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N° 243 AVRIL 2010 dépasser les frontières LASER LA RéVOLUTION INNOVATION Entretien avec Jean-Paul Herteman Safran et le CNRS : un goût commun pour la recherche

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Page 1: La révoLution LASER - CNRS Le journal

N° 243 AVRIL 2010

dépasser les frontières

LASERLa révoLution

INNoVAtIoNEntretien avec Jean-Paul Herteman

Safran et le CNRS :un goût commun pour la recherche

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Page 3: La révoLution LASER - CNRS Le journal

sommaireSOMMAIRE 3

Le journal du CNRS n° 243 avril 2010

HORIZON > En route vers une nouvelle physique, p. 36© C

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VIE DES LABOS > Les maisons écolos du futur, p. 6

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Le journal du CNRS 1, place Aristide-Briand92195 Meudon Cedex Téléphone : 01 45 07 53 75Télécopie : 01 45 07 56 68Mél. : [email protected] journal en ligne :www2.cnrs.fr/presse/journal/CNRS (siège)3, rue Michel-Ange75794 Paris Cedex 16

Directeurde la publication :Alain FuchsDirectricede la rédaction :Marie-Hélène BeauvaisDirecteur adjoint de la rédaction :Fabrice Impériali

Rédacteur en chef adjoint :Matthieu RavaudChefs de rubrique :Fabrice DemarthonCharline Zeitoun

Rédactrice :Anne LoutrelAssistante de la rédaction et fabrication :Laurence WinterOnt participé à ce numéro :Kheira BettayebJulien BourdetJean-Philippe BralyPatricia ChairopoulosCaroline DangléantChristian DebraisneDenis DelbecqSebastián Escalón Grégory FléchetMathieu GroussonStéphan JulienneXavier MüllerMarion PapanianVahé Ter MinassianPhilippe Testard-VaillantGéraldine Véron

Secrétaire de rédaction :Anne-Solweig GremilletConception graphique :Céline HeinIconographe :Cecilia VignuzziCouverture :F. Vrignaud/CNRS Photothèque ; F. Pitchal/SAFRANPhotogravure :Scoop CommunicationImpression :Imprimerie Didier Mary6, route de la Ferté-sous-Jouarre77440 Mary-sur-MarneISSN 0994-7647AIP 0001309Dépôt légal : à parutionPhotos CNRS disponibles à :[email protected]://phototheque.cnrs.fr/

La reproduction intégrale ou partielledes textes et des illustrations doit faire obligatoirement l’objet d’unedemande auprès de la rédaction.

VIE DES LABOS P. 6.> REPORTAGELes maisons écolos du futur> ACTUALITÉS P. 8Les derniers résultats de la recherche > MISSION P. 13À l’assaut des humeurs du Soleil

INNOVATION P. 14 Un goût pour la rechercheEntretien avec Jean-Paul Herteman

PAROLE D’EXPERT P. 16 Gitans : halte aux idées reçuesEntretien avec Marc Bordigoni

JEUNES CHERCHEURS P. 17L’exploratrice du cerveauPortrait de Carine Karachi

L’ENQUÊTE P. 18

La révolution

LASERRécit d’une découverte lumineuse > 19 Des lasers à tout faire > 22D’autres promesses pour demain > 25

ZOOM P. 28.Jeux de mains à Bornéo

RENCONTRE AVEC P. 31.Une philosophe très romanesquePortrait de Gwenaëlle Aubry, Prix Femina 2009

IN SITU P. 32« Une vraie dynamique s’est créée »Entretien avec JacquelineLecourtier, directrice générale de l’Agence nationale de la recherche (ANR)

HORIZON P. 36En route vers une nouvelle physiqueEntretien avec Michel Spiro,président du conseil du Cern

GUIDE P. 38Le point sur les livres, les expos, les manifestations, les films…

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VIE DES LABOS >Une explication pour le paradoxefrançais, p. 12

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ÉCLATS4

Une molécule capabled’empêcher le passage du VIH d’une cellule à uneautre a été mise au point pardes chercheurs de l’Institutde biologie structurale Jean-Pierre-Ebel1, en collaborationavec des scientifiques

italiens et espagnols. Elle permet de bloquer lerécepteur DC-SIGN, présentà la surface de certainescellules immunitaires (lescellules dendritiques) et utilisé par le VIH pourenvahir l’organisme dans les premiers temps de l’infection. Très solubledans le milieu physiologique,non toxique et dotée d’unestructure assez simple, la molécule a démontré son

efficacité in vitro. Leschercheurs souhaitentmaintenant entamer des testsprécliniques sur des modèlesanimaux. Cette découverte–brevetée par le CNRS etl’université Joseph-Fourier–s’avère d’autant plusimportante que la substancepourrait contrer d’autrespathogènes utilisant lerécepteur DC-SIGN, commeles virus de l’hépatiteC, de ladengue ou Ebola, la bactérieMycobacterium tuberculosiset certains parasites.1. CNRS / Université Joseph-Fourier / CEA.

Ô LE SUCCÈS SCIENTIFIQUE

Une molécule prometteuse contre le sida

Les deux directeurs généraux du CNRSviennent d’être nommés par Alain Fuchs,président de l’organisme : Joël Bertrandoccupe cette fonction en tant que déléguéà la science depuis le 25 février et XavierInglebert en tant que délégué auxressources du CNRS depuis le 15 mars.Ces deux fonctions ont été créées lorsdes décrets ministériels des 1er novembreet 29 octobre 2009. Avec le présidentAlain Fuchs, ils forment tous les trois lenouveau directoire du CNRS. Joël Bertrand sera à présent, aux côtés

du président de l’organisme, en chargede la coordination des dix instituts duCNRS, de l’interdisciplinarité et despartenariats. Médaille de bronze duCNRS en 1986, et directeur de recherchedu CNRS depuis 1989, Joël Bertrand,également maître ès scienceséconomiques, est devenu en 2001directeur du laboratoire de géniechimique1, puis directeur du RTRA« Sciences et technologies pourl’aéronautique et l’espace » en 2007. Quant à Xavier Inglebert, agrégéd’histoire en 1986, enseignant pendanthuit ans, puis élève à l’École nationaled’administration, il a occupé des postesde sous-préfet sur le terrain pendantplusieurs années entre 1996 et 2007.Rapporteur à la Cour des comptes de2000 à 2002, cet administrateur civil horsclasse occupait avant sa nomination leposte de sous-directeur del’administration générale et des financesau ministère de l’Intérieur. Il prolongeral’action dirigeante du président du CNRSdans le domaine des ressourceshumaines et financières.

1. Unité CNRS / INP Toulouse / Université Toulouse-III.

Ô L’ÉVÈNEMENT

Joël Bertrand et Xavier Inglebertdirecteurs généraux du CNRS

UNE MATHÉMATICIENNEFEMME DE L’ANNÉELa mathématicienne AlessandraCarbone, professeur au départementinformatique de l’université Pierre-et-Marie-Curie et responsabledu laboratoire Génomique des micro-organismes 1, a reçu le Prix Irène-Joliot-Curie de la femme scientifique de l’année, le 8 mars dernier. Le jury de la 9e édition de ce prix, qui récompense trois femmes danstrois catégories différentes, étaitprésidé par Françoise Barré-Sinoussi,Prix Nobel de médecine 2008.Alessandra Carbone a été distinguéepour avoir apporté une contributionpersonnelle remarquable dans ledomaine de la recherche en France.Chacune des lauréates a reçu une dotation de 10000 euros.

1. Laboratoire CNRS / UPMC.

Philippe Baptiste à la tête des sciencesinformatiquesPhilippe Baptiste a été nommédirecteur par intérim de l’Institut des sciences informatiques et leursinteractions (INS2I) du CNRS, le 25 février dernier, par Alain Fuchs,président de l’organisme. Il remplaceMichel Habib, démissionnaire.Directeur de recherche au CNRS et professeur chargé de cours à l’Écolepolytechnique, dont il dirige leLaboratoire d’informatique 1, PhilippeBaptiste est directeur adjointscientifique de l’INS2I depuisseptembre 2009. Ses travaux de recherche en théorie de l’ordonnancement, en optimisationcombinatoire et en rechercheopérationnelle, publiés dans unequarantaine de revues internationales,ont été récompensés par plusieurs prix.Membre du Comité national de larecherche scientifique de 2004 à 2008(section 7), Philippe Baptiste a aussimené de nombreux partenariats avecdes industriels comme Microsoft, Ilog,Thales ou Eurocontrol. Il a égalementcréé, avec Youssef Hamadi, la chaire« Optimisation et développementdurable » réunissant le CNRS, Microsoftet l’École polytechnique.

1. Laboratoire CNRS / École polytechnique.

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> www2.cnrs.fr/presse/communique/1829.htm

Le journal du CNRS n° 243 avril 2010

Virus du sidaà la surfaced’unlymphocyteT4 infecté.

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5ÉDITO

Le journal du CNRS n° 243 avril 2010

éditoedito

Les lasers ont fait rêver des générations de scientifiques

et nourrissent encore la créativité des chercheurs. Au

moment où l’on fête leurs 50 ans, on constate qu’ils

sont aussi devenus des outils essentiels pour l’innovation

technologique, comme le montre l’enquête du Journal du

CNRS. Ils constituent aussi des éléments fondamentaux pour le

développement de nos entreprises.

La France, dans le domaine de la recherche, occupe une place de

choix dans la compétition internationale sur les lasers et la photo-

nique. En attestent les lauriers internationaux attribués à de grands

chercheurs français, tout particulièrement le prix Nobel de Claude

Cohen-Tannoudji ou le très récent prix Wolf d’Alain Aspect.

Cette excellence, si elle est partiellement due à une forte tradition

historique, relève aussi d’une position du CNRS qui a, dans son

soutien à la recherche fondamentale, développé ce thème quand

le laser n’était qu’une « source de laboratoire » sans perspective

d’applications industrielles. Je ferai référence à une expérience per-

sonnelle. Dans les années 1970-1980, Bernard Couillaud, qui a

mené depuis une brillante carrière industrielle aux États-Unis, et

moi-même avons pu développer à Bordeaux un groupe de re-

cherche sur les lasers grâce à une « aide individuelle CNRS ». C’était

le ferment d’un développement du domaine en Aquitaine, qui

s’est accéléré avec l’arrivée du laser Mégajoule et la croissance

des laboratoires universitaires bordelais.

Mais au moment où les applications du laser envahissent la plu-

part des secteurs industriels, on ne peut se dispenser d’une réflexion

sur notre façon d’exploiter les avancées de nos laboratoires dans

ce domaine. La Commission européenne a placé la photonique

dans les cinq technologies-clés pour les

prochaines décennies, les Allemands et

les Anglais en ont fait leur première prio-

rité. Il faut reconnaître que la France n’en

est pas encore à ce stade. Heureusement,

les choses évoluent, notamment grâce à la

mobilisation de la communauté française qui a donné naissance

au Comité national d’optique photonique (Cnop). Le Cnop regroupe

7 pôles optiques régionaux dont 3 pôles de compétitivité, 3 socié-

tés savantes et s’appuie sur l’Institut de physique (INP) et l’Institut

des sciences de l’ingénierie et des systèmes (INSIS) du CNRS. Sa

mission consiste à défendre la position française au niveau euro-

péen en assurant une bonne coordination des ambitions natio-

nales en matière de recherche scientifique et industrielle.

Le dynamisme du Cnop pourrait contribuer à rattraper le retard

de notre pays dans le domaine des applications des lasers et de la

photonique, qui s’explique en grande partie par la manière dont

l’industrie s’est structurée dans ce secteur. L’enjeu est de taille, car

il s’agit d’un secteur à forte valeur ajoutée, créateur d’emplois

difficiles à délocaliser. Cette optimisation du transfert des décou-

vertes scientifiques vers notre industrie, doit s’accompagner d’un

effort accru vers la recherche. Nous pourrons alors espérer de

remarquables avancées des chercheurs et de nouvelles applications.

La manifestation nationale de clôture des 50 ans, qui se tiendra à

Bordeaux en décembre prochain, ouvrira une large discussion

sur ces perspectives.

André DucassePrésident du pôle de compétitivitéALPhA-Route des LasersVice-président du Comité nationaldes 50 ans des lasers

Le laser,une technologie d'avenir

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En cette fraîche journée de février, le soleil brillesur le campus de la Doua, à Villeurbanne.« Du coup, aujourd’hui, le bâtiment d’enseigne-ment que vous voyez risque la surchauffe : eneffet, l’isolation est tellement bonne que l’énergie

accumulée ne peut pas être évacuée », explique Jean-Jacques Roux, du Centre de thermique de Lyon (Cethil)1.Spécialiste depuis plus de vingt-cinq ans du compor-tement thermique des bâtiments, il copilote le labora-toire commun Bâtiments à haute efficacité énergéti-que (BHEE) avec son collègue Jean-Luc Hubert, d’EDFrecherche & développement. Créé il y a cinq ans parEDF et le Cethil, le BHEE compte aujourd’hui unecinquantaine de personnes 2. C’est deux fois plus qu’ily a quatre ans. Leur objectif ? Assurer des bases soli-des à la quête d’efficacité énergétique et de basseconsommation dans les bâtiments en développant desmodèles de comportement énergétique fiables, nour-ris de données précises sur les matériaux utilisés.Alors que le Grenelle de l’environnement a proposéd’imposer une norme de construction à « énergiepositive » – des bâtiments qui produisent plus d’éner-gie qu’ils n’en consomment – à partir de 2020, leschercheurs du BHEE s’attellent à montrer commenty parvenir. « Jusqu’à présent, les efforts se sont concentréssur la période de chauffage, résume Jean-Jacques Roux.

D’où la tendance à construire des coquilles très isolées.Est-ce bien la solution ? D’une part on réduit les apportssolaires en période hivernale, et d’autre part on piègel’excédent de chaleur parfois produit en interne, qu’il est alorsdifficile d’évacuer. » De plus, à quoi sert de réduire lafacture énergétique hivernale s’il faut climatiser dès lami-saison? La solution doit être optimale pour l’ensem-ble de l’année.

UN LIEU SOUS CONTRÔLE Au BHEE, les chercheurs étudient principalementl’enveloppe des bâtiments (façades, toit) et l’intégrationde technologies solaires à celle-ci. Deux axes qui repo-sent autant sur l’étude des performances des matériauxque sur la modélisation des bâtiments, effectuée àl’aide d’outils de simulations validés par des expérien-ces grandeur nature.Dans le grand hall qui accueille une partie des expérien-ces du BHEE, on découvre ainsi Minibat, une « habi-tation » dont l’environnement climatique est totale-ment contrôlé. La température et l’humidité de l’air ysont réglées pour reproduire les conditions extérieuresou simuler la présence d’un logement contigu. Encours de rénovation, Minibat est aujourd’hui une piècevide, de six mètres sur trois et deux mètres cinquantede hauteur. La façade donne sur le générateur climati-

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VIEDESLABOS Reportage6

Le journal du CNRS n° 243 avril 2010

DÉVELOPPEMENT DURABLE

Des scientifiques préparent l’habitat écologique de demain au sein d’un laboratoire commun au Centre de thermique de Lyon et à EDF. Alors que ces deux partenaires viennent de renouveler pour quatre ansleur accord de coopération, visite guidée de ce que sera peut-être le bâtiment du futur.

Les maisons écolos du futur

Minibat est une pièce dontl’environnement climatique esttotalement contrôlé. Elle recevrabientôt une façade en briques de verre incorporant de la cire,éclairée par un soleil artificiel.

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que : un espace dans lequel de puissants projecteurssimulent le soleil et où circule – pendant les expérien-ces – un flux d’air reproduisant les conditions exté-rieures. Les expériences sont ainsi totalement maîtri-sées et parfaitement reproductibles.Toutes les parois sont bardées de capteurs, capables demesurer la température, et le flux de chaleur qui lestraverse. Dans quelques semaines, Minibat recevra sanouvelle façade : un assemblage de briques de verre rem-plies d’un matériau dit « à changement de phase », quifond en captant de la chaleur et se solidifie en la libé-rant. « C’est une piste importante pour les bâtiments àhaute efficacité énergétique », explique Jean-Jacques Roux.Pour éviter la surchauffe en hiver, liée à une forte iso-lation, le matériau à changement de phase fond enprélevant l’excès d’énergie dans le bâtiment. Celle-ci estlibérée la nuit au cours de la solidification pour préchauf-fer l’air destiné à l’intérieur, réduisant ainsi le besoinde chauffage lorsqu’il fait plus frais. Le système fonc-tionne aussi l’été où il est possible de réduire les besoinsde climatisation, voire de les supprimer en amortissantles surchauffes de température. La chaleur en excès esttoujours piégée la journée et libérée la nuit, mais cettefois vers l’extérieur du bâtiment.Reste à déterminer le meilleur matériau à changementde phase pour réguler l’intérieur des bâtiments : il doitfondre autour de 22°C, et résister à d’innombrablescycles fusion-solidification. D’où le recours à des paraf-fines tirées du pétrole ou à des graisses d’origine végé-tale. « Nous avons travaillé, dans le cadre du programmeHabisol de l’Agence nationale de la recherche (ANR), entreautres avec Dupont de Nemours et EDF, sur des panneauxintégrant de petites capsules de matériaux à changementde phase », poursuit le chercheur lyonnais.

MURS À DOUBLE PEAULe BHEE consacre également d’importants efforts àl’étude des enveloppes des bâtiments, et notammentles « murs à double peau » comme ces façades qui por-tent des panneaux solaires photovoltaïques. Panneauxsitués à quelques centimètres des murs de manière àassurer leur refroidissement par l’arrière. « Les per-formances des cellules diminuent quand leur températureaugmente. Il faut donc les ventiler, si possible naturellement.En hiver, dans l’idéal, cette chaleur pourrait réchauffer lebâtiment, mais il faut surtout éviter qu’elle y pénètre en été. »Un dispositif expérimental, avec une alternance depanneaux solaires et de parois vitrées sur toute lahauteur de la façade, permet de tester en vraie gran-deur l’efficacité de ce composant de façade. « Noustestons toute une gamme de situations pour déterminer lecomportement optimal de cette double peau », conclutJean-Jacques Roux.Murs à changement de phase ou à double peau… Ledéveloppement de ces nouvelles structures nécessitemodélisations et simulations. Car les nouveaux maté-riaux, par exemple, ne font pas tout. Il faut aussi savoiroù les installer précisément. Depuis plusieurs décen-nies, le Cethil s’est donc fait une spécialité de la modé-lisation « thermo-hygro-aéraulique » des bâtiments :l’étude des échanges de chaleur, des flux d’air et de

leur humidité. Car, comme dans beaucoup de domai-nes, la simulation est le moyen le plus souple pourtester idées et concepts. Une modélisation qui faitappel à de nombreux paramètres : il faut à la fois repré-senter le bâtiment, sa géométrie, ses matériaux, maisaussi son environnement : éclairement solaire, ombres,vent, humidité et même rayonnement issu du ciel et desnuages – de jour comme de nuit. Il faut aussi prendreen compte le mode de ventilation et bien sûr l’humi-dité de l’air, car la condensation peut rapidement dégra-der les matériaux et leurs performances. Et, enfin, inté-grer les systèmes de chauffage et de climatisation(chaudière, électricité, solaire thermique, pompe àchaleur simple ou couplée à une installation géother-mique, etc.) ainsi que leur régulation. « Nous simulonsl’ensemble sur ordinateur sur le long terme, au moins surune année, en tenant compte des données météorologiqueslocales, résume Jean-Jacques Roux. Cela nous permetpar exemple de vérifier qu’une idée qui semble bonne pourl’hiver présente également de bonnes performances en été ouen demi-saison. »

DES BULLES POUR VALIDER LES MODÈLESAussi complète soit-elle, la modélisation se heurte à unedifficulté de taille : le comportement des occupants.« Dans l’écoquartier de Fribourg en Allemagne, la consom-mation annuelle au mètre carré varie dans un rapport de1 à 5 d’un logement à l’autre! Cela s’explique essentiellementpar le comportement des occupants. » Comme quoi,malgré les progrès techniques, rien ne se fera sanssensibiliser les utilisateurs.Dans l’immédiat, les chercheurs et techniciens duBHEE espèrent pouvoir financer le projet « 33 », inspiréde Minibat : un cube de trois mètres de côté, placé enambiance totalement contrôlée (pression, hygromé-trie et température), et équipé entre autres d’un systèmed’imagerie de pointe afin de visualiser les mouvementsde l’air dans la pièce à l’aide d’une technique appeléevélocimétrie par suivi de particules. Au lieu d’un cap-teur de vitesse locale qu’il est nécessaire de déplacer enchaque point de mesure, les chercheurs du BHEE sui-vent les mouvements de minuscules bulles de savonremplies d’hélium, à l’aide d’un trio de caméras à hautevitesse (120 images par seconde). « Hier, la mesure duchamp de vitesse de l’air dans une pièce prenait une semaineavec le capteur de vitesse ; dans « 33 » ce dispositif permet-tra de faire la même chose en moins d’une heure et avec unemeilleure précision ! » Rendez-vous est pris en 2012, siles financements sont là.

Denis Delbecq

1. Unité CNRS / Insa de Lyon / Université Claude-Bernard de Lyon.2. Celles-ci travaillent sur le campus de la Doua et au centre de recherches des Renardières d’EDF.

VIEDESLABOS 7

Le journal du CNRS n° 243 avril 2010

CONTACTSÔ Jean-Jacques RouxCethil, [email protected]

Ô Jean-Luc HubertEDF, [email protected]

Chez EDF, le futur bâtiment-laboratoire Bestlab serviranotamment à valider, dans un climat réel, des mesuresobtenues par le BHEE.

Cette expérience permetd'étudier la manière dont lachaleur d'un panneau solaire se transmet à la façade.

Étude thermique d'une minceparoi comportant des capsulesde cire. Celles-ci sont destinéesà capter les excès de chaleurlibérés dans un bâtiment.

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VIEDESLABOS Actualités8

Le journal du CNRS n° 243 avril 2010

ARCHÉOLOGIE

Neuf mois de fouilles entre 2008 et 2009auront été nécessaires à l’équipe deSébastien Bully, du laboratoire « Archéo-logie, terre, histoire, sociétés » (AR-

TeHIS) 1, pour sortir de terre les vestiges de l’unedes églises de l’abbaye de Luxeuil-les-Bains enFranche-Comté. Quel Luxovien aurait pu s’ima-giner que sous la place où il faisait son marchése cachaient près de 125 sarcophages datés entrele Ve et le début du VIIIe siècle ? Comment aurait-il pu penser qu’il s’agissait là de l’une des plusgrandes concentrations de l’Est de la France ?« Les premières tombes et les premiers squelettes nesont qu’à quelques centimètres du sol actuel, confieSébastien Bully. On passe presque directement dugoudron de la route aux couvercles des sarcophages. »Ce bond chronologique éclair s’explique : l’ensem-ble des couches supérieures du sol a disparuparce qu’au XIXe siècle, la ville a abaissé le niveaude la place à deux reprises. C’est à la suite d’un sondage effectué en prévi-sion de travaux que les archéologues ont décou-vert le site et engagé les fouilles programmées.« En 2005, précise l’archéologue, nous avons fait une grande tranchée sur la place parce que dessources d’archives et des plans anciens indiquaientla présence d’une église funéraire appartenant à l’abbaye de Luxeuil, l’une des abbayes les plus prestigieuses du monde occidental du haut MoyenÂge. » Cette renommée, elle la doit à son fondateurColomban, un moine irlandais, et à ses multiples

disciples. Grâce à eux, l’abbaye va devenir unlieu de formation d’abbés et d’évêques qui, àleur tour, fonderont une cinquantaine de monas-tères dans toute l’Europe. Luxeuil s’imposeraalors, entre le VIIe et le Xe siècle, comme une véri-table capitale monastique. Aujourd’hui, les résultats de ces fouilles remet-tent en question une partie de l’histoire de laville et de la fondation de son abbaye. On pensaitque saint Colomban avait édifié son monastèreà la fin du VIe siècle dans une ville antique en ruineet désertée. Or, sur les 650 m2 de fouilles, lesarchéologues ont constaté qu’il existait des preu-ves matérielles de la permanence d’une occu-pation. La plus ancienne, un quartier artisanal,remonte au Ier siècle après Jésus-Christ. D’autresédifices se sont succédés au cours du temps dansles mêmes lieux : un habitat urbain galloromainou domus du IIe siècle, une nécropole païenne auIVe siècle ou encore une basilique paléochré-tienne aux V et VIe siècles.La première mention de cette église funéraireremonte à la fin du Xe siècle, dans un texte rela-tant l’inhumation « dans une crypte d’un travailadmirable » 2, de saint Valbert, troisième abbé deLuxeuil. « Matérialiser et identifier cet espace à par-tir de sources écrites aussi anciennes, insiste l’ar-chéologue, c’est rarissime. Grâce à cela, nous avonspu confronter le texte à la réalité : une salle qua-drangulaire dont le décor architectural ne correspon-dait en rien à l’image que l’on pouvait s’en faire. » Les

murs sans peintures, ni fresques, ni sculpturesétaient seulement animés par des niches aveugles. Les vestiges du haut Moyen Âge mis au jour sontexceptionnels car ils restent très rares en Franche-Comté. Et leur analyse, par des études pluridisci-plinaires (anthropologie, étude des céramiques,des monnaies…), apportera un riche complémentaux sources historiques. Les conclusions défini-tives devraient être rendues en fin d’année. Depuis la fin du mois de janvier, le chantier defouilles est terminé mais le site ne sera pas rem-blayé. En effet, la ville de Luxeuil envisage depréserver les lieux et de mettre en valeur cesdécouvertes. Pour cela, une demande de protec-tion au titre des monuments historiques et unprojet de musée sont en cours. Après restaura-tion, les vestiges seront exposés. Des passerelleset des vitres de verre seront aménagées directe-ment sur le site pour permettre aux visiteurs demarcher sur les traces de la ville antique de Luxo-vium et de son monastère.

Géraldine Véron

1. Unité CNRS / Université de Bourgogne / Ministère de la culture et de la communication.2. Récit des miracles des abbés Eustasie et Valbert, écrit par l’abbé Adson.

VIEDESLABOS Actualités

CONTACTÔ Sébastien BullyArchéologie, terre, histoire, sociétés (ARTeHIS),[email protected]

En Haute-Saône, desarchéologues du CNRS viennentd’exhumer les vestiges de l’un des plus importantsmonastères d’Europe du haut Moyen Âge : environ125 sarcophages, des murs bien conservés d’une églisefunéraire et une crypte.

Une stèle funéraire antique sculptée forme le couvercle de ce sarcophage (Ve siècle).

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Un monastère à fleur de bitume

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Le journal du CNRS n° 243 avril 2010

ALZHEIMER

L’énigme du cuivre presque résolue

Depuis quelques années, onsait que le cuivre, et plus pré-cisément l’ion cuivrique Cu2+,

est impliqué dans la maladied’Alzheimer. Des éléments à chargeont été avancés par plusieurs labo-ratoires dans le monde, sans que lesdétails exacts sur son rôle et lamanière dont il interagit avec lesautres éléments de la maladie nesoient connus. Aujourd’hui, lestravaux réalisés au laboratoire « Sys-tèmes membranaires, photobio-logie, stress et détoxication »(SMPSD) 1, à Saclay, et au Labora-toire de chimie de coordination(LCC) du CNRS à Toulouse, appor-tent enfin des réponses précisessur ce point.Plus exactement, les scientifiquessont parvenus à déchiffrer l’inter-action de l’ion cuivrique avec l’amy-loïde-β. Ce peptide, constitué d’unechaîne de 40 à 42 acides aminés, estconnu pour sa participation à lamaladie d’Alzheimer. Dans un cer-veau sain, il se trouve sous forme

soluble. Dans celui d’un malade, ils’agrège en plaques saturées d’ionsmétalliques neurotoxiques (dontl’ion cuivrique).« Il y avait beaucoup de controversesconcernant les acides aminés impli-qués dans la fixation du cuivre », expli-que Pierre Dorlet, chercheur auSMPSD. La diversité des méthodesutilisées depuis 2000 ne permet-tait en effet pas de les identifier aveccertitude. « Nous avons donc utilisé unensemble de méthodes dites spectrosco-piques et recoupé les résultats de tou-tes nos mesures. De façon univoque,nous avons réussi alors à déterminerquels étaient les acides aminés dupeptide qui fixaient l’ion cuivrique. »À savoir deux acides aspartiques(Asp 1 et 7), deux acides glutamiques(Glu 3 et 11) et deux histidines(His 13 et 14).À Saclay, les chercheurs ont faitappel à la résonance paramagné-tique électronique (RPE). À Toulouse,à la résonance magnétique nucléaire(RMN). Ces deux méthodes ana-

logues de sondage des éléments ontabouti aux résultats publiés ennovembre et en décembre dernierdans le journal allemand Ange-wandte Chemie 2. Reste à déterminer l’ordre deschoses. « Ce que l’on ne connaît pasencore, souligne Pierre Dorlet, c’estla place du cuivre dans la chronologiede la maladie : si la concentration decuivre est une des sources du mal ousi le mal est à l’origine de la concentra-tion du cuivre. » La compréhensionde cette étape dans la maladie d’Alz-heime pourrait, à long terme, contri-buer à la mise au point d’unremède.

Stéphan Julienne

1. Laboratoire CNRS / CEA.2. Vol. 48, Issue 50, 7 décembre, 2009,pp. 9 522-9 525Vol. 48, Issue 49, 23 novembre 2009,pp. 9273-9276

ÉVOLUTION

Une hasardeuse histoire de l’humanité

Selon le concept de sélectionnaturelle imaginé par Darwin,l’environnement modèle les

espèces en éliminant les individusles moins adaptés à leur milieu.Chez l’humain, c’est au contrairele hasard, que les scientifiques qua-lifient de dérive génétique, qui seraitle principal moteur de l’évolution. Etce depuis les premières migrationsd’Homo sapiens en dehors de l’Afri-que, il y a 60 000 ans. Son impor-tance dans le façonnage de l’espècehumaine vient d’être confortée parune nouvelle étude de grandeampleur1 menée par des chercheursdu laboratoire Anthropologie bio-culturelle 2 et de l’université de Stan-ford, aux États-Unis. Pour disposer d’un échantillonsuffisamment représentatif despopulations humaines contempo-raines, l’équipe a tout d’abord réuni

les données d’une cinquantained’études génétiques déjà publiées.À partir d’un vaste échantillon de45864 individus appartenant à 937populations différentes, les scienti-fiques ont mesuré la diversité géné-tique du chromosome Y. Ils ontensuite déterminé la valeur atten-due de cette diversité en partant del’hypothèse que seule la dérive géné-tique, ou la sélection naturelle, inter-venait. « La diversité mesurée étaittrès proche de celle obtenue dans l’hy-pothèse où seule la dérive génétiqueparticipait à l’évolution de l’homme,prouvant que le hasard avait doncjoué un rôle prépondérant », souli-gne Jacques Chiaroni. Présent enun seul exemplaire dans le génomemasculin, le chromosome Y al’avantage de ne pas être soumisaux échanges de matériel généti-que, appelés recombinaisons, entre

les 22 autres chromosomes groupéspar paires. Une particularité qui luipermet de garder intactes les muta-tions accumulées au fil du temps etde la colonisation de la planète parl’homme.Celle-ci a été entreprise à partir durift africain par de petits groupessuccessifs, d’un millier d’individustout au plus. Disposant d’un réser-voir de diversité génétique forcé-ment plus restreint que la popula-tion d’origine, ces pionniers ontsubi, au fil des générations, la pertealéatoire de certaines variations –desallèles – d’un même gène. Quantaux allèles qui furent épargnés parle phénomène, ils ont vu leur fré-quence augmenter très rapidementau fil du temps. C’est cette évolutionque les chercheurs ont analysée.Pour autant, notre espèce n’est pasparvenue à s’affranchir totalement

des lois de la sélection naturelle :« Même si celle-ci a encore perdu duterrain avec la maîtrise du langagepuis l’apparition de l’agriculture, quiont permis aux hommes de s’adapterà leur milieu avant que la nature neles y contraigne, explique JacquesChiaroni, cela ne signifie pas que lasélection naturelle n’a plus prise surnous. » En matière d’évolution lehasard ne ferait pas tout.

Grégory Fléchet

1. Article publié dans PNAS, le 1er décembre2009, vol. 106, n° 48, pp. 20 174-20 179. 2. Unité CNRS / Établissement français dusang / Université Aix-Marseille-II.

CONTACTÔ Pierre DorletSMPSD, [email protected]

CONTACTÔ Jacques ChiaroniAnthropologie bioculturelle,[email protected]

Vue générale de lanécropole. La plupart dessarcophages sont intacts,leurs couvercles scellantencore la cuve.

Page 10: La révoLution LASER - CNRS Le journal

Sur cette carte, on peutvoir un chapelet d’îlesmaintenant englouties(en bleu) qui auraitfavorisé la migrationd’espèces asiatiquesvers Madagascar.

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Le journal du CNRS n° 243 avril 2010

BIODIVERSITÉ

Pourquoi de nombreuses espèces de cet État insulaire d’Afrique ont-elles une origine asiatique? Des chercheurs français ont peut-être résolu cette énigme : de nombreuses îles, aujourd’hui immergées,ont formé un gué, propice aux escales, entre l’Inde et le continent africain.

L’odyssée des espèces de Madagascar

Voici l’un des plus persistants mystères del’histoire naturelle : l’origine de la biodi-versité de Madagascar. Vu la positiongéographique de la Grande Île, on s’at-

tendrait à ce que toutes les espèces qui l’habitent–ou presque– soient d’origine africaine. Or, il setrouve qu’un bon tiers des animaux et végétauxmalgaches sont d’origine asiatique. Commentdiable ont fait tant d’espèces d’oiseaux, insec-tes, reptiles, poissons et plantes pour réaliser unvoyage de plus de 3 600 kilomètres à traversl’océan Indien avant de s’installer à Madagascar?Cette question déconcerte depuis le XIXe siècle des savants aussi importants qu’Alfred Wallace,codécouvreur de l’idée de la sélection naturelle.Des chercheurs du laboratoire « Évolution etdiversité biologique » 1 de Toulouse et de l’univer-sité de la Réunion viennent de proposer uneexplication à cette bizarrerie. Dans un articlepublié dans la revue Cladistics 2, ils montrentqu’au cours des 35 derniers millions d’années, desvariations récurrentes du niveau de la mer ontlaissé affleurer de nombreuses îles dans l’océanIndien. Aujourd’hui englouties, ces îles auraientrendu possible cette étonnante migration d’espè-ces depuis l’Inde. Dans les années 1960, on avait cru cette affaireélucidée grâce à la tectonique des plaques : lepeuplement de Madagascar avait eu lieu il y aplus de 80 millions d’années, lorsque l’Inde,l’Afrique et Madagascar ne formaient qu’un seulsupercontinent, le Gondwana, qui s’est ensuitedésagrégé. Une belle théorie balayée dans les

années 1990, par le développement des techni-ques de séquençage rapide de l’ADN et l’explo-sion de la systématique moléculaire, approchesqui permettent d’estimer depuis combien detemps deux espèces se sont séparées d’un ancêtrecommun. Appliquées à la biodiversité malgache,elles ont montré que la plupart des espèces asia-tiques étaient arrivées bien après la dislocationdu Gondwana. Les chercheurs se retrouvaient à nouveau dansl’incapacité d’expliquer comment des milliersd’espèces avaient allégrement traversé l’océanIndien. Et ce, jusqu’à ce que nos chercheurs sepenchent sur de nouvelles cartes des fondsmarins et sur des données paléoclimatiques. « Ily a entre l’Inde et Madagascar une série de hauts-fonds. Durant les 35 derniers millions d’années, leniveau de la mer a considérablement varié de façonrépétée. À certaines périodes, il a été 150mètres plusbas. Or, en abaissant le niveau de la mer de seule-ment 75 mètres, nous voyons ces hauts-fonds se trans-former en un chapelet d’îles formant une sorte de guéentre l’île et le continent », explique ChristopheThébaud, chercheur au laboratoire EDB. Avec laprésence de ces « gîtes d’étape », la distancetransocéanique entre Madagascar et l’Inde passede 3 600 kilomètres à 1 500. De plus, certainesde ces îles avaient une surface considérable. Etelles ont pu abriter, durant leurs dizaines de mil-liers d’années d’existence, une riche biodiver-sité qui a ainsi pu se propager de proche en pro-che, avec l’aide des vents de la mousson d’hiverqui soufflent vers le sud-ouest.

Reste encore aux chercheurs à renforcer leurthéorie en testant certaines hypothèses. Par exem-ple, un point en sa faveur serait de démontrer quela plupart des espèces d’origine asiatique deMadagascar sont adaptées aux climats côtiersqui régnaient sur ces îles de passage. Mais déjà,

nos chercheurs voudraient tirer lesleçons de cet imbroglio qui duraitdepuis 150 ans : « L’un des intérêts deces travaux est de rappeler que l’on nepeut pas retracer l’évolution de la bio-diversité sans tenir compte des modifi-cations géographiques ayant eu lieuau cours du temps. »

Sebastián Escalón

1. Unité CNRS / Université Paul-Sabatier /Enfa.2. Publié en ligne le 15 décembre 2009.

CONTACTÔ Christophe ThébaudÉvolution et diversité biologique, [email protected]

PARTICULES

Mais d’où viennent donc lesrayons cosmiques ? Laquestion empoisonne les

astronomes depuis la découvertedu phénomène au début du XXe siè-cle. Ce flux de particules de hauteénergie venu de l’espace est consti-tué de protons, de quelques noyaux(principalement d’hélium) et de 1 %d’électrons. Et serait pour l’essentielproduit au sein de notre galaxie,dans des superaccélérateurs de par-ticules au sein d’étoiles moribon-des : les restes de supernovae. Saufque, malgré des décennies d’efforts,les scientifiques n’ont toujours pasréussi à le démontrer.Une équipe internationale asso-ciant 51 laboratoires dont cinq duCNRS 1 vient de franchir une étapedécisive vers l’établissement de cette

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La suie présentedans l'air desvilles peutdevenir unpuissant réactifatmosphérique.

la nuit unepartie des oxy-des d’azote qu’ellelibère à nouveau unefois le jour venu. Comme ilpeut être emporté très loin par lesvents en quelques heures, l’aérosolcarboné pourrait ainsi jouer le rôled’un transporteur nocturne longuedistance de ces initiateurs de l’ozone.

Vahé Ter Minassian

1 Pnas, 11 novembre 2009.2 Unité CNRS / Université Lyon-I.

Les astrophysiciens pensentque les rayons cosmiquessont créés au sein de restesde supernovae. Grâce au téléscope spatial Fermi, ils ont réussi à réunir denouveaux éléments en faveurde cette thèse.

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Le journal du CNRS n° 243 avril 2010

AÉROLOGIE

La suie, quelle poisse!

C’est une nuisance bien identi-fiée. L’un de ces polluantscaractérisés de longue date.

Produite par la combustion desmoteurs ou par les feux de chemi-née, la suie qui baigne en perma-nence dans l’air de nos villes estconnue depuis longtemps pour avoirdes impacts négatifs sur la santé,la visibilité ou le climat. Mais aumoins, les experts de la qualité del’air s’accordaient-ils jusqu’à pré-sent pour estimer que la participa-tion de cet aérosol à la chimie denotre environnement urbain étaitlimitée.Des chercheurs lyonnais, suisseset canadiens viennent pour lapremière fois de démontrer exacte-ment le contraire 1. L’équipe deBarbara d’Anna et Christian George

preuve 2. En utilisant l’instrumentLAT (Large Area Telescope) du téles-cope spatial Fermi de la Nasa, ceschercheurs ont, en effet, réalisé uneimage d’un reste de supernova dansune gamme de longueurs d’ondedu rayonnement gamma qui leurétait jusque-là inaccessible. Or, expli-quent-ils, réussir ce type de clichéest indispensable à la résolution dumystère.« Selon les théories en vigueur, lesrayons cosmiques ont pour origine lessupernovae, des explosions d’étoilesmassives arrivées en fin de vie, expli-que Jean Ballet, chercheur au labo-ratoire « Astrophysique, interac-tions multiéchelles » (AIM) 3 àGif-sur-Yvette. En se déplaçant à unevitesse de plusieurs milliers de kilomè-tres par seconde, l’onde de choc générée

par l’explosion piégerait en son seindes protons et des électrons du milieuinterstellaire. Puis, les accélérerait àdes énergies très importantes avant,au bout de quelques milliers d’années,de les relarguer dans l’espace. » De là,ils parviendraient jusqu’à nous.Au début des années 2000, des étu-des ont permis de vérifier cettehypothèse pour les seuls électrons.Mais qu’en est-il des protons quiconstituent 99 % des particulesdont sont faits les rayons cosmi-

ques ? Pour le démontrer, il fautdans un premier temps repérerdans des restes de supernovae latrace d’un rayonnement gamma,caractéristique du phénomèned’accélération des protons. Puis àétablir, dans une seconde phase, sasignature – son spectre disent lesastrophysiciens – complète. C’est ce que vient de réaliser enpartie la collaboration internatio-nale réunie autour du télescopespatial Fermi. Sur le reste de

supernovae W44, situé à environ91 000 années-lumière de la Terre,l’équipe a obtenu une partie duspectre gamma caractéristique del’accélération des protons. Voicideux ans, le télescope au sol HESS 4

avait réussi cet exploit sur un autrereste dans le domaine des rayonsgamma les plus énergétiques. Il n’ya donc plus qu’à trouver un vestigeque les deux instruments pour-raient observer de concert pourapporter la preuve définitive de l’ori-gine des rayons cosmiques.

Vahé Ter Minassian

1. Laboratoire « AIM », LaboratoireLeprince-Ringuet, Laboratoire de physiquethéorique et astroparticules, Centre d’étudesnucléaires de Bordeaux-Gradignan, Centred’étude spatiale des rayonnements.2. Science, 26 février 2010, n° 327, pp. 1103-1106 (publié en ligne le 7 janvier 2010).3. Unité CNRS / Université Paris-Diderot /CEA-Irfu.4. HESS (High Energy Stereoscopic System)est un réseau de quatre télescopes. Il estactuellement le détecteur de rayons gammale plus sensible aux très hautes énergies.

CONTACTSIrcelyon, Villeurbanne

Ô Barbara d’[email protected]

Ô Christian [email protected]

CONTACTÔJean BalletLaboratoire AIM, [email protected]

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était limité, explique ChristianGeorge, directeur de recherche auCNRS. Mais cette hypothèse paraissaitdouteuse aux yeux de certains spécia-listes, qui s’étonnaient de constaterque les expériences de laboratoiresoutenant cette théorie avaient étéréalisées dans les années 1980 dansl’obscurité. »En recommençant le test en pré-sence de lumière cette fois, Barbarad’Anna, Christian George et leurscollègues sont arrivés à une toutautre conclusion. Selon eux, sousirradiation solaire, le dioxyde d’azote(NO2) de l’air réagit très efficace-ment avec la suie pour produire del’acide nitreux (HONO), l’un desprécurseurs de l’ozone. De plus,l’équipe a découvert que la suie estcapable de piéger à sa surface durant

de l’Institut de recherches sur lacatalyse et l’environnement deLyon 2 à Villeurbanne a mis encontact des échantillons de suieavec différents gaz présents dansl’atmosphère des grandes agglomé-rations. Leur verdict ? Contraire-ment aux idées reçues, le composécarboné est réactif lorsqu’il estsoumis à la lumière du jour. Aupoint qu’il participe, non seulementà l’augmentation de la concentrationd’ozone dans l’air des cités durantla journée, mais également audéplacement de cette pollution surdes dizaines de kilomètres !« Longtemps, les scientifiques ont penséque la capacité à réagir de la suie étaitinhibée rapidement par le caractèreoxydant de l’air et donc que son impactsur la composition de l’atmosphère

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Page 12: La révoLution LASER - CNRS Le journal

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BIOLOGIE

Une explication pour le paradoxe français

En dépit de repas dont la légèreté n’est pasla première des vertus, les Français souffrentmoins de problèmes cardiovasculaires que

la plupart de leurs voisins européens. Cetteexception, que les Nord-Américains nommentfrench paradox, le paradoxe français, serait notam-ment liée à une consommation régulière etmodérée de vin rouge. Riche en molécules auxpropriétés antioxydantes appelées polyphénols,le nectar à la robe rubis est de longue date sus-pecté d’avoir une action protectrice sur nos vais-seaux sanguins. Toutefois, personne n’estjusqu’alors parvenu à élucider son mode d’actionprécis. Une étude réalisée 1 par une équipe duLaboratoire de biologie neurovasculaire inté-grée 2 à Angers lève aujourd’hui une partie duvoile sur cette énigme. « Nous savions déjà que la delphinidine, l’un despolyphénols contenus dans le vin rouge, possède une

structure moléculaire assez proched’hormones, dites œstrogènes, qui

interviennent notamment dansla dilatation des vaisseaux

sanguins, précise Rama-roson Andriantsito-haina, biologiste ausein de ce laboratoire.Cela laissait présagerque les polyphénolsutilisaient le même

mécanisme que ces hor-mones pour agir sur notre

organisme. » Pour vérifierl’hypothèse, les scientifiquesont fait appel à des sourisgénétiquement modifiées

pour ne plus exprimerl’un des récepteursaux œstrogènes, le

sous-type α (ERα), localisé sur la paroi internedes vaisseaux sanguins. En temps normal, l’ac-tivation des récepteurs ERα par les hormones a,en effet, la particularité de déclencher la libéra-tion de monoxyde de carbone dans les cellulesqui constituent les vaisseaux sanguins, ce qui pro-voque leur relâchement. Les chercheurs ontalors testé directement l’action de la delphinidinesur les artères de souris sauvages d’une part, etde souris transgéniques dépourvues d’ERα del’autre. Résultat : la réponse vasodilatatrice estintervenue uniquement sur les artères des sou-ris sauvages. « Cela démontre clairement que l’ef-fet vasodilatateur des polyphénols ne peut avoir lieusans la présence du récepteur ERα », souligneRamaroson Andriantsitohaina.Une expérience similaire réalisée cette fois-cisur des souris nourries à partir d’extraits natu-rels de polyphénols a permis de confirmer cettedécouverte, avec toutefois une nuance : « Nousavons constaté qu’un extrait contenant l’ensembledes polyphénols du vin rouge était efficace à desconcentrations plus faibles qu’une substance conte-nant la seule delphinidine. » Autrement dit, cer-taines de ces molécules bienfaitrices useraientd’autres modes d’action que la seule voie hormo-nale. Pour quelque temps encore, notre bonvieux paradoxe français devrait garder sa partde mystère.

Grégory Fléchet

1. Article publié dans la revue PlosOne en janvier 2010.2. Unité CNRS / Inserm.

CONTACTÔ Ramaroson AndriantsitohainaLaboratoire de biologie neurovasculaireintégrée, [email protected]

VIEDESLABOS Actualités

À l’assaut des humeurs du SoleilSATELLITE

BRÈVES

Des souris et des gènesEn matière de génétique, le sexe des mammifères suit une règlesimple : une paire de chromosomes X donne une femelle; unepaire XY donne un mâle. La souris naine d’Afrique Nus minutoides,elle, échappe à cette loi. Des chercheurs, notamment du CNRS et de l’IRD, révèlent qu’une forte proportion de femelles de cetteespèce portent une paire XY tout en étant fertiles. D’après leurétude, c’est une mutation sur le chromosome X qui détermineraitle sexe de l’animal.> En savoir plus : www2.cnrs.fr/presse/communique/1802.htm

La pollution urbaine altère la fonctioncardiaque chez le rat. C’est ce qu’ontmontré des chercheurs du CNRS et de l’Inserm en exposant des rongeursau monoxyde de carbone (CO)pendant quatre semaines dans desconditions de pollution citadine. Après altération, des mécanismescompensateurs se mettent en place

mais les rats sont plus vulnérables aux pathologies cardiaques. Publiés le 15 mars dans la revueAmerican Journal of Respiratory andCritical Care Medicine, ces résultats sont aujourd’hui suivis de travauxchez l’humain.> En savoir plus : www2.cnrs.fr/presse/communique/1826.htm

La pollution touche au cœur

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Outre sespropriétésantioxydantes,la delphinidinedonne sacouleur au vin rouge.

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En mesurantfinement lediamètre duSoleil, Picardpermettra demieux connaîtrela structureinterne de l’astre.

Préparation desessais thermiquessur Picard. Le satellite aideraà clarifierl’influence del'activité du Soleilsur les évolutionsdu climat de laTerre.

Àforce de le voir se lever tous les matins,avec la régularité d’un métronome, onen oublierait presque que le Soleil est…lunatique : loin d’être constante, sa

luminosité change au gré des années. Ainsi,tous les onze ans, elle entame un cycle durantlequel elle varie de 0,1 %. À plus long terme,trois autres cycles solaires ont été identifiés, s’éta-

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Le journal du CNRS n° 243 avril 2010

lant de quatre-vingt-dix ans à 2 300 ans. Fluc-tuation de la température de la couche externedu Soleil, modification de la répartition des élec-trons dans l’astre… : les hypothèses ne man-quent pas pour expliquer ces variations lumineu-ses. Pour aider à y voir plus clair, le Centrenational d’études spatiales (Cnes) placera enorbite terrestre le satellite Picard au mois d’avril.La mission de ce petit bijou dont la mise aupoint a impliqué des chercheurs du CNRS :comprendre pourquoi notre astre est d’humeurchangeante.Picard sera le premier à mesurer le diamètredu Soleil à l’aide d’un instrument dédié. Selonles modélisations mathématiques les plus récen-tes, le diamètre solaire contiendrait en effet unegrande quantité d’informations utiles pourélucider les mécanismes physiques internes àl’œuvre dans le Soleil et, de là, ses sautesd’humeur. L’habit fait le moine, en somme. Lesatellite tire d’ailleurs son nom du premiersavant, Jean Picard, à avoir pris, au XVIIe siècle,les mensurations de l’astre du jour, à l’aide d’unelunette astronomique.

Petit gabarit de 150 kg, il hébergeratrois instruments. Sodism, d’abord,un télescope doté d’une caméraconçue par des chercheurs françaisdu Laboratoire « atmosphères,milieux, observations spatiales »(Latmos) 1. Il capturera l’image duSoleil à plusieurs longueurs d’onde.L’enveloppe externe de l’astre esten effet constituée de couches degaz plus ou moins chaudes quiémettent dans des longueurs d’ondespécifiques. Selon qu’on l’observe

dans le vert ou le rouge, le Soleil peut ainsiprendre 20 km de tour de taille en plus. Enobservant de l’ultraviolet au proche infrarouge,Sodism devrait réussir à prendre toutes lesmensurations du Soleil.Le développement de Sodism s’est étalé sur cinqans. Le défi ? Réaliser un appareil qui s’affran-chisse du mouvement propre du satellite. Car

Picard ne sera pointé sur le soleil qu’approxi-mativement. Donc, « pour être sûr que le Soleil resteen permanence au centre du détecteur, nous avonsdû avoir recours à une technique dite d’asservissementdu miroir primaire du télescope lui-même, ce quirevient à bouger le miroir de façon à compenser lesmouvements du satellite », raconte Gérard Thuil-lier, responsable scientifique du projet au Lat-mos. Par ailleurs, le diamètre solaire sera régu-lièrement comparé à la distance apparenteséparant des étoiles brillantes. Grâce à cette dou-ble précaution, Picard aura une vision d’aigle, pré-cise au 1 milliarcseconde près, soit l’équivalentde 750 mètres au niveau du Soleil.Les deux autres instruments embarqués, Sovapet Premos, sont l’œuvre d’une équipe belge etd’une suisse 2. Même s’ils utilisent des techno-logies différentes, ils seront tous deux chargés dela même tâche : mesurer précisément la puis-sance lumineuse totale émise par le Soleil (ledoublon d’appareils vise à éviter l’impact du vieil-lissement des instruments sur les mesures).Picard va être lancé de la base de Yasny, en Rus-sie. Une fois en orbite à 725 kilomètres d’altitude,il restera aveugle un mois durant, le temps quele vide spatial élimine des instruments les par-ticules polluantes venues de la Terre. Puis leschercheurs ouvriront ses paupières. Un nou-veau jour commencera alors pour la connais-sance du Soleil, mais aussi… de notre propreplanète. Car la relation entre l’activité solaire etle climat de la Terre est également l’un des enjeuxde la mission. Le XVIIe siècle a été marqué par unebaisse de 0,2 à 0,3% de cette activité, ce qui a suffià plonger la Terre, et plus particulièrement l’Eu-rope, dans un épisode froid surnommé le petitâge glaciaire. Aujourd’hui, la luminosité du Soleilne varie au cours de ses cycles courts qu’au maxi-mum de 0,1 pour cent, et ne jouerait qu’un rôlemineur sur le changement climatique face auxgaz à effet de serre. Mais qu’est-ce que le Soleilnous réserve pour l’avenir ? Dans l’hypothèse oùil évoluerait vers des cycles plus accentués, peut-il venir renforcer le réchauffement climatique, ouau contraire, l’atténuer ? Picard devrait apporterun vent frais sur ces questions.

Xavier Müller

1. Le Latmos (CNRS / Université Paris-VI/ UniversitéVersailles-Saint-Quentin-en-Yvelines), est la réunion du Service d’aéronomie de Paris, et du CETP (Centred’étude des environnements terrestre et planétaires) de Saint-Maur-des-Fossés.2. Le Bureau suisse des affaires spatiales et le Service public fédéral de programmation politique scientifique de Belgique.

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CONTACTÔ Gérard ThuillierLatmos, [email protected]

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L’étoile va être soumise pendant trois ansà la surveillance minutieuse du satellitePicard. L’enjeu : élucider l’origine de sesvariations de luminosité et étudier leurrôle dans les changements climatiques.

Page 14: La révoLution LASER - CNRS Le journal

Safran est un équipementier international dehaute technologie, leader en aéronautique,défense et sécurité. Quelle est la part de sesactivités consacrée à la recherche et audéveloppement?Jean-Paul Herteman : En 2009, Safran a réalisé unchiffre d’affaire d’environ 10,5 milliards d’euroset a consacré 1,1 milliard d’euros à la rechercheet au développement. Ces activités concernent20 % des 54900 collaborateurs du groupe. Notresuccès industriel est intimement lié aux progrès

technologiques que nousaccomplissons et intégronsdans nos produits. Ainsi,l’année dernière, Safran adéposé 500 brevets, se pla-çant au cinquième rang duclassement des acteurs fran-çais réalisé par l’Institutnational de la propriétéindustrielle.

Sur quoi l’innovation de Safran est-elle fondée?J-P. H. : Évidemment, nous ne disposons pas eninterne de tous les savoir-faire scientifiques ettechniques nécessaires à notre développement,en particulier pour ce qui concerne les premiè-res étapes de la recherche & technologie (R & T).Aussi Safran a construit un important réseaude partenaires au sein de la recherche universi-taire ou appliquée. Depuis de nombreusesannées, le CNRS est le premier partenaire scien-tifique de Safran et assure plus de la moitié denos collaborations scientifiques. Ce n’est pas un hasard. L’industrie aéronautiqueest très attentive à la fiabilité et à la sûreté de sesproduits et est soumise à la plus grande rigueurdans la certification de ses innovations, qu’ils’agisse de matériaux, de procédés ou de piècesspécifiques. Cela passe par une parfaite compré-hension des phénomènes amonts, c’est-à-diredes propriétés physiqueset chimiques de nos pro-duits. En ce sens, nouspartageons pour une partles objectifs d’enrichisse-ment de la connaissancequi sont ceux du CNRS.

Au point d’avoir mis sur pied des laboratoirescommuns…J-P. H. : Exactement. Le cas du Laboratoire descomposites thermostructuraux (LCTS) à Bor-deaux en est un excellent exemple. Unité mixtefondée en 1988 qui regroupe le CNRS, le CEA,l’Université de Bordeaux-1 et le groupe Safran, leLCTS est au plan mondial l’une des plus impor-tantes unités de recherche consacrées aux com-posites destinés aux hautes températures. En20 ans, il a été à l’origine d’une quinzaine de bre-vets et d’une centaine de thèses.

Comment est né ce laboratoire?J-P. H. : Dès 1975, la Société européenne de pro-pulsion [NDLR : absorbée en 1997 par Snecmadont la fusion avec Sagem en 2005 a donné nais-sance au groupe Safran] avait collaboré avec leLaboratoire de chimie du solide du CNRS à l’éla-boration de matériaux en carbure de silicium, afinde répondre à nos besoins en propulsion et enfreinage aéronautique.Mais d’une certaine manière, ces collaborationsponctuelles, débouchant sur des solutions prag-matiques, ne nous satisfaisaient pas totalement.D’où la décision de créer un laboratoire com-mun afin d’affiner notre compréhension de cesmatériaux, puis par la suite d’en développer denouveaux, telles les céramiques, sur la base d’unecompréhension de leurs propriétés à l’échellemicroscopique. C’est ainsi que nous avons déve-loppé les matériaux utilisés pour la tuyère duRafale ou celle du lanceur lourd Delta4 de Boeing.C’est aussi dans ce cadre que nous développons

aujourd’hui les céramiques légères et ultra-résistantes qui équiperont d’ici 10 à 20 ans lesavions verts, consommant 25 à 50% en moins decarburant qu’aujourd’hui.

Sur quels autres sujets Safran et le CNRScollaborent-ils?J-P. H. : Les scientifiques du CNRS travaillentdans de nombreuses directions. Ainsi, leurs cen-tres d’intérêt couvrent une part importante de nosbesoins fondamentaux, que ce soit en énergéti-que, aérodynamique, mécanique, biométrie ouscience des systèmes complexes. Concrètement, nous avons mis en place de véri-tables pôles délocalisés. Sur la combustion parexemple, nous collaborons avec 15 laboratoires et40 thèses ont été soutenues depuis 2002. Sur lamodélisation numérique, nous avons suivi107 thèses dans 50 laboratoires sur la mêmepériode. Et sur la réduction des nuisances sono-res, nous avons mis en place un programmeincluant 30 laboratoires en 2005. Dans chacunde ces exemples, 50 % des laboratoires appar-tiennent au CNRS. Je voudrais encore citer notre collaboration avecl’Institut de combustion, aérothermique, réac-tivité et environnement (Icare) du CNRS, àOrléans, avec lequel nous avons développé latechnologie de propulsion plasmique pour satel-lites, utilisée sur la sonde européenne Smart1(lancée en 2003), dont la performance propul-

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SAFRAN

INNOVATION Entretien

Nouveaux matériaux, énergétique, mécanique ou encorebiométrie… les champs de recherche communs du groupe Safran et du CNRS croisent naturellement questions fondamentales et problématiques industrielles. Entretien avec Jean-Paul Herteman,président du directoire du groupe Safran, et membre du Conseild’administration du CNRS.

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Un goût pour la recherche

Schéma de laplateforme Pivoine 2G

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tinés aux structuresmédicales car trèssimples à nettoyer,sont commerciali-sés. Très économi-que par rapport à ses concurrents,la technologie pourrait maintenantconquérir le plus gros marchéactuel, celui de la téléphonie mobile.Cerise sur le gâteau, elle est exploi-table sur tout type de surface quelleque soit leur taille et elle n’imposepresque aucune contrainte aux des-igners. Le french « toucher acousti-que » semble donc avoir de beauxjours devant lui !

Caroline Dangléant

commander un interrupteur parexemple. Mais Ros Kiri Ing du LOAest allé plus loin! Il utilise le fameuxmiroir à retournement temporel 3

de son collègue Mathias Fink,aujourd’hui directeur de l’InstitutLangevin, qui permet de remonterau point de naissance des ondessonores. Résultat : on peut locali-ser le point précis où l’objet a ététapoté. Plusieurs de ces points peu-vent être reliés à une commandedifférente. Et on peut ainsi créer enun clin d’œil plusieurs boutons vir-tuels sur un objet pour le transfor-mer en clavier.Fort de cette invention, Ros Kiri Ingfonde Sensitive Object en 2003 touten restant salarié de l’universitéParis-Diderot grâce à la loi sur l’in-novation. Et l’année suivante, lesinvestisseurs français SofinnovaPartners propulsent la start-up dansle monde industriel. Résultat : desdigicodes et des claviers tactiles, des-

1. Soit environ 45 millions d’euros.2. Laboratoire CNRS / Université Paris-VII /UPMC / ESPCI Paris / Inserm.3. Plusieurs applications en imageriemédicale en découlent, lire Le journal duCNRS n° 208, mai 2007, p. 14 ; n° 226,novembre 2008, p. 14 ; et n° 238,novembre 2009, p. 25.

Le journal du CNRS n° 243 avril 2010

INNOVATION 15

VALORISATION

Une aventure en or

C’est une véritable success story !La start-up française SensitiveObject, qui commercialise une

technologie capable de transformern’importe quelle surface en écrantactile, vient d’être rachetée pour62 millions de dollars 1 par le géantaméricain Tyco Electronics.L’histoire commence en 2002. L’uni-versité Paris-Diderot et le CNRSdéposent un brevet pour protégercette invention prometteuse qui per-met de rendre interactifs les objetsde la vie courante. Mise au pointpar l’équipe du Laboratoire ondes etacoustique (LOA), devenu InstitutLangevin 2, elle utilise les ondesacoustiques (ou sonores). En effet,n’importe quel choc, comme le tapo-tement d’un doigt sur un objet, créece type d’ondes qui se propagentensuite à la surface dudit objet. Ilexistait déjà des capteurs capables detransformer ces ondes en électri-cité puis d’utiliser ce signal, pour

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sive a établi un record mondial. Innovation pourlaquelle Pascale Lasgorceix a obtenu en 2004 lecristal du CNRS.

La synergie que vous décrivez semble ne pas faire de distinction entre recherche académique et recherche à viséesindustrielles?J-P. H. : Du moins elle ne les oppose pas. Nousautres, industriels, cherchons aussi à compren-dre les phénomènes physiques ou chimiquesayant cours dans nos produits. De plus, monexpérience m’a montré qu’à partir du moment oùnous faisons l’effort intellectuel de nous inté-resser aux préoccupations des chercheurs, enplus de les orienter vers nos besoins, cela fonc-tionne très bien. J’ajouterais qu’il n’est jamais très bon de donnerdes objectifs rigides à un laboratoire. Car onobserve très souvent que la première applica-tion technologique découlant d’un effort derecherche se situe rarement là où on l’attendaitau départ. Par exemple, nous avons développé unmatériau organique en pensant aux aubes d’unturboréacteur, qui puisse résister à de violentschocs, comme celui causé par une collision avecun oiseau. Eh bien après 20 ans d’efforts, sapremière application concerne des pièces destrains d’atterrissage du Boeing 787 !

Vous avez été nommé au Conseild’administration du CNRS en novembre dernier.À votre avis, quels sont les enjeux les plus importants auxquels le centre doivefaire face?J-P. H. : D’une façon générale, le maintien d’unebase industrielle forte sur son territoire est unenjeu pour la France, si nous ne voulons pasdevenir un simple pays de services. De ce pointde vue, notre seule possibilité est de développerune industrie innovante et à fort contenu tech-nologique. Certes, les applications industriellesne sont pas la vocation première du CNRS. Maissans les recherches qu’il réalise, nos industriesperdraient rapidement l’avance technologiquenécessaire. Ainsi, le monde de l’industrie doitcomprendre que tout résultat de la recherchefondamentale peut un jour lui être utile. D’unautre côté, il ne faut pas avoir de réticence à ceque le fruit de travaux fondamentaux génère desemplois, améliore le niveau de vie, le bien-êtreou l’indépendance nationale.

Propos recueillis par Mathieu Grousson

CONTACTÔ Catherine MalekRelations presse Safran, [email protected]

CONTACTÔ Jean-René BaillyFist, [email protected]

En collaboration avecdes équipes du CNRS,Safran s’est fait unespécialité desmatériaux compositescapables de supporterde très hautestempératures.

La technologieSensitive Objectpermet de transformertoute surface entélécommande. Ici, unmiroir rassemblerégulateur dechauffage etinterrupteurs.

Page 16: La révoLution LASER - CNRS Le journal

Les gens du voyage, citoyens français, sont-ilseux aussi victimes de discriminations?M.B. : La Halde a reconnu en 2009 qu’au seinde la République française, des citoyensnommés « gens du voyage » font l’objet d’unesérie de discriminations inscrites dans la loi 3,sans oublier toutes les autres discriminationsdans la vie quotidienne, qu’elles soient le faitdes autorités de police ou de gendarmerie, des services, des entreprises ou des citoyensordinaires. En particulier, alors que la liberté de circuler est une liberté fondamentale, dansle cas des voyageurs français, elle est entravéepar la difficulté croissante pour s’arrêter,trouver un espace où stationner quelques jours.La loi dite Besson de 2000 prévoit la créationd’aires d’accueil. Cela peut être une solutionpartielle, mais nombre de familles qui en ontles moyens achètent des terrains (souvent enzone agricole) pour pouvoir se déplacer deterrains familiaux en terrains familiaux, et ainsine pas dépendre des institutions publiques.

Les journalistes ou les travailleurs sociaux, qui ne voient bien souvent que les familles les plus précaires dépendant de l’aide publique,ne perçoivent-ils pas qu’une partie de la réalitétsigane?M.B. : Si. La majorité des familles du monde du voyage vivent des ressources de leur travail(commerce, artisanat), beaucoup des saisons(travaux agricoles), mais aussi du travailsalarié, des emplois municipaux. Ils sont alorsle plus souvent invisibles en tant que Tsiganespour les pouvoirs publics ou leurs voisins.Quelques-uns ou quelques-unes, au contraire,sont fortement visibles : les musiciens, lesdanseuses ou les diseuses de bonne aventure.En bons connaisseurs du monde des Gadjé,les Tsiganes peuvent être amenés à souffrir del’image qui leur colle à la peau, mais aussi à enjouer pour faire un peu peur, pour faire rêverou bien tour à tour l’un ou l’autre.Propos recueillis par Philippe Testard-Vaillant

1. Unité CNRS / Université Aix-Marseille-I.2. Les Gitans, éd. Le Cavalier Bleu, coll. « Idées reçues »,mars 2007, 128 p. – 9,80 €.3. Délibération relative aux discriminations subies par lesgens du voyage, n° 2009-143 du 6 avril 2009(www.halde.fr/spip.php?page=article&id_article=12849&liens=ok)

Le 8 avril, comme chaque année, l’Unioneuropéenne va célébrer la « Journéeinternationale des Roms », le Brésil a instauréun « Dia nacional do cigano » (une journéenationale des Tsiganes, dirions-nous), votre livre s’intitule Les Gitans 2 et on dit aussiles gens du voyage. Parle-t-on des mêmespersonnes?Marc Bordigoni : Selon le contexte et selon qui parle, il y a des termes différents pourdésigner ces gens-là, ceux que l’on appelle les Gitans dans le français de tous les jours,d’où le choix que j’ai fait pour aborder lesidées reçues les concernant. Si les instancesinternationales ont retenu le mot Roms qui,en romanès, signifie les hommes, c’est que leterme Tsigane est péjoratif dans de nombreuxpays balkaniques ou slaves. Mais en France, en Allemagne ou au Brésil, par exemple,beaucoup de Gitans ne veulent pas d’uneidentité transnationale rom et revendiquent,au contraire, l’accès à la pleine citoyenneté dela nation qui leur donne leur identité légale.Quand la Haute autorité de lutte contre lesdiscriminations et pour l’égalité (Halde) parledes « gens du voyage », elle désigne des Françaisqui détiennent un document administratifparticulier (un titre de circulation selon la loide 1969) et sont « sans domicile fixe ». Cela concerne environ 300000 personnes.Toutefois, ce que l’on peut appeler le mondedu voyage, c’est-à-dire toutes les personnes qui se disent Gitans face au monde des Gadjé(les non-Tsiganes) comprend aussi des sédentaires, des familles qui vivent toute l’année au même endroit et qui se dironttout de même voyageurs ou voyageuses.

Les familles qui ont fui les pays de l’ex-Europede l’Est pour des raisons économiques, depuisl’effondrement du bloc soviétique, ont-ellestoujours été nomades?M.B. : Non. Ces familles vivaient en maison ou en appartement depuis des générations.Elles ont découvert la caravane, comme habitatde fortune, à leur arrivée en France. Et laquasi-totalité des Tsiganes européens sontsédentaires.

Pourquoi ces Roms habitent-ils souvent descampements de fortune près des autoroutes oudes décharges alors?M.B. : Il y a un petit détail à rappeler pourcomprendre leur situation. Circulant enEurope en famille, le plus souvent (il y a aussiune migration de main-d’œuvre d’hommesroms tout à fait ordinaire), ils sont identifiéscomme Roms réfugiés et sont l’objet d’unrepérage administratif et policier qui ne tientplus compte de leur nationalité et leur interditde fait l’accès au marché du travailintracommunautaire. La précarité de leurstatut ne leur laisse comme possibilité que de se réfugier dans les interstices urbains, et d’acquérir pour la première fois de vieillescaravanes, ce qui renforce le stéréotype du Tsigane nomade. Dans l’attente d’une trèsprobable expulsion.

Le journal du CNRS n° 243 avril 2010

« La quasi-totalité des Tsiganes européenssont sédentaires.»

Marc Bordigoni, ingénieur de recherche CNRS à l’Institut d’ethnologieméditerranéenne et comparative 1

Gitans : halte aux idées reçues

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CONTACTÔ Marc BordigoniIdemec, [email protected]

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Forte de sa vocation d’enfance, elle auraitpu être neurochirurgienne à part entière.Mais non. À 36 ans, Carine Karachi, chef de clinique dans le service de

neurochirurgie de la Pitié-Salpêtrière à Paris,porte aussi la casquette de neurobiologiste au Centre de recherche de l’institut du cerveauet de la moelle épinière 1. Et depuis six mois,c’est à l’université Columbia de New York quevous pouvez croiser cette lauréate du prix 2009« Jeune chercheur » de la fondationBettencourt-Schueller. Elle y mène un postdocauprès de l’un des pontes du cortex cérébral.Tardivement ? « Oui, je fais tout plus lentementdu fait de mes allers-retours entre la médecine et la recherche que j’ai rencontrée un peu tard. »En première année de médecine, un stage au bloc opératoire lui révèle « toute la beauté »du cerveau. C’est parti pour la neurochirurgie.Mais la question des symptômes et de ce qu’ilsdisent du fonctionnement du cerveau la taraude. Il lui faut « comprendre, donc faire dela recherche ». 1999, interruption de l’internatpour un DEA dans le laboratoire du Pr YvesAgid, où elle exerce encore aujourd’hui. Et découverte des travaux de ses collèguesanatomistes, sur le singe macaque. Lesrecherches sur l’animal ? « D’un point de vueéthique, j’y suis attachée car ce sont elles quiassurent une sécurité maximale à nos patients »,justifie-t-elle d’un ton ferme. Quid desmenaces régulières reçues par les tenants de cette position ? Moue furtive. Et d’insisterplutôt sur leurs efforts pour publier avec unminimum d’animaux.Sur quel sujet exactement? Les « ganglions de la base ». Enfouis profondément sous le cortex cérébral, ce sont eux qui gèrentl’automatisation des gestes comme parexemple ceux liés à la conduite automobile. Or la chercheuse et son équipe contribuent à démontrer, dans les années 2000, que leuractivité est modulée par les émotions.Autrement dit, un automobiliste confronté àune forte émotion peut brusquement devenirincapable de poursuivre saconduite.« Parallèlement, nous avonsétabli un atlas des ganglions debase du cerveau humaincomprenant les zones impliquéesdans la gestion des émotions. Cet outil permet aujourd’huid’implanter des électrodes dans

le cerveau de façon plus précise, notamment pouressayer de traiter des maladies situées auxfrontières de la neurologie et de la psychiatrie… »Quant aux travaux expérimentaux sur le singe,ils se poursuivent jusqu’en 2004. Avec, enfiligrane, une question précise : et si certainstroubles neurologiques venaient d’undysfonctionnement des ganglions de base ?

Carine KarachiL’exploratrice du cerveau Bingo ! En modifiant leur activité – via un

agent pharmacologique – Carine Karachimontre chez l’animal l’apparition de troublesdu comportement gestuel proches de ceux quel’on peut observer chez les humains tels que le nettoyage compulsif des doigts. Des expériences qui apportent alors un nouveléclairage sur certaines pathologies, comme les troubles obsessionnels compulsifs (Toc).En 2005, thèse en poche, décision est prise deréorienter ses travaux vers les troubles

de la marche. Objectif : soulagercertains patients souffrant de maladie de Parkinson etvictimes de chutes fréquentes.Pas question de quitter ses chersganglions de la base. Soumettantune autre zone (le noyaupédonculopontin) à lastimulation profonde 2, la jeune femme obtient desrésultats plus que concluantschez le singe. De quoi franchir le pas chez l’humain, et opérerd’ores et déjà deux patients dans le cadre d’un protocole de recherche en cours. « C’est undéfi important en santé publiquecar les chutes augmentent fortementla mortalité des personnes âgées. »La sensibilité du médecin n’estjamais loin, indispensable alliéedu temps passé à expliquer auxpatients le pourquoi de leurmaladie ou d’une intervention.Carine apprécie l’échange, à l’instar de son équipe où cliniciens, anatomistes et comportementalistes ont sutisser « des liens étroits ».De l’énergie à revendre, de la passion. Les ingrédientsessentiels sont là pour mener defront cette double carrière. Sansoublier la vie familiale avec unepetite fille de 10 ans, la course à pied, le théâtre, le jazz… Bref, des connexions multiples à la vie.

Patricia Chairopoulos

1. Unité CNRS / Inserm / Université Paris-VI.2. La stimulation cérébrale profonde est utilisée commetraitement dans certains cas de maladie de Parkinson. Viaune sonde munie de microélectrodes, elle consiste àstimuler électriquement des structures ciblées du cerveau.

JEUNESCHERCHEURS 17

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CONTACTÔ Carine [email protected]

En première année de médecine, un stage au blocopératoire lui révèle « toute la beauté » du cerveau.

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LASERLA RÉVOLUTION

C’est en mai 1960 que le physicien américain TheodoreMaiman décrit dans une publication le fonctionnement du premier laser à rubis. Cinquante ans plus tard, le laser a conquis la planète… et le monde rend hommageà ce héros de la technologie moderne. Il faut dire que lelaser s’est rendu indispensable à l’industrie, à la médecine,à notre vie quotidienne, mais aussi à la recherche. En effet, grâce à ses innombrables applications, ce sontaujourd’hui toutes les sciences qui ont recours à lui. Et pourtant, ce fabuleux succès n’en est qu’à ses débuts…Car dans les labos, de nombreux efforts sont déployés pour améliorer en permanence les technologies du laser,donnant ainsi naissance à des applications souventinattendues. Pleins feux sur un quinquagénaire toujours aussi révolutionnaire.

Le phénomène lumineux ci-dessus est un supercontinuum.Il apparaît lorsqu’une impulsion laser est envoyée dans une fibre optiquemicrostructurée et y génère toute la gamme de longueurs d’onde visible.©

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Invention banale ! » Tel est, en substance, lepremier jugement porté en 1960 sur letravail d’un chercheur d’un petit labora-toire à Malibu, en Californie. Alors quemême son supérieur n’y croyait pas, Theo-

dore Maiman, un physicien de 32 ans qui, plusjeune, réparait des appareils électriques pourse payer les frais d’université, est parvenu àconcrétiser l’idée un peu folle d’Arthur Schaw-low et Charles Townes, deux scientifiques théo-riciens : produire, grâce aux lois de la mécani-que quantique, un faisceau de lumière amplifiéeparfaitement rectiligne. Le premier laser était né.Pourtant, la prestigieuse revue Physical ReviewLetters, à qui Theodore Maiman a envoyé soncompte rendu d’expérience, rejette l’article :« Encore un énième papier sur les masers [l’ancê-tre du laser fonctionnant avec des micro-ondes,NDLR] » , répond-elle, lapidaire, dans une lettreadressée à Theodore Maiman.Inutile de préciser que l’histoire a donné tort àcette première réaction. Au cœur d’un marchémondial de plusieurs milliards d’euros, le laserest aujourd’hui partout : dans les salons, lessupermarchés, les cabinets médicaux, les usi-nes, mais aussi dans les labos de recherche oùil a su se rendre indispensable dans toutes lesdisciplines.En fait, si Theodore Maiman a apporté unecontribution historique essentielle au laser, sesvéritables inventeurs demeurent Arthur Schaw-low et, surtout, Charles Townes qui travaillait

dans les années 1950 à l’université de Columbia.Charles Townes recevra le prix Nobel en 1964pour le développement des concepts ayant amenéau maser, puis au laser.Ayant travaillé durant la Seconde Guerremondiale sur des systèmes de bombardementassistés par radar, Townes était familier desappareils générateurs de micro-ondes (utiliséesau même titre que les ondes radio dans lesradars). Dans les années 1950, en exploitant sesconnaissances et un processus imaginé parEinstein, l’émission stimulée (voir illustrationpp. 20-21), Townes imagine créer un flux de pho-tons tous identiques, obtenus par amplificationd’une onde électromagnétique. En quelque sorte,une photocopieuse à photons ! Il fabrique alorsl’appareil dit d’amplification de micro-ondes parémission stimulée de radiation, ou maser. C’estla première fois qu’on amplifie à l’identique unrayonnement électromagnétique. Townes sepose alors naturellement la question : la lumièrevisible peut-elle aussi être amplifiée ?Avec son beau-frère Arthur Schawlow, Char-les Townes publie en 1958 un article qui jette lesbases théoriques du laser (amplification delumière par émission stimulée de radiation).Reste que la concrétisation de l’idée est loind’être une affaire pliée, même si de nombreuxlaboratoires se lancent dans l’aventure. Il faudraen effet attendre deux ans pour que le bricoleurde génie de Malibu Theodore Maiman fabri-que le premier laser en utilisant un barreau de

rubis. Il publiera finalement ses recherchesdans la revue scientifique Nature. Son laboratoireorganise une campagne de publicité pour pro-mouvoir son invention. Dans le monde entier,c’est la course à qui obtiendra l’effet laser avecdes systèmes physiques différents du rubisqu’avait utilisé Theodore Maiman. On ignorealors toujours à quoi servira cet instrument quidélivre un fin pinceau de lumière, mais unechose est sûre : le laser fascine.

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RÉCIT D’UNE DÉCOUVERTE LUMINEUSE > 19DES LASERS À TOUT FAIRE > 22

D’AUTRES PROMESSES POUR DEMAIN > 25

Le physicien américainTheodore Maiman,concepteur du toutpremier laser.

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priétés qui permettent detransmettre une densitéd’informations importantessur de longues distances,explique Sylvain Fève,ingénieur d’études au

laboratoire « Fonctions optiques pour les tech-nologies de l’information » (Foton) 2 à Lannion.En particulier, comme c’est un faisceau très directifet très cohérent [tous les photons d’un mêmefaisceau conservent une sorte d’étiquette quipermet de les distinguer des photons d’un autrefaisceau, pourtant de même longueur d’onde,NDLR], on peut faire rentrer la lumière de plusieurslasers dans une même fibre optique sans qu’ils inter-fèrent. » Lannion avait été le théâtre, en 1966, dela première transmission d’informations dans l’airpar laser. De nos jours, les transmissions cir-culent dans des centaines de millions de fibresoptiques qui sillonnent les continents, traver-sent les océans ou font du cabotage le long descôtes. En fait, tout le cœur des réseaux de télé-communications mondiales est équipé de fibres,tandis que la transmission par fils de cuivre (dontle débit est au moins 10000 fois moins élevé que

l’optique où les propriétés optiques des maté-riaux sont altérées par le faisceau laser qui lestraverse, et l’optique quantique qui étudie lesconséquences de la nature quantique de lalumière (sa décomposition en photons) sur samanière d’interagir avec la matière. Cette disci-pline sera à la base, dans les années 1990, de toursde passe-passe optiques qui enfanteront l’infor-mation quantique, discipline dans laquelle lesphotons du laser sont porteurs d’information,et dont la cryptographie, la téléportation, et l’or-dinateur quantiques sont les derniers avatars.

UN SUCCÈS QUI NE SE DÉMENT PASAujourd’hui, le marché mondial du laser estestimé à environ 6 milliards de dollars. Plus dela moitié de cette somme provient du stockaged’information sur CD ou DVD, mais aussi destélécommunications. « Le laser possède des pro-

L’invention va rapidement montrer son inté-rêt en physique avec l’apparition, en 1966, deslasers à colorant (baptisés ainsi car le milieuamplificateur est constitué de colorants chimi-ques en solution). L’immense avantage de ceslasers : en variant les concentrations des colo-rants, on peut ajuster la longueur d’onde de lalumière émise par le laser. « Les lasers à colorantont été une révolution pour la spectroscopie qui per-met d’étudier les propriétés d’atomes ou de moléculesà travers leur capacité à absorber les ondes électro-magnétiques, explique Lucile Julien, du Labora-toire Kastler-Brossel (LKB) 1. Pour la première fois,on a pu balayer les raies atomiques [soit cibler lesunes après les autres différentes longueurs d’ondeabsorbées par les atomes observés, NDLR] et fairede la spectroscopie haute résolution. » Ces années-là, tout le monde comprend que le laser va vitedevenir incontournable dans les labos. « Quandje suis arrivée au LKB en 1972, certains groupes ache-taient des lasers sans avoir encore une idée précise dece qu’ils en feraient », se rappelle la scientifique.Les physiciens vont aussi exploiter la puissancede la lumière émise par les lasers. Ainsi vontnaître l’optique non-linéaire, une branche de

> Copie du laser de Theodore Maimanau centre duquel on distingue la barrede rubis qui produit les photons.

L’ENQUÊTE20

LE FONCTIONNEMENT DU LASER

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1. LES COMPOSANTSUn laser est constitué de trois éléments :un milieu actif (solide, liquide ou gazeux)dans lequel la lumière est amplifiée, un mécanisme dit « de pompage » quiconfère de l’énergie à ce milieu, et unrésonateur optique qui sert à démultiplierl’amplification. Contrairement à lalumière ordinaire, la lumière laser estmonochromatique (les photons sont tousde même longueur d’onde) etunidirectionnelle (les photons sedéplacent tous dans la même direction).

2. LE POMPAGE OPTIQUELorsqu’un atome est excité, il émet unphoton d’une longueur d’onde caractéristiquepour revenir à un niveau d’énergie plus bas. Pourobtenir la lumière laser, il faut donc en premier lieu exciterles atomes du milieu actif (appelé aussi milieu amplificateur) enleur fournissant de l’énergie (électrique, chimique ou lumineuse). C’estle pompage optique. « Inventée par Alfred Kastler, cette méthode permet de réaliser une “inversion de population” », explique Claude Cohen-Tannoudji du Laboratoire Kastler-Brossel, prix Nobel de physique en 1997. Le milieuamplificateur possède alors davantage d’atomes d’énergie élevée que d’atomesde basse énergie. Selon que le pompage est continu ou intermittent, le laserémettra une lumière continue ou des impulsions plus ou moins courtes.

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Atome excitéémettant un photon

Retour à l’étatfondamental

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Apport extérieurd’énergie

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réfléchissant

Apport extérieurd’énergie

Photon

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par fibre) est réservée à la périphérie du réseau.Évalué à deux milliards de dollars, le deuxièmemarché des lasers est le micro-usinage : leslasers ultrapuissants employés dans l’industriepermettent de souder et de découper de la tôleavec une précision diabolique. Les construc-teurs automobiles sont très friands de ces lasersqui concentrent une puissance de 20 à 100 wattssur une zone inférieure au diamètre d’un cheveu.Autres utilisateurs, les fabricants de panneauxsolaires qui découpent leurs cellules photovol-taïques dans des plaques de silicium, ou encoreles industriels de l’aéronautique qui percent cer-taines parties des moteurs d’avion afin que l’airvienne refroidir les pales. Le marquage d’ob-jets, telles les lettres sur le clavier d’ordinateurou l’inscription d’une marque sur un stylo, se faitégalement avec des lasers.Pour encourager la recherche sur les procédés uti-lisant les lasers de puissance, un laboratoire vientde prolonger l’unique Groupement d’intérêtscientifique sur le laser. Abordant de nombreuxprogrammes de recherche et baptisée Gepli, cetteréunion d’acteurs privés (dont Air Liquide, Arce-lorMittal, PSA, Safran et Thales) comme publics

(le laboratoire Procédé et ingénierie en mécani-que et matériaux 3) étudie notamment le soudagede tôles couvertes de revêtements anticorrosion,opération pour l’instant problématique et crucialepour l’industrie automobile. Elle tentera parailleurs de donner une réalité industrielle au« prototypage laser » : dans ce procédé de fabri-cation rapide de pièces métalliques, un faisceaulaser, piloté par un robot, agglomère par fusionune poudre métallique qui adopte alors la formedes pièces souhaitées. Une technique qui inté-resse de nombreux industriels, en particulierpour réaliser des prototypes à la géométriecomplexe ou pour réparer des éléments métal-liques usés (aubes de turbines de réacteursd’avion, pièces tournantes de machines, etc.).Autour des mastodontes économiques que sontles télécommunications et le micro-usinage gra-vitent une galaxie d’applications du laser au poidsfinancier plus modeste. L’invention se retrouvepar exemple dans les caisses de supermarchépour lire les codes-barres, les imprimantes debureau ou encore les capteurs de niveau. Dansl’industrie automobile, on mesure le débit d’in-jecteurs en interceptant le filet de gouttelettesen sortie avec un faisceau laser. Sur mer ou dansles airs, on calcule l’inclinaison d’un navire oud’un avion grâce à des gyromètres à lasers. Dansles travaux publics, on noie des fibres optiquesdans le béton des ponts pour détecter des dés-équilibres mécaniques (les tensions comprimentles fibres, ce qui change leur transmission lumi-neuse). En ophtalmologie, on corrige la vue entaillant la cornée pour rediriger les rayons lumi-neux vers la rétine, tandis qu’en chirurgie on

Les lasers ont trouvé uneapplication de premièreimportance dansl’industrie, notammentpour la découpe et le micro-usinage de pièces.

L’ENQUÊTE 21

Le journal du CNRS n° 243 avril 2010

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Aujourd’hui, le laser et lafibre optique sont au cœurdes télécommunicationsmondiales. Ils permettentde transmettre rapidementdes informations sur toutela surface de la planète.

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3. L’AMPLIFICATION PAR ÉMISSION STIMULÉELa production de lumière par un atome excité peut être soitspontanée, le photon part alors dans n’importe quelledirection, soit stimulée. Dans ce cas, c’est un photon ditincident qui « pousse » l’atome à se désexciter en émettant unphoton en tout point identique (même longueur d’onde et mêmedirection) au premier. Ce second pourra à son tour désexciterd’autres atomes, qui généreront eux aussi des photonsidentiques. Petit à petit, les photons s’ajoutent les uns auxautres et forment la lumière laser.

4. LA PRODUCTION DU FAISCEAULe milieu actif du laser est enfermé dans unrésonateur optique qui sert à démultiplierl’amplification de la lumière afin de créer lefaisceau laser. Le plus souvent, il s’agit d’unecavité aux extrémités de laquelle se trouventdeux miroirs, l’un totalement réfléchissant,l’autre semi-transparent (dans le cas desdiodes laser, les miroirs ont disparu et c’est lastructure de la diode elle-même qui forme lesparois réfléchissantes du résonateur optique).Les photons sont renvoyés dans le milieu actifpar les miroirs qui se font face, continuantainsi à désexciter des atomes et donc àgénérer de la lumière. Une faible fraction decette lumière traverse le miroir semi-transparent : c’est le faisceau laser.

Miroir semi-réfléchissant

Flux laser

Photon émis semblableau photon incident

Page 22: La révoLution LASER - CNRS Le journal

Question : quelle est la seulecomposante du programmeaméricain Appollo toujours enfonctionnement ? Celle quipermet de mesurer la distance

Terre-Lune. Les missions Apollo 11, 14 et 15avaient en effet installé sur le sol lunaire desréflecteurs lasers. Dans les décennies suivan-tes, en braquant vers ces réflecteurs des fais-ceaux laser depuis le sol terrestre (et vers desréflecteurs déposés par deux sondes russes),les astrophysiciens ont dévoilé l’image d’uneLune orbitant à 384 467 kilomètres autour denotre planète et s’en éloignant de 3,3 cm paran. Le programme, toujours en cours, permetd’affiner notre connaissance de l’histoire pas-sée et future du satellite naturel de la Terre àtravers celle de son orbite.Cet exemple le prouve : les lasers sont desoutils au moins aussi utiles aux scientifiquesqu’aux industriels. En physique fondamen-tale, l’instrument de Charles Townes va, parexemple, prochainement servir à tester une loide la relativité générale selon laquelle la gra-vité influence le temps : celui-ci s’écouleraitplus vite dans l’espace qu’à la surface d’une pla-nète ! En théorie, comparer les temps donnéspar l’horloge d’un satellite en orbite et le tempsinternational, mesuré sur Terre, devrait suffireà mettre en évidence l’effet.Mais « il existe actuellement 100 à 150 horlogesatomiques au sol qui déterminent, après avoireffectué une moyenne, le temps mondial, rappellePierre Exertier, directeur de recherche au labo-ratoire Géosciences Azur (Géoazur) 1, à Sophia-Antipolis. Or les systèmes actuels de transfert detemps par ondes radio [grâce auxquels les hor-

loges s’“échangent” leur temps, NDLR] sontmoins précis que les horloges elles-mêmes, de sorteque la précision du temps international est limitéà quelques nanosecondes », un à-peu-près insuf-fisant pour observer l’effet de la gravité. D’oùl’idée du projet T2L2, auquel participe PierreExertier, d’exploiter le réflecteur monté sur lesatellite océanographique Jason 2, lancé en2008, pour synchroniser, grâce à une lumièrelaser faisant des allers et retours entre le sol etJason, le temps de plusieurs horloges atomiquesterrestres. Quand cet échange de données entreterre et espace, encore en rodage, sera réalisé,les physiciens disposeront enfin d’un chrono-mètre à la graduation assez fine pour y lirel’effet de la gravité sur l’écoulement du temps.

SONDER L’ATMOSPHÈREEn 1991, au pôle Nord, à la station Dumon-Durville, la joie se lit sur les visages d’uneéquipe de physiciens de l’atmosphère : ils vien-nent d’installer l’un des tout premiers lidars(instrument mimant le principe du radar avecune lumière) dans une région polaire. Leursatisfaction est d’autant plus grande que latâche n’a pas été aisée, notamment parce qu’ilavait fallu empaqueter et rendre étanche pourla traversée en bateau ce monstre occupant unconteneur entier. Depuis ce travail de pionnier,l’instrument s’est miniaturisé et a montré toutson intérêt pour sonder l’atmosphère. « Leslidars servent notamment à mesurer la couched’un ou deux kilomètres à partir du sol, où seconcentre la pollution, résume Sophie GodinBeekmann, chercheuse du Laboratoire atmos-phères, milieux, observations spatiales (Lat-mos) 2, à Paris, qui avait participé à l’expédition

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cautérise des petites plaies. Les dermato-logues emploient le laser pour brûler des tachesde l’épiderme ou diminuer la pilosité.Les statues et les monuments se refont égale-ment une beauté grâce à lui. En tirant desimpulsions laser sur la surface de la pierre,on peut en effet la chauffer suffisamment pourentraîner sa brève évaporation et retirer ainsila couche noirâtre due à une réaction chimiqueavec la pollution des villes. Autre bénéficiaire :les peintures sur pierre. En collaboration avecplusieurs organismes nationaux de conserva-tion du patrimoine, le Laboratoire lasers,plasmas et procédés photoniques (LP3) 4, àMarseille, a mis au point une technique pourredonner leurs couleurs à des sculptures ou àdes fresques murales.« Le rouge à base d’oxyde de plomb a beaucoupété utilisé dans les églises, décrit Philippe Dela-porte, responsable du projet au LP3. Or cerouge réagit à l’oxygène de l’air et noircit. Avec unlaser continu, on peut faire évaporer l’oxygène etretrouver la couleur originelle. » Grâce au sou-tien du fabricant de laser Coherent, une pein-ture murale du XIXe siècle de la chapelle deSolomiat, dans l’Ain, a partiellement retrouvésa jeunesse d’antan. Avec ces recherches, lelaser, enfant illégitime de la Grande Guerre etdes recherches menées sur les radars et lesmicro-ondes, croise une nouvelle fois la routede l’histoire. Au vu des mille et une applica-tions de l’instrument de Townes et Schaw-low, parions notre chemise que l’évènementse reproduira.

Xavier Müller

1. Unité CNRS / Université Paris-VI / ENS Paris /Collège de France.2. Unité CNRS / Université Rennes-I / Insa Rennes /ENST Bretagne.3. Unité CNRS / Ensam ParisTech.4. CNRS/ Université Aix Marseille-II.

Les lasers permettent derestaurer les fresquesmurales : à gauche, en noir,la zone non traitée, à droite,la zone irradiée redevenuerouge orangé.

Grâce au laser,l’observatoireastronomique etgéophysique Goddard,aux États-Unis, suit les déplacements de la sonde spatialeLRO, en orbite autourde la Lune.

CONTACTSÔ Sylvain Fève, [email protected]

Ô Lucile Julien, [email protected]

Ô Philippe [email protected]

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polaire. Le lidar mesure aussi des paramètres àplus de 30 kilomètres d’altitude, une région inac-cessible au ballon-sonde. Enfin, grâce à cet instru-ment, on étudie les aérosols présents dans l’atmos-phère dont l’impact sur le réchauffement climatiquereste à préciser. »Le lidar analyse le ciel à partir de la Terre et réci-proquement. En 2007, des archéologues l’utili-saient pour la première fois à bord d’un avionpour chercher des vestiges historiques sur lesite galloromain de Mackwiller en Alsace. Desstructures masquées par les forêts apparais-saient sur les images comme à l’air libre. Lesarchéologues emploient les lasers égalementpour dresser des plans de site (télémétrie laser),pour tamiser des échantillons sédimentaires(granulométrie laser), voire pour redonner vie àdes objets ou des œuvres détériorées. Cetterestauration s’effectue via un scanner laser, uninstrument qui permet d’obtenir des copiesnumériques tridimensionnelles de pièces.« Le scanner 3D est un véritable outil de recherche,souligne Loïc Espinasse, ingénieur à l’InstitutAusonius 3, à Pessac, une plate-forme techno-logique 3D spécialisée dans l’archéologie. Grâceaux copies numériques, les chercheurs peuvent faci-lement partager leurs informations entre eux oumanipuler virtuellement des pièces trop fragilesdans la réalité, comme des pièces en bois ayantpourri dans un puits. » En 2005, l’Institut Auso-nius avait fait office de pionnier en réalisantune copie parfaite et grandeur nature d’uneœuvre antique, le sphinx des Naxiens. Le travailavait nécessité de scanner la sculpture, haute detrois mètres, puis de tailler avec des jets d’eausous pression un bloc calcaire, à l’aide d’unrobot piloté par ordinateur.

Visiter l’intérieur des tissus vivants, survoler lamembrane cellulaire ou assister en direct à laséparation des chromosomes d’une cellule avantsa division : ce voyage, des biologistes l’entre-prennent quotidiennement grâce au microscopeconfocal à balayage laser (MCBL). Le principede base de cet outil a été jeté dès les années 1950,mais il a fallu attendre l’avènement du laser pourle voir se concrétiser. Quand un microscopeconventionnel n’offre à la vue que la surface destissus, le MCBL peut pénétrer à l’intérieur. Unavantage qui a été décuplé par l’arrivée de « pro-téines fluorescentes intégrées dans le vivant grâce àde l’ingénierie moléculaire », souligne Jean Sala-mero, chercheur CNRS et responsable de la plate-forme Imagerie cellulaire et tissulaire de l’InstitutCurie. Au final, la combinaison de la microsco-pie confocale et des protéines fluorescentes livreaujourd’hui une vision des évènements dyna-miques intra ou extra-cellulaires avec une préci-sion spatiale et temporelle inégalée.

DISSÉQUER LE VIVANTLe MCBL reste un instrument coûteux, enparticulier parce que, dans sa version la plusmoderne, un seul appareil fait appel à plusieurslasers à impulsions femtoseconde (un millio-nième de milliardième de seconde) afin depouvoir rendre luminescent toute la gammede protéines fluorescentes existantes. Toute-fois, son prix devrait être réduit grâce à la start-up Leukos, issue du laboratoire Xlim 4 de Limo-ges. La société commercialise en effet dessources laser d’impulsions émettant non pas unelongueur d’onde spécifique, mais dans touteune bande de fréquence, supprimant la néces-sité de recourir à différents lasers.

L’imagerie confocale n’est pas la seule techniqueà faire appel au laser en sciences du vivant. Enbiologie comme dans l’industrie, le laser est unoutil versatile, multifonctions. On l’emploie pour

décrypter l’ADN où c’est luiqui reconnaît le chapelet demolécules qui constitue lematériel génétique. Il sert éga-lement à identifier les cellulesune par une d’après leurforme, leur taille ou leurcontenu cellulaire et pour lestrier à très haute vitesse (plu-sieurs milliers par seconde) :c’est la cytométrie en flux, uti-lisée aux stations marines deRoscoff, de Banyuls-sur-Merou de Marseille pour étudierles micro-organismes desocéans.La microdissection, pendantbiologique de l’usinage laser,est, elle, employée pour l’ana-lyse des tissus. « Les lasers à

impulsions sont utiles pour découper des cellules pro-prement à l’échelle du micron, voire moins, sansproduire de dommages collatéraux », détaille Pierre-François Lenne, de l’Institut de biologie du déve-loppement de Marseille Luminy 5, qui a recoursà la technique pour disséquer des structures à l’in-térieur même de cellules vivantes et tester leurréaction mécanique. Identifier, dénombrer etdisséquer les tissus : le laser est le naturalistedes cellules.

RECONSTITUER LA TERREEn minéralogie, il jouerait plutôt le rôle deluthier. Sous la dénomination de spectroscopieBrillouin (une technique également employéedans les autres disciplines scientifiques), il metà jour les propriétés vibratoires des minéraux,informations dont se servent ensuite, par exem-ple, les géophysiciens pour imaginer la structureinterne de la Terre. Cette spectroscopie souffretoutefois d’une contrainte : les échantillons ana-lysés doivent être transparents pour être péné-trés par le faisceau laser, ce qui limite singuliè-rement le nombre de minéraux analysables etl’interdit notamment pour le fer, pourtant consti-tuant principal du noyau terrestre. Pour remé-dier au problème, Frédéric Decremps, de l’Ins-titut de minéralogie et de physique des milieuxcondensés 6, à Paris, et Laurent Belliard, del’Institut des nanosciences de Paris 7, sont entrain d’adapter une méthode d’acoustique lasersous conditions extrêmes. Elle consiste à pro-voquer dans l’échantillon des minitremblementsde terre à l’aide d’impulsions laser femtosecondeset à observer ensuite l’échantillon se déformeren direct. « La technique permet de mesurer lesvitesses des ondes sonores dans des matériaux

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La modélisation du fortSaint-Jean, à Marseille,a été effectuée à l’aide d’un scanner 3Dcapable de relever la position de plusieursmillions de points.

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Cet ovocyte de drosophiletransgénique a étéobservé parmicroscopie confocaleà balayage laser.

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opaques de dimensionsnanométriques et soumisà des pressions supérieuresà un million d’atmosphère[pour reconstituer lesconditions de l’intérieurde la terre, NDLR] », s’en-thousiasme Frédéric Decremps. Armés de cenouvel outil, les minéralogistes lèveront peut-êtreenfin le voile sur la composition chimique et ladynamique du noyau terrestre.

REFROIDIR LES ATOMESSi les lasers femtosecondes plongent au cœur dela Terre, ils le font aussi pour les molécules. Eneffet, le délai de leurs impulsions est si bref qu’ildevient comparable au temps typique de dépla-cement des atomes dans les molécules. On peutdès lors employer des impulsions femtosecondescomme des flash ultrarapides pour prendre desinstantanés de la matière. Le principal intérêt dela méthode est de pouvoir assister aux étapesintermédiaires d’une réaction chimique, d’or-dinaire insaisissables aux chimistes. Au Labo-ratoire Francis-Perrin 8, à Saclay, les chercheursl’utilisent notamment pour étudier les méca-nismes qui président au changement de couleurdes molécules photochromes (sensibles à lalumière). Des travaux qui s’inscrivent, à longterme, dans la recherche de mémoires optiques,des mémoires informatiques ultrarapides tra-versées par un pinceau lumineux où la lumi-nosité des photochromes (allumés ou éteints)jouerait le rôle des traditionnels 0 et 1 del’informatique. Ultime application en sciences,la chaleur du laser sert paradoxalement à refroi-dir des atomes de gaz dilué. Récompensées làaussi d’un prix Nobel, celui de Claude Cohen-Tannoudji en 1997, qui avait reçu un an plus tôtla médaille d’or du CNRS, les techniques misesen jeu consistent, dans les grandes lignes, àfreiner les atomes en les frappant par des tirscroisés de lumière laser. Or qui dit atomesfreinés, dit agitation du milieu moindre et donc

refroidissement. Avec ces techniques, les phy-siciens atteignent les températures les plusbasses de l’univers, le millionième de Kelvin,voire moins. Freinés, les atomes se laissent tran-quillement observer. Fruit de ce gain en tempsd’observation, diverses mesures réalisées dansle domaine de la métrologie, comme celle dutemps ou de la gravité, ont gagné, grâce aux ato-mes ultrafroids, trois ou quatre ordres de gran-deur sur leur précision.Les atomes ultrafroids servent aussi de systè-mes modèles pour tester les lois de la matièrecondensée (la discipline qui englobe l’étude dessolides et des liquides). « Au Laboratoire Charles-Fabry de l’Institut d’optique 9, à Palaiseau, nousutilisons la lumière laser pour éclairer les atomesultrafroids dans des potentiels désordonnés » décritAlain Aspect, Médaille d’or du CNRS en 2005,tout juste auréolé du prestigieux prix Wolf pourses travaux en information quantique. Autre-ment dit, en croisant des lumières laser, lesscientifiques parviennent à créer des succes-sions rapprochées de pics et de creux d’intensitélumineuse. Plongés dans ce paysage lumineux,les atomes ultrafroids se logent en des points pré-cis et interagissent entre eux comme à l’inté-rieur d’un solide. « Cela permet de simuler le com-portement des électrons dans des matériaux commele silicium amorphe où les atomes sont empilés endésordre, et donc ainsi de mieux comprendre lespropriétés électriques de tels matériaux », expliqueAlain Aspect.Mais l’application la plus spectaculaire du refroi-dissement atomique est la réalisation d’un état iné-dit de la matière, resté pendant soixante-dix ansune pure expérience de pensée : le condensat deBose-Einstein. Sous ce nom barbare se cache unétat de la matière où tous les atomes du nuage secomportent comme un seul et même atome.Outre l’intérêt fondamental qu’il présente, lecondensat de Bose-Einstein est en passe de four-nir la pierre angulaire du très fantasmé laser à ato-mes (lire l’encadré ci-contre). Impossible de dire sicelui-ci est pour bientôt. « Il est difficile de fairedes prévisions, surtout sur l’avenir », avertissait NielsBohr, l’un des pères de la mécanique quantique.

Le succès du laser, que personne n’attendait, nepeut que lui donner raison.

Xavier Müller1. Unité CNRS / Observatoire de la Côte d’Azur, Universitéde Nice / Université Paris -VI / IRD.2. Unité CNRS / Université Paris-VI / Université VersaillesSaint-Quentin-en-Yvelines.3. Unité CNRS / Université Bordeaux-III.4. Unité CNRS / Université de Limoges.5. Unité CNRS/ Université Aix-Marseille-II.6. Unité CNRS / Universités Paris-VI et -VII / IPGP / IRD.7. Unité CNRS / Université Paris-VI.8. Unité CNRS / CEA.9. Unité CNRS / Institut d’optique Graduate School /Université Paris-XI.

Un laser d’un genre totalement nouveau s’apprête àfaire son entrée dans notre quotidien : le laser àatomes. Ce dispositif qui émet un jet d’atomes tousrigoureusement identiques les un des autres (de lamême manière que tous les photons d’un faisceaulaser sont tous semblables) existe déjà dans leslaboratoires. Il est encore volumineux et difficile àmettre en place, mais les progrès sont tels qu’ilpourrait bientôt devenir indispensable. À l’origine decet instrument : les expériences de refroidissementdes atomes par laser. En 1995, les physiciensrefroidissent des atomes de rubidium à unetempérature tellement basse qu’ils parviennent, pour la première fois à créer un condensat de

Bose-Einstein. En clair, unnouvel état de la matière danslequel les atomes ont tousexactement les mêmespropriétés. On réussit ensuite àlibérer les atomes de cecondensat : le laser à atomesétait né. « Il nous faut maintenant relever deux grandsdéfis pour que ce laser sorte des laboratoires,explique Philippe Bouyer, du Laboratoire Charles-Fabry de l’Institut d’optique1 à Palaiseau. Leminiaturiser au maximum et créer un jet d’atomes encontinu. » Nul doute qu’il trouverait alors de multiplesusages : « Un laser à atomes continu serait un atout

LE LASER VENU DU FROID

CONTACTSÔ Alain Aspect, [email protected]

Ô Laurent Belliard, [email protected]

Ô Frédéric [email protected]

Ô Loïc [email protected]

Ô Pierre Exertier, [email protected]

Ô Sophie Godin [email protected]

Ô Pierre-François [email protected]

Ô Jean Salamero, [email protected]

Ce dispositif optique a été mis au point au LaboratoireCharles-Fabry del’Institut d’optique pourle refroidissementlaser.

Les lasers à impulsionsultrabrèves, comme celui du Centre d’interaction laser-matière de Saclay,permettent de suivre en directles réactions chimiques.

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Déjà omniprésent, le laser n’a pasfini de faire parler de lui. Car dansles laboratoires du monde entier, leschercheurs imaginent déjà de nou-velles générations toujours plus

performantes. Quels seront les lasers de demain?Tour d’horizon de la recherche actuelle.À tout seigneur, tout honneur. Star incontestéedes lasers, le laser à semiconducteur (ou diodelaser), qu’on trouve partout, des lecteurs CD auxcaisses de supermarché pour lire les codes-bar-res, n’échappera pas à la vague d’innovation.Depuis les années 1980, les chercheurs n’ont eude cesse d’améliorer ce laser dont le succès pro-vient de sa petite taille : le matériau laser en lui-même (voir illustration, p. 20) mesure quelquescentaines de microns de long sur quelquesmicrons de large. « Il est constitué d’une successionde couches ultra-minces faites d’un matériau semi-conducteur (comme l’arséniure de gallium) danslequel les électrons peuvent passer d’un niveau d’éner-gie à un autre en émettant de la lumière, expliqueFrançoise Lozes du Laboratoire d’analyse etd’architecture des systè-mes (Laas) du CNRS àToulouse. En contrôlantau nanomètre près l’épais-seur de ces couches et enjouant sur leur composi-tion, on peut sélectionnertrès finement ces niveaux etdonc la longueur d’onde émise par le laser ». Ainsiont été mises au point différentes diodes laser,notamment rouges ou bleues pour le stockagesur les CD-Rom et les DVD.Mais les scientifiques veulent aller plus loin.Ils explorent aujourd’hui un territoire prati-quement vierge pour les lasers : la lumière

infrarouge. « Les seuls lasers qui existent dans cedomaine sont encombrants et peu pratiques à uti-liser, note Martial Ducloy, du Laboratoire dephysique des lasers 1 à Villetaneuse. L’enjeu estde mettre au point des appareils compacts. » Leslasers à semi-conducteur sont les candidats touttrouvés. Ou plutôt, un type particulier d’entreeux : celui à cascade quantique. Inventé dans lesannées 1990, on commence tout juste àmaîtriser sa conception. Pour le fabriquer, leschercheurs recréent artificiellement, en empi-lant un grand nombre de couches nanométri-ques, une sorte d’escalier à électrons. Une foisexcités par un courant électrique, ces dernierssont forcés de descendre les marches les unesaprès les autres – d’où le nom de cascade – enémettant à chaque fois de la lumière. Grâce àcette technique, on peut couvrir un très largedomaine de longueurs d’onde infrarouges, de3 à 300 microns environ.De quoi ouvrir un vaste champ d’applications.Entre 3 et 10 microns, on trouve en effet larégion des « empreintes digitales des molécules ».

La plupart des molécules y absorbent en effet lalumière à des fréquences lumineuses bien pré-cises. En envoyant un faisceau laser dans unéchantillon, et en mesurant comment la lumièrea été atténuée suivant la longueur d’onde, on peutremonter à ses différents composants, même siceux-ci sont présents à l’état de traces. Cettespectroscopie infrarouge permet notammentde détecter des molécules polluantes dans l’air.Compact, le laser à cascade quantique pourraitse glisser partout et constituer dans le futur unesonde indispensable.

UN MILLION DE LASERS EN UND’autant qu’il pourrait bénéficier un jour d’unetechnique naissante qui promet de révolution-ner la spectroscopie : le peigne de fréquence.Derrière ce terme se cache en réalité un laserfemtoseconde, c’est-à-dire délivrant des impul-sions de l’ordre du femtoseconde (10-15 seconde),d’un type particulier : « Grâce à lui, on obtient unfaisceau laser qui contient l’équivalent d’un mil-lion de lasers émettant chacun une longueur d’onde

bien déterminée », explique Nathalie Picqué, duLaboratoire de photophysique moléculaire 2 àOrsay. Mis au point à la fin des années 1990 pourdes applications en lumière visible, il pourraits’étendre à la spectroscopie infrarouge dans lefutur. « On pourra détecter plusieurs moléculessimultanément en un temps excessivement court,poursuit la chercheuse. Ce qui rendra possiblel’analyse en temps réel d’une chaîne de production,alimentaire ou pharmaceutique par exemple. »Reste maintenant à développer un laser infra-rouge capable d’émettre de très brèves impul-sions. Le laser à cascade quantique figure sur laliste des candidats possibles.Mais la prometteuse carrière de ce laser nes’arrête pas là. Du côté des grandes longueursd’onde, il offre aussi de séduisantes perspecti-ves. Entre 100 et 300 microns se situe ledomaine des ondes térahertz 3, qui suscitent >

D’autres promesses pour demain

Bose-Einstein. En clair, unnouvel état de la matière danslequel les atomes ont tousexactement les mêmespropriétés. On réussit ensuite àlibérer les atomes de cecondensat : le laser à atomesétait né. « Il nous faut maintenant relever deux grandsdéfis pour que ce laser sorte des laboratoires,explique Philippe Bouyer, du Laboratoire Charles-Fabry de l’Institut d’optique1 à Palaiseau. Leminiaturiser au maximum et créer un jet d’atomes encontinu. » Nul doute qu’il trouverait alors de multiplesusages : « Un laser à atomes continu serait un atout

majeur dans certaines applications, parexemple les interféromètres atomiques qui autorisent des mesures extrêmementsensibles de la gravitation, importantes

aussi bien en science fondamentale (comme tests de la relativité générale) que pour la détection desressources du sous-sol », promet Alain Aspect.

J.B.

1. Unité CNRS / Université Paris-XI / Institut optique graduateschool.

Contact : Philippe Bouyer, [email protected]

Les lasers à atomes émettent un jet d’atomes tous identiques,comme le sont les photons d’un faisceau laser classique.

Empilement de trois plansd’îlots quantiques d’arséniured’indium, élaborés sur unsubstrat d’arséniure de gallium.

Coupe d’une diodelaser à cascadesquantiques. Les photons sont émispar la couche faited’arséniure d’indium et d’antimoniured’aluminium, en rouge.

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un intérêt grandissant. Comme les rayons X,ces rayonnements ont la particularité de traverserfacilement la peau et les vêtements mais sans enprésenter les dangers. Très actives, les recherchesdevraient bientôt conduire au développementd’appareils d’imagerie dans les hôpitaux. Sansoublier que les ondes térahertz, du fait de leurfréquence élevée, pourraient permettre dans lefutur des communications sans fil cent fois plusrapides que les réseaux wifi actuels. Parce qu’ilssont les seuls dispositifs compacts actuellementcapables de produire de telles ondes, les lasersà cascade quantique sont bien partis pour s’em-parer de ce marché. Avec un bémol toutefois :dans cette gamme d’énergie, il faut les refroidirà –100 °C pour qu’ils puissent fonctionner. « Ledéfi actuel est d’arriver à la température ambiante,note Raffaele Colombelli, chercheur à l’Institutd’électronique fondamentale 4 à Orsay. Il fau-dra pour cela mieux comprendre le phénomène ettester différents types de matériaux mais je n’ai pasde doute qu’on puisse un jour y arriver. »Autre valeur montante parmi les lasers à semi-conducteur : le laser à îlots quantiques. Cettefois, au lieu de couches,ce sont des grains nano-métriques qui sont insé-rés au sein d’une matriceégalement semiconduc-trice. L’idée ? Non seule-ment, faire baisser dras-tiquement le courantélectrique nécessairepour alimenter le laser,ce qui aurait également lemérite de moins le fairechauffer, mais égalementle rendre insensible auxécarts de températureenvironnants, ce qui faci-literait le déploiement de la fibre optique à nosdomiciles. Autant dire que le laser à îlots quan-tiques est un candidat incontournable pour lestélécommunications de demain. Impossible de parler de la miniaturisation deslasers sans évoquer leur avenir potentiel ausein des ordinateurs du futur. Dans ces derniersen effet, la lumière pourrait venir remplacer lesélectrons actuellement utilisés, ce qui per-mettrait par exemple de transmettre des infor-mations beaucoup plus rapidement. Les cher-cheurs travaillent aussi sur de nouvelles sourceslaser qui seraient capables de générer des pho-tons uniques, notamment pour des transmis-sions sécurisées par cryptographie quantique.Mais le chemin s’an-nonce encore long caron est encore très loindes niveaux de miniatu-risation de la microélec-tronique.

TOUJOURS PLUS DE PUISSANCESi une course à la miniaturisation s’est engagéed’un côté, une course à la puissance s’est ouvertede l’autre. C’est que l’industrie, grande consom-matrice de lasers pour découper, souder, ouencore percer, est sans cesse demandeuse d’ins-truments toujours plus performants. Le laser àfibre, surtout, devrait tirer son épingle du jeu.Héritier de la technologie utilisée dans les fibresoptiques transocéaniques pour amplifier le signalà intervalles réguliers, il s’apprête à succéderaux lasers de puissance actuels. Il est constituéd’une fibre optique dans laquelle ont été dis-persés des ions de terres rares (un groupe demétaux dont font partie l’erbium ou l’ytterbium),qui, une fois excités par une diode laser, pro-duisent la lumière. Celle-ci chemine le long dela fibre avant de sortir sous la forme d’un puis-sant faisceau. Le grand atout de ce laser, c’est quetous ses composants sont intégrés, et donc pro-tégés, dans la fibre optique. De quoi le rendrebeaucoup plus fiable, plus compact et doté d’unmeilleur rendement que ses concurrents.D’ici à une dizaine d’années, une autre stratégiedevrait permettre de gagner encore plus en puis-sance. En plein développement dans les labo-ratoires, la combinaison, dite cohérente, de lasersvise à coupler plusieurs faisceaux entre eux pourconcentrer toute leur puissance dans un seul

rayon. « Pour cela, il faut faire vibrer tous les lasersexactement en même temps », précise VincentCouderc, de l’institut de recherche Xlim àLimoges 5. Pour y arriver, les chercheurs utilisenttoute une batterie de miroirs déformables, len-tilles et autres systèmes optiques complexes.Mais le jeu en vaut la chandelle : la technique per-mettra de conserver un faisceau intense sur unetrès longue distance, chose impossible avec unseul laser. Elle intéresse déjà l’industrie spatialequi compte l’utiliser un jour dans son projet decentrale sur orbite : des satellites capteraient

>Parce qu’elle pourrait constituer dans le futur unesource d’énergie relativement propre et quasimentillimitée, la fusion thermonucléaire fait actuellementl’objet de recherches intensives. Son principe, quiimite le fonctionnement du Soleil : faire fusionner desnoyaux de tritium et de deutérium et récupérerl’énergie produite par la réaction pour alimenter desturbines. Deux voies sont explorées pour y parvenir :le confinement magnétique d’un côté (avec le futurprojet Iter notamment) et le confinement par deslasers de l’autre. « La puissance conjuguée deplusieurs faisceaux lasers permet de comprimer unecible remplie d’un mélange de deutérium et de tritiumqui se met alors à chauffer, explique FrançoisAmiranoff, directeur du Laboratoire pour l’utilisationdes lasers intenses1 à Palaiseau. Si on parvient àatteindre une température de 100 millions de degrés,la fusion s’enclenche et se propage à l’ensemble del’échantillon. » Cet allumage du combustible devraitêtre atteint dans les années qui viennent par le projetaméricain NIF, puis en France par le Laser Mégajoule(LMJ). L’étape suivante sera de construire un réacteur

prototype pour produire de l’énergie. Ce seral’ambition du projet européen Hiper, qui devraitdébuter à l’horizon 2025.

J.B.

1. Unité CNRS / CEA / Paris-VI / École polytechnique.

Contact : François Amiranoff, [email protected]

LA PUISSANCE DU SOLEILDANS UN LASER

Miniaturisation,puissance… unecourse s’est engagéepour rendre les lasersplus performants.

Réglage du laser pilotede la station Laserix, à Orsay, destinée au développement de lasers X-UV à trèsgrande intensité. ©

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24 h/24 l’énergie du soleil avant de la trans-mettre sur terre par laser.

UNE ÉNERGIE COLOSSALEMais les avancées les plus spectaculaires entermes de puissance viendront des lasers ultra-intenses installés dans de gigantesques infra-structures. La taille de l’un d’entre eux, le Méga-joule (LMJ), construit actuellement par la directiondes applications militaires du CEA à Bordeaux,et qui sera mis en route en 2014, parle d’elle-même : 300 mètres de long pour 100 mètres delarge. « Au cœur de l’installation, près de 200 fais-ceaux laser convergent en un point, explique PatrickMora, président de l’Institut lasers et plasmas 6,qui coordonne les expériences scientifiques civi-les du projet. Avant cela, chaque faisceau traversedes tubes de verre qui produisent de la lumière aumoment même de son passage et l’amplifie ainsiun peu plus à chaque fois. En 300 mètres, on passed’un mince rayon laser à un faisceau intense largede 40 centimètres! » Focalisés sur une toute petitecible d’un millimètre, les 200 lasers permet-tent d’atteindre une énergie colossale de 2 méga-joules l’espace de quelques nanosecondesseulement. L’échantillon est alors comprimé àl’extrême et chauffé à des températures pou-vant atteindre 100 millions de degrés. Des condi-tions infernales capables de simuler, à petiteéchelle, le fonctionnement d’une bombe ato-mique. On comprend alors pourquoi le LMJ,financé par des budgets militaires, est une pierreangulaire du programme de dissuasion fran-çais, après l’arrêt définitif des essais nucléaires.

çois Amiranoff, directeur du Laboratoire pourl’utilisation des lasers intenses à Palaiseau. Enralentissant, elles émettront un flash de rayons X etgamma à la fois très bref et extrêmement fin. »On pourra ainsi réaliser des clichés instantanésde la matière au niveau atomique, suivre l’évo-lution d’une molécule biologique ou encoresonder des matériaux très épais. En diminuantencore plus la durée de l’impulsion laser (jusqu’àl’attoseconde, soit 10-18 seconde), et donc enaugmentant sa puissance, les chercheurs ten-teront la prouesse de créer de la matière à par-tir du vide. Selon la théorie quantique, en effet,le vide complet n’existe pas : des particules yapparaîtraient et disparaîtraient en permanence.Ultra-intense, le faisceau d’ELI pourrait séparerces particules les unes des autres et les révélerainsi aux scientifiques. Ouvrant ainsi la voie àune physique totalement nouvelle.

Julien Bourdet

1. Laboratoire CNRS / Université Paris-XIII.2. Fédération de recherche CNRS / Université Paris-XI.3. Car la fréquence de ces rayonnements est de l’ordre du térahertz (soit 1 012 hertz)4. Laboratoire CNRS / Université Paris-XI.5. Unité CNRS / Université de Limoges.6. Groupement d’intérêt scientifique CNRS et CEA.7. Un pétawatt correspond à 1015 watts.

CONTACTSÔ François [email protected]

Ô Raffaele [email protected]

Ô Vincent [email protected]

Ô Martial [email protected]

Ô Françoise [email protected]

Ô Patrick [email protected]

Ô Nathalie Picqué[email protected]

prototype pour produire de l’énergie. Ce seral’ambition du projet européen Hiper, qui devraitdébuter à l’horizon 2025.

J.B.

1. Unité CNRS / CEA / Paris-VI / École polytechnique.

Contact : François Amiranoff, [email protected]

À LIRE> Le laser,Fabien Bretenaker et Nicolas Treps, éd. EDP sciences, 2010.

> La lumière à ma portée. Du soleil au laser, la lumièredans tous ses états,Guy Taïeb, Raymond Vetter, éd. Cépaduès, 2007.

> Lasers, Jean-Pierre Faroux,Bernard Cagnac, éd. EDP Sciences, 2002.

> Introduction aux lasers et à l'optique quantique,de Claude Fabre, GilbertGrynberg et Alain Aspect, éd. Ellipses, 1997.

> D'où vient la lumière laser ?Evelyne Gil, éd. Le Pommier, 2006.

EN LIGNE> Tout savoir sur le laser, ses applications et lesévènements prévus pourcélébrer ses 50 ans :www.50ansdulaser.fr

À VOIR EN LIGNE> 50 ans du Laser,un album photos à découvrir à la une de la banque d’imagesdu CNRS.http://phototheque.cnrs.fr

> Lasers, les 50 ans, une sélection d’une trentainevidéos à la une du cataloguede films du CNRS.http://videotheque.cnrs.fr

POUR EN SAVOIR PLUS

L’ENQUÊTE

Mise en place de la chambred’expérience du Laser Mégajoule, au centre de laquellese concentrera la puissance de 200 lasers.

Mais les scientifiques civils, évidemment, s’in-téressent eux aussi de près à ce projet. 20 %des tirs leur seront consacrés. « La liste est lon-gue des phénomènes que l’on pourra reproduireavec le LMJ : le comportement de la matière au cen-tre de la Terre et des planètes géantes, le fonction-nement intime du Soleil, la formation des étoilesd’un côté et leur explosion de l’autre, etc. », anti-cipe le physicien. Les scientifiques poursui-vront leur quête de l’extrême avec une autremachine, titanesque elle aussi : le projet euro-péen ELI (Extreme Light Infrastructure), quidevrait voir le jour vers 2017. Cette fois, lesimpulsions laser qui seront envoyées sur lescibles seront beaucoup plus brèves, de quel-ques femtosecondes. Toute l’énergie sera ainsiconcentrée en un temps extrêmement court.De quoi atteindre, sur une toute petite surface,une puissance instantanée gigantesque de plu-sieurs dizaines de pétawatts 7, soit beaucoupplus que la puissance électrique produite par tou-tes les centrales du monde réunies ! « Le champélectrique sera alors tellement intense que les par-ticules seront accélérées sur quelques microns ou mil-limètres à la vitesse de la lumière, explique Fran-

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Jeux de mains à BornéoLongtemps restées inviolées, les grottes de Bornéo renferment de véritables chefs-d’œuvre : des dessins de mains en négatif réalisés par des humains il y a plus de 10000 ans. Entre 1994 et 2006,un scientifique et un explorateur, Jean-Michel Chazine et Luc-Henri Fage, ont découvert près de2000 empreintes de mains, une abondance sans équivalent dans le monde. Ils publient aujourd’hui un ouvrage magnifiquement illustré qui permet de découvrir ces trésors.

ARCHÉOLOGIE

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1 Le porche de Gua Marduadomine la jungle. C’est dans cettegrotte que les premières mains« négatives » ont été découvertes.

2 Le « bouquet de mains »retrouvé à Ilas Kenceng figureparmi les motifs les plusesthétiques de Bornéo.

3 et 4 Véritables nids d’aiglesitués à flanc de falaise, lesgrottes sont très difficiles d’accès.

5 Relevé photographique à Ilas Kenceng. Large de 3,65 m, la fresque, qui combine desanimaux et des mains négatives,est la plus grande de Bornéoconnue à ce jour.

6 La grande originalité des mains de Bornéo est qu’ellescomportent des motifs tousdifférents les uns des autres.Certaines, en plus, sont reliéesentre elles comme pour signifierdes liens entre les individus.

7 Cette frise est composée demains d’hommes (les plus en haut)mais aussi de femmes (en bas),comme l’a montré la mesure durapport entre l’index et l’annulaire.

8 Pour dater les peintures, les scientifiques prélèvent soit du pigment ocre (comme sur laphoto), soit du calcaire quirecouvre les dessins. Ils ont ainsiestimé l’âge des mains négatives à plus de 10000 ans.

Après plusieurs jours de marche dans lajungle puis une ascension périlleuse dela falaise où il faut s’agripper au moindremorceau de roche, saisir la moindre racine

pour progresser, les deux hommes et leurs guidesatteignent enfin l’entrée de la grotte, un immenseporche perché à 100 mètres de hauteur avec une vueimprenable sur la forêt luxuriante. Jean-MichelChazine, archéologue, commence à fouiller le sol àla recherche d’indices de la présence d’hommespréhistoriques. Luc-Henri Fage, spéléologue, explorela cavité, observant les nombreuses concrétions cal-caires qu’elle accueille. Soudain, son regard est attirépar une tache sur la paroi aux formes étranges. Il s’enrapproche avant de crier à son acolyte : « Des mains! »Là, sur les murs de la grotte, s’étalent des dessins demains par dizaines réalisés par des humains grâceà de l’ocre rouge il y a plus de 10000 ans. Ce 20 août 1994, en plein cœur de la forêt vierge,les explorateurs viennent de découvrir Gua Mardua,la toute première grotte ornée de l’île indonésienne

de Bornéo. « C’était un choc, raconte Jean-MichelChazine, du Centre de recherche et de documen-tation sur l’Océanie 1 à Marseille. D’abord parce quetrès peu de gens ont la chance de mettre au jour des pein-tures rupestres. Mais aussi parce que tous les spécialistesdisaient qu’il était impossible d’en trouver sur une îleaussi isolée que Bornéo. » Et les deux compères nesont pas au bout de leurs surprises. Au cours desmissions suivantes qu’ils vont accomplir jusqu’en2006, ils découvriront bien d’autres peintures demains. Près de 2 000, réparties dans une quaran-taine de grottes et formant de véritables chefs-d’œuvre à elles seules. Sans oublier les 265 dessinsreprésentant des animaux ou autres personnagesanthropomorphes. On croyait Bornéo dépourvue de peintures pré-historiques, voilà que l’île se révèle en réalité d’unerichesse incroyable. Et plus que tout, ce sont sesmains en négatif qui fascinent. Leur abondancen’a pas sa pareille ailleurs. « On retrouve ce genre d’em-preintes sur tous les continents mais celles de Bornéo

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sont exceptionnelles à plus d’un titre, commenteJean-Michel Chazine. D’ordinaire, les mains sonttoujours entourées d’autres dessins, d’animaux notam-ment. Mais à Bornéo, certaines grottes ne contiennentque des mains, formant de magnifiques compositions.Autre particularité étonnante : l’intérieur d’un grandnombre de mains a été décoré de motifs (lignes, points,chevrons…), tous différents les uns des autres. »Des découvertes qui obligent aujourd’hui les archéo-logues à réinterpréter le rôle de ces représentationsde mains dans les sociétés préhistoriques, vuessouvent comme un simple rituel de chasse. PourJean-Michel Chazine, la fonction de ces emprein-tes est bien plus complexe. « Pour réaliser un teldessin, il faut appliquer sa main contre la paroi de lagrotte. Puis crachoter de l’ocre rouge mise dans la bou-che. Comme un pochoir, la main apparaît alors ennégatif. Eh bien, cette succession de gestes est exactementla même que celle des guérisseurs qui imposent leurmain sur le corps d’un malade avant d’y crachoter dessubstances thérapeutiques. Pour moi, ce n’est pas unhasard. Ces dessins ont peut-être été exécutées au coursde rituels incantatoires où les guérisseurs venaient récu-

pérer de l’énergie pour lamettre ensuite au servicede leur communauté. »Quand aux ornementsqui remplissent certainesmains, l’archéologue yvoit la représentationsymbolique d’une familleou d’un clan. Dans cer-tains cas, les mainstatouées sont même

reliées entre elles, comme cet « arbre de vie » décou-vert dans la grotte de Gua Tewet où une sorte de lianeva de mains en mains. « On peut imaginer que lorsqu’ily avait un problème au sein de la communauté ouentre différentes tribus, ces mêmes guérisseurs tentaientde les résoudre en tissant sur les murs des grottes des lienssymboliques entre les individus. »Ainsi, les grottes de Bornéo devaient autrefois êtrele lieu de cérémonies aux rituels extrêmement codi-fiés et réservées aux seuls initiés. Un scénarioconforté par le fait que les abris sont difficiles d’ac-cès et vides de toute trace d’occupation prolongée.Malheureusement, ces sanctuaires du passé sontmenacés aujourd’hui de disparition. La déforestation,qui bouleverse les conditions climatiques naturelles,accélère la dégradation des peintures due à l’humi-dité, aux bactéries et autres dépôts de calcaire. Alors,pour sauvegarder ce patrimoine unique au monde,les deux découvreurs tentent à présent de convain-cre les autorités indonésiennes de classer la régionen parc naturel. Pour que les mains de Bornéo conti-nuent d’émouvoir encore longtemps.

Julien BourdetÔ À lire : « Les empreintes de mains se donnent un genre », Le journal du CNRS, n° 192, janvier 2006, p. 10.

Ô À voir : Traces de vies (2008, 52 min) de Catherine Michelet, produit par L’Azalaï et CNRS Images – http://videotheque.cnrs.fr/index.php?urlaction=doc&id_doc=2001

1. Unité CNRS / Université de Provence.

9 Les scientifiques disposentsouvent de peu de temps pourfaire un premier relevé despeintures. Dans cette situationrien ne vaut le dessin à mainlevée, comme ici à Gua Tewet.

10 et 11 Les relations entregénérations sont visibles dans les grottes de Bornéo, comme en témoigne cette peinture de Gua Tewet où deux mainsd’adultes (à droite) sont reliées à deux mains d’enfants (à gauche).

12 Installation du bivouac dans la grotte de Gua Ham, richeen concrétions calcaires. Les conditions de vie et de travailsont souvent très rudimentairesdans ces lieux humides et trèsdifficiles d’accès.

CONTACTÔ Jean-Michel ChazineCentre de recherche et de documentation surl’Océanie, [email protected]

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Bornéo, la mémoire des grottesLuc-Henri Fage et Jean-Michel Chazine,éd. Fage, 2009, 176 p. – 35 €.

LE LIVRE

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Elle sort de quelques mois « un peu fous ».Lauréate du prix Femina en novembredernier pour son roman Personne 1,Gwenaëlle Aubry, historienne de la philo-

sophie au Centre Jean-Pépin du CNRS et philo-sophe, retrouve enfin son « régime de solitude etd’autarcie ». Des journées, remplies par sesrecherches, passées à traduire les textes et àreconstituer une pensée, notamment en histoirede la philosophie antique et de la philosophiemédiévale. Des soirées grignotées par la prépa-ration des cours donnés à la Sorbonne et à l’Écolenormale supérieure (ENS). Et bien sûr, dès qu’unenouvelle idée de roman s’imposera, la jeunefemme de 39 ans à peine devra « aussi lui faireune place », tôt le matin.Écrire. Essais, traductions, romans, peu importela forme. Dès l’enfance, elle savait qu’il lui faudraitorganiser sa vie autour de cette nécessité absolue.« Il m’a toujours semblé que la vie ne s’épuisait pasdans le seul fait d’être vécue… » En classe de ter-minale, sa « voracité de littérature » se cogne avecla philosophie, nouvelle matière rencontréecomme un coup de foudre. « J’avais enfin l’im-pression de reconnaître la langue que j’avais envie etbesoin d’entendre. » Entrée à l’ENS à 18 ans, ellemène de front licence de lettres et licence de phi-losophie, puis fait de cette dernière son « enga-gement exclusif ». Maîtrise, agrégation, DEA etthèse de philosophie, elle enchaîne le parcours logique, saisit les opportunités d’échanges étu-diants à l’étranger, à Pise puis à Cambridge où elleobtient un master et commence une thèse. « Il yavait là-bas une grande suspicion sur la métaphysique,mon domaine d’étude », se souvient-elle. La méta-physique : le mot a été inventé dans l’Antiquitépour répertorier les écrits d’Aristote qui venaientaprès – méta en grec – ses leçons de physique. Aufinal, il désigne une branche de la philosophie dontles questions fondamentales résonnent en chacunde nous : l’existence de Dieu, le sens de la vie, etc.Mais la dialectique du philosophe pour y répondreobéit à une logique et un vocabulaire complexes.La chercheuse allume une fine cigarette d’ungeste élégant et s’y essaie…

« Depuis ma thèse, je travaille beaucoup sur lanotion de puissance, d’Aristote à Leibniz. Plus parti-culièrement comment on est passé de l’en-puissanceà la toute-puissance », explique-t-elle l’air sérieux.Pour suivre, il faut savoir que dans son systèmede pensée, Aristote, qui cherche à décrire toutechose, sépare ce qui est « en acte » (ce qui estaccompli ou parfait) de ce qui est « en puis-sance » (capable d’un mouvement qui tend àl’acte) : par exemple un bloc de marbre recèle « en

RENCONTREAVEC 31

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puissance » une statue qui y serait sculptée.« Selon Aristote, Dieu est un acte sans puissance »,reprend-elle, ponctuant chaque fin de phrasepar un sourire séducteur. Puis, au fil des siècles,un glissement de pensée, opéré par l’entremised’un glissement sémantique, en a fait au Moyen

Âge un Dieu tout-puissant.« Mais un Dieu tout-puissantn’est soumis à aucune loi, nimorale, ni physique, ni logique.Ce qui m’intéresse, c’est commentcette figure-là s’est substituée auDieu aristotélicien », explique laphilosophe.Et le CNRS? « J’y suis entrée en2002, après ma thèse et trois ansen tant que maître de confé-rences à Nancy. J’avais besoin deplus de temps pour mes re-cherches et le CNRS m’a offert celuxe inestimable. » En tirantsur les vingt-quatre heures dela journée, elle est aussidepuis devenue l’auteur decinq romans. Mais surtout,pas de mélange des genres.« J’ai toujours évité d’écrire desromans à thèse philosophiqueet évité toute rhétorique littéraireen philosophie. J’ai trop de goûtpour ces deux disciplines pourfaire de l’une la servante de l’autre. » Seules les théma-tiques parfois se télescopent.Son roman Personne, hom-mage à « celui qui fut [son]père », brillant juriste atteint depsychose maniaco-dépressive,est ainsi le portrait d’unhomme étranger à lui-mêmeet au monde, à la recherched’un « moi » qui sans cesse luiéchappait. « Cela rejoint effecti-

vement un autre de mes domaines d’études : l’his-toire et la constitution de la notion de « moi »,notamment à travers Plotin 2 que j’ai traduit »,commente-t-elle la voix posée, chez elle, dans lebureau où ses deux filles de 9 et 2 ans savent qu’ilne faut pas la déranger. Son appartement pari-sien surplombe les quatre bâtiments en formede livre ouvert de la Bibliothèque nationale deFrance. Il semble lui aussi toujours penché surles bouquins.

Charline Zeitoun

1. Personne, éd. Mercure de France, août 2009, 160 p. – 15 €.2. Philosophe grec, 205 - 270 après J.-C.

Gwenaëlle AubryPhilosophe – Prix Femina 2009

CONTACTÔ Gwenaëlle AubryCentre Jean Pépin, [email protected]

“Il m’a toujourssemblé que la vie nes’épuisait pas dans le seulfait d’être vécue.

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Une philosophetrès romanesque

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BIOLOGIE SANTÉ

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RÉPARTITION DES FINANCEMENTS POUR LES APPELS À PROJETS THÉMATIQUES(de 2005 à 2008)

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FINANCEMENT DE LA RECHERCHE

L’Agence nationale de la recherche (ANR) fête son cinquièmeanniversaire. Sa directrice générale, Jacqueline Lecourtier, dresseun premier bilan, évoque la place de l’agence dans le paysagescientifique, ses relations avec le CNRS et les étapes à venir.

« Une vraie dynamique s’est créée »

Avant tout, quel est le rôle de l’ANR?Jacqueline Lecourtier : Créée en 2005, l’ANRest une agence de financement de la recherche.Chaque année, nous lançons des appels à pro-jets (AAP). Les chercheurs déposent ensuiteleurs dossiers, et les meilleurs sont sélectionnés.Pour les AAP non thématiques, l’excellencescientifique et technique est l’unique critère desélection. La pertinence économique entre éga-lement en jeu pour les projets menés par desentreprises. Les projets retenus sont financéspour une durée maximale de quatre ans. Maiscette durée peut être doublée quand nous finan-çons la suite de projets arrivés à leur terme :c’était le cas pour 15 % des projets soutenus l’anpassé. En 2009, 58 AAP ont été lancés, issus desept programmes : biologie et santé ; écosys-tèmes ; énergie et écotechnologies ; Stic 1 et nano-technologies ; sciences humaines et sociales ;matériaux, procédés, sécurité ; non thématique.Un budget de 657 millions d’euros a été allouéaux 1 341 dossiers retenus.

Quel bilan dressez-vous del’agence depuis sa création?J. L. : La demande s’est maintenue àun niveau élevé, avec environ 6000projets soumis chaque année! Autreenseignement, le financement moyenaugmente : de 267000 € en 2005,il atteint aujourd’hui 480 000 €.Parallèlement, une vraie dynamiques’est créée : les projets pluridisciplinaires se mul-tiplient, la qualité et la structuration des dossierssoumis s’améliorent, et des consortiums entrepublic et privé se sont mis en place pour répon-dre à nos appels. C’est une réelle satisfactioncar un de nos objectifs est de stimuler la créationde partenariats. Nous nous réjouissons aussi dutaux de placement des jeunes chercheurs sur lemarché de l’emploi après un CDD ou un post-doctorat financé grâce à l’ANR. Selon la dernièreenquête, moins de 5 % d’entre eux se retrou-vent ensuite au chômage. Enfin, une des grandesévolutions concerne le pourcentage du budgetconsacré au programme non thématique. Il estpassé de 28 % en 2005 à 35 % en 2009, et atteint50 % en 2010. Cette progression répond à lademande de scientifiques académiques pour quila liberté de choix des sujets est une conditionnécessaire de succès de la recherche et de l’inno-

vation. C’était notamment celle de nombreuseséquipes du CNRS. Conséquence : le nombre dedemandes pour des projets non thématiques abondi de 35 % en 2010.

D’autres modifications ont-elles été opéréesdepuis 2005?J. L. : Nous avons mis en place une démarchequalité qui a porté ses fruits. Tout d’abord, l’éva-luation des projets et le processus de sélectionse sont sensiblement améliorés 2. Les délais deréponse se sont homogénéisés et ne sont plusque de quatre mois maximum. Quant au tempsnécessaire entre la sélection des dossiers et l’ar-rivée des fonds dans les laboratoires, il n’excèdepas six mois. Parallèlement, les dossiers dedemande de financement ont été simplifiés aumaximum. Toutes les informations aujourd’huidemandées sont vraiment indispensables poureffectuer une évaluation pertinente, et permet-tent de gagner du temps sur la phase de contrac-

tualisation. Nous sommes éga-lement dans un processusd’amélioration continue des expli-cations envoyées aux porteurs deprojets non sélectionnés : près de4 500 refus doivent être expliquéschaque année ! Enfin, en février2008, l’agence s’est dotée d’unConseil de prospective afin d’antici-per au mieux sur les sujets quiferont l’actualité de demain. Nous

organisons aussi cinq à six ateliers de réflexionprospective par an, ciblés sur des questions stra-tégiques telles que la réduction des dépensesde santé ou le réchauffement climatique.

Quels liens entretient l’ANR avec le CNRS?J. L. : Précisons tout d’abord que plusieurs expertsissus du CNRS figurent dans nos rangs : AlainAspect, directeur de recherche au CNRS etMédaille d’or de l’organisme en 2005, estmembre du Conseil d’administration présidépar Jacques Stern, lui-même Médaille d’or duCNRS en 2006 ; Patrick Chaussepied dirige ledépartement biologie-santé. La responsabilitéde nombreux programmes de l’ANR est égale-ment confiée à certains de ses chercheurs. Par ail-leurs, la mobilisation des scientifiques du CNRSest forte pour nous aider à évaluer les projets,notamment ceux du programme blanc où ils

représentent près de 50 % des experts sollicités.Depuis la création de l’agence, l’unité support 3

pour la gestion de ce programme est d’ailleursune unité propre du CNRS. Et grâce à sa récenteréforme en Instituts thématiques, il devrait êtreencore plus pertinent pour nous aider à la pro-grammation scientifique, et à dresser le bilandes projets arrivés à terme. Côté financements,le CNRS est le premier bénéficiaire des dota-tions accordées par l’ANR depuis sa création, àégalité avec les universités (environ 24 % chacun).

Plus largement, comment se positionne l’ANRdans le paysage scientifique françaisrécemment redessiné?J. L. : Même si son budget ne représente que8 % de la dépense publique nationale de re-cherche, l’agence apporte de la flexibilité dans le

INSITU Entretien

150 personnes / Environ 50 appels à projets paran / Près de 6000 projets soumis chaque année /5800 projets et 20000 équipes financésentre 2005 et 2009 / Budget total attribué depuis2005 : 2,4 milliards d’euros / Budget 2009 :860 millions d’euros dont 3,2 % affectés aux fraisde fonctionnement / Taux de sélection 2009 :22,5 % / Aide moyenne par projet en 2009 :430000 € (projets académiques), 870000 €(projets partenariaux)

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ÉNERGIE DURABLE ENVIRONNEMENT

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MATÉRIAUXCHIMIE DURABLE

4 %

SCIENCES HUMAINES ET SOCIALES

3 %SÉCURITÉ GLOBALE

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dispositif français. En effet, tous les acteurs sontéligibles à ses financements quelle que soit leurnature : organismes de recherche publique, éta-blissements publics à caractère industriel etcommercial, centres de recherche plus finalisée,entreprises… En outre, les projets peuvent cou-vrir des travaux fondamentaux ou plus appli-qués en prise directe avec les besoins de la société,menés par une seule équipe ou en partenariat.L’ANR collabore également avec tous les acteursde la politique de la recherche française. Le pré-sident du Haut Conseil de la science et de latechnologie créé en 2006 siège dans notreConseil d’administration. Installée en mars 2007,l’Agence d’évaluation de la recherche et de l’en-seignement supérieur (AERES) nous renseignesur les laboratoires financés. Nous prenons aussien compte les avis et les demandes du Conseilsupérieur de la recherche et de la technologie. Etdans ce paysage scientifique redessiné, les uni-versités autonomes pourraient constituer desforces de proposition très efficaces.

Quels sont vos prochains objectifs?J. L. : Le développement à l’international devraits’intensifier. D’une cinquantaine en 2006, lenombre de projets transnationaux est passé à158 en 2009 et devrait encore augmenter dansles années à venir. En effet, la collaboration entreéquipes françaises et étrangères ne doit pasconstituer un frein pour solliciter nos finance-ments. Pour y parvenir, l’ANR a tissé des liens avectoutes ses agences sœurs de par le monde et estaujourd’hui reconnue au niveau mondial. Nous

allons également améliorer les partenariats entrepublic et privé, notamment avec les PME, viades appels à projets encore plus attractifs et laconsolidation du dispositif Carnot 4. Parallè-lement, les liens extrêmement forts noués avecles pôles de compétitivité devraient encore serenforcer. L’agence augmente son financementde 7 % pour les partenaires de projets de pôlesafin de les conforter dans leur dynamique. Misen place en 2009, notre soutien financier pourle retour en France de postdoctorants qui sesituent dans un parcours d’excellence devraitaussi porter ses fruits ; plus de cent demandesnous sont déjà parvenues l’an passé. Enfin, lesAAP stimulant des domaines à l’interface entresciences dures, humaines et sociales serontamplifiés.

Propos recueillis par Jean-Philippe Braly

Ô En savoir plus : www.agence-nationale-recherche.fr

1. Sciences et technologies de l’information et de lacommunication.2. Le processus de sélection des projets a obtenu lacertification Iso 9 001 de l’Afnor en 2008.3. L’unité support est une entité qui aide l’ANR dans lagestion d’un programme. Dans le cas du programme blanc,c’est une unité du CNRS, l’Usar, qui a été chargée d’assurerl’animation, la gestion et le suivi scientifique ainsi que la gestion administrative et financière.4. Les instituts labellisés Carnot reçoivent un abondementfinancier de l’ANR en fonction des contrats de recherchemenés avec des acteurs du monde économique.

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CONTACTÔ Jacqueline LecourtierAgence nationale de la recherche, [email protected]

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BRÈVES

Coup d’envoipour GuinevereLe 4 mars dernier, à Mol, en Belgique, a eu lieu l’inauguration de Guinevere, la maquette du futur démonstrateurMyrrha, un « système piloté paraccélérateur » (ADS) destiné autraitement des déchets nucléaires. Ce projet, qui implique entre autres le Centre d’étude de l’énergie nucléairebelge (SCK-CEN), le CNRS et le CEA, a pour objectif de prouver la capacitédes ADS à incinérer les déchetsnucléaires à l’aide de neutrons rapides.Un ADS consiste en un réacteurnucléaire dit « sous-critique », couplé à un accélérateur de particules. Pour pouvoir fonctionner et produire les neutrons rapides, le réacteur abesoin d’un apport d’énergie extérieur,fourni par l’accélérateur. Avant laconstruction de Myrrha et sa mise en fonction en 2022-2023, il étaitindispensable de réaliser desexpériences afin d’appréhender les spécificités d’un ADS. C’estdésormais possible grâce à Guinevere.

Deux nouveaux laboratoires communsde recherche ont été créés par le CNRSet l’Institut de radioprotection et de sûreté nucléaire (IRSN). Le C3R(Cinétique chimique, combustion et réactivité), qui implique le laboratoirede physicochimie des processus de combustion et de l’atmosphère 1,étudiera la cinétique chimique, laradiochimie et la combustion. L’Etic(Étude de l’incendie en milieu confiné),auquel participe l’Institut universitairedes systèmes thermiques industriels 2,s’intéressera quant à lui à lamodélisation de l’incendie en milieuconfiné. Fruits de collaborations établiesde longue date, ces laboratoirespermettront de conduire les recherchesnécessaires à l’appréciation des risquesliés aux activités nucléaires.1. Unité CNRS/Université Lille-I.2. Unité CNRS/Universités d’Aix-Marseille-I et -II.

Le CNRS et l’IRSNfont recherchecommune

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ORGANISATION

Omniprésent dans le secteur industriel, le concept de démarche qualité est de plus en plus adopté par lemonde de la recherche. Illustration avec des projets menés au sein de laboratoires du CNRS.

Les bienfaits de la démarche qualité

Jusqu’à la fin des années 1990, deux mots,sitôt prononcés, jetaient fatalement untrouble dans le Landernau de la recherchepublique : démarche qualité. Venue du

monde de l’entreprise où elle sert depuis desdécennies à optimiser toutes les étapes de lafabrication d’un bien via l’adoption de normesnationales ou internationales, cette notion ali-mentait la crainte d’une avalanche de paperasse-rie et d’un productivisme contraire à l’indispen-sable liberté des chercheurs. Les mentalités ont bien changé. La qualité fait dés-ormais partie intégrante de très nombreux pro-jets développés au sein d’organismes de recher-che comme le CNRS, et ce toutes disciplinesconfondues. La mise en place d’un système de

management de la qualité permet en effet de« garantir, d’une part, l’intégrité, la traçabilité et lareproductibilité des données produites au cours de larecherche et, d’autre part, une organisation pluscompétitive, plus fiable et plus transparente quidonne confiance aux partenaires », dit NathaliePasqualini, administratrice du Centre d’étuded’agents pathogènes et biotechnologie pour lasanté 1 et qualiticienne. Sans compter que cher-cheurs, étudiants et postdoctorants restent demoins en moins longtemps dans un même labo-ratoire. « Ils doivent donc avoir facilement accèsau savoir-faire de l’unité où ils sont affectés. Etlorsqu’ils partent, le savoir-faire qu’ils ont eux-mêmescréé doit être conservé et accessible par d’autres. Leproblème est identique pour le transfert des compé-

tences lorsqu’une personne part à la retraite, parexemple », renchérit Henri Valeins, responsablede la politique qualité du Centre de résonancemagnétique des systèmes biologiques (CRMSB) 2

et animateur du réseau « Démarche qualité enrecherche » 3 rattaché à la Mission des ressour-ces et compétences technologiques du CNRS 4. Comment déployer une démarche qualité ? Toutcommence par une série de réunions au coursdesquelles, sous la houlette d’un responsablequalité nommé en interne et épaulé au besoin parun consultant extérieur, l’équipe décortique lamanière dont fonctionne le laboratoire, identifieses points forts et ses faiblesses et dresse une listed’objectifs à atteindre, tant sur le plan techni-que qu’administratif. Place, ensuite, à la consti-tution de groupes de travail thématiques et àl’élaboration d’une nouvelle organisation accom-pagnant et soutenant le projet scientifique. « Lorsdes premières étapes forcément chronophages, l’essen-tiel est que l’intérêt de la démarche soit compris etaccepté par tous, chercheurs, ingénieurs, techniciens,et administratifs. Chacun doit se sentir impliqué etse convaincre que les actions qui vont être engagéesseront rapidement utiles, utilisables et utilisées »,commente Henri Valeins. Et d’expliquer que larestructuration du CRMSB autour d’une équipeunique au lieu de trois équipes et huit groupesthématiques, une meilleure communicationinterne et un accès simplifié à l’informationscientifique, technique et administrative, ontpermis à l’unité de gagner en visibilité et d’aug-menter le nombre de contrats ANR. Et s’il fautcompter 18 à 24 mois, en moyenne, pour consta-ter les bénéfices d’une démarche qualité dans unlabo, celle-ci obéit à « une logique d’améliorationcontinue », insiste Nathalie Pasqualini.

Philippe Testard-Vaillant

1. Unité CNRS / Universités Montpellier-I et -II.2. Unité CNRS / Université Bordeaux-II.3. En ligne : www.rmsb.u-bordeaux2.fr/wikiQualite/4. La MRCT est une unité propre du CNRS. Lire « Lestechnologies en partage », Le journal du CNRS, n° 237,octobre 2009, p. 34.

CONTACTSÔ Henri ValeinsCentre de résonance magnétique des systèmesbiologiques, [email protected]

Ô Nathalie PasqualiniCentre d’étude d’agents pathogènes etbiotechnologie pour la santé, [email protected]

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Le journal du CNRS n° 243 avril 2010

ANTARCTIQUE

Un paradis pour les astronomes

Un site terrestre dénué de toutepollution, lumineuse commeindustrielle, bénéficiant de

conditions atmosphériques excep-tionnelles, voilà un paradis d’ob-servation que cherchent depuislongtemps les astronomes et astro-physiciens. Et pour la centaine despécialistes du réseau européenArena 1, ce site exceptionnel setrouve à la station franco-italienneConcordia 2, située au Dôme C à3 233 mètres d’altitude au beaumilieu de l’Antarctique. Ce réseau,créé en 2006 et financé pour 4 anspar la Commission européenne,avait pour objectif de qualifier lesite du Dôme C et d’étudier la miseen œuvre de programmes d’astro-nomie et d’astrophysique.Nicolas Epchtein, du LaboratoireHippolyte-Fizeau 3 à Nice et coor-donnateur du réseau, revient surles conclusions de leurs études,récemment publiées sous forme defeuille de route 4 : « C’est un site uni-que pour l’astronomie ! La transpa-rence de l’atmosphère est idéale pourl’étude de la formation des étoiles etdes galaxies lointaines dans l’infra-rouge et le domaine submillimétrique.

De même, les faibles tur-bulences atmosphériquesoffrent des images de qua-lité pour la détection d’exo-planètes, par exemple. »En conséquence, la Communautéeuropéenne doit se mobiliser pourla construction d’un observatoireau Dôme C.Le rapport préconise également lafabrication de nouveaux instru-ments plus adaptés aux tempéra-tures hivernales, autour de –80°C.Parmi les gros projets, il y a Alad-din, un interféromètre constitué dedeux télescopes de 1 mètre posi-tionnés sur un anneau de 40mètresde diamètre ; PLT, un télescopeinfrarouge de 2,5 mètres qui pour-rait être installé sur une tour de30mètres; ou encore AST, un radio-

télescope submilli-métrique de 25 mètres.L’une des difficultésmajeures à résoudreétant le transport du

matériel sur le site, accessible uni-quement l’été et au prix de transbor-dements difficiles. Enfin, Nicolas Epchtein nous rap-pelle qu’« aujourd’hui, des payscomme la Chine et les États-Unis déve-loppent des stations avec des projetscomparables sur le continent antarcti-que. Pour être concurrentielle dans laprochaine décennie, la station se doitd’être européenne, avec différents par-tenaires qui se partageront le coût duprojet, estimé entre 50 et 100 millionsd’euros. L’implication des agencespolaires, des ministères de chaque payset le soutien de l’Observatoire euro-

péen austral (ESO) sont égalementindispensables pour la mise en œuvrede nos préconisations ».

Marion Papanian

1. Antarctic Research a European Network forAstrophysics réunit 22 partenaires(laboratoires de recherche, agences polaireset industriels) issus de 7 pays européens etd’Australie.2. Concordia est gérée par l’Institut polairefrançais Paul-Émile-Victor (Ipev) et parl’institut italien PNRA.3. Unité CNRS / Université de Nice /Observatoire de la Côte d’Azur4. Cette feuille de route est en ligne :http://arena.unice.fr/IMG/pdf/100126_ARENA_EUROPEAN_VISION.pdf

CONTACTÔ Nicolas [email protected]

ÉLECTRONIQUE

De nouveaux logiciels pour les puces

Pari gagné pour le grand projeteuropéen Atomics 1, qui aimpliqué deux unités propres

du CNRS, le Laboratoire d’analyse etd’architecture des systèmes (Laas)et le Centre d’élaboration de maté-riaux et d’études structurales(Cemes). Achevé à l’automne 2009,ce projet de trois ans a en effet per-mis de développer des outils d’uneimportance majeure pour le mondede l’électronique : pas moins dedouze nouveaux logiciels informa-tiques pour améliorer la simulationdes procédés de fabrication des tran-sistors, ces briques de base des cir-cuits intégrés ! « Cruciaux, cesmodèles physiques vont contribuer àdiminuer le temps et les coûts de produc-

tion des nouvelles générations de tran-sistors de près de 35 % », souligneFuccio Cristiano, chercheur au Laas. Il faut savoir que pour augmenter lesperformances des puces électroni-ques, il faut sans cesse développerdes transistors plus petits (45nano-mètres aujourd’hui). Or plus ceux-ci sont petits, plus les essais pour lesmettre au point sont chers. D’oùl’intérêt de recourir à la conceptionassistée par ordinateur (CAO), pourreproduire virtuellement la centained’étapes de fabrication, et ainsi réa-liser plusieurs essais à moindre coût.Jusque là, il existait bien des simu-lateurs. Mais il fallait les améliorerpour simuler la fabrication de tran-sistors plus petits.

Pour cela, les chercheurs du projetAtomics ont d’abord étudié de façonfine, en laboratoire, les phénomènesphysiques se produisant lors de cer-taines étapes. Par exemple lors del’introduction d’atomes dits dopants(bore, arsenic…) dans le silicium :« Nous avons observé au microscopeélectronique en transmission les phéno-mènes physiques qui accompagnentalors la formation des imperfectionsdans le réseau cristallin du silicium »,précise Fuccio Cristiano. Ces nouvel-les connaissances se sont révéléesprécieuses pour développer leursmodèles de simulation.Financé par la Commission euro-péenne, ce projet de 2,5 millionsd’euros regroupait des chercheurs

français, anglais, et allemands, etplusieurs partenaires privés dont leproducteur de composants électro-niques STMicroelectronic. SelonFuccio Cristiano, le projet a bénéfi-cié d’« un bon mélange d’acteurs com-plémentaires mais aussi d’un long tra-vail de recherche en amont mené aveccertains partenaires d’Atomics depuispas moins de dix ans ».

Kheira Bettayeb

CONTACTSÔ Fuccio CristianoLaas, [email protected]

Ô Alain ClaverieCemes, [email protected]

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La base Concordia, enAntarctique, lieu rêvépour les astronomescar exempt de toutepollution.

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36 INSITU

EXPERTISE

Comment faire face aux multiples problèmes éthiques poséspar l’explosion des technologies de l’information et de lacommunication dans notre société? Le Comité d’éthique duCNRS (Comets) vient de livrer ses réponses à cette épineusequestion.

Impossible, pour qui observe la fantasti-que percée des sciences et technologiesde l’information et de la communication(Stic) dans notre vie privée et profession-

nelle, de ne pas éprouver la double tenta-tion contradictoire d’applaudir aux formi-dables bienfaits qu’elles apportent, tout ens’alarmant des menaces qu’elles compor-tent. L’enfer étant pavé de bonnes intentions,le déploiement de ces technologies fournit eneffet d’indéniables solutions pour mieuxvivre ensemble. Tout quidam ou presquepeut désormais s’adresser en quelques clicsau monde entier grâce à Internet, et réci-proquement, le monde entier peut s’adres-ser à lui. En contrepartie, l’actualité regorged’exemples de dysfonctionnements parfoisdramatiques : grandes pannes de réseaux,propagation malveillante de rumeurs oud’informations personnelles, diffusion dedonnées confidentielles, et cybercriminalité.Sans oublier les dérives inhérentes aux autresdomaines d’application des Stic, qu’il s’agissede la robotique, de la vidéosurveillance, dutélétravail, des machines à voter électro-niques, ou encore de la radio-identification.« Tous ces problèmes surgissent a posteriori,après le déploiement de ces technologies à grandeéchelle. Il est donc déjà trop tard pour rectifierle tir. Ce qui veut dire qu’il serait plus éthique demener en amont (c’est-à-dire au moment mêmeoù se déroulent les recherches) une réflexion surles conséquences possibles des résultats de cestravaux. Cette approche permettrait de mieuxfaire face aux problèmes liés aux Stic en conce-vant des technologies agiles ou en préparant desantidotes pour faciliter leur adaptation à la réa-lité et à l’évolution des usages constatés, voire deles contourner en identifiant de nouveaux modè-les économiques et sociétaux », plaide JosephMariani, directeur de l’Institut des technolo-gies multilingues et multimédias de l’infor-mation 1 et membre du Comité d’éthique duCNRS (Comets). Lequel vient de rendre unrapport sur ces questions brûlantes2 au termede dix réunions conduites par un groupe detravail multidisciplinaire entre novem-bre 2008 et septembre 2009, et de multiplesauditions d’experts. Les recommandations formulées par le

Comets ? Entre autres, mieux sensibiliserles chercheurs aux enjeux éthiques des Sticvia la création d’un site web incluant unforum de discussion, l’organisation d’un col-loque ou l’ajout d’une rubrique « éthique »dans les dossiers d’activités, soutenir desprojets communs avec les sciences humai-nes et sociales, former les étudiants dansles écoles doctorales ou en créant un masterinternational sur le thème « Éthique et Stic »,et donner au public une information objec-tive sur l’avancée des recherches dans cedomaine en évitant les effets d’annonce. Surtout, les sages du Comets, à l’unissonavec les informaticiens de la commissionchargée par l’Inria de plancher sur le mêmethème3, prônent l’instauration d’un « Comitésur l’éthique des recherches en Stic ». Cedispositif d’envergure nationale, qui devraitêtre porté sur les fonds baptismaux courant2010 et alimenter une réflexion de fond surl’impact éthique des Stic, « serait communaux organismes de recherche nationaux tra-vaillant dans ce domaine (CNRS, Inria, CEA,Institut Télécom…), aux universités et aux gran-des écoles, commente Joseph Mariani. Il réu-nirait des chercheurs des Stic et des SHS (phi-losophes, juristes, économistes, sociologues,anthropologues…) ainsi que des industriels, etentretiendrait des liens avec les observatoiresdes usages des TIC existants, les comités d’éthi-que généralistes et la représentation nationale ».

Philippe Testard-Vaillant

1. L’Immi est une unité mixte internationale communeau CNRS, à l’Université de Karlsruhe et à l’Universitétechnique de Rhénanie-Westphalie. Joseph Mariani estégalement chercheur au Laboratoire d’informatiquepour la mécanique et les sciences de l’ingénieur duCNRS.2. Pour une éthique de la recherche en sciences ettechnologies de l’information. Consultable en ligne :www.cnrs.fr/fr/organisme/ethique/comets/index.htm3. Rapport sur la création d’un comité d’éthique ensciences et technologies du numérique. Disponible àl’adresse suivante :http://www.inria.fr/actualites/espace-presse/pdf/cp-rapportinria-ethiquestn.pdf

CONTACTÔ Joseph MarianiInstitut des technologies multilingues et multimédias de l’information, [email protected]

Pouvez-vous nous présenter le Cern et nous direquel rôle joue son conseil?Michel Spiro : Le Cern est l’organisation euro-péenne pour la recherche nucléaire. Il réunit20 États membres (18 pays de l’Union euro-péenne plus la Suisse et la Norvège). Le conseildu Cern fixe la stratégie scientifique et lesmoyens à allouer aux différents projets du labo-ratoire situé près de Genève (à cheval sur la fron-tière francosuisse), qui emploie 2 250 person-nes, accueille 10 000 utilisateurs du mondeentier et dont le budget annuel est de 650 mil-lions d’euros. En tant que président du conseil,mon rôle est de faire en sorte que les États arri-vent à des décisions et votent des résolutionscommunes au cours des quatre conseils annuels.

Ancien directeur de l’Institutnational de physique nucléaire et de physique des particules(IN2P3) du CNRS, Michel Spirovient d’être élu à la présidencedu conseil du Cern. Il nous parle des défis qui attendentl’organisation européenne, desdébuts du LHC à la conceptiondes accélérateurs de particulesde demain.

En route vers une nouvelle physique

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CONTACTÔ Michel SpiroCern, Genè[email protected]

Entretien HORIZON 37

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Votre mandat sera forcément marqué par les grands débuts du LHC… M. S. : En effet, mon mandat, qui est de troisans, correspond à un moment crucial pour leCern : la mise en route du LHC (le grand colli-sionneur d’hadrons), la plus grande et la plusambitieuse machine jamais construite pour laphysique des particules. Les premiers résultatsscientifiques, qui devraient être obtenus durantmon mandat, conditionneront l’avenir de la dis-cipline en Europe et dans le monde entier pourles 20 années qui viennent. C’est dire si cesrésultats sont attendus avec impatience par tousles physiciens de la planète !

Après un an de retard, le LHC a commencé àfonctionner fin 2009. Quel est aujourd’hui lecalendrier et quand espère-t-on obtenir lespremiers résultats?M. S. : Ce retard à l’allumage est dû à la com-plexité de la machine. Mais ce n’est pas catastro-phique pour un projet qui doit durer vingt ans.Au cours de cette année, nous monterons progres-sivement la puissance déployée par la machinejusqu’à atteindre, fin 2010, la moitié de son éner-gie nominale, soit 7 téraélectronvolts (ou TeV) 1.Le LHC deviendra alors officiellement l’accéléra-teur de particules le plus puissant de la planète.Suivra ensuite une pause d’une année au coursde laquelle seront réalisées des modificationssur l’équipement afin d’obtenir, en 2012, l’éner-gie nominale, soit 14 TeV. À partir de là, lesdécouvertes devraient se succéder.

Le LHC est attendu par toute la communauté des physiciens. En quoi va-t-il révolutionner la discipline?M. S. : Son principal objectif, c’est d’abord ladécouverte du fameux boson de Higgs. Cetteparticule est actuellement la pièce manquante dumodèle standard, modèle sur lequel repose laphysique des particules, pour expliquer d’où pro-vient la masse de toutes les particules. Mais leLHC pourrait également ouvrir une nouvellefenêtre sur la physique en découvrant de nou-veaux constituants de la matière plus élémentai-res encore que ceux que l’on connaît aujourd’huiet qui ne rentrent pas dans le cadre du modèlestandard. Ce serait alors une véritable révolu-tion scientifique. Et cela constituerait évidem-ment un argument fort pour construire un suc-cesseur au LHC. Au-delà de la physique des particules, c’est unemeilleure compréhension de l’Univers dans sonensemble qui se jouera avec le LHC. Car il pour-rait nous éclairer sur la disparition de l’anti-matière aux débuts de l’Univers, sur la matièrenoire, qui constitue l’essentiel de la matière ducosmos mais dont la nature demeure encoremystérieuse. Ou encore sur l’énergie noire, elleaussi énigmatique, qui accélère l’expansion del’Univers.

Le Cern prépare-t-il d’ores et déjà l’après LHC?M. S. : Oui bien sûr. Actuellement, la communautéscientifique réfléchit, pour l’horizon 2030, à unemachine qui ferait entrer en collision des élec-trons et des positrons (dans le LHC, ce sont descollisions protons-protons). À la différence duLHC qui a une forme de cercle, elle serait linéaireet s’étendrait sur 30 km. Baptisé ILC, cet équi-pement permettrait d’étudier en détail le bosonde Higgs, si bien sûr celui-ci est découvert par le

LHC. Mais si par contre le LHC venait à décou-vrir d’autres particules avec des énergies supérieu-res, alors il faudrait concevoir une machine capa-ble d’accélérer les électrons et les positrons àune énergie plus grande encore. Le Cern tra-vaille actuellement au développement d’une telletechnologie baptisée Clic. Et d’ici à trois ans, ondevrait savoir si celle-ci est prometteuse et pas tropchère à mettre en place.

Avez-vous bon espoir que cette future machinesoit construite elle aussi par le Cern?M. S. : Oui, je pense que le Cern a toutes leschances de conserver cette machine sur son ter-ritoire. Son principal atout est d’avoir construitle LHC et d’en avoir fait une collaboration mon-diale : en plus des 20 États membres, environ80 autres pays ont collaboré d’une manière oud’une autre au projet en apportant des cher-cheurs ou des petites briques à la machine. Quiplus est, le Cern souhaite aujourd’hui s’ouvrir àd’autres pays. Cinq nouveaux États (Chypre, laSlovénie, la Serbie mais aussi la Turquie et Israël)demandent actuellement à entrer dans l’Organi-sation. Et la question de l’ouverture à des pays pluséloignés (Brésil, Inde, Chine, Corée et Canada)est d’actualité. Tout cela donne au Cern une lon-gueur d’avance sur ses principaux concurrentsque sont les États-Unis et le Japon. Et font de luile centre mondial de la physique des particulespour longtemps encore.

Enfin, pour conclure, quel bilan tirez-vous de vossept années passées à la tête de l’IN2P3?M. S. : Le principal changement que j’ai voulufaire passer à ce poste, c’est que l’IN2P3 vive le faitd’être au CNRS comme une chance et y voit l’op-portunité de développer des projets interdiscipli-naires avec les autres instituts du CNRS. Et réci-

proquement que le CNRS considèrecomme une chance que l’IN2P3 enfasse partie parce qu’il y a des métho-des de travail –liées à la gestion degrands projets– dont les autres ins-tituts peuvent s’inspirer. Je pense

avoir atteint mon objectif. En témoignent les rap-prochements qui se sont opérés entre nos cher-cheurs et ingénieurs et ceux d’autres disciplinestelles l’énergie nucléaire, l’environnement, lasanté. Et surtout l’étude de l’Univers où une nou-velle branche, celle des astroparticules, s’est créée.

Propos recueillis par Julien Bourdet

1. L’électronvolt est une unité de mesure d’énergie quidésigne aussi, en physique des particules, la masse desparticules. Un TeV correspond à l’énergie d’un moustiqueen vol. Mais ici, cette énergie est concentrée dans un proton,1 000 milliards de fois plus petit qu’un moustique.

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Pour succéder au LHC, le Cern développe Clic, unetechnologie d'accélération des particules.

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GUIDE Livres38

Le journal du CNRS n° 243 avril 2010

La chimie et la santé au servicede l’homme

Cet ouvrage s’adresse à un large public. Il a pour ambition delever les fausses idées qui traînent encore aujourd’hui faisant dela chimie et de la santé d’irréductibles ennemies. Il montre com-ment, selon l’expression de Pierre Potier, « tout est chimie » (com-binaisons) dès l’échelle moléculaire et comment fonctionne ce sys-tème. Il traite aussi de la nouvelle pharmacologie qu’initient lesnouvelles technologies de diagnostic et de détection précoce,techniques qui permettront de plus en plus de « passer du soucide compréhension du vivant à une stratégie de soin et de guéri-son ». Bonne santé pour tous, à tout jamais ? Des réponses au rêvedéraisonnable du lecteur.

Coordination Minh-Thu Dinh-Audouain, Rose AgnèsJacquesy, Danièle Olivier, Paul Rigny, éd. EDP Sciences,coll. « L’actualité chimique », décembre 2009, 180 p. – 19 €

Votre essai passionnant commencepar une interrogation inquiétantePerdons-nous connaissance? pourse terminer par une exhortation àrelever un défi. Que se passe-t-ilentre cet étrange évanouissementsociétal et la fin du livre? Pour la société occidentale, depuisles origines de la culture, la connais-sance a une double facette : elle est,à la fois, définie comme une expé-rience extraordinaire et enrichis-sante, et comme une source poten-tielle de danger existentiel. C’est-à-dire que, depuis trois mille ans, elleest aussi pensée comme un poisonvital! La façon la plus simple de s’enconvaincre – c’est ce que j’ai faitdans la première partie de mon livre–est de se tourner vers la mythologieeuropéenne et, notamment, vers ce

qu’elle nous dit du danger de laconnaissance, danger qui lui estinhérent, et que nous retrouvons, parexemple, dans plusieurs mythesgrecs (Icare, Œdipe, Tirésias) qui,chacun à leur façon, nous révèlentque connaître peut parfois consti-tuer une menace. Les autres cou-rants de notre culture convergent àl’unisson vers cette idée : Adam etÈve sont devenus mortels enconsommant le fruit de l’arbre de laconnaissance ; à sa manière, lemythe de Faust répète le même motifd’une damnation par la connais-sance. Toutes ces sources culturel-les célèbrent, par ailleurs, la richessede l’expérience de la connaissance.Or, aujourd’hui, nous avons coupé lecordon avec ces mythes universels :avons-nous, en agissant ainsi, réussi

à libérer la connaissance des mena-ces qui lui étaient associées depuisla nuit des temps ou, à l’inverse,avons-nous perdu la compréhensiondes dangers de la connaissance ?C’est pourquoi j’ai posé cette ques-tion dans mon titre : perdons-nousconnaissance?

Que nous disent les neurosciences ?Réfléchir à la connaissance est, évi-demment, l’affaire des philosophes,mais c’est également un sujet perti-nent pour les spécialistes de l’or-gane qui connaît : le cerveau. Leurstravaux nous ont fait découvrir quelorsque nous sommes conscients,nous nous racontons une histoiredont la finalité est qu’elle fasse sensà nos yeux. Être conscient consisteà produire un système de fictionsinterprétations croyances. À lalumière de cette conception, il estpossible de donner une définition dela connaissance : c’est une expé-rience à travers laquelle l’identitéd’un sujet court le risque de se trans-former en rencontrant des informa-tions de nature très diverse. Il saute

alors aux yeux que la connaissancene se résume pas aux informationsqui en sont l’objet. C’est parce qu’au-jourd’hui, nous avons tendance àconfondre la connaissance avec l’in-formation que nous sommes deve-nus aveugles aux dangers de laconnaissance pour l’individu. À yregarder de plus près, certainesinformations continuent, d’ailleurs,à nous déranger comme, par exem-ple, l’exploration neuroscientifiquedes rouages de notre subjectivité etla découverte que « je » est une fic-tion. Face à de telles informations,nous réagissons souvent à l’aide dedéfenses que je nomme des neuro-résistances.

Il y aurait donc comme un défi à rele-ver avec nous-même?Oui ! Chaque époque peut choisirquelles utopies deviendront sa réa-lité. Je pense que, dans la situationinstable à laquelle nous sommes par-venus aujourd’hui, nous avons lapossibilité de choisir de construireune société de la connaissance surl’ossature de la société de l’infor-mation et, la première étape, surcette voie, ne consiste-t-elle pas àreprendre conscience de ce qu’estla connaissance?

Propos recueillis par A.L.

Lionel Naccache est neurologue, maître de conférence en neurophysiolo-gie à l’université Paris-VI et membre du Centre de recherche de l’institut ducerveau et de la moelle épinière (CNRS / Université Paris-VI / Inserm).

3 questions à…Lionel NaccachePerdons-nous connaissance?De la mythologie à la neurologieÉd. Odile Jacob, coll. « Sciences », février 2010, 256 p. – 22 €

Ce livre plonge le lecteur dans un monde où les révolu-tionnaires sont des citoyens ordinaires, de tous âges, tou-tes confessions, toutes origines sociales, mus par desmotivations variées, inattendues, parfois loufoques, sou-vent peu durables, mais qui peuvent changer le mondeminute après minute. Un exemple : le créateur involontairede Facebook. Observateurs reconnus des transforma-

tions de la société, les deux auteurs montrent toutes les composantes de cette révo-lution numérique dans tous les domaines où elle opère « sans effusion de sang ni idéo-logie, mais de manière ludique et joyeuse ». En complément, un site internet auxnombreux liens (www.revolutionnairesdunumerique.com), belvédère idéal pour obser-ver d’un peu plus haut les formes d’une inédite socialité chère à Michel Maffesoli.

Michel Berry, Christophe Deshayes, éd. Autrement,coll. « Frontières », mars 2010, 168 p. – 19 €

Les vrais révolutionnairesdu numérique

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GUIDE 39

Le journal du CNRS n° 243 avril 2010

Cette « grande arpenteuse des savanes » est venue des contreforts del’Himalaya peupler l’Afrique voici 5 millions d’années et, depuis cette épo-que, côtoie nos ancêtres sous les acacias africainsdont elle se délecte. Plus pour longtemps car la déser-tification de la planète la menace. Paléontologue,l’auteur raconte comment il a fait connaissance de cet« être surdimensionné aussi beau qu’inutile » au pointque les scientifiques ne s’y sont pas beaucoup inté-ressés et montre comment, au sein de notre sociétéproductiviste, cette « géante de la nature » entreradans son crépuscule dans quelques décennies àpeine. Il convoque ses amis anciens (et quelque peunégligents vis-à-vis d’elle) et ceux, fidèles, actuels –comme la Ligue des droits de l’animal, la World WildFoundation.

Grandeurs et décadences de la girafeJean-Louis Hartenberger, éd. Belin, coll. « Pour la science »,février 2010, 192 p. – 19 €

La jupe est aujourd’hui définie comme « une partie del’habillement féminin qui descend de la ceinture à unehauteur variable ». Historienne féministe, Christine Bardpropose ici, dans un style amusant une étude rigoureuseet quelque peu pessimiste sur les identités de genre àtravers la jupe qui, depuis les années 1960, occupeune place certaine et très ambivalente sur les corps ou

dans les garde-robes. Une histoire éloquente, d’un temps où les pantalonsétaient interdits aux femmes à un autre où la jupe est proposée aux hommes.Et où l’on se demande, avec l’auteur, quelle signification comporte le portd’une jupe au sein de la virilisation vestimentaire ambiante.

Christine Bard, éd. Autrement, coll. « Mutations /Sexes en tous genres » n° 261, mars 2010,176 p. – 17 €

Comment répondre au désir d’apprendre des enfantset des adolescents qui souffrent d’un lourd handicap oud’une grave maladie et ne peuvent être accueillis àl’école? Une solution existe. À condition que l’écolevienne à eux pour les mener, malgré le handicap, où il est légitime qu’ilsaient envie d’aller (culture, savoirs, diplômes). C’est ce « malgré » qui est impor-tant et que, désormais, les professionels devraient prendre en considération.À partir de nombreux témoignages sont abordés ici tous les aspects prati-ques avec contraintes pédagogiques et exemples d’émouvantes réussites d’untel enseignement appliqué par l’association « Votre école chez vous ». Afind’inspirer d’autres expériences à enseigner « malgré ».

Apprendre malgré lehandicap ou la maladieBéatrice Descamps-Latscha et Yves Quéré,éd. Odile Jacob, février 2010, 240 p. – 19,50 €

Les sociologues identifientaujourd’hui une nouvelle périodede la vie : la préadolescence. Ellese développe sous le signe de laculture de l’écran et de la révolu-tion numérique, concerne l’indi-vidu de 7 à 13 ans et a pour lieu-clé sa chambre, véritable quartiergénéral d’où s’organisent les rap-ports avec le monde extérieurgrâce à des objets singuliers :ordinateurs, lecteurs mp3, télé-phones mobiles. À partir d’entre-tiens réalisés auprès des enfantset parents et d’observations desespaces domestiques (les cham-bres), l’auteur met en évidence, àl’aide de données statistiques, lesformes de la nouvelle précocitéde l’émancipation des jeunes dont les racines poussent entre plu-sieurs pôles : la famille, son héritage culturel, ses ambitions et lesservices des industries culturelles.

La culture de la chambrePréadolescence et culture contemporainedans l’espace familial

Ce que soulève la jupeIdentités, transgressions, résistances

Éclairage impertinent, cet essai d’un historien attentif au climat montreque, davantage que les changements climatiques, ce sont les vulnérabilitésrésultant d’erreurs d’aménagements (urbains, littoraux) qui donnent toutesa gravité à une crise climatique. Comme le montre l’observation surcinq siècles, les évènements extrêmes qui focalisent l’opinion publique

actuelle faisaient déjà partie du quotidiendes sociétés anciennes. Et quant à la notiond’État providence, elle mérite d’être revueet corrigée : les archives révèlent, dès leXVIIIe siècle, les premières mesures d’in-demnisation massive au profit des sinistrésou la mise en œuvre par les monarchieseuropéennes de véritables mobilisationsen faveur de régions entières face auxcaprices de la nature. À l’aune des recher-ches les plus récentes, des réponses auxquestions concrètes que scientifiques,citoyens et médias se posent à l’heure dela contestation du rôle de l’État.

Emmanuel Garnier, éd. Plon, janvier 2010, 256 p. – 22 €

Les dérangements du temps500 ans de chaud et de froid en Europe

Hervé Glévarec, éd. La documentation française, coll.« Questions de culture », janvier 2010, 184 p. – 19 €

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GUIDE Livres40

Le journal du CNRS n° 243 avril 2010

« J’ai toujours voulu comprendre ce qui tientensemble mais aussi sépare les générations. »Spécialiste de l’évolution de la mémoire entregénérations, entre « ce qui persiste et ce quis’invente », Anne Muxel propose ici en vingtquestions réponses un état des lieux très sensi-ble sur les rapports qu’entretiennent les jeuneset la politique : une politique « désenchantée aupoint de n’être même plus un maillon pour pen-ser les jeunes générations » ; ces dernières doi-vent inventer un « futur de demain » puisqu’ils setrouvent face à une politique incapable d’antici-per un peu d’avenir. Une passation fragile, donc,mais, fait remarquer l’auteure citant GastonBachelard (La poétique de l’espace) : « Unevaleur qui ne tremble pas est une valeur morte. »

Anne Muxel, éd. Seuil, coll. « Essais »,février 2010, 240 p. – 19,50 €

Le ciel à découvert

Ce bel ouvrage d’astronomie générale qui vient clore l’année consacrée àl’astronomie propose un état de la recherche actuelle dans ce domaine « aussiexhaustif que possible ». Jean Audouze a voulu illustrer l’excellence de larecherche française en sollicitant la contribution des meilleurs spécialistesissus de l’Institut national des sciences de l’Univers du CNRS, des observa-toires de Paris et de Nice, du CEA et des universités Paris-VI, -VII et -XI.Accessible à un public averti et passionné, cette synthèse fondamentale rendperceptibles les grands enjeux de l’astronomie d’aujourd’hui et les interro-gations que chaque chercheur ne cesse de nourrir : va-t-on être capable dedisposer des observatoires ailleurs que sur Terre et d’observer ce qui est pour le moment indétectable?

Jean Audouze (dir), CNRS Éditions, février 2010, 200 ill., 328 p. – 39 €

L’ADOLESCENCE POUR LES NULSMichel Fize, éd. First Éditions, coll. « Pourles nuls », mars 2010, 344 p. — 22,90 €

PAROLES D’AMOURSerge Feneuille, CNRS Éditions,février 2010, 152 p. – 35 €

HISTOIRE DES IDÉES SUR LE LANGAGEET LES LANGUESBernard Colombat, Jean-Marie Fournier,Christian Puech, éd. Klincksieck, coll. « 50 questions » n° 33, janvier 2010,264 p. – 18 €

VOL DE VACHES À CRISTOL CAVEHistoire critique d’une image rupestre enAfrique du SudJean-Loïc Le Quellec, François-XavierFauvelle-Aymar, François Bon, éd.Publications de la Sorbonne, coll. « LocusSolus », février 2010, 176 p. – 30 €

16 NOUVELLES QUESTIONSD’ÉCONOMIE CONTEMPORAINEPhilippe Askenazy et Daniel Cohen (dir),éd. Albin Michel, mars 2010, 608 p. – 25 €

LE TRAVAIL SOUS TENSIONSMichel Lallement, éd. Sciences humaines,coll. « Petite bibliothèque de scienceshumaines », janvier 2010, 128 p. – 10 €

LES CONSÉQUENCES STRATÉGIQUESDE LA CRISEFrançois Heisbourg (dir), éd. Odile Jacob,février 2010, 196 p. – 22,50 €

TERRES CUITES ARCHITECTURALESMÉDIÉVALES ET MODERNESTextes réunis par Jean Chapelot, Odette Chapelot et Bénédicte Rieth, éd. Publications du CRHAM – Caen,janvier 2010, 464 p. – 50 €

LE MÉSOLITHIQUE EN FRANCEArchéologie des derniers chasseurs-cueilleursEmmanuel Ghesquière et GrégorMarchand, éd. La Découverte, coll.« Archéologie de la France », février 2010,180 p. – 22 €

NOUVELLE ENCYCLOPÉDIE POLITIQUEET HISTORIQUE DES FEMMESChristine Fauré (dir), éd. Les BellesLettres, février 2010, 1216 p. – 31 €

CAPTAGE ET STOCKAGE DU CO2

Enjeux techniques et sociaux en FranceMinnh Ha-Duong, Naceur Chaabane(coord.), éd. Quae, coll. « Update, scienceset technologies », janvier 2010,164 p. – 30 €

Retrouvez les publications de CNRS Éditionssur le site : www.cnrseditions.fr

AUTRES PARUTIONS

« La jeunesse et la sexualité partagent au moins un point commun – abon-damment relayé par les médias : ces deux catégories effraient. » Proposépar 35 chercheurs internationaux, ce collectif présente un état de larecherche sur le rapport entre jeunesse et sexualité en France et dans lemonde. Du XIXe siècle à nos jours, à travers enquêtes de terrain et dépouil-lement d’archives, ces études de cas abordent la thématique d’un point devue historique et sociologique en se tenant volontairement loin des scien-ces médicales trop souvent convoquées sur ces sujets pour régler le pro-

blème. Trois axes : initiations, interdits (violences sexuelles chez les mineurs auteurs ou victimes, pros-titutions) et identités sexuées et de genre (et leurs normes). Loin de la sempiternelle épithète de crise,cette somme apporte un éclairage sans parti pris sur des concepts encore flous.

Véronique Blanchard, Régis Revenin et Jean-Jacques Yvorel (dir),préface de Michel Bozon, éd. Autrement, coll. « Mutations / Sexeen tous genres » n° 262, mars 2010, 416 p. – 25 €

Depuis une dizaine d’années, une classe d’âge,le groupe des 9-14 ans, prend forme sous nosyeux. Les auteurs de ce numéro en analysentles caractéristiques : styles vestimentaires,allures, goûts musicaux, langages spécifiques,

moyens de commu-nication, nouveauxenjeux de la masculi-nité. Constat : la mas-sification de cettenouvelle culture ado-lescente renforce lesclivages de genre etpose avec netteté laquestion d’un remo-delage des rites depassage.

Coordination Olivier Galland, Ethnologiefrançaise – janvier 2010, éd. Puf, 192 p. –22 €

Nouvellesadolescences

Les jeunes et la sexualitéInitiations, interdits, identités (XIXe – XXIe siècle)

Avoir 20 ans en politiqueLes enfants du désenchantement

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Poteau de maisoncérémonielle.

GUIDE 41

Le journal du CNRS n° 243 avril 2010

EXPOSITIONS

De l’âge de bronze jusqu’à l’époque romaine, différentes civilisations ontpeuplé l’Anatolie, une région située sur la partie asiatique de l’ac-

tuelle Turquie. Souvent méconnus, les Hittites, les Phrygiens ouencore les Lyciens, peuples antiques d’origines ethniques

diverses, ont façonné le pays par leurs apports culturels etlinguistiques. Sculptures grécolyciennes, tombes et mobi-

liers funéraires phrygiens, monuments hittites, photos,cartes, dessins et tableaux, ce sont plus de 50 objetsdu musée du Louvre et du Musée des civilisationsanatoliennes d’Ankara qui sont présentés dans cetteexposition. Dévoilées à l’occasion de la « Saison dela Turquie en France », certaines de ces œuvres sor-tent pour la première fois de Turquie. L’Anatolie esthabituellement connue comme le lieu d’action de laguerre de Troie dans la légende d’Homère. Ainsi lestrois civilisations choisies par les archéologues bor-delais de la Mission archéologique française enTurquie permettent-elles au visiteur de découvrir unepartie de l’histoire de ce pays qui ne se limite pasaux vestiges des villes grécoromaines.

Civilisations oubliées de l’Anatolie antiqueJusqu’au 16 mai 2010, Musée d’Aquitaine, Bordeaux (33) – Tél. : 0556 0151 00 –www.bordeaux.fr

« Tu seras un homme, mon fils. » Impossible de ne pasavoir à l’esprit cette phrase de Rudyard Kipling à la vuedes nombreux ornements rassemblés ici. Que ce soitpour accompagner les différents rites initiatiques, affir-mer une position sociale, religieuse ou politique, lecorps masculin est magnifié d’attributs (colliers decoquillage, coiffes ou manteaux en peaux de bêtes ouécailles, bâtons de cérémonies) savamment agencés.Les peintures codifiées soulignent la virilité. Et le corpsnu ou habillé se révèle ainsi à l’œil instruit.

L’art d’être un homme, Afrique, Océanie

Jusqu’au 11 juillet 2010, Musée Dapper, Paris (XVIe)–Tél. : 01450091 75 – www.dapper.com.fr

Avec leurs carapaces, tatous et tortues en connaissent un rayon ques-tion protection! Pour couvrir son corps délicat, l’homme s’est inspiré deces robustes exemples de la nature comme le montre cette expositionsur les technologies de la protection corporelle. Armures, costumesde samouraïs, casques et autres tenues de cuir y sont passés en revueau fil des siècles tout en mettant l’accent sur la prévention, en deux rouesou lors de sports extrêmes. Les visiteurs découvriront aussi les tech-nologies innovantes qui protègent aujourd’hui les accros de ski, snowboard, VTT, etc. Et la futurecombinaison Biosuit, conçue pour la Nasa, qui offrira aux astronautes plus d’aisance dans leursmouvements en supprimant l’habituel aspect « bibendum ».

À toute épreuveJusqu’au 8 août, Cité des Sciences, Paris (XIXe) –Tél. : 0140058000 – www.cite-sciences.fr

Ces dernières années, le changement climatique, lararéfaction des ressources naturelles, la diminutionde la biodiversité et la croissance de la populationmondiale ont fait naître un concept, celui de déve-loppement durable. Mais de quoi s’agit-il vraiment?Quelles sont les solutions politiques et techniquespour sauver la planète bleue? Cette exposition pro-pose par une approche historique et une vision inter-nationale d’appréhender et de s’approprier au niveaulocal ce concept maintenant répandu. Énergie, habi-tat et transport seront ici décortiqués pour faireprendre conscience des gaspillages engendrés etdu rôle de chacun dans le devenir de la Terre.

La Terre y’en a pas deuxJusqu’au 15 mai 2010, Muséum des volcans,Aurillac (15) – Tél. : 0471480700 –www.aurillac.fr

ET AUSSI

Rubrique réalisée par Marion Papanian et Anne-Solweig Gremillet

ARGILES, HISTOIRE D’AVENIRJusqu’au 29 août 2010, Palais de la découverte, Paris (VIIIe) –Tél. : 01 56 43 20 20 –www.palais-decouverte.fr

Quel est le point commun entre une feuille de papier, un soin cosmétique, un tableau de bord, une peinture rupestre, un lubrifiant, du Smecta, et certains matériaux du futur?C’est l’ingrédient de base. Les argiles.

D’hier en demain, trois modules accompagnentles visiteurs dans une plongée multisensorielleà la découverte de cette matière. En partantdes objets, les chercheurs de l’École nationalesupérieure de géologie et du Laboratoireenvironnement et minéralurgie (unitéCNRS/INPL) ont concocté des explications des plus simples aux plus approfondies pourexpliquer les propriétés des argiles, matériaud’avenir en parfait accord avec le principe de développement durable.

CIELSJusqu’au 16 janvier 2011, Forum départemental des sciences,Villeneuve d’Ascq (59) – Tél. : 032019 3636 –www.forumdepartementaldessciences.frLa tête penchée en arrière, les yeux perdus dans l’immensité bleue,quand on a entre 3 et 6 ans, le ciel fascine. Mais comments’approprier un concept qu’on ne peut ni toucher, ni sentir? Cetteexposition, consacrée aux tous petits, tente de faire sortir l’enfant de la représentation classique du ciel (Soleil, Lune, etc.) en luimontrant, par des jeux d’images, comment le ciel agit sur nos vies,nos émotions, notre imaginaire et en l’initiant à l’exploration.

Protection dorsale.

Disque solaire datantde 2300 avant J.-C.

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GUIDE

Promenades en milieux naturels, expositions photographiques, sculptureset peintures du monde animal, ateliers, et spectacles seront au programmepour célébrer le 20e anniversaire de ce festival consacré à la nature, aux ani-maux et plus particulièrement aux oiseaux. De l’initiation à la culture sur boisà la découverte des milieux et chants des oiseaux en passant par le concoursdu meilleur film documentaire, auquel participent deux films produits parCNRS Images, tout sera fait pour entrer en communion avec Mère nature.

Du 10 au 18 avril 2010, Abbeville (80) – Tél. : 03 22 24 02 02 –www.festival-oiseau-nature.com

20e festival de l’oiseau et de la nature

Sur la thématique « La navigation, des mers etdes hommes » (de la pirogue au cargo ; du sex-tant à Galiléo), ce sont une cinquantaine de filmsen tous genres (documentaires, dessins animés,fictions), des expositions, des animations scien-tifiques et des soirées festives qui attendentpetits et grands. Des conférences et débats surla place des femmes navigatrices, la navigationécologique, ou encore la navigation astronomi-que et la révolution du GPS dans ce domaineinterrogeront le visiteur sur les découvertesscientifiques qui accompagnent les hommes etles femmes de la mer. Soutenu par le CNRS, cefestival a pour objectif de sensibiliser le public à la connaissance scientifique des évo-lutions planétaires, environnementales et humaines.

Du 26 au 30 avril 2010, Noirmoutier-en-l’Île(85) – Tél. : 06108370 36 — entrée libre –http://cap.sciences.free.fr/

L’ÉVÈNEMENT

Jean Rouch, une aventure africaine

DVD

Éditions Montparnasse (2010),coffret de 4 DVD (durée totale, 8h40)

Partez à la découverte des us, coutumes etcroyances des peuples africains en visionnantl’œuvre du cinéaste et ethnographe Jean Rouch. Entre contes et docu-mentaires, les courts métrages rassemblés dans ce coffret vous inviterontl’espace d’un instant dans le quotidien de tribus maliennes et nigériennes.Mais aussi aux débuts de son auteur avec Aux pays des mages noirs, sonpremier court métrage, réalisé en partenariat avec CNRS images.

Pourquoi parler une autre langue?

CONFÉRENCES

Samedi 10 avril à 15 heures, Nouveau théâtre de Montreuil (93),Tél. : 0148704890 –www.nouveau-theatre-montreuil.com

Conférence de Barbara Cassin, philosophe au CentreLéon-Robin de recherche sur la pensée antique à Paris.

Des astéroïdes aux comètes : les petits corps du Système solaireJeudi 29 avril à 20 heures, Planétarium de Vaux-en-Velin (69),Tél. : – 0478795012 –www.planetariumvv.com

Conférence de Chantal Levasseur-Regourg, astronomeau Laboratoire « atmosphères, milieux, observationsspatiales » à Paris.

Jalons pour l’histoire du temps présent

EN LIGNE

www.ina.fr/fresques/jalons

C’est une véritable mine. Sur ce site, des archives vidéo (presse filmée, télé-vision ou encore radio) de 1 à 4 minutes, accompagnées de fiches docu-mentaires et notes de contexte, retracent 60 ans d’histoire française. L’éten-due des thématiques (les guerres mondiales, la vie politique, les mutationséconomiques et sociales, les relations internationales, les politiques et pra-tiques culturelles et l’histoire des sciences et techniques) permet à tous lescurieux de replonger en images dans l’histoire de notre pays. Réalisé enpartenariat avec le ministère de l’Éducation nationale, ce site de l’Institut natio-nal de l’audiovisuel (Ina) constitue de manière plus spécifique une ressourcepédagogique pour les enseignants.

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TV

Le vendredi 30 avril 2010 à 22h00 sur Arte dans la case « Sciences ».Documentaire de Marie-Pierre Jaury (2009, 52 min). Produit par Arte France, PDJ Production, Intuitive Pictures et CNRS Images.

Peut-on dépister scientifiquement la délinquance juvénile en étudiant lestroubles du comportement des enfants et des adolescents? Des recherchespsychiatriques, neurologiques et génétiques sont actuellement en cours dansplusieurs pays européens et américains pour tenter d’expliquer les originesmédicales de la violence chez les jeunes. À travers les différents témoi-gnages, analyses et situations de plusieurs scientifiques dont ValérieDoyére, chercheuse CNRS en neurosciences, ce film décrypte le regardporté par la science et la société sur ce sujet particulièrement sensible.

L’enfance sous contrôle

Festival 7e art et sciences

MANIFESTATION

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Incroyable mémoireNon, vous n’observez pas l’explosion d’une étoilemais une partie du cerveau d’une abeille vue au microscope. Situé sous l’antenne, ce lobe relaieles signaux nerveux liés aux odeurs. Les petitesboules jaunâtres, ou glomérules, sont des paquets de synapses, elles-mêmes boutons de connexions à l’extrémité des neurones chargés de relayer les informations. Les chercheurs du Centre derecherches sur la cognition animale 1 savent que face au 1-nonanol, une odeur type, trois glomérules(ici en orangé) s’activent à coups de signaux nerveux.Ils ont ensuite décidé de pousser l’abeille à se souvenir de cette odeur en l’associant à unerécompense sucrée. Résultat : cette fois troisglomérules changent de taille, car la mémorisation yaurait produit moult synapses. L’étonnant est qu’il nes’agit pas des trois glomérules évoquésprécédemment ! Un seul est commun aux deuxmanips. Ce joli résultat qui donne à réfléchir sur laformation de la mémoire olfactive a fait la couverturede Learning&Memory en décembre dernier. C.Z.1. Laboratoire CNRS / Université Paul-Sabatier Toulouse-III.

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