l’erreur diagnostique en radiologie · 2020. 1. 20. · en france : 24 cas en 2014 (sur 107)...
TRANSCRIPT
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L’erreur diagnostique
en radiologie :
causes et impacts
DR TRAN BA SON-NAM STÉPHANE
CHU AVICENNE
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Définitions I
Multiples définitions de l’erreur
Points de vue différents = approches différentes
Erreur ≠ faute
Grober : « acte d’omission ou de commision dans
la planification ou l’exécution d’un acte
contribuant ou pouvant contribuer à un résultat
inattendu »
-
=
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Définitions II
Erreurs de détection (60%) vs interprétation (40%)
Heuristiques de jugement : « raccourcis mentaux »
qui permettent des opérations mentales rapides,
automatiques et intuitives (système 1 de
Kahnemann)
Biais cognitifs : « déviation par rapport à une
norme que subit une information en entrant dans
le système cognitif (sélection des informations) ou
en sortant (sélection des réponses)
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I/ Epidémiologie
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Epidémiologie – erreur
diagnostique globale
Elstein (1995) : 10-15% d’erreurs diagnostiques
Séries autopsiques : 15-40 %
Séries expérimentales (« patient modèle ») : 13-
15%
Chiffre dépend de la définition de l’erreur, de la
méthode de mesure, etc…
Globalement 10-20%
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Epidémiologie - radiologie
Garland (1959) : radiographies de thorax
Faux-positifs : 2%
Faux-négatifs : 30%
Nb de radio normales >> nb de radio
pathologiques
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Taux d’erreur global : 3-5 %
total
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Conséquences des
erreurs en radiologie
Conséquences pour le patient
Conséquences pour le radiologue
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Modèle de Reason
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Conséquences pour le
patient
Décès
44000 à 98000 décès/an liés à une erreur médicale
aux USA (rapport « To Err is Human », 2000)
6-17% des erreurs diagnostiques conduisent au
décès d’un patient (rapport 2016 de l’Académie
de Médecine américaine)
Proportion liée aux erreurs radiologiques ?
Engagement du pronostic vital
Perte de chance
Handicap
Comorbidités
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Conséquences pour le
radiologue Conséquences médico-légales
15% des procès aux USA impliquent un radiologue
40-70% des procès des radiologues concernent une erreur diagnostique
En France : 24 cas en 2014 (sur 107)
Conséquences financières :
Coût moyen d’une erreur diagnostique : 163 000 euros en 2012 (rapport de la SHAM)
Conséquences psychologiques :
Altération de la qualité de vie
Dépression, risque de burn-out
Sentiments de culpabilité, peur, isolement
Augmente le risque d’erreurs subséquentes ?
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Les causes d’erreur
Facteurs externes
Biais cognitifs
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I/ Facteurs extérieurs
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Interruption de tache
Fréquence : 1 interruption toutes les minutes à 1 toutes les 12 minutes (Ratwani 2016)
Téléphone, demande d’avis, protocoles d’examen…
En moyenne : 2-10 appels/h, maximum entre 14h et 23h
Conséquences :
Augmentation du temps d’interprétation
Diminution de la mémoire spatiale
Augmentation du taux d’erreurs : +12% d’erreur par interruption téléphonique au-delà de 4 par heure (Balint 2014)
Solutions :
Poste dédié aux taches non interprétatives
Filtrage des demandes non vitales
Création de postes « sanctuaires »
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Charge de travail /
Fatigue Augmentation du nombre d’examens
X2 entre 1996 et 2010 (McDonald 2015)
Conséquences :
Fatigue, myopisation, fatigue visuelle
Augmentation du risque d’erreur
Rx thorax : -44% de détection de nodule en dessous d’un temps d’analyse de 4 secondes
TDM abdo : erreur x2 si >20 examens/j
Solutions :
Filtrer les demandes non urgentes en garde
Augmenter le nombre de radiologues par vacation
Savoir remettre au lendemain l’interprétation de certains examens
Demander de l’aide
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Absence de
renseignements cliniques 33% de non-conformité des demandes d’examens
(HAS 2010)
Conséquences : modification des CR par les renseignements
Rx Thorax : détections d’anomalies subtiles 16% en l’absence de renseignements (vs 72%)
TDM : 20% de conclusions modifiées par l’apport de renseignements cliniques
Solutions :
Insister sur les bonnes pratiques
Interagir avec les cliniciens
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Antériorités d’examens
Antériorités non disponibles
Non consultation
Erreur de dates
Comparaison avec un examen trop proche
Conséquences :
Erreurs de détection
Erreurs d’interprétation
Report d’erreurs de CR en CR (erreur allitérative)
Conséquences médico-légales +++
Solutions :
Toujours rechercher des examens antérieurs.
Comparer avec des examens anciens.
Première lecture en aveugle des CR précédents
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Erreurs liées à l’examen
Examen artéfacté
Mauvais protocole
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Conditions matérielles
Luminosité
Ecrans diagnostiques (ex : faux verre-dépoli)
Solution : travailler dans un environnement
adapté
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II/ Biais cognitifs
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Biais de cadrage
Survient lorsque l’on est influencé par le contexte
(notamment clinique)
Solution :
Interpréter en aveugle du contexte dans un premier
temps
Être systématique dans la lecture
Ne pas avoir d’a priori
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Biais de confirmation
Tendance à vouloir confirmer ses hypothèses en
minimisant les éléments en défaveur
Solution :
Se poser systématiquement la question : « y a-t-il
des éléments qui ne cadrent pas avec mon
hypothèse ? »
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Biais d’ancrage
Tendance à être influencé par les premières
informations décelées
Solution :
Ne pas interpréter avant d’avoir analysé l’ensemble
des images
Chercher systématiquement à contredire ses
propres hypothèses
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Biais de disponibilité
Tendance à être influencé par les informations les
plus facilement disponibles
Solution :
Chercher à contredire ses propres hypothèses
Douter de soi-même lorsque l’on évoque une
pathologie rare dont on vient d’entendre parler
Rasoir d’Occam
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Biais émotionnel
Influence de nos comportements « rationnels »
par nos émotions
Aversion du risque
Mésentente avec le clinicien
Solution : ?
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Satisfaction de recherche
La découverte d’une anomalie réduit les chances
d’en découvrir une autre
Solution :
Grille de lecture systématique.
Ne pas commencer la lecture par l’anomalie la plus
évidente
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Biais d’inattention
Lecture incomplète d’un examen
Zones « hors champ »
Solution : tout regarder
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Cas illustratifs
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Cas 1 : F81a, sd
parkinsonien, chutes
Interprétation du radiologue : atrophie mésencéphalique en rapport avec une probable paralysie supra-nucléaire progressive.
Erreur : index morphométriques en défaveur du diagnostic de PSP (ratio aire du pont/aire du mésencéphale = 0.26 / MRPI = 14 / axe antéro-postérieur du mésencéphale >12 mm).
Biais de cadrage + ancrage + confirmation
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Cas 2 : H62a, bilan d’extension
d’un CCR du rein droit
Interprétation du
radiologue : Ganglion
intra-parenchymateux
du lobe moyen
Erreur : 8 mois plus tard :
nodules en lâcher de
ballons
Biais émotionnel
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Cas 3 : F36a, uvéite, recherche de
sarcoïdose
Interprétation du
radiologue : scanner
normal
Erreur : 2 semaines plus
tard : douleurs lombaires
gauches. Colique
néphrétique.
Calcul
rétrospectivement
visible.
Biais de cadrage + ancrage
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Cas 4 : F55a, épaule aiguë
douloureuse
Interprétation du
radiologue : bursite de
l’épaule sur résorption
de calcification dans le
cadre d’une maladie à
cristaux d’hydroxy-
apatite
Erreur : multiples nodules
pulmonaires non
rapportés par le
radiologue
Biais d’inattention + satisfaction de recherche
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Cas 5 : F62a, bilan
d’hypertension pulmonaire
Interprétation du
radiologue :
épaississement septal,
épanchement pleural
en rapport avec une
maladie veino-occlusive
Erreur : cathétérisme
droit, HTAP pré-capillaire
sur insuffisance
cardiaque gauche
diastolique
Biais de disponibilité
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Cas 6 : H36a, douleurs thoraciques
Interprétation du
radiologue : dissection
aortique
Erreur : dissection +
sigmoïdite diverticulaire
chronique multi-fistulisée
avec abcès
Facteurs extérieurs + biais de satisfaction
de recherche + biais de cadrage
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Que faire pour changer ?
Facteurs extérieurs : éduquer, être exigeant
Biais cognitifs : se remettre en question, douter,
être systématique
De façon générale :
Ne pas stigmatiser l’erreur
Partager ses expériences
Informer ses confrères de leurs erreurs
Analyser ses erreurs
Mettre en place des mesures correctrices