la transmission de la politique monétair e au canada

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La transmission de la politique monétair e au Canada Banque du Canada 1996

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Page 1: La transmission de la politique monétair e au Canada

La transmissionde la politique monétair e

au CanadaBanque du Canada

1996

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893-49-90-555

CN ISSN 0-660-95252-1

Imprimé au Canada sur papier recyclé

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La transmissionde la politique monétair e

au CanadaBanque du Canada

L’incertitude et la transmission de la politique monétaire au Canada .......5Gordon Thiessen

La mise en œuvre de la politique monétaire au Canada............................21Bruce Montador

La gestion des encaisses : principale technique employée par laBanque du Canada dans la conduite de la politique monétaire ................39Kevin Clinton

Les opérations de vente à réméré dans la conduite de la politiquemonétaire ...................................................................................................57Kevin Clinton et Kevin Fettig

Le mécanisme de transmission de la politique monétaire auCanada, des mesures prises par la banque centrale aux tauxd’intérêt administrés ..................................................................................69Kevin Clinton et Donna Howard

Le recours aux indicateurs et à l’indice des conditions monétairesau Canada..................................................................................................75Charles Freedman

Le rôle des conditions monétaires et de l’indice des conditionsmonétaires dans la conduite de la politique ..............................................91Charles Freedman

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Étude empirique du mécanisme de transmission de la politiquemonétaire au Canada– Une approche globale .........................................99Pierre Duguay

Le rôle des projections économiques dans la formulation de lapolitique monétaire au Canada................................................................123Pierre Duguay et Stephen Poloz

Les opérations de la Banque du Canada sur les marchés financiers ......137Tim Noël

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INTRODUCTION

Lorsque le gouverneur, Gordon Thiessen, a été invité par le Collège Glendon àprononcer la conférence HERMES de 1995, il a choisi de consacrer l’essentiel deses propos à la conception que la Banque du Canada a du mécanisme detransmission de la politique monétaire. Le mécanisme de transmission est lachaîne de réactions que la Banque déclenche en ajustant le niveau des encaissesde règlement qu’elle met à la disposition des institutions financières, réactions quise font d’abord sentir sur les marchés financiers puis se répercutent sur la dépense,la production, l’emploi et les prix. L’intérêt généralisé qu’a suscité le thème de laconférence HERMES a inspiré la publication du présent ouvrage.

Au cours des dernières années, un certain nombre d’articles ont été publiéssur le mécanisme de transmission de la politique monétaire par différentschercheurs de la Banque; afin de favoriser une meilleure compréhension du sujet,nous avons décidé de tous les réunir ici. Leurs auteurs s’intéressent surtout aupremier volet du mécanisme de transmission, à savoir les répercussions desmesures prises par la Banque sur les marchés financiers, qui ont été moinsétudiées et sont moins bien comprises que les liens unissant les marchés financiersà la dépense et à l’inflation.

Dans la conférence HERMES, placée en tête de l’ouvrage, le gouverneurde la Banque décrit les différents éléments du mécanisme de transmission;il y met en relief l’incertitude qui se manifeste à chaque étape du processus detransmission de même que les initiatives que la Banque prend pour rendre sesobjectifs et le mode de mise en œuvre de la politique monétaire plus transparentset ainsi réduire l’incertitude.

Bruce Montador passe en revue les divers instruments utilisés par laBanque pour mettre en œuvre la politique monétaire. Ces derniers sont analysésplus en détail dans l’article de Kevin Clinton sur les techniques de gestion desencaisses et dans celui de Clinton et Fettig sur les opérations de vente à réméré.Clinton et Howard examinent l’incidence de l’élimination des réservesobligatoires sur les liens qui existent entre le taux d’intérêt à un jour – le taux quela Banque est le plus en mesure d’influencer – et les autres taux d’intérêt.

Dans un premier article, Charles Freedman expose les raisons qui motiventl’utilisation de l’indice des conditions monétaires (ICM), une mesure combinantles variations des taux d’intérêt et celles du taux de change. Il examine, dans unsecond article, la manière dont les considérations d’ordre stratégique et tactiqueinfluent sur le choix du sentier d’évolution de l’ICM. Pierre Duguay analyseensuite certains résultats empiriques obtenus sur les liens qui vont, d’une part, des

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taux d’intérêt et du taux de change à la dépense globale au Canada, et, d’autrepart, de la dépense globale et du taux de change à l’inflation. Dans un autrearticle, Duguay et Poloz traitent du rôle des projections économiques dans laformulation de la politique monétaire au Canada. Le dernier texte, que signeTim Noël, relate certaines modifications importantes que la Banque vientd’apporter à la façon dont elle met en œuvre la politique monétaire et intervientsur les marchés financiers.

Les textes rassemblés décrivent en détail les arrangements en vigueurdurant la première moitié des années 90. Au cours des deux ou trois prochainesannées, les modalités de mise en œuvre de la politique monétaire subiront d’autresmodifications majeures par suite de l’implantation, prévue pour le premiersemestre de 1997, du système de transfert des paiements de grande valeur, quel’Association canadienne des paiements est en train d’édifier. Ces changements etd’autres encore touchant le fonctionnement du mécanisme de transmission ferontpériodiquement l’objet d’articles dans laRevue de la Banque du Canada. Nousinvitons aussi les intéressés à consulter, dès leur parution, les actes d’un colloquetenu récemment par la Banque sur les marchés monétaires et les opérations de labanque centrale.

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L’incertitude et la transmissionde la politique monétaire au Canada

Gordon G. Thiessen

Il y a un peu plus de sept ans, John Crow, monprédécesseur, a donné une conférence àl’université de l’Alberta sous les auspices de laFondation Eric J. Hanson. À cette occasion, il atraité d’un certain nombre de questions qui serapportent à la conduite de la politique monétairecanadienne, à savoir l’objectif de cette politique,le mécanisme par lequel son action se transmet,l’utilisation des agrégats monétaires dans ladéfinition des politiques, l’incertitude sur lesmarchés financiers et le rôle du taux de change.Sept ans plus tard, ces questions sont toujoursd’actualité.

Aujourd’hui, je voudrais faire porterl’essentiel de mes propos sur l’interaction quiexiste entre deux de ces questions, soitl’incertitude et la transmission de la politiquemonétaire à l’ensemble de l’économie. Quelleinfluence les différents types d’incertitude ont-ilssur le comportement des agents économiques?Comment ces incertitudes agissent-elles sur latransmission de la politique monétaire au sein del’économie? Je vais exposer, dans la premièrepartie de ma conférence, la conception que laBanque du Canada a du mécanisme detransmission de la politique monétaire, en

Conférence HERMES-Glendon donnée au Collège Glendon del’Université York à Toronto (Ontario), le 30 mars 1995

insistant particulièrement sur le rôle que jouel’incertitude. Dans la deuxième partie,j’examinerai les différents moyens que laBanque a employés pour tenter de réduirel’incertitude.

Mais avant d’entrer dans le vif du sujet,permettez-moi de faire un survol des différentstypes d’incertitude qui se répercutent surl’économie et sur le processus d’élaboration de lapolitique économique. Il y a en premier lieul’incertitude découlant du fait que desévénements en grande partie inattendus peuventsurvenir. Les chocs de cet ordre peuvent êtred’origine étrangère ou interne. La montée destaux d’intérêt à long terme aux États-Unis aucours du premier semestre de 1994 en est unexemple récent. Des chocs peuvent aussi êtreengendrés par des événements qui vontcertainement se produire, mais dont la natureprécise ou les résultats restent incertains, commele dépôt d’un budget ou la tenue prochaine duréférendum sur l’avenir du Québec.

Le second type d’incertitude se manifestelorsque le secteur privé ne voit pas clairement lesobjectifs à long terme que visent les politiqueséconomiques. Et ce qui complique encore plus

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6 LA TRANSMISSION DE LA POLITIQUE MONÉTAIRE AU CANADA

les choses, c’est que ces deux types d’incertitudepeuvent se conjuguer lorsque les marchés nesavent pas exactement comment interpréter laréaction des autorités à un choc et qu’ils sedemandent si les mesures prises par la banquecentrale reflètent un changement d’orientation àlong terme ou si elles constituent simplement uneréaction au choc. L’une des raisons pourlesquelles les marchés peuvent ne pas savoir quelsens donner aux mesures prises par la banquecentrale est la divergence qui peut exister entre laperception qu’ils ont du choc et celle qu’a cettedernière. En particulier, les marchés et la banquecentrale peuvent diverger d’opinion quant à ladurée probable du choc et aux conséquencesqu’il pourrait avoir pour l’économie.

Lorsqu’elle arrête ses mesures de politiquemonétaire, la banque centrale ne sait pas nonplus comment les milieux financiers et le publicréagiront à ses déclarations et à ses actions. Laréaction sera-t-elle la même que par le passé, oules relations économiques seront-elles différentescette fois-ci? De quelle façon, par exemple, lademande globale réagira-t-elle à des mesures quientraînent des mouvements des taux d’intérêt etdu taux de change? Et comment l’inflation et lesanticipations d’inflation seront-elles influencéespar ces mesures?

Que peut faire la banque centrale pourréduire l’incertitude? Elle peut d’abord essayerde dissiper quelque peu l’incertitude que suscitedans le public et sur les marchés financiers lafaçon dont elle réagit aux différents chocs. Elley parviendra en clarifiant l’objectif à long termede la politique monétaire et les cibles à courtterme sur lesquelles elle axe ses mesures depolitique monétaire et en faisant connaître sapropre interprétation de l’évolution de lasituation économique. Par ailleurs, ens’engageant à réaliser un objectif à long terme eten ne dérogeant pas à cet engagement, ainsiqu’en atténuant l’incertitude que soulèvent ses

propres réactions aux chocs, la banque centralepeut réussir à modérer l’effet que ces chocsauront sur le comportement du secteur privé.

En bref, l’incertitude se manifeste partout, etsous différentes formes. C’est un phénomènequi, compte tenu de son ampleur, mérite uneattention beaucoup plus grande que celle qu’onlui accorde généralement dans les étudesthéoriques sur la politique monétaire, qui tropsouvent n’en font pas grand cas. Je vais tenter decombler cette lacune dans le reste de maconférence, qui est consacré au mécanisme detransmission de la politique monétaire et auxinitiatives prises par la Banque pour réduirel’incertitude.

LE MÉCANISME DE TRANSMISSION DELA POLITIQUE MONÉTAIRE

Lorsqu’une banque centrale prend des mesuresde politique monétaire, elle déclenche une chaînede réactions qui se fait d’abord sentir sur lesmarchés financiers, se répercute ensuite sur leniveau de la dépense, de la production et del’emploi et, finalement, agit sur le niveau desprix ou, plus précisément, sur le tauxd’augmentation du niveau des prix. Leséconomistes appellent cette chaîne le«mécanisme de transmission».

La banque centrale met en œuvre sesmesures de politique monétaire grâce au contrôlequ’elle exerce sur l’émission d’un actif financiercapital, généralement désigné par l’expression«base monétaire» dans les textes économiques.La base monétaire, qui comprend les billets debanque émis par la banque centrale ainsi que lesdépôts que les institutions financières tiennentauprès de cette dernière, tire son importance dufait qu’elle représente la forme ultime de liqui-dité dans le système financier. Les institutionsfinancières détiennent de telles liquidités, qui ne

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7GORDON THIESSEN

comportent pas de risque de défaillance et ontune valeur immédiate, pour régler entre elles lesflux nets résultant des paiements qui s’effectuentquotidiennement au sein de l’économie.

Par définition, la politique monétaireconcerne le rythme de croissance de la massemonétaire. La cadence à laquelle la banquecentrale laisse la base monétaire s’accroître au fildes ans a pour effet de favoriser ou de freinerl’expansion de la monnaie et du crédit au sein dusystème financier. Cela, à son tour, se répercutesur la demande de biens et de services. Et c’estle niveau de la demande par rapport à la capacitéde l’économie de produire des biens et desservices qui, finalement, détermine le tauxd’inflation.

Cependant, dans la pratique, le rapport quis’établit entre, d’une part, la base monétaire et,d’autre part, les agrégats de la monnaie et ducrédit ou encore les mesures de la demandeglobale n’est pas suffisamment stable pourpermettre à la Banque du Canada de conduire sapolitique en faisant augmenter la base monétaireà une cadence donnée. Comme vous allez vousen rendre compte lorsque je décrirai tout àl’heure le processus de transmission, au Canadanous fondons plutôt nos décisions en matière depolitique monétaire sur les liens qui unissent labase monétaire aux taux d’intérêt et au taux dechange ainsi que sur ceux qui lient ces prix dumarché financier à la demande globale puis àl’inflation.

La façon dont les mesures de politiquemonétaire se répercutent sur le taux d’inflation afait l’objet d’un examen approfondi au cours desans. Certains aspects du mécanisme detransmission de ces mesures, comme l’incidenceque les mouvements des taux d’intérêt ont sur lademande globale et sur l’inflation, ont beaucoupretenu l’attention. D’autres, comme le rapportentre les mesures prises par la banque centrale etles variations des taux d’intérêt et du taux dechange, ont suscité relativement peu d’intérêt à

l’extérieur des banques centrales. Ce que jecompte examiner maintenant avec vous, c’est lerôle que jouent les marchés financiers dans lemécanisme de transmission de la politiquemonétaire et l’influence que les différents typesd’incertitude ont sur la manière dont ces marchésréagissent à l’évolution de la situationéconomique et aux mesures de politiquemonétaire.

Le premier élément de la chaîne detransmission : des mesures prises par labanque centrale aux taux d’intérêt à trèscourt terme

Le mécanisme de transmission se met en branlelorsque la banque centrale ajuste la taille de sonbilan afin de modifier l’offre de base monétaireau système financier. Par le passé, les banquescommerciales étaient tenues par la loi deconserver, en guise de réserve, une certainequantité de base monétaire. Depuis l’éliminationdes réserves obligatoires au Canada, ce n’est quepour régler entre elles, dans les registres de laBanque du Canada, le solde net des opérationsquotidiennes de compensation des paiements queles grandes banques et d’autres institutionsfinancières importantes maintiennent des dépôtsà la Banque. Ces institutions sont appelées lesadhérents, et les expressions «encaisses derèglement» et «soldes de règlement» sontmaintenant employées pour désigner les dépôtsque les adhérents tiennent à la Banque duCanada1.

1. Les institutions financières détiennent également des billetset des pièces de monnaie pour répondre à la demande du public.L’offre de billets de banque permet certes à la Banque du Canadad’acquérir des actifs qu’elle peut utiliser dans ses opérations surle marché, mais le niveau de cette offre est simplement ajusté enfonction de la demande et n’entre pas, comme tel, dans le processusde mise en œuvre de la politique monétaire. L’offre d’encaisses derèglement aux adhérents est le principal instrument dont se sert laBanque à cet égard.

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8 LA TRANSMISSION DE LA POLITIQUE MONÉTAIRE AU CANADA

Les banques centrales peuvent ajuster dediverses façons le niveau des encaisses derèglement qu’elles mettent à la disposition desadhérents. Dans les manuels, on insistegénéralement sur le recours aux opérationsd’open market pour modifier le niveau de cesencaisses; mais, au Canada, c’est surtout par lejeu des transferts quotidiens des dépôts dugouvernement entre les adhérents et la banquecentrale que celle-ci agit sur les encaisses.Comment la Banque du Canada s’y prend aujuste pour faire augmenter ou diminuer levolume des soldes de règlement n’est qu’unequestion technique2. Ce qu’il faut retenir, c’estque la Banque est en mesure de susciter uneréaction chez les adhérents en provoquant unexcédent ou un manque d’encaisses derèglement. Les adhérents agissent rapidementpour corriger de tels déséquilibres à cause descoûts qu’ils comportent. Les encaissesexcédentaires sont coûteuses parce qu’elles nesont pas rémunérées et ne rapportent donc rienaux institutions financières; quant auxinsuffisances, elles doivent être comblées par desprêts pour découvert octroyés par la Banque duCanada à un taux dissuasif.

Essentiellement, nous utilisons le contrôleque nous exerçons sur les encaisses de règlementdans le but d’influencer le taux d’intérêtapplicable aux opérations que les institutionsfinancières effectuent pour modifier leursencaisses. Il s’agit du taux des prêts à un jour,parfois appelé le taux de l’argent au jour le jour.Les mouvements de ce taux agissent à leur toursur les autres taux d’intérêt et sur le taux dechange.

Il est normal, après la compensation deseffets de paiement du jour précédent, que lescomptes de certains adhérents affichent desexcédents, et d’autres, des manques. Ce n’est

2. Voir l’article de K. Clinton reproduit dans le présent volume.

que lorsque la Banque du Canada intervient pouramener le volume global des encaisses tenueschez elle au-dessus ou au-dessous du niveaudésiré par les adhérents dans l’ensemble qu’elleprovoque des répercussions sur le loyer del’argent à un jour. En situation de manque,les adhérents réagissent en demandant leremboursement de prêts à un jour consentis auxcourtiers en valeurs mobilières, en vendant desavoirs liquides à très court terme ou en cherchantplus activement à obtenir de gros dépôts à trèscourt terme. Ces trois mesures ont pour effet dedéclencher des pressions à la hausse sur le taux àun jour et sur d’autres taux à très court terme. Àl’inverse, lorsque les encaisses de règlementpour l’ensemble des adhérents sontexcédentaires, ces derniers ont généralementtendance à accorder davantage de prêts à un jouraux courtiers, à acheter des avoirs liquides à trèscourt terme et à chercher moins activement àobtenir des dépôts à très court terme, ce quipousse à la baisse le taux à un jour et les autrestaux à très court terme.

Toutefois, même à cette étape initiale duprocessus de transmission, la Banque composeavec un élément d’incertitude, puisqu’elle nepeut prévoir avec précision le niveau desencaisses de règlement désiré par les adhérents.Par conséquent, il peut arriver que les mesuresqu’elle prend ne produisent l’effet souhaité surles taux à très court terme qu’avec un jour oudeux de retard.

Le deuxième élément de la chaîne : des tauxà très court terme aux autres taux d’intérêtet au taux de change

Les mesures que prend la Banque du Canadapour modifier le loyer de l’argent à un jourfinissent par agir sur les autres taux d’intérêt etsur le taux de change, mais cette action n’a pasune portée définie. Cette dernière dépend dans

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une très large mesure des attentes et des réactionsdes marchés financiers.

Le niveau des taux du marché monétaire au-delà du très court terme est étroitement lié auxattentes du marché concernant l’évolution destaux à un jour. Si la Banque intervient pour fairemonter le taux à un jour, à la suite par exemplede la publication de nouvelles données concer-nant la vigueur des pressions de la demande ausein de l’économie canadienne, l’incidencequ’aura cette hausse sur les taux d’intérêt à unmois, à trois mois et ainsi de suite dépendra de lapériode pendant laquelle, selon les participantsau marché, la Banque la maintiendra. Plus lesintentions de la Banque paraîtront claires auxparticipants au marché, plus la réaction desautres taux à court terme sera ordonnée.

Lorsqu’on interprète les mouvements destaux d’intérêt à moyen ou à long terme au Ca-nada, il faut partir du principe que ces taux sontfonction des attentes concernant l’évolutionfuture des taux d’intérêt réels (y compris lesprimes de risque) et du taux d’inflation. Lesattentes relatives au comportement à long termedes taux d’intérêt réels (à l’exclusion des primesde risque) sont susceptibles de tenir principale-ment à des facteurs internationaux3. Parmi cesfacteurs, mentionnons les variations anticipéesde la demande globale à l’échelle mondiale aucours des années à venir et l’évolution attendue àplus long terme de l’épargne (déduction faite dela désépargne dans le secteur public) et de lademande de capitaux dans le monde. Les primesde risque incorporées aux taux d’intérêt reflètentdes facteurs comme la trajectoire prévue de lapolitique budgétaire et de la situation politiqueintérieure. Le taux d’inflation anticipé, quant à

3. Les divergences entre les profils attendus de la demande globaleau Canada et à l’étranger exercent aussi une certaine influence surles taux d’intérêt réels et sur les variations anticipées du taux dechange réel du dollar canadien. Mais plus les échéances sontlongues, moins l’incidence de ces facteurs est déterminante.

lui, dépend surtout des attentes du marché rela-tivement à l’orientation de la politique monétairenationale. Compte tenu de l’incertitude entou-rant toutes ces attentes, il n’est pas étonnant queles marchés réagissent parfois avec vigueur à lapublication de données modifiant la perceptionqu’ils ont de ces différents facteurs. Les marchésfinanciers de par le monde étant devenus beau-coup plus ouverts au cours des dernières années,la taille des flux financiers internationaux a con-sidérablement augmenté. Par conséquent, unemodification importante des attentes sur unmarché donné peut avoir un effet marqué sur lestaux d’intérêt ailleurs dans le monde.

L’effet qu’une variation des taux d’intérêt àtrès court terme a sur la valeur externe du dollarcanadien est également fonction des attentes dumarché. Plus les participants au marchés’attendent à ce que persiste le nouveau niveaudes taux à très court terme favorisé par lesactions de la Banque, plus l’effet sur le taux dechange sera marqué. Ainsi, plus le fondementdes actions de la Banque est défini clairement,plus il sera facile de prévoir l’effet que celles-ciauront sur le taux de change. Toutefois, desfacteurs autres que les mesures de politiquemonétaire prises par la Banque du Canadaagissent aussi sur la valeur externe de notremonnaie. Par exemple, le taux de change dudollar canadien par rapport au dollar américainest également influencé par la politiquemonétaire américaine, par l’orientation de lapolitique budgétaire au Canada et aux États-Unis, par les positions conjoncturellesrespectives des deux pays, par la tenue du dollaraméricain vis-à-vis des monnaies des paysd’outre-mer et par l’actualité politique. Làencore, la publication de nouvelles données peutmodifier de façon sensible les attentes relatives àl’évolution de l’un ou l’autre de ces facteurs et,partant, influencer fortement le taux de change.

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10 LA TRANSMISSION DE LA POLITIQUE MONÉTAIRE AU CANADA

Pour illustrer l’importance que revêtent lesanticipations du marché, voyons ce qui seproduirait si la Banque intervenait d’une manièreque le marché juge inappropriée dans lescirconstances.

Supposons, par exemple, que la Banqueintervienne pour faire baisser le taux à un jouraprès la publication de nouvelles donnéeslaissant croire que les pressions inflationnistesdans l’économie sont moins fortes que prévu.Qu’arriverait-il si le marché ne voyait pas lasituation du même œil que la Banque etconsidérait que les mesures prises par celle-cirisquent d’alimenter l’inflation? Comme ilss’attendraient à une montée du taux d’inflation,les investisseurs montreraient immédiatementplus de réticence à détenir des instruments endollars canadiens aux taux d’intérêt du moment.En outre, leur incertitude face à l’avenir nepourrait que s’accroître, car l’inflation tend à êtremoins prévisible lorsqu’elle se situe à desniveaux plus élevés. Des pressions à la hausses’exerceraient alors sur les taux d’intérêt au-delàdu très court terme, tant en raison de la hausseattendue du taux d’inflation qu’en raison desprimes de risque plus élevées qu’exigeraient lesinvestisseurs pour faire contrepoids au surcroîtd’incertitude. Qui plus est, comme lesinvestisseurs hésiteraient de plus en plus àdétenir des instruments en dollars canadiens, letaux de change subirait des pressions à labaisse. Si le marché se mettait alors à anticiperune baisse de la valeur externe de la monnaie, onassisterait à une intensification des pressions à lahausse sur les taux d’intérêt, les investisseursdélaissant les placements en dollars canadienspour éviter d’éventuelles pertes en capital.

En fin de compte, lorsque les mesures prisespar la Banque dans le but de faire baisser les tauxà un jour sont jugées inopportunes par lesmarchés, elles peuvent fort bien provoquer unrecul des taux d’intérêt à très court terme sur le

marché monétaire, peut-être même des tauxà 30 jours, mais elles entraîneront aussi unehausse des taux à plus long terme vul’aggravation des craintes d’une accélération del’inflation et la dépréciation de la monnaie.

Les investisseurs qui s’intéressent auxobligations à long terme sont devenus beaucoupplus sensibles ces vingt dernières années aumoindre soupçon d’inflation ou à tout indicelaissant croire qu’une banque centrale estdisposée à prendre plus de risques à l’égard del’inflation et, donc, de la valeur externe de lamonnaie. Cette sensibilité a été accentuée par lestaux d’inflation élevés qui ont été observés auCanada et à l’étranger durant les années 70 et 80.De même, les marchés obligataires à long termeréagissent maintenant rapidement et directementaux préoccupations d’ordre budgétaire, sansdoute parce que les opérateurs de ces marchéscraignent que des pays ne soient tentés demonétiser leur dette lorsque celle-ci devient troplourde.

Il arrive aussi que les marchés soientparticulièrement nerveux et instables en raisonde chocs économiques ou de préoccupations àl’égard de l’orientation des politiques. Dans cescas, la banque centrale doit prendre des mesurespropres à les rassurer. Par exemple, il est arrivé àplusieurs reprises au cours de la dernièredécennie que le mouvement à la baisse du dollarcanadien a miné la confiance et a pousséles marchés à s’attendre à de nouvellesdépréciations, ce qui a eu pour effet de fairemonter brutalement les taux d’intérêt. Dans cescirconstances, la tâche première de la Banque aété de calmer les marchés en les aidant à trouverde nouvelles fourchettes de variation des coursqui leur conviennent. Une fois les marchésrassérénés, la Banque a pu se concentrer sur lasituation économique fondamentale, laquelleavait généralement été laissée pour comptedurant la tourmente.

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11GORDON THIESSEN

Le troisième élément de la chaîne : des tauxd’intérêt et du taux de change à la demandeglobale

Nous avons examiné de manière assez détailléecomment les mesures prises par la Banque duCanada influencent les taux d’intérêt et le taux dechange et à quel point les résultats souhaitésdépendent des opinions et des attentes desmarchés financiers. Le lien suivant dans lachaîne de transmission va des taux d’intérêt et dutaux de change à la demande globale. Je seraibref sur ce point puisque ce lien a fait l’objet denombreuses études et que les opinions de laBanque sur le sujet s’inscrivent nettement dans lecourant de pensée dominant.

Les variations des taux d’intérêt agissent surla demande globale par divers canaux, entreautres le coût du capital, la propension àépargner plutôt qu’à consommer et les effetsqu’elles ont sur la richesse et les flux monétaires.Les principales composantes de la demandetouchées sont le logement, les dépenses desménages en biens durables ainsi que lesinvestissements des entreprises en capital fixe etles variations des stocks. La réaction de ladépense sera fonction en partie de la persistanceattendue du nouveau niveau des taux d’intérêt.Ce dernier facteur est important pour les agentséconomiques qui empruntent à court terme.

La manière dont le taux de change influencela demande est aussi relativement simple. Unevariation de la valeur du dollar canadien setraduira d’abord par une modification des prixdes biens et des services produits au Canada quifont l’objet d’échanges internationaux, et dontles prix sont déterminés sur les marchésmondiaux, par rapport aux biens et services quenous produisons et dont les prix ne sont pas (dumoins pas entièrement) déterminés sur lesmarchés mondiaux. Principalement en raison deleur incidence sur les exportations et les

importations, les changements des prix relatifsprovoquent une série de réactions du côté del’offre et de la demande, lesquelles vont serépercuter sur la production des biens fabriquésau Canada.

Ces réactions ne se produisent évidemmentpas du jour au lendemain. Par ailleurs, ellesseront plus ou moins prononcées selon que lesmarchés s’attendent à ce que la variation du tauxde change soit éphémère ou durable. Prenonspar exemple le cas où un choc ayant pour effet defaire baisser fortement la demande globale auCanada entraîne un recul des taux d’intérêt et unedépréciation importante du dollar canadien. Ils’ensuivra une hausse des prix en dollarscanadiens des produits canadiens dont les courssont déterminés sur les marchés mondiaux, telsque la plupart des matières premières, ce quirendra leur production plus rentable et favoriseraune exploitation plus intensive des ressourcesexistantes. Au fil du temps, les fournisseursseront portés à augmenter leur capacité deproduire cette catégorie de biens. L’importancedes investissements effectués et la rapidité aveclaquelle ils seront entrepris dépendront en grandepartie du laps de temps pendant lequel ons’attend que le dollar canadien demeure à sonnouveau niveau. Si l’on croit que la baisse seraéphémère, ou s’il y a beaucoup d’incertitudequant au maintien du dollar à ce niveau, lesproducteurs hésiteront à accroître leur capacitéde production.

En somme, on peut conclure de ce brefexposé sur le troisième élément de la chaîne detransmission que la dépense réagira généra-lement de façon perceptible aux variations destaux d’intérêt et du taux de change, mais qu’il estdifficile d’établir avec précision la force de cetteréaction et le moment où elle se manifestera. Lesattentes relatives à l’évolution de la situation etl’incertitude quant aux résultats probablespeuvent vivement influencer l’importance et la

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12 LA TRANSMISSION DE LA POLITIQUE MONÉTAIRE AU CANADA

rapidité des modifications que certains agentsapporteront au profil de leurs dépenses pour faireface aux variations des taux d’intérêt et du coursdu dollar canadien. Autrement dit, les délaisd’ajustement sont longs et incertains.

Le quatrième élément de la chaîne : de lademande globale à l’inflation

Le dernier élément de la chaîne de transmissionest celui qui va des variations de la demande glo-bale au taux d’inflation. À notre avis, l’inflationtendancielle est influencée principalement parle niveau des capacités excédentaires dansl’économie et par le taux d’inflation attendu.

Au fil du temps, c’est donc l’effet cumulatifde la pression exercée par la demande globale surla capacité de production qui est le moteur del’inflation. En outre, durant les années d’infla-tion élevée, il existait un lien particulièrementétroit entre le taux d’inflation observé et le tauxd’inflation anticipé. Ainsi, une période dedemande globale excédentaire donnait lieu à unehausse du taux d’inflation, qui, à son tour, ali-mentait rapidement les attentes d’inflation,exerçant du même coup d’autres pressions à lahausse sur l’inflation, et ce dans un engrenageque seule la résorption de la demande excéden-taire pouvait rompre.

Mais, pour reprendre le fil général de maconférence, le monde est plus incertain et plusimprévisible encore que ne le laisse supposercette brève description des liens unissant les tauxd’intérêt et le taux de change à la demande glo-bale et à l’inflation. Dans la pratique, lademande globale et les prix font souvent l’objetde chocs. Ceux qui touchent la demande peuventêtre d’origine extérieure ou intérieure. Les chocsd’origine intérieure comprennent aussi bien desmesures budgétaires que des changements sou-dains du profil des intentions d’investissementdes entreprises ou des achats de biens durables

par les ménages. Puis il y a les chocs d’offre, quigénéralement touchent directement les prix. Aunombre de ces chocs il faut ranger par exempleles événements qui ont conduit aux augmenta-tions du prix du pétrole dans les années 70, lesdésastres naturels qui influent sur l’offre et lesprix des produits agricoles, ainsi que les progrèstechnologiques et les modifications des flux com-merciaux qui se répercutent sur les approvision-nements et les prix des biens.

De tels chocs augmentent l’incertitudeentourant l’évolution de la demande et desprix, mais ils peuvent aussi compliquerconsidérablement l’estimation du degré depression que la demande globale exerce sur letaux d’inflation. Les chocs d’offre peuventmodifier la production potentielle de l’économie.Celle-ci est déjà très difficile à déterminer pardes méthodes empiriques; il faut doncreconnaître que toute mesure des capacitésexcédentaires est entachée d’incertitude.

Le rôle de la monnaie et du crédit

Vous avez sans doute remarqué que je n’ai pasencore abordé le rôle des avoirs monétaires dupublic et celui du crédit dans le processus detransmission de la politique monétaire. Cela nesignifie pas que nous n’accordons pasd’importance aux agrégats de la monnaie et ducrédit; de fait, nous suivons de très près leurcomportement. Toutefois, nous les utilisonsprincipalement comme indicateurs de l’évolutionfuture et ne les considérons pas comme desmaillons de la chaîne qui lie les mesures prisespar la Banque au taux d’inflation.

Nos recherches révèlent que la croissance deM1 réel (c’est-à-dire l’agrégat monétaire au sensétroit M1 dégonflé à l’aide du niveau des prix)est un indicateur utile de la croissance future dela production réelle, et que la croissance desagrégats monétaires au sens large est un bon

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indicateur avancé du taux d’inflation. Lesagrégats monétaires permettent donc desrecoupements qui éclairent les autres projectionsconcernant la production et l’inflation. Ainsi,une croissance rapide de ces agrégats qui n’estpas compatible avec la situation économique etqui ne peut pas être justifiée par un aspectparticulier de l’évolution de la situationfinancière peut signaler à l’avance la nécessité deresserrer les conditions monétaires.

Jusqu’à ces derniers temps, le rôle du créditdans le mécanisme de transmission de lapolitique monétaire était passé sous silence dansla plupart des études traitant de ce mécanisme.De façon implicite, le crédit était traité par leséconomistes comme étant déterminé par lademande de financement, que les institutionsfinancières se contentaient passivement desatisfaire. Plus récemment, des auteurs se sontpenchés sur l’octroi du crédit, à la fois commephénomène microéconomique et comme élémentdu mécanisme de transmission. Le débat soulevépar le phénomène de «l’étranglement du crédit»aux États-Unis au début des années 90 acontribué à donner une coloration plus pratique àla question du crédit.

L’aspect de l’analyse des marchés du créditqui intéresse particulièrement la Banque touchela question de savoir si ses mesures depolitique monétaire entraînent un ajustementsystématique, de la part des institutionsfinancières, des modalités de leurs prêts qui ne serapportent pas aux prix. Dans le cas où de telsajustements ne seraient pas corrélés avec lesvariations des taux d’intérêt, la Banque aurait àles surveiller de près lorsqu’elle évalue les effetsque ses mesures ont sur l’économie. Il importeaussi d’établir s’il existe des chocs ayant leursource sur les marchés mêmes du crédit –tels que les «étranglements du crédit» –qui pourraient avoir des répercussions

macroéconomiques étendues et auxquels lesautorités monétaires devraient réagir.

De nombreux travaux ont été consacrés cesderniers temps à ces questions aux États-Unis,mais au Canada la recherche sur le crédit en estencore à ses balbutiements. Quelques étudestraitant de ce sujet ont été présentées à uncolloque tenu en novembre dernier à la Banquedu Canada. Bien qu’elles n’aient pas abouti àdes résultats décisifs, ces études ont éclairciquelque peu plusieurs aspects du rôle du crédit.La conclusion la plus remarquable qu’elles ontlivrée est que le crédit n’est pas, semble-t-il, unfacteur particulièrement utile pour expliquer lacroissance globale de la dépense nominale, pasplus qu’il ne serait un indicateur très utile desvariations de la tendance de celle-ci.

LES INITIATIVES PRISES PAR LA

BANQUE EN VUE DE RÉDUIRE

L’INCERTITUDE

La première partie de ma conférence a porté surla difficulté de prévoir avec exactitudel’incidence que les mesures de politiquemonétaire ont sur l’économie étant donné laprésence de diverses formes d’incertitude. Ladeuxième sera consacrée aux initiatives que nousavons prises à la Banque en vue de réduire uneforme d’incertitude en particulier – soit celle quipeut entourer le comportement de la Banque –avec pour objectif l’amélioration dufonctionnement des marchés monétaires et, defaçon plus générale, de l’économie. Je décriraicinq de ces initiatives.

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14 LA TRANSMISSION DE LA POLITIQUE MONÉTAIRE AU CANADA

1. La stabilité des prix comme but de lapolitique monétaire

La Banque a traité à plusieurs occasions desavantages que comporte la stabilité des prix, etcela de façon exhaustive dans sonRapportannuel pour l’année 1990. Je n’ai pas l’intentionde reprendre les mêmes arguments ici, mais jedésire souligner que l’un des avantages de lastabilité des prix est le degré accru de certitudequ’elle procure à l’économie. Le processusinflationniste est toujours empreint d’incertitudeet complique immensément la tâche desépargnants et des investisseurs, des prêteurs etdes emprunteurs ainsi que des employeurs et desemployés lorsqu’ils doivent prendre desdécisions économiques qui nécessitent uneprévision de l’avenir.

Certaines personnes s’opposent à ce quel’objectif ultime de la politique monétaire soit lamaîtrise de l’inflation, car elles craignent que lesbanques centrales se désintéressent alors duniveau de l’activité économique et de l’emploi.Il est indéniable que la politique monétaireinfluence à court terme la demande, laproduction et l’emploi, mais la thèse d’unarbitrage inverse à long terme entre l’inflation etle chômage a été largement réfutée. En longuepériode, la politique monétaire agit surl’inflation, et la banque centrale doit formulerson objectif en fonction de la variable qu’ellepeut s’attendre à influencer.

Je m’empresse d’ajouter que la stabilité desprix comme but de la politique monétaire n’estpas incompatible avec la réalisation de lacroissance de l’économie et de l’emploi. Eneffet, comme la stabilité des prix rend plus facilela décision d’effectuer des investissements quiamélioreront la productivité, elle favorise lacroissance. En outre, en maintenant résolumentle cap sur la stabilité des prix, la politiquemonétaire jouera en quelque sorte le rôle de

stabilisateur automatique de l’économie. Lespressions excessives de la demande quipourraient créer de l’inflation sont atténuées parce type de politique monétaire, alors qu’unefaible demande risquant d’engendrer unedéflation commande des conditions monétairesplus expansionnistes. En revanche, une politiquemonétaire qui compose avec l’inflation seragénératrice de cycles de surchauffe et de flambéeinflationniste qui seront suivis de récessionsrendues plus pénibles par les mesures requisespour corriger les distorsions dues à l’inflation.Voilà pourquoi la stabilité des prix contribue à lastabilité de l’ensemble de l’économie4.

2. Les cibles de réduction de l’inflation

Lorsqu’un pays est aux prises avec l’inflation, ilne suffit pas que la banque centrale annonce ouréaffirme qu’elle entend réaliser la stabilité desprix pour convaincre soudainement le public dechanger ses attentes et de commencer à baser saplanification sur la stabilité des prix. Parcequ’elle est un peu vague, la notion de stabilitédes prix peut soulever des questions chez lesagents économiques. À quel taux de variation del’indice des prix peut-on parler de stabilité desprix? Combien de temps faudra-t-il pourparvenir à la stabilité des prix?

Ces questions se sont posées au Canadaaprès les flambées inflationnistes des années 70et 80, et nous avons compris que l’engagementgénéral pris par la Banque de cherchergraduellement à réaliser la stabilité des prixlaissait encore trop de place à l’incertitude quantà l’objectif poursuivi par la politique monétaire.Autrement dit, après deux décennies d’inflation,un tel engagement général de la Banque du

4. Un certain nombre de questions touchant le comportement del’économie en régime de stabilité des prix ont été étudiées lors d’uncolloque sur la stabilité des prix tenu à la Banque du Canada enoctobre 1993.

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15GORDON THIESSEN

Canada à l’égard de la stabilité des prix n’étaitpas suffisamment crédible en soi pour favoriserle changement des comportements et des attentesqui allait faciliter le recul de l’inflation.

C’est dans ce contexte que la Banque duCanada et le gouvernement canadien ont établi,en février 1991, des cibles explicites deréduction de l’inflation dans le but de clarifierdavantage la trajectoire vers la stabilité des prix.L’objectif visé était de ramener dans un premiertemps le taux d’inflation à 2 % (ou dans unefourchette de 1 à 3 %) à la fin de 1995, puis decontinuer à progresser vers la stabilité des prix.En décembre 1993, la Banque et legouvernement ont annoncé conjointement denouvelles cibles pour la maîtrise de l’inflation etont décidé de prolonger jusqu’à la fin de 1998 lapériode d’application de la fourchetted’évolution de l’inflation de 1 à 3 %. Par lasuite, il est entendu que les efforts en vue deréaliser la stabilité des prix devront se poursuivreet qu’une définition pratique de cette dernièredevra être fournie d’ici 1998.

En rendant plus explicites ses objectifs enmatière de maîtrise de l’inflation, la Banqueentendait non seulement influencer les attentesd’inflation, mais aussi réduire l’incertitude ausein de l’économie et sur les marchés financiers.En outre, en présence de cibles crédibles, lesattentes relatives à l’inflation, donc l’inflationelle-même, sont moins susceptibles de réagir auxchocs temporaires de l’offre et de la demandedont j’ai parlé plus tôt. Par ailleurs, les ciblesimposent à la Banque une certaine forme dediscipline en la rendant plus comptable de sesdécisions. Les mesures de politique monétairedeviennent alors plus prévisibles et créent doncmoins d’incertitude pour ceux qui doiventprendre des décisions de nature économique.

Quel effet les cibles de réduction del’inflation ont-elles eu en fait? Comme vous lesavez, depuis que les cibles sont en place,

l’inflation a fortement diminué, et elle se situeactuellement à environ 2 %, soit près du milieude la fourchette visée. Je n’irai cependant pasjusqu’à dire que cette baisse est uniquementattribuable aux cibles. Des facteurs d’origineexterne et interne y ont aussi contribué. Quoiqu’il en soit, j’estime que les cibles ont contribuéà la réalisation et au maintien, ces quatredernières années, d’un bas taux d’inflation auCanada. En fait, il est probable que le maintiend’une très faible inflation sur lequel tablentmaintenant de nombreuses entreprisescanadiennes dans leurs plans à moyen termerepose pour une bonne part sur l’engagement dela Banque et du gouvernement envers les ciblesétablies.

3. L’utilisation de cibles et d’indicateursintermédiaires

Compte tenu des longs délais qui interviennentdans le processus de transmission et desincertitudes qui l’entourent, personne, nid’ailleurs les banques centrales, ne sait aveccertitude quels effets les mesures de politiquemonétaire auront sur l’inflation. C’est pourquoiles banques centrales ont adopté diversindicateurs intermédiaires et ont, à l’occasion,établi des cibles en fonction de ces indicateurs;celles-ci les aident à conduire la politiquemonétaire et leur permettent de mieux renseignerles observateurs et de les rassurer surl’orientation de la politique monétaire.

À la suite de la flambée de l’inflation et de sapersistance dans la plupart des pays au cours desannées 70, les banques centrales ont abandonnél’utilisation de cibles opérationnelles pour lestaux d’intérêt à court terme au profit de ciblesintermédiaires pour des variables quantitativesexprimées en termes nominaux. Un grandnombre de ces banques ont alors adopté descibles intermédiaires pour les agrégats

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16 LA TRANSMISSION DE LA POLITIQUE MONÉTAIRE AU CANADA

monétaires. Ces cibles étaient censées fournir unpoint d’ancrage à la politique monétaire etprévenir les politiques telles que celles quiavaient, bien involontairement, favorisé uneaccélération de l’inflation à la fin des années 60et au début des années 70.

La Banque du Canada a aussi eu recours,entre 1975 et 1982, à une cible de ce type, soitl’agrégat monétaire au sens étroit M1. Toutefois,en dépit de son utilité initiale, M1 n’a pas permisà la Banque de contenir l’inflation lorsque lespressions de la demande se sont intensifiées versla fin des années 70. Cela était en partieimputable au fait que M1 était beaucoup plussensible aux mesures de la Banque touchant lestaux d’intérêt à très court terme que ne l’étaientla demande globale et l’inflation5. En outre,l’arrivée massive d’innovations financières acompliqué l’interprétation de cet agrégat6, et M1a finalement dû être abandonné comme cibleen 1982.

Depuis, la Banque a étudié la possibilitéd’utiliser d’autres agrégats comme ciblesintermédiaires, mais aucun ne s’est révélésuffisamment fiable. La Banque est doncrevenue, pendant quelques années, aux ciblesopérationnelles en matière d’évolution des tauxd’intérêt à court terme.

À première vue, cette approche pourraitsembler comporter les mêmes problèmes et lesmêmes incertitudes que ceux qu’on a connus à lafin des années 60 et au début des années 70,lorsque le recours à de telles cibles n’avait pasréussi à aider les autorités monétaires à contrer laspirale inflationniste. Mais cette fois la situationétait différente à cause de l’engagement

5. Gordon Thiessen, «The Canadian Experience with MonetaryTargeting»,Central Bank Views on Monetary Targeting, sousla direction de Paul Meek, Federal Reserve Bank of New York,New York, 1983.6. Charles Freedman, «Financial Innovation in Canada: Causesand Consequences»,American Economic Review, vol. 73,mai 1983.

beaucoup plus ferme des autorités envers lastabilité des prix et de l’adoption, plus récente,de cibles de maîtrise de l’inflation.

Un autre changement important qui estsurvenu ces dernières années a été l’utilisationpar la Banque des conditions monétaires plutôtque des taux d’intérêt à court terme comme guided’opération dans la conduite de la politiquemonétaire. Par conditions monétaires on entendl’effet conjugué des variations des taux d’intérêtà court terme et du taux de change. Nous visons,pour les conditions monétaires, une trajectoirequi amène la demande globale et les prix àévoluer en conformité avec l’objectif de maîtrisede l’inflation.

Si, à la Banque du Canada, nous avonsretenu les conditions monétaires comme guided’opération de la politique monétaire, c’est parceque nous sommes conscients qu’en régime detaux de change flexible, comme je l’ai expliquéplus tôt, la politique monétaire se transmet àl’ensemble de l’économie par l’entremise destaux d’intérêt et du taux de change. Parconséquent, lorsque la banque centrale adoptedes mesures pour assouplir ou resserrer sapolitique monétaire (en réaction à de nouveauxrenseignements), elle doit tenir compte del’évolution des deux variables par lesquelles elleagit sur la demande globale. De même, lorsquele taux de change est influencé par un facteurexogène, par exemple lorsque des inquiétudesd’ordre politique provoquent la dépréciation dela monnaie, l’évolution des conditionsmonétaires devrait montrer clairement la natureexpansionniste du choc et la nécessité d’unrelèvement des taux d’intérêt pour y fairecontrepoids.

L’indice des conditions monétaires (ICM) dela Banque est une moyenne des taux d’intérêt àcourt terme et du taux de change effectifpondérée par l’importance relative de leurs effetsestimés sur la demande globale. Par conséquent,

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une variation de l’ICM donne rapidement uneidée de l’effet qu’ont sur la demande globale leschangements qui surviennent dans les deuxcanaux par lesquels les mesures de politiquemonétaire exercent leur principale action.

Je ne voudrais pas sembler trop enthousiasteà propos de l’ICM. Cet indice n’est pas utiliséautomatiquement dans la conduite de la politiquemonétaire. Par exemple, nous ne cherchons pasà ajuster les taux d’intérêt à chaque sursaut dutaux de change. Mais si un phénomènequelconque poussait le taux de change dans unefourchette de variation où il semblerait devoirdemeurer un certain temps (et en l’absenced’autres chocs sur la demande globale), laBanque chercherait à annuler l’effet de cephénomène sur la demande globale en suscitantun mouvement compensatoire des taux d’intérêt.

Il convient de noter aussi que la Banque n’aaucun contrôle direct sur la «répartition» del’effet de ses actions entre les taux d’intérêt et letaux de change. Il peut arriver, à cause desincertitudes sur les marchés financiers dont j’aifait état plus tôt, qu’un assouplissement de lapolitique monétaire donne lieu à une légèrebaisse des taux d’intérêt et à une dépréciationassez importante du dollar canadien. À un autremoment, la même mesure peut entraîner un repliplus marqué des taux d’intérêt et une légèredépréciation du dollar. À cet égard, je tiens àsouligner que la Banque n’exerce pas de contrôlesur le taux de change et ne cherche pas à le faire.C’est l’interprétation que fait le marché, selon laconjoncture économique, des mesures que prendla banque centrale qui détermine les réactions dutaux de change à ces mesures.

Même si les conditions monétaires nousservent de guide d’opération dans la conduite dela politique monétaire, il n’est pas possibled’établir pour l’ICM une trajectoire cibleimmuable. Les conditions monétaires doivent aucontraire être constamment réévaluées et ajustées

de façon à répondre aux chocs de toutes sortes sil’on veut que l’évolution de l’économie restecompatible avec l’objectif qu’est la maîtrise del’inflation.

4. Les fourchettes cibles pour le taux dufinancement à un jour

En utilisant les conditions monétaires commeguide, nous nous appliquons à ajuster lesencaisses de règlement de façon à provoquer unevariation du taux à un jour, puis à amener lechangement souhaité de l’indice des conditionsmonétaires. Comme je l’ai déjà fait remarquer,cet élément de la chaîne de transmission est celuiqui a suscité le moins de recherche; aussi, lesmesures que nous avons prises et les intentionsqui nous animent n’ont-elles pas toujours étéclairement comprises par le secteur financier.

Afin d’accroître la transparence de sesactions, la Banque a décidé vers le milieu del’année dernière de modifier sa tactique de façonà indiquer plus explicitement les limites danslesquelles elle voulait voir évoluer le taux dufinancement à un jour. Depuis lors, elle a établipour ce taux une fourchette cible d’uneamplitude de 50 points de base. La Banque s’estefforcée, par ses opérations sur le marchémonétaire, de maintenir le taux à un jour dans lafourchette visée et d’indiquer clairement leslimites de cette dernière aux participants auxmarchés. La fourchette cible est modifiéelorsque les conditions économiques ou lesconditions du marché l’exigent, mais le seul faitde recourir à une fourchette de cette natureimplique des changements généralement peufréquents. Cependant, il peut arriver, comme celaa été le cas en janvier dernier, que les conditionsdu marché exigent une série de variations sur unetrès courte période. Lorsque la Banque décide demodifier la fourchette cible, le marché en est trèsrapidement informé à partir des taux auxquels la

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18 LA TRANSMISSION DE LA POLITIQUE MONÉTAIRE AU CANADA

Banque conclut des opérations sur le marchédu financement à un jour. En indiquantexplicitement la fourchette visée pour le taux dufinancement à un jour, la Banque espère leverl’incertitude à l’égard de ses intentions, laquellea parfois nui à la transmission des mesures depolitique monétaire aux taux d’intérêt à plus longterme et au taux de change.

5. Une plus grande divulgation desopérations de la Banque

La dernière initiative qu’a prise la Banque pouratténuer l’incertitude entourant la politiquemonétaire dont j’aimerais vous parler a été defournir plus d’information sur ses mesures depolitique monétaire et sur l’interprétation qu’ellefait de l’évolution économique et financière. Jesuppose que beaucoup d’entre vous savent déjàque la Banque publie, depuis 1987, des extraitsdes exposés sur la politique monétaire qui sontprésentés à ses administrateurs lors des réunionsrégulières du Conseil d’administration. Outreces extraits, chaque livraison de la Revuetrimestrielle de la Banque renferme, depuis ledébut de 1993, des observations sur la politiquemonétaire.

Nous allons bientôt publier, dans un rapportsemestriel sur la politique monétaire, un compterendu plus détaillé de l’évolution de l’inflation etde la conduite de la politique monétaire quiviendra compléter les renseignements que nousfournissons déjà. Ce rapport fera état de la façondont nous avons mené la politique monétaire, etsera utile à ceux qui souhaitent être plus éclairéssur la politique monétaire quand vient le momentde prendre des décisions de nature économique.Le premier de ces rapports sera publié au débutde mai prochain.

CONCLUSION

Je tire de cet exposé sur l’incertitude et leprocessus de transmission de la politiquemonétaire trois grandes conclusions au sujet decette politique.

La première concerne le rôle que la politiquemonétaire peut jouer dans l’économie. De touteévidence, compte tenu de la présence généraliséed’incertitudes, la politique monétaire ne peut êtremenée de façon mécanique. Mais il ne faut pasnon plus passer à l’autre extrême et conclure quetoutes ces incertitudes rendent quasi impossiblela conduite d’une politique cohérente.

Comme les effets de la politique monétairesont étalés dans le temps d’une façon qui n’estpas aisément prévisible, les responsables doiventavoir un point de mire à moyen terme stable.Cela exclut donc les tentatives de réglage fin del’économie en vue d’éviter les fluctuationscycliques de la production et de l’emploi. Parcontre, le maintien de la stabilité des prix au fildes années est un objectif qui sied bien à lapolitique monétaire. Autrement dit, la stabilitédes prix est la contribution que la politiquemonétaire est en mesure d’apporter au bonfonctionnement de l’économie.

Ma deuxième conclusion se rapporte àl’importance que revêtent les marchés financierset les anticipations de ses participants dans leprocessus de transmission de la politiquemonétaire. La description que j’ai faite de ceprocessus dans ma conférence ne concorde pasavec l’opinion très répandue selon laquelle laBanque du Canada exerce un contrôle sur toutela gamme des taux d’intérêt au Canada. Cetteperception est un vestige de l’époque où lesmarchés financiers canadiens et étrangers étaientsujets à des contrôles et à des restrictions detoutes sortes, et où les pressions qui s’yexerçaient tendaient à se traduire par unresserrement de l’offre de capitaux plutôt que par

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des mouvements des taux d’intérêt. De nosjours, les marchés sont plus ouverts, plusinternationaux et, par conséquent, nettement plusefficients. Mais il en découle que les tauxd’intérêt sont plus variables, et au Canada, il estentendu que les taux vont réagir aux phénomènesd’origine internationale ou nationale quimodifient les attentes des marchés.

Cela ne signifie pas pour autant que lemarché contrôle les taux d’intérêt et que laBanque n’est pas en mesure de poursuivre unepolitique monétaire axée sur les besoins del’économie canadienne. Je résumerai ma penséeà ce sujet en quelques lignes. La Banque agitdirectement sur les taux à très court terme et, parleur entremise, a un effet sur le taux de change.Sa principale action sur les taux à long terme estindirecte et passe par l’influence qu’elle a sur lesattentes des marchés relativement à l’inflation.Ces formes d’influence qu’exerce la Banque luisuffisent pour mener une politique monétaireanti-inflationniste indépendante. Cependant,plus notre engagement à maîtriser l’inflation et àatteindre la stabilité des prix sera clair, plus notrepolitique monétaire sera efficace.

Cela m’amène à ma troisième conclusion.Dans le monde incertain que je viens de vousdécrire, qui est exposé aux chocs et où lesmarchés sont plus ouverts et plus internationauxqu’ils ne l’étaient auparavant, il importe nonseulement que l’objectif ultime de la politiquemonétaire soit clair, mais aussi que la mise enœuvre de cette politique soit aussi transparenteque possible. Voilà pourquoi les initiatives dontj’ai parlé plus tôt et qu’a prises la Banque en vuede mieux renseigner le public sur ses activitéss’appliquent à chacun des éléments de la chaînede transmission de la politique monétaire, depuisles mesures que nous prenons pour modifier letaux du financement à un jour jusqu’à l’effet queces mesures ont finalement sur l’inflation.

L’information n’est évidemment utile que sielle est crédible. En ce qui concerne notreengagement à réaliser et à maintenir la stabilitédes prix, seuls les résultats que nous obtiendronsau fil du temps nous vaudront cette crédibilité.Mais un examen rétrospectif de l’évolution del’économie montre clairement qu’une foisqu’une politique monétaire axée sur la stabilitédes prix devient crédible, l’objectif est plus facileà atteindre et à maintenir et devient un atoutmajeur dans la réalisation de résultatséconomiques bons et durables.

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Le présent article traite des divers outilsqu’utilise la Banque du Canada pour mettre enœuvre la politique monétaire, en évoquant aupassage les changements qui ont accompagnél’instauration d’un système libre de réservesobligatoires. Il convient de faire dès le départune distinction importante entre l’objectif à longterme de la politique monétaire – la stabilité desprix – et l’établissement des conditionsmonétaires nécessaires à la réalisation de cetobjectif, lesquelles peuvent varier selon laconjoncture économique.

Après avoir décrit brièvement la manièredont la Banque décide du niveau approprié desconditions monétaires, l’article examine lesopérations quotidiennes de tirage et de dépôt,principal mécanisme de mise en œuvre de lapolitique monétaire, puis l’emploi par la Banquedes opérations d’open market.

CHOIX DES CONDITIONS

MONÉTAIRES

L’objectif déclaré de la politique monétaire de laBanque du Canada est la stabilité des prix, et laBanque a une conception relativementtraditionnelle du mécanisme de transmission decette politique1. Pour mettre en œuvre cettedernière, la Banque détermine la mesure danslaquelle il convient de resserrer ou d’assouplirles conditions monétaires (expression quidésigne, pour la banque centrale, l’effet combinédes taux d’intérêt et du taux de change sur lademande globale dans l’économie)2. Elle sefonde pour cela sur une évaluation de l’évolution

1. Des cibles de réduction de l’inflation ont été annoncéesconjointement par le ministre des Finances et le gouverneur de laBanque du Canada en février 1991; la période pendant laquelleelles s’appliquent a été prolongée dans une déclaration conjointedu gouvernement et de la Banque en décembre 1993. Le cadregénéral de mise en œuvre de la politique monétaire qui est décrit icipourrait être appliqué à d’autres cibles de politique monétairetelles que le taux de croissance d’un agrégat monétaire ou durevenu nominal.2. Le lecteur trouvera dans l’article de Freedman reproduit dansle présent volume une analyse des conditions monétaires faite dupoint de la vue de la Banque du Canada.

Texte publié initialement en mars 1995 dansAnalyse de Politiqueset reproduit ici avec le consentement des éditeurs

La mise en œuvre de la politiquemonétaire au Canada

Bruce Montador

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22 LA TRANSMISSION DE LA POLITIQUE MONÉTAIRE AU CANADA

future de l’économie et sur son appréciation del’incidence exercée par les taux d’intérêt à courtterme et le taux de change sur la dépense.L’évolution de la dépense qu’elle prévoit enconséquence doit être conforme à ses objectifs deréduction de l’inflation. La Banque recourt à desprojections économiques ainsi qu’à d’autresindicateurs de l’évolution économique etfinancière pour procéder à ces évaluations (voirDuguay et Poloz, 1994).

Une trajectoire déterminée des conditionsmonétaires est compatible avec un grand nombrede combinaisons différentes du taux de change etdes taux d’intérêt. Si le dollar canadiens’apprécie sous l’effet, par exemple, demodifications de portefeuilles qui n’ont pas ensoi d’incidence immédiate sur la demandeglobale, les taux d’intérêt peuvent être assouplisde manière à maintenir globalement les mêmesconditions monétaires. (En fait, l’effetexpansionniste d’une baisse des taux d’intérêtsur la dépense compenserait l’effet restrictif duraffermissement du dollar canadien.) Si, parcontre, le dollar s’apprécie en raison d’unedemande accrue d’exportations canadiennes, ilne convient peut-être pas de laisser diminuer lestaux d’ intérêt , parce que les tensionssupplémentaires exercées sur l’appareil deproduction au Canada pourraient aller àl’encontre de la réalisation et du maintien de lastabilité des prix.

En règle générale, la Banque s’attend à ceque les mesures qu’elle prend pour modifier lestaux d’intérêt entraînent une réaction du marchédes changes, et elle tient compte de cette réactionendogène dans son appréciation de lamodification à apporter aux taux d’intérêt à courtterme. Si le marché des changes ne réagit pas,une variation des taux d’intérêt plus forte quecelle prévue initialement sera nécessaire pourobtenir les conditions monétaires souhaitées. Àl’opposé, si le taux de change réagit plusvigoureusement que prévu à la variation initiale

des taux d’intérêt, la variation totale de cesderniers n’aura pas à être aussi importante. Celapeut se produire dans une certaine mesure sansque la Banque y soit pour rien, les modificationsdu taux de change entraînant souvent uneréaction directe du marché monétaire. Unebaisse (hausse) du dollar peut faire augmenter(diminuer) les taux d’intérêt à court terme.

Lorsqu’on évoque l’incidence des tauxd’intérêt sur l’économie, on pense évidemment àl’ensemble de la courbe de rendement.Cependant, la banque centrale n’agit pasdirectement sur les taux d’intérêt à moyen et longterme, lesquels dépendent d’un certain nombrede facteurs, notamment les attentes au sujet del’inflation, une prime de risque et la vigueur de lademande globale dans l’économie. Comme lecontrôle que la Banque du Canada exerce sur labase monétaire découle de son action sur levolume des encaisses de règlement mises à ladisposition des adhérents de l’Associationcanadienne des paiements (12 banques etinstitutions financières parabancaires quitiennent un compte à la Banque du Canada), ellen’influence directement que le taux dufinancement à un jour, toute modification duniveau de ces encaisses ayant tendance à serépercuter sur ce taux. Les variations du taux desfonds à un jour se répercutent à leur tour sur lesautres taux à court terme. Plus particulièrement,étant donné que les banques et les courtiers envaleurs mobil ières doivent financer unstock d’instruments du marché monétaire etrecourent pour cela dans une très large mesure aumarché des fonds à un jour, les mesures prisespar la Banque du Canada pour influer sur le coûtde ces fonds auront un effet sur les taux des bonsdu Trésor et les autres taux du marché monétaire,ainsi que sur les résultats de l’adjudicationhebdomadaire de bons du Trésor. (Le tauxd’escompte est fixé à 25 points de base au-dessusdu taux de rendement moyen offert sur les bons àtrois mois.)

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23BRUCE MONTADOR

Une fois déterminées les conditionsmonétaires globales qu’elle entend viser, laBanque du Canada cherche à maintenir le tauxdes fonds à un jour dans une fourchette (dont lalargeur a été d’environ 50 points de base engénéral en 1994) qui, à son avis, amènera lestaux d’intérêt à court terme sur le marchémonétaire (y compris le taux des bons du Trésorà trois mois) au niveau souhaité3. Elle doitconstamment décider si de nouvelles mesuressont nécessaires pour atteindre les résultatsdésirés.

La relation particulière qui existe entre letaux des fonds à un jour et le niveau général destaux du marché monétaire varie selon l’humeurdu marché. Si les opérateurs sont très optimistes,à un point tel que les taux à court terme commencentà baisser plus vite que la Banque le jugeapproprié (compte tenu également de l’évolutiondu taux de change)4, le taux des fonds à un jourpeut devoir être fixé au-dessus du taux des bonsdu Trésor à trois mois. Cela imposera un coûtaux intermédiaires financiers et aux autresinvestisseurs qui détiennent des bons du Trésorfinancés sur le marché des fonds à très courtterme, effaçant ainsi une partie de la plus-valueque ces opérateurs s’attendent à réaliser grâce àla baisse des taux d’intérêt. Si, par contre, lestaux d’intérêt montent et que cette évolution estjugée incompatible avec les conditions monétaires

3. La fréquence des changements institutionnels et le nombre desfacteurs influant sur le marché monétaire (facteurs liés au jour dela semaine ou de l’année, à la semaine, au mois ou au trimestre,sans oublier la période de calcul de la moyenne) ont fait que,malgré l’abondance des données, la Banque du Canada n’a pu sefier jusqu’ici à des modèles formels de la relation entre le taux à unjour et les autres taux en vigueur sur le marché monétaire oud’autres relations évoquées plus loin dans l’article.4. La Banque estime que des variations graduelles des tauxd’intérêt ont de meilleures chances d’être durables que desfluctuations brusques, qui ne donnent pas aux investisseurs –y compris les investisseurs étrangers – le temps de modifier leursattentes concernant le niveau approprié des taux d’intérêt comptetenu de la conjoncture économique et des perspectives d’inflation.Voir Banque du Canada (1992, p. 10).

visées par la Banque, celle-ci injectera desliquidités supplémentaires dans le marché dufinancement à un jour de manière à freiner latendance à la hausse des taux. Dans ce cas, letaux à un jour sera normalement inférieur au tauxdes bons du Trésor à trois mois. La période allantde 1992 à la fin de 1994 offre plusieurs exemplesdes deux situations (voir la Figure 1).

Dans la section qui suit, nous examinerons lafaçon dont se prend chaque jour la décisiond’injecter des fonds dans le système financier oud’en retirer. La troisième section traitera durecours aux opérations d’open market.

LE MÉCANISME DES TIRAGES ET

DES DÉPÔTS

La Banque du Canada est capable d’influer surles conditions monétaires parce que le règlementdes transactions qui ont lieu entre les institutionsfinancières se fait dans ses livres et qu’elle peutmodifier rétroactivement le montant total desencaisses de règlement mises à la disposition desinstitutions.

Les adhérents de l’Association canadiennedes paiements tiennent un compte à la Banque duCanada afin de pouvoir régler les transactionsqu’ils concluent entre eux. Si, à la fin d’unejournée déterminée, le résultat net de toutes lestransactions effectuées entre les clients del’institution A et ceux des autres institutions estun débit de 20 millions de dollars sur les comptesdes clients de A, une somme de 20 millions dedollars sera retirée le lendemain matin du comptede cette institution à la Banque du Canada, ladate d’effet du retrait étant la veille. Pour faireface à ce retrait, l’institution A devra soit avoir20 millions de dollars au crédit de son compte àla Banque du Canada, soit faire appel au créditde cette dernière. Si le solde des transactions

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24 LA TRANSMISSION DE LA POLITIQUE MONÉTAIRE AU CANADA

effectuées par les clients de A est en leur faveur,le montant voulu sera porté au crédit du comptede A, là encore à la date de la veille. Étant donnéque les comptes tenus à la Banque du Canada nesont pas rémunérés, les adhérents sont incités àmaintenir leurs dépôts au plus bas niveau possibleet à recourir au crédit de la banque centrale si lecoût n’en est pas prohibitif. Par le passé – et ilen est encore ainsi dans un grand nombre de paysétrangers –, l’accès au crédit de la banquecentrale a généralement été limité par lerationnement ou par le recours à la persuasionlorsque la demande de crédit des institutionsfinancières risquait de devenir trop forte.

Cependant, les nouvelles modalités de miseen œuvre de la politique monétaire au Canadavisent à amener les adhérents à déterminer leniveau approprié de leurs encaisses de règlementsimplement à la lumière des coûts relatifs5.

Auparavant, la demande d’encaisses derèglement était liée au volume des réservesobligatoires que devaient maintenir les banques.La tenue de telles réserves était généralementjustifiée par le désir d’influer sur la taille du

5. Avant les changements apportés récemment aux exigences enmatière de réserves, la Banque du Canada recourait à lapersuasion pour dissuader les adhérents d’effectuer des empruntsexcessifs. Il était cependant de plus en plus nécessaire de modifierle système, en particulier à cause du rôle des adhérentsparabancaires, qui n’étaient assujettis à aucune exigence en lamatière (et ne bénéficiaient pas du «calcul de la moyenne»), et de ladiminution des dépôts exigés des banques, leurs avoirs en billetsayant augmenté en raison de l’utilisation croissante des guichetsautomatiques pendant que leurs dépôts soumis aux réservesstagnaient. La progression de ces dépôts était limitée par le faitque les banques n’étaient pas obligées de garder de réserves encontrepartie des dépôts tenus dans leurs filiales de prêthypothécaire, afin d’être en mesure de livrer concurrence dans cesecteur aux sociétés de fiducie, qui n’avaient pas à maintenir deréserves à la Banque du Canada.

Figure 1 Taux des bons du Trésor à trois mois et taux du financement à un jour

Taux des bons duTrésor à trois mois

Taux dufinancement àun jour

Écart brut

3

4

5

6

7

8

9

10

1992 1993 1994

-3

-2

-1

0

1

2

1992 1993 1994

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25BRUCE MONTADOR

multiplicateur monétaire et par un souci deprudence. Or, cela fait longtemps que lesbanques centrales considèrent que le stock demonnaie est déterminé par la demande et estfonction du revenu (ou de la richesse) ainsi quedes taux d’intérêt. Les points de vue ontégalement évolué concernant le souci deprudence qui motivait l’institution de réservesobligatoires. Si les banques solvables ont accèsau crédit de la banque centrale, elles n’ont pasbesoin de maintenir de réserves pour se protégercontre une ruée des déposants à leurs guichets;qui plus est, si l’on se soucie de leur rentabilitéou de leur solvabilité, il n’est guère indiqué deles obliger à détenir une partie de leur actif sousune forme improductive. La décision dugouvernement canadien d’éliminer les réservesobligatoires imposées aux banques à charte peutdonc être assimilée à la simple abolition d’unetaxe sur les banques. Cette décision a été prisedans le but d’uniformiser les règles du jeu au seinde la communauté financière, la législation étanten voie d’être modifiée pour donner auxconcurrents des banques, qui, eux, n’étaient pastenus de garder des réserves non rémunérées à laBanque du Canada, des pouvoirs analogues àceux des banques en matière de prêt. L’éliminationdes réserves obligatoires n’influe pas sur la capacitéde la Banque du Canada de mettre en œuvre lapolitique monétaire puisque cette institutioncontinue de déterminer l’offre de moyens derèglement final.

Dans le régime institué en juin 1992 aprèsl’entrée en vigueur des nouvelles lois régissantles institutions financières – lois qui, entre autreschoses, abolissaient les réserves obligatoires –,les adhérents continuent de tenir un compte à laBanque du Canada, mais uniquement pour lerèglement de leurs transactions6. Si, à l’issue desopérations de la journée, un adhérent se retrouveavec un solde de règlement négatif supérieur ausolde de son compte à la Banque, il peut obtenir

de la Banque du Canada un prêt pour découvert.Le taux d’intérêt appliqué à ce découvert est letaux d’escompte. Comme celui-ci esthabituellement très voisin du taux des fonds à unjour et que l’institution financière obtient un tauxanalogue sur l’actif qui est implicitement financépar le découvert, le seul fait d’avoir à payer unintérêt sur ce dernier n’est guère de nature àlimiter les emprunts auprès de la banquecentrale. Pour limiter ceux-ci, on soumet lesadhérents à une contrainte supplémentaire. Surl’ensemble d’une période de calcul de quatre oucinq semaines qui se termine le troisièmemercredi du mois, la position cumulative desadhérents (la somme de leurs positionsquotidiennes) à la Banque du Canada,abstraction faite de l’incidence des prêts pourdécouvert, doit être égale ou supérieure à zéro.Faute de quoi, l’adhérent se voit facturer sur lesolde négatif un intérêt égal à celui d’un prêtd’une journée au taux d’escompte. Le recours aucrédit de la banque centrale impose donc unsecond coût aux adhérents : ils devront compenserleurs découverts par un solde positif dont le coûtd’opportunité sera le taux d’intérêt du marché(approximativement le tauxd’escompte), ou alorspayer des frais équivalents. Le coût effectif esttoutefois inférieur au double du taux d’escompteparce que le principe de la moyenne – qui permetd’annuler les soldes positifs et négatifs – donne à

6. En fait, jusqu’en juillet 1994, le niveau des réserves que lesbanques à charte devaient maintenir sous forme de numéraire oude dépôts à la Banque du Canada a été graduellement abaissé,mais il était calculé par rapport au volume passé (moyenne dejuillet 1991 à juin 1992), et non courant, des dépôts dans cesbanques. Les éléments essentiels du système actuel ont été mis enplace en novembre 1991, avant l’entrée en vigueur de la nouvellelégislation.

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26 LA TRANSMISSION DE LA POLITIQUE MONÉTAIRE AU CANADA

l’adhérent une plus grande souplesse durant lereste de la période de calcul7.

Il ressort des recherches effectuées à la Banquedu Canada que la demande d’encaisses derèglement des adhérents est bien définie (voir parexemple Longworth, 1989). Cela signifie que, sila Banque du Canada veut faire monter les taux àun jour, elle peut diminuer le volume global desencaisses de règlement mis à la disposition desadhérents, et vice versa si elle veut favoriser unebaisse des taux. Comment modifie-t-elle leniveau de ces encaisses? La Banque tire parti dufait qu’elle est aussi le banquier de l’État.

Le gouvernement fédéral tient en effet uncompte à la Banque du Canada. Il a aussi desliquidités, dont une partie est offerte chaquesemaine aux adhérents par un mécanismed’adjudication. Les encaissements etdécaissementsdu gouvernement fédéral (y compris, par exemple,l’effet des interventions de la Banque du Canadasur les marchés des changes pour le compte dugouvernement) passent par son compte à la Banquedu Canada. Ces opérations ont tendance àdiminuer ou à accroître les encaisses mises à ladisposition du système financier. Comme celaaccentuerait inutilement la volatilité des marchésfinanciers, la Banque du Canada a pour politiquede stériliser ces opérations en neutralisant lemontant qui est injecté dans le système ou qui enest retiré. La Banque procède pour cela à desvirements de fonds entre le compte dugouvernement à la Banque du Canada et lescomptes de ce dernier auprès des adhérents. (Lesinterventions sur les marchés des changes setrouvent de ce fait automatiquement stérilisées.)Ou la Banque effectue un tirage d’un montant

7. En effet, une fois qu’un adhérent a une position cumulativenégative au titre des encaisses excédentaires, les excédents nonrémunérés observés durant le reste de la période de calcul de lamoyenne ne donnent pas lieu à un coût d’opportunité égal aux tauxd’intérêt du marché, puisqu’ils réduisent l’importance des intérêtsà verser en fin de période. Le même raisonnement s’applique auxdécouverts lorsque l’adhérent a une position cumulative positive.

équivalent aux encaisses de règlementqu’obtiendraient autrement les adhérents sousl’effet des décaissements du gouvernement, oubien elle dépose dans leurs comptes l’équivalentdes soldes que les encaissements nets dugouvernement leur feraient perdre. La Banqueprocède aussi de cette manière pour neutraliserl’effet non souhaité de ses propres transactions (ycompris les opérations d’open market) sur lesencaisses de règlement. Cette neutralisation estl’une des raisons d’être du mécanisme dit destirages et des dépôts8.

Cependant, la Banque du Canada recourt aumécanisme des tirages et des dépôts nonseulement pour neutraliser ces mouvements defonds, mais aussi pour modifier l’offre globaled’encaisses de règlement aux fins de la conduitede la politique monétaire, c’est-à-dire pourinfluer sur les taux à un jour. Chaque soir, aprèsla fermeture des marchés, le personnel dudépartement des Valeurs informe la HauteDirection de la situation probable des marchés lelendemain. Parmi les facteurs que cherche àévaluer le personnel figurent le solde ponctuelque les adhérents souhaitent avoir à la Banque duCanada et leurs attentes concernant le dépôt ou letirage de fonds du gouvernement. Le personneltient aussi compte des taux à un jour affichéspour le lendemain, ainsi que de tout renseignementobtenu sur la position de trésorerie desprincipaux adhérents (les grandes banques).Certaines journées, ces institutions doivent seprocurer des fonds à court terme, tandis que,d’autres jours, elles en ont à prêter. La taille desportefeuilles que les courtiers en valeurs doiventfinancer le lendemain entre également en lignede compte. Si la Banque du Canada a effectuédes opérations de pension (décrites plus loin) aucours de la journée, elle saura si les participantsdevront financer le dénouement de ces opérations

8. Pour plus de détails, voir Clinton (1991).

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27BRUCE MONTADOR

le lendemain ou si, à l’inverse, ils recevront lesfonds qui avaient été retirés du système. De plus,le gouvernement met chaque jour aux enchères,sous la forme de dépôts à très court terme,l’excédent de son encaisse sur ses besoins detrésorerie quotidiens, ce qui se traduit par unapport ou une ponction de fonds pour lesadhérents pris dans leur ensemble selon le sensde la variation nette de l’encours de ces dépôts9.Bien entendu, les variations de ces dépôtsreflètent bien souvent les livraisons d’obligationset de bons du Trésor nettes des émissions échues,ou encore d’importants encaissements (p. ex. lesrentrées d’impôts sur le revenu) oudécaissements (p. ex. les versements dep r e s t a t i o n s d e s é c u r i t é s o c i a l e ) d ugouvernement10. Tous ces facteurs peuventinfluer sur le niveau probable des taux dufinancement à un jour le lendemain. Il convientde se rappeler que la majeure partie des fonds àun jour provient de sources autres que les banqueset les courtiers (sociétés, administrations etentreprises publiques provinciales), mais que lademande de fonds à la marge est habituellementsatisfaite par les adhérents, de sorte qu’elle serainfluencée par le volume des encaisses derèglement offert par la Banque du Canada.

La Banque réévalue constamment le taux àun jour visé afin de veiller à ce qu’il soit enpermanence compatible avec l’obtention destaux souhaités sur le marché monétaire (enparticulier le taux des bons du Trésor établi lorsde l’adjudication hebdomadaire). La Banquedécide chaque soir de la mesure dans laquelleelle ajustera la composante de neutralisation du

9. Pour plus de détails, voir O’Connor (1991).10. L’effet d’une opération d’open market ou d’une transaction dugouvernement sur les encaisses de règlement est en principeneutralisé par le mécanisme des tirages et des dépôts. Cependant,les institutions touchées par le dépôt ou le tirage peuvent ne pasêtre celles qui ont besoin de réinvestir des fonds ou de refinancerleur position, ni celles qui sont en cause dans les transactions dugouvernement.

tirage ou du dépôt, accroissant ainsi les encaissesde règlement dans le système ou les réduisant,dans le but d’amener le taux à un jour àl’intérieur de la fourchette visée11. L’ajustementest donc fondé sur une estimation implicite del’élasticité du taux à un jour à une modificationde l’offre d’encaisses de règlement. En raison del’existence de la composante de politique monétairedans les tirages ou dépôts faits chaque jour par laBanque du Canada, il est évidemment plus difficilepour les adhérents d’estimer leur solde quotidien.L’opération effectuée chaque matin vers 8 h 30,heure de l’Est, modifie les soldes des adhérentsen date de la veille. Au moment de décider desopérations qu’elles doivent conclure sur le marchémonétaire afin d’obtenir le montant d’encaissesde règlement qu’elles souhaitent avoir en dépôt àla Banque du Canada, les institutions financièresdoivent évaluer le solde probable de leur comptele lendemain matin; elles doivent pour celaanticiper le montant de l’opération de tirage oudépôt, ainsi que suivre de près le résultat de leurstransactions normales. (À cette fin, elles demandentgénéralement à leurs plus gros clients de lesinformer, dans la mesure du possible, destransactions importantes qu’ils prévoientd’effectuer.) Lorsque le tirage ou le dépôt a lieu,il est trop tard pour que les adhérents puissentmodifier leur position de la veille. Touteencaisse supplémentaire fournie par la Banquesignifie que ceux-ci auront davantage de fonds àprêter cette journée-là, ce qui exercera despressions à la baisse sur le taux à un jour, et viceversa si les encaisses de règlement ont étéréduites. Comme les adhérents ne connaissentpas le résultat exact des opérations quotidiennes

11. Il peut arriver que le montant des soldes du gouvernementlimite celui du tirage que peut effectuer la Banque. Cettecontrainte est cependant de nature purement technique et, aubesoin, la Banque peut recourir à des opérations d’open marketpour obtenir le résultat souhaité.

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28 LA TRANSMISSION DE LA POLITIQUE MONÉTAIRE AU CANADA

de compensation, ils doivent se prémunir contred’éventuelles «surprises» à ce chapitre, carcelles-ci sont coûteuses12.

Pour donner une idée des genres de décisionsprises chaque soir, les Tableaux 1 et 2 résumentles types de renseignements qui entrent en lignede compte. Les noms des adhérents sont fictifs.Les deux tableaux présentent les soldes derèglement excédentaires ponctuel et cumulatif dela veille pour chaque adhérent, leurs soldesponctuel et cumulatif visés pour la journée et laposition du système dans son ensemble. Ilsmontrent aussi le taux des fonds à un jour envigueur ce jour-là, le taux prévu pour lelendemain par le marché et la fourchette destirages ou dépôts prévus par les adhérents. Ilsindiquent en outre si certains des adhérents ontd’importantes sommes à prêter ou à empruntersur le marché à un jour. (À noter qu’un adhérentpeut avoir un solde cumulatif positif et devoirquand même se procurer des fonds le lendemain.Ses besoins de financement ou sa capacité de prêtsont fonction des décisions qu’il prendconcernant la gestion de l’ensemble de son bilanet non uniquement du solde de son compte à laBanque du Canada13.) Les Tableaux 1 et 2montrent enfin les positions ponctuelles dusystème qu’impliquent différents tirages ou

12. Pendant la période d’élimination progressive des réservesobligatoires, certains adhérents bancaires avaient encored’importants dépôts obligatoires à la Banque du Canada. Même sices dépôts peuvent être assimilés à un impôt sur ces banques, ilsdonnaient à celles-ci plus de souplesse dans la gestion de leurtrésorerie, puisqu’elles pouvaient ainsi accorder des prêts àhauteur de ces dépôts, une journée déterminée, sans devoir lesfinancer par un découvert. Cela s’est traduit à l’occasion par unecertaine rigidité dans la réaction des taux à un jour au volume desencaisses de règlement. Si les banques ayant des dépôtsobligatoires substantiels avaient un important solde cumulatifexcédentaire positif vers la fin de la période de calcul en raison desurprises survenues au stade de la compensation, elles pouvaientcontinuer d’accorder des prêts pendant un certain temps même si laBanque du Canada entreprenait de retirer des fonds du système, cequi retardait parfois le durcissement des taux à un jour que laBanque avait voulu provoquer.

dépôts, étant donné l’ampleur des transactions dugouvernement et de la banque centrale devantêtre neutralisées.

Dans l’exemple du Tableau 1, deux desadhérents ont des besoins de financementexceptionnellement élevés pour le lendemain, cequi aura tendance à exercer des pressions à lahausse sur les taux à un jour. Le tirage quipermettrait aux adhérents d’obtenir le volumed’encaisses de règlement qu’ils souhaitent estsupérieur au tirage qu’ils prévoient (-300comparativement à une fourchette de -100à +100). Cet écart peut être dû à unesous-estimation, par les adhérents, desmouvements de fonds en faveur dugouvernement et de la banque centrale, quidoivent être neutralisés. La Banque choisiraitprobablement, dans ce cas, d’établir la positionponctuelle du système au-dessus du niveau viséglobalement par les adhérents, puisqu’elle veuten fait que le taux à un jour diminue au lieud’augmenter comme l’indiquent les taux affichéspour le lendemain. Par exemple, la Banquepourrait décider de viser pour le système uneposition ponctuelle de -300 (au lieu du chiffrede -500 souhaité par les adhérents), ce quiimpliquerait un tirage de 10014. En fait,l’opération globale (-100) équivaut à un dépôt

13. Les institutions financières qui, aux Tableaux 1 et 2, ontd’importants besoins de financement ou d’importantes sommes àinvestir ont été choisies dans le but d’illustrer le fonctionnement dusystème; aucun lien ne doit être établi avec les autresrenseignements figurant dans les Tableaux. Voici deux exemplesdes facteurs qui influent sur la position de demandeur ou d’offreurnet de fonds des banques : un certain nombre de dépôts à terme quiarrivent à échéance dans un proche avenir, d’où d’importantsbesoins de financement; la remise à plus tard, dans le cadre d’unestratégie de placement, de l’achat d’un important volume de bonsdu Trésor ou d’obligations, ce qui libère des fonds à investir à unjour.14. Ce n’est pas le montant absolu du tirage ou du dépôt, mais ladifférence entre la transaction effectuée et ce à quoi s’attendent lesopérateurs du marché qui importe aux fins de la politiquemonétaire.

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29BRUCE MONTADOR

Tableau 1 Nécessité d’injecter des fonds dans le système

Soldes de règlement excédentaires

Solde précédent Solde viséFonds à emprunter

Adhérent Ponctuel Cumulatif Ponctuel Cumulatif ou à placer*

Banque AB 322 -111 -111 -222Banque de Winnipeg -87 -130 -119 -249Banque du St-Laurent -107 -23 -178 -201Manufacturers Bank 32 161 -58 103Banque Maritime -63 192 -73 119Traders Bank 93 506 52 558Fiducie de l’Ontario -8 34 -13 21Merchant Trust -52 85 12 97Co-op Credit of BC 21 168 -12 156

Système 151 882 -500 382

Fourchette des tirages et dépôts prévus par les adhérents de -100 à +100(Le signe moins indique un tirage, le signe plus, un dépôt.)

Position ponctuelle Variation possible de la Opération de Dont : Neutralisation despossible du système position ponctuelle du tirage ou dépôt opérations du gouvernement

système** et de la banque centrale

-500 -651 -300 351-300 -451 -100 351

0 -151 +200 351

Taux d’escompte 5,25 %Taux à un jour de la journée 5,00 %Taux à un jour affiché pour le lendemain 5,25 %Taux à un jour visé 4,75 %

* Importants besoins de financement Importants montants à investir**Différence entre la position actuelle du système et la position précédente

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30 LA TRANSMISSION DE LA POLITIQUE MONÉTAIRE AU CANADA

Tableau 2 Nécessité de retirer des fonds du système

Soldes de règlement excédentaires

Solde précédent Solde viséFonds à emprunter

Adhérent Ponctuel Cumulatif Ponctuel Cumulatif ou à placer*

Banque AB 322 -111 40 -71Banque de Winnipeg -87 -130 -101 -231Banque du St-Laurent -107 -23 70 47Manufacturers Bank 32 -161 60 -101Banque Maritime -63 192 -75 117Traders Bank 93 -506 90 -416Fiducie de l’Ontario -8 34 5 39Merchant Trust -52 -85 10 -75Co-op Credit of BC 21 168 1 169

Système 151 -622 100 -522

Fourchette des tirages et dépôts prévus par les adhérents de -100 à +100(Le signe moins indique un tirage, le signe plus, un dépôt.)

Position ponctuelle Variation possible de la Opération de Dont : Neutralisation despossible du système position ponctuelle du tirage ou dépôt opérations du gouvernement

système** et de la banque centrale

250 +99 400 301100 -51 250 301

-150 -301 0 301

Taux d’escompte 5,25 %Taux à un jour de la journée 5,00 %Taux à un jour affiché pour le lendemain 4,75 %Taux à un jour visé 5,125 %

* Importants besoins de financement Importants montants à investir**Différence entre la position actuelle du système et la position précédente

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31BRUCE MONTADOR

de 351 destiné à compenser les encaissementsnets du gouvernement et de la Banque du Canadaet à un tirage de 451 aux fins de la politiquemonétaire (qui ramènerait la position ponctuellede 151 à -300). Dans l’exemple du Tableau 2, ledépôt effectué à des fins de neutralisation est plusélevé que prévu, deux des banques ont desmontants exceptionnellement importants à prêteret le taux affiché pour le lendemain sur le marchédes fonds à un jour laisse présager une baisse dutaux à un jour, alors que la Banque voudrait quecelui-ci augmente légèrement. Dans ce cas-ci, laBanque fixerait probablement la positionponctuelle du système au-dessous du niveausouhaité par les adhérents. Par exemple, la Banquepourrait essayer de fixer cette position à -150, cequi ne nécessiterait aucune transaction (oul’équivalent d’un dépôt de 301 pour neutraliserles encaissements nets du gouvernement et de laBanque combiné à un tirage de 301 aux fins de lapolitique monétaire).

Il importe de noter que, lorsqu’on analysel’opération de tirage ou de dépôt, ce n’est pas leniveau absolu des encaisses offertes qui doit êtreconsidéré comme généreux ou restrictif, maisbien le niveau de ces encaisses par rapport à celuique souhaitent les adhérents.

S’il est vrai que le mécanisme des tirages etdes dépôts est le principal moyen utilisé pourmettre en œuvre la politique monétaire, lesopérations d’open market jouent également unrôle complémentaire important, en particulier enpériode de volatilité des taux d’intérêt.

LES OPÉRATIONS D’OPEN MARKET

Les opérations d’open market menées sur le marchédes bons du Trésor constituent pour la Banque duCanada un outil supplémentaire dans la conduite

de la politique monétaire15. Comme l’objectifque la Banque poursuit en matière de conditionsmonétaires globales est formulé en fonction destaux à court terme sur le marché monétaire, lafourchette dans laquelle elle souhaite que le tauxà un jour s’établisse n’est qu’un moyen d’atteindrel’objectif visé et peut dans les faits se révélerinappropriée. Le cas échéant, il peut donc êtrenécessaire de seconder le mécanisme des tirageset des dépôts par des opérations d’open marketsur bons du Trésor.

En gros, la Banque recourt à deux techniquespour mener ces opérations d’open market : lesopérations de pension sur bons du Trésor16, quiinfluent sur le marché des fonds à un jour, et lesachats ou ventes de bons du Trésor sur le marché,qui ont un effet plus général sur le marchémonétaire. Durant la journée, les opérationseffectuées sur le marché des fonds à un jour et lemontant du financement à un jour que lesopérateurs du marché monétaire ont encorebesoin de se procurer donnent aux autorités uneidée de l’évolution du marché. Un indice durésultat probable de la prochaine adjudication debons du Trésor (et, donc, de la variation probabledes taux du marché monétaire de façon générale)est le prix auquel se négocie le bon du Trésor àtrois mois avant l’émission17.

15. Pour plus de renseignements sur le marché des bons du Trésor,voir Fettig (1994).16. Pour plus de détails, voir l’article de Clinton et Fettig (1989)reproduit dans le présent volume.17. Le marché des bons avant l’émission est un marché à terme desbons du Trésor qui doivent être mis aux enchères le mardi suivant;il entre en activité dès l’annonce, le mardi précédent, de la taille dela prochaine adjudication. Ce sont surtout les adhérents et lesprincipaux participants au marché des valeurs mobilières quis’adressent à ce marché, afin de vendre d’avance les bons du Trésorqu’ils entendent acquérir à la prochaine adjudication ou de couvrirla position qu’ils comptent y prendre. Le rendement des bons duTrésor négociés avant l’émission est généralement un bonbaromètre du rendement qui sera obtenu lors de la prochaineadjudication. Pour en savoir davantage sur le marché des bons duTrésor avant l’émission, voir Pugh (1992).

Page 34: La transmission de la politique monétair e au Canada

32 LA TRANSMISSION DE LA POLITIQUE MONÉTAIRE AU CANADA

Lorsque la Banque choisit d’intervenir sur lemarché du financement à un jour, elle effectuedes opérations de pension : des prises en pensionspéciales18 pour empêcher les taux de dépasserun certain plafond ou des cessions en pensionpour les empêcher de descendre au-dessous d’unplancher. Quand la Banque offre de procéder àune prise en pension spéciale, elle annonce auxagents agréés du marché monétaire (des banqueset des courtiers en valeurs mobilières désignés)qu’elle leur achètera des bons du Trésor pour lesleur revendre le lendemain à un prix déterminé.La différence de prix entre les deux opérationsest le taux d’intérêt auquel la Banque consent unfinancement aux agents agréés. Bien qu’il existedes lignes de crédit qui limitent en théorie levolume des concours que chaque agent agréépeut obtenir de la Banque, celle-ci peut choisird’offrir des prises en pension spéciales plusd’une fois dans la même journée. Elle peut decette manière plafonner le taux des fonds à unjour. Le taux auquel la Banque choisit d’offrirune prise en pension spéciale peut égalementconstituer pour le marché un indice révélateur dela politique monétaire à venir. Si, par contre, laprise en pension spéciale est offerte autaux d’escompte en vigueur, cela indiquegénéralement que l’opération est de caractèrepurement technique et vise à favoriser lemaintien de conditions ordonnées sur le marché.La cession en pension est l’opération exactementinverse; elle est en pratique offerte auxprincipaux adhérents (c’est-à-dire les grandesbanques), qui constituent les plus importantessources de fonds à un jour à la marge, le but étantalors d’éponger les excédents de liquidités pourlimiter la baisse du taux à un jour. Là encore, letaux auquel une cession en pension est offerte

18. On les qualifie de «spéciales» parce que les prises en pensionordinaires se font à l’initiative des agents agréés du marchémonétaire, sont assujetties à un plafond défini d’avance et sontconclues au taux d’escompte.

peut être un important signal des autoritésmonétaires. Lorsque des prises en pensionspéciales et des cessions en pension ont toutesdeux été offertes au cours de la période récente,le marché peut se faire une idée précise de lafourchette dans laquelle la Banque souhaite voirs’établir les taux à un jour. Cette fourchetteévolue toutefois en même temps que lesconditions du marché. Jusqu’ici, la Banque n’apas utilisé explicitement l’une ou l’autre de cesopérations dans le seul but de signaler unemodification de la fourchette de taux visée; ellen’a eu recours à ces techniques que lorsqu’ellesouhaitait limiter les variations du taux à un jour.Dans certains cas, en particulier pour les cessionsen pension, le simple fait que la Banque offre deprocéder à une opération de pension peutproduire l’effet désiré sur le taux à un jour sansque l’opération ait effectivement lieu. LeTableau 3 donne un aperçu de la fréquence et del’ampleur des opérations de pension conclues aucours de la période allant de janvier 1993 àoctobre 1994. Des cessions en pension ont étéoffertes au cours des mois d’août 1993, dedécembre 1993 et d’avril 1994, mais aucune n’atrouvé preneur.

La Banque du Canada peut juger préférabled’intervenir directement sur le marché des bonsdu Trésor de manière à influencer le résultat de laprochaine adjudication. La Banque détient unportefeuille de titres d’État composé en bonnepartie de bons du Trésor19. À chaque adjudicationhebdomadaire, elle achète de nouveaux bons,principalement – mais non exclusivement – desbons à trois mois, au fur et à mesure que les titres

19. La proportion des bons du Trésor a augmenté au fil du temps,la taille du marché monétaire, sur lequel la Banque cherche àinfluer, s’étant accrue plus vite que la demande de billets, quiconstituent le principal engagement de la Banque. L’éliminationprogressive des réserves obligatoires a accéléré le gonflement de lapart des bons du Trésor en réduisant la taille du bilan de la banquecentrale. Il en est résulté une baisse de la part que les obligationsreprésentent dans le portefeuille de la Banque.

Page 35: La transmission de la politique monétair e au Canada

33BRUCE MONTADOR

qu’elle a en portefeuille arrivent à échéance. Lasemaine suivante, elle peut intervenir au besoinsur le marché au comptant des bons du Trésor –le marché des bons à trois mois nouvellementémis – de manière à influer sur le résultat del’adjudication suivante (et, ainsi, sur l’ensembledes taux à court terme du marché monétaire) afinque celui-ci soit compatible avec la réalisation del’objectif visé en matière de conditions monétaires.Dans la pratique, la Banque vend des bons plussouvent qu’elle n’en achète. Si elle souhaitelimiter la baisse du taux d’escompte, elle peutdécider de vendre sur le marché au comptant desbons échéant dans trois mois lorsque les bons quiseront émis le mardi suivant se négocient à untaux voisin du taux souhaité et que le marchésemble disposé à le faire diminuer. Selon lavigueur du marché, la Banque peut avoir à procéderà plus d’une vente au cours de la journée ou aucours de plusieurs jours de la semaine. Si le marchéest très ferme et qu’il reste à la Banque peu debons du Trésor échéant dans trois mois, elle peutvendre des bons assortis d’une échéancelégèrement inférieure. La Banque n’est pas,jusqu’ici, intervenue directement sur le marchédes bons avant l’émission, même si rien, enprincipe, ne l’empêche de le faire. Cependant,quand les pressions à la baisse qui s’exerçaientsur les taux ont été particulièrement vives, laBanque a vendu le matin de l’adjudication (et,plus rarement, la veille de celle-ci) des bons àéchéance concordante qu’elle avait enportefeuille (il s’agit de bons émis à six ou douzemois dont la date d’échéance concorde avec celledes bons à trois mois qui doivent être mis auxenchères cette semaine-là).

La Banque procède de temps à autre à desachats de bons du Trésor pour limiter la haussede leur taux. Elle procède aussi à des échangesde bons ayant différentes échéances avec lemarché, généralement pour rééquilibrer lastructure de son portefeuille. (Par exemple, sielle vend sur le marché, au cours de la semainequi suit l’adjudication, tous les bons à trois mois

qu’elle a achetés à cette occasion, il lui resteratrès peu de bons arrivant à échéance trois moisplus tard, ce qui limitera sa capacité d’acheterdes bons sans gonfler son bilan. Grâce auxéchanges de bons auxquels elle procède en vuede rééquilibrer son portefeuille, la Banque peutcontourner cette difficulté.) Le Tableau 3 renseignesur l’ampleur des opérations effectuées par laBanque du Canada sur le marché des bons duTrésor de janvier 1993 à octobre 1994. Aucunedistinction n’est établie entre les achats ou venteseffectués dans le but d’influer sur les taux et ceuxqui visent le rééquilibrage du portefeuille de laBanque, mais, comme le second type detransaction est par définition symétrique, ladifférence entre le total des ventes et le total desachats est un bon baromètre de l’orientation desinterventions de la Banque. Le Tableau n’établitpas non plus de distinction entre les ventes debons sur le marché au comptant et les ventes debons à échéance concordante. Les sommes enjeu dans cette dernière catégorie sontgénéralement faibles, puisque c’est le signaldonné qui importe dans ce cas. Comme on peutle constater, la Banque fait largement appel auxopérations d’open market, mais pas tout le tempsni toujours avec la même intensité. En 1993, laBanque a vendu des bons sur le marché aucomptant au cours de 43 des 52 intervallesséparant deux adjudications et est intervenue entrois occasions (chaque fois le matin d’uneadjudication) sur le marché des bons à échéanceconcordante. Au cours des dix premiers moisde 1994, ces ventes ont été moins fréquentes(elles n’ont été observées qu’au cours de 13 des44 périodes séparant deux adjudications, tandisque le marché des bons à échéance concordante aété sollicité à trois reprises); aussi les achats netslors des adjudications ont-ils été plus faibles.

Le Tableau 4 illustre l’évolution desopérations de pension depuis que les prises enpension spéciales ont été instituées en 1985 etque la première cession en pension a été offerteen 1986. Le recours à ces opérations a ensuite

Page 36: La transmission de la politique monétair e au Canada

34 LA TRANSMISSION DE LA POLITIQUE MONÉTAIRE AU CANADA

connu une augmentation rapide, en particulierdans le cas des prises en pension spéciales.En 1993, l’utilisation de ces techniques, plusparticulièrement de la prise en pension spéciale,a fortement diminué, le taux des prêts à vue étantgénéralement conforme au niveau souhaité par laBanque. Au cours des dix premiers moisde 1994, les opérations de pension ont étébeaucoup plus fréquentes, en raison de lavolatilité des marchés financiers et de la décisionde la Banque du Canada d’indiquer de façonplus explicite lafourchette dans laquelle ellesouhaitait voir s’établir le taux à un jour20. LeTableau 5 donne une idée de l’importance desachats et des ventes de bons du Trésor au fil desannées en illustrant leur évolution par rapport àla taille du marché des bons. Il importe de noterque les opérations d’open market servent àseconder, et souvent à tempérer, l’effet dumécanisme des tirages et des dépôts sur les tauxd’intérêt à court terme auCanada. Ce seraitune erreur d’évaluer l’orientation de lapolitique monétaire, à un moment donné,exclusivement en fonction de l’incidence de cesopérations. Ainsi, durant les années 1988 et1989, où la Banque du Canada favorisait unehausse des taux à court terme, lesventes debons du Trésor ont été moinsnombreuses,alors qu’en 1991, 1992 et 1993, lorsque laBanque cherchait à ralentir la baissedes taux àcourt terme, elles ont été très fréquentes. En1994, les ventes par la Banque de bons du Trésoront diminué, les pressions à la baisse des taux àcourt terme sur les marchés monétaires s’étant enbonne partie dissipées.

20. Les fourchettes visées ont été indiquées explicitement dansl’article intitulé «L’évolution économique et financière récente»,paru dans la livraison d’automne 1994 de laRevue de la Banquedu Canada.

CONCLUSION

La mise en œuvre de la politique monétairecanadienne n’a guère changé dans ses grandeslignes au cours des dernières années, en dépitd’un certain nombre de modifications apportées àla réglementation et de changements dictés parles marchés. La Banque du Canada a puconserver la même influence que par le passé surles taux d’intérêt à très court terme malgrél’élimination des réserves obligatoires, la tailleplus importante du marché monétaire (quireflétait en particulier l’encours beaucoup plusélevé des bons du Trésor) et de nombreusesinnovations sur les marchés financiers(notamment l’apparition de produits dérivés trèssophistiqués). Le mécanisme fondamental destirages et des dépôts demeure le principal outilemployé par la Banque, et le seul changementnotable a été le recours aux opérations depension qui est venu s’ajouter aux achats etventes directs de bons du Trésor sur le marché21.

21. L’instauration d’un système de transfert électronique despaiements de grande valeur avec règlement le même jour visant àassurer la finalité des paiements devrait finir par éliminer lessurprises, à l’exception de celles qui proviennent des petits chèqueset du mécanisme des tirages et des dépôts proprement dit, et ellepourrait par conséquent avoir un effet non négligeable surl’utilisation de ce mécanisme. On trouvera un aperçu de deuxsolutions de rechange possibles au système actuel dans l’étude deLongworth et Muller (1991).

Page 37: La transmission de la politique monétair e au Canada

35BRUCE MONTADOR

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Page 38: La transmission de la politique monétair e au Canada

36 LA TRANSMISSION DE LA POLITIQUE MONÉTAIRE AU CANADA

Tableau 5 Importance relative des opérations d’open market sur le marché des bons du Trésor

Rapport des achats annuels à Rapport des ventes annuelles àl’encours moyen des bons du Trésor l’encours moyen des bons du Trésor% %

1985 3,88 14,691986 1,65 17,641987 5,80 8,041988 3,15 5,151989 0,95 3,421990 1,85 11,301991 3,76 20,801992 2,21 18,851993 2,05 27,551994* 0,69 4,73

* Les données sur lesquelles se fondent les chiffres de 1994 vont jusqu’au 31 octobre.

Tableau 4 Prises en pension spéciales et cessions en pension

Prises en pension Prises en pension Cessions en Cessions en pension/spéciales spéciales/Encours pension Encours moyen des(millions) moyen des bons du Trésor (millions) bons du Trésor

% %

1985 874,70 1,53 0,00 0,001986 5 410,90 8,30 150,00 0,231987 19 619,30 25,15 525,00 0,671988 22 955,00 26,67 3 885,00 4,511989 10 756,30 9,71 600,00 0,541990 20 168,80 16,00 4 598,00 3,651991 10 190,00 13,26 2 015,00 1,391992 10 310,00 6,57 6 795,00 4,331993 585,00 0,35 4 910,00 2,971994* 13 236,00 7,95 3 825,00 2,30

* Les données sur lesquelles se fondent les chiffres de 1994 vont jusqu’au 31 octobre.

Page 39: La transmission de la politique monétair e au Canada

37BRUCE MONTADOR

Banque du Canada (1992).Rapport annuel dugouverneur.

Clinton, K. (1991). «La gestion des encaisses :principale technique employée par la Banque duCanada dans la conduite de la politiquemonétaire», article reproduit dans le présentvolume.

Clinton, K. et K. Fettig (1989). «Les opérations devente à réméré dans la conduite de la politiquemonétaire», article reproduit dans le présentvolume.

Duguay, Pierre et Stephen Poloz (1994). «Le rôle desprojections économiques dans la formulation de lapolitique monétaire au Canada», article reproduitdans le présent volume.

Fettig, Kevin (1994). «Le marché des bons du Trésordu gouvernement canadien et son rôle dans lapolitique monétaire», Revue de la Banque duCanada, printemps.

Freedman, C. (1994). «Le recours aux indicateurs et àl’indice des conditions monétaires au Canada»,article reproduit dans le présent volume.

Longworth, David (1989). «Optimal Behaviour ofDirect Clearers in a World with Zero ReserveRequirements», communication présentée àl’assemblée annuelle de l’Association canadienned’économique, juin.

Longworth, David et Patrice Muller (1981).«Implementation of Monetary Policy in Canadawith Same-Day Settlement: Issues andAlternatives», document de travail no 91-3,Banque du Canada, août.

O’Connor, S. (1991). «Note technique :L’adjudication des dépôts du Receveur général»,Revue de la Banque du Canada, août.

Pugh, D. G. (1992). «Note technique : Le marché desbons du Trésor du gouvernement canadien avantl’émission», Revue de la Banque du Canada,novembre.

BIBLIOGRAPHIE

Page 40: La transmission de la politique monétair e au Canada
Page 41: La transmission de la politique monétair e au Canada

GÉNÉRALITÉS

Le présent article décrit les techniques que meten œuvre la Banque du Canada pour conduire aujour le jour la politique monétaire par le jeu ducontrôle qu’elle exerce sur le volume desencaisses que les banques et les institutionsparabancaires utilisent pour régler leurspaiements, et explique comment certainescaractéristiques structurelles du systèmefinancier au Canada, notamment les fonctionsd’agent financier du gouvernement que remplit labanque centrale, influencent ces techniques. Leglossaire fourni à la fin de l’article expliquecertains termes spéciaux et s’accompagne d’uneliste de documents que la Banque du Canada adéjà publiés sur la gestion des encaisses.

Le transfert des dépôts du gouvernementcanadien constitue la technique de base à courtterme. Si le transfert se fait d’une banque oud’une autre institution participant à lacompensation à la Banque du Canada, il s’agit

Texte publié initialement dans la livraison de janvier 1991 de laRevue de la Banque du Canada

d’un «tirage»; dans le cas contraire, il s’agit d’un«dépôt». Bien que la régulation des encaissesfasse intervenir un grand nombre de facteursd’ordre institutionnel, le principe en est fortsimple : un tirage réduit les liquidités du systèmebancaire, un dépôt les augmente1.

La Banque du Canada fixe quotidiennement leniveau de ces encaisses et peut, par le mécanismedes tirages et des dépôts, régler tous les jours avecune très grande précision l’offre d’encaisses derèglement. Cette technique ne permet toutefois pasà la Banque d’accroître son bilan parallèlement àl’expansion de l’économie. Aussi les opérations degestion des encaisses sont-elles complétées par desacquisitions périodiques de titres du gouvernementcanadien, effectuées habituellement au moment del’émission, ce qui permet à la Banque de

1. Les modalités techniques pourraient être adaptées sansdifficulté à deux importantes modifications structurelles qui sontmaintenant envisagées : l’abolition des réserves obligatoiresimposées aux banques à charte et l’instauration par l’ACP d’unsystème automatisé de règlement le même jour des gros effets.Les modifications susceptibles d’être apportées à cet égard sontdécrites dans le document de travail intitulé «La conduite de lapolitique monétaire dans un système sans réserves obligatoires»,septembre 1987, et dans le deuxième document de travail surla conduite de la politique monétaire dans un système libre deréserves obligatoires, février 1989.

La gestion des encaisses : principaletechnique employée par la Banque duCanada dans la conduite de la politiquemonétaire

Kevin Clinton

Page 42: La transmission de la politique monétair e au Canada

40 LA TRANSMISSION DE LA POLITIQUE MONÉTAIRE AU CANADA

déterminer le rythme de croissance de son bilan aufil du temps.

L’objectif immédiat de la gestion desencaisses consiste à s’assurer que les variationsdes taux d’intérêt à court terme sont compatiblesavec un rythme d’expansion monétaire noninflationniste. Une offre abondante d’encaissesmonétaires de la part de la banque centrale faitbaisser les taux d’intérêt pendant un certaintemps et stimule l’expansion monétaire; unresserrement de l’offre produit l’effet contraire.Dans ce contexte, on entend par «encaisses» lesengagements de la Banque du Canada quipeuvent servir au règlement ultime desobligations de paiement. Les adhérents del’ACP – les grandes banques à charte et lesautres établissements de dépôt importants, quiassument la majeure partie des paiements parchèques et des autres types de paiements auCanada – règlent leurs créances mutuelles aprèsla compensation quotidienne des chèques et desvirements électroniques par le jeu des débits etdes crédits à leurs comptes de dépôt à la Banquedu Canada. Comme ces dépôts servent à lacompensation d’effets entre membres de l’ACP,ils représentent un rouage essentiel dumécanisme d’échange dans l’économie. Lesadhérents doivent garder des dépôts de règlementsuffisants pour s’acquitter de leurs obligations depaiement, mais, étant donné que leurs dépôts à laBanque du Canada ne sont pas rémunérés, toutexcédent de ceux-ci par rapport à ce qu’ils jugentnécessaire est rapidement prêté à des tiers. C’estpourquoi les variations des encaisses derèglement influent assez vite sur le marchémonétaire à très court terme, c’est-à-dire lemarché du crédit à un jour.

L’importance accordée par la Banque duCanada à la régulation des encaisses s’expliquepar le fait qu’il s’agit là d’un instrument quilaisse largement jouer les forces du marché. Sil’offre d’encaisses ne correspond pas au niveau

global désiré par les adhérents, les mesuresd’ajustement prises par ces derniersinfluenceront immédiatement le loyer de l’argentà un jour. Mais l’influence que la régulation desencaisses par la Banque du Canada exerce sur lestaux d’intérêt est indirecte et elle est supplantéepar celle des forces du marché lorsque le terme àcourir est plus long. En revanche, les ventes etles achats de titres que la banque centraleeffectue sur le marché ont un effet direct sur lestaux d’intérêt pour une échéance donnée. C’estpourquoi la Banque recourt à des opérationsd’open market non dans le but de doser l’offre deliquidités, mais plutôt comme mesure supplétive,toutes les fois qu’elle cherche à exercer un effetbien précis sur la structure des taux. Parexemple, elle pourrait recourir à des opérationsde vente à réméré afin d’influencer directementle taux à un jour ou à des ventes ou achats purs etsimples de bons du Trésor dans le butd’influencer les taux à trois mois. Dans chaquecas, tout effet non souhaité sur le niveau desliquidités du système bancaire est neutraliséultérieurement par un transfert de dépôts dugouvernement2.

LES MÉTHODES DE RÉGULATION

DES ENCAISSES

L’offre d’encaisses de règlement au système depaiements est déterminée, à toutes fins pratiques,en fonction des exigences de la politiquemonétaire. Bien qu’un vaste éventaild’opérations officielles puisse influer sur cetteoffre, la Banque du Canada est à même d’enneutraliser quotidiennement les effets et, ainsi,

2. Certains aspects des opérations d’open market menées par laBanque du Canada sont décrits de façon plus détaillée dansl’article de Kevin Clinton et Kevin Fettig qui suit celui-ci.

Page 43: La transmission de la politique monétair e au Canada

41KEVIN CLINTON

de régler avec une assez grande précision l’offred’encaisses de règlement. Pour comprendre lesopérations concrètes que comporte ce processus,il est utile de commencer par recenser toutes lessources possibles de variation des encaisses,présentées au Tableau 1. On distingue dans cetteliste quatre catégories d’effets de paiement,qui correspondent toutes à des opérationseffectuées entre le gouvernement fédéral ou labanque centrale, d’une part, et le reste del’économie, de l’autre.

Il convient toutefois d’apporter quelquesprécisions sur ces quatre catégories d’opérations.

Première catégorie. Les opérations dugouvernement fédéral sont très importantes envolume, en ce sens que chacune d’elles accuse àla longue d’importantes variations. Lesdécaissements nets correspondent à la différenceentre les dépenses et les recettes. Le Receveurgénéral tient des dépôts pour le compte dugouvernement fédéral. Les décaissementseffectués par celui-ci sont tirés sur la Banque duCanada, ce qui crée des créances sur cettedernière au profit des bénéficiaires. Touteschoses étant égales par ailleurs, il en résulte uneaugmentation des liquidités du système bancaire,ces créances étant invariablement déposées dansles comptes détenus auprès des adhérents qui lesprésentent à la banque centrale aux fins decompensation. Inversement, les recettes dugouvernement (par exemple les recettes fiscaleset le produit d’émissions de titres de dette)entraînent une ponction dans les dépôts desadhérents à la banque centrale. En l’absence demesures compensatoires de la Banque duCanada, tout décaissement net ou toute recettenette du gouvernement fédéral se traduit par uneaugmentation ou par une diminution desencaisses de règlement.

Tableau 1 L’augmentation quotidienne des dépôtsdes adhérents à la Banque du Canada estégale à la somme des éléments suivants :

Opérations du gouvernement fédéral

décaissements nets ordinaires du gouvernementfédéral

moinsnouvelles émissions nettes de titres de dette àl’intention du public

plusachats (moins ventes) officiels de devises

plusaugmentation nette des dépôts à terme duReceveur général auprès des adhérents

Opérations monétaires non contrôlées directement

augmentation nette des avances consenties parla Banque du Canada aux adhérents

plusaugmentation nette des prises en pensionordinaires

moinsretraits de billets de banque par les adhérents àla Banque du Canada

Opérations d’open market

achats simples de titres par la Banque duCanada sur le marché (moins ventes)

plusaugmentation nette des prises en pension spéciales

moinsaugmentation nette des cessions en pension

Opérations de gestion du Trésor effectuées par laBanque du Canada

dépôt (augmentation) ou tirage (diminution) desdépôts à vue du Receveur général auprès desadhérents

Page 44: La transmission de la politique monétair e au Canada

42 LA TRANSMISSION DE LA POLITIQUE MONÉTAIRE AU CANADA

Deuxième catégorie. Les opérationsmonétaires sur lesquelles la banque centralen’exerce pas au jour le jour une influence directerelèvent de trois sortes d’activités assezdifférentes. Lesavances aux adhérents visent àleur permettre de compenser les manqueséventuels de liquidités à la fin d’un cycle decompensation journalier ou à maintenir leursréserves-encaisse au niveau minimal obligatoireà la fin d’une période de réserve. C’est laBanque qui fixe les modalités de ces avances,mais les montants consentis au cours d’unejournée donnée dépendent dans une très largemesure des pertes imprévues qu’enregistrent lesadhérents à l’issue de la compensation. Lesprises en pension ordinaires représentent unesource de financement que la Banque met à ladisposition des négociants en valeurs agréés àconcurrence d’un plafond qu’elle fixe, aupréalable, et lesretraits de billets à la banquecentrale sont effectués par les adhérents selonleurs besoins.

Troisième et quatrième catégories. Il s’agitdes instruments de la politique monétaire utilisésde façon discrétionnaire par la Banque duCanada.

La décision de la Banque d’effectuer untirage ou un dépôt intervient peu après 17 h,chaque jour ouvrable. Presque toutes les autresopérations qui entrent en ligne de compte étantterminées à cette heure-là, la Banque peutestimer de façon assez précise tous les élémentsdu Tableau 1, à l’exception des avances auxadhérents, qui sont les seules à ne pas êtredéterminées à l’avance. À titre d’agent financierdu gouvernement, la Banque du Canada est enmesure de suivre tous les encaissements etdécaissements du gouvernement avant qu’ilspassent dans le système de compensation del’ACP et, en consultation avec le gouvernement,elle procède à la modification des dépôts à termedu Receveur général. Les mouvements de

l’encaisse qui découlent des émissions de titresnégociables et des opérations sur le marché deschanges sont connus au moins un jour à l’avanceen raison de la manière dont la date de valeur deces opérations est fixée. De plus, il va sans direque la Banque connaît le montant de ses propresopérations.

Les avances de la Banque du Canada ne sonttoutefois pas connues au moment où l’on établitle niveau des encaisses, puisqu’elles ne sont pasconsenties avant le règlement des paiements dela journée, lequel a lieu le lendemain3. Onreviendra dans la suite de l’article sur la questiondes emprunts auprès de la Banque du Canada; ilsuffit de noter ici que l’octroi des avances nedilue pas de manière sensible l’influence que ladétermination des encaisses exerce sur lesconditions monétaires.

Le mécanisme des tirages et des dépôts

Une fois que le niveau des encaisses a été décidé,on procède à la répartition des dépôts à vue dugouvernement entre les divers adhérents, enfonction de ratios établis. Chaque adhérent estinformé, à 8 h 30 le jour ouvrable qui suit ladécision de la Banque, du débit ou du créditporté au compte de dépôt tenu chez lui au nomdu Receveur général. En vertu du régime derèglement rétroactif, tout mouvement enregistréau poste des dépôts du bilan de la Banque duCanada est daté du jour ouvrable précédent. Dupoint de vue des adhérents, cela signifie que letirage ou le dépôt intervient trop tard pour

3. Le règlement effectué dans le cadre de l’ACP est rétroactif,de sorte que l’inscription des opérations avec les clients au bilandes institutions participant à la compensation et la variationcorrespondante des dépôts à la Banque du Canada portent lamême date de comptabilisation. Le déroulement du processus derèglement a été décrit par James F. Dingle dans un article intitulé«Note technique : Le mode de règlement rétroactif des opérationsjournalières de compensation des chèques et des autres effets depaiement»,Revue de la Banque du Canada, août 1986.

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43KEVIN CLINTON

permettre un rajustement de leur bilan pour lamême journée.

Chaque tirage ou dépôt comporte deuxcomposantes : (i)la composante de neutralisation,qui vise à compenser l’incidence produite surl’ensemble des encaisses de règlement parl’ensemble des effets de paiement prédéterminéset, par conséquent, est égale à la valeur négativede l’incidence estimative nette de ces effets depaiement sur les encaisses; et (ii)la composantede politique monétaire, qui est égale à lavariation des encaisses désirée par la Banque.Une caractéristique propre aux activités de labanque centrale au Canada est que les opérationsd’open market, tout comme les autres opérationsde paiement, sont couramment neutralisées : cesopérations visent à influencer les taux d’intérêtau moment où elles sont menées, et non à établirà un palier quelconque le niveau des encaisses derèglement à la fin de la journée.

Étant donné que la Banque peut estimer defaçon précise les effets de paiementprédéterminés du Tableau 1, la composante deneutralisation du mécanisme des tirages et desdépôts compense de manière assez exactel’incidence de ces effets de paiement sur lesencaisses. C’est pourquoi la variation effectivedes dépôts des adhérents à la Banque correspondhabituellement d’assez près à ce que vise lacomposante de politique monétaire dumécanisme; la plupart des écarts notables parrapport au niveau cible sont dus aux avances.

Le tirage ou le dépôt n’indique pas en soi lavariation du volume total d’encaisses derèglement offert au système bancaire et, de plus,il peut ne pas montrer correctement le sens decette variation. Bien que, dès 8 h 30, un adhérentpuisse calculer sans difficulté le tirage ou ledépôt global d’après sa part de dépôts à vue duReceveur général, il ne connaît pas exactement lavaleur nette des effets de paiement neutraliséspar la Banque. Étant donné que les montants

nets neutralisés chaque jour sont considérables(ils dépassent souvent 500 millions de dollarsen valeur absolue), il peut être assez difficileaux adhérents de discerner la composantede politique monétaire du mécanismesusmentionné. Par exemple, lorsque les sortiesde fonds du gouvernement sont importantes, untirage ne se traduit pas nécessairement par uneréduction de l’offre d’encaisses de règlement.

Les bilans du secteur public

Le bilan de la Banque du Canada, publié chaquemercredi (ou le jour ouvrable précédent si lemercredi est un jour férié) et à la fin du mois, faitétat des dépôts des adhérents, lesquels sontventilés entre le groupe des banques à charte etles autres adhérents (ce qui renseigne sur laposition de réserve globale des banques). Lapublication de ce bilan donne régulièrement auxparticipants du marché monétaire un aperçu del’offre d’encaisses de règlement dans le système.

Il n’est pas évident, à observer les variationsdes dépôts du gouvernement au bilan de labanque centrale, que les tirages et les dépôtsconstituent le principal outil de la politiquemonétaire. Les variations des dépôts dugouvernement à la Banque du Canada – cesderniers ont habituellement été maintenus endeçà de 20 millions de dollars ces dernièresannées – ont été très largement inférieures àcelles des transferts de ces dépôts entre laBanque et les adhérents, qui dépassent parfois lemilliard de dollars. En fait, c’est l’acquisition dedevises à court terme auprès du Fonds deschanges du gouvernement fédéral dans le cadredes accords de revente (les «swaps» au comptedu Fonds des changes) qui reflète le plus souventle mécanisme des tirages et des dépôts. Avantque la Banque ne dépose des fonds du

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44 LA TRANSMISSION DE LA POLITIQUE MONÉTAIRE AU CANADA

gouvernement chez les adhérents, elle doithabituellement commencer par comptabiliser lesdépôts du gouvernement dans ses propres livres.Pour ce faire, elle procède à un swap au comptedu Fonds des changes. En cas de tirage, elle peutinverser un tel swap4.

Deux exemples hypothétiques avec deschiffres

Pour illustrer le fonctionnement du mécanismede détermination des encaisses, le Tableau 2présente deux exemples simples sous forme decomptes en T. On suppose dans les deux cas quela composante de politique monétaire consiste enune augmentation de 100 $ des encaisses derèglement et qu’on a recours à des opérationsnormales avec le Fonds des changes.

On suppose dans l’exemple 1 qu’aucuneneutralisation n’est nécessaire. Pour simplifierl’exposé, les opérations sont présentées en deuxétapes distinctes, même si, en pratique, toutes lesvariations du bilan seraient enregistréessimultanément. Un dépôt de 100 $ s’impose. Àcette fin, la Banque obtient du Fonds des changespour 100 $ d’avoirs en devises, montant dont ellecrédite le compte de dépôt du gouvernementdans ses propres livres (première rangée descomptes en T). Ce dépôt est immédiatementtransféré aux adhérents (deuxième rangée); lacontrepartie, à l’actif de ces derniers, de cettehausse de leur passif consiste en uneaugmentation de 100 $ de leurs dépôts à laBanque du Canada.

L’exemple 2 suppose un décaissement netde 300 $ par le gouvernement. Pour atteindre

4. Étant donné que ces opérations se déroulent uniquement entreorganismes officiels, elles n’ont aucune influence sur le marchémonétaire ou le marché des changes. Cette technique a étéanalysée par Frank Faure dans «Remarques sur les aspectstechniques des opérations de swap entre la Banque du Canada et leFonds des changes»,Revue de la Banque du Canada, juillet 1977.

son objectif de croissance des encaisses derèglement, la Banque doit tirer 200 $, ce quiéquivaut à une composante de neutralisationde -300 $, plus une composante de politiquemonétaire de 100 $. On suppose que les dépôts àvue du gouvernement auprès des adhérents sontsuffisants pour permettre cette diminution (enpratique, il est rare que le solde des dépôts à vueimpose des contraintes en matière de tirage). Lecompte en T des adhérents indique un tiragede 200 $ sur les comptes du gouvernement et uneaugmentation de 300 $ des dépôts du public(alimentés par les dépenses du gouvernement).Le passif total des adhérents augmente de 100 $,ce qui correspond à la hausse de leurs dépôts à laBanque du Canada. Le bilan de la banquecentrale présente les mêmes variations qu’à ladeuxième étape de l’exemple 1, de sorte qu’unswap au compte du Fonds des changes pourraits’imposer dans ce cas également : le swapgarderait constants les dépôts du gouvernement àla banque centrale, compte tenu de l’effetconjugué du décaissement et du tirage. Avec ceswap, les comptes en T seraient identiques àceux de l’exemple 15.

La gestion des dépôts du gouvernementcanadien tenus chez les adhérents

Depuis 1986, le gouvernement canadien est enmesure de déposer des fonds auprès desadhérents pour des périodes fixes d’un ou de

5. Le recours fréquent à cette technique pendant plusieurssemaines a souvent amené la Banque à accumuler d’importantsavoirs en devises. Le portefeuille de la Banque est alors considérécomme «sous-investi», en ce sens que la somme des avances et destitres détenus est inférieure aux engagements en dollars canadiens.Pour rééquilibrer son portefeuille, la Banque procède périodique-ment à des achats de titres du gouvernement canadien, ce qui per-met de dénouer les swaps en cours avec le Fonds des changes. Cesachats à caractère technique sont effectués lors de l’émission destitres pour ne pas créer de confusion avec les opérations d’openmarket qui visent à influer sur les taux d’intérêt.

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45KEVIN CLINTON

Exemple 1 : Sans neutralisationSwap au Fonds des changes

Banque du Canada Gouvernement du Canada

Actif Passif Actif Passif

Devises Dépôts du gouvernement Fonds des changes+ 100 $ + 100 $ - 100 $

Dépôts à la Banque+ 100 $

Dépôt

Banque du Canada Adhérents

Actif Passif Actif Passif

Dépôts du gouvernement Dépôts à la Banque Dépôts du gouvernement- 100 $ + 100 $ + 100 $

Dépôts des adhérents+ 100 $

Exemple 2 : Neutralisation d’un décaissement de 300 $ par le gouvernement

Tirage

Banque du Canada Adhérents

Actif Passif Actif Passif

Dépôts du gouvernement Dépôts à la Banque Dépôts du gouvernement- 100 $ + 100 $ - 200 $

Dépôts des adhérents Dépôts du public+ 100 $ + 300 $

Tableau 2 Opération visant une augmentation de 100 $ des encaisses de règlement

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46 LA TRANSMISSION DE LA POLITIQUE MONÉTAIRE AU CANADA

plusieurs jours, à des taux de rendement plusintéressants que ceux des dépôts à vue. À titred’agent financier du gouvernement fédéral, laBanque participe à l’attribution des dépôts à vueet des dépôts à terme du Receveur général auxadhérents. Cette activité n’a pas pour butd’influer sur l’offre d’encaisses de règlement,mais d’améliorer le rendement obtenu par legouvernement sur ses avoirs financiers. Étantdonné le faible rendement des dépôts à vue, toutexcédent par rapport aux besoins de trésorerieimmédiats fait l’objet d’une adjudication pourdes échéances qui sont établies en fonction desbesoins prévus dans l’avenir.

Les dépôts à vue du Receveur général sontmaintenus à un niveau suffisant, en moyenne,pour permettre au gouvernement de faire faceaux besoins de liquidités imprévisiblesqu’entraînent ses activités et pour garantir lestirages que pourraient dicter les considérationsde politique monétaire. Les décaissements netsinattendus entraînent des besoins imprévus deliquidités; inversement, les recettes nettesimprévues donnent lieu à des encaissementsinattendus. Les erreurs de prévision des besoinsde trésorerie pour le lendemain peuvent sechiffrer à des centaines de millions de dollars,dans un sens ou dans l’autre6. Par conséquent,bien que les dépôts à vue auprès des adhérents sesoient établis en moyenne à 750 millions dedollars ou plus ces dernières années, le soldedisponible a parfois été inférieur au montant dutirage désiré, lorsque les décaissements netsimprévus étaient exceptionnellement élevés.Ainsi les encaisses ont, à l’occasion, été fixées àun niveau plus élevé que la Banque ne l’auraitsouhaité. Ce genre de distorsion occasionnelle a

6. La prévision en question, dont l’horizon est d’au moinsune journée, ne doit pas être confondue avec l’estimation desopérations effectives du gouvernement pour la journée en cours.Cette dernière estimation est généralement très précise, comme lesoulignait l’exposé consacré à la détermination des encaisses.

été toléré parce que le maintien de dépôts à vueplus importants entraînerait des pertes de revenud’intérêts pour le gouvernement. En tout état decause, la Banque a été à même d’éviter toutebaisse indue des taux d’intérêt qui aurait pu semanifester ensuite sous l’effet de ventes pures etsimples de bons ou de cessions en pension(ventes de titres assorties d’un accord de rachat).

Les tirages et les dépôts étaient naguèrerépartis entre les adhérents de l’ACP suivant uneformule fondée sur l’ensemble des dépôts endollars canadiens. En août 1989, cependant, uneadjudication bimensuelle a été instaurée pour leplacement des dépôts à vue du Receveur général.Depuis lors, la répartition des dépôts à vue dugouvernement se fait d’après les résultats desoffres concurrentielles présentées par lesparticipants aux adjudications. Ce changementn’a pas modifié à toutes fins pratiques la conduitede la politique monétaire.

LA GESTION DES ENCAISSES ET LES

ADHÉRENTS

Les encaisses de règlement et les réservesprimaires des banques à charte

En matière de gestion de trésorerie, les banquesconcentrent leur attention sur les réservesexcédentaires, c’est-à-dire l’excédent de leursdépôts à la Banque du Canada sur le niveau desréserves primaires obligatoires7. La Loi sur lesbanquesoblige les banques à charte à garder à laBanque du Canada, au cours de chaquequinzaine, des dépôts moyens qui sont au moinségaux à un montant obligatoire calculé en

7. Les dispositions régissant les réserves primaires sont résuméesdans le glossaire.

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47KEVIN CLINTON

fonction du passif-dépôts et des avoirs ennuméraire comptabilisés sur une périodeantérieure de quatre semaines. Étant donné quela variation des dépôts exigés pour un mois civilest déterminée bien avant le début du mois, iln’est pas difficile à la Banque de neutraliser touteffet exercé sur les réserves excédentaires par lesvariations des réserves obligatoires, quisurviennent une fois par mois.

Tableau 3 Les dépôts des adhérents à la Banque duCanada sont égaux aux :

réserves primaires obligatoires des banques àcharte

plusles réserves excédentaires des banques à charte

plusles encaisses de règlement des adhérentsparabancaires.

La demande d’encaisses de règlement quiémane des adhérents – y compris la demande deréserves excédentaires exprimée par les banquesà charte – tient à l’incertitude qui entoure lesrésultats de la compensation journalière.Comme le règlement est effectué avec un certaindécalage, l’adhérent doit attendre le lendemainpour connaître l’effet exact des opérations de lajournée sur sa position de liquidité pour cettejournée. Les écarts entre les transactions prévueset les opérations effectives de la clientèle setraduisent par des fluctuations non désirées desencaisses de règlement.

La stratégie de gestion de la trésorerie quesuivent les adhérents est fortement influencée parles opérations que leurs clients effectuent sur degros montants. Il s’agit habituellement desachats ou des ventes sur les marchés des valeurs,des activités des grandes entreprises oud’organismes publics importants sur les marchésintérieurs ou étrangers, des recettes fiscales et

des décaissements du gouvernement et desopérations de la Banque du Canada. Malgré tousles efforts déployés par les adhérents poursurveiller les paiements de gros montants, lacompensation apporte tous les jours son lot desurprises, dues à un suivi imparfait, à des dépôtsou à des retraits effectués tard dans la journéeet à des problèmes techniques liés à lacompensation ainsi qu’aux tirages ou aux dépôtsde la Banque du Canada.

Sur ce dernier point, les adhérents neconnaissent avec certitude ni la composante deneutralisation ni la composante de politiquemonétaire du mécanisme de détermination desencaisses. Bien qu’un adhérent particulier puisseavoir une idée assez précise, en fin de journée, dela valeur de ses opérations de la journée avec legouvernement et la banque centrale, il doit, pourévaluer le montant global des opérationsofficielles avec l’ensemble du système, s’enremettre à des renseignements beaucoup plusincomplets, ce qui l’empêche de déterminer avecprécision la composante de neutralisation destirages ou des dépôts. Les opérationsneutralisées sont donc une source d’incertitudepour les adhérents, en ce qui concerne ladétermination de leur encaisse quotidienne,même si elles n’influent pas sur le volume desliquidités de l’ensemble du système. En ce quiconcerne la composante de politique monétaire,les institutions participant à la compensationdoivent s’en remettre à leur perception del’orientation de la politique monétaire pourprévoir la variation des encaisses de règlementqui est visée par la Banque du Canada.

Pour éviter d’effectuer des empruntsexcessifs auprès de la banque centrale, chaqueadhérent doit conserver une réserve de trésoreriesuffisante pour faire face à la plupart des pertesimprévues encourues lors de la compensation.Cela dit, les banques à charte disposent d’uneassez grande marge de manœuvre dans la gestion

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48 LA TRANSMISSION DE LA POLITIQUE MONÉTAIRE AU CANADA

de leur trésorerie, car le fait que les réservesobligatoires sont calculées d’après une moyenneleur fournit plusieurs possibilités d’ajustement,en particulier au début des périodes bimensuellesde calcul de la moyenne. Une banque seconforme aux exigences de la Loi si, à la fin dechaque quinzaine, le total cumulatif de sespositions quotidiennes de réserve obligatoire(excédents moins déficits journaliers) est positif.Cette formule permet des variations appréciablesde la position de réserve visée par les banques aucours d’une journée donnée. Ces dernièrespeuvent par exemple accepter des déficits tantqu’il reste assez de jours dans la période decalcul de la moyenne pour qu’elles enregistrentdes excédents compensatoires. D’autre part,elles peuvent délibérément accumuler unexcédent si elles craignent une insuffisance desréserves vers la fin de la période. Les banquesont habituellement constitué d’importantsexcédents cumulatifs à la fin d’octobre, soit leurdate de fin d’exercice, pour éviter qu’une avancede la banque centrale apparaisse dans leurrapport annuel.

La demande d’encaisses de règlement estinfluencée dans une certaine mesure par les tauxd’intérêt. Cela est dû au fait que, premièrement,l’incertitude des résultats de la compensationengendre de la part des institutions le désir dedétenir, par précaution, des réserves supérieuresau minimum obligatoire, et que, deuxièmement,la formule de moyenne régissant le calcul desréserves donne aux banques une certaine margede manœuvre pour réagir aux variations prévuesdes taux à un jour. Par exemple, une baisse deces taux réduit le coût d’opportunité quecomporte le maintien de dépôts à la Banque duCanada, incitant par le fait même les adhérents àgarder des dépôts un peu plus importants pour seprémunir contre les pertes de compensationéventuelles. La hausse de la demanded’encaisses par les banques sera plus importante

si ces dernières estiment que la baisse de taux nedurera pas pendant toute la période de réserve,car l’accroissement immédiat de leurs réservesexcédentaires leur permettra ensuite de prêterdavantage, aux taux plus élevés anticipés pourl’avenir. De plus, la formule de moyenne fait ensorte que les banques ne sont pas obligéesd’ajuster immédiatement leur position detrésorerie en réaction aux variations imprévuesde leurs réserves. Tous ces éléments concourentà modérer la réaction des taux d’intérêt auxmodifications de l’offre d’encaisses décidées auxfins de la politique monétaire8.

Les avances de la Banque du Canada

La Banque consent des avances aux adhérentsafin de combler deux genres de manquestemporaires9 :

(i) une insuffisance des encaisses de règlementd’un adhérent à la fin d’un cycle decompensation journalière (les banques ont eubesoin de ces découverts moins souvent que lesautres adhérents, les réserves obligatoires et la

8. Les changements structurels mentionnés dans le renvoi 1réduiront l’élasticité de la demande d’encaisses à la banquecentrale : un système de transfert des gros effets diminueraconsidérablement la demande par souci de précaution d’encaissesde règlement, tandis que l’élimination des réserves obligatoiresfera disparaître la demande spéculative éventuelle, puisque lespertes d’intérêts occasionnées par le maintien d’une encaisse aucours d’une journée déterminée ne pourront plus être récupéréespar la suite. En outre, lorsque les réserves obligatoires serontéliminées, la formule de calcul de la moyenne réduira lesdisponibilités dont les banques ont besoin pour résister auxvariations de l’offre de réserves. Les autres modalités de conduitede la politique monétaire, qui sont décrites dans les deuxdocuments de travail cités, tiennent compte de ces effets.9. La Banque du Canada accorde également parfois des avancespour une période prolongée aux institutions qui éprouvent degraves problèmes de liquidité. Le bilan de la Banque fait encoreétat d’un montant au titre des avances qu’elle avait consenties àdeux petites banques qui ont fait faillite en 1985. Cette formed’aide n’a aucun effet particulier sur les questions de politique àcourt terme qui sont analysées ici.

Page 51: La transmission de la politique monétair e au Canada

49KEVIN CLINTON

formule de moyenne offrant une certaineprotection contre les pertes de compensationimprévues d’une journée);

(ii) une insuffisance cumulative des réservesd’un adhérent bancaire à la fin d’une période deréserve.

La Banque du Canada applique le tauxd’escompte aux emprunts qu’elle accorde dans lecadre d’une ligne de crédit prédéterminée pourchaque institution, à concurrence d’un seulemprunt par période de réserve pour les banqueset de deux emprunts par mois pour lesinstitutions parabancaires. Les avancesconsenties au delà des limites prévues sontrémunérées à un taux fixé, au gré de la Banquedu Canada, au-dessus du taux d’escompte. Àmesure qu’une institution demande de nouvellesavances de ce genre au cours d’une période, letaux débiteur qui lui est réclamé augmente; ilarrive à l’occasion qu’il soit plus que le doubledu taux d’escompte.

Même dans ces conditions, l’effet dissuasifexercé sur les adhérents par les intérêts à payersur les avances est plutôt limité, le coût net d’undécouvert n’étant que la différence entre le tauxpayé et le rendement obtenu par l’adhérent surles crédits financés au moyen du découvert. Parcontre, le coût des encaisses de règlement, qui neportent pas intérêt, correspond à la totalité dumanque à gagner. Il est donc généralement plusavantageux financièrement pour les adhérents derisquer à la limite d’avoir besoin d’une avancesupplémentaire que d’accroître leurs encaissesmoyennes de règlement d’un montantéquivalent. Malgré cela, les emprunts effectuésauprès de la banque centrale sont assez limitésdans l’ensemble, car un adhérent qui y recourraitlargement risquerait de donner à penser qu’iléprouve des problèmes de liquidité, enparticulier si l’on considère que les «Règles

générales concernant les avances de la Banquedu Canada aux institutions financières» stipulentce qui suit :

«Tout en étant bien consciente desresponsabilités qui lui incombent en saqualité de prêteur en dernier ressort, laBanque du Canada espère que les institu-tions concernées ne ménageront aucuneffort pour corriger les déficiences deleur trésorerie à l’aide de fonds obtenussur le marché monétaire et que lesrecours à la ligne de crédit seront peufréquents.»

LA GESTION DES ENCAISSES ET LE

MARCHÉ MONÉTAIRE

Les opérations de gestion des encaisseseffectuées par la Banque se répercutent sur lestaux d’intérêt par l’entremise de divers canauxdu marché. Comme l’annonce du volume destirages et des dépôts, à 8 h 30, n’indique pasclairement la variation implicite des liquidités dusystème, elle n’a donc pas un «effet d’annonce»systématique sur les taux. Ces opérationsinfluent plutôt sur les taux d’intérêt au moyen destransactions effectuées sur le marché par lesadhérents lorsqu’ils réévaluent leur position detrésorerie, puis entreprennent de l’ajuster. Cetteinfluence se fait généralement sentir en premierlieu sur le marché des fonds à un jour. Bienqu’un nombre relativement restreintd’institutions recourent aux prêts à un jour (lesprêts à vue et les dépôts interbancaires parexemple), les variations des taux à un jour, sielles se maintiennent un tant soit peu, serépercutent sur toute la structure des tauxd’intérêt. Par exemple, les taux de rendementdes bons du Trésor sont fortement influencés par

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50 LA TRANSMISSION DE LA POLITIQUE MONÉTAIRE AU CANADA

le coût des emprunts à un jour, car les négociantsen valeurs et les banques financent en grandepartie leurs stocks de titres actifs à l’aide defonds à un jour. Ensuite, les arbitrages effectuéssur le marché assurent un lien étroit entre le tauxde rendement des bons et les autres taux à courtterme, notamment le taux des dépôts à termeauprès des intermédiaires financiers. Parconséquent, les taux administrés, tels que le tauxde base des prêts bancaires, qui sont déterminésdans une large mesure par le coût des dépôts àterme, réagissent eux aussi à la longue auxvariations importantes des taux à un jour.

En raison de leur grande taille et de lalatitude considérable dont elles disposentsouvent pour modifier leur position de trésorerie,les banques à charte jouent un rôleparticulièrement important sur le marchémonétaire. Leurs stratégies de gestion au jour lejour des encaisses sont influencées par un certainnombre de facteurs : leur position de réservejournalière (ou «ponctuelle») à la fin de lajournée précédente, le total cumulatif de leursexcédents ou déficits journaliers depuis le débutde la période de réserve et les attentes en ce quiconcerne les niveaux auxquels la Banque fixerales encaisses pour le reste de la période. Il peutarriver aussi qu’au début d’une période deréserve les banques, dans l’attente d’unevariation des taux d’intérêt, accumulent desréserves en prévision d’une hausse des tauxdébiteurs, ou encore prêtent abondamment afind’enregistrer des déficits ponctuels, dansl’attente d’une baisse des taux. Il arrive assezcouramment que la demande globale de réservesexcédentaires soit amplifiée par une répartitioninégale des encaisses entre les banques. Cettesituation est généralement provoquée par desfluctuations inhabituelles des soldes decompensation survenues un vendredi ou la veilled’un jour férié, lorsque les dépôts à la Banque duCanada sont affectés d’un coefficient depondération supérieur à l’unité dans le calcul de

la moyenne10. Une banque à charte quibénéficie d’entrées de fonds plus importantesqu’elle ne l’espérait pourrait se trouver avec unimportant excédent cumulatif. Si, dans le butd’éliminer cet excédent pendant le reste de lapériode de réserve, elle enregistrait des déficitsponctuels considérables, cela pourrait l’exposersérieusement au risque d’épuiser ses encaisses derèglement et d’avoir à solliciter des avances de labanque centrale.

Il arrive que l’ampleur et l’instabilité accruesdes flux de paiement, conjuguées aux attentesd’une hausse des taux d’intérêt et à unerépartition inégale des encaisses entre lesadhérents, entraînent une augmentation de lademande de réserves excédentaires et, par voiede conséquence, une diminution des prêts à unjour. Dans ces conditions, le marché monétairepeut être extrêmement tendu, même si lesencaisses excédentaires sont fixées bien au-dessus des niveaux normaux. En revanche,lorsque le marché monétaire est calme ou qu’ons’attend à une baisse des taux d’intérêt, il se peutque la demande de réserves diminue et que lesconditions monétaires s’assouplissent malgrél’établissement des encaisses à un niveau peuélevé.

Compte tenu de cet éventail de situationspossibles, le personnel de la Banque du Canadacommunique chaque jour avec les gestionnairesde trésorerie des banques afin de se faire une idéedu niveau global de réserves visé. Le niveauauquel les encaisses seront effectivement fixéessera plus ou moins compatible avec l’objectif desbanques, selon que les autorités monétairesviseront une diminution ou une augmentation destaux d’intérêt à court terme. Les opérations degestion des encaisses permettent généralement

10. Le mécanisme de pondération quotidienne des réserves estrésumé dans le glossaire. Des précisions sont fournies dans«L’adoption de moyennes pondérées pour le calcul des réserves desbanques»,Revue de la Banque du Canada, septembre 1983.

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51KEVIN CLINTON

d’établir les taux aux niveaux désirés, comme entémoigne le fait que, au cours des dernièresannées, les interventions sur le marché sousforme de ventes à réméré ou d’achats et deventes purs et simples n’ont en moyenne étéutilisées qu’un jour sur trois.

LA DIMINUTION DES DÉPÔTS

OBLIGATOIRES À LA BANQUE DU

CANADA

Les dix dernières années ont été marquées parune diminution constante des dépôts des banquesà charte à la Banque du Canada, parallèlement àune réduction des réserves obligatoires(Figure 1). Même si ce phénomène n’a pasémoussé l’efficacité des instruments de politiquemonétaire employés par la Banque, il n’a pas étésans conséquences, à l’occasion, sur ladétermination des encaisses et l’interprétationdes chiffres publiés sur les réservesexcédentaires des banques à charte.

Les réserves primaires obligatoires ontdiminué après 1980 pour trois raisons :

(i) une forte augmentation des dépôts nonsoumis aux obligations de réserve et détenusdans les filiales de prêt hypothécaire et sousforme de régimes enregistrés d’épargne-retraite;

(ii) une faible croissance des dépôts à vue. Or,le coefficient de réserves primaires à l’égard deces dépôts est plus élevé que celui des autrestypes de dépôts. La lenteur relative de leurprogression par rapport aux autres dépôts est dueà des taux d’intérêt moins avantageux;

(iii) des réductions modérées des coefficients deréserves obligatoires dans laLoi sur les banquesde 1980.

Le coefficient de réserves obligatoiresappliqué à l’actif total en dollars canadiens desbanques à charte est ainsi passé de 4 % en 1980 àenviron 1 1/2 % en 1990. Simultanément, lenuméraire détenu par les banques à charte aenregistré une vive progression (Figure 1), enraison, entre autres choses, de la nécessité de

Figure 1 Réserves-encaisse des banques à charte

(en millions de dollars)

0

2000

4000

6000

8000

1970 1972 1974 1976 1978 1980 1982 1984 1986 1988 1990

Dépôts à la Banque du Canada

Minimum obligatoire

Pièces et billets de laBanque du Canada

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52 LA TRANSMISSION DE LA POLITIQUE MONÉTAIRE AU CANADA

mettre des billets de banque à la dispositiondu public dans les réseaux de guichetsautomatiques. Étant donné que le numérairedétenu entre dans le calcul des réservesprimaires, cette augmentation des billets a eupour corollaire une baisse des dépôts obligatoiresà la banque centrale.

Après les sommets saisonniers atteints parleurs avoirs en numéraire au cours de certainsmois, plusieurs banques ont vu ces dernièresannées leurs dépôts obligatoires à la banquecentrale tomber à des niveaux à peine supérieursà la fourchette normale des pertes aléatoiressusceptibles d’être enregistrées à lacompensation quotidienne11. Lorsque les dépôtsobligatoires atteignent de tels planchers, lesbanques sont très exposées au risque d’avoir àsolliciter une avance quotidienne auprès de labanque centrale. De plus, la possibilité decompenser les réserves excédentairesenregistrées certains jours par des déficitssurvenus à d’autres occasions, au cours d’unepériode de réserve, se trouve considérablementréduite. Les encaisses de règlement ne peuventpas être négatives, car une avance de la Banquedu Canada interviendrait pour les maintenir aumoins à zéro. Par conséquent, le montant le plusélevé que puisse atteindre un déficit ponctueldans le calcul de la position cumulative d’unebanque à charte est égal au solde qu’elle esttenue de garder à la Banque du Canada. Il enrésulte que, si les dépôts obligatoires sont trèsfaibles par rapport aux fluctuations aléatoiresnormales de la compensation, la marge dontdisposent les banques pour réduire des excédentscumulatifs se trouve réduite.

11. En raison du décalage inhérent au mode de calcul des réservesobligatoires, une variation des avoirs en numéraire influe surles dépôts à maintenir à la Banque du Canada avec un retardd’environ un mois. Par exemple, d’importants avoirs en numéraireà la fin de décembre et au début de janvier réduisent les dépôtsexigés en février.

Il n’y a donc pas lieu de s’étonner que lesavances de la banque centrale aux banques àcharte tendent à se faire plus fréquentes, et lesréserves cumulatives excédentaires plus élevées,lorsque les dépôts obligatoires diminuent. Cetteévolution s’est manifestée clairement en février1989, puis en février 1990, après de fortesaugmentations des avoirs en numéraire, àl’occasion des fêtes de fin d’année. Les marchésdes fonds à un jour s’étaient fortement resserrés,en dépit des augmentations appréciables desréserves excédentaires pendant ces mois.

En ce qui concerne l’interprétation deschiffres publiés sur les réserves primaires desbanques à charte, il faut comprendre qu’unevariation de l’excédent cumulatif d’un mois àl’autre n’est pas forcément en soi le signe d’uneréorientation de la politique monétaire. Si l’onveut évaluer convenablement l’orientation suiviepar la Banque dans la détermination desencaisses, il faut tenir compte des facteurs quiinfluent sur la demande de réserves excédentairespar les banques à charte, notamment du niveaude leurs dépôts obligatoires à la banquecentrale. De façon plus générale, l’incidenced’un niveau donné des encaisses sur lesconditions monétaires dépend des encaisses derèglement visées par l’ensemble des institutionsparticipant à la compensation. Comme ce niveaucible n’est absolument pas constant sur longuepériode, un volume donné d’encaisses derèglement – ou de réserves excédentaires dans lecas des banques à charte – peut correspondre àdes degrés assez différents de restrictionmonétaire, selon l’évolution de la situation.

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53KEVIN CLINTON

Adhérents de l’ACP, adhérents : Institutionsqui participent directement au mécanisme decompensation de l’ACP. Pour avoir le statutd’adhérent, une institution membre del’Association doit engendrer au moins 1/2 % duvolume total des compensations. La Banque duCanada est un adhérent, bien que, au sens courantdu terme, elle soit en général implicitementexclue. On compte actuellement huit adhérentsbancaires et cinq adhérents parabancaires. Cesinstitutions ont un compte de règlement à laBanque du Canada leur donnant droit aux avancesde cette dernière. Les institutions qui reçoiventdes dépôts transférables par chèques et qui ne sontpas des adhérents – c’est-à-dire les sous-adhérents– doivent passer par un adhérent.

Adhérents non bancaires : Institutions autres que desbanques à charte participant à la compensation. Ils’agit principalement des sociétés de fiducie ou deprêt hypothécaire, des credit unions et des caissespopulaires.

Adjudication des dépôts à terme du Receveurgénéral : Attribution par voie d’enchères auxadhérents des dépôts du gouvernement fédéralpour des termes fixes d’un ou de plusieurs jours(Rapport annuel du gouverneur, 1986 – chapitre«Les opérations de la Banque du Canada»).

Adjudication des dépôts à vue du Receveurgénéral : Attribution bimensuelle par voied’enchères aux adhérents des dépôts à vue dugouvernement fédéral (Rapport annuel dugouverneur, 1989 – chapitre «Les opérations de laBanque du Canada»).

Association canadienne des paiements (ACP) :Organisme qui supervise la compensation et lerèglement des chèques, des autres effets depaiement sur support papier et des transfertsélectroniques entre les institutions membres. Cesdernières comprennent la Banque du Canada, lesautres adhérents et les sous-adhérents, qui sontreprésentés à la compensation par des adhérents.

Avance de la Banque du Canada : Prêt accordé parla banque centrale. Il s’agit soit d’un découvert

permettant de compenser l’insuffisance desencaisses de règlement, soit d’un emprunteffectué en fin de période de réserve par unebanque à charte lorsqu’elle ne satisfait pas auxexigences de réserves minimales.

Calcul de moyennes pondérées : Pondération desdépôts quotidiens à la Banque du Canada pour lecalcul des réserves obligatoires. Les coefficientsde pondération correspondent au nombre de jourspendant lesquels une banque pourrait obtenirdes intérêts en réduisant ses réserves d’un jourouvrable; ce nombre est de 1 sauf quand il s’agitd’un vendredi ou d’un jour précédant un jourférié. Par exemple, le coefficient de pondérationappliqué un vendredi qui précède une fin desemaine normale de deux jours, est de 3, tandisqu’il est de 4 s’il s’agit d’un jeudi précédant unvendredi férié(Revue,septembre 1983 et août1986).

Cession en pension : Vente de titres avec accord derachat par la Banque du Canada et à son initiative.Opérations qui ont, à ce jour, été effectuées avecles banques à charte. (Angl. SRA,reverse repo.)

Cycle de compensation : Compensation et règlementdes opérations d’une journée ouvrable.

Dépôts de règlement, encaisses, encaisses derèglement : Dépôts des adhérents de l’ACPauprès de la Banque du Canada.

Dépôts obligatoires à la Banque du Canada :Réserves primaires obligatoires, moins avoirs ennuméraire. Ces derniers sont mesurés d’après lesmêmes conventions que les dépôts soumis auxréserves.

Gestion des encaisses, détermination des encaisses :Du point de vue de la Banque du Canada,régulation de l’offre d’encaisses de règlementau moyen de tirages et de dépôts de fonds dugouvernement fédéral auprès des adhérents.

Institutions participant à la compensation :Institutions financières offrant des comptes dedépôt transférables par chèques et d’autres

GLOSSAIRE

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54 LA TRANSMISSION DE LA POLITIQUE MONÉTAIRE AU CANADA

moyens de paiement au grand public. Plusprécisément, les institutions membres de l’ACPet, dans certains contextes, les adhérentsuniquement.

Neutralisation : Mesure de politique monétairequi ne fait que compenser l’effet d’une séried’opérations sur l’ensemble des encaisses derèglement. En particulier, composante dumécanisme des tirages et des dépôts qui compensel’effet estimatif net qu’exercent les opérationsantérieures de la journée sur les encaisses.

Opération d’open market : Interventiondiscrétionnaire de la Banque du Canada sur lemarché des valeurs canadien. Depuis l985, cesopérations ont consisté pour la plupart en ventes àréméré, mais les ventes ou achats purs et simplesde bons du Trésor restent relativement courants.Les titres en jeu sont presque toujours des bons duTrésor ou des obligations à court terme dugouvernement fédéral (Revue, juillet 1989).

Opérations de vente à réméré : Prises en pension,prises en pension spéciales et cessions en pension(Revue, juillet 1989).

Période de calcul des moyennes, période deréserve : Période bimensuelle durant laquelle lamoyenne pondérée des réserves-encaisse d’unebanque à charte ne doit pas être inférieure à unminimum obligatoire. Il s’agit des 15 premiersjours ou de la période restante d’un mois civil.

Perte et gain de compensation, fluctuation decompensation : Virement net de dépôts à laBanque du Canada au crédit ou au débit d’unadhérent, à la clôture d’un cycle de compensation.Souvent, cette expression désigne uniquement lapartie imprévue du virement.

Portefeuille sous-investi de la Banque duCanada : Portefeuille dont le stock de titres dugouvernement et d’avances est inférieur auxengagements en dollars canadiens. Cette situationrésulte de faibles dépôts du gouvernement aupassif et des swaps avec le Fonds des changes nondénoués à l’actif. Par opposition, un portefeuille

surinvesti en est un où l’on observe d’importantsdépôts du gouvernement et aucun swap.

Position cumulative : Somme des différencesentre les montants des réserves excédentairesquotidiennes et les déficits par rapport auxréserves obligatoires minimales d’une banqueà charte.

Position déficitaire d’un adhérent non bancaire :Position qui rend nécessaire une avance de laBanque du Canada.

Position déficitaire d’une banque à charte : Positiond’une banque à charte dont les réserves sontinférieures au minimum obligatoire, sur baseponctuelle ou cumulative, ou qui a besoin d’uneavance de la Banque du Canada.

Position ponctuelle : Position de réserve d’unebanque, pour une journée donnée, par rapport àses obligations de réserve.

Prise en pension : Achat de titres par la Banquedu Canada moyennant une revente future, àl’initiative d’un négociant en valeurs agréé.

Prise en pension spéciale : Achat de titres, avecaccord de revente, par la Banque du Canada et àson initiative. Ces opérations ont, à ce jour, étéeffectuées avec les négociants en valeurs et lesbanques à charte. (Angl. SPRA; le termerepo estaussi employé en anglais.)

Règlement rétroactif : Règlement entre adhérentsantidaté d’un jour ouvrable dans les livres de labanque centrale. Convention utilisée par celle-cipour les règlements dans le cadre de l’ACP(Revue, août 1986).

Réserves excédentaires, encaisses excédentaires :Dépôts d’une banque à charte à la banque centralequi dépassent le minimum obligatoire.

Réserves primaires, réserves : Numéraire et dépôtsdes banques à la banque centrale.

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55KEVIN CLINTON

Réserves primaires obligatoires : Montant minimalde numéraire et de dépôts à la Banque du Canadaque la loi oblige les banques à charte à maintenir.Ces dépôts sont établis en pourcentage des dépôtssujets aux réserves dans les banques à charte. Cesderniers sont définis comme la moyenne desdépôts des quatre mercredis consécutifs dontle dernier est le deuxième mercredi du moisprécédent. Depuis 1984, les coefficients deréserves obligatoires sont équivalents à 10 % desdépôts à vue, à 2 % des dépôts à préavis inférieursà 500 millions de dollars, à 3 % des dépôts àpréavis de plus de 500 millions de dollars et à 3 %des dépôts en monnaie étrangère des résidentscanadiens (Revue de la Banque du Canada, Notesrelatives aux tableaux, C10).

Swap au compte du Fonds des changes : Achattemporaire, assorti d’un engagement de revente,d’avoirs en devises du Fonds des changes (dugouvernement fédéral) par la Banque du Canada(Revue, juillet 1977).

Système de paiement de gros effets : Systèmeautomatisé de compensation et de règlement lemême jour des effets de paiement dont le montantdépasse un certain seuil (p. ex. 50 000 $). Lesencaisses de règlement à la banque centraleseraient inscrites «en temps réel», c’est-à-direen continu, les comptes étant mis à jour dès queles paiements sont effectués.

Tirage et dépôt : Transfert de fonds du gouvernementfédéral des adhérents à la banque centrale (tirage)ou de la banque centrale aux adhérents (dépôt).

ARTICLES CONSULTÉS POUR LA PRÉPARATION DU GLOSSAIRE

«La gestion des réserves-encaisse», Revue de laBanque du Canada, juin 1975.

Clinton, Kevin et Kevin Fettig, «Les opérations devente à réméré dans la conduite de la politiquemonétaire», article reproduit dans le présentvolume.

Dingle, James F., «Note technique : Le mode derèglement rétroactif des opérations journalières decompensation des chèques et des autres effets depaiement»,Revue de la Banque du Canada,août 1986.

Document de travail,La conduite de la politiquemonétaire dans un système sans réservesobligatoires, Banque du Canada, septembre 1987.

Deuxième document de travail sur la conduite de lapolitique monétaire dans un système libre deréserves obligatoires, Banque du Canada,février 1989.

Faure, Frank, «Remarques sur les aspects techniquesdes opérations de swap entre la Banque du Canadaet le Fonds des changes»,Revue de la Banque duCanada, juillet 1977.

«L’adoption de moyennes pondérées pour le calcul desréserves des banques»,Revue de la Banque duCanada, septembre 1983.

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Depuis le milieu de 1985, la Banque du Canada afréquemment pris l’initiative d’effectuer avecdes participants désignés du marché monétairecertaines opérations, automatiquement inverséesle lendemain, dans le but d’harmoniser les tauxd’intérêt à très court terme avec les objectifsfondamentaux de la politique monétaire. Laprise en pension spéciale est la plus connue deces opérations. Elle consiste dans l’achat par laBanque de titres à court terme et le rachat de cesderniers par le cédant le jour ouvrable suivant.Les prises en pension spéciales sont conclues envue d’atténuer les pressions à la haussepassagères et inopportunes qui peuvent s’exercersur les taux d’intérêt du marché monétaire. Leurcaractère spécial vient du fait que leur utilisationest à la discrétion de la Banque du Canada, alorsque les prises en pension ordinaires sontconclues à l’initiative des courtiers en valeursmobilières admissibles (les agents agréés dumarché monétaire) jusqu’à concurrence d’unelimite établie. Au cours des deux dernièresannées, la Banque a aussi effectué à l’occasion

les opérations inverses, soit des cessions enpension, afin de contrebalancer les pressions à labaisse jugées non souhaitables sur les taux.

Ces techniques d’intervention1 sur le marchésont accessoires par rapport à l’instrumentprincipal de la politique monétaire, à savoirl’ajustement quotidien des réserves-encaisse desbanques à charte et des autres adhérents del’Association canadienne des paiements (ACP)2.Le niveau des réserves est arrêté chaque soir parvirement de dépôts du gouvernement fédéraldans les comptes des adhérents ou par retrait defonds de ces comptes, ce qui se traduit par uneinjection ou un retrait de liquidités. Le plussouvent, le recours à cette technique de dépôt etde tirage, qui est particulière au Canada,contribue, sans autre forme d’intervention, à laréalisation des conditions monétairesrecherchées par la Banque pour le lendemain. Ilarrive toutefois que les taux du crédit à court

1. Les opérations équivalentes aux États-Unis, effectuéespar la Réserve fédérale, s’appellent «repos» et «reverserepos».2. Dans une allocution intitulée «La Banque du Canada etle marché monétaire» publiée dans la livraison de mai 1989de laRevue de la Banque du Canada, le gouverneur brosseun tableau général des opérations de la Banque.

Texte publié initialement dans la livraison de juillet 1989 de laRevue de la Banque du Canada

Les opérations de vente à réméré dans laconduite de la politique monétaire

Kevin Clinton et Kevin Fettig

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58 LA TRANSMISSION DE LA POLITIQUE MONÉTAIRE AU CANADA

terme n’évoluent pas dans le sens escompté parla Banque. En pareil cas, celle-ci peut influencerles conditions financières sur le marché enrecourant aux prises en pension spéciales et auxcessions en pension, qui agissent directement surle financement du portefeuille-titres des courtiersen valeurs mobilières3.

Les courtiers financent leurs stocks à l’aidesurtout de prêts au jour le jour, c’est-à-dire d’unjour à l’autre, y compris les fins de semaineou les jours fériés. Il existe deux sourcesimportantes de fonds : les prêts à vue spéciauxoctroyés par les banques à charte et les prêtsconsentis par d’autres bailleurs de fonds, les«prêteurs non bancaires», dont un bon nombre degrandes entreprises financières et nonfinancières, de même que des organismespublics4. Dans le cadre de ses activités desurveillance du marché monétaire, la Banque duCanada accorde une attention spéciale aux tauxdu crédit au jour le jour. Les opérations depension sont généralement motivées par uneévolution des taux de financement au jour le jourqui ne semble pas cadrer avec les conditionsmonétaires souhaitées par la Banque.

Une autre forme d’intervention de la banquecentrale consiste à effectuer des opérationstraditionnelles d’open market, c’est-à-dire desachats ou des ventes purs et simples de bons duTrésor. De fait, jusqu’en 1985, les opérationsd’open market représentaient la seule formed’intervention de la Banque sur le marché.

3. Les stocks de titres du marché monétaire des courtiersen valeurs mobilières se composent de bons du Trésor,d’obligations à court terme, de papier commercial etd’acceptations bancaires.4. Les principales caractéristiques du marché du créditau jour le jour sont esquissées dans les articles suivants :«Le financement au jour le jour au Canada : les prêtsà vue spéciaux» et «Le marché canadien des dépôtsinterbancaires», publiés respectivement dans les livraisonsde mai 1983 et de février 1986 de laRevue de la Banque duCanada.

Comme celle-ci a ces dernières années concentréautant que possible son influence sur les taux aujour le jour, les prises en pension spéciales et lescessions en pension sont devenues lesinstruments d’intervention les plus largementutilisés. Toutefois, le taux officiel d’escompteétant fixé en fonction du rendement des bons duTrésor à trois mois établi à l’adjudicationhebdomadaire, la Banque a toujours recours auxachats et aux ventes de bons du Trésor pourinfluencer de façon plus directe, lorsqu’elle lejuge nécessaire, l’évolution de ce marché.

L’ÉVOLUTION DES PRISES EN

PENSION SPÉCIALES ET DES

CESSIONS EN PENSION

La prise en pension spéciale dérive del’opération ordinaire de pension, qui avaitété lancée en 1953 afin de favoriserl’épanouissement du marché monétaire enassurant aux agents agréés l’aide à court terme dela Banque du Canada5. Les agents qui éprouventdes difficultés temporaires à trouver auprès deprêteurs privés des fonds suffisants à un coûtraisonnable pour financer leurs stocks de titres àcourt terme du gouvernement canadien peuventavoir recours à la prise en pension pour vendreces titres, avec clause de rachat, à la Banque du

5. Pour une description des origines de ce marché, voirl’article «L’évolution de la Banque du Canada en 1953-1954, une nouvelle étape de l’histoire de la banquecentrale» paru dans la livraison de janvier 1976 de laRevue de la Banque du Canada.

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59KEVIN CLINTON ET KEVIN FETTIG

Canada jusqu’à une limite préétablie6. Lesagents agréés du marché monétaire doiventracheter les titres dans les quinze jours quisuivent la date de la vente, mais en pratique lerachat a normalement lieu le lendemain del’opération. Afin de décourager le recoursfréquent aux prises en pension, la Banque les atoujours consenties à un coût supérieur au tauxdes bons du Trésor à trois mois déterminé àla dernière adjudication hebdomadaire. Depuis1980, le coût des prises en pension a été égal autaux d’escompte, qui est lui-même fixé à un quartde un pour cent au-dessus du rendement moyendes bons du Trésor à trois mois.

Au milieu des années 80, le marché del’argent au jour le jour a connu des périodespassagères de tension aiguë tenant à des facteursd’ordre technique. Le resserrement desconditions avait surtout tendance à se produireles vendredis, soit les jours où les banques àcharte avaient tendance à surveiller de plus prèsleur trésorerie parce que leurs dépôts à la Banquedu Canada recevaient une pondération triple dansle calcul des réserves obligatoires7. La situationempirait parfois lorsque le vendredi était ledernier jour de la période de calcul des réserves,car les banques tenaient à afficher un excédentimportant pour éviter, en cas de manque, d’avoirà prendre une avance obligatoire de la Banque du

6. Étant donné que les prises en pension traditionnellessont conclues à l’initiative des agents agréés, elles neconstituent pas un instrument de la politique monétairedans le sens courant du terme. De fait, le recours auxprises en pension lorsque la demande de crédit s’accroîtrapidement pourrait se traduire par une injectioninopportune de liquidités dans le système financier. Dansde telles circonstances, la Banque du Canada neutraliseraitun tel apport de monnaie en fin de journée au moyen d’untirage effectué sur les comptes que le gouvernement tientchez les adhérents, comme on l’explique plus loin dansla partie réservée aux opérations discrétionnaires de laBanque.

Canada à un taux égal ou supérieur au tauxd’escompte.

Dans de telles circonstances, les banquesavaient tendance à exiger des courtiers leremboursement des prêts à vue spéciaux qu’ellesleur avaient consentis et à se livrer à unesurenchère pour obtenir d’autres fondsaccessibles le jour même, comme les dépôtsinterbancaires. Les agents agréés pouvaient, parconséquent, avoir à faire face à des options definancement onéreuses : ils pouvaient certes,dans une certaine mesure, conclure des prises enpension avec la Banque du Canada, mais si leursbesoins étaient le moindrement importants, ilsétaient forcés de se rabattre sur des sources definancement beaucoup plus chères, y compris lesprêteurs non bancaires auxquels ils s’adressentmoins souvent8. Si, vers la fin de la journée, lesagents du marché monétaire n’avaient toujourspas satisfait tous leurs besoins de financement,ils devaient en définitive envisager de tirer surleurs lignes de crédit auprès des banques, ce quicomporte souvent un coût égal ou supérieur autaux préférentiel. Ainsi un resserrement dumarché monétaire dû à des facteurs d’ordretechnique pouvait-il pousser les courtiers àrivaliser d’efforts pour obtenir des fonds, ce quirisquait de provoquer des pressions aiguës à la

7. Des situations analogues peuvent survenir avant lesjours fériés, au cours desquels le poids donné aux dépôtsà la Banque du Canada aux fins de calcul des réservesofficielles est supérieur à l’unité. La méthode de calculdes réserves est expliquée dans les articles suivants :«L’adoption de moyennes pondérées pour le calcul desréserves des banques» et «Note technique : Le modede règlement rétroactif des opérations journalières decompensation des chèques et des autres effets de paiement»,publiés respectivement dans les livraisons de septembre1983 et d’août 1986 de laRevue de la Banque du Canada.8. Les montants des pensions avaient à l’origine la mêmeampleur que la valeur des stocks de titres des agents dumarché monétaire, mais ils ont été inférieurs à 600 millionsde dollars ces dernières années, tandis que le stock desagents dépasse souvent les 6 milliards de dollars.

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60 LA TRANSMISSION DE LA POLITIQUE MONÉTAIRE AU CANADA

hausse sur les taux du financement au jour lejour.

C’est dans le but d’atténuer ces tensionspassagères que les prises en pension spécialesont été lancées en 1985. En vertu de cemécanisme, la Banque offre d’acheter des bonsdu Trésor et d’autres titres à court terme dugouvernement canadien et de les revendre aucédant le jour ouvrable suivant; c’est la Banquequi fixe le taux de cette offre. Celle-ci estpresque toujours faite exclusivement aux agentsagréés du marché monétaire, mais la Banque duCanada a en de rares occasions proposé cetteformule aux banques à charte. Cela reflète lerôle d’utilisateurs de fonds à court terme quejouent les agents agréés du marché monétaire,contrairement à d’autres institutions financières,qui ont traditionnellement joué le rôle defournisseurs du crédit à court terme. La Banquedu Canada peut contingenter le montant de lapension ou le laisser au choix de l’autre partie.La Banque peut également intervenir plus d’unefois au cours d’un jour de négociation si unepremière intervention s’avère inadéquate.

De même, les cessions en pension ont étéintroduites en 1986 pour donner à la Banque unoutil souple qui lui permette d’atténuer lespressions à la baisse non souhaitées quis’exerçaient sur les taux du crédit au jour le jour.Les cessions en pension assurent à la Banque lamême liberté d’action que les prises en pensionspéciales, mais les opérations se font en senscontraire : dans ce cas-ci, c’est la Banque duCanada qui vend des titres à court terme dugouvernement canadien, en s’engageant à lesracheter le jour ouvrable suivant. Étant donnéqu’une offre excédentaire de fonds au jour le joursignifie habituellement que certaines banquesdoivent chercher activement à prêter les fonds ensurplus, c’est uniquement à ces dernières que lescessions en pension ont jusqu’ici été offertes.

Les répercussions que peuvent avoir lesprises en pension spéciales sur l’offre de réservespar la banque centrale sont illustrées auTableau 1 sous la forme de bilans schématiquesde la Banque du Canada, des courtiers en valeursmobilières et des adhérents. La Banque a lacapacité de neutraliser ou de ne pas neutraliserles répercussions que ses interventions ont sur lesréserves liquides, et sa décision à cet égard estfonction de l’évaluation qu’elle fait de lasituation au moment de l’établissement duniveau des réserves en fin de journée9. Lescomptes en T reproduits au Tableau 1 font étatdes étapes de l’évolution qui se produirait à lasuite d’une opération menée dans le but deprotéger le courtier contre une demandetemporaire de remboursement, de la part desadhérents, d’un prêt à vue d’un montant de 100.On peut supposer que cette demande deremboursement est motivée par le fait que lesadhérents anticipent des pertes de liquidités pourcette journée. Comme on ne s’attend pas à ceque cette anticipation persiste jusqu’au joursuivant, on suppose dans le Tableau que laBanque prélèvera un montant de 100 des dépôtsdu gouvernement de façon à maintenir à unniveau constant les liquidités bancaires. Dans leTableau, la Banque du Canada achète des bonsdu Trésor d’un montant de 100 auprès descourtiers (opération A), qui remboursent ainsi leprêt à vue octroyé par les adhérents(opération B). Cela pourrait permettre auxadhérents d’accroître leurs dépôts à la banquecentrale (poste C du bilan), mais le tirage(opération X) fait que le niveau des liquiditésn’enregistre aucune variation nette au cours de la

9. Les dépôts et les tirages sont effectués après lafermeture des opérations de la journée sur le marché.Ainsi, en dépit du règlement rétroactif, leur incidence ne sefait pas sentir avant le jour ouvrable suivant, et la Banquedécide du niveau des réserves liquides en fonction desobjectifs qu’elle vise pour les jours suivants.

Page 63: La transmission de la politique monétair e au Canada

61KEVIN CLINTON ET KEVIN FETTIG

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62 LA TRANSMISSION DE LA POLITIQUE MONÉTAIRE AU CANADA

journée. Le jour ouvrable suivant, les adhérents,dont les comptes de réserve affichent les mêmessoldes excédentaires qu’auparavant, n’anticipantplus de pertes de liquidités, seraient disposés àoctroyer de nouveau des prêts à vue, ce qui auraitpour effet de rétablir un climat normal sur lemarché du crédit au jour le jour.

L’UTILISATION ACTIVE DES

PENSIONS SPÉCIALES

Bien que les prises en pension spéciales et lescessions en pension aient été utilisées au débutcomme un moyen souple de faire face auxperturbations de nature purement technique quiagitent le marché du crédit au jour le jour, ons’est vite aperçu qu’elles pouvaient remplir unrôle plus actif. Si en 1985 et en 1986 les prisesen pension spéciales étaient offertes le plussouvent les vendredis, au cours des deuxdernières années environ, elles ont été offertespresque aussi souvent les lundis, les mardis et lesjeudis (voir Tableau 2)10. Cette évolutionpourrait s’expliquer par le fait que les opérateursdu marché monétaire et la Banque du Canadacomprennent mieux qu’auparavant lefonctionnement de la formule des moyennespondérées pour le calcul des réservesobligatoires. Mais elle s’explique surtout parl’utilisation beaucoup plus grande des prises enpension spéciales comme instrument de la

10. Toutefois, depuis leur création, peu d’opérations deprise en pension ont été effectuées les mercredis. Étantdonné que les dépôts des banques n’entraînent l’obligationlégale de constituer des réserves que le mercredi, celles-cicherchent moins activement des fonds en ce jour, ce quicrée une détente sur le marché monétaire. Cet «effetdu mercredi» se manifeste également par le nombrerelativement élevé de cessions en pension effectuées en1988 les mercredis.

politique monétaire, ce qui a nettement faitaugmenter la fréquence de ce type d’opération àdifférents jours de la semaine. Il y a eu huit offresde prise en pension spéciale en 1985, quaranteen 1986, environ soixante-dix en 1987 et en 1988et dix-huit au premier semestre de 1989; lescessions en pension ont été offertes une foisen 1986, deux fois en 1987, quinze fois en 1988et cinq fois au premier semestre de 1989.

On comprend mieux l’augmentation desopérations de pension lorsqu’on la place dans lecontexte de la conduite quotidienne de lapolitique monétaire. Il a été souligné plus hautque les ajustements à court terme des réserves-encaisse du système financier passentprincipalement par les dépôts ou les tirageseffectués sur les comptes que le gouvernementcanadien tient auprès des adhérents11. À la fin dechaque jour ouvrable, la Banque du Canada fixele niveau de ces liquidités, ce qui entraîne unecertaine variation des réserves. Les dépôts ou lestirages qu’il convient alors d’effectuer prennentla forme de transferts de fonds du gouvernementfédéral entre la Banque du Canada et lesadhérents, ces derniers étant informés desmontants transférés le matin suivant,suffisamment tôt pour le règlement rétroactif deleurs opérations de compensation du jourouvrable précédent. Bien que l’évolutionquotidienne des réserves du système bancairesoit influencée par un certain nombre de facteursindépendants du contrôle de la Banque – parexemple les gains et les pertes de compensationd’effets avec les institutions parabancaires et lesavances octroyées par la Banque du Canada – laBanque est néanmoins à même d’influencer avec

11. Sur plus longue période, la croissance du portefeuille dela Banque du Canada est surtout maintenue par l’achat detranches des nouvelles émissions de titres du gouvernement.Voir l’article «La gestion des réserves-encaisse», publiédans la livraison de juin 1975 de laRevue de la Banque duCanada.

Page 65: La transmission de la politique monétair e au Canada

63KEVIN CLINTON ET KEVIN FETTIG

beaucoup de précision l’évolution quotidiennedes réserves.

Un important élément d’incertitude subsistecependant, puisque l’incidence d’un niveau deréserve donné sur l’évolution des taux à courtterme est en grande partie fonction de lademande globale de réserves excédentaires de lapart des banques à charte. Il peut arriver àl’occasion que celles-ci cherchent à accroîtreleurs réserves en demandant le remboursementde prêts et en poussant les enchères en vued’obtenir des dépôts au jour le jour, comme il aété dit plus haut. En outre, cette demandeglobale de réserves peut augmenter sous l’effetd’une répartition très inégale des positionsexcédentaires et déficitaires parmi les membresde l’ACP. Il peut aussi arriver – moinsfréquemment tout de même – que les taux ducrédit au jour le jour baissent tout à coup si lesbanques à charte et les autres institutionsparticipant à la compensation considèrent queleurs réserves sont trop importantes. Une telleinstabilité du marché monétaire est le plussouvent liée à la nervosité avec laquelle lesintervenants envisagent l’évolution future destaux d’intérêt à court terme, particulièrement

durant les derniers jours de la période de calculdes réserves. À titre d’exemple, si les banques àcharte et les autres prêteurs au jour le jourestiment qu’une hausse des taux du marché aujour le jour est imminente, ils peuvent se montrerréticents à octroyer des prêts et provoquer ainsides pressions à la hausse sur les taux qui vont audelà de ce que la Banque avait souhaité aumoment où elle avait fixé le niveau des réservesliquides.

Dans un tel contexte, une prise en pensionspéciale offerte par la Banque du Canada peutcontribuer à débloquer l’offre du crédit au jour lejour. Ce type d’opération, en plus de donner auxagents agréés du marché l’accès à une sourceeffective de financement, réduit les chances queles prêteurs profitent par la suite de taux plusélevés. C’est pourquoi les prises en pensionspéciales (ou les cessions en pension, en casd’assouplissement inopportun), mêmelorsqu’elles portent sur des montants plutôtmodestes, peuvent prévenir une évolution nonsouhaitée des coûts du financement au jour lejour. Le taux des pensions peut donner auxopérateurs du marché une bonne idée desobjectifs de la banque centrale en ce qui

Tableau 2 Ventilation par jour des offres de prises en pension spéciales et de cessions en pension

Prises en pension spéciales Cessions en pension

Juin-déc. Janv.-juin Juin-déc. Janv.-juin1985 1986 1987 1988 1989 1986 1987 1988 1989

Lundi 1 7 15 17 3 0 1 2 2Mardi 1 9 19 14 6 0 1 3 1Mercredi 0 7 9 7 2 0 0 7 1Jeudi 2 3 13 14 3 0 0 2 1Vendredi 4 14 17 18 4 1 0 1 0

Total 8 40 73 70 18 1 2 15 5

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64 LA TRANSMISSION DE LA POLITIQUE MONÉTAIRE AU CANADA

concerne l’orientation et le niveau des taux ducrédit au jour le jour.

QUELQUES EXEMPLES PRATIQUES

On peut trouver des exemples concrets pourmontrer comment les techniques spéciales devente à réméré ont été utilisées à la fois pourfaire face à des perturbations temporaires d’ordretechnique et pour renforcer les moyens d’actionde la politique monétaire.

Dans le Graphique 1, qui fait état desopérations de prise en pension ordinaire, de priseen pension spéciale et de cession en pension, etde façon plus détaillée dans les Tableaux 3 et 4,plusieurs périodes d’activité accrue ressortent.La première de celles-ci, correspondant aux moisde mars et d’avril 1986, a suivi un mouvement defortes ventes spéculatives du dollar canadien surles marchés des changes, ce qui avait faitdescendre notre monnaie à 69 cents É.-U. enfévrier, le niveau le plus bas jamais enregistré.Les autorités monétaires avaient réagiavec détermination à cette perturbation parun programme prévoyant entre autresd’importantes ventes officielles de devises et undurcissement marqué de la politique monétaire.Les taux d’intérêt canadiens s’étant mis àgrimper (Graphique 2), les écarts entre les tauxd’intérêt à court terme canadiens et américains sesont creusés et se sont maintenus à plusde 5 points de pourcentage pendant plusieurssemaines. Toutefois, après la mi-mars, comme lecours du dollar canadien s’était établi autourde 72 cents É.-U. et que des signes d’unessoufflement de l’activité économique au paysse manifestaient, la Banque a assoupli davantagesa politique en augmentant les réservesexcédentaires mises à la disposition du systèmebancaire. Les taux des bons du Trésor ont alors

baissé rapidement et, comme cela entraînait lahausse de la valeur des stocks de bons, lademande de fonds au jour le jour s’est accrue.Dans ce contexte, les taux du crédit au jour lejour ont fléchi assez lentement et, pendant uncertain temps, le taux d’escompte a constituépour les agents agréés un taux de financementpeu cher, ce qui les a poussés à recourirmassivement aux prises en pension. Pourfavoriser l’assouplissement des conditionsmonétaires et faire baisser davantage le loyer del’argent au jour le jour, la Banque a offert desprises en pension spéciales aux agents agréés et,à plusieurs reprises, aux banques également.

Ces événements survenus en 1986 montrentl’usage actif le plus évident qu’on peut faire desprises en pension spéciales, à savoir fournir unappui direct à une orientation moins restrictivede la politique monétaire. La période qui a suivila débâcle boursière d’octobre 1987 illustre aussile rôle que peuvent jouer les opérations depension. En effet la Banque, soucieuse d’évitertout risque de crise de liquidités, avait injecté desfonds à court terme exceptionnellementimportants dans le marché monétaire. Lesliquidités bancaires s’étaient fortement accrues,provoquant la baisse rapide du taux dufinancement au jour le jour, lequel avait touchéun creux d’environ 7 3/8 % après s’être situéà 8 1/8 % la semaine précédant la débâcle. Desoffres répétées de prises en pension spéciales ontété faites, dont certaines se sont chiffrées à desmontants records de 1,2 milliard de dollars levendredi 30 octobre et de 1,3 milliard de dollarsle lundi 2 novembre. Si la Banque avait procédéautrement, on aurait pu assister à l’apparition detensions provoquées par des flux de paiementexceptionnellement forts, des effets de fin desemaine et des facteurs d’ordre technique liés àla dernière journée d’une période de calcul desréserves et à la fin de l’exercice financier desbanques à charte. Vers la fin de 1987, lorsqu’on

Page 67: La transmission de la politique monétair e au Canada

65KEVIN CLINTON ET KEVIN FETTIG

Graphique 2 Taux officiel d’escompte moyen et taux moyen des avances à un jour (données mensuelles)

En pourcentage

Taux officiel d’escompte

Taux des avances à unjour

7

8

9

10

11

12

13

1985 1986 1987 1988 1989

Graphique 1 Valeur nominale des prises en pension ordinaires, des prises en pension spéciales et des cessionsen pension (données mensuelles)1

En milliards de dollars

1. Ces données mensuelles représentent la somme de l’encours quotidien, à la clôture, des prises en pension ordinaires, des prises en pensionspéciales et des cessions en pension, respectivement. Les montants quotidiens n’ont pas été pondérés de manière à tenir compte des opérationsse prolongeant les fins de semaine ou les jours fériés.

Prises en pension ordinaires

Prises en pension spéciales

Cessions en pension(en valeurs négatives)

-2

0

2

4

6

8

10

12

1985 1986 1987 1988 1989

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66 LA TRANSMISSION DE LA POLITIQUE MONÉTAIRE AU CANADA

s’est de plus en plus rendu compte que la débâcleboursière avait provoqué moins de dommagesque ce qu’on aurait prévu, la Banque a entreprisd’absorber les liquidités excédentaires enresserrant le niveau des réserves, et elle a concludes cessions en pension à deux reprises à la mi-décembre.

Certaines mesures prises en 1988 montrentcomment peuvent être utilisées, dans descirconstances plus normales, les techniquesspéciales de prise et de cession en pension.Comme la Banque voulait ramener l’essor de ladépense globale à une cadence qu’on pouvaitdavantage soutenir, elle a tenu la bride assezcourte aux conditions monétaires. Au début del’été, les cessions en pension ont été largementutilisées pour servir d’appui à une politique deresserrement des liquidités, ce qui signalait auxmarchés financiers qu’une hausse des taux àcourt terme s’imposait. La fréquence descessions en pension a commencé à s’accroître le31 mai. À ce moment, le taux offert de 8 7/8 %,qui était sensiblement plus élevé que celui desprêts à vue spéciaux, lui-même de 8 3/4 % audébut de la journée, constituait une indication del’orientation qu’on souhaitait voir prendre leloyer de l’argent au jour le jour. En juin, descessions en pension ont été conclues à sixreprises, pour un montant total d’environ2,4 milliards de dollars.

Dans tous les cas exposés jusqu’ici, lesopérations de vente à réméré ont soutenudirectement les moyens d’action dont disposait laBanque pour fixer le niveau des réserves liquides– les prises en pension spéciales servant d’appuià une politique d’assouplissement et les cessionsen pension, à une politique restrictive. En 1988cependant, de nombreuses prises en pensionspéciales ont été effectuées, même si la Banquedu Canada cherchait à contrer la hausse dela demande de crédit; de fait, il y a eu autantde prises en pension spéciales de mars à

décembre 1988 qu’au cours de la même périodel’année précédente. Les prises en pensionspéciales ont été utilisées dans ce cas-ci commesoupape de sûreté pour prévenir une hausse tropmarquée des coûts du financement au jour le jourlorsque les taux d’intérêt s’inscrivent à la hausse.La stratégie visant à resserrer les réservesliquides, puis à atténuer au besoin les tensionsexcessives par le truchement de prises en pensionspéciales, a suscité un surcroît d’intérêt sur lemarché monétaire à l’égard du taux de cesopérations. Cela a eu pour effet, à l’occasion,d’accroître l’incidence de la politique monétairesur l’évolution des taux du crédit au jour le jouren donnant une idée plus précise du sens danslequel la Banque voulait voir les taux d’intérêtévoluer, à des moments où il était difficile dechoisir un niveau approprié pour les réservesliquides.

Ces exemples montrent clairement qu’iln’existe pas de lien simple entre l’offre depensions et l’orientation de la politiquemonétaire. En général, des interventions plusfréquentes traduisent un climat d’instabilité surle marché et les difficultés connexes de fixationd’un niveau approprié pour les réservesliquides. Comme l’incertitude sur le marché sesolde plus souvent par un resserrement indu quepar un assouplissement excessif des conditionsmonétaires, on utilise beaucoup plusfréquemment les prises en pension spéciales queles cessions en pension. Cela signifie que lespensions spéciales, bien qu’elles soient enprincipe un mécanisme d’assouplissement desconditions monétaires, ont pu être assezfréquentes à des périodes de resserrement de lapolitique monétaire, comme nous en avons eu lapreuve depuis un an et demi.

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67KEVIN CLINTON ET KEVIN FETTIG

Tableau 3 Offres et taux d’intérêt de prises en pension spéciales (données mensuelles)

Valeur totale1 Offres2 Moyenne des Taux des(Millions de dollars) taux offerts3 avances à

Acceptées Non acceptées (%) un jour4

(Nombre de jours)

1985Juin 115,0 1 0 9,58 9,75

Juillet – – – – –Août 110,0 1 0 9,20 9,13

Septembre 282,5 2 0 9,00 9,00Octobre 96,5 1 0 9,75 8,88

Novembre 191,0 2 0 9,38 9,69Décembre 97,7 1 0 11,00 9,75

1986Janvier 100,0 1 0 10,50 10,75Février 520,0 2 0 12,88 12,50

Mars 999,6 7 0 12,96 12,73Avril 1 864,8 8 3 10,62 10,56Mai 238,0 1 0 8,38 8,50Juin 135,0 1 0 8,38 8,50

Juillet 80,0 1 0 8,50 8,50Août – – – – –

Septembre 255,5 1 0 8,75 8,75Octobre 525,0 2 1 8,59 8,46

Novembre 256,0 2 0 8,56 8,44Décembre 2 312,3 9 1 8,36 8,34

1987Janvier 2 301,0 3 0 8,19 8,17Février 998,0 2 0 7,44 7,38

Mars 542,7 3 0 7,38 7,31Avril 815,8 6 2 7,30 7,27Mai 241,0 3 1 8,08 7,83Juin 1 051,0 4 0 8,58 8,59

Juillet 2 648,5 8 1 8,67 8,69Août 882,0 4 3 8,82 8,81

Septembre 1 586,7 5 0 9,03 9,05Octobre 3 060,9 11 1 8,34 8,20

Novembre 4 851,2 7 1 8,16 8,31Décembre 1 905,5 7 1 8,56 8,54

1988Janvier 2 550,2 4 0 8,65 8,69Février 797,9 4 3 8,59 8,61

Mars 3 100,0 8 1 8,50 8,47Avril 2 189,0 8 1 8,53 8,52Mai 2 248,3 5 1 8,54 8,56Juin 786,0 3 1 9,13 9,16

Juillet 1 354,3 3 0 9,13 9,13Août 5 252,8 12 0 9,32 9,44

Septembre 475,0 2 0 9,88 9,88Octobre 633,0 2 0 10,25 10,28

Novembre 2 908,6 6 0 10,25 10,28Décembre 1 917,9 6 0 10,41 10,28

1989Janvier 621,6 3 0 10,54 10,44Février 1 075,0 1 0 11,13 11,00

Mars 2 127,3 6 0 11,63 11,45Avril 1 339,2 3 0 12,04 12,17Mai 560,8 2 0 12,46 12,56Juin 835,0 3 0 12,35 12,54

1. Valeur nominale des titres pris en pension.2. Plusieurs prises en pension spéciales peuvent avoir été offertes le même jour, mais elles sont comptabilisées comme une seule opération. Une telle

opération est ainsi enregistrée comme ayant été acceptée, même si la deuxième ou la troisième offre de la journée a été refusée.3. Cette moyenne simple comprend les taux dont ont été assorties les offres supplémentaires de prise en pension spéciale.4. Moyenne simple des taux quotidiens moyens des prêts à vue spéciaux établie pour les jours où des prises en pension spéciales ont été offertes.

Page 70: La transmission de la politique monétair e au Canada

68 LA TRANSMISSION DE LA POLITIQUE MONÉTAIRE AU CANADA

Tableau 4 Offres et taux d’intérêt de prises en pension spéciales (données mensuelles)

Valeur totale1 Offres Moyenne des Taux des(Millions de dollars) taux offerts2 avances

Acceptées Non acceptées (%) à un jour3

(Nombre de jours)

1986Août 150 1 0 7,25 7,63

1987Décembre 525 2 0 8,00 8,16

1988Janvier 0 0 1 8,00 8,25Février 0 0 1 8,00 8,38

Mars – – – – –Avril – – – – –Mai – – 1 8,88 8,88Juin 2 435 6 0 8,75 8,65

Juillet 100 1 0 8,75 8,81Août 300 1 2 9,04 9,17

Septembre – – – – –Octobre – – – – –

Novembre 1 050 2 0 9,75 9,97Décembre – – – – –

1989Janvier 75 1 0 10,38 10,56Février 275 1 1 10,69 10,72

Mars 75 1 0 11,00 11,06Avril – – – – –Mai – – – – –Juin 50 1 0 11,75 11,88

1. Valeur nominale des titres cédés.2. Moyenne simple des taux offerts.3. Moyenne simple des taux quotidiens moyens des prêts à vue spéciaux établie pour les jours où des cessions ont été offertes.

Page 71: La transmission de la politique monétair e au Canada

INTRODUCTION

Au Canada, l’influence de la banque centrale surl’économie découle du contrôle qu’elle exercesur l’offre d’encaisses de règlement au systèmebancaire; celles-ci sont constituées des dépôtstenus à la Banque du Canada par les adhérents,c’est-à-dire les banques et les institutionsparabancaires participant directement à lacompensation. Le Rapport technique no 69propose une description des relations qui existententre l’offre des encaisses de règlement (leniveau des encaisses), les taux d’intérêt dumarché monétaire et les taux d’intérêt affichéspar les institutions financières. Les plusimportants de ces taux administrés sont le tauxde base des prêts octroyés par les banques àcharte, les taux des dépôts d’épargne, les tauxdes prêts hypothécaires et ceux des certificats deplacement garanti. Dans chacun des cas, les

auteurs évaluent la stabilité des relations clés aucours des dernières années.

Pour ce qui est du lien entre le niveau desencaisses et les taux du marché monétaire, laprincipale question étudiée dans le rapport est desavoir si le nouveau cadre de mise en œuvre de lapolitique monétaire, instauré en novembre 1991pour permettre à la Banque de conserver lecontrôle des encaisses de règlement en prévisionde l’élimination des réserves obligatoires, a euune influence satisfaisante sur le taux à un jour.La question est abordée au moyen d’une analysedescriptive du comportement du système,centrée sur une période d’instabilité survenue àla fin de 1992.

Les liens entre les taux d’intérêt sontexaminés à l’aide de techniques économétriques.En particulier, celles-ci sont utilisées pouréclairer la détermination du taux des obligationsà moyen terme et la dynamique del’établissement des taux d’intérêt administrés.La stabilité des paramètres des modèles, qui sontestimés à partir de données hebdomadairesremontant aux années 80, est vérifiée à l’aide desdonnées de la période 1990-1993.Texte publié initialement dans la livraison d’automne 1994 de la

Revue de la Banque du Canada. Il s’agit d’un résumé du Rapport

technique no 69 intitulé «From monetary instruments to adminis-tered interest rates: The transmission mechanism in Canada».

Le mécanisme de transmission de lapolitique monétaire au Canada, desmesures prises par la banque centrale auxtaux d’intérêt administrés

Kevin Clinton et Donna Howard

Page 72: La transmission de la politique monétair e au Canada

70 LA TRANSMISSION DE LA POLITIQUE MONÉTAIRE AU CANADA

L’INCIDENCE DE LA POLITIQUE SUR

LES TAUX DU MARCHÉ

Les outils de la politique monétaire

La Banque du Canada influe sur l’offred’encaisses de règlement au moyen de larépartition des dépôts à vue du gouvernementfédéral entre son propre bilan et ceux desinstitutions participant à la compensation.

Dans le nouveau cadre de mise en œuvre dela politique monétaire, tout solde négatif à laBanque du Canada doit être couvert par un prêtpour découvert consenti au taux d’escompte; lesolde négatif doit en outre être compensé par unsolde positif à une date ultérieure quelconque aucours de la période de calcul mensuel de lamoyenne des réserves, ou se voir servir à la finde la période un taux d’intérêt additionneléquivalent au taux d’escompte. Comme le tauxd’escompte est fixé chaque semaine à 25 pointsde base au-dessus du taux des bons du Trésor àtrois mois, il suit de très près le niveau des taux àcourt terme du marché. La conjugaison de cesfacteurs fait que le coût d’un déficit et le coûtd’opportunité d’un dépôt à la banque centrale,lequel n’est pas rémunéré, sont presque égaux.

Le cadre de mise en œuvre de la politiquemonétaire, et c’est là un point essentiel, supposeque chaque adhérent détient quotidiennement àla banque centrale une position de règlementprécise qui minimalise les coûts. Par exemple,en l’absence de réserves obligatoires, le solde derèglement le moins onéreux que détient chaqueadhérent à la banque centrale serait égal à zérotous les jours au cours de la période de réserve,étant donné la symétrie des coûts liés aux déficitset aux excédents. Dans la pratique, la demanded’encaisses par les banques a généralement étépositive tout au long de la période étudiée enraison des exigences en matière de réserves1.

Plusieurs autres facteurs ont aussi une incidencesur la demande quotidienne d’encaisses derèglement de la part des adhérents; il s’agitnotamment des positions cumulativesd’importance qui sont survenues au cours decertaines périodes de réserve.

En raison de la complexité de ces facteurs, laBanque suit chaque jour de près les niveauxcibles des encaisses de règlement que désirentdétenir les adhérents en communiquantdirectement avec ces derniers. Puis elle établitsuivant son jugement les niveaux de liquidités lesplus susceptibles de permettre d’atteindre le tauxd’intérêt à un jour souhaité. Pendant les périodesde volatilité sur les marchés, ces opérationspeuvent s’avérer difficiles. Cela a d’ailleurs étéle cas notamment à l’automne 1992. Cependant,il importe de souligner que le nouveau cadre demise en œuvre n’a pas eu pour effet decompliquer la situation. De fait, la principalesurprise du point de vue de la politique monétairea été l’apathie dont les adhérents ont fait montreface aux niveaux élevés des soldesexcédentaires. Cela tenait en partie aux résidusde réserves obligatoires qui ont permis auxbanques de détenir des excédents sans que celaleur en coûte rien, puisque ceux-ci ont pu, plustard au cours de la période de réserve, êtrecompensés par des déficits sans que les banquessoient forcées de demander un prêt pourdécouvert à la Banque du Canada. L’éliminationrécente des réserves obligatoires devrait rendre laréaction des banques sur le marché monétaire àun jour plus rapide et plus prévisible.

1. Les réserves obligatoires ont été éliminées graduellement aucours d’une période de deux ans, consécutive à la promulgation dela Loi sur les banques en juin 1992, et ont été réduites à zéro enjuillet 1994.

Page 73: La transmission de la politique monétair e au Canada

71KEVIN CLINTON ET DONNA HOWARD

DES TAUX DU MARCHÉ MONÉTAIRE

AUX TAUX DES OBLIGATIONS À

CINQ ANS

Les taux de rendement des obligations à courtterme jouent un rôle important dans ladétermination des taux des prêts hypothécaires etdes certificats de placement garanti. Pourdéterminer l’incidence des taux du marchémonétaire sur ces taux de rendement, on a estiméun modèle de taux obligataire à cinq ans, fondésur la «théorie des anticipations»; ce modèle meten relation les taux de rendement des obligationset les taux d’intérêt à court terme futursanticipés. Les estimations laissent croire que,même si les taux d’intérêt à court terme dumarché au Canada influent dans une certainemesure sur les taux des obligations intérieures,l’effet des taux d’intérêt américains finit parl’emporter. Cela concorde avec l’opinion selonlaquelle les variations des conditions monétairesau Canada ne peuvent donner lieu qu’à desfluctuations temporaires des taux d’intérêt réelset que, avec le temps, les taux d’intérêt réels auCanada suivent de près ceux des États-Unis. Ladifférence des résultats observés entre le Canadaet les États-Unis en matière d’inflation durantla période d’estimation n’est pas assezsystématique pour permettre au modèle de saisirles écarts entre les taux d’intérêt nominaux dus àdes tendances inflationnistes divergentes.

Les erreurs de prévision hors de la périoded’estimation de l’équation ne sont ni importantesni biaisées dans un sens ou dans l’autre. Parconséquent, selon ces estimations, la courbe desrendements n’a pas été anormalement accentuéeau cours des dernières années, compte tenu desniveaux des taux à court terme au Canada et de lastructure des taux d’intérêt aux États-Unis. Celavoudrait dire que le succès remporté par lescibles de réduction de l’inflation que la Banque

du Canada et le gouvernement fédéral ontannoncées en 1991 a à peu près compensé lesphénomènes négatifs qui ont en général influésur le marché obligataire canadien depuis 1990,soit notamment l’impasse constitutionnelle, ladétérioration des finances publiques, le déficitimportant de la balance extérieure et la baisse descotes de crédit octroyées par les agencesd’évaluation du crédit. Sous cet angle, ilsemblerait que l’imposition de cibles deréduction de l’inflation a contribué utilement àmodérer les anticipations et à maintenir les taux àlong terme à de bas niveaux.

LE TAUX DE BASE DES PRÊTS

BANCAIRES

Lorsqu’elles établissent le taux de base de leursprêts, les banques surveillent étroitement le coûtqu’elles doivent elles-mêmes assumer pour seprocurer des fonds, ainsi que les taux d’intérêtqui sont pratiqués sur le marché des acceptationsbancaires et du papier commercial. Des résultatsempiriques ont établi que le taux des accepta-tions bancaires à 30 jours et particulièrementcelui du papier commercial à 90 jours ont forte-ment influé sur le niveau du taux de base desprêts bancaires; les écarts entre les deux premierset le second ont eu une nette propension àretourner à la moyenne historique d’environ1 1/4 %. Les modifications du taux d’escompteprovoquent souvent des variations du taux debase des prêts bancaires, mais elles n’ont pasd’effet permanent.

Des tests statistiques montrent que l’équationestimée s’est modifiée entre les années 80 et lapériode 1990-1993, au cours de laquelle un reculmarqué des taux d’intérêt a été observé. Cettemodification peut s’expliquer par les importantes

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72 LA TRANSMISSION DE LA POLITIQUE MONÉTAIRE AU CANADA

erreurs de prévision survenues en 1991-1992,lorsque la marge bénéficiaire des banques étaitexceptionnellement étroite en raison de la rivalitéqui existait entre elles, chacune cherchant à êtrela première à annoncer des réductions de taux.Lorsque les banques avaient des raisons de croireque les taux du marché étaient sur le pointd’atteindre un plancher, elles ont cessé de réduirele taux de base des prêts bancaires en prévisionde réductions futures des taux, permettant ainsiaux écarts par rapport au taux de base deretourner à leurs plages de variation habituelles.

Les taux des dépôts d’épargne

Les taux d’intérêt offerts depuis 1986 sur le soldeélevé de divers comptes de dépôt ont été réviséshebdomadairement, de manière à les aligner surceux des bons du Trésor à 3 mois, ce qui a permisaux institutions de dépôt de faire face à uneconcurrence accrue de la part des bons du Trésoret des fonds mutuels. Parallèlement, des tauxd’intérêt plus bas, environ 1/2 % depuis le milieude 1993, ont été servis sur les soldes peu élevés,qui sont moins sensibles aux variations des tauxd’intérêt.

LES TAUX D’INTÉRÊT

HYPOTHÉCAIRES ET LES TAUX

DES DÉPÔTS À LONG TERME

Le financement des prêts hypothécaires provientprincipalement des certificats de placementgaranti. Afin de réduire leur exposition à desrisques liés aux taux d’intérêt, les institutionsprêteuses ont habituellement apparié aussiétroitement que possible les échéances deséléments d’actif et de passif correspondants. Denos jours, elles recourent aussi, aux mêmes fins,

à des produits dérivés. Les échéances les pluscourantes vont de 1 à 5 ans, mais celle d’un an ala faveur des emprunteurs depuis le début desannées 80.

Dans le secteur financier, il existe deuxcauses de risques liés aux taux d’intérêt contrelesquels il est assez difficile de se prémunir. Lapremière réside dans la pratique qui consiste àétablir le taux hypothécaire au moment del’approbation du prêt, c’est-à-direhabituellementde un à trois mois avant que l’emprunteur nereçoive l’argent, et ce sans qu’il y aitd’obligation pour celui-ci de mener le contrat àterme. La seconde cause tient au fait qu’unebaisse importante des taux d’intérêt incite ledébiteur à rembourser son emprunt avant termeet à réemprunter à des taux d’intérêt plus basdans une institution concurrente, malgré lespénalités prévues en matière de règlementanticipé. Dans les deux cas, les emprunteurs ontdes choix qui peuvent s’avérer coûteux pour lesinstitutions prêteuses si les taux d’intérêtviennent à baisser, étant donné que lesengagements que celles-ci ont pris concernentdes taux d’intérêt fixes. Comme la marged’intermédiation financière prévue doit tenircompte de ce coût, elle augmente lorsque destaux élevés et volatils viennent accroître lesrisques d’une chute importante des tauxd’intérêt.

Ainsi, au début des années 80, lorsque lestaux hypothécaires se situaient aux alentoursde 20 %, l’écart entre le taux hypothécaire à unan et celui des certificats de placement garantidépassait 250 points de base. Il a diminué pours’établir au niveau plus normal de 180 points debase environ pendant le reste de la décennie, puisil s’est élargi de nouveau, se situant à 215 pointsenviron entre juillet 1990 et août 1993. Cedernier élargissement peut être attribué à diversfacteurs, notamment à une augmentation du coûtque les prêteurs doivent éventuellementsupporter du fait du choix de taux d’intérêt, au

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73KEVIN CLINTON ET DONNA HOWARD

moment où ceux-ci manifestaient une tendance àla baisse; à une erreur de mesure, vu que des tauxplus attrayants que ceux affichés étaient offertsaux meilleurs clients; aux pertes encourues sur lefinancement des immeubles commerciaux, quiont causé d’énormes difficultés à certainessociétés de fiducie et, par voie de conséquence,limité la concurrence faite aux banques; et àla demande relativement forte de prêtshypothécaires, qui est due au fait que lesménages délaissaient le crédit à la consommationau profit d’emprunts assortis de périodesd’amortissement plus longues et de taux plusbas.

Cette évolution explique pourquoi, depuis1980, la marge d’intermédiation ne s’est pascomportée de façon stable sur une longuepériode. Les résultats de tests statistiquesindiquent toutefois qu’elle avait tendance àvarier dans une fourchette stable au cours de lapériode plus courte comprise entre 1983 et 1990.Des modèles économétriques expliquent trèsbien le comportement des taux hypothécaires etde ceux des certificats de placement garanti pourcette période. Pour ce qui est des titres de dette,le bon du Trésor à 12 mois et l’obligation dugouvernement canadien à 5 ans semblent avoirété les principaux concurrents des certificats deplacement garanti à 1 an et à 5 ans. Selon lesestimations, la marge d’intermédiation financièreà long terme serait dans les deux cas de180 points de base environ, et les tauxhypothécaires et les taux des certificats deplacement garanti s’ajusteraient de façon àéliminer tout écart inhabituel entre eux au boutd’une à deux semaines. Par contre, lessimulations des chocs de taux du marchéindiquent que l’ajustement total du niveau destaux hypothécaires et des certificats de placementgaranti met de nombreuses semaines à seréaliser.

Le modèle n’explique pas l’élargissement dela marge bénéficiaire en dehors de la périoded’estimation; entre 1991 et 1993, en effet, lestaux des certificats de placement garanti étaientplus bas que prévu, et les taux hypothécaires unpeu plus élevés. Compte tenu des modificationsdes coûts des choix et de l’erreur de mesureexaminées ci-dessus, de tels résultats nesurprennent guère.

CONCLUSIONS

• La Banque du Canada a généralement atteintses objectifs au chapitre des taux d’intérêt àcourt terme, tant dans le nouveau cadre demise en œuvre de la politique monétaire quedans l’ancien. L’élimination complète desréserves obligatoires au milieu de 1994 a aussicontribué à cet objectif, en ce sens que le coûtque doivent supporter les banques pour détenirdes encaisses excédentaires est désormais plusélevé.

• Le taux de base des prêts bancaires ayant réagibien plus rapidement que d’habitude auxbaisses de taux durant la période 1991-1992,son écart par rapport aux coûts du financementdes gros dépôts a atteint des niveauxparticulièrement bas. Toutefois, cela n’auraété qu’un phénomène passager, puisque lesécarts entre ces taux et les taux de base se sontremis à évoluer dans une fourchette plusnormale dès que s’est arrêté le vigoureuxmouvement à la baisse des taux d’intérêt.Cette évolution s’explique par les erreurs deprévision de l’équation de taux de baseestimée, qui montrent des hausses fortes maistemporaires pour les années en question.

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74 LA TRANSMISSION DE LA POLITIQUE MONÉTAIRE AU CANADA

• Les taux des obligations à moyen terme ontaffiché des corrélations empiriques assezstables. Certes, leur écart par rapport aux tauxà court terme a été relativement large pendantplusieurs années, mais l’équation estiméeindique que cette évolution va dans le senshabituel, compte tenu des niveaux des tauxaux États-Unis et des taux à court terme auCanada. Le fait que le programme deréduction de l’inflation ne produise pasd’effets visibles sur la courbe des rendementsdonne à croire que la crédibilité monétaire metdu temps à s’établir; mais il laisse aussisupposer que les incertitudes politiques qu’onconnaît et le niveau élevé de la dette publiqueont annulé l’effet bénéfique que, dans d’autrescirconstances, le succès du programme auraitpu avoir sur le marché des obligations.

• Le modèle d’estimation simultanée des tauxhypothécaires et des taux des certificats deplacement garanti donne d’assez bonsrésultats. Toutefois, l’élargissement de lamarge d’intermédiation affichée au début desannées 90 est dû à plusieurs facteurs qui n’ontpas été intégrés au modèle, notamment lerisque accru auquel doivent faire face lesprêteurs hypothécaires lorsque les tauxd’intérêt fléchissent.

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La formulation et la mise en œuvre de lapolitique monétaire amènent les banquescentrales à s’intéresser à toute une série devariables allant de l’objectif ultime poursuivi àl’outil dont elles disposent, en passant par lescibles opérationnelles, les cibles intermédiaireset les indicateurs ou variables d’information.Dans les pages qui suivent, nous examineronsd’abord d’un point de vue général la manièredont les différents types de variables entrent dansla formulation de la politique monétaire. Nousexposerons ensuite le rôle des différentesvariables dans le cadre de conduite de lapolitique monétaire au Canada. Puis, nous nouspencherons sur l’utilisation que la Banque duCanada fait de l’indice des conditions monétaires(ICM) – qui combine le taux d’intérêt à courtterme et le taux de change – comme cibleopérationnelle (au lieu du seul taux d’intérêt àcourt terme). Nous passerons notammenten revue les raisons pour lesquelles la Banque

attache une importance accrue à l’ICM ainsi queles diverses manières de l’élaborer. Enfin, nousterminerons par certaines mises en gardeconcernant son utilisation.

UN CADRE DE CONDUITE DE LA

POLITIQUE MONÉTAIRE

Dans la conduite de la politique monétaire, lesbanques centrales font généralement appel à unlarge éventail de variables qui jouent des rôlestrès différents. La conception générale de cettepolitique peut être schématisée de la manièresuivante dans la plupart des pays :

Instrument(s) cible cible cibleopérationnelle intermédiaire ultime

indicateurs(ou variables d’information)

À une extrémité de la chaîne se trouve lacible ultime de la politique monétaire (p. ex. un

Texte paru initialement dansFrameworks for Monetary Stability,publié sous la direction de Tomás J. T. Baliño et de Carlo Cottarelli(FMI, Washington, 1994), et reproduit ici avec le consentement deséditeurs

Le recours aux indicateurs et à l’indicedes conditions monétaires au Canada

Charles Freedman

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76 LA TRANSMISSION DE LA POLITIQUE MONÉTAIRE AU CANADA

sentier d’évolution vers la stabilité des prix1,s’exprimant peut-être sous la forme d’unefourchette visée pour le taux d’augmentationd’un indice de prix particulier), tandis qu’àl’autre extrémité se trouvent l’instrument ou lesinstruments de mise en œuvre de cette politique(p. ex. la taille du bilan de la banque centrale, letaux d’escompte et, dans certains pays, lecontrôle exercé sur la croissance de certainspostes du bilan des banques commerciales). Enraison des longs décalages et des relations trèsindirectes qui existent entre l’instrument de lapolitique monétaire et son objectif ultime, laplupart des banques centrales ont jugé utile defaire appel à d’autres variables qui occupent uneposition intermédiaire dans la chaîne. Celles-cipeuvent se répartir en cibles intermédiaires, encibles opérationnelles et en variablesd’information ou indicateurs2.

Une cible intermédiaire est une variableétroitement liée à l’objectif ultime de la politiquemonétaire et sensible aux modifications del’instrument utilisé par les autorités. Parmi lescibles intermédiaires possibles, mentionnons lesagrégats monétaires et les agrégats du crédit, letaux de change et le taux de croissance duproduit intérieur brut (PIB) nominal. Leprincipal avantage qu’on s’accorde à reconnaîtreà une cible intermédiaire est qu’elle permet à labanque centrale de modifier plus rapidement etde façon plus précise le réglage de soninstrument en réaction à un choc imprimé au

1. Dans le fond, la stabilité des prix n’est pas l’objectif ultime,mais bien le moyen utilisé pour atteindre une fin, à savoir uneéconomie qui fonctionne bien, caractérisée par de hauts niveauxd’emploi et une élévation du niveau de vie. Pour un exposésuccinct des avantages de la stabilité des prix, des coûts del’inflation et de la manière dont la stabilité des prix améliore lefonctionnement de l’économie, voir leRapport annuel de la Banquedu Canada pour l’année 1990, pp. 13-15. Cependant, par souci desimplicité, la stabilité des prix sera considérée ici comme l’objectifultime de la politique monétaire.2. Freedman (1990), Friedman (1990) et Crockett (1994)décrivent ces notions de façon détaillée.

système que si elle tenait compte uniquement desvaleurs actuelles de la cible ultime3. Ainsi, parexemple, étant donné qu’un choc de demandeglobale entraîne normalement une modificationde la demande d’un agrégat monétaire avant dese répercuter sur le taux d’inflation, le choix d’unagrégat monétaire comme cible permet à labanque centrale de réagir plus vite que si elledevait attendre la réaction de la variable prisepour cible ultime. Bien entendu, comme nous leverrons plus en détail par la suite, si la banquecentrale réagit non pas aux variations effectivesde la cible ultime, mais à ses variations projetées(à partir notamment de l’évolution de diversindicateurs ou variables d’information), lerecours à une cible intermédiaire peut ne pasaccélérer la réaction des autorités. Parconséquent, la question de savoir si l’utilisationd’une cible intermédiaire améliore ou non lefonctionnement de la politique monétaire est denature empirique.

Si les banques centrales se sont détournées,ces dernières années, des agrégats monétaires àtitre de cibles intermédiaires, c’est surtout parceque le lien entre ces agrégats et la variableservant de cible ultime s’est affaibli par suite demodifications de la structure financière. En finde compte, l’utilité d’une variable à titre de cibleintermédiaire est une question de jugement etdépend essentiellement de l’étroitesse et de lastabilité du lien empirique entre la cibleintermédiaire et la cible ultime. Bien entendu,pour être utile, une cible intermédiaire doitégalement réagir aux modifications del’instrument que la banque centrale utilise.

Il est commode de représenter comme assezdirecte l’action que la banque centrale exerce sur

3. Cela peut s’expliquer de deux façons : soit que la variableservant de cible intermédiaire se situe en amont de la cible ultimedans la chaîne de transmission, soit que les deux variables soientcontemporaines mais que les données concernant la variableintermédiaire soient publiées les premières.

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77CHARLES FREEDMAN

la cible opérationnelle lorsqu’elle modifie leréglage de son instrument. Dans la plupart despays, la cible opérationnelle est un taux d’intérêtà court terme. Cependant, comme nous le feronsvaloir plus loin, dans un pays ayant opté pour untaux de change flottant, il vaut mieux choisir unindice des conditions monétaires que le tauxd’intérêt à court terme comme cibleopérationnelle4.

Deux grandes caractéristiques distinguent lacible opérationnelle de la cible intermédiaire. Lapremière est la rapidité et le caractère plus oumoins direct des effets produits par unemodification de l’instrument sur la variable prisepour cible; par exemple, l’effet sur les tauxd’intérêt à court terme se manifeste presqueimmédiatement, tandis que l’influence exercéesur les agrégats monétaires s’étend généralementsur une période beaucoup plus longue. Ladeuxième distinction découle de la nature descibles. La cible intermédiaire est habituellementune variable nominale qui peut servir de pointd’ancrage nominal au système, tandis que lacible opérationnelle (par exemple le tauxd’intérêt à court terme) ne peut généralement pasjouer ce rôle.

Les autorités monétaires doivent disposerd’un instrument de mise en œuvre de leurpolitique et d’une cible ultime, mais elles n’ontpas forcément besoin d’une cible intermédiaireni d’une cible opérationnelle5. Nombre de pays

4. Il convient de signaler que la cible opérationnelle est souventtraitée comme l’instrument de la politique monétaire dans lestravaux universitaires, par exemple dans l’article de Poole (1970).Bien qu’en général cette variable soit très étroitement liée àl’instrument (c.-à-d. qu’elle est très sensible aux modifications dece dernier), elle ne constitue pas véritablement l’instrument de lapolitique monétaire dans la mesure où la banque centrale ne lacontrôle pas directement.5. On trouvera dans McCallum (1988) un modèle dans lequell’instrument (la base monétaire) est directement lié à la cible ultimede la politique monétaire (le produit national brut nominal dans saconfiguration).

ont conduit leur politique monétaire sans cibleintermédiaire au cours des dernières années, etcertains se sont même passés de cibleopérationnelle (p. ex. les États-Unis de 1979à 1982).

Un indicateur ou une variable d’informationfournit de l’information avancée oucontemporaine sur les variations éventuelles dela cible ultime (ou d’une variable rattachée àcelle-ci), mais n’est normalement pas considérécomme un élément dont l’évolution doit êtrecontrôlée. Ainsi, certains écarts de taux d’intérêt(comme l’écart entre les taux courts et longs)semblent véhiculer de l’information sur lesvariations futures de la croissance de laproduction réelle, qui sont un indicateur avancéde l’inflation. Ces écarts n’ont cependant pas étéutilisés comme cibles de la politique monétaire.

Les liens existant entre les indicateurs et lacible ultime peuvent reposer sur des modèlesstructurels ou astructurels. Le premier type demodèle est préférable dans la mesure où lesautorités monétaires sont plus à l’aise avec desrelations qui s’appuient sur un fondementthéorique et qui risquent moins de changer en casde modification du régime de politique monétairesuivi. Les dernières années ont néanmoins vuaugmenter la vogue des modèles astructurels,tels que les modèles à forme réduite, les modèlesindicateurs et les modèles vectorielsautorégressifs6.

6. Il se peut que l’utilité de ces modèles diminue ou mêmes’évanouisse en cas de changement de régime. Cela pourrait seproduire si, en réagissant aux chocs, les autorités monétairesessayaient d’exploiter l’information contenue dans ces équations,elles-mêmes fondées sur une fonction de réaction de la politiquemonétaire qui a été abandonnée.

Page 80: La transmission de la politique monétair e au Canada

78 LA TRANSMISSION DE LA POLITIQUE MONÉTAIRE AU CANADA

LE CADRE DE CONDUITE DE LA

POLITIQUE MONÉTAIRE AU CANADA

L’objectif ultime de la politique monétaire auCanada est de réaliser et de maintenir la stabilitédes prix. Pour traduire cet objectif en termesplus concrets, le gouvernement canadien et laBanque du Canada ont annoncé conjointement,en février 1991, l’établissement de cibles deréduction de l’inflation, qui visaient à ramenercette dernière dans une fourchette de 2 à 4 % à lafin de 1992 et de 1 à 3 % à la fin de 1995. Endécembre 1993, le gouvernement et la Banqueont annoncé le maintien de la fourchette viséede 1 à 3 % jusqu’à la fin de 1998. À la lumièredes taux d’inflation enregistrés au cours de lapériode, une décision sera prise d’ici 1998 ausujet de la fourchette de variation de l’indice desprix qui sera compatible avec la stabilité desprix7.

De 1975 à 1982, la Banque du Canada aemployé l’agrégat monétaire au sens étroit, M1,comme cible intermédiaire. Sous l’effet,principalement, des innovations introduites parles institutions financières, la demande de M1 estdevenue beaucoup moins stable au début desannées 80, de sorte que cet agrégat a cessé deservir de cible en novembre 1982. Depuis cettedate, la Banque du Canada mène sa politiquesans cible intermédiaire.

Pendant nombre d’années, le taux d’intérêt àcourt terme a constitué la cible opérationnelledes autorités monétaires. Plus récemment,l’indice des conditions monétaires (ICM), quicombine le taux d’intérêt à court terme et le tauxde change, est devenu la cible opérationnelle dela banque centrale. Nous examinerons dans ledétail, à la section suivante, les raisons qui ont

7. Pour une analyse plus approfondie des résultats obtenus àl’aide des cibles de réduction de l’inflation, voir Freedman (1994).

motivé le choix de l’ICM ainsi que la manièredont cet indice est élaboré et émettrons quelquesmises en garde concernant son utilisation.

Les variations du volume des encaisses derèglement que la Banque du Canada met à ladisposition des institutions financières quiparticipent directement à la compensation (les«adhérents» de l’Association canadienne despaiements) sont le principal instrument qu’elleutilise pour influer sur les conditionsmonétaires8. De temps à autre, la Banquerecourt également aux prises en pensionspéciales et aux cessions en pension pour agir surle taux à un jour, de même qu’à des achats ou àdes ventes de bons du Trésor sur le marché pourinfluer sur les taux d’intérêt à trois mois9.

Pour comprendre le rôle des indicateurs dansla politique monétaire canadienne, il convientd’examiner d’un peu plus près la manière dontcelle-ci est menée. Le principal point à signalerest que les mesures prises par la Banque duCanada visent à amener le taux d’inflation à sesituer dans la fourchette cible dans un délai desix à huit trimestres. Le caractère prospectif dela politique monétaire s’explique, bien entendu,par l’existence des décalages importants (etvariables) qui séparent les interventions desautorités monétaires (c.-à-d. les modifications duréglage de l’instrument) de leurs effets sur letaux d’inflation10.

8. Plus précisément, les modifications de l’offre d’encaisses derèglement influent initialement sur le taux d’intérêt à un jour. Lesvariations de ce taux se répercutent à leur tour sur les tauxd’intérêt à court terme et le taux de change, modifiant ainsi lesconditions monétaires.9. Il n’est pas nécessaire, aux fins du présent exposé, de fournirplus de détails sur les liens unissant les instruments de la Banquedu Canada à la cible opérationnelle. Pour en savoir plus long surcet aspect de la mise en œuvre de la politique monétaire, voir lesarticles de Clinton et de Montador reproduits dans la présentepublication.10. La Banque du Canada a adopté un cadre dans lequel lapolitique monétaire agit par l’entremise d’un mécanisme detransmission de type traditionnel. Pour plus de détails, voirl’article de Duguay dans la présente publication.

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79CHARLES FREEDMAN

Même dans les modèles théoriques simples,il est habituellement impossible d’obtenir lastabilité des prix ou un taux d’inflation donné àchaque trimestre, ou, si l’on y parvient,l’instrument de la politique monétaire devientinstable. C’est la difficulté d’atteindre un tauxd’inflation précis à court terme qui explique ladécision de fixer la première balise duprogramme de réduction de l’inflation à la finde 1992, soit 22 mois après son annonce. Deplus, dans une note d’information publiée aumoment où les cibles ont été annoncées, il étaitexpressément indiqué que l’on ne pouvaits’attendre à ce que les mesures de politiquemonétaire neutralisent immédiatement les effetsproduits sur l’inflation par des mouvementsinattendus de la demande ou de l’offre de bienset de services. Les mesures de politiquemonétaire mettraient plutôt en branle unprocessus d’ajustement qui, avec le temps,ramènerait le taux de l’inflation tendancielle surla trajectoire visée.

Étant donné le caractère prospectif de lapolitique monétaire, les projections et lesindicateurs ont de toute évidence un rôleimportant à jouer. De fait, le personnel de laBanque du Canada prépare un ensemble deprojections, de réévaluations et de mises à jourtout au long de l’année pour un horizon qui va dedeux trimestres à sept ans11. Les projectionssont élaborées à partir d’un modèle formelauquel sont également incorporés les avis desspécialistes sectoriels. L’apport de ces derniersest décisif dans les prévisions à court terme, lemodèle lui-même jouant un plus grand rôle dansles prévisions à moyen et long terme ainsi quedans la simulation de scénarios de rechange.

Tous les facteurs qui agissent sur la demandeet l’offre globales influent, de manière directe ou

11. On trouvera dans l’article de Duguay et Poloz (reproduit dansle présent volume) une analyse détaillée du rôle que jouent lesprojections économiques dans le processus de décision.

indirecte, sur la projection du taux d’inflation.Les éléments qui entrent directement dans leprocessus de détermination des prix sont l’écartde production actuel et projeté, le taux d’inflationanticipé (qui dépend en partie de l’inflationpassée et en partie d’indicateurs prospectifs), lesimpôts indirects et le taux de change. Il reste àvoir si les deux derniers éléments, ainsi qued’autres chocs s’exerçant sur l’offre (parexemple les variations des prix de l’énergie),influencent le niveau des prix ou le tauxd’inflation. Si ces chocs se répercutentuniquement sur le niveau des prix et non sur leprocessus d’inflation, ils n’exercent qu’uneincidence passagère sur le taux d’inflation et, parconséquent, ne comptent pas autant, au delà ducourt terme, que des facteurs plus fondamentauxcomme la marge cumulative de ressourcesinutilisées dans l’économie12.

Aux facteurs qui entrent directement dans laprojection des taux futurs d’inflation à l’aide dumodèle s’ajoutent un certain nombre d’autresvariables, dont l’évolution est suivie de près enraison de leur valeur informative. Par exemple,certaines mesures salariales peuvent aider àanalyser l’intensité des tensions inflationnistesdans l’économie. Les données relatives auxaugmentations de salaires négociées sont trèsprécieuses à cet égard, car elles sont de natureessentiellement prospectives (encore que lesaugmentations puissent également comporter unélément rétrospectif de rattrapage).

La Banque du Canada fait aussi largementappel aux agrégats financiers pour analyserl’évolution actuelle et anticipée de l’économie.Elle étudie généralement leur comportementsous deux angles différents. Premièrement, elle

12. Une autre question irrésolue concerne la linéarité ou non-linéarité de la réaction de l’inflation aux chocs de demande. Voirdans Laxton, Rose et Tetlow (1993) un exposé de la thèse selonlaquelle l’inflation réagit plus fortement et plus rapidement à unexcédent de la demande qu’à un excédent de l’offre.

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80 LA TRANSMISSION DE LA POLITIQUE MONÉTAIRE AU CANADA

cherche à établir s’ils augmentent plusrapidement (plus lentement) que ne le laisseprésager leur fonction de demande. Celapourrait signaler soit une croissance plus rapide(plus lente) de la dépense nominale qu’on ne s’yattend, soit une modification de la relation quiexiste entre les agrégats financiers et leursdéterminants. C’est aux spécialistes du secteurfinancier qu’il appartient en gros de déterminerlaquelle des deux hypothèses est la plusprobable. Deuxièmement, la Banque utilise desmodèles astructurels – et ce, davantage depuisquelques années – qui rattachent les agrégatsfinanciers à d’autres variables situées en avaldans le processus de transmission de la politiquemonétaire. Ainsi, M1 réel s’est révélé un bonindicateur de la croissance de la production un oudeux trimestres à l’avance. De même, lesagrégats monétaires au sens large (comme M2 etM2+) sont de bons indicateurs avancés del’inflation à court terme13. En outre, desrecherches récentes indiquent que M2+ et desagrégats monétaires encore plus larges peuventservir à la prévision du taux d’inflation de quatreà huit trimestres à l’avance. Ce pouvoir deprévision, s’il est confirmé par d’autres travaux,rendrait ces agrégats extrêmement utiles, étantdonné que les mesures de politique monétairecherchent à influencer le taux d’inflation quis’établira quatre à huit trimestres plus tard14.

Tout en présentant un intérêt intrinsèque, cesindicateurs avancés fournissent des projectionsde rechange à court terme dont peuvent tenircompte les spécialistes sectoriels au moment

13. Muller (1992) résume les recherches effectuées à la Banque duCanada sur l’utilité des agrégats financiers à titre d’indicateursavancés. Nous examinons aussi, depuis peu, l’utilité quepourraient présenter les écarts de taux d’intérêt (en particulierl’écart entre les taux courts et longs) à titre d’indicateurs avancésde la production. Voir Cozier et Tkacz (1994) à ce sujet.14. Les agrégats du crédit se sont généralement avérés moins aptesque les agrégats monétaires à servir d’indicateurs de l’évolutionfuture de la production et de l’inflation. Muller (1992) traite à fondde cette question.

d’établir des prévisions à partir du modèle. Ilspermettent en outre de vérifier par recoupementsles projections du personnel et, ainsi, de décelerrapidement les erreurs entachant celles-ci.

L’UTILISATION DE L’INDICE DES

CONDITIONS MONÉTAIRES À TITRE

DE CIBLE OPÉRATIONNELLE

Le rôle de la cible opérationnelle

Comme nous venons de l’expliquer, les autoritéscanadiennes mettent à contribution toute unesérie de sources susceptibles de les renseignersur l’évolution de la demande et de l’offre dansl’économie et leurs conséquences inflationnistesà court et à moyen terme. Elles prennent aussipour cible le taux d’inflation qui s’établira six àhuit trimestres plus tard.

Pour atteindre cette cible, il peut se révélernécessaire, compte tenu des tensionsinflationnistes anticipées, de modifier le réglagedes instruments de la politique monétaire aucours de cette période. Au lieu d’essayerd’établir un sentier d’évolution pour l’instrumentlui-même (c.-à-d. les variations du bilan de laBanque du Canada), il est beaucoup pluscommode et utile de définir une trajectoireprovisoire pour l’évolution de la cibleopérationnelle au cours de la période visée quiserait compatible avec la réalisation du tauxd’inflation désiré. Cela est surtout dû au fait quele modèle macroéconomique standard rattachel’évolution de la demande globale et del’inflation aux variations des taux d’intérêt et dutaux de change, et non directement auxmodifications de l’instrument de politiquemonétaire. De plus, en raison de la relationcomplexe qui existe, dans le système canadien,

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81CHARLES FREEDMAN

entre l’instrument et la cible opérationnelle, il estvain de tenter d’établir un sentier d’évolutionpour la variable qui sert d’instrument au delà dutrès court terme.

Pour la plupart des banques centrales,comme pour la Banque du Canada jusqu’à il y aquelques années, la cible opérationnelle de lapolitique monétaire est le taux d’intérêt à courtterme. Par conséquent, conformément àl’analyse exposée ci-dessus, le personnel de labanque centrale calculerait un sentier d’évolutionsouhaité pour le taux d’intérêt à court terme(ainsi que pour de nombreuses autres variables,dont le taux de change) qui serait compatibleavec la réalisation de la cible ultime15 si lecomportement des variables prédéterminées serévélait conforme aux projections et si la relationprise pour hypothèse entre la cible opérationnelleet la cible ultime pour établir le sentierd’évolution s’avérait exacte. En pratique, du faitde ces conditions, la trajectoire visée pour le tauxd’intérêt à court terme n’était pas prise au pied dela lettre par la direction de la banque centrale.Cependant, le processus mis en œuvre pour lacalculer fournissait une base utile pour l’examende la politique monétaire et un point de référencepour l’évaluation des conséquences de facteurséconomiques imprévus. Les projectionsoffraient aussi un cadre de réexamen des tauxd’intérêt à la lumière de ces facteurs nouveaux.

Lorsque le système subissait un choc (outout simplement lorsqu’on changeait d’avis ausujet de la situation économique), la banquecentrale prenait des mesures pour modifier lesentier d’évolution de la cible opérationnelle demanière à contrecarrer l’effet du choc sur la cibleultime. L’ampleur de la modification nécessaireétait déterminée par la direction de la banque, quiappuyait sa décision à la fois sur les résultats du

15. Si la banque centrale axait plutôt son action sur une cibleintermédiaire, cette dernière remplaçait la cible ultime dansl’établissement du sentier d’évolution de la cible opérationnelle.

modèle et sur sa propre évaluation de lasituation. Les effets du choc – ainsi que ceux desmesures prises en réaction à celui-ci – sur touteune série de variables étaient suivis de très près,et d’autres changements étaient apportés aubesoin à la cible opérationnelle. Bien entendu, leprocessus était loin d’être machinal. Les chocsn’étaient généralement pas des événementsclairement délimités dont on pouvait calculeravec précision l’incidence sur la demandeglobale et sur les tensions inflationnistes. Il étaitdonc impossible de calculer de manière précisela modification à apporter à la cibleopérationnelle pour neutraliser l’effet du choc16.

Ainsi, par exemple, pendant la deuxièmemoitié des années 80, la Banque du Canada(comme à peu près tous les autres organismes deprévision) a sous-estimé la vigueur de lademande globale dans l’économie canadienne.À mesure qu’on disposait de nouvellesinformations révélant l’existence d’une demandeplus forte qu’on l’avait pensé jusque-là, lapolitique monétaire a été graduellementresserrée. Par conséquent, au lieu d’assister àune augmentation ponctuelle des taux d’intérêtpour contrecarrer l’effet d’un choc déterminé, ona observé une série de hausses des taux d’intérêt(entrecoupées de périodes de répit) qui reflétaientla réinterprétation périodique qui était faite de lavigueur de la demande globale et de l’intensitédes pressions inflationnistes. Un scénarioanalogue s’est produit pendant la phasedescendante du cycle, au début des années 90,l’économie s’avérant plus anémique et plusdésinflationniste que la Banque du Canada ou les

16. Ce manque de précision était évidemment amplifié parl’incertitude entourant les liens exacts qui existaient entre lesvariations de la cible opérationnelle et celles de la demandeglobale et des tensions inflationnistes.

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prévisionnistes du secteur privé ne l’avaientprévu17.

Les raisons motivant l’utilisation d’un indice desconditions monétaires

Comme il a déjà été mentionné, la cible opéra-tionnelle de la Banque du Canada a été pendantlongtemps le taux d’intérêt à court terme. Il y aplusieurs années, cependant, la Banque a com-mencé à privilégier une conception plus large desconditions monétaires à titre de cible opération-nelle, qui tenait compte à la fois du taux d’intérêtà court terme et du taux de change. La prise encompte du taux de change obéissait à deux rai-sons principales. Premièrement, en régime detaux de change flottants, la politique monétaireopère par deux canaux : le taux d’intérêt et letaux de change. Étant donné que les variationsrelatives de ces deux variables dépendent desréactions des marchés aux mesures prises par labanque centrale, elles peuvent différer demanière appréciable selon les circonstances.Deuxièmement, si le taux de change subit deschocs exogènes, les mesures de politique moné-taire devraient généralement chercher à en neu-traliser les effets sur la demande globale.

La meilleure façon d’illustrer commentl’indice des conditions monétaires (ICM) aide àsaisir les effets tant des taux d’intérêt à courtterme que du taux de change dans le processus detransmission de la politique monétaire consiste àse représenter un choc de demande globale, quientraîne une modification de la trajectoire visée

17. Tant durant les phases ascendantes que durant les phasesdescendantes du cycle des taux d’intérêt, la Banque du Canada aaussi agi de manière à atténuer les variations des taux à courtterme. Elle a notamment jugé nécessaire, en période de diminutiondes taux d’intérêt, de prendre des mesures propres à accroître laprobabilité que la baisse des taux d’intérêt à court terme soitdurable et se répercute sur tout l’éventail des taux.

pour la variable servant de cible opérationnelle etoblige la banque centrale à intervenir pouratteindre la nouvelle trajectoire. Supposons parexemple que la banque centrale, face à un chocde demande de nature expansionniste, juge queles conditions monétaires devraient évoluer demanière à moins stimuler l’économie.Normalement, les mesures restrictives prises à lasuite de la décision de resserrer les conditionsmonétaires provoqueraient à la fois une haussedes taux d’intérêt à court terme et uneappréciation de la monnaie nationale. Lesproportions respectives dans lesquelles cesmesures18 se répercuteraient sur les tauxd’intérêt à court terme et sur le taux de changeseraient déterminées par les marchés, en fonctionde facteurs tels que la durée de la période où,selon les marchés, les taux d’intérêt plus élevésse maintiendraient et la sensibilité des variationsdu taux de change attendu aux fluctuationsobservées du taux de change.

Si, par exemple, les taux d’intérêt à courtterme augmentent de 1 point de pourcentage etque l’on s’attend à ce qu’ils se maintiennent à ceniveau durant un trimestre, et si le taux dechange anticipé reste inchangé, le taux de changeobservé s’appréciera de 0,25 %19. En réalité,bien sûr, la durée du maintien de la hausse destaux d’intérêt est extrêmement incertaine. Deplus, le taux de change anticipé a tendance às’ajuster aux variations du taux de change

18. Dans le cas du Canada, la banque centrale réduirait le volumedes encaisses de règlement mises à la disposition des institutionsfinancières participant directement à la compensation, ce qui auraitun effet direct sur le taux d’intérêt à un jour et se répercuteraitensuite sur les taux d’intérêt à court terme et le taux de change.Ce type de mesure équivaut à réduire l’offre de réserves dans unsystème où les institutions financières doivent maintenir desréserves minimales. Au Canada, ces exigences en matière deréserve sont en train d’être progressivement éliminées et aurontcomplètement disparu au milieu de 1994.19. Les acheteurs d’avoirs libellés en monnaie nationalebénéficieraient ainsi d’un taux d’intérêt plus élevé, mais subiraientune perte équivalente au titre de la dépréciation anticipée.

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observé. Par conséquent, la réaction du taux dechange à une modification des taux d’intérêt peutvarier considérablement.

Les mesures de resserrement prises par labanque centrale pourraient donc se traduire parune légère majoration des taux d’intérêt et uneforte appréciation de la monnaie nationale, ouencore par un important relèvement des tauxd’intérêt et une faible hausse du taux de change.Ces deux résultats auraient certes, globalement,des effets similaires sur la demande globale,mais le premier toucherait principalement lesecteur sensible au taux de change (c.-à-d. lesbiens faisant l’objet d’échanges internationaux),tandis que le second toucherait surtout le secteursensible aux taux d’intérêt (investissements enmachines et matériel, bâtiment et achats de biensde consommation durables)20. Si la banquecentrale s’attachait uniquement à suivre lesvariations des taux d’intérêt, elle risquerait deprendre des mesures trop restrictives dans les casoù son action se répercute initialement davantagesur le taux de change que sur les taux d’intérêt,puisqu’elle ne tiendrait alors pas suffisammentcompte des pressions à la baisse exercées parl’appréciation de la monnaie nationale sur lademande globale. En retenant une combinaisondes variations des taux d’intérêt et du taux dechange, la banque centrale peut éviter enprincipe l’erreur qui consisterait à stimuler ou àfreiner exagérément l’économie du fait qu’ellenéglige l’un des deux principaux canaux detransmission de la politique monétaire21.

20. Le temps de réaction de la dépense globale pourrait égalementdifférer.21. Le risque d’erreur n’est bien sûr pas complètement écarté.L’évaluation des effets que les chocs ont sur la demande globaledemeure difficile, tout comme l’évaluation de l’incidence précisequ’exercent sur la demande les variations des taux d’intérêt et dutaux de change. Cependant, on élimine ainsi à tout le moins lerisque d’erreur auquel on s’exposerait en ne tenant pas compte ducanal de transmission de la politique monétaire constitué par letaux de change.

L’indice des conditions monétaires se révèleégalement utile lorsque le taux de change estsoumis à un choc exogène. Dans ce cas, lesentier d’évolution visé pour les conditionsmonétaires reste par hypothèse inchangé, tandisque l’ICM se modifie sous l’effet du choc. Sup-posons par exemple que, pour des raisons poli-tiques, la monnaie du pays considéré ne susciteplus la confiance et qu’elle subit une forte dépré-ciation parce que les investisseurs cherchent à sedébarrasser des actifs libellés dans cette mon-naie. La dépréciation a, en soi, un effet expan-sionniste. Si la banque centrale était auparavantsatisfaite du niveau des conditions monétairesdans l’économie, elle est désormais confrontée àune situation trop expansionniste à son gré, cequi l’oblige à prendre des mesures pour ramenerles conditions monétaires à leur niveau antérieur.Si la banque utilise un indice des conditionsmonétaires, la nécessité de resserrer cesdernières apparaîtra immédiatement, puisquel’indice révélera l’assouplissement découlant dela dépréciation de la monnaie22. En l’absenced’un tel indice, il y aurait plus de risques que labanque centrale ne prenne pas en temps opportunles mesures nécessaires pour compenser l’inci-dence expansionniste de la dépréciation et que,donc, les conditions monétaires s’assouplissenttrop en attendant que le personnel de la banqueprocède à une évaluation plus complète de l’évo-lution du taux de change dans le cadre de la pro-jection économique suivante.

Il ne faut pas en conclure que la banquecentrale ne réagirait jamais, lorsque lescirconstances le commandent, à une variationexogène du taux de change. C’est plutôt qu’enl’absence d’un mécanisme signalant directement

22. Le sens de la réaction des autorités (c.-à-d. un resserrement)sera le même que si la dépréciation se produisait sur un marché deschanges agité et que les autorités veuillent rassurer ce dernier.L’ampleur de la variation des taux d’intérêt et la durée de lapériode de resserrement ne seront cependant généralement pas lesmêmes.

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la nécessité de compenser un relâchement desconditions monétaires lié à la dépréciation, ellemettrait vraisemblablement plus de temps àréagir.

Dans les deux cas décrits précédemment, oùl’ICM permet d’accorder aux variations du tauxde change l’importance qu’elles méritent, c’estdans l’intervalle qui sépare deux projectionsformelles que son utilité est la plus grande. Onpeut en effet supposer que le personnel évalueraconvenablement l’effet d’une variation dechange lors de la projection trimestrielle sui-vante. Dans l’intervalle séparant deux projec-tions, toutefois, l’ICM rappelle constamment auxdécideurs qu’il leur faut tenir compte des varia-tions du taux de change lorsqu’ils envisagent demodifier les taux d’intérêt à court terme23.

L’élaboration de l’ICM

L’ICM est une combinaison du taux d’intérêt àcourt terme et du taux de change, diminués deleur valeur au cours d’une période de base ou deréférence. Il mesure donc le degré d’assouplis-sement ou de resserrement des conditionsmonétaires à partir d’une date fixée de façonarbitraire. Il ne faut par conséquent attacheraucune importance particulière au niveau del’ICM, puisque celui-ci est par définition unevariation par rapport à une date de référence.

On peut concevoir diverses manièresd’élaborer l’ICM. Ainsi, il peut être construit defaçon à mesurer l’effet que les variations du tauxd’intérêt et du taux de change produisent soit surla demande globale, soit sur les prix. Il peutaussi être établi en termes réels ou en termesnominaux. Considérons d’abord un ICM entermes réels qui reflète les effets des variationsdes taux d’intérêt et du taux de change sur lademande globale. Cette version de l’ICM est la

23. L’ICM serait encore plus utile dans les pays où les projectionssont établies à intervalle moins fréquent qu’au Canada.

somme pondérée de la variation (en points depourcentage) du taux d’intérêt réel à court terme(défini, pour les besoins de la présente mesure,comme le taux du papier commercial à trois moisdiminué du taux d’inflation anticipé durant lestrois mois en question)24 par rapport à la périodede base et de la variation en pourcentage du tauxde change réel effectif par rapport à la mêmepériode25. Il convient de signaler l’utilisation,dans le calcul, de la variationen points depourcentage du taux d’intérêt et de la variationen pourcentage du taux de change, en raison dela manière différente dont les deux composantesde l’ICM influent sur la demande globale.

Le poids relatif des composantes de l’ICMrepose sur un certain nombre d’étudesempiriques visant à estimer l’effet, sur unepériode allant de six à huit trimestres, desvariations des taux d’intérêt réels et du taux dechange réel sur la demande globale réelle26.Pour établir ces pondérations, on a eu recours àdes modèles structurels, à des modèles vectorielsautorégressifs (VAR) et à des modèles à formeréduite. Bien que ces modèles donnent desrésultats très différents quant à l’ampleur, entermes absolus, des effets des variations des tauxd’intérêt et du taux de change sur la demande

24. Il existe évidemment bien des façons de mesurer l’inflationanticipée. À l’heure actuelle, la Banque du Canada se sert, dansl’élaboration de l’ICM, d’une mesure établie à l’aide d’un modèle,laquelle comporte une composante rétrospective et une composanteprospective.25. À noter que ce n’est pas le taux de change bilatéral, mais letaux de change effectif ou multilatéral qui entre dans le calcul.C’est ce taux qu’il convient de retenir, puisqu’il reflète lesvariations du dollar canadien par rapport aux monnaies desprincipaux partenaires commerciaux du Canada, ces variationsétant pondérées par l’importance relative de ces pays dans notrecommerce extérieur. (Le dollar américain est affecté d’unepondération d’environ 0,82.)26. L’évolution des taux d’intérêt réels et du taux de change réeln’a pas été, au cours de la période d’estimation, colinéaire à unpoint qui empêchait d’en évaluer séparément les effets sur lademande globale. De fait, le coefficient de corrélation desvariations des moyennes trimestrielles des deux variables a étéde -0,22 sur l’ensemble de la période 1980-1993.

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globale, ils produisent des résultats assezanalogues en ce qui concerne l’ampleur relativede ces effets. En gros, il semble exister unrapport d’environ un à trois entre ces effets.C’est-à-dire qu’une variation d’un point depourcentage (100 points de base) du tauxd’intérêt réel exerce à peu près le même effet surla demande globale réelle au fil du temps qu’unevariation de 3 % du taux de change réeleffectif27.

L’unité de mesure choisie étant la variationdu taux d’intérêt réel, la version de l’ICM quenous venons de décrire se définit ainsi :

ICM = [taux d’intérêt réel - taux d’intérêtréel de la période de base] + (1/3) [(indicedu taux de change réel effectif/indice du tauxde change réel effectif de la période debase) - 1] (100)

L’interprétation la plus simple de l’ICMconsiste donc à y voir la variation en points depourcentage des taux d’intérêt réels qui équivautà la variation combinée des taux d’intérêt réels etdu taux de change réel depuis la période debase28. En outre, comme l’ICM est toujoursmesuré par rapport à une période de base, lasoustraction des valeurs prises par l’ICM en deuxmoments distincts permet de mesurer le degréde resserrement ou d’assouplissement desconditions monétaires dans l’intervalle.

En pratique, la Banque du Canada attachebeaucoup plus d’importance à l’ICM nominalqu’à l’ICM réel dans le court terme29. Cela estdû principalement au fait que le second n’est pasdisponible aussi rapidement que le premier, car ilfaut connaître l’évolution des prix chez lesprincipaux partenaires commerciaux du Canadapour calculer le taux de change réel effectif. De

27. Voir Duguay (1994).28. On peut envisager d’autres formulations, mais il est tentant,sur le plan intuitif, d’interpréter l’ICM comme une variationéquivalente des taux d’intérêt.29. À un horizon plus éloigné, il serait préférable d’utiliser l’ICMréel pour analyser les mesures de politique monétaire.

plus, aux horizons relativement courts surlesquels l’ICM est le plus utile (c.-à-d. entre deuxprojections trimestrielles)30, l’ICM nominal rendpresque autant de services que l’ICM réel,puisque les indices de prix qui entrent dans cedernier évoluent de façon beaucoup plusgraduelle que les taux d’intérêt nominaux et letaux de change nominal. Par conséquent, mêmesi l’ICM réel et l’ICM nominal peuvent divergeravec le temps, ces deux grandeurs ont tendance àévoluer de la même manière à court terme(Figure 1). Le coefficient de corrélation desmoyennes trimestrielles, en niveau, de l’ICMréel et de l’ICM nominal sur l’ensemble de lapériode allant du premier trimestre de 1980 audernier trimestre de 1993 est de 0,74, tandis quele coefficient de corrélation des variations desmoyennes trimestrielles des deux séries, pendantla même période, est de 0,88.

Les deux versions de l’ICM dont il a étéquestion jusqu’ici reflètent l’incidence relative, àmoyen terme, des fluctuations des taux d’intérêtà court terme et du taux de change effectif sur lademande globale réelle. Une autre approcheconsiste à s’intéresser aux effets qu’aural’évolution de ces deux variables sur celle desprix six à huit trimestres plus tard. Comme letaux de change a un effet direct sur les prix, outrel’effet indirect qu’il exerce par le jeu de lademande globale, son importance relative estplus grande lorsqu’on s’attache davantage auxvariations des prix qu’à celles de la demandeglobale. Empiriquement, l’estimation la plusjuste du poids du taux de change par rapport auxtaux d’intérêt dans ce cas est de 1 pour 2, plutôt

30. Le sentier d’évolution visé pour l’ICM est également calculédans le cadre des projections à moyen terme. C’est ce sentier quisert de base pour évaluer l’évolution des conditions monétairesentre deux projections. Naturellement, comme nous l’avons déjàindiqué, la probabilité de commettre une erreur si l’on fait fi deseffets des variations du taux de change sur la demande globale estplus faible lors de l’établissement d’une projection que pendantl’intervalle séparant deux projections.

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que de 1 pour 3 comme dans le cas précédent.C’est-à-dire qu’une variation de 2 % du taux dechange réel effectif a la même incidence sur lesprix qu’une variation d’un point de pourcentagedes taux d’intérêt réels. Là encore, l’ICM peutêtre exprimé sous forme de variations, parrapport à la période de base, des taux d’intérêt etdu taux de change mesurés en termes réels ou entermes nominaux

.

Dans quel cas choisirait-on l’ICM fondé surla mesure des effets relatifs sur la demandeglobale et dans quel autre l’ICM fondé sur celledes effets relatifs sur les prix? Au Canada, nousavons tendance à nous intéresser davantage aupremier parce que c’est l’écart de production, demême que l’inflation anticipée, qui est laprincipale source des augmentations et desdiminutions des tensions inflationnistes et que cesont les variations de la demande globale quidéterminent au premier chef l’évolution del’écart de production. Bien entendu, commenous venons de l’indiquer, les variations du tauxde change se répercutent aussi de façon directesur le niveau des prix, mais il est peu probableque ces effets dégénèrent en une spirale dessalaires et des prix à moins qu’ils ne semanifestent à un moment où les anticipations

Figure 1 Indice des conditions monétaires

Janvier 1987 = 0

-5

0

5

10

15

20

1980 1982 1984 1986 1988 1990 1992 1994

ICM nominal

ICM réel

d’inflation sont déjà fortes. Nous faisons doncune distinction entre les facteurs qui ont un effetponctuel sur les prix et ceux qui influent sur leprocessus d’inflation.

Cela dit, il convient de ne pas accorder uneimportance exagérée à cette distinction. Il y ades circonstances où les marchés ont du mal àdémêler l’effet ponctuel sur le niveau des prix dutaux d’inflation proprement dit. Il reste que, auxfins d’analyse, nous utilisons l’ICM fondé sur lademande globale et, au besoin, tenons compte del’incidence directe des variations du taux dechange sur les prix.

Quelques mises en garde au sujet del’utilisation de l’ICM

Comme tous les outils d’aide à la décision,l’ICM doit être utilisé avec précaution et ne pasêtre manié de façon machinale. Il existe en outreun certain nombre de raisons précises pourlesquelles la prudence est de mise dans l’emploide l’ICM.

1) Bien que, sur le plan conceptuel, l’ICMreprésente une cible opérationnelle supérieureaux taux d’intérêt à court terme pour les autoritésmonétaires, il demeure une cible opérationnelleet ne doit absolument pas être considéré commeun indicateur fondamental de l’orientation de lapolitique monétaire. D’une part, ni le tauxd’intérêt ni l’ICM ne peuvent servir de pointd’ancrage nominal au système. D’autre part,c’est au rythme d’expansion monétaire et àl’influence qu’il exerce sur l’inflation que lesautorités s’intéressent en définitive.

2) À très court terme, il ne faut pas céder à latentation d’utiliser l’ICM de façon tropmachinale – c’est-à-dire que la banque centralene doit pas s’efforcer, au jour le jour, de ramenerl’ICM à un niveau précis au moindre sursaut dutaux de change. En premier lieu, il ne faut pasconsidérer la cible opérationnelle choisie pour

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l’ICM comme une mesure très précise, comptetenu de l’incertitude qui entoure l’évaluation dela situation économique et les liens entre lesvariations de l’ICM et l’évolution de la demandeglobale ou de l’inflation. En second lieu, le tauxde change peut être très volatil d’une journée àl’autre, auquel cas il ne serait pas indiquéd’essayer de compenser l’effet des moindresvariations du taux de change sur l’ICM enmodifiant les taux d’intérêt à court terme. C’estuniquement lorsqu’une nouvelle fourchette devariation de la valeur de la monnaie nationales’impose sur le marché et que le taux de changesemble devoir y demeurer un certain temps quede telles mesures compensatoires seraient prises.

3) Il peut arriver que la banque centrale nepuisse, dans le très court terme, s’efforcerd’atteindre le niveau souhaité de l’ICM parcequ’il lui faut chercher à stabiliser les marchés.Supposons par exemple que la confiance placéedans le dollar canadien chute de façon marquéeet que notre monnaie commence à se déprécierd’une manière propre à susciter desextrapolations et un effet de boule de neige.Pour aider à stabiliser les attentes sur lesmarchés, la banque centrale pourrait bien avoir àfavoriser (ou à cautionner) une majoration destaux d’intérêt à court terme beaucoup plus forteque la hausse nécessaire pour faire contrepoidsaux effets de la dépréciation du taux de changesur l’ICM. Avec le temps, bien entendu, lorsqueles anticipations d’un nouveau fléchissement dela monnaie se seraient dissipées, les taux à courtterme pourraient redescendre à des niveaux pluscompatibles avec l’ICM souhaité.

4) Deux exemples ont été citésprécédemment pour justifier l’utilisation del’ICM comme cible opérationnelle dans laconduite de la politique monétaire. Dans lepremier, un choc expansionniste de la demandeentraînait un resserrement des conditions

monétaires souhaitées mais laissait les conditionseffectives inchangées, ce qui obligeait la banquecentrale à prendre des mesures restrictives. Dansle second, le choc (un changement d’attitude desmarchés à l’égard de la monnaie nationale) setraduisait par un assouplissement des conditionsmonétaires effectives, alors que les conditionsmonétaires souhaitées ne variaient pas. Labanque centrale se trouvait là encore obligée deprendre des mesures restrictives. Il arriveégalement qu’un choc amène les conditionsmonétaires effectives et souhaitées à varier dansle même sens. La banque centrale n’aurait alorspas à intervenir ou si peu.

On peut citer deux exemples particulière-ment intéressants à cet égard. Lorsque les prixmondiaux des matières premières augmentent,leur hausse constitue un choc expansionnistepour l’économie canadienne et s’accompagnegénéralement d’une appréciation du dollar cana-dien. Cette amélioration des termes de l’échangea habituellement des effets directs sur l’emploi etles bénéfices dans le secteur des ressourcesnaturelles. Elle produit aussi des effets indirectsnon négligeables sur l’économie, la hausse desprix des matières premières se répercutant sur lesfournisseurs de ce secteur et favorisant, de façonplus générale, une hausse des salaires réels et uneamélioration globale de la conjonctureéconomique. En pareil cas, il est bon que le tauxde change réel augmente (à la fois parce que letaux de change réel d’équilibre s’apprécie paral-lèlement à l’amélioration des termes del’échange et parce que cette appréciation con-tribue à étouffer les tensions inflationnistesprovoquées par la hausse des prix). Par con-séquent, l’augmentation observée de l’ICM (liéeà l’appréciation du dollar canadien) s’accompa-gnerait d’un relèvement du sentier d’évolutionsouhaité ou visé pour l’ICM. Bien entendu, lahausse du niveau désiré de l’ICM consécutive à

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l’amélioration des termes de l’échange pourraitbien ne pas être parfaitement identique à celle del’ICM observé que produirait le marché. Unnouvel ajustement de l’ICM observé pourraitdonc se révéler nécessaire. La principale leçon àretenir est toutefois claire : la hausse de l’ICMobservé dans une situation de ce genre a pourcorollaire une augmentation de l’ICM souhaitéou visé, de sorte que la banque centrale n’est pasforcément tenue d’intervenir. On observerait lescénario inverse en cas de baisse des prix àl’exportation31.

L’ICM visé augmente aussi avec l’ICMobservé lorsque le marché réagit directement àde nouvelles informations concernant la vigueurou la faiblesse de la demande globale32.Supposons par exemple qu’un communiquéannonce que l’économie croît plus rapidementqu’on l’avait prévu. Ces dernières années, lesannonces de ce genre ont eu tendance à entraînerdes pressions à la hausse sur le taux de change,en partie à cause des risques accrus derelèvement des taux d’intérêt. Cependant, étantdonné qu’une croissance plus rapide a tendance àfaire monter l’ICM souhaité, il n’est pasforcément nécessaire, dans ce cas non plus, deréagir à l’augmentation de l’ICM. Il demeureque, comme dans le cas précédent, la variation del’ICM observé sous l’effet des forces du marchépourrait ne pas être parfaitement identique à lahausse de l’ICM souhaité, d’où la nécessité d’uncertain ajustement.

31. Les effets des termes de l’échange sur l’orientation de lapolitique monétaire dans une économie où l’on vise certains tauxd’inflation sont étudiés de manière approfondie dans un article deArcher (1993). On trouvera une analyse empirique de l’incidencedes variations des termes de l’échange sur le taux de change dansAmano et van Norden (1993).32. On peut opposer cette situation au premier exemple traitéprécédemment, dans lequel le choc expansionniste ne s’accompagnepas de pressions sur le taux de change.

CONCLUSION

L’ICM s’est révélé un outil très utile, tant sur leplan conceptuel que dans la pratique, dans laconduite de la politique monétaire. Sa vertuessentielle est d’assurer la prise en considérationdes variations du taux de change dans lesdécisions des autorités monétaires. Il convientcependant de ne pas en exagérer l’importance.L’économie subit bien d’autres chocs que lesvariations du taux de change, dont il faut aussitenir compte dans l’élaboration de la politiquemonétaire33. Enfin, l’ICM doit être manié avecprécaution comme le rappellent les précédentesmises en garde. Il reste que, bien utilisé, l’ICMpeut aider les décideurs publics à mieux menerleur barque dans un monde caractérisé par degrandes incertitudes.

33. Par exemple, l’ICM ne tient pas explicitement compte, dans saforme actuelle, de l’évolution des taux d’intérêt à long terme.Lorsque ces derniers se comportent de manière atypique, l’ICMsouhaité devrait donc être modifié en conséquence.

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Au cours des dernières années, la Banque duCanada a utilisé le concept de conditionsmonétaires (une combinaison des variationsqu’enregistrent les taux d’intérêt et le taux dechange) comme cible opérationnelle dans laconduite de la politique monétaire sensiblementde la même manière qu’elle avait utiliséauparavant les taux d’intérêt à court terme.L’accent mis sur ce concept tient surtout au faitque, en régime de taux de change flottants, lesmesures de politique monétaire opèrent par le jeudes taux d’intérêt et du taux de change. De fait,la réaction du marché à une mesure donnée de labanque centrale peut provoquer des variationsfort différentes des deux variables selon lescirconstances. La banque centrale privilégieaussi le concept de conditions monétaires parceque le taux de change est sujet à des chocsexogènes (par exemple un choc de confiance),auquel cas l’indice des conditions monétaires(ICM) montre clairement qu’il y a lieu deneutraliser l’incidence de tels chocs sur lademande globale1.

Techniquement, l’indice des conditionsmonétaires est une combinaison des variationsqu’enregistrent le taux d’intérêt à court terme(généralement le taux du papier commercial à90 jours) et le taux de change pondéré enfonction des échanges commerciaux avec lesautres pays du G-10, par rapport à une période debase choisie de façon arbitraire. Commel’utilisation de l’indice vise à obtenir uneestimation de l’effet des variations des deuxvariables sur la demande globale en longuepériode, les mesures particulières mises àcontribution dans son calcul sont les variationsen points de pourcentage des taux d’intérêt et lavariation en pourcentage du taux de change, cettedernière recevant une pondération de 1/3. Cettepondération s’inspire de résultats d’étudesempiriques indiquant qu’une variation d’un pointde pourcentage des taux d’intérêt a à peu près lemême effet sur la demande globale au fil dutemps qu’une variation de 3 % du taux dechange. Ainsi, l’indice est calculé comme étantl’équivalent d’une variation en points depourcentage des taux d’intérêt. Et même sil’ICM réel (fondé sur le taux d’intérêt et le tauxde change réels) est la mesure pertinente sur leplan théorique, nous concentrons notre attention

Texte publié initialement à l’automne 1995 dans laRevue de laBanque du Canada

Le rôle des conditions monétaireset de l’indice des conditions monétairesdans la conduite de la politique

Charles Freedman

1. Pour une explication détaillée de l’ICM, voir l’article deFreedman qui précède celui-ci.

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92 LA TRANSMISSION DE LA POLITIQUE MONÉTAIRE AU CANADA

sur l’ICM nominal (fondé sur le taux d’intérêt etle taux de change nominaux) pour les courtespériodes, où le recours à l’ICM est le plus utile.(Voir Graphiques 1 et 2.)

Permettez-moi maintenant de vous exposerle processus par lequel l’ICM s’insère dans leschème de réflexion et d’action de la Banque.L’objectif de la politique monétaire pour les troisprochaines années environ est de maintenir letaux d’inflation dans une fourchette de 1 à 3 %.Les prévisions trimestrielles préparées par lepersonnel de la Banque du Canada tiennentcompte de facteurs comme les fluctuations devariables étrangères et de variables internesexogènes ainsi que de la tendance de l’activitééconomique et établissent pour les conditionsmonétaires une trajectoire qui fera que de six àhuit trimestres plus tard le taux d’inflation sesituera dans la fourchette cible arrêtée par laBanque. Cela suppose que l’économie ne subitpas de chocs supplémentaires et que les relationsque formalise le modèle traduisent assezfidèlement l’évolution de celle-ci. Cette

trajectoire peut être considérée comme celle quiest visée ou souhaitée pour les conditionsmonétaires. Le fait que l’analyse soit axée surl’avenir est bien sûr lié aux délais assez longs quis’écoulent entre le moment où la politiquemonétaire est mise en œuvre et celui où elle agitsur le taux d’inflation2.

Je ne veux pas donner à penser que lesprévisions concernant l’économie et l’inflation sefont de façon machinale. Elles font appel àbeaucoup de jugement, et leur cohérence avec lesvariables qui renferment des renseignementsimportants, comme le taux de croissance desagrégats monétaires, est soigneusement vérifiée.En outre, l’élaboration d’autres scénarios ou de«scénarios de risque» nous permet de juger dansquelle mesure les prévisions relatives à laproduction et à l’inflation et, par conséquent, latrajectoire souhaitée pour l’ICM réagissent auxdiverses autres hypothèses concernant certainesvariables clés. Les prévisions du personnel

2. Voir l’allocution de Gordon Thiessen (placée en tête du présentvolume) pour une analyse détaillée de ces délais.

Graphique 1 Indice des conditions monétaires

Janvier 1987 = 0

-5

0

5

10

15

20

1980 1985 1990 1995

ICM réel

ICM nominal

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93CHARLES FREEDMAN

Graphique 2 L’indice des conditions monétaires et ses composantes

Indice des conditions monétaires (janvier 1987 = 0)

Indice des cours du dollar canadien par rapport au G-10 (1981 = 100)

Taux du papier commercial à 90 jours

4

6

8

1993 1994 1995

78

82

86

90

94

1993 1994 1995

-4

-2

0

1993 1994 1995

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94 LA TRANSMISSION DE LA POLITIQUE MONÉTAIRE AU CANADA

fournissent néanmoins à la Banque un précieuxpoint de départ pour l’organisation de ses idées.

À mesure que de nouveaux renseignements sefont jour, les idées changent de même que latrajectoire souhaitée pour l’ICM. Par exemple,comme nous l’avons signalé dans le premierRapport sur la politique monétaire que la Banque apublié au début de mai, les ajustements à la haussedes perspectives économiques canadiennes en 1994ont mené à une réévaluation périodique de latrajectoire désirée pour les conditions monétaires,ce qui s’est soldé par une trajectoire moinsexpansionniste (c’est-à-dire un resserrement desconditions monétaires). De façon plus générale, lesévolutions ou l’information qui provoquent desattentes d’une économie plus faible et, par voie deconséquence, de pressions inflationnistes moinsvives que prévu, entraîneraient une révision de latrajectoire cible dans le sens d’un assouplissementdes conditions monétaires, alors que des attentesd’un raffermissement de l’économie et d’uneintensification des pressions inflationnistesentraîneraient une révision de la trajectoire cibledans le sens d’un durcissement des conditionsmonétaires.

Il existe trois types de chocs, que j’aimeraisanalyser plus en détail.

Le premier est un choc qui fait varier leniveau désiré des conditions monétaires,mais qui, dans un premier temps, laisseinchangé leur niveau effectif. En pareillescirconstances, la Banque interviendra surles marchés financiers pour inciter lesconditions monétaires à s’orienter vers leniveau désiré. Supposons par exemplequ’il y ait un choc de demande globale etque le marché ne réagisse pas en faisantfluctuer les taux d’intérêt ou le taux dechange. La Banque suscitera alors unajustement des conditions monétaires en

modifiant la fourchette de variation dutaux du financement à un jour.

Le deuxième type de choc influe à la foissur le niveau désiré et le niveau effectifdes conditions monétaires. Par exemple, ilpeut très bien arriver que le marchéreconnaisse la nécessité d’un ajustementdes conditions monétaires en réaction à unchoc de demande globale et qu’il réagisse,avant même que la Banque du Canadan’intervienne, en modifiant les tauxd’intérêt (comme celui du papiercommercial à 90 jours). En pareil cas, laBanque entérinerait l’action du marché enimprimant un mouvement similaire à lafourchette de variation du taux dufinancement à un jour (comme elle l’a faità de nombreuses reprises ces dernierstemps).

Pour citer un autre exemple de situation oùtant le niveau observé que le niveau désirédes conditions monétaires réagissent à unchoc, considérons le cas d’un redressementdes cours des matières premières. Comme ils’agit ici d’un choc de nature expansionniste,un resserrement des conditions monétairess’imposerait. Toutefois, un tel chocs’accompagne généralement d’uneappréciation du taux de change, ce quireprésente un resserrement des conditionsmonétaires observées. Selon l’ampleur dudurcissement provoqué par le marché deschanges et le montant nécessaire pourcompenser le choc expansionniste, laBanque peut ne pas avoir à intervenir en vued’ajuster les taux d’intérêt.

Les cas que j’ai décrits jusqu’iciconcernent des chocs qui agissent sur latrajectoire désirée pour les conditions

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95CHARLES FREEDMAN

monétaires, avec ou sans modification desconditions monétaires effectives. Letroisième type de choc qu’il convientd’analyser est une variation exogène dutaux de change (due par exemple à uneévolution d’ordre politique ou fiscal) quise produit à un moment où la trajectoiredésirée pour les conditions monétaires nechange pas. En pareil cas, la Banquevisera un ajustement des taux d’intérêtsusceptible de neutraliser l’incidence de lavariation du taux de change sur lademande globale. Nous appelons cetajustement un «rééquilibrage».

En raison des inquiétudes suscitées parl’endettement et le déficit des pouvoirspublics, nous avons été aux prises, àplusieurs occasions au cours des deuxdernières années, avec des chocs qui ontfait grimper les primes de risqueincorporées aux taux d’intérêt et baisser lecours du dollar canadien. Si lesmouvements des taux d’intérêt et du tauxde change ont été en quelque sortecontrebalancés par l’évolution de lademande globale, il reste que lechangement survenu dans la compositiondes conditions monétaires a étédéfavorable à l’économie canadienne.Une augmentation des taux d’intérêtamène une diminution des dépensesd’investissement et un accroissement despaiements d’intérêts aux non-résidents.D’autre part, un taux de change très basentraîne un relèvement du niveau des prix,une certaine détérioration des termes del’échange, une baisse du revenu réel etpeut-être le risque de placementsinappropriés dus à une monnaiemomentanément faible. Ainsi, bien que lacomposition des conditions monétaires ne

soit pas déterminée par la Banque, maisrésulte plutôt en grande partie des attenteset des actions du marché, certainescombinaisons conviennent mieux àl’économie que d’autres. Celle qui a étéobservée au cours des quelque douzederniers mois, mettant en jeu un dollarfaible et des taux d’intérêt assez hauts,n’était certainement pas souhaitable.

Comme exemple récent de changementfavorable dans la composition desconditions monétaires, je peux penser àcelui survenu le 8 mai dernier; à cemoment, la fourchette de variation du tauxdu financement à un jour a été abaissée de25 points de base par suite d’uneappréciation du cours du dollar canadien.

Même si, à la Banque, nous nous efforçonsd’amener l’évolution de l’ICM sur la trajectoiresouhaitée au fil du temps, nous ne cherchons pasà maintenir une cible précise pour cet indice faceaux fluctuations quotidiennes à la hausse ou à labaisse du taux de change. En premier lieu, il nefaut pas considérer la cible opérationnelleretenue pour l’ICM comme une mesure de hauteprécision, étant donné les incertitudes entourantà la fois les évaluations de l’économie et les liensentre les variations de l’ICM, d’une part, et cellesde la demande globale ou de l’inflation, d’autrepart. En deuxième lieu, le taux de change peutchanger rapidement d’un jour à l’autre, auquelcas il ne serait pas indiqué de tenter d’annulerchacun de ses effets sur l’ICM en ajustant lestaux d’intérêt à court terme. De telles mesurescompensatoires ne seraient prises que si lemarché était parvenu à une nouvelle fourchettede variation pour le taux de change.

Je me suis jusqu’ici surtout attaché à ce qu’onpourrait appeler l’aspect «stratégique» del’ajustement des conditions monétaires. Le choix

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96 LA TRANSMISSION DE LA POLITIQUE MONÉTAIRE AU CANADA

du moment de l’intervention fait aussi appel à desconsidérations d’ordre «tactique» qui doivent tenircompte de la conjoncture des marchés financiers.Supposons, par exemple, qu’un assouplissementdes conditions monétaires soit de mise, mais quel’on observe beaucoup d’incertitude et de nervositésur le marché des changes. Si les attentesconcernant le taux de change ne sont pas fondéessur des bases solides, elles risquent fortement de seressentir des fluctuations du taux de change effectif.Dans de telles circonstances, la Banque retarderaittoute décision d’assouplir les conditionsmonétaires, car toute mesure de réduction du tauxdu financement à un jour risquerait d’affaiblirconsidérablement le marché des changes et demener à une intensification des anticipationsextrapolatives sur ce marché, suivie, comme on l’avu si souvent au Canada ces dernières années,d’une montée des taux sur les marchés monétaire etobligataire. De fait, à cause des interactions entre lemarché des changes et les marchés financiersintérieurs, une tentative d’assouplissement desconditions monétaires pourrait au contraire sesolder par un durcissement de ces conditions. Lesconsidérations d’ordre tactique interviennent doncdans le choix du moment où les ajustementspeuvent être apportés sans provoquer des réactionsnégatives de la part des marchés. La Banques’efforce aussi de faire clairement connaître auxmarchés (au moyen de discours et duRapport surla politique monétaire) son interprétation del’évolution de la conjoncture afin qu’ilscomprennent dans quelle direction elle essaie de sediriger et pour quelles raisons.

Pour illustrer ce point, je voudrais signalerqu’à certains moments, comme au début de1995, l’accent a porté sur la nécessité destabiliser des marchés financiers agités. LaBanque sait fort bien que si son approche de lamise en œuvre de la politique monétaire subitune perte de crédibilité, cela peut avoir desconséquences fâcheuses sur l’évolution des tauxd’intérêt et du taux de change. Bien que la

trajectoire souhaitée pour l’évolution desconditions monétaires au fil du temps demeure lacible opérationnelle, il convient, lorsque lesmarchés sont nerveux, d’en suspendretemporairement la réalisation, jusqu’à ce quel’incertitude s’atténue et que les marchés sestabilisent.

En guise de conclusion, j’aimerais résumermes propos de la manière suivante. Aprèsexamen de ses projections économiques, lepersonnel de la Banque recommande une cibleou trajectoire désirée pour les conditionsmonétaires qui confinera l’inflation tendancielle,au bout de six à huit trimestres, dans lafourchette visée. Bien que la trajectoire projetéepour les conditions monétaires fasse intervenirdes estimations ponctuelles, tant le personnel quela direction de la Banque la conçoivent commeune fourchette. Si la recommandation dupersonnel intervient comme un élément essentieldes opinions de la Haute Direction au sujet de latrajectoire désirée pour les conditionsmonétaires, celle-ci peut aussi incorporer à saréflexion les effets possibles d’un vaste éventailde facteurs ayant trait aux mouvements desvariables exogènes ou à la vitalité de l’économiecanadienne. De fait, le personnel prépare divers«scénarios de risque» incorporant certains de cesfacteurs. La Haute Direction peut aussi déciderdes risques qu’il convient de prendre ou d’éviter(p. ex., s’il y a lieu d’être particulièrementvigilant au sujet d’une résurgence de l’inflation).Si, au terme du processus d’analyse décrit, onconstate un écart entre les conditions monétaireseffectives et les conditions monétaires désirées,la Banque choisira le meilleur moment poureffectuer des ajustements. L’incertitude et lanervosité des marchés sont au nombre desfacteurs qui influenceront ce choix. Il est évidentque plus l’interprétation de l’évolutionéconomique que font les marchés se rapprochede celle de la Banque, plus il sera faciled’apporter aux conditions monétaires lesajustements souhaités.

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97CHARLES FREEDMAN

Freedman, C. (1994). «Le recours aux indicateurs et àl’indice des conditions monétaires au Canada»,article reproduit dans le présent volume.

Thiessen, G. (1995). «L’incertitude et la transmissionde la politique monétaire au Canada», textereproduit dans le présent volume.

BIBLIOGRAPHIE

Page 100: La transmission de la politique monétair e au Canada
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Étude empirique du mécanismede transmission de la politiquemonétaire au CanadaUne approche globale

Pierre Duguay

INTRODUCTION

Dans le présent article, l’analyse du mécanismede transmission de la politique monétaire seraaxée sur le rôle qu’y jouent les taux d’intérêt et letaux de change plutôt que sur celui des agrégatsde la monnaie et du crédit. Il sera démontré quel’on peut établir par estimation l’existence derelations étroites qui vont, d’une part, des tauxd’intérêt et du taux de change à la dépenseglobale au Canada et, d’autre part, de la dépenseglobale et du taux de change à l’inflation. Cesrelations viennent étayer la thèse selon laquelleun resserrement temporaire des conditionsmonétaires – c’est-à-dire une hausse des tauxd’intérêt réels et du taux de change réelmaintenue pendant une année ou deux – entraîneune baisse transitoire de la production réelle endeçà de son niveau tendanciel de même qu’uneréduction permanente du taux d’inflation, d’oùune baisse permanente des taux d’intérêtnominaux. L’estimation de ces relations estimportante pour la conduite de la politiquemonétaire parce que les interventions de la

banque centrale ont une incidence beaucoup plusdirecte sur les taux d’intérêt à court terme et letaux de change que sur les agrégats monétaires.Cela ne signifie cependant pas que les agrégatsde la monnaie et du crédit ne peuvent servird’indicateurs de la dépense globale dans laconduite de la politique monétaire.

Le plan de l’article est le suivant. Ladeuxième section traite du mécanisme detransmission sous trois aspects différents :l’influence de la banque centrale sur les tauxd’intérêt à court terme et le taux de change,l’effet des taux d’intérêt et du taux de change surla demande et l’offre globales et l’ajustement desprix et des coûts aux variations de la demande etde l’offre. La troisième section permet dequantifier quelques-uns de ces effets : desestimations de l’incidence des taux d’intérêt etdu taux de change sur la dépense globale ainsique l’estimation d’une courbe de Phillips axéesur les prix y sont présentées. La section setermine par un examen des implications quidécoulent de la simulation de ces équationsstructurelles en ce qui concerne les effetsdynamiques de la politique monétaire. Laquatrième et dernière section renferme un brefrésumé ainsi que nos conclusions.

Texte publié initialement en février 1994 dansJournal of MonetaryEconomics et reproduit ici avec le consentement des éditeurs

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100 LA TRANSMISSION DE LA POLITIQUE MONÉTAIRE AU CANADA

VUE D’ENSEMBLE DU MÉCANISME

DE TRANSMISSION

Même si les descriptions du mécanisme detransmission de la politique monétaire sonthabituellement centrées sur l’analyse desrépercussions économiques d’une variation (enniveau ou en taux de croissance) de la massemonétaire, nous croyons plus utile d’axer notredescription sur les moyens d’action dont disposeconcrètement la banque centrale. Ces moyensd’action, qui se rattachent généralement au bilande la banque centrale, permettent d’influer bienplus directement sur les taux d’intérêt à courtterme et le taux de change que sur les agrégatsmonétaires. Aussi étudierons-nous d’abord, danscette section, l’influence des mesures depolitique monétaire sur les taux d’intérêt et letaux de change avant de traiter de l’effet produitsur la demande et l’offre globales ainsi que del’ajustement des prix et des coûts.

Le rythme d’expansion de la monnaie et ducrédit joue indéniablement un rôle importantdans le processus, complétant et même façonnantl’influence des variations de taux d’intérêt sur ladépense globale. Il se peut, par exemple, qu’unehausse des emprunts des ménages soit uncatalyseur nécessaire à la transformation enliquidités des plus-values (réalisées ou non),permettant ainsi à une augmentation de larichesse de se traduire par une hausse de ladépense.

Influence des mesures de politique monétairesur les taux d’intérêt et le taux de change

L’influence que les mesures de politiquemonétaire ont sur les taux d’intérêt et le taux dechange découle du contrôle que la banquecentrale exerce sur l’offre d’encaisses derèglement aux institutions financières. Les

modalités de compensation et de règlementinfluent sur le déroulement précis du processus,mais elles n’en modifient pas la nature(Longworth et Muller, 1991). En faisant varierson offre de liquidités aux institutionsfinancières, la banque centrale peut inciter cesdernières à intensifier ou à réduire la concurrencequ’elles se livrent pour se procurer des dépôts oudes prêts à un jour et, de cette manière, exercerune action relativement directe sur le loyer del’argent à très court terme. Les institutions ayantun excédent de liquidités demanderont des tauxde rendement moins élevés afin de réussir àplacer leurs fonds excédentaires, tandis quecelles qui sont à court de liquidités pousseront lestaux à la hausse.

Les variations du taux à un jour entraînentdes modifications de la composition desportefeuilles qui provoquent une réaction destaux de rendement applicables à un large éventaild’avoirs et d’engagements ainsi qu’une réactiondu taux de change. Ces réactions dépendentsurtout des anticipations relatives à l’évolutionfuture des taux d’intérêt et du taux de change.Ces anticipations sont elles-mêmes fonction de lafaçon dont les marchés perçoivent les objectifsvisés par les autorités monétaires et leurs chancesde les atteindre.

Ce qui distingue le processus dedétermination des taux d’intérêt dans uneéconomie ouverte, c’est le lien qui existe entrel’évolution des taux d’intérêt et celle du taux dechange. Lorsque les actifs libellés en monnaienationale et en devises peuvent facilement êtresubstitués les uns aux autres, les écarts de tauxd’intérêt entre pays doivent avoir pourcontrepartie l’anticipation d’un gain ou d’uneperte de change compensatoire. Aussi le taux dechange réel doit-il varier, en réaction à unemesure de politique monétaire, d’un montantégal à l’intégrale du déplacement du vecteur

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101PIERRE DUGUAY

des taux d’intérêt réels futurs attendus1

(Dornbusch, 1976, et Frankel, 1979).Les variations du taux de change permettent

par conséquent aux taux d’intérêt nominaux etréels, sur tout l’éventail des échéances, de réagiraux mesures de politique monétaire à peu près dela même façon dans une économie ouvertecaractérisée par des rigidités de prix et une fortesubstituabilité des actifs que dans une économiefermée (Murray et Khemani, 1989). L’effet desvariations du taux de change sur les prix peuttoutefois accélérer l’ajustement des prixintérieurs par rapport à ce que l’on observeraitdans une économie fermée, et il est possible queles taux d’intérêt réels pratiqués dans le mondeconstituent un point d’ancrage plus solide pourles taux d’intérêt réels intérieurs à long terme quene pourraient l’être les anticipations de taux dansune économie fermée. Il se peut donc que lacapacité de la politique monétaire d’influer surles taux d’intérêt réels, en particulier pour ce quiest des taux à long terme, soit un peu plus limitéedans une économie ouverte que dans uneéconomie fermée (Boothe et coll., 1985).

Comme il incorpore l’évolution de toute lastructure par terme des taux d’intérêt réels – quin’est pas directement observable –, le taux dechange pourrait en principe être un bonindicateur général du degré d’assouplissement oude resserrement de la politique monétaire. Cerôle d’indicateur est cependant limité du fait quele taux de change subit également l’influence denombreux facteurs autres que la politiquemonétaire. Il se peut en outre que la majorité desprêteurs et des emprunteurs ne soient passuffisamment persuadés de la justesse de leurs

1. Les prêteurs et les emprunteurs ne se préoccupent pasdirectement de l’inflation à l’étranger. Lorsqu’ils investissent ouempruntent en devises, ils mettent en balance les écarts de tauxd’intérêt nominaux et l’évolution attendue du taux de changenominal. Les écarts d’inflation entre pays n’entrent en ligne decompte que dans la mesure où ils influent sur l’évolution attenduedes taux de change.

anticipations pour envisager la possibilité deprendre une position ouverte. C’est pourquoi lestaux de change peuvent être beaucoup plusvolatils que ne le laisse entrevoir l’évolution desécarts internationaux de taux d’intérêt. Lestentatives de vérification empirique de la paritédes taux d’intérêt sans couverture ont d’ailleursdonné des résultats plutôt décevants à cet égard2.

Effet des taux d’intérêt et du taux de changesur la demande et l’offre globales

Les taux d’intérêt et le taux de change jouent unrôle clé dans l’égalisation de la demande et del’offre dans l’économie. Au risque de tropschématiser, on peut sans doute dire que, dansune optique d’équilibre général, le taux d’intérêtréel au niveau mondial doit s’ajuster pouréliminer le déséquilibre entre l’épargne etl’investissement à l’échelle internationale,tandis que les taux de change réels, c’est-à-direles prix relatifs de la production intérieure et dela production étrangère, doivent s’ajuster à longterme de manière à éliminer l’excédent de l’offreou de la demande dans chaque pays enparticulier3. Les taux d’intérêt réels intérieursjouent également un rôle complémentaireimportant, à court et à moyen terme, en raison dela relation qui existe entre les variations du tauxde change réel et les écarts de taux d’intérêt réelsentre pays.

2. Pour avoir un aperçu des résultats obtenus pour le Canada,consulter Longworth, Boothe et Clinton (1983), Boothe (1983) etBoothe et Longworth (1986).3. Le taux de change réel s’ajustera peu importe la manière dontle taux de change nominal est géré. En régime de taux de changefixes, l’ajustement prendra la forme d’une modification des prix etdes salaires.

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102 LA TRANSMISSION DE LA POLITIQUE MONÉTAIRE AU CANADA

Influence des taux d’intérêt sur la demandeglobale

Que l’on soit en économie ouverte ou fermée, lestaux d’intérêt exercent leur influence sur ladépense par les mêmes canaux. Signalonsnotamment l’effet du coût du capital sur lesachats de biens durables, les investissements enlogements, les investissements des entreprises enusines et en matériel et les stocks accumulés,l’effet de la richesse sur les dépenses desménages, l’effet de substitution intertemporellesur la consommation et un effet de trésorerie (liéà l’existence d’une contrainte de financement).

Une hausse des taux d’intérêt réels fait monterle coût du capital et réduit la demande d’actifs réels.Cela déprime la production et les ventes de cesactifs, dont la valeur se trouve également réduite.Les variations de la valeur des actifs réels (lesactions et l’immobilier, par exemple) se produisentau début du processus de transmission, à la foisparce que l’ajustement des prix des actifs se heurteà moins d’obstacles que celui des prix des biens etservices et parce que les prix des actifs sont parnature plus sensibles à l’évolution des taux d’intérêtet aux modifications des anticipations, la détentiond’actifs visant à permettre aux agents économiquesde reporter à plus tard une partie de leurconsommation. En conséquence, ces prixvéhiculent de l’information sur l’évolution future.Cependant, comme le taux de change, ils subissentégalement l’influence de facteurs autres que lapolitique monétaire.

De façon plus générale, la hausse des tauxd’intérêt réels réduit la valeur actualisée des flux derevenus attendus (y compris les revenus du travail)et déprime donc la consommation actuelle.L’ampleur de la réaction de la dépense et de larichesse à une variation des taux d’intérêt réels àcourt terme croît avec la durée prévue de lavariation; autrement dit, elle dépend de toute lastructure par terme des taux d’intérêt réels. Cette

réaction est étalée dans le temps et amplifiée par leseffets induits de multiplication et d’accélération.Comme nous l’avons indiqué précédemment, uneexpansion du crédit serait généralement nécessairepour convertir une augmentation de la richesse enun accroissement de la dépense, et elles’accompagnerait d’une expansion des actifsmonétaires ou financiers4.

La coutume veut que l’on signale que leseffets décrits ci-dessus peuvent être en partiecompensés par l’incidence des variations destaux d’intérêt sur le revenu. Une augmentationdes revenus en intérêts tendrait à stimuler ladépense, alors qu’une baisse de ces revenus lafreinerait. Il peut certes en être ainsi au niveaudes particuliers, mais pas pour l’ensemble del’économie. Une hausse des taux d’intérêt neferait pas progresser le PIB, qui est la sourceultime du revenu national. L’effet positif produitsur le revenu des prêteurs est neutralisé parl’effet négatif sur le revenu des emprunteurs. Ilest donc plus juste de parler d’un effet deredistribution des revenus. De plus, il estgénéralement admis que l’effet de redistributionrenforcerait les effets de richesse et desubstitution, plutôt que de les compenser,justement parce que les emprunteurs tendent àêtre assujettis à une contrainte de financement.

Cette affirmation appelle deux réserves. Lapremière est que, dans une économie ouverte, uneredistribution du revenu entre les résidents et lesnon-résidents peut avoir une incidence nette sur lesrevenus. Cette incidence serait négative pour lespays débiteurs en termes nets et positive pour lespays créditeurs en termes nets. La seconde réserve– qui a suscité beaucoup d’intérêt récemment auCanada comme à l’étranger – concerne la dettepublique. Le gonflement rapide de cette dernière

4. En raison des imperfections des marchés du crédit, les dépensesdes agents soumis à une contrainte de financement peuvent réagirdavantage aux variations des taux d’intérêt nominaux qu’à cellesdes taux réels.

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103PIERRE DUGUAY

et, au Canada, le raccourcissement de son échéancemoyenne ont amplifié l’effet que les variations destaux d’intérêt à court terme exercent sur le revenudisponible par l’entremise du service de la dettepublique5. Un certain nombre de facteurs tendenttoutefois à limiter l’incidence de ces variations surla dépense. Tôt ou tard, l’État doit modifier sesrecettes – c’est-à-dire l’impôt – et ses dépensespour tenir compte de l’évolution du service de sadette. Faute de quoi, l’exigence de solvabilité del’État ne serait pas respectée. Par conséquent,même si l’État laissait augmenter son déficit(corrigé de l’inflation) en réaction à une hausse destaux d’intérêt (réels), l’effet produit sur lesdépenses de consommation serait amorti dans lamesure où les ménages s’attendent à ce quel’aggravation du déficit se traduise ultérieurementpar une majoration des impôts6. Si les agents n’ontpas ce comportement ricardien, le fait que la haussedes taux d’intérêt canalise aussi les revenus vers lescaisses de retraite compenserait dans une mesureappréciable l’augmentation du revenu disponibleattribuable au gonflement du service de la dettepublique. Au Canada, comme les intérêts sur lesprêts hypothécaires et le crédit à la consommationconstituent un revenu imposable pour le prêteurmais qu’ils ne sont pas déductibles du revenu del’emprunteur, un accroissement du service de ladette des ménages est un autre élément quicontrebalance en partie l’alourdissement du service

5. De fait, il n’est pas rare de constater que, dans les gros modèleséconométriques où la relation entre les taux d’intérêt et la dépenseest ténue, une hausse des taux d’intérêt entraîne, en raison de ceteffet, un accroissement des dépenses de consommation.6. Sur le plan empirique, les travaux visant à évaluer la mesuredans laquelle l’hypothèse d’équivalence ricardienne se vérifie ontproduit des résultats peu concluants. Barro (1989) et Bernheim(1989) proposent deux interprétations différentes des résultatsempiriques. On trouvera quelques résultats obtenus dans le cas duCanada dans les articles de Johnson (1986) et de Carroll etSummers (1987). De plus, les tests empiriques portant sur laviabilité de l’orientation de la politique budgétaire à long termen’ont pas toujours été très rassurants. Voir par exemple Smith etZin (1991).

de la dette publique, puisqu’il entraîne uneaugmentation nette des impôts.

Influence des taux d’intérêt sur l’offre globale

Étant donné que la plupart des entreprises sontdes débiteurs nets, une hausse des taux d’intérêtalourdit leurs charges financières. C’est là, auxyeux de plus d’un commentateur, l’effet le plusévident d’un resserrement de la politiquemonétaire. Cependant, dans la mesure où lahausse des taux d’intérêt, si elle se maintient,finit par déprimer davantage la demande quel’offre, l’alourdissement des coûts de productionrevêt une importance secondaire par rapport àl’effet cumulatif exercé sur les prix et les coûtspar le déséquilibre entre l’offre et la demande.En d’autres termes, puisque la politiquemonétaire ne peut maintenir indéfiniment lestaux d’intérêt réels et le taux de change réel à desniveaux arbitrairement supérieurs ou inférieurs àceux que justifie l’équilibre offre-demande, lahausse des taux d’intérêt et son incidence sur leniveau des coûts sont passagères, tandis quel’ajustement cumulatif des prix et des coûts audéséquilibre offre-demande est permanent.

On conçoit aisément que, si le taux derendement net du capital dépasse le taux decroissance de l’économie, la diminution de laproduction potentielle qui résulterait d’uneaugmentation du coût du capital serait supérieureà la baisse, en régime permanent de croissance,des dépenses d’investissement. Cela signifieque, pour qu’il existe un équilibre stable enéconomie fermée, il faut que la hausse des tauxd’intérêt réels réduise les dépenses deconsommation par le jeu des effets de richesse etde substitution d’un montant au moins équivalentà la différence entre ces deux baisses (Masson,1983; Duguay, 1982).

L’effet de substitution intertemporelle laissecroire que les ménages réduiront leur demandede loisirs et accroîtront leur offre de travail en

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104 LA TRANSMISSION DE LA POLITIQUE MONÉTAIRE AU CANADA

réaction à la montée des taux d’intérêt réels,contribuant ainsi à augmenter temporairement laproduction potentielle.

Influence du taux de change sur la demande etl’offre globales

Les variations du taux de change réel influent surl’activité économique principalement en raison del’effet qu’elles exercent sur la compétitivitéinternationale de la production intérieure. Uneappréciation de la monnaie nationale en termesréels entraîne un déplacement de la demande enfaveur des produits étrangers et au détriment de laproduction intérieure. Cependant, l’effet desvariations du taux de change réel ne se limite pas àl’incidence initiale sur les exportations et lesimportations. Le jeu de la concurrence a tendance àmodifier les prix relatifs entre le secteur des biensexportés et celui des biens destinés au marchéintérieur, propageant ainsi l’effet de ces variations àtous les secteurs de l’économie. La concurrence aaussi une incidence sur les décisions d’implantationdes multinationales.

Les variations du taux de change peuventégalement avoir un effet compensatoire sur lerevenu dans la mesure où elles modifient lestermes de l’échange du pays considéré. Il en seraainsi si l’économie peut influencer dans unecertaine mesure le prix de ses exportations maisnon celui de ses importations. Avec le temps,cependant, l’effet de substitution l’emportera.Pour un pays importateur net de biensd’équipement comme le Canada, une hausse dutaux de change réduit également le prix deces biens, stimulant ainsi les dépensesd’investissement. Cet effet stimulant est positif,car il permet d’accroître la capacité deproduction sans exercer de pressions sur lesressources intérieures.

Enfin, les variations du taux de change ontpour effet de modifier la valeur des portefeuilles

nets d’actifs libellés en devises et les revenus quien découlent. Une appréciation du taux dechange réduit la richesse et le revenu d’un paysqui a une position créditrice nette en devises,mais les accroît dans le cas contraire7.

Effet de la politique monétaire sur les prix etles coûts

L’influence que la politique monétaire exerce surles variables réelles découle du caractère graduelde l’ajustement des prix sur les marchés desbiens et des services, qui permet à la demandeglobale de s’écarter temporairement de l’offreglobale de long terme. Cet ajustement gradueldes prix s’explique par la présence de coûtsd’ajustement, lesquels sont plus élevés pour lesentreprises monopolistiques qui attachent del’importance à leur réputation. Les engagementscontractuels contribuent aussi à freinerl’ajustement des prix et des coûts. Les salairess’ajustent encore plus lentement en raison del’existence généralisée de contrats explicites ouimplicites. De plus, ils sont généralement moinssensibles que les prix aux évolutions observéesau niveau de l’entreprise ou de la branched’activité. Cela tend également à ralentir leurajustement.

Une diminution de la demande globale exercedes pressions à la baisse sur les prix et incite lesentreprises à comprimer leurs coûts de production;à l’inverse, une hausse de la demande permet auxproducteurs de relever plus facilement leurs prix devente et d’offrir de meilleurs prix à leursfournisseurs. Les mêmes influences sont à l’œuvresur le marché du travail, où la concurrence entre lesproducteurs a pour effet de faire monter les salaires,tandis que la crainte du chômage a pour résultat de

7. Les effets produits sur le revenuréel s’annuleraient cependantsi la position créditrice nette en devises ne servait qu’à couvrir unesituation d’importateur net.

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105PIERRE DUGUAY

tempérer les exigences salariales. L’évolution dessalaires et celle des prix tendent aussi à se renforcerl’une l’autre. Un ralentissement des haussessalariales contribue à limiter l’augmentation desprix, tandis qu’une progression plus lente des prix(à la consommation) rend les travailleurs plusdisposés à accepter une hausse moindre de leurssalaires nominaux. Le processus est donccumulatif, les anticipations jouant à cet égard unrôle prépondérant. De fait, l’ajustement desanticipations d’inflation exclut la possibilité d’unarbitrage durable entre l’inflation et le chômage.

Les variations du taux de change constituentun autre canal important par lequel la politiquemonétaire peut avoir une action directe sur lesprix, outre l’influence indirecte qui découlede l’évolution de la dépense réelle. Uneappréciation, par exemple, réduira presqueimmédiatement le coût des importations. Elleaura aussi pour effet de faire baisser assezrapidement le prix des exportations et desproduits concurrencés par les importations.Dans le cas du Canada, le prix de certainesexportations, notamment celles de produits debase, est établi en dollars américains, de tellesorte que leur prix en dollars canadiens seramodifié immédiatement par toute variation dutaux de change. Dans d’autres secteurs, parcontre, l’influence du taux de change sur le prixdes exportations et des produits concurrencéspar les importations se fera sentir plusgraduellement. Les répercussions de la baisse ducoût des importations sur les prix de la demandefinale auront également tendance à êtreéchelonnées dans le temps. Le recul des prixdans le secteur des biens exportables incitera lesproducteurs à réduire leurs coûts, y compris lescoûts de main-d’œuvre, tandis que la diminutiondes prix à la consommation aura tendance àmodérer les revendications salariales.

QUANTIFICATION DES EFFETS DE

LA POLITIQUE MONÉTAIRE

Si une approche globale nous apprend peut-être peude chose sur les canaux de transmission de lapolitique monétaire, nous constatons cependantqu’elle produit des estimations beaucoup plusrobustes et plus significatives de l’influencegénérale de cette politique sur la dépense et lesprix que ne le fait une approche désagrégée. Lesgros modèles économétriques se sont en effetrévélés très peu adaptés à la mesure des effets de lapolitique monétaire, sous-évaluant généralementl’influence des taux d’intérêt sur la dépense etl’importance des déséquilibres offre-demande dansle processus d’inflation. Par exemple, jusqu’en1982, il n’était pas rare d’observer dans cesmodèles qu’une réduction permanente des tauxd’intérêt nominaux n’engendrait qu’une faibleaugmentation du taux d’inflation, même au bout dedix ans, ou que les taux d’intérêt nominauxcontinuaient à monter dix ans après une diminutiondu rythme d’expansion de la masse monétaire parceque l’inflation n’était pas encore redescendue auniveau dicté par le nouveau taux d’expansionmonétaire8.

En revanche, un examen rapide des donnéesrévèle l’existence de relations étroites entre lacroissance de la masse monétaire (M1 ou M2),celle de la dépense globale et le taux d’inflation(Figures 1 et 2). Certaines de ces relations ontété exploitées avec succès dans les estimationséconométriques de modèles de forme réduite à laSaint Louis (Andersen et Jordan, 1968; Duguay,1979).

Une analyse statistique formelle del’information véhiculée par les agrégatsmonétaires sur la dépense nominale et les prix auCanada montre que la croissance de M1 réel

8. Voir O’Reilly, Paulin et Smith (1983).

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106 LA TRANSMISSION DE LA POLITIQUE MONÉTAIRE AU CANADA

Figure 1 Croissance de M1 (retardée de deux trimestres) et du PIB nominal

Taux de croissance sur quatre trimestres

PIB nominal M1

Figure 2 Croissance de M2+ et de l’indice implicite des prix du PIB

Taux de croissance sur quatre trimestres

M2+

Indice implicite des prix du PIB

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107PIERRE DUGUAY

constitue le meilleur indicateur avancé del’expansion de la dépense réelle et que les tauxde croissance de M2 et de M2+ sont desindicateurs contemporains de l’expansion de ladépense nominale, de même que de bonsindicateurs avancés de l’inflation9.

Un examen superficiel fait égalementressortir une relation étroite entre les tauxd’intérêt et M1 (Figure 3) et entre les tauxd’intérêt et la dépense réelle (Figure 4). Le faitque le décalage moyen entre les taux d’intérêt etM1 (deux trimestres) soit plus court qu’entre lestaux d’intérêt et la dépense réelle (quatretrimestres) est compatible avec le rôled’indicateur avancé de la dépense réelle joué parM1.

Estimation de l’effet des taux d’intérêt et dutaux de change sur la dépense globale

Le Tableau 1 présente des estimations de l’effetdes variations des taux d’intérêt réels et du tauxde change réel sur la dépense globale. Lesestimations ont été établies à l’aide de l’équationsuivante :

y = a0 + a1 y* + a2 y* -1 + a3 r+ a4 s+ a5 q+ a6 fisc + ,

où y = taux de croissance trimestriel du PIBréel au Canada;

y* = croissance du PIB réel aux États-Unis;

r = moyenne mobile sur huit trimestresdes variations trimestrielles des tauxd’intérêt réels à court terme (taux du papiercommercial à 90 jours diminué du tauxd’augmentation sur quatre trimestres de

9. Voir Hostland, Poloz et Storer (1988) et Muller (1992).

∆ ∆ ∆ ∆∆ ∆ ∆ µ

l’indice implicite des prix du PIB, retardéd’un trimestre)10;

s = moyenne mobile sur douze trimestresdu taux d’accroissement du taux de changeréel Canada-États-Unis (basé sur lesindices des prix du PIB);

q = moyenne mobile sur douze trimestresdu taux d’augmentation de l’indice des prixrelatifs des produits de base11;

fisc = moyenne mobile sur huit trimestresdes modifications de l’orientation de lapolitique budgétaire, définie par le rapportentre l’excédent budgétaire de l’État,corrigé des variations conjoncturelles et del’inflation, et la production potentielle;

= terme aléatoire.

L’équation est exprimée en différencespremières, de sorte que l’influence des chocsd’offre est englobée dans le terme aléatoire12.Les Figures 5 et 6 illustrent l’ajustementstatistique de l’équation pour le taux decroissance et le niveau du volume de production(ce dernier étant calculé à l’aide d’une simulationdynamique commençant au premier trimestrede 1975). Les résultats sont assez satisfaisants,et les coefficients relativement stables dans letemps. L’équation peut être interprétée commeune équation de demande globale, mais il estimpossible d’identifier de façon rigoureuse lesparamètres de la courbe de demande globale à

10. Nous avons retenu cette spécification à l’issue d’une recherchepréliminaire menée à l’aide d’une structure de retards libre. Lecalcul des taux d’intérêt réels à l’aide de l’IPC réduisaitsensiblement le pouvoir explicatif de l’équation.11. Défini comme le rapport entre l’indice des prix des produits debase en dollars américains (la pondération étant celle de chacun deces produits dans la production canadienne) et l’indice des prix duPIB aux États-Unis.12. On obtient des résultats analogues quand l’équation estexprimée en écarts par rapport aux valeurs obtenues au moyend’un filtre de Hodrick-Prescott plutôt qu’en différences premières etque le taux d’intérêt réel est remplacé par l’écart entre le taux dupapier à 90 jours et celui des obligations à 30 ans.

µ

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108 LA TRANSMISSION DE LA POLITIQUE MONÉTAIRE AU CANADA

Figure 3 Croissance de M1 réel et variation retardée de quatre trimestres du taux du papier commercial à 90 jours

Taux de croissance sur quatre trimestres

Taux du papier

M1 réel

commercial à 90 jours(signe inversé)

Figure 4 Croissance de la dépense réelle et variation retardée du taux d’intérêt réel à court terme

Taux de croissance sur quatre trimestres

Taux d’intérêt réel

Dépense réelle

à court terme(basé sur le PIB)(signe inversé)

Page 111: La transmission de la politique monétair e au Canada

109PIERRE DUGUAY

Tableau 1 Résultats de l’estimation de l’équation de demande globale (variable dépendante : tauxde croissance trimestriel du PIB réel), statistique t entre parenthèses

1975T1-1990T4 1980T1-1990T4

Constante 0,40 0,32 0,31 0,30 0,21 0,13(3,8) (3,0) (2,8) (2,1) (1,6) (1,0)

Croissance du PIBaméricain- courante 0,41 0,44 0,42 0,53 0,55 0,52

(5,0) (5,1) (4,8) (5,0) (5,2) (4,8)

- retardée 0,37 0,41 0,38 0,44 0,49 0,45(4,4) (4,8) (4,4) (4,1) (4,6) (4,2)

Taux d’intérêt réel1 -0,77 -0,60 -0,57 -0,67 -0,48 -0,40(4,1) (3,2) (3,0) (2,7) (2,2) (1,8)

Taux de change réel2 0,20 0,17 0,11 0,28 0,29 0,15(2,1) (1,8) (1,1) (2,2) (2,2) (1,3)

Prix relatif des produits 0,16 0,12 - 0,21 0,16 - de base3 (2,6) (1,8) (2,4) (1,9)

Orientation de la -0,77 - - -0,48 - - politique budgétaire4 (2,8) (1,5)

R2 0,59 0,55 0,53 0,67 0,66 0,64

E.T.E. 0,60 0,63 0,65 0,59 0,60 0,62

D.-W. 2,03 1,86 1,79 2,10 2,07 1,96

1. Moyenne mobile sur huit trimestres de la variation trimestrielle du taux d’intérêt réel à court terme,défini comme la différence entre le taux du papier commercial à 90 jours et le taux de croissance surquatre trimestres, retardé d’un trimestre, de l’indice des prix du PIB.

2. Moyenne mobile sur douze trimestres du taux de croissance trimestriel du taux de change réel Canada-États-Unis, défini par rapport aux indices de prix du PIB (une variation positive représente uneamélioration de la compétitivité).

3. Moyenne mobile sur douze trimestres du taux de croissance trimestriel de l’indice des prix relatifs desproduits de base, défini par le rapport entre l’indice de ces prix en dollars américains (la pondérationétant celle de chacun de ces produits dans la production canadienne) et l’indice des prix du PIBaméricain.

4. Excédent budgétaire de l’État corrigé des variations conjoncturelles et de l’inflation, en pourcentage duPIB potentiel.

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110 LA TRANSMISSION DE LA POLITIQUE MONÉTAIRE AU CANADA

Figure 5 Valeurs observées et valeurs prédites du taux de croissance du PIB réel

Valeurs prédites

Valeurs observées

Figure 6 Valeurs observées et valeurs prédites (en simulation dynamique) du PIB

En milliards de dollars constants

Valeurs prédites

Valeurs observées

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111PIERRE DUGUAY

partir d’une équation unique à forme réduite. Onpeut cependant présumer que les effets des tauxd’intérêt et du taux de change saisis parl’équation reflètent principalement l’influence dela demande, étant donné que l’offre de travailréagit assez peu, selon les observations, aux tauxd’intérêt et au taux de change réel (voir à ce sujetMcCallum, 1990).

Comme le montre le Tableau 1, l’incidencedes variations des taux d’intérêt sur la dépenseglobale fait l’objet d’estimations beaucoup plusprécises que celle des variations du taux dechange. Les estimations de cette dernière sontparticulièrement sensibles à la spécification del’équation et au choix de la moyenne mobile.Deux caractéristiques méritent d’être signalées.La première est que l’effet exercé par le taux dechange ne s’avère significatif qu’une fois quel’influence des prix des produits de base sur ladépense globale est saisie dans l’équation. Celan’a rien d’étonnant si l’on considère lecomportement du dollar canadien. En effet,l’évolution de la valeur réelle du dollar canadiena suivi celle des prix des produits de base aucours des vingt dernières années (voir Amano etVan Norden, 1993). Comme le renchérissementdes produits de base améliore les termes del’échange du Canada et exerce une forteinfluence expansionniste sur les revenus et lademande intérieure, une appréciation réelle dutaux de change est nécessaire au rétablissementde l’équilibre entre l’offre et la demande. Dansla mesure où les variations du taux de change onteu pour effet d’amortir l’effet des fluctuationsdes prix des produits de base, leur influence nepeut être mesurée indépendamment de celle desprix de ces produits. On peut en dire autant detout choc que subit la demande et qui entraîneune fluctuation compensatrice des taux d’intérêtou du taux de change. C’est pour cette raisonque les coefficients sont mieux déterminés quand

l’orientation de la politique budgétaire figureparmi les variables explicatives de l’équation.

La deuxième caractéristique à signaler estque l’effet sur la dépense ne devient significatifqu’après un lissage considérable des variationsdu taux de change. Une explication possible estque, en présence de coûts d’ajustement, lesagents économiques n’estiment peut-être pasutile de s’ajuster aux fluctuations du taux dechange réel qu’ils considèrent commetemporaires.

Ces résultats sont bien différents de ceux queproduisent les gros modèles économétriques.L’effet des taux d’intérêt estimé à l’aide de cesmodèles est rarement significatif, à l’opposé del’effet du taux de change. Ce résultat peuts’expliquer de deux façons : ou bien l’incidencedes taux d’intérêt sur les différentes composantesde la dépense n’est pas perceptible à cause dubruit que renferment les données désagrégées, oubien elle est déjà saisie par les variablesexplicatives endogènes lorsque le modèle estestimé équation par équation, sans égard au biaisde simultanéité, même si elle est omise dans lastructure du modèle. En revanche, descontraintes d’identification explicites etimplicites sont imposées aux équations decommerce extérieur que l’on estime une à une,ce qui contribue à faire ressortir un effetsignificatif du taux de change sur la dépenseglobale.

Le coefficient élevé dont la production auxÉtats-Unis s’accompagne nous laisse songeur. Sepourrait-il qu’il traduise l’influence de chocs(notamment de chocs d’offre) communs auxéconomies canadienne et américaine plutôtqu’uniquement l’effet de la demande de produitscanadiens aux États-Unis? Dans la mesure où lestaux d’intérêt au Canada et aux États-Unis ontévolué de façon relativement parallèle, lecoefficient de la production américaine pourrait

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112 LA TRANSMISSION DE LA POLITIQUE MONÉTAIRE AU CANADA

être gonflé, en partie au détriment de la variablede taux d’intérêt.

Lorsqu’on essaie de déterminer la source dela réaction de la demande globale en appliquantla régression aux diverses composantes du PIB,on constate que l’effet des taux d’intérêt se faitprincipalement sentir sur les dépenses de con-sommation, bien que, comme on s’y attendrait, laréaction des investissements des entreprises et dulogement soit importante compte tenu de la partque ces composantes représentent dans le PIB.Les variations du taux de change semblent sur-tout influer sur les investissements des entre-prises, une appréciation freinant l’expansion desdépenses d’investissement et du même coup lesimportations de machines et de matériel. Lesprix des produits de base exercent eux aussi uneforte incidence sur l’investissement (et lesimportations de biens d’équipement), tout enayant un effet (de revenu) significatif sur laconsommation. Enfin, l’influence marquée del’activité aux États-Unis se reflète dans une largemesure dans l’accumulation des stocks, ce quitend à confirmer la présomption voulant quecette variable saisisse l’influence de chocscommuns (d’offre).

Estimation d’une courbe de Phillips globale

Le processus d’ajustement des prix est d’uneimportance déterminante pour l’influence de lapolitique monétaire sur les variables réelles.C’est pourquoi il a suscité le plus d’intérêt.

Le processus d’ajustement des prix estgénéralement formalisé au moyen d’une courbede Phillips dotée d’anticipations, bien qu’enpratique on ait tendance à représenter les attentesà l’aide d’une structure de retards autorégressivefixe, ce qui empêche de distinguer la dynamiqueintrinsèque du processus de celle qui est associéeaux attentes. Le débat empirique s’est focalisésur la question de savoir si le processus

d’inflation est ou non accélérationniste, c’est-à-dire caractérisé par une racine unitaire. D’unpoint de vue théorique, cette question a de touteévidence une portée trop restreinte. D’un pointde vue pratique, cependant, elle constitue un bonpoint de départ. De façon générale, le typed’expérience théorique que l’on aime à décrireporte encore aujourd’hui sur des changementspermanents du taux d’inflation plutôt que duniveau des prix.

Dans un modèle accélérationniste, unepériode de demande excédentaire provoque uneaccélération de l’inflation, mais celle-ci estalimentée par un ajustement des anticipationsd’inflation. La relation joue également en sensinverse : une période d’offre excédentaire amèneune baisse de l’inflation, mais cet excédent peutdisparaître graduellement à mesure que lesanticipations d’inflation diminuent.

Une question importante, dans une économieouverte, est celle du rôle joué par les variationsdu taux de change dans le processus d’inflation.Comme nous l’avons indiqué, les variations dutaux de change accélèrent l’influence de la poli-tique monétaire sur les prix. Cependant, elles nemodifient pas le ratio de sacrifice, c’est-à-direl’ampleur de l’écart cumulatif entre l’offre et lademande requis dans un modèle accélération-niste pour que soit réduit en permanence le tauxd’inflation. Cela est dû au fait que la contribu-tion positive d’une appréciation (réelle) de lamonnaie nationale est inversée lorsque le taux dechange revient à sa valeur d’équilibre. Uneappréciation temporaire n’a, en termes nets,aucun effet sur le taux d’inflation qui s’établiraen définitive. Ainsi que le soulignent Buiter etMiller (1982), les variations du taux de changene font que répartir dans le temps la perte deproduction liée à la désinflation.

Il reste que la question de la transmission desvariations du taux de change à l’inflation revêt del’importance. Le problème est de savoir si une

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113PIERRE DUGUAY

hausse ou une baisse permanente du taux dechange réel, résultant, par exemple, d’une modi-fication des taux d’intérêt réels pratiqués dans lemonde ou d’une modification permanente de lademande globale, entraîne une amélioration ouune détérioration de l’arbitrage à court termeentre l’inflation et le taux de chômage.

La question est somme toute de savoir si lesvariations de prix dues à une modification du tauxde change alimentent la spirale des salaires et desprix. Dans les gros modèles très détaillés, laquestion se trouve résolue lorsqu’on spécifie lastructure du modèle. Selon la représentationhabituelle du processus d’inflation où la croissancedes salaires nominaux est modélisée à l’aide d’unecourbe de Phillips dotée d’anticipations et où lesprix sont donnés par l’addition d’une marge auxcoûts, une dépréciation réelle permanente provoqueune détérioration de l’arbitrage à court terme, detelle sorte que, si le modèle présente descaractéristiques accélérationnistes13, une haussetemporaire du taux de chômage sera nécessairepour éviter une augmentation permanente du tauxd’inflation. La logique qui sous-tend ceraisonnement est qu’une hausse transitoire du tauxde chômage est nécessaire pour que les travailleursfinissent par accepter la baisse de revenu réel liée àune diminution du taux de change réel.

Les gros modèles structurels comportent denombreuses restrictions de ce genre. Toute variationdes prix relatifs de nature à diminuer les salaires réels(y compris une modification des impôts indirects)14

aurait des effets stagflationnistes similaires15.

13. Il faut pour cela, outre une courbe de Phillipsaccélérationniste, que tous les prix (y compris le taux de change)soient endogènes et homogènes de degré un à l’égard des prix etdes coûts.14. L’effet stagflationniste d’une modification des impôts indirectsest étudié dans Okun (1977).15. On trouvera dans Parkin (1984) une excellente critique del’hypothèse faisant appel aux variations des prix relatifs pourexpliquer l’inflation.

Les représentations à équation unique duprocessus d’inflation fondées sur une courbe dePhillips globale des prix ne comportent pas derestrictions de ce genre. Elles se prêtent mieuxau test de notre hypothèse. Une dépréciationréelle permanente n’aura pas forcément un effetstagflationniste si, par exemple, les agentséconomiques considèrent les variations de prixinduites par les fluctuations du taux de changecomme une modification du niveau des prixplutôt que du taux d’inflation. Le mêmeargument peut être invoqué à l’égard desvariations du prix relatif des aliments et del’énergie, par exemple, ou des impôts indirects.

Les recherches menées récemment au sujetdes interactions entre les prix, les salaires et lescoûts unitaires de main-d’œuvre au Canada(Cozier, 1992) donnent à penser qu’on ne perdrien à se concentrer sur une courbe de Phillipsglobale des prix. Les valeurs passées du tauxd’augmentation des prix permettent de bienrendre compte de la persistance du processusd’inflation. Les variables de salaires ou de coûtsunitaires de main-d’œuvre n’apportent aucunecontribution indépendante qui soit significative.Leur évolution ne fait que suivre celle des prix,avec un certain retard. Cela ne paraît peut-êtrepas très étonnant dans une économie ouvertecomme celle du Canada, où les prix de nombreuxbiens exportables, notamment les produits debase, sont fixés sur les marchés internationaux.Cependant, des résultats analogues ontégalement été obtenus par Gordon (1988) dans lecas des États-Unis.

Nous présentons au Tableau 2 desestimations du processus d’ajustement des prix –où l’inflation est mesurée par l’IPC hors alimentset énergie – faisant appel à une versionrelativement simple d’une courbe de Phillipsdotée d’attentes adaptatives.

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114 LA TRANSMISSION DE LA POLITIQUE MONÉTAIRE AU CANADA

L’équation estimée revêt la forme suivante :

p = a(L) p-1 + b(L)( s+ p*) -1+ c(L) t + d(L) poil + e(y-y*) -1+ f (y-y*) -1 +

où p = taux d’accroissement trimestriel del’IPC hors aliments et énergie

s = moyenne mobile sur huit trimestres dutaux de variation du taux de change Canada-États-Unis (défini par le prix du dollaraméricain en dollars canadiens)

p* = taux d’accroissement de l’IPC horsaliments et énergie aux États-Unist = taux effectif de l’impôt indirect

poil = taux de variation du prix relatif dupétrole16

ety-y* = rapport de la production observée àla production potentielle17

et oùa(L), b(L), c(L) et d(L) sont des opérateursde retard de forme polynomiale soumis à lacontraintea(1) + b(1) = 1.

L’hypothèse de racine unitaire n’est pasrejetée par les données, même si celles-ci nedonnent pas la préférence à ce résultat18.

16. Nous avons aussi mis à l’essai les composantes aliments eténergie de l’IPC ainsi qu’un indice des prix des produits de basenon énergétiques. Le seul prix relatif qui exerçait une influencesignificative sur le processus d’inflation était le prix réel du pétrolebrut. Sa principale utilité est d’aider à expliquer la hausse del’inflation en 1974-1975.17. Nous avons calculé la production potentielle en combinant laméthode du filtre de Hodrick-Prescott à une évaluation du taux dechômage non accélérationniste au Canada (voir Rose, 1988, ainsique Laxton et Tetlow, 1992).18. Rose, Ricketts et Laxton (1993) montrent que, dans un modèlepurement statistique de formation des attentes avec changement derégime, la contrainte de racine unitaire n’est acceptée que dans lesrares cas où, durant la période considérée, l’inflation changerapidement.

∆ ∆ ∆ ∆∆ ∆

∆ η

Étant donné la contraintea(1) + b(1) = 1,l’équation des prix peut aussi s’écrire sous laforme

2p = a’(L) 2p-1 + b(L) s’ -1 + c(L) t+ d(L) poil-1 + e(y-y*) -1+ f (y-y*) -1 +

où a’i = - (aj+bj)j = i+1

ets’ = s + p* - p est le taux de change réel(fondé sur les IPC relatifs).

Le ratio de sacrifice peut ainsi être définicommodément par (1 -a’(1))/e.

D’après les estimations présentées auTableau 2, le ratio de sacrifice au Canada seraitde 1,7. Cela revient à dire qu’un écart de1,7 point de pourcentage maintenu pendant un anou de 0,85 point maintenu pendant deux ans(compte tenu du caractère linéaire prêté à lacourbe de Phillips) ou toute autre combinaisonéquivalente produirait une réduction d’un pointde pourcentage du taux d’inflation. Cette valeurest inférieure à la plupart des estimationsfournies par les modèles dits structurels. Elle estdue en partie au petit nombre de retards utilisépour représenter l’inflation attendue, mais lesrésultats obtenus avec ce nombre de retards sesont révélés très robustes19. Ces résultatsdonnent à penser que le ratio de sacrifice plusélevé que produisent les gros modèles détaillésest peut-être dû en partie à l’imposition derestrictions structurelles non justifiées quiralentissent par inadvertance la réaction du

19. Cozier et Wilkinson (1990) obtiennent également un faible ratiode sacrifice dans le cas de l’indice des prix du PIB. La valeur de ceratio n’est pas indépendante de la mesure de la productionpotentielle. Des mesures souples fondées sur un filtre de Hodrick-Prescott, comme celle qui est utilisée ici, ont tendance à produireun ratio de sacrifice plus faible que les mesures fondées sur destendances plus lisses.

∆ ∆ ∆ ∆∆

∆ η

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115PIERRE DUGUAY

Tableau 2 Résultats de l’estimation de l’équation d’inflation (variable dépendante : taux d’accroissementtrimestriel de l’IPC hors aliments et énergie); période d’estimation : 1968T4-1990T4;statistique t entre parenthèses

Formulation Formulation enstandard différences secondes

Constante -0,05 (1,3) -0,03 (0,9) -0,03 (0,9)Écart de production- niveau (retardé) 0,08 (3,6) 0,07 (3,4) 0,07 (3,4)- variation (retardée) 0,05 (1,1) 0,05 (1,2) 0,05 (1,2)

Inflation retardée-1 0,66 (4,6) 0,66 (4,6) -0,34 (2,3)-2 0,01 (0,1) 0,16 (0,1) -0,32 (2,2)-3 0,18 (1,0) 0,20 (1,1) -0,12 (0,9)-4 0,04 (0,3) 0,02 (0,1) -0,10 (1,0)-5 0,11 (1,1) 0,10 (1,0)

Variation du taux de change réel

-1 0,29 (3,3) 0,26 (3,0) 0,26 (3,0)-2 -0,17 (1,4) -0,18 (1,6) 0,07 (0,9)-3 -0,02 (0,2) -0,03 (0,2) 0,05 (0,6)-4 -0,03 (0,3) -0,05 (0,6)

Variation du prix relatif du pétrole

-1 0,006 (2,0) 0,006 (2,0) 0,006 (2,0)-2 0,004 (1,0) 0,003 (0,9) 0,003 (0,9)-3 0,005 (1,4) 0,005 (1,3) 0,005 (1,3)-4 0,001 (0,4) 0,001 (0,4) 0,001 (0,4)

Variation des impôts indirects 0 0,40 (4,7) 0,40 (4,7) 0,40 (4,7)-1 -0,26 (2,6) -0,27 (2,5) -0,27 (2,5)-2 0,20 (1,6) 0,18 (1,6) 0,18 (1,6)-3 -0,09 (0,8) -0,13 (1,1) -0,13 (1,1)-4 0,10 (1,0) 0,08 (0,9) 0,08 (0,9)-5 -0,06 (0,6) -0,09 (1,1) -0,09 (1,1)

Élasticités à long termeÉcart du PIB 0,17 (0,15) 0,15 (ratio de sacrifice) (1,51) (1,68) (1,68)Taux de change réel 0,04 * 0,20Prix relatif du pétrole 0,008 0,008 0,008Impôts indirects 0,60 0,36 0,36R2 0,74 0,74 0,45E.T.E. 0,34 0,34 0,34D.-W. 1,98 1,99 1,99

* Somme des coefficients fixée à zéro

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116 LA TRANSMISSION DE LA POLITIQUE MONÉTAIRE AU CANADA

modèle. Une difficulté que présentent souventces modèles tient au fait que le mécanismeadopté pour représenter l’ajustement graduel desprix à l’évolution des coûts n’est généralementpas neutre à l’égard du taux d’inflation20. Parconséquent, une diminution de l’inflationréduirait les salaires réels et (pour les raisonsinvoquées précédemment) accroîtrait le ratio desacrifice.

On peut aussi calculer facilement l’effet d’unevariation en niveau des impôts indirects ou dutaux de change réel à l’aide des expressionsc(1)/(1 -a’(1)) et b(1)/(1 -a’(1)) respectivement.Ces calculs sont présentés au bas du Tableau 2, oùl’on peut constater que, si un relèvement des impôtsindirects est stagflationniste, une dépréciation réelle(c’est-à-dire uneaugmentation de s) ne l’est pas.On estime que, en raison de ses effets secondairessur les salaires ou les attentes, une majoration d’unpoint de pourcentage des impôts indirectsprovoquera une hausse de 0,4 % du taux d’inflation,sauf si elle est compensée par un accroissementde 0,7 point de pourcentage de l’écart cumulatifentre l’offre et la demande pendant une année21.Une dépréciation réelle entraînerait une haussepassagère, et non permanente, du taux d’inflation :elle ne nécessiterait pas d’augmentationcompensatrice de l’écart entre l’offre et lademande.

20. Par exemple, le modèle type d’ajustement partiel des prixp = α + ß ulc + (1 - ß)p-1 – où p est le logarithme des prix et ulc le

logarithme des coûts unitaires de main-d’œuvre, obéissant, parexemple, à une courbe de Phillips des salaires – donnerait

p = ulc + (α - (1 - ß) )/ß dans un régime permanent inflationniste,

où est le taux d’inflation.

21. Les intervalles de confiance entourant ces chiffres sonttoutefois assez larges.

ππ

Étant donné que b(1) n’est passignificativement différent de zéro, on peut fixersa valeur à zéro puis reformuler l’équation deprix de la manière suivante :

2p = a’(L) 2p-1 + b’(L) 2s’ -1+ c(L) t + d(L) poil-1+ e(y-y*) -1 - f (y-y*) -1 +

où b’ i = - bj,j = i+1

L’effet d’une dépréciation (une hausse des’) surle niveau des prix peut alors être définicommodément parb’(1)/(1 - a’(1)).

Le résultat, b’(1)/(1 - a’(1)) = 0,20, estconforme à la part des importations dans le panierde l’IPC canadien, ce qui est encourageant.Cependant, comme dans le cas de l’équation dedemande globale examinée précédemment, unlissage considérable du taux de change (nominal) aété nécessaire pour obtenir ne serait-ce que cerésultat minimal.

L’équation parvient à expliquer assezfidèlement les variations du taux d’inflation auCanada durant les vingt dernières années (voirles Figures 7 et 8). Elle saisit remarquablementbien la forte baisse de l’inflation qui a suivi larécession de 1981-1982. De fait, compte tenu desa gravité, cette récession domine clairement lapériode étudiée et est à l’origine de la plupart desrésultats sur lesquels se fonde l’estimation duratio de sacrifice. Les estimations de ce ratio nesont pas aussi robustes dans le temps qu’on lesouhaiterait.

Simulation dynamique d’une baisse du tauxd’inflation

Si l’on en croit la valeur de 1,7 obtenue pour leratio de sacrifice, il faudrait un écart cumulatif de1,7 point de pourcentage entre l’offre et la

∆ ∆ ∆∆ ∆

∆ η

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117PIERRE DUGUAY

Figure 7 Taux d’inflation observé et taux d’inflation prédit

Valeurs

Valeurs

prédites

observées

,

,

,

,

,

,

,

,

,

Figure 8 Taux d’inflation observé et taux d’inflation prédit

Simulation dynamique reposant sur une équation uniqueTaux de variation trimestriel annualisé

Valeurs prédites

Valeursobservées

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118 LA TRANSMISSION DE LA POLITIQUE MONÉTAIRE AU CANADA

demande, c’est-à-dire 1,7 point durant un an ou0,85 point pendant deux ans ou encore unecombinaison équivalente, pour réduire d’unpoint de pourcentage le taux d’inflation.

Nos estimations de l’effet exercé par les tauxd’intérêt et le taux de change sur la demandeglobale peuvent nous aider à transposer dans leplan des taux d’intérêt la condition énoncée ci-dessus. Selon ces estimations, une hausse d’unpoint de pourcentage des taux d’intérêt réels àcourt terme diminuerait la dépense d’environ0,6 % (certaines estimations atteignent 0,77 %)en l’absence de variation du taux de change.Cependant, la monnaie devrait s’apprécier enprésence d’une augmentation des taux d’intérêtsi les taux à l’étranger demeurent constants. Siles marchés ont une perception juste des objectifsdes autorités monétaires et, ce qui est peut-êtreplus important, de leur capacité à les atteindre,l’appréciation réelle de la monnaie devrait êtreégale à l’augmentation cumulative des tauxd’intérêt réels que la banque centrale envisagepour l’avenir.

Si l’on part de cette hypothèse, il estintéressant de noter que, si une hausse plus faibledes taux d’intérêt sur une période plus longueentraîne initialement la même réaction du taux dechange qu’une hausse plus marquée mais moinsdurable de ceux-ci, il reste que le taux de changemet plus de temps à redescendre dans le premiercas. Cela implique qu’une augmentation moinsforte mais plus durable des taux d’intérêt aura uneffet total plus marqué sur la dépense (parl’entremise du taux de change) qu’une hausseplus accusée mais plus éphémère. Elle produiraaussi une décélération plus importante, mais pluslente, de l’inflation.

À titre d’exemple, une augmentation d’unpoint de pourcentage des taux d’intérêt réels à courtterme soutenue pendant une année provoqueraitune hausse de 0,6 point de l’excédent cumulatif del’offre (au bout de trois ans) en raison de l’effet destaux d’intérêt et de 0,1 point (au bout de quatre ans)

à cause de l’effet du taux de change, d’où uneréduction totale de 0,41 point du taux d’inflation.(On obtient l’effet du taux de change en multipliantl’écart cumulatif du taux de change réel par rapportà la valeur de référence [0,5 %] par l’élasticitéestimative de la dépense au taux de change réel[0,2].) Par contre, une augmentation d’un demi-point de pourcentage soutenue pendant deux ansentraînerait toujours une hausse de 0,6 point del’écart cumulatif en raison de l’effet des tauxd’intérêt (bien que ce dernier s’étale sur une périodeplus longue), mais un accroissement de 0,2 pointpar le truchement du taux de change, ce qui sesolderait par une réduction totale de 0,47 point dutaux d’inflation.

Il ressort de ces calculs qu’une baisse d’unpoint de pourcentage du taux d’inflationnécessiterait une hausse de 244 points de basedes taux d’intérêt réels maintenue pendant un an,ou une hausse de 106 points de base soutenuependant deux ans. La Figure 9 illustre le profild’évolution de la production et de l’inflation dansles deux cas.

Bien entendu, les marchés peuvent se faireune idée différente des résultats que la banquecentrale est en mesure d’obtenir. Il est doncpossible que le taux de change ne réagisse pas dela façon prévue aux mesures monétaires prises encourte période. Dans ce cas, la variation des tauxd’intérêt nécessaire pour obtenir la réductionsouhaitée de l’inflation devrait être ajustée enconséquence. Pour établir l’ampleur appropriéede cette variation, on peut se guider sur l’indicedes conditions monétaires, dans lequel entrentles taux d’intérêt et le taux de change pondéréspar leur influence relative sur la dépense globale.Les estimations obtenues à partir des équationsde demande globale exposées plus haut portent àcroire qu’une hausse d’un point depourcentagedes taux d’intérêt à court terme a le même effetsur la dépense, en définitive, qu’une appréciationde 3pour cent du taux de change.

Page 121: La transmission de la politique monétair e au Canada

119PIERRE DUGUAY

Figure 9 Profil d’évolution de la production et de l’inflation selon deux stratégies de réduction de l’inflation

Production réelle

Écart en pourcentage par rapport à la valeur de référence

Choc A : Hausse de 2,44 points de pourcentage du taux d’intérêt réel pendant quatre trimestresChoc B : Hausse de 1,06 point de pourcentage du taux d’intérêt réel pendant huit trimestres

Réaction au choc A

Réaction au choc B

-1,0

-0,8

-0,6

-0,4

-0,2

0

0,2

0,4

1985 1987 1989 1991 1993

Inflation

Écart par rapport à la valeur de référence en taux de variation trimestriel annualisé

-1,2

-1,0

-0,8

-0,6

-0,4

-0,2

0

0,2

1985 1987 1989 1991 1993

Page 122: La transmission de la politique monétair e au Canada

120 LA TRANSMISSION DE LA POLITIQUE MONÉTAIRE AU CANADA

CONCLUSION

Dans les pages qui précèdent, nous avons avancéque les mesures de politique monétaire ont uneincidence plus directe sur les taux d’intérêt àcourt terme et sur le taux de change que sur lesagrégats monétaires. Selon la description qui yest donnée du mécanisme de transmission de lapolitique monétaire, celle-ci agit par le jeu desvariations des taux d’intérêt à court terme et dutaux de change et influe sur les agrégatsmonétaires, la dépense globale et les prix avecdes retards appréciables. Nous avons aussi faitvaloir qu’un petit modèle agrégé se prêtait mieuxqu’un gros modèle économétrique à laquantification de ces relations et avons présentédes estimations de l’effet des taux d’intérêt et dutaux de change sur l’activité réelle et les prix.

Bien que les agrégats monétaires aient occupépeu de place dans notre analyse, ils fournissent deprécieux renseignements sur l’orientation de lapolitique monétaire. Ces renseignements sontd’une très grande utilité lorsque la banque centraleévalue les conséquences de ses interventions ets’efforce de limiter les risques inhérents à laconduite d’une politique prospective dans ununivers stochastique ou incertain. Ces questionssont étudiées plus à fond dans l’article de Duguayet Poloz, publié à la suite du présent texte.

Page 123: La transmission de la politique monétair e au Canada

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Page 125: La transmission de la politique monétair e au Canada

Le rôle des projections économiquesdans la formulation de la politiquemonétaire au Canada

Pierre Duguay et Stephen Poloz

INTRODUCTION

L’objet du présent article est de décrire les aspectséconomiques du cadre qui préside à la formulationde la politique monétaire au Canada. En raison desdécalages qui existent entre le moment où desmodifications sont apportées aux instruments decette politique et celui où elles font sentir leurseffets ultimes, et vu l’incertitude générale entourantle comportement des agents économiques, la naturedu cadre en question est explicitement prospectiveet probabiliste. Par conséquent, la description quenous ferons ici des aspects pratiques du processusd’élaboration de la politique monétaire porteraessentiellement sur le rôle que jouent lesprojections économiques et le suivi à court terme del’évolution économique. Nous espérons ainsimontrer comment l’incertitude est prise en comptedans le processus de décision et comment lesautorités monétaires rajustent le tir face auximprévus.

Le plan de l’article est le suivant. La premièresection jette les bases de l’exposé qui suivra en

présentant les aspects conceptuels ou théoriques dela formulation de la politique monétaire, endécrivant les objectifs visés ainsi que leurjustification et en établissant le cadre conceptueldans lequel s’effectuent la planification de lapolitique, l’analyse des données nouvelles et laprise de décisions. Les indicateurs et les guidesutilisés dans la conduite de la politique ainsi que lesraisons ayant motivé le choix de ces derniers y sontmis en relief. La deuxième section porte sur lacontribution du personnel de la Banque auprocessus de formulation de la politique monétaire.Elle traite du rôle joué par les projectionséconomiques dans les activités de planification, desuivi et de mise à jour ainsi que des diverses façonsdont les autorités monétaires peuvent réagir lorsqueles plans ne se réalisent pas comme prévu. L’articlese termine par quelques commentaires en guise deconclusion.

Texte publié initialement en juin 1994 dansAnalyse de Politiqueset reproduit ici avec le consentement des éditeurs

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124 LA TRANSMISSION DE LA POLITIQUE MONÉTAIRE AU CANADA

OBJECTIFS ET CADRE DE LA

POLITIQUE MONÉTAIRE1

Sur le plan macroéconomique, la banque centraledispose d’un seul instrument de politique –l’offre de moyens ultimes de paiement –, ce quiimplique qu’elle peut prendre pour cible uneseule variable nominale indépendante.Reconnaissant cette limite pratique ainsi qu’uncertain nombre d’interdépendances importantesentre les divers objectifs prescrits par sa loiconstitutive, la Banque du Canada a fait de laréalisation progressive de la stabilité des prixl’objectif central de sa politique monétaire. Lesraisons de ce choix étant maintenant bienconnues, nous n’en discuterons pas ici; ladéfense du pouvoir d’achat de la monnaie relèveclairement du champ d’action de la politiquemonétaire et est considérée, dans l’optiquemonétaire, comme le plus sûr moyen d’atténuerles fluctuations de la production et de l’emploi,ainsi que comme la meilleure contribution que lapolitique monétaire puisse apporter à laprospérité économique et financière du pays2.On s’entend généralement pour dire quel’inflation fausse l’information et sape laconfiance à l’égard non seulement de la valeur dela monnaie, mais aussi de la pertinence dessolutions générées par le marché3. La Banqueestime qu’il n’est pas crédible de s’engager àmaintenir un taux d’inflation stable, car unetolérance systématique de l’inflation susciterades doutes persistants quant à la volonté des

1. Les fondements du cadre conceptuel présidant à la conduite dela politique monétaire au Canada sont exposés dans Bouey (1982)et Crow (1988) et passés en revue dans Freedman (1990b).2. Crow (1989b), Selody (1990) et Howitt (1990). Voir égalementles études consacrées à l’évaluation de l’objectif de stabilité desprix que l’Institut C. D. Howe a parrainées : Lipsey (1990) etYork (1990).3. Voir par exemple Leijonhufvud (1981, chap. 9) ainsi que leRapport annuel du gouverneur pour l’année 1990.

autorités monétaires de contrer les effets d’unchoc défavorable qui porterait l’inflation au-dessus de son niveau cible.

Selon la plupart des modèles appartenantau courant dominant de la penséemacroéconomique, le scénario que doiventsuivre les autorités monétaires pour rétablir lastabilité des prix à partir d’une situationd’inflation est en gros le suivant : la politiquemonétaire doit freiner la croissance des agrégatsmonétaires et de la dépense nominale, ce quiexigera d’abord un resserrement des conditionsmonétaires (probablement tant une hausse destaux d’intérêt qu’une appréciation de lamonnaie); le ralentissement de la demande qui enrésultera entraînera avec le temps unedécélération de l’inflation qui ouvrira la voie, tôtou tard, à un assouplissement des conditionsmonétaires. On peut tenter de chiffrer cescénario au moyen de modèles économiques afind’établir un calendrier réaliste pour l’obtentionde la stabilité des prix. Toutefois, comme leseffets de la politique monétaire sur l’économie sefont sentir graduellement et ne peuvent êtreprédits avec grande précision, et commed’importants éléments de l’économie et de lapolitique économique (excluant la politiquemonétaire) peuvent changer, il faut adopterconcrètement une stratégie qui prémunisse dansune certaine mesure contre des erreurs àcaractère cumulatif et qui garantisse que lesobjectifs à plus long terme de la politiquemonétaire seront pris en considération dans lesdécisions quotidiennes.

Une bonne façon de décrire le cadre danslequel est menée la politique monétaire consisteà définir tous les éléments qui se trouvent entreles instruments placés sous le contrôle direct dela banque centrale (principalement l’offred’encaisses de règlement aux institutionsfinancières) et l’objectif ultime qu’elle s’est fixé(améliorer la tenue de l’économie en cherchant à

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125PIERRE DUGUAY ET STEPHEN POLOZ

réaliser la stabilité des prix). Ces éléments vontdes cibles immédiates telles que les taux d’intérêtà court terme, sur lesquelles les instrumentsagissent directement, aux objectifs ou ciblesultimes tels que la stabilité des prix et lacroissance économique, en passant par lesvariables intermédiaires qui peuvent servir depoint d’ancrage nominal et ainsi nous protégercontre des erreurs à caractère cumulatif, commepar exemple les agrégats monétaires, le taux dechange ou la dépense nominale.

Depuis vingt ans, le débat entourant le choixdes objectifs propres de la politique monétairea surtout porté sur les cibles intermédiaires.De 1975 à 1982, la Banque du Canada a utilisél’agrégat monétaire M1 (la somme de la monnaiehors banques et des dépôts à vue dans lesbanques) comme cible intermédiaire explicite etles taux d’intérêt à court terme comme cibleimmédiate (voir White, 1979). Le choix de M1 àtitre de cible intermédiaire de la politiquemonétaire visait à susciter une réduction gra-duelle de l’inflation. Comme il semblait existerune relation fiable entre la demande d’encaissesde transaction d’une part et la dépense globale etles taux d’intérêt à court terme d’autre part,l’adoption d’une cible fixée en fonction de M1offrait un moyen commode d’établir des tauxd’intérêt permettant d’influer directement sur ladépense globale. Malheureusement, à cause dela forte élasticité de la demande de M1 aux tauxd’intérêt, les variations de taux nécessaires pourque soit respecté le rythme d’expansion visé pourM1 étaient trop faibles pour prévenir de largesécarts de la dépense globale et de l’inflation parrapport à la trajectoire souhaitée. En principe, ilaurait été possible de surmonter ce problème enfixant M1 de manière à contrecarrer les varia-tions conjoncturelles, bien qu’il eût été alors plusdifficile d’expliquer la formulation de la poli-tique monétaire. Quoi qu’il en soit, les change-ments structurels qu’a subis la demande

d’encaisses de transaction sous la pression desinnovations financières ont amené la Banque àabandonner M1 comme cible en 19824.

Les recherches effectuées en vue dedécouvrir un autre agrégat monétaire qui puissejouer le rôle attribué à M1 n’ont pas abouti.L’apparition de comptes d’épargne à intérêtquotidien avec tirage de chèques a brouillé ladistinction entre les encaisses de transaction etles encaisses tenues à des fins d’épargne,amenant ainsi les autorités à s’intéresser auxagrégats monétaires plus larges. Ces dernierssont capables d’englober les nombreusesmodifications structurelles de la demande demonnaie attribuables aux innovations financièreset, comme ils sont relativement moins sensiblesaux variations du niveau général des tauxd’intérêt, ils reflètent généralement mieux queM1 l’évolution de la dépense globale (enparticulier celle des prix). Du même coup,toutefois, la banque centrale n’exerce pas plusd’influence directe sur eux qu’elle n’en a sur ladépense nominale globale. En outre, la relationentre ces agrégats plus larges et la dépensenominale peut être modifiée par une variation dela proportion de la demande de crédit quesatisfont les intermédiaires financiers ou par lesdéplacements de fonds entre obligationsd’épargne du Canada et dépôts d’épargne; parailleurs, on a constaté que les fonctions dedemande des agrégats plus larges présentent unedérive aléatoire, ce qui réduit considérablementleur utilité en tant que point d’ancrage nominal(voir Caramazza, Hostland et Poloz, 1990;Caramazza, Hostland et McPhail, 1992;Hostland, 1990).

Le taux de change nominal est une autrevariable fréquemment proposée comme cibleintermédiaire possible de la politique monétaire

4. Pour une évaluation des résultats obtenus au Canada avec M1pris pour cible, consulter Courchene (1981), Bouey (1982) etThiessen (1983).

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(voir par exemple Artis et Currie, 1981). Bienque la Banque reconnaisse que le taux de changeest un prix important pour l’économiecanadienne et qu’elle exerce sur lui une certaineinfluence (loin d’être exclusive cependant), ellene le considère pas comme une cibleintermédiaire appropriée pour la conduite de lapolitique monétaire. En effet, prendre le taux dechange pour cible revient à donner beaucoup depoids à la politique monétaire et à la situationéconomique d’un autre pays. La Banqueconsidère le taux de change comme une partieintégrante du mécanisme de transmission de lapolitique monétaire, comme une variable qui,avec les taux d’intérêt, joue un rôle capital dansl’égalisation de l’offre et de la demande globales(Crow, 1992). Étant donné que l’ampleur deseffets des mesures monétaires sur le taux dechange est imprévisible, la Banque se sert d’unemesure combinant les variations du taux d’intérêtà trois mois et du taux de change effectif,pondérées par une estimation de leur influencerelative sur la demande globale, commeindicateur général des conditions monétaires(Crow, 1989b; Murray et Khemani, 1990; Poloz,1990)5. Cette mesure est un rappel constant durôle que joue le taux de change, tout comme lestaux d’intérêt à court terme, dans la transmissionde la politique monétaire. Toutefois, il estégalement vrai que les variations du taux dechange ont un rôle à jouer lorsque l’offre et lademande subissent des chocs, en particulierquand les fluctuations des prix mondiaux desproduits de base modifient les termes de

5. Il s’agit d’une approximation établie à partir d’estimationsempiriques de l’effet relatif des variations des taux d’intérêt réels etdu taux de change réel sur la demande globale. Bien que cet effetne puisse être évalué avec précision, les estimations actuellesportent à croire que l’incidence d’une appréciation de 1 % du tauxde change sur la dépense réelle serait à peu près compensée parune réduction de 25 à 35 points de base des taux d’intérêt à courtterme. La mesure combine donc la variation des taux d’intérêt àcourt terme à environ un tiers de l’appréciation, en pourcentage,du taux de change par rapport à une période de référence.

l’échange. L’évolution du taux de changeamortit ces fluctuations, en répartit l’incidencesur l’ensemble de l’économie et en atténue leseffets perturbateurs sur les coûts et les prixintérieurs.

Masson (1983), Bean (1983), Longworth etPoloz (1986) et McCallum (1988 et 1990), entreautres auteurs, ont examiné les avantages de ladépense nominale comme point d’ancragenominal. Si la capacité des banques centralesd’influer directement sur la dépense nominale estgénéralement perçue comme très limitée, il resteque cette variable n’est pas plus difficile àcontrôler que la plupart des agrégats monétairesdéfinis au sens large. En outre, la dépensenominale peut être utile aux décideurs publicssur le plan conceptuel du fait qu’elle se situe àpeu près à mi-chemin entre les variablesfinancières nominales – telles que les tauxd’intérêt à court terme – sur lesquelles la banquecentrale peut espérer exercer une influencerelativement directe et les variables viséesultimement comme le taux d’inflation. Si,fondamentalement, les déséquilibres réels serésorbent d’eux-mêmes à long terme dansl’économie, les autorités peuvent raisonnablementespérer que la réalisation d’un rythmed’expansion monétaire compatible avec un tauxde croissance de la dépense nominale égal à celuidu potentiel de production favorisera la stabilitédes prix à long terme et, de la même manière,qu’une réduction graduelle du rythmed’expansion monétaire pour le ramener à ce tauxde croissance se traduira, avec le temps, par unebaisse de l’inflation au niveau souhaité. Parconséquent, la dépense nominale peut êtreconsidérée comme un outil qui permet d’établirle lien entre les variations des mesures de lamonnaie et du crédit et l’évolution des variablesvisées à long terme par les autorités monétaires.Cependant, comme le fait remarquer Freedman(1990a), l’intérêt que présente la dépense

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nominale à titre de cible de la politiquemonétaire est limité par des préoccupationsd’ordre pratique telles que la qualité et le délai deproduction des statistiques relatives à la dépensenominale ainsi que le partage des responsabilitésentre la banque centrale et le gouvernement en cequi concerne la dépense nominale.

L’absence de consensus au sujet du choixd’une autre cible intermédiaire a amené lesbanques centrales à se concentrer davantage surles objectifs ultimes de la politique monétaire(Crow, 1993). L’engagement pris à l’égard de lastabilité des prix comme facteur d’une meilleuretenue de l’économie canadienne a été réaffirmé àl’occasion du budget fédéral du 26 février 1991et s’est concrétisé par l’annonce, faiteconjointement par le gouverneur de la banquecentrale et le ministre des Finances, de ciblesexplicites de réduction de l’inflation. Ces cibles,exprimées sous la forme du taux d’augmentationsur douze mois de l’indice des prix à laconsommation, s’établissent comme suit : 3 % àla fin de 1992, 2,5 % au milieu de 1994 et 2 % àla fin de 1995, avec une fourchette de variationde ±1 % dans chaque cas6. Il importe desouligner que cette annonce ne témoignait pasd’un changement d’objectif des autoritésmonétaires. En effet, comme nous l’avonsmentionné précédemment, la stabilité des prixétait déjà l’objectif déclaré de la politiquemonétaire. C’était cependant la première foisqu’était dévoilé un échéancier explicite pour laréalisation de la stabilité des prix, lequelrenfermait des jalons précis pour la conduite dela politique monétaire.

Même si des cibles précises ont été arrêtéesen matière de réduction de l’inflation, les

6. Après la rédaction du présent article, le gouvernement et laBanque ont annoncé que la fourchette visée de 1 à 3 % seraitmaintenue de 1995 à 1998 et qu’une décision serait prised’ici 1998, à la lumière des leçons que l’on aura tirées d’unepériode de faible inflation, au sujet de la fourchette compatibleavec la stabilité des prix.

nombreuses variables intermédiaires quiinterviennent entre les instruments de politiquemonétaire et le taux d’inflation continuent dejouer un rôle essentiel dans le processus deformulation de la politique monétaire, en raisondes décalages à la fois longs et variables aveclesquels les mesures prises par la banque centralese répercutent ultimement sur le taux d’inflationmesuré. C’est pourquoi une politique orientéevers la réalisation de cibles déterminées enmatière d’inflation doit être tournée vers l’aveniret faire une large place aux projectionséconomiques et à un suivi continu de l’évolutionéconomique à l’aide de diverses variablesintermédiaires. Les relations entre ces variablessont explicitées dans le cadre des projectionséconomiques auxquelles procède le personnel dela Banque du Canada. La Haute Direction neprend pas ces projections au pied de la lettre,mais elles lui sont néanmoins utiles pour débattrede la politique monétaire et lui servent de pointde référence pour apprécier les facteursnouveaux et déterminer s’ils nécessitent denouvelles mesures de la part de la Banque. Ceprocessus fait l’objet de la prochaine section.

LES PROJECTIONS ÉCONOMIQUES

EN TANT QU’AIDES À LA DÉCISION

Le personnel de la Banque établit des projectionséconomiques, dont le niveau de détail varie selonun cycle annuel. Il prépare d’abord à chaquesemestre une projection à moyen terme, à unhorizon de 6 ou 7 ans, laquelle fera l’objet, autrimestre suivant, d’une mise à jour portant surles 7, 8 ou 9 trimestres à venir; en outre, aumilieu de chaque trimestre, le personnel réévaluela projection précédente, en se concentrant surles 2 ou 3 trimestres à venir; enfin, une mise àjour a lieu chaque semaine à la lumière des

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données les plus récentes. Le Tableau 1 présenteune synthèse du cycle des projections réalisées àla Banque.

Les projections à moyen terme

Le personnel de la Banque traduit en projectionsà moyen terme de l’économie canadienne lescibles de réduction de l’inflation. Cesprojections établissent le sentier d’évolution deréférence des variables macroéconomiques clés,y compris celles qui sont soumises à l’influencede la Banque, en conformité avec l’objectif de lapolitique monétaire, le point de départ desprojections et l’évolution prévue de certainesvariables exogènes. De ce fait, elles constituentun apport très important du personnel de laBanque aux délibérations de la Haute Directionsur la politique à suivre. Jusqu’à une daterécente, le modèle économétrique trimestriel

RDXF de la Banque7, qui se compose de quelque400 équations, fournissait le cadre servant àincorporer les avis des spécialistes sectoriels auxprojections. Cependant, un nouveau modèle quiremplacera RDXF à titre de principal outil deprojection, le MTP (Modèle trimestriel deprévision), est en cours d’élaboration. Le MTPest beaucoup plus agrégé que le modèle RDXF, ilcomporte des attentes prospectives etrétrospectives et il présente un cadre comptablestocks-flux complet. Le lecteur trouvera unedescription du prototype du modèle dans Laxtonet Tetlow (1992). Le nouveau modèle devraitintégrer dans sa structure une bonne partie desjugements que devaient auparavant porter lesspécialistes travaillant avec le modèle RDXF.Toutefois, la nature du processus d’établissement

7. Pour une description du modèle RDXF, voir Robertson etMcDougall (1980).

Tableau 1 Vue sommaire du processus d’établissement des projections et de suivi

Nombre de fois Moment deActivité durant l’année l’année Remarques

1. Projection à moyen 2 Après la publication - réexamen de toutes les hypothèses etterme desComptes nationaux conventions

des 2eet 4e trimestres - horizon d’environ sept ans- analyse complète du point de départ

2. Mise à jour 2 Après la publication - réexamen de la plupart des hypothèsestrimestrielle desComptes nationaux- horizon d’environ deux ans

des 1eret 3e trimestres - analyse complète du point de départ

3. Réévaluation faite 4 Environ six semaines - horizon de trois trimestresau milieu du après la fin de la - évaluation des chocs non prévus autrimestre projection précédente cours de la projection précédente et

de leurs conséquences probables pourla politique monétaire

4. Suivi 52 Tous les vendredis - horizon de deux trimestres- évaluation de tous les renseignements

nouveaux et de leur effet cumulatifsur la projection précédente

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des projections, décrite ci-après, ne devrait guères’en trouver modifiée.

Chaque équation de comportement dumodèle comprend un terme d’erreur, dontl’évolution est déterminée par les spécialistessectoriels de façon intuitive ou à la lumière desprojections fournies par les modèles satellites.Ces hypothèses font l’objet de discussionsapprofondies entre les membres du personnel audébut du processus d’établissement desprojections. En dernière analyse, les projectionsfaites par le personnel ont un caractèreessentiellement probabiliste, et l’opinionconsensuelle, comme l’intervalle de confianceimplicite qui l’entoure, est le fruit d’un largeéventail de modèles économiques et d’opinionsdifférentes.

Une projection à moyen terme, ayant unhorizon de 6 ou 7 ans, est effectuée deux foisl’an, à l’automne et au printemps. On commencepar projeter l’évolution de l’économie dans lesprincipaux pays d’outre-mer et aux États-Unis.Les spécialistes sectoriels de l’économiecanadienne mettent ensuite à jour leursprojections des autres variables exogènes ainsique le profil d’évolution des termes d’erreur pourles équations du modèle qui relèvent de leurdomaine de compétence. Le sentier d’évolutionde référence de l’inflation et les profils projetésdes termes d’erreur étant donnés, l’équipechargée des projections calcule le sentierd’évolution des variables telles que les tauxd’intérêt, le taux de change et les agrégatsmonétaires M1 et M2 qui sera compatible avecles objectifs de la politique monétaire, sousréserve du jugement porté par le personnel. À cestade, on fait généralement passer le modèle parun processus itératif, au cours duquel lesspécialistes corrigent leurs hypothèses enfonction des effets des autres secteurs sur le leur

afin d’accorder le résultat final avec leur propreconclusion. Le personnel peut ensuite élaborerquelques scénarios de rechange afin d’illustrer lamarge d’incertitude entourant les projectionsainsi que l’importance des risques particuliersqu’ils ont cernés. Il peut par exemple faire varierdes hypothèses aussi cruciales que le niveauprésumé des cours mondiaux du pétrole et le tauxde croissance de la production potentielle, ouencore modifier certains coefficients clés dumodèle. La projection produit une gamme desentiers de croissance pour chacune des variablesmacroéconomiques clés qui, on l’espère, tientraisonnablement compte de l’incertitude quiaccompagne les modèles économiques et toutjugement éclairé. Lorsque les résultats desprojections sont présentés à la Haute Direction,celle-ci peut demander qu’on prépare encored’autres scénarios fondés sur des hypothèsesdifférentes en matière de politique monétaire oufaisant ressortir certains risques qu’elle jugeparticulièrement pertinents.

Les mises à jour des projections pour lecourt terme

Une projection est également établie chaquehiver et chaque été, mais elle est moinsapprofondie et porte sur un horizon plus court,soit de 7 à 9 trimestres. En combinant lesprojections à moyen terme faites tous les sixmois et les deux projections à court terme, onobtient un cycle de projection trimestriel, dontles dates sont déterminées par la publication desComptes nationaux des revenus et dépenses duCanada. La projection à court terme consisteessentiellement à générer un sentier d’évolutiondes taux d’intérêt (et des conditions monétaires)qui, de l’avis du personnel, est de nature àengendrer une évolution de l’inflation compatible

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avec les cibles de réduction visées8. Durant lestrois mois écoulés depuis la dernière projection,le personnel aura reçu de nouveaux chiffres pourtoutes les variables du modèle et les spécialistessectoriels auront réexaminé le profil des termesd’erreur. Une fois le nouveau point de départétabli, le personnel formulera alors pour toutesles variables de nouveaux scénarios, quicadreront, d’après lui, avec une évolutionappropriée de l’inflation, et il présentera ceux-cià la Haute Direction. Les risques repérables quipèsent sur la projection seront mis en relief aumoyen de scénarios de rechange.

Outre les projections à moyen et à courtterme soumises chaque trimestre à la HauteDirection, il convient de mentionner laréévaluation des projections à très court terme(pour les 2 ou 3 trimestres à venir) à laquelle onprocède vers le milieu de chaque trimestre aucours d’une réunion tenue à cet effet. En réalitédonc, les projections sont actualisées, de manièreplus ou moins approfondie, huit fois l’an.

L’exactitude des prévisions est certes utiledans ce contexte, mais ce qui compte davantagedu point de vue de la politique monétaire, c’estque la Banque du Canada réagisse aux erreurs deprévision et aux chocs imprévus de manière àramener l’économie sur une trajectoire quipermettra de nouveaux progrès vers la stabilitédes prix, tout en tenant convenablement comptede l’incertitude entourant les prévisions relativesà l’incidence de ces chocs. L’objet desprojections est de tracer des profils d’évolutionpossibles pour les conditions monétaires sur labase d’hypothèses déterminées en matière depolitique et de fournir un cadre comptable

8. Dans le document d’information publié sur les cibles deréduction de l’inflation, la Banque a signalé que, si un chocimportant devait se produire peu avant le prochain jalon sur latrajectoire cible annoncée, il pourrait se révéler impossibled’atteindre la cible au moment prévu; dans ce cas-là, la Banqueadopterait les mesures nécessaires pour ramener le taux d’inflationsur la trajectoire visée avant le jalon suivant.

commode permettant d’expliquer les écarts entreles nouvelles données publiées et les projectionset de repérer les chocs économiques.

Le suivi de l’évolution économique et le rôledes agrégats de la monnaie et du crédit

Même si les statistiques relatives à l’indice desprix à la consommation et à ses composantessont publiées rapidement (seulement deux outrois semaines après la fin du mois auquel elles serapportent), on observe un décalage appréciableentre les mesures prises par les autorités et leurseffets sur l’inflation; c’est pourquoi on ne peut secontenter de connaître l’ampleur de l’écart leplus récent entre l’inflation mesurée et le niveauvisé. Pour porter un jugement éclairé sur leréglage approprié des conditions monétaires, ilfaut aussi avoir une compréhension de lasituation économique actuelle qui permette deprévoir les facteurs susceptibles d’influer surl’économie au cours des 6 à 8 trimestres à venir.

Les projections faites par le personneldébouchent sur des trajectoires hypothétiquesque pourront suivre différentes variables, dont ladépense nominale, les taux d’intérêt, le taux dechange et les agrégats monétaires, compte tenudes cibles de réduction de l’inflation et del’évolution projetée de certaines variablesexogènes. Tout au long du trimestre, la Banquesuit un large éventail de données économiques defréquence supérieure (emploi, ventes au détail,logements mis en chantier, salaires, productivité,indices de prix divers, etc.) qui sont susceptiblesde la renseigner sur la situation fondamentale del’économie une fois interprétées dans le cadred’un modèle économique. Les spécialistessectoriels analysent ces données dès qu’ellesdeviennent disponibles en faisant largementappel à des modèles sectoriels et évaluent à quelpoint leurs projections antérieures s’écartent desvaleurs observées. Un suivi du PIB qui intègre

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les nouvelles données reçues pendant la semaineest présenté chaque vendredi à la HauteDirection. Cela vaut également pour lesprojections économiques relatives aux paysd’outre-mer et aux États-Unis.

L’évolution des agrégats de la monnaie et ducrédit fournit d’autres renseignements utiles.Étant donné le bruit que contiennenthabituellement les données mensuelles, onsuppose généralement que les écarts de cesagrégats par rapport à leurs valeurs projetées sontsurtout imputables à des modifications de larelation qui unit ces derniers à la dépenseglobale, peut-être en raison de certainschangements d’ordre institutionnel. Si, parcontre, un écart par rapport aux valeurs projetéesse révèle persistant et ne peut manifestement êtreexpliqué par une évolution des facteursinstitutionnels, il est de plus en plus probable queles données indiquent que soit la production, soitles prix (ou les deux) s’écartent eux aussi de latrajectoire projetée.

L’information véhiculée par les agrégats dela monnaie et du crédit est également exploitéesous un autre angle, complémentaire dupremier. Les recherches consacrées à cesagrégats montrent que leurs variations peuventnous renseigner sur l’évolution de la dépenseglobale et des prix. Le taux d’expansion de M1réel s’est notamment révélé un excellentindicateur avancé de la croissance de la dépenseréelle, tandis que le taux d’expansion de M2 estapparu comme un indicateur avancé du tauxd’inflation, M2 et M2+ comptant en outre parmiles meilleurs indicateurs contemporains de ladépense nominale9. Ces recherches ont

9. Voir Cockerline et Murray (1981), Hostland, Poloz et Storer(1987), Milton (1988) et Muller (1992). M2 est la somme de M1 etde tous les dépôts à préavis ainsi que des dépôts à terme desparticuliers dans les banques. M2+ comprend, outre M2, lesdépôts dans les institutions parabancaires, les rentes offertes parles compagnies d’assurance vie et les fonds mutuels du marchémonétaire.

débouché, entre autres choses, sur une série demodèles astructurels de forme réduite permettantde prévoir la production réelle, l’inflation ou ladépense nominale un ou deux trimestres àl’avance. Dès que les chiffres des agrégats de lamonnaie et du crédit sont connus, on se sert deces modèles indicateurs pour établir desprojections à court terme indépendantes dont lesspécialistes tiendront compte lors de laprojection suivante. En fait, ces modèlesastructurels peuvent indiquer à l’avance le sensprobable de l’erreur contenue dans lesprojections du personnel10.

La réaction aux chocs

On peut distinguer conceptuellement deux typesde chocs qui appellent une réorientation de lapolitique monétaire. Il se peut d’abord que lasituation fondamentale de l’économie change ouencore qu’elle n’évolue pas comme prévu,auquel cas les conditions monétaires existantesrisquent d’être incompatibles avec l’objectif àmoyen terme des autorités, la situationéconomique n’étant plus perçue de la mêmefaçon. La détection des chocs de ce type – ou, àtout le moins, la question de savoir si l’économieévolue ou non comme prévu – constitue bienentendu la raison d’être des activités de suividécrites précédemment. Une fois qu’un choc decette nature a été identifié, le personnel en évaluel’effet sur les projections et détermine si la tra-jectoire projetée des conditions monétaires est

10. Les nouveaux travaux entrepris dans ce domaine visentprincipalement à mettre au point des modèles assortis d’un horizonde prévision plus long. Plus précisément, on a constaté lorsd’études antérieures que M2 était le meilleur indicateur avancé del’inflation, mais que la plus forte corrélation était observée deuxtrimestres à l’avance. Étant donné que des cibles précises deréduction de l’inflation ont été adoptées, il serait plus utiled’essayer de tirer des données économiques et financièrescontemporaines de l’information avancée sur le taux d’inflation quis’établira 6 à 8 trimestres plus tard.

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toujours compatible avec les objectifs de labanque centrale. Là encore, il convient de noterque les projections faites par le personnel nereprésentent qu’un des éléments dont la HauteDirection de la Banque tient compte dans leprocessus de décision. Elle prend aussi en con-sidération les prévisions émanant d’organismesindépendants du secteur privé, les opinionsrecueillies dans ses contacts avec des gens del’extérieur ainsi que l’humeur des marchés finan-ciers et des marchés des changes. Si elle décidede modifier les conditions monétaires, elle orien-tera ses opérations sur le marché monétaire àcourt terme de manière à produire le changementsouhaité.

Le deuxième type de choc correspond à unemodification des conditions monétaires qui nes’accompagne, selon toute apparence, d’aucunemodification de la situation fondamentale del’économie. Un changement d’humeur pourraitpar exemple se produire de manière autonomesur le marché des changes et exercer despressions à la baisse sur la monnaie nationale.En pareilles circonstances, la Banque voudraréagir immédiatement, tant pour rétablir lesconditions monétaires au niveau jugé compatibleavec la situation économique et la cible deréduction de l’inflation que pour éviter lapossibilité d’une perte de confiance dans le dollarcanadien. Dans un premier temps, la Banqueinterviendra sur le marché des changes pourcontrer les effets du choc. Toutefois, si cedernier persistait, il deviendrait évident que lesinterventions de la Banque sur le marché deschanges ne suffiront pas à rétablir les conditionsmonétaires au niveau souhaité. Dans ce cas, laBanque entreprendra d’agir sur le niveau desliquidités dans le système en modifiant lesencaisses de règlement des institutionsfinancièresparticipant directement à la compensation, ce quiprovoquera une augmentation appropriée destaux d’intérêt. En fait, il arrive souvent que le

fléchissement du taux de change s’accompagnedès le départ de pressions à la hausse sur les tauxd’intérêt du marché. Quoi qu’il en soit, laBanque s’efforcera alors de porter graduellementles taux d’intérêt à un niveau qui permettra decompenser, grosso modo, les effets de lavariation du taux de change sur la demandeglobale, de manière à laisser les conditionsmonétaires à peu près inchangées, à la conditiontoutefois qu’aucun mouvement spéculatif n’aitpris de l’ampleur sur le marché des changes.

Il pourrait également arriver que despressions commencent à s’exercer sur le taux dechange par suite d’une modification des tauxd’intérêt réels aux États-Unis. On peutdistinguer trois cas de figure, même si en faitl’éventail des situations possibles forme uncontinuum dont ressortent ces trois cas limites.Dans le premier cas, une hausse des tauxd’intérêt américains pourrait résulter d’un chocexpansionniste de la demande globale aux États-Unis. Si la réaction des taux américains était denature à limiter les retombées sur la demandeglobale au Canada, on pourrait laisser les tauxcanadiens augmenter juste assez pour neutraliserl’effet expansionniste estimatif de la dépréciationdu dollar canadien. Une deuxième possibilitéserait une hausse des taux d’intérêt américainsprovoquée par une modification de la politiquemonétaire aux États-Unis – par exemple ladécision d’essayer de réduire le taux d’inflation –plutôt que par une réaction à une variation de lademande globale. Ce type de mesure pourraitavoir des répercussions sur la demande globaleau Canada et nécessiter un assouplissement desconditions monétaires canadiennes. Selon lamanière dont le dollar canadien réagirait à lamodification des écarts de taux d’intérêt,l’assouplissement requis pourrait être compatiblesoit avec une hausse, soit avec une baisse destaux d’intérêt au Canada. Enfin, on pourraitimaginer un choc exogène qui toucherait au

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même degré les économies américaine etcanadienne. Dans ce cas, dans la mesure où lesdeux économies réagissent habituellement de lamême façon aux variations de taux d’intérêt, onpourrait s’attendre à ce que ces taux évoluent demanière similaire des deux côtés de la frontière.

Il peut arriver que le taux de change soitsoumis à des pressions et que les conditionsmonétaires soient perturbées pour des raisonsclairement liées à une évolution fondamentale del’économie. Plus particulièrement, comme leCanada est un producteur et un exportateur deproduits de base, une hausse des cours mondiauxde ces produits pousserait normalement le dollarcanadien à la hausse. Comme le dollar devraitdans ce cas s’apprécier en termes réels peuimporte la réaction des autorités monétaires,toute tentative visant à compenser par une baissedes taux d’intérêt l’appréciation nominaleenregistrée exercerait des pressions à la haussesur les prix intérieurs. Il est possible que, dansun cas de ce genre, une analyse approfondierévèle qu’aucune variation – ou une variationmineure seulement – des taux d’intérêt n’estnécessaire pour maintenir la trajectoire souhaitéeà moyen terme.

CONCLUSION

Nous avons présenté, dans les pages quiprécèdent, une vue d’ensemble du cadre danslequel la politique monétaire est actuellementmenée au Canada. Le but de la politiquemonétaire est l’élimination graduelle del’inflation. Le cadre utilisé s’inspire d’uneconception traditionnelle du mécanisme detransmission de la politique monétaire en régimede taux de change flottants, selon laquelle lapolitique monétaire agit par le jeu des variationsdes taux d’intérêt et du taux de change et influe

sur les agrégats monétaires, la dépense globale etles prix avec un décalage appréciable. Lastratégie qui a été adoptée concilie la nécessité demener une politique prospective avec les risquesinhérents à l’utilisation de projections fondéessur des modèles économiques et surl’appréciation de spécialistes. La Banque faitappel à des projections économiques pourtraduire ses objectifs en trajectoires visées pourles instruments de politique monétaire et recourtà divers indicateurs économiques et financiers,notamment aux agrégats monétaires, pour suivreles progrès réalisés et déterminer quandintervenir. Le processus d’établissement desprojections et de suivi constitue un mécanismeformel qui permet de faire connaître à la HauteDirection les opinions du personnel sur lesperspectives économiques et facilite l’examendes options qui s’offrent à la Banque quand uneévolution imprévue menace les objectifs ultimesqu’elle vise. En fin de compte, le cadre utilisépour la conduite de la politique monétaire est uncadre pragmatique; il ne repose pas sur desimples règles, mais bien sur un processusd’approximations successives ayant pour pointd’ancrage une volonté ferme d’instaurer lastabilité des prix à long terme.

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INTRODUCTION

Je remercie laToronto Association for Businessand Economics et la Treasury ManagementAssociation of Toronto pour l’invitation qui m’aété faite de prendre la parole devant vousaujourd’hui. Au cours de la dernière année etdemie, la Banque du Canada a apportéd’importants changements à la façon dont ellemet en œuvre la politique monétaire et intervientsur les marchés financiers. Compte tenu de votreactivité sur ces marchés et de l’intérêt que vousportez à la question, il est tout à fait approprié etopportun que je traite de ces changements avecvous.

Toutefois, avant d’aborder la question desopérations de mise en œuvre de la politiquemonétaire, je voudrais commencer par attirervotre attention sur un aspect de plus en plusimportant du cadre général dans lequel la Banqueopère, soit la transparence. La Banque amultiplié les mesures propres à rendre ses actionsplus transparentes parce qu’il est de plus en plus

admis que la transparence va de pair avec lacrédibilité et l’efficacité des politiques. Notreengagement à accroître la transparence de nosactions s’est traduit notamment parl’introduction de cibles précises de maîtrise del’inflation, par la propagation du concept deconditions monétaires, par la façon dont nousévaluons celles-ci et par la publication, deux foispar an, duRapport sur la politique monétaire.Une plus grande transparence caractérise aussinos rapports avec les marchés financiers, et c’estde ce sujet que je veux traiter aujourd’hui.

Nous avons adopté toutes ces mesures dansle but de réduire l’incertitude qui entourait nosobjectifs, notre perception de l’évolutionéconomique et financière et nos actions. Ainsi,par ricochet, tous les agents économiques – lesinvestisseurs, les courtiers, les consommateurs,les travailleurs et les entreprises – comprendrontnotre point de vue, ce qui devrait augmenter leschances que les attentes du marché et les nôtresconcordent.

Les opérations de la Banque du Canadasur les marchés financiers

Tim Noël

Texte publié initialement dans la livraison de l’hiver 1995-1996 dela Revue de la Banque du Canada

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138 LA TRANSMISSION DE LA POLITIQUE MONÉTAIRE AU CANADA

LA NATURE ET LE BUT DU NOUVEAU

MODE D’INTERVENTION SUR LES

MARCHÉS

Voyons maintenant ce qu’il y a de nouveau dansla façon dont la Banque mène ses opérations surles marchés financiers. Lorsque j’ai été nommésous-gouverneur à la Banque du Canada en1994, j’ai reçu comme responsabilité lasupervision des opérations sur les marchésfinanciers et de gestion de la dette. Pour lapremière fois, les opérations de la Banque sur lesmarchés financiers intérieurs et internationauxrelèvent d’un seul sous-gouverneur et, depuisaoût, ces deux secteurs ont été regroupés au seindu nouveau département des Marchés financiers.Les salles où sont menées les opérations sur lesmarchés intérieurs et les marchés internationauxseront réunies. La décision de regrouper cesactivités a été prise non parce que nous venionssoudainement de nous rendre compte des liensqui unissent ces marchés, mais parce que nousespérons, par ce changement, améliorer lescommunications internes et explorer lespossibilités de réduire les coûts.

À la réorganisation de nos opérations sontvenus s’ajouter, depuis un an environ, deschangements majeurs dans nos méthodesd’intervention sur les marchés intérieurs etinternationaux. Cette évolution traduit à la foisnotre volonté de rendre nos opérations plustransparentes et la reconnaissance de notre partdes liens importants qui existent entre ces deuxmarchés. Je voudrais maintenant aborder nosactivités sur le marché des changes.

L’an dernier, la Banque a entrepris unexamen des opérations de change qu’elleeffectue au nom du gouvernement. Avecl’accord du ministère des Finances, nous avonsannoncé certains changements propres à

accroître l’efficience et l’efficacité desinterventions officielles sur le marché deschanges. L’objectif fondamental de nosinterventions reste de veiller à ce que les marchésfonctionnent de façon ordonnée dans le contexted’un régime de taux de change flottant. Par lepassé, la poursuite de cet objectif a eu tendance ànous amener à intervenir fréquemment dans lebut d’atténuer les tendances du marché. Ainsi,nous sommes intervenus même lorsque lesvariations du taux de change ne faisaient querefléter les facteurs économiques fondamentauxet restaient relativement modérées. Étant donnéla forte croissance du marché du dollar canadienet l’accroissement tout aussi important de saprofondeur et de sa liquidité ces dernièresannées, nous avons estimé qu’il était temps demodifier nos modes d’intervention. Maintenant,nous intervenons généralement moins souvent,mais plus vigoureusement. Il s’agit de faire faceaux fortes variations à court terme du dollar quisont susceptibles de se transformer enmouvements désordonnés, et non aux variationstendancielles progressives tenant à l’évolutiondes facteurs fondamentaux de l’économie.

Par ailleurs, les interventions sur le marchédes changes pourraient être coordonnées plusétroitement avec les opérations que nous menonssur le marché monétaire canadien lorsqu’oncraindra que la faiblesse de la monnaie ne s’auto-alimente. Il importe de faire remarquer toutefoisque, dans des circonstances plus normales, lesinterventions sur le marché des changesne sontpas coordonnées avec les opérations menées surle marché monétaire intérieur. Comme je l’aidéjà déclaré, elles visent à préserver le bonfonctionnement des marchés.

Je voudrais maintenant aborder la questiondes opérations que mène la Banque du Canadasur les marchés monétaires au Canada. Notrecapacité d’agir directement sur les taux d’intérêtà un jour a toujours été l’outil clé que nous

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139TIM NOËL

utilisons dans ces opérations. L’innovationmajeure, lancée en juin 1994, a été l’instaurationd’une fourchette cible des taux du financement àun jour. Il s’agit là d’un important changement,puisque la Banque a remplacé le taux des bonsdu Trésor à trois mois par celui des fonds à unjour comme objectif opérationnel à court terme.Auparavant, le contrôle que nous exercions surles réserves du système bancaire et les opérationsd’open market que nous menions sur le marchédu financement à un jour nous permettaientd’influencer les taux à un jour de telle manièreque nous étions en mesure, en tenant égalementcompte des achats ou des ventes de bons duTrésor, de fixer avec assez de précision le niveaudu taux des bons du Trésor à trois mois. Parl’entremise de l’effet qu’elles avaient sur lesanticipations, les mesures que nous prenionsalors agissaient sur toute la courbe desrendements et le taux de change et, partant, surles conditions monétaires globales.

La raison première qui explique l’adoptiond’une nouvelle cible opérationnelle est le fait quele taux à un jour est celui que la Banque peutinfluencer le plus directement. Par conséquent,les mesures que nous prenons pour maintenir cetaux à l’intérieur d’une fourchette de variationdonnée, ou pour modifier la fourchette, devraientêtre plus faciles à comprendre et à interpréter parles opérateurs. C’est grâce aux liens très fortsqui unissent le taux à un jour et l’ensemble destaux à court terme sur le marché que nous avonspu procéder à ce changement de cible. Je doisaussi faire remarquer que l’adoption defourchettes opérationnelles pour le taux à un joura donné lieu entre autres à une baisse de volatilitéde ces taux et à des oscillations un peu plusgrandes du taux à trois mois.

Avant d’aborder la description de nosactivités sur les marchés financiers intérieurs, jesouligne le fait que, même si la cible principalede nos opérations sur le marché monétaire

intérieur a changé, les outils que nous utilisonsrestent quant à eux les mêmes. Ces outils sontsurtout la gestion des soldes de règlement que lesinstitutions financières tiennent à la Banque duCanada, ensuite les opérations à réméré, soit lesprises en pension spéciales et les cessions enpension, et enfin les achats et ventes ordinairesde bons du Trésor que nous faisons à l’occasion.

LES OPÉRATIONS DE MARCHÉ DE LA

BANQUE DU CANADA

Je vais maintenant vous décrire notre mécanismed’intervention compte tenu de l’accent plusgrand qui est mis sur le taux du financementà un jour. La Banque du Canada visequotidiennement un taux des fonds à un jour sesituant à l’intérieur de la fourchette de 50 pointsde base. Le mécanisme des tirages et des dépôtsquotidiens est utilisé pour faire en sorte que letaux à un jour oscille autour du taux ciblequotidien. Pour éviter que la Banque ne soitobligée de recourir inutilement à de fréquentesopérations à réméré destinées à maintenir le tauxà l’intérieur de la fourchette, le taux ciblequotidien ne se situe généralement pas aux pointsextrêmes de la fourchette. Toutefois, danscertaines circonstances, il peut arriver que nousmaintenions ce taux très près de la limitesupérieure ou inférieure de la fourchette durantun certain nombre de jours, comme premièreétape menant à l’augmentation ou à la réductionéventuelle de la fourchette.

En tâtant ainsi le terrain, la Banque peutévaluer les réactions du marché à l’égard desrépercussions qu’une variation de notrefourchette pourrait avoir sur d’autres tauxd’intérêt et sur le taux de change. Permettez-moid’ajouter que, de façon générale, les points de

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140 LA TRANSMISSION DE LA POLITIQUE MONÉTAIRE AU CANADA

vue des opérateurs nous tiennent à cœur. De fait,nous cherchons à obtenir du marché, à la fois pardes contacts directs et par les prix des actifsfinanciers, un point de vue indépendant. À cetégard, nous espérons que nos nouvellesmodalités de fonctionnement fournissent auxopérateurs un cadre plus clair dans lequel ilspeuvent nous faire savoir ce qu’ils pensent denos opérations.

La Banque intervient au besoin de manière àce que la plupart des opérations sur le marché desfonds à un jour se concluent à des taux se situantà l’intérieur de la fourchette. Lorsque le taux àun jour commence à s’établir de façonpersistante au-delà de la limite supérieure de lafourchette, la Banque injecte temporairement desliquidités dans le système en concluant des prisesen pension spéciales. En revanche, lorsqu’ilsemble que ce taux est sur le point de tomber endeçà de la limite inférieure de la fourchette cible,nous offrons des cessions en pension, ce qui apour effet de siphonner temporairement lesliquidités du marché des fonds à un jour.

Il importe de remarquer que certainesopérations peuvent se conclure sur le marché desfonds à un jour à des taux s’établissant àl’extérieur de la fourchette sans pour autant quenous n’intervenions. Notre but est d’en arriver àun taux quotidien moyen se situant à l’intérieurde la fourchette. Par conséquent, des cas isolésoù des opérations sont menées à des taux endehors des limites de la fourchette neprovoqueront probablement pas une interventionde la Banque du Canada. De nombreux autresfacteurs, tels que l’ampleur et la concentrationdes besoins de financement, le temps écoulédepuis la dernière intervention le même jour etles perspectives de retour des taux dans leslimites de la fourchette, sont pris en comptelorsque nous déterminons s’il convientd’intervenir ou non.

La modification de la fourchette de variationdu taux du financement à un jour constitue unévénement très important pour la Banque et pourle marché. Elle peut indiquer que la Banquesouhaite changer la trajectoire des conditionsmonétaires afin de la rendre compatible avec lescibles de réduction de l’inflation. Ou bien, aprèsl’établissement du cours du dollar canadien à unnouveau niveau, que la Banque cherche àrééquilibrer l’indice des conditions monétaires,qui est composé du taux d’intérêt et du taux dechange, de manière à ce que les conditionsmonétaires globales retrouvent leur niveauantérieur. Ou encore qu’une modification de lafourchette contribuerait à apaiser les marchés enface d’événements inattendus.

Les changements de fourchette sontcommuniqués au marché aussi rapidement etclairement que possible, par le truchement deprises en pension spéciales ou de cessions enpension effectuées au nouveau taux applicable.Par souci d’efficacité de la communication, laBanque offre de conclure des opérations aunouveau taux une fois la décision de modifier lafourchette prise, quel que soit le niveau du tauxdu financement à un jour en vigueur. Les agentsagréés du marché monétaire et les grandesbanques transmettent presque instantanément aureste du marché la nouvelle d’un changement defourchette.

L’heure à laquelle la modification de lafourchette a lieu dépend de ce que la Banquecherche à accomplir. Les modifications effectuéespour tenir compte des facteurs fondamentaux del’économie ou pour rééquilibrer les conditionsmonétaires surviennent généralement vers 9 heures.Celles qui visent à apaiser les marchés peuventquant à elles survenir n’importe quand dans lajournée.

Même si notre mode d’intervention pencheplus vers le taux à un jour, nous utilisons encoreà l’occasion un autre outil dont nous disposons, à

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141TIM NOËL

savoir les achats ou les ventes de bons du Trésor,conclus généralement dans le but d’atténuer lesvariations de l’ensemble des taux d’intérêt àcourt terme. Nous intervenons maintenant defaçon générale moins souvent sur le marché desbons du Trésor que par le passé.

Le taux officiel d’escompte‚ étant toujourslié au taux des bons du Trésor à trois mois, laBanque demeure sensible aux variations rapidessur ce marché. Mais fait plus important encore,le taux d’intérêt utilisé dans l’indice desconditions monétaires est un taux à trois mois.La Banque peut ainsi continuer à avoir uneopinion au sujet du rythme d’évolution des tauxdu marché monétaire même si elle ne croit pasnécessaire ou approprié de modifier sa fourchettepour le taux à un jour. En conséquence, il peutarriver que la Banque vende des bons du Trésoret offre en même temps des prises en pensionspéciales de manière à maintenir le taux à un jourdans la fourchette. Il ne faut voir là aucunecontradiction, mais plutôt le souhait detransmettre deux messages, dont le plusimportant est la stabilité de la fourchette. C’estdans ce contexte que la Banque du Canadaa annoncé, dans un communiqué publiérécemment, qu’elle ne limiterait plus sesinterventions à un seul taux durant l’intervallequi sépare les adjudications hebdomadaires, maisplutôt aux taux pratiqués sur le marché. Celamontre encore plus que la Banque est disposée àlaisser le taux à trois mois évoluer selon lesforces du marché.

Je dois dire que notre nouveau moded’intervention n’a pas été arrêté du jour aulendemain. En effet, tous ses aspects n’étaientpas encore décidés lorsque nous avons introduitle concept de la fourchette cible. Par exemple,au début, la Banque ne signalait de modificationde la fourchette par le truchement des prises enpension spéciales ou des cessions en pension quelorsque les taux à un jour menaçaient de sortir

des limites de la nouvelle fourchette. Notredémarche actuelle est plus compatible avec notreobjectif de transparence.

Avant de conclure, j’aimerais souligner deuxphénomènes qui entraîneront d’autreschangements à la façon dont nous intervenonssur les marchés. Le premier est la prise encharge, au cours des prochains mois, dutraitement des bons du Trésor par le système decompensation des titres d’emprunt (SECTEM)de La Caisse canadienne de dépôt de valeurslimitée (CDS). La croissance attendue dumarché des pensions portant sur des bons qui enrésultera pourrait nous amener à inclure dans noscalculs du taux officiel de financement à un jourle taux à un jour général des opérations depension.

Le second phénomène, et le plus important,est la mise en place d’un système de transfert depaiements de grande valeur (STPGV) quifournira la finalité de règlement en temps réel.Ce système, qui devrait commencer àfonctionner en 1997, aura une grande incidencesur la façon dont nous procéderons pourinfluencer les taux à un jour. Nous avonsl’intention de discuter avec les opérateurs desmarchés financiers des changements que nouspourrions apporter au mode de conduite de lapolitique monétaire dans le cadre d’un STPGV,peut-être d’ici la fin de l’année. Ceschangements pourraient entre autres amener laBanque à décider de ne plus lier le taux officield’escompte à celui des bons du Trésor à troismois, mais plutôt à quelque chose touchant plusdirectement nos opérations de politiquemonétaire. On pourrait ainsi, par exemple,porter le taux d’escompte à la limite supérieurede la fourchette cible. Lorsque nouscomprendrons mieux la nature des nouvellestechniques à mettre à contribution dans le nouvelenvironnement, il est possible que nous

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142 LA TRANSMISSION DE LA POLITIQUE MONÉTAIRE AU CANADA

envisagions de procéder à certains changementsavant même la mise en place du STPGV.

CONCLUSION

En guise de conclusion, je voudrais réaffirmerl’engagement de la Banque à opérer avec plusd’ouverture et de transparence en matière depolitique monétaire. Cet engagement se reflète àla fois dans le plus grand accent mis sur descommunications efficaces et dans leschangements apportés au mode de conduite de lapolitique monétaire par l’entremise des marchésfinanciers. Il n’y a pas de doute que d’autreschangements surviendront au fil du temps. À cetégard, je vous assure que nous continuerons deconsulter le marché de manière à rendre ceschangements le plus efficaces, clairs etcompréhensibles possible. En recherchant uneplus grande transparence dans la mise en œuvrede sa politique monétaire, la Banque veut faireen sorte que ses actions soient bien comprises parles opérateurs. De cette façon, les marchéspourront évaluer plus facilement la compatibilitéde nos opérations avec les cibles de maîtrise del’inflation fixées sur la voie menant à la stabilitédes prix.