la treizieme chandelle

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Marthe MacGoohoogly se dirigea d'un pas dcid vers la porte de sa cuisine, serrant dans sa main rougie une coupure de journal. Dehors, dans le bout de terrain couvert de mauvaises herbes dessches qui lui servait de jardin de derrire, elle s'arrta et jeta la ronde un regard furibond comme le fait, la saison de la monte, un taureau reproducteur attendant l 'arrive de rivaux. Satisfaite - ou due - qu'il n'y ait pas de rivales en vue, elle courut jusqu' la clture dmolie qui marquait les limites du jardin. Appuyant sa volumineuse poitrine sur un poteau vermoulu, elle ferma les yeux : H, Maud ! hurla-t-elle travers les jardins atte nants au sien, et sa voix fut rpercute par le mur de l'usine proche. H, Maud, o tes-vous ? Fermant la bouche et ouvrant les yeux, elle attendit. De la deuxime maison toute proche, on enten dit le bruit d'une assiette qui tombe et se brise en morceaux et l'on vit s 'ouvrir la porte de la cui s ine. Une petite femme dcharne sortit tout agi te, essuyant ses mains sur son tablier chiffonn. 7

Eh bien, grogna-t-el le d'un air svre, que dsirez-vous ? Maud, vous avez vu ? rpondit Marthe, d'une voix criarde, en brandissant le morceau de journal. Comment saurais-je si je l'ai vu ou non ? grommela Maud. Peut-tre bien que oui, peut-tre bien que non. Qu'est-ce que c'est au juste ? Encore un scandale sexuel ? Marthe MacGoohoogly foui lla dans la poche de son tablier et en reti ra de grosses lunettes mon ture en corne, abondamment constelles de pet i tes pierres. Elle en essuya soigneusement les verres sur le bas de sa robe avant de les mettre, tapota ses cheveux pour les recoiffer, puis elle se moucha bruyamment sur le revers de sa manche et s 'cria : Cela vient du Dominion, c'est mon neveu qui me l'a envoy ! Dominion ? Quel est ce magasin ? Font-ils des soldes en ce moment ? demanda Maud, montrant, pour la premire fois, un semblant d'intrt. Marthe renifla de colre et de dgot. Allons ! cria-t-elle, exaspre. Vous ne savez donc RIEN ? Dominion, le Canada. Le Dominion du Canada. C 'est mon neveu qui me l'a envoy. Attendez, j 'arrive. Se dcollant de la clture et fourrant ses lunettes dans sa poche, elle gagna rapidement le fond du jardin et s'engagea dans la ruelle qui longeait les deux maisons . Quant Maud, elle soupira, rsigne, et se dirigea lentement sa rencontre. Regardez a, hurla Marthe lorsqu'el les se ren contrrent devant la maison vide qui sparait leurs demeures. Regardez les btises qu'on crit maintenant. L'me, a n'existe pas . Quand on est mort, on est MORT, exactement comme ceci 8

pouf ! Le sang lui monta au visage et elle brandit le journal sous le long nez de la pauvre Maud : Comment admettent-ils cela, je ne le saurai jamais. Vous mourez, c'est comme de souffler une chandelle et puis, fini, il n 'y a rien aprs. Mon pauvre mari, que Dieu ait son me, disait tou jours avant de mourir que ce serait pour lui un rel soulagement de savoir qu'il ne reverrait pas ses anciens associs. Maud O'Haggis attendait patiemment que la commre s 'arrte. Finalement, elle profita de l'occasion pour demander : Mais qu'est-ce que c'est que cet article qui vous a tellement boule verse ? Sans un mot, Marthe MacGoohoogly lui pas sa le fragment dchir de journal . Puis, retrouvant soudain la voix : Non, vous lisez l'envers . Maud retourna le papier et recommena la lec ture de tout l'article, ses lvres formant les mots mesure qu 'elle les lisait : Eh bien, s'exclama t-elle, eh bien . . . Marthe souriait, satisfaite de son triomphe. Eh bien, di t-elle, ce n'est pas souvent que de pareilles btises arrivent se faire imprimer. Qu'en pensez-vous ? Maud tourna et retourna la page, se remit lire du mauvais ct, puis : Oh ! j 'ai une ide : Hlne Hensbaum va nous le dire ; elle connat ce genre de choses. Elle lit des livres. Je ne supporte pas cette femme, rpl iqua Marthe. Savez-vous ce qu 'elle me disait l 'autre jour ? Que des betteraves vous poussent dans le ventre, madame ! Voil ce qu 'elle me disait, vous imaginez cela ? Quel culot, cette femme ! Mais Hlne Hensbaum est renseigne, elle s'y connat, et si nous dsirons aller au fond de9

ces CH OSES - elle agita violemment la malheu reuse feuille de papier - nous devons jouer son j eu et la flatter. Venez, allons la voir ! Marthe tendit le doigt vers la rue et dit : La voil, tiens ! elle tend son linge, je doi s dire que c'est une sacre garce. Elle a un tas de nouveaux panties, elle doit avoir trouv une occasion. Moi, les bonnes culottes l'ancienne, a me va ! Elle souleva sa robe pour montrer : a vous tient plus chaud quand il n'y a pas d'homme dans les environs, hein ? Elle eut un rire espigle et les deux femmes allrent trouver Hlne Hensbaum et sa lessive. Elles allaient entrer dans son j ardin quand une porte claqua et, dans le jardin contigu, apparut une fille vtue d'un minishort des plus excitants . Fascin, le regard des deux femmes s 'leva len tement de la blouse transparente au visage ma quill. Mince alors, murmura Maud O'Haggis, il y a encore de la vie dans notre vieux quartier. Elles roulaient de gros yeux quand la fille passa d'une dmarche onduleuse, ses hauts talons en proportion inverse de sa moralit. On se sent vieille, non ? dit Marthe MacGoo hoogly. Sans un mot de plus, les deux femmes entrrent dans le j ardin de Mme Hensbaum, laquelle lorgnait galement la fille. Bonjour ! cria Marthe. Je vois q ue vous avez un beau spectacle ct de chez vous. Elle eut un rire guttural. Helen Hens baum se renfrogna. Ach, Herr ! s'exclama-t-elle, mourir dans le ven tre de sa mre, voil ce qui aurait d lui arriver ! Avec un soupir, elle leva les bras pour tendre son linge, et montrer qu'elle portait rellement un panty. Madame Hensbaum, commena Maud, nous10

savons que vous avez beaucoup lu et que vous savez beaucoup de choses ; voil pourquoi nous sommes venues demander votre avis. Hlne Hensbaum rpondit en souriant : Eh bien donc, mesdames, entrez, je vais vous fai re une tasse de th, la matine est froide aujourd'hui. Cela nous fera du b ien toutes de nous reposer un peu. Elle se retourna et, montrant le chemin, fit entrer les deux femmes dans sa maison qui tait bien entretenue et qu'on appelait Petite Allemagne parce qu'elle tait coquette et b ien range. B ientt l'eau se mit bouillir et Mme Hens baum servit le th fumant. Puis, tout en faisant circuler des biscuits sucrs, elle demanda : Maintenant, que puis-je pour vous ? Faisant un geste en direction de Marthe, Maud rpondit: Elle a reu un article bizarre du Canada. Je ne sais pas ce qu'il faut en penser. Elle va vous expliquer. Marthe se redressa sur son sige et di t : Tenez, regardez a. C'est mon neveu qui me l 'a envoy. Il avait eu des ennuis propos d'une femme marie et il a dcamp pour aller dans un endroit appel Montral, dans le Dominion. Il m'crit de temps en temps. Il m'a envoy ceci dans sa lettre. Je ne crois pas des balivernes pareilles. Elle tendit le morceau de papier, chiffonn encore davantage par suite du mauvais traitement qu'il avait reu. Hlne Hensbaum saisit dlicatement le lam beau qui restait et le dplia sur une feuille de papier propre. Ach sa! glapit-elle tout excite au point d'en oublier son anglais qui normale ment tait excellent. Est-ce bon, non ? Voulez-vous nous le lire haute voix, et nous dire ce que vous en pensez ? demanda Maud.Il

Mme Hensbaum s 'claircit la voix, but une gor ge de th et commena : Du Montral Star, je vois. Lundi 31 mai 1971. Hum ! INTRESSANT! Oui, j 'ai t dans cette ville. Une courte pause et elle lut tout haut : Il s 'est vu qu i tte r son co rps. Un cardiaque dcrit la sensation de la mo rt. Canadian Press. Toronto. Un homme de Toronto qui a eu, l'an der nier, une c rise cardiaque, dclare qu'il s 'est vu quitter son corps et a prouv une trange sensa tion de tranquillit durant la priode c ritique o son cur s'arrtait. B. Leslie Sharpe, g de 68 ans, affirme que quand son cur cessa de battre, il fut capable de s'observer IIface face" . Mr Sharpe dcrit ce qu' il a prouv, dans le dernier numro du Canadian Medical Associa tion Jou rnal o son rcit fait partie d'un rapport dont les auteurs sont le Dr R.L. MacMil lan et le Dr K.W.G. Brown, codi recteurs du Service de Cardiothrapie l'Hpital Gnral de Toronto. Dans ce rapport, les mdecins laissent envisa ger qu'il pourrait s 'agir d'un phnomne de transmigration de l 'me. Mr Sharpe avait t transport l'hpital aprs que son mdecin de famille eut diagnostiqu une crise cardiaque. Mr Sharpe dclare se rappeler avoir regard sa montre le lendemain matin, alors qu'il tait sur son lit, immobilis par les fils d'une machine cardiographique et par les cath ters intraveineux. Juste ce moment-l, je poussai un trs pro fond soupir. Ma tte s'affaissa sur la droite. Je pensai : pourquoi ma tte se laisse-t-elle aller? Je ne l'ai pas bouge. Je dois tre sur le point de m'endormir.12

Puis, je me voi s en train de regarder mon pro pre corps depuis la ceinture et je le vois face face comme dans un miroir dans lequel j'appa rais, n10i, dans le coin infrieur gauche. Presque immdiatement, je me vois quittant mon corps, d'o je sors par la tte et les paules. Je ne voyais pas mes membres infrieurs. Le corps qui me quittait n'avait pas exacte ment une forme vaporeuse ; pourtant il a paru se dtendre lgrement ds qu'il fut libr de moi . Soudain, je suis assis sur u n objet trs petit, se dplaant grande vitesse en direction d'un ciel terne, bleu-gris, un angle de 450 En dessous de moi , ma gauche, je voyais une substance d'une blancheur immacule, sembla ble un nuage, qui se dplaait, elle aussi, dans une direction qui allait couper ma course. Cette substance tait de forme parfaitement rectangulaire, mais pleine de trous comme une ponge. La sensation que j 'prouvai ensuite fut celle de flotter dans une brillante lumire j aune ple - une sensation trs agrab le. Je continuai planer, jouissant de la sensa tion la plus belle, la plus sereine. Puis, il y eut dans mon ct gauche des coups de marteau. Ces coups ne me faisaient pas vrai ment mal, mais ils me heurtaient si violemment que j 'avais de la peine garder mon quilibre. Je me mis compter les coups et, six, je dis haute voix : N. de D., qu'est-ce que vous me faites ? et j 'ouvris les yeux. Le narrateur ajoute qu'il reconnut autour de son lit docteurs et infirmires. On lui dit qu'il avait subi un arrt du cur avec dfibrillation et 13

qu'on lui avait fait des lectrochocs pour remet tre son cur en mouvement normal. Les mdecins assurrent qu'il tait inhabituel pour un malade de se rappeler ce qui s'tait pass lors de l'attaque cardiaque. Habituellement, une priode d'amnsie de plusieurs heures prcdait et suivait une crise. Eh bien ! s'cria Hlne Hensbaum en termi nant sa lecture et en s 'asseyant pour observer les deux femmes qui lui faisaient face. C 'est vrai men t T RS in tressan t ! Marthe MacGoohoogly minauda de plaisir et de fatuit l 'ide qu'elle avait montr l 'tran gre quelque chose qu'elle ne connaissait pas. Eh bien, dit-elle en souriant, n'est-ce pas le genre de sottise qu'on voit dans la ralit ? Hlne Hensbaum sourit son tour, mais d'un sourire railleur, lorsqu'elle demanda : Alors, vous pensez que c'est de la fiction, n'est-ce pas ? Vous pensez que c'est - comment appelez-vous cela ? - de la blague ? Non, mesdames, c'est la vrit. Je vais vous montrer ! Elle bondit sur ses pieds et conduisit les deux femmes dans une autre pice. L, dans une trs belle bibliothque des livres taient rangs. Plus de livres que Marthe n'en avait j amais vu auparavant dans une maison. Hlne Hensbaum choisit certains ouvrages. Regardez, s'cria-t-elle en feuilletant rapide ment les pages d'un livre comme quelqu'un qui a affaire de vieux et chers amis. Voyez : tout cela et bien davantage encore est imprim ici. La Vrit : la Vrit qui nous a t apporte par un homme qui a t puni et perscut pour avoir dit la Vrit. Et maintenant, parce qu'un imbcile de journaliste crit un article, les gens peuvent croire que C'EST vrai. 14

Marthe MacGoohoogly regarda, curieuse, les titres : Le troisime il , Lama mdecin 1 . Qu'est-ce que c'est que cela ? murmura-t-elle avant de parcourir les autres titres. Puis, se retournant, elle s'exclama : Vous ne croyez pas ces balivernes, n'est-ce pas ? On se paie ma tte ici, c'est du ROMAN! Hlne Hensbaum clata de rire bruyamment. Du roman ? dit-elle, finalement suffoque, du roman ? J 'ai tudi ces livres et je sais qu'ils sont vridiques. Depuis que j'ai lu Vous - Pour tou jours , je sais moi aussi faire le voyage astral . Marthe parut dconcerte : Pauvre femme, pensa-t-elle, elle mle l'allemand son anglais. Voyage astral ? Qu 'est-ce que c'est que a ? Une nouvelle ligne arienne ou quelque chose d'analo gue ? Maud tait l debout, bouche ouverte ; tout cela tait B IEN au-dessus d'elle ! Tout ce qU'ELLE dsirait lire, c'tait le supplment du dimanche avec la relation de tous les derniers crimes sexuel s. Ce voyage astral, astril, eh bien qu'est-ce que c'est ? demanda Marthe. Y a-t-il VRAIMENT quel que chose de vrai l-dedans ? Mon vieux mari qui est mort et trpass, Dieu ait son me ! pourrait-il revenir prs de moi et me di re o il a cach son argent avant de mourir ? Oui, vous dis-je, OUI, cela POURRAIT se faire s' il avait une vraie raison de le faire. Si c'tait pour le bien d'autres personnes - oui ! Ae ae ae ! s'cria Marthe, effare. Mainte nant je vais avoir peur d'aller dormir ce soir, au cas o il reviendrait pour me hanter - et ferait de nouveau des siennes. Elle secoua t ristement1. ditions J 'ai lu, nU' 1829 et 2017.

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la tte en grommelant : I l a toujours t fort au lit ! Hlne Hensbaum versa encore une tasse de th. Marthe MacGoohoogly feuilletait les livres : Dites, madame Hensbaum, ne voudriez-vous pas m'en prter un ? Non, rpondit en souriant Mme Hensbaum, je ne prte j amais mes livres, parce qu'un auteur doit vivre de la misrable somme qu'on appelle droits d'auteur , sept pour cent je c rois . Si je PRTE des livres, je prive un crivain de ce qui est son gagne-pain. Elle rflchit, puis : Je vais vous dire une chose, je vais en ACH ETER une srie et vous l'offrir en cadeau ; alors vous pourrez lire par vous-mme la Vrit. Est-ce assez chic ? Marthe secoua la tte d'un air dubitatif. Eh bien, je ne sais pas, reprit-elle, je ne SAIS vrai ment pas. Je n'aime pas l'ide que lorsque nous avons mis de ct un corps, que nous avons fait sa toilette et referm la bote, que nous l'avons dpos dans la terre, je n'aime pas l'ide qu'il ris que de revenir comme un spectre et qu'il me fasse mourir de peur. Maud se sentait laisse l 'cart ; elle pensa qu'il tait temps pour elle de placer son mot. Oui, dit-elle d'un ton hsitant, quand nous l'envoyons dans la chemine du four crmatoire, dans un nuage de fume grasse, eh bien, cela devrait tre la fin. Mais regarde, interrompit Marthe dont le regard croisa celui de Maud, si, comme vous le dites, il y a vie aprs la mort, POURQ UOI N'y A-T- IL PAS DE PREUVES ? Ils sont partis, c'est la dernire chose que nous apprenons leur sujet. Partis . Si vraiment ils VIVAIENT ENCORE, ils se mettraient en rapport avec nous ! 16

Mme Hensbaum resta un moment silencieuse, puis elle se dirigea vers un petit secrtaire. Regardez, dit-elle quand elle revint vers les deux femmes. Elle tenait une photographie. C'est une photographie de mon frre jumeau. Il est pri sonnier des Russes, en Sibrie. Nous savons qu'il est vivant parce que la Croix-Rouge suisse nous l 'a dit. Toutefois, nous ne pouvons pas recevoir de message de lui. Je suis sa jumelle et je SAIS qu'il est vivant. Marthe s'assit et regarda la pho tographie, tournant et retournant le cadre dans ses mains. Ma mre est en Allemagne, en Allemagne de l'Est. Elle aussi est vivante, mais nous ne pou vons pas communiquer. Pourtant ces deux per sonnes sont encore sur cette terre, encore avec nous ! Bon, supposons que vous ayez un ami, disons en Australie, et que vous dsiriez lui tl phoner. Mme si vous connaissez son numro, vous devez tenir compte du dcalage horaire, vous devez utiliser un tlphone, c'est--dire un appareil mcanique et lectrique. Et mme ainsi, il se peut que vous ne puissiez pas parler votre ami . Peut-tre n'est-il pas l'autre bout du fil pour son travail ou pour ses loisirs. Pourtant, c'est exactement de l'autre ct de ce monde. Pen sez alors aux difficults de tlphoner de l'autre ct de CETTE vie ! Marthe se mit rire. Oh ! Madame Hensbaum, vous tes un numro ! s'cria-t-elle en gloussant. Un tlphone, pour communiquer avec l'autre ct de la vie ! Eh ! a me rappelle quelque chose, s 'exclama Maud au comble de la surexc itation. Oui, certai nement. Mon fils s'occupe d'lectronique la B .B.C. et il nous racontait qu'il y avait un vieux 17

type qui avait invent un tlphone de ce genre qui fonctionnait. C 'tait avec des micro frquences ou quelque chose de ce genre. On touffa l'affaire. L'glise tait intervenue l dedans, je suppose. Mme Hensbaum approuva en souriant. Oui, c 'est absolument vrai. Cet crivain dont j e vous ai parl est bien renseign ce sujet. La mise au point de cet appareil a t arrte par suite de manque d'argent pour le perfectionner, je crois. Mais, quoi qu'il en soit, des messages PARVIEN NENT RELLEMENT de l'au-del. La mort n'existe pas. Eh bien, prouvez-le ! s'cria Marthe rude ment. Je ne peux pas vous le prouver comme cela, rpondit avec douceur Mme Hensbaum, mais rflchissez-y. Prenons un bloc de glace et admet tons qu'il reprsente le corps. La glace fond tout comme le corps se dcompose - et alors, nous avons de l'eau qui reprsente l 'me quittant le corps. Quelle sottise ! s 'exclama Marthe. L'eau, nous pouvons la voir, mais montrez-moi l'me ! Vous m'avez interrompue, continua Mme Hens baum. L'eau va s'vaporer en une vapeur invisi ble. VOILA ce qui reprsente l 'tape de vie aprs la mort. Maud s' impatientait parce que la conversation la ngligeait. Aprs plusieurs minutes d'hsitation, elle dit : Supposons, madame Hensbaum, que nous dsirions entrer en rapport avec nos chers dfunts ; et si nous allions assister une sance qui nous met en relation avec les esprits ? Oh non, ma chre ! rpondit en riant Marthe qui restait jalousement sur ses positions, si vous 18

dsirez des esprits, allez au cabaret et comman dez du scotch. La vieille Mme Knickerhacker est cense tre un bon mdecin et elle AIME vraiment aussi l'autre genre de spiritueux. Avez-vous j amais assist une sance, Madame Hens baum ? Hlne Hensbaum hocha la tte : Non, mesda mes, rpondit-elle, je ne vais pas ces sances . J e n ' y crois pas. Beaucoup d e ceux qui s'y rendent vraiment sont de bonne foi, mais c'est gnrale ment un jeu de dupes. Elle jeta un regard sur l'horloge et sauta sur ses pieds. Mein lieber Gott ! (Bon Dieu) s 'cria-t-elle, le lunch de mon mari, je devrais dj l'avoir prpar. Puis, recouvrant son sang-froid, elle reprit plus calme ment : Si cela vous intresse, revenez cet aprs midi, trois heures ; nous en parlerons davan tage ; mais maintenant, mon mnage, je dois m'en occuper ! Marthe et Maud se levrent et se dirigrent vers la porte. Oui, dit Marthe, parlant pour elles deux, nous reviendrons trois heures. Elles tra versrent le jardin et arrivrent dans la ruelle. Eh bien, je ne sais pas, dit Marthe, je ne sais vraiment pas. Mais retrouvons-nous ici trois heures moins dix. Au revoir ! et elle se dirigea vers la porte de sa demeure tandis que Maud con tinuait jusqu' sa maison. Dans la maison Hensbaum, Mme Hensbaum se dchanait dans un acharnement d 'efficacit germanique contrle, grommelant part soi d'tranges paroles, faisant j aillir de ses mains assiettes et couverts qui allaient infail liblement trouver leur place sur la table : tout cela ralis avec l'adresse d'une jongleuse grassement paye d'un music-hall berlinois . Au moment o claqua 19

la grille de l'entre et o, marchant pas comp ts, son mari arriva la porte, tout tait prt, le djeuner tait servi. Le soleil avait dpass son znith et il descen dait vers l'ouest quand Maud sortit de chez elle et prit avec insouciance la rue qui conduisait la maison de son amie. Elle faisait vraiment sen sation dans une toilette en imprim fleuri qui venait d'un magasin de soldes prs de Wapping S teps. Oh, Marthe ! cria-t-elle lorsqu'elle atteignit la porte du j ardin. Marthe ouvrit la porte et, d'ahurissement, bat tit des paupires en voyant Maud. Zut alors, s'cria-t-elle d'un ton bloui , ufs brouills et coucher de soleil, dis ? Maud rpondit, agace : Vos jupes sont trop troites, Marthe. On voit la marque de vos j arre telles et de votre culotte. A qui allez-VOUS parler, en fin de compte ? A la vrit, Marthe VALAIT vraiment le coup d'il ! Son deux-pices gris perle et sa veste taient troits d'une manire presque indcente. Un tudiant en anatomie n'au rait eu aucune diffi cult situer les diverses limites de son corps. Ses talons taient si hauts qu'elle devait se dandi ner et cette hauteur absolument anormale la for ait remuer le derrire de droite gauche ou de haut en bas. Les deux femmes paradrent ensemble dans la rue et entrrent dans le j ardin des Hensbaum. Mme Hensbaum ouvrit au p remier coup frapp sa porte et les fit entrer. Sapristi, madame Hensbaum, dit Maud, un peu surprise en pn trant dans le salon. Vous avez travaill en l ibrairie ? Non, madame O'Haggis , rpondit l'Allemande 20

en souriant, je pensais que vous vous intressiez aux sciences psychiques, et c'est pourquoi j 'ai achet une srie de ces livres de Rampa pour les offrir chacune de vous. Pristi ! murmura Marthe en feuilletant un de ces livres. Il a l'air trange, ce vieux type, n'est-ce pas ? A-t-il vraiment un chat qui lui sort de la tte ? Mme Hensbaum se mit rire franchement, au point que son visage tourna au violet. Ach non, s'cria-t-elle. Les diteurs prennent de grandes liberts avec les couvertures des livres ; l'auteur n'a rien dire du tout dans cette affaire. Attendez - je vais vous montrer - et elle monta les esca liers en courant pour revenir un peu essouffle, montrant une- petite photographie : VOICI l'au teur. Je lui ai crit, il m'a rpondu et m'a envoy ceci : j 'y tiens beaucoup. Mais, madame Hensbaum, dit Marthe non sans une certaine exaspration, vous n'avez aucune PREUVE. Tout cela, c 'est du ROMAN. Madame MacGoohoogly, rpliqua Hlne Hensbaum, vous vous trompez tout fait. La preuve existe, mais c'est une preuve qui doit tre exprimente, tre vcue. Mon frre est aux mains des Russes. J 'ai dit une amie, Rhoda Carr, que nous nous tions rencontrs dans l'astral et qu'il m'avait appris qu'il tait dans une prison appele Dniepropetrovsk, que c'tait un vaste complexe pn itencier en Sibrie. Je n 'en avais personnellement jamai s entendu parler. Rhoda Carr ne dit rien sur le moment mais, quel ques semaines plus tard, elle m'crivit pour me confirmer la chose. Elle est en relation avec une sorte d'organisation et fut, de la sorte, mme de fai re des enqutes grce l'intermdiaire 21

et presse par le temps ? Et vous, madame Mac Goohoogly, feriez-vous bon accueil un dmar22

nique alors que vous tes ext rmement occupe

d'amis travaillant secrtement en Russie. Mais, chose trs intressante, elle me dit que bien des gens lui avaient donn des renseignements de ce type au sujet de leurs proches sjournant en Rus sie et tous, disait-elle, par des moyens occultes. Maud tait assise, bouche be ; elle se leva et dclara : Ma mre est alle une fois une sance. Tout ce qu'on lui avait dit se rvla exact. Mais pourquoi dites-vous que ces sances ne sont pas une bonne chose, Mme Hensbaum ? Non, j e n'ai pas dit que TO UTES ces sances n 'taient pas bonnes ; j 'ai dit que je n 'y croyais pas . De l 'autre ct de la Mort, il y a des entits malfaisantes qui sont capables de lire les penses des gens et qui abusent de leur crdulit. Elles lisent leurs penses, puis donnent des messages, en faisant semblant que ces communications pro viennent de quelque Guide Indien ou de quelque Cher Disparu. La plupart des messages sont stupides, dpourvus de sens, mais parfois, par accident, Q UELQ UE CHO SE parvient qui est passa blement exact. Elles doivent pas mal rougir quand elles lisent MES penses, ricana Marthe. Je n 'ai jamais t une oie blanche . Mme Hensbaum sourit et continua : Les gens sont trs mal informs au sujet de ceux qui sont trpasss. Dans l'autre Monde, ceux-ci ont du tra vail, ils ne sont NULLEMENT en train de flner, attendant - soupirant aprs - l'occasion de rpondre des questions stupides. ILS O NT LEUR TCHE A ACCOMPLIR. Accueilleriez-vous avec plai sir, madame O'Haggis, un stupide appel tlpho

cheur embtant qui viendrait sonner votre porte alors que vous tes dj en retard pour le B ingo ? Oui, elle a raison, vous savez, murmura Mar the. Mais vous avez parl de Guides Indiens. l 'en ai entendu parler. POURQ UOI doivent-ils tre indiens ? Madame MacGoohoogly, ne faites pas atten tion de pareilles histoires ! rpondit Hlne Hensbaum. Les gens s'imaginent qu'il y a des Gui des Indiens, des Guides Tibtains, etc. Rflchis sez simplement : ici, dans cette vie, on peut regarder les Indiens, les Tibtains ou les Chinois comme de pauvres indignes de couleur sous dvelopps et ne valant pas qu'on s'y arrte un instant. Comment alors pourrions-nous les consi drer soudain comme des gnies psychiques ds qu'ils arrivent de l'Autre Ct ? Non, beaucoup de personnes parmi les plus ignorantes adoptent un Guide Indien parce que c'est plus mystrieux. En fait, le SEUL guide de chacun, c 'est. .. son Sur-moi . Ah ! ce que vous dites nous dpasse, madame Hensbaum. Nous avons perdu le fi l de vos paroles. Madame Hensbaum se mit rire et rpliqua : Vous devriez peut-tre lire d'abord. Commencez par "Le Troisime il" (The Third Eye). Nous pourrons revenir vous parler ? deman da Maud O'Haggis. Oui, bien sr, je vous en prie, car cela me fera plaisir, rpondit, accueillante, Mme Hensbaum. Pourquoi ne pas nous retrouver, la mme heure, dans une semaine ? Et c'est ainsi que quelques minutes plus tard, les deux femmes se retrouvaient dans la rue, 23

marchant tranquillement et portant, l'une et l'autre, un paquet de livres, cadeau d'Hlne Hensbaum. l'aurais voulu qu'elle nous en dise un peu plus sur ce qui arrive quand nous mou rons , remarqua Maud d'un ton de regret. Ah ! vous le saurez assez tt, il suffit de vous regarder , rpondit Marthe. Les lampes restrent longtemps allumes dans les maisons MacGoohoogly et O'Haggis. Tard dans la nuit, un rayon de lumire brillait encore travers le store rouge de la chambre coucher de Marthe. De temps en temps, un souffle de vent cartait furtivement les lourdes draperies vertes du salon des O'Haggis, rvlant la prsence de Maud enfonce dans un fauteuil profond, un livre troitement serr dans les mains. Un dern ier autobus passa en ronflant, rame nant chez eux les nettoyeurs de bureaux de l'quipe de nuit. Au loin, un train passa dans un grand vacarme de ferraille, les lourds wagons de marchandises oscillant et cliquetant sur les rails d'une gare de manuvre et de triage . Il y eut ensuite le gmissement d'une sirne. Police ou ambulance, peu importait pour Maud profond ment plonge dans son livre. L'horloge de l'Htel de Ville fit entendre son carillon indiquant que l'aube tait proche. Finalement, la lumire s'tei gnit dans la chambre coucher de Marthe. Bien tt galement, les lumires s'teignirent au rez-de-chausse dans le salon de Maud. Le tapage d'un laitier matinal troubla cette pai sible atmosphre. Bientt parurent les boueurs avec leurs camions roulant au milieu du fracas mtallique des poubelles. Des autobus volurent dans la rue pour embarquer les ouvriers mati naux et les transporter billants leur travail. 24

Une myriade de chemines laissaient chapper de la fume. Des portes s'ouvraient et claquaient : les gens partaient, entamant leur course contre la montre pour att raper leur train. Le store rouge de la chambre coucher de Mar the fut remont avec une telle violence que la houppe de la cordelire dansa une gigue. Les yeux embrums de sommeil de Marthe jetrent un regard dconcert sur un monde indiffren t. Ses cheveux boucls en bigoudis serrs lui don naient un air farouche et hi rsute, tandis que sa vaste chemise de nuit en flanelle accentuait sa forte tail le et ses avantages plus que volumineux. Plus tard, chez les Q'Haggis, la porte s'ouvrit lentement et un bras se tendit au-dehors pour atteindre la bouteille de lait dpose sur le pas de la porte. Longtemps aprs, la porte s'ouvrait de nouveau et Maud apparaissait vtue d'un pei gnoi r ray . L'air fatigu, elle secoua deux paillas sons, billa violemment, puis se retira de nouveau dans la solitude de sa demeure. Un chat solitaire mergea de quelque passage obscur, sc ruta prudemment les alentou rs avant de s'aventurer posment sur la chausse. Au milieu de la rue, il s'arrta, s'assit et fit sa toi lette, face, oreilles, pattes et queue, avant de se remettre en marche en gute de son djeuner vers quelque obscur recoin.

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Timon ! Timon! C'tait une voix stridente, terrifie, dont l'intensit exasprait les nerfs . Timon, RVEILLE-TOI, ton pre est mourant. Lentement, le jeune garon mergea des profon deurs d'une totale inconscience. Lentement, il lutta travers les b rouillards du sommeil, cher chant ouvri r ses paupires lourdes comme du plomb . Timon, tu DOIS te lever. TON PRE EST MOURANT! Une main lui empoigna les cheveux et le secoua violemment. Timon ouvrit les yeux. Soudain, il se rendit compte du bruit qu'il perce vait, un bruit trange, rauque, comme un yak qui s'trangle , pensa-t-il. Curieux, il s'assit et regarda autour de lui, cherchant percer la pnombre de la petite pice. Sur un rebord, tait pos un plat en marbre o une motte de beurre flottait dans son huile. Gros sirement enfonc dans le beurre non fondu, un informe ruban d'toffe rugueuse faisait office de mche. La flamme grsillait, vacillait et baissait, jetant sur les murs des ombres tremblotantes. Un courant d'air faisait momentanment plonger la mche qui crachotait, et la flamme devenait plus chtive encore. Puis, imprgne de gras par suite 27

de son immersion partielle, elle se ravivait, en voyant travers la chambre ses doigts fumeux de suie. TIMON ! ton pre est mourant, tu dois te dp cher d'aller chercher le lama ! criait sa mre, dsespre. Lentement, encore abruti de som meil, Timon se mit sur pied contrecur et s'enroula dans son unique vtement. Le grince ment s'acclrait, ralentissait, puis reprenait son rythme monotone et effrayant. Timon s 'approcha du ballot en dsordre ct duquel se blottissait sa mre. Baissant les yeux, il se sentit glac d'effroi la vue du visage de son pre rendu plus spectral encore par la lueur tremblotante de la bougie. Bleu, il tait bleu, jetant autour de lui un regard dur, froid. B leu sous l ' annonce de la crise cardiaque . Tendu sous les s ignes de la rigor mor tis alors qu'il vivait encore. Timon ! dit sa mre, tu doi s aller chercher le lama ou b ien ton pre mourra sans que personne soit l pour le guider. Dpche-toi, DPCHE TOI ! Se retou rnant brusquement, Timon se pr c ipita vers la porte . A l'extrieur les toiles bril laient, froides et implacables dans l'obscurit qui prcde l'aube, l'heure o l'Homme est le plus sensible l'chec et l 'hsi tation. Refroidi par les bancs de brume qui estom paient la crte de la montagne, un vent aigre tour billonnait, roulant la pierraille et soulevant des nuages de fine poussire. Le petit garon, peine g de dix ans, s 'arrta et frissonna, essayant de percer les tnbres mdiocrement attnues par la ple lueur des toiles . Pas de lune ce jour-l, c'tait le mauvais moment du mois. Les montagnes se dressaient dures et noires, ourles d'une bande violette qui 28

montrait o commenait le ciel. De l'endroit o une vague tache pourpre s'talait j usqu' la rivire qui luisait peine dans la valle, un minuscule lot de lumire jaune vacil lante brillait d'une intensit particulire dans la nuit d'encre. Le garon se mit vivement en route, courut, sauta, bondit par-dessus les rocs effondrs, dsi reux d'atteindre au plus vite le sanctuai re o bri l lait la lumire. Des silex acrs blessaient ses pieds sans chaussures. Des galets ronds - vestiges peut-tre de quelque ancien fond marin - glissaient tra treusement sous ses pas. De gros cailloux se des s inaient, dangereux, et meurtrissaient l'enfant qui, aiguillonn par la peur, les effleurait dans sa course. Au loin, la faible lueur entrevue lui faisait signe. Son pre mourant avait besoin du secours d'un lama qui guiderait les pas chancelants de son me. Il acclra sa course. Dans l 'air rarfi de la montagne, sa respiration devint un halte ment rauque. Bientt, il eut mal , ressentant les affres du point de ct qui abat ceux qui la course impose des efforts exagrs. La douleur s'intensifia, inhumaine. Haut-le-cur et sanglots rendirent plus pnibles enco re ses efforts pour inspirer. Il fut forc de ralentir sa course qui devint un trot rapide et ensuite, pendant quel ques instants, une marche irrgulire. La lumire lui faisait signe, fanal d'esprance sur un ocan de dsespoir. Qu'allait-il advenir d'eux dsormais ? se demandait-il. Comment vivraient-ils ? Comment mangeraient-ils ? Qui veillerait sur eux ? Son cur battait tout rom pre comme prt clater dan s sa poit rine qui se soulevait douloureusement. La transpiration 29

ruisselait sur sa peau et devenait glace au con tact de l 'air vif. Son unique vtement tait en loques, dcolor, et ne le protgeait gure contre les lments. Ils taient pauvres, dsesprment pauvres, et sans doute allaient-ils le devenir davantage avec la mort du pre, le soutien fami lial. La lumire continuait lui faire signe, annon ciatrice d'un havre dans un ocan de terreur. Elle clignotait, dcroissait, puis se ranimait de nou veau, comme pour rappeler l'enfant que si la vie de son pre vacillait, elle recommencerait briller une fois pass les confins de ce monde impitoyable. Avec un sursaut d 'nergie, l 'enfant se remit courir comme un forcen, serrant les coudes sur ses flancs, bondissant la bouche grande ouverte, bandant ses muscles pour gagner les secondes qui fuyaient. La lumire grandit, comme un soleil prt le rchauffer. A ct, la Rivire Heureuse coulait en se moquant tout bas des petites pierres qu'elle avait entranes depuis les hauteurs montagneu ses o elle avait pris naissance, et son mince ruban luisait, blme, la ple clart des toiles. Dsormais , le garon distinguait vaguement devant lui la masse sombre d'une petite lamase rie perche entre la rivire et le flanc de la mon tagne. Comme il regardait la lumire et la rivire, il eut un instant d'inattention et sa cheville se droba sous lui. Il fut projet violemment terre, s'corchant les mains, les genoux et le visage. Sanglotant de douleur et de rage, il se remit pni blement sur pied et reprit sa marche boitillante. Soudain, juste en face de lui, une silhouette ap parut. Qui est dehors, sous nos murs ? demanda 30

la voix caverneuse d'un vieillard. Qu'est-ce qui t'amne cette heure matinale ? A travers ses paupires gonfles de larmes, Timon aperut, devant lui, un vieux moine courb par le poids des ans . Oh ! tu es bless - entre, et je veillerai sur toi . dit encore la voix. Le vieillard se tourna lentement et introduisit le garon dans la lamase rie. Timon battit des paupires devant la lumire soudaine d'une petite lampe beurre dont la bril lance l'aveuglait aprs l'obscurit de l'extrieur. L'atmosphre tait lourde du parfum de l'encens. Timon resta un moment interdit, puis dbita son message . Mon pre est mourant et ma mre m'a envoy pour qu'on vienne son aide afin qu'il puisse tre guid dans son voyage. Il est mourant. Le pauvre garon s'affaissa sur le sol, couvrant de ses mains ses yeux pleins de larmes. Le vieux moine sortit pas tranants. B ientt, on l'entendit en conversation chuchote dans une autre pice. Timon s 'tait assis par terre, pleu rant et s'apitoyant sur son sort dans un accs de frayeur. Soudain, il se ressaisit. Une voix rconfortante lui disait : Mon fils , mon fils! Ah ! c'est le jeune Timon, ou i. Je te connais, mon garon. Timon se prosterna avec respect puis se releva lente ment, s'essuyant les yeux avec le coin de sa tuni que et barbouillant ainsi son visage mouill de larmes en y talant la poussire humide de la route. Raconte-moi, mon garon , demanda le lama, car c 'tait lui que Timon reconnaissait maintenant. Timon s 'excuta et quand il eut fini, le lama lui dit : Viens, nous irons ensemble. Je vais te prter un poney. Bois d'abord ce th et mange ce tsampa, car tu doi s tre affam et la route est logue et fatigante. 31

Le vieux moine s'avana, apportant la nourri ture, et Timon s'assit pour manger tandis que le lama alla veiller aux prparatifs. On entendit le bruit de chevaux. Le lama revint: Ah ! Tu as fini. Bien, maintenant, partons ! Sur la c rte lointaine de la montagne qui ceint la Plaine de Lhassa, les premiers rayons dors de l'aube annonaient la naissance d'un jour nou veau. Soudain, un trait de lumire brilla travers un col de la haute montagne et toucha, l'espace d'un instant, la maison des parents de Timon, tout l'extrmit de la route. Mme le jour meurt, mon garon, dit le lama, mais en quelques heures il renat et c'est un jour nouveau. Ainsi en est-il de tout ce qui vit. Trois poneys attendaient en piaffant devant la porte ; ils taient sous la garde trs relative d'un acolyte peine plus g que Timon. Il nous faut monter ces choses-l, chuchota-t-il Timon. Mets les mains sur ses yeux s'il ne veut pas s 'arrter. Et il ajouta, mlancolique : Si cela ne l 'arrte pas, sauve qui peut ! D'un mouvement leste, le lama enfourcha sa monture. Le jeune serviteur aida Timon faire de mme puis, d'un bond dsespr, il sauta sur son poney et s 'loigna la suite des deux autres qui dj se fondaient dans l 'obscurit qui noyait encore le pays. Le bord suprieur du disque solaire apparut au-dessus du sommet oriental et des rayons de lumire dore zbrrent les cimes des monta gnes. L'humidit gele par l 'air froid rflchit une myriade de couleurs provenant des prismes de glace. Des ombres gantes se mirent barrer le paysage accident quand les voiles de la nuit s 'cartrent devant l 'approche impitoyable du 32

jour. Les trois voyageurs solitaires, simples grains de boue dans l' immensit de cette terre strile, chevauchaient travers une tendue par seme de cailloux, vitant les blocs de rocher et les fondrires d'autant plus facilement qu'il fai sait de plus en plus clair. Bientt, ils distingurent, debout ct d'une maison dsole, une femme qui, la main en abat jour devant ses yeux, scrutait le sentier, esprant le secours si lent venir. Les voyageurs avan aient, se frayant un chemin difficile au milieu des dbris rocheux. Je ne sais pas comment tu as pu t'en tirer si bien, mon garon, dit le lama Timon, cela a d tre terrible . Mais le pauvre Timon tait trop effray et trop las pour rpon dre. Il oscillait chaque pas et somnolait sur le dos du poney. Ils gardrent le silence jusqu' la maison. Devant la porte, la femme se tordait les mains et baissait la tte en un geste de dsarroi et de respect mls. Le lama sauta terre et s'appro cha. Son serviteur se laissa glisser bas de son poney et se prcipita pour aider Timon, mais trop tard : le jeune garon culbuta ds que le poney s 'arrta. Saint lama, dit la femme d'une voix boulever se, mon mari va mourir. Je l'ai gard conscient mais je craignais que vous n'arriviez trop tard. Oh ! Qu'allons-nous faire ? Conduis-moi auprs de lui, ordonna le lama. Elle le prcda dans la maison tout obscure. Un tissu huil bouchait les ouvertures pratiques dans les murs car, dans cette rgion du pays, il n'y avait pas de vitres. On les remplaait par des toffes huiles rapportes de l'Inde lointaine. Ainsi, dans la cabane rgnait une clart insolite 33

et flottait une odeur particulire : celle de l'huile qui se dessche et de la suie dgage par la lampe beurre qui ne cessait de charbonner. Le sol tait en terre battue et les murs forms de grosses pierres assembles avec soin et dont les joints taient bouchs au moyen de fumier de yak. Au milieu de la pice, couvait un petit feu dont le combustible tait aussi du fumier de yak. La fume du feu stagnait dans la pice ; une par tie seulement s'chappait par l'orifice perc dans le toit cet effet. Le long du mur faisant face l'entre, il y avait sur le sol un ballot qu' premire vue on aurait pu prendre pour un tas de chiffons qu'on aurait empils l, mais on se rendait compte de son erreur en entendant les sons qui s'levaient de ce ballot. Des sons grinants et rauques qui rappe laient les rles de l'agonie. Le lama se dirigea vers le mourant, un homme d'un certain ge, mince, marqu par les preuves de la vie, qui avait vcu conformment toutes les croyances de ses anc tres, sans avoir une ide personnelle sur les choses. Il gisait l, sanglotant, haletant, le visage bleui par le manque d'oxygne, luttant pour garder un reste de conscience ; car, d'aprs sa croyance et d'aprs la croyance traditionnelle, son passage dans l'autre monde serait plus ais grce la pr sence d'un lama expriment . Il leva les yeux et une lueur fugace de plaisir passa sur son visage blme : il avait reconnu le lama. Celui-ci se laissa tomber ct du mourant et posa les mains sur ses tempes en prononant des paroles apaisantes. Derrire lui, le jeune acolyte se hta de dposer des encensoirs et de prlever 34

un peu d'encens dans un paquet. Il retira de sa poche une mche de briquet, une pierre feu et un fer puis, approchant habilement une tincelle de la mche, souffla pour enflammer la mche de faon pouvoi r allumer l'encens ds qu'il le fau drait. Pas question pour lui d'employer le systme, plus facile mais irrvrencieux, qui consistait approcher l'encens de la lampe beurre : c'et t un manque de respect pour le rituel. Il allu merait l'encens selon la tradition, cet ardent jeune homme qui nourrissait la haute ambition de devenir lui-mme prtre. Le lama, assis dans la position du lotus auprs du moribond, fit un signe de tte l'acolyte qui alluma alors le premier bton d'encens. La flamme ne toucha que l'extrmit du bton et, lorsque ce bton fut port au rouge, il souffla la flamme, laissant l'encens se consumer. Le lama dplaa lgrement ses mains pour les poser sur la tte de l'homme en disant : Esprit qui es sur le point de quitter cette bote de chair, nous allumons le premier bton d'encens pour attirer ton attention, pour te guider travers les prils que ton imagination dsoriente suscitera devant toi. Un trange apaisement se lut sur le visage du mourant recouvert d'une fine couche de transpi ration, la sueur de la mort qui approche. Le lama saisit fermement la tte du moribond et fit un lger signe son acolyte. De nouveau, celui-ci se pencha en avant, alluma le second bton d'encens, et souffla la flamme, lai ssant le deuxime bton brler lentement. Esprit, qui es sur le point de partir pour la Ralit Suprieure, la Vraie Vie qui existe 35

au-del de celle-ci, le moment de la dlivrance est arriv. Prpare-toi garder ta conscience ferme ment fixe sur moi pendant que tu quittes ton corps prsent, car j 'ai beaucoup te dire. Fais attention. Le lama fit de nouveau un mouve ment en avant et plaa ses doigts entrecroiss sur le sommet de la tte de l 'homme. La respiration stertoreuse du mourant devint irrgulire. Sa poitrine se soulevait et retombait. Soudain, il fit entendre un hoquet court, aigu, semblable une toux, et son corps se cambra vers le haut au point de n 'tre plus soutenu que par l 'arrire de la tte et les talons . Pendant un temps qui parut intermi nable, il resta ainsi, arc rigide de chair et d'os. Soudain, il eut une secousse, se jeta vers le haut, si bien qu'il tait peut-tre un pouce, peut-tre deux du sol, pour s'crouler comme un sac de bl demi rempli qu'on lance ngligemment dans un coin. Un dernier souffle d'air s'chappa des pou mons, le corps se contracta, puis s'immobilisa. A l'intrieur, on entendit le gargouillement des liquides, le grondement des organes et le tasse ment des articulations . L e lama fit d e nouveau signe l'acolyte qui approcha immdiatement la flamme du troisime bton d'encens. Esprit libr du corps souf frant, fais attention avant de partir pour ton voyage ; fais attention, car par suite de tes con naissances errones, de tes imaginations erro nes, tu as tendu des piges qui peuvent entraver ce voyage, ton voyage. Fais attention : je vais t'indiquer les dmarches suivre et le chemin qu'il faut emprunter. Fais at tention ! Dehors, le vent du matin se levait tandis que la faible chaleur du soleil effleurant la crte de la montagne commenait dissiper le froid de la 36

longue nuit. Ds les premiers rayons de cette cha leur pourtant mdiocre, des courants d'air se levrent du sol glac et provoqurent de petits tourbillons de poussire qui tournoyaient et cr pitaient contre les toffes huiles des ouvertures de la pice. Le bruit sourd des rafales de vent par venait la femme qui, veillant dans l'encadre ment de la porte, s'effrayait, croyant entendre les Dmons qui essayaient d'atteindre son mari tendu mort devant elle. La malheureuse pensait la gravit de l'vne ment qui venait de se produire. Quelques instants auparavant, elle tait marie un vivant, un homme qui, pendant des annes, avait pourvu ses besoins, lui avait apport soutien et scurit. Et, dsormais, il gisait mort devant elle, dans leur chambre, sur le sol de terre battue. Qu'allait-elle devenir ? Elle n'avait que son fils, un fils trop jeune pour travailler et gagner de quoi vivre. Et elle souffrait d'une maladie qui atteint parfois les femmes auxquelles personne ne prte assistance au moment de l'accouchement. Elle avait tran une existence pnible depuis la naissance de son fils. Le lama s'agenouilla prs du mort, lui ferma les yeux et posa de petits cailloux sur les pau pires pour les empcher de se soulever. Il plaa un bandeau sous le menton du dfunt qu'il noua au sommet du crne afin de main tenir la mchoire, qui s'affaissait, serre, et la bouche ferme. Puis, au signal qu 'il donna, un quatrime bton d'encens fut allum et soi gneusement plac dans son support. Maintenant quatre btons d'encens se consumaient et "la fume qu'ils dgageaient s'levait vers le haut, toute droite, dans la pice mal are en quatre 37

colonnes paisses, comme dessines la craie gris bleut. Le lama parla de nouveau : Esprit, tu as quitt le corps qui est devant nous ; le quatrime bton d'encens a t allum pour attirer ton attention et te retenir ici pendant que je te parle, pendant que je t'explique ce que tu vas trouver. Esprit, tu es sur le point de t'en aller, tiens compte de mes paroles afin que ta migration soit parfaite. Le lama jeta sur le cadavre un regard triste. tant initi, il pouvait voi r l'aura du corps humain, ce halo trangement color - multico lore - qui tournoyait et serpentait autour d'un tre vivant. Or, en regardant le cadavre, il voyait que cette manation tait presque teinte. Au lieu des couleurs nomb reuses, celles de l'arc-en-ciel et b ien d'autres, il n'y avait plus qu'un tourbillonne ment gris-bleu vi rant au noir. S 'levant du corps, ce gris bleut montait jusqu' envi ron deux pieds au-dessus de la dpouille mortelle. L, une prodi gieuse activit avait l ieu. On et dit un essaim de lucioles volant toute vitesse, des lucioles qui auraient t entranes comme des soldats et qui cherchaient retrouver les places qu'on leur avait pralablement assignes . Ces petites parti cules lumineuses se dplaaient, tourbillon naient, s'entremlaient, et voil Que, sous les yeux du lama, devant son troisime il, apparut une rplique du cadavre qui avait l'apparence d'un jeune homme. Imprcise, elle flottait nue deux pieds environ au-dessus du corps. Elle s'le vait et retombaif faiblement de deux ou trois pouces

pour regagner sa position initiale, et chaque mouvement les dtails devenaient plus nets, le 38

la fois, peut-tre, s 'levait de nouveau

corps d'abord transparen t s'toffait et devenait plus substantiel. Le lama s'assit et attendit. La lueur gris bleut du corps s'effaait tandis que la lumire multi colore du second corps, qui flottait au-dessus du premie r, devenait plus forte, plus vive. Enfin le corps fantme se gonfla, eut une secousse et se renversa tte en l'air et pieds en bas. Le lien trs mince qui subsistait entre la chair morte et l'esprit vivant se rompit . Dsormais l'esprit tait une entit complte, vivant en totale indpendance du corps qu'il avait ha bit. Immdiatement, la pice fut envahie par l'odeur de mort, l'odeur trange, pimente, d sagrable, d'un corps qui commence s'alt rer. Le jeune acolyte tait assis derrire les btons d'encens qui se consumaient; il se leva avec prcaution et se dirigea vers la porte ouverte. S'inclinant devant la jeune veuve et son fils Timon, il les poussa doucement hors de la pice dont il ferma la porte. Puis il se plaa le dos la porte et attendit un moment avant de chucho ter part lui : Fi, quelle peste ! Il se dirigea sans bruit vers l'toffe huile qui obturait une fentre et en desserra un coin pour faire entrer de l'air frais. Un nuage de sab le chass par le vent s'engouffra dans la chambre et le fit cracher et tousser. Referme cette fentre ! dit le lama d'une voix contenue. Avanant, les yeux demi clos, l'acolyte ttonna en aveugle pour saisir l'toffe qui claquait au vent . Enfin il parvint coincer le tissu dans le chssis de la fentre. Bien, j 'ai au moins eu une bouffe d'air frais, cela vaut mieux que cette puanteur ! pensa-t-il part lui avant 39

de reprendre sa place derrire les quatre btons d'encens fumants. Le corps gisait inerte sur le sol. Il s'en dga geait le gargouillement de liquides interrompus dans leur course et trouvant leurs propres niveaux. On entendait aussi gronder et gmir les organes qui cessaient peu peu de vivre, car un corps ne meurt pas instantanment, mais par ta pes, organe par organe. Les cent res suprieurs du cerveau qui meurent d'abord pour entraner dans une suite ordonne l 'arrt des autres organes qui, n'tant plus dirigs par le cerveau, cessent de fonctionner, cessent de produire les scrtions ou de transmettre la substance dont ne peut tre priv ce mcanisrne compliqu qu 'on appelle un corps. Lorsque la force vitale se retire, elle quitte les limites du corps et se rassemble au-dehors, cons tituant une masse amorphe juste au-dessus du corps. Elle plane sous l'effet de l'attraction magntique tant qu'un flux de particules de vie habite la dpouille. Peu peu, les organes de plus en plus nombreux perdant leur force de vie, la forme mince qui flotte au-dessus du corps de chair finit par lui ressembler. Quand la ressem blance est complte, l'attraction magntique cesse et le corps spirituel commence, flottant, son voyage dans l'au-del. Dsormais, l'esprit, dtach du corps mort, flottait. Il tait lui-mme boulevers et terrifi. Natre l a vie sur Terre avait t pour lui une exprience traumatisante. Cela signifiait mourir une autre forme d'existence. Mourir sur Terre signifiait que le corps-esprit renaissait dans l 'aut re monde, dans le monde spirituel. Mainte nant, la forme planait, plus haut, plus bas, et 40

attendait les instructions du lama initi, dont toute la vie tait voue aider ceux qui quittaient cette Terre. Le lama observait la dpouille et son aura, recourant ses sens tlpathiques pour estimer les aptitudes de l'esprit libr et s'assurer que le troisime il du mort tait rellement mme de voir sa forme. Enfin, le lama rompit le silence pour livrer son enseignement . Esprit libr, dit il, coute mes penses afin que ton voyage soit facilit . Prends garde aux instructions que je vais te donner afin d'aplanir les obstacles qui se dres sent sur ton chemin, car des millions ont suivi ce chemin avant toi et des millions le suivront aprs tai. L'entit flottante qui, peu de temps aupara vant, tait sur Terre un homme passablement alerte, remua. Une teinte verdtre se rpandait su r tout son tre. Une faible ondulation le par courut d'un bout l'autre puis il retomba dans son inertie. On avait la sensation, mal dfinie cependant, que cette entit tait sur le point de s'veiller du coma rsultant du passage de la mort sur Terre la naissance sur le plan de l'esprit. Le lama tudiait, valuait. Enfin, il reprit, s'adressant par tlpathie l'esprit . Esprit rcemment libr des liens de la chair, coute moi. Un cinquime bton d 'encens est allum pour attirer ton attention vagabonde et la gui der. Le jeune acolyte s'tait dsintress de la scne et se demandait comment filer de l pour aller jouer. Il faisai t un temps idal pour lancer des cerfs-volants. D'autres garons taient dehors - pourquoi pas lui ? Pourquoi devait-il . . . Rappel l a ralit, il alluma e n hte l e cin41

quime bton d'encens, soufflant la flamme avec une telle nergie que le bton incandescent brus quement se renflamma. La fume s'levait, tressant des doigts tnus autour de l'esprit qui ondulait doucement au dessus du corps mort. Le jeune acolyte replongea dans sa rverie. Lancer un cerf-volant donnait rflchir. Une corde attache un peu plus en arrire aurait comlne effet de donner l 'air un angle d'attaque plus grand et, de ce fait, contri buerait acclrer l'ascension de la lgre car casse de papier. Ses rflexions furent de nouveau interrompues par les paroles du lama. Esprit libr, psalmodiait-il, ton me doit devenir active. Tu t 'es trop longtemps fltri sous le poids des superstitions des ignorants. Je t'apporte le savoir. Le sixime bton d'encens est allum pour t 'apporter la connaissance, car tu dois te connatre toi-mme avant d'entreprendre ton voyage. Cherchant le bton d'encens qu'il venait de lais ser tomber, l'acolyte gratta frntiquement le sol en terre battue, et murmura une exclamation qu'on n'enseigne pas dans la lamaserie lorsque ses doigts rencontrrent l'amadou qui se consu mait lentement et juste un peu plus loin le bton. Il y mit le feu en toute hte et l 'enfona dans le brle-parfum. Le lama avait pos sur lui un regard dsappro bateur tout en continuant ses recommandations l'Esprit. Du berceau jusqu' la tombe, ta vie a t entrave par la superstition et de sottes frayeurs. Sache que beaucoup de tes c royances ne sont pas fondes. Sache que les dmons que tu redoutes sont ns de ta propre invention. Le septime bton d 'encens est allum pour te 42

retenir ici afin que tu puisses tre instruit et pr par comme il convient pour le voyage que tu vas entreprendre. L'acolyte tait prt, l'encens fut allum et plac pour se consumer lentement ; le lama reprit ses exhortations. Nous ne sommes que des marionnettes de l'Un qui est Trs Haut ; nous avons t mis sur Terre pour qu'il puisse exprimenter les choses de la Terre. Nous ne ressentons que faiblement notre droit d'anesse, nos associations ternelles, et du fait que nous les prouvons si obscurment, nous avons peur et nous rationalisons. Le lama cessa de parler et observa la forme nuageuse qui planait silencieuse devant lui. Il l'observait et constatai t son rveil graduel, son retour la conscience. Il comprenait sa panique, son incerti tude ; il pressentait, dans une certaine mesure, le choc terrible qu'prouvait cet tre arrach son entourage et aux choses qui lui taient familires. Il pressentait et il comprenait. La forme spirituelle plongeait et oscillait. Le lama poursuivit : Dis ce que tu penses. Je rece vrai ces penses si tu surmontes la stupeur du choc. PENS E que tu es capable de me parler. La forme spi rituelle palpita et vacilla ; des rides ondulrent sur toute sa longueur. Puis, pareil au premier ppiement d 'un oiseau qui vient d'clore, le gmissement d'une me effraye se fit entendre. Je suis perdu dans le dsert, disait-il. J'ai peur des dmons qui me cernent . Je redoute ceux qui voudraient m 'entraner dans les rgions infrieu res pour me brler ou me geler jamais. Le lama mit un lger rire de compassion . Esprit, qui t'effraies pour rien, coute-moi bien. carte tes crain tes superflues et coute-moi. Accorde43

moi ton attention pour que je puisse te guider et te soulager. Je t'entends, saint lama, fut la rplique de la forme spirituelle, et je vais prter attention tes paroles. Le lama fit un signe au jeune acolyte qui saisit un bton d'encens. Oh ! esprit effray, psalmo dia le lama, le huitime bton d'encens est allum pour que tu puisses tre guid . L'acolyte se hta d'approcher de l 'encens la mche du briquet et, satisfait du rsultat, l 'enfona solidement dans l'encensoir, o il ne restait plus qu'une place vide remplir. Sur Terre, dit le lama, l'homme est une cra ture absurde, encline croire ce qui n'est pas, de prfrence ce qui est rellement. L'homme est fortement port la superstition et aux croyances mensongres. Toi, Esprit, tu crains que des dmons ne s'emparent de toi. Pourtant, les dmons n'existent pas en dehors de tes pen ses. Ils disparatront en fume, comme sous l'effet d'un grand vent, si tu reconnais ce qui est la vrit. Autour de toi, il y a des esprits lmentaires, des formes indiffrentes qui se contentent de reflter ta terreur comme un tang d 'eau calme reflte tes traits si tu t 'y penches. Ces esprits lmentaires ne sont p as dangereux, ce ne sont que des crations du moment, semblables aux penses d'un homme ivre. N 'aie aucune crainte, il n'y a l rien qui puisse te causer du mal. La forme spirituelle geignit d'effroi et dit, tl pathiquement : Mais je VOIS des dmons, je VOI S des monstres qui produisent d es sons inarticuls en tendant dans ma direction leurs mains grif fues. Ils vont me dvorer. Je vois les traits de 44

ceux qui j 'ai fait du tort dans la vie et qui main tenant viennent rclamer mon chtiment. Le lama leva les mains en signe de bndiction et dit : Esprit, coute attentivement ce que je te dis. Fixe des yeux le pire de tes tortionnaires ima ginaires. Regarde-le avec svrit et ordonne-lui de s'en aller. Imagine-toi qu'il disparat comme une bouffe de fume. Il disparatra, car il n'existe que dans ton imagination enfivre. Pense MAI NTENANT. Obis. La forme spirituelle se souleva et vacilla. Ses couleurs flamboyrent selon toute la gamme du spectre et alors, s'leva le cri tlpathique du triomphe : Ils sont partis ! Elle se dilata et se contracta, exactement comme un homme de la Terre essouffl aprs avoir fourni un violent effort. Il n'y a rien craindre sauf la crainte, dit le lama. Si tu n'as pas peur, alors RI EN ne peut te faire du mal. Maintenant, je vais te dire ce qui t'attend et alors, tu entreprendras l'tape sui vante de ton voyage vers la Lumire. La forme spirituelle tincelant de couleurs vives manifes tait de la confiance et montrait que toute peur l'avait quitte. Maintenant, elle attendait, se reine. Maintenant, il est temps pour toi, dit le lama, de continuer ton voyage. Quand je te librerai, tu ressentiras une forte envie de flot ter. N 'y rsiste pas. Les courants de la vie te port eront travers des nuages tourbillonnants de brouillard. D'hor ribles figures te scruteront travers l 'obscurit mais ne les crains pas - sur ton ordre, elles dis paratront. Garde tes penses pures, ta mine calme. Tu arriveras bientt sur une agrable pelouse verte o tu ressentiras la joie de vivre. 45

D'aimables auxiliaires viendront au-devant de toi et te feront bon accueil. Ne crains rien. Rponds leur, car l, tu ne pourras pas rencontrer ceux qui voudraient te nuire . La forme spirituelle se balanait doucement en mditant sur ces remarques . Le lama reprit : Ces auxiliaires t'escorteront j usqu' la Salle des Souvenirs, le lieu qui rassemble toutes les con naissances, le lieu o sont consignes toutes les actions, bonnes ou mauvaises, que n'importe lequel d'entre nous a commises. Tu entreras dans la Salle des Souvenirs, et toi seul verras ta vie telle que tu l 'as vcue et telle qu'elle aurait d tre. Toi, et toi seul, jugeras du succs ou non de tes efforts . Il n'existe pas d'autre jugement, pas d'autre enfer que celui que ta conscience coupa ble crera pour toi. Il n 'existe ni damnation ter nelle, ni supplices. Si tu as chou dans la vie, alors toi, et toi seul, peux dcider de retourner plus tard sur Terre pour y fai re un nouvel essai . Le lama se tut et fit signe l'acolyte qui prit le dernier bton d'encens . Esprit qui es instruit maintenant, dit-il , poursuis ta route. Voyage en paix. Voyage en sachant que tu n'as rien craindre, sauf la crainte. Lentement, la forme spirituelle s 'leva, fit une courte pause pour jeter un dernier regard dans la pice ; puis, elle s'chappa par le plafond et disparut. Le lama et son acolyte se levrent, rassemblrent leur matriel et quittrent la cabane. Plus tard, alors que le soleil atteignait son znith, un homme vtu de haillons entra dans la pice dserte. Il en ressortit, portant sur son dos une forme enveloppe dans un linceul : la dpouille mortelle du pre de Timon. Il avana pniblement sur le sentier pierreux et porta le 46

cadavre l'endroit o les membres du dfunt seraient cartels et fracturs afin que les vau tours se nourrissent de cette dpouille. Ainsi, lorsque les temps seraient accomplis, les restes du corps transforms retourneraient la Terre Mre.

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Ho ! ho ! ho ! Dans la chamb re retentissaient de grands clats de rire. Un j eune homme mince se tenait accroupi le menton sur les genoux. Il riait franchement . H, Juss ! dit-il, reprenant son srieux. As-tu lu CECI ? M. Justin Towne couvrit soigneusement l'orgue portatif et se leva. Lu quoi ? demanda-t-il, maussade. M. Denis Dollywogga, avec un large sourire, agita un livre au-dessus de sa tte. a, s'cria t-il. Ce type pense que nous tous, homos, sommes des malades ! Il pense que nous avons des trou bles glandulaires, il pense que nous sommes tous un mlange d'homme et de femme. Ho ! ho ! ho ! Justin traversa la chambre et prit le livre que son ami lui tendait. L'ouvrage s'ouvrit de lui mme la page 99 ; on l'avait ouvert trop violem ment cet endroit au cours d'un accs d'hilarit : la reliure avait craqu. Dennis jeta un coup d'il par-dessus l'paule de son ami et indiqua un pas sage : L, a commence LA ! Juss, ce type doit tre un fameux rtrograde. Il s'tendit molle ment sur un canap. Justin astiqua les verres de ses lunettes qu'il replaa sur son nez ; puis, il se mit lire : Dans le tohu-bohu des arrives de 49

l'astral ce monde que nous appelons Terre, des confusions se produisent. Natre est une preuve traumatisante qui fait appel un mcanisme dli cat qui peut facilement tre perturb. Prenons l 'exemple d'un bb sur le point de venir au monde. Pendant la grossesse, sa mre a nglig son alimentation et a eu une mauvaise hygine de vie. L'enfant n'a donc pas reu ce que nous pour rions appeler un apport chimique quilibr. Par manque d 'un lment chimique, le dveloppe ment de certaines glandes a pu tre arrt. Disons que le nouveau-n allait tre une fille, il nat, en fait, garon, un garon dot des tendan ces d'une fille. Les parents, se rendant compte qu'ils ont un malheureux mollasson, pourraient attribuer son temprament l'excs de faiblesse dont ils font preuve son gard. Ils essayent de lui enfoncer dans la tte un peu de bon sens d'une manire ou d'une autre pour le rendre plus viril ; c'est peine perdue. Si les glandes sont diffrentes de ce qu'elles devraient tre, le garon reste une fille dans un corps de garon. A la pubert, le garon peut ne pas se dvelop per de faon satisfaisante ou encore il le peut en effet, selon toutes les apparences extrieures. A l'cole, il fait partie des poules mouilles ; le mal heureux n 'y peut rien. Quand il atteint l'ge d'homme, il s'aperoit qu'il est incapable de "faire les choses qui vien nent naturellement " ; au lieu de cela, il court aprs des garons. Il le fait naturellement parce que tous ses dsirs sont ceux d'une femme. Sa psych est de nature fminine m ai s , par un mal heureux concours de circonstances, son corps est masculin. 50

Il devient alors ce qu'on appelle familire ment une tttapette " , il a des tendances homo sexuelles. Plus la psych est fminine, plus forts sont les penchants homosexuels. Si une femme a une psych masculine, elle ne s'intressera pas aux hommes mais aux femmes, parce que sa psych, qui est plus proche du Sur Moi que son corps physique, transmet des messa ges droutants au Sur-Moi et celui-ci renvoie une sorte de commandement : ttMets-toi l'uvre, montre-nous ce que tu sais faire ! " La pauvre mal heureuse psych masculine prouve de la rpul sion l' ide de t t montrer ce qu'elle sait faire" avec un homme. Tout l'intrt de la femme se concentre donc sur une femme et l'on a ainsi le spectacle d'une femme qui fait l'amour une femme . Ces relations sont dites lesbiennes du nom d'une le grecque o c'tait t t la chose qu'on faisait". Il est absolument vain de condamner les homosexuels ; ceux-ci ne sont pas des sclrats. On devrait plutt les classer parmi les malades atteints de troubles glandulaires et si la mdecine avait l'intelligence voulue, elle s'efforcerait de remdier ce mal. D'aprs mes expriences rcentes, j e suis de plus en plus convaincu que les mdecins occiden taux sont un tas d'idiots pouilleux dont le seul dsir est de gagner de l'argent rapidement. Mes propres expriences ont t dplorables. Toute fois l n'est pas mon propos, je veux parler des homosexuels. Un mdecin l'coute de ses patients homo sexuels pourra prescrire des extraits glandulai res qui amlioreront beaucoup leur tat et leur rendront la vie supportable. Malheureusement, 51

la gnration actuelle de mdecins parat se proccuper uniquement de gagner de l'argent, aussi faudra-t-il chercher longtemps avant de trouver un bon docteur. Les homosexuels sont des gens trs malheureux parce qu'ils sont en pleine confusion; ils ignorent ce qui leur est arriv, ils savent que les gens se moquent d'eux mais ils ne peuvent pas empcher ce qui est l ' impulsion la plus forte que connat l 'tre humain, savoir l ' instinct de reproduction. Les psychanalystes ne sont pas d'un grand secours, parce qu' il leur faut des annes pour accomplir ce que la moyenne des gens feraient en quelques jours. Il suffirait d'expliquer clairement aux homosexuels qu 'ils souffrent d'un dsquili bre glandulaire et, alors, ils sauraient gnrale ment s'adapter cette situation. De toute faon, on est en train de revoir les lois pour viter que les homosexuels ne soient exposs de cruelles perscutions et l'emprisonnen1ent. Il existe des moyens de venir en aide ces gens. Il faut leur tmoigner une vritable compr hension : une personne beaucoup plus ge que l 'intress(e), prouvant une profonde sympathie pour le (la) malade, lui expliquera avec prcision ce qui est arriv. Les homosexuels peuvent avoir recours soit des mdicaments qui refoulent l 'impulsion sexuelle, soit des injections d'hor mones, de testostrone par exemple, qui aideront le corps s 'adapter sexuellement. L'important, c'est de ne j amais, jamais con damner un homosexuel : ce n 'est pas sa faute, il est puni pour une faute de la Nature. Peut-tre sa mre s'tait mal alimente, peut-tre y avait-il une incompatibilit d'ordre chimique entre la mre et son enfant. Quoi qu'il en soit, de quelque 52

point de vue que l'on se place, les homosexuels ne peuvent tre guris que par une vraie compr hension, une sympathie vritable et, si possible, le recours judicieux des mdicaments. Qu'est-ce que c'est que ce livre ? demanda Justin lorsqu'il eut termin sa lecture. Le refer mant, il lut sur la couverture : Lobsang Rampa. Pou r entre tenir la flamme . Il DEVRAIT entrete nir la flamme s'il nous attaque , remarqua-t-il aigrement. Qu'en penses-tu, Juss ? s'enquit Dennis avec hsitation. Penses-tu que cela puisse signifier quelque chose ou bien s'agit-il encore d'un type qui prche la haine contre nous ? Qu'en penses tu, dis, J uss ? Justin se lissa soigneusement la lvre sup rieure l o la moustache ne voulait pas pousser et rpondit en haussant quelque peu le ton : Eh bien, ce type me semble tre une sorte de moine dfroqu. En tout cas, il ne sait probablement pas la diffrence entre un homme et une femme. Ils s'assirent tous deux sur le canap, parcou rant les pages du livre. Nombre d'autres choses qu'il crit font preuve de jugement, pourtant , rflchissait Justin Towne. Comment s e fait-il, alors, qu' notre sujet il se trompe ce point ? interrompit Dennis Dollywogga. Soudain, une ide le rj ouit; il rayonnait comme le soleil qui vient de se lever : Pourquoi ne lui cris-tu pas, TOI, J uss, pour lui dire qu'il se trompe ? Attends une minute ; y a-t-il une adresse dans ce livre ? Non ? Alors je suppose qu'il faut lui envoyer la lettre aux bons soins de l'diteur. On fait a, Juss ? Et c'est ainsi que l'crivain Rampa reut une lettre d'un monsieur qui dclarait que l'auteur 53

Rampa ne savait pas le premier mot propos des homosexuels. L'auteur Rampa apprcia comme il se doit les affreuses dclarations concernant sa sant mentale, ses perceptions, etc. , et il adressa une invitation son correspondant. l'admets ne pas savoi r grand-chose propos de N' IMPORT E Q UELLE activit sexuelle, crivait-il, mais je main tiens l 'exactitude de mes remarques. Toutefois, vous me faites part de VOT RE opinion sur l'homo sexualit et si mon diteur a bon cur et les nerfs suffisamment solides, il me permettra d'insrer votre lettre ou votre article dans mon treizime livre. Deux ttes s'approchrent l 'une de l'autre. Deux paires d'yeux parcoururent en mme temps la lettre qui venait d'arriver. a alors, souffla, surpris, Dennis Dollywogga, le vieux type nous renvoie la balle. Qu'allons-nous faire MAINT E Justin Towne respira un bon coup. F AIRE ? questionna-t-il d'une voix mal assure. Voyons, T U vas rdiger une rponse, voil ce que tu vas faire. C'est toi qui as eu cette ide. Il y eut un moment de silence. Puis, tous deux s'en allrent leur travail, qui tait en fait une sance de cogi tation sur le temps d au patron. Les aiguilles de l'horloge avanaient lentement sur le cadran. Ce fut enfin le moment de cesser le travail et de retourner la piaule . Juss, marmonna Dennis en mchant la dernire partie de son hamburger, Juss, tu es le cerveau de notre organisation et j 'en suis les muscles ! Et si tu cri vais, T OI, quelque chose ? Moi, j 'y ai pens toute la journe et je n'ai pas gratt une ligne. Justin s'assit devant la machine crire et tapa une rponse. Dennis la lut soigneusement .

NANT ?

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Ma-gni-fique ! s'cria-t-il. Regarde-moi cela ! Ils plirent les nombreuses pages de la lettre et Dennis sortit pour la poster. Les services postaux du Canada n'ont j amais battu le record de vitesse vu les grves, les occupations de locaux, les ralen tissements du travail, le manque de zle. Mais avant que des moisissures se forment sur le papier, dans la bote aux lettres de l'crivain Rampa, on entendit tomber un paquet en mme temps que les soixante-neuf lettres qui lui taient envoyes ce jour-l. En dpouillant ce courrier, l 'auteur arriva ce paquet particulier. Il fendit l'enveloppe, en retira les pages et se mit lire. Hum, hum , dit-il enfin - si du moins Hum, hum peut tre interprt comme une parole. Eh bien ! je vais tout diter, lettre et article; les gens auront toute l' affaire du producteur au con sommateur directement. Dans la soire, l'crivain Rampa relut la lettre et l'article. Se tournant vers Mlle Cloptre, la Siamoise, il remarqua : Eh bien, Clo, mon avis, ceci confirme AB SOLUMENT ce que j 'ai pr cdemment crit. Qu'en penses-tu, TOI ? Mais Mlle Cloptre avait tout autre chose en tte, manger, par exemple . . . Voici les textes que l'cri vain Rampa insra dans son livre . . . Cher Docteur Rampa, J 'ai enfreint une rgle que je m'tais impose en livrant dans cette enveloppe un travail non ter min. Il s'agit d'un premier jet, d'un texte crit spontanment. . . Ma pense ne s'y trouve pas exprime parfaitement mais, j'ai quelque raison de le croire, il importe que je vous la communi que ainsi. Si vous souffrez de mon orthographe et de mon mauvais emploi de la grammaire 55

anglaise, libre vous de jeter avec dgot cette lettre. (Je ne vous le reprocherais pas et je ne serais pas fch.) Mon texte ne dit pas toujours bien ce que j 'ai essay d'exprimer. Si je pensais en avoir le temps pour le faire diter, je le rcrirais maintes et maintes fois jusqu' ce qu'il soit aussi bon que possible. Mais peut-tre mon travail aura-t-il quelque utilit, mme en dpit de son tat actuel . Il y a certaines choses que je dsirais vrai ment dire. Les voici : la plupart des homosexuels ne sont pas les "petites tapettes" qu'on voit dans la rue. Ils ne sont pas non plus les nvross au sujet desquels crivent psychiatres et mdecins, car ils ne prsentent pas de troubles motionnels. J'ai travaill en ville, la campagne, dans les fermes, je connais des hon10sexuels de toutes les catgories sociales qui sont aussi normaux que le commun des mortels. Il arrive qu'ils soient trs masculins, capables de penser et d'agir comme des hommes, et je vous assure qu'ils ne pensent ni n'agissent comme des femmes, et qu'ils n'ont aucune des caractristiques fminines que leur prtent beaucoup d'htrosexuels. Je dsirais insister auprs des homos, sur le rle important que l'homosexuel pourrait jouer en ce monde, s'il voulait faire un effort et cesser de pleurer sur son sort. Je ne crois pas la " Lib ration des Homosexuels" pou r laquelle les jeunes d'aujourd'hui se croient obligs de faire beau coup de bruit, alors qu'ils devraient tout simple ment suivre leur chemin et accomplir leur tche avec les moyens dont ils disposent ( savoir leurs propres talents, etc .). J'ai essay d'attirer l'attention sur le fait que, dans mon cas personnel, je suis issu d'une famille 56

absolument normale, je n'ai subi aucun chec susceptible de me causer des troubles motion nels. En fait, personne ne devine que je suis homosexuel moins que je ne veuille bien le lui dire. Je n'en suis pas le moins du monde honteux, mais je ne pense pas que ce soient les affaires des autres, pas plus que le fait de savoir si je suis dmocrate ou rpublicain, chrtien ou hotten tot . . . Je sais aussi que je suis plus heureux que certains parce que, souvent, on aime se confier moi, ce qui m'a permis d'apprendre beaucoup de choses sur les sentiments des gens. Vous pouvez diter cet article, changer, mme corriger ou supprimer votre gr, vous pouvez mme le mettre au panier, s'il ne vaut pas la peine d'tre utilis : quoi que vous fassiez, je ne serai pas froiss. Si vous voulez un nom, vous pouvez utiliser celui de "Justin". SI VOU S AVIEZ besoin de me signaler qui que ce soit qui ferai t une recherche de bonne foi pour ou contre, cela ne m'ennuierait pas de lui crire. Toutefois, je n'ai pas de numro priv de bote aux lettres, si bien que je prfrerais lui crire le premier. Il semble, sans que je le recherche, que, par une sorte de prdestination, les gens dsi rent me rencontrer et 'a toujours t comme si je devais tre l pour aider les aut res . . . Et il est vrai qu'en ce moment, je viens en aide pl usieurs personnes, mais pas des gens de mon "espce" , si je puis dire. Eh bien, j 'estime que c'est tout . . . Je voudrais, un jour, crire un livre sur ma vie (comme le font des milliers d'autres), mais peut-tre quand je serai plus g, car cela parat inciter beaucoup de gens moins se laisser aller. Ces derniers mois, j 'essaye de monter une affai re. Il y a la const ruction de ma maison et je m'occupe de tas 57

de choses amusantes comme du j ardinage. Nous avons un petit coin de campagne avec pas mal de gibier. Je voudrais que vous puissiez venir le voir, vous l'aimeriez, je pense. J 'espre que tout ira au mieux pour vous et pour vos projets. Sincrement, JUSTIN . Chacun sera d'accord pour admettre que les traits de caractre de chaque individu diffrent de ceux d'un autre individu et qu'ils sont aussi divers que les toiles dans le ciel ou les galets sur la plage. On admet, je pense, que c'est cela qui fait le monde tel qu'il est, qui fait les hommes grands et les hommes petits, qui cause la gran deur des nations et leur chute, et qui fait qu'une personne prouve de l 'attirance ou de la rpul sion pour une autre. Dans un but de clart, convenons que le mot caractristiques implique tous les traits indi viduels, les tats d'me, les cts forts et les fai b lesses, les fautes, les dons et, de faon gnrale, la somme totale de ce qui fait la particularit de chaque individu. Certaines de ces caractristi ques sont ntres ds la naissance, soit parce que nous les avons mises en valeur dans des vies ant rieures, soit parce que nous les avons choisies comme lments indispensables pour nous aider en cette vie prsente nous amliorer. Certaines de ces caractristiques se sont galement dve loppes durant notre vie sur terre. Selon les poques et les lieux, les socits consi ques ou telles autres. Ces caractristiques sont un avantage ou un dsavantage ou bien elles 58drent bonnes ou mauvaises telles caractris ti

sont simplement trop communes pour qu'on les considre comme dpendant des opinions ou des besoins de cette socit particulire. Mais ne nous occupons pas de socits particulires ; tra vaillons plutt sur les enseignements de toutes les grandes religions selon lesquelles chaque homme vient sur terre dans le but d'apprendre et d'exprimenter des choses bien prcises ; il vient sur terre en choisissant librement les carac tristiques dont lui seul a besoin pour se perfec tionner. Cela nous incite considrer tous les hommes de faon plus comprhensive et plus tolrante et cela rend beaucoup plus significative la maxime : Ne jugez pas, afin de n 'tre pas jug. Cela ne veut pas dire que la vie de l'homme est ent irement dc ide d'avance car sa volont libre est plus puissante que ses caractristiques individuelles reues la naissance et, donc, il peut choisir d'user ou de doser son gr de son hri tage de naissance. Parmi les nombreuses caractristiques que possde l'homme, les plus fortes semblent en gnral tre celles qui sont d'ordre motionnel. Celles-ci comprennent en partie ses sympathies et ses antipathies, ses dsirs et ses amours, etc. Ces dernires, ses amours ou les implications motionnelles que provoquent ses amours ou ses haines et les sentiments voisins, jouent un rle extrmement important dans son dveloppement au cours des autres phases de sa croissance. Par exemple, un homme peut aimer le travail qu'il a choisi au point de ngliger toutes les autres exp riences de la vie. Il peut aimer sa famille tel point qu'il sac rifiera son propre perfect ionne ment pour subvenir aux dsi rs et aux besoins de ses proches. De la mme faon, un homme peut 59

har avec une violence telle qu'il puisera toutes ses nergies liminer ce qu'il hait, oubliant compltement le reste. Cela est particulirement vrai quand il aime ou hait une autre personne et qu' ces motions se joint la plus dommageable de toutes, la peur. Dans ce cas, tous les dsastres peuvent se produire, l' intress risque de perdre toute facult de raisonner et de souffrir d'une grave dpression. Par exemple, un prtendant dcouvre que sa belle a un autre soupirant qui parat l'emporter sur lui. Son amour pour la femme c rot soudain en intensit, sa c rainte de la perdre augmente la haine qu'il prouve pour son rival, et s'il ne se domine p as, il tend oublier ses efforts pour gagner l'amour de la femme et concentrer uniquement son attention sur l'li mination de son adversaire par des calomnies, par la fourberie et de nombreux autres moyens plus nergiques. Ou bien, il arrive que cet homme b roie du noir et gaspille ses nergies se plaindre tout en di rigeant secrtement ses craintes et sa haine contre son ennemi. Encore une fois, cela lui enlve son dynamisme au point que trs souvent son travail en ptit, sa sant et son bonheur aussi, et de faon gnrale, toute sa croissance. Ces deux sentiments donc, l'amour et la peur avec leur contrepartie, la haine et la non comprhension (car nul ne c raint ce qu'il com prend), sont les caractristiques principales de l 'homme. On les retrouve dans toutes les croyan ces religieuses, les convictions poli tiques et les relations amoureuses. Les cultures, les gouverne ments, les villes, les villages et les groupes, tous sont ballotts et domins par leurs atti tudes vis -vis de ces sentiments. Considrons ce qui est intime et important 60

pour presque chaque tr:-e humain : son amour individuel pour une autre personne et l'effet de ce sentiment sur les autres. L'amour est aveu gle , En amour, tous les gots sont dans la nature et L'amour conquiert tout . Voil des maximes de trs grande valeur . . . Jean et Marie sont amoureux et se marient contre le vu de leurs familles. Il peut en rsulter toute une vie de souffrances et de msentente pour chaque membre des deux familles. Toutefois, ne nous occupons pas de cas individuels, mais d'une diff rence universelle et plus dramatique. Prenons la diffrence entre htrosexuels et homosexuels. L'htrosexuel (homme ou femme) est n dans un monde qui parat fonctionner selon les besoins des seuls htrosexuels. Il est parfaitement vi dent que c'est l le modle normal pour la pro cration, etc. De la sorte, l'htrosexuel est incapable d'approfondir le raisonnement d'un homosexuel. Certains ont l'impression que l'homosexuel est un dgnr, un tre libidineux qui ne sait pas matriser ses dsirs; d'autres pensent que c'est un malade . . . On a crit des centai nes de livres ce sujet, la plupart ont comme auteurs soit des psychiatres qui pensent qu'on devrait laver le cerveau des honl0sexuels, soit des docteurs en mdecine qui ont l'impression qu'on devrait modifier la tuyauterie de ces gens ou bien recourir des moyens mdicaux pour les CH ANG ER. Quelques livres sont l'uvre d'homo sexuels qui s'efforcent dsesprment de se dfendre et de donner un sens leur vie parfois bien misrable. Malheureusement, comme la majorit des htrosexuels non informs sont trs susceptibles, il ne peut exister de Who's who dans le monde homosexuel . . . Mais, pour ceux qui 61

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sont au courant, la liste des homosexuels est trs longue. Comme pour tous les groupes de gens, nous pouvons subdiviser les effectifs des homo sexuels et les classer en trois groupes principaux. Un groupe est form par ceux qui sont dcrits dans Pour entretenir la flamme : ceux-l sont devenus ce qu'il s sont par suite d'un accident dont ils furent victimes leur naissance. Le deuxime groupe est constitu par ceux qui, aprs leur naissance, ont connu de graves diffi cults motionnelles et qui se sont rfugis dans l 'homosexualit pour rsoudre leurs problmes ou bien pour en diminuer l 'acuit. Voil les deux groupes au sujet desquels crivent docteurs en mdecine et psychanalystes . En fait, ces deux groupes reprsentent un faible pourcentage de la population homosexuelle en comparaison du troisime qui est le plus important. Il est consti tu par des individus qui n'auraient pas pu apprendre tout ce qu'ils doivent connatre s'ils n'taient pas homosexuels. En d'autres termes, ils ont choisi de venir sur cette Terre comme homosexuels. Mais venons-en l'article de Justin Towne : Avant d'aller plus loin, rendons-nous compte d'abord du fait qu'il y a dans le monde des mil lions d'homosexuels . . . Hommes et femmes . . . Des personnalits des plus brillantes ont t homo sexuelles . . . Les gens ordinaires sont loin de se douter que nombre de leurs amis, de hros, de chefs ont une faon de penser diffrente de la leur. Dans certaines villes de l 'Ouest, le pourcen tage atteint jusqu' 10 % . Certaines tudes don nent mme des chiffres plus levs . Dans les rgions rurales, le pourcentage semble plus 62

modeste, parce que en gnral le jeune homo sexuel, garon ou fille, doit rencontrer des per sonnes qui possdent la mme particularit. Or, comme dans une petite collectivit, les ragots vont bon train, il est difficile et pnible pour une personne de rester dans un milieu qui lui est hos tile. La plupart des gens ont l 'impression qu'il est possible de dtecter un homosexuel n 'importe quand et n' importe o; c'est une erreur; cela ne se vrifie pas mme entre homosexuels. Parmi les gens maris, hommes et femmes, dont le mnage est trs heureux et qui ont de trs beaux enfants, il y a des milliers d'homosexuels, soit qu'ils agissent ou n'agissent pas comme tels, suivant la formule qu'affectionnent les psychiatres. Il est faux galement qu'un homosexuel ne puisse pas faire l'amour avec une personne de l'autre sexe. (Il y a toujours quelques exceptions n' importe quelle rgle.) Mais les homosexuels n'ont gnra lement pas de relations sexuelles avec des per sonnes de l'autre sexe, parce qu'ils n'en prou vent pas l'envie : cela ne les intresse pas, ils se sentent plutt frres ou surs, ou amis des reprsentants du sexe oppos . On rencontre peu d'homosexuels qui n 'ont pas eu de relations sexuelles avec des personnes de l'autre sexe. Pourquoi ? Parce qu ' mesure qu'ils grandissent, ils sont terriblement torturs la pense qu'ils ont choisi d'tre ce qu'ils son1 . . . Aussi, ressentent ils la ncessit de se prouver au moins une fois qu'ils pourraient s'ils le dsiraient. .. et, aussi, de se prouver qu'ils ont raison . . . en cela; physique ment ce peut tre agrable, mais sans cette impression de rectitude motionnelle, c'est une mauvaise action et une perte de temps ; de mme que c'est une perte de temps de jouer au 63

football si l'on n'aime pas le football. Beaucoup d 'homosexuels sont des personnes trs dlicates, ils ont HABIT UELL EM ENT UN S ENTIM ENT T RS VIF de la moralit et ils ne courront pas le guilledou (sauf durant leur jeunesse - mais cela s'applique aux htrosexuels galement) . . . Ils sont j amais la recherche d'un amour durable. Quand ils l'ont trouv, leur existence ne diffre pas de celle des htrosexuels. Pourquoi quelqu'un choisirait-il de natre homosexuel ? Parce que si l'on est diffrent de n 'importe quel autre groupe, on peut apprendre des choses qu'on ne connatrait pas autrement. Si quelqu'un choisit de natre de race noire dans une collectivit o tout le monde est de race blan che, ou de natre blanc dans une communaut noire, il peut apprendre ce qu'on ressent lorsqu'on vit dans un groupe minoritaire, il peut ressentir ce qu'il lui serait impossible de perce voir s'il n'tait qu'un individu perdu dans la masse de cette communaut. Ainsi en est-il des homosexuels, sauf que ceux-ci ont toute une srie diffrente de problmes rsoudre . . . Dans certai nes rgions, l'homosexuel peut tre emprisonn simplement parce qu'il est lui-mme, ou il peut lui arriver de perdre sa situation, d'tre expuls de la localit o il rside et d'tre en butte toute une srie d'incidents trs dsagrables provo qus par un milieu htrosexuel de gens incultes. Ces derniers ont l'impression d'agir dans leur bon droit, car, leur avis, l 'homosexuel enfreint les lois humaines et divines ... Mais, qu'on me per mette de dclarer c atgoriquement ici que : 1) si c 'est la volont de Dieu que l 'homosexuel soit tel qu'il est, comment son tat pourrait-il tre con traire Sa volont ? 2) contrairement ce que 64

pensent la plupart des gens, PERSONNE ne peut DEVE NI R homosexuel s' il ne l'est pas naturelle ment; pas plus qu'on ne peut devenir htro sexuel si l'on ne l'est pas de nature. Sans doute n' importe quel homme ou quelle femme peut vivre des expriences homosexuelles l 'occasion, pendant un court laps de temps, tmoins le bras seur d'affaires ou les prostitues, motivs par l'argent; mais ces gens ne sont pas ceux dont nous parlons. Des parents ne doivent jamais craindre que leur enfant devienne homosexuel. J'ai longtemps vcu, ma vie est celle d 'un homo sexuel et j 'ai pass une grande partie de cette vie tudier avec des jeunes ce problme. Mais nous y reviendrons plus tard . . . Si l'lment magique qui attire un humain vers l'autre sexe n'est pas prsent d'avance, il n'est au pouvoir de personne de le faire apparatre. Si c'tait possible, il n'y aurait presque pas d'homosexuels, parce que l'en fer qu'ils doivent traverser lorsqu' ils grandissent est affreux : ils offriraient n 'importe quoi pour trouver cet lment magique . Toutefois, le fait d'tre homosexuel prsente un ct plus heureux. L'homosexuel a la facult d'apprendre, d'appro fondir et d'accompli r des choses qu'il n'aurait pas la possibilit d'apprendre autrement. Pour l'homosexuel moyen qui s'accepte une bonne fois sous son vrai jour, le don le plus prcieux qu'il reoit, c 'est celui de la Comprhen sion. Les preuves qu'il a subies et les exprien ces qu' il a vcues le rendent trs sensible aux sentiments d'autrui; il a gnralement un grand sens moral grce la longue mditation et la discipline svre qu'il a d s'imposer pour s'ac cepter lui-mme. Il est capable de faire beaucoup de bien, parce qu'il a appris la ncessit d'tre 65

discret, d'tre sincre, d'avoir l'esprit alerte, il parvient psychanalyser rapidement et cor rectement les gens et valuer immdiatement une situation . C'est ainsi que de grands chefs, des guerriers, des hommes d'affaires, des mdecins et des reprsentants de toutes les professions sur cette Terre ont tir grand profit de leurs dons d'homosexuels. Ces derniers sont gnralement dous d'un sens artistique et esthtique; ils deviennen t crivains, musiciens, artistes. Ils sont habituellement sympathiques, anims d'un vif amour du peuple pris dans son ensemb le; ils ont donc le don de rconforter les autres. En consquence, tant donn qu'ils possdent tous ces atouts et qu'en plus, on ne peut pas les reconnat re ( moins qu'ils ne le souhaitent) ils peuvent parcourir le monde entier comme n ' importe qui, et faire beaucoup, beaucoup de bien; sans aucune entrave, contrairement ce qui arriverai t peut-tre un homme afflig d'un dfaut physique ou d'une dficience mentale qui pourrait pousser les gens l 'viter. Ds lors, si l'homosexuel le veut, il peut contribuer grande ment son propre dveloppement. Notons-le aussi, la proportion de crimes com mis par des homosexuels est trs faible. Ils sont tolrants et peu ports la violence physique : il est extrmement rare d'entendre parler de viol dans les milieux d'homosexuels . . . de sduction peut-tre; toutefois, mme en ce domaine, les dlits so