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Le plus ancien magazine bancaire du monde. Depuis 1895. 6 / 2012 La Suisse – les secrets de sa réussite Exclusif : Baromètre des préoccupations 2012 Joshua Peter, 17 ans, Altikon ZH, forestier- bûcheron, 2 e année « La surpopulation m’inquiète. Un jour, tout le territoire sera recouvert de constructions. Malgré tout, nous devrions aider les pays en difficulté. C’est aussi dans notre intérêt. »

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Page 1: La Suisse – les secrets de sa réussite...Page 2 3 Ian Goldin L’ancien vice-président de la Banque mon-diale et professeur d’économie à Oxford est considéré comme l’une

Le plus ancien magazine bancaire du monde. Depuis 1895.

6 / 2012

La Suisse – les secrets de sa réussiteExclusif : Baromètre des préoccupations 2012

Joshua Peter, 17 ans, Altikon ZH, forestier-

bûcheron, 2e année

« La surpopulation m’inquiète. Un jour, tout

le territoire sera recouvert de constructions.

Malgré tout, nous devrions aider les pays en

diffi culté. C’est aussi dans notre intérêt. »

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100 — Bulletin 6 / 2012

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Bulletin 6 / 2012 — 1

— Editorial —

A peine 47 pages, et pourtant cet ouvrage a marqué le débat politique et social de toute une génération. « Helvetisches Malaise » (Le malaise helvétique) a été publié en 1964 par

Max Imboden, spécialiste du droit public. Ce citoyen indépendant y déplorait la baisse de productivité de l’Etat, la timidité réformiste et une chute de la participation des citoyens dans le processus poli-tique. Pendant des décennies, le « malaise helvétique » était un concept connu. Plus encore, il refl était l’esprit du temps. Tout comme « Unbehagen im Kleinstaat » (Malaise dans le petit Etat) écrit par le philologue libéral-conservateur et colonel d’état-major Karl Schmid ou « Discours à l’étroit » de l’écrivain Paul Nizon.

Aujourd’hui, il n’en reste rien. Près de cinquante ans plus tard, au cœur d’une des périodes économiques les plus précaires depuis des générations, les Suisses n’ont jamais

été aussi fi ers de leur pays, comme en témoigne le dernier Baro-mètre des préoccupations du Credit Suisse. Encore plus étonnant : malgré la crise, neuf Suisses sur dix pensent que les années à venir seront au moins aussi bonnes qu’aujourd’hui. Autre fait intéres-sant : les inquiétudes principales soulignées par le Baromètre des préoccupations sont le chômage, l’immigration et la prévoyance vieillesse, soit les mêmes que celles exprimées dans le dernier Ba-romètre de la jeunesse du Credit Suisse. Au milieu de ce numéro, vous trouverez un résumé détaillé de cette enquête (conduite pour la 36e fois cette année).

Nous avons profi té du Baromètre des préoccupations pour nous intéresser à la Suisse, en essayant de comprendre pourquoi le pays se porte mieux que les autres sur les plans

économique et politique. Nous avons discuté avec un psychana-lyste de la grande peur des Suisses de perdre leur emploi. Nous avons interrogé de jeunes responsables étrangers, prisés dans le monde entier, à propos de leur vie en Suisse. Nous avons demandé à un historien de nous citer les événements historiques – au-delà de 1291 et de Guillaume Tell – qui ont réellement fait de la Suisse ce qu’elle est aujourd’hui. Enfi n, nous dévoilons comment des pho-tographes étrangers de renom voient notre pays. Nous vous sou-haitons une excellente lecture, et espérons que vous en apprendrez encore plus sur la Suisse ! Saviez-vous qu’il existe un canton sans feux de signalisation ni taxe de stationnement ?*

La rédaction

* Réponse en page 71

La Suisseconfi ante

1 Gerd Habermann

Le philosophe économiste et professeur

honoraire à l’université de Potsdam se quali-

fi e lui-même d’« Allemand libéralo-cosmo-

polite et patriote ». Pour lui, la petite Suisse

est un grand modèle. Il décrit sept facteurs à

l ’origine de la réussite politique et écono-

mique du pays. Page 14

2 Linus Bill

Linus Bill, un nom incontournable de la

photographie récente en Suisse. Ses photos

d’art sont de grandes abstractions hautes en

couleur qu’il présente déjà dans de nom-

breuses expositions. L’artiste biennois a invité

le Bulletin dans son atelier : au gré de ses

voyages à travers la Suisse, il fait le portrait

des gens qu’il croise dans la rue. Page 2

3 Ian Goldin

L’ancien vice-président de la Banque mon-

diale et professeur d’économie à Oxford est

considéré comme l ’une des sommités en

matière de mondialisation et d’immigration.

Le Sud-Africain de naissance explique pour-

quoi les immigrants sont un bienfait pour

la croissance économique en Europe et aux

Etats-Unis. Page 38

4 Th omas Maissen

L’historien de Bâle, qui enseigne à Heidel-

berg dans l’une des universités les plus pres-

tigieuses d’Europe, a écrit il y a deux ans un

best-seller avec « Geschichte der Schweiz »

(Histoire de la Suisse). Pour le Bulletin, il

décrit les dix événements les plus importants

qui ont fait de la Confédération, la Suisse.

Page 76

Dans ce numéro :

4

1

2

31

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Ma Suisse ?Cet automne, le Bulletin a parcouru tout le pays, de Bâle à Lugano et de Walzenhausen à Montreux, pour connaître les préoccupations et les espoirs des Suisses. Qu’incarne la Suisse pour vous ? Quels sont ses atouts et ses faiblesses ? Quels sont les principaux problèmes que rencontre le pays ? Etes-vous fi er d’être suisse ? Aujourd’hui, qu’est-ce qui menace l’identité suisse ? Portraits et témoignages sur l’état d’esprit actuel.

Enquête d’Oliver Demont, photos de Linus Bill

Corinne Rechsteiner, 21 ans, Walzenhausen AR,

vendeuse itinérante de barbe à papa

« Après sept mois passés en Australie et en Inde,

je me rends compte que notre pays est vraiment sûr.

Ecrivez aussi que le chocolat blanc de M-Budget

est le meilleur qui soit. »

Luzia Kupferschmid, 42, Papeterieverkäuferin, Zug

«Dae ni volupti blabo. Intis abor am, aliquameste

con posti isblaboabo. Intis abor am, rerchil oris

abor am, aliquam con num que corestoal» 150 Z

Th omas Effl er, 38 ans, Berne, infi rmier diplômé

« Originaire de Bavière, je suis là depuis un an et je dois

dire que vous êtes vraiment bons. Vous disposez de

votre monnaie, êtes votre propre chef et fi ers de vos

paysages naturels. La Suisse est un îlot au milieu de

l’UE. Mais j’imagine que dans les prochaines années,

elle devra parfois aussi se mouiller les pieds. »

Stefania Aquilino, 17 ans, Brigue VS, spécialiste en

information et documentation à la médiathèque de Brigue

« Ce que la Suisse doit conserver : l ’écoute de l’autre et

le sens du compromis. Cela fait partie de son ADN. »

Njie Abubacarr, 34 ans, Genève, étudiant en hôtellerie

« La Suisse est l ’un des endroits les plus sûrs au monde ;

beaucoup de gens l’oublient. Ce que j’apprécie dans

ce pays et qui contribue à sa réussite, c’est que les Suisses

ne font pas que parler, ils agissent. Ce sont des travail-

leurs, calmes et précis. »

Glenn Jones, 20 ans, Sursee LU, étudiant en droit

« Un verre d’eau du robinet sans chlore, voilà ce qu’est

la Suisse pour moi. Mais elle pourrait bien avoir

un arrière-goût amer si nous continuons d’exploiter la

nature de façon aussi démesurée, comme si nous

possédions les ressources de la Russie ou du Canada. »

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Antonietta Wyss, sexagénaire, Zurich, femme au foyer

« La vie en Suisse off re la plus belle combinaison au

monde de sécurité, de prospérité, de discipline,

de liberté et d’ouverture. Comment je le sais ? Je viens

de Sicile. »

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Asif Maqbool, 31 ans, Bâle, employé de service

à la Kunsthalle Basel

« Je suis arrivé ici il y a huit ans. Aujourd’hui, la Suisse

est ma seconde patrie. Ce pays est bon pour ceux qui,

comme moi, se donnent du mal et sont prêts à prendre

leurs responsabilités. Trop de personnes qui viennent

ici ne s’en rendent pas compte. C’est dommage. »

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Marcelina Fliri, 43 ans, Wildhaus SG,

gérante de « Fliri Arvenmöbel » et femme au foyer

« En Suisse, l ’attirance pour l’argent prend aujourd’hui

des proportions inquiétantes. Du coup, la pression

augmente dans tous les domaines. Lorsque quelqu’un

commande un meuble en pin cembro, il faudrait qu’il

soit livré le lendemain. »

Dima Katsiuba, 25 ans, originaire de Minsk, étudie la

psychologie à Berlin et se rend régulièrement en Suisse

« Les inquiétudes des Suisses ? C’est amusant d’entendre

cela. L’abondance dans laquelle ils vivent doit générer

une peur liée à la perte de leurs possessions. »

Hugo E. Studer, 76 ans, Berne, commerçant

« Pourquoi ce pays est-il si génial ? Parce qu’ici,

mon opposant politique a pu proposer Simonetta

Sommaruga et Alain Berset, les deux meilleurs

conseillers fédéraux qui soient. »

Assad Schahpari, 70 ans, Th oune BE, marchand

de tapis persans

« La Suisse ? Je remercie Allah de m’avoir envoyé

au paradis avant l’heure. »

Naomi Bucher, 18 ans, Meiringen BE, apprentie

mécanicienne deux-roues

« La Suisse est depuis longtemps un pays en paix.

Peut-être devrions-nous mesurer notre chance

et prendre conscience de la souff rance endurée par

ceux qui viennent de régions en guerre. »

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Benjamin Flacher, 32 ans, Herdern TG,

agriculteur

« Notre avenir me préoccupe : hausse des prix,

baisse des salaires. »

Beatrice Pulfer, 65 ans, Bienne BE, commerçante,

présidente de la Fédération biennoise des jardins familiaux

« C’est délicat à dire, mais beaucoup d’étrangers n’ont

que faire de nos règlements. Allez faire un tour dans les

jardins, vous verrez ! »

Alison Berney, 11 ans, Poliez-le-Grand VD, écolière

« Ce qui me dérange, c’est notre rapport aux animaux

et la façon dont beaucoup de Suisses se laissent

aller concernant leur façon de s’habiller. Un jour,

j’organi serai un défi lé de mode dans une ferme. »

Ida Fassbind, 70 ans, Ilanz GR, religieuse dans

un couvent dominicain

« J’aime la Suisse. Mais nous devons veiller à ne pas

creuser les inégalités sociales, car cela porterait

atteinte à la communauté, c’est-à-dire à son essence.

Aussi devons-nous nous rappeler, dans le débat actuel

sur le droit d’asile, que beaucoup de Suisses ont

dû émigrer en raison de la pauvreté dans les années

1940 et 1950. »

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Anna Zesewitz, 28 ans, Saint-Gall, interne à l’hôpital

cantonal de Saint-Gall

« Ce qui me motive dans mon travail ici, c’est la

collaboration constructive entre les unités de forma-

tion et de recherche et les praticiens. Comparé à

l ’Allemagne, d’où je viens, le personnel soignant a plus

de responsabilités et on le consulte sur de nombreuses

décisions. »

Jocelyne Liechti, 45 ans, Corseaux VD, infi rmière

« Mon travail à l ’hôpital m’amène à penser qu’il

nous faut redoubler d’eff orts en matière d’intégration,

mais en fi xant des règles claires. »

Hans Humm, 68 ans, Trun GR, charpentier,

contremaître, cultivateur amateur

« Nous sommes face à trois problèmes : l ’étranger

convoite nos réserves d’eau, les adultes couvent les

jeunes et le pays sera bientôt surpeuplé. Ce n’est pas

avec les ‹ Neinsager › que cela va s’arranger. »

Sandra Jacot, 45 ans, Montreux VD, secrétaire

médicale, actuellement employée de service

« Les plus âgés travaillent à perpétuité et les jeunes ne

trouvent pas d’emploi : c’est une bombe à retardement.

En attendant, je suis comme un papillon qui vole à

travers la vie avec insouciance. »

Lina Krilaviciute, 22 ans, Sedrun GR, employée

dans un hospice du col de l ’Oberalp, utilisatrice

occasionnelle de chasse-neige à fraise

« Etrangers, apprenez la langue ! Les Suisses – qui sont

en fait très agréables et pacifi ques – vous ouvriront leur

porte. »

Anton Kocher, 72 ans, Soleure SO, retraité

« La Suisse doit continuer de faire son chemin seule. »Marco Stricker, 24 ans, Tegna TI, paysagiste

« Ma génération ne peut plus compter sur l’AVS.

Je me suis déjà fait à l ’idée de travailler bien après

mes 65 ans. »

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Edwin Habermacher, 60 ans, Stans NW, commerçant

de détail dans le secteur des articles de sport

« La Suisse est un bijou sur cette Terre, un pays de

cocagne. Mais le danger guette, c’est pourquoi nous

devons agir intelligemment. A bas les politiques

entêtés et les ‹ Neinsager › ! Il nous faut des Machiavel

qui aient le courage d’apporter le meilleur au pays. »

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Nemo Mettler, 13 ans, Bienne BE, élève et acteur

dans une comédie musicale

« Les gens ici sont maniaques et bizarres. Par exemple,

quand ils courent entre les rayons de la Migros ou

de la Coop en se répétant : ‹ Je dois encore acheter ci et ça. ›

Ce qui m’inquiète, c’est la sécurité des centrales

nucléaires et des banques. »

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Riem Ibrahim, 25 ans, Bâle, étudiante en master en

design graphique à la Haute école de conception et d’art

« On ne m’a encore jamais fait de commentaire

désobligeant sur mon foulard. C’est certainement

parce que je suis dans un milieu créatif, donc plus

ouvert. La Suisse est excellente en design graphique.

Les Suisses peuvent être fi ers de cette tradition et de

leurs prestations dans ce domaine. En Egypte, une

conception graphique de qualité nous fait cruellement

défaut. Je me réjouis donc de retourner un jour dans

mon pays avec un tel bagage. »

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Pour savoir ce qui préoccupe le reste de la

Suisse, rendez-vous à la page 43 pour consul-

ter le Baromètre des préoccupations.

Pascal Rickenbacher, 31 ans, Olten SO, technicien

support informatique

« La Suisse est une vieille dame démodée, relativement

intègre et dotée d’un bon tempérament. J’espère

qu’elle se rendra compte à temps que ses amis sont sur

le point de prendre leurs distances. »

Françoise Moufi d, 48 ans, Vevey VS, femme de ménage

« On dit que la Suisse est un pays riche. Mais ce

n’est pas vrai. La pauvreté se niche dans les villages

à la campagne et dans les montagnes. »

Regina Ehlers, 67 ans, Lugano TI, esthéticienne

« Mon mari suisse et moi avons été cambriolés plusieurs

fois en France. Lorsqu’au fi nal notre maison a été

entourée de grilles et de protections, nous nous sommes

dit : ‹ Partons vivre en Suisse. › C’est un pays très sûr

et je suis contente d’y vivre. Cela me fait sourire quand

je vois des Suisses à l ’aéroport brandir leur passeport

comme un bouclier, c’est mignon. »

Fabio Fernandes, 22 ans, Payerne VD, commerçant

« J’ai été heureux que des gens m’aident quand je

suis  arrivé du Cap-Vert. Je dois beaucoup à la Suisse.

Merci. »

Pier Giorgio Michel, 74 ans, Lugano TI, propriétaire

du magasin d’optique Ottico Michel

« La Suisse n’est pas aussi libre que tout le monde

le dit. Les impôts sont trop élevés. Et nous n’allons

pas pouvoir maintenir le niveau des salaires. »

Skinny (22 ans) et Johnny (la trentaine), Th oune BE, rockers

Skinny : « La seule menace pour la Suisse, c’est la musique électronique. »

Johnny : « Cela nous ferait du bien aussi de nous ouvrir à des formes de vie

complètement diff érentes. »

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12 — Bulletin 6 / 2012

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Bulletin 6 / 2012 — 13

— Sommaire —

14 La recette du succès

Sept raisons qui font de la

Suisse l’un des pays les plus

prospères du monde.

20 Le défi du franc fort

Une entreprise exportatrice de

Morges au cœur de la tempête

monétaire.

21 Swisslist (1/4) – Records

22 Nous, les bâtisseurs de ponts

Le secret de la réussite des

pionniers suisses.

28 « Les certitudes fondent

comme neige au soleil »

La hantise du chômage

analysée par le psychanalyste

Mario Erdheim.

32 Mutation du marché du travail

Créations et suppressions

de postes.

34 Pourquoi nous sommes ici

De jeunes cadres étrangers

parlent de leur expérience

d’expatriés.

37 Swisslist (2/4) – Inventions

38 Immigration – malédiction

ou bénédiction ?

Frontières hermétiques ou libre

circulation : quel équilibre ?

43 Baromètre des préoccupations

du Credit Suisse 2012

L’état d’esprit de la Suisse,

ses joies, ses peines. Résultats

de l’enquête.

2012

2011 36

40

3850

3

83

6

15

1

58 « Je suis heureux d’être Suisse »

L’intellectuel tessinois

Giovanni Orelli et l’identité

suisse.

61 Swisslist (3/4) – Records

ferroviaires

62 Au-delà du Cervin

La Suisse vue par de célèbres

photographes étrangers.

70 Ce que pense la Chine

La Suisse perçue par la Chine

d’aujourd’hui, d’après l’ancien

ambassadeur Uli Sigg.

71 Swisslist (4/4) – Particularités

72 Bien, mais peut mieux faire !

Patrick Aebischer, président

de l’EPFL, parle du système

de formation suisse.

74 Qui paiera ma retraite ?

Adieu la retraite. Pourquoi nous

devrons travailler plus longtemps.

76 Histoire de la Suisse

Dix événements déterminants

pour la Confédération.

80 A l’attaque !

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Impressum : éditeur : Credit Suisse, contenu, rédaction : Ammann, Brunner & Krobath AG (www.abk.ch), conception, mise en

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française : Credit Suisse Language Services pré-presse : n c ag (www.ncag.ch), imprimerie : Stämpfl i AG, tirage : 160 000

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14 — Bulletin 6 / 2012

— Etat —

Suisse : les sept secrets de sa réussite

14 — Bulletin 6 / 2012

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Bulletin 6 / 2012 — 15

— Etat —

Aucun pays au monde ou

presque ne se porte aussi

bien que la Suisse en termes

économique et politique.

Que fait-elle mieux que les

autres ? Quel est son avantage

compétitif ? Et comment

peut-elle le préserver ? Un

libéral allemand nous

donne son avis sur un pays

aussi petit qu’exceptionnel.

Par Gerd Habermann et Stephan Walter (illustration)

LE RÉSULTAT EST SANS ÉQUIVOQUE.

Que ce soit en matière de localisation ou

de liberté sur le plan international, qu’il

s’agisse du nombre de Prix Nobel ou de la

qualité des scientifi ques, entrepreneurs,

artistes et poètes, la Suisse occupe depuis

longtemps la première place.

Pour la quatrième fois consécutive,

le Forum économique mondial a désigné

la Suisse comme le pays le plus compétitif

du monde, devant Singapour, la Finlande,

la Suède et les Pays-Bas. Elle fi gure en tête

du classement en termes de capacité d’in-

novation et d’effi cience du marché du tra-

vail. L’économie suisse a été louée pour

son étroite collaboration avec le milieu

scientifi que. Les institutions publiques du

pays comptent parmi les plus effi caces et

les plus transparentes. Même si la Suisse

est un petit pays, elle fait partie des puis-

sances économiques de l ’Europe. La

Suisse se classe 20e en termes de PIB, 9e

sur les exportations et 5e sur les exporta-

tions de services. Et surtout, elle compte

parmi les pays les plus riches du monde.

La Suisse reste en tête, malgré les

défi s actuels en matière de politique éco-

nomique : la dette publique et le chômage.

Alors que des pays autrefois stables sont

Bulletin 6 / 2012 — 15

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16 — Bulletin 6 / 2012

maintenant au bord de la faillite, elle a

fortement réduit son endettement au

cours des dix dernières années : de 55% à

35% du PIB (cf. encadré sur le frein à l’en-

dettement comme modèle qui s’exporte).

Quant au chômage, alors qu’il est au plus

haut en Europe depuis le début de l’union

monétaire en 1999, il stagne autour de 3%

en Suisse.

Comment expliquer cela ? Quels sont

les secrets de la Suisse ? J’y vois sept avan-

tages comparatifs.

1 — Un petit Etat

La Suisse n’observe pas le principe des

« économies d’échelle » souvent invoqué.

Sa petite taille constitue au contraire un

atout pour elle. Ce n’est pas un hasard si

c’est un Suisse, à savoir Jean-Jacques

Rousseau (1712–1778), qui fut le premier

après Aristote à avoir exposé une théorie

sur la taille optimale des institutions po-

litiques : « Il y a dans tout corps politique

un maximum de force qu’il ne sauroit

passer, & duquel souvent il s’éloigne à

force de s’agrandir. Plus le lien social

s’étend, plus il se relâche, & en général

un petit Etat est proportionnellement

plus fort qu’un grand » – même dans le cas

où cet Etat, en l ’occurrence la Suisse, est

très hétérogène.

Rousseau justif ie ces aff irmations

par les réfl exions suivantes : l ’administra-

tion devient plus pénible sur les grandes

distances, et également plus lourde à me-

sure que ses instances se multiplient.

Chaque instance doit être payée, la plus

haute étant la plus chère : « Enfin vient

l’administration suprême qui écrase tout.

[…] Le Gouvernement a moins de vigueur

& de célérité pour faire observer les loix,

empêcher les véxations, corriger les abus

[...] Les mêmes loix ne peuvent convenir à

tant de provinces diverses qui ont des

mœurs diff érentes. »

2 — Une démocratie directe

En raison de sa petite taille et de sa frag-

mentation extrême, la Suisse peut profi ter

Les cantons, mais aussi les communes,

disposent d’un pouvoir réel, à commencer

par la souveraineté fi scale. La Confédéra-

tion ne peut avoir que la partie moindre

des recettes fi scales et n’a qu’un droit pré-

caire d’imposition. A cela s’ajoutent les

droits étendus des cantons et des com-

munes, dont les compétences ont jusqu’à

présent empêché le marché intérieur suisse

de se réaliser pleinement.

La diff érence est considérée comme

une chance, et non comme une disparité

indésirable dont il faut venir à bout par

une « harmonisation ». Le partage vertical

du pouvoir par la force de l ’organisation

autonome des cantons et des communes

off re une bien plus grande marge de ma-

nœuvre et bien plus d’options que la sépa-

ration des pouvoirs horizontale des grands

Etats ou empires (dont la portée est trop

souvent affaiblie par la suprématie des

partis et la bureaucratie).

4 — Subsidiarité

Du découpage extrême de la Suisse résulte

également la mise en œuvre du principe de

subsidiarité, sans précédent en Europe :

un maximum de compétences transférées

vers le bas, préférence donnée au privé

plutôt qu’au public, à l ’ informel plutôt

qu’au formel. La synthèse des concepts de

cosmopolitisme et de citoyenneté du

monde n’a jamais été aussi réussie qu’en

Suisse. Par rapport à sa taille, ce pays est

probablement le plus ouvert comparé au

reste de l ’Europe en termes d’échanges

économiques, fi nanciers, culturels, scien-

tif iques, juridiques et sportifs, étroite-

ment lié à l’Europe et au monde (ce que sa

diversité ethnique et culturelle, mainte-

nue par une volonté politique commune,

garantit à elle seule).

La taille modeste des unités de déci-

sion engendre une vie politique intense,

de l’avantage compétitif d’une démocratie

directe.

La Suisse n’a jamais traversé

d’époque absolutiste. Elle n’est pas, et n’a

jamais été, un Etat de bureaucrates

comme l ’Allemagne ou la France. Nulle

part ailleurs dans le monde les citoyens

n’ont autant la parole qu’en Suisse – de

l ’élection des juges aux votations sur les

emprunts publics. Ici, la démocratie n’est

pas un mot vide de sens ; ici, la milice ci-

toyenne peut entreprendre des tâches

qui, dans les grands Etats, sont laissées à

des fonctionnaires et à des politiciens qui

coûtent cher. L’égalité citoyenne républi-

caine est une valeur en soi. Ce qui est

grand, que ce soit en politique ou en éco-

nomie, est regardé avec suspicion.

La participation active et la cores-

ponsabilité politique ont formé les citoyens

politiquement, de sorte que certains pré-

tendent non sans une certaine exagération

qu’un citoyen suisse est mieux informé en

matière de politique qu’un député du Bun-

destag allemand. « L’Etat, c’est nous »,

peuvent ainsi clamer les citoyens suisses

avec plus de légitimité que les démocraties

représentatives alentour.

La Suisse est en eff et davantage une

« société coopérative » qu’un « régime ». Le

système de milice a d’une part remplacé la

caste politique, et d’autre part empêché la

constitution d’une strate d’offi ciers tout-

puissants. La Suisse n’a jamais été un Etat

de fonctionnaires et de partis sur le modèle

allemand. L’administration publique en

Suisse est restée en grande partie une auto-

gestion, ou plutôt un véritable « autogou-

vernement », malgré plus de 30 000 fonc-

tionnaires à l’heure actuelle.

3 — Décentralisation

Un autre avantage de la Suisse est sa large

décentralisation, que l’on pourrait même

qualifi er de « non-centralisation », car la

Suisse n’a jamais été centralisée, mis à part

lors des quelques années de la République

helvétique (1798-1803). Elle n’a donc ni

capitale, ni chef d’Etat, ni chef de gouver-

nement, contrairement au modèle alle-

mand. C’est là qu’on peut voir comment la

concurrence entre unions politiques œuvre

pour le meilleur service public possible.

— Etat —

Baromètre des préoccupations du Credit Suisse 2012

92 % des sondés pensent que l’année pro-chaine sera au moins aussi bonne que cette année.

021_300_Bulletin_6_12_s01-41_f.indd 16 26.11.12 08:56

Page 19: La Suisse – les secrets de sa réussite...Page 2 3 Ian Goldin L’ancien vice-président de la Banque mon-diale et professeur d’économie à Oxford est considéré comme l’une

Bulletin 6 / 2012 — 17

Le revenu national suisse est l’un des plus élevés du monde, même si l’on tient

compte du pouvoir d’achat.

Le taux de chômage a augmenté après la crise

économique du début des années 1990, mais

reste toujours bas en comparaison internationale.

HAUT REVENU NATIONAL

Produit intérieur brut par habitant en dollars US (nominal, corrigé du

pouvoir d’achat)

LA POPULATION LA PLUS RICHE DU MONDE

Fortune par habitant (en milliers de dollars US)

GRANDE LIBERTÉ ÉCONOMIQUE

Indice de dix catégories économiques

PRINCIPALEMENT DES GRANDES

ENTREPRISES

Nombre d’entreprises enregistrant les chiff res

d’aff aires les plus importants (Fortune 500 Global)

par million d’habitants

LEADER MONDIAL DE L’INNOVATION

Nombre de brevets (dans l’UE, au Japon

et aux Etats-Unis) par million d’habitants

et par année

FAIBLE TAUX DE CHÔMAGE

Taux de chômage en pourcentage de la population active

DETTES BRUTES EN BAISSE

Stabilité et évolution des dettes brutes en pourcentage du produit intérieur brut

de 2007 à 2011

56 000

46 000

36 000

26 000

16 000

1970 1975 1980 1985 1990 1995 2000 2005 2010

6 000

0

Source : OCDE

SuisseEtats-UnisAllemagneFranceJaponCorée 0

12

10

8

6

19851980 19951990 2000 2005 2010

4

2

Source : OCDE

SuisseAllemagneFranceEtats-UnisJapon

— Etat —

Comparaison internationale

0

0,5

1,0

1,5

2,0

2,5

Source : Fortune

SuisseAllemagneFranceEtats-UnisJapon

La Suisse est, proportionnellement à sa

population, la nation la plus innovante

devant le Japon, la Suède et l’Allemagne.

Aucun autre pays ne présente une densité de

grandes entreprises aussi forte que la Suisse.

0

20

40

60

80

100

120

CH JP SE

DE FI

NL

DK AT IL U

S

Source : Panorama des statistiques de l’OCDE

55

85

80

75

70

1995 2000 2005 2010

65

60

Source : The Heritage Foundation

SuisseAllemagneFranceEtats-UnisJapon

La Suisse est considérée depuis

longtemps comme l’un des pays à

l’économie la plus libre du monde,

et a dépassé les Etats-Unis.

Source : Credit Suisse Global Wealth Report

0

100

200

300

400

CH A

UN

O JP LU SG FR US

GB SE BE

CA IT D

KD

E AT IS NL

HK

QA

Dette en % du PIB (2007)Evolution de la dette (2007–2011)

CH A

ULU K

RN

Z SEN

ON

L ATES

DE

GB

FR US

PT BE IE HK IT JP

Source : Perspectives économiques de l’OCDE

0

50

100

150

200

-20

Les Suisses sont de loin les plus fortunés.

La Suisse et la Norvège sont les seuls pays membres

de l’OCDE à avoir réduit leur taux d’endettement

en dépit de la crise économique.

Indicateurs de réussite. Malgré la crise, la Suisse occupe la première place eu égard aux

principaux indicateurs économiques tels que le taux de chômage ou le revenu national.

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18 — Bulletin 6 / 2012

La comparaison internationale est extrê-

mement positive pour la Suisse : les dettes

publiques de l ’Europe et des Etats-Unis

ont tout simplement explosé ces dernières

années. La faillite est devenue un réel

danger pour plusieurs Etats.

En Suisse, au contraire, la dette pu-

blique – calculée par rapport au PIB – a

diminué, passant de 55% à 35% depuis

2003. La Suisse a ainsi opéré un revire-

ment impressionnant, car dans les années

1990, le taux d’endettement ne descendait

jamais en dessous de 50%.

La success story a commencé en

2001. A l’époque, le lancement d’un frein

à l ’endettement avait été adopté par vota-

tion populaire, avec 85% de voix favo-

rables. La Suisse est ainsi devenue le pre-

mier pays à ancrer le frein à l ’endettement

dans sa Constitution. Celui-ci est entré

en vigueur en 2003. Le principe est que

les dépenses ne peuvent dépasser les re-

cettes sur un cycle conjoncturel. Au cours

des années économiquement diffi ciles, il

est certes possible de connaître un défi cit.

Mais dans les bonnes années, ce défi cit

doit être compensé par des excédents.

Grâce à cette consolidation forcée du

budget y compris en période de crois-

sance, la Suisse a réussi à enregistrer un

excédent budgétaire même pendant les

années de crise.

Dans de nombreux autres pays in-

dustriels, au contraire, la dette publique

a augmenté même en période de conjonc-

ture favorable. Et lorsque la crise est ap-

parue, le budget public est devenu tota-

lement incontrôlable. En seulement

quatre ans (2009-2012), la dette pu-

blique américaine est passée de 11 à 16

milliards de dollars. Le taux d’endette-

ment moyen dans la zone euro est quant

à lui passé de 66% (2007) à 87% (2011).

Il faudra probablement toute une géné-

ration pour s’acquitter de la dette d’un

seul cycle économique encore marqué

par une grave crise.

Face à cette explosion des dettes pu-

bliques en Europe et aux Etats-Unis, le

frein à l’endettement s’est exporté. L’Alle-

magne l’a inscrit dans sa Constitution en

2009. La Pologne, l’Espagne, la Hongrie

et la Bulgarie ont suivi l’exemple. Dans le

cadre du pacte fi scal de cet été, tous les

pays de la zone euro ont aussi été contraints

de l’appliquer.

Défi cit toxique

Entre-temps, la plupart des pays industriels

ont atteint le « point de non-retour de

Keynes ». Quand l’endettement dépasse un

seuil (et les économistes l’estiment à 90% de

dettes par rapport au PIB), les nouveaux dé-

fi cits deviennent toxiques : premièrement,

on entre dans un cercle vicieux entre la

charge de remboursement des intérêts et le

nouvel endettement. En 2010, l’Allemagne

a ainsi payé à elle seule 37 milliards d’euros

d’intérêts, uniquement pour servir une

dette passée. En temps normal, le nouvel

endettement est intégré au service de la

dette. Deuxièmement, les primes de risques

pour les emprunts d’Etat augmentent de

façon fulgurante, comme c’est le cas actuel-

lement au Portugal, en Italie, en Irlande, en

Grèce et en Espagne.

Troisièmement, les ménages et les

entreprises anticipent des diffi cultés éco-

nomiques et des impôts plus élevés. Ils

réduisent la consommation et les investis-

sements et neutralisent ainsi le facteur de

demande de dépenses publiques.

C’est pourquoi un frein à l ’endettement

obligatoire n’est pas seulement un instru-

ment approprié pour stabiliser les attentes

et mettre un terme à ce cercle vicieux. Il

semble également indispensable pour for-

cer les gouvernements à établir un budget

durable.

En eff et, l’orientation à court terme

de la politique veut que les partisans d’une

politique f iscale anticyclique n’ inter-

viennent qu’en période de récession. Une

fois l’économie relancée, le principe anti-

cyclique est vite oublié, pour accumuler

plus de dettes. C’est le cas par exemple de

la France et de l’Allemagne, qui au cours

des trente à quarante dernières années

n’ont jamais pu équilibrer leur budget, sans

parler des excès en période faste. De ce fait,

la politique a toujours fi nancé des cadeaux

électoraux à court terme au détriment des

générations futures.

Ce problème structurel ne peut être

résolu que par un frein à l’endettement na-

tional, ou par un pacte fi scal vraiment so-

lide au niveau européen. La Suisse a eu la

chance d’avoir introduit cet instrument

avant même la crise et doit également à

cette mesure sa situation fi scale excellente.

Daniel Müller-Jentsch était économiste auprès de la Banque mondiale et travaille aujourd’hui chez Avenir Suisse.

LE FREIN À L’ENDETTEMENT EST EFFICACE

Dette publique en pourcentage du produit intérieur brut (1995–2012)

La dette publique a nettement chuté en Suisse depuis l’introduction du frein à l’endettement en 2003, alors qu’elle a

augmenté dans l’UE et aux Etats-Unis.

30

110

90

1995 1997 1999 2001 2003 2005 20132007 2009 2011

70

50

Source : Avenir Suisse

SuisseAllemagneZone euroEtats-Unis

— Etat —

Succès à l’exportation – Frein à l’endettement

La Suisse en tant que précurseur. Le risque de faillite imminente de certains Etats et la crise

de l’euro mettent le frein à l’endettement à l’ordre du jour. La success story a commencé avec

une votation populaire.

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Bulletin 6 / 2012 — 19

une adéquation des décisions et un élan

vital qu’on ne connaît pas dans les grands

Etats à la bureaucratie sclérosée.

La théorie de « la concurrence comme

processus de découverte » de Friedrich

Hayek, au sujet des connaissances indivi-

duelles et disséminées au niveau local, est

donc idéale pour le petit Etat de la Suisse

et ses subdivisions encore plus petites.

La forte fragmentation et la non-

centralisation permettent en effet une

fl exibilité en cas de crise qui manque aux

grandes institutions politiques et écono-

miques. Le risque de mauvaises décisions

est relativement limité.

5 — Système de milice

En Suisse, les partis, la bureaucratie et les

groupements d’intérêts ne dirigent pas,

mais servent la volonté politique des ci-

toyens. Le régime central bureaucratique

à Bruxelles montre, comme on peut le voir

dans les comptes rendus de la Cour des

comptes européenne, quel est le prix à

payer en l’absence de contrôle politique

indépendant (par le biais d’un système de

milice et de relations clairement défi nies) :

règne d’un professionnalisme technico-

bureaucratique, doublé d’un lobby bien

camoufl é. Les politiciens et les fonction-

naires affi cheront toujours le besoin com-

préhensible de développer leur propre

bonheur, leurs budgets f inancièrement

contraints et leurs possibilités de carrière.

Néanmoins, un petit Etat tel que la

Suisse est plus enclin à être victime de

chantage politique que les grands Etats, et

c’est de nouveau le cas actuellement. Il

s’agit là d’un inconvénient évident. Afi n

de garantir son indépendance, la Suisse a

historiquement eu besoin de chance : des

facteurs géopolitiques tels que la gestion

des principaux cols ou le souci d’équité de

la part des grands Etats concurrents l ’y

ont aidée.

6 — Point de fuite pour capitaux et cerveaux

Depuis longtemps, la Suisse fait offi ce de

point de fuite pour l’indépendance intel-

Gerd Habermann est philosophe économiste, professeur à l’Université de Potsdam et fondateur de la Société Friedrich A. von Hayek.

— Etat —

lectuelle, mais aussi de refuge au niveau

politique et économique. Ainsi, elle peut

en permanence accroître son capital in-

tellectuel et monétaire par des affl ux ex-

térieurs. Elle s’est démarquée notam-

ment en temps de crise : de Voltaire aux

libéraux, démocrates ou socialistes des

XIXe et XXe siècles. Elle a protégé Lé-

nine, mettant en valeur le droit d’asile et

le droit des étrangers, qui ne devaient re-

f léter aucun parti politique ni aucune

idéologie.

Cela est étroitement lié à sa stricte

neutralité, qui a permis à la Suisse de jouer

le rôle de médiateur international crédible

et indépendant puisqu’elle n’est pas impli-

quée dans le concert des puissances. L’im-

migration massive de ces derniers temps

en provenance de l ’Allemagne montre

bien que la stabilité et l’attractivité écono-

mique de la Suisse continuent d’augmen-

ter. Avec son droit du travail relativement

libéral, elle montre de surcroît comment

assurer le plein emploi.

7 — Bourgeoisie

Autre avantage, la Suisse est dotée d’un

caractère résolument bourgeois. Surtout,

elle n’a pas dû traverser les mêmes catas-

trophes des deux guerres mondiales que

l ’Allemagne, ni la même infl ation. Au-

jourd’hui encore, elle sert de modèle en

termes de mesure, de justesse et de cir-

conspection, de bon sens économique,

d’objectivité et de réalisme. Par ailleurs, la

Suisse connaît non seulement le secret

professionnel des avocats, le secret pasto-

ral et médical, le secret du courrier postal

et celui des télécommunications, mais

aussi le secret bancaire, qui exprime le res-

pect de la vie privée des citoyens concer-

nant également leur propriété.

Sa légitimation et son identité ne re-

posent pas sur le fait qu’elle se comprenne

comme nation liée par la langue, la culture

ou la religion, mais sur celui que la majo-

rité de la population se reconnaisse dans

les fondements politiques de l’Etat : fédé-

ralisme, démocratie du consensus, système

économique libéral et indépendance. La

Suisse off re ainsi de meilleures garanties

pour la propriété privée et l’autonomie, et

elle permet davantage aux communes et

aux cantons d’expérimenter que la plupart

des autres pays.

Ce n’est que pour ces traditions his-

toriques et politiques et pour sa recherche

de l’équilibre que la Confédération helvé-

tique peut être réellement qualifi ée d’unité.

Conclusion

La Suisse n’a aucune raison d’oublier ses

origines de confédération souple, qui s’est

constituée jadis dans le but de conserver

l ’autonomie des villes concernées et la li-

berté des coopératives paysannes. « Elles

se sont alliées pour se diff érencier les unes

des autres, écrivait le philosophe neuchâ-

telois Denis de Rougemont ; la raison de

leur solidarité n’était pas le pouvoir col-

lectif, mais l ’autonomie de chacune. » Et

Herbert Lüthy, l ’historien bâlois, a un

jour présenté la Suisse comme une « anti-

thèse » à la pensée collective, à la concen-

tration du pouvoir, à la monoculture et à

la mise au pas.

La Suisse doit rester cette « anti-

thèse ». Elle incarne les valeurs libérales :

scepticisme face au pouvoir et à l ’Etat,

propriété, bourgeoisie et croyance en la

productivité par la diversité. Dans la

concurrence des nations, c’est un atout

certain. Le « modèle suisse » d’autodéter-

mination, de recours à ses propres moyens

et de responsabilité individuelle est une

formule de prospérité ; preuve en est son

succès économique et politique.

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20 — Bulletin 6 / 2012

Succès en dépit du franc fortLe franc fort est problématique pour les entreprises

d’exportation. Le CEO de Silentsoft nous raconte comment

il conduit sa PME au cœur de la tempête monétaire.

Par Charles Upchurch

Silentsoft possède 30 000 cartes SIM

(abonnements) chez un seul fournisseur

télécom européen pour tous ses modules

de mesures, même ceux situés en Suisse.

De plus, la plupart des appareils de mesure

ainsi que l ’ intégralité des services sont

achetés en Europe en euros. Ainsi, nous

avons réussi à réduire les coûts et les risques

liés à l’eff et de change.

Enfi n, notre modèle commercial est

basé sur des recettes régulières. Face à la

crise monétaire actuelle, c’est aussi un

avantage. Deux tiers de nos recettes pro-

viennent du prolongement des abonne-

ments annuels et seulement un tiers, de

nouvelles ventes. Bien que les recettes ré-

gulières en euros pâtissent du franc fort,

elles off rent encore une certaine sécurité

et permettent une fl exibilité concernant

les ventes en euros. Silentsoft se déve-

loppe hors d’Europe grâce à un contrat de

monitoring avec Shell, y compris l ’opti-

misation énergétique des bâtiments avec

une solution unique pour l’analyse de l’ef-

fi cacité du chauff age. Etant donné que le

contrat avec Shell a lieu dans une autre

monnaie et que le monitoring du chauf-

fage central est également demandé en

Europe, ces deux activités représentent de

nouveaux défi s face au franc fort. Nous

sommes convaincus que grâce à nos stra-

tégies, nous sommes capables non seule-

ment de résister à la tempête monétaire

actuelle, mais aussi de prospérer.

Sommes-nous inquiets que l ’inter-

vention de la Banque nationale suisse

puisse mener à d’autres problèmes, comme

l’infl ation ? Bien entendu, mais cela n’est

pas prévu pour le moment. Un franc en-

core plus fort nous aurait forcés à abandon-

ner le marché européen, et pour de nom-

breux exportateurs suisses, cela aurait

probablement eu des conséquences encore

plus dramatiques.

CE F U T U N JOU R NOIR POU R NOUS,

lorsqu’en août 2011 le franc suisse a quasi-

ment atteint la parité avec l ’euro. Cette

tempête monétaire nous a contraints à

revoir notre stratégie d’exportation. Les

années précédentes, la forte croissance du

cours du franc (du niveau habituel de 1.55

CHF à la parité) nous avait donné du fi l à

retordre. Si la Banque nationale suisse

n’était pas intervenue en septembre de

l’année dernière en fi xant un seuil de 1.20

CHF, Silentsoft serait devenu beaucoup

moins compétitif en Europe.

Silentsoft est leader du marché eu-

ropéen en solutions de télémétrie pour la

gestion de l’énergie des bâtiments. Autre-

ment dit, nous contrôlons par radio la

consommation énergétique d’une entre-

prise. Nous informons nos clients (entre

autres La Poste suisse, Swisscom, Migrol

ou la ville de Zurich) lorsque leur cuve de

fi oul ou de gaz doit être remplie, leur indi-

quons quels bâtiments ont la plus faible

effi cacité énergétique, et comment régler

le thermostat du chauff e-eau de façon op-

timale. Notre entreprise dispose de 30 000

stations de mesure actives, dont la moitié

se trouve en Suisse et le reste dans des pays

d’Europe de l’Ouest.

Charles Upchurch est CEO de Silentsoft

depuis cinq ans, après avoir travaillé

seize ans chez SGS, groupe de contrôle

des marchandises, en tant que directeur

pour un secteur d’activité mondial.

Baromètre des préoccupations du Credit Suisse 2012

20% des sondés estiment que le franc fort fait partie des cinq principaux problèmes de la Suisse.

— Monnaie —

C’est la branche européenne qui nous

préoccupe, nous et les autres entreprises

suisses d’exportation. A cause du franc

fort, nos recettes ont baissé de 12%, car

nous facturons nos clients européens en

euros, mais l ’entreprise étant domiciliée

en Suisse (Morges), nous encaissons les

recettes en francs suisses. Le marché eu-

ropéen est fortement disputé, ce qui a

conduit à une énorme pression sur les prix.

Bien entendu, nous aurions pu délocaliser

notre siège social à l ’étranger, mais nous

souhaitions rester en Suisse pour plusieurs

raisons : nous sommes couverts par des ca-

pital-risqueurs suisses tels que SVC SA, le

climat d’innovation est excellent en Suisse,

les solutions suisses sont internationales,

de meilleure qualité et identifi ées avec plus

de précision, et nos collaborateurs viennent

de Suisse.

Par chance, nous avons traversé la

tempête monétaire grâce à diff érentes stra-

tégies. Premièrement, Silentsoft conclut

des aff aires avec des clients en Suisse et à

l’étranger. Cela crée une sorte de couver-

ture de change naturelle.

Deuxièmement, nous achetons au

moins autant de produits et de services en

euros que nous encaissons d’euros. Ainsi,

Photo : Stuart Franklin/Magnum Photos ; Fred Merz

021_300_Bulletin_6_12_s01-41_f.indd 20 26.11.12 08:56

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La Suisse en chiff res (1/4)

Dix records

— Swiss List —

1. Sympathie pour les délinquants : D’après des sondages très représentatifs, 80% des Suisses ne seraient pas dérangés par le fait d’avoir un délinquant pour voisin, une proportion plus élevée que dans tous les autres pays.

2. Rougeole : Le taux de vaccination est trop faible en Suisse, ce qui explique le nombre record de personnes atteintes de la maladie ces dernières années comparé aux autres pays d’Europe occidentale.

6. Porsche : Avec près de 30 000 Porsche immatriculées dans le pays et 227 acquises l’an dernier pour un million d’habitants, la Suisse enregistre un double record mondial.

7. Lève-tôt : Les sessions du Conseil national et du Conseil des Etats débutent à 8 h 00 ou à 8 h 15. Ailleurs, les parlements nationaux commencent au plus tôt à 9 h 00.

8. Chocolat : Chaque année, les statistiques montrent que les Suisses sont les premiers consommateurs de chocolat du monde avec 11,9 kilos par habitant en 2011. Ces chiff res incluent toutefois les achats des touristes.

9. Tempo : Selon une fameuse étude des années 1990 menée à l’échelle mondiale, c’est dans les villes suisses que le rythme de vie est le plus intense. Les critères pris en compte sont l’allure des piétons (Suisse : troisième rang), le temps d’attente à la poste (deuxième rang) et la préci-sion des horloges publiques (premier rang).

10. Chocards à bec jaune : La Suisse compte 10 000 à 15 000 couples de chocards à bec jaune, un record en Europe vu sa superfi cie. De même, elle abrite un nombre inégalé d’aigles royaux.

Bulletin 6 / 2012 — 21

3. Montagnes : La Suisse bat le record euro-péen de l’altitude moyenne la plus élevée avec 1 309 mètres, suivie de la Turquie et du Liechtenstein.

4. Brevets : Avec le Liechtenstein, la Suisse est régulièrement en tête des pays comptant le plus de demandes de brevet par habitant. Ces bons résultats en matière d’innovation sont notam-ment attribuables aux grands groupes.

5. Missives : Les deux mêmes pays mènent le peloton. En 2011, les Liechtensteinois ont envoyé 798 lettres et les Suisses 629 par habi-tant. Ce nombre est encore plus important pour le Vatican à lui seul, probablement en raison des envois de cartes postales par les touristes.

Par Matthias Plüss, 1kilo (illustrations)

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Un monument de l’ingénierie suisse : le pont Verrazano de New York d’Othmar Ammann, construit en 1964.

— Swiss made —

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Bulletin 6 / 2012 — 23

Les ingénieurs suisses ont marqué l’histoire de la construction de ponts. Leurs ouvrages font aujourd’hui fi gure de chefs-d’œuvre mondiaux alliant fonctionnalité et esthétique. Partons sur les traces du secret de la réussite des pionniers suisses.

Nous, les bâtisseurs

de ponts

Par Urs Steiner et Noë Flum (photos)

— Swiss made —

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24 — Bulletin 6 / 2012

« J’ai eu de la chance », répondait

Othmar H. Ammann (1879–

1965), alors âgé de 85 ans, à un

journaliste du « New York Times »

pour expliquer sa réussite. C’était en

1964, peu après l ’achèvement du pont

Verrazano de New York. Sa femme es-

saya de relativiser cette affi rmation. Mais

le vieil homme, qui avait contribué au

désenclavement de la presqu’île de Man-

hattan avec huit ponts et le tunnel Lin-

coln, n’en démordait pas : « Oui, de la

chance ! », martelait-il. Dès 1953, il avait

déclaré que la construction de ponts

n’était pas une science exacte. Selon lui,

on doit pouvoir faire confi ance à sa facul-

té de jugement, surtout si, comme lui, on

s’aventure dans des ordres de grandeur

encore inexplorés. Les erreurs et les

échecs sont le prix à payer pour le progrès

humain.

Des facteurs irrationnels

Othmar Ammann n’est pas le seul à avoir

eu ces convictions. D’autres pionniers du

domaine ont fait remarquer que leur tra-

vail était infl uencé par des facteurs irra-

tionnels. Robert Maillart (1872–1940)

avait initialement prévu une épaisseur de

16 centimètres pour la passerelle du pont

de Salginatobel, dans le canton des Gri-

sons. Il l ’a fi nalement portée à 22 centi-

mètres de béton, notamment en raison de

conseils émis par des experts externes,

mais aussi pour que les habitants de Schu-

ders n’aient pas peur d’emprunter ce pont

perché à 90 mètres de hauteur qui, en

1920, semblait aussi fragile que du papier.

En effet, cet ouvrage extrêmement f in

tranche avec les ponts massifs en pierre ha-

bituellement construits jusqu’alors. « On a

coutume de penser que ce qui est massif est

solide », écrivait-il en 1930 dans un mé-

moire du Laboratoire fédéral d’essai des

matériaux et de recherche (EMPA). Mais

suivi le principe « trial and error » : à chaque

fois que ce dernier achevait un ouvrage, le

professeur Mirkos Ros de l’EMPA accou-

rait pour vérifi er le résultat.

Le mythe suisse

Qu’est-ce qui explique le succès des

constructeurs de ponts suisses dans le

monde ? Est-ce la topographie locale, qui

a promu très tôt l ’ingénierie d’architec-

ture, ou l’Ecole polytechnique ? Les deux,

si l ’on en croit Jürg Conzett : l ’EPFZ a

joué un rôle important, notamment grâce

aux professeurs Karl Culmann (1821–

1881) et Karl Wilhelm Ritter (1847–

1906). Par ailleurs, en Suisse, contraire-

ment à d’autres pays, les autorités n’ont

pas fait opposition à l’utilisation du béton

armé à ses débuts. Enfi n, la diversité des

types de ponts a selon lui très tôt fait de ce

pays un lieu de prédilection pour les ingé-

nieurs étrangers. Il considère cependant

que la Suisse n’a plus aujourd’hui de réelle

avance, au vu des ponts époustoufl ants

construits dans le monde, comme en

Chine. Le mythe de l’ingénierie architec-

turale suisse, dont on prête la paternité au

professeur David Billington de l ’univer-

sité américaine de Princeton, embarrasse

quelque peu Jürg Conzett.

Pourtant, des ingénieurs comme

Christian Menn, né en 1927, ont réalisé

des projets spectaculaires, et pas unique-

ment en Suisse. Avec le pont Bunker Hill,

il a même créé le nouveau symbole de la

ville de Boston. Son œuvre met certes en

scène les forces de traction et de pression

avec moins d’expressivité fantaisiste que

celle de l ’ingénieur hispano-suisse San-

tiago Calatrava, mais Christian Menn

trouve cependant son propre langage des

formes tel un artiste. Roman Hollenstein,

critique en architecture pour la « Neue Zür-

cher Zeitung », a décrit le pont surplom-

bant le port de Boston comme « une double

lyre dont les cordes, qui partent de deux

obélisques reposant sur des pieds écartés,

sont reliées en diagonale à la chaussée ».

Aussi hauts que des buildings

En Suisse, Christian Menn a réalisé ces

dernières décennies les plus grands ponts

sur les sites les plus insolites. Dans les an-

nées 1950, il a été à l’EPFZ l’assistant du

professeur Pierre Lardy, devenant à son

l’ingénieur était hostile à une construction

massive, pour des raisons économiques,

d’une part, mais aussi eu égard à la durabi-

lité de l’ouvrage. Des essais ultérieurs ont

ainsi montré que Robert Maillart avait

raison et que l ’épaisseur prévue initiale-

ment aurait suffi .

De même, la coque du toit en forme

d’ailes conçu par Heinz Isler (1926–2009)

pour le restoroute de l’aire de Deitingen-

Sud (canton de Soleure) n’est épaisse que

de 9 centimètres et tient bon depuis 1968.

En 1999, alors qu’il était question de dé-

monter le toit, l ’architecte déclarait avoir

inspecté l’ouvrage et lui donner trente ans

de garantie supplémentaire. S’il était aussi

confi ant, c’est aussi parce que la coque re-

produisait une forme de la nature. En eff et,

Heinz Isler avait obtenu cette forme irré-

gulière à l’aide d’un protocole expérimen-

tal très simple : il avait fait geler une toile

suspendue à trois extrémités et l ’avait re-

tournée. « Cette forme créée en quelques

secondes par les lois de la gravitation n’est

pas seulement magnifi que, elle est aussi

statiquement parfaite », expliquait-il. Se-

lon lui, sa géométrie était toutefois impos-

sible à décrire mathématiquement et même

l’informatique ne permettait de la calculer

qu’approximativement.

Né en 1956, Jürg Conzett, peut-être

le constructeur de ponts suisse le plus cé-

lèbre de la nouvelle génération, conçoit son

activité de façon plus pragmatique. Lui

aussi considère que l’ingénierie architectu-

rale requiert une compréhension globale de

la nature et de l’esthétique, du calcul et de

l’empirisme. Selon lui, l’esprit d’entreprise

du New York du début des années 1920 a

joué un grand rôle dans le cas d’Othmar

Ammann, tandis que Robert Maillart a

Baromètre des préoccupations du Credit Suisse 2012

91% sont particulièrement fi ers de la réputation internationale de qualité associée à l’économie suisse.

— Swiss made —

« Aucun autre domaine

que la construction

de ponts n’associe aussi

étroitement l’esthétique

à l’économie et

les  mathématiques au

calcul politique. »

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Un ouvrage d’art en pierre naturelle : le viaduc de Landwasser près de Filisur, conçu par Alexander Acatos et construit en 1902.

— Swiss made —

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En harmonie avec le paysage : le pont de Sunniberg près de Klosters, conçu par Christian Menn et construit en 1998.

— Swiss made —

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Bulletin 6 / 2012 — 27

tour en 1971 professeur de statique des bâti-

ments et de construction, poste qu’il occu-

pera jusqu’en 1992. Avant le fameux pont

Bunker Hill de Boston, Christian Menn

s’est illustré avec le pont du Ganter près du

col du Simplon, ouvrage long de 678 mètres

parcourant le paysage montagneux du

Valais. Le plus haut des deux pylônes de

ce pont à haubans culmine à 150 mètres,

dépassant la Prime Tower de Zurich qui,

avec ses 126 mètres, est le plus haut gratte-

ciel de Suisse. Autre réalisation specta-

culaire, le pont de Sunniberg près de Klos-

ters : cet ouvrage long de 526 mètres traverse

la vallée de la Landquart à une hauteur de

62 mètres en formant un arc soutenu par

quatre piliers.

Plus encore que Christian Menn,

Jürg Conzett essaie de partir de la forme

technique. Le fait que son bureau Conzett,

Bronzini, Gartmann (Coire) parvienne à

créer des chefs-d’œuvre esthétiques sans

mise en scène mondaine illustre sa créati-

vité. C’est ainsi que la seconde passerelle

de Traversina, un escalier suspendu dans

une vallée périphérique des gorges de la

Via Mala, dans le canton des Grisons, a

suscité un vif intérêt dans le monde entier,

bien que ce pont composé d’une structure

en câbles précontraints ne dispose que

d’une portée horizontale de 56 mètres.

Tout aussi petit mais esthétique, on peut

citer le nouveau pont de village de Jürg

Conzett à Vals, inauguré en 2010 : les élé-

ments porteurs sont les parapets en béton

et en gneiss de Vals, qui font offi ce d’arcs.

Ignorance et eff ronterie

Mais le cas d’un pont construit par Robert

Maillart à Innerthal, dans le canton de

Schwyz, montre à quel point, malgré le

mythe, les architectes suisses ne sont pas

forcément prophètes en leur propre pays :

le pont de Schrähbach, œuvre de jeunesse

et plus ancien pont en arc à tablier encore

préservé du pionnier de la construction en

béton, doit être remplacé par un édifi ce

neuf impersonnel. En octobre 2009, un

crédit de 1,9 million de francs a été voté à

cette fi n. A ceux qui arguaient que le pont

était un édifi ce d’importance nationale et

qu’il fallait le protéger, le secrétaire muni-

cipal a répondu avec ironie : « Nous avons

besoin de ponts pour traverser les rivières,

pas seulement pour les photographier. »

Werner Oechslin, professeur émérite

d’histoire de l ’art et de l ’architecture à

l ’EPFZ et fondateur de la Bibliothek

Werner Oechslin à Einsiedeln, a tiré la

sonnette d’alarme : « J’ai peine à croire

qu’on puisse encore traiter ici avec autant

d’ignorance et d’effronterie de tels édi-

fi ces », écrivit-il dans une lettre à ses col-

lègues experts. Grâce à l ’intervention de

Werner Oechslin, qui a mobilisé la Société

suisse des ingénieurs et des architectes

(SIA), la protection du patrimoine du can-

ton de Schwyz a déposé un recours en op-

position à la démolition. Des discussions

sont en cours au niveau cantonal et au ni-

veau fédéral pour déterminer si le pont de

Schrähbach doit être classé monument

protégé. La procédure d’autorisation est

donc mise en suspens dans l’attente d’une

décision faisant foi.

Othmar Ammann n’avait sans doute

pas tort lorsqu’il attribuait ses succès à la

chance. Mais il aurait peut-être dû aussi

mentionner son instinct pour ce qui était

faisable. Car aucun autre domaine que la

construction de ponts n’associe aussi

étroitement l ’esthétique à l ’économie et

les mathématiques au calcul politique. Le

pragmatisme typiquement helvétique a

sans doute beaucoup contribué à la réus-

site de nombreux ingénieurs suisses.

Urs Steiner est rédacteur culturel à la Neue  Zürcher Zeitung. © 2010 Collano Group

Othmar H. Ammann

1879 – 1965Pont Verrazano-Narrows (1964)

à  New York, pont suspendu le plus long

du monde à son époque.

Heinz Isler

1926 – 2009Restoroute de Deitingen-Sud (1968),

coques en béton.

Jürg Conzett

né en 1956 Deuxième Traversiner Steg (2005)

Nouveau pont suspendu dans

la Viamala (CH).

Christian Mennné en 1927

Pont Bunker Hill (2002),

le symbole moderne de Boston.

LES PIONNIERS SUISSES

DE LA CONSTRUCTION DE PONTS

Robert Maillart

1872 – 1940Pont Salginatobel (1930),

o uvrage  révolutionnaire en béton

armé à Schiers.

— Swiss made —

Photos : [m] Bibliothèque EPF Zurich, archives photographiques (3) ; [m] Str / IBA-Archiv / Keystone ; [m] Str / Keystone (2) ; [m] Conzett Bronzini Gartmann (2) ; [m] Martin Ruetschi / Keystone (2)

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28 — Bulletin 6 / 2012

« Les certitudes fondent comme neige

au soleil »Le psychanalyste Mario Erdheim parle de

la crainte générale du chômage et explique que cette préoccupation cache d’autres peurs.

Par David Signer et Helmut Wachter (photo)

Dans le Baromètre des préoccupations

du Credit Suisse 2012, la peur de perdre son

emploi se place, depuis plusieurs années

déjà, en première position, même si la Suisse

affi che un taux de chômage assez bas (2,8%)

comparé à d’autres pays européens.

C’est comme si les Suisses étaient restés

au stade de la crise avant la Seconde

Guerre mondiale, lorsque le chômage est

passé de 0,7% à 4,8% en l’espace de

six ans. La notion de « chômage » sert à

donner un visage à la situation actuelle,

très inquiétante et complexe.

Mais penser au chômage n’est pas agréable

non plus. Pourquoi prêtons-nous attention

à une telle menace si elle n’est pas réelle ?

C’est comme le « Matura-Traum » (rêve

d’examen) de Sigmund Freud. Même des

diplômés universitaires chevronnés rêvent

souvent qu’ils échouent au baccalauréat.

L’accomplissement du désir réside dans le

fait qu’on sait avoir déjà réussi son bacca-

lauréat, et aussi qu’on est distrait d’autres

examens tout aussi diffi ciles dans le présent.

On peut se dire également que, malgré la

peur, on va réussir ces épreuves, comme on

a réussi à l’époque le baccalauréat.

Alors on parle de la peur du chômage pour

pouvoir se réjouir d’autant plus d’avoir un

travail ?

Oui. Mais il s’agit aussi de ce que l’on

appelle un « transfert » dans le jargon de la

psychanalyse. Le problème du « chômage »

cache d’autres défi s, qui sont peut-être plus

compliqués et moins concrets. Il a égale-

ment l’avantage de signaler un caractère

sérieux. On suggère : je veux travailler, et ce

serait terrible si je ne pouvais plus le faire.

Quels seraient alors les « vrais » défi s

et  problèmes ?

Par exemple, la transformation de notre

société en une société multiculturelle

et mondialisée. C’est la vieille peur des

Allemands qui resurgit. A Zurich, nous

pensons être une société internationale,

et pourtant nous avons peur des mina-

rets. C’est contradictoire. La Suisse est

en pleine mutation et s’eff orce de vivre

dans l’illusion de la stabilité. L’avenir de

la production d’énergie, à l’heure où le

pétrole s’épuise, est aussi inquiétant que

le changement climatique. Mais est-

ce que dans la peur du chômage ne se

trouvent pas tous ces bouleversements :

l’UE, la crise fi nancière et économique,

Baromètre des préoccupations du Credit Suisse 2012

Avec 49%, le chômage est la préoccupation principale des Suisses interrogés.

— Marché du travail —

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Bulletin 6 / 2012 — 29

« La Suisse est en pleine mutation et

s’eff orce de vivre dans l ’illusion de la stabilité. »

Mario Erdheim, 72 ans, est psychanalyste et ethnologue. Il vit à Zurich.

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30 — Bulletin 6 / 2012

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3

4

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6

19202000

19901980

19701960

19501940

1930

Source : Dictionnaire historique de la Suisse

la menace de récession, les forts taux de

chômage dans les pays voisins ? Certains

aspects sont bien entendu réels. Mais c’est

comme la panique liée à la grippe aviaire.

Le Salon mondial de la bijouterie à Bâle

a été annulé, on s’est demandé s’il y avait

assez de vaccins, on a parlé d’une menace

mondiale. Et tout s’est soudain volatilisé.

Bien entendu, les diffi cultés économiques

existent, mais le chômage n’est pas le

danger le plus immédiat qui nous menace.

Ne pourrait-on pas dire que la peur du

chômage exprime une éthique du travail

protestante, que nous nous défi nissons

toujours d’abord par rapport au travail et

que la perte d’un emploi met donc en péril

notre identité ?

Oui. Mais la mondialisation a également

conduit à une transformation de la notion

de travail. Pour nos parents, travail et

vocation allaient de pair. On exerçait un

travail sa vie durant, on était même fi er

d’être un travailleur. Mais dans les années

1960, 1970, le travail est devenu un job.

Peu importe ce que je fais, du moment que

je gagne bien. Ce qui signifi e aussi que

l’on peut changer de métier au bout de

quelques années.

Et aujourd’ hui ?

Il existe un nouveau phénomène, celui du

travail bénévole : le « travail relationnel », le

bénévolat des seniors, mais aussi les stages

des jeunes, et les petits boulots d’appoint

intéressants, créatifs ou intellectuels, qui

ne rapportent pas grand-chose. Ainsi l’an-

goisse existentielle grandit-elle aussi chez

les diplômés universitaires. Cela dit, on ne

peut pas vraiment tomber dans la misère

en Suisse.

Le chômage n’est pas drôle pour autant.

C’est vrai, pour certains, se rendre dans

un ORP est une honte. On ne se fait pas

à l’idée qu’on a droit à une assurance

parce qu’on a cotisé. Au contraire, on se

sent dans la peau d’un raté.

Est-ce que l’attitude face au chômage est

diff érente dans le sud de l’Europe ?

Peut-être bien. Cela dit, nous ne devons

pas oublier que si notre taux de chômage

au XXe siècle était aussi bas, c’est parce que

nous pouvions, grâce aux saisonniers et

aux travailleurs immigrés, renvoyer les

gens lorsqu’il n’y avait plus assez d’emplois.

Nous avons exporté le chômage.

Vous nous avez expliqué plus haut que le

« chômage » était un modèle obsolète.

Aujourd’ hui, les ruptures et les changements

ne sont-ils pas devenus « normaux » dans

le paysage professionnel ?

Même si nous ne suivons plus le modèle

où l’on reste des dizaines d’années au même

poste, nous suivons une carrière linéaire.

Cependant, dans les années 1980 déjà,

j’ai observé chez mes collègues américains

LE CHÔMAGE EN SUISSE AU XXE SIÈCLE

Chômage de la population active en %

Dépression d’après-guerre

Crise économique mondiale

Crise pétrolière

Récession/Crise immobilière

— Marché du travail —

Photos : RDB; Hans Staub / Fotostiftung Schweiz / Keystone; Zu / Photopress-Archiv / Keystone; Martin Ruetschi / Keystone

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Bulletin 6 / 2012 — 31

Quels sont les événements les plus graves d’une

vie, les coups du destin traumatisants, qui

ébranlent inévitablement quelqu’un, aussi so-

lide soit-il ? Pas besoin d’être psychologue pour

le deviner : la perte d’un proche, la maladie ou

le chômage ne laissent personne indemne. En

1967, les psychiatres américains Th omas Holmes

et Richard Rahe ont dressé une liste de 43 « fac-

teurs de stress », maintes fois vérifi és depuis,

et qui ont, dans l’ensemble, été confi rmés. Les

événements suivants se classent en tête : 1. Décès

d’un conjoint. 2. Divorce. 3. Emprisonnement.

4. Perte d’un membre de la famille. 5. Accident

ou maladie. 6. Mariage. 7. Chômage.

Que le mariage soit présenté comme un poten-

tiel facteur de stress peut surprendre, car il

est réputé être le « plus beau jour d’une vie ».

Mais d’après les résultats des travaux des deux

chercheurs, le stress n’est pas uniquement dé-

clenché par des événements négatifs, mais

aussi par des situations qui entraînent un chan-

gement et nécessitent une adaptation : un nou-

veau couple, une maternité, une naissance, un

nouveau poste, une promotion, la construction

d’une maison ou la création d’une entreprise,

etc. De tels tournants s’accompagnent toujours

d’incertitudes et de risques. Le résultat sta-

tistique de Th omas Holmes et Richard Rahe

montrait que lorsqu’un ou plusieurs de ces évé-

nements décisifs surviennent, le risque de ma-

ladie augmente fortement. Toutefois, leur liste

ne tient pas compte du fait que les gens réa-

gissent tous diff éremment face aux événements.

Ainsi, pour quelqu’un ayant fortement souf-

fert dans un mariage malheureux, un divorce

peut également être une libération. La durée

du stress en question n’est pas non plus prise en

compte. Or il existe une diff érence entre dix

ans de prison et trois jours de détention.

Concernant le facteur « chômage », les cher-

cheurs s’accordent à dire qu’il a un impact

négatif sur la joie de vivre et sur l’état de santé.

Plusieurs études montrent que la perte d’un

emploi peut avoir un eff et plus néfaste qu’un

divorce. De plus, un licenciement a souvent des

répercussions sur toute la famille. L’enquête

de l’économiste Bruno S. Frey, de l’Univer-

sité de Zurich, sur la relation entre économie

et bonheur (malheur) montre que l’eff et per-

vers du chômage est que la personne concernée

ne s’y habitue pas. Au contraire : plus le chô-

mage perdure, plus la conscience de sa propre

valeur est endommagée, ce qui, à son tour,

réduit les chances de retrouver un emploi. Les

recherches de Bruno S. Frey montrent aussi

que les hommes sans emploi souff rent plus de

leur situation que les femmes, qui se consacrent

davantage aux activités sociales et familiales

durant cette période. Il est donc possible que

les hommes défi nissent leur identité et leur

valeur plus fortement en fonction de leur travail

que les femmes.

La perte d’un emploi entraîne également (en

partie) l’exclusion du milieu social habituel, qui

aide normalement à s’aff ranchir du stress. La

croissance du taux de chômage d’un pays a un

eff et paradoxal : l’anxiété et l’insatisfaction de

ceux qui ne sont pas concernés, c’est-à-dire les

actifs, sont renforcées par le climat d’incerti-

tude qui en découle, tandis que les chômeurs

souff rent moins d’un taux élevé, car ils se sentent

moins stigmatisés dans leur situation. « Lorsque

beaucoup de gens sont au chômage, le sans-em-

ploi n’est pas le seul dans cette situation. Certes,

sa joie de vivre est entamée, mais pas autant que

s’il était le seul à connaître le chômage », ex-

plique Bruno S. Frey dans son livre « Glück.

Die Sicht der Ökonomie ». Dans un pays où le

taux de chômage est bas, comme en Suisse,

le chômeur se sent plus marginalisé qu’en Es-

pagne, par exemple.

Résultat des recherches sur les conséquences

de la maladie ou d’un accident : les problèmes

physiques génèrent du stress et fragilisent la

santé, créant, tel un cercle vicieux, un terrain

favorable à de nouvelles maladies. Toutefois, il y

a une bonne nouvelle : Bruno S. Frey constate

dans ses recherches qu’en général les gens

s’habituent relativement vite à un problème

physique après un premier choc, par exemple à

une paralysie par suite d’accident. La nécessité

d’adaptation crée certes toujours du stress,

mais aucun être vivant au monde n’est aussi

bien armé que l’homme pour y faire face.

Les hommes sans emploi souff rent plus que les femmesSur certaines personnes, le chômage peut avoir des

conséquences plus graves qu’un divorce. Quels événements

sont perçus comme particulièrement traumatisants ?

La  recherche nous répond.

Par David Signer 

qu’ils changeaient régulièrement de poste

et de domicile, et qu’ils cumulaient trois,

voire quatre jobs. Il est fort possible que ce

phénomène fasse son apparition chez nous.

Cette solution multi-job présente proba-

blement l’avantage que l’on ne devient pas

un spécialiste borné, devant cacher son

absence d’imagination derrière sa loyauté,

sa stabilité, sa précision ; l’inconvénient

reste néanmoins que l’on ne peut rien ap-

profondir et que l’on doit passer d’un tra-

vail à un autre.

Le Baromètre des préoccupations mentionne

également souvent le « chômage des jeunes ».

Ici aussi, on pourrait dire qu’on se re-

donne une bonne image, lorsqu’en tant

qu’adulte on s’inquiète que les jeunes

n’aient pas assez de travail. Mais c’est déjà

bien assez que les jeunes eux-mêmes s’en

préoccupent. Tout d’abord, la recherche

d’un apprentissage. Souvent, ils ne sont

pas vraiment chômeurs mais doivent faire

un apprentissage qui ne les intéresse

pas, car ils n’ont rien trouvé dans leur do-

maine, et ils deviennent coiff eur au lieu

de mécanicien.

L’année dernière, une partie des places

d’apprentissage disponibles en Suisse n’a

pas été pourvue, et des apprentis étrangers

sont donc venus. Est-ce que la peur

du  chômage des jeunes est aussi en partie

irrationnelle ?

Les formations professionnelles et les

matières sont très variées. Beaucoup

de jeunes sont dépassés. Il faut prendre

des décisions diffi ciles sans savoir exacte-

ment ce que l’avenir nous réserve. Ils ne

savent pas si l’on aura encore besoin d’eux

après leur diplôme. Car qui peut savoir

à quoi ressemblera le marché du travail

dans cinq ans ? J’ai étudié l’ethnologie, et

je suis fi nalement devenu psychanalyste.

Mais aujourd’hui, les gens veulent savoir

avec certitude vers quoi ils se dirigent. Or

ces certitudes fondent sans cesse comme

neige au soleil.

— Marché du travail —

Bulletin 6 / 2012 — 31

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32 — Bulletin 6 / 2012

— Marché du travail —

Arc lémanique

Arc lémanique

EspaceMittelland

Suisse du Nord-Ouest

Industrie traditionnelle

Industrie de pointe

BâtimentCommerce et vente

Services aux entreprises

Services administratifs et sociaux

Espace Mittelland

Suisse entière

96 514 50 75153 856 53 383117 252

100 309 52 95782 745 55 039153 349

Chiffres en noir : personnes actives en 2008

Chiffres en gris : personnes actives en 1995

93 589 71 116 66 670103 216139 997

86 416 86 063 63 361101 426171 699

Déclin moins de ± 3%

Essor

1995 373 888306 596 323 489510 001 267 524564 901

2008 329 907339 448 304 113522 010 392 706726 734

Sources : Office fédéral de la statistique, Credit Suisse Economic Research. Nombre d’actifs en équivalents temps plein. Chiffres actuels.

Les économistes appellent « tertiairisation »

l ’évolution que la Suisse connaît depuis

longtemps : le secteur tertiaire (services)

s’accroît tandis que régressent les secteurs

primaire et secondaire (agriculture et in-

dustrie). On constate notamment, entre

1995 et 2008, une augmentation dans

toutes les régions des services administra-

tifs et sociaux semi-publics dans le domaine

de la santé, du social et de l’éducation. Les

services aux entreprises comme le conseil

ou les cabinets d’architecture et d’ingénie-

rie ont aussi progressé. Les secteurs indus-

triels traditionnels tels que l’imprimerie, la

chimie et la restauration perdent du terrain.

Toutes les données disponibles montrent

une incidence de ce changement structurel

sur l’évolution du marché de l’emploi. Au

total, en 2008, la Suisse comptait près de

3,4 millions d’emplois à temps plein (hors

agriculture), soit 300 000 postes de plus

qu’en 1995.

Les emplois du futurUne tendance domine sur le marché du

travail suisse : de nouveaux postes sont créés

dans divers secteurs de services.

Par Andrea Schnell et Emilie Gachet

Infographie : Ole Häntzschel

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Bulletin 6 / 2012 — 33

— Marché du travail —

Niveau de formationPart des 25–64 ans

titulaires d’un diplôme du secteur tertiaire

Taux d’activitéFemmes Hommes

20%1995

68%1995

77%2008

91%1995

88%2008

35%2008

Taux d’occupationPart des employés à temps plein

dans la population active

72%1995

65%2008

Zurich

Suisse orientale

Suisse centrale

Tessin

Production et distri-bution

d’énergie

Transports, poste

Informa-tique,

informa-tion, commu-

nication

Services financiers

Divertissement, hôtellerie-

restauration

Zurich

Suisse centrale

Tessin

Suisse du Nord-Ouest

54 17470 125 38 41868 46570 076

44 51672 096 55 22769 79594 211

54 835107 124 63 57764 748100 011

105 225 81 163100 270130 982

38 356 34 03148 748 22 04343 835

35 478 33 67555 560 36 28257 341

190 326185 696250 552 24 69783 004

3 080 679

Suisse entière

3 396 914

24 276185 684 116 654208 346247 029

Suisse orientale

72 572 47 283 53 14064 13168 087

65 157 56 796 48 91163 96188 523

18 40721 799 10 181 15 51225 641

17 13725 730 16 327 15 35730 627

47 788

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34 — Bulletin 6 / 2012

Hautement qualifi és, performants, employables dans le monde entier : ils pourraient

vivre aux quatre coins de la planète mais ont choisi la Suisse. Six expatriés racontent leur

expérience et nous livrent leur vision de l’intégration.

Par Simon Brunner et Dan Cermak (photos)

Pourquoi nous sommes ici

QU’APPORTENT LES EXPATR IÉS À LA

Suisse ? Selon le point de vue adopté, ils

créent de la valeur économique, donnent au

pays une touche internationale et viennent

alimenter la « réserve de cerveaux », ou bien

ils font monter le prix des loyers, prennent

les emplois des Suisses et forment une socié-

té parallèle.

Même la conseillère fédérale Simo-

netta Sommaruga s’est penchée sur la ques-

tion des expatriés : elle dénonce la mauvaise

intégration des étrangers hautement quali-

f iés ayant un bon emploi et prépare un

programme d’intégration à leur intention.

Mais que pensent les principaux in-

téressés de la Suisse ? Six cadres étrangers

ayant suivi un cursus de MBA à l’IMD de

Lausanne en 2009 nous parlent de leur

pays d’accueil.

Vous pourriez vivre partout dans le monde.

Pourquoi alors avoir choisi la Suisse ?

CORALIE LERESCHE : J’étais à Paris et suis

arrivée à Genève en tant qu’employée

d’une banque d’investissement, ce qui

devait être un tremplin vers les Etats-

Unis. Curieusement, j’ai préféré Genève

à New York, en termes de culture de

travail, mais aussi de nature et de possibi-

lités qu’off rent les environs.

JODIE ROUSSELL : En eff et, la nature est

formidable. La Suisse est comme

une  version améliorée du Vermont, l’Etat

américain d’où je viens.

KARIM EL-KOURY : Je suis venu pour me

former et suis resté par amour.

WOUTER NAESSENS : Nous vivions en Afrique

du Sud, mais y élever des enfants est trop

dangereux.

DENIS PERES : Après mon MBA, on m’a

proposé un emploi intéressant, alors nous

sommes restés. C’est le fruit du hasard

plus que d’une décision réfl échie.

SLAVA RAYKOV : Nous ne pourrions pas

travailler partout dans le monde. Nous

sommes intéressés par des secteurs et des

postes que l’on trouve plutôt en Suisse.

Dans notre promotion, plus de 40 natio-

nalités étaient représentées. Aujourd’hui,

plus de la moitié vivent en Allemagne,

en Grande-Bretagne, aux Pays-Bas ou en

Suisse.

Madame Roussell, vous faites partie des

« nomades internationaux » ; qu’entend-on

par là ?

ROUSSELL : J’ai beaucoup voyagé. J’ai vécu

dans le Vermont, à Boston, à Kyoto, à

Washington DC, à Taipei, à Pékin, à

Vienne, et à Berlin, puis de nouveau à

Washington DC. Ensuite j’ai fait la

navette entre New York et Londres, puis

Paris, Lausanne, de nouveau les Etats-

Unis, Pékin, Shanghai, Genève et main-

tenant Zurich.

Qu’est-ce qui fait la particularité de

la Suisse ?

ROUSSELL : La cohésion sociale, le sens de

la collectivité. Les gens votent parfois

à l’encontre de leur intérêt personnel, par

exemple contre la réduction des impôts.

C’est un cas rare, hormis peut-être au Japon,

mais assurément inexistant aux Etats-Unis.

PERES : Je suis d’accord. Si je crois à la

responsabilité individuelle, je reconnais

que les institutions sociales en Suisse sont

exceptionnelles. Il est essentiel que

les couches les plus défavorisées puissent

bénéfi cier d’un certain niveau de vie.

La pauvreté mine la société.

Le principal attrait ne réside-t-il pas dans

les avantages pécuniaires ?

RAYKOV : Il est clair que la faible imposi-

tion et les salaires élevés sont un atout en

Suisse !

NAESSENS : Je n’en suis pas sûr. En Belgique,

j’aurais un niveau de vie au moins équi-

valent. Tout est très cher ici. De plus, mon

employeur contribuerait plus aux assu-

rances et ma famille pourrait nous aider en

gardant les enfants.

Qu’est-ce qui vous dérange dans la vie en

Suisse ?

PERES : Les prix élevés...

EL-KOURY : Des détails. Mes voisins

passent leur temps derrière leur fenêtre

à épier les gens.

NAESSENS : Le salaire de ma femme passe

intégralement dans la garde de notre

Baromètre des préoccupations du Credit Suisse 2012

55 % considèrent l’intégration des étrangers comme un objectif politique important.

— Intégration —

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Bulletin 6 / 2012 — 35

Denis Peres, 36 ans

Brésilien, vice-président

chez O-I, leader

mondial des emballages

en verre ; il vit en Suisse

depuis quatre ans, habite

dans un village près

de Lausanne.

Slava Raykov, 31 ans

Russe, responsable

fusions et acquisitions

chez Philipp Morris ;

elle habite en Suisse

depuis sept ans, dans

diff érentes villes

au bord du lac  Léman.

Jodie Roussell, 33 ans

Américaine, directrice

des aff aires publiques

chez Trina Solar,

une entreprise leader

dans le secteur photo-

voltaïque ; elle habite en

Suisse par intermittence

depuis 2009, à Genève

et à Zurich.

Coralie Leresche, 35 ans

Française, Investor

Relations Manager chez

Symbiotics, un établis-

sement de microfi nance ;

elle habite en Suisse

depuis huit ans, à

Genève et à Lausanne.

Wouter Naessens, 34 ans

Belge, Senior Financial

Manager chez Kudelski ;

il habite près de

Lausanne.

Karim El-Koury, 33 ans

Autrichien d’origine

égyptienne, responsable

des ventes et du marke-

ting chez un fabricant de

fi ltres à eau ; il habite à

Lausanne par intermit-

tence depuis 2009.

— Intégration —

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36 — Bulletin 6 / 2012

enfant, nous ne pouvons donc pas nous

permettre d’en avoir un second ici.

ROUSSELL : Une de mes amies débourse

4 000 francs par mois pour pouvoir

travailler longtemps et récupérer son

enfant après 19h00. Les femmes en Suisse

sont qualifi ées, mais les infrastructures

ne leur permettent pas de concilier travail

et famille, sans parler de la stigmatisation

des mères actives. Singapour dispose

d’un avantage pour attirer les talents du

monde : là-bas, une aide-ménagère coûte

600 dollars par mois.

Vous sentez-vous les bienvenus en Suisse ?

LERESCHE : Oui, même si à Genève

les Français ne sont pas très aimés :

on les juge arrogants.

PERES : Oui, même si je suis surpris de voir

des affi ches prônant l’arrêt de l’immi-

gration. Les étrangers aident la Suisse à

progresser économiquement et à accroître

sa compétitivité : nous payons des im-

pôts élevés et nos entreprises créent des

emplois dans le pays.

RAYKOV : Nous sommes accueillis à bras

ouverts ici. Mais les étrangers représentent

plus de 20% de la population en Suisse,

et tous ne se comportent pas aussi bien que

nous. C’est sûr que les Suisses sont très

vigilants quant aux personnes qu’ils

laissent entrer.

ROUSSELL : Il y a une forme de racisme

implicite. J’ai un bon ami indien. N’ayant

pu trouver d’appartement, il a fi ni par

atterrir dans le pire logement où il ait

jamais vécu. Il n’a pas tardé à rentrer en

Inde avec sa famille. Bien sûr, il existe

partout dans le monde une certaine antipa-

thie à l’égard des gens qui ont l’air diff é-

rents. Mais contrairement aux Etats-Unis

ou à la Nouvelle-Zélande, la Suisse ne se

défi nit pas comme un pays d’immigration.

A quel point êtes-vous intégré ?

PERES : C’est diffi cile à admettre, mais ma

fi lle est plus Romande que Brésilienne.

Elle parle français et réclame du fromage

au dessert !

EL-KOURY : Comme nombre d’entre nous,

je repars presque tous les week-ends.

EasyJet est à Genève et les vols sont bon

marché. Mais je me sens aussi très bien

ici ; Lausanne est presque aussi interna-

tionale que Londres.

ROUSSELL : Pour moi, c’est l’inverse : je

suis en voyage la semaine et je passe mes

week-ends ici.

NAESSENS : Je travaille avec des Suisses et

passe mon temps libre avec des étrangers.

Il m’est diffi cile de faire la connaissance

de Suisses : nous ne faisons partie

d’aucune association et partons souvent le

week-end.

ROUSSELL : Par rapport aux grandes villes

asiatiques, il n’est pas diffi cile de s’intégrer

ici. Il n’y a pas de barrière socio-écono-

mique entre les expatriés et les autres. Il

suffi t de faire connaissance avec un Suisse

pour s’intégrer à un cercle plus large.

Le cliché des Suisses renfermés n’est pas

une réalité pour vous ?

ROUSSELL : Non, mais je comprends que

les Suisses puissent garder leurs distances

vis-à-vis des expatriés, car on ne lie pas

forcément une amitié avec quelqu’un qui

partira bientôt.

Quelle importance a la langue ?

ROUSSELL : Partout où j’ai vécu, j’ai appris

la langue locale. Toujours s’adresser aux

gens en anglais n’est pas très poli. Mais

apprendre le dialecte suisse-allemand est

un vrai défi .

NAESSENS : Il y a beaucoup de Suisses dans

mon équipe. On bavarde en anglais mais

on emploie le français pour les choses

importantes. Par chance, je le comprends,

mais je préfère expliquer les choses

complexes en anglais, même si ce n’est pas

non plus ma langue maternelle.

La plupart des expatriés en Suisse vivent

autour de l’Arc lémanique ou dans les grandes

villes de Suisse alémanique telles que Zurich,

Bâle ou Zoug. Quelles sont les diff érences ?

ROUSSELL : La région romande me semble

plus internationale. En Suisse alémanique,

il vaut mieux parler allemand. Il y a des

diff érences notables selon les cantons.

Déménager de Genève à Zurich a été plus

compliqué que de passer de Shanghai à

Genève.

LERESCHE : J’aime beaucoup Zurich et

Genève, mais ce que je ne comprends pas,

c’est pourquoi il y a si peu d’échanges

au sein de la Suisse. Pourquoi Romands

et Suisses alémaniques ont-ils si peu

de choses à se dire ?

Comment jugez-vous la culture du travail

en Suisse ?

LERESCHE : Comparé à Paris, les gens sont

plus terre à terre : on va au bureau à vélo,

on travaille, on mange rapidement, on

rentre chez soi et on profi te de son temps

libre. A Paris, on reste au bureau jusqu’à

ce que le chef parte, les repas durent une

éternité et les relations sont plus compli-

quées.

RAYKOV : Bien que les gens travaillent

moins qu’en Russie, ils sont souvent plus

productifs ; tout est très organisé. La

principale diff érence réside dans la nature

du travail. Ici, on trouve beaucoup de

sièges sociaux d’entreprises internatio-

nales, donc plus de stratégie et moins de

production.

Vous sentez-vous chez vous en Suisse ?

EL-KOURY : Je ne sais pas ce que signifi e se

sentir « chez soi ». Mon père est Egyptien

et ma mère Autrichienne. J’ai grandi

à Vienne et j’ai vécu à Londres, en Alle-

magne et en Suisse. Partout, je suis

« l’étranger ».

LERESCHE : Même si je ne connais aucun

nom de conseiller fédéral, je me

sens  vraiment chez moi à Genève. Je n’ai

jamais vécu aussi longtemps dans un

même endroit.

ROUSSELL : J’aimerais bien rester longtemps

à Zurich.

NAESSENS : Nous venons d’acheter une

maison, nous resterons donc en Suisse

quelques années encore. Mais sommes-

nous intégrés à la société suisse ? Non.

C’est le prix à payer pour avoir choisi une

vie d’expatriés.

— Intégration —

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Bulletin 6 / 2012 — 37

La Suisse en chiff res (2/4)

Dix inventions

— Swiss List —

1. Césarienne (1500) : Sa femme enceinte étant en danger de mort, le Th urgovien Jacob Nufer incise l’abdomen pour en extraire l’enfant et réalise ainsi la première intervention réussie de l’histoire. Il a  acquis cette technique grâce à son métier : châtreur de porcs.

2. Table de logarithmes (1588) : L’horloger Jost Bürgi, originaire du Toggenburg, est le premier à découvrir les logarithmes, mais il ne publie pas l’invention faute de savoir le latin. A la place, c’est un Anglais qui entre dans la postérité comme l’« inventeur des logarithmes ».

3. BD (1827) : Faisant appel au fantasque et à la caricature, les histoires illustrées du Genevois Rodolphe Toepff er publiées dans les années 1830 connaissent un succès fulgurant. « C’est vraiment trop drôle ! C’est  étincelant de verve et d’esprit ! », déclarera Goethe à leur propos.

4. Soupe déshydratée (1884) : Les toutes premières farines pour soupe de Julius Maggi (également l’inventeur du condiment liquide du même nom) devaient être encore assez peu digestes. Mais en 1887, il proposait déjà vingt variétés de soupe instantanée.

5. Jus de pomme (1890) : Hermann Müller-Th urgau est d’abord connu pour le cépage du même nom (appelé Riesling x Sylvaner en Suisse). C’est aussi lui qui a l’idée de faire chauff er le moût pour tuer les bactéries. Jusqu’ici, on buvait du cidre.

6. Papier alu (1912) : Comme souvent, le développement s’est fait par étapes. C’est fi nalement l’industriel schaff housois Robert Viktor Neher qui a déposé un brevet pour la feuille d’aluminium telle qu’on la connaît.

7. DDT (1942) : Le chimiste Paul Hermann Müller (Prix Nobel 1948) a découvert les propriétés d’insecticide du DDT, commercialisé ultérieure-ment par la société qui l’employait, J.R. Geigy. Malgré le succès remporté par le produit dans la lutte contre le paludisme, le DDT a par la suite été interdit dans de nombreux pays en raison de ses eff ets nocifs à long terme sur les oiseaux.

8. Autopartage (1948) : Dans ce domaine, la Suisse détient deux records : elle est le pays qui a vu naître la première coopérative d’autopartage du monde peu après la guerre et celui qui compte aujourd’hui le plus grand nombre d’abonnés, soit cinq à dix fois plus que dans les pays voisins.

9. Angioplastie (1977) : Le cardiologue allemand Andreas Roland Grüntzig est le premier à avoir réussi à dilater l’artère coronaire rétrécie d’un patient en utilisant un ballonnet, le 16 septembre 1977 à l’Hôpital cantonal de Zurich.

10. Robidog (1981) : Une invention comme on n’en fait qu’en Suisse ! Il s’agit d’un dispositif comportant à la fois un distributeur de sachets destinés à la collecte des excréments canins et un compartiment pour  les  jeter. Une découverte du menuisier thounois Joseph Rosenast.

Bulletin 6 / 2012 — 37Par Matthias Plüss, 1kilo (illustrations)

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38 — Bulletin 6 / 2012

L’immigration, un bienfait pour l’économie mondialeA la suite de la crise économique, le débat sur les avantages et les inconvénients de l’immigration est devenu de plus en plus émotionnel. Un coup d’œil sur l’histoire montre que les immigrants ont posé les fondements de l’économie mondiale et qu’ils favorisent aujourd’hui encore la croissance.

L ’ H O S T I L I T É E N V E R S L E S

immigrants existe dans presque tous les

pays riches. Immigrants économiques pro-

fitant des prestations sociales, loyers en

hausse et pénurie de logements à cause

d’étrangers solvables, ou encore concur-

rence sur le marché du travail face à des im-

migrants hautement qualifi és : autant d’ar-

guments pour la limitation de l’immigration.

Si nos sociétés veulent encore se dé-

velopper, si les pays en développement sou-

haitent lutter contre la pauvreté et progres-

ser économiquement, alors l’immigration

est essentielle. Les immigrants sont indis-

pensables à la dynamique économique de

l’Europe et de l’Amérique.

En Suisse, l’un des pays les plus riches

d’Europe, la part de main-d’œuvre étran-

gère est particulièrement importante :

1,36 million d’étrangers y travaillent, un

chiff re sans précédent. En d’autres termes,

28,5% des actifs du pays n’ont pas de pas-

seport suisse.

Le pays s’épanouit-il parce qu’il ac-

cueille des étrangers, ou bien les étrangers

viennent-ils parce que la Suisse est pros-

père ? Pour savoir quelles sont les contribu-

tions des immigrants à la croissance écono-

mique, des calculs économiques complexes

sont nécessaires. On peut dire que l’immi-

gration n’a pas empêché l’économie suisse

de se développer ni de maintenir sa stabi-

lité en dépit de la crise économique. Mais

on peut surtout supposer, ne serait-ce que

du point de vue de la théorie économique,

que les immigrants relancent la croissance

dans les pays où ils sont bien accueillis.

Quatre raisons plaident en faveur de l’im-

migration mondiale :

1 — Elle est source d’innovation et de dyna-

misme ;

2 — Elle représente une solution à la pénurie

de main-d’œuvre ;

3 — Elle répond au problème du vieillisse-

ment croissant de la population ;

4 — Elle constitue une issue à la pauvreté

et à la persécution.

Par Ian Goldin

— Migration —

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Bulletin 6 / 2012 — 39

Au contraire, sa limitation freine la crois-

sance et fragilise la compétitivité à long

terme d’une économie. Elle creuse les iné-

galités et constitue un obstacle à la prospé-

rité. Certes, la hausse de l ’immigration

s’accompagne de coûts plus élevés, surtout

au niveau local. Il s’agit néanmoins de coûts

à court terme que la société doit accepter

pour profi ter d’avantages à long terme. Ces

inconvénients sont, entre autres, la pres-

sion sur le marché du logement et le sys-

tème scolaire, et les défi s souvent posés par

les immigrants en matière d’homogénéité

culturelle de la société. Tous ces problèmes

peuvent et doivent faire l’objet d’un débat

public, sans servir de prétexte pour fermer

les frontières aux immigrants. Il faut veiller

à ce que les immigrants soient reconnus

comme partie intégrante de la société, avec

leurs droits et devoirs.

Malgré la résistance des pays d’ac-

cueil, le nombre de migrants dans le monde

a doublé depuis vingt-cinq ans et va à nou-

veau doubler d’ici à 2030. Les crises écono-

miques et politiques ainsi que les problèmes

écologiques incitent les gens à quitter leur

patrie, à rechercher la sécurité et à tenter

leur chance ailleurs. Dans le contexte d’une

mondialisation croissante, les risques et les

coûts liés à l’immigration vont continuer

de diminuer. La combinaison de la crois-

sance de la population, de la diminution

des coûts des transports et de l’améliora-

tion des réseaux sociaux et économiques

transnationaux conduira à une augmenta-

tion de l’immigration. Si ce processus se

développe, il stimulera la croissance et di-

minuera la pauvreté dans le monde. Il exige

néanmoins un contrôle rigoureux afi n

400 000 Suisses ont émigré entre 1850 et 1914 : aux Etats-Unis, seize lieux se nomment « Lucerne » et on trouve même un « New Glarus » dans le Wisconsin.

Baromètre des préoccupations du Credit Suisse 2012

77 % des sondésvoient dans l’immigration la plus grande menace pour l’identité suisse.

— Migration —

Photo : Luca Zanetti / Laif / Keystone

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40 — Bulletin 6 / 2012

D’après le texte anglais de Matthias Fienbork.

Ian Goldin est directeur de l’Oxford Martin School et membre du Balliol College de l’Université d’Oxford. Auparavant, il a été vice-président de la Banque mondiale (2003-2006).

* « Exceptional People. How Migration Shaped Our World and Will Defi ne Our Future » (Princeton University Press, 2012), ISBN: 978-0691156316.

que les avantages puissent être bien exploi-

tés et que la réaction des pays d’accueil ne

mène pas à davantage de polarisation.

Toutefois, si les obstacles à la circu-

lation transfrontière des capitaux, des

marchandises et des services ont été consi-

dérablement réduits ces dernières décen-

nies, les migrations internationales n’ont

jamais été autant contrôlées. Pour les éco-

nomistes classiques comme John Stuart

Mill, de telles restrictions étaient insen-

sées sur le plan économique et inaccep-

tables sur le plan éthique. Quant à Adam

Smith, il s’attaquait à tout ce qui entravait

« la libre circulation des travailleurs d’un

emploi à un autre ».

Au XIXe siècle, avec l’apparition des

bateaux à vapeur et d’autres moyens de

transport, un tiers de la population de

Scandinavie, d ’Irlande et de certaines

parties de l ’Italie a émigré. Environ

400 000 Suisses ont également quitté le

pays entre 1850 et 1914. Des colonies

suisses ont été fondées sur le continent

américain, souvent baptisées du nom du

lieu d’origine des émigrés. Aux Etats-

Unis, pas moins de seize villes et villages

portent le nom de « Lucerne ». La migra-

tion a constitué pour des millions d’Euro-

péens le moyen d’échapper à la pauvreté et

aux persécutions et a participé au dévelop-

pement de pays comme les Etats-Unis

ou la Grande-Bretagne et de diff érentes

colonies.

La montée du nationalisme avant la

Première Guerre mondiale a conduit à l’in-

troduction de passeports et de contrôles

plus stricts des déplacements transfronta-

liers. Un siècle plus tard, malgré la sup-

pression des barrières en ce qui concerne

les biens, les capitaux et l’information, les

entraves à la circulation des personnes

n’ont jamais été aussi grandes.

Environ 200 millions de personnes,

soit à peu près 3% de la population mon-

diale, vivent aujourd’hui hors de leur pays

natal. Ce sont les orphelins de l ’ordre

mondial international. Dans mon livre

« Exceptional People »*, j’explique que les

pays qui accueillent des étrangers en tirent

bénéfice. Ces derniers constituent non

seulement une source de main-d’œuvre

utile, mais leur contribution à l’innovation

et à la création de richesses est extrême-

ment grande.

Ainsi, plus de la moitié des brevets et des

jeunes entreprises d ’ informatique des

Etats-Unis sont le fruit d’immigrants. De

plus, leur contribution fi scale dépasse les

sommes qu’ils perçoivent en prestations

sociales. Les immigrants occupent une

place prééminente dans les domaines des

sciences, de la culture et de l’innovation,

même s’ils ne représentent qu’environ 10%

de la population. Tout cela n’est pas un ha-

sard, comme le montrent des études mon-

diales sur la contribution des immigrants.

Baisse du nombre d’actifs locaux

Grâce aux progrès de la médecine, l’espé-

rance de vie a augmenté dans les pays dé-

veloppés. En raison du faible taux de nata-

lité et de la fi n du baby-boom post-Seconde

Guerre mondiale, le nombre d’actifs lo-

caux continuera de chuter dans les pro-

chaines années. Avec le vieillissement des

populations et la chute des taux de nata-

lité, l ’immigration devient indispensable

pour maintenir la compétitivité écono-

mique et fi nancer les systèmes de retraite

et de santé.

Les répercussions de la baisse de la

population active sont aggravées par l’élé-

vation du niveau d’éducation dans les pays

développés. En eff et, de moins en moins

de gens sont disponibles pour les emplois

à bas salaires, dans le commerce ou le bâti-

ment. Dans les pays de l’OCDE, le nombre

d’actifs possédant un diplôme universi-

taire augmentera d ’environ 35% entre

2005 et 2025. Or, lorsque le niveau d’édu-

cation augmente, il en est de même des

attentes sur le marché du travail.

Pour les pays d’origine, migration est

souvent synonyme de fuite des cerveaux.

Néanmoins, les migrants apportent une

importante contribution à leur pays natal.

Taïwan et Israël sont de bons exemples des

apports de la diaspora sous forme de sou-

tien politique, d ’investissements et de

transfert de technologie.

Par ailleurs, émigrer reste le meilleur

moyen de lutter contre la pauvreté. En

2010, les envois de fonds des émigrés s’éle-

vaient à plus de 440 milliards de dollars,

dont plus des deux tiers sont partis vers les

pays en développement. Pour certains pe-

tits pays en développement, ces sommes

constituent plus d’un tiers du PIB, et pour

les pays plus grands, elles s’élèvent parfois

à plus de 50 milliards de dollars par an. En

Amérique latine et dans les Caraïbes, plus

de 50 millions de personnes vivent de ces

transferts, et ce nombre est encore plus éle-

vé en Afrique et en Asie.

Ainsi, pays pauvres et pays riches

profi tent tous de l’immigration, ceux qui

en bénéfi cient le plus étant les pays en dé-

veloppement. Une augmentation de 3% de

la main-d’œuvre immigrée dans les pays

industrialisés entre 2005 et 2025 génére-

rait des gains mondiaux de 356 milliards

de dollars, dont plus des deux tiers repar-

tiraient vers des pays en développement.

Une ouverture totale des frontières est

certes politiquement irréaliste, mais elle

pourrait off rir à l’économie mondiale des

gains de 39 000 milliards de dollars en

vingt-cinq ans.

Des pays puissants s’opposent à

l’heure actuelle à une réforme des lois sur

l’immigration et à la création d’une orga-

nisation mondiale de l’immigration. Pour-

tant, davantage d’immigration, et surtout

une immigration plus effi cace, serait dans

l’intérêt de tous. Le débat public est trop

important pour être abandonné aux politi-

ciens.

— Migration —

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Page 43: La Suisse – les secrets de sa réussite...Page 2 3 Ian Goldin L’ancien vice-président de la Banque mon-diale et professeur d’économie à Oxford est considéré comme l’une

Bulletin 6 / 2012 — 41Bulletin 6 / 2012 — 41

Il est toujours très diffi cile de maintenir un équilibre entre ferme-

ture des frontières et liberté de circulation. En Europe et en

Amérique, le XIXe siècle a été marqué par la libre circulation des

personnes. En revanche, dès 1918, les Etats se sont défi nis en tant

que nations réunissant idéalement un peuple, un territoire, une

langue, une culture, un Etat et un dirigeant politique. Les fron-

tières se sont fermées et les mouvements migratoires ont fait

fi gure d’exception.

Après 1945, l’union des pays de l’Europe de l’Ouest grâce

à l’AELE, l’UE, les diverses déclarations des droits de

l ’homme, la mobilité en matière de formation et la

convertibilité monétaire ont peu à peu facilité la circulation des

Européens. La Suisse, comme la plupart des pays européens, a

attiré une multitude de travailleurs issus des pays du Sud écono-

miquement faibles. La réévaluation du franc suisse entre 1973 et

1975 a montré que 300 000 de ces emplois n’étaient dus qu’à la

sous-évaluation, ces derniers ayant ensuite été supprimés en l’es-

pace d’un an. Certaines usines textiles se consacrant totalement

à l ’export conjuguaient matériaux importés et main-d’œuvre

étrangère. Il aurait été plus judicieux qu’elles s’établissent en

Anatolie ou en Sicile.

Après 1992, la liberté de circulation inhérente au marché inté-

rieur européen a changé de forme. Chaque pays respecte désor-

mais les conditions de travail et de rémunération prescrites par

la législation locale. Or la main-d’œuvre hautement qualifi ée est

aujourd’hui pratiquement la seule à se déplacer. La baisse du coût

des moyens de transport permet de s’affranchir d’éventuels

contextes politiques et économiques défavorables en seulement

quelques heures. L’Europe accueille ainsi nombre d’immigrants

dont il est parfois diffi cile de dire s’ils sont en quête de protection

ou de travail.

Les Etats européens ont élaboré des systèmes de transfert coû-

teux en matière de santé, de retraite, d’invalidité, de chômage,

d’allocations familiales, leur accès étant assuré par le versement

de cotisations. Ces systèmes garantissent la dignité humaine de

toute personne démunie (tel qu’ancré

dans la Constitution suisse depuis

2000) – non seulement en termes de

nourriture, mais également de « par-

ticipation culturelle ».

Non sans conséquences. Les normes

du travail nationales interdisent aux

travailleurs issus des pays européens

pauvres et aux entreprises des pays

riches d ’exploiter cette volonté de

trouver un emploi à tout prix, ce qui

limite la migration de main-d’œuvre non qualifi ée. Mais ainsi,

l’Europe ne peut pas faire preuve de compétitivité sur le marché

mondial.

A l’inverse, l ’immigration de main-d’œuvre qualifi ée sti-

mule l ’économie des pays d ’accueil. La mobilité de

cette main-d’œuvre ne connaît pas de limite. Pour ces

personnes, l ’émigration peut n’être que passagère, ce n’est pas

une décision sans retour comme elle l ’était naguère pour les tra-

vailleurs non qualifi és. Elle comble en outre les manques d’ef-

fectif et améliore ainsi la productivité.

Les systèmes de transfert soulèvent toutefois certains problèmes.

Notamment le dispositif d’aide sociale très généreux, qui n’exige

aucune cotisation et auquel chacun peut prétendre, attire de

nombreux immigrants. C’est pourquoi la liberté de circulation

en Europe ne s’applique qu’aux actifs et aux rentiers, et non aux

personnes non européennes.

Voilà qui est logique, puisque les marchés européen et in-

ternational prévoient le libre-échange de biens, de capi-

taux et de prestations. Il est bien plus judicieux d’échanger

les biens plutôt que de déplacer les personnes. La sécurité juridique

et la démocratie gagnent l’Asie, l’Amérique latine et récemment

aussi l’Afrique, de sorte que le monde entier devient un endroit

meilleur, éradiquant la nécessité des mouvements migratoires. Les

pays riches doivent maintenant apporter leur soutien dans ce sens.

Ceux qui, pavés de bonnes intentions, souhaitent régler les pro-

blèmes du monde par une politique d’immigration laxiste ne

contribuent qu’à miner les systèmes de protection sociale. Cette

population d’immigrés deviendrait une classe défavorisée, comme

avant 1975. Et personne n’y serait gagnant.

Frontières hermétiques ou libre circulation : quel équilibre ?

Beat Kappeler est commentateur pour la « NZZ am Sonntag » et écrivain. Il a récemment publié : « Wie die Schweizer Wirtschaft

tickt », aux éditions NZZ Libro.

Essai de Beat Kappeler

Illustration : Gefe

— Migration —

8

7

6

5

4

2

1

3

20101990197019501930191018901870

Source : Office fédéral des migrations

AllemagneFrance

EspagnePortugal

Serbie (à partir de 1999)Yougoslavie (jusqu’en 1999)

TurquieAutres

ItalieAutriche

0

9

IMMIGRATION EN SUISSE

Part de la population étrangère fi xe dans la population globale

En 1900, la population étrangère vivant en Suisse dépassait les 10%. Depuis 2003,

elle représente plus de 20%.

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Page 44: La Suisse – les secrets de sa réussite...Page 2 3 Ian Goldin L’ancien vice-président de la Banque mon-diale et professeur d’économie à Oxford est considéré comme l’une

First Name Last Name Country - -Furaha Chanzi TAN 2193 -Bonani Dube ZIM 2194 -Precious Kapambwe ZAM 2195 -Jubilee Garikai ZIM 2196 -Advey Mgaya TAN 2197 -Kasoma Chama ZAM 2198 -Margaret Kangwa ZAM 2199 -Faith Sniff ZIM 2200 -Deophister Chiluba ZAM 2201 -Nalukui Libaka ZAM 2202 -Mohammed Hamdia GHA 2203 -Naomi Mwila ZAM 2204 -Pumulo Ikwendo ZAM 2205 -Florence Mwansa ZAM 2206 -Mildred Machokoto ZIM 2207 -Restuta Njelekela TAN 2208 -Mubita Sitali ZAM 2209 -Josephine Chikanyira ZIM 2210 -Nemakando Kapokola ZAM 2211 -Evans Tete ZIM 2212 -Rafia Sulemana GHA 2213 -Gillian Chanda ZAM 2214 -Esa Mhanda TAN 2215 -Purity Kangwa ZAM 2216 -Irene Chimupunga ZIM 2217 -Shupikai Chibvongodze ZIM 2218 -Alice Chola ZAM 2219 -Libya Tshuma ZIM 2220 -Jacquiline Mwansa ZAM 2221 -Hellen Chingongo ZAM 2222 -Prudence Namuko ZAM 2223 -Ignasia Ndunguru TAN 2224 -Memory Kaipambe ZAM 2225 -Hildah Mofya ZAM 2226 -Sharon Namukwasa ZAM 2227 -Maggie Mubita ZAM 2228 -Persistence Bazela ZIM 2229 -Memonse Masiya ZIM 2230 -Agness Kabanda ZAM 2231 -Muzibe Liwakala ZAM 2232 -Monde Matomola ZAM 2233 -Lucy Kaovela TAN 2234 -Nakweti Pumulo ZAM 2235 -Sibesanu Tembo ZAM 2236 -Gracious Chipman ZAM 2237 -Marvis Chanda ZAM 2238 -Kaywala likando ZAM 2239 -Nyuni Yvonne ZIM 2240 -Vida Kasenegela TAN 2241 -Ruth Kanyumbu ZAM 2242 -Faith Nikule ZIM 2243 -Sophie Chikonde ZAM 2244 -Phillipa Gangazha ZIM 2245 -Namabunga Ngebe ZAM 2246 -Alice Banda ZAM 2247 -Andaratu Mahamadu GHA 2248 -Tendai Chuma ZIM 2249 -Tendai Chibuda ZIM 2250 -Harriet Nawelwa ZAM 2251 -Ketrina Nkandu ZAM 2252 -Ruth Phiri ZAM 2253 -Christerbell Chipulu ZAM 2254 -Gift Mwape ZAM 2255 -Munkombwe Masupa ZAM 2256 -Sophia Nalwamba ZAM 2257 -Annetty Mulubwa ZAM 2258 -Given Kalaba ZAM 2259 -Esta Manase TAN 2260 -Pamela Muchinga ZAM 2261 -Polite Dube ZIM 2262 -Catherine Lukaki ZAM 2263 -Kumaiba Situmbo ZAM 2264 -Priscilla Kolala ZAM 2265 -Hellen Chanda ZAM 2266 -Mary Nakawala ZAM 2267 -Zainabu Mpegusa TAN 2269 -Mwangala Mafenyeho ZAM 2270 -Nyasha Nzira ZIM 2271 -Ivwananji Nanyinja ZAM 2272 -Muchini Abigail ZIM 2273 -Ntombizodwa mabhena ZIM 2274 -Isabela Ngongo TAN 2275 -Nevisy Lihaya TAN 2276 -Umba Kaputungu ZAM 2277 -Sara Yuma ZAM 2278 -Tamari Chuma ZIM 2279 -Chola Mwenso ZAM 2280 -Doreen Chikumba ZAM 2281 -Wesega Zhou ZIM 2282 -Pozeni Mpalanzi TAN 2283 -Tinago Jane ZIM 2284 -Nayunda Pumulo ZAM 2285 -Sharon Ngandu ZAM 2286 -Vwanganji Nyimbiri ZAM 2287 -Mumuni Maria GHA 2288 -Magreen Mwelwa ZAM 2289 -Beauty Kalunga ZAM 2290 -Phenny Nalungwe ZAM 2291 -Naomi Namwinga ZAM 2292 -Bridget Kasasa ZAM 2293 -Limbo Kashibi ZAM 2294 -Musawenkosi Ncube ZIM 2295 -Sara Kingarata TAN 2296 -Nanalelwa Nosiku ZAM 2297 -Hamida Kambalage TAN 2298 -Rabecca Matambiso ZAM 2299 -Nomagugu Mpofu ZIM 2300 -Salamatu Tia GHA 2301 -Olipa Namwale ZAM 2302 -Zela Chimukwe ZAM 2303 -Jenipher Kasongo ZAM 2304 -Frola Samia TAN 2305 -Fungai Mhlangeni ZIM 2306 -Noris Chungu ZAM 2307 -Cathrine Dziva ZIM 2308 -Feddy Chonde ZAM 2309 -Imanga Nganga ZAM 2310 -Brendah Mwape ZAM 2311 -Sikumbeleti Mubulukwa ZAM 2312 -Astridah Mulenga ZAM 2313 -Cindy Chaba ZAM 2314 -Navone Livinga TAN 2315 -Hlengiwe Maphosa ZIM 2316 -Naomi Msunza TAN 2317 -Naisha Lukosi TAN 2318 -Inonge Mukela ZAM 2319 -Munjanja Cathrine ZIM 2320 -Lutty Nankonde ZAM 2321 -Angeline Zhou ZIM 2322 -Namwamba Sililo ZAM 2323 -Mirriam Mando ZAM 2324 -Hilda Mpagama TAN 2325 -Memory Mutsakani ZIM 2326 -Sibongile Mushuku ZIM 2327 -Bwalya Mwenya ZAM 2328 -Ntombezihle Mpofu ZIM 2329 -Mercy Mulenga ZAM 2330 -Mwila Chinga ZAM 2331 -Vera Nakamba ZAM 2332 -Currency Chondwa ZAM 2333 -Mwalye Mwense ZAM 2334 -Prudence Muyunda ZAM 2335 -Tendai Muchecheti ZIM 2336 -Janet Nakamba ZAM 2337 -Maggie Namonje ZAM 2338 -Airini Sanga TAN 2339 -Romana Mpelembwa TAN 2340 -Nasilele Mwilu ZAM 2341 -Beauty Songiso ZAM 2342 -Lucy Katebe ZAM 2343 -Beatrice Nambeya ZAM 2344 -Namasiku Siyunda ZAM 2345 -Florence Kasongo ZAM 2346 -Ibrahim Sherifatu GHA 2347 -Waab Minloom GHA 2348 -Liwoyo Mushoba ZAM 2349 -Given Mulenga ZAM 2350 -Harren Mukwasa ZAM 2351 -Airini Mlangwa TAN 2352 -Frida Kaduma TAN 2353 -Maureen Namukoko ZAM 2354 -Blessings Ndlovu ZIM 2355 -Grace Kalumbi ZAM 2356 -Cynthia Mumba ZAM 2357 -Nada Lusoko TAN 2358 -Neema Ismail TAN 2359 -Nyadzisai Tanda ZIM 2360 -Linyeta Ngebe ZAM 2361 -Muhau Nambunda ZAM 2362 -Sikuniso Mwenda ZAM 2363 -

Winfrida Msuya TAN 2365 -Moyo Andile ZIM 2366 -Manyando Makumba ZAM 2367 -Hildah Mukuku ZAM 2368 -Liceli Mufanda ZAM 2369 -Faraja Konzi TAN 2370 -Naomi Mumba ZAM 2371 -Saphira Sankwe ZAM 2372 -Lorren Raundi ZIM 2373 -Chiti Mwamba ZAM 2374 -Blantina Mbalase TAN 2375 -Namataa Sitwala ZAM 2376 -Duachi Moazu GHA 2377 -Polite Chidawanyika ZIM 2378 -Rebecca Mhimba TAN 2379 -Eunice Marako ZIM 2380 -Mable Mukombi ZAM 2381 -Lucy Namwinga ZAM 2382 -Bisesa Mwayo ZAM 2383 -Chita Mabuku ZAM 2384 -Majory Namukonde ZAM 2385 -Roseria Musamba ZAM 2386 -Prudence Chibesa ZAM 2387 -Mwala Mutimbwa ZAM 2388 -Florence Mulambia ZAM 2389 -Deophine Mulinda ZAM 2390 -Karimu Nafisa GHA 2391 -Rudo Mutendereki ZIM 2392 -Liywalii Mwenda ZAM 2393 -Ntumba Bilumba ZAM 2394 -Netsai Makuvarara ZIM 2395 -Mwaanga Nalukui ZAM 2396 -Given Kasongo ZAM 2397 -Eunice Chabala ZAM 2398 -Farasi Mutami ZIM 2399 -Atogo Paulina GHA 2400 -Matildah Bwalya ZAM 2401 -Norah Chilufya ZAM 2402 -Bwalya Malama ZAM 2403 -Georgina Kanbil GHA 2404 -Umi Msombe TAN 2405 -Gladys Chewe ZAM 2406 -Iteni Mwalafi TAN 2407 -Bertha Bwalya ZAM 2408 -Fadzai Mpofu ZIM 2409 -Evelyn Chipulu ZAM 2410 -Matehwe Dorcus ZIM 2411 -Jeska Munyi TAN 2412 -Safia Mumuni GHA 2413 -Yuna Mgongo TAN 2414 -Ntombozodwa Chaya ZIM 2415 -Suja Kikoti TAN 2416 -Mubita Inutu ZAM 2417 -Muwaneyi Limongano ZAM 2418 -Rafiatu Bawa GHA 2419 -Pendu Pamela ZIM 2420 -Oparine Kalunga ZAM 2421 -Musileti Ngonya ZAM 2422 -Jali Adam GHA 2423 -Regina Bwalya ZAM 2424 -Doris Kiyeyeu TAN 2425 -Muyangana Lyangeliso ZAM 2426 -Mashule Manki ZAM 2427 -Kangwa Clara ZAM 2428 -Emmeldah Mwamba ZAM 2429 -Blessed Mukanyanyi ZIM 2430 -Chileshe Phiri ZAM 2431 -Ailet Zingani ZIM 2432 -Benadette Kunda ZAM 2433 -Hazel Ncube ZIM 2434 -Svodai Maposa ZIM 2435 -Cecilia Mnyariwa ZIM 2436 -Tia Salamatu GHA 2437 -Musenge Kwiya ZAM 2438 -Salama Saga TAN 2439 -Winfridah Bwalya ZAM 2440 -Memory Katemo ZAM 2441 -Silvia Mumba ZAM 2442 -Leona Chitsapi ZIM 2443 -Nasra Kasunga TAN 2444 -Recheal Bwalya ZAM 2445 -Mwiya Seke ZAM 2446 -Ndumbazye Ncube ZIM 2447 -Ncube Patricia ZIM 2448 -Fozia Musah GHA 2449 -Mwelwa Manyando ZAM 2450 -Nancy Lengwe ZAM 2451 -Mercy Mlambo ZIM 2452 -Charity Chihando ZIM 2453 -Chikuta Namakau ZAM 2454 -Mitchell Matsikidze ZIM 2455 -Annie Nondo ZAM 2456 -Shyleen Nkosana ZIM 2457 -Sikufele Mebelo ZAM 2458 -Moleen Murambiza ZIM 2459 -Namkando Maimbolwa ZAM 2460 -Margaret Musanta ZAM 2461 -Sisasenkosi Lima ZIM 2462 -Musemo Ranganai ZIM 2463 -Chilufya Kibinda ZAM 2464 -Veronica Kiyeyeu TAN 2465 -Rutendo Gomo ZIM 2466 -Sibusisiwe Nyakurai ZIM 2467 -Rodah Chibale ZAM 2468 -Theodora Kunhe ZIM 2469 -Brilliant Moyo ZIM 2470 -Goretty Kasongo ZAM 2471 -Thelma Bwalya ZAM 2472 -Charity Mubanga ZAM 2473 -Judith Chimfwembe ZAM 2474 -Agness Mwansa ZAM 2475 -Enesia Kulanga TAN 2476 -Alice Machembe ZAM 2477 -Zuhura Mhongole TAN 2478 -Prudence Bwalya ZAM 2479 -Doomaak Jamant GHA 2480 -Pyelina Kasuga TAN 2481 -Sikwanyi Namushi ZAM 2482 -Emeldah Katongo ZAM 2483 -Elizabeth Sikanyika ZAM 2484 -Nipe Mgongolwa TAN 2485 -Sylvia Kalenga ZAM 2486 -Zulhatu Iddrisu GHA 2487 -Sandra Mutamiri ZIM 2488 -Lyness Mukalati ZAM 2489 -Shelter Billy ZIM 2490 -Sandra Mwale ZAM 2491 -Mohammed Mariam GHA 2492 -Anna Sibanda ZIM 2493 -Lidia Nambela ZAM 2494 -Heppines Petter TAN 2495 -Nyambe Nawelwa ZAM 2496 -Melinda Chimfwembe ZAM 2497 -Belita Shampale ZAM 2498 -Chiwisa Sibote ZAM 2500 -Anny Kampamba ZAM 2501 -Joyce Mbiligenda TAN 2502 -Mawere Nyasha ZIM 2503 -Gladys Bwale ZAM 2504 -Precious Mwila ZAM 2505 -Nothando Nyathi ZIM 2506 -Babbra Nyadowa ZIM 2507 -Sharon Kabwe ZAM 2509 -Linda Chitalu ZAM 2510 -Mumba Elizabeth ZAM 2511 -Jane Mwawa ZAM 2512 -Dzidzai Shuro ZIM 2513 -Prexides Mweni ZAM 2514 -Patience Gunyule ZIM 2515 -Martha Mutale ZAM 2516 -Winfridah Chanda ZAM 2517 -Harriet Namukonde ZAM 2518 -elizabeth Ndoro ZIM 2519 -Chola Mandalena ZAM 2520 -Mary Musonda ZAM 2521 -Constance Mubanga ZAM 2522 -Kutemwa Mutonga ZAM 2524 -Mwinji Nachembe ZAM 2525 -Furaha Mbwale TAN 2526 -Twaeni Kiwope TAN 2527 -Dapi Rumbidzai ZIM 2528 -Mwaka Milupi ZAM 2529 -Maria Nyirongo ZAM 2530 -Makore Nyasha ZIM 2531 -Namakau Kwalela ZAM 2532 -Chota Chileya ZAM 2533 -Nokuthaba Moyo ZIM 2534 -Limbo Kapelwa ZAM 2535 -Mildred Chabala ZAM 2536 -Victoria Mulenga ZAM 2537 -Prudence Chisanga ZAM 2538 -

Ruth Chibamba ZAM 2539 -Farida Makela TAN 2540 -Memory Kunda ZAM 2541 -Beauty Muyunda ZAM 2542 -Maria Kalinga TAN 2543 -Caster Chikokere ZIM 2544 -Moshi Kayuwanga TAN 2545 -Zenabu Mahamah GHA 2546 -Nhare Fungai ZIM 2547 -Emmeldah Chisenga ZAM 2548 -Situmbeko Naluca ZAM 2549 -Martha Lyambo TAN 2550 -Pascalina Mwaba ZAM 2551 -Buchedo Munkuli ZIM 2552 -Change Nancy ZIM 2553 -Margret Gunika ZIM 2554 -Tumusa Namatama ZAM 2555 -Alleta Tshuma ZIM 2556 -Mercy Chate ZAM 2557 -Sibanda Acience ZIM 2558 -Ruth Mwila ZAM 2559 -Matau Winnet ZIM 2560 -Hellen Mwila ZAM 2561 -Mutema Florence ZAM 2562 -Mervis Nglovu ZAM 2563 -Kalumba Mukeya ZAM 2564 -Reliance Ncube ZIM 2565 -Sheba Nanyangwe ZAM 2566 -Carol Mwandu ZAM 2567 -Martha Chikaka ZIM 2568 -Elina Mlongwa TAN 2569 -Miniva Katwishi ZAM 2570 -Pamela Nachinga ZAM 2571 -Monde Liwena ZAM 2572 -Advei Mgaya TAN 2573 -Paidamoyo Chikumbirike ZIM 2574 -Maureen Mulubwa ZAM 2575 -Cathreen Mumba ZAM 2576 -Likezo Miliko ZAM 2577 -Blessed Ncube ZIM 2578 -Melina Kanzugala TAN 2579 -Alice Nyimbili ZAM 2580 -Tinarwo Melody ZIM 2581 -Muyunda Mulala ZAM 2582 -Gowera Fortunate ZIM 2583 -Memory Kunda ZAM 2584 -Namenda Nandui ZAM 2585 -Dyness Namukonda ZAM 2586 -Ingonge Lubinda ZAM 2587 -Ela Singo ZIM 2588 -Maureen Mwila ZAM 2589 -Nawa Muyombo ZAM 2590 -Amina Shabani TAN 2591 -Mulonda Mwananyanda ZAM 2592 -Helena Kisumbe TAN 2593 -Atia Azumah GHA 2594 -Chewe Lwamba ZAM 2595 -

Riziki Luhasi TAN 2596 -Moreblessing Rusike ZIM 2597 -Esther Matutu ZIM 2598 -Advera Lupembe TAN 2599 -Shylet Muchapawana ZIM 2600 -Muchimba Akapelwa ZAM 2601 -Amama Issah GHA 2602 -Chengetai Nyamukuka ZIM 2603 -Gift Namuchimba ZAM 2604 -Florence Mutsina ZIM 2605 -Polite Gadzani ZIM 2606 -Sikhulile Hlabangani ZIM 2607 -Precious Gumbo ZIM 2608 -Lwiza Sunga ZAM 2609 -Abigail Chishala ZAM 2610 -Gracious Chilekwa ZAM 2611 -Ndlovu Victoria ZIM 2612 -Monica Masimbira ZIM 2613 -Mutsokonori Noreen ZIM 2614 -Bentula Msamba TAN 2615 -Elizabeth Kihoo TAN 2616 -Zawadi Temba TAN 2617 -Senelisiwe Sibanda ZIM 2618 -Wamundia Nkamba ZAM 2619 -Shylet Kaura ZIM 2620 -Sela Kiyeyeu TAN 2621 -Sikujua Kalolo TAN 2622 -Ziena Ngetwa TAN 2623 -Thelma Mupunga ZIM 2624 -Maggie Lusambo ZAM 2625 -Christina Kapinga TAN 2626 -Safia Sulemana GHA 2628 -Joseph Shylet ZIM 2629 -Tshuma Simenkosini ZIM 2630 -Ivy Biiwa GHA 2631 -Kulwa Kamate TAN 2632 -Chikonga Bundambo ZAM 2633 -Vester Matshiya ZIM 2634 -Grace Bwalya ZAM 2635 -Namate Kufanga ZAM 2636 -Fatia Maliga TAN 2637 -Mary Liywali ZAM 2638 -Mayani Chanda ZAM 2639 -Doris Chanda ZAM 2640 -Nontobeko Khumalo ZIM 2641 -Charity Ngirandi ZIM 2642 -Zita Kalaluka ZAM 2643 -Laari Regina GHA 2644 -Mapula Nalukui ZAM 2645 -Linda Nyoni ZIM 2646 -Sophia Mapurisa ZIM 2647 -James Tamari ZIM 2648 -Clara Kafula ZAM 2649 -Patience Tshuma ZIM 2650 -Matildah Mukabo ZAM 2651 -Dainess Chingongo ZAM 2652 -Carol Machokocha ZAM 2653 -Jane Namwizye ZAM 2654 -Praxidence Chanda ZAM 2655 -Maggie Mumba ZAM 2656 -Joyce Wissa TAN 2657 -Regina Filango TAN 2658 -Limpo Kufanga ZAM 2659 -Sikitu Kibadu TAN 2660 -Hellen Chisala ZAM 2661 -Hilda Kitosi TAN 2662 -Hawa Kitambulio TAN 2663 -Mumba Mukube ZAM 2664 -Loveness Siachilamba ZIM 2665 -Shangao Nyemba TAN 2666 -Maeresera Sarah ZIM 2667 -Getrude Mhandu ZIM 2668 -Clemencia Moyo ZIM 2669 -Anzeni Kindole TAN 2670 -Zainabu Kuntelela TAN 2671 -Lucia Nyikadzino ZIM 2672 -Izukanji Nanyinza ZAM 2673 -Njamba Boli ZAM 2674 -Ruth Chilambe ZAM 2675 -Ruth Chisanga ZAM 2676 -Rabi Yakubu GHA 2677 -Mayumbelo Mwabange ZAM 2678 -Mercy Nkamba ZAM 2679 -Falitu Issahaku GHA 2680 -Kelezo Situmbeko ZAM 2681 -Mildred Maliti ZAM 2682 -Grace Sililo ZAM 2683 -Amina Nongwa TAN 2684 -Christine Nakawala ZAM 2685 -Zubeda Kisega TAN 2686 -Doricah Mhanje ZIM 2688 -Maureen Mumba ZAM 2689 -Kabukabu Mbembezi ZAM 2690 -Chola Chalula ZAM 2691 -Previous Nkomo ZIM 2692 -Prisca Chomba ZAM 2693 -Chuma Saala ZAM 2694 -Pamela Mondwa ZAM 2695 -Clementine Kwangiwari ZIM 2696 -Alice Issahaku GHA 2697 -Constance Mwamba ZAM 2698 -Chuma Mubita ZAM 2699 -Huruma Maponda TAN 2700 -Siphesihle Mpofu ZIM 2701 -Petunia Shoko ZIM 2702 -Lilian Namukonda ZAM 2703 -Tatenda Chirawa ZIM 2704 -Chama Cecilia ZAM 2705 -Nyoni Lorraine ZIM 2706 -Ajara Salam GHA 2707 -Winfredah Khuphe ZIM 2708 -Prosper Chisha ZAM 2709 -Florence Tailoka ZAM 2710 -Sara Musongo ZAM 2712 -

Mwanaisha Amanzi TAN 2713 -Rachael Mulenga ZAM 2714 -Lenia Matenga ZIM 2715 -Amuria Napari GHA 2716 -Alice Nachela ZAM 2717 -Sylvia Ngulube ZAM 2718 -Sinikiwe Sibanda ZIM 2719 -Zondani Sibanda ZIM 2720 -Sara Nakawala ZAM 2721 -Trish Dendamera ZIM 2722 -Happiness Mutale ZIM 2723 -Delphister Lushinga ZAM 2724 -Tatu Sanga TAN 2725 -Madzinise Precious ZIM 2726 -Victoria Chanda ZAM 2727 -Mirriam Nawelwa ZAM 2728 -Astridah Chimfwembe ZAM 2729 -Ayisha Iddrisu GHA 2730 -Mwango Mwale ZAM 2731 -Priscilla Mwape ZAM 2732 -Judith Masiwa ZIM 2733 -Jema Kaniala TAN 2734 -Yvonne Kabulo ZAM 2735 -Pili Mhongole TAN 2736 -Tololi Namenzi ZAM 2737 -Katonga Nsakanya ZAM 2738 -Annie Nawila ZAM 2739 -Thester Namfukwe ZAM 2740 -Precious Mwila ZAM 2741 -Arahanatu Mahama GHA 2742 -Nandila Songiso ZAM 2743 -Lwanzo Muleya ZIM 2744 -Merinda Mwelwa ZAM 2745 -Sitegemei Njalang’ona TAN 2746 -Grace Zibengwa ZIM 2747 -Fairuzi Mkini TAN 2748 -Patricia Mlambo ZIM 2749 -Akida Kavindi TAN 2750 -Agathar Chanda ZAM 2751 -Ibrahim Barichisu GHA 2752 -Kafingwa Petronela ZIM 2753 -Sikudhani Kayoka TAN 2754 -Christabel Suzyo ZAM 2755 -Brenda Mavuyu ZIM 2756 -Inambao Nasilele ZAM 2757 -Mundia Meamui ZAM 2758 -Lucy Ngwila ZAM 2759 -Shaness Munkuli ZIM 2760 -Memory Mumba ZAM 2761 -Monde Mubonda ZAM 2762 -Rahab Nachalwe ZAM 2763 -Afia Zakaria GHA 2764 -Kabika Sikwaiketo ZAM 2765 -Salamatu Fuseini GHA 2766 -Sithabile Chilembwe ZIM 2767 -Caroline Munkuli ZIM 2768 -Mary Mushibwe ZAM 2769 -Brendah Katutule ZAM 2770 -Mugbat Suuk GHA 2771 -Edith Kakomba ZAM 2772 -Mishenyi Mwakamui ZAM 2773 -Merit Zhou ZIM 2774 -Getrude Mwaba ZAM 2775 -Butete Kakoma ZAM 2776 -Doroth Hogora TAN 2777 -Sandra Navile ZAM 2778 -Munalula Mwenda ZAM 2779 -Paulina Ayileoh GHA 2780 -Priviledge Muumbe ZIM 2781 -Bridget Mukuka ZAM 2782 -Constance Mbilima ZAM 2783 -Naney Bwlaya ZAM 2784 -Emah Mandere ZIM 2785 -Gladys Bwalya ZAM 2786 -Maan Janet GHA 2787 -Julien Mwandila ZAM 2788 -Diness Malama ZAM 2789 -Mulomba Misozi ZAM 2790 -Kanyata Namangolwa ZAM 2791 -Aziza Mkinga TAN 2792 -Haruna Ayi GHA 2793 -Juliet Nawelwa ZAM 2794 -Hyveen Chanda ZAM 2795 -Sophia Machona ZAM 2796 -Harriet Chiluba ZAM 2797 -Patricia Mofya ZAM 2798 -Grace Mukuka ZAM 2799 -Patricia Mwango ZAM 2800 -Mahamadu Rahinatu GHA 2801 -Majana Kabata ZAM 2802 -Gladys Kapela ZAM 2803 -Rudo Kutaika ZIM 2804 -Simonda Mutukwa ZAM 2805 -Josephine Mulenga ZAM 2806 -Beth Ngwale TAN 2807 -Muchindu Mukendami ZAM 2808 -Jawuda Yakubu GHA 2809 -Chaukura Diana ZIM 2810 -Agness Chilufya ZAM 2811 -Faiza Bukari GHA 2812 -Nokuthaba Mpofu ZIM 2813 -Norah Mukuka ZAM 2814 -Yvone Kasonka ZAM 2815 -Chimuma Mbangu ZAM 2816 -Bitian Namiteeb GHA 2817 -Hijira Ngulugulu TAN 2818 -Memory Chiwaya ZAM 2819 -Mwiya Mushanukwa ZAM 2820 -Itai Chinherera ZIM 2821 -Cynthia Liyombe ZAM 2822 -Sabata Kubukwa ZAM 2823 -Faggie Nkhoma ZAM 2824 -Sara Badyogo TAN 2825 -Rumbidzai Chapatarongo ZIM 2826 -Akusia Gariba GHA 2827 -Doreen Mukwasa ZAM 2828 -Imusoka Nalishebo ZAM 2829 -Emmanuella Mubanga ZAM 2830 -Purity Mutale ZAM 2831 -Doris Mayuka ZAM 2832 -Silibaziso Nkomo ZIM 2833 -Kakoma Tumba ZAM 2834 -Fuseina Abukari GHA 2835 -Catherine Kasalwe ZAM 2836 -Kwabena Jenifa GHA 2837 -Nash Matope ZIM 2838 -Leonida Kanzugula TAN 2839 -Gloria Nachula ZAM 2840 -Fiona Makoma ZIM 2841 -Precious Kakoma ZAM 2842 -Fadzai Mbele ZIM 2843 -Gracious Korera ZIM 2844 -Agness Musonda ZAM 2845 -Maureen Musukwa ZAM 2846 -Everlyn Nakawala ZAM 2847 -Nesia Manyanga ZIM 2848 -susen Malama ZAM 2849 -Bupe Bwalya ZAM 2850 -Getrude Chise ZAM 2851 -Kusumi Abrofo GHA 2852 -Yasinda Kihongosi TAN 2853 -Zaituni Kaboko TAN 2854 -Lusia Mkame TAN 2855 -Mbututu Makando ZAM 2856 -Bridget Chipanda ZAM 2857 -Phemiah Lubumbe ZAM 2858 -Leona Mbanyele ZIM 2859 -Tsitsi Muzodha ZIM 2860 -Mhiripiri Chokusara ZIM 2861 -Ruth Kabelenga ZAM 2862 -Yoosa Yennulon GHA 2863 -Zambwe Mwale ZAM 2864 -Mevin Ngosa ZAM 2865 -Racheal Swaba ZAM 2866 -Constance Mushopei ZIM 2867 -Naomy Nankamba ZAM 2868 -Sara Malingumu TAN 2869 -Beatrice Mamvura ZIM 2870 -Exildah Bwale ZAM 2871 -Mangoma Enlight ZIM 2872 -Lizzy Sichinga ZAM 2873 -Mujuru Revai ZIM 2874 -Mutumba Kabukabu ZAM 2875 -Pamela Ng’andwe ZAM 2876 -Juliet Namwila ZAM 2877 -Melda Mumpande ZIM 2878 -Chisenga Kalunga ZAM 2879 -Namwaka Maonga ZAM 2880 -Belita Kibuga TAN 2881 -Annie Malama ZAM 2882 -Honester Shanungu ZAM 2883 -

Lawrence Gore ZIM 2884 -Angella Masanga ZIM 2885 -Fanista Myungile TAN 2886 -Ester Kaira ZAM 2887 -Martha Musisinyani ZIM 2888 -Rabecca Mutambo ZAM 2889 -Charity Mwembwa ZAM 2890 -Sepiso Musiyebo ZAM 2891 -Jemimah Namumba ZAM 2892 -Sibonginkosi Ncube ZIM 2893 -Adija Issahaku GHA 2894 -Mary Kisawike TAN 2895 -Zikhumba Tendai ZIM 2896 -Shorai Chipazaure ZIM 2897 -Ireen Mwansa ZAM 2898 -Mwangala Imbuwa ZAM 2899 -Gladys Mulenga ZAM 2900 -Njekwa Butale ZAM 2901 -Shuvai Dzinda ZIM 2902 -Aidess Phiri ZAM 2903 -Sibonkinkosi Mpofu ZIM 2904 -Mumba Jubilee ZAM 2905 -Patience Nyandoro ZIM 2906 -Christine Mwewa ZAM 2907 -Mayumbelo Munalula ZAM 2908 -Mercy Satamba ZAM 2909 -Karimu Margret GHA 2910 -Juliet Chanda ZAM 2911 -Rosemary Kaoma ZAM 2912 -Suraya Seidu GHA 2913 -Monica Mvula TAN 2914 -Mercy Mabuku ZAM 2915 -Sikutambua Kasenega TAN 2916 -Shorai Mawire ZIM 2917 -Gift Chipemba ZAM 2918 -Marvis Musonda ZAM 2919 -Cathreen Mbulo ZAM 2920 -Seidu Amina GHA 2921 -Esther Mwansa ZAM 2922 -Agness Chibelushi ZAM 2923 -Given Kalaba ZAM 2924 -Abu Sawana GHA 2925 -Mwansa Chalwe ZAM 2926 -Muyangwa Etambuyu ZAM 2927 -Blessings Dube ZIM 2929 -Nzila Mulwazi ZAM 2930 -Hildah Ngulube ZAM 2931 -Mangolwa Mwangala ZAM 2932 -Chiwaza Banda ZAM 2933 -Sabuni Abdallah TAN 2934 -Nalishebo Mushokabanji ZAM 2935 -Elina Nalombe ZAM 2936 -Josephine Ponga ZAM 2937 -Mhlanga Bridget ZIM 2938 -Kanisia Miopelo TAN 2939 -Shyleen Masendu ZIM 2940 -Tryline Mudzira ZIM 2941 -Eugenia Ndlovu ZIM 2942 -Justinah Mulumbi ZAM 2943 -Duukper Mijatic GHA 2944 -Sitshiva Muchenje ZIM 2945 -Natubi Mushabati ZAM 2946 -Agnes Msipa ZIM 2947 -Rodah Kanyika ZAM 2948 -Mwajuma Bwanga TAN 2949 -Josephine Mutale ZAM 2950 -Issaka Sanatu GHA 2951 -Zalia Adam GHA 2952 -Elizabeth Bazange ZIM 2953 -Hildah Mwasinga ZAM 2954 -Yvonne Mudukuti ZIM 2955 -Aneti Myinga TAN 2956 -Queeniva Chanda ZAM 2957 -Iddi Safiatu GHA 2958 -Racheal Namukoko ZAM 2959 -Sarah Nanyinza ZAM 2960 -Patricia Mungole ZAM 2961 -Mundia Kombelwa ZAM 2962 -Ethel Mwansa ZAM 2963 -Dina Nankamba ZAM 2964 -Farida Kiswila TAN 2965 -Samantha Mwariwangu ZIM 2966 -Chabala Kasongo ZAM 2967 -Musah Habida GHA 2968 -Lenia John TAN 2969 -Jesca Kasosa ZIM 2970 -Roiya Mboga TAN 2971 -Yvonne Chitanha ZIM 2972 -Petronella Mpundu ZAM 2973 -Agnes Lupala TAN 2974 -Mary Malama ZAM 2975 -Elinah Mpofu ZIM 2976 -Farai Mombe ZIM 2977 -Mwale Isabel ZAM 2978 -Prisca Chiwila ZAM 2979 -Priscilla Chanda ZAM 2980 -Buhlebenkosi Dube ZIM 2981 -Kafuti Kainga ZAM 2982 -Charity Chokera ZIM 2983 -Chiba Mainess ZIM 2984 -Barbara Lishandu ZAM 2985 -Silume Namebo ZAM 2986 -Bridget Chileshe ZAM 2987 -Salifu Miila GHA 2988 -Sarah Nakazwe ZAM 2989 -Isabel Siniwa ZIM 2990 -Siphatheleni Ngwenya ZIM 2991 -Monde Monde ZAM 2992 -Euphrasia Kunda ZAM 2994 -Ravia Mwansa ZAM 2995 -Norest Bhikoko ZIM 2996 -Fuseini Amira GHA 2997 -mwase Rosemary ZIM 2998 -Liness Nakaonga ZAM 2999 -Theresa Kamanda ZAM 3000 -

Precious Chileshe ZAM 3001 -Namasiku Kumoyo ZAM 3002 -Mary Kampamba ZAM 3003 -Tagarira Tariro ZIM 3004 -Elina Sakatwe ZAM 3005 -Judith Musonda ZAM 3006 -Memory Kasonkomona ZAM 3007 -Patience Bhokisi ZIM 3008 -Kufa Fungai ZIM 3009 -Sisasenkosi Nyathi ZIM 3010 -Nkumbula Harriet ZAM 3011 -Mwengwe Chola ZAM 3012 -Hadija Muhenga TAN 3013 -Chipo Matutu ZIM 3014 -Nakazwe Zimba ZAM 3015 -Masekela Jenny ZAM 3016 -Nanunyi Mbumwae ZAM 3017 -Sarudzai Moyo ZIM 3018 -Grace Mpantamato ZAM 3019 -Mercy Mwale ZAM 3020 -Mwela Chibamba ZAM 3021 -Patience Chama ZAM 3022 -Lucia Kalinga TAN 3023 -Kokusima Bashagi TAN 3024 -Stelina Mdenge TAN 3025 -Sidumisile Mpofu ZIM 3026 -Consilia Landamuka ZAM 3027 -Gloria Mulenga ZAM 3028 -Felistus Muzamba ZIM 3029 -Poniso Sitali ZAM 3030 -Eness Muana ZAM 3031 -Njivau Kashimbi ZAM 3033 -Nyaradzo Muchabaiwa ZIM 3034 -Queeniva Musonda ZAM 3035 -Palata Chilombo ZAM 3036 -Brendah Mulenga ZAM 3037 -Etina Msigwa TAN 3038 -Anxilla Makoni ZIM 3039 -Alwisia Luvanga TAN 3040 -Salifu Zalia GHA 3041 -Mubita Mukalisulu ZAM 3042 -Agness Chibalo ZAM 3043 -Rudo Sango ZIM 3044 -Zuweira Bugri GHA 3045 -Favourine Mulenga ZAM 3046 -Emeldah Chanda ZAM 3047 -Mlotshwa Zine ZIM 3048 -Moola Mwakui ZAM 3049 -

Tatu Makenga TAN 3050 -Simela Sandra ZIM 3051 -Mucezi Masiye ZAM 3052 -Debora Msabila TAN 3053 -Sikhululekile Moyo ZIM 3054 -Lusinde Kumaiba ZAM 3055 -Tatenda Moyo ZIM 3056 -Prundence Chileshe ZAM 3057 -Odilly Kaluba ZAM 3058 -Marian Mukosa ZAM 3059 -Veronica Chisauka ZIM 3060 -Nyambe Nawa ZAM 3061 -Mpande Chameya ZAM 3062 -Priscilla Mudenda ZIM 3063 -Kajatu Mugala ZAM 3064 -Tumaini Chahe TAN 3065 -Ruth Kondo ZIM 3066 -Harmony Shirichena ZIM 3067 -Esnart Chewe ZAM 3068 -Perfect Nyathi ZIM 3069 -Monica Namukwala ZAM 3070 -Hellen Ngabo ZAM 3071 -Musonda Mile ZAM 3072 -Mainess Mutambo ZAM 3073 -Violet Nkaya ZAM 3074 -Mandelena Hanchabila ZAM 3075 -Dorothy Mhepo ZIM 3076 -Christerbell Mwamba ZAM 3077 -Precious Mumba ZAM 3078 -Juliet Nambeye ZAM 3079 -Eunice Kalobwe ZAM 3080 -Kalumbu Bupe ZAM 3081 -Mutangu Mubiana ZAM 3082 -Mercy Nambeye ZAM 3083 -Bridget Kufawatama ZIM 3084 -Anna Mukunza ZIM 3085 -Harriet Nagogo ZAM 3086 -Bukari Natu GHA 3087 -Munyira Mercy ZIM 3088 -Elicy Migodela TAN 3089 -Beatrice Bwalya ZAM 3090 -Memory Chanda ZAM 3091 -Namebo Malindi ZAM 3092 -Agnes Kisage TAN 3093 -Manyingidira Previous ZIM 3094 -Monica Mlambo ZIM 3095 -Chido Kunguma ZIM 3096 -Patience Machisani ZIM 3097 -Libakenu Namatama ZAM 3098 -Charity Mugala ZAM 3099 -Beatrice Chavaligunu TAN 3100 -Hadija Kitoki TAN 3101 -Nessy Chikonde ZAM 3102 -Levania Malinga TAN 3103 -Memory Singogo ZAM 3104 -Chitani Ndlovu ZIM 3105 -Ireen Mwelwa ZAM 3106 -Kalaka Mumba ZAM 3107 -Habiba Jabiri TAN 3108 -Tadzembwa Philis ZIM 3109 -Rusia Mwoneka TAN 3110 -Kasonta Chanda ZAM 3111 -Domina Nyalusi TAN 3112 -Rose Chacha ZIM 3113 -Memory Lubinda ZAM 3114 -Devota Mwenda TAN 3115 -Sara Banda ZAM 3116 -Thandanani Mhlanga ZIM 3117 -Eurita Mangisi ZIM 3118 -Matrida Kasege TAN 3119 -Ruth Mwila ZAM 3120 -Expelansia Tula TAN 3121 -Chinyanga Tariro ZIM 3122 -Monica Mwinuka TAN 3123 -Mashame Chipo ZIM 3124 -Havijawa Sengo TAN 3125 -Roida Mvanda TAN 3126 -Easther Musonda ZAM 3127 -Oliva Mgimwa TAN 3128 -Abia Mgoli TAN 3129 -Mebho Muzavazi ZIM 3130 -Sharifa Muhenga TAN 3131 -Mary Nakamba ZAM 3132 -Maria Mayemba TAN 3133 -Euphresia Nyumbu ZAM 3134 -Mercy Dendera ZIM 3135 -Patience Ncube ZIM 3136 -Portia Dube ZIM 3137 -Mwale Mutemwa ZAM 3138 -Febby Singogo ZAM 3139 -Chafesuka Nominabati ZIM 3140 -Juleit Bwembya ZAM 3141 -Oliva Mangwata TAN 3142 -Leonida Kanzugula TAN 3143 -Chimyama Mola ZAM 3144 -Monde Kapula ZAM 3145 -Nakpecinka Fannam GHA 3146 -Harriet Chanda ZAM 3147 -Shelter Choga ZIM 3148 -Lilian Yumba ZAM 3149 -Brenda Nakamba ZAM 3150 -Rabecca Yumbe ZAM 3151 -Maririma Everjoy ZIM 3152 -Adah Mwembe ZIM 3153 -Exildah Makoleka ZAM 3154 -Sosala Asuya ZIM 3155 -Catherine Chasala ZAM 3156 -Emma Namukonda ZAM 3157 -Catherine Chota ZAM 3158 -Ruth Chisanga ZAM 3159 -Uzia Luwumbwa TAN 3160 -Reprieve Magocha ZIM 3161 -Sofiah Chikonde ZAM 3162 -Moyo Siziwe ZIM 3163 -Masamu Mpande ZAM 3164 -Mercy Chanda ZAM 3165 -Ngandwe Prudence ZAM 3166 -Nalishebo Likando ZAM 3167 -Theresa Nyahunzvi ZIM 3168 -Feika Munmuni GHA 3169 -Mutanga Mwangala ZAM 3170 -Magaya Loryn ZIM 3171 -Kamona Nangana ZAM 3172 -Mulima Alisheke ZAM 3173 -Messiah Chipulu ZAM 3174 -Size Advantage ZIM 3175 -Sabina Sumka TAN 3176 -Sanelisiwe Sibanda ZIM 3177 -Sitali Pelekelo ZAM 3178 -Cecilia Nakamba ZAM 3179 -Gladys Malupande ZAM 3180 -Charity Nkubula ZAM 3181 -Sandow Prinsilla GHA 3182 -Priscilla Mudhuma ZIM 3183 -Kudzai Mpofu ZIM 3184 -Naomi Mwale ZAM

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Page 45: La Suisse – les secrets de sa réussite...Page 2 3 Ian Goldin L’ancien vice-président de la Banque mon-diale et professeur d’économie à Oxford est considéré comme l’une

Bulletin 6 / 2012 — 43

Baromètre des préoccupations du Credit Suisse 2012

Sascha Flück, 37 ans, Herbetswil SO,

monteur de service

« Mon plus grand plaisir en Suisse, c’est d’être encore

libre. Ici, je peux faire voler mon planeur partout sans

que quelqu'un vienne immédiatement se plaindre. »

Ce qui préoccupe la Suisse.

La grande enquête citoyenne depuis 1976.

Photos tirées de l’article de Linus BIll

021_300_Bulletin_6_12_s42-57_f.indd 43 26.11.12 08:55

Page 46: La Suisse – les secrets de sa réussite...Page 2 3 Ian Goldin L’ancien vice-président de la Banque mon-diale et professeur d’économie à Oxford est considéré comme l’une

Baromètre des préoccupations du Credit Suisse 2012

44 — Bulletin 6 / 2012

Anouck Hofmann, 20 ans, Neuchâtel,

étudiante en économie

« Des craintes? Non, en ce qui me concerne,

moi et mon avenir en Suisse, je n’en ai pas. »

Chômage 49% (−3)

Etrangers 37% (+1)

AVS/Prévoyance vieillesse 36% (+9)

Demandeurs d ’asile 32% (+11)

Système de santé 30% (+0)

Crise de l ’euro 22% (nouveau)

Sécurité personnelle 21% (−6)

Intégration européenne 20% (+6)

Protection sociale 19% (−7)

Environnement 18% (+2)

Nouvelle pauvreté 17% (+0)

Questions énergétiques 16% (+1)

Crise f inancière 14% (−16)

Salaires 13% (−1)

Prix de l ’essence/du pétrole 13% (+8)

Enquête 2012 (variation par rapport à 2011 en points de pourcentage)

1. Question : « Selon vous, quels sont aujourd’hui les principaux problèmes de la Suisse ? »

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Baromètre des préoccupations du Credit Suisse 2012

Bulletin 6 / 2012 — 45

Tout va s’arranger : la population suisse est optimisteComme toujours, le chômage est en tête du Baromètre des préoccupations du

Credit Suisse. Mais malgré la crise économique, les personnes interrogées

sont confi antes dans l’avenir. La majorité juge la situation stable, un cinquième

est convaincu qu’elle va s’améliorer.

La population suisse porte un regard

optimiste sur la situation économique

actuelle (graphique 3). 59% décrivent

leur propre situation comme « bonne »,

voire « très bonne ». On constate un net

apaisement de la situation, surtout

pour les faibles revenus. Et les perspec-

tives sont encourageantes : comme en

2011, 92% estiment que leur situation

sera au moins aussi bonne l’an prochain

que maintenant. 18% croient même

qu’elle va s’améliorer (ce pourcentage

n’a été dépassé qu’une fois il y a cinq

ans). On observe la même tendance à

propos de la conjoncture économique

générale. Près des trois quarts des ci-

toyens estiment que la situation ac-

tuelle est au moins aussi bonne que

l’année précédente et presque autant

envisagent un scénario similaire pour

les douze prochains mois. Plus d’un

cinquième est même convaincu que la

conjoncture va s’améliorer.

La conjoncture inquiète moins

Cet optimisme peut surprendre au re-

gard des graves problèmes de la Grèce,

de l ’Espagne et d’autres pays euro-

péens, et s’explique d’abord par la rela-

tive solidité de l ’économie suisse,

dotée d’une forte consommation pri-

vée. Dans le Baromètre, cela se refl ète

très nettement dans la question cen-

trale des cinq grandes préoccupations

(page 44).

Les préoccupations conjonctu-

relles sont repassées au second plan.

Parmi les 34 réponses proposées, la

crise fi nancière arrive en 13e position

avec 14% (-16 pp), la crise économique

en 20e position avec 9% (-26 pp) et les

préoccupations liées à la Bourse en 24e

position avec 7% (-5 pp). La crise de

l’euro, dont il est question pour la pre-

mière fois, s’est d’emblée classée au 6e

rang avec 22%. Toutefois, l’évaluation

globalement positive de la conjoncture

révèle que la majeure partie de la popu-

lation croit à la solidité de l’économie

suisse et ne pense pas que la crise de

l’euro aura des incidences sérieuses ou

durables sur le pays.

En revanche, avec 49% des ré-

ponses, le chômage demeure la préoc-

L’enquête

Entre le 30 juillet et le 31 août 2012,

l’institut de recherches gfs.bern a réalisé,

pour le compte du Credit Suisse (Corporate

Responsibility Communications et

Public Policy) et en collaboration avec lui,

une enquête auprès d’un échantillon

représentatif de 1 003 personnes résidant en

Suisse. L’erreur d’échantillonnage statistique

est de +/- 3,2%. Dans les deux études

intitulées « Abstrakte Wirtschaftssorgen

konkretisieren sich im EU-Raum » (concréti-

sation des inquiétudes économiques dans

l’UE) et « Schweiz: Dem Sturm getrotzt,

aber Planken müssen verstärkt werden » (la

Suisse brave la tempête mais doit renforcer

ses digues), l’évaluation scientifi que est due à

une équipe de projet composée de Claude

Longchamp, Lukas Golder, Martina

Imfeld, Cindy Beer, Stephan Tschöpe et

Sarah Deller.

Les études ainsi que les graphiques

complémentaires sont consultables à l’adresse

www.credit-suisse.com/barometre/

preoccupations.

Andreas Schiendorfer a eff ectué l’évaluation

pour le Bulletin.

021_300_Bulletin_6_12_s42-57_f.indd 45 26.11.12 08:55

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Baromètre des préoccupations du Credit Suisse 2012

46 — Bulletin 6 / 2012

cupation majeure des Suisses, pour la

dixième année d’affi lée (graphique 2).

La poursuite du plein emploi semble

pour eux le facteur déterminant du bon

fonctionnement du pays. Cette inquié-

tude est ici plus une anticipation qu’une

réaction par rapport à de vraies situa-

tions de crise. Quoi qu’il en soit, on

constate un recul de 3% par rapport à

l’an passé, et même de 27% par rapport

à 2010.

Diversifi cation des préoccupations

Après le chômage, les préoccupations

liées à la prévoyance vieillesse et au sys-

tème de santé avaient invariablement

occupé les deux places suivantes entre

2003 et 2010. Cette hiérarchie est mo-

difi ée pour la deuxième année consécu-

tive, sans que ces « préoccupations clas-

siques » aient perdu de leur importance.

D’une façon générale, on constate un

nivellement des préoccupations types,

qui aff ichent donc des valeurs plus

faibles. De nos jours, les Suisses sont aux

prises avec bien plus de préoccupations

qu’auparavant, que les responsables po-

litiques, économiques et sociaux doivent

aussi prendre au sérieux. Le débat sur

l’immigration est à cet égard une ques-

tion primordiale. Les étrangers qui

vivent et travaillent régulièrement en

Suisse sont actuellement bien plus dans

la ligne de mire que les réfugiés deman-

dant l’asile (voir aussi la graphique 14).

La pérennité de la prévoyance

vieillesse demeure une préoccupation

majeure des Suisses. Après un recul l’an

dernier, l ’AVS (36%) est de nouveau

dans la zone (inférieure) de la tendance

longue. Toutefois, ce ne sont pas les

jeunes qui sont les plus soucieux, mais

les bénéfi ciaires actuels qui craignent

manifestement des baisses draco-

niennes. Par ailleurs, les femmes sont

plus préoccupées que les hommes, et les

villes bien plus que les campagnes. Pour

même 95%, la pérennité de la prévoyance

vieillesse est un objectif très important,

que les politiciens doivent garder en

ligne de mire (graphique 6). A l’inverse,

sans doute à cause du ralentissement de

la hausse des primes d’assurance mala-

die, le problème du système de santé

PAS DE RÉPONSEMOINS BONNES

INCHANGÉES

MEILLEURES

35

79

74

83

18

1

2011

2012

2012

TRÈS MAUVAISEMAUVAISE

CORRECTEBONNETRÈS BONNE

25

7

8

3734

5135

1911

2011

PAS DE RÉPONSE

PAS DE RÉPONSEEN DÉGRADATION

INCHANGÉE

EN AMÉLIORATION

27

36

18

7

54

56

2011

2012

1

1

PAS DE RÉPONSEMOINS BONNES

INCHANGÉESMEILLEURES

22

41

21

9

50

46

7

4 2011

2012

2000

20

10

40

60

2001 2002 2003 2004 2005 2006 2007 2008 2009 2010 2011 2012

30

5049

37

30

21

3632

CHÔMAGE/CHÔMAGE DES JEUNESÉTRANGERS/LIBRE CIRCULATION DES PERSONNESAVS/PRÉVOYANCE VIEILLESSERÉFUGIÉS/DEMANDEURS D’ASILESANTÉ/CAISSE-MALADIE/PRIMESSÉCURITÉ PERSONNELLE

3. Appréciation de la situation économiqueMême si le nombre de Suisses considérant leur propre situation économique comme très bonne a baissé de 11%, on observe, par rapport à l’an dernier, 9% de personnes de plus prévoyant une améliora-tion future. La situation économique générale est jugée encore plus positivement : 18% (+11 pp) perçoivent une amélioration par rapport à l’an dernier et 21% (+12 pp) croient en une amélioration future.

2. Evolution des principales préoccupations au fil du tempsDepuis 2003, le chômage est perçu comme le principal problème de la Suisse. Auparavant, c’était le système de santé, qui n’occupe plus que la cinquième place. Au cours des trois dernières années, seuls les sujets « Etrangers/libre circulation des personnes » et « Réfugiés/demandeurs d’asile » ont pris de l ’ampleur.

Questions : « Comment évaluez-vous votre situation économique personnelle et la situation économique générale, et comment va-t-elle évoluer dans les douze prochains mois ? »

Question : « Selon vous, quels sont aujourd’hui les principaux problèmes de la Suisse ? »

Abordée pour la première fois en 2012, la crise de l’euro a tout de suite été désignée comme un souci majeur par 22% des Suisses.

Situation économique personnelle actuelle

Situation économique générale actuelle

Perspectives économiques personnelles futures

Perspectives économiques générales

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Baromètre des préoccupations du Credit Suisse 2012

Bulletin 6 / 2012 — 47

stagne à 30%, un niveau assez faible par

rapport aux niveaux précédents.

Meilleure conscience écologique

Les préoccupations liées à la sécurité

personnelle et à la protection sociale,

en augmentation continuelle ces der-

nières années, ont un peu reculé. Elles

sont suivies par les problèmes environ-

nementaux et énergétiques. Bien que

l’eff et « Fukushima » semble déjà dis-

sipé pour la majorité de la population,

les thèmes environnementaux sont

toujours aussi présents, grâce à la

conférence Rio+20 de cette année et,

surtout, au débat sur la sortie du nu-

cléaire.

Par rapport à l ’an dernier, la

conscience écologique générale a en-

core légèrement progressé pour at-

teindre 18%. Cependant, les Suisses

sont encore bien loin des valeurs de la

période 1988-1995, de 56% en

moyenne, même si on s’attend à une

nouvelle progression à l ’avenir. En

tout cas, les sondés mettent l’environ-

nement et le climat au même niveau

que le chômage, en tête de liste des

principales sources de problèmes pour

les futures générations.

Depuis 1995, le Baromètre des

préoccupations cherche à savoir s’il est

fréquent ou plutôt rare que les diri-

geants économiques ou politiques

soient défaillants sur les questions dé-

cisives (graphique 5). Concernant la

tendance à long terme, les dirigeants

économiques font bien meilleure fi -

gure que les dirigeants politiques.

Cette année, toutefois, plus de la moi-

tié de la population exprime indirecte-

ment sa confi ance aux politiques en

affi rmant qu’ils sont rarement défail-

lants ; jusqu’à présent, cela ne s’était

produit qu’une fois, en 1998. Même si

48% de la population continue d’im-

puter de « rares défaillances » à l’éco-

nomie, les valeurs sont bien plus basses

que la moyenne à long terme.

Concernant la question concrète

de la confi ance (graphique 4), cette

dernière a diminué au cours des deux

dernières années. Alors que la con-

fi ance dans les acteurs proposés

Politique

Conseil fédéral

Conseil national

Conseil des Etats

Administration publique

Partis politiques

Union européenne

Télévision

Radio

Journaux payants

Journaux gratuits

Internet

Police

Tribunal fédéral

Organisationsde salariés

Banques

Armée

Eglises

Organisations d’employeurs

Médias

Autres institutions

61

60

60

19

51

50

41

35

29

4761

60

70

54

6960

6466

72

53

60

56

57

46

5064

4851

4549

4155

3962

6176

77

6662

59

2034

3734

49

5864

64

62

55

52

4651

45

20

10

20

11

20

12

20

10

20

11

20

12

20

10

20

11

20

12

4. A qui les Suisses font-ils confiance ?C’est à la police, puis au Tribunal fédéral et au Conseil fédéral, qu’ils font le plus confi ance. Il y a un an, le Tribunal fédéral avait occupé le sommet de la hiérarchie de la confi ance devant les organisations patronales, les organisations de salariés et les journaux payants. En 2010, la radio, la télévision, le Tribunal fédéral et la police ouvraient la marche.

Question : « Quel est le niveau de votre confi ance personnelle dans chacune des institutions présentées (confi ance - confi ance mitigée - pas de confi ance - pas de réponse) ? »

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Baromètre des préoccupations du Credit Suisse 2012

48 — Bulletin 6 / 2012

reste toutefois légèrement supérieure à

la moyenne des 18 dernières années.

La confi ance dans les groupements

économiques a commencé par aug-

menter en continu depuis 2006 pour

culminer à des valeurs de rêve de 64%

pour les organisations de salariés et de

62% pour les organisations patronales.

On observe maintenant un net désen-

chantement, un peu moins marqué

pour les syndicats (-14 pp) que pour les

patrons (-23 pp).

Peu de confi ance en l’UE

Les valeurs des médias sont très fl uc-

tuantes et ne s’expliquent pas totale-

ment. Ainsi, alors qu’on s’était étonné,

en 2009, du classement en tête des

journaux gratuits et de leur énorme

cote de confi ance, on observe une perte

de confi ance de 27 points de pour-

centage pour les médias depuis 2010.

Peut-être la hiérarchie de la confi ance

est-elle au moins stabi lisée, de sorte

que l ’ordre actuel (télé vision, radio,

journaux payants, journaux gratuits

puis Internet) pourrait être durable.

Comme les années précédentes,

l ’Union européenne occupe la fi n du

classement, ce plancher cadrant bien

avec l’augmentation, en Suisse, de la

méfi ance vis-à-vis des étrangers. La

valeur enregistrée par les partis reste

également très basse. Dans ce classe-

ment croissant, l ’administration pu-

blique, le Conseil national, le Conseil

des Etats et le Conseil fédéral tirent

mieux leur épingle du jeu. La police et

le Tribunal fédéral restent en tête du

classement.

atteignait encore 60% en moyenne en

2010, elle n’était plus que de 53% l’an

dernier et de 47% cette année. Cela

s’explique essentiellement par la cote

plus faible des médias, des banques,

des groupements économiques ainsi

que des syndicats et des organisations

patronales. La cote des banques (48%)

2012

2011

2012

44

48

2

21

3

41

35

6 6

35

38

3854

5

21

3ÉCONOMIE POLITIQUE

SOUVENT RAREMENT JAMAIS NE SAIT PAS

2011

2012 2011

95(+1)

94(+3)

93(±0) 90

(–6)

81(–11)

81(–7) 78

(–8)

AV

S/A

I

Pro

mot

ion

de

la f

orm

atio

n

Chô

mag

e de

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un

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Cro

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elle

Em

issi

ons

de g

az à

eff

et d

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rre

Coû

ts d

u s

ystè

me

de s

anté

5. Evaluation des résultats politiques et économiques

Les responsables politiques et économiques fi xent-ils les bonnes orientations pour le développement du pays à moyen et à long terme ? Prennent-ils les bonnes décisions au bon moment ? Malgré la crise, les critiques de la population restent limitées.

6. Quels objectifs les responsables politiques doivent-ils se fixer dans l’immédiat ?

Actuellement, les objectifs politiques essentiels sont la pérennité fi nancière des prestations de prévoyance, la promotion de la formation et la lutte contre le chômage des jeunes. L’intégration des étrangers est de loin la valeur la plus faible (55%).

Question : « Avez-vous l’impression que la politique du gouvernement et de l’administration ou bien que l’économie est défaillante dans les situations décisives ? Est-ce souvent, rarement, ou jamais le cas ? »

Question : « Dans quelle mesure la réalisation des objectifs politiques cités est-elle importante pour vous ? » Les réponses « très importante » et « importante» sont additionnées dans le graphique. Autres réponses possibles : « plutôt pas importante », « pas importante du tout », « ne sait pas ».

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Baromètre des préoccupations du Credit Suisse 2012

Bulletin 6 / 2012 — 49

« Je suis optimiste pour la Suisse »Cinq questions à Pascal Gentinetta, directeur d’economiesuisse

1. Quels sont pour vous les trois principaux atouts de

l’économie suisse ?

Tout d’abord, la capacité d’innovation de nos entreprises, extraordinaire

par rapport à celle des autres pays. Un autre atout de taille est la souplesse

avec laquelle notre économie est parvenue à s’adapter à de nouvelles condi-

tions générales, notamment en raison de la solidité du franc sur le long

terme. Enfi n, nous sommes très compétitifs du fait de notre diversité sec-

torielle, de la symbiose entre les PME et les grands groupes ainsi que de

diff érents moteurs régionaux.

2. Allons-nous surmonter la crise actuelle de l’UE avec ces atouts ?

Du fait de notre position géographique, nous ne pouvons qu’être

concernés par la crise de nombreux pays de la zone euro. Si d’importants

partenaires commerciaux doivent se serrer la ceinture, notre économie ex-

portatrice sera inévitablement touchée. Toutefois, nous pouvons mieux

relever ce défi que d’autres pays grâce aux atouts cités, à une politique éco-

nomique libérale et à une politique de libre-échange éclairée, en particu-

lier avec les pays émergents.

3. Quelles autres dangers voyez-vous pour la Suisse ?

Le succès peut engendrer de la paresse, et la Suisse risque d’oublier

les fondements de sa réussite. La capacité d’innovation et la souplesse ne

sont pas régies par la politique et ne prospèrent que dans de bonnes condi-

tions générales et des espaces de liberté entrepreneuriale. Malheureuse-

ment, la politique a tendance à limiter ces espaces en renforçant la régle-

mentation. Nous devons résolument nous y opposer, tout en œuvrant pour

maintenir les atouts du pays.

4. Le chômage inquiète beaucoup les Suisses. En prévoyez-vous

une montée ?

Il se peut qu’en 2013, le marché du travail ressente un peu plus qu’au-

jourd’hui les retombées de la crise économique de l’UE, spécialement dans

le tourisme ou dans certains secteurs d’exportation. Néanmoins, la

conjoncture intérieure continue d’avoir un eff et stabilisateur. Globale-

ment, je ne m’attends pas à une augmentation marquée du chômage. En-

core une fois, notre système de formation en alternance et notre organisa-

tion assez souple du marché du travail engendrent un bien meilleur

équilibre, si bien que le chômage reste modéré, même en temps de crise.

5.Partagez-vous l’optimisme des personnes interrogées à propos

de l’évolution économique ?

Oui. Je suis fondamentalement optimiste pour notre pays, malgré les

nuages noirs qui s’amoncellent au-dessus de certains pays occidentaux.

Autre langue, autres problèmes

Grande fi erté nationale en

Suisse romande, préoccupations

liées aux étrangers en Suisse

alémanique : les diff érences

sont marquées entre les régions

linguistiques.

Le Baromètre des préoccupations

montre des diff érences signifi catives de

perception des problèmes entre les trois

régions linguistiques. Toutefois, la

« barrière de rösti » ou la « barrière de

polenta » n’existe que jusqu’à un certain

point, car la coexistence des cultures

fait l’objet d’un consensus.

Le chômage est la grande préoc-

cupation des Suisses. Le pourcentage,

de 41% en Suisse alémanique, est bien

plus élevé en Suisse romande (67%) et

au Tessin (72%). La question des étran-

gers totalise également 41% en Suisse

alémanique, et davantage en Suisse

méridionale (46%). En revanche, elle

atteint 23% en Suisse romande, où

d’autres préoccupations sont plus ré-

pandues.

En général, la majorité germano-

phone détermine la place d’un pro-

blème dans le pays, à deux exceptions

près : la prévoyance vieillesse se hisse à

la troisième place grâce à la Suisse ro-

mande (43%) et au Tessin (40%), mais

seulement parce que son importance

est comparable en Suisse alémanique

(33%). La sécurité personnelle n’atteint

que la 10e place en Suisse alémanique

(18%), mais se situe à la 5e place en

Suisse romande (25%) et au Tessin

(36%), de sorte qu’elle occupe globale-

ment la 7e place.

Le problème de la nouvelle pauvreté

Les Suisses francophones soulignent

deux problèmes qui ne font pas partie

du Top 10 à l’échelle de la Suisse : le

secret professionnel du banquier (19%)

Analyse spéciale 1

Pascal Gentinetta a fait des études d’économie et de droit à l'Université de Saint-

Gall. Il dirige economiesuisse depuis 2007. Des centaines d’associations sectorielles

sont affi liées à l’organisation faîtière de l’économie suisse. Au total, economiesuisse

représente 100 000 entreprises suisses, soit près de deux millions d’emplois.

Photo : economiesuisse

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Baromètre des préoccupations du Credit Suisse 2012

50 — Bulletin 6 / 2012

et la nouvelle pauvreté (18%). Par

conséquent, les questions de l’Union

européenne et des atteintes à l’environ-

nement (12% chacune) sont considé-

rées comme moins graves et viennent

même derrière la crise fi nancière (16%),

l’énergie nucléaire (15%) et le prix de

l’essence (15%).

Les diff érences sont encore plus

fl agrantes chez les Suisses italophones.

La question du système de santé (68%)

arrive juste après celle du chômage. Au

lieu de l’Union européenne, des réfu-

giés, de la protection sociale et des at-

teintes à l’environnement, on trouve la

nouvelle pauvreté (16%), mais surtout

la crise économique (28%) ainsi que la

drogue (26%) et le racisme (26%). Si ces

votes méritent d’être pris en compte, ils

doivent être interprétés avec prudence

en raison du faible échantillonnage

dans le Tessin.

La coexistence reste un atout

Un Suisse sur cinq (19%) considère la

coexistence des cultures comme un

atout majeur du pays. Les Romands

(31%) en sont nettement plus convain-

cus que les Alémaniques (14%), tandis

que les Tessinois (20%) se situent au

milieu. En revanche, la coexistence

n’est perçue comme un handicap que

par un habitant sur vingt (5%) ; sous

l’angle des régions linguistiques, cette

diff érence entre dans le taux d’erreur

statistique. D’après la réponse à une

autre question, la situation aura peu

changé dans dix ans. Toutefois, à pro-

pos de la fi erté nationale, 18% des per-

sonnes interrogées en Suisse romande

se déclarent très fi ères, contre 42% en

Suisse alémanique et au Tessin. L’ins-

titut de recherches gfs.bern a ventilé

cette grande fi erté nationale selon les

cantons de 2007 à 2012 : les cantons

d’Obwald (70%), de Zoug (62%) et de

Th urgovie (62%) remportent la palme

du patriotisme. Les cantons romands

de Neuchâtel (22%), de Genève (17%),

de Vaud (14%) et du Jura (1%) forment

la queue du peloton.

Le fait est que l’aggravation de

plusieurs problèmes et les diff érences

régionales de sensibilité à propos de la

fi erté nationale ont atteint une ampleur

qui doit être prise au sérieux, même si

la minorité francophone ne remet pas

en question, sur le fond, la coexistence

de diff érentes cultures.

15 17 11 1913 35 14 23

393324

51 35 43

SUISSE ALÉMANIQUE

2008

UE/intégration

AVS/prévoyance vieillesse

Etrangers

2009 2010 2011 2012

2008 2009 2010 2011 2012

SUISSE ROMANDE

12 12

33

22 20 24 2336

42 23 33

25

34 4844

41

49 64 72Chômage 54 67 4152766951

191613 13Réfugiés/demandeurs d'asile

37 25 25 25 2927 34

7. Sujets à l’origine des principaux soucis dans les régions linguistiques

La tendance indique des écarts de plus en plus grands, dans la pondération des diff érents problèmes, entre la Suisse romande et la Suisse alémanique.

Question : « Selon vous, quels sont aujourd’hui les principaux problèmes de la Suisse ? »

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Baromètre des préoccupations du Credit Suisse 2012

Bulletin 6 / 2012 — 51

Débat sur l’immigration

Un tiers de la population

considère les questions liées

aux étrangers comme le

principal problème de la Suisse.

Tendance : à la hausse.

Actuellement, la Suisse abrite

plus de 1,7 million d’étrangers, soit

22% de la population. Sur les dix der-

nières années, ce nombre s’est accru

chaque année, en moyenne, de plus de

30 000 personnes (avec simultanément

près de 40 000 naturalisations) ; de-

puis 2007, l’accélération a été considé-

rable du fait de la libre circulation des

personnes.

La hausse de l’immigration in-

fl ue sur les résultats du Baromètre des

préoccupations. Ceux-ci suggèrent que

la population suisse ne voit manifeste-

ment pas que des avantages à la libre

circulation des personnes. Dès 2003,

les questions relatives aux étrangers

(nombre / intégration / libre circulation

des personnes) ne cessent de prendre de

l ’ampleur dans le Baromètre (gra-

phique 2). En 2012, elles atteignent le

record absolu de 37% (+1 pp), se plaçant

pour la deuxième fois consécutive der-

rière le chômage dans la liste des pro-

blèmes de la Suisse.

Il est intéressant de constater que

le sujet « Demandeurs d’asile/réfugiés »

a évolué diff éremment au cours des

dernières années : après un record ab-

solu de 56% en 1999, le chiff re est tom-

bé à 17% en 2009 après une évolution

de la courbe en dents de scie. Le chiff re

est reparti à la hausse ces trois dernières

années, d’abord légèrement, puis brus-

quement en 2012, passant ainsi de 21%

à 32%. Cela doit être interprété en cor-

rélation avec le nombre de demandeurs

d’asile, de nouveau en hausse ces der-

niers temps, et à la lumière des débats

politiques qu’il déclenche.

En 2012, 77% (-2 pp) des personnes in-

terrogées perçoivent l ’immigration

comme une menace pour l ’identité

suisse (graphique 13). Pourtant, seul

un dixième d’entre elles pense que cela

engendre une xénophobie probléma-

tique. Ce pourcentage est légèrement

supérieur chez les 18-19 ans (14%) et

nettement supérieur chez les citoyens

de gauche (21%). Concernant les ob-

jectifs politiques actuels, une faible

majorité (55%) considère l’intégration

des étrangers comme importante. Ce

pourcentage est faible par rapport à

l’importance accordée à la garantie de

l’AVS (95%) et à la promotion de la for-

mation (94%).

Il est intéressant de regarder vers

l’avenir pour mieux évaluer la situation

actuelle. Seuls 3% des citoyens pensent

que le principal souci des générations

suivantes sera la surpopulation étran-

gère. Ils estiment que la pénurie

d’emplois et l’environnement/le climat

seront leurs plus gros problèmes.

La cohabitation avec les étran-

gers dans dix ans est évaluée de façon

plutôt neutre : 40% prévoient une amé-

lioration, tandis que 52% s’attendent à

une dégradation. L’an dernier, l’écart

atteignait 19% de plus.

8. Evolution temporelle des soucis liés aux étrangers

Ces quatre dernières années, les préoccupations liées aux étrangers se sont nettement accrues, après une phase d’apaisement de même durée.

9. Cohabitation future avec les étrangers

Même si la majorité des Suisses craint une détérioration des relations avec les étrangers, l’évaluation positive est plus importante que les années précédentes.

Question : « Selon vous, quels sont aujourd’hui les principaux problèmes de la Suisse ? »

Question : « En Suisse, comment se passera la cohabitation avec les étrangers dans dix ans ?

BIEN MEILLEURE OU PLUTÔT MEILLEURE BIEN MOINS BONNE OU PLUTÔT MOINS BONNE

56

31

2011

58

30

2010

58

33

2009

55

37

2008

59

34

2007

40

52

2012

20

3736

31

2324

30

35

39

2827

30

2623

14

21

1717 19

12

20

18

1918

24

15

21

1819

2222

2000 2001 2002 2003 2004 2005 2006 2007 2008 2009 2010 2011 2012

32

41

45

36

4345

32

34

UE/BILATÉRALES/LIBRE CIRCULATION DES PERSONNES/INTÉGRATIONÉTRANGERS/INTÉGRATION

RÉFUGIÉS/DEMANDEURS D’ASILE

Analyse spéciale 2

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Baromètre des préoccupations du Credit Suisse 2012

52 — Bulletin 6 / 2012

Aline Koller, 33 ans, psychothérapeute,

et son fi ls Ian Balthazar, 11 mois, Lausanne VD

« Quatorze semaines de congés de maternité, c’est trop

court pour un tel événement dans la vie. C’est assez

contradictoire : on dit que les enfants sont importants

pour le pays, mais on continue d’ajourner la mise en

place d’un congé parental favorable à la famille. »

10. Question : « Citez trois éléments représentant pour vous la Suisse. »

Sécurité/paix 20% (+5)

Neutralité 20% (+6)

Paysage 15% (−6)

Montres 10% (+1)

Patriotisme 10% (+4)

Sens de l ’ordre 9% (−12)

Chocolat 9% (+0)

Banques 8% (+4)

Patrie 8% (−2)

Prospérité 8% (+6)

Liberté, liberté d ’opinion 7% (−2)

Indépendance 7% (+5)

Propreté 7% (+1)

Système scolaire 7% (+2)

Conscience de la qualité 7% (+4)

Enquête 2012

(variation par rapport à 2011

en points de pourcentage)

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Baromètre des préoccupations du Credit Suisse 2012

Bulletin 6 / 2012 — 53

86% des sondés sont fi ers de la Suisse

(graphique 11). Ce chiff re record est

égal à celui de 2007 ; seuls 11% des ci-

toyens ne sont pas fi ers de leur pays, un

pourcentage qui n’a jamais été aussi

faible. Ce sont les personnes plutôt à

droite qui contribuent le plus à ce résul-

tat, 58% d’entre elles étant très fi ères de

la Suisse. Au centre, en revanche, le dés-

enchantement semble progresser, avec

une légère baisse de la fi erté nationale

depuis cinq ans. On observe avec intérêt

l’apparition simultanée d’une tendance

inverse à gauche : la fi erté nationale y a

augmenté de 24% depuis 2005 et est

pour la première fois supérieure à celle

des électeurs du centre (graphique 11).

Poids accru de la politique

En 2012, cette fi erté nationale s’appuie

davantage que l’an dernier sur des élé-

ments politiques (graphique 15). En

tête de ces éléments, la neutralité et

l’autonomie. Les droits populaires et

les droits de codécision sont, eux aussi,

placés à des niveaux élevés. Si l’on re-

garde le taux de progression seul, on est

frappé, d’une part, par celui de la

Constitution fédérale et, d’autre part,

par celui du système de milice. Au

fond, de plus en plus de Suisses

prennent de nouveau conscience, avec

fi erté, des solutions politiques spéci-

fi ques à leur pays.

Alors que les valeurs écono-

miques étaient plutôt supérieures aux

valeurs politiques ces dernières années,

elles reculent presque toutes en 2012,

même si leur niveau reste très élevé

(graphique 16). L’industrie horlogère,

la réputation internationale de qualité,

la solidité des PME, la force des

marques et l’industrie des machines se

succèdent en tête. Les plus fortes

baisses sont celles des entreprises de

service public (-16 pp) et du secret pro-

fessionnel du banquier (-10 pp).

Par rapport à l’an dernier, on ob-

serve aussi de légers déplacements en

faveur de la politique dans les cinq

principaux atouts du pays (graphique

12). Sont tout d’abord citées la neutra-

lité (+4 pp) et la formation (+6 pp), dont

le niveau a presque doublé depuis 2006.

Les droits de codécision obtiennent

également un score élevé (+5 pp). En

revanche, après des années en tête du

classement, la qualité suisse est massi-

vement dépréciée (-17 pp). Les valeurs

ensuite citées sont la paix (+2 pp), puis

l’ordre et la propreté (+ 11 pp), ces deux

concepts bénéfi ciant d’un regain de po-

pularité après une perte de sens conti-

nue. Parmi les valeurs massivement dé-

préciées, citons également la stabilité

(-10 pp) et surtout la coexistence des

cultures (-17 pp), tandis que le système

de santé (+9 pp) fait brusquement par-

tie des principaux atouts du pays. L’an

dernier encore, les Suisses avaient

identifi é le système de santé, trop com-

pliqué et trop cher, comme le principal

handicap du pays.

Comment les sondés défi nissent-

ils la Suisse en 2012 ? Comme une

digue protectrice, pourrait-on dire,

c’est-à-dire comme un lieu à part où

la  sécurité, la paix et la neutralité

La Suisse continue de se défi nir comme un cas à partLes Suisses sont plus fi ers que jamais de leur pays. Cela va si loin qu’ils

s’identifi ent davantage avec la nation qu’avec leur commune de

domicile. Le patriotisme est diffi cile à placer sur l’échiquier politique :

la gauche est plus fi ère de la Suisse que le centre.

La Suisse existe. Chez les citoyens de gauche, la fi erté nationale est en augmentation constante. Seul l’avenir dira si elle est plus répandue que chez les citoyens du centre.

2012

2011 36

40

3850

3

83

6

15

1

TRÈS FIERPLUTÔT FIER PLUTÔT PAS FIER

NE SAIT PAS

PAS FIER DU TOUT

2008 2009 2010 2011 2012

373634

4139

29

34

31 2533

59

64

53

58 58

GAUCHE CENTRE DROITE

Question : « Etes-vous fi er d’être Suisse ? » Le graphique ci-dessus représente le  pourcentage des réponses « très fi er ».

11. Fierté nationale suisse

Une seule fois, en 2007, la fi erté nationale a été aussi répandue qu’aujourd’hui. Toutefois, le pourcentage des réponses « très fi er » est inférieur de quelques points à celui de l’an dernier.

021_300_Bulletin_6_12_s42-57_f.indd 53 26.11.12 08:55

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Baromètre des préoccupations du Credit Suisse 2012

54 — Bulletin 6 / 2012

demeurent une évidence alors que trop

de pays sont en proie à l’agitation et à

l’insécurité (page 52). Cela n’exclut en

rien la nécessité de supprimer les points

faibles : toutefois, le pays ne doit pas at-

tendre d’aide de l ’extérieur, qu’il

s’agisse de l’UE en crise ou des Etats-

Unis, mais doit s’aider lui-même.

Les valeurs sécurité/paix (+5 pp)

et neutralité (+6 pp), l ’an dernier en

places 4 et 5, sont désormais toutes

deux en tête. En conséquence, les va-

leurs en rapport avec le paysage ont un

peu reculé : même si le paysage (-5 pp)

reste très bien coté, le duo montagnes/

Alpes, également en lien avec le pay-

sage, est devenu secondaire (-10 pp).

Les montres et le chocolat incarnent

toujours les spécialités suisses tradi-

tionnelles. Le patriotisme (+4 pp) a dé-

passé les valeurs plus neutres de patrie

(-2 pp) et de tradition (-3 pp).

Communes sous pression

Jamais les Suisses ne se sont d’abord

sentis des citoyens du monde ou des

Européens. Ces valeurs restent très

faibles, en dépit d’une légère hausse

par rapport à l’an dernier. En revanche,

la fi erté nationale a évolué de façon re-

marquable (graphique 13). Pour la pre-

mière fois, l’identifi cation ne se fait pas

d’abord à la commune de domicile,

mais au pays tout entier.

Ces dernières années, la pression

s’est constamment accrue sur les com-

munes afi n de les inciter sérieusement

à fusionner pour des raisons fi nan-

cières et administratives. 526 com-

munes ont été supprimées depuis

1990, et elles ne sont plus qu’au nombre

de 2 500. Cela a pu diminuer le senti-

ment d’identifi cation, tout comme la

fréquence accrue des changements de

domicile et de lieu de travail. Toute-

fois, on ne s’attendait pas à un recul

de 19% (la valeur est désormais à un

plancher historique), qui profi te sur-

tout à la Suisse (+12 pp).

La confi ance en soi des Suisses se

refl ète dans l’évaluation de leur image

à l’étranger, ainsi que dans la question

sur la façon dont les représentants poli-

tiques suisses devraient apparaître à

Formation

Neutralité 41 (+4)

41 (+6)

38 (+5)

33 (–17)

30 (+2)

30 (+11)

25 (–10)

25 (+9)

Droits de codécision

Qualité suisse

Paix

Ordre et propreté

Système de santé

Stabilité

2012 2011VARIATION PAR RAPPORT À L’ANNÉE PRÉCÉDENTE ENTRE PARENTHÈSES (EN POINTS DE POURCENTAGE)

2012

2011 32

25

44

18

18

6

1314

6

2220

SUISSECOMMUNE DE DOMICILE

CANTON DE DOMICILERÉGION LINGUISTIQUE

EUROPE

MONDE

14. Dangers pour l’identité suisse

Sans surprise, les principales menaces pour l’identité suisse viennent de l’extérieur : immigration et ouverture internationale. La majorité des sondés constate par ailleurs un égoïsme exagéré et la nécessité d’accélérer les réformes politiques.

12. Les atouts de la Suisse

Outre la neutralité, la formation est désormais considérée comme le principal point fort du pays. Sa part (23%) a presque doublé depuis 2003. En revanche, la qualité suisse, nettement en tête entre 2009 et 2011, a dégringolé.

13. Lieu d’identification des Suisses

BLOCAGE DES RÉFORMES

2008 2009 2010 2011 2012

71

76

61

58

64

67

71

58

5149

5757

54 52

47

44

4042

48

53

50

65

78 7977

IMMIGRATION

POLARISATION

OUVERTURE INTERNATIONALE ÉGOÏSME

Question : « Quels sont pour vous les éléments à cause desquels l’identité suisse est menacée (très / plutôt menacée – pas de réponse – plutôt pas / pas du tout menacée) ? »

Pour la première fois, les personnes interrogées s’identifi ent davantage à la Suisse qu’à leur commune de domicile. Toutefois, on ne peut pas parler d’une tendance au détachement par rapport au domicile.

Question : « A quelle entité géographique vous identifi ez-vous d’abord ? »

Question : « Quels sont pour vous les cinq principaux atouts de la Suisse ? »

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Baromètre des préoccupations du Credit Suisse 2012

Bulletin 6 / 2012 — 55

l ’étranger. Selon 83% des sondés,

l ’image de la Suisse à l ’étranger est

bonne, voire très bonne (graphique

17), des chiff res presque identiques à

ceux des trois années précédentes. La

question à propos de l’amélioration ou

de la dégradation de cette image abou-

tit ainsi à un résultat neutre (améliora-

tion : 35%, dégradation : 36%). Visi-

blement, les sondés attachent moins

d’importance aux rapports critiques

des médias qu’à la situation réelle, qui

prouve l ’attrait de la Suisse, par

exemple comme pays d’immigration.

La majorité souhaite donc que les res-

ponsables politiques du pays se

montrent plus off ensifs envers l’étran-

ger (72%), tandis qu’un petit quart

(22%) conseille plus de prudence. Cet

écart s’est élargi de 6 points par rapport

à l’an dernier.

Comme les dernières enquêtes

l’avaient indiqué, la principale menace

pour l’identité suisse vient de l’exté-

rieur (graphique 14). L’ouverture in-

ternationale, qui peut être activement

contrôlée, est considérée comme

moins lourde de conséquences. En re-

vanche, les problèmes de l’UE, et l’im-

migration surtout, sont subis de ma-

nière très passive, malgré l ’aspect

positif que constitue l’affl ux de main-

d’œuvre. Depuis deux ans, un risque

potentiel plus grand est attribué aux

facteurs intérieurs : si l’égoïsme est le

plus cité (+10%), la moitié des sondés

considère toujours comme probléma-

tiques le blocage des réformes poli-

tiques et la polarisation.

Se projetant sur dix ans, les

Suisses prévoient une amélioration de

la collaboration entre les principaux

partis politiques et une diminution des

atteintes à l’environnement. Selon eux,

la coexistence avec la population

étrangère restera assez stable (valeur

légèrement négative), tandis qu’on

assis tera à une dégradation de la struc-

ture d’âge de la société et à un dévelop-

pement de la pauvreté.

A propos des éléments dont les

générations futures auront à souff rir,

c’est un peu diff érent, car ils citent

ceux-ci : pénurie d’emplois et atteintes

à l’environnement, puis pauvreté et ga-

rantie de la prévoyance vieillesse. En

revanche, les autres facteurs tels que la

surpopulation étrangère, l ’inégalité

sociale, le vieillissement ou les fi nances

apparaissent peu.

15. Fierté pour des éléments politiques

La cote de la neutralité (82%) croît constam-ment depuis 2006. On observe des variations sensibles des éléments Constitution fédérale (+10 pp) et Coexistence des régions linguis-tiques (-16 pp).

16. Fierté pour des éléments économiques

Bien qu’en léger fl échissement, les éléments économiques continuent à être plus prisés que les éléments politiques. L’industrie horlogère succède à la réputation internationale de qualité en tête du classement.

17. Bonne image à l’étranger

83% de la population présume que l’image de la Suisse à l’étranger est très bonne ou du moins plutôt bonne. Cette valeur n’a pas varié au cours des quatre dernières années.

Industrie horlogère

Réputation internationale de qualité

Succès des PME

Force des marques suisses

Industrie des machines

Recherche

Capacité d'innovation

Industrie pharmaceutique

93 (–5)

91 (–8)

91 (–7)

90 (–7)

89 (–2)

84 (–2)

82 (–4)

82 (–2)

Neutralité

Autonomie

Droits populaires (dont référendum)

Constitution fédérale

Fédéralisme

Coexistence des groupes linguistiques

Gouvernement représentant tous les grands partis

Partenariat social entre entreprises et syndicats

94 (+1)

92 (–3)

88 (–4)

88 (+10)

87 (+2)

79 (–16)

77 (+1)

71 (+3)

2012

2011

22

20

63

61

38

8

131

TRÈS BONNE

PLUTÔT BONNE

NE SAIT PAS/PAS DE RÉPONSE

PLUTÔT MAUVAISE

TRÈS MAUVAISE

1

Question : « Quelles sont les spécifi cités poli-tiques suisses dont vous êtes particulièrement fi er  (très / assez fi er) ? »

Question : « Quelles sont les spécifi cités écono-miques suisses dont vous êtes particulièrement fi er (très /assez fi er) ? »

Question : « Comment évaluez-vous l’image de la Suisse à l’étranger ? »

2012 2011VARIATION PAR RAPPORT À L’ANNÉE PRÉCÉDENTE ENTRE PARENTHÈSES (EN POINTS DE POURCENTAGE)

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Baromètre des préoccupations du Credit Suisse 2012

56 — Bulletin 6 / 2012

« Je me réjouis beaucoup que nous n’abandonnions pas le patriotisme à la droite. »

« Je veux améliorer l’image de la politique et des partis »La prochaine présidente du Conseil national et première citoyenne de Suisse,

Maya Graf, est satisfaite du Parlement, le moins onéreux et le plus effi cace du monde.

L’élue écologiste veut maintenant redorer le blason des institutions démocratiques.

Interview : Urs Reich, Andreas Schiendorfer

Madame Graf, c’est la troisième fois

de suite qu’une représentante des

agri culteurs occupe la plus haute fonc-

tion politique de Suisse. Le rôle de

leader politique leur convient-il parti-

culièrement ?

MAYA GRAF : Je vous rappelle que ma

profession initiale, que j’ai exercée, est

celle d’assistante sociale. Depuis

douze ans cependant, nous gérons la

ferme familiale dans une communau-

té agricole. Pour revenir à votre

question : les agriculteurs ont toujours

été très politisés et bien organisés.

A cela s’ajoute le fait que la politique

agricole est un élément important

de la politique fédérale. L’agriculture

est donc directement concernée par

les décisions prises à Berne. De plus,

elle bénéfi cie d’une considération

et d’une confi ance importantes. C’est

donc peut-être pour cela qu’on nous

croit capables de tenir un rôle non

partisan au Parlement. Par ailleurs,

mes deux prédécesseurs et moi-même

avons un parcours refl étant la grande

diversité de l’agriculture actuelle :

Jean-René Germanier (PLR) est le

vigneron romand, Hansjörg Walter

(UDC) représente les agriculteurs

plutôt conservateurs de la Suisse

orientale et je suis l’agricultrice bio

des Verts, issue du Jura.

Quels sont à votre avis les trois soucis

majeurs de la Suisse ?

MAYA GRAF : L’an prochain doivent

être posés les jalons de la transition

énergétique. Les investissements

doivent être sécurisés par des régle-

l’apprentissage. La formation de nos

spécialistes ne doit pas uniquement

être universitaire. Si nous y parve-

nons, nous ne serons plus aussi

dépendants de la main-d’œuvre

étrangère qualifi ée. Je comprends,

psychologiquement parlant, que la

prévoyance vieillesse soit un souci,

mais qui est heureusement assez

infondé pour le moment.

Les problèmes sont perçus très diff érem-

ment selon les régions linguistiques.

La barrière de rösti existe-t-elle donc

bel et bien ?

MAYA GRAF : Je pense que la barrière

de rösti n’existe pas. Les Suisses

française, italienne et alémanique se

complètent de manière idéale. Les

Romands exigent que l’Etat s’engage

beaucoup. Cette sensibilité envers les

questions sociales crée un bon équi-

libre avec les demandes de privatisa-

tion parfois extrêmes de la Suisse

alémanique. S’il existe une barrière de

rösti, alors elle passe en plein milieu

de chez moi. Dans la région de Bâle,

nous votons le plus souvent comme la

Suisse romande.

Comment expliquez-vous que, pour la

première fois, la fi erté nationale de la

gauche soit supérieure à celle du centre ?

MAYA GRAF : Je me réjouis beaucoup

que nous n’abandonnions pas le

patriotisme à la droite. Notre pays

est parvenu à diverses réalisations

politiques dont nous pouvons

tous être très fi ers, quel que soit notre

bord. A gauche, nous sommes

mentations claires destinées aux

entreprises mais aussi aux particuliers

souhaitant contribuer à la protection

de l’environnement avec des rénova-

tions et des installations solaires.

Concernant les fi nances et les impôts,

il convient de faire enfi n table rase ;

stratégie de l’argent propre et égalité

fi scale doivent être les maîtres mots

de la Suisse. L’aménagement du

territoire et le bon développement

urbain me tiennent à cœur. Pendant

trop longtemps, nous avons assisté au

mitage du paysage par des logements

et des infrastructures. Il faut densifi er

les constructions, faire des villes des

lieux de vie et de travail attrayants et

préserver à tout prix nos sols cultivés

et nos paysages uniques.

Le Baromètre des préoccupations

montre que la majeure partie de la

population a d’autres priorités.

MAYA GRAF : Le chômage est un thème

récurrent bien que la situation soit

très stable en Suisse. Naturellement,

nous sommes conscients des pro-

blèmes en Europe. Mon souhait

principal est la valorisation de

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Baromètre des préoccupations du Credit Suisse 2012

Bulletin 6 / 2012 — 57

également très fi ers de notre démo-

cratie, basée sur l’équilibre et non

sur l’exclusion.

La cote de confi ance des décideurs

(surtout des médias et des groupements

économiques cette année) a baissé.

MAYA GRAF : La diversité médiatique

est une grande richesse de plus en

plus remise en question. En outre, il

n’y a plus que quelques groupes de

médias pour fi xer le cap. A cet égard,

la cohabitation des orientations

information et divertissement est

particulièrement délicate. A cela

s’ajoute le danger croissant de la

superfi cialité. Ces dernières années,

la cote de confi ance des syndicats et

des organisations patronales avait

augmenté. Je ne surestimerais donc

pas la baisse actuelle. D’une façon

Maya Graf (1962), assistante sociale et agricultrice biologique, est

depuis 2001 l’élue des Verts de Bâle-Campagne au Conseil national,

qu’elle présidera en 2013. Elle fait partie de la Commission de la

science, de l’éducation et de la culture du Conseil national, ainsi que

des groupes parlementaires Protection des animaux, Tibet et Sport

(féminin). Elle est en outre engagée en faveur de Swissaid, Hochstamm

Suisse, de la Fondation suisse de la Greina pour la protection des

fl euves alpins et de la fondation de Bâle-Olsberg pour les personnes

handicapées. www.mayagraf.ch

générale, il est normal que la con-

fi ance baisse lorsque les attentes ne

sont pas comblées.

Pourquoi les Suisses sont-ils aussi

sceptiques envers l ’Union européenne

et l ’euro ?

MAYA GRAF : Cette question est un

double défi pour nous, les politiques.

D’un côté, il est impossible que

nous, les Suisses, nous ne nous

sentions pas Européens alors que

nous vivons au centre de l’Europe

et que notre existence dépend de la

santé de celle-ci. D’un autre côté,

nous devons clarifi er la relation de la

Suisse avec l’Union européenne,

analyser les accords bilatéraux et

rechercher de façon ciblée, sans

pression, des améliorations possibles

et d’autres accords.

La question des étrangers prend de

l’ampleur, notamment du fait de

l’affl ux de main-d’œuvre hautement

qualifi ée en provenance de l’UE.

MAYA GRAF : Nous avons voulu qu’elle

vienne, et maintenant elle est là.

C’est un dilemme avec lequel nous

devons vivre. Il est important d’appli-

quer les mesures d’accompagnement

concernant la libre circulation des

personnes. Il convient de combattre

systématiquement le travail au noir

sous toutes ses formes et de respecter

les conventions collectives de travail.

Je suis persuadée que la Suisse, pays

d’immigration depuis plus de cent

ans, possède la capacité d’intégration

nécessaire et qu’elle en tire des avan-

tages économiques et sociaux. Il suffi t

de regarder notre jeune équipe natio-

nale de football, où de nombreux

joueurs d’origine immigrée occupent

une position-clé et se battent pour la

Suisse avec succès.

Votre principal objectif en tant que

présidente du Conseil national ?

MAYA GRAF : Après vingt années de

politique partisane pure, il est enri-

chissant de pouvoir représenter la

diversité de notre système politique

et le consensus de tous comme repré-

sentante d’un parti non gouverne-

mental. Une de mes préoccupations

centrales est d’améliorer l’image de la

politique et des partis. La population

doit pouvoir faire confi ance à ses

institutions démocratiques. Notre

Conseil fédéral fonctionne bien et

notre Parlement est bon ; c’est en

outre le moins cher et le plus effi cace

du monde. Je connais de nombreuses

personnalités politiques, sous la

Coupole, qui recherchent des solu-

tions aux problèmes de notre pays

et pas uniquement à se retrouver sous

les projecteurs des médias, comme

cela est volontiers dit à l’extérieur.

Photo : Jürg Waldmeier

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58 — Bulletin 6 / 2012

« Je suis Suisse et j’ai toujours été heureux de l’être »L’intellectuel tessinois et lauréat du Grand Prix Schiller

Giovanni Orelli nous parle du noyau de l’identité

suisse, des relations tendues de son canton avec les

autres régions du pays et de l’adhésion à l’UE.

Par Sandro Benini

— Identité —

Photo : Adrian Baer / NZZ

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Bulletin 6 / 2012 — 59

Monsieur Orelli, vous avez déclaré dans une

interview il y a quinze ans que les Tessinois

n’avaient pratiquement aucun contact avec

les Romands et que les Suisses alémaniques

étaient plutôt peu appréciés au Tessin.

La situation s’est-elle améliorée depuis ?

Je ne me souviens pas de cette interview

donc je ne peux pas répondre à cette

question. Mais nos relations avec les

Suisses alémaniques sont meilleures

quantitativement et qualitativement que

nos rapports avec nos cousins de Suisse

romande, bien qu’elles me semblent

un peu moins bonnes qu’il y a trente ou

quarante ans.

A quoi est-ce dû ?

Une des raisons est le déclin de l’italien en

Europe. Ce phénomène repose sur des

évolutions politiques et économiques que

je n’aborderai pas ici. Et sur un aff aiblisse-

ment de la culture italienne au sein du

monde occidental. Lorsque des auteurs

français, allemands ou anglais écrivent sur

la culture européenne, de façon assez

surprenante, ils oublient presque toujours

la culture italienne. Dans les lycées de

Suisse alémanique, l’italien en tant

que matière d’enseignement est en recul ;

quant aux politiques alémaniques, ils

évoquent l’importance de la culture

italienne et le respect des minorités

culturelles davantage lors du discours de

la fête nationale qu’en tant que réel

sujet d’intérêt.

Le dialecte tessinois est-il aussi important

pour l’ identité du Tessin que le suisse-

allemand pour la Suisse alémanique ?

Non, le suisse-allemand revêt une autre

importance d’un point de vue historique,

car il a été un instrument plus déter-

minant pour se démarquer de la barbarie

nazie que ne l’a été le dialecte tessinois

contre le fascisme italien. J’écris de temps

en temps en tessinois pour des raisons

linguistiques, littéraires ou de musicalité,

non par aversion vis-à-vis de la Lom-

bardie et encore moins par ressentiment

envers la culture italo-méditerranéenne.

Et lorsque je rencontre mon cousin,

Giorgio Orelli, lui aussi homme de

lettres, nous parlons toujours en tessinois,

même pour débattre sur Jakobson ou

Auerbach.

Dans le Baromètre des préoccupations

du Credit Suisse, il a été demandé à un

échantillon de Suisses de citer leur plus

grande inquiétude. D’après vous, qu’en

est-il ressorti ?

Aucune idée. Mais probablement l’in-

quiétude concernant ce qui se passe dans

le monde, le confl it entre la civilisation

occidentale et l’islamisme, par exemple.

Mon sentiment personnel vis-à-vis

des pays du Proche, Moyen et Extrême-

Orient est empreint d’une grande

incertitude. Je suis curieux, j’essaie de

m’informer et de réfl échir avec bon sens

mais très souvent, je me trouve tout

simplement démuni.

La réponse la plus fréquente a été la peur

du chômage. N’est-ce pas étrange

dans un pays où l’on ne compte presque

pas de chômeurs ?

C’est compréhensible. Lorsqu’un quin-

quagénaire se retrouve au chômage

aujourd'hui, il a beaucoup de diffi cultés à

retrouver un emploi, même en Suisse.

Cela déclenche parfois des drames

personnels et familiaux. En Italie, la crise

économique fait croître le nombre de

suicides, même dans la classe moyenne.

— Identité —

Giovanni Orelli est né en 1928 à Bedretto,

une commune isolée du Tessin. Il a étudié

la philologie médiévale à Milan et à

Zurich. Il a enseigné l’italien pendant des

dizaines d’années à l’école cantonale de

Lugano. Le temps d’une législature, il a

été député du Parti socialiste au parlement

cantonal du Tessin. Sa carrière littéraire a

débuté en 1965 avec le roman « L’anno della

valanga » (« L’année de l’avalanche »). On

considère le roman « Le Rêve de Walacek »

comme l’œuvre majeure de Giovanni Orelli ;

d’après la « NZZ », il serait « une déclara-

tion d’amour au pays et à ses habitants et

une réfl exion bouleversante sur les zones

d’ombre de son histoire ». Son œuvre

comprend également de la poésie lyrique,

dont des poèmes en tessinois. Giovanni

Orelli est le cousin du poète, traducteur et

critique Giorgio Orelli. Avec Peter Bichsel,

Giovanni Orelli a reçu le Grand Prix

Schiller 2012, distinction littéraire la plus

importante décernée en Suisse.

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60 — Bulletin 6 / 2012

Par le passé, les écrivains et les intellectuels

ont souvent décrit la Suisse comme un pays

ennuyeux et étroit, dépourvu de toute

dimension dramatique, que l’on devrait fuir

pour se réaliser artistiquement.

Je n’ai jamais partagé cette opinion. La

meilleure preuve du contraire est que

deux génies de l’humanité tels que Kant

et Socrate n’ont jamais quitté leur petite

ville d’origine. La grandeur d’un homme

ne se mesure pas uniquement à ses

voyages. Mais je connais ce type d’argu-

mentation depuis mes études lorsque

mes camarades italiens me disaient :

« vous, les Suisses, vous ne savez pas ce

que sont la violence, la guerre, la mort ou

les tueries ». Je répondais à chaque fois que

pour m’exprimer sur la guerre, je n’avais

pas besoin de me mettre en situation de

confl it, ce qui serait, au fond, un manque

d’imagination, comme le disait Kafka

à juste titre. Il est absurde d’avoir honte

du fait de vivre en paix depuis la bataille

de Marignan et d’avoir échappé aux

atrocités du siècle dernier grâce à notre

neutralité.

Vous n’avez jamais souff ert d’être Suisse ?

Non, jamais, absolument pas. Je suis et j’ai

toujours été heureux et fi er d’être Suisse.

Et pas uniquement pour des raisons

pragmatiques, comme le dit l’un des

personnages dans « Les Fiancés », œuvre

majeure de l’auteur italien Alessandro

Manzoni : « La patrie est là où l’on est

bien. » Mais également parce que j’admire

la civilisation suisse, la culture de la

neutralité et de la cohabitation pacifi que.

Cette civilisation peut également avoir

des côtés égoïstes mais, pour moi, les

aspects positifs ont toujours prédominé.

J’ai enseigné la langue et la littérature

italiennes au lycée pendant quarante ans.

Mais si on me demandait si je ne préfére-

rais pas être Italien, je répondrais : non,

en aucun cas. Je veux rester Suisse.

Quel est le noyau de l’ identité suisse ?

Des valeurs telles que la liberté, la tolé-

rance et la cohabitation pacifi que. Ce sont

des vertus qui méritent le respect et

l’admiration du point de vue de l’étranger.

Récemment, le fi ls du fondateur de la Lega,

Giuliano Bignasca, a déclaré qu’ il

espérait bientôt lire l ’annonce de votre décès

dans le journal. Les valeurs fondatrices

de la Suisse sont-elles menacées par les

campagnes de dénigrement de la droite

populiste, au Tessin et ailleurs ?

Ce phénomène existe mais j’ai confi ance

dans le sens des responsabilités du peuple

suisse. Ma confi ance dans les Suisses

alémaniques sur ce point est un peu plus

grande que celle que j’ai dans la Suisse

italienne.

Pourquoi ?

Parce que les Suisses alémaniques sont

plus sérieux, peut-être également plus

méthodiques, plus tatillons et, selon moi,

plus ennuyeux, mais plus résistants face

à toute forme de démagogie politique.

Les critiques de la gauche à l’encontre de

la Suisse des « bünzli » ont laissé place à une

sorte de patriotisme progressiste, car

l’Europe se trouve dans une crise existen-

tielle et l ’ idée de l’ouverture a ainsi perdu

de son attrait.

Il y a quelque temps, je pensais que la

Suisse devait s’ouvrir à l’Europe. Cela me

semblait vraiment être une contribution

courageuse, peut-être un peu utopique,

à cet idéal de solidarité d’abord européen

et peut-être un jour mondial. Mais face

aux défauts de la mondialisation, de l’UE

et surtout des politiques, ma position a

considérablement changé. Ce que l’UE a

présenté ces derniers mois et ces dernières

années n’est pas très encourageant.

La Suisse doit-elle adhérer à l’UE ?

Pas pour le moment. Mais dans deux,

cinq, voire dix ans, le débat devra peut-

être être relancé.

Lisez-vous des écrivains suisses

contemporains ?

Oui, assez souvent. Je suis surtout cer-

tains auteurs suisses alémaniques avec

admiration et approbation. J’ai par

exemple lu plusieurs récits de Pedro Lenz

avec enthousiasme. Mais je pense aussi

à Peter Stamm, à Klaus Merz,

à Adolf Muschg et à bien d’autres.

Le départ est un thème central de la nouvelle

littérature suisse. Vous avez vécu toute votre

vie à Lugano. Pourquoi ?

Parce que j’ai fait une erreur. Je ne suis pas

du tout amoureux de Lugano. Par rapport

à Milan ou à Zurich, je trouve la ville

plutôt ennuyeuse. Si je pouvais avoir une

seconde vie, j’essaierais de trouver un

emploi discret au consulat de Suisse à

New York. Manhattan est l’un des plus

beaux endroits du monde.

« Les Suisses

alémaniques sont

plus ennuyeux

mais plus résistants

face à la démagogie

politique. »

— Identité —

Baromètre des préoccupations du Credit Suisse 2012

86% des personnes interrogées sont fi ères d’être Suisses.

021_300_Bulletin_6_12_s58-80_f.indd 60 26.11.12 08:54

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Bulletin 6 / 2012 — 61

La Suisse en chiff res (3/4)

La Suisse et le train : dix records

— Swiss List —

1. Avec 2 285 kilomètres par habitant (en 2010), les Suisses sont champions du monde du voyage en train, devant les Japonais. En nombre de trajets, nous sommes numéro deux derrière le Japon.

2. Pour les tunnels, c’est encore une course au coude à coude avec le Japon : le Seikan est actuellement le plus long (54 km). Fin 2016, ce sera le tunnel de base du Saint-Gothard (57 km). La Vereina est le tunnel à voie étroite le plus long du monde (19 km).

3. La plus haute gare d’Europe se trouve sur le col de la Jungfrau (3 454 m). Le plus haut point accessible par téléphérique d’Europe est le Petit Cervin (3 883 m).

4. Le chemin de fer à crémaillère le plus escarpé est le Pilatusbahn à Alpnachstad : long de 4 618 mètres, il atteint 1 635 mètres d’altitude, avec une pente maximale de 48%.

8. En 1982, les CFF ont été les premiers à appliquer l’horaire cadencé sur tout le territoire. Le cadencement est aujourd’hui utilisé pour la majorité des lignes ferroviaires et postales.

9. Funiculaires, deux records européens : le plus abrupt est le Gelmerbahn sur le col du Grimsel (pente à 106%), et le plus long va de Sierre à Crans-Montana (4,2 km).

10. 99% du réseau ferroviaire suisse est électrifi é – un record mondial. Notre réseau de 128 m/km2 est aussi le plus dense d’Europe.

99 % 1 km2

128 m

6. Le réseau des CFF est le mieux exploité du monde : chaque tronçon voit passer en moyenne 95 trains par jour.7. Le premier chemin de fer à crémaillère

(et premier train de montagne) d’Europe était le Vitznau-Rigi-Bahn, mis en service en 1871. Le plus long train à crémaillère direct d’Europe est le Wengernalpbahn (19 km), dont le réseau s’étend de Lauterbrunnen à Grindelwald via la petite Scheidegg.

5. La ligne de la Bernina est superbement bien aménagée : avec la ligne de l’Albula, elle est inscrite au patrimoine mondial de l’UNESCO. Autre record européen : aucun autre train ne monte si haut sans crémaillère (Ospizio Bernina, 2 253 m).

Bulletin 6 / 2012 — 61Par Matthias Plüss, 1kilo (illustrations)

Japon

Suisse

Vereina

Seikan

Saint-Gothard

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62 — Bulletin 6 / 2012

Quel rôle joue la Suisse en tant que sujet à photographier ? On pense au Cervin, le sommet le plus photographié du monde, à des touristes asiatiques prenant des photos à Lu-cerne sur le pont de la Chapelle, ou encore à des cartes pos-tales de Lavaux, au bord du lac Léman, région inscrite au patrimoine mondial de l’UNESCO.

Des photographes de renommée internationale nous montrent pourtant une autre Suisse, comme en té-moignent les clichés de l’essai à suivre. Ce point de

vue extérieur commence dans les années 1920 avec la décla-ration d’amour d’Herbert List aux lacs suisses et aux jeunes hommes. La photo la plus récente de la série consiste en une longue observation de la Paradeplatz de Zurich par le Bri-tannique Mark Henley. Et en 1997, c’est à la saucisse de veau grillée que s’intéressait le photographe satirique Martin Parr. Cet article a été composé par Andreas Wellnitz et Maria Leutner, rédacteurs photo du Bulletin.

Cette vision artistique s’achève sur un poème de Jorge Luis Borges. Ce poète argentin (1899–1986) a passé une grande partie de sa jeunesse en Suisse romande.

Il est décédé à Genève, où il est enterré. « Los conjurados » (Les conspirateurs) est une ode à la nation issue d’une volon-té commune qu’est la Suisse, qu’il considérait comme un modèle pour une communauté internationale.

La rédaction

Vu de l’extérieur

— Image —

Baromètre des préoccupations du Credit Suisse 2012

83% des personnes interrogées pensent que la Suisse a une bonne image à l’étranger.

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Bulletin 6 / 2012 — 63

VINCENT FOURNIER (FRANCE)

— Image —

SCHILTHORN

Cette photo, qui date de 2004,

est issue du premier ouvrage

de Vincent Fournier,

« Tour Operator », inspiré du

roman de Jules Verne « Le

Tour  du monde en 80 jours »,

qui  dévoile des « paysages

domestiqués » du monde.

Ce photographe d’art âgé

de 42 ans est né à Ouaga-

dougou (Burkina Faso).

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64 — Bulletin 6 / 2012

MARTIN PARR (ANGLETERRE)

ZURICH

L’illustre photographe anglais

Martin Parr, 60 ans, a le goût

de la provocation. En 1994,

il intègre la célèbre agence

Magnum Photos, malgré les

cris d’orfraie de quelques-uns

de ses membres. Aujourd’hui,

sa réputation le précède partout

dans le monde et il incarne

une fi gure emblématique de la

photographie contemporaine.

Cette photo date de 1997.

— Image —

Photo : Martin Parr / Magnum Photos

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Bulletin 6 / 2012 — 65

MARK HENLEY (ANGLETERRE)

PARADEPLATZ, ZURICH

La photo est issue du projet

« Bank on us », qui a valu à

Mark Henley, 46 ans, le titre de

« Swiss Press Photographer

2012 ». Mark Henley a étudié

la  littérature à York avant

de partir pour la Chine et de

suivre avec son objectif les

révoltes des étudiants. Depuis

lors, il a travaillé dans plus de

50 pays, se concentrant sur des

thèmes d’actualité mondiale.

— Image —

Photo : Mark Henley / Panos

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66 — Bulletin 6 / 2012

ANDREAS GURSKY (ALLEMAGNE)

MALOJA

Andreas Gursky, 57 ans,

compte parmi les photographes

contemporains les plus brillants

du monde. Son travail se

démarque par le retraitement

numérique, l’art du grand

format et des photographies

hautes en couleur. Andreas

Gursky est étroitement lié à la

Suisse ; Genève et Zurich

ont accueilli deux de ses expo-

sitions.

— Image —

Photo : Andreas Gursky, Maloja, 1989, C-Print. Courtesy Sprüth Magers Berlin London © Andreas Gursky / 2012, ProLitteris, Zurich

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Bulletin 6 / 2012 — 67

ANOUSH ABRAR (IRAN)

PAYERNE

La série représente l’aérodrome

militaire de Payerne, elle

date de 2001. Anoush Abrar,

36 ans, est établi en Suisse

et enseigne à la Haute école

d’art et de design (ECAL) de

Lausanne.

— Image —

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68 — Bulletin 6 / 2012

HERBERT LIST (ALLEMAGNE)

— Image —

LAC DES QUATRE-

CANTONS

La photo date de 1936. Herbert

List (1903–1975) est considéré

comme un « néoclassique ».

Sous l’infl uence du surréalisme

et du Bauhaus, il privilégie sur

ses clichés les natures mortes et

ses amis.

Photo : Herbert List / Magnum Photos

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Bulletin 6 / 2012 — 69

Los conjuradosEn el centro de Europa están conspirando.

El hecho data de 1291.

Se trata de hombres de diversas estirpes que profesan

diversas religiones y que hablan en diversos idiomas.

Han tomado la extraña resolución de ser razonables.

Han resuelto olvidar sus diferencias y acentuar sus afi nidades.

Fueron soldados de la Confederación y después mercenarios,

porque eran pobres y tenían el hábito de la guerra

y no ignoraban que todas las empresas

del hombre son igualmente vanas.

Fueron Winkelried que se clava en el pecho las

lanzas enemigas para que sus camaradas avancen.

Son un cirujano, un pastor o un procurador, pero

también son Paracelso y Amiel y Jung y Paul Klee.

En el centro de Europa, en las tierras altas de Europa,

crece una torre de razón y de fi rme fe.

Los cantones ahora son veintidós. El de Ginebra,

el último, es una de mis patrias.

Mañana serán todo el planeta.

Acaso lo que digo no es verdadero, ojalá sea profético.

Les conspirateurs

La conspiration se trame au cœur de l’Europe. Nous sommes en 1291. Des individus d’origine, de religion et de langue

diff érentes prennent l’étrange décision de rester raisonnables. Ils décident d’oublier leurs diff érences pour mettre l’accent sur

leurs points communs. Soldats de la Confédération, ils deviennent mercenaires parce qu’ils sont pauvres et habitués à la guerre,

et parce qu’ils savent que toutes les entreprises humaines sont vaines. Ils sont tel Winkelried recevant les lances ennemies

sur sa poitrine pour faire avancer ses camarades. Qu’ils soient chirurgiens, pasteurs ou avocats, ce sont aussi des Paracelse,

des Amiel, des Jung et des Paul Klee. Dans les montagnes au centre de l’Europe croît une tour de raison et de foi. On compte

aujourd’hui 22 cantons. Celui de Genève, le dernier, est l’une de mes patries. Demain, ce sera la planète entière. Un propos

qui n’est peut-être pas vrai, mais que j’espère prophétique.

Jorge Luis Borges, LOS CONJURADOS,

© 1995 Maria Kodama, licence éditoriale pour le Bulletin avec l’aimable autorisation de Random House Mondadori, SA

JORGE LUIS BORGES (BUENOS AIRES / GENÈVE), 1899 – 1986

— Image —

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70 — Bulletin 6 / 2012

Ce que la Chine pense

de nous La Suisse et sa neutralité

étaient très estimées par la

Chine de Mao. L’ancien

ambassadeur Uli Sigg nous

décrit comment elles

sont perçues par la nouvelle

Chine, que le monde entier

courtise

Par Michael Krobath

La Suisse peut-elle apprendre des Chinois et

de leur aptitude bien connue à penser sur

le très long terme et de manière stratégique ?

Oui. Lorsque je négociais des transferts

de technologie avec les Chinois

pour  l’ascensoriste Schindler en 1979, ils

pensaient : « Aujourd’hui, nous avons

besoin de votre technologie, mais dans

cent ans c’est vous qui aurez besoin de

la nôtre. » Mais ce sont aussi des battants :

ils prennent les choses en main sans trop

peser le pour et le contre. Le grand

réformateur Deng Xiaoping utilisait à ce

sujet une belle métaphore : traverser la

rivière en tâtant du pied chaque pierre.

Quel rôle joue la Suisse dans les plans

de l’économie chinoise sur le long terme ?

Le gros problème de la Chine sera de

répondre à ses énormes besoins en

matières premières. Sur ce point, la Suisse

ne présente aucun intérêt. En revanche,

elle joue un rôle certain en tant que

fournisseur de technologies. De nom-

breuses sociétés helvétiques sont leaders

dans leur secteur et très attrayantes pour

l’économie chinoise. La Suisse est aussi

le siège européen d’entreprises chinoises,

même s’il n’est pas évident pour un entre-

preneur chinois de comprendre pourquoi

il devrait installer son siège dans un pays

qui ne fait pas partie de l’UE.

Si la Suisse attire de nombreuses entreprises

chinoises, va-t-elle voir naître à moyen

terme des quartiers ou des villages chinois

comme en Afrique ?

Les Chinois aiment se regrouper, on le

voit dans les grandes villes européennes :

on y trouve le plus souvent des Chinois

venant de la même province ; certains vont

en Italie, d’autres à Paris. Cela s’applique

également aux entreprises. Lorsque

l’une d’elles a eu de bonnes expériences

dans une région, la suivante a tendance

à s’installer au même endroit. Mais la

Suisse ne ressemblera jamais à l’Afrique,

où naissent actuellement des villes entières

de Chinois travaillant pour des groupes

industriels. Mais une certaine concentra-

tion est tout à fait possible.

Et à l’ inverse : à quoi les entreprises suisses

doivent-elles faire attention en Chine ?

Elles doivent avant tout se demander si

Monsieur Sigg, la Suisse est-elle connue

en Chine ?

Sa notoriété dépasse de loin sa superfi cie.

Avant l’Expo de Shanghai en 2010, les

pays européens ont gagné en réputation.

La Suisse s’est d’ailleurs placée en première

position au niveau de l’image publique.

Comment l’expliquer ?

On a souvent salué la Suisse pour sa

neutralité pendant la Guerre froide. Elle

a été l’un des premiers pays à reconnaître

la Chine de Mao en 1950, et en 1975,

Swissair a été la deuxième compagnie

aérienne du monde à établir des liaisons

vers la République populaire. Aujourd’hui,

les Chinois apprécient les produits

helvétiques comme le chocolat ou les

montres. Et ils aiment passer leurs

vacances dans notre pays, car la nature

y est intacte.

Cela ressemble à un cliché plutôt classique.

Les Suisses veulent souvent donner une

autre image d’eux-mêmes. Nous aimerions

être perçus comme un pays innovant en

matière de haute technologie, bien au-delà

du fromage, du chocolat ou des montres.

Pour moi, c’est une erreur. Nous devons

élargir notre image sans sacrifi er celle qui

a fait ses preuves.

elles ont le bon produit. Un exemple : au

début, un fabricant de shampooing y

proposait des bouteilles de la même

contenance que chez nous. Or elles ne se

vendaient pas, car le pouvoir d’achat à

cette époque était trop faible. Les Chinois

achetaient des doses quotidiennes et

préféraient aller faire leurs courses deux

ou trois fois par semaine. Les étrangers

doivent également gagner le respect

des Chinois, c’est aussi important que le

produit.

Comment s’y prendre ?

On gagne ce respect grâce aux connais-

sances sur le pays. Cela paraît banal, mais

il faut du temps. Rien ne froisse plus les

Chinois que des gens qui leur font naïve-

ment la leçon. Cela vaut aussi pour les

droits de l’homme, pour lesquels il est

vraiment urgent d’agir. Mais si l’initiative

n’est pas portée par des personnes maîtri-

sant le sujet, les résultats seront minces.

Et économiquement ?

La Suisse jouit d’une grande estime grâce

à de nombreuses entreprises qui se

distinguent par de bons produits et leur

fi abilité. Mais en Chine, on enregistre

deux visites d’Etat par semaine, tous les

pays s’y pressent pour attirer l’attention

des dirigeants politiques : on ne doit pas

faiblir. Pour la Suisse, l’aboutissement

de l’accord de libre-échange actuellement

en négociation est central : il donnerait

un nouvel élan aux relations économiques

sino-suisses.

Uli Sigg, 66 ans, a été ambassadeur à

Pékin (de 1995 à 1998) pour la Chine,

la Corée du Nord et la Mongolie. Il a

créé la première joint venture d’un

groupe industriel occidental avec une

entreprise publique chinoise (1980).

Il est en outre considéré comme l’un des plus infl uents

collectionneurs d’art contemporain chinois au monde.

Ce docteur en droit vit aujourd’hui au château de

Mauensee (LU).

— Image —

Photo : Kurt Reichenbach / SI / RDB

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Bulletin 6 / 2012 — 71

— Swiss List —

Bulletin 6 / 2012 — 71

1. Offi ciellement, la Suisse n’a pas de capitale : Berne n’est que la « Ville fédérale », donc le siège des plus importantes institutions de la Confédération. Ce compromis a été trouvé en 1848 afi n qu’aucune ville ne devienne trop puissante.

2. Bivio (GR) est la seule commune trilingue de Suisse (allemand, italien, rhéto-roman) et le seul village du nord des Alpes parlant italien.

3. Le pays d’Appenzell est le royaume des singularités. Ses deux demi-cantons sont les seuls à ne pas avoir de liaison CFF ou autoroutière. Dans les Rhodes-Intérieures, il n’y a pas non plus de taxe de stationne-ment ni de feux de signalisation.

6. Les voies ferrées suisses présentent toutes un écartement des rails normal ou étroit. Seule exception : Neuchâtel, où un funiculaire sur voie large eff ectue les presque 300 mètres qui séparent l’université de la gare.

7. Le Piz Bernina (4 049 m) est le seul sommet de 4 000 mètres des Alpes grisonnes, et même des Alpes orientales. Tous les autres sommets suisses de cette altitude se trouvent dans l’Oberland bernois ou dans le Valais.

8. Le suisse-allemand est pratique : ni futur, ni prétérit, ni génitif. Enfi n presque. Car dans le Valais, on a souvent conservé les déclinaisons du génitif de l’ancien haut-allemand : Psinntsch di no der fl ottu Tago im letschtu

Jaar? (« Te souviens-tu encore des beaux jours de l’année dernière ? »)

4. L’ensemble de la Suisse alémanique parle l’alémanique, à l’exception de Samnaun (GR) où l’on parle un dialecte sud-bavarois. L’allemand de Bâle-Ville constitue une autre particularité : il est le seul patois suisse à faire partie des dialectes haut-alémaniques, et non bas-alémaniques.

5. L’Aar n’est pas une rivière exclusivement suisse : elle charrie également des eaux françaises issues de l’Orbe, qui prend sa source juste derrière la frontière. Il n’est pas non plus exact de dire que le Rhin prend sa source en Suisse : un des 14 fl euves qui le forment, le Reno di Lei, vient d’Italie.

9. Au jass, voici la règle : à l’ouest de la ligne Brünig-Napf-Reuss, on joue avec des cartes françaises, à l’est avec des cartes suisses-allemandes. L’exception vient du canton des Grisons et de certaines parties de Th urgovie, où l’on préfère les cartes françaises.

10. Seuls deux pays dans le monde ont un drapeau carré : le Vatican et la Suisse.

La Suisse en chiff res (4/4)

Dix particularités

Par Matthias Plüss, 1kilo (illustrations)

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72 — Bulletin 6 / 2012

1 — Les nouveaux visages

de la science

Aujourd’hui, il n’est pas une discipline

scientifi que qui puisse à elle seule fournir

la bonne réponse aux problèmes très com-

plexes auxquels doit faire face notre

monde : mutation du système énergétique,

révolution des neurosciences, mise en

question des modèles physiques actuels,

hyperpersonnalisation, etc. Les cher-

cheurs doivent apprendre à communiquer

et à conjuguer leurs compétences. Or in-

formaticiens, biologistes, sociologues et

ingénieurs ne parlent pas le même langage.

Des échanges plus importants entre

disciplines sont donc nécessaires. En

quelques siècles, la science – au singu-

lier – s’est scindée en tant de disciplines

qu’il est de nos jours plus réaliste d’en par-

ler au pluriel. La recherche scientifi que

évolue sur un chemin tortueux, tiraillée

entre l’hyperspécialisation des chercheurs,

la volonté de repousser toujours plus loin

les frontières des connaissances et la né-

cessité d’améliorer le dialogue entre les

disciplines.

2 — La Suisse en tant que

lieu de formationDans ce mouvement mondial, la Suisse fait

œuvre de pionnière en matière tant de re-

cherche que de créativité. Il faut rappeler

un fait peu connu en Europe : la Suisse a le

taux de publication par chercheur le plus

élevé au monde depuis quelques années.

Son système de formation qui valorise au-

tant les apprentissages que les fi lières uni-

versitaires, son modèle de gouvernance dé-

mocratique et son mode de fi nancement de

la recherche sont reconnus comme les plus

performants, notamment par nos voisins

européens.

L’EPFL a su se démarquer. Notre Centre

de neuroprothèse en est une magnifi que

illustration, qui réunit informaticiens,

neuroscientif iques, médecins et ingé-

nieurs. Sans cette volonté de s’unir autour

d’un objectif commun, nos équipes n’au-

raient pas pu concevoir les fabuleuses inter-

faces homme-machine permettant, par

exemple, de piloter un fauteuil roulant par

la seule force de la pensée.

Nos chercheurs ont su trouver un

langage commun et dépasser le cloisonne-

ment de leurs disciplines. Implants co-

chléaires ou rétiniens, bras artifi ciels, toute

cette ingénierie complexe va rapidement

faire partie de notre quotidien et générer

une myriade d’entreprises et de brevets. Il

n’y a qu’une seule chose qu’on ne puisse

remplacer, c’est notre cerveau !

3 — Collaboration avec

le secteur économiqueCette volonté de dépasser les frontières

des disciplines donne naissance à de nom-

breuses start-up. En Suisse romande, des

sociétés de biotechnologie comme En-

doart se sont vendues à plus de 100 mil-

lions de francs en 2007. D’autres, comme

Kandou, Housetrip, Typesafe, Aleva

Neurotherapeutics ou Nexthink, ont

montré le potentiel d’innovation de nos

régions. Plus récemment, une petite suc-

cess story comme Sensefl y, qui produit des

drones à des prix très accessibles, capables

de reconstituer en 3D le paysage qu’ils

survolent, montrent à quel point une pe-

tite innovation peut modifi er les perspec-

tives sur le monde. Siri, programme de

reconnaissance vocale sur iPhone déve-

loppé par l ’un de nos chercheurs aux

Etats-Unis, constitue un autre exemple.

Bien sûr, la Suisse alémanique n’est pas en

reste avec des sociétés telles que Doodle,

Optotune, Molecular Partners et tant

d’autres.

Ce décloisonnement, nous l ’avons

également opéré entre l ’université et le

monde extérieur. Nous avons multiplié les

collaborations avec les entreprises – multi-

nationales, PME ou start-up – dans des

domaines aussi variés que la médecine,

l ’informatique, l ’automobile et, bien sûr,

l’activité bancaire, avec le centre de déve-

loppement IT du Credit Suisse, installé au

cœur du campus lausannois. Les scienti-

fi ques ont tout à gagner à se frotter aux

réalités de l’industrie, et les entrepreneurs

trouvent dans nos laboratoires de quoi as-

surer leurs innovations futures. Ce cercle

vertueux profite à tous les acteurs. Un

exemple : aux Etats-Unis, les datacenters

représentent aujourd’hui plus de 2% de

la facture énergétique, et les chiff res sont

sans doute comparables en Europe. Et la

consommation d’énergie croît de manière

exponentielle ! Deux scientif iques de

l’EPFL ont désormais trouvé le moyen de

recycler la chaleur produite par ces centres

en énergie.

4 — L’avenir des salles

de classeUne autre innovation révolutionnaire, en

provenance une fois de plus des Etats-

Unis, illustre la suppression de frontières

que l ’on pensait taboues : les Massive

Open Online Courses ou MOOC. Stan-

ford et le Massachusetts Institute of

Technology (MIT) ont pris l’initiative de

produire et de diff user gratuitement des

cours et des cursus universitaires de haut

niveau sur Internet. Les universités du fu-

tur pourraient bien changer radicalement

de taille. De 400 étudiants dans un audi-

toire, on passe à des cours suivis par des

milliers d ’ internautes. Notre premier

Bien, mais peut mieux faire La Suisse en tant que lieu de formation occupe une place honorable dans le classement

international. Mais pour rivaliser avec les meilleures universités américaines,

cela ne suffi t pas, il faut faire plus. Voici l’analyse du président de l’Ecole polytechnique

fédérale de Lausanne (EPFL).

Par Patrick Aebischer

— Formation —

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Bulletin 6 / 2012 — 73

Patrick Aebischer est président de l’Ecole poly-technique fédérale de Lausanne (EPFL).

cours en ligne, un cours du professeur

Odersky sur le langage de programmation

Scala utilisé notamment sur Twitter, a

généré plus de 46 000 inscriptions en quel-

ques semaines.

Outre l’ouverture et la démocratisa-

tion des universités, il faut préciser qu’à

l ’échelle mondiale, nos modes de pensée

en termes d’innovation évoluent à la vi-

tesse grand V. Des biologistes du MIT

ont, par exemple, mis au point un jeu per-

mettant à des centaines de milliers d’in-

ternautes, biologistes ou non, de partici-

per indirectement à la modélisation d’une

protéine. Cette méthode de recherche

participative, qui a évidemment ses li-

mites et n’a pas pour vocation de rempla-

cer la recherche classique, a mis en exergue

une vertu intellectuelle intéressante : les

internautes ont une capacité de raisonne-

ment dans l’espace et une plasticité en ma-

tière de raisonnement qui leur ont permis

d’imaginer des solutions que les superor-

dinateurs n’ont pas générées.

5 — Perspectives de

l’Europe et de la Suisse en

tant que lieux de formation

Notre continent semble en perte de

confi ance. Pourtant l’exemple suisse, mais

aussi allemand ou scandinave, montre que

l’Europe n’est pas condamnée à subir pas-

sivement les événements. Les deux écoles

polytechniques fédérales de Lausanne et

de Zurich font désormais fi gure d’exemples

sur tout le continent. Elles ont su aborder

le virage de l ’interdisciplinarité, s’ouvrir

aux entreprises et attirer des chercheurs de

pointe du monde entier. Mais elles doivent

s’associer aux meilleures universités pour

contribuer à forger une Europe acadé-

mique forte et espérer un jour concurren-

cer la vivacité économique et l’inventivité

des universités américaines ou encore les

universités asiatiques, en plein essor.

Notre atout ? Curieusement, notre

capacité à attirer des chercheurs améri-

cains ou européens en Suisse depuis

quelques années n’a pas grand-chose à voir

avec notre fi scalité mais avec la culture,

l’air de liberté qui souffl e dans la recherche

et l’environnement intellectuel très parti-

culier qui règne sur notre campus. Il s’agit

de ne pas faiblir, de continuer à croire dans

les ressources scientifi ques de la Suisse et

à investir dans des biotopes innovants.

Notre pays doit être moins centré sur le

court terme, plus imaginatif, et faire

confi ance à l ’humain et aux interactions

sociales. Il en va de notre capacité à géné-

rer des emplois à haute valeur ajoutée et à

améliorer la formation des générations

futures.

EPFZ ET EPFL

Origine de start-up à succès

HOUSETRIPPlus grande agence de location

d’appartements de vacances en ligne d’Europe, meilleure

start-up de Suisse en 2012 (startup.ch).

DOODLECette plate-forme de planifi -

cation des rendez-vous est considérée comme

« la  start-up la plus connue de Suisse » (startwerk.ch).

L’an dernier, Tamedia a acquis 49% de l’entreprise.

MOLECULAR PARTNERSUne des « sociétés de biotechnologie suisses les plus prolifi ques » (« Finanz und Wirtschaft »), collaborations avec Allergan et Johnson&Johnson.

SENSEFLYFabrique des drones ultra-légers pour un usage civil. A récemment été rachetée

par le leader du marché des appareils sans fi l pour

téléphones portables.

OPTOTUNELes lentilles souples en polymère qui focalisent comme l’œil humain doivent révolutionner l’optique. Meilleure start-up de Suisse en 2011 (startup.ch).

ENDOARTA développé un anneau gastrique réglable à distance pour traiter les surcharges pondérales sévères et a été vendue pour plus de 100 millions de francs.

KANDOUSociété de semi-conducteurs innovante avec plus de 100 brevets déjà obtenus ou déposés.

— Formation —

Baromètre des préoccupations du Credit Suisse 2012

La formation est considérée par

41% des sondés comme la plus grande force de la Suisse.

Photos : [m] EPFZ / Esther Ramseier; [m] Alain Herzog / EPFL

EPFL

EPFZ

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Qui paiera ma retraite

? Lorsque l’AVS fut mise en place, l’espérance de vie

était bien plus faible qu’aujourd’hui. Le relèvement de l’âge

de la retraite est inévitable.

Par Sara Carnazzi Weber

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Bulletin 6 / 2012 — 75

Sara Carnazzi Weber, responsable Macroeconomic and Policy Research au Credit Suisse.

Premier constat : nous vivons de

plus en plus longtemps. Lorsque

l ’assurance-vieillesse et survi-

vants (AVS) a été mise en place

en Suisse en 1948, les conditions étaient

tout autres. La majorité de la population

n’atteignait pas l ’âge de la retraite fi xé à

65 ans. Aujourd’hui, à 65 ans, un homme

peut espérer vivre encore 17,1 ans et une

femme, 20,9 ans.

Deuxième constat : nous vivons de

plus en plus longtemps en bonne santé.

En Suisse, l’espérance de vie sans incapa-

cité est aujourd’hui de 73,7 ans pour les

hommes et de 76,8 ans pour les femmes.

Troisième constat : les modes de vie

changent. Les frontières entre les diff é-

rentes phases de la vie s’estompent : entre

formation et activité lucrative en raison de

l’allongement de la durée des études et du

développement permanent des connais-

sances acquises : entre vie active et retraite

du fait des diff érentes modalités de départ

possibles.

Jusqu’à présent, le cadre de référence

de l’AVS n’avait répondu que timidement

à ces changements et à ces défi s. Ce qui est

étonnant, étant donné qu’on peut prévoir

avec plus ou moins de certitude le vieillis-

sement de la population. Les scénarios

peuvent varier légèrement selon les hypo-

thèses, mais les conclusions restent les

mêmes : le rapport entre le nombre de per-

sonnes âgées et celui des personnes en âge

de travailler s’est détérioré et va continuer

d’évoluer encore plus vite, aux dépens des

jeunes. L’AVS f inancée par répartition

étant toujours plus sous pression, la voie

vers le défi cit est toute tracée. Certes, avec

son système des trois piliers, la Suisse

reste bien lotie au niveau mondial en ma-

tière de prévoyance vieillesse. Dans près

de la moitié des pays de l’OCDE, les actifs

devront travailler plus longtemps avant de

pouvoir prendre leur retraite. En Suisse,

au contraire, peu de changements se sont

produits depuis la 10e révision de l’AVS en

1997, qui a fait passer l ’âge de la retraite

des femmes de 62 à 64 ans. L’unifi cation

de l’âge de la retraite pour les hommes et

les femmes à 65 ans a été rejetée en 2010

avec la 11e révision de l’AVS.

Que faire à présent pour garantir la

retraite à long terme aux générations fu-

tures ? On peut réformer l’AVS au niveau

du fi nancement ou des prestations.

Travailler après l’âge de la retraite

Côté fi nancement, des cotisations supplé-

mentaires prélevées sur les salaires ou des

hausses d ’ impôts (généralement de la

TVA) sont le plus souvent au cœur du dé-

bat. Toutefois, augmenter les prélève-

ments salariaux renchérit le facteur tra-

vail, ce qui fait peser la charge sur les

actifs et entrave davantage la croissance

économique et la compétitivité qu’une

hausse de la TVA. Cependant, une TVA

plus élevée a aussi des répercussions éco-

nomiques négatives, puisqu’elle augmente

les prix des produits de consommation.

Côté prestations, on peut essayer

d’ajuster le niveau des retraites et limiter

ainsi les dépenses. Mais cela ne change

rien au fardeau des générations actives

face au nombre croissant de rentiers dans

le cadre du système de répartition. Or il

n’est possible de les en soulager durable-

ment que par un rééquilibrage du nombre

de personnes ayant droit à une rente et de

celui des cotisants.

Le relèvement de l’âge légal de la re-

traite, ou bien la fl exibilisation de l’âge de

la sortie de la vie active « vers le haut »,

semblent inévitables. La mise en œuvre

d’un frein à l ’endettement pour l ’assu-

rance sociale par des automatismes appro-

priés serait utile.

Du reste, il semble que l ’allongement du

temps de travail ne soit déjà plus une révo-

lution depuis longtemps. En eff et, d’après

une récente étude de l ’Offi ce fédéral des

assurances sociales, les actifs en Suisse

travaillent de plus en plus au-delà de l’âge

légal de la retraite. De 2008 à 2011, c’était

le cas pour un bon tiers en moyenne. La

multiplication du nombre de préretraites,

favorisée au cours des dernières décennies

par la réglementation de la prévoyance

vieillesse et par la forte concentration des

jeunes sur le marché du travail, s’est au

contraire atténuée. Il existe donc un po-

tentiel non négligeable de personnes qui

souhaiteraient travailler plus longtemps.

Pourtant, aucune politique du personnel

systématique ne répond encore à ce besoin

spécifi que. Afi n d’encourager l ’emploi de

travailleurs plus âgés dans des conditions

fl exibles et de mettre à profi t leur expé-

rience et leurs compétences, une évolution

des mentalités chez les employeurs sera

indispensable. Il en va de leur propre inté-

rêt, puisqu’ils seront confrontés au vieil-

lissement de leurs eff ectifs dans un avenir

proche.

25

85

en %

65

75

55

2010

65 68 70 73

204020352030202520202015

45

35

0

100

Age équivalent retraite

60

80

40

20

Source : Credit Suisse Economic Research

Population totale

Population de nationalité suisse

Population active

Population active de nationalité suisse

EN 2040, IL N’Y AURA PLUS QUE DEUX ACTIFS POUR UN RETRAITÉ

Le rapport de dépendance exprime la proportion de personnes de plus de 64 ans par rapport à celles

de 20 à 64 ans en pourcentage. L’âge équivalent retraite est l’âge de la retraite permettant de maintenir

le  rapport de dépendance au niveau constant de 2010, soit 73 ans en 2040.

— Prévoyance vieillesse —

Baromètre des préoccupations du Credit Suisse 2012

95% des personnes interrogées considèrent la garantie de la prévoyance vieillesse comme la mission politique la plus im portante.

Photo : Knotan

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Liens entre les villes et les campagnes, de l’est à l’ouestBerne s’allie aux cantons d’Uri, de Schwyz et d’Unterwald, déjà alliés à Zurich deux ans auparavant. A l’instar des alliances anciennes déjà oubliées (comme celle de 1291), personne ne pensait que ces accords temporaires entre de riches villes impériales, des paysans infl uents et des entre preneurs militaires dureraient. Un réseau plutôt lâche a ainsi progressivement donné naissance à un voisinage, car Zurich, Lucerne et surtout Berne ont acquis de vastes territoires généralement sans violence en les achetant et en les naturalisant.

1353

Histoire de la Suisse

La Confédération est issue d’un réseau de villes al-liées, situation courante au XIVe siècle dans l’Empire. Ce qui est exceptionnel, c’est que cette construction se soit développée à la fois par l’intégration de régions campagnardes sous forme de partenariats et grâce à leur soumission à une confédération d’Etats voisins, puis au XVIIe siècle, à un sujet de droit international public souverain et enfi n, au XIXe siècle, à un Etat national. Durant la période de 1798 à 1848, marquée par les révolutions, la Confédération germanophone des Treize Cantons se mue en Etat fédéral où les sujets francophones et italophones deviennent des citoyens égaux en droits. La souveraineté des cantons se mani-feste par une constitution fédéraliste et la coexistence du Conseil national et du Conseil des Etats. La dé-mocratie directe instaurée en 1874, à savoir la majorité des cantons, empêche la centralisation gouverne-mentale au niveau national.

— Histoire —

Baromètre des préoccupations du Credit Suisse 2012

A hauteur de 20%, la sécurité et la neutralité sont les termes les plus fréquemment associés à la Suisse.

Dix événements historiques déterminants dans l’histoire de la Confédération. (Non, 1291 n’en fait pas partie.)Par Th omas Maissen

Illustrations : Musée d'Histoire de Berne

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Entrée dans le monde des EtatsEn raison de la division religieuse, la Confédération ne put prendre parti dans la guerre de Trente Ans. En 1648, elle obtint plus ou moins par hasard un privilège impérial qui fut peu à peu interprété comme souveraineté durant les décennies suivantes. En 1674, la diète helvé-tique se déclara pour la première fois « Etat neutre », preuve que la Suisse était devenue un sujet de droit international public indépen-dant de l’Empire.

1648

1515

1450

Réinterprétation du passéEn 1415, les « Huit Anciens Can-tons » (avec les cantons de Zoug et de Glaris) conquirent l’Argovie des Habsbourg. Une institution commune – la seule jusqu’en 1798 – apparut pour la gestion du « gouvernement commun » : la diète helvétique. Lors de « l’Ancienne guerre de Zurich » (1440-1450), Zurich se réappropria sa liberté d’alliance et sollicita l’aide du roi Frédéric de Habsbourg. Rétrospec-tivement, les cantons primitifs, vainqueurs en 1450, considérèrent cette alliance comme une trahison et inventèrent peu après la légende de la libération par Guillaume Tell, le serment du Grütli et la destruc-tion des châteaux, afi n d’antidater la haine des Habsbourg le plus loin possible.

Impuissance en politique extérieure Durant les guerres de Bourgogne (1476) et de Souabe (1499), les ba-taillons de la Confédération suisse battirent les armées nobles de cavaliers. Les troupes d’infanterie demeurèrent victorieuses jusqu’en 1515, année où la Confédération, désunie, fut battue à Marignan par l’artillerie française, cette nouvelle arme de guerre coûteuse. Dès lors, ses soldats combattirent unique-ment en tant que mercenaires au service d’étrangers. Toute poli-tique extérieure commune fut rendue impossible par la réforme de Zwingli en 1523, qui fi t des catholiques et des protestants des ennemis.

— Histoire —

Illustrations : Gerd Edlibach/«Kreuz und quer» Museumsführer. Bubikon, 2000 ; [m] Maître à la Ratière ; Bpk

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Création de cantons par NapoléonAvec l’Acte de médiation, Napoléon mit un terme aux guerres civiles entre réformateurs et conservateurs et établit le fédéralisme suisse mo-derne. En font partie les nouveaux cantons de Saint-Gall, d’Argovie, de Th urgovie, des Grisons, du Tessin et de Vaud, issus de terri-toires assujettis. En 1814, Berne et la Suisse primitive souhaitèrent rétablir la situation antérieure avec ses inégalités. Mais le tsar de Russie Alexandre Ier protégea les nouveaux cantons et empêcha la guerre civile.

1848

Etat fédéral grâce à la révolutionDans les années 1840, les diff érends entre les libéraux radicaux et les conservateurs catholiques s’ampli-fi èrent : suppression des cloîtres, rappel des jésuites, expéditions des corps francs, guerre du Sonder-bund. La victoire rapide du général Dufour ne résolut pas la guerre de religion mais donna naissance à une constitution na tionale libérale : organes fédéraux avec un système de bicamérisme (à l’américaine), armée nationale, liberté de la presse, d’association, d’activité et d’installation, uniformisation de la monnaie, des douanes, des poids et des mesures.

1803

1798

L’expérience de l’Etat nationalLa révolution helvétique conduisit à la souveraineté du peuple et à la séparation des pouvoirs, au premier gouvernement suisse et à un parle-ment national ainsi qu’à l’égalité des droits des sujets dans les gou-vernements locaux ou le gouverne-ment central. Face à ces réformes, les élites privilégiées s’indignèrent et restèrent impuissantes. Cepen-dant, la République helvétique laisse des souvenirs particulièrement sombres : Etat centralisé, occupa-tion française et champ de bataille des puissances européennes.

— Histoire —

Illustrations : Balthasar A. Dunker / DIG-2114 / Musée national suisse ; Acte de médiation ; Str / Photopress-Archiv /Keystone

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Bulletin 6 / 2012 — 79

Th omas Maissen, professeur d’histoire moderne à l ’Université de Heidelberg. Son « Histoire de la Suisse », hier+jetzt, Baden 2010, existe en quatre éditions ; l’ouvrage « Histoire illustrée de la Suisse » est paru en 2012 chez le même éditeur.

Unis dans le travail et dans la  responsabilitéLa guerre souleva de nombreux problèmes : la préservation de l’in-dépendance et un approvisionne-ment sûr du pays comme principaux objectifs ; volonté de défense dans le « Réduit national » et implication économique dans une Europe dominée par l’Allemagne, y compris par le rachat d’or volé ; logique de profi t et mesures économiques pour éviter une nouvelle crise sociale comme en 1918 ; antinazisme, anticommunisme et antisémitisme ; aide humanitaire privée et ferme-ture des frontières aux réfugiés juifs.

1918

1939

1989

Un pays diviséDurant la Première Guerre mon-diale, la Suisse romande et la Suisse alémanique se distancièrent l’une de l’autre en raison de leurs caracté-ristiques diff érentes. Les familles ouvrières souff rirent du service actif : aucune compensation pour perte de gains, aucun rationnement, forte infl ation. En novembre 1918, une grève générale se déclencha, mais le général Wille la réprima avec ses troupes. Dès lors, une profonde méfi ance domina les relations entre la gauche et le bloc bourgeois com-posé des libéraux, des conservateurs catholiques (représentés au Conseil fédéral depuis 1891) ainsi que du parti paysan (qui deviendra l’UDC).

Prise de conscience brutaleLa chute du Mur bouleversa le consensus de la Guerre froide : neutralité et anticommunisme, formule magique au Conseil fédé-ral. Le départ d’Elisabeth Kopp, première femme à accéder au Conseil fédéral, symbolise le déclin du Parti radical-démocratique. Le scandale des fi ches et une accep-tation élevée de l’initiative « Pour une Suisse sans armée » sont le signe de temps nouveaux, où la Suisse, après avoir refusé l’Espace économique européen, entend demeurer un « Sonderfall » (cas spécial). La mondialisation ne fait pas que des heureux : augmentation du chômage incompressible, faillite de Swissair, crise bancaire, immi-gration.

— Histoire —

Photos : Str / Keystone; Str / Photopress-Archiv /Keystone; Lutz Schmidt / AP Photo / Keystone

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ANDREAS GEFE « Sur le dessin, un court de tennis avec deux joueurs. L’un sert, l’autre renvoie. La spécifi cité vient du fait que le joueur qui renvoie n’est pas sur la ligne de

fond de court mais loin devant, presque au fi let. Ce déplacement actif vers l’avant symbolise son comportement off ensif . »

Andreas Gefe est devenu célèbre grâce à ses travaux pour « Die Weltwoche », « NZZ Folio » et « NZZ am Sonntag ». Ses livres sont publiés chez Edition Moderne.

A l’attaque !72% des personnes interrogées souhaitent une attitude plus off ensive des politiques

vis-à-vis de l’étranger.

— Dernière page —

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Bulletin 6 / 2012 — 81

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