l’aide-soignant(e) doit tenir un rôle premier en nutrition

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Disponible en ligne sur www.sciencedirect.com Nutrition clinique et métabolisme 27 (2013) 92–94 Réflexions L’aide-soignant(e) doit tenir un rôle premier en nutrition Nursery auxiliary: The first player in nutrition Monique Ferry UMR U557 Inserm/U1125 Inra/Cnam/Paris 13, épidémiologie nutritionnelle, 75013 Paris, France Disponible sur Internet le 6 avril 2013 Mots clés : Alimentation à l’hôpital ; Aide-soignant Keywords: Hospital feeding; Nursery auxiliary L’alimentation est l’un des leviers les plus accessibles pour favoriser la santé, le second étant un minimum d’activité phy- sique régulière. Activité physique qui est surtout entendue comme maintien de la « mobilité », plutôt que compétition quand on avance en âge. La dénutrition, risque majeur quand on devient vieux et malade, par ses conséquences délétères, peut dégrader l’autonomie, si elle est peu ou mal prise en charge. Mais si l’état nutritionnel est correctement assuré, c’est une limitation du risque de dépendance, donc du maintien de la santé et de la qualité de vie. L’impact délétère des troubles nutritionnels est aujourd’hui clairement reconnu. Facteurs indépendants de morbi-mortalité, ils sont sources de très nombreuses complications ayant non seulement des conséquences pour le patient lui-même, mais aussi un coût non négligeable avec des conséquences médico- économiques avérées, représentant ainsi un problème de santé publique majeur. C’est pourquoi en 1997, le ministre délégué à la santé Phi- lippe Douste-Blazy a chargé le Professeur Bernard Guy-Grand d’une mission d’évaluation des besoins dans le domaine de la nutrition en milieu hospitalier et d’élaboration de recomman- dations destinées à faciliter et renforcer la prise en compte des aspects nutritionnels dans l’offre de soins, tant à l’hôpital que dans les suites de l’hospitalisation. Les réflexions et propositions contenues dans le rapport « Alimentation en milieu hospita- Cet article a été publié initialement dans les Cahiers de nutrition et de diététique sous la référence : Ferry M. L’aide-soignant(e) doit tenir un rôle premier en nutrition. Cahiers de nutrition et de diététique 2012;47:210-2; http://dx.doi.org/10.1016/j.cnd.2012.06.002. Pour citer cet article, la référence de l’article princeps dans les Cahiers de nutrition et de diététique devra être utilisée. Adresse e-mail : [email protected] lier » ont été à l’origine de la prise de conscience des enjeux médico-sociaux et économiques liés aux troubles nutritionnels [1]. L’alimentation entendue désormais comme un soin à part entière fait donc partie des moyens thérapeutiques disponibles [2]. Cette évolution a conduit à des changements de l’offre de soins nutritionnels en milieu hospitalier dont la mise en œuvre a été progressive et soutenue par les trois programmes nationaux nutrition santé (PNNS). 1. Mais qui a effectivement la charge du « soin » alimentation au quotidien du patient ? Si de très nombreuses avancées ont ainsi eu lieu, il reste encore un point non acquis : la valorisation du travail de l’aide- soignant(e) (AS) en nutrition. À la différence des infirmiers dont la profession est régle- mentée par deux décrets, l’un du 16 février 1993, le second du 11 février 2002 [3], la profession d’aide-soignant n’a pas de décret de compétence jusqu’à l’arrêté de 2005 [4]. Mais bien que le métier d’aide-soignant ne fasse pas partie des professions de santé réglementées dans le Code de santé publique, il était référencé dans la liste des métiers paramédicaux [5]. À défaut de décret de compétence régissant la profession, il n’a pas été chose aisée de délimiter la compétence des aides-soignants qui, dans les définitions actuelles, est encore très large. L’alimentation y occupe une place encore mal définie. L’alimentation étant un soin nécessaire pour assurer la fonc- tion de survie d’un organisme, mais aussi pour lui apporter le bien-être nécessaire au maintien de cette fonction, il existe un vrai rôle de la fonction AS dans le dépistage et la prévention de la dénutrition. 0985-0562/$ see front matter © 2013 Publié par Elsevier Masson SAS. http://dx.doi.org/10.1016/j.nupar.2013.03.001

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www.sciencedirect.com

Nutrition clinique et métabolisme 27 (2013) 92–94

Réflexions

L’aide-soignant(e) doit tenir un rôle premier en nutrition�

Nursery auxiliary: The first player in nutrition

Monique FerryUMR U557 Inserm/U1125 Inra/Cnam/Paris 13, épidémiologie nutritionnelle, 75013 Paris, France

Disponible sur Internet le 6 avril 2013

ots clés : Alimentation à l’hôpital ; Aide-soignant

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L’alimentation est l’un des leviers les plus accessibles pouravoriser la santé, le second étant un minimum d’activité phy-ique régulière. Activité physique qui est surtout entendueomme maintien de la « mobilité », plutôt que compétition quandn avance en âge. La dénutrition, risque majeur quand on devientieux et malade, par ses conséquences délétères, peut dégrader’autonomie, si elle est peu ou mal prise en charge. Mais si’état nutritionnel est correctement assuré, c’est une limitationu risque de dépendance, donc du maintien de la santé et de laualité de vie.

L’impact délétère des troubles nutritionnels est aujourd’huilairement reconnu. Facteurs indépendants de morbi-mortalité,ls sont sources de très nombreuses complications ayant noneulement des conséquences pour le patient lui-même, maisussi un coût non négligeable avec des conséquences médico-conomiques avérées, représentant ainsi un problème de santéublique majeur.

C’est pourquoi en 1997, le ministre délégué à la santé Phi-ippe Douste-Blazy a chargé le Professeur Bernard Guy-Grand’une mission d’évaluation des besoins dans le domaine de lautrition en milieu hospitalier et d’élaboration de recomman-ations destinées à faciliter et renforcer la prise en compte des

spects nutritionnels dans l’offre de soins, tant à l’hôpital queans les suites de l’hospitalisation. Les réflexions et propositionsontenues dans le rapport « Alimentation en milieu hospita-

� Cet article a été publié initialement dans les Cahiers de nutrition et deiététique sous la référence : Ferry M. L’aide-soignant(e) doit tenir un rôleremier en nutrition. Cahiers de nutrition et de diététique 2012;47:210-2;ttp://dx.doi.org/10.1016/j.cnd.2012.06.002. Pour citer cet article, la référencee l’article princeps dans les Cahiers de nutrition et de diététique devra êtretilisée.

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ier » ont été à l’origine de la prise de conscience des enjeuxédico-sociaux et économiques liés aux troubles nutritionnels

1].L’alimentation entendue désormais comme un soin à part

ntière fait donc partie des moyens thérapeutiques disponibles2]. Cette évolution a conduit à des changements de l’offre deoins nutritionnels en milieu hospitalier dont la mise en œuvre até progressive et soutenue par les trois programmes nationauxutrition santé (PNNS).

. Mais qui a effectivement la charge du « soin »limentation au quotidien du patient ?

Si de très nombreuses avancées ont ainsi eu lieu, il restencore un point non acquis : la valorisation du travail de l’aide-oignant(e) (AS) en nutrition.

À la différence des infirmiers dont la profession est régle-entée par deux décrets, l’un du 16 février 1993, le second du

1 février 2002 [3], la profession d’aide-soignant n’a pas deécret de compétence jusqu’à l’arrêté de 2005 [4]. Mais bienue le métier d’aide-soignant ne fasse pas partie des professionse santé réglementées dans le Code de santé publique, il étaitéférencé dans la liste des métiers paramédicaux [5]. À défaut deécret de compétence régissant la profession, il n’a pas été choseisée de délimiter la compétence des aides-soignants qui, danses définitions actuelles, est encore très large. L’alimentation yccupe une place encore mal définie.

L’alimentation étant un soin nécessaire pour assurer la fonc-

ion de survie d’un organisme, mais aussi pour lui apporter leien-être nécessaire au maintien de cette fonction, il existe unrai rôle de la fonction AS dans le dépistage et la prévention dea dénutrition.
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M. Ferry / Nutrition clinique

. Que disent les textes ?

Ce rôle essentiel est précisé dans les textes de l’annexe V à’arrêté du 25 janvier 2005 relatif aux modalités d’organisatione la validation des acquis de l’expérience pour l’obtention duiplôme professionnel d’aide-soignant [4] : « Apporter son aideour la toilette, l’habillage et la prise de repas (. . .) en s’adaptantux besoins et aux capacités de la personne ». Mais il n’est lelus souvent pas appliqué.

Cette précision fait de l’AS un auxiliaire précieux pour laonction de restauration. L’AS est le professionnel qui passe lelus de temps auprès du malade et a donc la possibilité de leonnaître souvent mieux que d’autres.

L’AS est le prolongement de l’action du diététicien auprès dualade lui-même, celui-ci ne pouvant assurer seul la gestion au

as par cas :

l’AS a un rôle nutritionnel important dès la toilette, puisqu’ilassure, entre autres, des soins bucco-dentaires et, par exemple,s’assure de la bonne fixation des prothèses. Or c’est bienl’état bucco-dentaire qui conditionne la première partie del’alimentation. Cette dimension est encore trop peu réaliséealors qu’elle est essentielle ;

il a un rôle d’alerte, pour informer l’équipe soignante (lemalade a-t-il mangé ou non, a vomi son repas, a l’air triste,voire douloureux, ou a au contraire envie de manger. . . et desurcroît, aime ou n’aime pas telle ou telle préparation) ;

il exerce aussi le rôle de surveillance et de quantification desapports, à partir des restes du plateau : un plateau parfaitementéquilibré peut repartir vide ou à peine entamé. Or l’AS estcelui qui peut également quantifier ce qui a été amené par lafamille et que le malade préfère, ce qui peut jouer un rôle dansla prise alimentaire proposée. L’AS est très souvent informésoit par la personne elle-même, pendant le temps qu’elle passeauprès d’elle, soit par la famille ;

l’AS joue un rôle essentiel d’aide à l’alimentation. Ce rôleimportant va de l’ouverture des opercules, de la dispositiondes couverts, du découpage de la viande, à l’aide totale pourles personnes qui ne peuvent s’alimenter seules ;

enfin, l’AS est à la meilleure place pour assurer la surveillancerégulière du poids (pesée). C’est à lui que doit revenir lamesure régulière du poids et sa notation dans le dossier, dansle cadre de la délégation des tâches.

L’AS a donc toute sa place dans le rôle d’action de santéublique correspondant à l’axe 3 mesure 2 du PNNS 2011 à015.

Mais la « fonction alimentation » est un « soin » encore tropouvent méconnu, voire « délaissé » parmi les nombreux rôleséfinis comme étant dans le cadre du rôle propre de l’AS, qui este réaliser « les soins liés aux fonctions d’entretien et de conti-

uité de la vie visant à compenser partiellement ou totalementn manque ou une diminution de l’autonomie de la personne ».

Le référentiel pour la validation de l’acquis de l’expérience4], pour obtenir le diplôme professionnel d’aide-soignant,

tabolisme 27 (2013) 92–94 93

emande de très nombreuses compétences qui sont accordéesar unités.

L’unité 1 définit ainsi que l’AS doit « accompagner une per-onne dans les actes essentiels de la vie quotidienne en tenantompte de ses besoins et de son degré d’autonomie ». Pour ceaire, elle doit pouvoir :

« identifier les besoins essentiels de la personne et prendre encompte sa culture, ses habitudes de vie, ses choix. . . et ceuxde sa famille! » ;

« repérer l’autonomie et les capacités de la personne ; « apporter son aide pour la toilette, l’habillage et la prise

de repas, l’élimination et le déplacement en l’adaptant auxbesoins et aux capacités de la personne et en respectant lesrègles d’hygiène et de pudeur ;

mais aussi « stimuler la personne, lui proposer des activi-tés contribuant à maintenir son autonomie et à créer du liensocial ».

Quand on lit, avec intérêt, la densité de l’unité 1 il est inutilee développer les autres axes car l’unité 2 demande égale-ent « d’apprécier l’état clinique de la personne », l’unité 3 de

réaliser des soins adaptés à l’état clinique de la personne »t l’on retrouve l’alimentation juste avant tous les soins liés à’élimination urinaire et fécale et le sommeil, comme « aide de’infirmier à la réalisation de soins ». D’après l’unité 4, l’AS doit

utiliser les techniques préventives de manutention et les règlese sécurité pour l’installation et la mobilisation des personnes »hors techniques de rééducation), et d’après l’unité 5 « établirne communication adaptée à la personne et à son entourage ».nfin, l’unité 6 implique d’« utiliser les techniques d’entretienes locaux et du matériel spécifiques aux établissements sani-aires, sociaux et médico-sociaux » qui sont des complémentsssentiels du rôle « d’auxiliaire d’alimentation », rôle encoreéconnu par beaucoup.

. Une formation adéquate indispensable

Il apparaît donc impossible de fournir tous ces rôles sansne formation adaptée. Et cette formation doit accentuer le rôleévolu à l’alimentation, qui doit être considéré comme un soine base.

Cette formation est indispensable pour permettre à l’AS’assurer sa fonction sentinelle de l’alimentation, pour préve-ir et dépister la dénutrition, tel que mentionné dans la mesure

(22 et 23) du PNNS 3. Il y est bien précisé que l’AS doit :

savoir peser un malade toujours dans les mêmes conditions(vêtements, balance) ;

savoir reconnaître une perte d’appétit, voire en connaître lacause ;

savoir aider un malade en se placant dans la bonne position

pour lui donner à manger, en lui souriant, plutôt qu’avec unair fermé, ou trop pressé, même si c’est souvent le cas du faitde la multitude des tâches quotidiennes ;
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4 M. Ferry / Nutrition clinique

apprendre les circonstances où l’on doit alerter l’IDE pourassurer le rôle de surveillance de l’alimentation ;

s’inscrire dans l’équipe soignante comme étant le « pont »nécessaire, avec la diététicienne, entre les soignants etl’équipe de restauration ;

enfin, prendre la parole au cours des réunions de service pourattirer l’attention, à bon escient, sur les besoins de tel ou telpatient.

Ainsi, le rôle de l’AS sera « valorisé » pour l’alimentation desatients tant à l’hôpital que dans les structures médico-sociales.’alimentation est un véritable soin, tout aussi essentiel que ceuxouvent rappelés, de la toilette ou de la continence, qui devraussi impérativement être envisagé au domicile, des personnesgées en particulier.

Si l’on veut que l’alimentation soit concrètement et cor-ectement assurée, chacun des acteurs de la chaîne soignante,u haut jusqu’en bas, doit pouvoir bénéficier d’une formationorrecte.

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tabolisme 27 (2013) 92–94

éclaration d’intérêts

L’auteur déclare ne pas avoir de conflits d’intérêts en relationvec cet article.

éférences

1] Guy-Grand B. Alimentation en milieu hospitalier : rapport de mis-sion à monsieur le Ministre chargé de la santé, 1997. http://www.ladocumentationfrancaise.fr/rapports-publics/974060600/index.shtml

2] Ricour C, Zazzo F. Mise en place d’une politique nutritionnelledans les établissements de santé, 2002. http://www.mangerbouger.fr/pro/IMG/pdf/RapportRicour-Nutritrion-EtablissementsSante.pdf

3] Circulaire DHOS/E1 no 2002-186 du 29 mars 2002 relative à l’alimentationet à la nutrition dans les établissements de santé. http://sante.gouv.fr/fichiers

4] Arrêté du 25 janvier 2005 relatif aux modalités d’organisation de la valida-tion des acquis de l’expérience pour l’obtention du diplôme professionnel

d’aide-soignant. Bulletin officiel Santé/Protection sociale/Solidarité no

2005/02.5] Code de la santé publique. Métiers paramédicaux. AS : article D 712-55 du

CSP.