lacan, j. 1967-12-06 respuestas a las opiniones manifestadas sobre la proposición

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Lacan. Respuestas a las críticas de la Proposición del 9 de octubre de 1967

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  • 1967-12-06 REPONSE AUX AVIS MANIFESTES SUR LA PROPOSITION (VERSION TRANSCRIPTION)

    1

    Le 6 dcembre 1967, le Directeur de lcole rpond aux avis manifests par les membres de lcole sur sa proposition du 9 octobre. Cette rponse orale, transcrite ipso facto par le Docteur Solange Falad est distribue titre personnel aux membres de lcole, A.E. et A.M.E. Sa lecture suppose la connaissance du contexte : soit les avis auxquels Lacan rpond en sappuyant sur le sminaire quil vient de commencer Lacte psychanalytique. Cest un discours parl, fix aprs rcollection de ces avis enregistrs sur bande. Il est ici reproduit tel quil nous est parvenu transcrit. Les avis taient lpoque accessibles aux membres de lcole qui les avaient entendus. Cet enregistrement sur bande fut publi dans Scilicet 2/3, pp. 9-29 mais il sagit alors dune rcriture de cette transcription, puisquau dbut de la page 27 de Scilicet la rfrence lmoi de mai indique que ce texte est postrieur mai 1968 : rien de tel ici. La comparaison entre les deux textes montre cependant quelques phrases restes intactes dans le passage de lun lautre, document photocopi, pp. 1-13.

    (1)Limmixtion, opre lanne dernire, de la fonction de lacte dans ce que jaurais bien appel notre rseau si le terme ne paraissait maintenant rserv un autre emploi ; disons dans le texte dont se trame mon discours, cette immixtion de lacte donc, tait ncessaire ce que parut ma proposition du 9 octobre qui ne sera un acte qu partir de ses suites.

    Les premires se produire sont de nature lclairer, si lon procde par ordre. Je lai adresse un cercle, celui des prsents, non pas choisi ad hoc, mais dj constitu

    selon ce qui prside toute agrgation sociale : toute classe sy caractrise de ce quon y soit plus gaux quailleurs. Lhumour quon trouve cette faon de sexprimer, devrait lever un

    handicap pratique. Quelle que soit lapproximation du tri dont sont sorties les deux classes des A.E. et des

    A.M.E., il faut laccepter pour quelles fonctionnent comme telles. Dautant plus que ce tri, autrement dit lannuaire 1965, est le premier produit de lcole prise comme telle, celui dont la question se pose sil doit demeurer le seul porter son cachet.

    Ce tri suppose une rfrence lexprience de chacun en tant quvalue par les autres. Une fois opr ce tri, tout usage de ces classes y implique (2)lgalit suppose et lquivalence ventuelle, tout usage courtois, sentend.

    Inutile donc de nous assourdir entre nous des droits acquis dans lcoute , comme on sexprime, des vertus du contrle et du respect de la clinique. Quiconque prtend les reprsenter ne peut sen targuer au moins ici plus quun autre de son rang.

    En quoi (que les personnes mexcusent dy associer des initiales faciles remplir), en quoi Madame A. et Madame D. seraient-elles ingales Monsieur P. et Monsieur V. pour lcoute, les contrles et lexprience clinique quelles ont leur actif ?

    Si ceci, je pense, quaucun ne songerait contester aux autres, admet quy prvale chez certains une structuration plus analytique, il faut savoir dire do part cette structuration dont personne ne saurait prtendre que cest une donne : point premier, point second : faire servir ces classes elles-mmes la mise lpreuve de cette rpartition de sorte que leffet en prvale pour ce qui viendra au futur.

    Que la distinction de ces temps nait jusqu prsent pas t respecte, cest prcisment ce que prouve quon puisse soulever la question dune exprience qualifie. Et dire que cest le privilge de notre cole, est faux jusqu lvidence.

    Linvocation massive de je ne sais quelle garantie de surface (nai-je pas cho de ce quon vienne brandir la menace de quelque incident propre rebondir dans la presse ? Sachez donc que si la chose survient, elle naura pas surpris tout le monde) ; cette invocation na de porte que dintimidation, non dordonnance.

    Ce qui est impropre nest pas quon sattribue dans l-part-soi une supriorit dcoute, ni quon tende le dos aux attaques quoi toute thrapeutique est expose de ses marges lgales, cest que ces prtentions et ces craintes fassent office darguments.

    Alors que ce dont il sagit, cest de lexprience dont nous avons rpondre, comme aussi du statut lgal dont nous entendons nous couvrir.

    Je dnoncerai ce dtour, cette faon de noyer le poisson de cet tre le seul qui est linfatuation la plus commune toute exprience et familire au mdecin, en le couvrant de ltre seul qui pour lanalyste constitue proprement le dpouillement quil renouvelle chaque entre dans son office, ou plutt en faisant comme si ltre le seul ntait que la chasuble digne de revtir sa solitude officiante.

  • 1967-12-06 REPONSE AUX AVIS MANIFESTES SUR LA PROPOSITION (VERSION TRANSCRIPTION)

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    Or il nen est rien, cest--dire quil nen est pas plus que li(a) qui fonde le moi et toute relation narcissique, nest la chape de cet objet a o le sujet dcouvre sa misre essentielle. Ceci mme si le a sy prcipite (3) loccasion du dlogement, source dangoisse, comme ferait le bernard-lermite trouver nimporte quelle coquille pour sen faire camouflage et abri.

    Cest l fonction qui nest pas organique, et je me demande quelle distraction, voire quelle ruse peut animer une homlie qui joue sur lappel ad hominem, si peu digne de notre contexte. Peut-tre lintention de me protger moi-mme qui sait ? contre moi-mme ou contre la communaut en maffectant du mal de tous. Car je me suis proclam seul en une occasion, nommment lacte de fondation de cette cole : seul, ai-je crit, comme je lai toujours t dans ma relation la cause psychanalytique.

    Et alors ? Ds linstant quun seul autre sy ralliait, comme par hasard celui dont jinterroge le discours, je ny suis plus seul : ceux qui sont l men tmoignent encore.

    Quest ce que ce seul dun acte dcisif a affaire avec le seul quon se croit tre valoir

    dans lexprience ? Nutiliserais-je pas celle des autres ? Qui peut croire mme que je me croie seul savoir ce quest la psychanalyse. Justement que je men explique, prouve le contraire. Dordinaire cest den avoir plein la bouche de lcoute quon est le seul apprcier congrment, quon ne peut plus en dire rien dautre.

    Il ny a mme pas dhomosmie entre le seul et seul . Quant la solitude laquelle justement je renonais en fondant lcole, qua-t-elle faire avec la solitude dont se purifie toujours nouveau lacte psychanalytique, sinon dy trouver exemple se dispenser de lexamen de sa relation cet acte.

    Car cet acte dont jai la semaine dernire au lieu public o se tient mon discours, sans plus tarder trac ce que jentends en ouvrir en linterrogeant par sa fin dans les trois sens quil donne ce terme : vise idale, terminaison et aporie de son compte-rendu, nest-il pas un fait remarquable davoir t remarqu par le moindre des intresss, que les plus minents avoir fait une habitude, jentends une habitude pour les autres, de leur prsence ce discours, sen soient trouvs absents dans lensemble. Tandis quau moins ceux-l que passionne ma proposition au point de les faire se rabattre sur des recours qui vont lindistinct que je viens de dessiner, auraient intrt y saisir ce qui dune articulation patente pourrait constituer la faiblesse ou le point de rfutation.

    Cette fois cest que je ne sois seul minquiter de cet acte, quon me refuse ce qui est d au seul qui risque den parler. Je nen ai demand les raisons que dans les proportions dun sondage. Quon mpargne den dire les rsultats : cest bien dun acte quil sagit, dun acte aussi psychanalytique que peut ltre un acte manqu, si jouvre la question de savoir si le refus den rendre compte lui est ou non inhrent.

    (4)Question que je laisse ouverte en mon discours jusqu conclusion, qui est aussi preuve. Car je ne crois pas quon puisse me la retourner dire qu sy pointer, on consacrerait un acte, celui de ce que jy articule. Un enseignement nest pas un acte, comme lest ma proposition. Ceci de ce quil ne sadresse vous que dtre une thse publiquement ouverte. Lacte commence ceux qui se drobent, dy pouvoir porter lantithse.

    Ma proposition du 9 octobre fut acte de vous requrir dy rpondre et sans tarder. On peut regretter cette hte et y voir un vice de forme, si lon oublie ce que jai dit de la fonction de la hte en logique.

    Elle rvle la ncessit dun certain nombre deffectuations pour quune clture y soit valable. Voire elle dmontre que la lgitimit mme de cette clture ne peut tre abstraite des ratages que lui offrent de fait les temps de son effectuation.

    Il vous sera facile dappliquer, quand vous le voudrez, sur la situation prsente mon sophisme dit de lassertion de certitude anticipe, support par la fable de mes trois relaxes mis lpreuve de justifier de quelle rfrence ils portent la marque (disque blanc ? disque noir ? un des 3, un des 2), aprs en avoir assum le pari sur celui quen forment les autres.

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    Cela na rien de sadien puisqu ne pas rpondre au dfi, on nencourt pas plus de dommage que le personnage vaporeux de lhistoire qui veut quaprs avoir compt les barreaux qui le sparaient de loblisque, une nuit sur la place de la Concorde, et avoir retrouv celui quil avait marqu en partant, il scrie : les salauds, ils mont enferm .

    O est le dedans, o est le dehors : les prisonniers quand ils sortent, se posent aussi la question, vous le savez.

    Je la propose quelquun qui ma fait la confidence dans une vapeur analogue (bien avant ma proposition) de lavantage quil retirerait dans le monde seulement faire savoir pourquoi il se serait spar de moi au cas que son envie lemporte.

    Quil sache en cette difficult que je gote assez sa personne, pour penser lui quand je dplore, comme il mest arriv rcemment, le peu de monde qui je peux faire partager mes joies quand il men arrive de neuves.

    Ce nest ici nulle digression. Mais bien faon de ramener ma proposition sa mesure dont on peut dire quelle nest pas mince, mais dont la traiter comme telle, on laisse

    chapper la minceur justement, qui y fait tout. la considrer comme acte, elle na nulle prtention tre psychanalytique au second

    degr il nest pas vain duser ici de ces formules qui, comme balises en mon discours, trouvent leur fil en sa poursuite, se rangeant telles quau liminaire de cette anne jai rappel que sil ny a pas (5)dAutre de lAutre (Autre grand A sentend), pas plus que de vrai sur le vrai, aussi bien ne saurait-il tre question dacte de lacte.

    Ma proposition gte au joint dun acte dont la dimension, ne loublions pas, sest dcouverte de ce quil ne russisse jamais si bien qu rater, ce qui nimplique pas que tout ratage signe cette dimension dans un acte.

    Ma proposition nignore pas que le discernement quappelle cette non-rversibilit, ne peut soprer qu se soumettre cette dimension elle-mme, et lon voit bien laccueil quelle reoit quelle nchappe pas sa question de base.

    Quelle la porte dans lacte psychanalytique, pris au sens o cest lacte instituant du psychanalyste, y change peu, si vous me suivez en cette remarque que cet acte ne diffre du premier qu maintenir son manque, justement davoir russi. Car nest-ce pas le cas davoir russi comme psychanalysant qui est cens mener au dsir du psychanalyste avec les paradoxes quil dmontre.

    Ces paradoxes sont ceux qua profil mon faux dtour plus haut comme un lieu dont on est hors sans y penser, mais o se retrouver, cest en tre sorti pour de bon, cest--dire cette sortie, ne lavoir prise que comme entre, encore nest-ce pas nimporte laquelle : ce lieu qui trace bien la voie de lacte psychanalytique. Encore sa description linfinitif indique-t-elle quil laisse en suspens le dsir, dsir qui pourtant se dfinit du sens de ces infinitifs, au moins aussi loin que jai pu le dire.

    Cest l quun contrle nest pas de trop : non pas contrle de cas, mais du sujet (je souligne) seul en cause dan lacte, alors que le dsir (du psychanalyste) se doit tout au soutien de la demande qui lassige afin de sy trouver.

    Ce dsir, nous ne pouvons quen thoriser la ncessit. Il est prendre dans le fait pour satisfaire cette ncessit. Sa correction reste au gr du sujet qui peut se resoumettre au faire du psychanalysant.

    Le contrle que jvoque ne saurait remettre quiconque sur la sellette o il a gagn ses galons. Cest pourtant, semble t-il bien, le fantasme contre lequel semblent stre difi les primes sauts dinstitution, do se sont cristallises celles gnralement reues.

    Ceci seul peut expliquer que notre cole qui sen croit libre, du consentement affirm ce que certains ne tiennent que pour des aphorismes, conserve dune position de se terrer, qui semble la rgle si caractristique des manifestations dune opinion sur un produit analytique dans nos cercles, ceci notable au plus haut point dans tout dbat, se qualifit-il de scientifique, voire ft-il probatoire.

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    (6)Do ce style de sortie, au sens le moins rgl, quy prennent les interventions, et la cible ouverte quy deviennent ceux qui nont pas encore de terrier reconnu. Murs aussi fcheuses pour le travail que rprhensibles au regard de lide, aussi simplette quelle se veuille, dune cole.

    Si adhrer une cole veut dire quelque chose, elle ajoute la courtoisie que jai dite tre le lien le plus strict des classes, la confraternit qui fait leur runion.

    Il est tout fait sensible, ds quon en est averti, que non seulement lacte psychanalytique sy traduise en note de hargne, mais que le ton en monte mesure de toute approche o sen pressent, si je puis dire, la leve.

    Ce que ma proposition introduit dans cet acte, cest que sil est notoire quen sortir, cest y rentrer, on pourrait certes avancer plus se fier sa structure.

    Il y suffirait, je pense, de lenserrer dun plus srieux rseau. Vous voyez en somme combien je maccorde ces mots quon croit devoir mtre mchants (ou meschant). Je tiens la gageure de cet usage possible dsarmer. Car ce nest pas moi quil blesse. Je ne parle pas du retournement de ce quon appelle mes aphorismes, sinon pour signaler que lauteur de lopration y gche un mot que je croyais par lui promis porter plus loin son gnie.

    En attendant cest bien au nom de la garantie quelle croit devoir son rseau, au second sens ici en cause, cest--dire ceux dont elle a pris la charge didactique, que de premier jet une personne, qui nous devons hommage pour la place quelle a su se faire dans le milieu psychiatrique au nom de lcole, a dclar devoir considrer les suites quelle pourrait donner ma proposition. Largumentation qui a suivi, nest quun parti pris de l : elle tient pour affaire tranche que la didactique en sera affecte mais pourquoi dans le mauvais sens ? Nous nen savons encore rien.

    Je ne vois aucun inconvnient ce que la chose (la chose du rseau) soit claire, dautant plus quelle est reconnue partout comme la plaie de la didactique : consultez sa courageuse dnonciation dans la littrature internationale, cest un courage qui na pas craindre davoir des suites.

    Prcisment il me semblait que ma proposition, dans ses plus minutieuses dispositions, se mettait en travers. De sorte que je ne mtonne pas de son rsultat sur ce plan. Ce dont on devrait stonner, cest que ce ne soit pas mon rseau qui mtrangle.

    Le plein transfert , un des mots-clefs de ce hourvari, est traiter par le sourire. Car il donne droit tout, et en fait de ngatif, a fait ses preuves dans ce champ o lintrt ne badine pas.

    Quand on nest pas dans le coup, il se peroit rien qu lire tel factum, que le rseau, le mien, a un tout autre sens et, cest ce qui maide en reprendre allgrement le terme. Car on le tend, ce rseau, on lcrit noir sur blanc, de la rue de Lille la rue dUlm. Et alors ?

    Je ne crois pas au mauvais got dune allusion mon rseau familial. Alors parlons de mon bout dOulm (prononc comme a, a fait Lewis Carroll). Est-ce que je propose dinstaller mon bout dOulm au sein des A.E. ?

    Et pourquoi ? si par hasard un bout dOulm se faisait analyser. En ce sens, je puis vous affirmer quaucun ne fait encore partie de mon rseau, ni ny est en instance.

    Mais videmment le rseau qui existe ici, est dautre trame, et ne tient rien de moins qu ma proposition de lexpansion obtenir de lacte psychanalytique.

    Que mon discours aie retenu des sujets que ny prparent aucune exprience analytique, prouve quil soutient lpreuve dexigences logiques quoi ces sujets sont forms. Ceci suggre quil se pourrait que ceux qui ont cette exprience, ne perdraient peut-tre rien se former aux mmes exigences pour en armer leur coute , voire leur regard clinique. Lexprience, surtout qui sort si assure de son axe, sen verrait peut-tre renforce, mais du mme coup plus maniable, ne serait ce que pour la transmission, qui sait pour la modification, en tout cas pour la discussion.

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    Je ne vous ferai pas linjure de croire quici puisse tre mme voqu lintrt que reoit mon discours dun public plus vaste encore, au nom du bnfice que lcole pourrait en tirer.

    Un porc dont il ma fallu tolrer les avances malpropres au nom dune certaine commission denqute, avait cru pouvoir faire le bilan des dix annes que javais alors consacres forger pour un cercle confidentiel chacun de ces sminaires dont ceux qui les lisent encore ont au moins le sentiment, comme jen ai recueilli le cri*, quil me fallait bien aimer ceux qui je vouais un tel effort. Ce bilan sexprimait en ces mots : en somme Lacan jouait chez vous la fonction de sergent-recruteur. On sait limage que ce terme voque de lhistoire anglaise : les ivrognes, ctaient ceux qui, collaborant en toute amiti avec le porc, ces mots ne mouffetaient pas.

    Ce nest pas devant vous que je vais me targuer dun succs dont jai tout fait pour carter limpuret de mon travail et qui maintenant ne peut en rien laffecter.

    Mais cet intrt pourrait vous inspirer lide que lexpansion de lacte analytique pourrait un jour, si vous tenez lhritage freudien sous le boisseau prendre un effet de rejet dans une rgion imprvue o les droits de priorit de notre exprience ne seraient pas automatiquement prservs.

    (8)Et que cest l encore quoi ma proposition pare au plus vite. Car le mot de non-analyste revient la surface pour un office que je connais. Il pingle

    ceux qui mentendent chaque fois que mon discours, un carrefour de la pratique, a porter effet sur lacte psychanalytique. La bande--Mbius , pour lappeler par son nom, est pour linstant un ramassis de non-analystes.

    Cest sans gravit. Ds que la question aura t rsolue par la menace carte, elle naura quune petite prime payer. Ne plus essayer de rien dire sur quoi que ce soit danalytique. Elle sera faite dsormais danalystes. Si elle se spare de moi, elle pourra rentrer dans lI.P.A. et continuer duser de mes termes, dsormais dpourvus de toute consquence. Un petit vote, que dis-je une abstention, une excuse donne au moment o il faut, elle y entre toutes voiles dehors. Mme pas besoin dun chef de file. Ils pourraient tous y tre dj.

    Mais quils mexcusent. Je leur donnerai tout lheure un moyen aussi sr de redevenir des analystes et qui aura lavantage dtre indit. Il ne leur sera pas rserv : je ne pense eux qu cause de leur dchance prsente.

    Pour ce qui est des non-analystes auquel ma proposition aurait pour but de remettre le contrle de lcole on la crit , jen ferai de mme que pour le rseau : je relverai le gant.

    Cest bien en effet le sens de ma proposition : je veux mettre des non-analystes au contrle de ce qui rsulte de lacte analytique, ceci pour dtecter comment, quel que soit leur talent, les analystes sarrangent pour que ne sorte de leur exprience quune production si stagnante, incomestible au dehors, une thorie toujours plus rgressive, voire involutive au sens o elle voque la mnopause, de lun et lautre sexe, la plus parfaite lusion de tous les problmes de lacte : pour autant quy rside la clef de sa terminaison et la fin donner la psychanalyse didactique, et quhors de cet abord, il est vain desprer quelle tablisse son pistmologie.

    Jen ai assez dit dans ces lignes pour quon sache quil ne sagit nullement danalyser le dsir de lanalyste, mais denregistrer les effets de sa condition professionnelle sur lacte fondamental o ce dsir se manifeste qui est dy entrer. Do la premire condition est dcisive pour ce quelle interfre, ds la demande initiale do ce dsir a procder, dans sa procession mme : cest lidal que reprsente le statut prsent de lanalyste.

    La premire analyse didactique qui se prsentera sous ces auspices de critique, se trouvera abrge du handicap que constitue son actuelle demande, puisque celui qui lentreprendra naura pour fin que de saisir la fin ce qui peut bien pousser quelquun

    *. Le texte source indique le ri.

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    jusque dans lacte psychanalytique, sr quil sera que faute dy tre, il naura pour remplir sa tche que les (9)prsupposs de fiction qui le rduiront linoprance du psycho-sociologue et au niveau de ltude de march. Cette demande-l, le psychanalyste navait pas se soucier de la frustrer. Il aura fort faire la gratifier dans sa fin plutt mythique.

    Mais la faon dont en accord avec cette tche, il se chargera dexprience, il coutera, il cliniquera, en prendra pour lui une autre valeur portante.

    Vous voyez que ce nest pas pour demain quil faut sattendre mme lapproche de ce point absolu.

    Mais le seul fait de le poser introduit une dimension o le dsir de lanalyste pour suspendre son acte, car cest seulement de la fallace de sa satisfaction quil se fera repre, fera du non-analyste le garant de la psychanalyse.

    Comme il doit ltre en ce sens. Je souhaite des non-analystes en effet, tout le moins que se distinguent ce que sont les psychanalystes aujourdhui, cest--dire qui naient pas le recours dtre analystes au prix que jai dit plus haut.

    Est-il impossible de rpondre une telle demande : quon le dise, cela claircira la porte des autres demandes elles-mmes. Et cela remet dautres la cration de son emploi.

    Le seul fait pourtant quune telle demande puisse tre fonde dans lexistence dun tel emploi suffirait ce que toutes les demandes de psychanalyse didactique en subissent une correction initiale, puisquon saurait que cest en fonction dune psychanalyse en instance dexamen, et aussi avide de renouvellement, que le psychanalyste mme tenu pour entrav dun dsir ingal lpreuve du psychanalysant, serait distingu par des juges avertis sur le style de sa pratique et lhorizon quil sait y reconnatre y dmontrer ses limites : cest ce que jappelle lA.M.E.

    Nanmoins ma bande garde un recours ouvert, dont jespre quelle profitera : donner mon discours des suites, cest--dire le dpasser au point de le rendre dsuet. Je saurais enfin que je nai pas piss dans un violon.

    En attendant, il me faut subir dtranges musiques. Voil-t-il pas la fable mise en cours du candidat qui scelle un contrat avec son psychanalyste Tu me prends mes aises, moi je te fais la courte chelle. Aussi fort que malin (qui sait un de ces normaliens qui vous dnormaliseraient une socit tout entire avec ces trucs chiqus quils ont tout loisir de mijoter pendant leurs annes de feignantise), ni vu ni connu, je les embrouilles, et tu passes comme une fleur.

    (10)Mirifique ! ma proposition naurait-elle engendr que cette souris que jespre en son travail de rongeur. Je demande : ces complices que pourront-ils faire dautre partir de l quune psychanalyse o pas une parole ne pourra se drober la touche du vridique, toute tromperie dtre gratuite y tournant court. Bref une psychanalyse sans mandre. Sans les mandres qui constituent le cours de toute psychanalyse de ce quaucun mensonge nchappe la pente de la vrit.

    Mais quest-ce que a veut dire quant au contrat imagin, sil ne change rien ? Quil est futile ou bien que mme quand quiconque nen a vent, il est tacite.

    Car le psychanalyste nest-il pas toujours en fin de compte la merci du psychanalysant, et dautant plus que le psychanalysant ne peut rien lui pargner sil trbuche comme psychanalyste, et sil ne trbuche pas, encore moins. Du moins est-ce ce que nous enseigne lexprience.

    Ce quil ne peut lui pargner, cest ce dstre dont il est affect au terme de chaque analyse, et dont je mtonne de le retrouver dans tant de bouches depuis ma proposition, comme attribu celui que jai connot dans la passe du terme de destitution subjective.

    On est bougrement plus dur dans ltre pourtant, personne ici ne le sait donc quand on abdique dtre sujet. On voit que vous navez jamais t la guerre, vous tes tous quelque degr enfants de Ptain, en 14 pas ns encore. Pour vous, cest immmorial : il en reste pourtant un tmoignage la hauteur, pour ntre ni dun futuriste qui y a lu sa posie,

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    ni dun salaud de publiciste rameutant le gros tirage : cest Le guerrier appliqu, de Paulhan. Lisez a pour savoir laccord de ltre avec la destitution du sujet

    Jai rat a de trs peu, mais je vous ai eus de lan 60 63. On se sent assez bien dans son tre, quand un nomm dindon (en anglais) tranche de votre discours de dix ans comme si ctait un air de flte destin induire vos lves la marque didentification que sa perspicacit na pas laiss chapper : soit le port du nud papillon (sic, jen appelle aux tmoins). Pour une destitution subjective, cen est une qui suscite ltre, croyez-moi. Sans doute aussi ltre de ceux qui y assistaient impavides.

    Les rfrences que jvoque, nont rien faire avec le dsir dtre analyste. Je ne vends pas la mche du baratin pour les passeurs.

    Mais la seconde peut-tre appelle examen sur la nature du dstre qui en loccasion est en face. Car je ne songe pas lextraire du dsir du psychanalyste, mme si cest un faux pli.

    Nous avons vu des psychanalystes tremps, comme sexprimait ce psychosociologue, car ce nest pas moi qui ai fait fonctionner un tel tre (11)en notre sein trempe dans du jus de Kapo, sans doute. Mais voquer les camps, cest grave, ma-t-on dit.

    Cela restitue sa place le discours de Nacht sur ltre et ma raison dy objecter. part cela, ma proposition est fasciste, du moins la mtaphore de quelquun qui en a

    lexprience, ramenait-elle a sans scrupules. Finissons-en avec les broutilles et avec ladmission de Fliess, que mon ide impliquerait.

    Le raisonnement ad absurdum a son prix. Que Freud ait franchi la passe, cest une affaire hors contrle et qui peut sans

    inconvnient tre mise en doute. Il ne pouvait tre son propre passeur. Si jen crois les souvenirs si prcis que Madame Blanche Reverchon-Jouve me fait

    parfois lhonneur de me confier, jai le sentiment que, si les premiers disciples avaient soumis quelque passeur choisi dentre eux disons : non leur dsir dtre analyste, dont la notion ntait pas mme pas apercevable alors si tant est que quiconque laperoive encore , mais seulement leur projet de ltre, le prototype donn par Rank en sa personne du je ne pense pas et pu tre situ beaucoup plus tt sa place dans la logique du fantasme.

    Et la fonction de lanalyste de lcole fut venue au jour ds labord. Car enfin il faut quune porte soit ouverte ou ferme, ainsi est-on dans la voie

    psychanalysante ou dans lacte psychanalytique. On peut les faire alterner comme une porte bat, mais la voie psychanalysante ne sapplique pas lacte psychanalytique, qui se juge dans sa logique ses suites.

    Je suis en train de dmontrer que, chaque fois que le psychanalyste sintresse un objet qui lui parait prvalent, il est amen dclarer que cet objet chappe la voie de lanalyse (cf. Winnicott). Ce nest pensable quen raison du seul point o cest lgitime : le psychanalyste en tant que tel, lacte psychanalytique.

    La fonction par exemple du narcissisme de la petite diffrence, que Freud articule comme tant de son exprience irrductible, est parfaitement analysable la rapporter la fonction de lobjet a, le psychanalyste comme on dit, veut bien tre de la merde, mais pas toujours la mme. Cest interprtable, condition quil saperoive que dtre de la merde, cest vraiment ce quil veut, ds quil se fait lhomme de paille du sujet-suppos-savoir.

    Ce qui importe nest donc pas cette merde-ci, ou bien celle-l. Ce nest pas non plus nimporte laquelle. Cest quil saisisse que cette merde (12)ne vient pas de lui, pas plus que de larbre quelle couvre au pays bnit des oiseaux. Cest le Prou, quon dit.

    Loiseau de Vnus est chieur, on le sait. La vrit nous vient pourtant sur des pattes de colombe, drle dide. Ce nest pas une raison pour que le psychanalyste se prenne pour la statue du Marchal Ney. Non, dit larbre, il dit non, pour tre moins rigide, et faire dcouvrir loiseau quil reste un peu trop sujet dune conomie anime de lide de la Providence.

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    Vous voyez que je suis capable dadopter le ton en usage dans une assemble danalystes, quand il sagit daffaire vitale. Jen ai pris un peu chacun de ceux qui ont manifest leur avis, la hargne prs, jose le dire, vous le verrez avec le temps : cest l ce qui permet de voir si comme le loup, elle y est ou ny est pas.

    Et concluons. Ma proposition adopte net chang que dun cheveu, laxe de la formation du

    psychanalyste. Il et suffi, pour peu quelle ft publie. Elle permettait un contrle absolu de ses rsultats. Elle respectait absolument les droits de lexprience.

    On sy oppose. Je ne puis limposer. Mince comme un cheveu, elle naura pas se mesurer lampleur de laurore. Il suffirait quelle lannonce. Car elle comporte sur 17 pages, 14 (je ne sais pourquoi ces

    chiffres ont paru quelquun avoir un sens mystique), 14, dis-je, de thorie de la psychanalyse didactique, sur lesquelles je ne demande pas dautre avis que den donner une rplique ventuelle, quivalente ou pas.

    Jouvre par priorit les lettres de lcole la publication de ces noncs, qui constitueront, non louverture, elle sest faite, mais la mise en fonction du cartel sur lequel on a pu ironiser.

    Cependant jassure que ceux pour qui les fins que visait ma proposition sont les leurs, peuvent compter sur mon appui.

    Jai entendu quelle navait dautre porte que politique, et que ctait une question de force entre certains et moi.

    Il ne saurait tre question de force pour moi comme analyste. ceux qui tombent sous le coup de cette force si elle tient, de savoir sils lacceptent ou sils la refusent.

    (13)Je ne suis l que pour maintenir la primaut des fins de ma proposition, et mopposer ce qui leur fermerait tout accs.

    Il est dautres moyens dy parer. Je vous annonce la parution dune revue ouverte tous ceux de lcole qui voudront

    bien y participer dans les conditions qui vous seront produites par son premier numro. Ces conditions, neuves en notre communaut, me paraissent de nature lever lobstacle grave la production scientifique, dont je tente de cerner la source en mon discours de cette anne sur lacte psychanalytique. Ds maintenant ceux au travail de qui je fais confiance, et nulle manifestation davis ny est pour moi objection , y ont leur place, sils le veulent.

    Ce quil en est de lordre dinformation que jattendais des passeurs, nest pas impossible recueillir ct du fonctionnement statutaire des jurys.

    Ceux-ci seront mis en fonction selon la procdure antrieure, ceci prs que la conjoncture prsente rend provisoirement le tirage au sort le mode de choix le moins discutable, et que ma prsence que javais propose rduite la consultation, y aura voix.

    Le jury dagrment sera compos de 5 membres. Jai toujours t mnag dappels personnels, laissant jusquici le champ libre aux

    initiatives les plus diverses, vrai dire attendant plutt quelles se manifestassent. Il faut croire que cet appel est ncessaire, puisquon a paru stonner que lanne dernire pour les sminaires de textes, il nai pas t vain.

    Je madresse aujourdhui tous pour une rflexion mrie et une comptition heureuse. Ce texte, tel quil est, jet pour vous cette semaine et o vous navez voir que mon cur louvrage, vous sera tous distribu. Cest le signe de ma confiance.

    La date fixer de notre prochaine runion dpend de vos rponses. Ayez la bont de les ajourner, pour que les choses reprennent leur juste place.

    Ce discours a dur 55 minutes. Le prsident de la sance, Xavier Audouard annonce : La sance est leve .