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LA SANCTION ADMINISTRATIVE DANS LE DROIT BELGE Rapport présenté par M. J. LIGOT Premier Auditeur au Conseil d'Etat de Belgique

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LA SANCTION ADMINISTRATIVEDANS LE DROIT BELGE

Rapport présenté par

M. J. LIGOT

Premier Auditeur au Conseil d'Etatde Belgique

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P L A N

I. Généralités.

II. La sanction administrative dans la fonction publique.

III. La sanction administrative frappant les collaborateurs du service public.

IV. La sanction administrative frappant les administrés.

V. La sanction administrative dans la discipline des professions libérales organiséespar la loi.

VI. La sanction administrative frappant les usagers des services publics.

VII. Diverses autres sanctions et notamment les suppressions de subventions.

VIII. La réparation du dommage causé par la sanction administrative.

IX. Le cumul des sanctions et l'effet à l'égard de l'administration de la chose jugéeau pénal.

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1. GENERALITES

On peut admettre comme définition de la sanction administrative : celle qui est pro-noncée par l'administration elle-même sans intervention préalable du juge, le contrôlejuridictionnel n'étant exercé qu'a posteriori, soit par le Conseil d'Etat, soit par lescours et tribunaux de l'Ordre judiciaire.

On doit donc exclure de cette étude, non seulement les peines au sens du droit pénal,mais aussi certaines mesures, par exemple les déchéances de droits, qui peuvent ac-compagner la peine et qui sont prononcées par les juges (On pense, notamment, auretrait du permis de conduire) (1). On doit en exclure aussi les sanctions civiles quipeuvent être prévues par des contrats de droit privé, passés par l'administration.

Par contre, doivent entrer dans notre étude, les sanctions prononcées par l'administra-tion elle-même, même si le contentieux relatif aux contestations auxquelles ces sanc-tions peuvent donner lieu, ne relève pas d'une juridiction administrative, mais relèvedes tribunaux de l'Ordre judiciaire.

Enfin, en droit belge, les peines disciplinaires infligées aux titulaires de fonctions pu-bliques sont considérées comme des sanctions administratives.

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(1) Le permis de conduire peut aussi être retiré dans certains cas par le procureur duRoi " ou par l'officier du ministère public près le tribunal de police (Lois coor-

données relatives à la police de la circulation routière - art. 55). Il ne s'agitpas d'une sanction administrative, mais d'une mesure de police.

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En droit belge, les sanctions administratives sont fort nombreuses. On en trouve dansles domaines les plus divers : discipline des fonctionnaires - discipline de certaines pro-fessions - retrait de subsides - retrait de l'autorisation d'exercer certaines professions -amendes fiscales - etc.

Au cours des dernières décennies, ces sanctions se sont multipliées.

Elles présentent deux caractéristiques. La première c'est de ne pas faire l'objet d'unecodification législative, mais d'être dispersées dans les diverses législations ou régle-mentations. On peut, toutefois, signaler une exception importante mais récente, la loidu 30 juin 1971 relative aux amendes administratives applicables en cas d'infractionà certaines lois sociales, qui a codifié les sanctions administratives applicables dans cer-taines matières sociales.

Mais, ainsi qu'il sera expliqué ci-après, les garanties juridictionnelles accordées par cet-te loi font mettre en doute le caractère administratif de ces amendes.

La seconde caractéristique de la matière des sanctions administratives en Belgique estde ne pas avoir fait l'objet d'exposés doctrinaux. On doit évidemment faire une excep-tion pour le droit disciplinaire des fonctionnaires qui est traité dans tous les ouvragesde droit administratif et auquel une thèse a été consacrée en 1969 par M.DELPEREE(1), ainsi que pour les amendes fiscales qui sont traitées dans les ouvrages de droitfiscal. On doit aussi citer un article consacré à la sanction administrative par M.H.COREMANS (2).

(1) L'élaboration du droit disciplinaire de la Fonction publique - Paris 1969.

(2) Rechtskundig Weekblad 1964, pp. 753-764.384

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Un exposé de l'état de la question en droit belge a été fait en 1967 au Sénat, par leVice-premier Ministre et Ministre du Budget, M. DE CLERCQ, à l'occasion de la dis-cussion d'un projet de loi qui permettait au Gouvernement d'instituer des "sanctionsde nature administrative" (1) .

Un sénateur, qui est aussi un excellent juriste, M.ANSIAUX, avait déclaré que nul nesavait ce qu'était une sanction administrative et le Vice-Premier Ministre lui a réponduen ces termes :

" Le texte du projet reprend presque littéralement l'article premier, 5°;de la loi du31 juillet 1934, attribuant au Roi certains pouvoirs en vue du redressement économi-que et financier et de l'abaissement des charges publiques. En effet, cette dispositionstipulait, et je réponds ainsi à l'honorable M. Smets, qui a contesté les termes employés:

" Assurer, s'il y a lieu, l'application des dispositions prises en vertu de la présenteloi par toutes sanctions civiles, fiscales ou pénales, ces dernières ne pouvant compren-dre que des peines correctionnelles ou de police".

Je retiens de ce précédent que les termes "sanctions administratives" ne s'y retrouventpas. Je m'explique à ce sujet. Les termes "sanctions administratives" n'ont été uti-lisés qu'à une époque relativement récente à la suite du développement après la der-nière guerre de la législation et de la réglementation, spécialement dans le domaineéconomique et social. C'est ce qui explique que les lois antérieures de pouvoirs spé-ciaux n'ont pas fait appel à cette notion et que la loi du 31 juillet 1934, dont je viensde parler, ne prévoit que des sanctions civiles, fiscales et pénales. Suivant les concep-tions juridiques de cette époque, les termes de sanctions civiles couvraient cependantà la fois la notion de sanction civile proprement dite et celle de sanction administra-tive. La distinction entre les deux s'est opérée par la suite grâce au progrès du droitadministratif qui, en Belgique, s'est surtout développé après l'institution du Conseild'Etat.

Il n'en demeure pas moins que les sanctions administratives existent depuis trèslongtemps, même si elles ne portaient pas cette dénomination. On peut remarquerque les sanctions disciplinaires prévues par les divers statuts et règlements applicablesaux agents des services publics sont une catégorie de sanctions administratives.

Depuis la guerre, de multiples sanctions administratives ont été instaurées, soit parle législateur, soit par le gouvernement, en vertu d'une délégation de pouvoirs. Ellessont particulièrement nombreuses dans les textes en matière économique et dans ceuxqui concernent la réglementation de l'activité professionnelle et la sécurité sociale.En outre, certains de ces textes, non seulement instaurent de pareilles sanctions,mais les qualifient expressément de sanctions administratives. Pour me limiter

(1) Loi du 31 mars 1967 attribuant certains pouvoirs au Roi en vue d'assurer larelance économique, l'accélération de la reconversion régionale et la stabilisationde l'équilibre budgétaire.

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à un exemple, je citerai la loi du 9 août 1963 instituant et organisant un régimed'assurance obligatoire contre la maladie-invalidité, dont le chapitre 3, section 2,est intitulé "Sanctions administratives et pénales" et dont l'article 101 est ainsi conçu :

" Le Roi détermine, sur proposition du service de contrôle administratif, les sanctionsadministratives applicables aux bénéficiaires en cas d'infraction aux dispositions de laprésente loi ou de ses arrêtés et règlements d'exécution. Le Roi fixe également les mo-dalités d'application de ces sanctions".

On trouve un autre exemple dans l'arrêté royal du 20 décembre 1963 relatif à l'emploiet au chômage, dont le chapitre 2, section 3, intitulé "Sanctions administratives" énu-mère les diverses sanctions, telle l'exclusion du droit aux allocations, qui peuvent êtreprises dans certains cas à l'égard des bénéficiaires.

En ce qui concerne la constitutionnalité d'une délégation de pouvoirs au Roi en cettematière, comme on vient de le voir, le législateur qui est, en dernière analyse, l'inter-prète le plus autorisé de cette constitutionnalité ...

M. Rolin. — Voilà l'erreur.

M. W.De Clercq, Vice-Premier Ministre et Ministre du budget.— ... a antérieurementaccordé au Roi le pouvoir d'instaurer de telles sanctions, et cela par des lois quin'étaient pas de pouvoirs spéciaux.

En outre, le Conseil d'Etat a été amené, à diverses reprises, à se pencher sur le problè-me ; il a également rejeté la thèse de l'inconstitutionnalité.

C'est ainsi que, dans un arrêt du 5 février 1960, il a été déclaré que le Roi, chargé del'organisation de l'assurance maladie-invalidité, pouvait astreindre les unions nationa-les à infliger à leurs assurés des sanctions administratives dans les cas prévus parl'arrêté organique.

Enfin, en ce qui concerne les sanctions administratives—et ce sera mon dernier pointà ce sujet— des critiques fondées sur l'article 9 de la Constitution pourraient peut-être se justifier si le projet donnait au Roi le pouvoir de prendre, par voie administra-tive, des sanctions qui constitueraient de véritables peines, sous une autre dénomina-tion, comme des peines privatives de liberté, analogues, par exemple, à l'internementadministratif ; mais il ne s'agit pas là de sanctions administratives au sens que donnentà ce terme, la législation, la doctrine et la jurisprudence " (Pasinomie 1967, pp.312- 313).

Comme on vient de le voir, le législateur institue des sanctions administratives en es-timant que celles-ci ne sont pas des peines au sens de l'article 9 de la Constitutionqui dispose "nulle peine ne peut être établie ni appliquée qu'en vertu de la loi". Lapratique constitutionnelle semble avoir évolué en ce sens qu'elle admet ou tolèrela sanction administrative à condition, évidemment, qu'elle n'aille pas jusqu'à l'in-ternement administratif.

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La constitutionnalité de la sanction administrative a été examinée également par lasection de législation du Conseil d'Etat dans son avis précédant la loi du 30 juin1971 relative aux amendes administratives applicables, en cas d'infraction, à certaineslois sociales. Cet avis contient les considérations reproduites ci-après :

" En vertu du principe constitutionnel de la séparation des pouvoirs, chacun des troispouvoirs a son domaine de compétence spécifique sur lequel les deux autres ne peuventpas empiéter.

Ainsi, les cours et tribunaux sont compétents, à l'exclusion de tout autre pouvoir,pour réprimer par des peines les infractions à la loi.

Au nombre de ces peines il y a l'amende (article 7 du Code pénal).

La jurisprudence et la doctrine font toutefois, depuis longtemps, une distinction entreles amendes pénales et les amendes administratives, parmi lesquelles il convient prin-cipalement de citer les amendes fiscales. L'article 335 du Code des impôts sur les re-venus, par exemple, dispose que le fonctionnaire habilité à cette fin par le directeurrégional, peut appliquer des amendes de 200 francs à 10.000 francs en cas d'infractionaux dispositions du dit Code ou à ses arrêtés d'exécution.

De même, en son article 7, paragraphe 2, la loi du 16 novembre 1961 instituant unDirectoire de l'industrie charbonnière prévoit des amendes qui, prononcées par leDirectoire, peuvent aller de 10.000 francs à 500.000 francs.

A son tour, la législation sociale, en particulier la loi du 9 août 1963 instituant et or-ganisant un régime d'assurance obligatoire contre la maladie et l'invalidité, a habilité,en son article 99, le comité du service de contrôle administratif de l'Institut nationald'assurance maladie-invalidité, à prononcer à la charge des organismes assureurs dessanctions pécuniaires de 100 francs à 1.000 francs.

Dans le même ordre d'idées, il y a lieu de signaler encore les articles 47, 54, 58 - 4°,59 - 7°, 64, 65 - 5°, 66 - 6°, 68 -6 °, du traité instituant la Communauté européen-ne du charbon et de l'acier, approuvé par la loi du 25 juin 1952, aux termes desquelsla Haute Autorité peut prononcer des amendes et des astreintes à l'encontre des per-sonnes physiques ou morales qui contreviennent aux dispositions du traité. L'exécu-tion des décisions prononçant des amendes administratives est assurée, conformémentà l'article 92 du même traité, par les Etats membres eux-mêmes.

De son côté, le traité instituant la Communauté économique européenne, approuvépar la loi du 2 décembre 1957, dispose, en son article 87, que le Conseil arrête desrèglements ou directives prévoyant, entre autres, des amendes et des astreintes à lacharge des entreprises qui ne respectent pas les interdictions portées par les articles85, alinéa 1er, et 86 du traité. Le règlement 17/62 donne compétence à la Commis-sion pour appliquer des amendes et des astreintes en cas d'infraction à l'article 85du traité.

Eu égard à tous ces précédents législatifs, le Conseil d'Etat estime ne pas devoir con-sacrer un examen plus poussé au problème de la constitutionnalité des amendes

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administratives en question, d'autant plus qu'elles sont susceptibles d'un recoursauprès des juridictions du travail ".(Chambre des Représentants, doc.939 (1970-1971),

Si nous avons bien compris cet avis, il signifie que le Conseil d'Etat estime que l'insti-tution de sanctions administratives se heurte à des objections de constitutionnalitémais que, en raison des nombreux précédents législatifs, il ne croit pas nécessaired'attirer spécialement l'attention du Gouvernement et du Parlement sur cette ques-tion.

Si l'on dit généralement que la sanction administrative est un phénomène récent, ilne faut cependant pas perdre de vue qu'elle était connue depuis très longtemps sousle nom de "sanction civile". C'est ainsi que l'on peut lire dans le tome septième desPandectes belges, publié en 1882, les considérations suivantes :

" 8. -3° L'amende légale est la plus importante. C'est celle qui dérive d'une disposi-tion de loi que les parties et les juges doivent suivre et qui ne dépend en aucune façonde leur volonté et de leur appréciation. Elle comprend deux catégories : l'amendecivile et l'amende pénale.

9. - On a beaucoup discuté sur les caractères qui distinguent ces deux catégories d'amen-de. Ce que l'on peut dire de plus simple et de plus pratique à ce sujet, c'est qu'en prin-cipe elles se distinguent par l'autorité qui les prononce. S'agit-il des tribunaux répres-sifs de droit commun, à leurs divers degrés, l'amende est pénale. S'agit-il de toute autreautorité, tels que les tribunaux civils, les juridictions disciplinaires, les autorités admi-nistratives, l'amende perd son caractère pénal, dans le sens rigoureux du terme, etdevient l'amende civile, sous ses diverses formes et qualifications, amende civile pro-prement dite, amende disciplinaire, amende administrative, amende fiscale ". (V°Amende en général, p. 746).

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L'article 9 de l'arrêté organique de l'Administration des Finances du 18 mars 1831permettait déjà au Ministre des Finances de statuer "sur les réclamations ayant pourobjet la remise d'amendes et d'augmentations de droits à titre d'amendes, autres quecelles prononcées par le juge". Ce qui montre qu'à cette époque, il existait déjà desamendes administratives, du moins dans le domaine fiscal. Ce droit du Ministre de re-mettre les amendes fiscales a souvent été comparé au droit de grâce qui permet au Roide remettre ou de réduire les peines prononcées par les juges (1) (Voyez au sujet decette comparaison, les conclusions de M. l'Avocat général Ganshof van der Meerschprécédant l'arrêt de la Cour de cassation du 8 novembre 1949, Pas., 1950, p. 135).

Quel est le but et la raison d'être de la sanction administrative ?

L'exposé des motifs du projet de loi relatif aux amendes administratives applicablesen cas d'infraction à certaines lois sociales définit son objet de la façon suivante :

" Le Gouvernement a l'honneur de soumettre à vos délibérations un projet de loiqui complète le système des sanctions de la législation du travail.

A côté des sanctions civiles, cette législation comporte un système très élaboré desanctions pénales et un système embryonnaire de sanctions administratives.

Le présent projet n'a pas d'incidence sur les sanctions civiles.

Quant aux sanctions pénales, non seulement le présent projet respecte leur ordonnan-ce, mais il entend bien contribuer à leur meilleur usage.

N'arrive-t-il pas fréquemment que la poursuite des infractions à la législation du tra-vail soit abandonnée parce que l'action répressive paraît trop lourde dans ses effetseu égard au dommage social que l'on entend exactement réparer.

Qu'il soit parfaitement établi par exemple qu'un employeur a fait travailler illicite-ment ses ouvriers bien au-delà des limites normales de la durée journalière ou hebdo-

(1) Constitution, article 73.

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madaire du travail, le dommage social (santé des travailleurs, sécurité, chômaged'autres ouvriers, etc.) ne sera susceptible d'une réparation que dans le cadre de lasanction pénale avec toutes les conséquences qui accompagnent celle-ci (caractèreinfamant, casier judiciaire ... ).

Si l'employeur est en l'occurrence une personne morale, sa responsabilité ne sera enga-gée que dans la mesure où l'un de ses préposés ou mandataires est frappé de la sanc-tion pénale ; alors seulement l'employeur est civilement responsable du paiement del'amende ; si ce détour est impossible, l'entreprise se sera enrichie impunément parune activité illicite.

Constater que les sanctions pénales sont en fait rarement appliquées, c'est dire aussique le caractère préventif du droit pénal social se trouve fortement atténué.

Il n'est donc guère étonnant que de longue date praticiens et théoriciens des relationsdu travail se préoccupent de revaloriser le droit pénal social en comblant certaines

lacunes du système des sanctions du droit du travail .

Répondant à ce souci, le Gouvernement a estimé pouvoir compléter le droit du tra-vail en organisant à côté des sanctions pénales, un système d'amendes administrativesqui correspondent à des réalités spécifiques des relations sociales et qui seront appli-quées sous le contrôle des juridictions du travail " (Chambre des Représentants -Doc. 939 (1970 - 1971) - no. 1, p. 1 et 2).

L'explication est simple. En raison du caractère infamant de la condamnation pénale,les parquets renoncent à poursuivre les infractions aux lois sociales, sauf si elles sontparticulièrement graves. Il en résulte qu'échappent à toute sanction, de multiples in-fractions aux lois sociales, ce qui porte un préjudice certain à l'ensemble des travail-leurs que cette législation entend protéger.

La solution est l'amende administrative, qui contraindra les employeurs à respecter lalégislation sociale, non pas par la menace d'une condamnation pénale que l'on hésite-ra à prononcer, mais par la menace d'une amende que l'on qualifie d'administrativeou de civile, mais que l'administration et le juge n'hésiteront pas à appliquer.

Paradoxalement, c'est la sévérité du droit pénal qui empêche la répression et l'on es-time, à juste titre semble-t-il, qu'une sanction moins sévère sera appliquée et produi-ra l'effet d'intimidation recherché.

Certes, l'explication qui vient d'être donnée ne vaut que pour le droit social, mais cemotif peut certainement être transposé dans d'autres branches du droit.

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Si l'on considère le caractère plus ou moins étroit de leurs rapports avec l'administra-tion, on peut distinguer trois catégories de personnes qui peuvent faire l'objet desanctions administratives. Il y a tout d'abord les fonctionnaires, tant civils que mili-taires. A leur égard, le pouvoir d'infliger la sanction relève du pouvoir disciplinairequi est un des attributs de l'autorité hiérarchique.

La seconde catégorie comprend des personnes qui exercent une profession indépen-dante mais qui sont des collaborateurs de l'administration, par exemple, les entrepre-neurs de travaux publics, les médecins et membres d'autres professions médicales oupara-médicales qui collaborent au service de l'assurance maladie-invalidité. A leur é-gard, la sanction relève aussi de la discipline, dans la mesure où elle les frappe à l'oc-casion de leur activité comme collaborateur d'un service public.

La troisième catégorie des victimes possibles de la sanction administrative comprenddes personne qui n'ont pas avec l'administration un lien particulier. Il s'agit notam-ment des employeurs ou des travailleurs qui ne respectent pas les obligations queleur impose la législation sociale, ou bien des contribuables qui tentent d'éluder l'im-pôt, ou encore des commerçants ou des industriels qui ne respectent pas les prix im-posés par le Gouvernement. Ces personnes apparaissent vis-à-vis de l'administrationcomme des administrés et à leur égard le recours au concept de la discipline internede l'administration ne peut pas justifier la sanction administrative. Cette sanction ap-paraît comme une "peine" et le fait qu'elle soit prononcée par l'administration faitinévitablement surgir l'objection constitutionnelle, puisque seuls les tribunaux del'Ordre judiciaire peuvent infliger des peines.

La sanction qui frappe celui qui est nommé ou agréé par l'autorité administrative pourparticiper à la gestion du service public peut facilement être présentée comme une me-sure disciplinaire et personne ne soutiendra raisonnablement qu'elle constitue, enréalité, une peine au sens pénal du terme, exigeant les garanties constitutionnelles pré-vues pour éviter l'arbitraire gouvernemental. Mais fermer une entreprise indépendante,parce qu'elle ne respecte pas les prix imposés, ce n'est plus exercer le pouvoir discipli-naire inhérent à l'autorité hiérarchique, c'est infliger une sanction au citoyen qui nerespecte pas la loi. Le législateur ne s'y est pas mépris, car, en général, lorsqu'il accor-de à l'administration le pouvoir d'infliger des sanctions à des administrés qui ne sontni des fonctionnaires, ni des collaborateurs d'un service public, il prévoit un recoursauprès des tribunaux de l'Ordre judiciaire contre la décision administrative infligeantla sanction, respectant ainsi - partiellement du moins - le principe constitutionnel quifait du pouvoir judiciaire, le gardien de la légalité des peines, (voyez, par exemple, lacompétence de la cour d'appel en matière d'amendes fiscales, la loi du 30 juin 1971relative aux amendes administratives applicables en cas d'infraction à certaines loissociales et la loi du 30 juillet 1971 sur la réglementation économique et les prix).Parfois, le tribunal n'exerce qu'un contrôle de légalité, mais dans d'autres cas (par exem-ple la loi du 30 juin 1971), il exerce la pleine juridiction et c'est lui qui, en définitive,inflige la sanction. Dans ce dernier cas, le législateur s'est rallié à la solution qui se pré-

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sente comme un compromis entre la sanction administrative et la peine au sens judi-ciaire du terme et l'on peut se demander si l'on se trouve encore en présence d'unesanction administrative, puisque la décision administrative qui inflige la sanction n'estpas exécutoire. Comme on le voit, le souci de rapidité et d'efficacité que l'on recon-naît à la sanction administrative, lorsqu'on le combine avec le désir d'accorder aux ad-ministrés les garanties que le pouvoir judiciaire assure traditionnellement contre l'ar-bitraire, aboutit à une catégorie nouvelle de sanctions qui ne sont pas entièrement ad-ministratives et pas entièrement judiciaires ; dans une première phase, la sanction estinfligée par l'administration mais c'est cependant le juge qui conserve le dernier mot,sans son intervention la sanction n'est pas définitive, sauf acquiescement de la person-ne qui subit la sanction.

Aux trois catégories de sanctions que nous venons de citer, il faut en ajouter deux au-tres, dont nous parlerons plus longuement dans la suite de cet exposé. Il s'agit, toutd'abord, de la sanction professionnelle qui est infligée par des autorités créées par laloi et particulièrement certains Ordres de professions libérales, aux personnes quiexercent ces professions, la sanction pouvant aller, dans ce cas, jusqu'à l'interdictionde l'exercice de la profession.

La dernière catégorie de sanctions est constituée par celles qui frappent les usagers desservices publics qui ne respectent pas le règlement de ce service (la sanction peut êtrela coupure du raccordement, l'amende, l'expulsion d'un voyageur utilisant un moyende transport en commun, etc.) .

II. LA SANCTION ADMINISTRATIVE DANS LA FONCTION PUBLIQUE

Le domaine de prédilection de la sanction administrative est évidemment la disciplinedes fonctionnaires.

La sanction disciplinaire peut aller du rappel à l'ordre à la révocation (1).

(1) Voyez l'article 77 du statut des agents de l'Etat. Des dispositions sem-blables existent pour les autres catégories de fonctionnaires. 392

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La sanction est prononcée par l'autorité qui est chargée de la gestion du service public.Le pouvoir d'infliger les peines inférieures est parfois délégué au supérieur hiérarchi-que de l'agent (1). Pour les agents communaux, les peines supérieures à la suspensionpour un terme de trois mois sont soumises à l'approbation de la deputation permanentedu conseil provincial. Ces peines peuvent, en outre, faire l'objet d'un recours adminis-tratif auprès du Roi (2).

Le statut des agents de l'Etat ( 3) permet à l'agent d'introduire, avant le prononcé dela peine, un recours contre la proposition de peine auprès d'une chambre de recours.Cette chambre de recours n'est pas une juridiction. Elle est présidée par un magistratet composée de fonctionnaires désignés par moitié par le Ministre et par moitié parles organisations syndicales. Cette chambre de recours donne un avis motivé préala-ble au prononcé de la peine disciplinaire (4).

Il n'y a pas en Belgique de juridictionnalisation de la discipline des fonctionnaires.Cette discipline est exercée par l'autorité administrative elle-même. La décision dis-ciplinaire peut, comme toute décision administrative, faire l'objet d'un recours en an-nulation devant le Conseil d'Etat.

Cette juridiction ne peut se substituer à l'administration dans l'appréciation de la pei-ne qu'il y a lieu d'infliger. Le Conseil d'Etat n'exerce qu'un contrôle de légalité. Ilveille évidemment au respect des règles de compétence et à l'accomplissement régu-lier des formalités prescrites par les statuts. Mais si l'on examine l'ensemble de sa ju-risprudence (5) on constate qu'il veille particulièrement au respect par l'administra-tion des droits de la défense. En outre, le Conseil d'Etat pousse assez loin l'examendes faits, et recherche si ces faits sont de nature à justifier une peine disciplinaire.

La discipline des membres des forces armées - qu'il s'agisse des militaires de carrièreou des jeunes gens qui accomplissent leur service militaire - présente certaines carac-téristiques qui lui sont propres.

D'une part, l'autorité hiérarchique peut infliger des peines privatives de liberté (lesjours d'arrêts), peines qui, à l'égard des autres personnes, requièrent toujours l'inter-vention d'un juge (6). D'autre part, le tribunal peut, en considération de circonstances

(1) Voyez, par exemple, l'article 78 du statut des agents de l'Etat .(2) Article 85 de la loi communale.(3) Articles 82 et suivants de ce statut. Des dispositions semblables figurent dans

les statuts d'autres catégories d'agents et notamment des agents de certains or-ganismes d'intérêt public.

(4) Le rapport au Roi précédant l'arrêté royal du 2 octobre 1937 portant le statutdes agents de l'Etat avait prévu que les propositions de peines disciplinaires lesplus graves seraient soumises à l'avis du Conseil d'Etat (Pasin. 1937, p. 315). Acette époque, la loi créant le Conseil d'Etat n'était pas encore votée et le textedéfinitif de cette loi n'a pas prévu une intervention du Conseil d'Etat préalableau prononcé des peines disciplinaires.

(5) Voyez les Tables permanentes du Recueil des arrêts et avis du Conseil d'Etat,V° Agents et fonctionnaires publics, XV.

(6) Peut-on considérer comme des sanctions privatives de liberté les retenues infli-gées dans les établissements scolaires ?

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atténuantes, se borner à infliger une des peines disciplinaires prévues par le règlementde discipline militaire (1). On peut donc dire que l'exercice de la discipline à l'égarddes membres des forces armées est partagé entre la juridiction militaire et l'autoritéhiérarchique.

Les mesures disciplinaires prononcées contre les militaires par l'autorité hiérarchiquepeuvent-elles faire l'objet d'un recours juridictionnel ?

La jurisprudence établit, à cet égard, une distinction.

Les mesures disciplinaires qui relèvent du statut administratif des militaires peuventfaire l'objet d'un recours en annulation devant le Conseil d'Etat. Par contre, les peinesmilitaires - et notamment les jours d'arrêts - prévues par le règlement de discipline mi-litaire ne peuvent pas faire l'objet d'un recours juridictionnel.

Cette distinction se fonde sur les travaux préparatoires de la loi créant le Conseil d'E-tat, au cours desquels il a été dit que les questions de pure discipline militaire devaientéchapper à la compétence du Conseil d'Etat(2).

Les magistrats du siège ne relèvent, au point de vue disciplinaire, que des autorités del'Ordre judiciaire.

C'est la Cour de cassation, les cours d'appel et les cours du travail qui exercent le pou-voir disciplinaire à l'égard des juges (3). Toutefois, seule la Cour de cassation peut des-tituer un juge, les présidents des cours et tribunaux pouvant infliger les peines del'avertissement et d e la censure. C'est la Cour de Cassation qui exerce le pouvoir dis-ciplinaire à l'égard des conseillers d'Etat (4).

(1) Article 59 du Code pénal militaire - voyez, à ce sujet, C.Cambier - Principes duContentieux administratif - Tome II, p. 377 et suivantes. Voyez aussi Cassation26 mai 1952- Pasicrisie 1952 - p.615.

(2) Voyez notamment l'arrêt du Conseil d'Etat Laforêt, no. 118, du 3l août 1949et la note F.M.REMION dans Recueil de Jurisprudence du droit administratif etdu Conseil d'Etat. R.J.D.A. 1949, p. 205-213 - Voyez aussi la jurisprudence ci-tée aux Tables permanentes du Recueil des arrêts et avis du Conseil d'Etat - Vo

Forces armées, I.P.(3) Code judiciaire - articles 409 à 413.(4) Loi du 23 décembre 1946, article 56.

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A côté des peines disciplinaires proprement dites, il existe dans le domaine de la fonc-tion publique, un certain nombre de mesures qui peuvent atteindre le fonctionnaireen raison de son comportement et qui constituent également des sanctions adminis-tratives.

On peut citer :

— le licenciement pour inaptitude professionnelle, réglé pour les agents de l'Etatpar l'arrêté royal du 18 mars 1940 ;

— la mise en disponibilité par retrait d'emploi dans l'intérêt du service, réglée pourles agents de l'Etat par l'arrêté royal du 13 novembre 1967 et pour les agentsdes communes par les articles 52 et 53 de l'arrêté royal du 26 décembre 1938( 1 ) ;

— le refus de l'augmentation de traitement, prévue à l'égard des commissaires depolice et de leurs adjoints par l'article 127bis de la loi communale (2) ;

— le retrait de l'agréation en qualité de délégué syndical (arrêté royal du 20 juin1955 - article 38) ;

— le retrait de l'agréation accordée à une organisation syndicale. Cette agréationpermet aux organisations syndicales d'intervenir auprès des autorités dans l'in-térêt collectif du personnel ou dans l'intérêt particulier d'un agent (3) (arrêtéroyal du 20 juin 1955 - article 2).

Ces diverses sanctions sont prononcées par les autorités administratives : Ministres,Autorités communales, Organes de gestion des organismes d'intérêt public.

Généralement les statuts prévoient une procédure garantissant le respect des droitsde la défense. En l'absence de semblables dispositions, la jurisprudence exige qu'enraison des effets graves de ces sanctions, celles-ci ne puissent être décidées sans que ce-lui qui en est l'objet ait pu s'expliquer sur les faits qui ont été pris en considérationpar l'autorité pour infliger la sanction (voyez l'arrêt du Conseil d'Etat Zeippen, nu-méro 12.082, du 1er décembre 1966, qui concerne un cas de mise en disponibilitéd'un fonctionnaire par retrait d'emploi dans l'intérêt du service).

(1) Cette mesure n'est pas disciplinaire, mais lorsqu'elle est prise pour écarter duservice un agent dont la présence est une cause de trouble, elle peut être consi-dérée comme une sanction administrative.

(2) Au sujet de cette mesure, voyez l'arrêt du Conseil d'Etat - Ville de Bruxelles,no. 8761, du 14 juillet 1951.

(3) Au sujet du retrait de l'agréation, voyez l'arrêt du Conseil d'Etat LAMBIN,no. 3106, du 28 janvier 1954.

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Le contentieux de ces diverses mesures administratives est confié au Conseil d'Etat,qui peut en connaître par la voie du recours pour excès de pouvoir qui lui permet devérifier uniquement la légalité de la mesure, sans pouvoir se substituer à l'administra-tion active pour apprécier quelle sanction il y a lieu d'infliger. Le Conseil d'Etat exa-mine si les règles de fond et de forme ont été respectées, si l'intéressé a pu exercersa défense et si les faits qui ont été retenus pour justifier la sanction sont établis ets'ils sont susceptibles de justifier la sanction.

En résumé, nous pouvons dire que, dans le domaine de la fonction publique - sous ré-serve des exceptions qui sont prévues pour les magistrats de l'Ordre judiciaire ( 1 ) -les sanctions qu'elles soient ou non disciplinaires, sont infligées par les autorités admi-nistratives exerçant le pouvoir hiérarchique et que le contentieux en est confié au Con-seil d'Etat, statuant comme juge de l'excès de pouvoir.

III. LA SANCTION ADMINISTRATIVE FRAPPANT LES COLLABORATEURS DUSERVICE PUBLIC.

Le plan que nous avons esquissé nous amène, après les titulaires de fonctions publi-ques, à aborder la catégorie de ceux que l'on peut appeler les collaborateurs de l'admi-nistration.

Les entrepreneurs de travaux publics doivent, pour participer aux adjudications, êtreagréés pour la catégorie de travaux correspondant à ceux qui sont mis en adjudication.L'article 6 de l'arrêté-loi du 3 février 1947, organisant l'agréation des entrepreneurs,dispose que le déclassement (2) , la suspension et le retrait de l'agréation, l'exclusiontemporaire ou définitive des marchés offerts par l'Etat ou financés ou subsidiés parlui, peuvent être ordonnés pour :

a) manquements aux conditions des marchés passés ;b) diminution des garanties financières ou techniques ;c) faute grave dans l'exécution des travaux ;

(1) et dans une mesure beaucoup moindre, exposée ci-dessus, pour les membres desforces armées.

(2) mesure dont l'effet est que l'entrepreneur ne sera plus agréé que pour une caté-gorie inférieure.

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d) manque de probité commerciale ;e) manquement, fausse déclaration, ou fraude dans l'accomplissement de certaines

formalités administratives ;f) indignité morale, notamment en matière de civisme (1).

On remarquera que les cas énumérés donnant lieu à sanctions, constituent des fautes, àl'exception du b) qui n'en est manifestement pas une. Le même texte prévoit doncdes cas où la mesure qui consiste à retirer temporairement ou définitivement l'agréa-tion est la sanction d'une faute et un cas où cette mesure est la conséquence de laperte de l'aptitude qui avait justifié l'agréation. Il semble que l'on ne puisse pas par-ler de sanctions administratives lorsqu'une agréation est retirée parce que celui à quielle avait été accordée a perdu une des conditions auxquelles son octroi était subor-donné (2).

La sanction administrative (3) doit être précédée d'un avis motivé de la commissiond'agréation(4). L'entrepreneur menacé de sanction doit être entendu dans ses moyensde défense. La sanction est infligée par le Ministre des Travaux Publics. Elle peut fai-re l'objet d'un recours pour excès de pouvoir devant le Conseil d'Etat (5).

(1) On remarquera que ce texte a été édicté quelques années après la guerre.(2) C'est un obstacle auquel on se heurte fréquemment dans l'étude de la sanction

administrative. Des autorisations ou des agréations sont retirées, parfois à la sui-te d'une faute, parfois sans qu'il y ait faute du bénéficiaire, mais pour des motifstirés de l'intérêt général. Selon les circonstances, la même mesure constituera,ou non, une sanction administrative.

(3) L'article 6 de l'arrêté-loi du 3 février 1947 emploie l'expression "sanction admi-nistrative". Le fait vaut d'être signalé, car il est rare que les textes qui instituentdes sanctions administratives qualifient celles-ci de cette façon. On relèvera aus-si que le Code des impôts sur les revenus emploie l'expression "sanctions admi-nistratives" (voyez l'intitulé précédant l'article 334). L'expression "sanction denature administrative" est aussi employée à l'article 4 de la loi du 31 mars 1967.L'expression "sanction administrative" est aussi employée à l'article 583 du Codejudiciaire, modifié par la loi du 30 juin 1971 et à l'article 101 de la loi du 9 août1963, instituant et organisant un régime d'assurance obligatoire contre la maladieet l'invalidité (voyez également l'arrêté royal du 10 janvier 1969, qui exécute cetarticle 101).

(4) Commission présidée par un magistrat et composée de représentants de l'admi-nistration, des organisations professionnelles d'entrepreneurs et des syndicatsouvriers.

(5) Pour un cas d'application, voyez l'arrêt-avis FROMONT, no. 4008, du 21 jan-vier 1955. Au sujet des sanctions pouvant atteindre les entrepreneurs, voyezM.A. FLAMME, Traité technique et pratique des Marchés publics. T. 1er,p. 345 et suivantes. Cyr CAMBIER - Principes du Contentieux administratif,T.II, pp. 241-243, et Jean POORTERMAN, L'agréation des entrepreneurs enBelgique. Revue internationale des sciences administratives, 1955, pp.546-556.

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La discipline que les pouvoirs publics exercent à l'égard des entrepreneurs avec les-quels ils acceptent de contracter, présente donc de nombreux points communs avecla discipline à laquelle sont soumis les fonctionnaires. Il y a cependant entre les deux,une différence qui mérite d'être relevée. La sanction administrative ne peut être infli-gée à un entrepreneur que dans un des cas limititativement énumérés, alors que, pourles fonctionnaires, les infractions disciplinaires ne sont pas définies limitative mentpar un texte (1), l'autorité appréciant, sous le contrôle du Conseil d'Etat, les faitsqui peuvent être considérés comme répréhensibles.

Sont également des collaborateurs d'un service public, les personnes qui, pratiquantune branche de l'art de guérir, acceptent de donner des soins de santé aux personnesqui bénéficient de l'assurance maladie-invalidité. Ces praticiens de l'art de guérir (mé-decins, pharmaciens, opticiens, kinésistes, etc.) peuvent, s'ils manquent à leurs obliga-tions à l'égard du service public de l'assurance maladie-invalidité, être l'objet d'une me-sure de suspension, dont l'effet sera, non pas qu'ils ne pourront plus exercer leur pro-fession, mais que le malade qui s'adressera à eux ne pourra pas bénéficier des rembour-sements de l'assurance maladie-invalidité (2).

Le Conseil d'Etat a eu l'occasion de définir le caractère spécifique de ces sanctions,qui sont distinctes des contestations de droit civil qui peuvent s'élever au sujet du paie-ment des honoraires dus aux médecins ou aux pharmaciens. Elles sont distinctes dessanctions pénales et elles sont distinctes des sanctions professionnelles qui peuventêtre infligées par les autorités de l'Ordre des médecins ou de l'Ordre des pharmaciens.Voici le sommaire des principaux arrêts prononcés par le Conseil d'Etat en cette ma-tière.

" 1. En prévoyant uniquement que l'assuré qui s'adresse à un pharmacien convaincud'avoir violé les lois et règlements, d'avoir causé préjudice à l'assurance ou de s'êtrerendu coupable de fraude ou d'abus à son égard, n'obtiendra plus dans l'avenir l'inter-vention de l'assurance pour le remboursement de ses médicaments, l'article 62 del'arrêté du Régent du 21 mars 1945 modifié par l'article 28 de l'arrêté royal du31 décembre 1952 et l'article 36bis inséré dans le même arrêté du Régent par l'article16 de l'arrêté royal du 31 décembre 1952, -aussi bien que les articles 72 et 132 del'arrêté royal du 22 septembre 1955 qui les ont remplacés- laissent intact le droit dupharmacien de se faire payer directement par l'assuré lui-même le montant des hono-raires ou le coût des médicaments fournis et n'empêchent d'ailleurs pas l'assuré des'adresser encore à ce pharmacien s'il entend supporter seul le coût des prestations.

(1) Certaines infractions sont prévues expressément, mais le principe "nullum crimensine lege" n'est pas applicable dans le droit disciplinaire de la fonction publique.

(2) Voyez les articles 79, 88, 90 et 153 de la loi du 9 août 1963 instituant et orga-nisant un régime d'assurance obligatoire contre la maladie et l'invalidité. 398

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" Ces dispositions n'instituent dès lors pas une juridiction exceptionnelle chargéede statuer sur les droits civils des pharmaciens au paiement de leurs prestations.Elles ne violent dès lors pas les articles 8, 92, 93 et 94 de la Constitution.

" L'article 62 de l'arrêté du Régent du 21 mars 1945, modifié par l'article 28de l'arrêté royal du 31 décembre 1952, permet uniquement de sanctionner les agis-sements des pharmaciens, lesquels, en acceptant de prester leurs soins aux assuréssociaux, sont les collaborateurs volontaires d'un service public, lorsque ces agissementssont de nature à préjudicier au bon fonctionnement de l'assurance maladie-invalidité.

" Les mesures que cet article permet de prendre contre ces pharmaciens ne sont pasdes sanctions pénales, n'empêchent pas les pharmaciens d'exercer leur profession etn'ont pas la même nature que celles que peuvent prendre les conseils de l'Ordre despharmaciens.

" Elles ne doivent donc pas, conformément à l'article 9 de la Constitution, être appli-quées en vertu d'une loi. Elles ne portent pas atteinte à la liberté individuelle garan-tie par l'article 7 de la Constitution. Elles ne soustraient pas davantage les pharma-ciens au juge disciplinaire que la loi du 19 mai 1949 créant l'Ordre des pharmaciensleur a assigné et ne violent dès lors pas l'article 8 de la Constitution.

"En les prenant, le Roi n'a dès lors pas excédé les limites des pouvoirs qui lui sontaccordés par l'article 6 de l'arrêté-loi du 28 décembre 1944 en vue du bon fonctionne-ment de l'assurance maladie-invalidité (arrêt Ordre des pharmaciens, no. 5.146, et Associa-tion pharmaceutique belge, no. 5.147, du 29 mai 1956)" (1).

Des solutions semblables ont été adoptées par les arrêts Fédération médicale belge etconsorts no. 5745, du 5 juillet 1957 ; Association pharmaceutique belge, no.6140, du14 mars 1958,et Fédération médicale belge et consorts, no. 6371, du 20 juin 1958,concernant soit les médecins, soit les pharmaciens. L'arrêt no. 6140 contient une pré-cision intéressante. Il relève que la circonstance que la composition des collèges médi-co-mutualistes - qui sont chargés d'infliger les sanctions - peut être réglée par une con-vention entre les organismes assureurs et les organisations professionnelles représenta-tives du corps médical, n'a pas pour effet d'enlever à ces collèges leur caractère d'or-ganisme administratif pour les transformer en un collège arbitral au sens du Code deprocédure civile.

On retiendra de ces arrêts que le pouvoir confié au Roi par la loi, d'organiser un ser-vice public de l'assurance maladie-invalidité, implique celui de prévoir à l'égard despraticiens de l'art de guérir qui collaborent à ce service, des sanctions administratives,ou tout au moins de prévoir la suspension ou l'exclusion des collaborateurs de ce ser-

(1) Tables permanentes du Recueil des arrêts et avis du Conseil d'Etat V° Assuran-ce maladie-invalidité XI c.

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vice public dont les agissements sont de nature à porter préjudice au bon fonctionne-ment de l'assurance maladie-invalidité. Il ne faut donc pas une habilitation légale ex-presse pour établir ces sanctions administratives.

L'arrêt LISBET, no. 14.385, du 4 décembre 1970, qui a statué sur un recours en an-nulation d'une décision du comité de gestion du service des soins de santé de l'Insti-tut national d'assurance maladie-invalidité suspendant l'agréation d'un kinésiste, dé-cide :

" Considérant que la notion de faute professionnelle n'exige pas l'existence préalabled'un code de déontologie ; que le kinésiste qui accepte de prester ses soins aux assu-rés obligatoires est le collaborateur volontaire d'un service public ; qu'en acceptantde collaborer au service de l'assurance maladie-invalidité, il s'engage, par le fait même,à ne rien faire qui pourrait porter atteinte au bon fonctionnement de ce service ; qu'il appartient, même en l'absence de texte, à l'organisme responsable de la bonnemarche du service, d'assurer le respect des règles que l'intérêt du service exige enécartant, le cas échéant, le kinésiste dont les agissements sont de nature à compromet-tre la bonne marche du service ; qu'il appartenait au conseil d'agréation d'appréciersi les faits retenus contre le requérant constituaient, dans le cadre de l'assurance obli-gatoire contre la maladie et l'invalidité, une faute professionnelle ; que le conseild'agréation n'a pas excédé les limites de son pouvoir d'appréciation en qualifiant lesmanquements du requérant de faute professionnelle grave ; que le comité de gestiona motivé adéquatement la décision querellée en se référant à la proposition du conseild'agréation ; que le moyen ne peut être retenu en aucune de ses deux branches ".

Sont également des collaborateurs d'un service public, les médecins, pharmaciens etsages-femmes admis à prodiguer leurs soins aux indigents de la commune. La commis-sion d'assistance publique peut les suspendre ou les révoquer.

La sanction est, dans ce cas, prévue par la loi (1).

(1) Loi du 10 mars 1925-article 33.400

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IV. LA SANCTION ADMINISTRATIVE FRAPPANT LES ADMINISTRES.

La troisième des catégories dont nous avions parlé au début de ce rapport, concerneles personnes qui ne sont pas, à l'égard de l'administration, dans un lien particulier desubordination, et qui se présentent comme de simples administrés.

On peut d'abord citer les sanctions administratives en matière fiscale. Comme nousl'avons déjà dit, les amendes fiscales semblent bien être les plus anciennes sanctionsadministratives qui aient été connues en droit belge.

Les articles 334 à 338 du Code des impôts sur les revenus sont relatifs aux sanctionsadministratives. Il y en a de trois ordres : les accroissements d'impôts, l'amende ad-ministrative et la perte du droit de représenter les contribuables.

Les accroissements d'impôts frappent l'absence de déclaration ou la déclaration in-complète ou inexacte. L'amende frappe toute infraction aux dispositions du Code.

La perte du droit de représenter les contribuables en qualité de mandataire peut êtredécidée par le Ministre des Finances, sauf à l'égard des personnes soumises à une dis-cipline professionnelle légalement organisée ou de celles qui exercent leur mandat envertu de la loi ou d'une décision judiciaire. Cette sanction peut faire l'objet d'un re-cours au Conseil d'Etat (article 338). Le contentieux des autres sanctions appartientaux tribunaux de l'Ordre judiciaire auxquels appartient aussi le contentieux fiscal.

Le directeur provincial des contributions directes, agissant dans l'exercice de son pou-voir juridictionnel, et la Cour d'appel, peuvent apprécier l'opportunité et le montantde ces amendes et accroissements d'impôts (1).

Les divers autres Codes fiscaux prévoient aussi des amendes à charge de ceux qui ten-tent d'éluder l'impôt. Le contentieux en appartient aux juridictions de l'Ordre judi-ciaire. Le Ministre des Finances a, en outre, compétence pour statuer sur les pétitionsayant pour objet la remise de ces amendes (2).

(1) Cass. 18 novembre 1969 - Pasicrisie 1970,I, p.253. Avant l'entrée en vigueur duCode des impôts sur les revenus (arrêté royal du 26 février 1964), la Cour de Cas-sation soutenait que le directeur provincial et la Cour d'appel ne pouvaient seprononcer que sur la légalité de la mesure administrative décidant l'accroissementd'impôt (Voyez Cass. 8 novembre 1949, avec les conclusions de M. le Procureurgénéral Ganshof van der Meersch, alors avocat général - Pas. 1950,I, 131 -Voyez aussi Jean Van Houtte, Principes de droit fiscal belge, 1958 pp.362-363-E.Schreuder, Sanctions et peines pécuniaires en matière fiscale - Annales du No-tariat et de l'Enregistrement, 1949, pp. 362-399).

(2) Voyez, par exemple, l'article 202-4 du Code des taxes assimilées aux timbres.Voyez aussi Jean Van Houtte, op. cit. p. 362 et suivantes.Pour les impôts sur les revenus, voyez l'article 335 du Code des impôts sur lesrevenus.

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Dans son avis précédant l'arrêté royal no. 23 modifiant le Code des impôts sur les re-venus, en vue d'assurer une perception plus exacte de ces impôts, la section de législa-tion du Conseil d'Etat a fait l'observation suivante :

" L'article 340 donne au Ministre des Finances le pouvoir de prononcer la fermeturedes établissements situés en Belgique et d'interdire l'exercice de toute profession auxredevables étrangers qui n'ont pas fait agréer un représentant responsable ainsi qu'auxexploitants de casino qui n'ont pas constitué la garantie réelle ou la caution personnelle.Le Code ne commine pas ces sanctions à l'égard des sociétés et autres redevables belgesqui ont des établissements à l'étranger (article 310, 1°, précité).

Le projet étend ces sanctions au redevable qui ne fournit pas la caution ou la garantiequi serait exigée en vertu du nouvel article 31 Obis.

Si ce redevable ne fournit pas la caution ou la garantie demandée, le Ministre des Finan-ces peut, indépendamment de l'amende de 1.000 à 20.000 francs prévue par l'article339, fermer l'établissement et interdire l'exercice de toute profession.

L'on doit se demander si l'interdiction d'exercice de toute profession ne porte pasatteinte aux droits fondamentaux du citoyen : la liberté individuelle garantie par l'ar-ticle 7 de la Constitution paraît nécessairement impliquer la liberté de travailler.

La sanction envisagée par le projet soulève donc une question d'interprétation de laConstitution qu'il appartient au législateur seul de trancher. On ne saurait admettre quece dernier ait entendu déléguer ce pouvoir au Roi.

Au surplus, en ce qui concerne les redevables exerçant des professions libérales, ouremplissant des charges ou offices, le pouvoir attribué par le projet au Ministre desFinances paraît incompatible avec les procédures de radiation ou de destitution orga-nisées par les lois spéciales. Il appartient au Ministre des Finances de saisir, le cas éché-ant, les autorités disciplinaires compétentes.

En ce qui concerne la fermeture des établissements, pareille décision, lorsqu'elle neconstitue pas une simple mesure de sûreté, est, en principe, une peine accessoire etdoit, en conséquence, être prononcée par les tribunaux avec les garanties qui s'y atta-chent. Il ne s'indique pas d'étendre les dérogations à ce principe.

Il ressort de l'ensemble des considérations qui précèdent que l'article 11 du projetdoit être omis". (Pas. 1967, p.536).

On relèvera que ce projet d'arrêté royal était pris en exécution de la loi du 31 mars1967, attribuant certains pouvoirs au Roi en vue d'assurer la relance économique,l'accélération de la reconversion régionale et la stabilisation de l'équilibre budgétaire,dont l'article 4 disposait :

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" Le Roi peut assurer, s'il y a lieu, l'application des dispositions prises en vertu de laprésente loi par des sanctions de nature administrative, civile, fiscale et pénale, cesdernières ne pouvant excéder une peine d'emprisonnement de six mois et une amendede cinquante mille francs",

Le Conseil d'Etat a donc considéré que le pouvoir expressément confié au Roi d'insti-tuer des sanctions administratives ou fiscales ne permettait pas de prévoir l'interdictiond'exercer une profession ou la fermeture d'un établissement. Cet avis marque une ten-dance à interpréter de façon restrictive la notion de sanction administrative. Cettesanction ne pourrait donc —sauf habilitation expresse du législateur— comporter nila privation de liberté, ni l'interdiction d'exercer une profession, ni la fermeture d'unétablissement.

J'avais dit, au début de ce rapport, qu'une loi récente avait réalisé une certaine codi-fication et une certaine coordination des sanctions administratives prévues dans le do-maine social. Une étude attentive de cette loi nous amènera cependant à constaterque, malgré l'intitulé de cette loi, qui parle d' "amendes administratives", on peutmettre en doute le caractère administratif de ces sanctions. Il s'agit plutôt d'une plusgrande intervention de l'administration dans des sanctions infligées par un tribunal re-levant du pouvoir judiciaire. Les poursuites ne sont plus exercées par le parquet oupar l'auditorat du travail, mais par l'administration elle-même. Examinons de plusprès cette loi du 30 juin 1971 relative aux amendes administratives applicables ences d'infraction à certaines lois sociales (1).

Les amendes dont le montant va de 500 à 10.000 frs (2) sont infligées aux employ-eurs qui enfreignent certaines dispositions des lois sociales énumérées dans la loi.La loi énumère 44 infractions qui sont également passibles de sanctions pénales.

(1) Voir J. VAN BOECKHOUT, "Beknopt commentaar op de wet van 30 juni1971 betreffende de administratieve geldboeten", Rechtskundig weekblad1971, pp. 745 - 752, et Journal des Tribunaux du Travail, 1972, pp. l à 3.Au sujet des sanctions prévues en matière d'assurance maladie-invalidité, voyezL. MORGENTHAL, Des sanctions prévues par l'article 99 de la loi du 9 août1963.

(2) En tenant compte du nombre des travailleurs pour lesquels les infractions ontété commises , l'amende peut atteindre 200.000 frs.

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L'amende n'est appliquée qu'à l'employeur, même si l'infraction a été commise par unpréposé ou un mandataire. Les infractions font l'objet soit de poursuites pénales, soitd'une amende administrative. L'auditeur du travail décide s'il y a lieu ou non à pour-suites pénales, les poursuites pénales excluant l'application d'une amende administra-tive. Lorsque l'auditeur du travail renonce à poursuivre une infraction ou omet depoursuivre dans un certain délai, un fonctionnaire désigné par le Roi décide s'il y alieu d'infliger l'amende. Il doit respecter les droits de la défense de l'employeur etmotiver sa décision. Cette décision qui fixe le montant de l'amende est notifiéeà l'employeur. Cette décision qui fixe le montant de l'amende administrativeéteint l'action publique. Le paiement de l'amende met fin à l'action de l'admi-nistration.Jusqu'ici on pourrait croire que l'administration a réellement le pouvoir d'infliger uneamende administrative. La suite de la loi va nous faire comprendre que cette préten-due décision administrative infligeant une amende est dépourvue de toute force exé-cutoire. L'article 8 de la loi mérite d'être cité, car il montre toute la faiblesse de cettedécision administrative :

" Si l'employeur demeure en défaut de payer l'amende dans le délai fixé, le fonction-naire requiert l'application de l'amende administrative devant le tribunal du travail".

Il apparaît donc que la prétendue décision administrative n'était qu'une offre de trans-action dont l'acceptation par l'auteur de l'infraction pouvait mettre fin aux poursui-tes (1). Si l'employeur ne paie pas volontairement l'amende, l'affaire est donc portéedevant le tribunal du travail. Dans cette instance, l'auditeur du travail —qui, commenous le savons, n'a pas voulu poursuivre— s'efface et c'est l'administration qui pour-suit, non pas devant la juridiction répressive, mais devant le tribunal du travail oùl'auditeur du travail réapparaît pour donner son avis.

Le tribunal du travail exerce évidemment la pleine juridiction (2). On le voit : nousne nous trouvons pas en présence de véritables sanctions administratives, mais d'unearme donnée à l'administration pour les cas où les auditorats du travail —qui venaientà peine de commencer l'exercice de leurs fonctions quand la loi a été votée (3)—

(1) A comparer au paiement immédiat de l'amende, prévu en matière de roulage, encas d'accord de l'auteur de l'infraction (art. 65 des lois coordonnées relatives àla police de la circulation routière).

(2) L'exposé des motifs du projet de loi dit : "L'article 8 prévoit qu'en cas de non-paiement de l'amende par l'employeur dans le délai fixé, le fonctionnaire intro-duit le litige devant le tribunal du travail qui rendra un jugement confirmant, mo-difiant ou infirmant la décision du fonctionnaire. Les parties pourront ensuitese pourvoir en appel et en cassation contre la décision du tribunal du travail"(Chambre des Représentants, Doc. 939 ; 1970 - 1971, no.l, p.4).

(3) L'installation des tribunaux du travail a eu lieu le 1er novembre 1970.

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négligeraient de poursuivre les employeurs qui enfreignent les lois sociales (1).

Ces "sanctions administratives" sont en réalité des sanctions judiciaires, infligées à larequête, non pas du parquet, mais de l'administration. C'est la poursuite de l'infrac-tion qui est administrative et non pas l'amende. Nous pensons donc avoir démystifiél'amende administrative du droit du travail. On doit relever cependant que si elle n'estpas administrative, cette amende n'est pas non plus pénale, parce qu'elle n'est pas in-fligée par la juridiction répressive mais par le tribunal du travail qui est une juridic-tion de l'Ordre judiciaire, mais n'est pas une juridiction répressive. Mais, comme letribunal du travail n'est pas non plus une juridiction administrative, l'amende n'auraitpas dû être qualifiée d' "administrative". Il aurait fallu imaginer une qualificationexprimant ce caractère propre au droit social et à la juridiction du travail (2). Lecaractère de la sanction a été abordé par la commission de l'emploi et du travail dela Chambre des représentants. Dans le rapport de cette commission fait par MmeCOPEE - GERBINET on lit en effet la déclaration suivante :

" Le Conseil d'Etat a estimé que les amendes administratives sont susceptiblesde grâce, en vertu de l'article 73 de la Constitution. Le Commissaire royal estd'un avis contraire et justifie son point de vue.

L'amende administrative, tout comme l'amende fiscale, n'est pas une "peine"au sens pénal du mot, tel que l'entend l'article 73 de la Constitution. D'ailleursen matière fiscale les amendes administratives ne sont susceptibles d'un recoursen grâce que sur base du décret du 8 mars 1831.

(1) Dans le même ordre d'idées —et sans instituer de sanctions administratives-la loi du 22 décembre 1970 a modifié la loi du 29 mars 1962, organique del'aménagement du territoire et de l'urbanisme pour renforcer l'interventionde l'administration dans la poursuite devant les tribunaux des infractions à lalégislation sur l'urbanisme. Cette réforme a été justifiée par la constatation quede nombreuses infractions à cette législation n'étaient pas punies. Les amendesadministratives du droit social pourraient être rapprochées des "sanctions admi-nistratives" qui avaient été prévues pendant la guerre par l'arrêté des secrétairesgénéraux du 15 février 1941 et qui ont été jugées constitutionnelles par la Courde cassation pour le motif que l'arrêté prévoyait que, lorsque la procédure ad-ministrative était close, le contrevenant avait un recours devant la Cour d'appel(Cass. 30 mars 1942, avec les conclusions du ministère public, Pas. 1942, p.75).Les "sanctions administratives" de la période de guerre avaient cependant desconséquences plus graves que les actuelles "amendes administratives", car cessanctions comportaient, non seulement des amendes, mais aussi des fermeturesd'entreprises, confiscation de marchandises, interdictions ou restrictions au droitd'exercer une profession , confiscation des bénéfices.

(2) Pour M. Maurice HENRARD, l'amende administrative est une sanction decaractère civil, sans effet pénal (Journal des tribunaux, 1972, p.116).

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Selon le présent projet, l'amende administrative étant appliquée par l'administra-tion ou par le tribunal du travail, qui sont tous deux incompétents en matièrepénale, le droit de grâce du Roi ne peut s'exercer.

La Commission se rallie à ce point de vue". (Chambre des représentants,Doc. 939, 1970 - 1971, no.3, p.5).

Le Conseil d'Etat avait émis l'opinion suivante :

" Enfin, lorsqu'elles sont prononcées par le tribunal du travail ou par la Courdu travail, les amendes administratives sont susceptibles de grâce. L'article 73de la Constitution confère, en effet, au Roi le droit de "remettre ou de réduireles peines prononcées par les juges", et cette prérogative royale ne se limite pasaux sanctions pénales" (Chambre des représentants, Doc. 939 (1970 -1971),no. 1, p.9).

Avant de quitter le domaine du droit social, signalons que l'exposé des motifs du pro-jet de loi relatif aux amendes administratives applicables en cas d'infraction à certai-nes lois sociales donne des exemples de sanctions administratives prévues dans cer-taines matières du droit social (voyez Chambre des représentants, Doc. 939 (1970 -1971), no. 1, pp. 4 et 5). On peut cependant douter du caractère de sanction de cer-taines des mesures citées par ce document (1).

D'une façon générale, les contestations relatives aux sanctions administratives prévuespar la législation sociale sont portées devant le tribunal du travail (article 583 du Codejudiciaire, modifié par la loi du 30 juin 1971).

(1) En ce qui concerne les sanctions administratives en matière de chômage, voirles tables permanentes du recueil des arrêts et avis du Conseil d'Etat,V° CHOMAGE IV.

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La loi du 30 juillet 1971, sur la réglementation économique et les prix (1) permet auMinistre des Affaires économiques d'ordonner la fermeture provisoire, pour une duréequi ne peut excéder cinq jours, des établissements qui ne respectent pas les prix im-posés. Le contrevenant a cinq jours pour exercer un recours devant la chambre duconseil du tribunal de première instance compétente en matière répressive. Cettechambre du conseil doit statuer dans le délai de huit jours. Elle statue en dernier res-sort. Sa décision constate si la décision du Ministre a été prise dans les formes et con-ditions prescrites par la loi et si les faits sont susceptibles d'être constitutifs d'infrac-tion. Il semble que la chambre du conseil n'exerce pas la pleine juridiction. Il s'agitd'une sanction administrative soumise à un contrôle de légalité confié à une juridic-tion répressive.

La justification qui a été donnée de l'institution de la sanction administrative est,encore une fois, le fait que des infractions ne sont pas punies.

L'exposé des motifs déclare en effet :

" En cas d'abus graves et flagrants en matière de prix, l'intérêt général des con-sommateurs pouvant être menacé, il est indispensable que des mesures rapideset fermes soient prises à l'égard de ceux qui contreviennent délibérément à uneréglementation d'intérêt public.

A cet égard, l'application que font les Cours et Tribunaux des possibilités desanctions prévues par l'arrêté-loi de 1945 ne répond pas toujours très exactementaux objectifs de politique économique préventive qui devraient prévaloir.

Dans cette perspective de prévention, le Gouvernement estime devoir instituerla fermeture provisoire d'entreprises en une sanction administrative qui pourraêtre appliquée par le Ministre dans les circonstances les plus graves" (Chambredes représentants, doc. 966 (1970 -1971), no. 1, p.4).

Le rapport fait par M. MARTENS, au nom de la Commission des Affaires économiquesdu Sénat, justifie la constitutionnalité de la sanction de la façon suivante :

" Il est également reproché au projet de loi de contrevenir à l'article 92 de laConstitution, selon lequel seuls les tribunaux seraient compétents pour pronon-cer une sanction.

L'objection serait certes intéressante si l'on prétendait conférer au Ministre unquelconque pouvoir juridictionnel, c'est-à-dire le pouvoir de statuer sur uneinfraction et de la réprimer de la même manière que les tribunaux judiciaires.

(1) Loi modifiant l'arrêté-loi du 22 janvier 1945 concernant la répression des infrac-tions à la réglementation relative à l'approvisionnement du pays.

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Or, telle n'est pas l'intention, et tel n'est pas non plus le sens littéral du textesoumis au Parlement. En s'appuyant sur le refus de l'entreprise de mettre finaux pratiques dénoncées, le texte indique clairement, en effet, que la fermetureprovisoire n'est pas prévue comme mesure répressive mais seulement comme me-sure préventive, uniquement destinée à faire cesser une situation délictueuse quimenacerait gravement l'intérêt général.

Elle laisse intact le pouvoir du juge de statuer en toute indépendance sur l'infrac-tion, en tenant compte du degré de culpabilité de l'auteur.

Mesure préventive donc, tout comme celle que pourrait ordonner le Procureur duRoi, lequel, non plus, ne pourrait valablement exercer une fonction juridiction-nelle.

Mesure qui ressortit dès lors à la fonction administrative de toute autorité investied'une mission de protection de l'intérêt général, et dont la constitutionnalité nesaurait être logiquement contestée sans que ne soit mise en cause en même tempsla validité de nombreux pouvoirs, déjà conférés par le législateur à des organesadministratifs, de suspendre, voire de mettre fin à une activité économique (exem-ple : le droit accordé aux bourgmestres de fermer les établissements dangereuxou insalubres, le droit de mettre fin à une exploitation de transports, etc.)"(Sénat, session 1970 - 1971, Doc. 682, pp. 20 et 21) (1).

La même loi du 30 juillet 1971 a institué, à côté de la fermeture des entreprises, unsystème d'amende transactionnelle confié à l'administration. Les agents qualifiésdu Ministère des Affaires économiques, lorsqu'ils constatent des infractions à la légis-lation sur les prix, peuvent fixer une somme, dont le paiement volontaire par l'auteurde l'infraction éteint l'action publique. Précédemment, l'arrêté-loi du 22 janvier 1945confiait au procureur du Roi le pouvoir d'offrir la transaction. Ici encore, on voit latendance —que nous avons rencontrée plusieurs fois dans les lois de ces dernières an-nées— de substituer l'administration aux magistrats des parquets. M. Cools, Vice-Premier Ministre et Ministre des Affaires économiques, a déclaré à ce sujet au Sénat :

" La procédure transactionnelle organisée par l'arrêté-loi de 1945 s'avère à cer-tains égards insuffisante et inefficace dans la mesure où elle est appliquée sansuniformité ou en dépit des considérations économiques qui devraient prévaloir.

Pour pallier ces lacunes, le gouvernement estime que la mise en oeuvre de cetteprocédure transactionnelle doit pouvoir être confiée aux agents commissionnéspar le Ministre des Affaires économiques.

(1) La thèse de l'inconstitutionnalité a été défendue par le Sénateur ANSIAUX enséance publique du Sénat (Sénat, Annales parlementaires, séance du 20 juillet1971, p. 2.706).

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Ceci n'est pas une innovation mais est directement inspiré de règles existantesdans d'autres domaines, notamment celui de la police de roulage.

Ce faisant, on n'accorde pas à ces agents un pouvoir juridictionnel quelconquequi comme tel pourrait être jugé inconstitutionnel. La jurisprudence a reconnude longue date que la procédure transactionnelle en matière répressive ne relèvepas de la fonction juridictionnelle,car elle vise non pas à trancher une contesta-tion mais plutôt à l'éviter.

C'est d'ailleurs la raison pour laquelle la mise en oeuvre de cette procédure estsubordonnée à l'accord de l'entreprise concernée" (Sénat, Annales parlemen-taires, séance du 20 juillet 1971, pp. 2692 et 2693).

L'arrêté-loi du 22 janvier 1945, concernant la répression des infractions à la réglemen-tation relative à l'approvisionnement du pays, qui a été modifié par la loi du 30 juillet1971, prévoit une autre sanction administrative. Les Ministres peuvent réduire ou sus-pendre temporairement ou définitivement l'approvisionnement de toutes personnes ouentreprises se livrant à une activité réglementée ou contrôlée en vertu de cet arrêté-loi, lorsqu'elles refusent d'exécuter les instructions qui leur sont adressées ou que,par leur opposition, leur négligence ou pour tout autre motif, elles entravent le bonfonctionnement du ravitaillement (article 3, alinéa 3) (1).

(1) Pour un exposé de la répression des infractions en matière économique, tellequ'elle était organisée avant la loi du 30 juillet 1971, on consultera l'article deM. le Professeur Constant : "Les systèmes de répression en matière d'infractionséconomiques" dans les Annales de la faculté de droit de Liège, 1959, pp. 285 à314. Cet article recommande de confier au Pouvoir judiciaire le jugement des in-fractions du droit économique.Tout en estimant que la compétence en matièred'infractions économiques doit être attribuée aux juridictions ordinaires, M.CAPPUYNS se prononce en faveur de sanctions et mesures administratives com-plétant les sanctions pénales. Il écrit : "Des sanctions et mesures administrativesdoivent compléter les sanctions pénales".S'il est vrai que les sanctions pénales ont un rôle primordial à jouer dans la ré-pression des infractions économiques, il n'en reste pas moins que certains objec-tifs de la répression ne pourront être atteints que par des mesures de sûreté etpar des sanctions administratives.Si l'on veut obtenir que la situation sur le marché soit rétablie et que certainséléments perturbateurs en soient et en restent écartés, l'amende et l'emprisonne-ment s'avéreront bien souvent d'une efficacité insuffisante. Ils devront être com-plétés par la fermeture de l'établissement, le retrait de licences d'achat, d'impor-tation ou d'exportation, l'interdiction d'exercer certaines activités, la publicationdu jugement, le cautionnement de bonne conduite, etc. (Léon L.CAPPUYNS,"Les infractions économiques", Revue de droit pénal et de criminologie, 1959 -1960, pp. 571 à 586).

Voyez aussi l'article de M.FRANCHIMONT : "Les sanctions en matière de droitpénal économique", dans la Revue de Droit international et de droit comparé,1958, pp. 466 - 483.

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La législation relative au contrôle des produits pharmaceutiques, qui soumet la fabri-cation de ces produits à des autorisations gouvernementales, a permis au Conseild'Etat de préciser sa jurisprudence.

Un arrêt Godart et consorts, no. 5717, du 21 juin 1957, décide que la loi qui autorisele Gouvernement à prescrire les mesures qu'il juge utiles pour prévenir la falsification

des substances médicamenteuses, ainsi que pour assurer la préparation, la mise en ven-te et le débit de médicaments de bonne qualité, implique pour le Roi la possibilité deprendre des mesures préventives, telle l'autorisation préalable, aussi bien que des me-sures de contrôle ou de répression. Le même arrêt précise que "le droit d'accorderune autorisation comporte le droit de la retirer, si les conditions de l'autorisationn'existent plus et si les formes dans lesquelles cette autorisation peut être retirée ontété respectées ; que sans doute le Ministre et la commission consultative ... peuventêtre amenés à apprécier des questions susceptibles d'être soumises aussi aux cours ettribunaux, tel l'ébranlement du crédit, mais que les décisions prises par le Ministre,d'une part, et les décisions judiciaires, d'autre part, se situent sur des plans différentset ont une portée et un caractère différents ; que par la disposition incriminée, le Roine s'immisce pas dans les attributions du pouvoir judiciaire".

Nous retrouvons ici une idée que nous avons déjà rencontrée ; lorsque le Roi esthabilité par le législateur à soumettre une activité à une autorisation administrative,il ne doit pas justifier d'une habilitation expresse du législateur pour prévoir le retraitde l'autorisation. Lorsque l'exercice d'une activité est subordonné à une autorisationou à une agréation de l'administration, il paraît naturel de reconnaître à l'administra-tion le pouvoir de suspendre ou de retirer ( 1 ) l'autorisation ou l'agréation. La suspen-sion ou le retrait de l'autorisation ou de l'agréation apparaissent ainsi comme des me-sures qui font logiquement et naturellement partie d'un système juridique prévoyantl'autorisation ou l'agréation (2). Il est évident, toutefois, que le retrait ou la suspen-sion ne peuvent être décidés qu'en cas de disparition des conditions auxquelles l'agréa-tion ou l'autorisation étaient subordonnées (3) ou en cas de faute dans l'exercice del'activité qui est soumise à autorisation ou à agréation. La suspension ou le retraitde l'agréation ne peuvent être décidés sans que les intéressés aient eu l'occasion dese défendre (4). Ces mesures peuvent faire l'objet d'un recours pour excès de pou-voir devant le Conseil d'Etat.

(1) Il s'agit évidemment ici d'un retrait non rétroactif.(2) Pour un cas de suspension par le bourgmestre de la licence d'un chauffeur

de taxi, voir l'arrêt du Conseil d'Etat VEERMEER, no. 8738, du 10 juillet1961.

(3) Dans ce cas, peut-on véritablement parler d'une sanction ?(4) Voyez l'arrêt du Conseil d'Etat S.A. Laboratoires Charles Delacre, no. 9583,

du 21 septembre 1962, qui concerne aussi la suspension de l'autorisation defabriquer un médicament.

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L'arrêt du Conseil d'Etat Créteur, no. 2558, du 11 juin 1953, qui a statué sur le recoursen annulation de la décision ministérielle supprimant, pour six mois, après un accident,la licence de pilote d'avion, a décidé que la circonstance que la loi ( 1) prévoit que leslicences peuvent être - en cas de faute - suspendues par jugement comme suite d'unecondamnation, n'empêche pas le Gouvernement - chargé par la loi d'assurer la régle-mentation et la police de la navigation aérienne - de prévoir, dans cette réglementa-tion, le retrait de la licence, même en l'absence de toute condamnation par un tribu-nal, lorsque l'intérêt général justifie ce retrait. Donc, la circonstance que le retrait estprévu par la loi comme mesure prononcée par le juge pour compléter la peine, n'em-pêche pas que le règlement puisse prévoir que l'autorité administrative, qui est com-pétente pour accorder la licence, peut la retirer. L'arrêt contient ce considérant :

"... que l'autorité compétente pour apprécier si l'intérêt général ne s'oppose pas à cequ'une licence soit délivrée à une personne déterminée, doit avoir le droit de retirercette licence, même en l'absence de toute condamnation par un tribunal belge, lorsquel'intérêt général justifie ce retrait".

On relèvera que ce principe est affirmé à propos de l'exercice d'une profession que leGouvernement peut, pour des raisons de sécurité, subordonner à la possession d'unelicence.

Un second arrêt CRETEUR, no. 3403, du 20 mai 1954, a décidé que, bien qu'aucunrèglement ne le prévoyait expressément, le retrait de la licence ne pouvait être décidésans que le pilote ait été préalablement entendu.

La suspension ou le retrait des licences de pilote est actuellement prévu par l'article38 de l'arrêté royal du 15 mars 1954, texte qui contient une énumération de cas dontcertains, comme l'inaptitude physique, ne donnent évidemment pas à la suspensionou au retrait le caractère d'une sanction administrative, tandis que d'autres, commela négligence professionnelle, donnent incontestablement à ces mesures le caractèred'une sanction administrative. La décision administrative qui suspend ou retire la li-cence peut faire l'objet d'un recours pour excès de pouvoir devant le Conseil d'Etat.

(1) La loi qui était en vigueur à l'époque était celle du 16 novembre 1919, qui a étéremplacée par la loi du 27 juin 1937, mise en vigueur le 31 mars 1954.

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V. LA SANCTION ADMINISTRATIVE DANS LA DISCIPLINE DESPROFESSIONS LIBERALES ORGANISEES PAR LA LOI

La sanction administrative se retrouve aussi dans la discipline de certaines professionslibérales organisées par la loi.

L'Ordre professionnel le plus ancien est l'Ordre des avocats, qui est organisé, actuelle-ment, par les articles 428 et suivants du Code judiciaire. L'Ordre des avocats n'étantpas une autorité administrative (1), les mesures disciplinaires qu'il prend à l'égard deses membres ne peuvent pas être considérées comme des sanctions administratives.Ces mesures peuvent faire l'objet d'un pourvoi en cassation (2).

Les conseils de l'Ordre des médecins sont des autorités administratives (3). Le conseilprovincial peut prononcer à charge des médecins des peines allant de l'avertissementà la radiation (4). Ces décisions peuvent faire l'objet d'un appel devant un conseild'appel (5). Les décisions du conseil d'appel peuvent faire l'objet d'un pourvoi encassation (6).

L'Ordre des pharmaciens (7), l'Ordre des médecins vétérinaires (8) et l'Ordre desarchitectes (9) sont organisés d'une façon fort semblable.

(1) Voyez l'arrêt du C.E. no. 5204, CHAMART - HOUSSA, du 15 juin 1956. Voyezaussi Cyr Cambier, Principes du Contentieux administratif. T. II, pp. 441 etsuivantes.

(2) Article 477 du Code judiciaire.(3) Arrêt du Conseil d'Etat no. 1069, Union nationale des Mutualités socialistes et

A.S.B.L. Clinique César De Paepe, du 6 octobre 1951, et la note M.-Th. BOUR-QUIN, dans R.J.D.A. 1952, pp. 98 - 102. Voyez aussi Cyr Cambier, Principesdu Contentieux administratif, T. II, pp. 460 et suivantes.

(4) Arrêté royal no. 79 du 10 novembre 1967, article 16.(5) Arrêté royal no. 79 du 10 novembre 1967, article 21.(6) Arrêté royal no. 79 du 10 novembre 1967, article 23.(7) Voyez l'arrêté royal no. 80 du 10 novembre 1967. Sur le caractère d'autorité

administrative des conseils de l'Ordre des pharmaciens, voyez aussi l'arrêt duConseil d'Etat no. 2021, TIMMERMANS et consorts, du 5 décembre 1952.

(8) Voyez la loi du 19 décembre 1950.(9) Voyez la loi du 26 juin 1963.

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Les réviseurs d'entreprises sont groupés par la loi en un Institut des réviseurs d'entre-prises (1). Cet Institut est, comme les Ordres des professions médicales, une autoritéadministrative (2). Le contrôle de la légalité des décisions disciplinaires est égalementconfié à la Cour de Cassation.

Les agents de change sont soumis au pouvoir disciplinaire des commissions de laBourse, issues, comme les Ordres professionnels, d'élections organisées parmi lesagents de change. Ces décisions disciplinaires peuvent faire l'objet d'un recours auConseil d'Etat (3).

Les personnes qui exercent des professions libérales soumises à une discipline particu-lière organisée par la loi et exercée par des organes représentatifs de la profession,peuvent donc faire l'objet de sanctions disciplinaires administratives, sauf les avocats,pour lesquels la sanction ne semble pas avoir un caractère administratif. Les diverseslois organisent les droits de la défense et prévoient un appel devant un organisme pro-fessionnel d'un degré supérieur. Le contrôle de la légalité est - sauf pour les agents dechange - confié, non pas au Conseil d'Etat, mais à la Cour de Cassation. La caractéris-tique de la discipline des professions libérales organisées est d'être un régime légal.Dans ce domaine donc, la sanction ne soulève aucun problème de légalité.

(1) Voyez la loi du 22 juillet 1953.(2) Arrêt du Conseil d'Etat no. 7560, DESCAMPS, du 22 janvier 1960 ; avis de

l'Auditeur MAROY, et note E.DEBRA, R.J.D.A., 1960, pp. 54 - 59.(3) Voyez Cyr CAMBIER, Principes du Contentieux administratif, T. II, pp. 485

et suivantes. Sur la qualité d'autorité administrative de la commission de laBourse, voyez les observations de M. Michel DUMONT sur un jugement du Tri-bunal civil de Bruxelles, du 16 novembre 1960, dans les Annales du Notariatet de l'Enregistrement, 1961, pp. 191 - 209.

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VI. LA SANCTION ADMINISTRATIVE FRAPPANT LES USAGERS DES SERVICESPUBLICS.

Les usagers des services publics peuvent aussi faire l'objet de sanctions prévues par lesrèglements de ces services pour réprimer les fautes qu'ils commettent dans l'utilisationde ces services, ou les manquements aux obligations prescrites par ces règlements.

Par un arrêt du 23 mai 1932, la Cour de Cassation a admis la légalité d'une sanctionprévue dans les conditions réglementaires, relatives au transport des voyageurs et desbagages, de la Société nationale des chemins de fer. La Cour a invoqué l'article 1.226du Code civil, qui permet aux parties de sanctionner contractuellement leurs engage-ments par une clause pénale, et a admis qu'était valable la stipulation du contrat detransport par chemin de fer, suivant laquelle le transporté s'engageait au paiementd'une somme à titre de dommages-intérêts pour l'inexécution de l'un de ses engage-ments (Pasicrisie 1932 - I - p. 169). Cette conception contractuelle des rapports entrele service public et son usager permet évidemment de justifier la sanction comme é-tant une clause pénale d'un contrat.

Mais la jurisprudence du Conseil d'Etat a tendance à considérer que les rapports en-tre le service public et ses usagers ne sont pas de nature contractuelle, mais qu'ils sontrégis par un règlement (avis-arrêt BUTTGEN, no. 310, du 31 mars 1950, et la note J.LESPES.dans R.J.D.A., pp. 145-148 - Arrêt consorts WIDDERSHOVEN, no.l1.262,du 28 mai 1965) (1).

La conception réglementaire rend moins aisée la justification des sanctions, celles-cin'étant admises que dans la mesure où l'autorité peut prescrire dans ses règlementsdes sanctions administratives. Il est cependant une sanction qui ne peut être refuséeà l'exploitant du service public, c'est le droit de suspendre ses prestations si l'usager a

(1) Exceptionnellement ces rapports peuvent être contractuels, par exemple lorsqu'une commune accepte, à la demande des propriétaires intéressés, que soientraccordés à sa distribution d'eau des immeubles situés sur le territoire d'unecommune voisine, territoire qui échappe évidemment au pouvoir réglementairede la commune qui exploite le service de distribution d'eau (arrêt BUFFIN deCHOSAL no. 13.232, du 21 novembre 1968, et le rapport du Substitut del'Auditeur général BOURQUIN, dans la Revue de l'administration, 1970, pp.5 à 16).Au sujet de la nature des relations entre l'usager et le service public, voir PaulORIANNE, "La loi et le contrat dans les concessions de service public",pp. 248 et suivantes.

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négligé de payer les prestations précédentes (1)

La difficulté que l'on rencontre lorsqu'on veut rechercher le fondement de la sanc-tion qui frappe l'usager du service public, provient de l'équivoque qui existe au sujetdes rapports entre l'usager et le service public, surtout dans les services qui ont uncaractère industriel et commercial comme les transports, les téléphones, les distribu-tions d'eau, de gaz et d'électricité, où, à côté de dispositions réglementaires exprimantdes rapports d'autorité, il existe d'incontestables éléments contractuels. On ne peutnier que, dans ces services, on voit apparaître l'autorité usant de son pouvoir régle-mentaire, mais que l'on assiste aussi à la fourniture aux usagers de prestations quiseront payées, soit par un abonnement, soit selon un tarif strictement proportionnelà l'importance des fournitures, quand les deux systèmes ne sont pas combinés (2).

Sans être très importantes et sans pouvoir atteindre gravement les citoyens, (3), lessanctions administratives qui frappent les usagers des services publics paraissent rela-tivement nombreuses, mais elles figurent souvent dans des règlements qui ne sontpas publiés au Moniteur belge. Citons cependant à titre d'exemples :

— L'article 8 de l'arrêté royal du 4 avril 1895, contenant le règlement concernantles mesures à observer pour le transport des voyageurs sur les chemins de fer, modi-fié par l'arrêté royal du 18 octobre 1929, qui prévoit l'expulsion du train et des dé-pendances de la voie ferrée, des voyageurs qui refusent d'obtempérer aux injonctionsdes agents du chemin de fer pour l'observation des dispositions du règlement relatifau transport des voyageurs ou "de celles qui sont formulées dans les conditions régle-mentaires faisant partie intégrante du contrat de transport".

— L'article 30 de l'arrêté ministériel du 21 février 1969, relatif aux conditions deraccordement au réseau téléphonique et d'usage du téléphone en service intérieur,qui dispose :

(1) Voyez à ce sujet Paul ORIANNE, op. cit. p. 284, no. 301. Au sujet des sanc-tions dont l'administration dispose à l'égard du concessionnaire, voyez lemême ouvrage, pp. 186 et suivantes.

(2) Voyez à ce sujet, les conclusions du Procureur général LECLERCQ précédantCass. 14 juin 1915, citées par ORIANNE, op. cit. p. 270.

(3) La seule sanction grave paraît être l'interruption de la fourniture, mais elle nefrappe généralement que l'usager qui s'abstient de payer et la fourniture estimmédiatement rétablie en cas de paiement. Le peu de gravité de ces sanctionsexplique probablement qu'elles n'ont guère donné lieu à des décisions de justice,ce qui nous prive de la possibilité d'en mieux discerner la nature juridique.

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"La Régie peut suspendre le service du raccordement sans indemnité lorsque l'abon-né ne se conforme pas aux prescriptions du présent arrêté, et notamment, quand :

a) il est en retard de paiement d'un compte de redevances, de taxes ou de sommesdues pour travaux ou autres prestations, qu'il s'agisse du service téléphonique oudu service télex, s'il a également souscrit un abonnement à ce dernier service ;

b) la provision qu'il a déposée est insuffisante et qu'il ne verse pas le supplément quilui a été réclamé ;

c) il n'exécute pas, après y avoir été invité, les mesures propres à assurer la sécuritédu personnel de la Régie ou la bonne conservation du matériel téléphonique ;

d) il se livre à des écarts de langage envers les membres du personnel de la Régie ;

e) son comportement est susceptible de nuire à la bonne exécution du service ;

f) dans un but malveillant ou par malice, il importune un autre abonné par des appelsintempestifs ;

g) il n'est plus en mesure d'assurer les obligations découlant de son engagementd'abonnement ;

h) il contrevient aux dispositions de l'article 12 (1).

Si l'abonné a également souscrit un abonnement au service télex, le droit de suspen-dre le service du raccordement peut être exercé dans les cas a et b ci-dessus à la foissur le service du raccordement téléphonique et celui du raccordement télex.

La suspension de service fait l'objet d'un avertissement envoyé trois jours d'avancepar lettre ordinaire.

Les frais de suspension et de remise en service d'un raccordement, pour une des rai-sons précitées, sont à charge de l'abonné. Ces frais sont fixés forfaitairement à 50 f."

Des dispositions semblables sont prévues à l'article 27 de l'arrêté ministériel du 6 jan-vier 1972 relatif aux conditions d'usage du service sémaphone (2).

(1) Cet article interdit à l'abonné de modifier les installations intérieures.(2) Voyez aussi l'article 29 de l'arrêté ministériel du 30 mai 1972, portant fixation

de tarifs accessoires en matière de télécommunications et des conditions de rac-cordement et d'usage des moyens de télécommunication en service intérieur.

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Le pouvoir que se reconnaissent les autorités qui gèrent les services publics à carac-tère commercial ou industriel d'infliger des sanctions aux usagers de leurs servicespeut difficilement se justifier sur le plan constitutionnel. Certaines de ces mesuresapparaissent cependant comme normales. C'est ainsi que, si l'on admet que le paie-ment par l'usager de la redevance (ou du prix ou de la taxe) (1) est la contrepartiede la fourniture faite par le service public, il n'est pas possible de contester à ce ser-vice le droit de suspendre la fourniture, lorsque l'usager est en retard de paiement.De même, certaines amendes prévues par les conditions réglementaires du servicepeuvent être présentées comme des modalités du tarif auquel les fournitures sontsoumises. Enfin, le droit que certains règlements reconnaissent aux exploitants deservices des transports en commun d'expulser le voyageur qui perturbe le servicepeut être la manifestation du pouvoir de police que l'on reconnaît à toute personnequi est responsable du maintien de l'ordre dans un lieu déterminé, qu'il soit publicou privé.

Il apparaît donc que si elles sont maintenues dans des limites raisonnables, les sanc-tions qui frappent les usagers du service public peuvent être admises, même si ellesne se fondent pas sur une disposition légale permettant expressément à l'autorité d'in-fliger des sanctions administratives.

Tout en reconnaissant que les personnes qui bénéficient, soit par l'assurance obliga-toire, soit par l'assurance libre, du régime de l'assurance maladie-invalidité, ne sontpas dans la même situation que les usagers des services publics à caractère commer-cial ou industriel, il nous parait intéressant de signaler une décision du Conseil d'E-tat relative à des sanctions infligées à ces personnes.

L'arrêt Alliance nationale des Mutualités chrétiennes et Gommers, no. 7.595, du 5février 1960, a décidé que, chargé d'organiser l'assurance maladie-invalidité, le Roipouvait astreindre les unions nationales à infliger à leurs assurés les sanctions admi-nistratives dans les cas fixés par l'arrêté organique. La section d'administration duConseil d'Etat parait donc admettre que des sanctions administratives soient établiespar le Roi, usant de son pouvoir réglementaire, sans devoir justifier d'une habilitationexpresse du législateur l'autorisant à établir de telles sanctions, et que ces sanctionssoient appliquées non pas par le Gouvernement lui-même, mais par les organismesassureurs.

(1) Ces divers termes sont utilisés, parfois sans intention précise, parfois, aucontraire, pour traduire une conception déterminée des rapports juridiquesqui existent entre le service public et l'usager.

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VII. DIVERSES AUTRES SANCTIONS ET NOTAMMENTLES SUPPRESSIONS DE SUBVENTIONS (1).

Je crois avoir terminé l'inventaire des divers domaines dans lesquels des sanctionsadministratives existent en droit belge. Cet exposé est cependant incomplet et n'aurait pu être complet que si toute notre législation et toute notre réglementation—y compris celle qui ne fait l'objet que d'une publicité restreinte, comme la régle-mentation des communes ou celle des organismes d'intérêt public gérant des servicespublics— avaient été minutieusement passées en revue, ce qui n'a pu être fait.Avant de terminer, je crois cependant utile d'énumérer encore quelques sanctionsdont je n'ai pas parlé dans l'exposé qui précède.

L'article 44 de la loi du 29 mai 1959, modifiant la législation relative à l'enseignementgardien, primaire, moyen, normal, technique et artistique, permet au Ministre de sup-primer les subventions des établissements d'enseignement qui ne respectent pas lesdispositions légales qui interdisent toute activité et propagande politiques dans lesétablissements d'enseignement et celles qui interdisent les pratiques déloyales dans laconcurrence entre ces établissements. La loi institue une commission composée demagistrats, qui est chargée d'examiner les infractions à ces dispositions légales et deproposer au Ministre les sanctions.

(1) Concernant les retraits de subvention, voyez les Tables permanentes duRecueil des arrêts et avis du Conseil d'Etat, V° SUBVENTIONS DEL'ETAT - IV.

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Les institutions de prévoyance qui reçoivent des subsides des commissions d'assistan-ce publique doivent respecter les convictions religieuses, philosophiques et politiquesde ceux en faveur desquels s'exerce leur intervention. Si cette obligation n'est pasrespectée, les subventions peuvent leur être retirées par la commission d'assistancepublique ou par le Roi (loi du 10 mars 1925, article 73) (1).

Lorsqu'un membre ou un agent d'une commission d'assistance publique a engagé oucontraint un indigent à quitter le territoire d'une commune ou à y rester, le Ministrepeut mettre à charge de cette commission les frais d'entretien de cet indigent. Lamême mesure peut être prise quand les faits sont commis par le bourgmestre, un mem-bre du conseil communal ou un agent communal. La loi ouvre un recours au Conseild'Etat contre cette décision (loi du 2 avril 1965, article 19).

Le Roi peut prononcer la dissolution de toute association de communes qui n'a pasproduit ses comptes dans le délai légal (loi du 1er mars 1922, article 12ter). Cette me-sure peut faire l'objet d'un recours pour excès de pouvoir au Conseil d'Etat.

(1) En général, les textes qui prévoient l'octroi de subventions permettent à l'auto-rité de supprimer ou de suspendre celles-ci en cas d'irrégularités- Voyez, parexemple, les articles 7 et 10 de l'arrêté royal du 19 juillet 1960 réglant l'agréa-tion des services d'aide aux familles et l'octroi de subventions à pareils servicescrée's par des associations sans but lucratif. Voyez aussi l'article 10 de la loi du19 juillet 1971, relative à l'octroi d'allocations et de prêts d'études.

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La loi du 23 décembre 1963 (1) sur les hôpitaux est applicable aux hôpitaux qui sontgérés par des personnes publiques et à ceux qui sont gérés par des personnes privées.Elle prévoit que le Ministre peut, après avis du conseil des hôpitaux, ordonner la fer-meture d'un hôpital ou d'un service qui ne répond pas aux normes légales (2). Unrecours suspensif est ouvert contre la décision de fermeture, auprès d'une juridictionadministrative (3), la commission d'appel des hôpitaux (4). La décision de cettejuridiction administrative peut faire l'objet d'un recours au Conseil d'Etat.

Les étudiants des universités de l'Etat et des centres universitaires de l'Etat peuventêtre frappés d'une des peines académiques prévues par l'article 60 de la loi du 28avril 1953 (5). Ces peines sont l'admonition, la suspension du droit de fréquenterles cours et l'exclusion. Elles sont, selon les circonstances, prononcées soit par lerecteur, soit par le conseil académique, soit par le Ministre. La loi prescrit le respectdes droits de la défense des étudiants. La mesure disciplinaire peut faire l'objet d'unrecours pour excès de pouvoir au Conseil d'Etat (6) (7).

(1) Article 16.(2) L'article 18 de la loi du 23 décembre 1963 prévoit, pour la même faute, des

sanctions pénales.(3) Loi du 23 décembre 1963, articles 16 et 17.(4) Arrêté royal du 26 octobre 1964.(5) Modifiée par la loi du 9 avril 1965. Pour un cas de sanctions disciplinaire prise à

l'égard d'un étudiant d'une université de l'Etat, voyez l'arrêt WILLOCKX,no. 14.865 , du 5 juillet 1971.

(6) Par contre, le Conseil d'Etat ne serait pas compétent pour connaître d'un recoursen annulation dirigé contre une mesure disciplinaire infligée à un étudiant ou àun assistant par une université libre, parce qu'une université libre n'est pas uneautorité administrative (voyez les arrêts du Conseil d'Etat, FUSS, no. 15.326 ;WATTIER, no. 15.327 et NEJSZATEN, no. 15.328 , du 1er juin 1972). Au su-jet de la discipline à l'égard des étudiants des universités libres, voyez BRUXEL-LES, 1er avril 1863 - Pas., 1864, II, 241. En ce qui concerne la discipline à l'é-gard des élèves de l'enseignement secondaire officiel, v. les arrêts du Conseild'Etat, DE LAET, no. 15.038 et VOGEL, no. 15.039, du 2 décembre 1971.Quant aux établissements libres d'enseignement secondaire ou technique, ils nesont pas non plus des autorités administratives (voyez les arrêts du Conseil d'Etat,DELHAYE, no. 14.030, du 18 mars 1970, et BRUWIER, no. 14.271, du 1er

octobre 1970).(7) Parmi les mesures dont nous n'avons pas parlé dans le présent rapport, on pour-

rait citer celles qui sont prises à l'égard des personnes qui sont détenues dans lesprisons (voyez à ce sujet, l'arrêt du Conseil d'Etat, GELDOF, no. 12.238 , du22 février 1967).

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VIII. LA REPARATION DU DOMMAGE CAUSE PAR LA SANCTIONADMINISTRATIVE.

Un dernier mot au sujet du contentieux des sanctions administratives. Lorsque lecontrôle juridictionnel de ces sanctions est limité à un contrôle de légalité, ce qui estle cas notamment du Conseil d'Etat lorsqu'il statue au contentieux de l'annulation,la juridiction n'a pas d'autres pouvoirs que celui d'annuler la sanction. Mais, dans cecas, celui auquel la sanction a causé un dommage peut, en outre, en obtenir la répara-tion selon les règles normales qui régissent la responsabilité des pouvoirs publics.Sans entrer dans le détail, signalons que les contestations relatives à cette responsabi-lité relèvent de la compétence des tribunaux de l'ordre judiciaire dans la plupart descas, c'est-à-dire lorsque le dommage résulte d'une faute, et qu'une compétence rési-duaire est accordée au Conseil d'Etat statuant en équité, pour réparer les dommagesexceptionnels, lorsqu'aucune autre juridiction n'est compétente.

IX. LE CUMUL DES SANCTIONS ET L'EFFET A L'EGARD DE L'ADMINIS-TRATION DE LA CHOSE JUGEE AU PENAL.

Une sanction administrative peut-elle se cumuler avec une autre sanction administra-tive ou avec une sanction pénale ? Le principe suivant lequel nul ne peut être punideux fois en raison du même fait n'exclut que les peines du même ordre (1).L'autorité administrative peut donc qualifier de manquement à la discipline et sanc-tionner un fait qui a déjà été retenu par le fisc comme une infraction à la législationfiscale (1). Les mêmes faits peuvent donner lieu à une peine disciplinaire et à une au-tre sanction administrative (2) ou à deux sanctions administratives différentes (3).Il résulte d'une jurisprudence constante du Conseil d'Etat que l'action pénale et l'ac-tion disciplinaire administrative, tant par leur nature que par le but qu'elles poursui-vent, se meuvent sur des plans nettement distincts (4). L'administration peut doncinfliger une peine disciplinaire à un agent pour des faits qui ont déjà donné lieu à une

(1) Arrêt du Conseil d'Etat VAN GRIEKINGEN, no. 11.389, du 8 juillet 1965.(2) Arrêt VILLE DE BRUXELLES, no. 8.761, du 14 juillet 1961 et le rapport du

Substitut de l'Auditeur général DUMONT, dans R.J.D.A., 1962, pp. 20-21.(3) Arrêt LISBET, no. 14.385, du 4 décembre 1970.(4) Voyez les tables permanentes du Recueil des arrêts et avis du Conseil d'Etat.

421 V° AGENTS ET FONCTIONNAIRES PUBLICS, XV, F.

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condamnation pénale. De même, en matière de réglementation économique, le mêmefait punissable peut donner lieu d'abord à une sanction administrative de fermeturede l'entreprise et, ensuite, à la répression pénale (1).

Les poursuites pénales ont-elles pour effet de suspendre la procédure administrative ?

En cas de poursuites pénales, l'autorité administrative n'est tenue de surseoir à statuerjusqu'au prononcé du jugement que si une prescription spéciale l'y oblige (2).

L'autorité administrative est liée par la force de la chose jugée qui s'attache aux déci-sions des cours et tribunaux quant à la constatation des faits, mais il lui appartientd'apprécier si ces faits peuvent justifier une sanction administrative, même lorsque letribunal a prononcé l'acquittement (3).

(1) Avis de la section de législation du Conseil d'Etat précédant la loi du 30 juillet1971 - Sénat, session 1970-1971, Doc. 682, p. 51. A comparer à la loi du 23 dé-cembre 1963 sur les hôpitaux, qui, pour la même faute, prévoit une sanction ad-ministrative (article 16) et une sanction pénale (article 18).

(2) Voyez l'arrêt du Conseil d'Etat BAUWENS, no. 12.363, du 28 avril 1967. Cer-tains statuts prévoient que l'action pénale suspend l'action disciplinaire (voyeznotamment l'article 81 du statut des agents de l'Etat)-

(3) Voyez les tables permanentes du recueil des arrêts et avis du Conseil d'Etat,Vo AGENTS ET FONCTIONNAIRES PUBLICS. XV. F.

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