l'alphabet hébraïque

17
8/14/2019 L'Alphabet Hébraïque http://slidepdf.com/reader/full/lalphabet-hebraique 1/17 L'Alphabet Hébraïque Lettre VA VN VT Nom Transcription a 1 p 1p 2p [la Alèf A b 2p 2p 4 tyB Bèyt B g 3p 3p 6 lmyg Guiymèl G d 4 4 8 tld Dalèt D h 5p 5p 10 yh Héy H w 6 6 12 ww Vav V z 7p 7p 14 /yz Zayin Z 8 8 16 tyj Rhèyt J f 9 9 18 fyf Téyt E y 10 10 20 doy Youd Y k 11p 20 31p [K Rhaf K l 12 30 42 dml Lamèd L m 13 p 40 53p <ym Mèym M n 14 50 64 /Wn Noun N s 15 60 75 Ems Samèk O u 16 70 86 /yu Ayin I p 17 p 80 97p yP Péy P x 18 90 108=4x27 ydx Tsadéy C q 19 p 100 119=7x17 [oq Quof Q r 20 200 220=11x20 vyr Rèych R v 21 300 321=3x107 /yv Chiyn S t 22 400 422=2x211 wT Tav T i 23p 500 523p final du Rhaf K < 24 600 624=3x8x26 final du Mèym M / 25 700 725=25x29 final du Noun N [ 26 800 826=14x59 final du Péy P J 27 900 927=9x103 final du Tsadé C LA LANGUE ET LA LITTÉRATURE HÉBRAÏQUE L'hébreu appartient au groupe des langues sémitiques du Nord-Ouest, dont il constitue, avec le phénicien et le moabite, le rameau cananéen. L'hébreu, aujourd'hui langue nationale d'Israël, représente, en effet, la forme évoluée de l'idiome qui était en usage chez les populations de Canaan antérieurement à l'arrivée des Israélites. Ces derniers ont dû abandonner pour la langue de leurs hôtes, dont la civilisation était supérieure, le dialecte araméen qu'ils parlaient originellement. Les gloses des lettres d'El-Amarna (XVe et XIVe siècles av. notre ère) ont permis de reconstituer la grammaire de cette langue de Canaan, ancêtre de la langue hébraïque La littérature hébraïque présente la particularité de s'être développée pratiquement sans solution de continuité depuis plus de trois millénaires. En outre, contrairement à l'évolution que l'on rencontre généralement, c'est le monument historique le plus ancien, la Bible, qui fut et reste considéré comme le modèle parfait, source de toute inspiration future. En conséquence, sur le plan littéraire comme sur le plan linguistique, la langue et la poésie bibliques apparaissent comme plus proches du XXe siècle que l'anglais de Chaucer ou le français du pauvre Rutebeuf.

Upload: belhamissi

Post on 30-May-2018

228 views

Category:

Documents


0 download

TRANSCRIPT

Page 1: L'Alphabet Hébraïque

8/14/2019 L'Alphabet Hébraïque

http://slidepdf.com/reader/full/lalphabet-hebraique 1/17

L'Alphabet Hébraïque

Lettre VA VN VT Nom Transcription a 1 p 1 p 2 p [la Alèf Ab 2 p 2 p 4 tyB Bèyt Bg 3 p 3 p 6 lmyg Guiymèl Gd 4 4 8 tld Dalèt Dh 5 p 5 p 10 yh Héy Hw 6 6 12 ww Vav Vz 7 p 7 p 14 /yz Zayin Z

8 8 16 tyj Rhèyt Jf 9 9 18 fyf Téyt Ey 10 10 20 doy Youd Yk 11 p 20 31 p [K Rhaf Kl 12 30 42 dml Lamèd L

m 13 p 40 53 p <ym Mèym Mn 14 50 64 /Wn Noun Ns 15 60 75 Ems Samèk Ou 16 70 86 /yu Ayin Ip 17 p 80 97 p yP Péy Px 18 90 108=4x27 ydx Tsadéy Cq 19 p 100 119=7x17 [oq Quof Q r 20 200 220=11x20 vyr Rèych Rv 21 300 321=3x107 /yv Chiyn St 22 400 422=2x211 wT Tav T

i 23 p 500 523 p final du Rhaf K< 24 600 624=3x8x26 final du Mèym M/ 25 700 725=25x29 final du Noun N[ 26 800 826=14x59 final du Péy PJ 27 900 927=9x103 final du Tsadé C

LA LANGUE ET LA LITTÉRATURE HÉBRAÏQUE

L'hébreu appartient au groupe des langues sémitiques du Nord-Ouest, dont il constitue, avec lephénicien et le moabite, le rameau cananéen.

L'hébreu, aujourd'hui langue nationale d'Israël, représente, en effet, la forme évoluée de l'idiome quiétait en usage chez les populations de Canaan antérieurement à l'arrivée des Israélites. Ces derniers

ont dû abandonner pour la langue de leurs hôtes, dont la civilisation était supérieure, le dialectearaméen qu'ils parlaient originellement. Les gloses des lettres d'El-Amarna (XVe et XIVe siècles av.

notre ère) ont permis de reconstituer la grammaire de cette langue de Canaan, ancêtre de la languehébraïque

La littérature hébraïque présente la particularité de s'être développée pratiquement sans solution decontinuité depuis plus de trois millénaires. En outre, contrairement à l'évolution que l'on rencontre

généralement, c'est le monument historique le plus ancien, la Bible, qui fut et reste considérécomme le modèle parfait, source de toute inspiration future. En conséquence, sur le plan littéraire

comme sur le plan linguistique, la langue et la poésie bibliques apparaissent comme plus proches duXXe siècle que l'anglais de Chaucer ou le français du pauvre Rutebeuf.

Page 2: L'Alphabet Hébraïque

8/14/2019 L'Alphabet Hébraïque

http://slidepdf.com/reader/full/lalphabet-hebraique 2/17

Évaluer l'importance relative des diverses époques est difficile, car les documents conservés neconstituent qu'une partie souvent réduite et parfois secondaire d'un ensemble. Certains moments de

l'histoire littéraire sont mal connus et d'autres le seraient restés, n'étaient les découvertesretentissantes des manuscrits de la mer Morte en 1947 et de la gueniza du Caire en 1896.

Les manuscrits de la mer Morte donnent une idée de la période qui s'étend entre la fin de l'époquebiblique (env. IVe s. av. J.-C.) et l'époque mishnique (jusqu'au IIIe s.). Les textes, et surtout lesadmirables poèmes liturgiques découverts dans la gueniza du Caire (dépôt des textes sacrés anciensou hors d'usage), montrent que les siècles qui se sont écoulés entre la clôture de la Mishna (Misna )

et l'époque médiévale ont dû être très riches. On en dégagera ici les lignes de force.

La littérature hébraïque moderne comprend essentiellement l'époque de la Haskala ("les Lumières"),qui dure jusqu'en 1881, celle du "Retour à Sion" chanté comme un souhait ardent, puis réalisé

(H. N. Bialik, S. Tchernichovski), la littérature préisraélienne (jusqu'en 1948) et, enfin, israélienne.

1. L'hébreu

L'hébreu biblique ou hébreu ancien

Textes

L'hébreu biblique est la langue dans laquelle a été rédigé - à l'exception de quelques passages -l'ensemble littéraire qui constitue la Bible juive. Une partie des apocryphes et des pseudépigraphes,

qui nous sont parvenus surtout en traduction, furent sans doute composés primitivement dans lalangue originale de la Bible. C'est ce que démontrent, par exemple, les fragments hébreux du Siracide

mis au jour à Qumrân en 1956 et à Massada en 1964.

Le domaine de l'hébreu biblique a été considérablement élargi par la découverte, à partir de 1947,dans les grottes du Wadi-Qumrân, au nord-ouest de la mer Morte, d'une collection de textesantérieurs au christianisme, legs d'une secte juive dans laquelle de nombreux savants s'accordent à

reconnaître les Esséniens.

En dehors de ces compositions littéraires, il faut signaler encore divers monuments révélés parl'épigraphie: "calendrier" de Gezer, inscription de Siloé, sceaux, lettres de Lakish, estampilles de

jarres, monnaies, inscriptions funéraires.

Tous ces textes s'échelonnent du Xe siècle avant J.-C. aux abords de l'ère chrétienne.

Phonétique et alphabet

Le système phonétique de l'hébreu représente une simplification du système sémitique primitif. Lessymboles de l'alphabet hébraïque auxquels correspondent les caractères latins b , g , d , k , p , t ,

notent, selon qu'ils sont ou non affectés d'un point diacritique, une prononciation dure ou spirante.Les gutturales, moins nombreuses que dans l'état originel, ont une prononciation qui les différencie

nettement les unes des autres. L'hébreu biblique possède des consonnes emphatiques,caractéristiques des langues sémitiques. Les trois voyelles fondamentales du sémitique commun, a ,

i , u , avec leurs variétés longues ou brèves, ont abouti en hébreu ancien à sept voyelles longues,moyennes ou brèves. L'hébreu, comme l'arabe, accentue plus fortement la fin de phrase. Ce

phénomène entraîne un allongement de voyelle dans le vocable qui est suivi d'une ponctuation forte.

C'est la forme pausale.

Page 3: L'Alphabet Hébraïque

8/14/2019 L'Alphabet Hébraïque

http://slidepdf.com/reader/full/lalphabet-hebraique 3/17

L'hébreu se lit de droite à gauche. L'alphabet hébraïque compte vingt-deux signes qui ne notent queles consonnes. Les Israélites l'ont emprunté aux Phéniciens et s'en sont servis sous sa forme

originelle, dite hébréo-phénicienne ou paléohébraïque, jusque vers le milieu du premier siècle avantl'ère chrétienne. À partir de cette époque, l'alphabet hébréo-phénicien cède la place - sauf lorsqu'onveut user, pour divers motifs, d'une graphie archaïsante - aux caractères assyriens ou écriture carrée,

dérivés d'une cursive araméenne. Divers systèmes imaginés tardivement, entre le VIe et le VIIe sièclede notre ère, ont permis de noter les voyelles. La notation qui s'est imposée est celle de Tibérias.

Lexique

L'hébreu biblique est une langue à la fois archaïque et simple. Disposant d'un matériel lexicologiqueassez restreint, il le met en ouvre avec une fraîcheur et une délicatesse qui compensent cette relativepauvreté. Comme toutes les langues, il a dû comporter des dialectes: quelques vestiges en subsistentdans la Bible. La langue de la poésie se distingue assez sensiblement de celle de la prose par certainstraits archaïques. La versification repose sur le parallélisme des deux ou trois stiques qui constituentle verset et qui expriment la même idée en la formulant d'une manière analogue ou antithétique. De

plus, chacun de ces stiques comporte le même nombre de syllabes toniques ou temps forts, sauf dans le rythme de l'élégie qui résulte de l'alternance d'un stique plus long et d'un stique plus court.Le style des prophètes est marqué par une certaine liberté à l'égard du parallélisme.

Jusqu'à l'époque de la Captivité (586 av. notre ère), la langue hébraïque n'admet que peu devocables étrangers. Après la Captivité, elle devient plus perméable à l'influence de l'araméen qui

prévalait en Galilée, postérieurement à la chute de Samarie (721 av. notre ère), et n'avait cessé degagner du terrain. Il admet aussi plus volontiers des vocables empruntés au perse et des tournures

de la langue populaire. Ces caractéristiques, que l'on relève dans des écrits qui s'efforcent à uneimitation consciencieuse des genres et de la langue des ouvres de la période préexilique, annoncent

déjà l'hébreu mishnique.

Morphologie et syntaxe

Comme toutes les langues sémitiques, l'hébreu a pour éléments de base des racines verbales de troisconsonnes qui expriment l'idée fondamentale. Des consonnes préfixées (préformantes) ou suffixées(afformantes) permettent la formation nominale et la constitution de types substantifs aux valeurs

déterminées.

Le sémitique commun possédait une déclinaison à trois cas principaux. Il n'en reste que des vestigesen hébreu. Ce qu'on appelle la flexion d'un substantif hébraïque n'est autre chose que l'ensemble

des modifications vocaliques affectant le thème consonantique de ce substantif, selon qu'il est

employé à l'état absolu du singulier ou du pluriel (c'est-à-dire lorsqu'il ne régit aucun complémentdéterminatif), ou à l'état construit du singulier ou du pluriel (c'est-à-dire lorsqu'il est déterminé parun complément), ou enfin avec l'adjonction d'un suffixe possessif.

Le nom hébreu connaît deux genres et trois nombres, les objets qui vont par paires, comme lesmembres doubles, etc., étant au duel.

Le verbe hébreu possède sept formes que prend la racine suivant qu'il s'agit d'en exprimer l'idéefondamentale (forme légère ou simple) ou certaines nuances particulières (formes lourdes ou

augmentées). Chacune de ces formes comporte un indicatif à deux temps. Cinq formes ont, en outre,un mode volitif: impératif pour la deuxième personne; cohortatif pour la première et, à une forme

seulement, jussif pour la troisième. La forme simple admet quatre noms verbaux: infinitif absolu etinfinitif construit, participe actif et participe passif. Deux formes augmentées sont dépourvues

Page 4: L'Alphabet Hébraïque

8/14/2019 L'Alphabet Hébraïque

http://slidepdf.com/reader/full/lalphabet-hebraique 4/17

d'infinitif construit. Toutes, en dehors de la forme simple, n'ont qu'un seul participe, de valeur activeou passive selon la signification propre à chaque forme.

Les temps de l'hébreu envisagent le procès non pas sous l'angle chronologique, mais selon sonaspect, c'est-à-dire selon qu'il est accompli (parfait) ou en train de s'accomplir (imparfait). La

consonne vaw (vaw conversif) préfixée à un parfait ou à un imparfait donne à chacun de ces tempsla valeur du temps qui lui est respectivement opposé.

Les personnes sont marquées par des désinences (parfait) ou des préformantes (imparfait), débris depronoms ou éléments à valeur démonstrative. Aux deuxième et troisième personnes, l'hébreu

exprime les genres par des formes spécifiques.

Les accidents phonétiques auxquels sont exposées les consonnes qui constituent la racine verbalecommandent la répartition des verbes hébraïques en verbes forts ou sains, verbes à gutturales, etdiverses catégories de verbes faibles. Tous les verbes peuvent recevoir des pronoms personnels

suffixés sujets ou, surtout, objets.

La construction de la phrase hébraïque est paratactique plutôt que syntactique. Elle procède parcourtes propositions coordonnées par la conjonction we ("et") qui reçoit des valeurs variées, selon le

contexte. La simplicité de ce système n'empêche pas l'hébreu d'exprimer à peu près toutes lesnuances de la subordination. Néanmoins, la langue ressent, dès la Bible, la nécessité de se constituer

des conjonctions de subordination composées.

L'hébreu mishnique

L'hébreu mishnaïque ou mishnique, que l'on appelle souvent aussi, avec une insuffisante précision,néo-hébreu, représente la langue quotidienne que les Juifs de Palestine parlaient depuis le IVe siècle

avant notre ère et dont ils ne devaient cesser de faire usage, concurremment à l'araméen, qu'aprèsla ruine définitive de l'État national en 135 de l'ère actuelle. L'hébreu devient alors langue religieuseet savante et s'efface, en tant que vernaculaire, devant l'araméen, ou peut-être même le grec.

À la dernière phase de l'hébreu vivant, l'idiome populaire accède à la qualité de langue littéraire.L'ouvre principale qui en fait usage et qui lui donne son nom est la compilation de la Mishna

(IIe siècle de notre ère).

L'hébreu mishnique se distingue de l'hébreu biblique par des particularités philologiques notables. Lelexique s'est ouvert aux influences extérieures: il admet assez largement des vocables empruntés àl'araméen, au perse, au grec et au latin. Il innove par rapport à la Bible non seulement en donnant à

certains noms des valeurs sémantiques nouvelles, mais aussi par l'introduction de formationsnominales inédites. Certaines des formes classiques tombent en désuétude dans quelques catégoriesde verbes, tandis que des formes nouvelles, souvent quadrilitères, apparaissent. Les temps reçoivent

une valeur plus temporelle. Le participe donne naissance à un présent. Les constructionspériphrastiques deviennent fréquentes. L'état construit tend à être remplacé par la particule relative

de forme se avec la préposition l suffixée. Les prépositions et les conjonctions se multiplient. Laconstruction de la phrase est très différente. L'hébreu mishnique ne doit pas être considéré comme

une langue artificielle ou dégénérée. C'est un idiome dru et concis, pittoresque et souvent d'unelimpide élégance.

Le néo-hébreu ou hébreu médiéval

Page 5: L'Alphabet Hébraïque

8/14/2019 L'Alphabet Hébraïque

http://slidepdf.com/reader/full/lalphabet-hebraique 5/17

Nous réservons le nom de néo-hébreu à l'hébreu tel que le pratiquent les lettrés juifs, du début duIIIe siècle de notre ère à la seconde moitié du XIXe siècle. Langue essentiellement livresque, le néo-hébreu s'efforce d'imiter les modèles littéraires du passé, de la Bible à la Mishna. Il comporte des

variétés assez nettement différenciées selon qu'il s'agit de prose ou de poésie, selon les époques etselon les genres traités. En prose, la langue des Midrashim et celle du Code de Maïmonide

continuent l'hébreu mishnique. Chez les commentateurs du Talmud, l'hébreu mishnique se charged'éléments araméens empruntés à la grande compilation babylonienne. La langue des philosophesest celle dans laquelle sont rédigées les traductions d'ouvres philosophiques ou scientifiques arabes.La nécessité de faire exprimer à l'hébreu les idées abstraites de leurs modèles oblige les traducteursà des innovations qui affectent la sémantique, la formation nominale, la syntaxe et sont souvent des

calques serviles de l'arabe. L'hébreu médiéval utilise volontiers une cursive dérivée de la formecarrée: la graphie dite rabbinique ou de Rashi.

À partir du dernier quart du XVIIIe siècle, en liaison avec le mouvement de la Haskala qui s'efforce, enAllemagne, de libérer du Moyen Âge les Juifs et de les adapter au monde moderne, le style de la

"rhétorique" ou melitsah tente, avec un succès assez médiocre, de revenir à la pureté de l'hébreu

biblique en rompant complètement avec l'hébreu mishnique et l'hébreu médiéval.La prétention d'exprimer les réalités modernes par l'antique idiome de l'Écriture, figé dans le rôle denorme linguistique, aboutit à la constitution d'une langue solennelle et maladroite, pourvue d'une

syntaxe sclérosée et contrainte de multiplier les périphrases pour désigner, d'une façon parfois peuintelligible, les notions et les choses. Bien qu'il soit l'instrument d'un mouvement d'émancipation,l'hébreu de la melitsah , par son caractère, appartient au passé de la langue hébraïque plutôt qu'il

n'en annonce l'avenir.

La poésie liturgique comporte souvent la rime, mais non le mètre. Sa langue est fondée sur celle de laBible. Toutefois, tandis qu'à sa première période elle recourt très volontiers à des innovations

d'ordre morphologique, elle finit par renoncer à la plupart d'entre elles, cependant qu'elle accueilleplus largement des expressions talmudiques.

La poésie métrique, introduite au Xe siècle, comporte deux variétés ou deux styles. Dans le styleespagnol, la langue est essentiellement celle de la Bible, quoiqu'on y décèle l'influence du style

philosophique de la prose et celle de l'arabe. À la fin de la période du néo-hébreu, le style allemandde la melitsah a plus de pureté que de vigueur.

L'hébreu moderne

La période moderne de l'hébreu commence dès la seconde moitié du XIXe siècle avec la

prédominance du style russe. L'éveil de la nationalité juive et son aboutissement politiquetransforment la langue forgée par les grands auteurs du judaïsme russe en vernaculaire: l'hébreuvivant actuel ou israélien.

La nécessité d'exprimer les réalités complexes de la vie contemporaine avait contraint l'hébreu desauteurs russes à faire appel à toutes les ressources du vocabulaire hébraïque au lieu de se cantonner,

à la façon de la melitsah , dans le lexique de la Bible. Prolongeant et systématisant cet effort derénovation linguistique, E. Ben Yehuda publie, dans la deuxième décennie du XXe siècle, un

Thesaurus totius hebraitatis qui joue un rôle décisif dans la formation de l'hébreu actuellement parlédans le nouvel État national. Ben Yehuda n'hésite pas à préconiser même des emprunts à certaineslangues vivantes, dont l'arabe. Redevenu langue quotidienne, l'hébreu ne cesse désormais, comme

tous les idiomes vivants, d'enrichir son dictionnaire au gré des contingences historiques. Si bien que

Page 6: L'Alphabet Hébraïque

8/14/2019 L'Alphabet Hébraïque

http://slidepdf.com/reader/full/lalphabet-hebraique 6/17

le Thesaurus de Ben Yehuda, tout en restant aujourd'hui encore l'ouvrage de base, est sensiblementdépassé par la langue actuelle.

Sur le plan de la grammaire, l'hébreu moderne est marqué par deux tendances opposées. Certainesde ses particularités continuent l'évolution qui avait transformé l'hébreu biblique en hébreu

mishnique. Ainsi en phonétique où l'on note le recul de la prononciation spirante, réduite aux seulesconsonnes b , k , p , et, sauf chez les Juifs arabophones, l'usure à peu près complète des gutturales.Surtout, l'hébreu moderne fait un usage plus large que l'hébreu mishnique de la subordination et deconstructions de phrases complexes. Selon l'autre tendance, l'hébreu moderne marque sur certains

points de morphologie une rupture avec l'hébreu mishnique et un retour à l'hébreu biblique.

Enfin, par des développements originaux tels que l'abandon à peu près total de la forme pausale etl'usage généralisé du discours indirect, l'hébreu moderne se distingue à la fois de l'hébreu biblique et

de l'hébreu mishnique.

La prononciation de l'hébreu moderne est conforme à celle des Juifs orientaux, ou Sephardim. La

prononciation des Juifs d'Europe, ou Ashkenazim, est conservée parfois en poésie. La graphiecourante est une cursive qui procède des caractères carrés de l'imprimerie.

Encore en devenir, à certains égards, l'hébreu moderne est d'ores et déjà un idiome harmonieux,apte à exprimer avec élégance et naturel, à l'instar de n'importe quelle autre langue de culture,

toutes les réalités du monde moderne et toutes les nuances de la pensée.

2. La littérature hébraïque

De la Mishna à Rabbi Loeb

La période mishnique (env. Ier s.-230)

Le retour de captivité, la révolte des Asmonéens et l’indépendance retrouvée, puis perdue (70 apr. J.-C.), favorisent l’éclosion des sectes juives, se réclamant toutes du patrimoine spirituel de la Bible(sadducéens, pharisiens, esséniens, zélotes). Seul le judaïsme pharisien survécut (face à une autre

secte issue du judaïsme acceptant pour messie Jésus de Nazareth: les chrétiens).

Outre la grande floraison du judaïsme alexandrin, le monument littéraire de cette période fut sanscontexte la Mishna (d’une racine hébraïque signifiant répétition, étude – de la Loi).

Le propos de la Mishna est donc d’expliquer la "Loi et les prophètes". Hillel l’Ancien (fin du Ier s. av.

J.-C.) formula les premières règles d’herméneutique, qui furent reprises et complétées par RabbiIsmaël (IIe s.).

Au début du IIIe siècle, Rabbi Juda le Saint mit par écrit laMishna , se basant sur quelques recueilsantérieurs mais surtout sur la loi orale transmise de maître à disciples, de génération en génération.

On trouve dans la Mishna , à côté de l’enseignement juridique dans toute sa rigueur, unenseignement éthique (maximes des Pères de la Synagogue) et religieux d’une grande valeur:

Ben Zoma disait: Qui mérite le nom de sage? Celui qui trouve quelque chose àapprendre de chaque homme.

Qui mérite le nom de héros? Celui qui dompte ses passions.

Qui mérite le nom de riche? Celui qui est satisfait de son sort. Qui jouit du respect? Celui qui témoigne considération envers les créatures de Dieu.

Page 7: L'Alphabet Hébraïque

8/14/2019 L'Alphabet Hébraïque

http://slidepdf.com/reader/full/lalphabet-hebraique 7/17

On possède également des recueils de midrashim (explications allégoriques). Certains sont trèsanciens, tels le Sifra (commentaire sur le Lévitique) ou le Sifre (commentaire sur les Nombres ou le

Deutéronome); d’autres, plus tardifs, tel le Midrash Rabba (commentaire allégorique sur lePentateuque).

Après la clôture de la Mishna , on assiste très rapidement à une dégradation de la situationlinguistique, et l’hébreu cesse d’être une langue parlée pour devenir exclusivement une langueliturgique et une langue littéraire, et cela jusqu’au début du XXe siècle.

LaGuemara (commentaires) vint s’ajouter à la Mishna au cours des trois siècles qui suivirent. Cescommentaires sont à la fois d’ordre juridique, exégétique, moral. Mishna et Guemara constituentensemble le Talmud (l’Enseignement). Enfin, cette époque a conservé les prières les plus anciennes

du culte synagogal, postérieur à la Bible.

Avant d’être créé, j’étais l’indignité même.Maintenant que j’existe, je suis comme si je n’avais [pas été créé.

Durant la vie, je suis poussière;Combien plus, à ma mort!...Que ce soit ta volonté, Seigneur, de faire en sorte [que je cesse d’être un pécheur

Et daigne effacer les fautesque j’ai commises devant Toi

et cela en ton infinie miséricorde,et non par des châtiments.

(Prière , époque talmudique.)

La littérature hébraïque à l'époque médiévale

Après la lente désagrégation du judaïsme palestinien (IVe-Ve s.), le centre de gravité du judaïsmes’est déplacé vers la Babylonie, et les maîtres des académies talmudiques de ce pays (les geonim)devinrent les chefs spirituels du judaïsme tout entier, cela jusqu’au XIe siècle. De toute la Diaspora,

on se tournait vers eux pour résoudre les problèmes difficiles de jurisprudence. Toutefois, le judaïsme palestinien n’était pas complètement détruit: les massorètes (de massora , "tradition") ont

fixé définitivement au IXe siècle, à Tibériade, la prononciation de l’hébreu biblique et élaboré lesystème de points-voyelles encore en vigueur aujourd’hui. Les notes massorétiques sont d’une

grande importance pour la compréhension de la Bible.

Le plus célèbre gaon fut Saadia (882-942): théologien et philosophe, il est l’auteur des Kitab al- Amanat w‘al-I’tiqadat (Croyances et convictions), le premier ouvrage de théologie juive; il fut

également lexicographe, grammairien, poète religieux, exégète, traducteur de la Bible en arabe (leTafsir’ ) et polémiste (il sut faire front aux attaques violentes des karaïtes, secte juive niant la valeurdu Talmud et de la tradition orale et mettant l’accent sur la nécessité de "scruter diligemment le

texte de la loi écrite").

Le statut des juifs d’Europe changea de nature lorsque la partie la plus importante du peuple juif passa de la "diaspora d’Ésaü" (la chrétienté) à celle d’Ismaël (l’islam). Certes le juif est undhimmi

(citoyen de second ordre), pourtant l’islam sut se montrer plus tolérant pour ceux (juifs et chrétiens)que le Coran appelle "le peuple du Livre". La domination musulmane en Espagne a permis l’éclosion

de l’âge d’or du judaïsme dans tous les domaines: en politique (Hasdaï Ibn Chaprut fut le vizir d’AbdulRahman III), en médecine et en astronomie, mais aussi et surtout en littérature.

Page 8: L'Alphabet Hébraïque

8/14/2019 L'Alphabet Hébraïque

http://slidepdf.com/reader/full/lalphabet-hebraique 8/17

L’âge d’or de l’Espagne dura plusieurs siècles; la Reconquista eut de terribles conséquences sur lesort des communautés juives. La première synagogue postérieure au dur exil de 1492 fut inaugurée

en décembre 1968!

La littérature hébraïque en terre d’Espagne fut d’une étonnante richesse. Après les polémiques des

rabbanites contre les karaïtes, illustrées par Saadia et portant sur l’interprétation de la Bible, desavants grammairiens formés à l’école arabe fondèrent véritablement la science grammaticale etlexicologique juive. Citons entre autres Menahem Ibn Saruq, auteur d’un "recueil" (dictionnaire de

racines hébraïques) et son adversaire Dunash Ibn Labrat, Hayyug (auteur de la théorie de la"trilitéralité" des racines hébraïques), Ibn Jannah, Abraham Ibn Ezra (grand érudit qui est à la fois,comme Saadia, grammairien, exégète et poète), la famille des Qimhi, en particulier David Qimhi

(RaDaQ).

Ce fut l’apogée de la poésie hébraïque. Depuis les temps bibliques et jusqu’à la fin du XIXe siècle, rienqui soit comparable au talent poétique et à la magnifique langue de Salomon Ibn Gabirol (XIe s.), de

Moshé Ibn Ezra, de Juda Hallévi (XIe-XIIe s.). Ce dernier, auteur des immortellesSionides, fut le

chantre par excellence de l’amour d’Israël (désignant à la fois le peuple et la terre d’Israël):

N’es-tu pas inquiète, ô Sion! du sort de tes captifs, Alors qu’ils se tourmentent du tien, eux, les [rescapés de ton troupeau? [...]Pour plaindre ta détresse, je hurle comme les [chacals, mais quand je rêve

Du retour de tes captifs, je suis une cithare toute[vibrante de tes hymnes.

La philosophie juive est fortement imprégnée de culture arabe et, à travers elle, de culture grecque.Le plus grand philosophe fut sans conteste Maimonide, né en 1134, mort en 1205. Ses ouvrages,

rédigés en arabe, furent traduits en hébreu par Samuel Ibn Tibbon (de la grande famille provençale

des Tibbonides qui traduisirent les ouvrages de philosophie juive les plus importants).

En raison de la décadence du gaonat, le soin de "trancher" la Halakah revint aux "décisionnaires",auteurs de nombreux recueils de Responsa : Rabbenu Gershon, "Lumière de l’Exil" (Xe s.), RabbiAsher ben Yehiel (XIIIe s.-début du XIVe s.), son fils Jacob, auteur de Arba‘ Tourim (Les Quatre

Rangées ), enfin l’auteur du célèbre Shulhan Aroukh (Table dressée , code sur lequel est fondé le judaïsme traditionnel de nos jours), Joseph Qaro (XVIe s.), et son "annotateur", Moshé Iserlès.

Tout au long des siècles, l’exégèse biblique et talmudique constitua une part importante de l’activitélittéraire des juifs. Les plus célèbres commentateurs furent sans conteste Shelomo Ishaqi ( Raši ,

Troyes, XIe s.), ses disciples, puis Abraham Ibn Ezra et Mose ben Nahman (XIIIe s.).

À la fin du XIIe siècle se développe un mouvement mystique dans la région rhénane, dont lespersonnalités marquantes furent Juda le Pieux et Éleazar de Worms. La kabbale, se nourrissant auxmêmes sources mystiques, en diffère profondément. Le mouvement kabbaliste, naquit en Provencevers la fin du XIIe siècle, sur la base d’enseignements ésotériques anciens, tel Sefer ha-Bahir (Le Livre

lumineux ). Le Zohar , ou Livre de la splendeur , fut le texte kabbaliste essentiel.

La transition

Le XVIe siècle fut un siècle de transition. L’expulsion des juifs d’Espagne fit éclater cette communautévers les pays musulmans d’une part, le Maghreb et la Turquie, d’autre part vers l’Italie, les Balkans, et

vers l’Europe centrale et orientale. L’invention de l’imprimerie permit au peuple du Livre d’étendre ladiffusion des textes de base.

Page 9: L'Alphabet Hébraïque

8/14/2019 L'Alphabet Hébraïque

http://slidepdf.com/reader/full/lalphabet-hebraique 9/17

Les grandes figures de ce XVIe siècle furent ‘Azaria de Rossi en Italie, auteur deMéor Eynayim (LaLumière des yeux ) et surtout le Grand Rabbin de Prague, le célèbre Maharal (le Haut Rabbi Loeb)...,

humaniste juif, fondamentalement attaché à la tradition, moraliste, philosophe, exégète etkabbaliste éminent. Ses écrits ont fait récemment l’objet d’études remarquables. La situation

matérielle des juifs était alors peu brillante, les "ghettos" imposés conduisaient à une mentalité de

repli sur soi, les persécutions et les brimades de toutes sortes ne créaient guère les conditionsfavorables à l’épanouissement d’une littérature.

Le renouveau du XVIIIe

Le renouveau vint d’Italie où le sort des juifs était bien meilleur. Moshé Hayyim Luzzatto (1707-1746),éminent kabbaliste, fut également dramaturge: Migdal ‘oz (La Tour de puissance ), Lišarim Tehila

(Louange aux hommes vertueux ) sont les premières pièces qu’ait produites la littérature juivedepuis de longs siècles; il fut encore moraliste (Mesilat yešarim , Le Sentier des justes) et polémiste.

Il abandonna l’hébreu "secondarisé", où tout se formulait au moyen de citations bibliques ourabbiniques; il introduisit une clarté de conception et d’expression dans une langue alors en pleine

léthargie.

Moïse Mendelssohn (1729-1786) et N. H. Viesel (1725-1805) sont considérés, avec Luzzatto, commeles pères de la littérature moderne. Forçant les portes du ghetto, le premier surtout prit une partactive à la vie culturelle allemande et ouvrit la voie à l’émancipation des juifs. Mendelssohn, aprèsLuther, traduisit la Bible en allemand, accompagnant sa traduction d’un béour (interprétation) enhébreu. Cinq siècles après Maimonide, il osa confronter la pensée juive à la philosophie du temps.Cette confrontation avec la culture extérieure, cette renaissance des lettres et de la science juives

s’épanouiront durant tout le XIXe siècle.

Les Maskilim: espoirs et illusions perdues

Le mouvement général des idées qui, en Europe occidentale, avait mis en avant les notions deliberté, de fraternité humaine, d’égalité, de progrès..., trouva un écho immédiat chez les intellectuels juifs, si complètement privés de tout ce qui constituait leurs aspirations les plus ardentes, depuis des

siècles, et pourtant si avides de tout étudier, de tout apprendre. Cette "soif de connaître", dontparlait déjà le prophète Amos, s’était emparée des jeunes du ghetto.

LaHaskala ("les Lumières") comporte trois périodes: rationaliste, elle devint assez vite romantique;puis les déboires, les échecs et les pogroms l’amenèrent au réalisme et au désespoir. Cependant ces

trois éléments ne furent jamais exclusifs l’un de l’autre; la Haskala chante l’homme maskil : le juif idéal, intelligent et raffiné, attentif à autrui, intensément amoureux de cette nature dont le ghetto le

prive si douloureusement; plus encore, le maskil doit sortir de son ghetto spirituel, s’ouvrir àd’autres valeurs que celles du judaïsme traditionnel. Il n’est par conséquent pas surprenant que lesattaques contre la religion juive, dans ce qu’elle a de contraignant, contre son immixtion dans les

moindres actes de la vie, se fassent si violentes et, très souvent, si injustes.

J. L. Gordon, le poète de la Haskala, prône la nouvelle devise: "Sois juif dans ta demeure, sois hommehors de chez toi."

S. D. Luzzatto (1800-1865), comme son lointain parent, excella en de nombreux domaines. Sonœuvre est nettement teintée de romantisme:

Quand donc le monde a-t-il vu apparaître des découvertes aussi merveilleuses qu’ànotre génération? Est-ce que, pour cela, on a vu diminuer les guerres, les assassinats,

Page 10: L'Alphabet Hébraïque

8/14/2019 L'Alphabet Hébraïque

http://slidepdf.com/reader/full/lalphabet-hebraique 10/17

les rapts et les vols, le paupérisme et la misère, les malheurs, la jalousie et la haine,les cris des malheureux et les gémissements des affligés, les morts prématurées?...

(Préface aux Fondements de la Loi .)

H. N. Krochmal (1785-1840), natif de Galicie, foyer traditionnel du hassidisme, infléchit l’évolution de

la pensée religieuse juive du XIXe siècle. SonMore Neboukhe Hazeman (Guide des égarés de notretemps ) réalisa, au moins partiellement, les visées de l’auteur. C’est au milieu du siècle que la Haskalaatteignit son apogée en Europe centrale et en Russie; tous les genres littéraires y fleurissent, lethéâtre toutefois avec quelque retard. Il y eut d’abord des traductions d’ouvrages de science etsurtout d’auteurs classiques (de Homère à... Eugène Sue, dont Les Mystères de Paris connurent,

grâce à la traduction de C. Schulmann, un immense succès).

En Russie, I. B. Levensohn (1788-1860) prit, en hébreu, la défense de l’instruction moderne et d’uneremise à jour de la pensée juive. La poésie lyrique, quant à elle, connut un grand essor, grâce à

A. B. Lebensohn [Adam Hakohen] (1784-1880) et, surtout, à son fils Micha Yoseph, ou Michal (1828-1852). D’une vaste culture, à la fois juive et profane, admirateur de Schiller, excellent traducteur de

La Chute de Troie, tirée de L’Énéide, ses poèmes puisent leur inspiration tant dans l’histoire bibliqueet juive que dans la contemplation de la nature ou dans l’expérience intime d’une foi profonde.

J. L. Gordon (1830-1892) fut sans conteste le poète type de la Haskala. Il fut tour à tour lyrique,fabuliste avec Mishlé Yehudah , puis auteur satirique. Il s’attaque férocement au judaïsme

traditionnel, et les rabbins qu’il dépeint sont l’objet de toute sa verve ironique. Rabbi Vafsi Hakuzari(Qoso šel yod , Le Jambage du yod ) a l’âme aussi noire que le Kuzari ("Tatare") dont il descend sans

doute: pour un minuscule jambage de yod , il refuse de valider un acte religieux, causant ainsi unnouveau malheur à une pauvre juive abandonnée par son premier mari. La pauvre Sarah ( ’Ašaqaderispaq , Pour un moyeu de char ) voit son foyer détruit, sur l’intervention du rabbin, pour avoircommis le crime de laisser tomber par inadvertance un grain d’orge dans la soupe de la soirée

pascale. Dieu lui-même, qui assiste sans une larme au martyre d’une pure jeune fille qui, comme desmilliers d’autres, préférera la mort à l’apostasie lors de l’expulsion d’Espagne, n’échappe pas auxreproches du poète ( Bimsulot yam, Dans les profondeurs de la mer ). Mais pour "être homme hors

de chez soi", semblable à ses concitoyens, prenant part à leur vie, à leurs efforts, à leur culture,encore faut-il être accepté! Après les pogroms de Kichinev (1881), dans Lemi ’ani ‘amel (Pour qui est-

elle , la peine que je prends? ), Gordon se désespère:

Suis-je le dernier des bardes de Sion? Êtes-vous, vous-mêmes, mes derniers lecteurs?

A. Mapou (1808-1868) puisa son inspiration dans l’histoire antique d’Israël, et, dans ’Ahavat Šion

( Amour de Sion), en 1853, il dépeint les amours d’Amnon (pâtre de Judée, sous le roi Ézechias, àl’époque du prophète Isaïe) et de Tamar. Dans un hébreu volontairement réduit au vocabulairebiblique (dans ce roman pastoral n’apparaissent que deux noms de fleurs: la rose et le lys, car la Bible

n’en cite pas d’autres!), au style et à la syntaxe du Livre des livres, Mapou célèbre le paysage de laTerre sainte, la pureté des mœurs de ses habitants. Que la vie "selon la nature", dans un paysindépendant où chacun jouit des fruits de son travail, était belle comparée à celle du ghetto

étouffant, obscurantiste!

Mais le juif du ghetto sut trouver ses défenseurs. Des auteurs tels Mendele Mokher Sforim(pseudonyme de S. Y. Abramovitch, 1836-1918), Y. L. Peretz (1851-1915) et Shalom Aleichem

(pseudonyme de S. Rabinovitch, 1859-1916) étaient pleins de tendresse pour sa piété exemplaire, sa

simplicité, sa douceur, son humour si particulier, son courage tranquille, sa foi inébranlable... Le rabbifanatique qu’avait vu Gordon se révèle sous leur plume un saint homme, dont la vie n’est faite que

Page 11: L'Alphabet Hébraïque

8/14/2019 L'Alphabet Hébraïque

http://slidepdf.com/reader/full/lalphabet-hebraique 11/17

de spiritualité, dont les jours et une bonne partie des nuits sont consacrés à l’étude de la Loi. Tévié, lelaitier (cf. la pièce moderne Un violon sur le toit ), parle la langue de la Bible et des rabbins, et

accepte les épreuves et les malheurs qui fondent sur lui avec une foi et une résignation admirables.Leshtetl , la bourgade juive, est le lieu où s’épanouit le judaïsme. La langue de ces auteurs ne

renonce pas aux richesses de l’hébreu postbiblique et rabbinique. Plus encore, le yiddish, langue

parlée par tous les juifs d’Europe centrale et orientale, composée d’hébreu, de haut-allemand, deslave..., devient, comme la "langue sacrée", l’un de leurs moyens d’expression. Le populisme juif auratrouvé, en ces auteurs, ses dignes représentants.

La littérature proprement religieuse n’est pas absente au XIXe siècle. Le Malbim (1809-1879)composa un commentaire traditionnel de la Bible qui devint vite populaire. Mais surtout, la science

du judaïsme (Wissenschaft des Judentums) se développa: l’histoire (H. Graetz, 1817-1891), lalittérature médiévale (L. Zunz, 1794-1886; A. Geiger, 1810-1874; et A. Berliner, 1833-1915), labibliographie (M. Steinschneider, 1816-1907), la philosophie médiévale (S. Munk, 1803-1867)

suscitent des études du plus grand intérêt, qui, pour nombre d’entre elles, restent encore valables denos jours.

La réforme religieuse fait également son apparition en Allemagne, essaimant ensuite aux États-Uniset en France (A. Geiger). Par contrecoup, la néo-orthodoxie va s’affirmer avec éclat (S. R. Hirsch,1808-1888). En Italie, le rabbin E. Bénamozegh (1823-1900) confronteraMorale juive et morale

chrétienne et étudiera les rapports entre Israël et l’humanité . Cependant, tous ces auteurs, si finshébraïsants qu’ils fussent, n’utilisaient pas l’hébreu mais essentiellement l’allemand (accessoirement

le français) pour développer leurs thèses savantes!

La renaissance: pogroms et sionisme

Deux événements vont marquer la littérature hébraïque entre 1880 et 1917: les pogroms de Russie

(1881...) et l’apparition du mouvement des Amants de Sion avec le sionisme politique et culturel.

L’ambition déçue de la Haskala, réussir l’émancipation des juifs et en faire des Européens (deconfession ou d’origine juive), cède la place à une volonté inébranlable de réussir l’"auto-

émancipation" ( Avtoemansipatsia ), de prendre en main les destinées du peuple juif et de lesassumer pleinement. Cet amour de Sion doit cesser d’être une nostalgie, un thème de roman ou de

poème, pour trouver sa réalisation.

Ahad Haam (pseudonyme d’A. Ginsberg, 1856-1927) s’attachera surtout à définir le contenu d’unsionisme culturel. Il écrira et publiera en 1889 Lo zo haderekh (Ce n’est pas la bonne direction ),

pamphlet qui le rendit justement célèbre.

Nous devons, nous aussi, devenir majoritaires dans un pays unique au monde [...] sur lequel nos droits historiques sont indubitables [...] Alors notre existence nationale pourra se développer en accord avec notre génie [...] Alors seulement, le reste de

notre peuple, malgré sa dispersion dans tous les pays, pourra espérer que notre foyer national l’imprégnera de son esprit en lui insufflant de sa vie, lui donnera la force de

vivre, même privé de ses droits nationaux dans les pays où il se trouve...

La Halusiut (l’œuvre et l’esprit des pionniers) a prouvé le mouvement en le réalisant. Le grandthéoricien de la "religion du travail" fut A. D. Gordon (1850-1920). Y. Arikh (né en 1907), D. Maletz

(né en 1900), A. Barash (1889-1952), Y. Yaari (né en 1900) en prose, et Rahel (1890-1931), D. Shimoni

(1886-1956) et Y. Lamdan (1899-1954) en poésie l’ont également célébrée.

Page 12: L'Alphabet Hébraïque

8/14/2019 L'Alphabet Hébraïque

http://slidepdf.com/reader/full/lalphabet-hebraique 12/17

Antagoniste d’Ahad Haam, M. Y. Berditchewsky (1865-1921), "nietzschéen" de tendance, traite toutau long de son œuvre du juif déraciné et de son inquiétude. Tenant de l’"esthétisme", il rejette avec

force la primauté du spirituel dans la vie juive et réclame pour l’homme la liberté d’obéir à sespassions et à ses instincts naturels.

L’hébreu de l’un comme de l’autre annonce déjà la langue contemporaine. La clarté et la concision, laprécision et l’art de bien choisir le mot juste expliquent aisément la profonde influence qu’ils ont euesur leurs successeurs directs et, partant, sur l’évolution de l’hébreu. Ces deux grands polémistes

ouvrent la voie à la littérature nationale.

Dans la même mouvance que Berditchewsky, d’autres écrivains tels Brenner (1881-1921), Berkovitch(1885-1967), Gnessin (1879-1913), feignent l’intellectuel juif déchiré entre son village natal aux

traditions ancestrales et la grande ville étrangère et hostile où il tente désespérément de survivredans un monde sans Dieu. Feierberg (1874-1899) illustre ce thème dans son court roman au titre

évocateur Léan? (Où aller? ).

H. N. Bialik (1873-1934) et S. Tchernichovski (1875-1943) sont les grands maîtres de la génération du"Passage" (Ma‘abar), celle qui transférera le centre de la littérature hébraïque d’Europe orientale enErets Israël (terre d’Israël), nom que porte la Palestine dans tous leurs écrits, jusqu’à l’indépendancede l’État d’Israël en 1948. Avec nombre d’écrivains de leur génération ils ont vécu cette émigration

qui porte en hébreu le beau nom de ‘Aliya ("Montée").

Bialik, surnommé "le poète national" par excellence, commencera par célébrer sa yešiva (collèged’études talmudiques); dans Hamatmid (Le Studieux ), il dépeint le jeune étudiant qu’il fut, penché

sur ses gros in-folio, sachant résister à la nature qui le tente, qui l’appelle. Dans ‘ Ir haharega (La Villedu massacre ), il pleure ses frères torturés, assassinés. Le poète sioniste apparaît dans Mete midbar

(Les Morts du désert , que ressuscitent les pionniers), et l’hymne fameux Tehezaqna (Que

reprennent courage ...) est dédié au premier congrès sioniste. Les trésors de la littérature classiquelui sont restés chers. Avec son ami Y. H. Ravnitsky, il publie le livre de laHaggadah , anthologie destextes allégoriques, de morale, de théologie, du Talmud et du Midrash. De même que

Tchernichovski, il a traduit de nombreux classiques.

Néanmoins, ces deux écrivains sont fort différents. Alors que Bialik puise son inspiration dans uneidentification permanente avec le peuple d’Israël, historique et contemporain, Tchernichovski

apparaît, dans ses poèmes, moins spécifiquement juif: il chante la nature, la joie de vivre, l’homme juif, plus que le juif. Il n’est pas loin de penser que ce sont les "prophètes de mensonges" ( ’El nevi’e

hašeqer ) qui avaient raison contre les prophètes bibliques! C’est "face à la statue d’Apollon" qu’ilprie!

1917 marque un tournant dans la littérature hébraïque: la révolution d’Octobre donne un coup defrein brutal à l’émigration des juifs de Russie, qui s’était considérablement accélérée depuis les

pogroms de la fin du siècle, essentiellement vers les États-Unis ou vers la Palestine. L’autreévénement, encore plus important, est la déclaration Balfour (2 nov.), qui reconnaît solennellementle droit des juifs à un "foyer national" en Palestine et promet l’aide du gouvernement anglais en vuede la réalisation de ce projet. Le rêve sioniste devient réalité, symbolisée par Tel-Aviv, ville bâtie sur

des dunes en 1909 et qui compte, de nos jours, plus d’un million d’habitants! La littérature hébraïquese partage dorénavant entre trois foyers: l’Europe orientale (la Pologne compte alors trois millions de

juifs), les États-Unis, la Palestine.

Émergence d’un théâtre

Page 13: L'Alphabet Hébraïque

8/14/2019 L'Alphabet Hébraïque

http://slidepdf.com/reader/full/lalphabet-hebraique 13/17

La Pologne, entre les deux guerres mondiales, aura donné à la littérature hébraïque un granddramaturge, M. Shoham (1897-1937). Le théâtre n’a jamais été un genre très en vogue; cependant

les pièces de Shoham, bien que puisant, elles aussi, leur inspiration dans la Bible, firent une profondeimpression en raison de l’actualité des thèmes choisis et du talent de l’auteur. Sur virušalayim (Tyr et Jérusalem ) oppose le prophète Élie (Jérusalem) à la reine Jézabel (Tyr); l’homme des idéaux, de la

morale, de la spiritualité, opposé à la païenne, avide de plaisirs et dénuée de sens moral... Elohebarzel lo ta‘ase lakh (1934, Tu ne feras pas de dieux de métal ) oppose Abraham l’Hébreu à Gog lesanguinaire.

En 1918 est créée en U.R.S.S. la célèbre troupe Habimah, qui "montera" à son tour en Palestine en1932. La troupe Hakameri voit le jour en 1945. Sa création constitue dans une certaine mesure uneréaction contre sa prestigieuse sœur aînée dont elle rejette le caractère trop "culturel" ainsi que la

langue littéraire et figée qui ne convient pas aux sabras (nés dans le pays). Hakameri veut intéresserle public par des sujets empruntés à la société israélienne en pleine formation. De nouveaux auteurs

se révèleront qui écriront un théâtre vivant et actuel.

Béréchite"En un commencement de..."

Béréchite (La Genèse) 1, 1 - 6, 8

La Torah commence par la lettre Béit du mot Béréchite, qui est la seconde lettre de l'alphabet

hébraïque, et qui est aussi le chiffre 2 dans la langue hébraïque.Ainsi, tout le créé est basé sur le 2. Le Middracha Rabba l'explique: D.ieu a tout créé sous forme decouples".

Un des lieux, à l'échelle de l'homme, où il peut travailler à ce que le monde ne soit pas le tohouvohou destructeur ni la dictature du "1" usurpateur, c'est le couple ou la relation.

Par contre, Haqqaddoche baroukh Hou est Un; et Il nous place dans un monde qu'il base sur le 2.Dans ce monde, la perversion continue sera de nous prendre pour le Un ou d'élever au niveau du Un,

qui est la place seulement de Hachém, toute autre valeur étant vérité partielle.

Cette proposition du Créateur apparait dans le béit (2) du mot béréchite mis en gros caractère. Allez

le vérifier.

Page 14: L'Alphabet Hébraïque

8/14/2019 L'Alphabet Hébraïque

http://slidepdf.com/reader/full/lalphabet-hebraique 14/17

Que se joue-t-il dans le 2, dans le couple ? ou dans la relation humaine de base dès le début de laTora ?

L'effort constant de l'homme pour réduire l'amour

Le psaume 62, 12 de David dit : A'hate dibbér Eloqim, chétayim-zou chamâti ki ôz lé Eloqim.

"Une fois a parlé Eloqim, deux fois cela je l'ai entendu, c'est que la force appartient à Eloqim". (Lire cetexte).

Un commentaire de nos Sages précise : Eloqima dit toutes les 10 paroles en une seule expressionmais Israël, dans sa faiblesse humaine, n'a pas entendu vraiment de ses oreilles et n'en a saisi que lesdeux premières... Il est dit dans Chir haChirim: "il m'embrassera des baisers de sa bouche", mais ils

ont réduit ce pluriel à deux, aux deux premières paroles, car ils ne pouvaient en supporter plus(miôut rabim chnaïm... léfi ché lo yékholou lisbol ).

Les Sages nous font remarquer là cette triple vérité constante du comportement humain :

1) nous réduisons toujours l'essentiel,

2) cet essentiel de la Torah est le don que fait Hachém,

3) cet essentiel, c'est l'amour.

C'est un processus de restriction, de miôut , de blocage, de repli, de refoulement, de surditévolontaire ou spontanée.

L'effort constant de l'homme pour réduire le duo au 1Dans le même sens, nous voyons que la vie sociale est une lutte acharnée et violente pour réduire

l'autre à soi-même, à notre pouvoir, à notre argent, à notre idéologie, à notre idéal, à nos besoins ; ilen est ainsi dès le jeune âge dans la fratrie ou dans la relation enfant-parents ; il en est ainsi dans lecouple : l'amour et le beau programme sont toujours mis à l'épreuve quotidienne de la non-écoute

de l'autre justifiée par la fatigue, les soucis, les préoccupations, les tâches. On ramène le 2 au "1" quiest "moi". C'est une idolâtrie où nous sommes le centre de la Création.

Il faut souvent de cruels échecs et une analyse psychologique de ces échecs, pour prendreconscience de ce processus ; beaucoup ne parviennent pas à le modifier en eux-mêmes et sont à leur

insu des tyrans domestiques ou des égoïstes qui définissent le bonheur de l'autre en fonction deleurs besoins. Il faut souvent un travail psychologique lent en présence d'un professionnel qui

protège chacun pour améliorer lentement cette situation.

Quel est le centre de la Tora ? Ahava Dans ce contexte, posons-nous la question :

"quel est le centre et l'essentiel du message de la Torah ?" ;il y aura mille réponses (l'étude, la prière, la fidélité, la croyance, les mitsvotes, le peuple, la terre,

Page 15: L'Alphabet Hébraïque

8/14/2019 L'Alphabet Hébraïque

http://slidepdf.com/reader/full/lalphabet-hebraique 15/17

etc) alors que l'essentiel est ahava, amour, ce mot constitué en hébreu de lettres qui sont tout unenseignement.

En effet, l'obligation de répéter chaque jour le chéma Yisraël nous montre bien que l'amour est lecentre de la Torah.

Dans ce Chémâ, le mot Un (é'had ) est 13 en guématria comme ahava, et ce mot é'had y est entourédu mot ahava avant et après ce verset ; il y a donc là un enseignement sur la primauté absolue del'amour dans le message de la Tora. Le Un divin est amour et, à notre niveau, toute unité doit être

soumise au 2 de l'amour. Cela est clair, centré, précis, dévoilé, il n'est pas besoin de nombreuxcommentaires pour le comprendre.

C'est ce que disent là nos Sages quand il poursuivent directement en nous disant cette phrase : "il estdit dans Chir haChirim: il m'embrassera des baisers de sa bouche".

Et la fin du psaume 62 (verset 13) le confirme : "ou lékha adonoute 'hésséd , et à Toi Adonoute est la

bonté".

L'impossible effortLa plénitude des 10 paroles divines reçues nous est difficilement accessible en une synthèse. Notre

enjeu de l'unité se jouera particulièrement dans l'aventure du deux.

Ce deux est la structure de l'amour, le lieu où l'un a besoin de tout l'autre et réciproquement. Il estimportant que le Créateur ait fait la nature pour que nous voyions et entendions par deux yeux et pardeux oreilles : en effet, notre contact avec la réalité est ainsi marqué ontologiquement par la réalité

du deux, du complément, par la rencontre de l'autre ; moi, un être unique, je suis deux ou, plusexactement formulé, je suis à la fois un et deux, et la véritable nature de ce lien au réel n'est pas une

structure mathématique ou formelle mais la relation d'amour. C'est pour cela qu'il est dit qu'il fautentendre avec les oreilles (qui sont deux et non une) et il faudrait se laisser entendre en chaque direla dualité de ce qui envoyé. Dieu a créé l'homme en une unité double : masculin-féminin ; cela est

structural, intangible.

La vie en commun et l'étude sont une même dynamique qui nous apprennent à découvrir la dualitéessentielle qui est la seule unité accessible à l'homme. Comme le dit le psaume, cela se fait d'abord

par l'écoute. Un long apprentissage en est nécessaire.

La durée de l'écouteBien entendu, alors, dans la conscience limitée qui caractérise notre nature humaine, il n'est pas

possible de formuler immédiatement tout ce que nous avons reçu et entendu de l'autre mais ilimporte de savoir recevoir, de laisser la vibration mise en mouvement faire entendre tous sesharmoniques. Il faut continuer à entendre dans le temps ce qui a été émis par l'autre en une seuleémission de voix ; cela en toute audition, a fortiori envers celui ou celle qui nous concerne ou que

l'on aime.Il faut continuer à goûter ce qui a été dit et entendu, comme un bonbon qui révèle progressivement

ses goûts différents et non pas l'engloutir rapidement dans la gorge en l'évacuant déjà ; il fautentendre la parole de l'autre comme un parfum qui, s'il est écouté, va développer progressivement

une note de tête, puis une note de coeur, et enfin beaucoup plus tard une note de fond.

Et quand l'autre perçoit qu'il est ainsi écouté, il se sait aimé.

Page 16: L'Alphabet Hébraïque

8/14/2019 L'Alphabet Hébraïque

http://slidepdf.com/reader/full/lalphabet-hebraique 16/17

L'écoute de cette multiplicité des sens et des niveaux inclus dans une seule émission par la paroled'autre ou par son attitude, est ce que j'ai appelé : "écouter le rêve" de l'autre.

L'être aimé se sait alors "nombreux", riche, et pas seulement aimé au premier degré du désir ou duconfort ; il n'est pas "possédé" ni limité, enfermé, restreint, il existe et se développe par cette paroleplacée dans l'écoute et l'amour : et il faut toutes les images du Cantique des Cantiques pour ouvrir

alors l'éventail de ce mot ahava qui est modèle-contenu-relation de Son propre être que Hachém essaie de dire à Sa créature : avec les rapprochements et les éloignements-silences.

Si cela se joue dans le duo Créateur-Israël selon l'interprétation stricte de Rachi dans le Cantique desCantiques, et puisqu'Il a créé l'homme à Son image et à Sa ressemblance, combien cette dynamiquese joue également entre les êtres dans toute relation et, spécialement, dans la relation de couple.

Confirmation du message par le chiffreLa Torah sait que des humains seront plus sensibles à la forme imagée du message, d'autres à la

forme d'un récit historique, d'autres à la forme des lettres et d'autres à la forme des chiffres. C'estpourquoi elle transmet son message par toutes ces voies.

Reprenons toute cette méditation par le chiffre.

Ce message est si essentiel que, pour le mettre en valeur, les commentaires expliquent en ce sens lefait que toute la Torah commence par la lettre béit (2) et non pas par la lettre aleph (1).

Lebéit est la deuxième lettre de l'alphabet hébraïque et sa valeur de chiffre est 2 dans les calculs(car on n'utilise pas les "chiffres dits arabes qui sont en réalité hindous" pour compter en hébreu

mais les lettres hébraïques) ; c'est cette règle de vérité du 2 qui est ainsi montrée comme étant toutela structure réelle de l'univers et des relations.

Au contraire, le 1 n'a de sens qu'au plan divin. Au niveau humain, l'usage du 1 est fallacieux, illusoireet mensonger; ce sont les idées sûres d'elles-mêmes et préconcues, les jugements simples etcatégoriques, les théories mensongères, l'assurance de l'information, le pouvoir politique qui

s'attribue le droit et le pouvoir sur autrui par tous les artifices pseudo-logiques. Seulement au niveaude Dieu, le 1 est juste. Quand l'homme le revendique pour soi, il est dans le chéqer, le mensonge.

Pour bien montrer que toute la Torah dit cela, les commentaires font remarquer que, dans le premierverset de la Torah, après cette ouverture sur le béit, 2, les lettres finales des trois premiers motscomposent le mot vérité, éméte dont la guématria (1+4+4 en compte simple sans les zéros des

dizaines) donne la somme de 9, tandis que le mot chéqér, mensonge, a pour guématria simple 6 (soit3+1+2).

Continuons cette démonstrationQuand on base tout l'ordre des lettres hébraïques sur le 2, cette justification absolue de la vérité du

multiple est encore mise en valeur :

l'addition des lettres de tout l'alphabet par groupes de trois à partir de la lettre beit y forme alorstoujours un total de 9 qui est le chiffre de la vérité, éméte (1+4+4 = 9). En effet, voici cette suite :

• béit guimél dalét (2+3+4 = 9)• hé vav zayine (5+6+7 = 18 soit 8+1 = 9)

• 'hét tét youd (8+9+10 = 27 soit 2+7 = 9)• kaf laméd mém (2+3+4 = 9)

• noun samékh âyine (5+6+7 = 18 soit 8+1 = 9)• pé tsadé qof (8+9+1 = 18 soit 8+1 = 9)

Page 17: L'Alphabet Hébraïque

8/14/2019 L'Alphabet Hébraïque

http://slidepdf.com/reader/full/lalphabet-hebraique 17/17

• réiche chine tav (2+3+4 = 9)

Par contre, si on commençait selon l'ordre alphabétique, à tout baser sur l'ordre du 1, à partir de lalettre aléf , l'addition des lettres par groupes de trois formerait toujours un total de 6 qui est le chiffre

du mensonge, chéqér (3+1+2 = 6) :

• aléf béit guimél (1+2+3 = 6)• dalét hé vav (4+5+6 = 15 soit 1+5 = 6)

• zayine 'hét tét (7+8+9 = 24 soit 2+4 = 6)• youd kaf laméd (1+2+3 = 6)

• mém noun samékh (4+5+6 = 15 soit 1+5 = 6)• âyine pé tsadé (7+8+9 = 24 soit 2+4 = 6)

• qof réiche chine (1+2+3 = 6).

Cela n'est pas une preuve par le chiffre, mais l'hébreu a cette particularité de montrer et démontrerune logique complète entre le contenu du sens véhiculé par la Tora avec les formes mêmes de la

langue, d'une part, et avec les structures de l'organisation du récit, d'autre part. Cela nous esttransmis par la tradition en ses maîtres reconnus, uniquement. Et non pas par des logicielsinformatiques qui peuvent toujours faire sortir n'importe quoi sur n'importe quel texte par la

multiplication des tentatives les plus alléatoires.

Il ne s'agit donc pas là de concordances facultatives ou de jeux, mais la lecture éclairée et transmisemontre ces correspondances dont chacune complète le message global. La tradition transmet les

correspondances de ces sens dans les différents langages du mot, du chiffre et du contenu. Il ne peuts'agir de constructions personnelles fantaisistes, ni par des codes obtenus par jonglages

informatiques. Ceci est un enseignement de la tradition. Le commentaire du Tour est un exemple decette approche.

L'avoir fait ressortir ainsi, par cette justification du chiffre, correspond à l'importance du fondementde toute la Torah sur la structure du 2, de la lettre béit qui ouvre toute la Torah ; cela met bien en

évidence le verset de ce psaume 62, 12 :

"Une fois a parlé Eloqim, deux fois cela je l'ai entendu, c'est que la force appartient à Eloqim".