise.

C’esttellementglamourqu’onsedemandebienpourquoimonfiancéestpartiavecuneautre…Etpuisd’abord,c’estqui,celle-là?C’estpasquej’étaistoujourssursondos(pasmongenre:moi,jesuisconfianteetconne),maisje

nevoispasavecquiilauraitpumetromper.Çaaussi,c’estpathétique.Monmecmetrompeetjen’yvoisquedufeu.Etlepire,c’estquec’est

unerécidive!C’estpaslapremièrefoisqu’unmecmetrompe.C’estmêmecommeçaquej’aifiniàNewYork.

Maisnon,moi,j’oublie.Jemedisqueleshommesnesontpastousdessalaudsinfidèlesetvlan !Çatefrappeenpleinetronche,commeunbusquitepercute.C’estviolentettut’enremetspastoujours.

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Tudeviensunesorted’estropiéede l’amour.Tu traînes lapatte,espérantneplus rencontrerdebusaucoindelarue.Saufqu’ilssontpartout,cesconsdebus!

Nathan,Jerry…touslesmêmes!J’ai envie de retrouver Jerry, de lui arracher les couilles et de manger du chocolat – mais pas

forcémentdanscetordre-là.Jesoupire,melèveetobserveRaspoutinequidortcommeunbienheureux.Jepassedoucementma

mainsursondospoilu.Zéroréaction.Jesuisblasée…–Tupourraisaumoinsfairesemblantquemonmalheur te toucheunpeu, je luisorsenenfonçant

monindexdanssongrosventretoutmou.Enguisederéponse,ilouvrelesyeux,m’adresseungros«maouh»etserendort.–Salebête,va!Sic’estcommeça,net’attendspasàcequejepartagemonprochainrepasavec

toi!Ilnemeresteplusqu’unseulami:lefrigo.Lui,ilrépondtoujoursprésentet,enplus,ilaledon

pourseremplirtoutseul.Bon,OK,c’estDorietThomasquileremplissent.Maispourmoi,çarestetoujoursaussimagique.Je l’ouvre, fouineetgrimaceenne trouvantquedesfruits,des légumes,desyaourtsallégésetdu

lait.C’estuneurgence,là!JevaisquandmêmepasmangeruneCracotteouunepomme!MaisjesaisqueRouquinecachedeschoses…Jefarfouilleunpeuplusetunemballagedebrocolisattiremonattention.Jel’ouvresansfairede

bruit.EncoreunevictoiredeLola!Desmoussesauchocolat…Bienessayé,Rouquine!Jesorslespotsetlis,songeuse,lemotqu’elleacollédessus:

Lola,c’estmesmousses,ÀMOI.Situlesmanges,jelediraiàtongynéco!Samantha

Mêmepaspeur!Etpuis,mongynécoest fouousuicidaire,parcequemettreunefemmeenceinteaurégime, il faut

êtrecarrémentdérangé!Jedoisfaireattention…Blabla…mangercinqfruitsetlégumesparjour…blablabla.Moi,jesuisd’avisquelechocolatvenantducacaopoussantsurlecacaotierquiestlui-mêmeune

plante, il s’agit d’un fruit. Donc je vais manger deux de ces mousses et ne mangerai que trois fruitsaujourd’hui.

Çamesemblejuste,jechantonneenouvrantdélicatementl’opercule.Jedansepresqueenallantchercherunecuillère.Petiteougrosse?Telleestlaquestion…Petite !Parcequesi j’enprendsunegrosse, j’aurai finiendeuxbouchées,etc’estpas lebut.Le

chocolat, c’est comme le sexe. On peut être brutal, mais il faut aussi savoir se délecter de chaquesensation.Et là, jevaismangermamousseauchocolat commeon faitunedéclarationd’amour : avectendresse.

Jetrempemacuillèredanslepotetlalèchedoucement.J’enronronneraipresque…Tiens,enparlantderonron,quivois-je?Monchatcul-de-jatte,bienévidemment!

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–Raspoupou,situcroisquejevaispartagermamousseavectoi,tutemetslapattedansl’œil.Ilmescruteuninstantdesesyeuxjaunesetretournesecoucher,vexé.Non,maisunpeuplusetjecroiraiquel’amourquemeportemonchatn’estqu’intéressé!Bon,OK,ilestcarrémentintéressé,medis-jeenléchouillantlacuillèredanstouslessens.Jeregardelesecondpotdéjàvideetsoupire.C’estbientroppetit,cetruc!Il faut se rendre à l’évidence, ces machins, c’est de l’arnaque ! C’est fini en trois cuillerées !

Rouquineaachetédespotspourlilliputiensaurégime.Maisbon,ilfautquejesoisraisonnable,doncjeremetslesautresaufrigo.Jelapeunedernièrefoislacuillèreetlarangedirectementdansletiroir.Jesaisquec’estdégueu,maisenfait,jem’enfiche!Puisjepassemonindexsurlesbordsdupot,histoiredenerienlaisser.Résultat:ilestplusproprequesijel’avaislavéoulaisséauxbonssoinsdeRaspoutine.Bon,maintenant,jedoisdissimulermonméfait.J’attrapeletubedecolledansletiroirdumeubledel’entrée,ouvrelefrigo,positionnelepotvide

surunedesétagèrespourprofiterdelalumièreetm’appliqueàrecollerlalanguette.Jecomptejusqu’àdix,appuieunedernièrefoissurl’opercule,remetsletoutdansl’emballagede

brocolisetfermelaportedufrigo.Etvoilà:nivuniconnu!UnlégersourireilluminemonvisagequandjepenseàlatêtequeRouquinevafairequandelleva

vouloirmangersesmousses.C’estvilain,maistellementamusant!medis-jeendodelinantdelatête.Jeregardeàdroite,àgauche.Jedevraisretournermecoucher,maisjenesuispascertainequemon

cerveaumelaisseenpaix.Jehaislapetitevoixnasillardedansmatêtequichantonne:«Jerrynet’ajamaisaimée.Ils’est

servidetoipourvolerdesinformationsàtonfrère.Ilt’aquittéepouruneautre…»Machinalement,jejetteuncoupd’œilendirectiondelachambredeThomas.Ilnemedirariensur

lecambriolageàsonagence,nis’ilaretrouvéJerry.Pourtant,jedonneraitoutpourpouvoirm’expliqueraveccethommequimefaittantsouffrir.Siseulementj’avaisunindicesurl’endroitoùilsecache…

Jem’approchedoucementdubureau,sanscertitudedetrouvercequejecherche,maismunied’unechosequimefaitcruellementdéfautdepuisdesmois:l’espoir.

Jeposemamainsurlapoignée,ouvre,mefaufileàl’intérieuretrefermeimmédiatementensilence.Du bout des doigts, je caresse le bois du bureau, trouve l’interrupteur de la lampe, allume, posemesfessesdanslefauteuiletmetrémoussedegaucheàdroite.

C’estqu’ilestconfortable,sonfauteuil,quandmême…Jesoupire,songeuse.JenepensepasqueThomaslaisseraittraînerdesinformationssurJerryici,maisenyréfléchissant

bien,hiersoir,jel’aientenduallerdirectementsecoucherunefoismonpèreparti.Jescrutelatableenbois quasiment vide, survole une rangée de stylos parfaitement alignés et me ravise. Thomas estexcessivementmaniaque.Sijebougelamoindrechose,ils’enrendraimmédiatementcompte.J’ouvreuntiroiretmordsmalèvreàlavued’undossierbleu.

Sic’estbiencelui-là,ilestdrôlementmalcaché!Jejetteuncoupd’œilendirectiondelaporte,hésiteuninstantetfinisparmedécider.Jesaisqueje

nedevraispasfouillerdanssonbureau.Maisjesaisaussiquemecacherdesinformationssurmonfiancédisparu,c’estmal.Donc,jefaiscequejeveux,etpuisc’esttout!

Enplus,siçasetrouve,cen’estmêmepasledossierdeJerry.Thomasl’acertainementcachédansunendroitplus…

–Merde,ilestencoreplusbeauquedansmessouvenirs,cecon!jecracheentombantsurunephotodeJerryennoiretblanc.

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Alorsquemoi,jeressembleàunebaleinequiauraitboufféPinocchio,leTitanicetDiCaprioàelletouteseule,lui,ilestcanon.Ilressembleàunestardecinéma.Lavieestinjuste!

Siondevaitcompterlespointsdanscetteséparation,ilgagneraithautlamain…Etregardez-moiça!jefulmineentombantsurunephotodeluitorsenuauborddelaplage.Lui,il

apasdesoucisdevergeture!Vas-yqu’ilestbeaucommeundieugrec.Regardez-moicespectorauxetcesabdosdefou!Ondiraitunepubpourjenesaisquoi…Lescheveuxébouriffésparlevent,leregardpénétrant…Pfff, quel gros nul !Ouais, il est là, genre «Regarde comme je suis trop sexy avecmestablettesMilkaetmonsourireColgate»maismoi,jesaisque…que…ilronflelanuitetquelechinoislerendmalade!C’estlegenrededétailquiruinelesex-appeal,ça!

Duboutdesdoigts,jesuislescontoursdesonvisageetsoupire.Même si, pour lui, tout ce que nous avons vécu ne comptait pas, pourmoi, ça reste lemeilleur

momentdemavie.L’espaced’uninstant,j’aieul’impressiondecompter,d’êtreunique…–Prisesurlefait!s’exclameSamanthaenouvrantbrusquementlaporte.Jelèvelesyeuxsurelle.Ellealesjouesrouges,sescheveuxrouxpartentdanstouslessens,mais

elle ne dit rien. Elleme regarde et semble surprise. Elle scrute le bureau, sans doute à la recherched’emballagesdebonbonsvides.

–Qu’est-cequetufais?m’interroge-t-elleauboutdequelquessecondes.Jemetsmonindexsurmeslèvres,melèveetvaisfermerlaporte,letoutsoussonregardinterloqué.–Tuesunefemme…,jecommence,incertaine.–Tuvaspasrecommenceravecça?!s’écrie-t-elle.Hein?!–Eh oui, je suis au courant du bruit que tu as fait courir surmoi au début dema relation avec

Thomas.Alors,oui,jesuisunefemme,etnon,j’aijamaisétéungarçon!finit-elleàboutdesouffleetrougecommeunetomate.

–Euh,OK,jesors.Silence.Ellemedévisage,méfiante.– Ce que je voulais dire, c’est qu’en tant que femme, tu peux comprendre ce que j’éprouve, je

reprends.–Encore?lâche-t-elleenlevantlesmainsauciel.Jecomprendsquecequetuvisencemoment

n’estpasfacile,maistudoiscommenceràpenseràautre…–Maisnon!jelacoupe,avantdereprendre:ThomasaretrouvéJerry!–C’estpourçaquetufouillesdanssonbureau?souffle-t-elleenjetantuncoupd’œilendirection

delaporte.–Oui,jevoudraisparleràJerry.Jeveuxjuste…–Lola,soupire-t-elle,s’iln’estpasvenutevoir,jecroisqueçaveutdireque…Ellelaissesaphraseensuspens,nevoulantpasmefairedavantagedepeine.–Ilestpartipouruneautre,jedissimplement.Ellemeregarde,l’airdedire«c’étaitprévisible!».–Etjeveuxdesexplications.–Jenesuispascertainequecesoitunebonneidée,cetteconfrontation,danstonétat.–Jenesuispasmourante,maisenceinte.–Lola,jepensequetudevrais…passeràautrechose,chuchote-t-elle,malàl’aise.–Jeleferaiaprèsluiavoirparlé.Ellesecouelatête.Detouteévidence,ellenesemblepassatisfaitedemaréponse.–Oùest-il?demande-t-elleavecunegrimace.

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–J’aipaseuletempsdevoir,tuesarrivéetroptôt,jelâcheenretournantàmondossier.–Jenepensevraimentpas…–Benalors,arrêtedepenser!jelacoupeenreprenantmalecture.–TudevraisenparleravecThomas…– Et puis quoi encore ? Comme s’il allait me donner des infos. Si je n’avais pas surpris sa

conversationavecmonpère,jenel’auraisjamaissu.–Ils’inquiètepourtoi…–J’enaimarrequel’onmecouvecommesij’étaisunepetitefleurfragile.–Ilfautbienquequelqu’unveillesurtoi,chuchote-t-elle.Jemeredresseetlatoiseensilence.Ellen’apastort.Certes,mafamillemesurprotège,maisjen’ai

personned’autre.–Veillersurquelqu’un,çan’estpasluicacherlavérité.–Jesais,maisThomast’aime.Ettuasdéjàtellementsouffertqu’ilvoulaitcertainementt’éviterune

peinesupplémentaire.–Samantha,jeveuxsimplementqueJerrymediseleschosesenface.Tupeuxlecomprendre?–Oui,finit-elleparsouffler.QuiauraitcruqueDoriseraitd’accordavecmoi?J’ensuisépatée!Devrais-jem’attendreàla

findumondeouuntrucdanslegenre?Jenem’attardepasplus sur cetteminivictoire et retourne àmondossier.Onne sait jamais, elle

pourraitchangerd’avis.–Ilal’airenforme,souffle-t-elle,songeuse,enlorgnantlaphotooùilesttorsenu.Jeluijetteunregardnoir,cequilafaitrougirànouveau.Jesaisqu’ilnem’appartientplus,maisje

nepeuxm’empêcherdememontrerpossessivequandils’agitdeJerry.Jemanqueune respirationquand je tombesurunephotounpeuflouedeJerryaccompagnéd’une

bellebrunequiluisourit.Iln’amêmepasl’airheureux,alorspourquoiill’achoisie?Surlasuivante,ilss’embrassent.Enfin,jecrois…Pareil,laphotosembleprovenird’unecamérade

surveillance,doncellen’estpasclaire.LedernierclichémontreJerrydanslebureaudeThomas,àsonagence.–Iln’yariend’autre,jesoupire,désespérée.Finalement,voirtoutçam’afaitplusdemalquedebien.Sanouvellecompagneestbienplusbelle

quemoiet…Jefroncelessourcils,approchelaphotodelalumière.–Élia,jesouffleentremesdents.–Tulaconnais?m’interrogeSamantha.Unefouledesouvenirsmereviennentenmémoireetjesenslaragem’envahir.Desannéesdedésir

de vengeance refoulé remontent à la surface et se mélangent à mes hormones de femme enceinte. LecocktailMolotovdelamort…

–Onpeutdireçacommeça,jelâcheenrefermantledossier.–C’estunedetesamies?medemandeRouquine.–Non,c’estplutôtunsouvenirdésagréable,jerépondsenleremettantsoigneusementdansletiroir.J’aicommeuneénormeenvied’écouterduhard-rock,d’allerchercherunbazookaetdefairetout

péter…Elle,surtout…EtJerryaussi…Et…enfin,tout…Jerrym’aquittéepourcettegarced’Élia…Jeprendsunegrandeinspirationetsors:–Tusenscetteodeur?jedemandeàRouquine.Ellerenifleautourd’elle,lessourcilsfroncés.

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–Boisdesantal?–Euh,oui,maintenantque tu ledis…Mais jevoulais surtoutdireque ça sent lavengeance ! je

déclare.–Tunesaismêmepasoùilssetrouvent!s’exclame-t-elle.J’aiquandmêmelafâcheuseimpressionqu’ellenemeprendpasvraimentausérieux.–Cen’estqu’undétail,Rouquine,ilfautvoirau-delà.Est-cequelesSauvageonssecontententdu

NordinfestédeMarcheursblancs?Non!Ilscontinuentd’espéreretpassentlemur…–Premièrement,arrêtedem’appelercommeça.Deuxièmement,Lola,ilfautvraimentquetuarrêtes

aveccettesérie.Çaterendbizarre.–Jedompterailesdragonss’illefaut,etcrameraileculdeJerryetdel’autrepétassed’Éliaavant

demontersurletrônedefer…–Vraiment,Lola,jecroisquePaularaison.Évitederegardercegenredeséries.Etpuis,çafait

combiendetempsquetulecherches?–Jenelecherchaispas,jelaissaisThomas,Damienetmonpèrelefaire,jemedéfends.–Tudevraisjuste…laissercouler,Lola.–Ahoui,parcequetuesunmodèledulaisser-couler,toi!jem’agace.–Jenevoispaspourquoitudisça.–Jenesaispas,peut-êtreparcequetuesalléecollerunetruitepourriesouslelitdetacousinepour

tevengerd’unmecquit’aplaquéelesiècledernier.–Tuneconnaispastoutel’histoire!s’écrie-t-elle,cramoisie.–Enquoiest-cequec’estdifférent?–Parceque!–Waouh,quelleréponse!«Parceque»?!–Qu’est-cequisepasse?grondesoudainThomasdepuisl’encadrementdelaporte.–Riendutout,jemarmonneenjetantuncoupd’œilàSamantha,quifixerésolumentlesol.Etzut!EllevatoutraconteràThomas,etjenevaispaspouvoirretrouverJerry,ettousmesplans

devengeancevonttomberàl’eau…–J’ai…euh…Lolafouillaitdanslesplacards,finitpardireRouquine.–Lesplacardssontdanslacuisine,ditThomas,lessourcilsfroncés.–Jen’airientrouvédanslesplacards,alorsjemesuisditque,peut-être,tucachaisdesDragibus

danstonbureau,j’enchaîne.Ilsoupire,visiblementmoinstendu,etreprendavecunevoixplusdouce:–Lola,situasfaim,tupeuxmangerdesbiscottessanssel,maisriend’autre.–Jesais,jelâche,lesyeuxtoujoursrivéssurSamantha.– Tu dois te surveiller. Le médecin a été clair. Tu as pris trop de poids et il y a risque

d’hypertensionetdediabètegestationnel,continue-t-il.–Jesais,jesouffleentremesdentsenmenaçantThomasduregard.Oui,jesuisunpeususceptiblequandils’agitdemonpoids.Bon,OK,carrémentsusceptible!Franchement,mettreunefemmeenceinteaurégime,yapasidée,sérieux!–Jeretournemecoucher,jegrogne.Etpourmontrermonmécontentement,jeclaquelaportedemachambre.Jemelaissetombersurlelitetréfléchisàmavengeance.Doriaraison,çavapasêtrefaciledutout…Maisriennem’arrêtera.

***

–Cen’étaitpasprévucommeça!jem’écrie,furieux.

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–Etàquoivousattendiez-vous,agentJ.?–Lescamérasdevaientêtreneutralisées,jesouffleentremesdents.–Jenevoispascequecelachange.Ellel’afaitexprès.Àl’heurequ’ilest,Loladoitsavoirquejemesuisintroduitdansl’agencede

sécuritédesonfrèrepourluivolerdesdossiers.Et,connaissantThomas,ilvametraquersansrelâche.Riennel’arrêterajusqu’àcequ’ilparvienneàsesfins.

–Voussaveztrèsbiencequeçachange!jelâche,plusfurieuxquejamais.–Commec’estmignon.AprèscequevousavezfaitsubiràcettepauvreMlleMorell,pensiez-vous

réellementquevousaviezencoreunechancedelarécupérer?Ducoindel’œil,j’aperçoisÉliaquitterlapièceensilence.Elledoitsentirqueçavachauffer.Et

ellearaisondefuirtantqu’ilenestencoretemps.–Non,maissafamille,quimelaissaitpourlemomentrelativementtranquille,nevapasenrester

là.Est-cecelaquevouscherchez,Q.?AvoirlesMorellàvosbasques?Vousvenezdeleurdéclareruneguerrequevousallezperdre!

–Quiditquejevaisperdre?melance-t-elleavecungrandsourire.–Vousn’êtespasdetailleetvouslesavez.–Un peu plus et on croirait que cette perspective vous réjouit, souffle-t-elle enme caressant le

torse.Attention,J.,j’aiplusd’unecordeàmonarc.Nel’oubliezjamais,reprend-elleenapprochantsonvisagedumien.

J’écartesesmainsetlarepoussesansménagement.–Nemefaitespasregretterdevousavoirchoisie,jelâche,leregardnoir.–Nousavionsunaccord,ilmesemble,dit-elleenserecoiffant.–Accordque,pourmapart,jesuis.–J.,dites-vousbienquecesoir,jevousairenduservice.MlleMorellnevousreprendrapas.Etde

toutefaçon,safamillevoushait.Ellevousconsidéraitdéjàcommeunennemiàabattre.Jen’airienfaitquinel’étaitdéjà.

–C’estcequevouscroyez,Q.?VouspensezqueT.vavous laisserutiliser les informationsquenousavonsvoléessansriendire?

Ellerit,sedirigeverslasortie,ouvrelaporteetmelance,justeavantdelarefermer:–Jepensequelejeunefaitquecommencer.Jefixeuninstantlebattantfermé,impassible,avantdelaisserlibrecoursàmarage.Jefracassetout

danslachambred’hôtel.J’ail’impressiondedevenirfou.Toutça…Riendetoutçan’envautlapeine!Jenesaispas…Jenesaisplusoùj’ensuis…Siunhommesedéfinitvraimentparseschoixetsesactes,jen’aimepaslapersonnequejesuis,

quej’aiétéetquejesuisentraindedevenir.Cen’étaitpasdutoutcensésepassercommeça.Maisdésormais,jenepeuxplusrevenirenarrière.Désormais,queT.metraqueoumetue,peuimporte…

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Chapitre19

J’ouvreunœil,puisdeux,mepasseunemainsurlevisage,enlèvelemouchoircollésurmajoue,grimacededégoût,lejetteparterreetregardeleréveil.

Ilest10h30.J’ai finiparm’endormirentre«castrer Jerrypendant sonsommeil»et« trouverun trucquipue

pourlecacherdanssavoiture».Ladernièreidéem’aétéinspiréeparRouquineetsonhistoiredetruitepourriecachéesouslelitdesacousine.

Finalement,ellepeutêtredrôlequandelleveut,cetteDori.Bon,lehic,dansmesidées,c’estqu’ellesdépendenttoutesdelamêmecondition.Unlégerdétail…

voireunedonnéecarrémentindispensableàleursréalisations:jenesaispasoùestJerry.C’estgênantpuisqu’ellesconsistentpresquetoutesàsevengerdirectementdeluienluiarrachantaumoinsunepartiedesoncorps.

Je ne suis pas particulièrement fétichiste, mais pour le coup, j’aime assez l’idée de garder untrophéedemachasseàl’homme.D’ailleurs,jemedemandesicen’estpasparpeurdemesreprésaillesqu’ilseterrejenesaisoù.Unpeucommeunetaupequiauraitpeurdelatondeuseàgazon.Ilsaitàquelpointjepeuxêtrefollementgarce–oumême,complètementfolle–quandjeledécide.

–Oh ! non ! Jeme suis endormie surmonBic ouvert ! je râle en ôtant l’objet du délit demonoreiller.

Ehben,voilà!Pleinedebonnevolontédansmavengeance,j’aivoulumettreaupointunsuperplandans le but de retrouvermon ex-fiancé fugueur.Et vuque j’ai unemémoire de poisson rouge (aucunecomparaisonavecDori,merci),j’aidécidéqueprendredesnotesétaitunebonneidée.

Auboutd’unmoment,gagnéeparl’ennui,jemesuismiseàdessinerunculd’éléphant.Pourquoi?Jen’ensaisrien!Maisj’aicontinuéavecceluid’unchat,d’unesourisetjemesuisrenducomptequeceluiduzèbren’étaitpasfacileàfaire.Çavientdesrayures,jecrois.

Enfin, bref, voilà le résultat : zéro idée, ou rien qui me soit véritablement accessible, des culsd’animauxdiversetvariésetdesmarquesdestylopartoutsurlajoue.

–Etpuis,c’estquoicetteodeurdecramé?!Jemelève,plusronchonquejamais,glissemespiedsdansmeschaussons,megrattelafessedroite,

me rappelleque j’yaiunevergeture, attrape lacrème,m’enverseunebonne rasadedans lapaumeetl’étalesurmazébrure.Jereposelepotensoupirant.Jesensquejevaispasêtreautopaujourd’hui.Jesuisaussiénergiquequ’unescargotneurasthénique,etpuis,j’aipaslemoral…

Certainsdiront«commed’habitude».Jeleurrépondraiqu’ilsonttoutàfaitraisonetquejen’enaimêmepashonte.Jemepréparejustementàdevenirunevieillefilleaigrie,mèrecélibatairevivantavec

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sonchathandicapé,sonfrère,uneDorietuncarlinaffublédeproblèmesgastriques.Maviefaittellementrêverqu’ondoitpouvoircomprendremonétatdedépressionintense.

J’ouvre la porte de ma chambre et suis accueillie par un énorme nuage de fumée et Rouquinesecouantuntorchondanstouslessensaumilieudusalon.Jel’observesautersurlecanapéettenterdecréeruncourantd’airenouvrantlabaievitrée.Elleretraverselapièceenressautantsurlecanapépourfairepareilaveclafenêtredelacuisine.

JemedemandesiThomassaitqu’ellesautesurlecanapé…Probablementpas,medis-jeenhaussantlesépaules.Jesoupire,lassede…beaucouptropdechoses,enfait.Lalisteesttroplongue.Doncjesuislasse,

pointbarre,etvaiséteindrelefour.–Tuasencoremisleslasagnessurgeléesemballéesdanslefour?jedemandeenattrapantunverre

dansleplacard.–Non!Je…jenesuispasidiote!crie-t-elle,vexée,ensecouantànouveausontorchon.–Tusaisbienévidemmentquec’estpareilpourlesautrestrucssurgelés?Ilfautretirerlecartonet

leplastique,jedisenouvrantlefrigo.Jesorslejusd’orangeetm’ensersungrandverre.–Ettoi,tusaisquetuasl’équivalentdedeuxgrossesorangesdansceverre?merétorque-t-elle,

rouge,ensueuretlescheveuxenbataille.Jel’observe,unsourcilrelevé,boisunegorgéedejusetsouris.Enréponse,ellegrogneànouveau

avantdeselaissertombersurunechaise.–J’enaimarre,jesuisbonneàrien,souffle-t-elle.J’attrapeunbol,descéréalesetmesersavantdem’asseoirenfaced’elle.Jedevraisluidireuntruc

sympa,dugenre«maisnon,tuexagères,tuesfortedanstoutuntasdedomaines»,maisj’aipasenviedoncjemecontentedemangermescéréalesenl’observant.

Ellefinitparseleveretsortiruntruccarbonisédufour.Ellelescruteensoupirantànouveau,l’airdésespérée.

–C’étaitcenséêtrequoi?jedemandeentredeuxbouchés.–UngâteauSpider-Man.–Ahbon?–Oui!grogne-t-elle.–PourquoitufaisungâteauSpider-Man?–Pourmonneveu,dit-elleenlejetantàlapoubelle.–C’esttrès…gentil,jesors,surprise.PasqueDorinesoitpassympa.Elleestsurtoutbonnepoireet troptimidepourdirequoiquece

soit.C’estd’ailleurscequejepréfèrechezelle.Maisjenepensaispasqu’elleappréciaitunautreêtrehumain,àpartmonfrère…etsonchien!

–Masœurpaiehabituellement60eurosdansunepâtisseriepourungâteaucommeça.Doncjeluiaiproposédelefairepour30.

Jecomprendsmieux.Rouquine, à son grand désespoir, ne trouve pas de boulot. Elle avait trouvé au Quick, mais

finalement,ellearefusé.Çanecorrespondaitpasàcequ’ellecherchait,blabla…Cequi,danslefond,m’arrange bien, car j’ai fait d’elle mon esclave personnelle. Elle m’aide à mettre mes chaussures,m’asseoirsurlesablepourliresurlaplage,mereleverd’unpeupartout(enfin,toutcequiesttropbas,engros),etpuis,ellemetientaussiunpeucompagnie,j’avoue.Rouquines’acharneàchercherleboulotidéal,unpeucommeleschevaliersdelaTablerondeleSaintGraal.Ellesaitqueçaexiste,maisoù?Telleestlaquestion…

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– Tu ne sais pas cuisiner, je lui sors, comme si ça allait répondre à toutes ses questionsexistentielles.

Autantl’arrêterdèsledébutd’uneénièmeélucubrationdecarrièrefoireuse.Carc’estunfait,elleest nulle. La personne la plus nulle en cuisine que la Terre ait jamais portée, selonmoi. Ses talentsculinairessontàlahauteurdesescheveux,ouencore,desonhideuxjoggingàpressionqu’ellecontinuedeporter,commesiellen’avaitpaspercutélafindesannées1990.Àchaquefoisquejelavoisavec,jem’attendsàvoirles2Be3entrerensaltoarrièredanslapièceavantdedéchirerleurstee-shirts.

–Enfin, il suffitde suivreune recette ! Jedoispouvoir le faire, lâche-t-elleen fixantunboutdepapier.

J’avouequecettefacultéqueRouquineadecontinueràespérermelaissepantoise.Ellepensequ’enmettantdesmotssursespaquetsdebonbons, jene luimangeraipas,qu’elleva

finirpar trouver leboulotdeses rêvesouencore,qu’un jour,pouruneraisondéfiant toute logique, jedeviendraisympaavecelleetarrêteraidel’appeler«Rouquine».

–Detouteévidence,non,jelanceavantdem’emparerànouveaudemonjusd’orange.Dedépit,elles’avachitunpeuplussurlachaiseavantdem’observeravecsesyeuxbizarres.Pourquoij’ail’impressionqu’elleveutmedemanderquelquechosemaisqu’ellen’osepas…Oualorsellechercheàm’hypnotiser?–Lola…jesais…que,enfin,tuvois…Donc,elleveutmedemanderuntruc!Maisva-t-elleyarriver?–Jefaislegâteauettum’aidesàretrouverJerry,jedisenpoussantmonbolversellepourqu’elle

ledébarrasse.–Jenesaispastrop…Enfin,jenesaispascommentfaire…–Pourlegâteauoupourmonex?–Jediraisbienlesdeux,maislà,jefaisaisréférenceàJerry.–J’aimapetiteidée.Etpuis,jecuisinetrèsbien.–OK,lâche-t-elleàcontrecœurenselevantavecmonbol.Jesouris,victorieuse,alorsqu’ellelelave.Aufonddemoi,jesuispresquedéçuequ’ellenesesoit

pasunpeubattue.Enplus,ellen’amêmepasrâlépourmonbol.Mêmedanslanégociation,cettenanaestennuyeuse.

Enfin,bref…Ànousdeux,Spider-Man…,medis-jeenmelevant.Jemelavelesmains,sorsunsaladier,unyaourt,delafarine,dusucre,desœufsetdelalevure.–Chocolat?jeluidemande.–Masœurvoulaitunmarbré,ditRouquineenm’observant,lesyeuxronds.–Alorschocolat!Jeprendsunautresaladieretpréparedeuxappareils,unauchocolatetl’autrenature.–Tuleveuxcomment?Rond?jel’interrogeenfouettantmapréparation.–Àvraidire,j’aifaituncroquis,lance-t-elleenmetendantunefeuille,incertaine.Jeregardesesdessinsetdoisavouerqu’iladelagueule,sonSpider-Man.DoncDorisaitdessiner.

Commequoi,parfois,encreusantbeaucoup,voirecarrémentjusqu’aunoyauterrestre,onpeuttrouverdesqualitésàcertainespersonnes.

–Tuveuxlesfairecommentlestraitsnoirs?–J’aiachetéunstyloalimentairenoiretdelapâteàsucrerouge,chuchote-t-elle.–OK,c’esttoiquivasfaireledessus.Jesuisnulleendessin,etapparemment,c’estpastoncas.Ellemeregarde,surprise.Ehoui,jeviensdeluifaireuncompliment.Est-cequelapâtisseriemerendraitsympa?C’estvraiquelesucreadoucitmonhumeur…Bon,j’yréfléchiraiplustard.

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Je dépose mes deux préparations dans le plat et mélange délicatement pour marbrer le gâteau.J’ouvrelefour,baisselethermostatetyinstallemonchef-d’œuvreàmi-hauteur.

–Etvoilà!jelancealorsqueDoriscrutelegâteauàtraverslavitredufour.–Jevaisallerprendremadouche,jelanceenmettantenmarchelaminuterie.–Tunerestespaspoursurveillerlegâteau?–Non,j’aimislaminuterie.–Ets’ilsemetàfumer,jefaisquoi?– Premièrement,mes gâteaux ne fument pas.Deuxièmement, j’ai vraiment besoin de prendre une

douche.Ettroisièmement,tudoisrangeravantqueThomasnerentrepourledéjeuner.–OK!lâche-t-elleensurveillanttoujourslefour.Bon,jelaissetomber!Jemerendsdansmachambreprendredequoim’habiller.Je ne sais pas quel genre de tenu on adopte lorsque l’on retrouve son ex qui vous a plantée

devantl’autel,medis-jeenexaminantl’intérieurdemonplacard,songeuse.Lalogiquevoudraitquejemettequelquechosedesexy.Maispastropnonplus…Ilfautquejesois

naturellementsexy…Jepourraismettreunpantalon,maisj’aipeurdemesentirboudiner.Sinon,marobenoire…Non,

elleesttrophabillée…Finalement, je sors une robe à fleurs avec une attache en portefeuille sur le devant et pour les

chaussures, une paire de ballerines roses à bouts pointus. Jem’observe une seconde dans la glace etdécidederéfléchiràmescheveuxindomptablesaprèsladouche.Jeretournedanslacuisinepourvoiroùenestmongâteauavantd’allerprendremadoucheet retrouveDoriexactementdans lamêmepositionquetoutàl’heure.

–Samantha,j’étaissérieuseausujetdurangement,jedisalorsqu’ellenebougetoujourspas.–Thomasnerentrepasmanger,aujourd’hui.IlavaituneaffaireurgenteauGrau-du-Roi.–Quelgenred’affaire?–Jenesaispas.Jepensequeçadoitavoirunrapportaveclecoupdefildecematin.Lebureaul’a

appeléà7heurespourunehistoiredefichiersdisparus.–Ettumeledisquemaintenant?jecrie.–JenepensaispasquelefaitqueThomasnerentrepast’ennuieraitautant,dit-elle,surprise.–Maisnon!C’estsurtoutqu’ildoitavoirunepisteàproposdeJerry!–Jenepensepas…–Maissi,enfin!jelacoupe.C’estcommeçaqueThomasl’aretrouvé.C’estparcequeJerrys’est

introduitàl’Agencepourvolerdesfichiers.–Jenesuispascertainequetoutçasoitlié…– Samantha, tu es un vrai boulet des enquêtes ! Si tu devais être un agent secret, tu serais

l’inspecteurGadgetsansgadget.–Je…–Non,maissérieux!DirequetuascrupendantunmomentqueThomasétaitunserialkillerfande

DanyBrillant.Etlà,rebelote,tuasunindicegroscommeunemaisonettulaissesfiler!–Non…Je…–Àmoinsque…Tuavaiscompris?Tuavaisfaitlarelationaveclecoupdetéléphone,maistuas

omisdem’enparlercar,enfait,tunevoulaispasm’aider!–Lola,ilfautvraimentqueturegardesmoinslatélé.–Jenevoispaspourquoitudisça,jesorsencroisantlesbras.Aulieuderépondre,ellesecouelatête,exaspérée,avantdereporterànouveausonattentionsurle

gâteauquidoredanslefour.

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–Bien,changementdeplan.Jevaisprendremadouche,ettoi,turetrouvesThomas,jelance.Rouquinem’observefixementetj’aicommel’impressionqueceplann’estpasàsongoût.–JedoisfinirlegâteauSpider-Man,Lola.–Tunesupportespastonneveu,nitasœur,ni…Enfait,aucunêtrehumainàpartThomas!Doncsi

tu plantes ta sœur qui ressemble à un robot, je ne pense pas que ça va te poser un gros problèmedeconscience.

–Annabelleneressemblepasàunrobot.–Si,tusais,lesrobotsultra-réalistesetflippantsdeperfection.Elleouvrelabouchepuislareferme.–Tuavaisremarquécommelapeaudesonvisageestlisse?medemande-t-elle.–Unrobot!–Humm,fait-elleendodelinantdelatête.Jedoisvraimentterminercegâteau,finit-ellepardire.–Roooh,jegrogne.Sic’estpourl’argent,jeteledonnerai.–Non,c’estpas…Etpuis,onvaenfairequoi,dugâteau?–Lemangeraugoûter!–Non,c’estpas…Enfin,onavaitdit…–Jenecomprendspaspourquoitutiensabsolumentàlefaire.–C’estpas…Parceque…–Wall-Eaurait-elleditunechosequitefaitpenserquetudoislefaireabsolumentpourprouverque

tun’espasunelooseuse?–«Wall-E»?–Oui,lepetitrobotquiramasselespoubelles…–Hein?!–Oui,tusais,cedessinaniméaveclerobot!Etvuquetasœurressembleàunrobot…–Lola,onvaarrêterl’abonnementauxfilmsenillimité,mesort-elle,l’aireffrayée.–Tunepeuxpascomprendrelablaguepuisquetun’espasdrôle,detoutemanière,jesors,vexée,

aumomentoùlaminuteriedufoursonne.Dori le regarde de ses yeux bizarres et l’ouvre tout doucement comme si elle avait peur que le

marbréluiexploseauvisage.Bon,décidément,ellenebougerapastantquesonfoutumachinSpider-Manneserapaslivré…Et

moi,jenesuispasenétatdequoiquecesoit,etj’aibesoind’uneassistanteesclave.Je soupire, attrapeun torchonet lapoussed’uncoupde fesses. Je sors legâteaudu four sous le

regarddeRouquine.–Nouveauplan,jecommence,résignée.Jevaisprendremadouche,tuterenseignespoursavoiroù

setrouveThomas,etcommeça,lemarbréaletempsderefroidir.Ensuite,onfaitleSpider-Man,onlelivreetons’occupedeJerrylaFouine.Çateva?

Ellem’observe.Jerêveouellemerésiste?–Quoiencore?jedemande,àboutdepatience.–Jen’aimepasvraimentl’idéedemeservirdeThomaspour…–Ahnon!jelacoupe.J’aifaittonstupidegâteau.–Lola,jepensequenousdevrionsenparleravecThomas.–Maisqu’est-cequetupeuxêtrerabat-joie,alors!–Jene…–Situnem’aidespas, je luidiraipourlacrèmequetucachesderrièreleplacarddelasallede

bains,jelâcheavecunemouedepeste.Car,oui,jesuisunepeste,etjel’assume!

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–Tun’aspas…Jenetecroispas!–TunemecroispascapablederaconteràThomas,oumêmeàmesfrères,quetucachesunecrème

quiestcenséefairegrossirlesseins?Souslechoc,elleportelamainàsabouche,etlà,jesaisquej’aigagné.–C…Comment?Tunepeuxmêmepastereleverdelabaignoiretouteseule!–Onvadire quemagourmandise ne connaît aucune limite, je réponds, gênée au souvenir de ce

momentpeuglorieuxoùjen’arrivaispasàsortirdemonbain.Jemesuisvuemouriraussifripéequ’unpruneau.–Jepourraisraconterdestasdechoses,moiaussi,ellesouffleenregardantailleurs.–Mêmepaspeur!Elleestécarlate,hésitante…Jesensqu’ellelâcheprise…–Enplus,jeferaidesmimesquandjeraconterail’histoiredelacrème,jecontinue.Elleregardeàgauche,àdroiteetfinitparattrapersonportablesurlecomptoir.Elleappuiesurune

touche.–Oui,c’estmoi…Çava…Tuesoù,alors?Tuyrestesjusqu’àquelleheure?Jesourisetmedisquemondésirdevengeanceneconnaîtaucunelimite.Unpeuplusetj’auraispresquemauvaiseconscience…Jedisbien«presque».Elleraccroche,reposesontéléphoneetmeregardeensilence.–Ilestsurunepiste.–Quellepiste?–Unhôtelproched’ici.–Prochecomment?–Lola,ondevaitfinirlegâteau…–Procheoù?jecrie.–L’HôtelBleu.–Celuiauboutdelarue?jedemande,souslechoc.–Ondevraitfinirlegâteau,Lola.–J’emmerdetongâteau!jelâcheenmedirigeantverslaported’entrée.–Lola!m’appelleSamantha.–QUOI?!–Tun’aspasdechaussuresettuesenpyjama,finit-ellepardiretoutdoucement.Jebaisselesyeuxetconstatequ’ellearaison.J’hésiteuneseconde,puisfinisparenfilerunepaire

detongsposéesdansl’entrée.–Tunevasquandmêmepasyallerenpyjamaetavecdesmarquesdestylosurlajoue?!s’écrie

Samantha.–Jenevaispasprendrelerisquequ’ilfileencore,jerépondsensortantd’unpasdécidé.

***

J’observelesvaguesquisefracassentsurlesrochersetinspireunegrandeboufféed’airmarin.Ilesttempspourmoideprendreunedécision.

«Temps»…Toutestrelatif…Àforcedevouloirgagnersurtouslestableaux,j’aitoutperdu.Pendant un instant, le mot « famille » résonne en moi. C’est un mot qui n’a pas vraiment de

signification,finalement.Ilnedevraitmêmepasfairepartiedemonvocabulaire.Etpourtant,jemesuisprisàespérerque,peut-être,toutétaitpossible,quejepouvaispeut-êtretoutrattraper,quemeserreurspouvaientêtreréparées.

Ilfautquetoutçasetermine.Maintenant.

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Jescrutel’horizonetunsouvenirvieuxdeplusdevingtansm’assaille.J’aieuunefamille,unjour…–Joshua,réveille-toi,jechuchoteenlesecouantlégèrement.Ilouvresesyeuxencoreensommeillés,bâilleetmeregarde,nesemblantpascomprendrecequ’il

sepasse.–LePèreNoëlestpassé,jeluidisensouriant,surexcité.Niunenideux,ilselèveetnouscouronsjusqu’ausalon.Seullebruitdenospassurlecarrelage

troublelecalmequirègnedansl’appartement.Joshuaarriveenpremierdanslesalonet,dèsquesesyeuxtombentsurlespaquetsposéssouslesapin,ilsautilleettapedesmains.Ilattrapeunpremiercadeauemballéd’unjolipapieravecdespetitesvoituresetlesecouedanstouslessens.

–Onnedoitpaslesouvrir.Ondoitd’abordréveillerpapaetmaman,jeluirappelle,mêmesij’aimoi-mêmetrèsenviededéchirerlepapier.

Il regarde le paquet et le reposeavecun soupir. Jepassemamaindans sa tignasseblonde etsouris,fierdelui.

–Allez,onvavoirpapaetmaman,jeluilanceenprenantsapetitemaindanslamienne.Noustraversonslecouloir.Jetapetimidementàlaportedelachambredepapaetmaman,mais

Joshuan’attendpasetouvre.–Qu’est-cequec’estquecevacarme!hurlepapa.Joshuasefigeetcourtseréfugierderrièremondos.–C’estNoël,jedisfaiblement.Mamanselèveetvientversnousensouriant.–EtjecroismêmequelePèreNoëlestpassé,dit-elleavecuneétrangevoixaiguë.Jeserremonpoingquandlafaiblelumièreducouloiréclairesonvisage.Mesyeuxnevoientque

lesmarquesquis’ydessinent.Elleattrapesonpeignoiretl’enfilemaladroitement.–Etsivousalliezouvrirvospaquets?souffle-t-ellealorsquejecontinuedelafixer,lespoings

serrés.C’estledernierjourquenousavonspasséenfamille.

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Chapitre20

–Jenepensepasquecesoitunebonneidée,souffleSamanthaàcôtédemoi.–Onn’avaitpasditque tudevaisarrêterdepenser? je sors, sansmêmeprendre lapeinede la

regarder.Laregardersignifieraitarrêterdefixersanscillerlaportebleuedel’hôteloùestcensésecacher

Jerry.Ets’iln’yestpas…Oupire,s’ilyest…Moncœurcognedansmapoitrinecommes’iltentaitdefuircequivasepasser.Ilaraison.Jenesuispassûrequ’illesupporte.–Lola…–Tudevraisallerfinirtongâteau,jelacoupe,leregardtoujoursrivésurlaporte.Jesuisobnubiléeparcebleu.Ilbrouillemavue,troublemespensées…Rouquineaprobablementraison.Jedevraisrentreràl’appartementetoublier.Oublierquel’homme

quineveutpasquittermonespritsetrouvepeut-êtrelà,àquelquespas…Quejen’auraisqu’àtraverserlarue,pousserlaportebleueetdemanderàlaréceptionlenumérodesachambre.

–J’aidesDragibusàlamaison,situveux,Lola,lanceDori.Jel’observe,surprise.–Tutentesdem’acheteravecdesbonbons?Tupensesvraimentquejelaisseraistomberl’idéede

pouvoirenfinfairefaceàl’hommequim’abriséepourdesDragibus?–Euh…oui,enfin,peut-être…–Detoutefaçon,jelesaidéjàmangés,jesorsdansunlongsoupir.–Pasceux-là!Ilssontbiencachés,dit-ellefièrement.–Samantha,situfaisréférenceàceuxquetuasplanquéssoustonmatelas,si,jerétorque,prochedu

désespoir.Jeneseraispascontreunpeudesucre,là,toutdesuite…–Pourdevrai?–Oui.Enfin,franchement!Souslelit…–Maiscommenttuasfait?Tun’arrivesmêmepasàmettreteschaussurestouteseule!–J’étaisauborddel’hypoglycémie,jechouine.–Onpourraitaumoinss’éloignerdelapoubelle,lance-t-elle,blasée.– Ben non, enfin, sois logique ! Si on se met devant la poubelle, il risque de nous voir, je lui

explique.–Quirisquedevousvoir?

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Soudain, nous sursautons toutes les deux et remarquonsMatt, en train demanger unmorceau degâteautoutennousenobservant.

–Maisqu’est-cequetufaislà?jedemandeavecunevoixsuraiguë.–Jepassaisparlàetjevousaivues.–Tupassaisparlà?!Çafaitunpeuloindecheztoi,quandmême!LosAngeles,c’estàcombien

d’heuresdevol?–Plusmaintenant,lance-t-ilavecungrandsourire.–Commentça,«plusmaintenant»?jel’interroge,intriguée.–Jesuisvotrenouveauvoisin.–Comment?Quoi?Pourquoi?Où?demandeRouquine,quisembleauborddugouffre.–Oui,l’appartementjusteau-dessusétaitàlouer.Jemesuisditquec’étaitunsigne…–Mais…qu’est-cequetumanges?jelecoupeenregardantplusattentivementcequ’iltientdanssa

main.–Dugâteau.Jel’aitrouvésurlatabledelacuisinechezThomas.D’ailleurs,ilestsuperbon…–Non,maisc’estpasvrai!MongâteauSpider-Man!s’écrieDori.Jecroisqu’onestentraindelaperdre,là…–Situnevoulaispasqu’onlemange,ilfallaitmettreunmot!sedéfendMattenlaregardantsans

l’onced’unremords.–De toutemanière, on a dit qu’on s’en fichait deWall-E, alors arrête de dramatiser ! je dis à

Samanthapourtenterdeluiremonterlemoral.–Onavumeilleuraccueil,quandmême!sortMattenmangeantgoulûmentsongâteau.–Non!Toi,tuasditqu’ons’enfichait.Moi,j’aiditqu’ilfallaitfairelegâteauets’écarterdecette

poubelle puante. Surtout qu’on n’est même pas bien cachées puisque Matt nous a trouvées ! finitSamantha,rougeetàboutdesouffle.

–Onestcachéespourlesgensquiarriventenface,pasdececôté,jesorsavecdegrandsgestes.Matt,jeveuxbiendugâteau,s’ilteplaît,jesorsenlorgnantlemorceauquemonfrèretientdanssamain.

–Jevaist’enchercher,souffle-t-ilavecungrandsourire.Etunefoisquevousaurezfini…Enfait,jenesaispascequevousfaites…Maisbon,peuimporte,cesoir,onpendmacrémaillère!

MattrepartetDorimefixeavecdeséclairsdanslesyeux.–Quoi?Ill’adéjàentamé.Tunecomptaispasamenerungâteauàmoitiémangé?jedisenhaussant

lesépaules.–Pourquoijenepeuxpasjusteavoirunebelle-mèreacariâtrecommetoutlemonde…,selamente-

t-elleavantdes’asseoirsurunecagette.–Jenesaispasdequoituteplains.Mamèreestcharmante,jelanceenfixantànouveaulaporte.–Cen’estpaselleleproblème,chuchote-t-elleenmelançantunregardmauvais.Ah,forcément,ma

journéen’auraitpasétécomplètesansl’interventiond’unautreMorell,lance-t-elleendésignantDamienquiarrivesurletrottoird’enface.

C’estbizarre,ilnesemblepasvenirdechezThomas,nis’yrendre…Jem’accroupisderrièrelapoubelleetleregardeprendreladirectiondelaportebleue.–Pourquoiilnevientpasversnous?demandeSamanthatoutbas.–Parcequ’ilnevientpaspournous.–Quelleétrangecoïncidence…–Jenecroispasauxcoïncidences.EnvoieuntextoàMattpourqu’ilmeramènemes jumelleset

mestalkies.Rouquinesoupireenattrapantsontéléphoneportable.–Ildemandeoùtulesasmis.–Danslecartonrosequiressembleàuneboîteàchaussures,aufonddelapenderie.

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–Ildit«OK».–Damienvientd’entrerdansl’hôtel,jechuchote.–Jevoisça…Mattdemandes’ildoitprendreçaaussi,m’interrogeSamanthaenseretenantderire

alorsqu’ellememontreunephotodemonfrèrequiregarded’unairchoquéunvibromasseur.–J’aidit«lecartonrose»,pasl’autre!jerépondsenretournantàmasurveillance.SamanthapouffecarrémentquandMattenvoieunephotodeluimenottéettenantunfouetroseentre

lesdents.–Ildemandes’ildoitprendretacombinaisonenlatex,maisilémetquelquesdoutessurlefaitque

turentresdedans.–Super,ilestpasprèsdemelâchermaintenant…–Effectivement!lance-t-elleavantdeseremettreàrire.Mais pourquoi je lui ai demandé d’aller chercher quelque chose dans mon placard ? je

m’interrogeenmepinçantl’arêtedunez.Etsurtout,comment j’aipupasseràcôtédu faitque l’appartementau-dessusdechezThomas

étaitàlouer?–Lola,tuneveuxpasquel’onrentremaintenant?–Non,Samantha,jenelâcheraipasl’affaire!–Sincèrement,siJerrysecachevéritablementdansunhôtelàcinqminutesàpieddecheznous,ce

n’estabsolumentpasdiscret.Etsionrentremaintenant,onauraletempsdefaireunautregâteau.–C’estpasfaux,jesouffleenfixanttoujourslaporte.–Oui,onaétéplutôtrapidespourlepremier.Jemedisquesilerésultatn’estpastropmauvais,je

pourraipeut-êtremelancerlà-dedans…JemetourneetobserveSamantha,lessourcilsfroncés.–Maisdequoituparles?jeluidemande.–Dugâteau!JesecouelatêteenmedisantqueDoriresteraéternellementDori.–Tiens,Damiensortdel’hôtel,meditSamantha.–C’estbizarre,iln’yestpasrestélongtemps,jedis,surprise.–Jerryn’estpaslà.Cequin’estpasvraimentsurprenant,situveuxmonavis.Parcequejenevois

pastropl’intérêtdevenirsecacher…– Tu sais quoi, Rouquine ? J’avais assez bien compris l’idée la première fois, je la coupe

sèchement.–Siçasetrouve,Damienajusteprisunechambrepourlui…Jeluijetteunregardnoir,maisellecontinuemalgrétout.–Çaseraitcompréhensible,s’ilaenvied’êtreunpeutranquille,finit-elle.Là,toutdesuite,j’aibienenviedel’étrangler!–Maisoùest-cequ’ilva?jedemandeenobservantDamientraverserlarouteetemprunterlepetit

cheminquimèneverslaplage.–Verslaplage,ondirait.–Jecroisque,ça,j’avaisassezbiendeviné,figure-toi!C’étaitplusunequestionquin’attendpas

vraimentderéponse,tuvois.Jem’accroupisunpeupluspourqu’ilnem’aperçoivepasetcontinuedel’observer.Zut,ildisparaîtderrièrelesbâtiments.Toujoursaccroupie,tantbienquemal,j’avanceendirection

delaplage,suiviedeprèsparDori.Bon sang, que ça fait mal aux fesses, cette position ! Je devrais peut-être faire un peu plus

d’exercice…

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–Lola, cen’estpas…, lanceDori,qui estdéjàauboutde la ruelle etobserve laplaged’unairbizarre.

Jemeredressepourallerplusviteetlarejoins.Jemefige.–Jerry!jelacoupe,lagorgeserréeparl’émotion.Pendantuninstant,jenerespireplus,etletempssuspendsoncours.Jerrysetientlà,devantmoi,àquelquescentainesdemètres.IlobserveDamiens’avancerverslui.

Ilsemblemêmel’attendre.Pourquoivoit-ilmonfrère,s’iltravaillesoi-disantpourdevilainscriminels?Arrivé à sa hauteur,Damien lui parle et lui tend une enveloppe. Jerry hésite un instant avant de

l’ouvrir. Il regarde lecontenuavecbeaucoupd’attention,sepasseunemaindans lescheveux,rangeletoutetsetourneverslamer.

–Finalement,j’avaistort!Ilestvraimentidiot,lanceSamantha.Jel’observeetelles’exclame:–Maisenfin,ilestcenséêtrerecherchéetilsepromèneàcinqminutesdecheznous!–Tucroisqu’ilyaquoidansl’enveloppe?medemandeSamanthaàvoixbasse.–Jesaispas,maisj’adoreraislesavoir…,jesouffleenlesfixant.–Alors,qu’est-cequej’ailoupé?nousfaitsursauterMatt,lesmainschargéesdegâteauxetunsac

plastiqueaupoignet.–Putain,tupeuxpasfairedubruitcommetoutlemondequandt’arrives!jesorsenluiprenantle

sac.Je farfouille, repousse le fouet etd’autres trucsqu’il a crubon se trimballer et sors les jumelles

dansuncridevictoire.–Ehbien,onnesaitpaspourquoiDamiendiscuteavecJerry,commenceàluiexpliquerSamantha

enprenantunmorceaudegâteau.–Commentça,Jerry?s’écrieMattendonnanttoutàDori.–Maisvouspouvezpasvoustaire?!jelanceententantdemeconcentrersurlascènequisejoue

surlaplage.Qu’est-cequej’aimeraissavoirliresurleslèvres…–Euh…Lola…,souffleRouquineàcôtédemoi.–Quoiencore?jem’écrieenmeretournantpourlaregarder.EllememontredudoigtMattquisedirigeversJerryetDamiend’unpasdécidé,lespoingsfermés.–Oh!jelâche,lesyeuxécarquillés.Je m’avance, puis m’arrête à mi-chemin. Je suis comme tétanisée. Mes jambes ne veulent plus

avancer.–J’appelleThomas,lanceSamanthaenattrapantsontéléphone.Matts’avancetoujoursverseux.DamienetJerryl’aperçoiventet…Jecroisquej’aiperdulecontrôledelasituation,là!Matt frappeviolemment Jerryqui s’étaledans le sable.Damien tented’immobiliserMatt,qui lui

metuncoupdecoudeavantd’attraperJerryparlecoletluifilerunnouveaucoupdepoing.Bouge,Lola!Jedevraisyaller,direàMattd’arrêterou…Bouge,Lola!J’entendsuncrissementdefreinsderrièremoi.Deshommesennoircourentsurlaplageendirection

deDamien,MattetJerry.Bouge,Lola…Les hommes cagoulés attrapent Matt, qui se démène dans tous les sens. Damien se relève

difficilement,prenduncoupdepied, recule, sembleencaisser le choc. Jerryest à terre. Jene levois

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plus.Toutlemondes’agiteautourdelui.–Lola,çava?m’interrogeRouquineàcôtédemoi.Jenerépondspas.Jenesaispasquoifaire.JenesaispassijedoisallervoirJerry.Jenesaispas

sijedoism’inquiéterpourlui.Uneautrevagued’hommesennoirnousdépasse.JereconnaisThomaspuisqu’ils’arrêteuninstantà

notrehauteuravantderepartirencourantendirectiondemesautresfrères.Mattsembleavoirdumalàsecalmer,maisilfinitpararrêterdegesticulerdanstouslessens.–Ondevrait…rentrer,tenteànouveauSamanthaàvoixbasse.–Non,jerépondstoutdego.–OK,lâche-t-elledansuncouinement.Immobiles, nous restons là, à observer cettemasse informed’hommes sans savoir ce qu’ils font.

Puis,Thomasattrapequelquechosederrièresondosetsebaisse.Ilssontentraind’arrêterJerry?J’enai laconfirmationquelquessecondesplus tard,quandmonfrère lerelèvemenotté. Ilsemble

avoirdumalàresterdebout.Mon regard se pose sur Damien qui se tient à l’écart. Il nous jette un regard – enfin, surtout à

Rouquine, je crois. Je jette un coup d’œil à ma voisine, mais elle ne semble rien avoir remarquépuisqu’ellealesyeuxrivéssurThomasetJerry.

Ilyaquelquechosequiclochedansl’attitudedeDamien.Jel’aidéjàsurprisàregarderSamanthaplusieursfois,etàchaquefois,danssonregard,jediscerneunesortedetristesse.

Uneidéesaugrenuemetraversel’esprit,maisjelachasseimmédiatementpourrevenirauprésent.PourquoiDamiendiscutaitavecJerry?ThomasconfieJerryàseshommesetsedirigeversnousd’unpasrapide.JesensSamanthaseraidir

àcôtédemoietcomprendsimmédiatementpourquoiquandmesyeuxcroisentceuxdemonfrère.J’avoue que je n’ai pas souvent eu l’occasion de le voir furieux, mais à cet instant précis, je

comprendspourquoiSamanthal’a initialementprispouruntueurensérie.Ondiraitmonpère,endeuxfoispire!

–Qu’est-cequevousfaiteslà?nousinterroge-t-ilsèchement.–Onsepromenait,jetenteavecunetoutepetitevoix.–Enpyjama?crie-t-il.–J’aideslubiesétranges,jechuchote.–C’estpourçaquetum’asposétoutescesquestions?demande-t-ilàSamantha,quiestvisiblement

souslechoc.–Oui,répond-ellesansbroncher.Ilreculed’unpas.Bahoui,forcément,maintenant,ilsesenttrahiettoutletralala!Maisbonsang,

ellenepeutpasmentircommetoutlemonde!Quelleplaie,cetteDori!–C’estmafaute…,jecommence.–Tut’esserviedemoi!crache-t-il.–Ellevoulaitsimplementluiparler,tentedeluiexpliquerSamantha.–Neluienveuxpas,Thomas,j’essaiedeladéfendre.–C’estuncriminel.Ilestdangereux,dit-il,lesyeuxtoujoursrivéssurSamantha.Etvousvousêtes

misesendanger.–Ilnem’auraitpasfaitdemal!jem’écrie.Thomassetourneversmoietmeréponddurement:–Sic’estcequetupenses,tuastort.Toutcommetuaseutortdecroirequecethommet’aimaitet

quetuavaisunquelconqueaveniraveclui.Ils’estservidetoi,toutcommedenotrefamille,pourarriveràsesfins.Ilestpeut-êtretempspourtoidegrandir,Lola.

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Moncœurmanqueunbattement.Est-cequ’ilaraison?MesyeuxtombentsurJerryquimefixeintensémentet,pendantuninstant,jenevoisquesesyeux

gris.Jemesenspriseaupiègeparsonregard…Etsoudain,l’évidencemefrappe.Ilnem’aimepas,n’apasvouludemoi…denous…Thomasaraison.Il se fiche tellementdeceque jepeux ressentirqu’il sepermetde logeràquelquescentainesde

mètresdecheznous.J’auraispulecroiser.Ildevaitlesavoiretilesttoutdemêmelà.Ilacambriolélebureaudemon

frèreet,commepournousmontreràquelpointtoutcecin’apasd’importancepourlui,ilestlà.Bonsang,maisqu’est-cequejeficheici?Jemesensmal.J’aimal.Monventresecontracte.Jelecaressedelamain,maismatêtetourne,ma

visionsetrouble.Unelarmecoulelelongdemajoue.Ladouleurrevient,plusforte.Jetombeàgenoux.Mamains’enfoncedanslesable,commesimoncorpsvoulaitypuiserdelaforce.Maisrien,plusriennesemblepouvoirarrêterladouleur.

Soudain,lenoir.Puisplusrien…

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Chapitre21

Mesyeuxsuiventlesmouvementscirculairesdesaiguilles.Troisheures…Cela fait troisheuresque je suisdanscette foutuepièce,attachéàcette foutue

chaise!medis-jeentirantsurmesliensavantdegrimacerdedouleur.Bonsang,Mattnem’apasloupé!Toutmon corps est douloureux. J’ai certainement plusieurs côtes cassées, ainsi quemon nez. Le

sangaséchésurmonvisageetlestachescraquellentàchacundemesmouvements.Maisladouleurm’importepeu.Toutcequicompte,c’estLola.Voilàtroisheuresquemoncœurs’estarrêtédebattre.Magorgeseserreausouvenirdesasilhouetteimmobilesurlesable,del’ambulancequil’emporte,

delapaniquedanslesyeuxdesesfrèresetdeSamantha.Pourvuqu’elleaillebien…qu’ilsaillentbien…Laportes’ouvre,interrompantmessuppliquessilencieuses.–CommentvaLola?jedemandeàThomassansattendre,malgrémamâchoiredouloureuse.– Ce n’est pas à toi de poser les questions, crache-t-il en me regardant froidement avant de

s’installersurunechaiseenfacedemoi.Ilposeundossiermarrondevantluietm’observe.–Çafaittroisheuresquejesuislà.JeveuxsavoircommentvaLola,jesorssansbaisserlesyeux.–Tuasperduledroitdeprononcerneserait-cequesonnomlejouroùtul’asabandonnée,ettule

sais,dit-il,leregardsombre.Nousnousscrutonsuninstantensilence,puisilreprend:–Jenetecachepasmasurpriselorsquej’aiapprisquetulogeaisauboutdemarue.Tuesfouou

suicidaire?–CommentvaLola?jeredemande.–Àmonavis,tun’esqu’unidiot.Cequim’intrigueégalement,c’estcequetufaisaisavecmonfrère

surcetteplage.Je m’obstine à poser la même question. Je ne sais pas ce que Damien lui a dit, et tout ce qui

m’importe,encetinstant,c’estl’étatdesantédeLola.Ilsortl’enveloppedudossierqueDamienm’adonnésurlaplageetl’ouvre.Ilétalelecontenuet

croise lesbras.Mesyeuxseposentsur l’imagelaplusnetteetun légersourires’étiremalgrémoisurmonvisage.

–Pourquoiavais-tulesdernièreséchographiesdemasœursurtoi?Donc,Damienneluiariendit…

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***

–MademoiselleMorell, vous devez vous calmer, chuchote l’infirmière en prenant à nouveaumatension.

–Jesuishyper-calme!jehurle,avantdelereformulerplusdoucement.–Cen’est pasparcequevousmurmurezque cela ferabaisservotre tension,m’informe-t-elle en

retirantl’appareil,l’airamusée.–Toute cette tension n’est pas bonne pour le bébé,ma puce, ditmamère tout bas enme fixant,

visiblementinquiète.–Jesais,jedéclare,avantdesoupirer.J’observe l’écranquiaffichemon rythmecardiaqueetceluidubébéetmepasseunemainsur le

visageavantdefermerlesyeux.Jenedoispasaccouchermaintenant,c’esttroptôt.EtjedoisaussiarrêterdepenseràJerry,àson

regard…Jemereprendsenjurantquandjemerendscomptequel’imagedeJerrynequittepasmespensées.Jehaislesfossettes.Jehaislesyeuxgris.Jehaisleshommes…Jegrimacelorsquejeressensunenouvellecontraction.Ilfautquejemecalme.Jenedoispenserqu’àmonbébé.Riend’autren’importe…

***

Du sang coule le long demes doigts.Mes yeux n’arrivent pas à se détacher de la silhouetteimmobileétenduesurlesol.J’hésiteentrefuiretmelaissertomberparterre.Lecouteaudecuisinetombe sur le carrelage, le bruit me fait sursauter. Je finis par lever les yeux et vois Joshua quim’observeenpleurant.

–Ilfautquetupartes,jeluidisdoucement.Ilsecouelatête,veuts’approchermaisjel’arrêted’ungeste.–Vavoirlagardienne.Magorgeseserre.Jetentederéprimermeslarmes.Joshuanedoitpasmevoirpleurer.–Lapolicevatemettredansundonjon,dit-ilentripotantlavestedesonpyjama.–Net’inquiètepas.Maintenant,tudoispartir.Ilhésiteetsedirigeverslaporte.Ilsetourneet,enguised’aurevoir,jeluiglisse:–Soisheureux,Joshua.J’ouvrelesyeuxetjetteuncoupd’œilcirculaire.Jesuistoujoursattachéàmachaiseenfer,seul.Thomas, n’obtenant rien de moi, a fini par se lasser au bout de quatre interminables heures

d’interrogatoire.Jejetteuncoupd’œilàl’horloge.Celafaitdouzeheuresquejesuislà…Monestomacréclameàmanger,mes lèvresetmagorgeàboire.MonespritesthantéparLolaet

d’autreschosesauxquellesjemerefusedepenser.Chaquegestemedemandedepuiserdanslesdernièresforcesquimerestent,maisje lèvequandmêmelesyeuxpourobserverl’horlogeaccrochéeenfacedemoi.Jesuisànouveauladansedesaiguilles.

Le temps, c’est tout cequ’ilme reste.Le tempsde repenser àmes erreurs, deplongerdansmessouvenirs…

Vaincu, je ferme les yeux. J’espère juste que,même si jemeurs,Lola et Joshua auront une bellevie…

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Unbruitdeportequiclaquemeréveilleensursaut.J’ouvrelesyeuxetvoisThomas.Iladélaissésonhabituelcostumesombrepourunjoggingetunsweat.

–CommentvaLola?jedemandeimmédiatement,lavoixenrouéeparlafatigueetlasoif.Ilbaisselesyeuxuninstantetfinitpardire,aprèscequ’ilmesembleêtreuneéternité:–Mal.Jemeredresseetattendsqu’ilmedonneplusd’informations.–Thomas!jelesupplie.–Pourquoituavaisleséchographiessurtoi?medemande-t-ilànouveau.–Parmitoutestesquestions,c’estcellequirevientleplussouvent,jeremarque.–RépondsetjetedonnedesnouvellesdeLola.Jefermelesyeuxuneseconde.–Jenevoispascequ’ilyad’étrangeàprendredesnouvellesdesonfuturenfant.Ilsecouelatête,commesicequejevenaisdedireétaitfantasque,voireimpossible.–Jenetecroispas,affirme-t-ilfinalement.–CommentvaLola?jel’interrogeànouveau.Jemefichequ’ilmecroitounon.Ilmescrute,semblanthésiter,etfinitparparler.–Elle ade l’hypertension, cequi aprovoqué ledébutdu travail.Lesmédecins luiontdonnéun

produitpourstopperlescontractions.Onnesaitpasencoresicelavafonctionner.Ondoitsepréparerdansl’éventualitéoùlebébéviendraitplusrapidementqueprévu.

–Qu’est-cequedisentlesmédecinssilebébénaîtmaintenant?Jen’aurais jamaisdûsuivre lesordres idiotsdeQ. !Ellevoulaits’assurerdemafidélitéenvers

elleenmetestant.EllesavaitcertainementqueLolasetrouvaitchezThomas.–Lebébénaîtraitavecunmoisetdemid’avance,àquelquesjoursprès,doncjenesaispastrop,me

répond-il,leregardlégèrementperdu.JedoissortirdelàetretrouverLolaàl’hôpital,medis-je,lecœurbattant.–C’estDamienquim’adonnéleséchographies.Tudevraisl’interroger,jelance,avantd’avalerma

salive.–C’estçaquevousfaisiezsurcettefoutueplage!s’exclameThomas.– Jenepeux rien tediredeplus.Va levoirouappelle-le,peu importe,maisdis-luique jedois

rejoindreLola.–Tumeprendspour tonmessager ?Et est-ce que tu sous-entendrais quemon frère participerait

égalementàdesactivitéscriminelles?souffle-t-il,furieux.–Jenesous-entendsrien,etsituveuxdesinformations,c’estàluiquetudoisposertesquestions.Il s’approche demoi, les poings serrés, et s’immobilise à quelques pas. Ilm’observe un instant

avantdepartirenjurant.Bonsang,Damien,nemelâchepasmaintenant…

***

J’observe les chiffres qui s’affichent sur l’écran à côté de moi. A priori, mes contractions ontdiminuéenintensité,maisellessonttoujoursprésentes.Jejetteunrapidecoupd’œilàmamèrequidortdanslefauteuildanslecoindelachambred’hôpital.

–Tuveuxquelquechose?medemandemonpèretoutdoucement.Enguisederéponse,jesecouelatête.–Tudevraisterendormir,Lola,dit-ilenselevant.Ilarrangemescouvertures,puiscellesdemamère.

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Jeplongemonregarddanslesien,sirassurant,etfermelesyeuxlorsqu’ilmemurmure:–Toutvatrèsbiensepasser,mapuce,j’ensuiscertain.

***

Unhommefendlafumée.Jel’observe,àdemi-conscient.Combiendetempsai-jedormi?Jecherchel’horlogedesyeuxmaisn’arrivepasàlirel’heure.Sansperdredetemps,l’hommeme

détache.Jecroisesonregardquimesembleàlafoisinconnuettellementfamilier.–OùestLola?jedemandetoutbas.Ilnerépondpas.Jenesaispass’ilm’aentendu.–Lola,jerépèteplusfort.–Dépêche-toi,ilsarrivent!s’écrieauloinunevoixféminine.L’hommepassemonbrasautourdesoncou,mesoulève,etnousnousdirigeonsverslasortie.–Maisquiêtes-vous?jedemandeenlescrutant.Ilouvrelabouche,maisn’apasletempsdemerépondre,cardescoupsdefeurésonnentdansle

couloir.–Jenedevraispaspartir,jedisententantdelerepousser.Est-ceunplandeDamienpourquejepuisseretrouverLola?Jen’aipasle tempsderéfléchirdavantagecar l’hommem’assommeaveclemanchedesonarme

aprèss’êtreexcusé.JeveuxretrouverLolaetlebébé.Jeneveuxpluslalaisser…Jeveuxmafamille…–Réveille-toi,grandfrère,meditunevoix.L’attaque,Lola…J’ouvredifficilementlesyeux,nediscernerienhormisuneombre.Je meurs d’envie de demander des nouvelles de Lola, mais je ne sais pas qui m’a enlevé, ni

pourquoi.Je cligne des paupières et distingue un homme, grand et blond. Son regard m’interpelle. Je le

reconnaîtraisentremille.Iln’apaschangé…Jeretiensmonsouffleunesecondeetmelèveprécipitammentdulitdecampoùj’étaisinstallé.–Joshua,jesouffle,lavoixemprunted’émotion.Ladernièrefoisquejel’aivu,cen’étaitqu’unenfant,maisc’estunhommemaintenant,medis-

je,deslarmesstriantmesjoues.Ilmeprenddanssesbrasetmeserrecontreluiavantdereculer.–Désoléde…Jeneterminepasmaphrase,nesachantpasexactementcequejeveuxdireoumêmecomment le

formuler.J’airêvétantdefoiscetinstant,etmaintenant,jenesaispasquoifaire…Jefinisparexprimercequejeressens,toutsimplement:–Jesuistellementheureuxdetevoir,jedisenmepassantunemainsurlevisage.Ilhochetimidementlatêteetjesoupire,soulagédelevoirenforme.–Commentas-turéussiàt’échapper?jel’interroge,intrigué.–UncertainD.m’aretrouvéetm’alibéré,m’explique-t-ilenfixantlesol.–Damien…Ilatenusapromesse…

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–Jenecomprendspas:ilt’alibéréett’aenvoyémechercher?–Pasvraiment,lance-t-il,gêné.–Commentça«pasvraiment»?–Jedevaisattendreici,enfait.–Seul?jedemande,surpris.–Non,ilyad’autresagents,maisilssontdanslapièceàcôté.–Etc’estaveceuxquetuesvenumechercher?–Pourquoitumeposestoutescesquestions,Jullian?–C’estque,jenet’aipasvudepuisunbonnombred’années,maisj’imaginemalmonpetitfrère,

professeurdemathématiques,orchestrertoutcequ’ils’estpassétoutàl’heure.– On va dire que ces derniers mois, j’ai appris pas mal de choses, dit-il avant de hausser les

épaules.Ilmemanquepasmal d’informations pour comprendre ce qu’il s’est passé,mais je ne veuxpas

braquerJoshuaavecdavantagedequestions.–TusaisoùestDamien?jefinispardemander.Jesuisheureuxderetrouverenfinmonfrère,maisjedoisabsolumentavoirdesnouvellesdeLolaet

dubébé.Damiennedoitpasêtreloin,s’ilyadesagentsàcôté.–Ilm’aditqu’ilavaituneaffaireurgenteàréglermaisqu’ilallaitrevenir.–Ilaparlédesasœur,Lola?jedemande,plusvivementqu’ilnelefaudrait.Ilsembleréfléchiruninstant,puisfinitparsecouerlatêteavantdedemander.–QuiestLola?Jeveuxdire,àpartêtrelasœurdeDamien?J’esquisseunlégersourireavantderépondre:–Mafemme.Enfin,pasvraiment.Maisiln’apasbesoindeconnaîtrecertainsdétails.Joshua…C’estincroyable.Toutcequej’aisacrifiérécemmentpouravoirlachancedeluiparler,

deluidiretoutcequejerêvedeluidiredepuistoutescesannées…Maintenantqu’ilsetientdevantmoi,alorsquejescrutelestraitsdesonvisagequiressemblenttantàceuxdenotremère,jeneregretterien.

–Tafemme?Elleestcommetoi?–«Commemoi»?jerépète,necomprenantpasoùilveutenvenir.–Tusais,unespion.–Non,Lolan’estpas…uneespionne,jeréponds,amusémalgrémoi.Lola,quidittoujourscequ’ellepense,quinesaitabsolumentpasmentir…Elleneseraitpasune

trèsbonneespionne,selonmoi!Maisbon,c’estpourtoutescesraisonsquejesuisfoud’elle,jecrois.– Jullian, je ne comprends pas. Qui sont ces gens qui t’avaient enfermé, et qu’est-ce qu’ils te

voulaient?Jeréfléchisuninstantetfinisparluilivrerlavérité.–L’hommequimeretenait,c’estThomas,unancienagentàquij’aivolédesinformationspourQ.

Cequ’ilvoulait,c’étaientdesinformationssurelleetsonorganisation.–Ettuluienasdonné?–Non.Jenesavaispasquetuétaislibreetjenevoulaispasrisquermacouverture.–«Tacouverture»?–C’estunelonguehistoire,Joshua,etmaintenantquetueslibre,çan’aplusd’importance,jelance,

nesouhaitantpastropm’appesantirsurlesujet.Je l’examineun instant. Je suis heureuxde le retrouver et de le savoir en sécurité,mais quelque

chosemedérangedans sonattitude. Jeme rendscompteaussiqu’ilyaune sortede fosséentrenous.Joshuan’estplusunenfant,etils’estpassétellementdechosesdepuisladernièrefoisquel’ons’estvus.

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Nous nous sommes quittés dans l’horreur et nous nous retrouvons plus âgés mais nos vies sontencoremenacéesaveclaprésencedeQ.

–Tusais,onadutemps.Damienn’estpasrevenuet…Ilnefinitpassaphrase,maisjecroissavoiroùilveutenvenir.–Joshua,jenepensaispasnonplusterevoirunjour,jeluiavoueenordonnantàmeslarmesdene

pascouler.–Pasmoi.J’étaissûrquecelaarriverait.Parcontre,jen’imaginaispasquecelasepasseraitdans

detellesconditions.Maisjelesavais.Jesourisetluidemande:–Etselontoi,celadevaitsepassercomment?–Alors, lapartieactionde l’histoire tecorrespondbien.Je t’ai toujours imaginéenunesortede

JamesBondprêtà toutpoursauver lemonde,commence-t-ilens’asseyantsur le litdecamp.Lorsquej’étaisenfant,jemedisaisquetunevenaispasmevoirparcequetuétaistoujoursenmissiontopsecrète.Finalement, je n’étais pas loin de la vérité !Enfin, bref, jeme disais qu’un jour, tu rencontrerais unegentillefilleetquetuviendraismevoirquandtuposeraisenfintesvalises.

Mon sourire s’élargit en pensant à Lola et au bébé, et surtout, à l’invitation de mariage à sonintentionquej’avaiscachéedansletiroirdubureauàNewYork.

Lorsquejeleregardedanslesyeux,jenevoisquel’enfantinnocentqu’ilétait,etpourtant,c’estbeletbienunhomme.

–Malgrétoutescesannées,jemesuistoujoursditquesitun’étaispasavecmoi,c’estqu’ildevaityavoirunebonneraison,achève-t-ilenfixantsesmainsqu’ilfrottecompulsivementsursonjean.

–Tuasraison,Joshua.Toutescesannées,jen’étaispas…quelqu’undefréquentable.Maisjen’aijamaiscessédepenseràtoi.

–Etmaintenant,ilyaLola?Jepasseunemaindansmescheveuxetdécidedeluiparlerdetoutcequifaitmonbonheur.–Oui,maintenant,ilyaLola…etnotrebébé,jechuchotepresque.–Unefemmeetunbébé?demande-t-il,surpris.–Pastoutàfait,pourlebébé.C’estprévupourle27juin,maisLolaadûêtrehospitalisée.C’est

pourçaquejedoisparleravecDamien,tucomprends?Ilm’observeensilenceetselèved’unbond.–Tudevraistereposer,finit-ilparmedire.Mamâchoiresecrispe.Quelquechosemedéplaîtdanssonregard,maisjedécidedenepasécouter

moninstinctquimeditdefuirtantqu’ilenestencoretemps.–Jen’aipasletempsdefairelasieste,Joshua,jedoiscontacterD.–Jesuisdésolémaisilnevapasêtredisponibleavantunbonmoment,dit-ildoucementavantdese

dirigerverslaporte.Lorsque celle-ci s’ouvre, soudain, les pièces du puzzle s’assemblent dans ma tête. Tandis que

Joshuasort,deuxhommesarmésmetiennentenjoue.J’observemonfrère–s’ils’agiteffectivementbiendelui–enregrettantdenepasavoirécoutémon

instinct.–Désolé,Jullian,maistuvasdevoirresterlà,lâche-t-ilavantdedisparaître.Laporteserefermelourdement,melaissantseuldanslapièce.

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Chapitre22

Çafaittroisjoursquejesuiscouchée,àregarderenalternanceleplafond,latélévisionet,lorsquel’ennuime gagne trop, des vidéosYoutube d’animaux sur la tablette quemamèrem’a apportée pourpouvoirfairemalistedenaissance.Troisjoursquej’attends,priantàchaqueinstantquemonbébérestebienauchauddansmonventre.Troisjoursquejemerendscomptequ’aucunchagrind’amourneméritedemettrelaviedemonenfantenpéril.

Thomas a raison. Je ne suis qu’une petite idiote immature. Il ne l’a pas dit comme ça,mais çarevientaumême.Parcequ’unhommem’aquittée,j’aiarrêtédevivre.Etfinalement,jen’ainimaisonnifoyeràoffriràmonenfant.

–Hello,mapuce,mecoupemamèredansmessinistrespenséesenentrantdanslachambre.–Bonjour,maman,jeluirépondssansentrain.–Lemédecinn’estpasencorepassé?m’interroge-t-elleenposantsesaffairessurlachaiseàcôté

demoi.Pourtouteréponse,jesecouelatête.– Je suis sûre que ça va aller, me dit-elle enme caressant les cheveux, réconfortante, avant de

s’asseoir.–J’espère,jelâchesimplement.–Tuas regardé lesitepour leberceau?medemande-t-elleenattrapant la tabletteposéesurma

tabledechevet.Non,j’aitrouvéleschatsquiseprennentpourdesninjasplusintéressants!–Oui,maisjepréféreraislevoirenvrai,passurunordinateurouunetablette.Etsurtout,çaserait

mieuxsij’avaisunlieuoùlemettre.–SamanthaetThomasseraientravisdevousaccueillir,tulesais.–ThomasapardonnéàSamantha?Vuquemonfrèrenemeparleplus,jeluiaiadresséunlongmailexpliquantencoreetencoreque

toutétaitdemafaute,quelapauvreRouquinenel’avaitpastrahi,etc.Maisjen’aipasplusdenewsdesapart.

Rouquinem’aenvoyéunmessagepouravoirdemesnouvellesetm’aproposédepasser, tout enéludantmesquestionsausujetdeThomas.Maisj’airefusé.Jeneveuxpascréerplusdetensionqu’iln’yenadéjàentreelleetmonfrère.

–Net’enfaispaspourça.Occupe-toiplutôtdegardercebébébienauchaudencorequelquetemps,meditmamèreencaressantmongrosventre.

–Jevoisd’icil’ambiancedanslabaraque,siThomasmefaitlatroncheainsiqu’àSamantha…–Thomasnetefaitpaslatête.NiàSamantha,d’ailleurs.Ilestjuste…Thomas,conclut-elle.

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–Hyper-protecteur,maniaqueducontrôle…–Jevoulaisdirequetonfrères’inquiètepourtoietSamantha.Allerau-devantd’undangerdanston

étatn’étaitpasdutoutunebonneidée,mecoupe-t-elle.–J’aicompris!jem’exclame,agacéed’avoirlamêmeconversationdepuistroisjours.Mouais, je me sens quand même très seule sans Dori et Thomas… Comme quoi j’aime bien

Rouquine,danslefond!–Maman,jevoulais justeparleraveclepèredemonenfant.Unhommequej’étaisàdeuxdoigts

d’épouser.Jen’aipaspenséquejecourais,nimêmeSamantha,unquelconquedanger.–Lola,J.n’estpas…–Unhommebien,jelacoupeavechumeur.J’aibiencomprisçaaussi!–Cen’estpascequejevoulaisdire.Mais…–Maman, je voudrais parler d’autre chose, s’il te plaît, je l’interromps à nouveau, sentant les

larmesmonter.–Bien.On peut parler de ta liste de naissance, si tu veux, dit-elle avec un léger sourire enme

montrantlatablette.–Maman,jevaisavoirunbébé,jeveuxmonappartementàmoi.Pasvivreencolocationavecmon

frère,safemmeetleurchien.Si j’avais mon chez-moi, ce serait tellement merveilleux. J’ai définitivement besoin de mon

indépendance.–Jesais,Lola.Maisvivreseule,pourtoi,encemoment,c’estcompliqué.Situlesouhaites,tupeux

reveniràlamaison.–Destasdefemmesélèventseulesleursenfants.C’estcompliqué,certes,maisçasefait.–Machérie,cen’estpaspourçaquetunepeuxpasvivreseule.Contrairementàcequetusembles

penser,tuvast’ensortiretfaireunetrèsbonnemère.Maisc’esttropdangereuxtantqueQ.estenliberté.MonDieu…C’estça…EncorecettegarceàlacoiffuredePlaymobil!–Dis-moiquevousn’yêtespourriendanslefaitquejenetrouveaucunlogement?Mamèresetendlégèrementet,sansqu’elleouvrelabouche,jeconnaislaréponse.C’estpourça

quejen’aipassuquel’appartementau-dessusdechezThomasétait libreetqu’aucundemesdossiersn’étaitaccepté.Mesparentsveulentquejerestetranquillementcouverchezmonfrère,bienensécurité.Etcommeilcraignaitpourmoi,Thomasavaitdûposterdeshommesàcôtédechezlui,aucasoù.C’estpourçaqu’ilssontarrivéssirapidementsurlaplage…

–Lola,jet’assurequec’estmieuxcommeça.–Situledis…,jelâche,lassedetoutesceshistoires.Jemesensfatiguéedetoutça.Jedevraisn’avoirqu’àpenseràmonbébéetm’inquiéterdesavoir

s’il va faire ses nuits, m’interroger sur l’allaitement etme préoccuper de tas d’autres choses commen’importequelle jeunemaman.Pas songer àdespsychopathesquiveulentobtenirdes codesou je-ne-sais-quoiencore!

–TusavaisqueJerryavaitunfrère?medemandemamèrepourchangerdesujet.Jesecouelatête.Encoreunechosequ’iln’apasvoulupartageravecmoi,medis-je,tristement.Jecroisquehormismonlit,ilnesouhaitaitpaspartagergrand-choseavecmoi.Etpourfinir,ilena

trouvéunautre.Élia…Rienquedepenseràelle,jesensungoûtdebiledansmabouche.–Ils’appelleJoshua.Ilestplusjeunequelui.Àlamortdeleurpère,ilaétéplacédansunefamille

quiafiniparl’adopteretilestdevenuprofesseurdemathématiquesàl’universitédeToronto.

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–Jenesavaispas, jedis,nevoyantpasvraimentoùelleveutenvenir,misàpartque j’ai failliépouserunétranger.

–Selonlespremiersélémentsdel’enquêtedeThomasettonpère,JoshuaauraitétékidnappéparQ.quelquesjoursavantvotremariage,m’annonce-t-elle.

– Et tu penses que je suis la prochaine dans son planmachiavélique ?! jem’exclame, avant dereprendre:elleadéjàJerry.Moi,jenesaisrien,jenesersàrienetlefaitqu’ilm’aitquittéemontrebienl’étenduedesessentimentsàmonégard,jefinistristement.

–Justement,souffle-t-elleavecunlégersourireavantdemecaresserànouveaulescheveux.J’ouvre labouchepour luidemanderplusd’explicationsmaissuis interrompueparquelqu’unqui

frappeàlaporte.Lemédecinentre.Jemeredresseetattendslesrésultatsavecappréhension.–Mesdames,noussalue-t-ilavecunsourireréconfortant.–Bonjour,nouslâchonsenchœur.–Bon,jenevaispasvousretenirlongtempsaujourd’hui.–Çasignifiequejevaispouvoirsortiretquelebébévabien?jedemande,anxieuse.–Toutàfait,Lola,votretensionabienbaissé,lescontractionsontdisparuetlebébéestenpleine

forme.Jemesensallégéed’ungrandpoidsetaccueillelanouvelleavecunsoupirdesoulagement.–Parcontre,cepetitdiablotinsemblepressédesortir,donconcontinuelerégime,etsurtout,repos,

enévitantbientoutessourcesdestress.Ici,jevousainotélescoordonnéesdedifférentessages-femmes.Voustéléphonezetprenezrendez-vous.Parsécurité,jepréfèreuncontrôlejournalier.Votrehypertensionn’estpasàprendreàlalégère,dit-ilenmetendantunpapieraccompagnéd’uneordonnance.

–Etsilebébévenaitdanslesjoursquiviennent?demandemamère.–Lolaentredanssatrente-troisièmesemaine,doncsilebébénaissaitaujourd’hui,ilneseraitpas

considérécommeprématuré.Àl’heureactuelle, ilmesuredéjàquarante-sixcentimètresetestestiméàplusdedeuxkiloshuit.Cequiveutdirequ’àterme,çadevraitêtreunbeaubébé.Malgré tout,chaquejourqu’ilpasseauchaudestunbénéficepourluiouelle.

–C’estunefilleouungarçon?l’interrogemamère,lesyeuxbrillantd’excitation.–Maman!Jet’aiditqueçaseraitunesurprise,jelareprends,cequifaitrirelemédecin.Ellelèvelesmainsauciel.–Jemerépète,maisçaseraitplussimplesionconnaissaitlesexe,essaie-t-elledemeconvaincre

unefoisdeplus.–Maman,tuattendrascommetoutlemonde.–Lola,vouspourrezsortirenfindematinée.Mesdames,jevousdisàtrèsvite,maispastrop,finit-

ilavecunclind’œil.Nousleremercions,etunefoislaportefermée,mamèrereprendleshostilités.–J’aivudespetitesrobesroses,avecdeschaussons…–Maman,onnevapasenreparler.Garçonoufille,tuattendras.Jesuiscertainequelesmagasins

t’accueillerontàbrasouvertslorsquelebébéseralàetqu’ilsauronttoutcequ’ilfaut.Ellesoupire,puisattrapesontéléphone.–Jevaisdemanderàl’undetesfrèresdevenirtecherchertoutàl’heure.Jedoisemmenertonpère

chezlecardiologueà11heures.–Jepeuxveniravectoi,cen’estpasgrave.–Lola,c’estàl’autreboutdelaville,doncnon.–Maman!AlexestàParis,ThomasetMattmefontlatronche,Damien,jenesaispascequ’ila,

maisluiaussisembleavoirdécidédem’éviter…–Arrêteaveccettehistoire.ThomasetDamientravaillent.EtMatts’enveutd’avoirfrappéJ.–Vraiment?Ils’enveut?jedemande,surprise.

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–Onvadirequ’officiellement,oui,puisquec’estcequ’iladitàtonpère.–PapaaengueuléMattparcequ’ilacognéJerry?Mevoilàdoublementsurprise!–Jenepensepasquelaviolencesoitlasolution,tulesais.Donctonpèrem’aditqu’ilavaitparléà

Matt.C’estdingue,aprèstoutescesannées,monpèreesttoujoursaussifoudemamère.Etcommeilsait

qu’ellen’aimepasquenousnousbagarrions,ducoup,monpère luiment. Il luiditqu’ilnousgronde,maisjesais,parexpérience,quelaplupartdutemps,onresteàjouerauxcartesdanssonbureau.Unefoislapartieterminée,ilditàmamèrequ’ilnousaparlé.

–TupensesvraimentquePapaasermonnéMatt?–Onvadirequ’officiellement,oui,lance-t-elleenriant.Jecroisquepersonnen’ajamaiseulecœurdedirelavéritéàmamère,maisapparemment,ellen’a

pasbesoinquequelqu’unlaluirévèle:ellelaconnaîtdéjà!Jesuiscertainequesiçaavaitétémonpèresurcetteplage,ilauraitfaitpareilqueMatt.Enfin,bref,vivementqueQ.et toutesacliquesoientarrêtées,que jepuisse retrouverma liberté.

Quant àThomas etDamien, je n’y crois pas une seconde.Habituellement,mes frères,mêmeoccupés,trouventtoujoursdutempspourmoi.Etcettefois-ci,aucunn’estvenumevoiràl’hôpital.

Ilyaquelquechosedelouche…–Mattviendratechercher,melancemamèreenrangeantsontéléphone.–Mouais,jegrommelle.–Jesuisraviequeçatefasseplaisir,conclut-elleensaisissantsesaffairespourpartir.Ellemefaitunebisedanslescheveuxetmedit:–Situveuxrevenirt’installeràlamaison,n’hésitepas,mapuce.Jenerépondspasetlaregardesortir.Unefoisseule,jem’affaledanslescoussinsetmepasselesmainssurlevisage.Àcetinstant,j’aimeraistantfairepartied’unefamillenormaleetnepasavoiràm’inquiéterde

toutça…

***

–Salut,frérot,lanceJoshuaenouvrantlaporte.Jenerépondspasetl’observedéposercequiestcenséêtremondéjeunersurlesol.–Tun’auraispasdûtenterdet’échapper,dit-ilenscrutantlesecchymosesquiornentmonvisage.–Pourquoitufaisça?jedemande,lamâchoirecrispée.Ilreculed’unpasetregardedistraitementsespieds.–Malgré toutes ces années, tu n’as pas changé.Tune te rends pas compte que tes actes ont des

conséquencessurlaviedesautres.Ilréfléchituninstantetreprend:–J’avaisunevie, Jullian,maisun jour,alorsque jemerendaisàmon travail,elleadenouveau

changé,etdenouveaupartafaute.Onm’aenlevé,emprisonné,affaméettorturé.Toutçapourtoi.–Pourmoi ?! je répète.Ce n’est pasmoi qui t’ai enlevé, que je sache, je lui dis en serrant les

poings.–Tuconnaislathéorieduchaos?m’interroge-t-il,unpeuailleurs,enignorantmaremarque.–Tumecomparesà«lathéorieduchaos»?–Beaucoupdegensconnaissentceterme,maispasladéfinitionréelle.Onl’appellecommunément

«L’effetPapillon».

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Je m’adosse contre le mur et me prépare psychologiquement à une nouvelle élucubrationmathématiquedontjenecomprendsrien.Troisjoursquejesuisretenudanscettepiècecomprenantpourseulmeubleunpetitlit.Lepremierjour,j’yavaisaccès.Maisdepuisquej’aituécinqgardesdurantmapremièretentativedefuite,jesuisenchaînéaumurenface.Cesmêmeschaînesnem’ontpasempêchédetenter de fuir à plusieurs reprises. Chacune d’entre elles n’a pas été une franche réussite,mais je necomptepasabandonner.

Deplus,ThomasacertainementprévenuetinterrogéDamien,cequiveutdirequ’ilsdoiventêtreàmarecherche.

Cequejenecomprendspas,c’estl’implicationdeJoshuadanstoutecettehistoire.Selonmoi,ilnes’agit que d’un nouveau pion de Q. Il ne sait pas se battre. Il ne me demande aucune informationconfidentielle.Ilsecontentedem’ameneràmanger,demeposerdesquestionssurmescentresd’intérêtetdemeracontercesmachinssurPythagoreouje-ne-sais-quoi.Entoutcas,jesuissûrd’unechose,c’estquemonfrèreestbienunmathématicien,etqu’ilestfranchementennuyeux.

–…Enmathématiques,lathéorieduchaosétudielecomportementdessystèmesdynamiques…Bonsang,ilnes’arrêtejamaisavecsestrucs!C’estpeut-êtresamanièreàluidemetorturer…–…Desdifférencesinfimesdanslesconditionsinitiales…–Joshua?jelecoupe.Ilrelèvelesyeuxversmoietm’observe.–Oui?–Pourquoituaidesdescriminelsenmeretenantenotage?–Jeneveuxpasmourir,répond-il,commesic’étaitévident.–Effectivement,ditcommeça,c’estd’unelogiqueàtouteépreuve,jesouffle.Ilrestesilencieuxunmoment,etcommejen’ajouterien,ilreprendsonexplication.–Donc,celaentraînedesrésultatstotalementdifférentspourdetelssystèmes…Jefermelesyeuxetmelaisseenvahirparmespensées.J’espèrequeLolaetlebébévontbien…

***

–Eh,lagrosse!mesaluedoucementMattenentrantdansmachambred’hôpital.–Tiens,maisneserait-cepasundemesfrères?jem’exclametoutenpliantundemespantalons

pourlerangerdansmavalise.Ilmeregarde,sepasseunemaindanslescheveux,l’airmalàl’aise.–Jecommençaisàm’inquiéterdenevoiraucund’entrevouspointersonnezd’imbécileici.–Jesuisdésolé…Jen’aipasréfléchi…Quandj’aivuJ.surcetteplage,j’airepenséàtoutcequ’il

t’afaitendureret…etpuisvoilà,finit-ilenhaussantlesépaules.–Turegrettes?jeluidemandeenlefixantdroitdanslesyeux.–Non.Sic’étaitàrefaire,jelereferai,souffle-t-il.Je m’approche de lui, me mets sur la pointe des pieds et dépose une bise sur sa joue en lui

chuchotant«merci».Jefinisenluitapotantl’épauleetajoute,alorsqu’ilmesourit:–Neconsidèrepasçacommeunencouragement.–Paslemoinsdumonde,dit-il,toujourssouriant.Jeretourneàmavalise,vérifiequejen’airienoubliéetlaboucle.–Qu’est-cequet’aditlemédecin?–Lebébévabien.Ilfaitdeuxkiloshuitenvironetilestdanslesstarting-blockspourquittermon

utérus.

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–Ettatension?–Unmagnifique12.8.–Bien,toutçamesemblesatisfaisant…–Situessatisfait,alorstoutvabien!jelanceenriant.De fait, je suis réellement soulagée. J’ai passé les dernières soixante-douzeheures sous contrôle

constantetj’aieuvraimentpeurpourmonbébé.Jepasselamainsurmonventreetsongeque,maintenant,jedoisluipréparerunniddouillet.

Mattattrapemavaliseetjelesuisjusqu’àlavoiture.Jem’installesurlesiègepassagertandisqu’illarangedanslecoffreet,unefoisauvolant,ilmedemande:

–Tuveuxalleroù?Unefolleenviedecrier«loin»meprend,maisjemecontentededire:–Jenesaispas.Jepensequemaplaceestchezpapaetmaman.–Samanthaarangétachambre.Jecroisqu’ellet’aimebien.Jememetsàrireàcetteidéesaugrenue.–Jevaisbientôtaccoucher,Matt,etjenepensepasquemaplacesoitchezThomasetRouquine.–Tun’asqu’àvenirchezmoi!–Lefameux«cheztoi»quiauraitdûmerevenirdedroit…J’espèrequec’esttrèsmocheetquetu

asdescafardsenguisedecolocataires,jesors,pleinedemauvaisefoi.–Tuvasêtredéçue,cetappartestgénial.–Tellementgénialquetuenasoubliédevenirmevoirpendanttroisjours.–Premièrement, jene t’aipasoubliée.Enplus,mamannousenvoyaitdesmessages tout le temps

pour nous donner de tes nouvelles. Et deuxièmement, tu n’imagines pas à quel point c’est galère dedéménagerd’aussiloin.

–Commesijenesavaispas!Matt,désoléemaisjeneteplaindraipas!Etpuis,c’estquoi,cettehistoire?Tut’esréveilléunbeaujourettut’esdit«Tiens,etsij’allaisvivreàCarnon»?

–Enfait,j’ypensaisdepuisNoëldernier,souffle-t-il.–JecroyaisquetuaimaisvivreàLosAngeles?–Avant.Etpuis…–IlyaeuSafia,jefinispourlui.–Tumetrouvesnul?–Non,tul’aimais,c’esttout.–Mouais.–Tunemangestoujourspasitalien?jedemande,curieuse.–Je…jesuisallergiqueaugluten.Etpuis,jemesurveille,aussi.Jemeretiensdenepasrire,vusonairtrèssérieux.–Bon,tuvienschezmoi,alors?–Tut’imaginesvivreavecmoietunbébé?jeluidemande.Unlégersourireilluminesonvisage.JesecouelatêteenmedisantqueMattferauntrèsbonpapa

poule,unjour.–Jeveuxlaplusgrandechambre,jesorsencroisantlesbrassurmapoitrine.Sonsourires’élargitetildémarre.Toutenregardantlepaysagedéfiler,jem’interrogesurl’avenirquim’attend.Avant,àNewYork,je

savaisoùétaitmaplace.Maisdésormais,jenesaisplus.Finalement,unecolocationavecMatt,çapeutêtresympa.Entoutcas,enattendantdetrouverunchez-moi,c’estmieuxquerien.

–Bon,alors,pourlemoment,j’aidescartonspartout,doncc’estlebazar.Maistuvasvoir,onvaêtrebien,melance-t-il,toujoursensouriant.

–Aumoins,déménagermesaffairesdevraitêtrerapide,puisquejenefaisquemonterd’unétage.

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–C’estvrai,j’avaispaspenséàtesaffaires,souffle-t-ilavecunegrimaceensegarant.–Tuchangesdéjàd’avis?jem’écrie,scandalisée.–Maisnon!C’estjustequej’aimalaudos.Çafaittroisjoursquej’arrêtepas.–Matt,tusaisqu’ilesthorsdequestionquejedormeparterre.–T’enfaispas,magrosse,jevaisdemanderàThomasdem’aider.–Boncourage!Ilm’enveutencored’avoirembarquéSamanthadansmeshistoires.–Jenepensepas…Maisc’estvraiqu’ilestunpeugrognon,encemoment,ditMattensortantdela

voiture.C’estamusantmaisjenedéfiniraispascommeçaunThomasencolère…,medis-jeenlesuivant

dansl’allée.–Maisc’estpasvrai!hurleThomasdanssontéléphoneensortantdechezlui,l’airfurieux.–Grognon,hein?jem’exclame.Ilsefigeennousvoyantetraccrocheinstantanément.–Lola,tun’espaschezpapaetmaman?medemande-t-ilsèchement.Bon,ilmehait…–Mattm’aproposéderesterchezlui,jerépondssurlemêmeton.C’estbon,jenevaispaslesuppliernonplus!–Bien…OK,conclut-ilenregardantlesol.Jecroiselesbrasdevantmoietlefixeensilence.–Tachambreestprête,situveuxyrester…Je…Enfin,tupeux.–Merci,maisMattaproposédemontermesaffairesdèsaujourd’hui.– Euh, on ne s’emballe pas, Lola. Tu peux peut-être rester au moins cette nuit chez Thomas et

Samantha?Jemetourneetl’observedugenre«tutefousdemoi?».LetéléphonedeThomasseremetàsonner.Illeregarde,sepasseunemainsurlevisageetlâcheun

laconique«Ilfautquej’yaille!»avantdepartirencourant.–Tuvoisqu’ilmefaitlatronche,jedisàMattalorsqueThomasestdéjàauvolantdesaPorsche.–Ilestpeut-êtrejustepressé?Jelèvelesyeuxauciel,soupireetmarmonneun«Maisbiensûr!»avantd’allervoirRouquine.

J’ouvrelaportesansprendrelapeinedefrapperetsuisaccueillieparMauriceetRaspoutine.–Hello,jenesavaispasquetusortaisaujourd’hui,ditSamanthaenmevoyant.–Si,çavamieux.Jedoisserrerlescuissesetprendrecontactavecunesage-femmepourmettreen

placeuncontrôlejournalier.–Bien.C’estunebonnenouvelle,dit-ellesansmeregarder.–JesaisqueThomasfaittoujourslatronche.Jesuisdésolée,jefinispardire.–Ilnefaitplus…Entoutcas,non,çava,maiseuh…–Bonsang,Rouquine,tupeuxpasfaireunephrasecomplète?!jelacoupe.–Ilnefaitpaslatête!lâche-t-elle,vexée.–Pourtant,quandilestsorti,cen’estpasl’impressionqu’ildonnait.–Il…avaitdeschosesàfaire.–«Deschosesàfaire»?Elleestdeplusenplusrouge,sonregarddevientfuyant.–Dis-moitout,Rouquine,jesusurre.–Destrucs…,lance-t-elle,deplusenplusincertaine.–Bon, alors, la bonne nouvelle, c’est que j’ai réussi à trouver un coin pour poser ta valise. La

mauvaise,c’estquepourquetuyaccèdes,çavaêtrecompliqué!sortMattenentrantàsontour.–Commentça?demandeDori.

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–Jem’installechezMatt,j’explique.–Lola,jetejurequeThomasnefaitpaslatête.Ilestjuste…–C’estJerry,c’estça?jedemandebrusquement.SamanthaobserveMatt,deplusenplusmalàl’aise.–Doncc’estça,jesouffletristement.Çafait trois joursque jem’efforcedenepaspenseràcet instantsur laplage,cemomentoùnos

regardssesontrencontrés…–Nevousinquiétezpas,jeneferaiplusd’histoire,jelâcheenbaissantlatête.–Lola,ditdoucementSamantha.Jerry,sorsdematête…J’observelesoluninstant,inspireetdemandeàMatt,lagorgeserrée:–Bon,tumelemontres,cetappartement?–Allez,viens,magrosse,medit-ilenmeserrantdanssesbras.Jelesuisjusqu’aubasdesescaliers.–Ilestévidentquetut’occuperasdescourses?jelanceenobservantlavoléedemarches.–Désolé, jen’aipaseu le tempsdefaire installerunmonte-charge!semoque-t-ilenm’aidantà

monter.Jeluilanceunregardmauvaisavantdereprendremonascension.J’arriveàsahauteuretrisenle

voyantfrétillerd’excitation.–Tuesprête?medemande-t-il.–Matt,jesuisgrossecommeunebaleineetjeviensdemonterbeaucoupdemarches,alorsouvre

cetteporte,quejepuisseenfinposermesfesses!Illèvelesyeuxaucielets’exécute.J’avancedanslevestibule,découvreunepremièrechambreàdroiteavecsasalledebains.–Tuvasvoir,c’estquasimentlemêmequeceluideThomas,m’expliqueMatt.– Il n’y a pas de buanderie, je constate enme rendant dans la salle de bains que je trouve plus

grandeducoup.–Oui,tuvasvoir,lecoinsalonaussiestplusspacieux,commence-t-ilalorsqu’ons’ydirige.–Oùest-cequetuvasmettretonpiano?jedemandeenouvrantlabaievitrée.–Dansmachambre.J’ailaplace,etenplus,jepréfèreêtretranquillepourtravailler.–Tupeuxlemettredanslesalon,tusais,çanem’ennuiepas.J’adoret’écouterjouer.–J’aiunpianonumériquemaintenant,donclaplupartdutemps,tun’entendrasrien,puisquej’utilise

desécouteurs.–Waouh,jen’imaginaispasuneterrasseaussivaste!jelecoupeenouvrantlabaievitrée.–Oui,j’avouequeçaaétéunebonnesurprise.Parcontre,jevaisinstallerquelquechosepournous

protégerdusoleil,sinon,onvarôtircommedeuxdindesàNoël!Jerisdesaremarqueetrentrepourdécouvrirladeuxièmechambre.–Celle-là,c’estlatienne,dit-ilenm’ouvrantlaporte.–C’estlamêmequecelledeThomasetSamantha.–Oui,j’aipenséquel’onpourraitaménagerl’espacedressingetenfaireuncoinpourlebébé.–C’estunetrèsbonneidée.Enplus,lachambreestsuffisammentgrandepouryajouterunearmoire

etunpetitbureau.Jeregardeautourdemoietmedisquetoutesttrèsbien.Monbébévaavoirsonespacepourlui…–Jesaisquecen’estpaslaviequetuespérais,jesuisdésolé,souffleMattenmescrutant.–Non,maissitoutsedéroulaitcommeprévu,lavieseraitbienennuyeuse,jelanceavecundemi-

sourireenrepensantàmesrêvesdefamillemodèled’ilyaquelquesmois.Est-cequ’illuiarrived’ypenser,luiaussi?jemedemandeenrevoyantJerrysurlaplage.

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Etqu’est-cequevoulaitdiremamèreàl’hôpital?Ilm’auraitquittéepourmeprotéger?…Jesecouelatêteàcetteidée.Jenedoispluspenseràlui…–Bon,j’aiplusqu’àallercherchertesaffaires,lanceMattsansentrain.Je lui sourisetmedisque,après tout,peut-êtreque riende toutçan’étaitprévu,mais j’aide la

chanced’avoirunefamillequim’aime.Grâceàeux,cetenfantvaêtreleplusheureuxdelaTerre.

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Chapitre23

Finmai

– Je trouve leWinnie l’oursonplus sympa,me lanceMatt en scrutant le berceau sous toutes sescoutures.

J’ycroispas,ilvafinirpardemanderauvendeursilecontrôletechniqueestrécent,medis-jealorsqu’ilappuiedessusavecunairsatisfait.

–Jetrouvelejauneaveclespoussinsplusconfortable,jeluisorsentâtantlebordmolletonné.–Tuenpensesquoi,Samantha?luidemandeMattenfaisantdesgrandssignesendirectiondecelui

qu’ilachoisi.Jelèvelesyeuxaucieletfinisparrirequandelleluirépondrêveuse:–J’aimebienlerose.–NotreRouquineaurait-elledesenviesdebébés?jelataquine.Saréactionnesefaitpasattendre,ellerougitdespiedsàlatêteetsemetàbégayer.–Ellen’apas tort.Le roseest très joli,maisça seraitplus simple sionétait sûrsquec’estune

fille!sortMattenfixantmonventre.Ilattendquoi?Quelebébéluiréponde?–Jevousl’aidit,ceseraunesurprise.IlsoufflevisiblementmécontentetretourneàsonberceauWinniel’ourson.–Donconprendcelui-là!s’exclame-t-il.–Non,jepréfèrelespoussins.–LeWinnieiramieuxaveclafresquequenousavonschoisie,dit-il,commesisonargumentallait

finirdemeconvaincre.–Lafresqueestjaune,Winnieestjauneetlespoussinssontjaunes!jecrie.–Onn’aqu’àprendrelemoinscher,ditSamanthadoucement.Onladévisage.Hein?!–Maispourquoifaut-ilquetusoistoujoursrabat-joie?jeluisors.–Parcequeçafaitplusd’uneheurequel’onestdanslemagasinetqu’onn’aencorerienacheté!Ellemarqueunpoint…–Ellearaison.Matt,leprixduWinnie?Etsanstricher!–Ilestà199,90euros,dit-ilavecungrandsourire.Jeregardemonétiquette.Zut!–Jeveuxvérifier,jesors,demauvaisefoi.

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J’attrapeleprixetrelèvelatête,blasée,alorsqueMattaffichetoujourslemêmegrandsourire.–Ilvatrèsbienalleraveclafrise,chantonne-t-il.–Elleestjaune!Lespoussinsaussiétaientjaunes!–Bon,lapoussettemaintenant,lanceSamanthaavantdesoupirer.J’adore:ellerâle,alorsqu’enfait,elleesttoutecontented’êtrelà.Ellecroitqu’onnelavoitpas

regarderleschaussons,rêveuse.Elleestrestéebiendixminutesàtripoterdeschaussettestoutàl’heure.Jecroismêmequ’elleaprisdesphotospendantqu’onavaitledostourné!

–Jetepréviens,c’estmoiquichoisis,j’avertisMatt,quicomparedéjàlespoussettes.J’attrapemontéléphonequivibreetlisunmessagedeDamien.

Arrêtedet’inquiéter,jevaisbien.Jeterappelledèsquepossible–D.

Pas vraiment la réponse que j’espérais. Ça fait depuismon séjour à l’hôpital que je tente de lejoindre,et sans résultat. Je saisqu’ildemandedemesnouvellesàmamère,àSamantha,àMatt,maisavec moi, silence. Tout comme Thomas, d’ailleurs. Depuis qu’il a arrêté Jerry, on ne le voit plus.Samanthaditqu’ils’enveutdes’êtreemportésurlaplageetsesentresponsabledemonmalaise,maisjesensqu’ilyaplus.Ilsm’évitent…

Lorsquejesuisrentréedel’hôpital, j’aidormideuxjourschezeux,letempsquel’onaménageledressingpourlebébé,etjenel’aipasvu.

–J’enaitrouvéunequifaitcombinécommetuvoulais,melanceMattenvenantversmoi.Jecontinuedefixermontéléphone,nesachantpasquoirépondreaumessagedeDamien.–Qu’est-cequ’ilya?finitparmedemanderMatt.–Rien,jedisensoupirant.DamienetThomasm’évitentetjenesaispaspourquoi.–Jecroisquecettehistoired’arrestationaremuépasmaldechosesetque,maintenant,ilsdoivent

gérerl’après.Çan’arienàvoiravectoi,Quenelle,medit-ildoucement.–Jenesaispas.Ilyaquelquechosequicloche…–Pourquoitupensesça?medemande-t-il,surpris.–Tuasremarquéqu’ilyadeshommesdeThomasquinoussuiventdepuiscematin?–Vraiment?–Oui,bon,enfinbref,jeneveuxpaspenseràçamaintenant.Jedoismeconcentrersurlescourses,

parcequecebébésemblepressédesortiretqu’onn’aencorerienàpartunberceau.–Tuasraison,dit-ilavecundemi-sourireavantdereprendre:jevaisdemanderauvendeurleprix

delapoussettecombiné.Situveuxl’avisdeSamantha,elleestaufond,elleregardelesvêtements.Encoreleschaussettes!C’estquoi,cettefixation?Jesavaisqu’elleétaitbizarre!medis-jeentraversantlemagasin.QuantàThomasetDamien,çaleurpassera.Jenedoispaslaissercettehistoireprendreledessus.Jedoisresterconcentréesurl’arrivéedubébé…D’ailleurs,jesuistellementconcentréequejefoncedansunedame.–Excusez…,jecommenceavantdelareconnaître.Jemetourne,regardeendirectiondeMatt,maisilestoccupéaveclevendeuretmetourneledos.Detoutemanière,c’esttroptard…,medis-jealorsquel’onm’empoigneetmeposeunbâillonsur

labouche.

***

Jejetteuncoupd’œilendirectiondelaporteenmedemandantpourquoiJoshuan’estpasencorepassé.Uneétrangeroutines’estmiseenplacedepuisque jesuis là.Monfrèremerendvisite tous les

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jours à la même heure, me dépose mon repas, me parle mathématiques, me pose des questions surdiverseschosesqui,selonmoi,sontsansintérêt,puisrepart.Mêmesij’avouequejeprendsgoûtàsesvisites,celanem’empêchepasderéfléchiràdesplansdefuitedèsquel’occasionseprésente.

Laportes’ouvreenfinetJoshuaapparaît,maiscettefois-cisanssonhabituelplateau-repas,nison«Salut,frérot».Ils’approched’unpasvif.J’ouvrelabouchepourluidemandercequ’ilsepasse,maisilmefaitsignedemetaire.

Alorsqu’ilsortquelquechosedesapocheet tentededéverrouillermeschaînes, jediscernedesbruits de pas dans le couloir. Quand ils se rapprochent, Joshua recule vivement et reste immobile àl’entréedelacellule,têtebaissée.

Toujours attaché, je tire impatiemment surmes liens,mais ilme fait denouveau signedenepasbouger.

Je me demande une seconde ce qu’il se passe, mais finis par comprendre quand j’aperçois Q.entouréed’hommesarmésentrerdanslapièce.

–AgentJ.,raviedevousrevoir,melance-t-elleensedirigeantversmoiavecunsourirecharmeur.JejetteunregardàJoshua,quiobservelascèneavecunlégersourirecomplaisant.–Joshua,chéri,vousavezétémerveilleux,sortQ.aprèsavoirdéposéunlégerbaisersurlabouche

demonfrère.N’est-cepas,J.?J’avaisdesaffairesurgentesàrégleretjem’inquiétaisterriblementdenepasêtrelàpourvousaccueillir,maisvotrefrères’estsigentimentproposéquejen’aipaspuluirefuser.

– Vous n’étiez pas obligée de vous donner tant de mal si vous souhaitiez me parler, je crache,furieux.

–J.,jesuissincèrementdésolée,maisvotreattitudemelaissaitpenserquevousn’étiezpasàcentpourcentavecnous,enchaîneQ.sansprendreencomptemaremarque.

JemeredresseetfusilleJoshuaduregard.Sijecomprendssacrainteetsacoopérationpouréviterunemortcertaine,iln’estpasnonplusobligédecoucheravecelle!

– Donc, mon arrestation par Thomas avait été orchestrée… pour voir si j’allais lui vendre lamèche?

–Nedramatisezpas.Quoiqu’ilsepasse,nousavionsdéjàprévudevousrécupérergrâceàl’aidedeJoshua.Etquellen’apasétémasurpriselorsquej’aidécouvertquevousrevendieznosinformationsàl’Agenceetquevotreseulbutétaitdelibérervotremalheureuxpetitfrèredenosgriffesacérées.

Sontonsarcastiquem’intrigue.Joshuan’auraitpasétékidnappé?!–J’aicommel’impressionqueJoshuanesesentaitpasendanger, jesors,espérantenapprendre

plus.–Ehbien,audépart,cen’étaitpasgagné,maisgrâceàquelques…argumentsbienplacés,Joshua

s’estviterenducomptedecequiétaitlemieuxpourlui.Doncilabienétékidnappé,maisiladécidédecoopérerparlasuite…Ilnem’apasmenti.D’uncôté,celamerassure,maisd’unautre,jenesaistoujourspasdequelcôté

ilest.A-t-ilvéritablementsuccombéàQ.?S’est-ilfaitluiaussiendoctriner?–Qu’est-cequ’ont’apromispourtrahirtafamille?jeluidemande.–Lavengeance,lâche-t-ilsimplement.–«Lavengeance»?jedemande,surpris.–Tut’esdéjàdemandéquelgenredeviej’avaiseupartafaute?Jesecouelatête.Bonsang,est-cequ’iljoueunrôlepourQ.oulepense-t-ilvraiment?–Jenecomprendspas…Toi,tuaseuunefamille.Ilst’aiment,ilst’ontadopté…–Tum’astoutvolé,dit-ilenattrapantunrevolverderrièresondos.«Toutvolé»?!Maisqu’est-cequ’ilraconte?

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–Jenecomprendspas,jesors,toutensuivantsesgestes,lesyeuxécarquillés,alorsqu’ilsecouemaladroitementsonarmeenparlant.

–Notremère,notrepère,çaneteditrien?–Joshua…Mamanestmortedansunaccidentdevoitureetnotre…Ilneméritaitmêmepascenom!

jem’exclame.–Commentoses-tuteréserverledroitdevieoudemort?–Ilallait…Je…Jenecomprendsrien…Est-cequ’iljouelacomédie?Messouvenirssemélangent.Lascènequej’avaistantprissoind’oublier,demettredecôtédansma

mémoire,mesubmerge.Dansundernierespoirpourmedéfendre,pournousprotéger…Joshua,quimeregardeavecsesyeuxbleusinnocents…Lecouteau…Lapeur…

–Jesuisvraimenttouchéeparcesretrouvailles,maishélas,nousavonsdelavisite.DoncJoshua,tujouerasplustard,lanceQ.,quisembleagitée.

Jejetteuncoupd’œildansladirectionqu’ellenequittepasdesyeuxetmoncœurs’arrêtedebattreàcetinstant.Unhommeentredanslacellule,unefemmedanssesbras,etilnemefautpasplusd’unquartdesecondepourlareconnaître.

–Lola!jem’écrieenmedirigeantverselletandisquel’hommelaposeparterre.Mes chaînes sont tendues au maximum, mais elles me permettent quand même de m’approcher

d’elle.Je tombeàgenoux,caressesescheveux, l’appelle inlassablement.Ellenebougepas.Des larmes

coulentlelongdemonvisage.–Qu’avez-vousfait?Elleestenceinte,monstres!jehurleenlaserrantcontremoi.Satêteretombemollementsurmonbras.–Lola,jet’enprie,réveille-toi…,jelasupplie.Ilfaut…Ilfautquejel’emmèneàl’hôpital…Jemeredresse,passeunemainsoussesgenoux,l’autresoussesépaulesetlasoulève.Joshua,Q.etleurshommesm’observent,prêtsàtirer.Je cherche une solution,mais n’en vois aucune. Je suis toujours attaché. Si je bouge, onme tire

dessus,etsurLolaaussi.Jelaserreunpeuplusfort.Jenesaispasquoifaire…Jelavoisrevenirdoucementàelle.–Laissez-lapartir,parpitié,jedemande,lecœurbattantàtoutrompre.Abattez-moisic’estceque

vousvoulez,peum’importe,maislaissez-latranquille,jetermine,lavoixérailléeparl’émotion.L’undesgardesvientchuchoterquelquechoseàl’oreilledeQ.,quimeregardelonguementavantde

soupirer.Elleluiadresseunsignedemainetildéguerpitaussivitequ’ilestvenu.Ellesembleencolère.JeprieintérieurementpourquecesoitlesfrèresMorellquilamettentdanscetétat.

–Embarquez-les,etvite,lance-t-elle,lamâchoirecrispée.Jebaisselatête,plongeuninstantdansleregarddeLolaquim’observeensilenceetl’étreintplus

forttandisqueleshommesdeQ.s’approchentdenous.Jemetends,prêtàmebattre.–Non,onn’aplusletemps.Plustard!ditJoshuaàQ.enfixantLola.Q.m’observe,puisfusilleduregardmonfrèrequirenchéritnéanmoins:–Ilsarrivent,jelesentends.Furieuse,ellefinitparjurer,puisordonnebrusquementàseshommesdesereplier.Avantdepartir,

elles’immobiliseuninstantsurleseuil.–Vouspouvezremerciervotrebonneétoile,J.,maisjen’enaipasfiniavecvous.Elleavanced’unpasdeplus,s’arrêteànouveauetlâche,avantdedisparaître:

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–JepasserailebonjouràD.devotrepart.Damien…IlsontcapturéDamien.Joshuame jette un dernier coup d’œil et chuchote avec un léger sourire avant de partir : «Sois

heureux,Jullian.»Monsangseglaceuninstantetjecomprendsquemonfrèren’yestpeut-êtrepaspourriendanscette

libérationprovidentielle.–Jerry,chuchoteLola.Jeplongemonregarddanslesien,ettoutcequej’aienviedeluidire,toutcequejedoisluidirese

bouscule dans ma tête. Mais rien ne vient. Ses yeux se referment. Je m’assieds par terreprécautionneusement,Lolatoujoursdanslesbras,etplongemonvisagedanssescheveux,parcourssoncouavecmonnez,mabouche.Mesdoigtss’enfoncentdanslachairtendredeseshanches.Jenedevraispasprofiterdelasituation,maisc’estplusfortquemoi…

Ellem’atellementmanqué.J’aicrumourircentfoisavantdepouvoirprofiterdecemoment.Jeposedélicatementunemainsursonventreetmelaisseenvahirparlebien-êtrequececontactme

procure.–Jevousaimeàenmourir,touslesdeux,jesouffleententantdenepasmelaissersubmergerpar

l’émotion.Lolabougelégèrementet,lorsquejelèvelesyeux,jemerendscomptequenoussommescernés.–Lâche-la,lanceThomasenmepointantavecsonarme.–Jenesaispascequ’ils luiont fait,mais tudevraisappeleruneambulance, je réponds, lavoix

enrouée.–Nem’obligepasàrépéter,jen’hésiteraipasunesecondeàtetireruneballeentrelesdeuxyeux.Nosregardssecroisent,mamâchoiresecrispe.Jeneveuxpasm’écarterd’elle.Jeneveuxplusles

quitter.–J.,nemeforcepasàfaireça,répète-t-il.–Tusaisbienquejeneluiferaiaucunmal,jetente.–Toutceque jesais,c’estque tuesrecherchédanscinquante-huitpaysetque tuescoupablede

beaucouptropdecrimespourtenirmasœurenceintedanstesbras.–C’estmafamille…–Cen’estpluslecasdepuisunmomentettulesais.–Tuasappeléuneambulance?–Oui,elleattenddevant.–Laisse-moijuste…–Non,dit-ilenaffirmantsaprisesursonarme.Je regarde une dernière fois Lola, me retiens de faire un nouveau geste, trop conscient que je

pourraisêtreabattuaumoindremouvement,etlareposedélicatementsurlesol.Jemerelèveetm’écartesanslaquitterdesyeux.J’observesasilhouetteimmobilealorsquedeshommesmeplaquentbrutalementcontrelemuretmefouillent.Peuaprès,desambulanciersaccourent.IlsdéposentLolasurunbrancardetlasortentdelacellule.

–Pourquoiavoirfaittantdegrabugespourt’extrairedemonagenceetfinalementtelaisserlà?medemandeThomasenrangeantsonarme.

–Damiennet’ariendit?jedemande,surpris.–Niparlé,nivu.Ilestinjoignable,m’apprend-il,insondable.LesdernièresparolesdeQ.mereviennentenmémoire.–C’estparcequeQ.retientDamienenotage,jelâche.Etc’estpourquoi,auxyeuxdeThomas,jesuistoujoursaussicoupable…

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–Damien?Enotage?C’estquoi,ça?Unnouveaumensongepourjenesaisquelautreplantordu?s’énerve-t-il.

–Jesuisunagentdouble,Thomas.–«Unagentdouble»?dit-ilenriantpresque,commesilaperspectivedemesavoirinnocentétait

impensable.– Lorsque Q. s’est échappée, Damien est venu me voir pour que j’intègre son équipe afin de

l’espionnerainsiqueseshommes.–Iln’auraitjamaisfaitçaàLola,souffleThomas.–Renseigne-toiauprèsdel’Agence.D.estmonagentdeliaison,jelanceenleregardantdansles

yeux.Thomassecouelatête,maisn’ajouterien.Ilfaitsigneàseshommesdem’évacuer.Ilsmedétachentrapidementetjelessuissansmefaireprier,espérantapercevoirLola.Maintenant

quemacouvertureesttombée,ilesthorsdequestionquejeresteloind’elle.–Appellel’Agence!j’insiste,unefoisdehors,toutenfixantl’ambulance.–C’estdéjàfait,lance-t-ilalorsqu’ilnesembletoujourspasmecroire.–Tun’aspasdûinterrogerlesbonnespersonnes,alors.Ilsoupire,revientversmoietsouffle,énervé:–Etselontoi,quifaudrait-ilcontacterpouravoircegenred’information?–Tun’asqu’àappelerledirecteur,jefinispardire.Ilmescrute,sansriendire.–Thomas,jesaisqu’ils’agitd’unamitrèscherdelafamilleMorell.Justeuncoupdefil!Je ne sais pas ce qui l’énerve le plus : la perspective deme savoir innocent ou apprendre que

Damiennel’apasmisdanslaconfidence…Monregardtombeànouveausurl’ambulance.CommentvaLola?Est-cequ’elleesthorsdedanger?jemedemandealorsqueThomass’écarte,

sonportableàlamain.Jenesupportepasdedevoirpatienteràquelquesmètresd’elle.Maplaceestdanscetteambulance,

avecLola.Respire,J.,tun’aspaslechoix…J’observeànouveauThomas,quisembles’agiterautéléphone.Ilmejettedescoupsd’œilenbiais.

Jesaisqu’ilsluiconfirmentàprésenttoutcequejeluiairévélé.Ilraccroche,rangesontéléphonedanssapocheetordonneà l’undeseshommesdemedétacher. Jemefrottemachinalement lespoignetsenobservanttoujoursl’ambulance.

–N’ysongemêmepas.Masœurn’estpasunjouet.–Jenel’aijamaispensé.– Pourtant, tu t’es permis de jouer avec elle. Si tu savais à quel point tu l’as fait souffrir, siffle

Thomas,leregarddur.–Jen’aipasjouéavecelle.J’aifaitcequetuauraisfaitpoursauverl’undetesfrèresettulesais,

jedéclare.Lasimpleidéedetoutcequ’aenduréLolaparmafautemerendmalade.–Non,jen’auraisjamaisfaitçaàSamantha.Contrairementàtoi,j’aiconsciencedelavaleurdece

quej’ai,souffle-t-ilensecouantlatête.–Tulaisseraistonfrèremourirparamour?–Cequevousavez fait àLolaest impardonnable.Tu luiauraisparlé,elleauraitcompris.Tuas

préféré la laisserdans l’ignoranceetmettreendangersavie,ainsiquecellede l’enfantqu’elleporte.Contrairementàtoi,jefaissuffisammentconfianceàSamanthapourtoutluidire.

–Jen’aipaschoisi!jecriepresque.

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–Onatoujourslechoix,J.Toi,tuaschoisidet’enfermerdanslemensonge.N’approcheplusdemasœur,memenace-t-il.

–Cen’estpasàtoideprendrecettedécision,jesouffle,lamâchoirecrispée.–Heureusementpourtoi,sinon,tuseraisdéjàmort.Ilfautquej’aillesortirDamiendumerdierdans

lequelils’estfoutu.Situlafaissouffrirànouveau,jetetue,déclare-t-ilenmeregardantdanslesyeux.–Jesais.Lechoix…Est-cequesij’avaistoutditàLola,elleauraitcompris?Jenecroispas…UnmédecinaideLolaàsortirdel’ambulanceetjerespireànouveau.Jemepasseunemaindansles

cheveuxetl’angoissem’étreint.Etsiellenemepardonnaitpas…

***

J’observeJerryquidiscuteavecThomasàquelquesmètresdemoietmeremémorelemomentpassédanssesbras,sesregards,sesmainspossessivesquimeretenaientcommes’ilnevoulaitplusjamaismequitter.C’étaitilyaàpeinequelquesminutes,etpourtant,j’ail’impressionquec’étaitilyauneéternité.

Moncorpsestdéjàenmanquedelui.Jemedétestepourça…Ilapassédoucementsonnez,seslèvreslelongdemoncou.Ilamurmurémonprénomcommesi

c’était lachosequicomptait leplusaumonde.Ilaposésamainsurmonventreetasembléretenirsarespirationquandlebébéadonnéuncoup.

Est-cequej’airêvétoutça?Il tourne la tête, me regarde quelques secondes et fixe à nouveau Thomas. Mon frère semble

incroyablement agité, à bout de nerfs. Ilm’observe à son tour, se passe unemain sur le visage avantd’ordonnerquelquechoseàl’undeseshommes.Jerryresteimmobile,lesyeuxrivésausol.Moncœurcognefortdansmapoitrine.

Jenecomprendspaspourquoiiln’estplusenétatd’arrestation.J’ailafâcheuseimpressiond’êtreencoreunefoisàcôtédelaplaque.

IlavaitétéarrêtéàcausedesacollaborationavecQ.,ellemekidnappe,etmaintenant,ilestlibre…Ilnetravaillepluspourelle?

Jetentedemeremémorercequ’elledisaitmaisjenemesouviensderien.Çaavaitunrapportavecsonfrère,jecrois…Lesparolesdemamèreàl’hôpitalmereviennentenmémoire.Ilm’auraitquittéepoursauversonfrèreetmeprotéger?Jesecouelatête.Jepréfèreéviterdepenseràça.Jeneveuxpasretomberdanscecerclevicieux.

J’aimistropdetempspourarriveràrespirerenfinsanspleurer,alors,non,ilnem’atteindraplus!Il se passe une main dans les cheveux, relève la tête et je ne vois plus que ses yeux gris qui

m’observent.Ilfautquej’arrêtedeleregarder…Jedevraisfairecommesisaprésencenem’importaitpas.Oui,genre«Jesuispasséeàautrechose

etçanefaitpascinqmoisquejepleurecommeuneMadeleineparcequ’ilestparti».Jeregardeàdroite,àgauche,tentedeprendreuneposedétachée,lesmainssurleshanches,puisle

longducorps,leregardauloin…J’aipasl’impressionqueçamarche,franchement.J’aiplusl’airempotéequ’autrechose…Oupire,

ondiraitquej’aienviedefairepipi.Jegrimaceàcetteidéeetfinisparcroiserlesbrasdevantmoi.

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Décontractée,détachée…Est-cequ’ilm’observeencore?Jedevraispeut-êtrejeteruncoupd’œil…Justehistoired’êtrecertaine…–Lola!s’écrieMattenmerejoignant,àboutdesouffle.Ilmeprenddanssesbrasetmeserreàm’étouffer.Quandjecouine,ilmerelâcheenfin.–Jesuisdésolé!Ons’estfait tellementdesoucis,s’excuse-t-il,alorsqueSamanthaarriveàson

touretmescrutedesesyeuxbizarres.–Çava,jevaisbien,jelesrassureimmédiatement.–Lemédecinapristatension?m’interrogeMatt.Samanthacontinuedem’observer.Ellesembleencoreinquiète.–Oui.Elleestunpeuélevée,maisc’estbon.–J’appellelasage-femmepourqu’ellepasseàlamaisontefairel’électrobidule.J’ouvrelabouchepourrépondre,maisjen’aipasletempsdedirequoiquecesoitquemonfrère

parledéjàdemonutérusaveclasage-femme.–Tuessûrequeçava?medemandedoucementSamantha.–Oui,jedoisjustemereposer.–Jesuisdésolée,personnene lesavusvenir.Heureusement, lesgardesdeThomasn’étaientpas

loin.Onafaitaussiviteque…–Rouquine,tun’yespourrien.Etnet’enfaispas,jevaisbien,jelacoupe.Bon,OK.Envrai,jel’aimebien,maDori.Voilà,jel’aidit,maisçaresteraquandmêmeunsecret.

Jenevoudraispasgâchercettemerveilleuseententeentrenous.Etsurtout,jepensequesijelatorturaismoins,elletrouveraitçabizarre.

Ellefinitparhocherlatêteetjetteuncoupd’œilàThomasqui,dèsqu’ill’aperçoit,luiadresseunlégersourire.

–Vas-y.Jet’assurequeçava,jeluiredisenvoyantqu’ellehésiteàmelaisserseule.Ellesemordlalèvreetsedirigeversmonfrère,quilaserreimmédiatementdanssesbras.Parfois,

quandjelesvoisaussiamoureux,moncœursebriseencoreunpeuplus…–Commentvas-tu?medemandeunevoixdansmondosquimefaitinstantanémentfrissonner.Maisqu’est-cequ’ilfaitlà?!Jepensaisquenousavionsunaccordtacitequidisaitqu’ildevaitau

moinsmepréveniravantdem’adresserlaparole!Parcequelà,voilà,jemesensconne.J’étaispasprêtedutout!

Jeluifaisfacemalgrétout,ententantderassemblerlesbribesdemoncouragequisembles’êtrefaitlamalle,etobserveobstinémentsespieds.

Oui,évidemment,lessiens.Lesmiens,çafaitdéjàunmomentquejenelesvoisplus.Ilm’ademandéquoi,déjà?Pourquoi faut-il que sa voix soit aussi sexy ? Pourquoi faut-il que je sois aussi enceinte ? Et

pourquoijenemesuispasmaquilléeavantdesortir?–Lola,tuvasbien?meredemande-t-il,plusdoucement.Non.Jemesensgrosseettriste,voirecarrémentdésespérée…–Commeunefemmeenceintedeplusdehuitmois,jebaragouinesansleregarder.Détachée…Voilà,jesuishyper-détachée…Ellessontsympas,seschaussures…Habillésansvraimentl’être…J’aimisquoi,déjà,commechaussures,moi?Zut,jenesaisplus.Sijetendslajambepourregarder,

ilvatrouverçabizarre…Onvaéviter,çavautmieux.–Lemédecint’aauscultée?m’interroge-t-il.

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–Depuisquandmonétatdesantét’intéresse-t-il?jesors,enleregardantdroitdanslesyeuxcettefois-ci.

Sonregardesttourmenté.–Jem’inquiète,tuétaisinconsciente…–Jenelesuisplus.Pourquoij’aiditça?Çaneveutriendire!Bon sang, j’avais oublié qu’il était si grand etmoi si petite…Et que ses yeux étaient si beaux,

aussi…J’observesapommed’Adamquimonteetquidescend.Ilestvraimentbientropsexy,cecon!–Lemédecint’aditquelechloroformen’étaitpasundangerpourlebébé?–Tueslibreànouveau?jedemande,lessourcilsfroncés.–Oui…C’estunelonguehistoire…–…quetunecomptespaspartageravecmoi,jetermine.C’estbien,aumoins,çamerappellequeriennechange.–Tuesmagnifique,souffle-t-il,lavoixrauque.–Belle tentativedediversion…Jem’attendaisplutôtà«C’estsecretdéfense», jedisententant

d’imitersavoix.Ilsecrispeunpeuplus.Ilnesemblaitpass’attendreàcegenrederéactiondemapart.Genre,ilpensaitqu’uncomplimentbienplacéallaitmefairetoutoublier?–Jesuisdésolé,Lola…–Dem’avoirlaissée,denepasêtrepartiplustôt,dem’avoirfaitcroirequetum’aimaispourmieux

allert’envoyerenl’airavecuneautre,denepasavoirmisdepréservatiflorsquel’onacouchéensemblela première fois auKansas, dem’avoir demandée enmariage ou juste dem’avoir rencontrée ? je lecoupe.

Lola:50000000Sexy-Connard:0Ilsemblecherchersesmotsmaisjeneluienlaissepasletemps.Danstouslescas,c’estfini.–Jedoisrentrer,jesuisfatiguée,jedissèchementenmedirigeantversMattquiattendunpeuplus

loin,lespoingsfermés,prêtàseruerànouveausurJerryaumoindresignedemapart.Ilfautquejeparte.Sinon,jevaispleurer,etjeneveuxpasqu’ilmevoiepleurer.J’aimafierté.Jevaisattendred’êtredansmachambre,danslenoiretavecmonchatpourça.Commeunegrande.Enpassantàcôtédelui,jetentedel’ignorerautantquepossible.Leregardauloin,Lola…–Onrentre?jedemandeàmonfrèreenrefoulantdifficilementleslarmesentraindemonter.Ilhochela tête,passeunbrasprotecteurautourdemesépaulesetmeguidejusqu’àlavoiture.Je

suistentéedejeterunderniercoupd’œilàJerrymaisjemeretiensdejustesse.Çaneserviraitàrienàpartmefaireencoreplusdemal.

ThomasvachercherSamanthaet,unefoistoutlemondeàbord,jemelaisseconduireensilence.Detoutemanière,mon esprit est trop saturé d’informations pour que j’émette lemoindre son. La voituregarée, jem’extirpe du véhicule et entreprends de gravir les escaliers avec lenteur.Ce qui, en soi, nechangepasvraimentded’habitude.Saufqu’aujourd’hui,atteindrel’appartementmesembleparfaitementinsurmontable.Parfois,jemedemandesi,quandj’ailedostourné,quelqu’unn’ajoutepasdesmarches.

Ilfaudraitquejelescompte,àl’occasion…

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Matt ouvre la porte, me laisse passer et je file dans ma chambre sans demander mon reste. Jem’agrippeàlaporteferméecommesiellemeprotégeaitdel’extérieur,deJerry,demessentiments…

J’aitellementsongéàcemomentoùjepourraisluiparleret,pourfinir,jen’aimêmepassupportédemeretrouverfaceàlui.

Thomasaraison.Cethommeestdangereux.Ilfaitdemoicequ’ilveut,etjemedétestepourça.D’ailleurs,jenecomprendstoujourspaspourquoiilestlibre.Jemepasseunemainsurlevisage.Encoreunefois,onmetientàl’écart,etjenesuisaucourantde

rien!C’estpeut-êtremieuxcommeça…Qu’ilsrèglentleursaffairessansmoi,tousautantqu’ilssont!En

plus,j’enaimarredemefairekidnapper.Ilyapasdecongéprénatalpourça?Sérieux,jesuistropenceintepourleursconneries!Jefinisparlâcherlaporteetmedirigeverslasalledebains.Jem’arrêtedevantcequi,àl’origine,

était ledressingetobserve la frise jaune.Mesyeux tombentsur lacouverturequemamèrea tricotée,poséesurlacommode.Jefinisparlaprendreetlaserrercontremoi.

Simoijenesuispasensécurité,est-cequemonbébélesera?Ilvautpeut-êtremieuxquejerestechezmesparentsletempsquetoutçasoitterminé…J’enaitellementmarre…,medis-jeensentantunelarmecoulerlelongdemajoue.Je repose la couverture, sèche mes larmes et m’allonge sur le lit. Le regard perdu dans la

contemplationduplafond,j’entendslasonnetteet,quelquessecondesplustard,descoupsàmaporte.Lasage-femme…Mattestd’uneefficacitéredoutable.Jemeforceàmelever,examinemonvisagedanslemiroiraupassage.Super,j’ailesyeuxbouffis,medis-jeavantd’allerouvrir.– Jerry ! jem’écrie, surprise, nem’attendant pas à tomber nez à nez avec sa silhouettemassive

devantmaporte.–Jedoiste…parler,dit-il,lavoixlégèrementéraillée.–Tuascinqminutes,lanceMattderrièrelui.Jerryseretourne,agacé,etregardemonfrère,lesbrascroisés,quichuchote:–Tuluifaisdumal,jet’étripe.Les lèvres pincées, Jerry hoche la tête et reporte son attention sur moi. Puis, il regarde avec

insistancemachambre.Bon,ilsembleraitqu’ilveuilleentrer.Jefinisparm’effaceretlelaissepénétrerdansmachambre,

quimesemblebienminusculemaintenant.–Lasage-femmevaarriverd’uneminuteàl’autre,dis-jepourluifairecomprendrequejeneveux

pasqu’ils’attarde.Enfin,jecrois…– Je sais, ton frère me l’a dit, répond-il en saisissant un lapin en peluche, qu’il repose

immédiatement.–Qu’est-cequetuveux?jefinispardemander.Saprésenceestoppressante.Jenesaispasquelleattitudeadopter.Ilmeregardefixement,puisbaisselesyeux.–Toutàl’heure,tum’asdemandésijeregrettaisde…–Jesaiscequej’aidit,jelecoupesèchement.Jeveuxqu’ilreste,jeveuxqu’ilparte…Jeveuxtoutoublier…Il semble déstabilisé par ma réaction. À croire qu’il est tellement sûr de lui qu’il pensait

sincèrementquej’allaislesupplierdemedirequ’ilm’aimeàenmourir.–Jeneregrettepasdet’avoirrencontrée.

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–Raviepourtoi,parcequecen’estpasmoncas,dis-jeententantdenepasdéfaillir.Jenedoispasluimontreràquelpointilmetouche…Niregardersapommed’Adamquimonteetquidescend,nisamainquis’attardedanssescheveux,

nisesavant-brasquimerappellentàquelpointj’aiaimém’yraccrocherlorsquejecroyaisencoreàsesmots…

–Jenesuispas…,commence-t-ilensepassantlesmainssurlevisage.Lola,telaisserseuletoutcetempsaétéladécisionlaplusdurequej’aiejamaiseueàprendre.

–Contentedesavoirqu’aumoins,jenet’aipasfacilitélatâche.–Peut-êtreque…un jour…onpourrait…dîner, finit-il saphrase,commes’ilnesavaitpasquoi

dire.–«Dîner»?jerépète,surprise.–Déjeuner?Oumême…justeboireuncafé?–Tum’asabandonnée,enceinte,lejourdenotremariage,tut’esfaitarrêterpourcollaborationavec

descriminels,etmaintenant,tum’invitesàboireuncafé?–Je…Leschoses…nesontpascequ’ellesparaissent.–Oh!pardon!Parcequefinalement,tunem’aspaslarguéeparcourrierlejourdenotremariage?

C’estétrange,pourtant,ladernièrefoisquej’aivérifié,toietmoi,onn’étaitpasmariés!–Non,dansl’absolu,c’estvrai.Maisjenel’aipasfait…degaietédecœur.–C’estuneblague?«Degaietédecœur»?–Lola…–Tusaisquoi?Jevaisnousfaciliterlatâche:jesuisdésolée,maisçanevapasêtrepossiblepour

moipendantlesdix-huitprochainesannées,jelanceencaressantmonventre.Silence.Ilregardefixementlesol,semblecherchersesmots.–Tudevraispartir,maintenant,jedispourmettrefinàcetteconversation.De toutemanière, aucune des questions quime brûlent les lèvres ne veut les quitter.Alors c’est

mieuxcommeça,finalement.–Jet’aime…–Tunem’aimespas,Jerry.Ouquelquesoittonnom,d’ailleurs.Sic’étaitlecas,tunem’auraispas

abandonnée.Jesuisenceintedeplusdehuitmoisetàaucunmomenttunet’esdemandésij’avaisbesoindequelquechose.

–Jem’appelleJullianKing,j’aitrente-deuxansetunfrèreplusjeunequemoi,Joshua,souffle-t-il,lesyeuxrougesetlavoixtremblante.

Ma gorge se serre. Je suppliementalementmes larmes de ne pas couler,mes jambes de ne pascourirverslui,mesmainsdenepasletoucher…

–Tudevraispartir,jedisànouveau,sansconviction.–Ma…mère…mamèreestmortequandj’avaisneufansdansunaccidentdevoiture.Marespirationestchaotique.–Jeveuxquetupartes,jechuchote,enpuisantlaforceaufinfonddemoipourresterdebout.–Monpère…–Tuaseuuneenfancedifficile,jelecoupe.J’aicompris,maisçan’excusepastout.Maintenant,je

veuxquetupartes,jeterminesuruntonplusferme.–Jet’enprie,jepeux…–Non,tunepeuxplus.Jenecomprendspasàquoitujouesetjeneveuxpaslesavoir.Jevaisavoir

un enfant et, contrairement à toi, je compte lui offrir le meilleur. Maintenant, va-t’en, je conclus enouvrantlaportepourluisignifierquelaconversationestterminée.

Net’effondrepas,net’effondrepas…,jemerépètealorsqu’ilavanceversmoi.

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Letempssembles’arrêterlorsqu’ils’immobiliseàquelquescentimètresdemoi.Ilposesamainsurmonventre,approcheseslèvresdemonoreilleetmurmure:

– Aux dernières nouvelles, le bébé pèse deux kilos neuf cent cinquante, mesure quarante-septcentimètresetseporteàmerveille,malgrétessoucisdetension.Lasage-femmepassetousles joursà17heures,etmêmesijen’étaispasprésent,j’aivutoutesleséchographies.J’airespectétonsouhaitdenepasconnaîtrelesexedenotreenfantetjevousaimetouslesdeuxcommeundingue,finit-ilenposantseslèvresdansmoncou,lamaintoujourssurmonventre.

Sachaleurm’enveloppe,jefermelesyeux,etlorsquejelesrouvre,ilestdéjàentraindefranchirleseuildelaported’entrée.

J’aibesoindem’allonger…J’ignorecomment,maisjeparvinsmiraculeusementjusqu’àmonlitetm’ycouche.Jefermelesyeux

etdonneenfinlibrecoursàmeslarmes.Jullian…

***

Jedévale lesmarches, trébuche,me relève. Jen’arriveplus à respirer.Les larmesbrouillentmavue.

Jenesaisplusoùaller…Etsijeremontais…Etsijelasuppliais…Jen’aipasditcequej’auraisdûdire,toutcequej’aigardépourmoiduranttouscesmois.J’aurais

dûluidirequejenepeuxpasvivresanselle,quej’aimelebébé,quejelaveux,lesveuxtouslesdeux…–Sitôtlibre,sitôtchezelle?–Élia,dis-jeenpassantunemainsurmonvisagepourséchermeslarmes.– Il sembleraitque les retrouvaillesne se soientpas sibienpasséesqueça, lance-t-elleavecun

grandsourire.–Qu’est-cequetuveux?jeluidemandefroidement.–Tumemanques,J.,souffle-t-elleens’approchantdemoi.–Va-t’en,jeluilance,lamâchoirecrispée.–Aprèstoutcequenousavonspartagé,tumejettescommeunemoinsquerien?pleurniche-t-elle

avantdeprendreunemoueboudeuse.Jeserrelespoingsetsenslacolèremonterenmoi.– Je te rassure, jene suispas jalouse ! J’étaisdans lecoinet j’ai apprispourcettemalheureuse

histoiredekidnapping.Alorsjemesuisditquej’allaispasservoircommentallaitLola,continue-t-elle.Jenerépondsrienetlaregardeavecdégoût.Jenesaispascequ’ellefaitlà,maisçanemesemble

pasdebonaugure.–TusavaisqueLolaetmoisommesdevieillesconnaissances?medemande-t-elleenposantses

mainssurmontorse.Jelesrepousseimmédiatement,commesicesimplecontactmebrûlait.–Enfait,plusquedevieillesconnaissances.Maisjeneveuxpast’ennuyeravecça,souffle-t-elle

enprenantladirectiondel’appartementdeLola.Je la rattrape, la force à se retourner, agrippe son cou de mes mains, la soulève et la plaque

durementcontrelemur.–Mavisitedecourtoisiepeutattendre,situpréfèresjouer,dit-elleàboutdesouffleenfrottantsa

jambecontrelamienne.Enréponse,jeresserremaprisesursagorge.Elleouvrelabouche,cherchevainementdel’air,et

l’espaced’uninstant,jemedemandequelleseraitlacouleurdesesyeuxsansvie.J’approchemeslèvres

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desonoreilleetmurmure«Dégage»avantdelalâcherbrusquement.Elletombeàgenouxetsemasselagorgeententantdereprendresonsouffle.

–Jeterevoisoujetecroise,jetetue,jeconclusalorsqu’elleserelèvedifficilement.–Si tucroisqu’onenafini, toietmoi, tu temets ledoigtdans l’œil,J.,crache-t-elleentitubant

dansl’allée.Jelaregardefranchirleportailetmedisqu’effectivement,çanefaitquecommencer.Q…J’aitoutperduparsafaute.Sielleveutlaguerre,elleval’avoir…

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Chapitre24

J’observeleplafond.Sesmotssemblentneplusvouloirquittermonesprit.Jullian…Ils’appelleJullianKing…C’estquandmêmeplusjoliqueJerry,mêmesifinalement,jel’aimaisbien,sonprénomdesouris.Je

m’yétaisfaiteavecletemps.Enplus,çaluidonnaitunje-ne-sais-quoid’attendrissant.J’avouequeJullian,çaluivabien…,medis-jeensecouantmesbouclesblondes.Direquejene

saisriendecethommequej’aifailliépouser…Lepèredemonenfant…Jecaressedoucementmonventreetgrimacelorsquejesensunecontraction.J’aiapprisàlesidentifiermaintenant.Lemédecinditquec’estnormald’enavoiràcestadedema

grossesse,mais à chaque fois, je ne peux pasm’empêcher dem’inquiéter. Il est encore trop tôt pouraccoucher.Lachambren’estpasprêteetjen’aipasterminéd’achetertoutcequ’ilfautpourlebébé.Enrevanche, j’ai déjà préparé la valise pour la maternité, dans laquelle j’ai pris soin de mettre deuxpyjamas,unbleuetunrose.

–Oui?jedemandelorsquej’entendsfrapper,mêmesijesaisquec’estMatt.Ilentreavecunetasseetmelaposesurmatabledenuit.–Jemesuisditqueçateferaitdubien.–Tuesunevraiemèrepoule,jelanceensouriant.–La sage-femmea dit que tu devais rester couchée jusqu’à ce que ta tensionbaisse, dit-il, l’air

inquiet.–Jesais,etregarde,jesuiscouchée!Jesoupirequandjelevoisattraperletensiomètre.–Contractions?demande-t-ilenmel’enfilantsurlebras.–Sérieux?Tuespirequemaman!–Tun’aspasrépondu,dit-ilenl’allumant.–Oui.Maislemédecinaditquec’étaitnormal.–Çadépendsiellessontrégulières,continue-t-ilenobservantl’écrandel’appareil.–Ellesnelesontpas.Arrêtedet’inquiéter.–Tuaseuunedurejournée,jeterappelle.–Jesais,j’yétais,figure-toi.–Arrêted’êtregrognon,çafaitmontertatension.Qu’est-cequ’ilpeutêtreagaçant,parfois!–TusavaisqueJerrys’appelaitenfaitJullian?

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– Il change quand même souvent de nom, ce type, non ? s’exclame Matt en m’enlevant letensiomètre.

–Ilnechangepasdenom!Lorsquejel’airencontré,ils’appelaitJeremypoursamission.Ensuite,ilm’aditquesonnométaitJerry,etmaintenant,c’estJullian.C’esttout.

–C’estbiencequejedis,ilchangesouventdenom!Mouais,ilapastort,enfait…–Maispourquoiilm’aditqu’ils’appelaitJerry?C’estbizarre,non?–Sansvouloirêtrevexant,jecroisquecetypeestbizarre,lance-t-ilenrangeantl’appareildanssa

boîte.C’estpasfauxnonplus…– Bon, tu restes couchée. Tu as encore de la tension. Et tu penses bien à chronométrer tes

contractions.–Oui,maman!jememoquealorsqu’ilquittelachambre.–Tuasdelachancequejenesoispastamère,vilainefille!dit-ilenriantavantderefermerla

porte.Jerisetgrimacelorsqu’unenouvellecontractionarrive.Jeregardel’heure.Bon,toutvabien,elles

nesontpasrégulières…

***

J’ôtelecrandesûretédemonrevolveretobserveunedernièrefoisleplandubâtiment.–Tun’étaispasobligédevenir,meditThomas,crispé.–Damienfaitpartiedemonéquipe,jeluirappellefroidement.–Onestsuffisammentnombreuxpourl’extraire.–Ehbien,tantmieux,alors,çaseraunepromenadedesanté.–Tuasraison,c’estpascommesitudevaist’occuperdetafemmeenceinte,lance-t-ilenrangeant

sonarme.Touchéenpleincœur,medis-jeententantdenepasmontreràquelpointsaremarquem’affecte.Ilaraison,jedevraisêtreavecLola,pasici.Maisellem’amontréqu’ellen’enavaitpasenvie,et

l’accablerencemomentn’estdetoutefaçonpaslameilleureidée.Jecompteluilaisserdutemps,toutenluimontrantquejesuisprésent.

–Onyva!crieThomasàseshommes,quiprennentposition.Jel’arrêtealorsqu’ilpasseàmahauteuretluisouffle:–J’espèrequetusaiscequetufais.Q.n’estpasunedébutante.–Moinonplus,lâche-t-ilavantdes’éloigner.Mamâchoiresecrispe.J’aiunmauvaispressentiment.

***

–Bon,OK,lavaliseestdansl’entrée,lanceMattentournantsurlui-même.–Jecroisqu’ilvaudraitmieuxdemanderàRouquinedeconduire,ilmesemble,jedisalorsqu’ilse

prendlespiedsdansladitevaliseets’étaleparterre.–Jevaisbien!hurle-t-ilenserelevant.– Tantmieux, parce quemoi, pas ! je crie enme pliant en deux de douleur quand une nouvelle

contractionm’assaille.

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Mattmeregarde,pétrifié.–Matt!jel’interpelle.Pasderéaction.Jeclaquedesdoigts.Toujourspasderéaction.JefinisparattraperundesWinniequitraînentdansl’entréeetluiendonneungrandcoupsurlatête

pourlefaireréagir.Ilmeregardeetmedittoutdoucement:–Tuvasavoirunbébé.Àcetinstant,j’hésiteentreêtreattendrieouluifaireboufferlapeluche.Finalement,jecrie:–Oui,merci, je suis au courant ! Je le sens bien puisqu’il tente de se faire lamalle entremes

cuisses!Ilneluienfautpaspluspourattraperlavaliseetdévalerl’escalierencourant.Ilprendmêmesoin

deverrouillerlaported’entrée.Leproblème,c’estqu’ilaoubliéqu’ilfallaitquemoiaussijesortedel’appartement!

Jepatiente,etilfinitparrevenirm’ouvrir.–Euh,désolé,baragouine-t-ilenmeprenantlebraspourm’aideràdescendrelesmarches.– Dans ta course-poursuite avec ma valise, tu as évidemment dit à Rouquine que l’on partait à

l’hôpital?Ilsefige.–Non,maistuesunboulet!jem’exclameenluidonnantuneclaquesurl’épaule.–C’estbon,onyva!râle-t-ilenmetraînantendirectiondechezSamanthaetThomas.IlouvreetnoustombonssurSamanthaenchaussonsflamantsrosesaffaléesurlecanapéentrainde

regarderBobl’éponge.Dèsqu’ellenousaperçoit,ellesursauteetdemande:–Qu’est-cequ’ilsepasse?Jen’aipasletempsderépondrequ’unliquides’écouleàmespieds.–Jecroisquejeperdsleseaux!MattetSamantham’observent,lesyeuxécarquillés.Àcetteallure,onn’estpasàl’hôpitalavantunmoment!

***

Le premier escadron franchit les portes du hangar. Thomas entre à son tour avec son équipe. Jecomptementalement, et alors que jem’apprête à faire signe àmon équipe d’avancer à son tour, uneviolentedétonationseproduit.Jemesensprojetéenarrière.Moncorpsretombelourdementsurlesol.

Lola…

***

–Rouquine,accélère!jecrieàSamanthaqui,pouruneraisonquim’échappe,s’estditquerouleràtrentekilomètresàl’heurealorsquemonutérusestprêtàexploserétaitunebonneidée.

–Cen’estpasmavoiture,alors…Jepréfèrenepasroulertropvite,souffle-t-elle,concentréesurlaroute.

–Samanthaaraison.Etpuis,onn’estpassipressés,ditMattencaressantletableaudebordavecfierté.

Matt a décidé d’investir dans un 4×4 flambant neuf récemment. Alors, oui, la voiture est supergéniale, spacieuse et blabla, mais un seul Thomas plein de TOC était déjà bien suffisant dans cette

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famille!–«Paspressés»!Moi,j’ail’impressiond’êtreuncitronquiseprépareàfinirentarte!jehurle

alorsqu’unenouvellecontractionm’assaille.– Lola, calme-toi. La sage-femme nous a dit que pour un premier accouchement, il fallait bien

compterdixàtreizeheures.–À cette allure, on va arriver pile à temps, alors, je lance en changeant de position pour tenter

d’êtreplusàl’aise.–Enplus,enchaussons,c’estpasvraimentpratique,argumenteRouquinealorsquejegrognesurla

banquettearrière.–Gardebienlaserviettesoustesfessesetarrêtedegigoter,tuvassalirlessièges,chouineMatten

m’observant,lessourcilsfroncés.–Dites-moiquejerêve!Jesouffrelemartyreettoi,tut’inquiètespourtanouvellevoiture!jelui

lance,avecunregardquiveutdire«Répondsetjet’étripe».–OnauraitdûprendrelaCliopourrie,geint-ilenmereluquant,l’airdésespéré.–Non, celle-là est très bien.LaClio estminuscule.En plus, vu son état, je n’étais pas certaine

qu’onarriveàbonportàtemps,jeluirépondsententantderoulerlégèrementsurlecôté.–Mavoituren’estpasaussijolieniaussispacieuse,maiselleroule,mercibien!râleSamantha,

vexée,ens’arrêtantàunénièmefeu.–Maispourquoiilyaautantdefoutusfeux!jegrogneenm’affalantunpeuplus.–Parcequ’onestenville,répondMattentripotantuntrucsurletableaudebord.–Cen’étaitpasunequestion! je lanceenluidonnantpresqueintentionnellementuncoupdansle

dosententantdem’étirer.–Arrête,tuvassalirlavoiture!grogne-t-ilenmelançantunregardmauvais.En réponse, je lui tire la langue avant de remuermes fesses de droite à gauche avec un sourire

victorieux.–Continuecommeçaettuvasalleràlamaternitéàpied!lance-t-ilenseretournantpourtenterde

remettrelaservietteenplace.–Franchement,jesuissûrequej’iraisplusvit…–Onyest!mecoupeDori.–Gare-toilà-bas,luiditMattenmontrantlefondduparking.–Non,devant!Jenevaispasfaireunkilomètrejusteparcequetuaspeurqu’onrayetavoiture,je

chouine.–Lamarche,c’estbonpourcequetuas!souffle-t-il,concentrésurlamanœuvredeSamantha.–Rouquine,nel’écoutepas!Ilditn’importequoi,jegeinsenmetordantdedouleur.–Troptard,lagrosse,onestgarés,chantonneMatt.Ilsortdelavoiture,ouvrelecoffreetattrapelavalisetandisqueRouquinem’aideàm’extirperde

labanquettearrière.Unefoisdehors,jeregardelaportedelamaternité,puisMattquiretirelaservietteavecunegrimacededégoût,puisànouveaulaporte.

–Çava,ellen’arien,souffle-t-ilenexaminantlessiègesaveclalampedesontéléphoneportable.–Jesuisraviedenepasavoirlaissél’empreintedemesfessessurtabanquettearrière,jelance,

ironique,lamâchoirecontractée.–Oui,moiaussi!dit-ilenattrapantmavaliseavantdemelancerensautillant:Allez,c’estpastout

ça,maisilyaunbébéquiattendpoursortir!–S’ilpouvaitattendrequejesoisconfortablementinstalléeensalledetravail,çaseraitgénial.Bon,ben,c’estparti!jemedisenentreprenantlatraverséeduparking.Auboutdequelquespas,je

maudisMatt,les4×4,Jerryavecsesfoutuesfossettes,lesparkings,leschaussonsflamantsroses–etpasforcémentdanscetordre-là!

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–Lola,courage,onyestpresque!mechuchoteSamanthaalorsquejesuisaffaléesurlecapotd’unevoiture.

–Tuauraisquandmêmepuchangerdechaussures,jeluirépondsenlorgnantseschaussonsflamantsroses.

Ondiraitqu’ilssefoutentdemagueule!– J’ai envoyé unmessage à Thomas pour qu’il m’amènemes ballerines, me répond-elle à voix

basse.–Mouais,jegrogneenmeredressant.Jejetteuncoupd’œilàMattquipointesontéléphonedansmadirectionavecunsourired’abruti.–Mais…qu’est-cequetufais?!jeluidemande,deplusmauvaispoilquejamais.–Jetefilme!–Tume…quoi?– Oui, dans quelques années, ce bébé sera grand et pourra visionner les précieux moments qui

précèdentsanaissance!–Maispersonnen’aenviedevoirça!jem’écrie,prêteàluiarrachersonfoututéléphone.Ilreculeendirectiondelamaternitéetjelesuis,dansl’idéedefracassersonportablesursatête

d’abruti.Etfinalement,j’arriveauxportescoulissantessansm’enrendrecompte.Samanthasonneetuneinfirmièrenousaccueilleavecungrandsourire,etsurtout,unfauteuilroulant,

àmonplusgrandsoulagement.–Godzilla,meprésenteMattavantdesemettreàriretandisquejeposemesénormesfessesdansle

fauteuilavecunsourirevictorieux.Je lui lance un regardmauvais,mais il continue de rire niaisement en regardant l’infirmière, qui

n’arrivepasàdétachersonregarddeschaussonsdeRouquine.Oui,lesflamantsroses,çasurprend…–Monnom,c’estLolaMorell,jelanceententantdemettreuncoupdepiedàmonfrère.Juste«tenter»,parcequ’envrai,leverlajambe,c’estimpossible.–Bien,madameMorell,onvavousinstaller,dit-elleenmefaisantroulerjusqu’auxascenseurs.Putaindebordeldemerde!Jemepenche,reposemonbustesurlelit,placebienmesfessesenl’air,tentedepenseràquelque

chosed’agréableetfinispargeindre:–Droguez-moi,achevez-moi,maisfaitessortircebébédemonutérus,parpitié!–Tudoisteconcentrerdavantagesurtarespiration,ditdoucementMattenmemassantlebasdudos

toutenfilmant.Jetentedeluipiquersonportabledesmains,maisilesttroprapideetsedécaled’unbondenriant.Jetournelatêtedanssadirectionetl’observeengrognant.–Jevaist’enfoutre,moi,delarespiration!Etarrêtedemefilmer!Cequineleconvaincabsolumentpas,puisqu’ilsemetàrireencoreplusfort.Jemerelève,prêteàl’étrangler,maissuisstoppéenetparunenouvellecontraction.Sonportablesemetàvibrer.Iljetteunregardàl’écran,lessourcilsfroncés,etéteintlacaméra.–Euh,Samantha,tuneveuxpas…Jedoistéléphoner…,dit-ilensedirigeantverslaporte.–Fuis,tantquetupeuxencoremarcher!jem’écriealorsqu’ilestdéjàpresquesortidelachambre.Quandilrevient,jel’étripes’ilmereparledeconcentrationdupérinée,derespirationoudejene

saisquoi.Et il fautque je luipique sonportable,aussi…,medis-je alors qu’unenouvelle contraction se

profile.

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Je tented’inspirerprofondément,mais jene ressensqu’unedouleur insupportabledans lebasdemonventre.

–Tuveuxréessayerleballon?tenteRouquineenmelemontrant.Saufquejenevoisriend’autrequelesflamantsrosesqu’elleporteencoreaupied.–Non,jeveux…Enfait,j’ensaisrien.Tusaissimamèrenevapastarder?–Onl’aappeléequandonestpartisdel’appartement,doncjepensequeoui.Elleposeunemainsurmatailleetmedit:–Allonge-toi.–Non,jepréfèreresterencoreunpeudebout,jesouffleengrimaçantdedouleur.–OK,commetuvoudras.Elleattrapelespetitesballesenmousseetlesfaitroulersurlebasdemondos.Jefermelesyeux.

Jedoisadmettrequeçafaitunbienfou.–Tunevoudraispasrappelermamère?jeglisse,affaléesurlelitpendantqu’ellememasse.–Mattdoitêtreentraindel’appeler,dit-elledoucement.–C’estjustequeçafaitbienuneheurequ’onestlàetjenecomprendspaspourquoiellemetautant

detemps.–Tunedoispast’inquiéterpourça.–Samantha,jeneveuxpasaccouchertouteseule,jefinisparavouerenravalantmeslarmes.J’aienviedeluidemanderd’appeleraussiJerry/Jullian,maisj’aipeurqu’ilneviennepas.Alors,

jepréfèreneriendire.–JesuisavectoietMattn’estpasloin,tusais.–Jesais.Jefermelesyeuxetserrelesdentsquandunenouvellecontractionarrive.–Finalement,jeveuxbienm’allonger,jedisunefoisqueladouleurestpassée.Dorim’aideàm’installer sur le lit, remonte légèrement ledrapetm’observebizarrement.Ellea

toujourseuunregardétrange,maislà,ilyaunje-ne-sais-quoi…–Tuesenceinte,n’est-cepas?jeluidemandeavecunpetitsourireencoin.Ellerougitetfaitvisiblementungrandeffortpournepassourirecommeuneidiote.Sijen’avaispassimal,jemeféliciteraisd’êtreaussiperspicace.Maisjesouffretrop,alorsjegardelavictoirehumble.–Tuvasêtreunetrèsbonnemère.Parcontre,pourThomas,çavaêtrecompliqué!jelance,cequi

lafaitrire.–Merci,dit-ellesimplemententriturantledrap.Laportedelachambres’ouvre.Pendantuninstant,j’espèrevoirentrermamèreouJerry,maisce

n’estqueMattquiapporteduchocolatetunebouteilled’eau.IlresteuninstantimmobileàregarderSamantha,puismefixeàmontour.Ilouvreunepremièrefois

labouche,larefermeetfinitparmedire,lavoixlégèrementenrouée:–Jemesuisditquetuauraispeut-êtresoif.–Qu’est-cequ’ilya?Tuaseumaman?–Elle…nevapastarder,dit-ilenjetantunnouveaucoupd’œilàSamantha.Rouquine le regarde, l’air pas convaincue.De toute évidence, je ne suis pas la seule à voir que

quelque chose cloche.Mais je n’ai pas le tempsdemeposer davantagede question car unenouvellecontraction,plusviolentecettefois-ci,arrive.

–Samantha, tuveuxbienallerchercherlasage-femme,s’il teplaît? je luidemande, lamâchoirecrispée.

Ellehochelatêteets’envaenregardantunedernièrefoisMatt.J’agrippeledrapetleserredetoutesmesforces.

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–Qu’est-cequisepasse?jedemandeàMatt,àboutdesouffle.–Tudoisteconcentrer…–Matt,oùestmaman?jecriealorsqu’unenouvellecontractionm’assaille.–Lola,tudoistecalmer…Je n’en peux plus. La douleur est trop forte. Je n’entends plus ce qu’ilme dit et ne vois pas le

médecinetlasage-femmeentrerdanslapièce,suivisdeRouquine.Matt tourne la tête, blanc comme un linge, quand le docteur soulève le drap et commence à

m’ausculter.Lasage-femmequittelapièceencourantetlegynécologueannonce:–Ah,ehbien,voilàunbébébienpressé!–Onvaensalled’accouchement?jedemandeavecunsourirecrispé.Moncalvaireestpresqueterminé!jechantonnedansmatête,unpeuinquiètemalgrétout.J’auraisaiméquemamèreouqueJerrysoitlà,medis-je,peinée.–Non,onn’aplusletemps!lance-t-ilenriant.Lasage-femmeréapparaîtavecunchariot.Ilsydéposenttoutuntasdechoses,maisjenevoisrien

carunenouvelledouleurmeprenddansledosetleventre.Jejetteuncoupd’œilàMattquihésiteentrefuirouseroulerenbouledansuncoinetsensquel’on

meprendlamain.JelèvelesyeuxetvoisSamanthaquim’encourageensouriant.Deslarmescoulentsurmesjoues.

–Çavaaller,monsieur?interrogelemédecinenregardantMattsedécomposeràvued’œil.Samanthaprendpitié,l’attrapeparlamancheetletireversnous.Ilfinitparposersamainsurmes

cheveux.–Bien,Lola,àlaprochainecontraction,onpousse…Iltermineàpeinesaphrasequec’estdéjàlemoment.Jepousse,geinsdedouleur,pousseencore,pleureetsensunpoidsdansmonventreseretirer.Unhurlement,etmeslarmesdedouleurlaissentlaplaceàdeslarmesdejoie.–C’estunefille!annonceledocteur, triomphant,ennousmontrantunbébétoutrougequis’agite

danstouslessens.Lasage-femmel’enveloppeetposesurmonventrecepetitêtrequise tortille.Jeprendsmafille

dansmesbras,etd’uncoup,plusrienn’existeàpartsespetitsyeuxnoirsquimescrutent.Jepassemonindexsursajoueetsourisenreniflantbruyamment.

JelèvelatêteetvoisMattquipleurecommeuneMadeleine,leportableànouveaupointédansmadirection.

–Elleestmagnifique!s’extasieDori,encoreplusrougeetavecdesyeuxencoreplusétrangesqued’habitude.

–Elleestparfaite,jesouffleenadmirantmafille.Jegrimace en entendantMatt renifler et pleurer encoreplus fort à côtédemoi. Il rapproche son

téléphoneetcalesoncoudesurmonépaulepourbienfilmermonbébésoustoutessescoutures.–Onvaluifaireunepetitetoiletteetlapeser,meditlasage-femmeenmeprenantmonpetitbout.Jelalâcheàcontrecœur.–Qui lui fait sapremière toilette?demande la sage-femmeen regardant tourà tourmon frèreet

Samantha.Je voisMatt qui retient son souffle et lui fais signe de la suivre, amusée.En plus, comme ça, il

lâcheraenfinsonfichuportable.Ilprendmaladroitementlesacquej’avaispréparéaveclesvêtementsetrejointpresqueencourantlasage-femme.

Monsourires’estompelégèrementquandmespenséessetournentversJerry.

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Il n’est pasvenu. Jene saispas si quelqu’un l’a appelé,mais si ça avait été le cas, est-cequ’ilseraitlà?

DécouvrezlasuitedesaventuresdeLoladansleprochainépisode:

Lola–Petite,grosseetcomblée

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Chapitre25

Jen’arrêtepasdepenseràJoshua,àmamèreetàlui…àtoutcesangsurlesol…Jamaisjen’oublieraicetteodeur…–Net’enfaispas,Jullian.Ilyadesmomentsdanslavieoùtoutnoussembleperdu.Maisjesuis

sûred’unechose:aujourd’huiestlepremierjourdurestedetavie.Tupeuxtoutrecommenceràzéro.Tu peux être qui tu veux. Alors, choisis bien, termine l’assistante sociale enme regardant avec unsourirepleind’espoir.

Je l’observe un instant, vide d’expression, puis je regarde à nouveau la maison, ou plutôt lecentrededétentionquiseralemienjusqu’àmesdix-huitans.

–QuevadevenirJoshua?jedemanded’unevoixsanstimbre.–Ilestpetit.Jesuiscertainequ’ilvarapidementtrouverunegentillefamillepourl’accueillir.Jehochelatêteetfranchislaportedugrandbâtiment.Lepremierjourdurestedemavie…Jeneveuxpasdurestedemavie.Jeveuxuneautrevie…UnevieavecmamèreetJoshua…–Jullian,attends,melancel’assistantesocialeenm’attrapantparlebras.Ellesebaisseetplongesonregarddanslemien.–Duhautde tesonzeans, tu es lepetit garçon leplus courageuxde laTerre. Je veuxque tu

n’oubliesjamaisça,souffle-t-elleenmescrutantavectristesse.–Sic’étaitlecas,mamèreneseraitpasmorteetjeseraisavecJoshua.Paslàdansuneprison.

C’estcequ’onfaitauxmeurtriers,non?Onlesmetdansdesprisons.–Tun’espasunmeurtrier,Jullian.Tuasdéfendutonpetitfrère,dit-elle,lessourcilsfroncés.Jenerépondspas,çanesertàrien.Ellenecomprendpas.Moi,jesais.J’aiprislecouteauetje

l’aienfoncéjusqu’àcequ’ilarrêtedecrieretdefrapperJoshua.Ilyavaitdusangpartoutetilestmort.

Jel’aitué…J’ouvre lesyeuxet lesrefermeimmédiatement.Matêtemefaitatrocementmal.Jemeforceà les

rouvrir.Ilsmebrûlent.Jetentederoulersurlecôtépourmerelever,maismoncorpssouffrelemartyre.Alors,jeclosànouveaulespaupièresetrêvederetrouverLola.Quetouts’arrangeenfin.Quejelaserredansmesbras…

Jeluidiraiàquelpointjel’aime.Jeleluicrierai.Uneviolentedouleurauthoraxmefoudroie.J’essaiedereprendremonsoufflemaisl’airnesemble

plusvouloirentrerdansmespoumons.Auprixd’uneffortcolossal,jeparviensàmetournersurlecôtéetcracheunpeudesang.J’observelatacherougesurlesoletjureensilence.Jelèvelesyeux,contemplelascènequisejoueautourdemoietai l’impressiond’êtreenenfer.Descorpssansvie,desmembres

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arrachésjonchentlesol.Uneépaissefuméegriseobscurcitlesalentours.Jegrimacequandjesensmontéléphonequivibredansmapoche,maisn’yprêtepasattention.Soudain,jedistingueunesilhouettequiserapproche.

Pourvuquecesoientlessecours…,jeprieensilence.Jefermelesyeuxlorsquejereconnaisl’hommequis’avanceetretombesurledos.Jepassedoucementlamainderrièrematailleetattrapemonarme.–Tuesvenuterminerletravail?jelancealorsquejelesensàmescôtés.–Tuasl’airmalenpoint,dit-il,sansjoie.–Tuvois,jesuisirrécupérable.Jenechangepas,Joshua.Mêmemaintenant,jetefacilitelatâche,

jesors,acerbe,avantdemeremettreàtousseretàcracherdusang.–Tudevraisêtreàl’hôpital,souffle-t-ilavantdesebaisseretdemeprendremonarmedesmains.–Joshua,ilyadestasd’endroitsoùjedevraismetrouver,effectivement.Àl’hôpitalpourmefaire

soigner,avecLoladansmesbrasàregarderuncoucherdesoleil,oumêmeentraindepeindrelachambredenotrebébé.Maiscertainementpasici,àattendrequemonfrèremetue,c’estvrai,jedisdoucement.

–Jenecomptepastetuer.J’émetsunriremoqueuretgrimacededouleurenmetenantlescôtes.Joshuasebaisse,attrapemontéléphoneparterreets’assiedàcôtédemoi.–Qu’est-cequetuveux,alors?jel’interroge,àboutdesouffle.–Q.m’aditqu’ellecomptaitfaireexploserlehangar.Jevoulaissavoircommenttuallais.–Ehbien,jeteremerciedetantdesollicitude…Jenemesenspastrèsenforme,commetupeuxle

constater.Déçudemevoirenvie?–Non,jesuiscontentquetusoistoujoursvivant.Jenecomprendspas les raisonsdesaprésence,alors je restesurmesgardes,mêmesi j’aibien

conscienceques’illuivenaitl’idéed’enfiniravecmoi,jenepourrairienfairecomptetenudemonétat.Jedécidedechangerdesujetpourgagnerdutemps.Lessecoursnevontcertainementpastarder…

–CommentvaDamien?jedemandeavecunegrimace.–Ils’estéchappé,dit-ilenriant.–«Échappé»?Ilnerépondpasetcontinuedesourire,commelorsqu’ilétaitenfantetqu’ilavaitfaitunebêtise.–Tul’asaidé?jel’interroge,ennesachantpasquoipenserdecettehypothèse.–Onvadirequejesuisparfois…ungarçondistrait.Jefroncelessourcilsenmedemandants’ilditvrai.–Pourquoiaurais-tufaitunechosepareille?jesors,surpris.Ilnerépondpasetjereprends,agacé:–C’estpourçaquetueslà?Tut’esditquejesauraisoùsecacheDamien?Il regarde dans sa main sans un mot. J’observe à mon tour et y vois mon portable qui vibre à

nouveau.Ilesquisseunsourireavantdemedire:–Jecroisquetuvasdevoirattendreunpeuavantdemourir.Jel’observe,sanscomprendreoùilveutenvenir.– Tu as une fille. Trois kilos cent cinquante, quarante-sept centimètres, ajoute-t-il avant de me

montrerunephotodeLolasouriantequitientdanssesbrasunbébéemmitouflédansunecouverturerose.Ilmetendletéléphoneetjenepeuxdétachermonregarddecetteimage.Unefille,j’aiunefille…Joshuaserelèveetmesouffle«Toutesmesfélicitations»avantdepartir.–Attends!jel’interpelle.Ilseretourneetmedévisage.–Pourquoitunem’aspastué?jefinisparluidemander.

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–Tuesmonfrère,Jullian,merépond-ilenpoursuivantsonchemin.Mêmeaprèssondépart,jecontinued’observerdanssadirection.«Tuesmonfrère,Jullian…»,jemerépète.Ilauraitpumetuermaisilnel’apasfait.EtpourquoiavoiraidéDamienàs’échapper?–Monsieur,m’interpelleunpompiercourantversmoiavecunetroussedesecours.–Monsieur,vousm’entendez?meredemande-t-il,commejeneréagispas.Jefinisparhocherlatête.Ilm’examinerapidementetdemandequel’onamèneunecivière.Jeprendssurmoipournepashurlerdedouleurlorsquedeuxhommesm’yinstallent.–Attendez!crieunevoixquejereconnaisinstantanément.Martial.LepèredeLola.–OùestThomas?m’interroge-t-ilsanspréambule.– Il est entré dans le bâtiment avec son équipe un peu avant l’explosion, je l’informe, sachant

pertinemmentquejesuisentraindeluiapprendrelamortd’undesesfils.Jesuisdésolé,j’ajoutealorsquelesilences’abatsurnous.

–Jevais…Onvaleretrouver,finit-ilpardire.Jepréfèrenerienrépondre.Jeneveuxpasleconforterdanssesespoirs,niluidirelefonddema

pensée.Personnenepourraitsurvivreàunetelleexplosion.–MonsieurMorell,jel’interpelle,avantqu’ilnes’éloigne.Jenesaispassic’estvrai,maisavant

quelessecoursn’arrivent,JoshuaestvenumedirequeDamiens’étaitéchappé.–Jelesais,dit-il.Ilavanced’unpas,s’arrêteetmescruteuninstantavantd’ajouter:–Thomasm’arévéléquevousétiezunagentdouble…Quandbienmême,vousneméritezpasma

fille.Jeneprendspaslapeinederépondre.Aprèstout,iln’yariendenouveau.Jesuisseulementsurpris

lorsqu’ildemandeauxambulanciersdem’emmenerdanslemêmehôpitalqueLola.–Merci,jesouffle,alorsquelechariots’ébranle.

***

Jemefrottelevisageetcontinuederegarderfixementlaportequisedressedevantmoi.Àpeinelasage-femmeavait-elleterminémessoinsquemamèrem’apprenaitlanouvelledel’explosion.

–Mapuce,tudevraisretournertecoucher,ditdoucementmamèreenberçantmafilledanssesbras.–Jenesaispas,jeluiréponds.C’estlavérité,jenesaispasquoifaire.CarJerrysetrouvederrièrecetteporte,blessé,etjenesais

pas comment il va. Je sais simplement qu’il est arrivé il y a plus d’une heure et que des médecinss’occupentde luiencemomentmême.Thomasest toujoursportédisparu,etmoi, je reste là,àscrutercettefoutueporte,parcequejenesaispasquoifaired’autre.Sijelaquittedesyeux,j’aipeurqu’ilsepassequelquechosed’affreux.

Jerryetmoi,c’estcompliqué.Onnevapassementir.Ilestpartienmelaissantenceintedevantl’autelpourfairejenesaisquoi,maisj’aimecethomme.Enfin,jel’aimais…Etmerde!Jel’aimeencore.Jesouhaiteraistellementneplusressentirtoutça,aprèscequ’ilm’afaitsubir,maisc’estplusfort

quemoi.

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Jeluienveuxterriblementdem’avoirabandonnéepourpartiravecuneautre,faireéquipeavecunecriminelleousauversonfrère(j’avoue,jen’aipastoutcomprisdanscettehistoire),maispasaupointdeleperdrepourtoujours…

J’essaiedecontenirmeslarmes,maisfinisquandmêmeparenessuyerune,égaréesurmajoue.–TuasdesnouvellesdeThomas?jedemandeàmamèresansquitterlaportedesyeux.–Lola,pasplusqu’ilyadeuxminutes.Jesoupire,désespérée.–Tupourraisallerprendreunedouche,çateferaitdubien,tenteànouveaumamère.–CommentvaSamantha?–Mattl’aemmenéechezsesparents.Elleavaitbesoinderespirer,etpourlemoment,ellenepeut

rienfaired’autrequ’attendre.Toutcommemoi…Est-ceque,lorsquetoutçaserafini,JerryrepartiraavecÉlia?Est-cequ’ilvoudravoirsafille?Il

aditqu’ilnousaimait,maisest-cequejepeuxlecroire?Aprèstout,illedisaitaussiavant,maisilestquandmêmeparti.

–TucroisqueThomasest…Bon sang, je n’arriverai jamais à finir unephrasepareille tellement cette perspectiveme semble

impensable.–Lola,justeunedouche.Tudoisfaireautrechosequ’observercetteporte.Lapetitechoisitcemomentpours’éveiller.Mamèremela tendet je lapelotonnecontremoi.Je

plongemonregarddanssesyeuxnoirsetdéposeunlégerbaisersursonfront,cequisemblel’apaiserpuisqu’elleserendort.

–Jecroisqueladouche,c’estunetrèsbonneidée,lancelavoixdeDamienderrièremoi.Jemeretourneetl’observes’avancerversnousenboitant,levisagefermé.Mamèreleprenddans

sesbras,puisl’observelonguementavantdeluidire:–Tuesblessé,Damien,tudevraisêtrecouché.–Jevaisbien,maman,luirépond-ild’unairtriste.Jevoulaisaiderpourlesrecherches,mais…–Non,çava,tuenasassezfait,lecoupe-t-ellefroidement.Choquéeparletondesavoix,jejetteuncoupd’œilàmamère.–Maman,Damienn’estpasresponsabledel’explosion!jeledéfends.Mamèreetmonfrères’observentensilence,puisDamiensetourneversmoietmeditdoucement,

ens’approchant:–Alors,montre-moicettemerveille.Illafixelonguementet,pendantuninstant,j’ail’impressionqu’ilseretientdepleurer.–Thomasest…mort?jedemande,prised’unétrangepressentiment.Ilnemerépondpasetgardelesyeuxrivéssurmafille.–Lola,jetel’aidit,nousn’avonspasdavantagedenouvelles,répondsèchementmamère,agacée.–Mamana raison, tudevraisallerprendreunedouche. Jevais rester là,et sionensaitplus, je

t’appelle,ditDamien,toujourssansmeregarder,l’airéteint.–Thomasnepeutpasmourir,jesors,aveclafâcheuseimpressionquel’onmecachedeschoses.SaufqueDamienn’avraimentpasl’airbien.–Jesais,dit-ilenlevantfinalementlesyeuxversmoi.–Samanthaestenceinte,alorsilnepeutpas,jesors,commesic’étaitunraisonnementimplacable.Damienblanchitsoudainement.J’aicommel’impressionquejeviensdeluiarracherlecœur.–Damien,çava?–Oui,répond-ilsèchement.–Honnêtement,tumefaispeur.TuensaisplusàproposdeThomasettuneveuxpasnousledire?

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–Non,jen’aipasdenouvellesdeThomas.JenesavaispasqueSamanthaetluisongeaientà…–…sereproduire?jefinispourlui.Enréponse,ilmejetteunregardnoir.–Damien,ilsviennentdesemarier.Doncçanemesurprendpas…Qu’est-cequite…MonDieu!

TuesamoureuxdeSamantha!jem’exclame.J’ai beaum’être pasmal focalisée surma petite personne ces derniers temps, j’ai quandmême

constatéqu’illaregardaitbizarrementparmoments,etqu’ill’évitaitdeplusenplus.–Nedispasn’importequoi,lance-t-ilfroidement.Nousnousscrutonsensilenceetjemedemandeencoreunefoiscommentj’aipupasseràcôtéde

ça.Jemedoutaisqu’ilyavaitanguillesousroche,maispasàcepoint…D’unautrecôté,comptetenuquejen’aipasvuvenirlefaitquemonfiancéallaitmequitterdevant

l’autel,jecroisqu’ilestdésormaisofficielquejen’aiaucunsensdel’observation.–Vaprendretadouche,Lola,ditànouveauDamien,quisemblepluscrispéquejamais.Lebébés’agiteànouveau.Jeregardel’heure.–Jevaisnourrirlapetiteetprendreunedouche,jedissuruntonquisignifie«J’enaipasfiniavec

toi».–Tuasbesoindemoi?medemandemamère,quinecessederegarderDamiendetravers.Finalement, jenedevaispasêtre laseulequin’avaitpasvuvenir lecoupdel’amourettedemon

frère.–Non,çava,jeréponds.Detouteévidence,elleveutresterdiscuteraveclui.Etpuis,j’avouequejenesuispastrèsàl’aise

avecl’allaitement,alorsjepréfèreêtreseule.C’estpasfaciledetrouverlabonnepositionpourmettremapuceauseinetjeneraffolepasdememontrertoplessdevantmamère.

Jeparviensàmachambreplusfatiguéequejamais,avecmafilleplusaffaméequejamais.–Maisoui,tuvasmanger,moncœur,jeluisouffleendéposantunbaisersursonfront.Cettefois-ci,çan’estd’aucuneffet:elles’agiteencoreplus.J’avise le fauteuil dans le coin de la chambre, y posemes fesses avec une grimace et rabats la

couverture. J’ai l’impression qu’un busm’a roulé dessus et qu’il s’est acharné. J’ouvremon haut depyjama et approche ma fille de mon sein. Je grimace un peu plus quand elle se met à téter avecconviction.

Bordel,j’avaispasassezmalpartout!Jejetteuncoupd’œilaupetitbiberonposésurlatableàlangeretlescruteintensément.Jesensmes

yeuxquiseferment.Jelesrouvre,fixeànouveaulebiberon,lesreferme.

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Chapitre26

–Jedormaispas!jem’exclameenmeréveillantensursaut.Jeregardemesbrasnus.Mafille!Oùestmafille?Affolée,jesoulèvelacouverture,bondis,prêteàarpenterlaTerreentières’illefautpourretrouver

monbébé,etmefigeinstantanémentquandmonregardtombesurlui.–Jesuisdésolé, jenevoulaispas te réveiller,medit Jerry toutdoucementencaressant lapetite

mainpoteléedenotrefilleensouriant.–Je…C’estlebiberon!Ilm’ahypnotisée!jesors.Maisbonsang,qu’est-cequejeraconte!Ilmeregarde,amusé,etfinitparmedire:–Cen’estpasquelavuemedérange,loindelà,maisjecroisquetudevraisterhabiller.Jebaisselesyeuxetremarquemapoitrinenuedardantfièrementdutéton.Jerougisàlavitessede

lalumièreetrabatslespansdemonhautdepyjama.–Je…jereviens,jelance,mortifiée,encourantverslasalledebains.Jerefermevivementlaporteetyresteadosséeunmomentavantdemerendrecomptequejesuis

danslenoir.J’allumelalumièreetsursautelorsquejecroisecequisembleêtremonreflet.Bonsang,j’aimorflé!Mescheveuxpartent dans tous les sens,mesyeux sont cernés etmon teint est aussi pâleque les

fessesdeDracula.Maisqu’est-cequeJerryfaitlà?J’aidormitantqueça?Jecroyaisqu’ilétaitblesséoujenesaisquoi?Est-cequ’ilm’aregardéedormir?C’estmarrant,maislaréponseàcettedernièrequestionmesembleaussiterrifiantequ’excitante.EtThomas…J’entrouvrelaporteetobserveuninstantensilenceJerryquinem’apasvue.Ilestassisdansun

fauteuil roulant, une couverture de l’hôpital sur les genoux. Il semble épuisé et présente quelquesecchymosesauvisage,mais ilsouritànotrefille. Ilsepenche, luimurmurequelquechoseetsouritdeplusbelle.

Jecroisquejenel’aijamaisvusourirecommeça…Ilal’air…enpaix,moinstorturé…Soudain,illèvelesyeuxetm’observeàsontour,surpris.

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–JevoulaissavoirsituasdesnouvellesdeThomas,jedemande,lavoixenrouée.–Tonpère l’a retrouvé. Il souffred’unecommotioncérébrale, aplusieurs côtes ainsiqu’unbras

cassés,maisilaeubeaucoupdechance.Jefermelesyeuxetrespire,profondémentsoulagée.JelesrouvreetdétailleJerryuninstant.Ses

larges épaules, samâchoire carrée, ses yeux gris tempête. Pendant une seconde, plus rien n’existe endehorsdesonregard.

Bonsang,desmoisàsouffrirlemartyreetj’aimetoujourscethomme…Etmerde!jejurementalement.–Ilsembleraitquetoiaussitusoischanceux,jedisdoucement.–Oui.Cenesontquedesblessuressuperficielles.–Tudoisêtrecontent,tuvasbientôtpouvoirteremettreàtestrucsd’espions,jelâche,avantdele

regretterquandjevoissonvisagesefermer.OK,c’estcompliquéentrenous,maisjen’aipasnonplusbesoindel’asticotercommeça.Enmêmetemps,c’estinjuste.Lui,ilesttropsexyavecnotrefilledanslesbras(ondiraitunepub

pourdescouchesouuntrucdans legenre)et ilnesemblemêmepasmalheureux,alorsquemoi, jeneressembleàrienetj’ailecœuraussibriséqu’ilyaquelquesmois.

Etpuis,detoutemanière,c’estluiquiacommencéenmequittantavecunelettre!Quelgenred’hommefaitdeslettresderupture,d’ailleurs?Desringards,sansaucundoute…Mouais,c’estunringardbiensexy,quandmême…–Lola,jetel’aidit,jenepartiraiplusmaintenant.Jebaisselesyeuxetobservelesol–qui,soitditenpassant,esttrèsmoche.Iltoussoteetfinitparchuchoter:–Merci.Jesecouelatête,necomprenantpaspourquoiilmeremercie.Ilmeremercied’êtreunepeste?–Avantdeteconnaître,jenepensaispaspouvoirêtreheureux,avoirunefamilleetjenecroyais

certainementpasenlavieniauxmiracles.Maistoutachangéaujourd’hui,finit-ilensouriant.Biiiip,moncerveauvientdedécéderetmoncœurd’exploser.HeuredudécèsdeLolaMorell:en

fait,j’ensaisrien,jesaismêmeplusqueljouronest!J’ouvrelabouche,cherchequelquechosed’intelligentàdireetlareferme,fautedemieux.Jerrymeregarde.Ilsembleattendreuneréponse,maisriennemevientàpart:–Jevaisprendreunedouche.Jeretournedanslasalledebainsettented’apaisermesbattementsenposantunemainsurmoncœur

quisemblevouloirbondirhorsdemapoitrine.Poitrinequej’aidenouveauàl’air,quiplusest!Ilvientdemefaireunedéclaration,etmoi,j’avaislesnichonsàl’air!jem’écriementalement.

Saletésdepressionsquinetiennentpas!Jecroiseànouveaumonrefletdanslaglaceetsursautedeplusbelle.Donc,j’avaislesseinsàl’airetcettetronche-là!Jemepencheetcollemonfrontsurleborddulavabo.Lola,reprends-toi…,jemerépète.Lesmots,cenesontquedesmots.Cequicompte,cesont lesactes.Etcetypet’aabandonnée

commeunemerdedevantl’autel,medis-jepourgarderlatêtefroide.Je ne suis pas certaine que çamarche, parce qu’après deux longuesminutes, j’ai toujours autant

enviedemecollercontreluietdel’embrasserjusqu’àl’asphyxie.Bon,alors,onvapenserautrement:cen’estpasparcequejepenseçaqu’ilestobligédelesavoir.Jemerelève,froncelessourcils.–Maisqu’est-cequejeraconte?!jem’exclameenmedéshabillant.

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Le fait est que j’ai des sentiments pour lui.Ce qui est logique, après tout. Je viens quandmêmed’avoirunenfantavecluietj’aifaillil’épouser.

J’ouvrel’eauetmefige.Etsij’avaismalcompris?Ilnem’apasditqu’ilétaitfoudemoioujenesaisquoi,ilm’aremerciéepoursafille.Iladitqu’ilnepensaitpasavoirdefamilleunjour…C’estlaloose,ça.En réalité, c’était un remerciement pour avoir pris plus de vingt kilos dans la tronche, mes

vergetures,etjeneparlemêmepasdel’accouchement!Heureusementquejen’aipassortiuntrucdugenre«Moiaussi,jet’aimeàlafolie,mêmesituas

étéleplusgrosconnarddelaTerre».Jemeglissesousladoucheavecunegrimacetantmoncorpsestdouloureux.S’ilm’aremerciéepoursafille,est-cequeçaveutdirequ’ilcompteaumoinsparticiperàson

éducation?Uneimageterrifiantemetraversel’esprit :moi, toujoursaussi informe,quimepromèneavecdes

restesdepetitspotscollésdanslescheveux,et lesamedi,Jerryquiviendraitcherchersafilleavecsanouvellecopine(qui,elle,évidemment,ressembleétrangementàHeidiKlum!).

Jepassematignassesousl’eauetmesavonnefrénétiquementdespiedsàlatête.Jetentedepenseràautrechose,maisHeidirevientàlacharge.Ets’ilsfontd’autresenfants?EtsimafilleaimeplusHeidiquemoi?Moncœurs’accélère.Jecroisquejesuisentraindefaireunecrised’angoisse!Jecoupel’eau,mesèchevivementetm’enrouledansuneserviette.Jeprendsunegrandeinspirationettentederelativiser.J’yarrivepas!medis-jeenmemettantàpleurer.–Toutvabien?demandeJerryàtraverslaporte.–Ouich,jerépondsenm’essuyantlenezavecmaserviettedebain.–Tuessûre?–C’estjusteleshormones,jesorsenhoquetant.–Lola…,commence-t-il.Pourune raisonquim’échappe, le simple faitqu’ilprononcemonprénomme faitpleurerencore

plusfort.–Lola…,essaie-t-ilànouveau.Jemeretourneetlevoisàl’entréedelasalledebains.Ilsetientcontrelechambranleetsemble

avoirdumalàresterdebout.–Jesuisdésolé,jenevoulaispastefairedepeine,toutàl’heure,souffle-t-il.–C’estpasça,jedisenmemordantlalèvrepourarrêterdepleurer.Ilm’observe,deplusenplusperdu.–Alorspourquoitupleures?medemande-t-il.–Pourrien,jerépondsenreniflant.Ilfaitunpasversmoi,maischancelle.–Tudevraisretournert’asseoir,jeluidisenm’approchantpourl’aideràregagnersachaisetouten

reniflantbruyamment.Ilmefixeuninstant,puispassesonbrasautourdemesépaules.Jecommenceàavancer,maispas

lui.Ducoup,jerestesurplace.Jelèvelesyeuxet,quandjemeretrouvehappéeparlessiens,jemedisquejenemeremettraijamaisdujouroùilm’aquittée.Moncœursouffriratoujours,parcequejenepeuxpasm’empêcherdel’aimer,etdelehaïràlafois.

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–Pourquoitupleures,Lola?demande-t-ilànouveauplusdoucement.Jesecouelatête,baisselesyeuxetdécidedenepasluidirecequejeressens.Jemetrouvedéjà

assezridiculecommeça.Ladernièrefoisquejeluiaiouvertmoncœur,ilenafaitdelachairàpâté.–Jesuisjustefatiguée.C’estleshormones,jesouffleenletirantdoucementpourqu’ilavance.Ilm’observeuninstant,commes’ilvoulaitajouterquelquechose,maisneditrienetsedirigeavec

moiverssonfauteuil.Ils’ylaissetomberensoupirantetattrapemonbrasavantquejefassedemi-tour.–Lola,jevaisfaireensortequetunepleuresplusjamaisàcausedemoi,chuchote-t-il.Je le scrute quelques secondes et dégagemon bras avant de retourner dans la salle de bains en

silence.Jesenslepoidsdesonregardsurmoi,maisjedécidedel’ignorer, toutcommemoncœurquipleuretoujoursdepuislejouroùilm’alaissée.J’aiapprisilyaquelquesmoisquel’amour,çaneservaitàrien.

J’inspireprofondémentetfermelaportedelasalledebains.Jeneveuxpasqu’ilsemarieavecHeidiKlum,maisjeneveuxplusressentircequej’airessenti

lorsqu’ilm’aquittée.Doncmessentimentsresterontlàoùilssont,aufonddemoi.Jeretiremaserviette,sors lepotdecrèmedemonvanityet fronce lessourcilsenregardantmes

fessesdanslemiroir.Toujourscettefoutuevergeturequimenarguedepuismafessedroite!Jesoupireetmebadigeonnevivement.

JenedevraispaspenseràJerryettoutça,maisplutôtàmonbébéquin’atoujourspasdeprénom.Jeveuxluioffrircequ’ilyademieux.Aujourd’hui,jesuisdevenuemaman,etc’esttoutcequidevraitcompter.

Je croise à nouveaumon reflet, qui est passé d’« effroyable » à « passablement vilain », etmedemandemalgrémoisiJerrymetrouvemoche.

Oui,jedevraism’enfoutre,maisvoilà,j’yarrivepas!J’ouvrema valise en soupirant et en observe le contenu. Je passe en revuemes pyjamas et me

décidepourunensemblesobreencotonbeigequis’attachesurledevant.Ilest joli, simpleetenvoieunmessageclair :«Gardepour toi tesyeuxde lover, jenesuispas

intéressée. »Ou alors : « Je viensd’accoucher, et les attaches sur le devant, c’est plus pratiquepourallaiter.»

Jecroisquejeprêtebeaucoupdesensàcepauvrepyjama…J’enfile une culotte qui remonte jusqu’àmes seins, un soutien-gorge d’allaitement, et enfin, mon

pyjamacouleurcrème.J’observemeschaussettesducoindel’œiletdécidedepassermontour.J’aimalpartoutetnesuispascertainedepouvoiratteindremespieds.

Enfin,j’attrapeunecrèmehydratanteeffetbonnemineetlaregarde,hésitante.Bon,onvalamettre!MaispaspourJerry,pourlesphotos…Çaseraitconquej’aieunesalegueulesurlesphotos,quandmême…Jel’appliqueavecprécautionetmedisquejeressemblemaintenantàunecarottepasfraîche,hésite

entreajouterdelapoudreetlaissertelquel.Résolue,j’attrapefinalementmonfonddeteintTerracottaetm’enbadigeonne.Bien.Maintenant,ondiraitquejereviensduski!Jeprendslegantdetoiletteetmedébarbouille.LestyleDracula,c’estbienaussi,aprèstout.Etpuis,detoutemanière,lemalestfait:Jerrym’adéjàvuesansrien.Enfin,jeveuxdireMatt!Il

m’adéjàpriseenphotosansmaquillage.Je me sèche les cheveux après les avoir démêlés, puis décide de les attacher en un chignon

désordonné,parcequej’enaimarre,quejeveuxretournermecoucher,etque,finalement,jemefichedeJerryetdesphotos.

J’observeunedernièrefoismonrefletetdoismerendreàl’évidence:j’aitoujoursunesaletête,ettoutçam’aencoreplusépuisée!

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Jesoupireetretourneàmonbébé–etàmonexbientropbeaupourêtrehonnête.J’ouvrelaporteetsuisaccueillieparAlex,quis’écrie:–Ehben,unpeuplusetonappelaitlespompierspourt’extirperdecettesalledebains!–Jenepensaispasquevousétieztouslà!jem’exclameenjetantuncoupd’œilmauvaisàmonlit,

quiestinaccessible,puisqueMattyestaffalé.– Ma puce, elle est magnifique, souffle mon père, les yeux rougis, en berçant ma fille qui est

certainementdéjàpasséedebrasenbras.–Merci,papa.Alors,commentvaThomas?jedemande,enremarquantqueniluiniRouquinene

sontlà.–Bien.SamanthaetThomasse…retrouvent,medit-il,lessourcilsfroncés.–«Seretrouvent»?jerépète,amusée.–Pitié,nem’endemandepasplus,mafille,lance-t-ilenriant.–Bon, alors,Lola ?On s’impatiente ! lanceMatt enm’observant puis en se tournant vers Jerry,

commeungaminquiattendlematindeNoël.Je coule un regard en direction de Jerry pour voir s’il comprend de quoi il s’agit,mais pas de

réaction.Ildemeuredansuncoindelachambreetnesemblepasvraimentàsonaise.Enmêmetemps,vuqueMattet luisesontbattusladernièrefois…Enfait, rectification:monfrèrecognait,maisJerrynesemblait pas chercher à se défendre.Mais bon, le résultat est lemême : tousmes frères rêvent de lefrapper,doncforcément,çanedoitpasfranchementlemettreenconfiance…

–Lola,onveutsavoircommentelles’appelle!chouineAlex,surexcité.Jetoussote,malàl’aise.Déjàparcequejen’aipasderéponseàleurapporter,etenplus,parceque

j’avouequejen’yaipasréfléchi.Jenesaispas,j’aitoujourseulesecretespoirqueJerryseraitlàetqu’ondécideraitensemble.Minederien,choisir lenomqu’unêtreportera toutesavie,çan’estpasàprendreàlalégère!Etpuis,jen’aipaseudecoupdecœurnonplus,malgrélafouledepropositionsdemafamille.Etlà,maintenant,voilàqu’ilsm’observenttous,etjenesaispascommentleurannoncer.

–Lola,tuaseupleindelistespourt’aiderdanstonchoix,glisseMattenselevantetserendantàcôtédemonpère,quibercetoujourslapetite.

Jegrimaceausouvenirdelasienne.– Je sais, pas la peine de me mettre la pression ! Et non, elle ne s’appellera pas Shakira ou

Coccinelle,oujenesaisquoiencore.J’observeJerryquijetteuncoupd’œilàsafillepuisàmonfrère, l’airdedire«Pitié,ni l’unni

l’autre».–Effectivement,aucundesdeuxn’iraitàmamerveille,lanceMattensouriant.Sa«merveille»?!–Tuesconscientquec’estmonbébé,pasletien?jetente,lessourcilsfroncés.–Mamandoitêtrefatiguée,elleneditquedesbêtises.Parcequetoutlemondesaitquejesuiston

tontonpréféré!gazouille-t-ilàmafilleenpassantleboutdesonnezdanssespetitesbouclesnoires.Jelèvelesyeuxaucieletsecouelatête.Finalement,vivreavecluivaêtreàdoubletranchant.Le

bon côté, c’est qu’il s’occupera de la petite, le mauvais, c’est qu’il ne la lâchera pas facilement !Heureusement,j’allaite,doncjesuissûrequ’ilmelalaisseraaumoinspourqu’ellesenourrisse.

–Matt,lâchel’affaire.Ilssontnuls,tesprénoms!s’exclameAlexenlepoussantpourserapprocherdemafille.

Jesoupireetmetraînejusqu’àmonlitdésormaislibre.Jelesconnais,çavadurerunmoment,cettehistoiredeprénom,alorsautants’installerconfortablement.

–En plus, c’estmoi, son tonton préféré.Hein, que c’estmoi ? babille-t-il àma fille qui pionceroyalementdanslesbrasdesongrand-père.

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Je jetteuncoupd’œil àDamienqui se tientdansuncoin. Je le trouveétrangement silencieux. Ilm’observeàsontouretjen’arrivepasàinterprétersonregard.Ilal’airterriblementtriste.

S’ilaimevraimentRouquine,çadoitêtreduràvivre.Sij’avaissu,jeneluiauraispasannoncécommeça,qu’ilsvontavoirunbébé…–Bon,lesgarçons,çasuffit,grondemonpèreenallants’asseoiraveclapetitedanslefauteuil.MattetAlexsejaugentunedernièrefoisduregard.–Entoutcas,net’inquiètepas,j’airefaitunelistedansletrain,ditAlexensortantunefeuilledela

pochedesonjean.Ilmelatendavecungrandsourireetretourneauprèsdemafille.–Anastasia,qu’est-cequetuenpenses?interroge-t-illebébé.Est-cequejeluidisquemafilleneluirépondrapasoujelelaissemarinerencoreunpeu?jeme

demandeendépliantlepapier.–Alors?finit-ilpardire.Jegrimace.–Siaumoinsonsavaitquelstyletucherches!grogne-t-il.–Elleneveutpasl’appelercommel’affreusedemi-sœurdeCendrillon,ça,c’estsûr!Non,mais

sérieux!EtpourquoipasJavotte!s’exclameMattencroisantlesbras.C’estpasplutôtAnastasie,lenomdelademi-sœurdeCendrillon?–Babe!lanceànouveauAlex,mecoupantdansmesréflexions.LesyeuxdeJerryjettentdeséclairsetjemeretiensderire.Ilnesemblepasfranchementapprécier

cetteproposition.–Maisenfin,c’estpasuncochon!s’énerveMatt.–J’aimaisbienCamille,tentemamère.–Augustine,ditmonpère.Je secoue la tête. Je jetteunnouveaucoupd’œil àDamien. Il commenceàm’inquiéter àne rien

dire.–Damien,tun’aspasdeproposition?jeluidemande.Toutlemondel’observedurement.OK,ilsembleraitquej’aiencoreloupéunépisode…–Hernanda,lance-t-ilavecunsourireencoin.–Sérieux?Tucroisquejevaisappelermafillecommeça!jem’écrie.–Kristen,ditJerry.Surpris,nousnousretournonstousverslui.–C’étaitleprénomdemamère,ajoute-t-il.–C’esttrèsjoli,jesouffle,souslecharme,ensouriantcommeuneidiote.Arrêtedeluisourirecommeça,Lola…Jefroncelessourcilsettentedeprendreunairplushostile.–Non,maiss’ilsortleprénomdesamamandécédée,forcément,onn’aaucunechance!râleMatt

enlevantlesmainsauciel.–Non,là,c’estvraimentpascool,geintAlexàsontour.–Maisqu’est-cequevousavezparié,àlafin?jedemande,intriguée.–Pfff,çan’aplusd’importance,selamenteMatt.–Lolan’apasencoredit«oui»,ditJerry.Ducoup,touslesyeuxsebraquentsurmoi.–KristenMorell,çasonnebien,effectivement.Leurs yeux s’agrandissent etma famille nous observe, Jerry etmoi, tour à tour. Jerry semble en

colère.Apriori,j’aiditquelquechosequ’ilnefallaitpas.

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Ilmedévisagecommesijel’avaisgiflé.– Je pensais plutôt KristenWalker…OuKing, si tu veux que je reprennemon premier nom de

famille,lance-t-il,lessourcilsfroncés.–Bon,ondevraitallervoircommentvaThomas!s’exclamemamèreenbousculantlesgarçonsen

directiondelaporte.–Ahnon,j’aipastrèsenviedelesretrouverencoreàpoil,râleMatt.Mamèresefichecomplètementdesesréticencesetlepousseplusfort.Monpèretoussote,malàl’aise,etselève.Ilregardelebébé,puismoi,puisJerry.Ilsemblenepas

savoirquoifairedenotrefille.–Jevaislaprendre,dit-onenchœuravecJerry.–Aprèstout,elledortbien.Jevaislamettredansleberceau,ditfinalementmonpère.Illadéposedélicatement,larecouvreetjetteundernierregardàJerryavantdequitterlapièce.– Jerry…Enfin…Jullian, jenevoulaispas temanquerde respect.C’est justeque tun’étaispas

présentjusque-là,etjenesavaispasquetuvoulaisqu’elleportetonnom,jeluiexpliquedoucement.Silence.–C’esttafille,tupeuxlavoirquandtuveux,j’ajoutealorsqu’ilcontinuedemefixersansdireun

mot.–Lorsqu’unnouvelagententreàl’Agence,onluidemandes’ilveutchangerdenom,commence-t-il,

unpeuailleurs…Certainsviennent,commemoi,defoyersbrisés,demaisonsdecorrectionoumêmedelaprison,doncc’estunefaçondedémarrerunenouvellevie.Surlecoup,onseditainsiquetouteslesportesnoussontdésormaisouvertes,maisaufinal,unnomresteunnometnenousdéfinitpasentantquepersonne. J’ai beau changer de nom, je suis toujours le même. « Jerry » est autant mon nom que«Jullian».Ilscorrespondentjusteàdeuxpériodesdemavie.

Jefroncelessourcilsetmedemandepourquoiilmeracontetoutça.C’estparcequ’ilnesaitpasquel nom de famille donner à sa fille ? Ou bien qu’à force, il ne sait plus lui-même comment ils’appelle?UnesortedeDrJekylletMrHydeduprénom…

–Elleestparfaite.Jenesaispastropsielleteressembleousiellemeressemble…Jediraisquec’estunmagnifiquemélangedenousdeux,dit-il.

Jenesouffletoujoursrien.C’estmoioulaconversationestbizarre?!J’aipascompriscommentilvoulaitquelapetites’appelleenplus…–Jeneveuxpasvouslaisser,ajoute-t-il.Jefroncelessourcilsetfinisparluidemander:–Ducoup,tuveuxquenotrefilles’appelle…–…Kristen.Çaneteplaîtplus?m’interroge-t-il,surpris.–Jeparlaisdunomdefamille.Parcequej’aipasvraimentcompriscommenttut’appelles,enfait,

jefinisparavouer.–Tuveuxquejereprennemonnom?medemande-t-il.– Non, c’est juste que j’ai pas compris comment tu t’appelles, en vrai ! Si, quand tu es né, tu

t’appelaisJullianKing,maisquetuaschangédenomaprès…Légalement,c’estquoitonnom?–Monnomlégal?répète-t-il.–Oui, je veux dire, tu as changé de nom,mais c’est pas vraiment légal. Tu as rempli un papier

disantquetonnom,çaseraitJerryWalker?Ilm’observeetsembleprendresurluipournepasrire.–Tutemoquesdemoi?jedemandeencroisantlesbrassurmapoitrine,vexée.Ilsecouelatêteetmesourit.–Tum’asmanqué,Lola,dit-ilsimplement.

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–Çanerépondpasàmaquestion…,jesouffle,lessourcilsfroncés.–Tousmespapiersadministratifs,monimmatriculationauximpôts,mesdocumentsd’identification

sontaunomdeWalker,merépond-ilfinalement.–Maisc’estpasvraimenttonvrainom?–Cen’estqu’unnom,maissitupréfèresKing,jepeuxchanger.–J’avouequecettehistoireestexcessivementcompliquée.–Jesuisunhommecomplexe,lance-t-ilavecunlégersourire.Neregardepassesfossettes,Lola…Paslesfossettes…Etmerde!Pourquoifaut-ilqu’ilsoitaussicraquant?!Ilselève,posedoucementsamainsurleventredenotrefilleetsouffle:–Bienvenuedanscemonde,KristenÉvaWalker.Moncœurnevapastenirladistance…

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Chapitre27

–Matt,rapprochel’écran!criePaul,complètementsurexcité,depuisl’autrecôtédel’Atlantique.Car,oui,monfrèreadenouveaurevêtusoncostumedepaparazzi.Saufque,cettefois-ci,ilaposé

sontéléphonepours’emparerdelatablette.PauletWillprofitentdoncd’unemeilleurequalitépourvoirmapuceenvisio.

Mattserapproche,zoomesurlapetite,tandisquemoi,jecontinuedesourire,crispée.Ilfautdirequeçadoitbienfaireuneheurequel’onnousobservesoustouslesangles.

–Commeelleestbelle!s’extasieWill.Jecroisqueçafaitaumoinslacinquantièmefoisqu’illedit.Elleestbelledeprofil,deface,vue

dedessous,dedessus,etmoi,là,j’enaimarre!–Elleestquandmêmeunpeurouge,lancePaul.–Ellevientdesortird’unvagin!Alors,forcément,elleestpasàsonavantage,jesors,vexée.Benoui,mafille,c’estlaplusbelle,na!Etelleestpasrouge.BonOK,elleestrouge,maisd’unrougemignon!Mattredressel’écranpourmefilmer.–Maistuesbiengrognon,ditWillens’approchantdesacaméra.–Will,tuestropprès,onvoittestrousdenez,jesors,deplusenplusagacée.Ilestbientôt9heures,cequiveutdirequeJerrynevapastarder,etjen’aipaseuletempsdeme

préparer.Enplus,ondoitdiscuter.Jesorsdelamaternitédemainetnousn’avonspasparlédelasuite.Car, oui, trouver unmoment tranquille avecma famille envahissante, ça n’est pas simple.Hier, aprèsl’histoireduprénom,jepensaisquenousaurionsunpeudetemps,maisilsn’ontpasvoululâcherlebébéetl’ontprisenphotosoustouteslescoutures.

–Matt,tuferasunephotodeKristenaveclepyjamarose.Tusais,celuiaveclespetitesailesdansledos,lancePaul,alorsqu’onentendTeckyleteckeljapper.

Pourleurmariage,j’aieulabonneidéedeleuracheterunchiot.Souslecoup,çamesemblaituneidéevraimentsympa.Ilsavaienttellementd’amouràdonner…Trop,enfait!

Parcequedepuis,TeckyasapageFacebook,undressingetsaproprechambre.–Regarde,Teckyaussiveutvoirlapetite,s’amusePaulenattrapantlechien.Pourtouteréponse,jetendslebrasetappuiesurleboutonmarche/arrêt.–Maispourquoituaséteint?!râleMattentournantlatablettepourlarallumer.–J’aipasfaitexprès,jesors,detrèsmauvaisefoi.–Biensûrquesi,jet’aivue!Tuastendulebras.–Onétaitdansuntunnel,jelanceenmelevantpourposerlapetitedansleberceau.

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–Hein?!Maisqu’est-cequeturacontes?–Onnecaptaitplus,jechuchoteenposantKristenquidortetenlabordantavecsacouverture.–Oncaptaittrèsbien,ditMattencroisantlesbras.–Crois-moi,fairelaconversationavecTecky,c’estpasdrôle.Donconnecaptaitplus,jeréponds

enmedirigeantversmontéléphonequiafficheunappeldeWill.–Mais…Jerêveoujeviensdetevoirluiraccrocheraunez?lanceMatt.–Tusaisquoi?Jevaisallerprendreunedoucheettelaisserfairelaconver…Jen’aipasletempsdefinirqueMattm’arracheletéléphonedesmainsetrépondaudeuxièmeappel

deWill.–Salut,non,LolanousjoueunremakeduGrinch!JetirelalangueàMattetattrapemonpeignoirdanslefauteuil.–Oui,pasdesouci.Dèsqu’onlereçoit,jeprendraiKristenenphotoavec…Oui,jemettrailepetit

doudouavec…Çaseratropchou…Jedevraispeut-êtreacheterunchienaussiàMatt.OualorsjevoleMaurice,lechiendeSamanthaet

Thomas…Maisçarisqued’êtrecompliqué,vucommeilstiennentàleurbestiole.Jevendraisbienlesservices de Raspoutine, mais soyons honnêtes, mon chat cul-de-jatte est plus capricieux que MariahCarey.

– Lola, maquille-toi et coiffe-toi ! J’aimerais qu’on fasse les photos avec Jerry, Kristen et toiaujourd’hui,melanceMattavantquejen’entredanslasalledebains.

–Maisonlesadéjàfaiteshier!–Oui,etc’estpourçaquejetedemandedetemaquiller.–Distoutdesuitequej’aiunesaletronche!jem’exclame.–Paul,dis-lui,lance-t-ilàsontéléphone.Ilmetlehaut-parleurettendlebrasdansmadirection.–Iln’apastort!Lola,j’aivulesphotos.Etmetsdel’anticernes,surtout,meditPaul.–Non,mais je rêve!Le jouroù…Non,enfait,voussavezquoi?Vousm’agacez, tous!Jevais

prendremadouche!jerâle,vexée.J’entredanslasalledebains,allumelalumièreetsursauteencroisantmonreflet.Ouch!–Ondiraitmamère!jechouinedevantmonreflet.

***

Jeconsultemamontre.Ilestpresque9heuresetlemédecinn’esttoujourspaspassé.J’allume,puiséteinslatéléauboutdequelquessecondes.Enfait,jen’aimepaslaregarder,àpartquandLolaestcontremoi. Je m’adosse à la tête de lit et grimace de douleur. J’ai plusieurs côtes cassées, mais j’espèrepouvoirsortirdemain,enmêmetempsqueLolaetKristen.Jen’aipaslamoindreidéedel’endroitoùjevais loger ni comment les choses vont se passer avec elles, mais je sais que je vais faire tout monpossiblepourêtreauprèsdemafamille.Jemepasselesmainssurlevisage.Inlassablement,jemeposecettequestion:«Est-cequeLolam’aimetoujours?»Ellemehantelittéralement.

Onfrappeàlaporte,cequimecoupedansmespensées.–Oui?jelance.Damienentre.Sonvisageestdur,sesyeuxsansvie.–Jevenaisvoircommenttuallais,dit-ilens’asseyantdanslefauteuilàcôtédemoi.–Jevaisbien,ettulesais,jeluiréponds.Ilsembleperdu.–Qu’est-cequ’ilya,D.?jeluidemande.

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Onnepeutpasdireàproprementparlerquel’onsoitamis.Maispourmoi,finalement,ilestceluiquis’enrapprocheleplus,jecrois.TouscesmoisloindeLolaontétéexcessivementdursetilatoujoursété làpourmoi. Ilmedonnaitdesnouvelles,mepassaitdesphotosetvérifiaitqu’ellenemanquaitderien.

Illèvelatêteetfinitpardiredoucement:–Jesuisdésolé,J.Jefroncelessourcils.–Tuesdésolédequoi?jel’interroge,necomprenantpasoùilveutenvenir.L’airagité,ilsemetdebout.Ilsemblefébrile.–Tulesaistrèsbien.C’estmoiquit’aiditdequitterLolapoursauvertonfrère.Jesuisresponsable

de tout cemerdier, lance-t-il en se passant unemain dans les cheveux. Thomas a faillimourir… J’aicru…Bonsang,masœurnetepardonnerapeut-êtrejamais!Etaufonddemoi,jelesavais,jesavaistoutça,maisjenepensaisqu’àcettefoutuemission,finit-ilpresqueencriant.

«Ma sœur ne te pardonnera peut-être jamais. Et au fond de moi, je le savais »…, je répètementalement.

–Etpourfinir,rienn’achangé,àpartquetuastoutperduparmafaute.Q.esttoujoursenliberté,tonfrèretoujoursprisonnier…Alors,jesaisquetutefichescertainementdemesexcuseslamentables,maisjevoulaisquetusachesquejevaisarrangerleschoses.

–«Arrangerleschoses»?Ilsedirigeverslaporte,meregardeunedernièrefoisetmedit,lavoixéraillée:–PrendssoindeLolaetdemanièce.–D.,qu’est-ceque…–Promets!mecoupe-t-il.–Tusaistrèsbienquejemourraispourelles,jerépondsdurement.Ilsemblesatisfaitdemaréponsepuisqu’ilacquiesceets’enva.Jeresteunmomentinterdit,àmedemanderdansquoiDamienvaencores’embarquerets’ilaraison

pourLola.Ellenemepardonnerajamais…Je tente de repousser les craintes qui neme quittent plus depuis desmois, mais elles sont trop

présentesetmenacentdemesubmerger,jen’yarrivepas.Ilfautquejefassequelquechose,jenepeuxpasresterlà,àattendrevainement.Jemelèveavecdifficulté,regardelefauteuilroulantquinecessedemerappelermadernièrehospitalisationetmapeurdeneplusjamaispouvoirmarcherunjouretattrapevivementlacanne.

Plusjamaisjenem’assiéraidanscefauteuil.Jeveuxjoueravecmafille,pasqu’ellemepromènecommeunimpotent.J’ouvrelaporteetemprunteavecpeinelecheminverslachambredeThomas.Aprèscequimesembleêtreuneéternité, j’yarriveenfinet frappeà laporte.Samanthaouvreetm’observe,l’airsurprise.

–Euh,désolée…Bonjour,Jerry,finit-ellepardireenrougissant.–Bonjour,Samantha.Est-cequejepeuxparleravecThomasuninstant?jedemandepoliment,en

gardantpourmoique,sijenem’assiedspasdanslesminutesquisuivent,ilyadeforteschancesquejem’écroule.

–Bien…Biensûr,dit-elleenmelaissantentrer.Jemetraîneàl’intérieurdelachambreettombenezànezaveclepèredeLola.Thomassemblelui

aussisurprisdemevoir.Ilestassisdanssonlitetm’observeensilence,lessourcilsfroncés,levisagesansémotion.

Avecunsourireattendri,ils’adresseàsafemme.–Samantha,tunevoulaispasvoirLolaetKristen?

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Ellehochelatête,attrapeunsachetdebonbonsetnouslaissesansunmot.–Jepeux?jedemandeenpointantunechaisequimefaitdangereusementdel’œil.–Biensûr,ditThomas.Jem’yinstalleetnousnousscrutonsensilence.–Jen’aipaseul’occasiondeteféliciterpourtafille.Elleesttrèsbelle.Noussommesalléslavoir

hiersoiravecSamantha,maistuétaisdéjàparti.Jerêveouladernièrepartiedesaphraseressembleàunreproche?Jenesuispaspartidemonpleingré.JepiquaisdunezetLolaademandéàsonfrèreAlexdeme

raccompagnerjusqu’àmachambre.Pourmapart,j’auraispréféréresteravecmafemmeetmafille.MaisjemegardebiendeledireàThomas.

–Damienestvenumerendrevisitecematin,jelance,tendu.–Ilvousaditqu’ilavaitétésuspendudesesfonctions,etvuquevousêtestoutaussiresponsablede

cettechienlit,vousvousêtesditquevouspouviez tenterd’arranger leschoses?commence lepèredeLola.

Ilaétésuspendudesesfonctions?– Jenevoulaispasvous l’annoncer si tôt,maispuisqueDamienn’apas su tenir sa langue…Le

conseil administratif de l’Agence a décidé de vous renvoyer pour faute grave. Vous recevrez lesdocumentssouspeu,continue-t-il.

–«Fautegrave»?Jen’aifaitquesuivrelesordres!jedis,deplusenplusénervé.–Desordresqui émanaientdeDamien,unagentquin’était en aucuncas l’undevos supérieurs.

Après,monfilsa,pourunefois,décidéderéfléchiretasouhaitéassumerl’intégralitédesactescommis.Cequiveutdireque,sivoussouhaitezfaireappelencorroborantsaversion,vousdevriezavoirgaindecause.Jepensesincèrementquevotreplaceauseindel’Agenceseraplusfacileàreconquérirqu’auseindenotrefamille.

JeserrelespoingsetobservetouràtourThomasetsonpère.Donc,poureuxdeux,ilestclairquejen’aiaucunechanceavecLola.

J’accuselecoupetmedemande,hésitant,sijedoisleurrapportermaconversationavecDamien.–Votrefilsnem’apasrévélésasuspensionauseindel’Agence.Ilm’afaitpartdesavolontéde

rétablir leschoses. Jepensequ’ilvaessayerde retrouverQ.parsespropresmoyens.Et,avec tout lerespectque jevousdois,Damienn’est pasun irresponsable sans cervelle.C’est un trèsbonagent, etmêmesileschosesnesesontpasdérouléescommeillesouhaitait,ilatouttentépourserviraumieuxlesintérêtsdel’Agenceetdevotrefamille,jetermineenmelevant.

–Si,selonvous,cequevousavezfaitsubiràmafilles’appelle«serviraumieuxsafamille»,vousdevriezappelervotreenfantKristenÉvaMorell.

Mamâchoiresecrispe.–Mafamilleestmapriorité,jelance,plustenduquejamais.–Non.Lamienneenestune.Entrente-septansdecarrière,jen’aijamaisfaitsubiràmafamillece

quevousvousêtespermisdefaireàLola.–Tudevraispartir,maintenant,Jerry,lanceThomas,leregarddur.L’espaced’uninstant,jemedemandes’ilsouhaitequejesortedesachambreoudelaviedeLola.–Loladoitm’attendre,jedispourfairecomprendrequejenecomptepaslalaisserànouveau.Ilsnerépondentpas,etjem’envaisensilence.Unefoisdanslecouloir,jeprendsunesecondepourrespirer.Damien,qu’est-cequetuvasencorefairecommeconnerie…?

***

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–Donc,tuesenceinte?demandedoucementMattàRouquine,quirougitàlavitessedelalumière.Elleregardeàdroite,àgauche,maisAlexrevientàlacharge.–Tusais,c’estunetrèsbonnenouvelle,souffle-t-ilavecunsouriremachiavélique.Maisqu’est-cequ’ilspréparentencoretouslesdeux?Rouquineposelesyeuxsurmafillequidortdanssesbras.SiellepensequeKristenval’aideràsedépêtrerdecesdeux-là,ellesemetledoigtdansl’œil!JeprendsunenouvellepoignéedeDragibusqueDorim’aamenésetobserveavecdélectationson

supplice.–Allez, je t’en prie,ma Sammy,ma Samounette,ma rouquine préférée, tu peux nous le dire, la

supplieMatt.–Oui,finit-elleparavouerenrougissantencoreplus.Entrelerougedesonvisage,lerouxdesescheveuxetlerosepoupondemafille,onsecroiraiten

automne.Commec’estjoli…Jememoquementalementavantdeprendreuneautrepoignéedebonbons.MattetAlexseregardent,victorieux.–C’estunefilleouungarçon?demandeAlexensautillant.–Tu as des préférences pour les prénoms ? demandeMatt à son tour.Non, parce queLola était

vraimentchiante,maispastoi!lance-t-ilànouveauavecunsourirecompliceàSamantha.–Hey!Jevousrappellequejesuislà!jerâle.–Alors?l’interrogentAlexetMattenchœur.–Non,maisenfait,vousêtesdespsychopathesdesbébés,touslesdeux!jem’exclame.Ilsnem’écoutentdéjàplus,tropoccupésàamadouerRouquineavecleurhistoiredeprénoms.Quelqu’un frappe à la porte et je crois que Dori est tentée de sauter dans les bras de Damien

lorsqu’ilentretellementAlexetMattl’agacent.L’airmalàl’aise,Damienjetteunlégercoupd’œilàSamantha,puisàmesfrères,quil’observent

durement.Je fronce les sourcils, surprisepar leuraccueil,et finispar saluerDamienavecungrandsourire

encourageant. Jenesaispascequ’il sepasse,maissic’estdûàsessentimentspourRouquine, je lestrouveunpeusévères.Jenepensepasqu’ilaitfaitexprèsdetomberamoureuxd’elle.

–J’aimeraisparleravecLola,dit-ildoucement.Mes frères le regardent une dernière fois de travers et s’en vont en silence. Samantha dépose

délicatementKristendansmesbrasetadresseun légersourireàDamienavantdepartir. Il le lui rendavecunregardd’unedouceurquejeneluiconnaissaispasetjenepeuxpasm’empêcherdeleplaindre.Jesaiscequeçafaitd’aimeràsensunique,etjenelesouhaiteàpersonne.

Une fois seulavecmoi, il caresseduboutdudoigt lapetitemainpoteléedeKristenavecunairattendri.

–Tuveuxlaprendre?jeluidemande.Ilhésiteethochetimidementlatête.Iltendlesbraset,unefoislebébécontrelui,ilsefige.–Çava,Damien?–Jen’osepasbouger!dit-il,lesyeuxgrandsouverts.Jememordsleslèvrespournepasrire.–Tunel’avaispasencoreeuedanslesbras?jel’interroge,surprise.Ilmesemblaitpourtantquetoutlemondeavaiteul’occasiondelaporter…–Non,lorsqu’onestarrivéshier,ilssesonttousjetéssurelle,finit-ilenhochantlesépaules.Elle

esttrèsbelle,ajoute-t-ildoucement.

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–Qu’est-cequ’ilsepasse,Damien?C’estàcausedecequeturessens…–Jet’enprie,encoreuneseconde,Lola,mecoupe-t-il,lavoixchevrotante.–Damien,tum’inquiètes,jesouffle,deplusenplusangoisséeparsonattitude.Illèvelesyeuxversmoietcequej’yvoism’effraieencoreplus.Damienestunroc.C’estlegenredepersonnequifaittoutletempsdesblagues,sûrdelui,etsurqui

onpeutsereposer.Maislà,jenelereconnaispas.–Tuvasmedétesterdansquelquesminutes,alorsjeveuxprofiterencoreunpeudecetinstant.–Damien,jenevaispastedétester…Enfin,tuesmonfrère,jenepeuxpas.Tum’agacesparfois,

oui,maisjenepeuxpastedétester,jeluidisdoucement.Ilnerépondpasetdéposeunlégerbaisersurlefrontdemafille.–C’estàcausedecequeturessenspourSamantha?Tusais…–Arrêteavecça,mecoupe-t-ildurement.–Damien,j’aiconsciencequecen’estpasfacilepourtoi,maistupeuxmeparler.–Lola,jet’enprie,lance-t-il,agacé,avantdesoupirer.IlregardeunedernièrefoisKristenetladéposedélicatementdanssonberceau.–JenesuispasamoureuxdelafemmedeThomas,dit-il,leregardperdudanslacontemplationdu

sol.–Tu essaies de convaincre qui, là ?Non, parce que franchement, j’y crois pas une seconde ! je

m’exclame.–C’estmafautesiJerryt’aquittée,lâche-t-ilenmeregardantcettefoisdanslesyeux.–Quoi?Hein?Jenecomprendspas…–Quelquesjoursavanttonmariage,Q.s’estéchappéeetj’aiapprisqu’elleavaitfaitkidnapperle

frèredeJ.Audépart,jevoulaism’enoccupersansmonéquipe.Maislasituationestdevenueingérableetjemesuisrenducomptequ’iln’yavaitaucuneissue.J’aitoujourssuqueQ.avaitdessentimentspourJ.etj’aidécidédem’enservir.Audépart,ilnevoulaitpas,ilarefusédepartir.Tuétaisenceinteetvousdeviezvousmarier.Ilvoulaitsauversonfrère,maisiln’arrivaitpasàserésoudreàtequitter.

Ilnevoulaitpasmequitter…–Jeluiaiditquelaseulesolutionpoursauversonfrèreétaitdefairecroireàtoutlemondequ’il

t’avaitquittée.J.voulaittoutterévéleravantlemariage.Ilmerépétaitsanscessequetucomprendraislasituationetquetuferaissemblantde…

Ilfaitunepause,baisselatêteetlasecouelégèrementavantdereprendre.–Maisj’aieupeurqueçatemetteendanger,etpuissurtout, jemedisaisquetoutçanedurerait

qu’unesemaineoudeux,pasplus.–Tun’avaispasconfianceenmoi?–Non…Oui,Lola.JenevoulaispasqueQ.aitlemoindredoute.–Mais…MaispourquoiJerrynem’ariendit,lui?Pourquoia-t-ilcessédemefaireconfiance?–Jeneluiaipaslaissélechoix,avoue-t-il.–Commentça?jedemandeenfermantlespoings.–Jeluiaimenti.JeluiaiditqueQ.voulaitbienlibérerJoshua,maislesoirdumariage.Etaussi,je

luiaipromisquejetedirailavérité.–Maistunel’aspasfait.Àl’hôpital,aprèslemariage,onétaittouslesdeuxdanscetteespècede

placardettunem’asriendit.Samâchoiretressautelégèrement.–Ettuascontinuéàmementir,j’ajouteàvoixbasse.Ilneditrien,neniepas.– Si tout ce que tume racontes est vrai, pourquoi Jerrym’aurait laissé une lettre ? je demande,

suspicieuse,pensantqu’ilmementpourprotégerl’hommequim’avéritablementtrahie.

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Ilinspireprofondémentetmerépondenmeregardantànouveaudanslesyeux.–Jeluiaidemandédel’écrireaucasoùleschosesnesedérouleraientpascommeprévu.–Alors…Tuluiasmentiaussi?Tusavaisdèsledépartcommentleschosesallaientsepasser…,

jesouffle,mesurantl’ampleurdesatrahison.Ilm’amenti,ilamanipuléJerry…–Comment tu as pume faire une chose pareille tout en continuant àme regarder dans les yeux

pendanttouscesmois?Tuasbrisémafamille!Tuasbrisélaviedemafille!Etpourtonseulintérêt!jehurle.Tum’astrahie!

–Oui,finit-ilparavoueravantd’essuyerunelarmeégaréesursajoue.–Ilsétaienttousaucourant…,jedisdoucement.Toutemafamillem’amenti…–Non, ils ne l’étaient pas,Lola. Personne n’était au courant.Thomas a tout découvert après ton

kidnapping.Q.étaitencolère,carJ.afinipargrillersacouverture.Ilvoulaitteretrouver,ilnesupportaitpluscettesituation.Lesautresnelesaventquedepuishier.Avantça,personnen’étaitaucourant.MêmeJ.n’estpasaucourantdemesmanigances.Jeneluiaipasavouéquejen’avaispashonorémaparoleduranttouscesmois.

–Alorsc’estpourçaqu’ilssonttousencolèrecontretoi?jedemandeenpleurant.Ilhochelatête.–Jeveuxque tupartes, jechuchoteenessuyantmes larmes.Jenepeux…plus…Tuesallé trop

loin…,j’ajoute,lecœurserré.–J’espèrequ’unjour,tumepardonneras,souffle-t-ilavantdepartir.Jeregardelaporteserefermer.Jesuisbrisée.Damienétaitcertainement lapersonneenqui j’avais leplusconfiance.Et ilm’atrahiedelapire

desfaçons.IlatoutfaitpourqueJerrymequitteetilm’aregardéesouffrirtouscesmoissansriendire.Commentpeut-onfairesubirçaàquelqu’unqu’onaime…?

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Chapitre28

Leregardperdudanslevide,jetentedefairelepointsurcequejeviensd’apprendre.Jerryn’ajamaissouhaitémetrahirnim’abandonner.C’estdoncDamienleresponsable.Etsurtout,Jerrym’aime…,medis-je,unpeuperdue.Enfin,jecrois.Aprèstout,peut-êtresessentimentsont-ilschangéavecletemps?Oupire!Etsi,enmevoyantgrosseetflasque,ilavaitchangéd’avis?JebaisselesyeuxpourvoircommentjesuishabilléeetmerendscomptequeKristens’estencore

endormie en tétant. Je l’admire un instant, bouffie de satisfaction maternelle, puis je décide de larecoucher.

S’ilnem’aimeplus,c’estqu’ilnem’aimaitpasvraiment.Onaimeunefemmequ’ellefasseun36ou…Euh…

Pourquoijepenseàça?Jemefaisdumal,là!Déjàparcequejen’aijamaisfaitun36,etenplus,parcequeçafaitbienlongtempsquelatailledemesfessesnesemesureplus!

Jetournelatêteetlouchesurmonpostérieur.J’auraisquandmêmedûyallermollosurlesbonbons!Imaginonsqu’onserabiboche,etqu’une

foisqu’ilmevoitnue,ilparteencourant…Jedevraismemettreaurégime,voirecarrémentarrêterdemanger…

Finalement,ledétesterestbeaucoupplussimple!Saufquejeneledétestemêmepas,enfait.Jeme suis évertuée à l’oublier, àneplus l’aimer, à lehaïr…ethonnêtement, çan’apas étéune

francheréussite!Jevaisdanslasalledebainsetallumelalumière.Jemepostedevantlaglace,etcequej’yvoisme

faitpenseràuncanichezombieobèse.J’inspireetmedisque,mêmeavecbeaucoupdemaquillageetunsacrétutocontouring,moncasestfoutu.

J’ouvrelerobinetetmepasseunpeud’eaufraîchesurlevisage.Aprèstout,jeviensd’accoucher.Alorsj’aidescernes,lescheveuxdanstouslessens,unpyjama

confortable,etsurtout,pasunetailledeguêpe.Doncs’ilnem’aimepluspourça,c’estqu’ilnem’aimaitpasvraiment.

Jesoupire.IlfautquejeparleavecJerry.Pourluidirequoi?Jen’enaipaslamoindreidée.Jenesuispascertainedepouvoiroubliertoutcequej’aiendurécesderniersmoissimplementen

medisantqueDamienenestleresponsable.Monfrèreestcoupabledanscettehistoire,maisJerrydoit

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assumersapartd’erreur.Ilauraitpumedirecequ’ilsepassaitavecsonfrèredepuisledébut.Ilachoisidemecacherlavérité,toutautantqueDamien.

Je regagnemon lit enme traînant commeune larvedépressive.Enpassant, jem’arrêtedevant leberceauetunlégersouriresedessinemachinalementsurmeslèvres.

Jenepeuxplusnepenserqu’àmoi,quepourmoi.Mafillemérited’avoiretdegrandirdansunevraiefamille.

Commemoi…,medis-je enme remémorantmonenfance, entourée et chérie parmonpère etmamère.

Lapriverdetoutça,pourunesimplequestiond’orgueil,n’estpasunesolution.Jen’oublieraipascequej’airessenti,maisjepeuxdonnerunechanceàJerry.

Quisait,peut-êtrequenous feronsmieuxque ladernière fois? Il arriverapeut-être àme faireconfianceetàcontinuerdem’ouvrirlesportesdesonpassé.

J’arrange la couverture, caresse doucement la petitemain potelée deKristen etme recouche. JedevraisprofiterquetoutlemondesoitallérendrevisiteàThomaspourmereposerunpeu.

Jem’épuisemoi-même,avectoutescesréflexions.Jefermelesyeuxquelquessecondesetentendsfrapperàlaporte.Pourquoiàchaquefoisquejecommenceàm’endormironfrappeàlaporteoulebébésemetà

pleurer?!–Jeveuxdormir,jechouineavecunegrimaceavantdelancerun«oui»pasconvaincudutout.Laportes’ouvreetjecroisquemamâchoirechoisitcemomentpoursedécrocher.–Tesparentsnet’ontpasapprisàfermerlabouche?Ondiraitunetruitepasfraîchehorsdel’eau.–Élia!jecracheavecdégoût.Mon regard examine rapidement son corps svelte, sa gueule angélique et, à cemoment-là, je la

détesteencoreplus.Jenepensaispasqueçapouvaitêtrepossible,maisfinalement,rienn’estimpossibledansl’horreur!

–Raviedeterevoiraussi,maBFF!chantonne-t-elle.Jenerépondspasetcontinuedel’observer.Oh!lagarce!ElleportedesLouboutin!– Tu as vraiment une sale tronche ! me lance-t-elle en jetant un coup d’œil à Kristen avec une

grimace.–Jeteremercie,jem’entraînedurpourça,jeluirétorque.–Toujoursaussicomique,jevois,souffle-t-elle.–Ettoi,toujoursaussisalope?jesorsavecunlégersourire.–Tum’enveuxencore?s’exclame-t-elle,faussementoutrée.–D’avoircouchéavecNathan?Pasvraiment.–Non,jenefaisaispasréférenceàcettestupidehistoirequidatedulycée!Etpuis,ilétaitvilain.

Finalement,jecroisquejet’airenduservice.Grâceàmoi,tuespartieàNewYorkettoutça.Ellemarqueunelégèrepauseetreprendensouriant.–C’esttellementdommagequetun’ysoispasrestée!–Sérieux,Élia,qu’est-cequetuveux?Qu’est-cequetuficheslà?jedemandeenposantunemain

protectricesurlebordduberceau.Jen’aimepassaprésence.Malgrélafatiguedel’accouchement,jemesensprêteàluidéchiqueter

latêtes’illefaut.–Jesuisvenueterendrevisite.C’estcequefontlesamiesdanscegenred’événement,tusais.–Onn’estplusamies,jeluirappellefroidement.–Pasfaux.J’avoue,j’étaiscurieusedevoircebébéqueJ.attendaittant.Jerryluiaparlédubébé?Jenesaispassicetteperspectivem’enchanteoumeterrifie…

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Etsi,malgrétoutcequem’aracontéDamien,Jerryavaitcédéauxcharmesdecettedinde? jemedemandeavecunegrimaceécœurée.

Jel’observeensilence,attendantdeconnaîtrelasuitedesonpetitmanège.– Bon, j’avoue tout ! lance-t-elle en levant les bras. Je me fiche royalement de ton rejeton. Je

chercheJ.–Etpourquoitulecherches?jedemande,suspicieuse.Jecroyaisqu’elletravaillaitpourQ…Ellevientmemenacer?lemenacer?–Àvraidire,pourplusieursraisons,commence-t-elleens’asseyantdanslefauteuilàcôtédemon

lit.Q.etmoin’avonsplusvraimentlesmêmes…–Tesparentsontapprisquetutrafiquaisavecunecriminelleettonpèreamenacédetedéshériter?

jelacoupe.C’estmarrant,même après tout ce temps, c’est encore lamême chose. Je connaisÉlia depuis…

toujours.Nospèresétaientdevieuxamisetcollègues.Ducoup,onatoutfaitensemble.Elleétaitlaseuleàcomprendrecequisepassaitchezmoi.Jen’avaispasbesoindeluimentir,etellenonplus.Doncelleaétémameilleureamie.Enfin,jusqu’àcequ’ellecoucheavecmonpremiergrandamourdulycéeetquejefuieàNewYorkpourtoutoublier.

–Exactement,finit-ellepardire,leregardailleurs.–Etalors?–Etalorsj’ensaisrien,Lola! lâche-t-elleencroisantlesbras.IlfautquejeparleavecJ.,c’est

tout.Tusais,entrenous,ilyavraimentuntruc.J’aibesoindelui,finit-elle.«Untruc»?Queltruc?Restecalme,Lola…Siçasetrouve,cen’estpascequetucrois…–Jesaisbienquevousvenezd’avoirunbébé.Pourça, ilaétéclairdès ledébut,sa fillepasse

avant tout.Jene l’empêcheraipasde lavoir, jenesuispasunmonstrenonplus.Mais jecroisqu’ilapeurdetaréaction.

Ellefaitunepause,m’observeuninstantetreprend:–Lola,çafaitunmomentquevousêtesséparésdésormais.Aprèstoutcequ’ilt’afaitsubir,jesuis

certainequetun’asplusdesentimentspourlui…Est-cequetupeuxluidire,s’ilteplaît?mesupplie-t-elle,avecunemouedepeste.

Bonsang,jecroisquejevaismetrouvermal…– Je…Tudevraispartir,maintenant, je sors, lamâchoire crispée, en tentantdenepas fondre en

larmes.–Oh,monDieu!s’exclame-t-elleenriant.Après toutcequ’il t’a fait, tu l’aimesencore?Mais,

Lola,àpeineavait-ilquitté l’églisequ’ilétaitdéjàentremescuisses!Tuméritesmieuxqueça.Tuasbeaumedétester,s’il t’avaitvraimentaimée, iln’auraitpassautédansmonlità lapremièreoccasion,finit-elle en se levant. Je suis désolée. Il m’a dit qu’il t’en avait parlé, termine-t-elle en quittant machambre.

Laportesereferme,emportantavecluimoncœur.

***

Jeplaquemamaincontrelemurettentedereprendremonsouffle.Jecalculeladistancequ’ilmeresteàparcourirpouratteindrelachambredeLola.

Lesparolesdesonpèrerésonnentencoreenmoi.J’aimemafamilleetjemebattraijusqu’auboutpourelle!medis-jetelunmantraenrepartant,

ignorantmesmembresdouloureux.

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Jeme focalise surmon objectif qui est de retrouverLola etKristen.Lorsque jeme trouve enfindevantlaportedeleurchambre,jefermelesyeuxetsouris,victorieux.Jemeredressepuisfrappe,avantdejurer:j’aioubliélesfleursdansmachambre!Hier,jem’envoulaistellementdem’êtreprésentésansrienque,ducoup,cematin,j’aidemandéàl’unedesinfirmièresd’allerenacheter.Peineperdue:sijeparslesrécupérerdansmachambre,jen’arriveraicertainementpasàrevenir.

Lolanerépondpas.Dois-jefrapperànouveau?Ellen’estpeut-êtrepasdanssachambre.J’hésite,puisfinalementouvre.Jemefigesurleseuilenladécouvrantentraindepleureràchaudeslarmesavecnotrefilledanslesbras.

–Lola?jel’appelleenmesentantmedécomposer.Ellelèvelesyeuxsurmoietmoncœursebrise.–Lola,qu’est-cequ’ilsepasse?Lebébévabien?jedemandeenm’approchantdequelquespas.Ellehochelatête,etjerespireànouveau.–Qu’est-cequetufaislà?mequestionne-t-elle,commesimaprésenceétaituneaberration.–Tum’asditquejepouvaisveniraprèslavisitedemonmédecin,jeréponds,incertain.Jegardepourmoilefaitquejenel’aifinalementpasvuparcequejen’enpouvaisplusd’attendre

delesvoirtouteslesdeux.Ellelèvelatêteets’essuielenezavecsonavant-bras.–Lola,qu’est-cequ’ilsepasse?jel’interroge,ànouveauinquiet.Ellemeregardeuninstantavectristesseetfinitparmedire:–Damien…est…venu.Jesoupire.Doncilatenupromesse.IlatoutditàLola.Jel’observe,jetteuncoupd’œilaulit,hésite…Jene

veuxpaslabrusquer,maisj’aimeraistellementêtreauprèsd’elle.Jem’approche un peu plus etm’assieds sur le bord. J’attends une seconde pour voir si elleme

demandedem’éloigner,maiselleneditrien.EllealeregardrivésurKristenquidortcontresonsein.–Jesorsdel’hôpitaldemain.Jenesaispascequet’aditlemédecin,quandtupourraspartir,mais

situveuxvoirKristen,envoie-moiunmessageavant,s’ilteplaît,finit-ellepardiredoucement.Magorgeseserre.Jesensquej’ailoupéquelquechose,maisjenesaispasquoi…–Damient’aexpliquécequ’ils’estpassé…lejourdumariageettoutlereste?jedemande,malà

l’aise.J’aipeut-êtrefaitcertaineserreurs,maisjeveuxqu’ellesachequejenel’aipaslaisséeparceque

jerefusaisdel’épouser.–Oui,merépond-ellesèchement.–Bien,donctusaisquejesuispartipourJoshua,pasparceque…–Lepassé,c’estlepassé.Jenevoispasl’intérêtdeleremueréternellement,mecoupe-t-elle.Jemepasseunemainsurlevisage,deplusenplusperturbé.Jenepensaispasque,grâceauxaveux

deDamien,ellemesauteraitdanslesbras,maisj’avouequejenem’attendaispasàtantd’hostilité.–Lepasséestimportant,puisquec’estenteledissimulantquenousensommeslà,jedis,d’unton

malassuré.–Jerry,onenestnullepart,toietmoi.Jetel’aidit:pourmoi,c’estterminé.«Terminé»…Lemotrésonneenmoi.Ilmedévaste.–Mais…jeneveuxpasqueçasoitterminé,jesouffle,souslechoc.Ellelèvelesyeuxsurmoi,plantesonregarddanslemien,etcequej’yperçoismeterrifie.–Éliaestvenue.Elletecherchait,dit-ellesimplement.–«Élia»?jerépète,lessourcilsfroncés.

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–Tuascouchéavecelle?medemande-t-elle,d’unevoixtellementfaiblequejenesuispascertaindecequej’entends.

–Élia?jerépète,lavoixchevrotante.–Tuascouchéavecelle,n’est-cepas?mecrie-t-elle,cettefois-ci.–TuconnaisÉlia?Vousêtesvraimentamies?jedemande,tentantdecomprendrepourquoielleme

parled’Élia.Donccettegarcedisaitvrai…,jemedis,souslechoc.–Elleestvenue?Ellet’amenacée?jel’interrogeensentantlapaniquemonterenmoi.J’auraisdûdemanderàThomasdeposterungardedevantlachambre.Non,j’auraisdûresterhiersoir!Je ne voulais pas la brusquer, mais dans le même temps, je n’ai pas suffisamment songé à sa

sécurité.Bonsang,cettegarceadéjàessayéd’atteindreLolailyaquelquesjoursetjen’airienfait!–Tudevraispartir,Jerry,souffleLola,leregardfuyant.–JevaisdemanderàThomasd’envoyerungarde.Elleneviendraplus.Jetejurequejevaistout

fairepour…–Va-t’en!hurle-t-elle,cequiréveillelapetite,quisemetàpleurer.–Lola,cen’est…–Ellet’ademandédepartir,lanceunevoixmasculinederrièremoi.JemeretourneetvoisAlexetMattquisetiennentsurleseuil.Jemepasseunemainsurlevisage.Lasituationestentraindem’échappercomplètement.–Lola,jelasupplieànouveau.Ellenerépondrien.–Lola,jeteprometsquej’empêcheraiÉliaouquiconquedevousfairedumal,jetenteànouveau,à

boutdesouffle.Jenepeuxpaslaperdre…Pasmaintenant.Jeremarqueunegouttetombersurledrapetmerendscomptequejepleure.–Jerry,tudevraissortirmaintenant,lanceànouveauMatt,lespoingsfermés.–Lola,jenecomprendspascequ’ilsepasse!Laisse-moiunechance.Jepeux…Dis-moicequetu

veux que je fasse et je le ferai. Je peux rester, surveiller que… Élia ne revienne pas. Tu seras ensécurité…

–Jeveuxquetupartes,mecoupe-t-elledurement.Jemepasseunemaindanslescheveuxetmelèveavecdifficulté.Jejetteunderniercoupd’œilà

LolaquiberceKristenentraindepleurerdanssesbrasetquittelachambre,lecœurenmiettes.Àpeineai-jefranchilaportequeMattlarefermebrusquement,melaissantseulfaceàmeserreurs.

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Chapitre29

–Tuneprendspaslesfleurs?medemandeAlexensaisissantmadernièrevalise.–Non,jerépondssansmêmeyjeterunregard.–Tun’aspas lu lemot?m’interroge-t-ilenpointantdudoigt lacartequidépassedubouquetde

roses.–Non.Jesaisque touscescadeauxviennentdeJerry.Depuisqu’ilaquittémachambrehier, ilm’a fait

livrerdesfleurs,deschocolatsetmêmeungrosballonroseaffreux.Jen’ai luaucunedesescartes,etc’estbienmieuxcommeça.

Oh!c’estsûr!Ildevaitêtretrèsmalheureuxpendantprèsdesixmoisentrelescuissesd’Élia!–Ondevraityaller.J’aiditàMattqu’onl’attendraitdanslehall.Jen’avaispas le couragede revoir Jerry,mais jenevoulaispaspartir sansqu’ilpuissedire au

revoiràsafille.Jenesaispasquandilpourrasortirdel’hôpital,alorsj’aidemandéàmonfrèred’allerlevoiraveclapetite.

Il n’amême pas pris la peine de nier ! je hurlementalement en repensant à notre conversationd’hier.

Jeluiaipourtantdemandéclairements’ilavaitcouchéavecelle!Maistoutcequ’ilm’aservi,c’estunspeechsurlasécurité!Maisquelgros…gros…–C’estbon,tun’asrienoublié?mecoupeAlexdansmespenséesalorsquejeratatineunchausson

danslecreuxdemamain.–Normalement,non,jelanceenhaussantlesépaules.IlvoitpasquejesuisoccupéeàmaudireJerry!Hier,j’étaissouslechoc.Maislà…Là,j’aienviedeluiarracherlespartiesintimes!–Tuasregardésoustonlit?medemande-t-ilenjetantunrapidecoupd’œilunpeupartoutdansla

chambre.–Hein?Euh,oui,j’airegardé.C’estpasvrai,j’avaislaflemme.Maisbon,jesuiscertainequ’iln’yariendecamouflélà-dessous.JesoupireenpensantàKristen.J’aibeaulehaïr,jesaisqueJerrydoitvoirsafille…–Lola,jet’attends!melanceAlex,chargécommeunemule.–Ouais,jegrogneensortantdelachambre.Alexmesuitjusqu’àl’ascenseur,monoreillersouslebras,tirantmavaliseàroulettesd’unemainet

portantlesacdeKristendel’autre.Uncoupleavecunbébéseposteàcôtédenouspourl’attendre.Jecoule un regard vers eux. L’homme embrasse sa femme et tous deux sourient en regardant leur bébéassoupidanslecosy.Unintensesentimentd’injustices’abatsurmoi.

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Pourquoijenepeuxpasavoirça,moiaussi?Quandonlesregarde,çaal’airtellementsimpled’êtreheureux.Lesportesdelacageeninoxs’ouvrent.Nousentronstousetjelesdévisaged’unairmauvaisalors

qu’ilscontinuentàsebizouilleretàsourirecommedesimbécilesheureux.J’aienviedeleurbalancerdestrucsdessus…J’aimepaslesgensheureux!Enplus,leurbébéestmoche,medis-jeenlefixant.Alexfinitparmemettreuncoupdecoude,alors je lâche l’affaireetsoupireavantdecroiser les

brassurmapoitrine.L’ascenseurarriveàdestinationet jemehâtededescendreavanteux.Mais jem’arrêtenetquand

monregardcroiseceluideJerryquitientKristendanssesbras.Alexmepassedevantetjemedécideenfinàavancer.–Bonjour,mesalueJerry,incertain.–Jenem’attendaispasàtevoir,jerépondsdurement.Ilsembleencaissermaremarque.–Lemédecinmelaissesortir.Jevoulaissavoirsiçanetedérangepasquejevousraccompagne.JefusilleMattduregard,quilèvelesmains,l’airdedire:«C’estàtoideprendreladécision.»Jerryluijetteégalementuncoupd’œil,malàl’aise.Detouteévidence,Mattadûluidirequec’était

àmoidevoir,cequinem’étonnepasdelui.Saufquec’étaitjustementpournepasmeretrouverenfacedeluiquejel’avaisenvoyé!Bonsang,enplusd’êtrechiant,monfrèrenesertvraimentàrien!–Voyons,biensûrqueçanemedérangepas,jesorsavecmauvaisefoiàJerry,quifinitparsourire

timidement.Maisbonsang,évidemmentqueçamefaitchier!J’aipasenviequ’ilsoitavecmoidanslavoiture,nidanslamêmepièce,nidanslamêmeville…Je

neveuxpluslevoir!Àchaquefoisquejelevois,jepenseàÉlia.–Ondevraityalleralors!lanceMattavecunsourirecrispé.Jel’observeuninstant.Simesyeuxétaientdesrevolvers,ilseraitmortàcetinstant.–Tuveuxuncoupdemain,Alex?demande-t-ilàmonautrefrère,lavoixhautperchée.Tuasraisond’êtreterrifié,monpetit…Jem’approchedoucementdeluiet,avecungesteaussilentquecalculateur,jesorslapetitevestede

Kristendusacàlangerqu’ilportesurl’épaule.Mattsemblerespirerànouveauquandjem’éloigneetmeplantedevantJerry.–J’aimerais la luienfileravantdesortir.Tumeladonnes? jedemandeen tendant lesbraspour

récupérermafille.Jerryjetteuncoupd’œilàKristenetmemurmureenplongeantsonregarddanslemien:–Elledorttellementbien.Çaseraitdommagedelaréveiller.Jepeuxt’aideràlaluimettre,situle

souhaites.Pourquoiest-cequej’ail’impressionqu’ilmefaitunepropositionindécente?Çadoitêtresavoix…Mêmesavoixestsexy!J’inspire enmedisant :On se calme, Lola, il ne s’agit que demettre une veste à ta fille, pas

d’arracherlesvêtementsdeJerryetdeluilécherletorse!Maisqu’est-cequejeraconte?!Jem’approchejusqu’àsentirsonparfumm’envelopperetattrapelepetitpoingdemafille.Jeme

mordsleslèvresettentedefaireabstractiondelachaleurdesoncorps,denosdoigtsquisefrôlent,demoncœurquibattropfort;jemeconcentrejustesurlefaitdepassercettesaloperiedevesteàKristen.

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Mamain sepose sur son torsemalgrémoi. Je la retire immédiatement et finisd’attacher lepetitmanteau.Pouruneraisonquim’échappe,jelèvelesyeuxetcroiseleregarddeJerry.

Àchaquefois,j’oublieàquelpointsesyeuxsontbeaux.Sonregardestdoux,réconfortant.Pendantuninstant,undésirirrépressibledemeblottircontreluimesaisit.

–Ondevraitluimettresacapuche,mesusurre-t-il.Bordel,cettehistoiredevestedevienthot!Jemesenstoutechose…–Oui,jefinisparmiauler.Ilsourit légèrement, frôlevolontairementmamainet rabat lacapuchesur la têtedeKristen. Ilse

pencheetmeglisseàl’oreille:–Ilnefaudraitpasqu’elleattrapefroid.Je ferme les yeux, puis me ressaisis et m’écarte de lui enm’écriant intérieurement : Lola, sois

forte!Faisluibouffersesyeuxdelover!JetournelatêteetvoisMattetAlexquinousobservent,l’airsceptiques.Jerry,lui,estétrangement

souriant.Ilestfierdesonpetiteffet…S’ilcroitqueçavasuffire,ilsemetledoigtdanslafossette,moi,jevousledis!Sexy-Fossettesautopdulover:40.Lolalalooseusequisefaitdesfilmspourunesimplehistoiredefrôlementdedoigts:–50!

***

Mattgarelavoituredansl’alléeetAlexmedemandeenmeregardant:–Tuveuxquejemontelecosy?–Oui,jesuisdésolé.Mondosmefaitencoresouffrir,jeréponds,malàl’aise.Lavoitureabeauêtrespacieuse,deuxadultesdeplusd’unmètrequatre-vingtetuncosyàl’arrière,

çafaitunpeutrop.Ducoup,jemeretrouvecollécontrelefrèredeLolaetàchaquefoisqu’ilmeparle,saboucheestjusteàcôtédemonoreille.C’estmarrant,maisdansmonimagination,c’étaitLolaquisetenaitàcôtédemoidanslavoitureetquimeparlaitàl’oreille.

J’auraismêmepeut-êtrepuluivolerunbaiser, jemedis,songeur.Jejetteuncoupd’œilàLolaquisetientdroitecommeun«i»surlesiègepassager.

Est-cequ’elleabienlulescartesquejeluiaienvoyées?Entoutcas,unbaisernesemblepasàl’ordredujour.J’aiplutôtl’impressionqu’ellechercheunmoyensûrpoursedébarrasserdemoncadavre…Jesoupireenlavoyantdescendreetattraperlesacàlanger.–Matt,tuvaspasrecommenceravectonfoututéléphone!hurle-t-ellealorsqu’ilnousfilme,lamine

réjouie.–Jenet’écoutepas!chantonne-t-ilenzoomantsurKristen.La porte d’entrée de chez Thomas s’ouvre et le chien de Samantha vient nous rejoindre en se

dandinantsuivide…Catzilla.C’estmoiouilestencoreplusgrosquedansmessouvenirs?IlsefrotteauxjambesdeLolaquilecaresseensouriantetpassedevantmoienmeroulantsurles

pieds.Puisilretournedansl’appartementdeThomas,quinousrejointàcemoment-làavecSamantha.–Tunem’aspasditquetusortaisaujourd’huitoiaussi,luidit-elleensouriant.–Tuconnaisleshôpitaux,maintenant,ilslaissentpartirlesgensdeplusenplustôt.Pasvrai,Jerry?

demande-t-ilenmejetantunregard.Commentai-jepuoublierqu’ilsavaittoujourstoutsurtout?

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Lemédecinnevoulaitpasmelaissersortiraujourd’hui.Ducoup,jeneluiaipasvraimentlaissélechoix.C’estdéjàassezcompliquécommeçaavecLola,alorsjen’aipasbesoinderesterseulàattendrejenesaisquoidansunechambre.

–Jesuisheureuxdevoirquetuvasmieux,jeluilancesèchement.Jenepensepasqu’ilaitobtenunonplusl’autorisationdesortir,comptetenudelagravitédeses

blessures.Ilmefixeuninstant,commes’ilcomprenaitoùjeveuxenvenir,etfinitparportersonattentionsur

lecosy.–Jesaisquejeteledisàchaquefois,maisjetrouvequ’elleteressembleénormément,souffle-t-ilà

Lolaavecunlargesourire,silargequeçalerendpresquehumain.–Jenesaispas…Jediraisquec’estunbonmélangedeJerryetmoi,luirépond-elle,rêveuse.Jesouris.MoiaussijetrouvequeKristenressembleénormémentàLola,etj’adoreça.Maisj’aime

encoreplusqueLolapensequec’estunpetitmorceaudenous.–EtsionallaitinstallerKristen?lanceMatt,surexcité,encontinuantdefilmerlapetite.Alexs’empareducosyetcommenceàmonterlesescaliers,suivideLolaetdeSamantha.–Jerry,j’aiquelquechoseàtemontrer,meditThomasavantquejen’aillerejoindrelesautres.L’airsurprise,Samanthaluijetteuncoupd’œil,maisilluifaitsignedesuivrelegroupe.NousattendonsquetoutlemondesoitentréchezMatt,puisjedemandesanspréambule:–Qu’est-cequ’ilsepasse?–Tuavaisraison.Damiens’estmisentêted’enterminerlui-mêmeavecQ.–Ilvasefairetuer,dis-jeavantdesoupireretdesecouerlatête.–Jesais.Ilobservelesoluninstantetj’enprofitepourluidemander,crispé:–Tut’esrenseignépourÉlia?Ilesthorsdequestionqu’ellecontinueàmenacermafamille,medis-je,lespoingsserrés.– Oui, je n’avais pas fait le rapprochement durantmon enquête avant que Lolame le dise. Les

photos étaient floues, et honnêtement, elle a bien changédepuis son adolescence.En fait,Élia est uneanciennecopinedelycéedeLola.Sonpèreestunamidelafamille.Ilaétélecoéquipierdenotrepèreunmoment…Enfin,bref, ilm’aditqu’ilsechargeaitpersonnellementdesafille.Maisdansn’importequelcas,elleneferaitjamaisdemalàLola.Ellessechamaillent,maisçan’irajamaisplusloin.

Je ne suis pas d’accord avec lui. Je l’ai côtoyée suffisamment pour savoir que, malgré lesapparences,Éliaestunetueuse.

–SiLolaaétéaussibouleversée,jepensequel’ondevraitdavantages’enméfieretpassimplementlarenvoyerchezsonpère.

Thomasmefixeunmomentetfinitpardire:–Sicequit’inquiète,c’esttaliaisonavecelle,net’enfaispas,toutlemondeestdéjàaucourant.

Masœurnes’estpassentiemenacée,maishumiliée.«Liaison»…Maisqu’est-ceque…–Jen’aipaseudeliaisonavecÉlia!jedisaveccolère.–Cen’estpasàmoiqu’ilfautledire,lâche-t-ilavantdemonterchezMattàsontour.Souslechoc,jemepasseunemaindanslescheveux.Alorscommeça,Lolacroitquej’aieuuneaventure?!Etmerde!Mesyeuxs’écarquillentausouvenirdenotreconversation.Ellemel’ademandé…Jem’ensouviens,toutàcoup,lecœurbattant.Etj’étaistellementfocalisésurlefaitquemafamillecouraitundangerquejen’aipas…

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Etmerde!Jemonte les escaliers aussi viteque jepeux et, lorsque j’entre en trombedans l’appartementde

Matt,toutlemondeseretournepourmedévisager,maisjem’enfiche.JeneveuxqueLola.Moncœurbatàunevitessefolle.Jedoisluiparler.Luidirelavérité,quejen’aimequ’elle.Commentest-ceque jepourraisneserait-cequetoucheruneautrefemme?!

–Tuveuxboirequelquechose?finitparmedemanderAlex.–Non…merci,peut-êtretoutàl’heure,jerépondsdistraitement.Jejetteuncoupd’œilcirculaireetnelavoispas.–Lolanourritlapetite,m’informe-t-ilavecunlégersourire.–Merci,jechuchoteavantdemedirigerverssachambre.JemeplantedevantlaporteetfrappeaumomentmêmeoùMatts’écrie:«Barbecueparty!»Je tends l’oreillepourécouter la réponsedeLola,maisses frères font tropdebruit.Ducoup, je

décidedetentermachanceetouvrelaporte.Lolalèvelesyeux,étonnée,enmevoyant.Quantàmoi,jen’arrivepasàdétachermonregarddenotrefillequitêtegoulûmentsonsein.J’ouvrelabouche,maisjen’aipasletempsdeparler.

–Tuveuxbienfermerlaporte,s’ilteplaît?medemande-t-elle.Ilmefautunesecondepourquel’informationmemonteaucerveau.Jesuisfébrile,moncœurbat

beaucouptropvite,mesmainssontmoitesetjesuisàboutdesoufflealorsquejeresteimmobile.IlmefautfairedeseffortsinsurmontablespournepasfixerenpermanencelamagnifiquepoitrinedeLola.

Etsiellenemecroyaitpas?EtsiellechoisissaitdecroireÉlia?–Çava?medemandeLolaalorsquejerestetoujoursplantédevantlaporte.Jemepasseunemaindanslescheveux,plusnerveuxquejamais,etfinisparlâcher:–Jen’aipascouchéavecÉlia.Lolam’observeet jemerendscompteque j’auraispeut-êtredûchoisirunmomentseulavecelle

pourluiparler.Mafillen’apasbesoind’êtretémoindemamiseàmort!–Jamais,j’ajoute,alorsqueLolarestemuette.Jesuisdésolé,je…jenesuispasdouépourcegenre

dechose.J’aimeraisbienêtreundecestypesavecpleind’éloquence,maisjenelesuispas.Jenet’aijamaistrompée.Etjen’aijamaisregardéuneautrefemmecommejeteregarde.Tueslafemmedemavie,Lola.

Jefermelesyeuxettentedepoursuivre.Jepasseunemaintremblantedansmescheveux.Pourquoielleneditrien…?–Avantlemariage,jecauchemardaisàproposdemamère.Tupensaisquec’étaitparcequej’avais

peurdem’engageravectoi,maisnon,j’ai toujourseucescauchemars.Jelesfaisdepuisl’âgedeneufans.Monpèreétaitunivrogne.Ilbattaitmamèreet…monfrèreetmoi.Unjour,ilm’afrappétellementfortquejesuisrestéinconscientplusieursjours.Àmasortiedel’hôpital,mamèreadécidédequittermonpère.

Jereprendsmarespirationavantdecontinuerlerécitdel’épisodequiestcertainementleplusdurdemavie.

– Elle avait entassé toutes nos affaires dans notre vieille voiture et il ne nous restait plus qu’àrécupérerJoshuaquiétaitcachéchezlasœurdenotrevoisine.

J’évitederegarderLolaquimedévisage,leregardbrillantdelarmes,etpoursuis:–Unchauffardnousestrentrédedans.Mamèreestmortesurlecoup.–Tuétaisavecelledanslavoiture?demande-t-elleàvoixbasse.–Oui,jelâche,l’airabsent.JelèvelatêteetaperçoisLoladeboutdevantmoi,notrefilledanslesbras.Jeplongemonregard

danssesbeauxyeuxtristesetsouffle:

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–Lola,jet’aimeàenmourir.Jenet’aipastrompée.J’aifaitdeserreurs,oui,maiscertainementpascelle-là…

Jecessedeparler lorsqu’elle seblottit contremoi. Je ferme lesyeuxet laisse librecoursàmeslarmes.Jeposedoucementmesmainsdanssondosetlaserrelégèrementjusqu’àsentirsarespirationetcelledeKristencontremontorse.

–Jet’aime,Lola,jechuchoteennichantmonvisagedanssescheveuxcouleurmiel.Jefermelesyeuxetespèredetoutemonâmequesoncœuràelleaussibatencoreunpeupourmoi.

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Chapitre30

J’ouvrelesyeuxetilmefautquelquessecondespourcomprendrecequim’aréveillé.Kristen…JeregardelapetitenichéeaucreuxdesbrasdeLolaetsouris.Voilàcommentjeveuxmeréveillerchaquematinjusqu’àlafindemesjours.Avecmafilleetmafemmeàmescôtés…Unpincementaucœurmefaitravalermonsourire.Cen’estpasparcequ’hiersoirj’aisentiLolaplusprochedemoiqueleschosessontgagnéespour

autant.Nousn’avonspas reparléd’Éliaoumêmedumariage.Jenesuispascertainqu’ellemecroieou

qu’elleveuillemedonneruneautrechance.Jepensesurtoutqu’elleferaaumieuxpournotrefille.Malgrétout,jesuissoulagéd’avoirpartagéunepartiedemonpasséavecelle.Jecroisquej’avais

besoindeluidévoilercetaspectdemaviepournouspermettred’avancer.Jemerendscompteégalementquej’auraisdûluiparlerbienavant.J’aitoutvoulugarderpourmoi,

etfinalement,jen’airienfaitd’autrequedecréerunfossédansnotrecouple.JemepasseunemainsurlevisageetregardeKristenquis’agitedanstouslessens.–Coucou,maprincesse,jechuchotealorsqu’ellecommenceàpleurerplusfort.Jejetteuncoupd’œilàLolaquidortprofondémentetprendslapetitedansmesbras.Hier,nousavonsparléunmomentdemamèreet,vaincuesparlafatigue,LolaetKristenontfinipar

s’endormir.J’aihésité(enfin,paslongtemps)etj’aifiniparm’allongeràcôtéd’elles.Compte tenu de son caractère, si ça l’avait gênée, Lolam’aurait demandé de partir.Ce qui peut

signifierdeuxchoses:soitqu’ellemelaisseunepetitechance,soitqu’elleétaitbientropfatiguéepourexigermondépart.

Kristenm’observeavecsespetitsyeuxnoirsetarrêtedepleurer.Jedéposeunlégerbaisersursonpoingetfroncelessourcilslorsqu’elleseremetàhurler.

Bon…JeneveuxpasréveillerLola,maisj’avouequejenesaispastropquoifairenonplus!Jeréfléchisuninstantetdécidedelachanger.Jemelèveavecunegrimacededouleuretcherchedu

regarddequoiœuvrer. Je finispar aviseruncoussin avecune serviettedebain surunmeuble. Il y amêmedescouchesetdeslingettes.

–Bon,alors,jetepréviens,mafille:jesuisunpapadébutantetjen’aijamaischangédecouche.Aumoins,commeça,sesattentesneserontpastropgrandes!Jeladéposesurlaservietteavecdélicatessetoutenmedisantquemêmeunebombeàretardement

estplusfacileàmanipuler.Premièreétape:détacherlepyjama.

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Concentré,j’étudielachoseetmesouviensquel’ouvertureestsurlesfesses.Jepassedoucementmesmains sous elle et tentede trouver comment çamarche. Je tire légèrement, et l’unedespressionslâche.

Finalement,c’estsimple,ilsuffisaitdetirer!Jedégageunejambe,puisl’autre,etmajoieestdecourtedurée.Ilyaencoreunecouchedevêtements!Bon, là, c’est facile, je trouve les pressions du premier coup. Je soulève l’espèce de culotte

intégraleetscrutelacouche.–Jedevraispeut-êtrepréparerlematérielavantdeteretirercemachin,jesouffle.Je jetteuncoupd’œil circulaireet attrape lepaquetde lingettesavecunbébé jouffluet souriant

poséàcôtédescouches.Jecroisque l’idée, c’est justede lui retirer, lanettoyeravec les lingetteset remettreunecouche

propre…Duboutdesdoigtsjedécollelesscotchsdechaquecôtéetouvrelacoucheavecinquiétude.Honnêtement,jen’aiaucuneidéedecequejevaisytrouver!Finalement,pasgrand-chose.C’esthumide,maispasplus.–Jesuiscontentquepourunepremièreavecpapa,tun’aiespas…Jen’aipasletempsdefinirmaphrasequ’ungeysersortidenullepartjaillit.–Bordel!jejureenattrapantunepoignéedecouchespourendiguerleflot.Jerêveoutuviensde

fairepipisurpapa?jeluidemande,encoresouslechoc.J’observemamainquitientlescouchesethésite.Ellevientdefairepipi,ellenedevraitpasrecommencertoutdesuite…,medis-jeensoulevant

justeassezpourvoirsiçacouleencore.Çasembleêtreterminé,maisjevaistoutdemêmerestersurmesgardes…J’ôte l’amas de couches sales et jette le tout dans la poubelle posée à côté de moi. Je prends

plusieurs lingettes etm’appliqueànettoyer ses fesses, ses cuisses, sespieds,mesbras,mesmains, laserviette,etunefoisquej’aitoutbienfrotté,j’attrapeunenouvellecouche.

Jeladéplieetmerendscomptequejenesaisplusoùsetrouvel’avantetl’arrière.Jecroisquelesattachessontdansledos…

***

–Jenedormaispas!jecrieenmeréveillantensursaut.Jeregardeautourdemoietmerendscomptequej’aiencoreperdumonbébé.J’entendsJerryjurer

etmedisquel’unetl’autrenedoiventpasêtreloin.Jemedemandecombiendetempsjemesuisassoupie…Jeregardel’heure: ilest4heuresdumatin.Bon,vuquejenesaispasàquelleheurejemesuis

endormie,lecalculrisqued’êtrecompliqué!Jecroisquej’aisombréquandJerrymeparlaitdelacollectiondeporcelainedesamère…Alors,audépart,j’étaisraviequ’ilpartageenfintoutçaavecmoi.Parcontre,lorsqu’ilacommencé

à me parler de sa mère… En toute honnêteté, j’étais bien trop fatiguée pour faire comme si tout çam’intéressait.Franchement, lapassiondesamèrepour le tricotou lesgrenouillesenporcelaine,c’estpastrèsemballant!

Enfin,bref…J’écarquille lesyeuxet jetteuncoupd’œil autourdemoi.Alors, soit il s’est également endormi

tellementcequ’ilracontaitétaitennuyeux,soitils’estpermisdesevautrersurmonlit!Jenesaispassij’appréciebeaucouplefaitquel’onredevienneproches…

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IlyaencorecettehistoireavecÉliaquiresteensuspens,etjenesuispascertainedelecroireàcentpourcent.

Ilestvraique,normalement,Jerrynementpas.Ilometsimplementdedirelavérité.Maisjenesaispas…

Elleestsexy,cettegarce,etd’aprèscequej’aivusurlesphotos,ilssemblaientproches.Et puis, c’est pas parcequ’ilm’a raconté que samère était unegrande fandeSantaBarbara et

qu’elleneloupaitaucunépisodequejevaisreveniraveclui!Bon,çanesertàriendemeprendrelatête,ilnes’estrienpassé.S’ils’étaitpasséuntruc,jem’ensouviendrais?Bonsang,jenesuispassûre!Jesoulèvel’élastiquedemonpantalonetaperçoismaculotte.Jepasseunemainsurmesseins:tout

estenplace,làaussi.Ilfautvraimentquejeprennedesvitamines,deladrogueouuntruc!Lafatigueestentraindeme

vrillerlecerveau!Jemedécideàmeleveret,lorsquej’arrivedevantlatableàlanger,j’éclatederire:Jerryaune

couchecolléesurl’avant-bras,uneautresurlesdoigtsetmafilleestentortilléedansdeslingettes.–Jecroisquelasituationm’aunpeuéchappé,finit-ilpardire.–Jevoisça!jem’exclameenriantencoreplusfort.Ilfinitparesquisserunsouriretimideetmoncœurmenaced’exploseràcetinstant.Bordel,jecraquetoujoursautantpourlui!Maisj’aicettepetitevoix,dansmatête,quimechantede

nepasluifaireconfiance.–Tuveuxuncoupdemain?jefinispardemanderententantdenepassourirecommeuneidiote.–J’avoue.Etj’aiaussibesoind’unedouche,dit-ilavecunegrimace.Jeposelamainsurmabouchepourretenirunhoquetdesurprise.–Notrefillet’apissédessus?jedemandeavantdemeremettreàrire.Mafilleestgéniale!Elleluiafaitpipidessus…C’estvilain,maisj’adore!–Lola,jet’ensupplie,aide-moi,ajoute-t-il,l’airpenaud.Jem’approche,retire lescouchescolléesd’uncoupsec,enlèveles lingetteset les jette.J’attrape

unenouvellecoucheet l’enfileàKristensous leregardadmiratifdeJerry.Puis je larhabilleet lance,amusée:

–Tudevraisallerprendreunedouche.Etaccessoirement,melaisserdormiretréfléchiràtoutça.Maissurtout,dormir!Ilsepasseunemaindanslescheveuxetdéposeunlégerbaisersurlefrontdubébé.Ilrelèvelatête

et reste un moment à regarder mes lèvres avant de reculer. Lorsqu’il s’éloigne pour remettre seschaussures,jemesensdéçue,malgrémaraisonquimehurlequec’estunebonnechose.Carjenedevraispas…Onadit…Rectification,j’aiditqu’ondevaitselaisserdutemps.Etc’esttrèsadulte,très…

Lavache,j’auraispréféréqu’ilm’embrasse.Paslongtemps,justeunpeu…Je soupire et vais déposer Kristen dans son berceau. Ce changement de couche semble l’avoir

épuiséeetunedouchemeferaitdubienàmoiaussi.Etfroide,depréférence!Histoiredemeremettrelesidéesenplace.

–Jevaisàl’hôtel,je…Ils’interromptetfinitparmedemander:–Tuveuxbienquejerevienne?Demain.Situveuxbien?Pour toute réponse, je hoche la tête. Il s’approche, hésite et finit par saisir une mèche de mes

cheveuxentresesdoigts.Jesaisquejedevraisécartersamainetreculer,maisjen’yarrivepas.C’estcommesimoncorpsappelaitlesien,commesi…

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Ses lèvres se posent sur les miennes. Je me redresse, surprise, mais en un clin d’œil, touts’évanouit.Plusrienn’existeàpartmesseinsquifrôlentsontorse,sonodeurquim’enveloppe,salanguequi caressemes lèvres. Je ferme les yeux et me laisse emporter par son baiser. Sa langue enlace lamienne, nos lèvres ne semblent plus vouloir se quitter, sesmains s’attardent dansmes cheveux, et lesmiennes…sursesfesses!

Pourquoij’ailesmainslà?jemedemande,sanspourautantarrêterdelescaresser.Noscorpsserapprochentet,sanstropsavoircomment,jemeretrouvecouchéesousluidansmon

lit. Ses mains descendent avec lenteur le long de mon corps, son érection frotte déjà contre monentrejambe.Ilsoulèvedoucementmontee-shirtd’unemain,etlà,brusquement,ilserelève.

Ilm’observe,l’airperdu,etsepassenerveusementunemaindanslescheveux.Jelescrute,surpriseetsoudainmalàl’aise.Jemeredresseetm’écartedelui,lagorgeserrée.

–Jecomprends,passerd’Éliaàmoi…–Quoi?crie-t-il,presqueàboutdesouffle.Jetentedecontenirmeslarmesmaisellescoulentdéjàsurmesjoues.–Non,Lola,c’est…,ilcommenceavantdebaisserlesyeux,l’airgêné.Maisjenemelaisseplusamadouer.Jeveuxqu’ilparte.Jedescendsdulit.–Lola,jen’airienfaitavecÉlia!C’estjuste…Ils’arrêteànouveau,sepasseunemainsurlevisage.–Lola,tuméritesmieuxqueça.Nousméritonsmieuxqueça.J’aimetetoucher,t’embrasseret…Son téléphone sonne à ce moment-là. Jerry marque une pause et reprend lorsque la sonnerie

s’interrompt.–Tunepeuxpassavoiràquelpoint j’aienviedetoi.Maisjeneveuxpasquetuleregrettes.Je

veuxêtresûrquec’estcequetusouhaites.Jeveuxànouveautoncœur,Lola,etriend’autre.Je le dévisage en silence. Je ne sais pas quoi répondre car j’ignore si je serai enmesure de lui

abandonnerànouveaumoncœur.J’aibeautoujoursl’aimer,unamoursansconfiance,c’estillusoire.–Jevais…allerprendreunedouche,reprend-il,latêtebaissée.Ilselèveetvarécupérersesaffaires.Alorsqu’ilentrebâillelaporte,ildittoutbas:–Ilnes’estrienpassé,niavecÉlianiavecaucuneautrefemme,Lola.Jenedispasquejen’aipas

ététenté,quejen’yaipaspensé,mais…jen’auraispaspu.Ilmeregardetristementetajouteavantdepartir:–Iln’yaeuquetoiàpartirdujouroùjesuismontédansl’ascenseurdeHEH,etiln’yauraquetoi

jusqu’àlafindemesjours,Lola.Jefermelesyeuxetordonneàmoncœurd’arrêterdemehurlerdeluicouriraprès,maisc’estpeine

perdue.Quandjelesrouvre,iln’estpluslà.Nefaispasça,Lola…Troptard,jesuisdéjàdanslesalon,etrestetétaniséelorsquelaported’entréesereferme.–Lola,puisquet’esdebout,tuveuxpasm’ameneràboire?medemandeAlex,affalésurlecanapé

etencaleçon.–Tuessérieux?!jem’exclameavecunegrimace.–C’estpascommesijetedemandaisdeteleverexprès!geint-il.Je soupireetvaisdans lacuisinechercherunebouteilled’eau. Je la lui tendsetm’installeà ses

côtéssurlecanapé.Ilouvrelabouteille,boitetmefixeuninstant.–Qu’est-cequinevapas,Quenelle?finit-ilparmedemander.–Jemesensunpeuperdue,jeluiavoue.–Parfois,ilfautarrêterdeseposerdesquestions,lance-t-il.–Jenepeuxpas.Jeneveuxpassouffrircommej’aisouffert…

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–Laisse-moi résumer : tuesmalheureuseparcequ’il t’aquittée,etmaintenant, tuesmalheureuseparce qu’il veut revenir avec toi ? Quenelle, tu vas continuer ad vitam aeternam à te remuer lesméninges,ruminerlepassé,etpourfinir,tuserastristecommetonchatquandonarefusédeluidonnerunmorceaudemergueztoutàl’heure.

– Alex, je ne peux quand même pas oublier tout ce qu’il s’est passé ces derniers mois en unclaquementdedoigts!

–Certes,maistunepeuxpasvivresanslui.Lola,tun’aspasarrêtédel’aimerunseuljourdepuisqu’ilestentrédanstavie.Etvucommec’estparti,tul’aimerasjusqu’àlafin.

Ilaraison.Ilfautêtrehonnête,moncœurappartientéternellementàJerry.–PourMarcettoi,c’estaussicommeça?jeluidemande,curieuse.–Non.J’aimeMarc,maispascommetuaimesJerry,oupeuimportesonnom.Etjepréfère.Vous,

c’estlapassion,etc’estcequifaitquevousêtesperpétuellementauborddel’explosion.Marcetmoi,c’estlaraison.Ons’aimesanspassionetaveccalme,finit-ilensouriant.

–Jecroisqu’ilm’atrompéeavecÉlia,j’avouefaiblement.–Jenecroispas,s’exclame-t-il.Jel’observe,surprise.–Ellesavaitqu’ellen’avaitpaslamoindrechance,etducoup,elleadûjoueràl’allumer.Maisils

n’ontrienfait.–Commenttupeuxenêtreaussicertain?–Parcequ’ilt’aime.Ilteregardeavecdesyeuxdemerlanfrit.–Ilm’aime,jelesais,maisl’unn’empêchepasl’autre.Ilhausselesépaulesenguisederéponse.–Etpuis…elleacouchéavecNathan!jecontinue.–C’estquiNathan?demande-t-il,lessourcilsfroncés.–Monpetitamiaulycée.–Euh…Situledis!–Tupensesvraimentqu’ilnem’apastrompée?–Jenepensepas,jelesais.Ilsoupireetreprend:–Lola,d’aprèsceque j’aicomprisdepuis ledébut, Jerryétaitcensé revenirune foissamission

terminée.Tucroisvraimentqu’ilauraitprislerisquedeteperdrepourunestupidehistoiredeculavecunenympho?

–Alors…pourquoiellem’amenti?–Jen’enaipaslamoindreidée.Elleestcertainementjustejalouse,dit-ilenhaussantlesépaulesà

nouveau.Jeleregardeensilence.–Tudevraisalleraulit,lance-t-il.–Jecrois,oui,jesouffleenmelevant.Jedéposeunbaisersursonfrontetretournedormir.Enfin,simoncerveaumelaissetranquille!

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Chapitre31

Jerefermelaported’entréedechezLolaetresteuninstantsurleperronàmedemandersijesuisdevenufou.Carcelafaitsixmoisquejen’aipastouchéunefemme,sixmoisquejerêvedel’instantoùmeslèvresseposerontànouveausurcellesdeLola,oùmesmainspourrontànouveaucaressersapeaudélicate…

La sonnerie de mon portable me coupe dans mes pensées et, compte tenu de la tailleimpressionnantedemonérection,c’estpeut-êtremieux.

JesorsmontéléphonedemapochetoutendescendantlesmarchesetvoisunmessagedeThomas.

Rejoins-moichezmoi,immédiatement–T

Etmerde!Çanesentpasboncettehistoireencore,medis-jeenm’yrendantsansattendre.Jefrappeetlaportes’ouvresurThomas,l’airencoreplusfroidqued’habitude.–Quesepasse-t-il?jedemande.IlmelaisseentrersansunmotetjemefigequandmesyeuxtombentsurJoshua,installédansundes

fauteuils.Dèsqu’ilm’aperçoitilselèveetmedévisageàsontour.–Pourquoias-tuétésilong?m’interrogeDamien,quifaitlescentpasdanslesalon.–Jen’aipasàmejustifierdutempspasséavecmafemmeetmafille.Surtoutaprèsavoirconsacré

sixmoisàunemissionquin’avaitpasétévalidéeparladirection,jeluiréponds.–Tuesaucourant?souffle-t-ilenbaissantlatête.–Tu tedoutaisbienqu’une fois renvoyépour fautegrave, j’apprendrais lavérité, je lui réponds

froidement. J’ai lu intégralement ta déposition à l’attention du conseil de l’Agence. Tu as été très…consciencieux,jefinis,lamâchoirecrispée.

–Vous réglerezvoscomptesplus tard.Nousavonsd’autresproblèmesbienplusgravesà traiter,nouscoupeThomasenregardantJoshua.

Jemepincel’arêtedunezquelquessecondesettentedereprendremoncalme.Hier, aprèsmonaltercation avecLola à l’hôpital, je suis retournédansma chambre et j’ai eu la

« bonne » surprise de découvrir les documents relatifs à mon licenciement dans ma boîte mailprofessionnel.Ceux-ciétaientaccompagnésdeladépositiondeDamienetd’unmessagemedemandantsijesouhaitaisfaireappel.

Thomasaraison.J’auraibienletempsderéglermesproblèmesavecDamienplustard.– Alors, qu’y a-t-il ? je redemande, puisque ma question lorsque je suis entré est restée sans

réponse.DamiensortunecléUSBdesapocheetmelatend.

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–Jevoulaisenfinirunefoispourtoutes,dit-ilsimplementalorsquejelaluiprendsdesmains.Jesecouelatête,necomprenantpasoùilveutenvenir.–J’aitrouvélaplanquedeQ.etaipiquétouteslesinfos…–…maisleschosesontmaltourné?j’ajoute.Ilhochelatête.–Joshuaetmoiavonsdétruit toutessesbasesdedonnées.Ilneluiresteplusaucuneinformation.

Nousdevionstoutfaireexploser,etQ.avec,maiselleatrouvélesexplosifsetlafindenotreplanaunpeucapoté,finit-ilavecunegrimace.

–Joshuaettoi?jerépèteenregardantmonfrère.–Jenet’enaijamaisvoulupourpapa…oumaman,Jullian,commence-t-il,malàl’aise.–Tunevoulaispasmourir,jelâchesimplementenmeremémorantsesparoleslorsquej’étaisretenu

prisonnierparQ.Ilhochetristementlatête.–Jesuisdésolé…Jenesuispasaussicourageuxquetoi…–Si,biensûrquetuescourageux.Seulementmoinstéméraireetsurtoutbeaucoupmoinsidiotque

moi.Tuasfaitcequ’ilfallait,jelecoupeenluitapantsurl’épauleavecunlégersourire.Ilme sourit à son tour et finit parme donner une accolademaladroite. Je jette un coup d’œil à

Damienquinousobserveet,pendantuninstant,jecroisvoirbrillerunéclatdefiertédanssonregard.Jenesaispassijevaispouvoirluipardonnerlefaitdes’êtreservidemoiduranttouscesmois,maisjesuissûrd’unechose:monfrèreestlibre,etcegrâceàlui.Onestpeut-êtrequittesfinalement…

–Pourquoies-tumouillé?medemandeJoshuaenobservantmonpantalondetravers.–Mafillem’apissédessus,jeluidisenriant.Ilm’observeavecunegrimacededégoûtetThomasdemande:–Damien,quandtudis«unpeucapoté»,qu’est-cequecelasignifieexactement?–Q.nousasurprisalorsquenousarmionslesexplosifs.Nousavonsréussiànousenfuiràtemps.–Mais…àl’heurequ’ilest,elledoitvouschercherpartout!jem’exclame.LolaetKristen…Thomasjetteuncoupd’œilangoisséàlaportedesachambreoùSamanthadoitdormir,comptetenu

del’heure,etrépèteplusdoucement:–Ellevousrecherche?–Damien,nemeditespasquevousêtesvenusvousplanquerchezThomas ! Iln’ya rienqui te

choque?jesors,horsdemoi.–Etoùvoulais-tuqu’onaillesinon?sedéfend-il.–IlfautmettreLolaetKristenensécuritéimmédiatement,jelâche.NousnousregardonsuninstantavecThomas,puisilattrapesonportableenjurant.

***

–Lola,réveille-toi,ditquelqu’unenmesecouant.J’ouvrelesyeuxetmeretrouvenezànezavecAlex.Jesursauteetdemande:–Maisqu’est-cequ’ilsepasse?–Ilfautquetupartes,dit-il,visiblementpaniqué,toutenjetantdescouchesdansunsac.–Quoi?jem’exclameenmelevant.Ilmelancemonmanteauetcrie:–Maintenant!–Maisenfin,jenecomprendsrien,jesorsenregardantautourdemoi.

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–DamienavoléuntrucimportantàQ.et…ilfautt’enfuirauplusvite,tucomprends?–Pasvraiment.Laportes’ouvreàcemoment-làsurMatt.Ilm’observeavecdesbiberonsàlamain.–C’estbon?Tuesprête?medemande-t-il,àboutdesouffle.–Maisqu’est-cequetufais?jeluidemandealorsqu’ilentasselesbiberonsdanslesacd’Alex.–Lola,ilfautqueKristenettoipartiez,répond-ilsimplementalorsqu’unedéflagrationretentit.AlexposesonsactandisqueMattcontinuedelerempliretcourtverslesalon.–Ilsviennentdefaireexploserleportail,hurle-t-ilenrevenantdanslachambre.Moncœurcommenceàs’emballer.Jejetteuncoupd’œilàKristenquidorttoujoursetdistinguedescoupsdefeuaurez-de-chaussée.Sansréfléchirdavantage,j’enfileleporte-bébéavantdel’yinstallerrapidement.–Onvapasserparlebalcon.Ilyauneéchelledesecoursquimènedirectementàlaplage,jesors

enm’yprécipitant.MattouvrelabaievitréeetmedévisageuninstanttandisquemonregardoscilleentreluietAlex.–Ilfautquevousveniez,jeleursouffle,sachantpertinemmentqu’ilsneleferontpas.Alexsecouelatête,faisantvisiblementuneffortpournepaspleurer.–Jet’aime,Lola,lance-t-ilalorsquejenebougetoujourspas.Jenepeuxpasleslaisser,ilsvontsefairetuer…Kristenchoisitcemomentpourseréveiller.Jelaregarde,puismesfrères,etentreprendsdedétacherleporte-bébé.J’inspireprofondémentetletendsàMatt,quisecouelatête.–C’esttoiquicoursleplusvite,jesouffleenpleurant.–Lola,non…Çavaaller,jetelepromets,ditMatt,lavoixchevrotante.J’inspireunegrandeboufféed’airpourmedonnerducourageetcrie,enluiinstallantrapidementle

porte-bébéavecKristendedans:–Matt,maintenant!Jem’emparedusacetletendsàAlex.–Non,cen’estqu’unsac.Jereste,medit-ilenlerepoussant.– Il abesoinde toipourdescendre l’échelle, je lâcheen le luimettantdans lesbraspresquede

force.–Alorstuviensaussi,lance-t-il.Jesecouelatête.–C’estmoiqu’ilscherchent,pasKristen.Etsijesuislà,ilsnevouspoursuivrontpas.Jesuisune

bonnemonnaied’échange,doncQ.nemetuerapas,jeluiexpliquecalmementavantdedéposerunlégerbaisersurlefrontdemafille.

Plusieurs coups de feu retentissent. Matt m’observe, ferme les yeux et court vers l’échelle desecours.

–Situmeurs,jetetue!lance-t-il,prêtàdescendre.Jemeforceàluisourireetleregardes’évanouirdanslenoiravecmafille.–Alex,vas-y!jelance,lamâchoirecrispée.Alorsqu’ilstententdedéfoncerlaporte,ilchuchote:–Nemeurspas,Lola.Jesecouelatêteetleregardepartiràsontour.Éliaestlapremièreàmerejoindresurlebalcontandisquedeshommesarmésdéferlentdanstout

l’appartement.Elleattrapeunearmederrièresondos,ôtelecrandesûretéetlapointedansmadirection,maisjenebougepasd’unpouce.

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–Lola,dit-elleavecunsourire.Je l’observe en silence, en me disant que plus longtemps je ferai diversion, plus mes frères et

Kristenserontensécurité.–Jesuisétonnéedenepastrouvertoncherettendreavectoi,souffle-t-elle,vénéneuse.Àcetinstant,jecomprendsqu’Alexavaitraison.Éliaamentisurtoutelaligneàproposdesasoi-

disantrelationavecJerry.Envérité,elleatoujoursétéjalouse,d’unejalousiemaladive.Mêmeaulycée…–Jecroyaisquevousviviezunegrandehistoired’amourtouslesdeux?jerétorque.–Tusaisquetuvasmourir?lance-t-elle.Jenerépondspas,carjelesavaisdéjàaumomentoùj’aiprisladécisiondelaisserMattetAlex

partiravecmafille.Etjeneleregrettepas.–Puisquetafinestproche, jevaistefaireuneconfidence:c’estvrai, jen’aipascouchéavecJ.

Pourtant,j’aitouttenté,maisilatenubon.Tupeuxmourirenpaix,maintenant,dit-elle.Sondoigtestprêtàappuyersurlagâchette.Lorsqu’uncoupdefeuretentit,jesursaute,etÉliatombe

ausol.J’observeavechorreursonsangsedéversersurlesdallesdelaterrasse.Dansl’encadrementdelabaievitrée,Q.observeÉliaavecdégoût,puisavanceàmarencontre.–MademoiselleMorell,mesalue-t-elleavecunemouedédaigneuse.Jenerépondspasetcontinuedefixerlecadavred’Élia.–Jenel’aijamaissupportée,ditQ.,commesicelalégitimaitlefaitdeluitireruneballedansla

têtedesang-froid.Bon,trêvedepolitesse,jeveuxlacléUSB,dit-elleencroisantlesbras.–Jeseraisraviedepouvoirvousaider,maiscen’estcertainementpasmoiquil’ai,jeluiréponds,

lavoixtremblante.– Jem’en doutais,mais je suis sûre que vous pouvez passer un ou deux coups de fil et trouver

quelqu’unquimelaremettrabienvolontiers.Lola,nepleurepas…Nepleurepas,jemerépète,auparoxysmedel’angoisse.–Jenesaispasquil’a,jechuchote.Sij’appelleJerryouDamien, ilsvontveniretsefairetuer.Si jen’appellepersonne,c’estmoi

quimeurs…–Allons, faites un effort,mademoiselleMorell, il serait dommage que votre fille se retrouve si

rapidementorpheline.JefermelesyeuxetpenseàKristen,àlasensationdesonpetitcorpspotelécontrelemien…–Jenesaispas…,jedisànouveau,alorsqueleslarmescoulentlelongdemesjoues.Q.soupiredelassitude.J’ouvrelesyeuxetaperçoislecanondesonarmepointédansmadirection.Nebougepas,Lola…–Unsimpleappeletvouspourrezretrouvervotrefille,souffle-t-elle.Jesecouelatêtealorsquemessanglotsredoublent.Jenepeuxpasfaireça…Jeneveuxpasmourir,maisjenepourraipasvivreensachantquej’ai

trahimafamille…–Jeperds…Q.n’apasletempsdeterminersaphrasequel’undeseshommes,puisundeuxième,s’écroulentà

terre. Ilmefautquelquessecondespourcomprendrequ’onleur tiredessus.Jedistinguequelquechosecommeuneballedetennistomberàmespieds,puisunefuméenousenveloppe.

Jemejettemachinalementàterre,tandisquedescoupsdefeufusententoussens.L’échelledesécurité…Jerampedanssadirection,maisquelqu’unm’attrapeparlacheville.–Vousn’ireznullepart!cracheQ.enmetirantverselle.–Etpuisquoiencore!jecrieenmedébattant.

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J’aviselepicàbrochettequitraîneàcôtédubarbecue,tendslebrasmaisQ.metireplusfort.Jetente de lui asséner un coup de pied,mais rien n’y fait, je n’arrive pas àme dégager.Dans la cohuegénérale,quelqu’unmarchesurmamainetQ.enprofitepourprendrel’ascendantenmemontantdessusafin de m’étrangler. Je la repousse. Ses mains se serrent autour de ma gorge. J’étouffe, tente de ladéséquilibrerenbougeant lebassin,maiselle resteàcalifourchonsurmoi, enserrant toujoursplusmagorge.J’ailatêtequitourne.Jemanqued’air.Mais,alorsquejepensequec’estlafin,jenesensplusson emprise. Je me tourne sur le côté pour reprendre ma respiration et vois mon père qui la frappeviolemment.Je jetteuncoupd’œilautourdemoietaperçoisJerry,Damien,Thomas,ainsiqu’unautrehommequejeneconnaispassebattrecontreleshommesdeQ.MêmeAlexestrevenupourlesépauler.

Je rampe à nouveau endirectiondupic et le saisis aumoment oùun coupde feu retentit. Jemetourneetvoismonpères’écrouleràterre,etQ.,àboutdesouffle,tenantunearme.Sansréfléchir,jemeredresse,m’approche deQ. qui fixe toujoursmon père avec un léger sourire, brandis le pic et le luienfoncedanslapoitrine.Ellemeregardeenfin,l’airsurprise,etàcemoment-là,plusrienn’existeàpartsesyeuxquim’observent,écarquillés.Jeretirelepicetassèneunnouveaucoup.Sonarmeluiglissedesmainsetelles’écrouleausol.

–Papa!s’écriequelqu’underrièremoi,maisjeresteimmobile.JecontinuedescruterQ.allongéesurlesol,monarmeimproviséefichéedanssapoitrine.J’entendsànouveauhurler«Papa»,maisjeneparvienstoujourspasàbouger.Quelqu’unmebouscule,desbrasm’entourent.Surprise, jemedébats avantdeme rendrecompte

quec’estJerryetmeblottiscontresontorseenpleurant.Au bout de ce qui me semble une éternité, je m’écarte de lui et vois mes frères à genoux qui

pleurent.Papa…

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Chapitre32

J’inspireprofondémentet tentede faire levidedansmonesprit. J’observe lesmotsnotéssurmafeuilleetnevoisriend’autrequedesgribouillis.

L’égliseestpleine,et le seulbruitque jediscerneestceluidemoncœurquibat tropviteetquicognedansmestempes.

Jen’auraispasdûaccepterdelirecetexte…Perdresonpèreestuneépreuvesuffisammentdouloureuse,alorspourquoiyajouter l’angoissede

lireuntexteenpublicdansuneéglise,devantlesêtresquimesontlepluschersaumondeetquiviventégalementlejourleplusdifficiledeleurvie?

Mon regard se pose sur Jerry, assis au premier rang à côté de son frère. Ils se ressemblenténormément,mêmesiJoshuaestpluspetit,plusfinetaencoredanssesyeuxunelueurinnocented’enfantquiagranditropvite.

Jenesaispaspourquoijesongeàçaalorsquejesuiscenséelirecefichutexteetquetoutlemondeattendl’instantoùlepremiermotvasortirdemabouche.

Peut-êtrequ’aufonddemoi,jesuisunpeujalouse.Jerryaretrouvéunêtrecher,etmoi,j’enterrelapersonnelaplusimportantedemavie.L’hommequim’atoujourssoutenue,enversetcontretout…

MesyeuxtrouventceuxdeJerryet,pendantuninstant,plusrienn’existeendehorsdesonregard.Uncielenpleinetempête…Jefermelesyeuxunesecondeetlaissemoncœurparler.« Papa, tu as été le premier homme dema vie, le seul en qui j’ai toujours eu une confiance

absolue.Tuétaismaréférence,toujoursàl’écoute,legéantdansl’ombredequij’aifaitmespremierspas ; celui qui m’a appris patiemment tant de choses, qui m’a donné les armes pour affrontersereinementlavie;celuiavecquij’aipartagétantdejoiesetquim’asoutenuedanstantd’épreuves.

«Papa,tum’avaispréparéàbeaucoupdechoses,maistunem’avaispasprévenuequ’ilseraitsidifficiledetedireaurevoir.

«Jenesaispassijeseraiassezfortepourcontinueràmebattresanstoi.»Jefaisunepause,tentedereprendremonsouffle,maismeslarmesm’enempêchent.Jemepasseunemainsurlevisageetreprends,lavoixhésitante:«Je suis et resterai éternellement tapetiteprincesse.TaLolapétillante et pleinede vie.Età

chaquefoisquej’iraitroploinouquejem’écarteraidudroitchemin,jet’imaginerai,toi,tessilences,tessourcilsfroncésoutes«Lola!»avantdegrondercommeunoursmalléché.

«Papa,tun’imaginespaslevidequetulaissesdansnoscœursetdansnosvies…«Noust’aimonstant.

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«Mercipourtoutcequetuaslaissé,toutcequetunousasappris,toutl’amourquetunousasportéinconditionnellement.

«Adieu,Papa.»Jeterminemalectureenmedemandantsijevaistrouverlaforcederetourneràmaplace.Alorsque

jesensmesjambesvaciller,unemainmesoutient.JelèvelesyeuxetvoisJerry.Iln’apasbesoindemeparlerencetinstant.Jesaisqu’ilseralàpourmoi,etqueplusriennepourra

nousséparer…–Lola.Je lève les yeux des bodys que je suis en train de plier et aperçois Jerry, appuyé contre le

chambranle.Ilportetoujourssoncostumesombre,maisadétachésacravate.J’essuieunelarmeégaréelelongdema joueet coursmeblottirdans sesbras. Ilme serre fort et jeme laisse envelopperpar sonparfumréconfortant.

–J’aimeraistellementprendretapeine,mesouffle-t-ilenmecaressantlescheveux.Pourtouteréponse,jerenifleetessuiemonnezsursachemise.Cela fait deux semaines que l’enterrement a eu lieu. J’essaie de ne pas tropm’abandonner àma

tristessepournepasaffecterKristen,maisparfois,lorsquejesuisseule,jesuisassaillieparcettepeinequinesemblepasmequitter.

–TuasdesnouvellesdeDamien?jedemandepourchangerdesujetenm’écartantlégèrementdelui.

–Non,désolé,merépond-il.–Jenecomprendspascommentilapunepasveniràl’enterrement!jem’exclameensecouantla

tête.IlsembleavoirdisparudelasurfacedelaTerre.Mamèremeditqu’ilreviendralorsqu’ilsesentira

prêt.Moi,jemefichequ’ilsesenteprêtounon.Notrepèren’estpluslà,etonatousbesoindesunsetdesautres…

–Ils’enveut.Ilsesentresponsabledecequis’estpassé.JefroncelessourcilsetplongemonregarddansceluideJerry.–Laisse-luidutemps,Lola,mechuchote-t-ilavantdecaresserdoucementmajoue.–Embrasse-moi,jemurmure.Ilmesouritetmedit:–Jeneveuxpasprofiterdetatristesse,Lola.Jevoudraisquetumepardonnes.– Jeveuxque tum’embrassesparceque j’en ai envie, pasparceque je suis triste, je dis enme

mettantsurlapointedespieds.Noslèvresnesetrouventplusqu’àquelquescentimètres.Jesenssonsoufflecontremabouche.Il

hésite,puisfinalements’écarte.–Viensavecmoi,dit-ilenmeprenantparlamain.–Jenepeuxpas,jedoism’occuperdeKristen!jem’exclame.– On n’en a pas pour longtemps. Matt et Joshua vont la garder un moment, dit-il en souriant

mystérieusement.–S’ilsarriventàsedétacherdeleurjeudeFIFA!jesorsavantderire.Joshua a décidé de rester vivre un peu avec nous, pour le plus grand bonheur de Jerry. Ils

apprennentdoucementàseconnaître,etc’estpassuperfacilepourmonSexy-Fossettesdetoujourssuivresonmathématiciendefrère.

–Oui,j’aivuqu’ilsyjouaientencore.Maisaumoins,Joshuaneparlepasde…cestrucsdemaths,lance-t-il,unbrindésespéré.

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–Enréalité,iladitqu’iltentaitunnouvelalgorithmeavec…Enfait,j’aipascompris,jefinisparavouer.

Joshuaesttrès,trèsintelligent,etparfois,jen’arrivepasàsuivresesexplications.Maisbon,sinon,ilestcharmant;beaugarçonettrèsgentil.Ilsembleréellementheureuxdepouvoirpasserdutempsavecsonfrère.

Jerrymeprendparlamainetjelesuisfinalementjusqu’ausalon.Jejetteuncoupd’œilàmafillequidortpaisiblementdanssontransatalorsqueMattetJoshuasemblentdonnertoutcequ’ilsontpourgagnerunmatchdefootvirtuel.

–Matt,onvasepromener.Onpeutvous laisserKristen?demandeJerry,qui semble légèrementnerveuxtoutàcoup.

–Oui,oui,répondmonfrère,concentrésursapartie.–Matt,tuessûr?jel’interroge,voulantêtrecertainequ’ilabienentendu.Je me méfie toujours quand je pose une question alors que les garçons jouent. Ils ne sont pas

forcémentattentifs…–J’aidit«oui»,Lola,lance-t-il,avantdebondirducanapéparcequ’ilamarquéunbut.IlremuedesfessesdevantJoshua,lequelnesemblepasappréciersadéfaite.–Jevaismettremeschaussures,jedisfinalement.Carquedired’autre?!J’attrapemesballerinesetlesenfilependantqueJerrymetendmaveste.Ilm’aideàlapasseretme

glisseàl’oreille:–Net’enfaispas,jesuiscertainqueKristenmaîtrisecomplètementlasituationetquelesgarçons

serontbiensages!Ilsemetàriredesablagueetjedoisavouerqu’iln’apastort.Onsedemandequi,demafilleou

desgarçons,estl’adultedanslapièce.–Tum’emmènesoù?jedemandeunefoisdehors.–Tuverras,dit-ilenmeprenantlamain.Je sens la chaleur de sa paume contre lamienne, de ses doigts qui effleurentmon poignet, et sa

présencemeréconforte.Onnes’estpasquittésdepuis…enfin,depuiscetteterriblenuit.Quand, lematin, jen’aimêmepas la forcedemettremeschaussures tellementmoncœursouffre,

c’estluiquimechausse.Ils’occupedeKristenetesttoujoursprésentsansrienattendreenretour.Nousarrivonsauboutdelarueetjesuissurpriselorsquenousneprenonsladirectionniduportnidelaplage.

–Tuneveuxpasmedire oùonva ? je demande, deplus enplus curieuse, alors quenousnousengageonsdansunquartierrésidentiel.

–Non,lâche-t-ilavecunlégersourire.–Moiquipensaisquetum’emmenaisdansuncoinsombrepourmefairesauvagementl’amour,je

suisdéçue,jeluidisenmemordantlalèvrepournepaspoufferdevantsonairchoqué.Jevoissapommed’Adammonteretdescendreetsourisdeplusbelledevantmonpetiteffet.–Bien,puisquenousn’allonspasnousenvoyerenl’air,faisonslaconversation,jelance,amusée.–Avecplaisir.Tuasunsujetdepréférence?medemande-t-ilenmesourianttoutessexyfossettes

affûtées.–Commentçasepasseàl’AgenceavecThomas?jel’interroge,enignorantmoncœurquibatla

chamade.–Étonnammentbien.Lorsquej’aiapprisqu’ilprenaitunposteàladirection,j’étaisunpeuinquiet.

Mêmesij’aidésormaisuneplaceplustranquilledansl’administrationgrâceàladépositiondeDamien,j’avaispeurqu’ilsoitunpeurudeavecmoi.

–Etfinalementnon?

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Ilmeregarde,mesourittendrementetreprend:–Non.Jesuistrèsbienàmonnouveauposte,Lola,sic’esttaquestion.Jebaisselatêteetmedemandesimonintentionétaitsitransparente.– Je saisque tuaimesêtre sur le terrain.Et jeneveuxpasque,dansquelque temps, tu regrettes

d’avoirchoisicepostedebureau.–Lola,déjà,j’iraidetempsentempssurleterrain,etsurtout,jeveuxêtreavecmafamille,dit-il

fermement.Jehochela têtesansrienajouter.C’està luidefaireseschoix,etsinousvoulonsconstruireune

vraierelation,jedoisluifaireconfiance.Jerrys’arrêtedevantunemaisonetm’observeétrangement.Pourquoisemble-t-ilaussinerveux?–Mais…Qu’est-cequetufais?jeluidemandealorsqu’ilsedirigeverslaported’entrée.–Viens,lance-t-ilenmetirantverslui.Ilsortuneclédesapocheetdéverrouillelaporteavantdemefairesigned’entrer.Jejetteuncoup

d’œilcirculaireàlagrandesallevide,maisnecomprendstoujourspasàquiappartientcettemaison.–Tuveuxvisiter?m’interroge-t-il,visiblementagité.Jel’observe,lessourcilsfroncés.–Ilyaquatrechambres,unbureau,deuxsallesdebainsetunjardinquimèneàlaplage.–Tuasachetécettemaison?–Non.Ilsepasseunemaindanslescheveuxetajoute:–Jevoulaisd’abordquetuvisites.Sielleneteplaîtpas,cen’estpas…–C’estlacuisine,là-bas?jelecoupeenmontrantlapiècedufond.–Oui,elledonnesurlejardin.Jem’avancepourmieuxvoir.Jegrimacedevantlesmeublesquiontconnudesjoursmeilleurs.–Elleestmoche.Ilfaudraitlarefaire,jelanceenadmirantlejardinparlafenêtre,aveclameren

toiledefond.–Onpeutaussiouvrir lacuisinesur lesalon, lemurn’estpasporteur,m’informe-t-ilenscrutant

chacundemesfaitsetgestes.– J’aime bien les cuisines fermées. En plus, elle est grande. Du coup, on pourra y manger, je

réponds,songeuse.Jepoursuismavisiteettombesurunbureauquidonneégalementsurlejardin.–Ilyaquandmêmedestravauxderafraîchissementàfaire,jedis,unpeuailleurs.–Jemesuissurtoutditquetuaimeraislavue.Tupourraisécrireavecvuesurlamer,chuchote-t-il.Jenerépondspasetmontevoirleschambres.Jepousseunepremièreporteetmesyeuxbrillenten

découvrantundressingainsiqu’unesalledebainsavecbaignoireetdouche.Lesautrespiècessontpluspetites,maisdetaillesrespectables.

–Lescomblessontaménageables,m’informe-t-ilensepassantunemaindanslescheveux.–Dites-moi,JerryWalker…Quatrechambres,unbureau,descomblesaménageables…Vouspensez

formeruneéquipedefoot?Ilsemetàrireetmesouffleens’approchantdangereusementdemoi:–Dumomentquec’estavecvous,mademoiselleMorell.Jememordsles lèvresetrêvequ’ilm’embrasseenfin,mais il reculeetm’inviteàentrerdansla

deuxièmesalledebains.–Tusouhaitesrevoirlerez-de-chaussée?medemande-t-il.–Non,jeveuxquetum’embrasses.–Tun’aspasencorevul’extérieur,dit-ildoucementenregardantmeslèvresavecenvie.

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Jesoupireetcapitule,lesuivantjusqu’aujardin.J’admirelabalançoire,lepetitportailquimèneàlaplage,etenfin,lecoindupotager.–Alors,qu’est-cequetuenpenses?demande-t-il,deplusenplusnerveux.–C’estunjolipotager,jelâche,pasfranchementconvaincue.–Épouse-moi,lance-t-il,raidecommeunpiquet.–Pardon?–Silamaisonneteplaîtpas,onpeutenvisiterd’autres.–Jerêveoutuviensdemedemanderenmariage?–Oui.–Etensuite,tum’asdemandésilamaisonmeplaisait?–Oui.–Tuesbizarre.–Jesais.Ettun’espasobligéederépondretoutdesuite.–Pour lamaisonoulademandeenmariage? jedemande,deplusenplusamuséedevantsonair

paniqué.–Ehbien,lamaisonn’estvraimentpaschère,etc’estunsecteurtrèsdemandé,donc…–J’aimebienlamaison,jelâcheavecunsourireencoin.Ilsepasseunemainsurlanuqueetsembleretenirsonsouffle.–Jen’épousepasleshommesquejeviensàpeinederencontrer.Ilvafalloirsemontrerunpeuplus

convaincant,monsieurWalker,jesouffle.– Que tu « viens de rencontrer » ? lance-t-il en souriant avant de m’attirer vers lui et de

m’embrasseravecpassion.Jem’agrippeàsescheveuxetprofitedelachaleurdesoncorps,deseslèvrescontrelesmiennes.

Noslanguess’affrontentdansunduelsansfin.Toutàcoup,ils’écartedemoietmeregarde,àboutdesouffle,avantdechuchoter:

–Alors,onachètelamaison?Jememordsleslèvrespournepaséclaterderireethochelatête.–Jet’aime,Lola.–Jet’aime,Jerry,Jullian,ouquelquesoittonnom!

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HarlequinHQN®estunemarquedéposéeparHarperCollinsFranceS.A.

©2017HarperCollinsFranceS.A.

Conceptiongraphique:AliceNussbaum

©ehidna–Fotolia.com

ISBN9782280364263

Tousdroitsréservés,y comprisledroitdereproductiondetoutoupartiedel’ouvrage,sousquelqueformequecesoit.Celivreestpubliéavecl’autorisationdeHARLEQUINBOOKSS.A.Cetteœuvreestuneœuvredefiction.Lesnomspropres,lespersonnages,leslieux,lesintrigues,sontsoitlefruitdel’imaginationdel’auteur,soitutilisésdanslecadred’uneœuvredefiction.Touteressemblanceavecdespersonnesréelles,vivantesoudécédées,desentreprises,desévénementsoudeslieux,seraitunepurecoïncidence.HARLEQUIN,ainsiqueHetlelogoenformedelosange,appartiennentàHarlequinEnterprisesLimitedouàsesfiliales,etsontutiliséspard’autressouslicence.

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