l’Œcuménicité · 2020-03-07 · 1. le concile de nicée (325) auquel participa par exemple le...
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L’Œcuménicité de
Son Excellence Monseigneur
Philippe Laurent De Coster, B.TH., DD
Archevêque Emérite
de L’Eglise Latine Vieille Catholique Romaine
de Flandre
La présente dissertation est le résultat de plusieurs années d’étude non
Catholique Vaticane mais Romaine et de recherches, consacrées à
l’ecclésiologie et surtout à la question de l’unité de l’Eglise du Christ. L’idée
est née à la suite de mon travail consacré à l’intercommunion entre les « Petites
Eglises Catholiques non Romaines et Orthodoxes.
Il m’a permis de constater que les différentes disciplines ecclésiastiques
concernant le partage eucharistique avec les chrétiens appartenant à d’autres
Eglises que la sienne, trouvaient leurs principaux motifs doctrinaux dans
différentes conceptions de la place de l’eucharistie (le Sacrifice de la Sainte
Messe) dans le mystère de l’Eglise. En d’autres termes, le cœur du problème du
partage eucharistique entre les chrétiens divisés se situait du côté de
l’ecclésiologie. Même si à l’époque actuelle, il existe différentes pratiques
concernant l’hospitalité eucharistique, les Eglises engagées dans le mouvement
œcuménique reconnaissent que la pleine communion eucharistique entre tous les
chrétiens ne pourra se réaliser avant que ne soit atteinte la plénitude de leur
communion dans l’Eglise visiblement unie. Ceci exige que les Eglises de
traditions différentes se mettent d’accord sur ce que cela signifie être l’Eglise et
faire partie de l’Eglise.
La hiérarchie apostolique commence : Lin succède à Pierre, Clément à Lin, et
cette belle chaîne de pontifes, héritiers de l’autorité apostolique, ne s’interrompt
plus pendant vingt siècles, et nous unit à Jésus-Christ.
Entretemps il y a eu les quatre réunions générales que, d’après les Actes des
Apôtres, tinrent les apôtres de Notre Seigneur.
Par extension :
Siècle, temps apostolique. Le Ier siècle de l’Église, temps où vivaient les
apôtres et leurs successeurs immédiats
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Le clergé ne vit pas maintenant comme autrefois, mais il fait paraître en tout une
régularité digne des temps apostoliques
Pères apostoliques. Premiers écrivains chrétiens immédiatement
postérieurs aux apôtres et précédant les Pères Apologistes du IIe siècle.
Les Canons apostoliques. Ces recueils renfermant les règles de discipline
adoptées dans l’Église primitive :
Seulement, à ce qu’il paraît, l’intègre et consciencieux Grégoire, l’homme de la
justice et de la loi, fit, mais inutilement, des efforts pour engager ses collègues à
s’en tenir au code ordinaire, et à décliner l’autorité des prétendus canons
apostoliques, qui remonte en succession ininterrompue au temps des apôtres :
C’était comme souverain temporel que le Pape avait traité à Tolentino
avec la République Française; mais comme chef de la religion catholique,
apostolique et romaine, il la reconnut et traita avec elle par le Concordat
signé à Paris le 18 avril 1802.
Qui est relatif au pape en tant que successeur de saint Pierre, prince des
Apôtres :
Qu’un établissement, religieux ou autre, ne puisse avoir d’existence civile,
s’il n’est connu de l’autorité civile, c’est là une chose trop claire, pour que
personne l’ignore ou le conteste. Mais la puissance apostolique est
totalement indépendante de ces formalités civiles, et aucune autre
puissance ne saurait, dans les principes catholiques, annuler les actes
émanés d’elles, puisque Dieu ne l’a soumise à aucune autre puissance.
Constitutions apostoliques. Recueil touchant la discipline et les
cérémonies de l’Église, promulgué par le pape en vertu de son autorité
suprême, et que le Vieux Catholicisme maintient dans ses constitutions :
Ce droit a été déterminé par le Concile œcuménique de Trente et par les
constitutions apostoliques qui n’ont fait que confirmer les décrets du Concile et
il n’appartient ni au gouvernement, ni à l’évêque d’y rien changer. Ils n’ont ni à
approuver, ni à désapprouver les statuts des ordres religieux, du moment que le
Saint Père les a revêtus de son approbation souveraine. C’est donc là un
empiètement intolérable du pouvoir civil des pays sur les prérogatives du Saint-
Siège. Le Vatican tient donc :
Le Saint Siège apostolique. Lieu où siège le pape, évêque de Rome, et où
il exerce l’autorité suprême sur l’Église catholique, dont indépendamment
le Vieux Catholicisme observe.
Chambre apostolique. Tribunal qui connaît des affaires relatives au
domaine ou au Trésor du Saint-Siège :
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Délégué apostolique. Représentant du Saint-Siège sans caractère
diplomatique.
Lettre apostolique. Document émané de l’autorité du pape (bulle, bref,
motu proprio, signature de cour de Rome).
Nonce apostolique. Ambassadeur du Saint-Siège auprès d’un
gouvernement :
La diplomatie a ses raisons que le cœur ne connaît pas : elle admet par exemple
qu’un catholique, et surtout un prêtre, et plus encore un évêque, et par-dessus
tout un cardinal, auraient mauvaise grâce à ne pas considérer comme légitime un
gouvernement auprès duquel un nonce apostolique est accrédité.
Le Vieux Catholicisme Romain reconnait les trois Conciles Œcuméniques
suivants :
1. Le concile de Nicée (325) auquel participa par exemple le patriarche
Aristakès, successeur de saint Grégoire l’Illuminateur qui mourut la
même année. Le concile de Nicée demeure le concile œcuménique par
excellence et le premier pilier de la foi confessée par l’Église apostolique
universelle.
2. Le concile de Constantinople (381). Lorsqu’il décida de réunir un
nouveau concile, l’empereur Théodose 1er ne convoqua guère que les
évêques de la partie orientale de l’empire romain.
3. Le concile d’Éphèse (431). L’ensemble des Églises reconnaît
l’œcuménicité du concile d’Éphèse, à l’exception toutefois de l’Église de
Perse (Église apostolique assyrienne d’Orient, trop rapidement qualifiée
de « nestorienne ») qui en refusa la christologie.
L’autorité et l’infaillibilité des conciles œcuméniques
1. Sources de l’autorité et de l’infaillibilité des conciles œcuméniques
Quelles sont les sources de l’autorité des conciles œcuméniques, le fondement
de leur infaillibilité ? La seule réponse orthodoxe possible à cette question si
importante doit être. le Christ, l’Esprit Saint, l’Église. Le Christ, le « Verbe » de
Dieu, nous révélant le Père (Mt 11, 27) et étant lui-même « la voie, la vérité et la
vie » (Jn 14, 6) dont le Père a dit. « Celui-ci est mon Fils bien-aimé… écoutez-le
» (Mt 17, 5), qui « enseigne [les foules] comme ayant autorité » (Mt 7, 29).
Avant son ascension, il a promis aux apôtres de demeurer avec eux à jamais. «
Je suis avec vous tous les jours jusqu’à la fin du monde » (Mt 28, 20). Le Christ,
en tant que chef de l’Église qui est son corps, demeure toujours avec elle par son
Esprit Saint qu’il a envoyé de son Père aux apôtres. C’est ce Saint Esprit qui
enseigne toute la vérité à l’Église, car il est « l’Esprit de vérité » (Jn 14, 17). «
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Mais quand il viendra, l’Esprit de vérité vous introduira comme un guide dans la
vérité entière » (Jn 16, 13), dit le Seigneur, en promettant aux apôtres qu’ils
seront conduits par l’Esprit Saint. L’Église, dont le chef est le Christ lui-même,
et qui est le temple du Saint Esprit, ne peut se tromper. C’est là une croyance
fondamentale de l’Église orthodoxe. Et les conciles sont l’expression suprême et
la plus pleine de l’Église une, sainte, catholique et apostolique, que le Christ a «
aimée », « sanctifiée », « pour se préparer une Église resplendissante, sans tache
ni ride, ni rien de semblable, mais sainte et immaculée » (Ep 5, 25-27).
Le Christ a également béni et sanctifié la voie de la conciliarité en disant. « Car,
là où deux ou trois se trouvent réunis en mon nom, je suis au milieu d’eux » (Mt
18, 20). Le Christ, ayant promis à Pierre que « sur cette pierre (1) je bâtirai mon
Église, et les portes de l’enfer ne prévaudront point contre elle » (Mt 16, 18), lui
donne le pouvoir de lier et de délier. Il donne également ce même pouvoir à tous
les apôtres dans leur ensemble, conciliairement, disant. « Je vous le dis en vérité,
tout ce que vous lierez sur terre sera lié au ciel, et tout ce que vous délierez sur
terre sera délié au ciel » (Mt 18, 18). Sous un aspect négatif, ce pouvoir suprême
de l’Église de lier et de délier est ainsi formulé par le Christ. « S’il [le frère] ne
veut pas les écouter, dis-le à l’Église ; que s’il n’écoute pas l’Église non plus,
traite-le comme un païen et un publicain » (Mt 18, 17). Dans bien des passages
du Nouveau Testament, les apôtres apparaissent comme étant investis de
pouvoir par le Christ lui-même, et ces passages soulignent la nécessité de leur
obéir, ainsi qu’à leurs successeurs. « Qui vous écoute m’écoute, qui vous
méprise me méprise, et qui me méprise, méprise celui qui m’a envoyé » (Lc 10,
16). Les apôtres ont été revêtus de « force » lorsque l’"Esprit Saint" est descendu
sur eux (Actes 1, 8). Ils ont également reçu du Seigneur le commandement
d’être ses « témoins […] jusqu’aux extrémités de la terre » (Ac 1, 8). Après la
Pentecôte, après que la plénitude du Saint Esprit fut sur eux et lorsque les
besoins de l’Église l’exigèrent, ils ont convoqué à Jérusalem un concile (Ac 15),
modèle de tous les conciles œcuméniques d’Église à venir. À ce concile, avec
audace et de plein droit, les apôtres ont proclamé qu’"il a paru bon, à l’Esprit
Saint et à nous" (Ac 15, 28) de décider, de trancher de la façon dont nous
l’avons fait. En résumé, l’autorité et l’infaillibilité des conciles œcuméniques en
tant qu’expression de l’autorité et de l’infaillibilité de l’Église dans sa plénitude
ont leurs racines dans l’Écriture Sainte.
2. L’Écriture Sainte et les conciles œcuméniques
La relation entre l’Écriture Sainte et les décisions des conciles œcuméniques du
point de vue de leur autorité réciproque a été largement commentée chez les
anglicans, elle l’a été moins chez les orthodoxes. Pour les anglicans, il existe à
cet égard un document fondamental. l’article 21 de la foi qui proclame que les
décisions des conciles n’ont ni force ni autorité s’il est impossible de prouver
qu’ils ont leur source dans l’Écriture Sainte. En d’autres termes, toute autorité en
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soi est refusée aux conciles. De façon générale, il semble que les anglicans
reconnaissent les décisions des conciles œcuméniques du moment qu’elles ne
sont pas en contradiction avec l’Écriture Sainte, sans toutefois préciser qui
possède la compétence pour décider si une telle contradiction existe ou n’existe
pas (un autre concile, ou chaque chrétien individuellement ?). Autrement dit,
une autorité dérivée et moindre est reconnue, dans tous les cas, à certaines
décisions conciliaires, en comparaison avec l’autorité de l’Écriture Sainte. Du
côté orthodoxe, bien qu’il n’y a jamais eu de décision globale à ce sujet, on
affirme souvent que les décisions dogmatiques des conciles œcuméniques ont
une autorité et une force égales à celles de l’Écriture Sainte, car ces décisions
expriment la tradition ecclésiastique authentique qui, ensemble avec l’Écriture
Sainte, forment deux sources de la foi orthodoxe d’autorité égale.
Pareille affirmation est exacte quant à son essence, mais sa formulation peut
cependant engendrer des malentendus. Premièrement, parce que ses mots sont
ceux de l’enseignement du concile de Trente, plus ou moins abandonné par les
catholiques-romains eux-mêmes après Vatican II, sur les deux sources de foi.
Du point de vue orthodoxe, il serait plus exact de parler d’une seule source,
notamment de l’unique tradition apostolique, exprimée par l’Église dans
l’Écriture Sainte, les décisions des conciles, les œuvres des Saints Pères, la
liturgie, etc. Ensuite — et c’est plus important —, parce qu’une telle affirmation
ne tient pas suffisamment compte de la différence essentielle qui existe entre
l’Écriture Sainte et les décisions des conciles. L’Écriture Sainte est une
révélation divine, inspirée par le Saint Esprit qui nous révèle et nous annonce
des données nouvelles sur le Dieu trine, ses grandes œuvres, accomplies pour
notre salut, tandis que les conciles œcuméniques n’ont jamais prétendu fournir,
par leurs décisions, des révélations sur quelque chose qui était inconnu avant
eux, mais simplement une interprétation, une explication et une mise en relief
inspirées de l’Écriture Sainte et de la tradition apostolique en général. C’est pour
cela que la question d’une éventuelle contradiction possible entre l’Écriture
Sainte et les conciles œcuméniques, du degré comparé de leur autorité, ne doit
jamais se poser pour des théologiens orthodoxes.
3. Traits caractéristiques d’un concile œcuménique
Il n’est pas facile d’établir avec précision et en harmonie avec les faits
historiques les critères de l’"œcuménicité" d’un concile et la manière de
distinguer un concile authentique d’un concile plus restreint, soit même d’un
pseudo-concile. Un concile œcuménique, cela va de soi, doit représenter la
plénitude de l’Église, mais cette plénitude ne peut être comprise dans un sens
géographique ou littéral, ainsi que l’histoire nous le montre. Ce n’est qu’une
minorité des évêques de l’époque qui assistait aux conciles œcuméniques (près
d’un dixième au concile de Nicée en 325, selon certains historiens), tandis qu’au
IIe concile (à Constantinople, en 381), Rome et l’Occident en général ne furent
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pas du tout représentés. Inutile de dire que sa reconnaissance par l’empereur, ni
même par le pape ne peut être considérée comme un facteur décisif pour qu’un
concile reçoive le titre d’ « œcuménique ».
La reconnaissance par l’empereur avait plus d’importance pour l’État que pour
l’Église ; une telle reconnaissance n’a pas contribué à ce que les réunions
monophysites du Ve siècle ou le concile iconoclaste de 754, reconnus «
œcuméniques » par les empereurs de l’époque, deviennent d’authentiques
conciles œcuméniques. La reconnaissance par le pape, toute importante qu’elle
ait été en tant que signe d’unanimité, fut déclarée superflue pour la
reconnaissance du IIe concile œcuménique. En règle générale, la reconnaissance
par l’Église détermine le fait qu’un concile soit considéré comme œcuménique.
Et ceci est, sans aucun doute, le cas pour les sept conciles anciens. Deux facteurs
ont une signification décisive dans ce processus de reconnaissance par l’Église.
la conscience du concile, qui s’estime et se proclame comme étant œcuménique
; la reconnaissance, par le concile suivant, de l’œcuménicité du précédent, soit
au contraire, le rejet des prétentions de celui-ci à l’œcuménicité.
Ainsi, par exemple, le concile de Chalcédoine (451) a rejeté les prétentions à
l’œcuménicité du second concile d’Éphèse (449). Des violences, des
irrégularités dans son déroulement et surtout des déviations d’ordre doctrinal
furent les raisons essentielles de ce rejet. Parfois, c’est le peuple qui n’acceptait
pas le nouveau concile, ainsi que cela eut lieu notamment dans le cas du pseudo-
concile de Florence (1438-1439). Plus tard, le rejet fut confirmé par le concile
de Constantinople de la fin du XVe siècle, bien que ce ne fut qu’un concile
local. Il serait néanmoins difficile de formuler en termes canoniques une telle
interférence du peuple. Nous ne pouvons qu’affirmer que les conciles
œcuméniques, étant des événements charismatiques, ne peuvent être caractérisés
en termes juridiques. Derrière les conciles, il y a toujours l’Église elle-même,
nantie du « grand don de vérité » [μέγα χάρισμα ἀληθείας], c’est à elle
qu’appartient le dernier mot dans les questions de foi.
4. Convocation des conciles œcuméniques
Il est nécessaire de souligner le caractère charismatique extraordinaire des
conciles œcuméniques, qui les différencie des conciles locaux des évêques. Ces
derniers, en accord avec les saints canons (canon apostolique 37 (4) ; canon 5 du
Ier concile de Nicée ; canon 19 du IVe concile œcuménique (5) ; canon 20 du
concile d’Antioche (6), etc.) doivent être convoqués régulièrement et
systématiquement deux fois ou — en vertu des décisions plus tardives (canon 8
du VIe concile œcuménique, canon 6 du VIIe concile œcuménique) — une fois
l’an ; il n’existe par contre pas de canon qui prescrive une convocation
périodique des conciles œcuméniques, et l’histoire nous montre que ces conciles
se réunissaient très rarement, seulement aux moments de crises dans la vie de
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l’Église. Et c’est naturel. les conciles œcuméniques n’étant pas des « parlements
ecclésiastiques » convoqués régulièrement et représentant juridiquement l’Église
dans sa gestion et son administration, mais plutôt des réunions extraordinaires,
convoquées par le Saint Esprit aux moments où la vie et le bien de toute l’Église
l’exigent.
5. Immuabilité des résolutions conciliaires
Sans aucun doute possible, les décisions dogmatiques et canoniques des conciles
œcuméniques sont infaillibles, elles conservent leur immuable validité et
autorité et ne peuvent être abrogées ni même modifiées avec le temps ; car
l’Esprit Saint, les ayant inspirées, ne peut se contredire ni se désavouer. La
continuité également représente un trait caractéristique de la vie de l’Église et de
sa tradition vivante. C’est particulièrement vrai en ce qui concerne les décisions
théologiques des sept conciles œcuméniques. Cependant, cette immuabilité des
décisions conciliaires ne doit pas être comprise dans un sens trop littéral ou
formel. Ainsi, nous devons reconnaître que l’infaillibilité des conciles concerne
tout particulièrement leurs décisions dogmatiques, mais non pas toutes les
discussions qui ont eu lieu au cours des réunions, bien qu’il soit nécessaire de
toujours tenir compte de ces discussions pour bien comprendre dans un esprit
patristique, les décisions elles-mêmes (ὅροι). Qui plus est, l’histoire de l’Église
— que nous ne pouvons ni ne devons ignorer — témoigne du fait que même les
décisions théologiques des conciles œcuméniques (sans parler de la législation
canonique) étaient modifiées, complétées, adaptées aux circonstances,
abandonnées même par des conciles postérieurs qui étaient pleinement
conscients qu’agissant ainsi ils « rénovaient » (ἀνανεοῦμεν) les décisions
antérieures tout en demeurant fidèles à leur contenu dogmatique et spirituel. En
guise d’exemple classique, citons l’acte du IIe concile œcuménique qui a
retranché, dans le Symbole de foi nicéen, l’expression « c’est-à-dire de l’essence
du Père » (τουτέστιν ἐκ τῆς οὐσίας τοῦ Πατρός) et « Dieu de Dieu » (Θεὸν ἐκ
Θεοῦ). Si cette deuxième omission peut être expliquée par le désir d’éviter une
répétition inutile, car un peu plus loin le texte dit « vrai Dieu de vrai Dieu », la
première omission de « l’essence du Père » avait plutôt pour but d’éviter
l’expression qui pouvait être faussement interprétée dans l’esprit sabellien et
était superflue, car l’expression « consubstantiel » (ὁμοούσιος) était suffisante et
avait plus de précision. En même temps, le IIe concile a essentiellement
développé le Symbole de Nicée par un enseignement plus détaillé sur le Saint
Esprit, l’Église, etc. Le IVe concile œcuménique a agi de même avec ses
formules christologiques plus développées que l’on ne peut trouver, de manière
explicite en tout cas, dans le Symbole de foi de Nicée-Constantinople.
Cette façon d’agir, chacun le sait, a rencontré une opposition opiniâtre de la part
des monophysites qui dans leur conservatisme formaliste ont rejeté, du moins
pendant les premières décennies après le concile de Chalcédoine, le Symbole de
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la foi du IIe concile œcuménique, le considérant comme une innovation
arbitraire par rapport au Symbole de Nicée (« La foi des 318 Pères » était le
slogan célèbre des monophysites) (7). Nous devons toutefois ajouter que le IIIe
concile œcuménique a formellement interdit toute modification ultérieure du
texte du Symbole de la foi (dans son canon 7). Ceci nous montre que les
conciles œcuméniques ont non seulement le droit de compléter les décisions
précédentes, mais également d’interdire toute modification, même textuelle,
dans leur formulation.
En guise d’exemple de modification des décisions canoniques, nous pouvons
citer les décisions susmentionnées du canon 8 du VIe concile œcuménique et du
canon 6 du VIIe concile œcuménique sur la périodicité de convocation des
conciles locaux ; au lieu de les convoquer deux fois l’an comme cela a été
décidé par les conciles antérieurs (37e canon apostolique, canon 5 du Ier concile
de Nicée, canon 19 du IVe concile œcuménique et canon 20 du concile
d’Antioche), ils stipulent la convocation de ces conciles épiscopaux une seule
fois l’an. Ils motivent leur décision par les conditions de leur époque (mauvaises
routes, insuffisance de moyens pécuniaires, invasions barbares, etc.) qui rendent
difficile la convocation des conciles à un rythme plus fréquent. De cette façon,
ils établissent le principe suivant lequel les décisions canoniques, même
promulguées par un concile œcuménique, peuvent être adaptées aux besoins de
l’époque. Le VIIe concile œcuménique emploie une expression extraordinaire
pour justifier une telle modification dans l’ordre canonique. « Τοῦτον οὖν τὸν
κανόνα καὶ ἡμεῖς ἀνανεοῦμεν [Nous aussi, nous renouvelons ce canon]. » Nous
voyons donc que, dans la conscience des Pères du VIIe concile œcuménique,
leur décision n’était pas une modification d’une décision plus ancienne, mais en
était un renouvellement.
Telle devrait être l’attitude orthodoxe authentique face à la question de l’autorité
des conciles œcuméniques. fidélité à leurs décisions quant à leur esprit et leur
contenu dogmatique ; jamais un rejet de ce qui a été adopté, mais, dans des
circonstances déterminées, leur « renouvellement », leur développement, même
une correction de leur formulation lorsque la conscience conciliaire le trouve
nécessaire et utile. Ce n’est pas là une question d’ordre théorique, mais bien au
contraire d’un ordre tout à fait pratique, maintenant que l’Église orthodoxe
entreprend un dialogue théologique avec les confessions occidentales et surtout
avec les Églises « monophysites » au sujet des décisions dogmatiques du concile
de Chalcédoine. Ce n’est que dans la perspective susmentionnée que ces
discussions ont un sens. Et, par le fait même qu’ils soient prêts de discuter la
possibilité de retrouver une foi commune dans les deux formulations
christologiques différentes (chalcédonienne et non chalcédonienne) (8), les
théologiens orthodoxes ont reconnu qu’il était possible d’interpréter, et même de
compléter l’enseignement de Chalcédoine, sans le renier. Le même
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raisonnement peut également être appliqué aux discussions avec les autres
confessions chrétiennes. Cependant, quoi qu’il en soit, les décisions des sept
conciles œcuméniques représentent toujours une autorité suprême et immuable
et un trait caractéristique de l’Église orthodoxe (9) ; leur enseignement
représente un tout indivisible de la vérité trinitaire et christologique.
Toutefois, dans la question des conciles nous ne devons pas prêter une
signification trop particulière et sacrée au nombre de « sept », le mettant en
rapport avec les sept dons de l’Esprit Saint, etc., et, par là même, lui conférer
une qualité définitive, comme si on ne pouvait plus convoquer de conciles
œcuméniques. (De tels essais de « sacralisation » avaient déjà été fait au Ve
siècle, lorsque le nombre de « quatre » était mis en rapport avec les quatre
Évangiles afin de protéger le IVe concile œcuménique contre les monophysites).
De nos jours, l’Église orthodoxe possède la même plénitude de grâce qu’elle
possédait aux temps anciens ; elle peut par conséquent, aujourd’hui comme
avant, convoquer des conciles œcuméniques et, par la force du Saint Esprit,
prendre lors de ces conciles des décisions infaillibles. D’un autre côté, il est plus
difficile, pour les orthodoxes, de séparer les conciles plus récents des sept
conciles anciens. Je pense notamment au concile de Constantinople des années
879-880 (confirmation du texte du Symbole de la foi sans le Filioque) et aux
conciles hésychastes du XIVe siècle. Bien que formellement, ils n’aient pas
encore été consacrés comme « œcuméniques », ils forment un tout organique
avec les conciles œcuméniques précédents. En général, le nombre de « sept » est
plutôt le minimum et non pas le maximum des conciles d’autorité et
d’inspiration divines.
6. Les Pères des conciles œcuméniques
Une question s’était posée parmi les théologiens orthodoxes. les Pères qui
prennent part aux conciles œcuméniques décident-ils en tant que successeurs des
apôtres ayant hérité d’eux le pouvoir de lier et de délier, ou bien agissent-ils en
tant que représentants de leurs Églises locales qui possèdent la plénitude de la
grâce ? La réponse correcte serait qu’ils agissent en cette qualité double
simultanément. En tant que successeurs des apôtres par la lignée ininterrompue
des ordinations épiscopales, les Pères œcuméniques possèdent la plénitude des
dons du Saint Esprit, répandue lors de la Pentecôte, mais ils la possèdent en tant
qu’évêques de leurs Églises locales, car un évêque sans Église est inconcevable.
Et, de même que l’Église locale est en union avec toute l’Église, les évêques
réunis ensemble au concile œcuménique y trouvent la force de parler
infailliblement au nom de l’Église une, sainte, catholique et apostolique.
Évidemment, ils parlent en accord avec la sagesse de l’Église, toutefois non pas
en députés, responsables devant leurs électeurs, mais en tant que messagers du
Christ et porteurs de l’Esprit. Ils n’expriment pas seulement les points de vue de
leurs contemporains, mais l’"intelligence" de l’Église dès le début et jusqu’à
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l’avènement du Christ. Et nous pouvons rendre grâce à Dieu qui a « donné une
telle autorité aux hommes » (Mt 9, 8)….
L’œcuménisme aujourd’hui – Rétrospective et perspective des
Petites Eglises Catholiques non Vaticane mais Romaine
La guérison des mémoires qui est au service du témoignage commun du Christ,
est le fruit d’intenses dialogues œcuméniques dont nous allons brièvement
décrire les étapes les plus importantes afin de montrer clairement quelle est la
base sur laquelle aujourd’hui nous nous appuyons. Or, 2020 exprime aussi une
division de l’Église qui subsiste toujours. C’est la raison pour laquelle il ne suffit
pas de citer les efforts œcuméniques, il faut également nommer les questions en
suspens et les tâches les plus importantes dont il va falloir tenir compte pour
préparer l’avenir.
II y a cinquante ans déjà, le P. Congar publiait son fameux livre « œcuménique »
' !
Il n'est que juste de souligner cet anniversaire, car Chrétiens désunis ouvrit une
toute nouvelle période de l'« œcuménisme» catholique. Théologiquement, le
catholicisme commençait seulement à sortir de trois siècles et demi de Contre-
Réforme et de controverse, où l'ecclésiologie des traités était exclusivement
sociétaire et purement hiérarchique. Des pionniers comme le Cardinal Mercier,
l'Abbé Joseph Cardijn, dom Lambert Beaudouin, le Père Congar et l'Abbé
Couturier, tous Catholiques Romains — les trois derniers notamment —
permirent l'évolution d'un unionisme catholique de rattachement à Rome vers un
œcuménisme effectif et un authentique dialogue avec les autres chrétiens.
Contexte historique et théologique de «Chrétiens désunis»
Chrétiens désunis propose une élaboration nouvelle et un approfondissement
technique des conférences prononcées par le P. Congar en janvier 1936 à
l'occasion de l'octave de prière «pour la réunion de tous les chrétiens en une
seule Eglise» : Oui, en matière d'œcuménisme, impossible de s'y méprendre, les
dures années 30 «portent la marque du Père Congar».
Il consacre alors beaucoup de temps à la réunion des chrétiens par ses écrits et
ses rencontres; «jamais il n'a mieux fait figure d'interlocuteur privilégié pour les
œcuménistes non catholiques».
Pendant la même période, il ne publie qu'un ouvrage, mais quel ouvrage!
Chrétiens désunis (1937), première synthèse de langue française en la matière,
fut un livre de référence pendant plus de quinze ans, car il «établissait les bases
théologiques d'un statut de l'œcuménisme en milieu catholique», marquant un
jalon capital dans l'ordre doctrinal comme le prieuré d'Amay-Chevetogne l'avait
été dans l'ordre de l'action.
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Parallèlement à cette «théologie pour l'œcuménisme», l'Abbé Couturier dotait
d'une spiritualité l'« œcuménisme catholique», mettant la prière au cœur de
l'œuvre de l'union. A partir de 1935, à Lyon, il allait infuser un esprit nouveau à
l'octave de prière de janvier, axée jusque-là sur le «retour des hérétiques et des
schismatiques » à l'Eglise romaine, pour en faire une «semaine de l'universelle
prière» à «l'intention de l'unité chrétienne à retrouver selon la volonté de Dieu,
par les voies et au moment voulus par Lui», rendant désormais possible la
participation plénière des non-catholiques.
D'une certaine manière, c'est donc à Montmartre en 1936 que la théologie et la
spiritualité œcuméniques se croisèrent une première fois, lorsque le P. Congar, à
la demande des chapelains de la basilique du Sacré-Cœur, prononça ses
fameuses conférences à la très catholique «Octave solennelle de prières pour
l'unité du monde chrétien» et pour le «retour» des non-catholiques romains.
Chrétiens désunis, comme on l'a indiqué, est le fruit d'une élaboration nouvelle
de ces conférences.
Le titre complet du livre: Chrétiens désunis. Principes d'un «œcuménisme»
catholique, et celui de la collection où il a paru: Unam sanctam, méritent un
examen attentif.
Chrétiens désunis. L'ecclésiologie développée par le P. Congar est partiellement
de circonstance, c'est-à-dire commandée précisément par les circonstances du
moment, par les questions posées à cette époque.
Dans les années qui précèdent 1937, on l'a vu, le théologien dominicain est
préoccupé par le scandale de la désunion des chrétiens et corrélativement par la
question de leur unité, plus exactement de leur «ré-union» à la Catholica visible:
chrétiens désunis (par rapport à l'unité de la Catholica), c'est-à-dire qui se sont
séparés et ne sont pas simplement séparés de fait. A ce stade de la théologie
congarienne, on parle de «réincorporation à la Catholica visible».
Principes d'un «œcuménisme» catholique, et non principes catholiques de
l'œcuménisme. Tout d'abord, le terme «œcuménisme» est entre guillemets: le
Mouvement œcuménique est encore suspect dans le monde catholique, car
l'initiative en revient à d'autres confessions chrétiennes.
Il ne s'agira donc pas de n'importe quel «œcuménisme», mais d'un œcuménisme
catholique. La force centripète de Rome exerce encore toute son attraction
réunifiante et centralisante, même si notre théologien va conférer au terme
«catholique» une acception tout autre qu'étroitement confessionnelle.
Unam Sanctam. Le but essentiel de cette collection n'est pas œcuménique, mais
ecclésiologique : «mieux faire connaître la nature ou, si l'on veut, le mystère de
l'Eglise».
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Si Chrétiens désunis lance la collection, cela tient d'abord aux difficultés
rencontrées pour la traduction de L'unité dans l'Eglise, de Môhler, qui,
symboliquement, devait inaugurer Unam Sanctam, mais cela s'explique ensuite
par l'engagement œcuménique de plus en plus poussé du P. Congar entre 1935 et
1937.
Le hasard fait parfois bien les choses, car le titre de la collection traduit assez
exactement le projet « œcuménique» de son premier volume: travailler à l'unité
de l'Eglise, qui est une et doit le redevenir complètement (unam), et qui est
sainte (sanctam). A cette époque, la formule unam, sanctam, catholicam se lit
d'un trait et sans virgules. En outre, si catholicam est une note de l'Eglise, elle
présente une coloration romaine très nette.
Néanmoins, en 1937 et en milieu catholique, nulle collection ne pouvait porter
plus heureux titre qu'Unam Sanctam, ni s'ouvrir par un volume plus approprié
que Chrétiens désunis.
Les Petites Eglises Catholiques non Romaines et Orthodoxes
aujourd’hui
Les Églises catholiques dites indépendantes sont des communautés spirituelles
chrétiennes, en général de tradition initialement catholique, schismatiques de
l'Église catholique romaine dont elles se sont séparées postérieurement à la
Réforme protestante et plus spécialement depuis le début du XIXe siècle.
À noter que le terme d'église parallèle, utilisé par plusieurs spécialistes de la
question, n'est qu'une façon conventionnelle de désigner ces communautés très
diverses de façon collective, mais que ces communautés ne se revendiquent
aucunement comme « parallèles » et se considèrent même très généralement,
pour chacune d'entre elles, comme la seule église légitime.
Le phénomène des églises parallèles touchent aussi les églises orthodoxes, voir
l'exemple des Orthodoxes vieux-calendaristes.
Ce terme générique recouvre des réalités très diverses, tant au niveau de
l'importance numérique que du développement historique, des motifs et
circonstances du schisme, de l'emprise géographique, du contenu de la foi ou de
la pratique religieuse et sacramentelle. C'est un ensemble très hétéroclite dont
Bernard Vignot dresse une typologie générale en distinguant :
Le type catholique traditionnaliste. Dans cette catégorie se rangent des
groupes qui se prétendent gardiens de la tradition (selon eux, mise à mal
par les évolutions de l'église romaine en conséquence principalement des
deux derniers conciles, Vatican I et Vatican II)
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Le type néo-gallican. Ces groupes se réfèrent au gallicanisme hérité du
XVIIe siècle revendiquant l'indépendance de l'Église de France par
rapport au pape, en se limitant à lui reconnaître une primauté d'honneur, et
non de juridiction.
Le type mystique. Groupes fondés par des "voyants" qui se chargent de
compléter le message des Écritures Saintes par des révélations qui leur
seraient personnellement adressées par Dieu ou un messager divin (la
Vierge Marie en particulier).
Le type œcuménique. Groupes dont les croyances réalisent une forme de
syncrétisme entre différentes obédiences chrétiennes.
Le type orthodoxe. Ces groupes vont rechercher leur inspiration dans la
pratique religieuse des Églises orthodoxes, qui cependant ne les
reconnaissent pas comme appartenant à la communion orthodoxe (églises
« non canoniques »).
Le type ésotéro-occultiste. Ces groupes ajoutent à la révélation
chrétienne des concepts qui lui sont tout à fait étrangers, voire opposés
(occultisme, spiritisme, divination, gnose, théosophie, magie, croyance
aux extra-terrestres, métempsychose, franc-maçonnerie ...)
Tous ces groupes, y compris ceux qui se veulent les gardiens intransigeants de la
tradition, ne se privent pas d'introduire leurs propres innovations sacramentelles
ou dogmatiques telles que l'ordination des hommes mariés, celle des femmes,
l'accès au sacrement de mariage des divorcés, le mariage homosexuel, etc.
Ces catégories ne sont ni fermées, ni exclusives l'une de l'autre, le rattachement
de tel ou tel groupe religieux à l'une ou plusieurs d'entre elles pouvant varier au
cours du temps et selon le lieu géographique. Chaque branche peut elle-même
être affectée par des schismes internes aboutissant à la multiplication de ces «
ecclésiales », à leur éparpillement et parfois à leur disparition. Leurs frontières
sont parfois poreuses, fidèles voire hiérarques pouvant passer d'une obédience à
l'autre ; elles peuvent aussi être en intercommunion, éventuellement avec des
Églises plus établies (protestantes ou anglicanes), se regrouper, voire fusionner
par des décisions d'union (fluctuantes voire éphémères). Il n'est pas exceptionnel
qu'elles changent - éventuellement plusieurs fois - de nom au cours de leur
développement, ce qui ne facilite pas leur identification. Leur visibilité et
respectabilité peuvent être sanctionnées par une adhésion au Conseil
œcuménique des Églises.
La frontière entre « église » et mouvement sectaire est parfois difficile à situer
(l'Église chrétienne palmarienne présente un bon exemple récent et connu de
dérive sectaire). Certaines de ces Églises, par leur syncrétisme, leur imagination
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extrême (exemple de l'Armée de Marie1) ou leur enseignement n'ont en effet
plus grand chose en commun avec leur catholicisme d'origine, voire s'y opposent
carrément sur des points fondamentaux.
Si l'ensemble de ces églises est excessivement disparate, elles ont plus ou moins
en commun certains traits :
L'opposition à l'Église catholique romaine, sous une forme ou sous une autre -
que ce soit par rapport à sa discipline ecclésiastique, à sa pastorale ou à ses
évolutions dogmatiques, l'imitation de celle-ci dans des versions du passé, au
moins dans les manifestations extérieures de la religiosité (rites, titres
hiérarchiques, matériels et ornements liturgiques) et la prétention à une fidélité
idéale à la tradition ou au message de l'Évangile, la récupération de certains
mouvements de contestation du passé (l'exemple du gallicanisme ou de la
gnose), l'amplification de leur importance réelle, qu'il est toujours très difficile
d'apprécier en termes de nombre de fidèles, l'émiettement, lié comme dans de
nombreuses églises protestantes à la prégnance du libre arbitre.
Le phénomène des églises parallèles peut aussi toucher des groupements se
réclamant de l'orthodoxie ou d'autres obédiences (exemple de l'African
Orthodox Church fondée par Mgr. René Vilatte).
Des Instaurations d'une Eglise parallèle dite mère, telle que
l’Eglise Catholique Vaticane.
Une église parallèle peut se constituer de plusieurs façons :
Séparation de la communion avec Rome d'un groupe plus ou moins important
d'ecclésiastiques et de fidèles suivant un ou des évêques rompant avec le pape
pour des raisons doctrinales ou disciplinaires, voire personnelles (cf. les cas de
l'Église catholique apostolique du Brésil ou de l'Église catholique nationale
polonaise) ; les effectifs en nombre de fidèles peuvent être importants, quelques
centaines de milliers ou millions de fidèles revendiqués.
Certaines circonstances politiques amènent à la constitution d'églises qui ne sont
plus en communion avec Rome : tel fut le cas de l'Église constitutionnelle en
France, tel encore aujourd'hui celui de l'Église officielle de Chine : les autorités
politiques obligent les fidèles à adhérer à une église officielle indépendante du
pape, dont les évêques sont nommés par le pouvoir, et persécutent ceux qui lui
restent fidèles : Clergé réfractaire dans la France révolutionnaire, Église
clandestine de Chine ... L'emprise géographique de tels groupes correspond à
celle de l'État qui les installe, et les effectifs peuvent être très importants, même
si l'adhésion y manque certainement de spontanéité et/ou de sincérité.
Une variante des deux précédentes existe, si le leader du groupe n'est pas
évêque, comme dans le cas de l'Église indépendante des Philippines, auquel cas
16
la succession apostolique est rompue, et les divergences ultérieures avec le
catholicisme peuvent être importantes.
Réunion Œcuménique avec Mgr. Bertil Persson à Londres en 1994.
17
initiation ex nihilo par un individu, prêtre ou laïc (mais non évêque) quittant son
église d'origine et rassemblant petit à petit autour de lui des fidèles de diverses
origines, attirés par telle ou telle qualité du fondateur (garant d'une certaine
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tradition, mystique, guérisseur, exorciste, voyant, spiritiste, thaumaturge,
confesseur, humanitaire ...). Les effectifs, généralement mal connus et
mouvants, sont souvent limités (quelques centaines ou milliers de fidèles), et le
risque de dérive sectaire y est le plus prononcé, fonction de la personnalité du
fondateur et de son aura personnelle (cf. les cas de l'Église catholique libérale ou
de l'Église chrétienne palmarienne).
On doit rapprocher des églises parallèles les groupes sédé-privationnistes et
sédévacantistes - dont font partie certains évêques - qui se veulent appartenir à
l'Église catholique romaine tout en soutenant que son pape, taxé d'hérésie et/ou
d'illégitimité, soit ne l'est pas de façon complète, soit ne l'est pas du tout.
Dans le christianisme, depuis les temps apostoliques, une église est sous la
juridiction d'un évêque : un groupe de fidèles peut à bon droit se définir comme
église s'il a à sa tête un personnage pouvant se prévaloir d'une succession
apostolique : ce principe est reconnu par la majorité des groupes se définissant
comme chrétiens et en particulier dans le catholicisme et l'orthodoxie. Seul
l'évêque peut consacrer d'autres évêques et administrer l'ordination pour
l'institution des prêtres, eux-mêmes susceptibles de devenir évêques à leur tour.
Un groupe religieux sans évêque ne pourra renouveler ses prêtres et finira par
s'étioler et se marginaliser (exemple de la Petite Église).
Ainsi, sauf dans le cas d'évêques auto-proclamés (cas, par exemple, d'un petit
groupe de catholiques s'appelant True Catholic Church), le principal souci d'un
fondateur d'église sera de trouver un évêque validement consacré, même si sa
consécration est illicite vue de l'Église romaine, n'ayant pas reçu préalablement
l'autorisation du pape. La validité du ou des évêques consacrants est parfois
contestable, certaines successions apostoliques étant plus que douteuses.
De tels évêques se « recrutent » parmi les groupes déjà dissidents, ou dans des
églises éloignées de Rome depuis longtemps, voire parmi certains prélats issus
de l'Église catholique, même si les fondamentaux et objectifs ne sont pas les
mêmes. Quelques figures de l'Église universelle ont ainsi joué un rôle important
dans la multiplication de ces églises dissidentes, par exemple Dominique-Marie
Varlet au XVIIIe siècle, Joseph-René Vilatte au début du XXe siècle ou Pierre
Martin Ngo Dinh Thuc et Marcel Lefebvre après le concile Vatican II.
Outre la tradition de l'Église catholique, une église « parallèle » peut - et c'est
fréquent - recevoir celles d'autres églises séparées de Rome (communion
orthodoxe, communion anglicane, confessions protestantes, évangéliques,
églises orientales etc.) en intégrant des prélats venus de ces confessions et, par
ceux-ci, en en recevant des lignées de succession apostolique.
19
Eglise de la Nouvelle Alliance, plus tard Eglise Universelle de la
Nouvelle Alliance (Rite Catholique Romain) Patriarche Pierre
Phoebus (Roger Caro)
Après un échange épistolaire particulièrement constructif, l’accord fut conclu, et
le 10 juin 1972, Mgr Armand Toussaint (alias Raymond Panagion) se rendit en
France et donna les Ordres mineurs et majeurs à son représentant en France,
Roger Caro. L’organisation de Roger Caro prit pour nom « Église de la
Nouvelle Alliance » tout en étant sujette de l’Église R+C de Belgique.
Mais, lorsqu’elle devint autonome, il y eut de profonds changements. La Messe
de St-Pie V se substitua à celle donnée par Mgr Toussaint, et le Pontifical
succéda aux Rubriques que le groupe avait précédemment. L’E.N.A devint ainsi
catholique, suivant le Droit romain pour tout ce qui concerne la Rituélie, les
Sacrements, les Prières, les Offices, etc. Elle conservait malgré tout le Droit
gallican pour tout ce qui était administratif.
L'E.N.A fut enregistrée le 12 octobre 1972 à la préfecture de Toulon et parut au
Journal Officiel le 19 du même mois. Le 15 août 1973, elle fut admise au
«Collège Épiscopal des Archevêques et Évêques du Siège de l’Église Catholique
gallicane », dont le Patriarche était Mgr Patrick Truchemotte, décédé le 12
décembre 1986.
L'E.N.A étant œcuménique, Mgr Caro échangea des consécrations Sub
Conditione avec de nombreux prélats amis, ce qui permit la réalisation de 32
intercommunions. Du coup, il fut titulaire d'une vingtaine de successions
apostoliques et prit pour certaines le nom de Stephanos.
À son tour, Roger Caro consacra, entre autres, Jean-Pierre Charlet (sous le nom
de Jethro) et Maurice Auberger (sous le nom de Theophorenai) le 22 octobre
1972. Le 16 septembre 1973, ce fut Yves Petit, comme évêque de la Martinique.
Denis Claing fut consacré le 16 septembre 1973, comme évêque du Canada,
sous le nom de Petrus de Lumine. Philippe Laurent de Coster, fut consacré le 4
juin 1974, comme évêque de Belgique, sous le nom de Philippus-Laurentius,
Primat de Belgique et Hollande. Edmond Georges Gras le fut le 21 octobre
1978, comme archevêque de Provence de l'Église Gallicane et Grand Maître de
l'Ordre des Chevaliers du Temple sous le nom de Joseph d'Ionie. Roger Caro
consacra également Jacques Trielli le 17 avril 1981, assisté de Charlet et
d’Auberger, comme évêque de la Nouvelle Alliance. Il consacra aussi Jacques
Bersez, le 25 novembre 1984, comme évêque de l'Église Catholique Gallicane,
vicaire apostolique pour l'Afrique, etc.
20
Enfin, patriarche de son Église, Roger Caro avait deux patriarches coadjuteurs,
respectivement pour les branches catholique et orthodoxe. Mais si sa doctrine
était proche de celle de l'Église catholique, il y avait des divergences notamment
la croyance en la réincarnation, et au niveau sacramentaire, car les femmes
étaient ordonnées à tous les ministères. En 1984, l’E.N.A devient l’E.U.N.A,
l’Église Universelle de la Nouvelle Alliance. À la mort de Roger Caro, en 1992,
l’association fut dissoute par son fils Daniel. Précisons que celui-ci, élu co-
patriarche en 1983 et destiné à prendre la succession de son père, la refusa en
1988 et démissionna.
Pierre Phoebus (Roger Caro) Patriarche
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Daniel Caro renonce à OSFAR+C comme Imperator et l’EUNA
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Emission pour une utilité œcuménique en Belgique
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Consécration Episcopale de Mgr. Jacques-Hervé Gautier
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L’œcuménisme et le Sacrifice Eucharistique
Depuis toujours on nous rabâche que les divergences théologiques empêchent le
partage eucharistique entre Chrétiens. Les responsables catholiques refusent (en
principe !) l’accueil des chrétiens d’autres confessions à la communion dans
l’eucharistie catholique. Beaucoup parmi les orthodoxes refusent également
d’accepter les autres chrétiens à leur divine liturgie en disant que communier
signifie appartenir à l’Eglise où l’on communie, ce qui est absolument vrai.
Réformés et luthériens acceptent le partage de la Cène avec les chrétiens
d’autres confessions. Le dialogue œcuménique peut durer éternellement si l’on
attend une convergence théologique parfaite pour avancer quelque peu.
Je pense que le travail présenté dans « Discerner le corps du Christ » est
remarquable, sans doute un peu difficile pour passer dans le grand public, mais
il ouvre de bonnes pistes pour sortir d’une impasse. En effet il propose une
relecture de l’histoire qui permet de relativiser ces divergences théologiques. On
ne refait pas l’histoire, - nous en héritons- et on ne demande pas aux chrétiens de
devenir des spécialistes en histoire religieuse et en théologie. Mais un minimum
de connaissances historiques permet une saine relativisation de ce que nous
estimons parfois comme des dogmes intangibles.
Au point de départ des divisions chrétiennes du XVIe, il y a une méconnaissance
de l’histoire chrétienne par les différents protagonistes. Les choses sont ainsi.
Les chrétiens n’avaient pas les moyens et les outils pour comprendre
sereinement la situation de l’Eglise en leur temps. Nous l’avons davantage
aujourd’hui et cela peut nous aider à avoir un autre regard sur les conflits du
XVIe siècle.
Du côté romain, on mettait sur le même plan tout l’héritage médiéval en lui
donnant le statut de dogmes et d’institutions qui remonteraient jusqu’au Christ :
le nombre des sacrements, les ministères, les indulgences, l’organisation
ecclésiale, la langue liturgique, le célibat des prêtres, etc… On ne pouvait rien
toucher à cet édifice, tout en admettant la nécessité de réformer un certain
nombre d’abus.
Du côté luthérien-calviniste, la lutte contre les abus, le retour à l’essentiel ont
invité à revenir à l’Ecriture, unique source de la foi en Jésus sauveur et à
considérer comme secondaire ou sans valeur ce qui semblait les ajouts
parasitaires des siècles. Un regard historique que ne pouvaient avoir les gens du
XVIe siècle nous montre que les choses étaient moins simples que ne le
pensaient nos ancêtres.
Certes nous atteignons Jésus-Christ par l’Ecriture, mais les Evangiles et autres
textes du NT qui nous parlent de Jésus ont été élaborés pendant un demi-siècle
et plus dans les communautés chrétiennes. Tout autant que le message et les
42
paroles de Jésus assez limitées en volume (Jésus n’a parlé que pendant deux ou
au maximum trois ans), ils nous reflètent un mode de vie des communautés, et
leur méditation sur le message évangélique, ce qui est déjà une tradition, une
première théologie. On comprend que les réformateurs aient voulu éliminer les
excroissances et les abus, et revenir à l’essentiel, mais aujourd’hui, nous ne
pouvons pas faire comme s’il ne s’était rien passé entre la vie de Jésus et
l’Ecriture, entre les textes de l’Ecriture et le XVIe siècle. La tradition recueillie
par les auteurs du NT était le début d’une tradition poursuivie pendant quinze
siècles.
Sans nous faire oublier ce qui est au cœur du christianisme, la foi en Jésus
sauveur, un regard historique nous conduira de part et d’autre à un sain
relativisme sur certaines affirmations et définitions péremptoires catholiques ou
protestantes. Discerner le corps du Christ nous en donne quelques exemples:
sacerdoce, sacrifice, ministère, succession apostolique, etc…
Nos Intercommunions et nos Hospitalités Eucharistiques
Les Actes de Apôtres nous décrivent la première communauté de la manière
suivante : Ils étaient assidus à l’enseignement des apôtres et à la communion
fraternelle, à la fraction du pain et aux prières (Actes 2, 42), thème de la
Semaine de l’Unité 2011.Généralement il n’y pas de problème majeur pour une
lecture commune de l’Ecriture (enseignement des apôtres) ce qui n’empêche pas
des approches différentes. Tous les chrétiens sont d’accord sur la communion
fraternelle pas forcément toujours facile à réaliser, mais la participation à de
multiples associations caritatives confessionnelles ou non en témoigne.
Apparemment, seule la fraction du pain fait problème, à cause des « divergences
théologiques » sur la conception de l’Eglise, des ministères, de la notion de
sacrifice, de la présence du Christ dans l’eucharistie…Il faudrait attendre qu’il
n’y ait plus de divergences théologiques pour participer ensemble à la fraction
du pain. Les délais risquent d’être encore longs ! Et pourtant il semble bien que
la fraction du pain demeure un signe essentiel de l’unité des chrétiens.
Les conceptions théologiques ont leur importance, mais la majorité des chrétiens
ont peine à y entrer. Entre autres choses, les discussions sur la « présences réelle
» sont souvent oiseuses. Laissons la transsubstantiation , la consubstantiation
aux théologiens… Nous mangeons et buvons le corps et le sang du Christ, mais
il ne faudrait pas être obligé de dire , tellement cela va de soi, que ce n’est pas le
corps physique du Christ qui est partagé dans l’eucharistie.
Plusieurs, jadis comme Leibniz au XVIIe siècle et aujourd’hui ont pensé qu’il
fallait poser des gestes d’unité et que l’accord doctrinal pourrait venir ensuite.
C’est pourquoi, me semble-t-il, il ne s’agit pas directement de faire des
célébrations communes mitigées, mais il faudrait que les chrétiens de chaque
43
confession participent de temps à autre à l’eucharistie ou à la Cène des autres.
Chaque confession a son héritage de plusieurs siècles et tient à ne pas
l’abandonner. Participer à la célébration d’une autre communauté chrétienne,
c’est mettre en pratique la demande de Jésus : « Faires ceci en mémoire de moi
» et la fraction du pain des premières communautés. C’est reconnaître
l’expression de leur foi tout en admettant nos différences sur certains points.
C’est reconnaître que nous sommes frères et sœurs en une Eglise qui dépasse les
limites des différentes confessions chrétiennes.
L’Unité des Chrétiens
L'unité des chrétiens est un impératif : Jésus. avant d'être arrêté puis crucifié,
prie Dieu son Père : « Je ne prie pas seulement pour eux [ses disciples], je prie
aussi pour ceux qui, grâce à leur parole, croiront en moi ; que tous soient un
comme toi, Père, tu es en moi et que je suis en toi, qu'ils soient en nous eux
aussi, afin que le monde croie que tu m'as envoyé (évangile selon saint Jean, 17,
20-21, TOB ). L'unité entre chrétiens est encore loin d'être réalisée, malgré de
grands pas en avant en moins d'un siècle : Églises et Communautés ecclésiales
s'ouvrent à la tâche œcuménique. Déjà en vertu de l'engagement officiel de
l'Église catholique romaine, tant de l'Église latine que des Églises orientales en
communion avec Rome, le droit canonique a pu traduire dans ses codes de 1983
et de 1990 les apports doctrinaux en faveur de l'œcuménisme, issus du Concile
Vatican II (1962-1965) : ce dernier a eu la vocation de discerner notamment que
les conditions étaient réunies pour concrétiser un œcuménisme de la part de
l'Église catholique romaine et de ses baptisés, afin d'œuvrer davantage à l'unité
des chrétiens. Ouverture fraternelle et vérité doctrinale ont à enrichir toute
démarche œcuménique sous la responsabilité de chaque « Église chrétienne » et
de chaque « Communauté ecclésiale » : qu'existent ainsi deux expressions
techniques pour désigner les Églises, cela avertit que chacune n'admet pas
encore l'agencement des critères d'ecclésialité préconisés par les autres Églises.
Selon seulement le degré de communion entre Églises et selon les dispositions
requises pour les baptisés concernés, une certaine hospitalité aux sacrements est
devenue possible. Des critères catholiques romains existent à propos des
sacrements de Réconciliation, de l'Eucharistie et de l'Onction des malades.
Catholiques, orthodoxes, protestants, peut-on communier ensemble ? … C’est la
question qui nous rassemble ce soir… Pourquoi cette question, je ne sais pas
d’où est venu cette idée de soirée, en tout cas cette question pose en elle-même
un cadre, celui de la division des chrétiens. Un cadre un peu simplificateur, car
vous le savez sûrement, il n’y a pas que trois Eglises en dialogue mais bien trois
« mondes », on pourrait dire, autour desquels et dans lesquels gravitent tout un
tas d’Eglises, qu’elles soient ou non en communion les unes avec les autres, et
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qu’elles soient ou non d’une même famille d’Eglises, d’un même « monde »
d’Eglises.
Nous avons tendance à penser les autres Eglises et les comprendre en ayant en
tête notre propre modèle, très centralisé et finalement très unifié (même si là
aussi il faudrait mettre des bémols car ce serait réduire les différences internes
qui traversent le monde catholique d’Occident et ce serait oublier que l’Eglise
catholique c’est l’Eglise latine, l’Eglise catholique romaine, mais aussi une
vingtaine d’Eglises catholiques orientales). On a tendance, donc à penser les
autres sur le modèle occidental de notre Eglise catholique latine. Sauf que c’est
beaucoup plus complexe.
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Les Protestants sont très divers, entre les luthériens, les réformés, les baptistes,
les évangéliques de tous ordres ; rajoutez à cela que des chrétiens de ces Eglises
sont par exemple de mouvance pentecôtiste et charismatique, ce qui n’est pas le
cas, par exemple, de toutes les Eglises évangéliques. Et en plus il y a en interne,
si je puis dire, des mouvements d’union, par exemple l’Eglise Unie de France,
depuis quelque mois, qui regroupe les luthériens de France et les Réformés ;
mais ce n'est pas forcément des unions qui fonctionnent au plan international et
donc qui engagent complètement – pour le dire autrement ces unions ne sont pas
forcément des fusions ; c’est assez subtil en terme d’appartenances (au pluriel)
plus large(s).
Les orthodoxes aussi sont certes unifiés par le rite, par la même foi et par une
compréhension commune de l’Eglise, mais c’est en fait très morcelé, presque
fédératif, d’autant plus avec la montée des nationalismes suite à la chute du
communisme.
Il faudra donc toujours parler au pluriel, avec des réponses aux questions qu’on
se pose qui seront donc très souvent plurielles, plus ou moins il est vrai selon les
familles d’Eglises.
Ceci dit, pour revenir à la question qui nous occupe ce soir et à l’intitulé de cette
soirée, considérons de fait qu’il y a trois « monde » ecclésiaux avec des
caractéristiques propres dans le rapport à l’Eglise, le rapport aux sacrements et
notamment à l’eucharistie, et le rapport aux autres Eglises.
Les deux grandes dates à avoir en tête c’est (1) 1054, le grand schisme
Orient/Occident, et c’est (2) 1517, le schisme d’Occident entre Eglise catholique
et la Réformation. Ces divisions ne sont pas du même ordre, j’insiste.
Avec l’Orient, nous nous séparons, nous nous éloignons pour une raison
officielle qui est théologique – l’ajout du Filioque dans le Credo, en Occident –
et pour des raisons liturgiques qui sont la goutte d’eau qui fait déborder le vase,
le vase de tensions accumulées depuis plusieurs siècles pour des raisons
essentiellement politiques et ecclésiales, des tensions qui ont déjà entraîné une
méconnaissance de l’autre, de part et d’autre, notamment pour des raisons
culturelles et de langue. Un schisme, donc, en 1054 qui est une séparation et un
éloignement progressif qui va être entériné par le triste épisode de la 4ème
croisade, le sac de Constantinople et la mise en place d’une hiérarchie
catholique parallèle ou de substitution à la hiérarchie orientale. Mais ce qui est à
noter, c’est que nous restons dans une ecclésiologie commune, une façon de
comprendre l’Eglise qui est semblable, même si les développements historiques
du 2ème millénaire vont nous faire prendre des options différentes, pour tout un
tas de raisons historiques qui seront elles aussi assez complexes.
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Mais en tout cas, quoi qu’il en soit, de part et d’autre, en Orient comme en
Occident, l’Eglise c’est la communion des Eglises locales qui célèbrent chacune
l’eucharistie, présidées chacune par un évêque ou ses collaborateurs que sont les
prêtres, dans une unité de foi ; cette unité de foi qui est une unité ecclésiale est
assurée par la célébration de la même eucharistie, dans la foi reçue des apôtres et
mise en mots dans les conciles des 1ers siècles, les évêques jouant le rôle de
conduire leur Eglise locale au nom du Christ qu’ils représentent et qu’ils rendent
présent mais aussi d’assurer cette communion entre leurs Eglises par la
reconnaissance mutuelle les uns des autres et même l’ordination les uns des
autres et de façon collégiale. Concrètement cela joue dans le fait qu’il faudra
toujours trois évêques consécrateurs et que les évêques d’une même région
géographique se rassembleront au moins deux fois par an en synode ou concile
provincial.
En 1054 il y a donc schisme entre Rome et Constantinople qui prononcent de
part et d’autre des anathèmes d’excommunication. Mais c’est bien la même
conception de l’Eglise, des ministères et des sacrements qui va rester. Du coup
quand on va se mettre à dialoguer après la levée des anathèmes à la fin du
concile Vatican II, on est bien du même monde ecclésiologique, en tout cas cela
se ressemble et on va pouvoir avancer sur ces questions-là.
Aujourd’hui, vous pouvez déjà retenir que du point de vue catholique nous
pouvons, ou plutôt nous pourrions, communier chez les Orthodoxes, si eux
l’acceptaient, car nous reconnaissons leurs ministères et leurs sacrements. Et
nous considérons que nous sommes fidèles à la même foi (même pour le
Filioque nous sommes en fait d’accord, même si la formulation théologique ne
serait pas la même du point de vue des mots et donc des concepts
philosophiques. De leur point de vue, nous ne pourrons communier ensemble
que le jour où nous serons pleinement en communion ecclésiale. Il reste
quelques questions du coup à résoudre et notamment celle du ministère de
l’évêque de Rome au service de la communion entre les Eglises. La question
d’une certaine collégialité effective pour la communion entre les Eglises.
La deuxième rupture importante, la deuxième date à avoir en tête, le deuxième
schisme, c’est 1517. Là on n’est pas dans le même modèle de division. Ce n’est
pas une séparation avec éloignement mutuel mais en restant dans une
ecclésiologie commune qui pourrait nous rapprocher. En 1517 et ce qui a suivi,
on est dans une implosion de l’Occident et de l’Eglise d’Occident avec un
changement de modèle d’Eglise. Très clairement. L’Eglise ce n’est plus, pour la
Réformation, un évêque qui préside son Eglise et qui y préside l’eucharistie
comme sacrement de la communion et de l’unité, dans une même foi reçue des
apôtres et partagée entre toutes les Eglises. Le modèle ecclésiologique c’est
celui de la communauté locale rassemblée dont le seul critère d’unité, pour dire
vite, est celui de la Parole proclamée et annoncée. On garde des ministres mais
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c’est plutôt une fonction et non plus un ministère au sens sacramentel (un
sacrement c’est un geste qui réalise ce qu’il signifie) ; et on ne garde
concrètement que deux sacrements qui sont le baptême et l’eucharistie, mais des
sacrements qui tendent à être plus des signes ou des symboles (au sens faible,
pour le dire bien maladroitement) que des sacrements qui donnent la grâce.
Et un des principes forts du protestantisme c’est l’égale dignité de tous les
baptisés, jusqu’à la délégation à un laïc de la proclamation de la Parole ou de la
célébration de la Ste Cène, même en présence du pasteur dans certaines Eglises.
Vous mettez des guillemets à ce que je viens de dire trop vite et tout au pluriel
car il y aura autant de théologies et de façons de faire qu’il y a d’Eglises issues
du mouvement de la Réformation. Mais vous voyez bien qu’on a changé de
monde d’Eglise, de monde ecclésiologique. Et du coup notre dialogue ne pourra
pas être le même qu’avec les Eglises orientale et l’Eglise orthodoxe. Et notre
réponse à la question de la communion, notamment eucharistique, ne sera pas la
même.
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Peut-on célébrer l’Eucharistie ou communier ensemble ?
J’en viens donc à cette question ; enfin. J’ai déjà donné quelques éléments, l’air
de rien, mais prenons le temps, maintenant, de nous y arrêter. Pouvons-nous
communier ensemble entre catholiques, orthodoxes et protestants ?
Réponse immédiate : « Non… enfin, ça dépend… Peut-être… » Avec les
Eglises orthodoxes ce sera plutôt : « Oui, mais… » ; et avec les Eglises
protestantes ce serait plutôt : « Non, mais… » Vous voilà bien avancés !
Le texte officiel qui régit cette question, pour l’Eglise catholique, c’est le
Directoire pour l’application des principes et des normes sur l’œcuménisme.
C’est le texte d’application des intuitions et décisions du concile Vatican II.
Je vous rappelle au passage que ces questions sont complexes, qu’on a des
siècles de division(s) derrière nous, et donc ce n’est pas très étonnant qu’on
tâtonne et qu’on ne puisse pas aujourd’hui avoir des réponses très claires et
évidentes, comme vous allez le voir ; cela fait seulement 50 ans que nous
apprenons officiellement à nous comprendre, à nous connaître vraiment, et à
relire ensemble nos histoires divisées pour vivre des chemins de réconciliation.
Pas étonnant que cela prenne du temps même si on voudrait que ça aille plus
vite et même si on a pu croire il y a 20 ans que tout allait être réglé d’un coup de
baguette magique ! Prendre le temps c’est aussi la garantie de respecter vraiment
chacun dans son histoire propre, ses questions propres, ses blessures aussi, pour
trouver comment avancer ensemble et entendre ensemble ce que l’Esprit voudra
bien nous souffler comme chemins (au pluriel) de communion et d’unité.
Je reviens à notre question. C’est donc le Directoire œcuménique qui règle ces
questions, pour l’Eglise catholique. En France cela a donné une note en 1983 sur
l’hospitalité eucharistique, avec les chrétiens des Eglises issues de la Réforme,
et elle est datée du 14 mars 1983. Le travail théologique continue ce qui a
conduit à la rédaction en 2011 le document Discerner le Corps du Christ (qui
porte plus sur la communion ecclésiale que sur la communion eucharistique à
proprement parler). Ce texte approfondit quelques questions en débat et en laisse
d’autres en suspens, des questions qui restent à approfondir… On avance petit à
petit et chaque Eglise est appelée à voir, dans sa propre tradition, le chemin à
faire sur un certain nombre de questions et de pratiques…
Je parlais à l’instant d’hospitalité eucharistique. Cela amène une question à avoir
en tête : qu'est-ce que cela veut dire pour nous de communier ensemble ?
S’accueillir les uns les autres à nos célébrations eucharistiques ? C’est ce qu’on
appellera l’hospitalité eucharistique, qu’elle soit ponctuelle et exceptionnelle ou
qu’elle soit plus courante et générale (la note de 1983 précise bien que ce sera
toujours exceptionnel). Mais est-ce que communier ensemble cela ne pourrait
pas carrément dire communier indifféremment dans n’importe quelle Eglise, ce
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qui a été rêvé il y a quelques années, auquel cas on appellera cela
l’intercommunion ? Ou est-ce que c’est plus encore des célébrations communes
avec ministres de chaque Eglise représentée, ce qui a pu se faire parfois, dans
certains grands rassemblements ou dans certaines paroisses ?
L’option envisagée par toutes les Eglise aujourd’hui (on trouverait sans doute
des exceptions) c’est celle de l’hospitalité eucharistique, qu’elle soit admise ou
non. Et plutôt exceptionnelle, en tout cas dans l’Eglise catholique. En tout cas
aucune Eglise n’irait aujourd’hui officiellement jusqu’à l’intercommunion ni
même jusqu’à la célébration commune, même si cela s’est essayé parfois.
Le principe aujourd’hui est celui-ci : un chrétien catholique pourrait être admis à
l’eucharistie dans une Eglise orientale ou orthodoxe, s’il ne peut communier
dans sa propre Eglise, si toutefois cette Eglise orientale et orthodoxe l’autorisait
(ce qui à ma connaissance n’est officiellement le cas qu’avec l’Eglise assyrienne
d’Orient et seulement, je crois, entre l’Eglise chaldéenne, qui est une Eglise
catholique orientale, et cette Eglise assyrienne d’Orient. C’est donc possible
dans les textes qu’un catholique communie chez des orthodoxes ou des
orientaux si eux l’acceptent. Par contre un chrétien catholique ne peut pas
communier officiellement dans une Eglise protestante.
Pourquoi ? Pour plusieurs raisons théologiques : nous ne reconnaissons pas leur
ministère comme un ministère sacramentel (ce sur quoi nous sommes d’ailleurs
bien d’accord puisque pour eux la question ne se pose pas comme cela, ce n’est
pas un sacrement) ; du coup nous ne reconnaissons pas la validité de la Ste Cène
comme étant la même eucharistie que la nôtre. Vous rajoutez en plus la question
de la présence réelle : sommes-nous en communion de foi sur cette question-là,
le Christ est-il réellement présent pour ceux qui célèbrent la Ste Cène et l’est-il
de façon permanente ou juste pour un temps donné, en l’occurrence celui de la
célébration ? Il y a des théologies différentes entre les diverses Eglises
protestantes sur cette question de la présence réelle. Nous sommes très proches
avec les luthériens qui ont pratiquement la même prière eucharistique que nous,
en tout cas les mêmes paroles de consécration du pain et du vin. C’est plus
compliqué avec le Réformés et notamment les Réformés libéraux (je ne voudrais
pas trop généraliser, excusez-moi).
Vous êtes peut-être en train de vous dire qu’après tout c’est le problème de
chacun avec sa conscience. Oui, peut-être. Sauf que nos Eglises, de façon
institutionnelle et officielle, sont bien obligées de nous donner des repères et
nous dire, de leur point de vue théologique et ecclésiologique, ce qu’il en est de
ce que nous célébrons et qu’est-ce qui est de l’ordre de notre foi…
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Célébrons-nous la même chose ? Avec les orthodoxes, oui. Avec les protestants,
pas sûr… Vous rajoutez à cela la question des ministères…
Je continue… Un orthodoxe peut-il communier chez nous ? De notre point de
vue, oui, si toutefois il ne peut avoir accès à une célébration eucharistique dans
sa propre Eglise avec un ministre de son Eglise. Je précise cela car de fait
aujourd’hui nous ne sommes pas en pleine communion donc il n’y a pas
interchangeabilité des ministres. Donc de notre point de vue catholique, un
orthodoxe pourrait éventuellement communier chez nous. Mais son Eglise,
aujourd’hui, dira non. Parce que nous ne sommes pas en pleine communion
ecclésiale. Il reste des questions ecclésiologiques sur lesquelles il nous faut
travailler et avancer.
La question théologique derrière cette question de la communion ecclésiale ce
sera celle de savoir s’il faut être en pleine communion ecclésiale et de foi pour
pouvoir communier à la même eucharistie. Est-ce que nous ne pouvons pas déjà
signifier notre « presque-communion » ecclésiale et notre « quasi » communion
de foi en communiant déjà au même Corps et au même Sang du Christ ? Paul VI
et le patriarche Athénagoras se sont très clairement posés la question de la
portée d’un tel geste qui aurait eu un poids symbolique et prophétiques très fort,
et qui aurait pu, éventuellement aider à avancer vers la réalisation de la pleine
communion entre nos Eglises. Ils ont eu le projet de vivre ensemble une
concélébration, mais finalement cela ne s’est pas fait car c’était sans doute trop
tôt et qu’en fait ça aurait pu diviser chacune des Eglises plutôt que de créer un
plus d’unité. En plus, on ne sait pas trop ce que cela aurait produit pour notre
dialogue avec les Eglises issues de la Réforme avec lesquelles on n’aurait pas pu
avancer aussi vite…
Les orthodoxes diront aujourd’hui que la communion eucharistique sera la
manifestation de la communion ecclésiale, qu’elle en est le but et pas le moyen.
On dit la même chose dans les textes du concile Vatican II, dans le décret sur
l’œcuménisme Unitatis redintegratio. La question pour moi c’est celle du sens
de l’eucharistie comme sacrement ; comme sacrement elle est signe et
réalisation de ce que nous célébrons. Nous célébrons quoi ? L’eucharistie est
action de grâce au Père, mémorial du Christ (mémorial au sens de représentation
et d’actualisation de ce qui a été vécu et donc du Christ qui se donne encore) et
don de l’Esprit sur le peuple pour qu’il vive la mission même du Christ. Là-
dessus toutes les Eglises, ou presque, seraient d’accord.
Nous rajoutons, et sans doute les orthodoxes aussi : notre communion au Corps
du Christ que nous recevons et qui est présent réellement nous fait devenir ce
que nous recevons, ce Corps du Christ, concret (j’ai envie de dire), ce Corps du
Christ que nous sommes dans lequel nous nous insérons. J’ai bien dit : « nous
fait devenir », pas seulement « le signifie ». Pour nous c’est un sacrement. Il
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réalise ce qu’il signifie. Ce n’est pas juste le signe que nous sommes déjà le
Corps du Christ ou que nous pourrions l’être un jour dans une unité retrouvée.
Et donc notre communion eucharistique n’est pas juste le signe d’une
communion à réaliser. Du coup, on pourrait dire, je crois, que l’eucharistie
permet aussi la réalisation de cette unité et donc pourrait la permettre.
Se pose alors la question aux théologiens de nos différentes Eglises :
l’eucharistie commune n’est-elle que le but à atteindre pour signifier notre unité
ecclésiale ou ne pourrait-elle pas être aussi comme un moyen, parmi d’autres,
pour avancer vers cette unité réelle ?
Pour l’Eglise orthodoxe la réponse est claire : l’eucharistie fait l’Eglise, la
constitue. Je ne peux donc communier que si je suis de cette Eglise. L’Eglise
c’est la communauté rassemblée qui célèbre l’eucharistie dans l’unité de la foi,
sous la présidence et la conduite d’un évêque validement reconnu et ordonné. Il
faut être en communion de foi et en communion ecclésiale pour pouvoir
communier. Et c’est d’ailleurs pour cela qu’il faudra s’être confessé pour
communier, car le péché c’est ce qui rompt, dans l’Eglise et la communauté, la
communion.
En tout cas l’Eglise orthodoxe comme l’Eglise catholique diront : communier
dans cette Eglise c’est dire : c’est bien l’Eglise, c’est bien l’Eglise du Christ.
L’Eglise orthodoxe résiste encore un peu à dire cela de nous, je crois que les
protestants ou beaucoup de protestants auraient du mal à le dire de nous aussi.
Et inversement. Nous reconnaissons que les Eglises d’Orient et l’Eglise
orthodoxe sont bien des Eglises sœurs. Mais nous sommes plus réservés
théologiquement et ecclésiologiquement pour dire des Eglises issues de la
Réforme qu’elles sont des Eglises. Le concile Vatican II parle des Eglises et
communautés ecclésiales issues de la Réforme mais sans préciser plus… A
cause, je le redis, de l’ecclésiologie sous-jacente qui n’est pas la même ; pour
nous, je le redis, et pour les orthodoxes, l’Eglise c’est une Eglise locale sous la
conduite d’un évêque qui préside l’eucharistie, dans une communion de foi avec
les autres Eglise locales conduites elles aussi par un évêque et célébrant la même
eucharistie.
Du côté des protestants, dans leur majorité je pense, cela ne leur posera pas de
problème de nous accueillir à leur table eucharistique. Outre la question de
savoir si nous célébrons la même chose, chacun est renvoyé à sa conscience et à
sa liberté. Qui veut communier pourra communier. C’est tellement vrai, en tout
cas pour ce qui était l’Eglise réformée de France, que le synode de Soissons de
2001 avait même accepté que même des non-baptisés qui souhaitent communier
puissent le faire. Pour nous catholiques c’est impensable. Car l’eucharistie n’est
pas juste la libre participation à un repas et à un geste de partage, même si nous
croyons que cela dit quelque chose de la présence du Christ. Communier signifie
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: je suis de cette Eglise, je suis en communion de foi dans cette Eglise. Et donc,
si je suis de cette Eglise et si je veux en être, alors je commence par demander
concrètement à en être et donc je commence par demander le baptême.
Pouvons-nous communier à une même table avec des membres d’une Eglises
qui a une telle pratique et une telle ecclésiologie ? Je crois que c’est
objectivement compliqué parce que cela met bien en lumière que nous ne
célébrons pas vraiment la même chose, en tout cas vraiment pas pleinement la
même chose.
L’intercommunion, signe tangible de siècles de divisions
Les protestants mariés à des catholiques peuvent-ils communier avec leur
conjoint dans une Eglise catholique ? Le Vatican a récemment refusé la
souplesse prônée par l’épiscopat allemand, signe le plus visible de divisions
doctrinales persistantes, à la veille d’une visite œcuménique du pape François à
Genève.
L’Allemagne compte 40% de couples mixtes catholiques-protestants, à l’image
d’un pays européen où aucune religion n’est majoritaire.
Pour ces couples, la pratique de « l’intercommunion » dans des églises
catholiques ou des temples protestants est monnaie courante.
En février, la Conférence des évêques allemands a donc voulu formaliser la
pratique en établissant des critères précis autorisant un protestant à recevoir
l’eucharistie en couple, un projet adopté à une majorité des trois quarts.
Protestants et catholiques ont en commun le baptême, ainsi que l’eucharistie, en
lui attachant toutefois une symbolique différente. Le droit canon permet déjà
l’intercommunion en cas de « grave nécessité », comme un danger de mort.
Mais sept évêques allemands, opposés à cette ouverture et estimant qu’elle est
du ressort de l’Eglise universelle, ont écrit en catimini une lettre au Vatican en
demandant des clarifications.
Des évêques allemands aux opinions divergentes ont finalement été convoqués
le 3 mai au Vatican sur cette épineuse question débattue depuis des siècles et le
Vatican leur a demandé de se mettre d’accord « si possible à l’unanimité ».
Mais début juin, Mgr Luis Ladaria, le préfet de la Congrégation pour la doctrine
de la foi, gardienne du dogme de l’Eglise catholique, écrivait une lettre aux
évêques allemands pour leur dire que leur projet n’était « pas mûr » pour être
publié car il soulève des « problèmes d’importance significative ».
Un coup de frein émanant du pape en personne. Le même jour, devant une
délégation de l’Eglise évangélique luthérienne, il a estimé que certains points du
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dialogue œcuménique – dont l’eucharistie – nécessitaient des « réflexions
poussées ».
Les forces conservatrices au sein du Vatican sont-elles montées au créneau face
à l’imminence du danger?
La lettre, qui devait être confidentielle, a été divulguée sur le blog d’un
vaticaniste conservateur. Et de nombreux experts l’ont interprétée comme un
clair blocage du projet.
Au grand dam de Mgr Reinhard Marx, président de la Conférence épiscopale
allemande et un conseiller du pape, qui défend l’ouverture. Il s’est dit « surpris »
de ce brusque changement d’opinion qui n’a pas laissé le temps aux diocèses
allemands de discuter, mais il a estimé que la lettre invitait à poursuivre les
discussions.
L’affaire a été « un désastre en communication » en Allemagne et un signal
négatif pour l’œcuménisme, souligne un prélat en colère, déplorant la
déconnexion du Vatican dans un monde de plus en plus sécularisé. « Si ça
continue, l’Eglise catholique va se réduire à un petit groupe de militants actifs!
», a-t-il prévenu.
Si le pape prône un œcuménisme concret sur le terrain, les ouvertures
théologiques, objet de discussions plus élitistes, restent donc laborieuses et rares.
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Modèles de Charte de Communion ou d’Intercommunion
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L’Archevêque actuel de l’Eglise Latine Vieille Catholique Romaine de
Flandres, Son Excellence Monseigneur Wim Van Overbeke à Lourdes (France),
participant comme concélébrant à une Célébration Eucharistique.
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Ora et Labora
© Mars 2020 – Responsable : Philippe L. De Coster, Gand, Belgique.
Edition : Eucharistie et Dévotion 1974-2020