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4 JDJ n°260 - décembre 2006 La réforme de la protection de la jeunesse * par Thierry Moreau ** tre en oeuvre un modèle gestionnaire en vue d'assurer la sécurité publique dans lequel le juge avait le pouvoir de choi- sir entre la protection, la restauration, la sanction et la peine, la solution la plus appropriée au cas d'espèce qui lui était soumis. Ce modèle gestionnaire allait de pair avec une reconnaissance accrue de garanties juridiques au bénéfice du jeune mais dont le caractère formel en faisait un bien piètre bouclier contre des modes de réaction qui pouvaient sensi- blement se rapprocher du modèle pé- nal. Durant toutes ces années, la pratique a continué d'évoluer dans des sens divers. Sans prétention d'exhaustivité, les exemples suivants peuvent illustrer ce phénomène. Des mesures de protection ont été appliquées dans un esprit plus sanctionnel (8) . Des mesures provisoires (placement en I.P.P.J. ou à Everberg, prestations sur ordonnances, assigna- tions à résidence, etc.) ont été utilisées Analyse des dispositions entrées en vigueur le 16 octobre 2006 Introduction Depuis de nombreuses années, la ré- forme de la protection de la jeunesse est à l'ordre du jour (1) . En 1994, la loi du 8 avril 1965 relative à la protection de la jeunesse a fait l'objet d'une première réforme importante. Pour le législateur de l'époque, elle se limitait toutefois aux modifications les plus urgentes liées à trois objectifs (2) : mettre la législation interne en concordance avec certaines dispositions de la Convention euro- péenne de sauvegarde des droits de l'homme (art. 5, §§ 1 er et 4) et de la Con- vention internationale des droits de l'en- fants (art. 37 et 40), combler certaines lacunes de la loi du 19 janvier 1990 abaissant l'âge de la majorité civile à 18 ans et adapter la procédure devant les tribunaux de la jeunesse suite à la communautarisation de la matière. La réforme complète de la matière de- vait intervenir après la clôture des tra- vaux de la Commission nationale pour la réforme de la législation relative à la protection de la jeunesse, plus connue sous la dénomination «Commission Cornélis » du nom de son président (3) . Cette commission, qui avait rendu un premier rapport sur l'état de ses travaux le 3 novembre 1992, a déposé son rap- port final le 20 janvier 1996 (4) . Elle pro- posait d'instaurer un modèle de réaction sociale à la délinquance juvénile fondé sur la notion de sanction éducative. Suite au dépôt de ce rapport, le Minis- tre de la justice de l'époque a confié au Professeur L. Walgrave et à son centre de criminologie juvénile de la K.U.L. la mission d'étudier la possibilité d'in- troduire en Belgique un droit sanctionnel restaurateur en matière de jeunesse, tout en prenant en compte le rapport final de la Commission natio- nale pour la réforme de la législation relative à la protection de la jeunesse. Cette équipe a déposé son rapport en 1998 (5) . Elle proposait d'instaurer un modèle fondé principalement sur le pa- radigme de la justice restauratrice. Par la suite, à la demande du Ministre de la justice Verwilghen, un troisième projet a été élaboré par l'avocat général Maes. Celui-ci a rédigé un avant-projet de loi portant réponses au comportement dé- linquant des mineurs accompagné d'un exposé des motifs et d'un commentaire des articles (6) . L'avant-projet a, ensuite, été repris dans une proposition de loi déposée à la Chambre le 18 juillet 2002 par les députés Bourgeois et Van Pa- rys (7) . Ce projet proposait de ne plus se référer à un seul modèle et de promou- voir une nouvelle approche plus prag- matique du comportement délinquant des mineurs en offrant un éventail de réponses appropriées aussi vaste que possible. Il était ainsi proposé de met- * Précédemment publié dans la CUP 91, Actualités en droit pénal et procédure pénale, sous la coordination d’Adrien Masset. Contribution n° 2 (page 61 à 164), Éditions Larcier, 2006. ** Professeur à l'U.C.L., avocat. (1) Sur les différents projets qui ont vu le jour depuis les années ‘70 et sur les raisons qui les soutiennent, voy. Fr. Tulkens et Th. Moreau, Le droit de la jeunesse en Belgique. Aide, assistance et protection, Bruxelles, Larcier, 2000, pp. 275 et s. (2) Projet de loi modifiant la loi du 8 avril 1965 relative à la protection de la jeunesse, Exposé des motifs, Doc. parl., Ch. repr., sess. extra. 1991-1992, n° 532/1, pp. 1 et 2. (3) Cette commission a été instituée le 9 octobre 1991. (4) Pour une analyse de ces deux rapports, voy. Fr. Tulkens et Th. Moreau, Le droit de la jeunesse en Belgique. Aide, assistance et protection, op. cit., pp. 575 et s. et p. 986 et références citées. (5) L. Walgrave, H. Geudens, et W. Schelkens, «À la recherche d'un droit sanctionnel restaurateur», J.D.J., 1998, n° 173, pp. 3 et s. Pour une analyse détaillée de ce rapport, voy. Fr. Tulkens et Th. Moreau, Le droit de la jeunesse en Belgique. Aide, assistance et protection, op. cit., pp. 986 et s. et références citées. (6) Ces textes ont été publiés dans le Journal du droit des jeunes ( J.D.J., 2001, n° 209, pp. 5 et s. Voy. également dans cette livraison, les différentes contributions qui apportent un éclairage critique sur ce projet). Il faut observer qu'à côté du projet de cette nouvelle loi, la loi du 8 avril 1965 était maintenue mais toutes ses dispo- sitions étaient modifiées. De cette manière, la loi du 8 avril 1965 traitait principalement du contrôle sur les prestations familiales ou autres allocations sociales, de la déchéance de l'autorité parentale et de la procédure applicable devant le tribunal de la jeunesse lorsqu'il intervient dans le cadre des décrets communautaires. (7) Proposition de loi modifiant la loi du 8 avril 1965 relative à la protection de la jeunesse, Doc. parl., Chambre, sess. 2001-2002, n° 50-1964/1. (8) Pour plus de détails sur ce phénomène et la logique de bifurcation qui le sous-tend, voy. Fr. Tulkens et Th. Moreau, Le droit de la jeunesse en Belgique. Aide, assistance et protection, op. cit. , pp. 616 et s. et pp. 635 et s.

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4 JDJ n°260 - décembre 2006

La réformede la protection de la jeunesse *

par Thierr y Moreau **

tre en œuvre un modèle gestionnaire envue d'assurer la sécurité publique danslequel le juge avait le pouvoir de choi-sir entre la protection, la restauration,la sanction et la peine, la solution la plusappropriée au cas d'espèce qui lui étaitsoumis. Ce modèle gestionnaire allaitde pair avec une reconnaissance accruede garanties juridiques au bénéfice dujeune mais dont le caractère formel enfaisait un bien piètre bouclier contre desmodes de réaction qui pouvaient sensi-blement se rapprocher du modèle pé-nal.

Durant toutes ces années, la pratique acontinué d'évoluer dans des sens divers.Sans prétention d'exhaustivité, lesexemples suivants peuvent illustrer cephénomène. Des mesures de protectionont été appliquées dans un esprit plussanctionnel (8). Des mesures provisoires(placement en I.P.P.J. ou à Everberg,prestations sur ordonnances, assigna-tions à résidence, etc.) ont été utilisées

Analyse des dispositions entréesen vigueur le 16 octobre 2006

Intr oduction

Depuis de nombreuses années, la ré-forme de la protection de la jeunesse està l'ordre du jour (1). En 1994, la loi du8 avril 1965 relative à la protection dela jeunesse a fait l'objet d'une premièreréforme importante. Pour le législateurde l'époque, elle se limitait toutefois auxmodifications les plus urgentes liées àtrois objectifs (2) : mettre la législationinterne en concordance avec certainesdispositions de la Convention euro-péenne de sauvegarde des droits del'homme (art. 5, §§ 1er et 4) et de la Con-vention internationale des droits de l'en-fants (art. 37 et 40), combler certaineslacunes de la loi du 19 janvier 1990abaissant l'âge de la majorité civile à18 ans et adapter la procédure devantles tribunaux de la jeunesse suite à lacommunautarisation de la matière.

La réforme complète de la matière de-vait intervenir après la clôture des tra-vaux de la Commission nationale pourla réforme de la législation relative à laprotection de la jeunesse, plus connuesous la dénomination «CommissionCornélis» du nom de son président (3).Cette commission, qui avait rendu unpremier rapport sur l'état de ses travauxle 3 novembre 1992, a déposé son rap-port final le 20 janvier 1996 (4). Elle pro-posait d'instaurer un modèle de réactionsociale à la délinquance juvénile fondésur la notion de sanction éducative.Suite au dépôt de ce rapport, le Minis-tre de la justice de l'époque a confié auProfesseur L. Walgrave et à son centrede criminologie juvénile de la K.U.L.la mission d'étudier la possibilité d'in-troduire en Belgique un droitsanctionnel restaurateur en matière dejeunesse, tout en prenant en compte lerapport final de la Commission natio-

nale pour la réforme de la législationrelative à la protection de la jeunesse.Cette équipe a déposé son rapport en1998 (5). Elle proposait d'instaurer unmodèle fondé principalement sur le pa-radigme de la justice restauratrice. Parla suite, à la demande du Ministre de lajustice Verwilghen, un troisième projeta été élaboré par l'avocat général Maes.Celui-ci a rédigé un avant-projet de loiportant réponses au comportement dé-linquant des mineurs accompagné d'unexposé des motifs et d'un commentairedes articles (6). L'avant-projet a, ensuite,été repris dans une proposition de loidéposée à la Chambre le 18 juillet 2002par les députés Bourgeois et Van Pa-rys (7). Ce projet proposait de ne plus seréférer à un seul modèle et de promou-voir une nouvelle approche plus prag-matique du comportement délinquantdes mineurs en offrant un éventail deréponses appropriées aussi vaste quepossible. Il était ainsi proposé de met-

* Précédemment publié dans la CUP 91, Actualités en droit pénal et procédure pénale, sous la coordinationd’Adrien Masset. Contribution n° 2 (page 61 à 164), Éditions Larcier, 2006.

** Professeur à l'U.C.L., avocat.(1) Sur les différents projets qui ont vu le jour depuis les années ‘70 et sur les raisons qui les soutiennent, voy. Fr.

Tulkens et Th. Moreau, Le droit de la jeunesse en Belgique. Aide, assistance et protection, Bruxelles, Larcier,2000, pp. 275 et s.

(2) Projet de loi modifiant la loi du 8 avril 1965 relative à la protection de la jeunesse, Exposé des motifs, Doc.parl., Ch. repr., sess. extra. 1991-1992, n° 532/1, pp. 1 et 2.

(3) Cette commission a été instituée le 9 octobre 1991.(4) Pour une analyse de ces deux rapports, voy. Fr. Tulkens et Th. Moreau, Le droit de la jeunesse en Belgique.

Aide, assistance et protection, op. cit., pp. 575 et s. et p. 986 et références citées.(5) L. Walgrave, H. Geudens, et W. Schelkens, «À la recherche d'un droit sanctionnel restaurateur», J.D.J., 1998,

n° 173, pp. 3 et s. Pour une analyse détaillée de ce rapport, voy. Fr. Tulkens et Th. Moreau, Le droit de lajeunesse en Belgique. Aide, assistance et protection, op. cit., pp. 986 et s. et références citées.

(6) Ces textes ont été publiés dans le Journal du droit des jeunes (J.D.J., 2001, n° 209, pp. 5 et s. Voy. égalementdans cette livraison, les différentes contributions qui apportent un éclairage critique sur ce projet). Il fautobserver qu'à côté du projet de cette nouvelle loi, la loi du 8 avril 1965 était maintenue mais toutes ses dispo-sitions étaient modifiées. De cette manière, la loi du 8 avril 1965 traitait principalement du contrôle sur lesprestations familiales ou autres allocations sociales, de la déchéance de l'autorité parentale et de la procédureapplicable devant le tribunal de la jeunesse lorsqu'il intervient dans le cadre des décrets communautaires.

(7) Proposition de loi modifiant la loi du 8 avril 1965 relative à la protection de la jeunesse, Doc. parl., Chambre,sess. 2001-2002, n° 50-1964/1.

(8) Pour plus de détails sur ce phénomène et la logique de bifurcation qui le sous-tend, voy. Fr. Tulkens et Th.Moreau, Le droit de la jeunesse en Belgique. Aide, assistance et protection, op. cit., pp. 616 et s. et pp. 635 et s.

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pour répondre immédiatement aux com-portements délinquants des jeunes avantqu'il ne soit statué sur leur culpabilité.Des mesures extrajudiciaires ont vu lejour. Des expériences de médiation, tan-tôt avant la saisine du juge tantôt pro-posées par le juge, ont été menées dansplusieurs arrondissements. En Flandres,des expériences de family groupconferences ont été tentées. Quelquesparquets ont développé les mesures di-tes de diversion. Des projets de priseen charge en hôpital psychiatrique demineurs délinquants ont été développésde même que des projets de prise encharge de mineurs abuseurs sexuels, demineurs toxicomanes, etc.

Par ailleurs, différentes législations sontvenues compléter la loi du 8 avril 1965relative à la protection de la jeunesse.Parmi celles-ci figurent notamment laloi du 1er mars 2002 relative au place-ment provisoire de mineurs ayant com-mis un fait qualifié infraction, la nou-velle loi communale et la loi du 21 dé-cembre 1998 relative à la sécurité lorsdes matches de football. À cela s'ajoutel'application de nombreuses modifica-tions dont ont fait l'objet le droit pénalet le droit de la procédure pénale aux-quels se réfère le droit applicable auxmineurs.

Enfin la complexité croissante de lamatière ne peut être dissociée des diffi-cultés qui ont leur origine dans la ré-partition des compétences consécutivesaux réformes institutionnelles des an-nées ‘80. D'un côté, l'État fédéral estresté compétent pour déterminer quel-les sont les mesures qui peuvent êtreordonnées à l'égard des mineurs auteursde faits qualifiés infractions alors queles communautés ou les régions sontcompétentes, suivant le type de struc-tures auxquelles ces mesures font ap-pel, pour instituer, organiser et finan-cer les services en charge de mettre cesmesures en œuvre. Une des conséquen-ces de cette répartition des compéten-ces réside dans le caractère indispensa-ble de la conclusion d'accords de coo-pération entre l'État fédéral et les enti-tés fédérées pour qu'une réforme puissedevenir effective. De l'autre côté, l'Étatfédéral est seul compétent pour déciderdes règles de procédure applicables de-

vant le tribunal de la jeunesse. Par con-séquent, des modifications de procédu-res introduites à l'occasion de réformesrelatives à la prise en charge des mi-neurs délinquants peuvent avoir des ef-fets dans les procédures civiles ou lesprocédures judiciaires fondées sur lesdécrets communautaires mues devant letribunal de la jeunesse.

Dans ce contexte, le 29 novembre 2004,le Gouvernement a déposé au Parlementle projet de loi modifiant la législationrelative à la protection de la jeunesse età la prise en charge des mineurs ayantcommis un fait qualifié infraction, ap-pelé également «projet Onkelinx» dunom de la Ministre de la justice qui enest l'auteur. Un an et demi plus tard, laréforme a vu le jour et a pris la formede deux lois. Cette division du projetinitial en deux textes a pour origine uneobservation du Conseil d'État pour qui,contrairement à ce que prétendait le pro-jet initial, toutes ses dispositions ne re-levaient pas de l'article 77 de la Consti-tution (procédure bicamérale parfaite),certaines relevant de l'article 78 (pro-cédure bicamérale optionnelle) (9). Lapremière loi est celle du 15 mai 2006modifiant la loi du 8 avril 1965 relativeà la protection de la jeunesse, le Coded'instruction criminelle, le Code pénal,le Code civil, la nouvelle loi commu-nale et la loi du 24 avril 2003 réformantl'adoption. Elle a été publiée au Moni-teur belge du 2 juin 2006. Le parcoursde la seconde loi est plus étonnant. Audépart, elle s'intitulait loi du 15 mai2006 modifiant la législation relative àla protection de la jeunesse et à la priseen charge des mineurs ayant commis unfait qualifié infraction et a égalementfait l'objet d'une publication au Moni-

teur belge du 2 juin 2006. Toutefois, leMoniteur du 17 juillet 2006 a republiéune loi du 15 mai 2006 modifiant la lé-gislation relative à la protection de lajeunesse et à la prise en charge des mi-neurs ayant commis un fait qualifié in-fraction en précisant que ce texte an-nule et remplace celui paru au Moni-teur belge n° 178, du 2 juin 2006,p. 29034. À l'examen, il semble que laseule différence entre les deux textesréside dans la formulation de l'arti-cle 59 (10). Deux jours plus tard, le Mo-niteur du 19 juillet 2006 publiait unetroisième version du texte en commen-çant par indiquer que ce texte annule etremplace ceux parus au Moniteur belgen° 178, du 2 juin 2006, p. 29034 etn° 225, du 17 juillet 2006, p. 35477.Cette fois-ci la seule différence entre cetexte et celui publié le 17 juillet 2006était la nouvelle date de la loi : loi du13 juin 2006 modifiant la législationrelative à la protection de la jeunesseet à la prise en charge des mineursayant commis un fait qualifié infraction.

La présente contribution a pour objet defaire un premier commentaire d'une par-tie des nouveaux textes. En effet, la ré-forme est vaste et suscite de très nom-breuses questions sur le plan juridique.Il n'est pas possible de toutes les abor-der dans l'espace limité de ce commen-taire. En outre, il se dit que certainesdispositions qui ne sont pas encore d'ap-plication feront l'objet de modificationsavant leur entrée en vigueur. Pour cesdifférentes raisons, ce commentaire estlimité à l'examen d'une partie des nou-velles dispositions en vigueur au mo-ment où ces lignes sont écrites. À cetégard, il est utile de signaler que la Mi-nistre de la justice a rédigé une circu-

(9) Projet de loi modifiant la législation relative à la protection de la jeunesse et à la prise en charge des mineursayant commis un fait qualifié infraction, Avis du Conseil d'État, Doc. parl., Chambre, sess. 2004-2005, n° 511467/001, pp. 88-90.

(10) Dans la version publiée le 2 juin 2006, l'article 59 est rédigé comme suit : Aux articles 5, modifié par la loi du6 août 1993, 6, 7, modifiés par la loi du 7 mai 1999, 8, modifié par la loi du 7 mai 1999, 9, 12, 13, 16, 19, 20,modifiés par la loi du 18 juillet 1991, 21, modifié par la loi du 18 juillet 1991 et par la loi du 2 février 1994, 23,24, modifié par la loi du 18 juillet 1991, 25, modifié par la loi du 18 juillet 1991, 27, 28, 29, 33, et 35, modifiéspar la loi du 6 août 1993, de la même loi, les mots «le juge de paix» sont remplacés par les mots «le juge». Parcontre, dans la version publiée le 17 juillet 2006, l'article 59 est rédigé comme suit : Aux articles 5, 6, 7, 8, 9,12, 13, 16, 18, 19, 20, 21, 22, 24, 25, 27, 28, 29, 30, 33, 34 et 35 de la même loi modifiés par la loi du 6 août1993, 6, 7, modifié par la loi du 7 mai 1999, 8, modifié par la loi du 7 mai 1999, 9, 12, 13, 16, 19, 20, modifiépar la loi du 18 juillet 1991, 21, modifié par la loi du 18 juillet 1991 et par la loi du 2 février 1994, 23, 24,modifié par la loi du 18 juillet 1991, 25, modifié par la loi du 18 juillet 1991, 27, 28, 29, 33 et 35, modifiés parla loi du 6 août 1993, de la même loi, les mots «le juge de paix» sont remplacés par les mots «le juge».

Différentes législations sont venuescompléter la loi du 8 avril 1965

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laire, datée du 28 septembre 2006 etpubliée au Moniteur du 29 septembre2006, qui commente la réforme et enannexe de laquelle le lecteur trouveraun texte coordonné de la loi du 8 avril1965 mis à jour à la date du 16 octobre2006 (11). Précisons encore que ne se-ront, ici, abordés que les textes qui ontmodifié la loi du 8 avril 1965 et nond'autres législations tels le Code judi-ciaire (magistrats de liaison), le Codepénal (suppression de la peine de dé-tention ou de réclusion à perpétuité pourles mineurs, etc.), le Code d'instructioncriminelle, etc.

Il convient aussi d'indiquer d'embléeque cette contribution constitue un pre-mier commentaire de ces nouvellesdispositions et qu'elle n'a aucune pré-tention à l'exhaustivité. Elle poursuit es-sentiellement deux objectifs. D'une part,tenter de présenter la réforme et le droitactuellement applicable aux mineursauteurs de faits qualifiés infraction.D'autre part, relever certaines questionsque posent les nouvelles dispositions etsuggérer éventuellement des pistes desolution. À cet égard, l'ambition n'estcertes pas de clôturer le débat mais, aucontraire, de l'ouvrir.

Cet examen des nouvelles dispositionslégislatives est divisé en huit sections.La première est consacrée à la philoso-phie qui sous-tend la réforme. Ladeuxième traite des questions liées àl'entrée en vigueur des nouvelles dispo-sitions et du droit transitoire. La troi-sième s'intéresse aux conséquences dela réforme sur la situation des mineursen danger sur le territoire de la Régionde Bruxelles-Capitale et à son impactdans les procédures fondées sur les dé-crets communautaires et dans les pro-cédures civiles. La quatrième et la cin-quième section ont respectivement pourobjet le changement d'intitulé de la loiet le titre préliminaire qui a été insérédans la loi du 8 avril 1965. La sixièmesection est consacrée à l'examen desnouvelles mesures et des modificationsqui affectent celles qui existaient déjà.La septième a pour objet les nouvellesdispositions de procédure. La huitièmeet dernière section traite du mineur dé-linquant malade mental.

Enfin, une dernière remarque concer-nant le vocabulaire. Il sera indifférem-ment utilisé les termes «mineur» et«jeune» pour désigner les mineurs vi-sés à l'article 36, 4° de la loi du 8 avril1965, à savoir les mineurs poursuivispour avoir commis un fait qualifié in-fraction avant l'âge de 18 ans. Le terme«jeune» qui n'est pas un concept juridi-que traduit toutefois le fait que, mêmesi pour relever de la loi du 8 avril 1965il doit avoir commis les faits avantd'avoir atteint l'âge de 18 ans, l'intéressépeut faire l'objet de poursuites et d'uneintervention après cet âge.

Section 1.-La philosophiequi sous-tendla réforme :un peu de tout !

L'exposé des motifs du projet débute enrappelant que l'accord du gouvernement

du 9 juillet 2003 a explicitement prévude moderniser la loi sur la protectionde la jeunesse et ce, dans un souci d'as-surer une meilleure protection des jeu-nes et de leur accorder toutes les chan-ces et toute l'aide pour s'intégrer dansnotre société exigeante. Ce nouveaudroit de la jeunesse prévoira en outredes mesures sanctionnelles pour les jeu-nes délinquants à l'égard desquels cesmesures constituent le seul instrumentpour protéger notre société contre leursactivités criminelles (12). Il poursuit enindiquant qu'à cet effet, les modifica-tions proposées par le présent projet deréforme de la législation actuellementen vigueur sont de deux ordres. Ellesentendent, tout d'abord, consacrer lé-galement certaines pratiques qui se sontdéveloppées ces dernières années tantau niveau des parquets qu'au niveau desjuges de la jeunesse. Elles introduisent,ensuite, certaines innovations dans laprise en charge du mineur qui a com-mis un fait qualifié d'infraction (13) .

Après avoir souligné que le projet s'ins-pire des projets élaborés lors des légis-

(11) Circulaire du 28 septembre 2006 n° 1/2006 relative aux lois des 15 mai 2006 et 13 juin 2006 modifiant lalégislation relative à la protection de la jeunesse et la prise en charge de mineurs ayant commis un fait qualifiéinfraction, M.B. du 29 septembre 2006, pp. 50804 et s.

(12) Exposé des motifs, Doc. parl., Chambre, sess. 2004-2005, n° 51 1467/001, p. 4.

(13) Ibidem.

(14) À ce propos, voy. également Ann. parl., Sénat, sess. 2004-2005, séance du 30 mars 2006 matin, p. 25.

Relever certaines questions que posent les nouvellesdispositions et suggérer des pistes de solution

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latures précédentes et d'un dialogueavec les acteurs de terrain (14), l'exposédes motifs présente les lignes directri-ces de la philosophie qui sous-tend laréforme. Pour les auteurs du projet, unjeune, quel que soit son âge, doit pren-dre conscience de ses actes et doit éga-lement, selon son âge, faire l'appren-tissage des règles de vie en société etdes responsabilités qu'il est amené àprendre (15). Pour permettre cette prisede conscience et cet apprentissage, lesréponses que donne la société à un mi-neur ayant commis un fait qualifié in-fraction doivent, quelle que soit la si-tuation de danger, être éducatives, pré-ventives, rapides et efficaces. Les me-sures qui sont prises doivent tout à lafois relever de la protection, de l'édu-cation et de la contrainte (16) . À ce stade,l'exposé des motifs rappelle une réalitéprésente depuis l'avènement de la pro-tection de la jeunesse au début duXX e siècle (17) : protéger les mineurs quitransgressent la norme ne signifie enaucun cas faire preuve de faiblesse oude laxisme (18) . Il s'agit plutôt, par lamise en œuvre de la méthode de l'édu-cation, d'assurer une véritable préven-tion contre la récidive (19).

Dans la droite ligne de ces considéra-tions, les auteurs du projet soutiennentqu'il ne faut pas remettre intégralementen cause la philosophie de la loi du8 avril 1965. Pour eux, le systèmeprotectionnel en vigueur constitue uneréponse adéquate pour la plupart dessituations actuellement rencontrées (20).Mais ce principe étant à peine affirmé,les auteurs du projet soulignent quedans son approche exclusivementprotectionnelle de la délinquance, cettelégislation peut s'avérer inefficace à ré-pondre adéquatement à certaines situa-tions, tels les jeunes délinquantsmultirécidivistes ou concernés par unedélinquance grave (21). Ils annoncent dèslors leur volonté de compléter le dispo-sitif actuel par des réponses plus adap-tées à ces situations (22).

Les auteurs du projet ont également in-diqué avoir eu l'intention de mettre l'ac-cent sur la responsabilisation du jeune,de mieux prendre en compte les droitsde la victime, de consacrer une appro-che restauratrice de la délinquance ju-

vénile, de responsabiliser les parentsdans la mesure où certains comporte-ments délictueux dangereux peuventtrouver leur origine dans le contexte fa-milial, de diversifier les mesures misesà la disposition du parquet et des tribu-naux de la jeunesse en vue de donnerune alternative au placement, de con-traindre les tribunaux de la jeunesse àobjectiver leur décision, d'accélérer laprocédure de dessaisissement, d'instau-rer des magistrats de liaison et d'encou-rager la formation des magistrats (23) .

Même si ses auteurs affirment mainte-nir le modèle protectionnel, l'examen duprojet de loi impose de constater qu'iln'est plus le seul modèle de référence.Il cohabite, dans le même dispositif lé-gal, avec d'autres modèles de prise encharge des mineurs délinquants. Plu-sieurs nouveautés relèvent d'un modèlefondé sur la sanction : limite obligatoirede la durée des mesures, déterminationdes prestations par rapport à un nombred'heures, placement en I.P.P.J. en cas demauvaise exécution d'une mesure demaintien dans le milieu, le sursis dontpeut être assorti le placement, etc. Lemodèle restaurateur est également pré-sent : offre de médiation au stade duparquet, offre de médiation ou de con-certation restauratrice en groupe aprèsla saisine du tribunal de la jeunesse,prestations éducative et d'intérêt géné-ral imposées sous la contrainte, etc. Lemodèle pénal se retrouve aussi dans le

projet. D'une part, il n'est pas toujoursaisé de déterminer la frontière entre cemodèle et le modèle sanctionnel commeen témoigne notamment l'introductionde la modalité du sursis qui est, par es-sence, une mesure de nature pénale.D'autre part, le dessaisissement estmaintenu et il suppose l'application dudroit pénal commun.

Le dispositif ainsi mis en place se ca-ractérise par l'absence d'un modèle deréférence. Comme le dit la célèbre pu-blicité pour les fromages belges, il y aun peu de tout : protectionnel,sanctionnel, restaurateur et pénal. Lepouvoir des magistrats du parquet et dusiège est ainsi considérablement accru.Là où, auparavant, il leur appartenait dechoisir la mesure qui correspondait lemieux à l'intérêt du mineur dans le seulmodèle protectionnel, ils doivent main-tenant préalablement choisir le modèlede référence avant de déterminer la me-sure qui convient le mieux pour attein-dre la valeur autour de laquelle s'arti-cule le modèle qu'ils ont choisi. Cettevaleur n'est plus nécessairement l'inté-rêt du mineur. Il peut s'agir de la pro-portion en rapport avec la gravité du fait,de la réparation du dommage de la vic-time, de la sécurité publique, …

Ce pouvoir accru des juges n'est toute-fois pas susceptible d'un réel contrôlesur le plan juridique. Même si le légis-lateur a instauré une obligation renfor-cée de motivation des décisions, le juge

(15) Exposé des motifs, Doc. parl., Chambre, sess. 2004-2005, n° 51 1467/001, p. 4.

(16) Ibidem.

(17) Intervention de Monsieur H. Carton de Wiart, Ministre de la Justice, séance plénière du Sénat du 13 mai 1912,Pasin., 1912, p. 404 : Ces mesures ne sont nullement exclusives d'une protection efficace de la société contredes malfaiteurs précoces. Intervention de Monsieur H. Carton de Wiart, Ministre de la Justice, séance plénièrede la Chambre du 2 avril 1912, Pasin., 1912, p. 317 : Puisqu'il est encore susceptible d'amendement, on doits'efforcer de l'empêcher de retomber dans la violation de la loi. Il faut donc regarder cette violation moinscomme un fait punissable que comme un symptôme de son état moral et dès lors lui appliquer un traitement quipuisse avoir effet sur son individualité encore imprécise et malléable (…) Le régime nouveau comportera dansde nombreux cas une plus grande sévérité que le régime actuel du Code pénal. Mais cette sévérité n'intervien-dra qu'à bon escient. Il est par ailleurs utile de rappeler que Monsieur H. Carton de Wiart critiquait en 1912 laprison comme méthode de réaction sociale à la délinquance juvénile en raison du risque qu'elle faisait porterà la société en général : La peine de prison prononcée contre un enfant de moins de seize ans n'est pas seule-ment inefficace, mais encore nuisible : c'est infliger à l'enfant une tare qui perdurera à travers toute son exis-tence. De plus le conduire en prison, c'est le flétrir et, s'il est vicieux, en faire un vicieux incurable.

(18) Ibidem.

(19) Ibidem.

(20) Ibidem, p. 6.

(21) Ibidem.

(22) Ibidem.

(23) Ibidem.

Le modèle protectionnel n'est plusle seul modèle de référence

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doit justifier sa décision en fonction decritères très variés, parfois contradictoi-res, ayant tous la même valeur, de ma-nière telle qu'il sera sans doute fort dif-ficile de concrètement remettre cettemotivation en cause. L'intérêt du mineurn'est plus qu'un des critères parmid'autres (24). Il n'est plus privilégié. Parconséquent, moins qu'avant, le mineurpeut solliciter que l'orientation se dé-termine en faveur de sa personne, de sonavenir et de son intégration sociale. Sila mise en œuvre de la loi du 8 avril1965 ancienne version a pu, sur le ter-rain, donner lieu à des pratiquessécuritaires, le texte de la loi, qui rap-pelait sa finalité protectionnelle, cons-tituait quand même un fondement légalpour interpeller les autorités et les con-traindre à se justifier. Suite à la réforme,cette garantie disparaît puisque les auto-rités sont légalement habilitées à déter-miner elles-mêmes la finalité de l'inter-vention.

Cette absence de modèle correspond enréalité à un modèle de type managérialoù il est demandé aux intervenants degérer au mieux les stocks de délinquantsjuvéniles en fonction des valeurs qu'ilspensent devoir privilégier (25). Le prag-matisme est élevé au grade de valeurprimordiale : la «guerre des modèles»est terminée. Nous tentons simplementde considérer les choses de manièrepragmatique et de remettre les jeunesdésorientés sur le droit chemin. Si onparvient à parler et à intervenir pourles relancer, c'est d'autant mieux. Undroit pénal light est une mauvaisechose. Si l'impunité règne, les magis-trats de la jeunesse, les parquets et lesacteurs de terrain ne peuvent pas faireleur travail (26) .

Il semble toutefois que le législateur aitoublié qu'articuler la réaction sociale àla délinquance juvénile autour d'un mo-dèle est destiné à contribuer à la cohé-rence et la cohésion sociale. Le modèlen'est pas destiné aux mineurs, mais auxintervenants. Il leur sert de référencecommune pour déterminer la finalité del'intervention. Un modèle ne constituebien sûr pas une explication de la réa-lité, mais rend compte d'une hiérarchiede valeurs. Ainsi, même si le modèleprotectionnel est fondé sur l'irrespon-

sabilité pénale du mineur, ses promo-teurs n'ont jamais prétendu que les mi-neurs étaient des irresponsables quin'avaient pas conscience de ce qu'ilsfaisaient. Au contraire, la mise en œuvredes mesures éducatives avait pour ob-jet de mobiliser leur capacité deresponsabilisation (27). Les promoteursde ce modèle n'étaient pas non plus du-pes de la manière dont les mineurs per-cevaient l'intervention. Il était clair que,même si la finalité des intervenants étaitleur éducation, les mineurs ressentaientleur action comme une sanction ou unepeine. Quoi de plus normal puisque l'in-tervention portait atteinte à des droitsfondamentaux tels que la liberté indivi-duelle, le droit à la vie familiale ou ledroit à la vie privée.Le pragmatisme et l'impératif gestion-naire voulus par les auteurs de la ré-forme risquent de présenter plusieursdif ficultés dans leur mise en œuvre.Ainsi, des mineurs qui auront participéà un même fait et qui sont déférés de-vant des juges distincts pourront fairel'objet de réactions sociales très diffé-rentes suivant que le magistrat en chargede leur dossier est, par option person-nelle, tenant d'un modèle plus que d'unautre. De la même manière, au coursd'un même dossier, le magistrat pourrapasser d'un modèle à un autre en fonc-tion de critères qu'il sera parfois diffi-cile de prévoir à l'avance. Il pourra aussiappliquer plusieurs modèles simultané-ment puisque, suite à la réforme, il estmaintenant possible de cumuler les me-sures. Enfin, l'absence de repères com-muns peut être source de malentendusentre les différents intervenants dans unmême dossier. Le magistrat peut pren-dre sa décision en se référant à un mo-dèle alors que la décision peut être miseen œuvre par des services qui se réfè-

rent à un autre modèle. Là où il est sou-vent nécessaire de donner des repèresclairs à des jeunes en difficulté ou enrupture, il se pourrait donc que les in-tervenants se présentent en ordre dis-persé et ne s'y retrouvent pas eux-mê-mes.

Section 2.- L'entréeen vigueur et ledroit transitoir e

Cette section est divisée en quatrepoints. Le premier est consacré à l'exa-men des principes instaurés par les deuxlois des 15 mai et 13 juin 2006 ainsi quedes deux premiers arrêtés royaux fixantdes dates d'entrée en vigueur de certai-nes dispositions (A). Le deuxième pré-sente des tableaux récapitulatifs (B). Letroisième a pour objet le droit transitoire(C) et le quatrième est consacré à quel-ques commentaires critiques (C).

A. Les principes et lesarrêtés royaux des 5 août

et 28 septembre 2006

L'article 65 de la loi du 13 juin 2006modifiant la législation relative à la pro-tection de la jeunesse et à la prise encharge des mineurs ayant commis unfait qualifié infraction dispose que leRoi fixe la date de l'entrée en vigueurde chacune des dispositions de la loi etque celles-ci entrent en vigueur au plustard le 1er janvier 2009. En outre, cetexte précise que l'article 7, 7°, de la loirelatif à la prolongation des mesures jus-qu'à l'âge de 23 ans doit, avant de ren-trer en vigueur, faire l'objet d'un accord

(24) À cet égard, voy. l'intervention de la sénatrice Nyssens. Ann. parl., Sénat, sess. 2004-2005, séance du 30 mars2006 matin, p. 8.

(25) Sur cette question, voy. notamment D. Kaminski, «Juger le fait, juger la personne… ou échapper à ce di-lemme ?», J.D.J., 2001, n° 209, pp. 8 et s.

(26) Intervention du sénateur Vandenberghe. Ann. parl., Sénat, sess. 2004-2005, séance du 30 mars 2006 matin,p. 20.

(27) Intervention de Monsieur H. Carton de Wiart, Ministre de la Justice, séance plénière de la Chambre du 2 avril1912, Pasin., 1912, p. 318 : Nous ne disons nullement que nous considérons l'enfant comme incapable dediscernement. Mais nous disons que cette question ne doit pas se poser et que la solution qu'elle comporte nepeut pas dominer le régime à appliquer à l'enfant traduit en justice. C'est ainsi, Messieurs, que la juridictionspéciale et le traitement spécial se justifient.

Des mineurs qui auront participé à un même fait pourrontfaire l'objet de réactions sociales très différentes

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de coopération entre l'État et les Com-munautés en vue de régler les modali-tés de financement et de la mise enœuvre des mesures visées à ladite dis-position.

L'article 28 de la loi du 15 mai 2006modifiant la loi du 8 avril 1965 relativeà la protection de la jeunesse, du Coded'instruction criminelle, le Code pénal,le Code civil, la nouvelle loi commu-nale et la loi du 20 avril 2003 réformantl'adoption prévoit également que le Roifixe la date de l'entrée en vigueur dechacune des dispositions de cette loi etque celles-ci entrent en vigueur au plustard le 1er janvier 2009.

Un arrêté royal du 5 août 2006 a fixé ladate d'entrée en vigueur de certaines dis-positions de la loi du 13 juin 2006 mo-difiant la législation relative à la pro-tection de la jeunesse et à la prise encharge des mineurs ayant commis unfait qualifié infraction (28). Il s'agit prin-cipalement des dispositions relatives àla fonction de magistrat de liaison (29).La date d'entrée en vigueur est celle dela publication de l'arrêté royal au Mo-niteur belge, soit le 16 août 2006.

L'arrêté royal du 28 septembre 2006portant exécution de la loi du 15 mai2006 modifiant la loi du 8 avril 1965relative à la protection de la jeunesse,le Code d'instruction criminelle, le Codepénal, le Code civil, la nouvelle loi com-munale et la loi du 24 avril 2003 réfor-mant l'adoption et portant exécution dela loi du 13 juin 2006 modifiant la lé-gislation relative à la protection de lajeunesse et à la prise en charge des mi-neurs ayant commis un fait qualifié in-fraction a fixé au 16 octobre 2006 l'en-trée en vigueur d'une part importante deces deux législations (30).

Par conséquent, il peut être tenu commeprincipe que toute la réforme est entréeen vigueur le 16 octobre 2006 à l'excep-tion de certaines matières.

C'est le cas des offres réparatrices (me-sures extrajudiciaires), du stage paren-tal, et de diverses mesures que pourraprononcer le tribunal de la jeunesse.Pour chacune de ces dispositions, ils'impose de créer de nouvelles structu-res. En effet, à ce jour, il n'existe passuffisamment de services susceptibles

de prendre en charge, dans chaque ar-rondissement, les missions de médiationet de concertation restauratrice degroupe. Il faut également mettre sur piedles services qui assureront la mise enœuvre du stage parental. Les mesuresde suivi ambulatoire et de placementhospitalier requièrent également de nou-velles structures. Des accords de coo-pération doivent être conclus avec lescommunautés et les régions pour répon-dre à ces divers besoins. La circulairede la Ministre de la justice indique queles dispositions relatives aux offres ré-paratrices et au stage parental pourraientrentrer en vigueur le 1er avril 2007 (31).

Les nouvelles dispositions en matièrede dessaisissement ne sont pas non plusentrées en vigueur le 16 octobre 2006.Elles devraient entrer en vigueur au troi-sième trimestre 2007 (32).

Enfin, il semble que d'autres disposi-tions ne sont pas entrées en vigueur enraison de la crainte des répercussionsqu'elles auraient pu avoir à l'égard desmineurs en danger sur le territoire de laRégion de Bruxelles-Capitale. En effet,l'ordonnance du 29 avril 2004 relativeà l'aide à la jeunesse de la Commissioncommunautaire commune n'est toujourspas entrée en vigueur et la situation desmineurs en danger de la Région deBruxelles-Capitale est toujours régléepar la loi du 8 avril 1965. Il semble quele Gouvernement craignait que l'entréeen vigueur de l'article 15 de la loi du15 mai 2006 qui remplace à l'article 52,

alinéa 1er de la loi du 8 avril 1965 lesmots du mineur par les mots de la per-sonne visée à l'article 36, 4° ait pour ef-fet qu'il ne soit plus possible d'ordon-ner des mesures provisoires à l'égard desmineurs en danger. De la même ma-nière, il craignait que l'entrée en vigueurde la première phrase de l'alinéa 2 duparagraphe 2 nouveau de l'article 37 quidispose que seules les mesures visées àl'alinéa 1er, 1°, 2° et 3°, peuvent être or-données à l'égard des personnes demoins de douze ans n'ait pour effet qu'ilne soit plus possible d'ordonner unemesure de placement à l'égard d'un mi-neur en danger âgé de moins de 12 ans.

B. Les tableauxrécapitulatifs

Les tableaux qui suivent récapitulent lasituation de l'entrée en vigueur des deuxlégislations. En petites capitales, il s'agitdes dispositions applicables le 16 octo-bre 2006; en gras les dispositions pourlesquelles aucune date d'entrée en vi-gueur n'a été avancée; en italiques lesdispositions qui devraient entrer en vi-gueur le 1er avril 2007 et soulignées lesdispositions qui devraient entrer en vi-gueur en septembre 2007.

(28) M.B. du 16 août 2006.

(29) Il s'agit des articles 31, 37, 38, 39, 40, 41, 42, 2° à 7°, 43, 44, 45, 46, 48, 49, 50 et 51 de la loi du 13 juin 2006.

(30) M.B. du 29 septembre 2006. Il s'agit des articles 7, 9, 11, 13, 14, 16, 17, 19, 21, 23, 24, 25, 26 et 27 de la loi du15 mai 2006 et des articles 2, 3, 4, 6, 8, 9, 10, 12, 15, 16, 17, 18, 19, 23, 27, 52, 53, 54, 55, 56, 57, 58, 59, 60,61, 62, 63 et 64 de la loi du 13 juin 2006. L'article 7 de cette loi rentre également en vigueur à la date du16 octobre 2006 à l'exception de :

- point 2°, en tant qu'il fait référence au § 2, alinéa 1er, 3°, 5°, 6°, 9°, 10° et 11° de l'article 37 de la loi, à l'alinéa2 du § 2, de l'article 37 de la loi et à la 1re phrase de l'alinéa 3 du § 2 de l'article 37 de la loi, rédigée commesuit : «La préférence doit être donnée en premier lieu à une offre restauratrice, visée aux articles 37bis à37quinquies.»;

- point 4°, en tant qu'il fait référence à l'article 37, § 2ter, alinéa 1er, 3°, de la loi, rédigé comme suit : «participerà une offre restauratrice visée aux articles 37bis à 37quinquies.»;

- point 7°, d) et f).

L'article 22 de cette même loi rentre en vigueur à l'exception du point 2°.

(31) Circulaire du 28 septembre 2006 n° 1/2006 relative aux lois des 15 mai 2006 et 13 juin 2006 modifiant lalégislation relative à la protection de la jeunesse et la prise en charge de mineurs ayant commis un fait qualifiéinfraction, M.B. du 29 septembre 2006, p. 50805.

(32) Ibidem.

Des accords de coopération doivent être conclusavec les Communautés et les Régions

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10 JDJ n°260 - décembre 2006

La loi du 13 juin 2006 modifiant la législation relative à la protection de la jeunesseet à la prise en charge des mineurs ayant commis un fait qualifié infraction

Article 2 Modification du titre 16 octobre 2006

Article 3 (Titre préliminaire) Principes généraux 16 octobre 2006

Article 4 (art. 10 nv) Copie des décisions et 16 octobre 2006

ordonnances à l'avocat du mineur

Article 5 (art. 29bis nv) Stage parental par tribunal (1er avril 2007)

Article 6 (art. 36,5) Adaptation texte néerl. 16 octobre 2006

Article 7 (art. 37)

Sauf :

Art. 7, 2° pour :

37, § 2, al. 1er, 3°

37, § 2, al. 1er, 5°

37, § 2, al. 1er, 6°

37, § 2, al. 1er, 9°

37, § 2, al. 1er, 10°

37, § 2, al. 1er, 11°

37, § 2, al. 2

37, § 2, al. 3 1re phrase

Art. 7, 4°

37, § 2ter, al. 1er, 3°

Art. 7, 7°, d et f

37, § 3, al. 2, 2°

37, § 3, al. 3

Article 8 (art. 41) Adaptation numérotation 16 octobre 2006

Article 9 (art. 43 nv) Mineur délinquant malade mental 16 octobre 2006

Article 10 (art. 44) Modification du texte néerl. 16 octobre 2006

Article 11 (art. 45bis nv) Stage parental proposé par le M.P. (1er avril 2007)

Article 12 (art. 45Ter nv) Avertissement M.P. et rappel à la loi 16 octobre 2006

Article 13 (art. 45quater) Médiation proposée par le M.P. (1er avril 2007)

Article 14 (art. 49) Adaptation textuelle (1er septembre 2007)

Article 15 (art. 49) Assistance d'un avocat devant le J.I. 16 octobre 2006

Article 16 (art. 51) Comparution parents et sanction 16 octobre 2006

en cas de non-comparution

Article 17 (art. 52) Mesures provisoires 16 octobre 2006

Article 18 (art. 52Ter) Remise de la copie de la décision 16 octobre 2006

à l'avocat

Article 19 (art. 52Quater) Placement en I.P.P.J. fermé (mes. prov.) 16 octobre 2006

Article 20 (art. 52quinquies) Médiation en phase préparatoire (1er avril 2007)

Article 21 (art. 57bis nv) Dessaisissement 1er septembre 2007)

Article 22 (art. 60) Révision 16 octobre 2006

Sauf 22, 2° Délai de révision si la médiation ou (1er avril 2007)

60, al. 2, dernière phrase la Fgc se termine après le jugement

Article 23 (Art. 61) Désistement de la victime de toute 16 octobre 2006

action d'indemnisation

Article 24 (art. 80) Adaptation textuelle Vise un article qui a

été abrogé. Problème

Article 25 (art. 85) Infraction en cas de refus du stage parental (1er avril 2007)

Article 26 (art. 89) Application Code pénal (1er avril 2007)

Mesures à disposition du juge

Accompagnement intensif

Traitement ambulatoire

Participation formation — activité

Placement en service hospitalier

Placement service spécialisé

Placement service pédopsychiatrique

Mesures pour les moins de 12 ans

Préférence aux mesures extrajudiciaires

Engagement de participer à une offre

restauratrice dans le projet écrit

23 ans en lieu et place de 20 ans et

16 ans en lieu et place de 17 ans

Prolongation jusqu'à 23 ans

16 octobre 2006

?

?

?

?

?

?

Ord. Bxl.

(1er avril 2007)

(1er avril 2007)

Accord de coop visé

à l'art. 65

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11JDJ n°260 - décembre 2006

Modifications du Code d'instruction criminelle

Titre préliminaire art. 30 Transmission pièces après dessmnt (1er septembre 2007)

Art. 216 Convocation par PV après dessmnt (1er septembre 2007)

Art. 416 Pourvoi avant décision au fond (1er septembre 2007)

Modifications du Code judiciaire

Dispositions relatives aux magistrats de liaisons 16 août 2006

Dispositions relatives à la fonction de juge de la jeunesse ?

Dispositions relatives aux chambres spéciales du tribunal de la Jeunesse (1er septembre 2007)

pour les dessaisissements

Modification de la loi du 15 juin 1935sur l'emploi des langues

En vigueur le 16 août 2006

Modifications de la loi du 26 juin 1990(malades mentaux)

En vigueur le 16 octobre 2006

Modifications de la loi du 1er mars 2002(Everberg)

En vigueur le 16 octobre 2006

La loi du 15 mai 2006 modifiant la loi du 8 avril 1965 relative à la protection de la jeunesse, le Coded'instruction criminelle, le Code pénal, le Code civil, la nouvelle loi communale et la loi du 20 avril

2003 réformant l'adoption

Article 2 (art. 37bis nv) Art. 37bis actuel devient art. 38 (1er avril 2007)

Art. 37bis : offre restauratrice

Article 3 (art. 37ter nv) Offre restauratrice (1er avril 2007)

Article 4 (art. 37quater nv) Offre restauratrice (1er avril 2007)

Article 5 (art. 37qquies nv) Offre restauratrice (1er avril 2007)

Article 6 (art. 38) Abrogation 38 au profit de 57bis (1er septembre 2007)

Article 7 (art. 42) Adaptation de la numérotation 16 octobre 2006

Article 8 (art. 45) Adaptation de la numérotation (1er septembre 2007)

Article 9 (art. 46) Citation aux parents d'accueil 16 octobre 2006

Article 10 (art. 47) Extinction action publique (1er avril 2007)

après médiation

Article 11 (art. 48bis nv) Information des parents par 16 octobre 2006

fonctionnaire de police

Article 12 (art. 50) Adaptation textuelle (1er septembre 2007)

Article 13 (art. 52ter) Indication des recours sur la copie 16 octobre 2006

Article 14 (art. 61bis nv) Copie des décisions aux parties 16 octobre 2006

Article 15 (art. 52, 57, 60) Modification textuelle ?

Article 26 Evaluation loi dans les 2 ans 16 octobre 2006

de l'entrée en vigueur

Article 27 Modification ordre des articles 16 octobre 2006

Modifications du Code d'instruction criminelleArt. 594 ET 595 Casier judiciaire — Modification textuelle 16 octobre 2006

Art. 606 Placement centre fédéral fermé ?

Modifications du Code pénal

Art. 12 Plus de réclusion/détention à perpétuité 16 octobre 2006

pour jeunes dessaisis

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12 JDJ n°260 - décembre 2006

Art 30 Imputation du placement provisoire (1er septembre 2007)

en I.P.P.J. fermé en centre fédéral fermé

sur la peine

Art. 391bis Modification textuelle 16 octobre 2006

Art. 433bis Modification textuelle (1er septembre 2007)

Modification du Code civil

Art. 397 Modification textuelle 16 octobre 2006

Modification de la nouvelle loi communale

Art. 119bis Modification textuelle 16 octobre 2006

Modification de la loi du 24 avril 2003 sur l'adoption

Art. 15 MOdification textuelle 16 octobre 2006

C. Le droit transitoire

L'article 100bis dispose que pour lesaffaires en cours au moment de l'en-trée en vigueur de la loi du 15 mai2006 modifiant la législation relativeà la protection de la jeunesse et à laprise en charge des mineurs ayantcommis un fait qualifié infraction etde la loi du 15 mai 2006 modifiant laloi du 8 avril 1965, relative à la pro-tection de la jeunesse, le Code d'ins-truction criminelle, le Code pénal, leCode civil, la nouvelle loi communaleet la loi du 24 avril 2003 réformantl'adoption, les délais prévus dans ceslois courent à partir du lendemain deleur entrée en vigueur.

I l faut cependant constater qu'i ln'existe formellement pas de loi du15 mai 2006 modifiant la législationrelative à la protection de la jeunesseet à la prise en charge des mineursayant commis un fait qualifié infrac-tion. Celle-ci a, comme on l'a vu, étéremplacée par la loi du 13 juin 2006.

Hormis cette disposition relative auxdélais, il n'y a pas d'autre texte de droittransitoire. Par conséquent, toutes lesdispositions sont d'application immé-diate aux situations en cours. À cetégard, il semble qu'il faille en con-clure que les affaires plaidées avantle 16 octobre 2006 dans lesquelles leprononcé est fixé après cette date doi-vent nécessairement faire l'objet d'uneréouverture des débats. En effet, lejuge doit appliquer la législation envigueur au moment du prononcé,c'est-à-dire les dispositions nouvellesissues de la réforme. Or, les partiesn'ont pas pu s'exprimer sur l'applica-tion de celles-ci puisqu'elles n'étaient

pas en vigueur au moment des débats.Pourtant ces dispositions introduisentde nouvelles mesures, imposent unordre de priorité entre celles-ci, pré-voient de nouvelles contraintes en ma-tière de durée, autorisent des cumulsde mesures qui n'existaient pas aupa-ravant, etc. Il apparaît donc indispen-sable, sous peine de violer les droitsde la défense, de permettre aux par-ties de plaider en vertu de ces possi-bilités nouvelles.

D. Commentaires etréflexions

Comme annoncé, dans la suite de cettecontribution, les dispositions qui nesont pas en vigueur à la date du 16 oc-tobre 2006 ne seront pas examinées.Il s'agit notamment de celles qui trai-tent du stage parental, de l'accompa-gnement intensif, du traitement am-bulatoire, du placement en vue de réa-liser une formation ou de participer àune activité, du placement en servicehospitalier, du placement dans un ser-vice spécialisé en matière d'alcoo-lisme, de toxicomanie ou de touteautre dépendance, du placement enservice pédopsychiatrique, de l'inter-diction des mesures de placementspour les mineurs âgés de moins de12 ans, de la prolongation des mesu-res jusqu'à 23 ans, des offres restau-ratrices et du dessaisissement. L'en-semble de ces dispositions fera l'ob-jet d'un commentaire ultérieur.

Il faut relever que, sous l'empire del'ancienne version de la loi du 8 avril1965, plusieurs des mesures reprisesau nouvel article 37, § 2 étaient déjàappliquées dans le cadre soit des con-ditions qui assortissaient la mesure desurveillance (ancien art. 37, § 2, al.1er, 2°), soit d'un placement (ancienart. 37, § 2, al. 1er, 3°). C'était, parexemple, le cas du placement en vuede réaliser une formation ou de parti-ciper à une activité, du placement enservice hospitalier ou du placementdans un service spécialisé. La nou-velle loi en fait des mesures autono-mes mais les dispositions qui les ins-tituent ne sont pas encore en vigueur.Cette situation a-t-elle pour effet que,pour le moment, le tribunal de la jeu-nesse ne peut plus prononcer de tel-les mesures ? Une réponse négativesignifierait que les nouvelles disposi-tions sont inutiles. Une réponse posi-tive aboutirait à conclure que les ju-ges de la jeunesse auraient aujourd'huimoins de possibilités d'interventionque hier alors que les auteurs de laréforme ont explicitement annoncévouloir augmenter la panoplie desmesures mises à leur disposition.

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la loi du 8 avril 1965 ont cours sur ceterritoire. Pour les mineurs délinquants,il s'agit de la loi du 8 avril 1965 rela-tive à la protection de la jeunesse, à laprise en charge des mineurs ayant com-mis un fait qualifié infraction et à la ré-paration du dommage causé par ce faitdont le texte coordonné est celui publiéen annexe de la circulaire du Ministrede la justice du 28 septembre 2006. Pourles mineurs en danger, il s'agit de la ver-sion de la loi du 8 avril 1965 relative àla protection de la jeunesse applicableavant la communautarisation concer-nant les matières pour lesquelles le lé-gislateur fédéral n'est pas compétent.

Par contre, le législateur fédéral étantcompétent pour les règles de procédure,toutes les nouvelles règles de cette ca-tégorie adoptées depuis lacommunautarisation s'appliquent égale-ment aux procédures relatives aux mi-neurs en danger sur le territoire de laRégion bilingue de Bruxelles-Capitale,aux procédures fondées sur les décretscommunautaires et aux procédures ci-viles, sauf dérogation expresse. Dans laréforme de 2006, tel est, par exemple,le cas des articles 10 nouveau, 52bis,alinéa 4 nouveau et 61bis nouveau dela loi du 8 avril 1965, qui indiquent leshypothèses où les diverses décisions(ordonnance de mesure provisoire, ju-gement, arrêt) doivent être communi-quées au mineur, à son avocat et à sespère et mère, tuteurs ou personnes quiassurent sa garde en droit ou en fait etqui précisent également les mentionsrelatives aux voies de recours que cesdécisions doivent comporter (35).

Il n'est toutefois pas toujours facile dedéterminer, in concreto, si une disposi-tion rentre ou non dans le champ descompétences du législateur fédéral, cequi peut être source d'insécurité concer-nant, notamment, la situation des mi-neurs en danger sur le territoire de laRégion bilingue de Bruxelles-Capitale.

Ainsi, permettre au juge de la jeunessede prendre des mesures provisoires(art. 52) est ce ou non une dispositionde procédure ? Comme on l'a vu, laquestion se pose quant à l'applicationde l'article 15 de la loi du 15 mai 2006.S'il s'agit d'une règle de procédure, l'en-trée en vigueur de cette disposition aurapour effet qu'il ne sera plus possibled'ordonner une mesure provisoire àl'égard d'un mineur en danger. Maispeut-on réellement être certain qu'ils'agit d'une règle de procédure ? Il existedes arguments en sens divers. D'un côté,cette disposition a pour objet l'applica-tion d'une mesure, même si elle est pro-visoire. De l'autre, l'article 52 figuredans le chapitre de la loi consacré à lacompétence et à la procédure. Il appar-tiendra, le cas échéant, à la jurispru-dence de se prononcer.

La même question se pose à propos desnouvelles dispositions relatives aux exi-gences de motivation spéciale qui ren-voient à l'ordre de priorité des mesures,aux moyens disponibles, au bénéfice dela mesure pour le jeune, etc. S'agit-ild'une règle de fond ou de procédure ?La motivation est généralement tenuecomme une garantie de procédure quiparticipe au caractère équitable du pro-cès. En ce sens, elle serait plutôt unerègle de procédure. Mais, lors de la ré-forme, l'exigence spéciale de motivationa été intégrée dans le nouvel article 37qui traite des mesures. Par conséquent,s'il fallait conclure que l'exigence demotivation est une règle de procédure,cela signifierait que pour les mineurs endanger, sur le territoire de la Région bi-lingue de Bruxelles-Capitale, il faudraitappliquer l'ancienne version de l'arti-cle 37 pour statuer sur la mesure et lenouvel article 37 concernant la motiva-tion relative au choix de cette mesure.

(33) La Cour d'arbitrage a encore rappelé, dans son arrêt n° 166/2003 du 17 décembre 2003, que les communautésont, en vertu de cette disposition, la plénitude de compétence pour régler la protection de la jeunesse dans laplus large acception du terme, sauf les exceptions qui y sont explicitement mentionnées.

(34) Pour une description détaillée de cette situation et de ses conséquences sur le plan juridique, voy. Fr. Tulkenset Th. Moreau, Le droit de la jeunesse en Belgique. Aide, assistance et protection, op. cit., pp. 549 et s.

(35) Pour les procédures civiles, voy. infra l'impact du mode de communication de la décision sur le point de départde la computation du délai d'appel.

Section 3.-L'impactde la réformesur la situation desmineurs en dangerà Bruxelles, surl'application desdécretscommunautaires etdans les procéduresciviles

En vertu de l'article 5, § 1er, Il, 6°, de laloi spéciale du 8 août 1980 de réformesinstitutionnelles, la protection de la jeu-nesse est une compétence des commu-nautés, à l'exception des matières viséesaux point a) à e) de cette même disposi-tion qui sont restées de la compétencedu législateur fédéral (33). Parmi celles-ci figurent l'organisation des juridic-tions de la jeunesse, leur compétenceterritoriale et la procédure devant cesjuridictions (point c) et la détermina-tion des mesures qui peuvent être pri-ses à l'égard des mineurs ayant com-mis un fait qualifié d'infraction (pointd).

Comme rappelé ci-dessus, il n'existe, àl'heure actuelle, aucune législation éma-nant de la Commission communautairecommune qui détermine et organise lesmesures contraignantes qui peuvent êtreappliquées aux mineurs en danger surle territoire de la Région bilingue deBruxelles-Capitale (34). Par conséquent,les mesures applicables à ces mineurssont toujours celles qui étaient prévuesdans la version de la loi du 8 avril 1965qui était applicable avant lacommunautarisation de la matière puis-qu'il n'entre pas dans les compétencesdu législateur fédéral de les modifier.

Les nouvelles dispositions relatives auxmesures introduites par les lois des15 mai et 13 juin 2006 ne sont donc pasapplicables aux mineurs en danger surle territoire de la Région bilingue deBruxelles-Capitale. Il s'ensuit que, con-cernant les mesures, deux versions de

Plus de mesure provisoire à l'égard d'un mineur en dangersur le territoire de la Région bilingue de Bruxelles-Capitale ?

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Section 4.-Le nouvel intituléde la loi

Depuis le 16 octobre 2006, la loi du8 avril 1965 a un nouvel intitulé. Il s'agitde la loi du 8 avril 1965 relative à laprotection de la jeunesse, à la prise encharge des mineurs ayant commis unfait qualifié infraction et à la répara-tion du dommage causé par ce fait.

En changeant l'intitulé de la loi, la vo-lonté des auteurs du projet était de pré-ciser qu'elle ne vise, désormais, que lesmineurs délinquants (36) et à mettre enexergue la médiation et la place de lavictime (37). Toutefois, le législateur sem-ble avoir oublié que la loi du 8 avril1965 continue d'être le siège de la ma-tière des mesures parents que sont latutelle aux prestations familiales et ladéchéance de l'autorité parentale et desrègles de procédure applicables devantles juridictions de la jeunesse dans tou-tes les causes, qu'elles concernent ounon des mineurs délinquants. En outre,comme on l'a vu, l'ancienne version dela loi reste d'application pour les mi-neurs en danger sur le territoire de laRégion bilingue de Bruxelles-Capitale.

Si le législateur voulait instaurer une loiuniquement applicable aux mineurs dé-linquants, il aurait sans doute mieuxvalu qu'il adopte un texte entièrementnouveau et totalement distinct de la loidu 8 avril 1965. De cette manière, ilaurait été très clair que les mesures etles dispositions de procédure nouvellesne s'appliqueraient qu'aux mineursayant commis un fait qualifié infraction,la loi du 8 avril 1965 continuant de ré-gir les mesures parents, la situation desmineurs en danger à Bruxelles, les pro-cédures fondées sur les décrets commu-nautaires et les procédures civiles.

Section 5.- Le titrepréliminair e

La Commission de la justice de laChambre a introduit, dans la loi du8 avril 1965, un titre préliminaire qui

ne figurait pas dans le projet initial etqui a pour objet les principes de l'ad-ministration de la justice des mineurs.

Ces principes sont notamment inspirésde divers textes internationaux (38) : laConvention relative aux droits de l'en-fant, la Convention européenne de sau-vegarde des droits de l'homme et deslibertés fondamentales, les Règles mi-nima des Nations unies concernant l'ad-ministration de la justice pour mineurs,les Principes directeurs des Nationsunies pour la prévention de la délin-quance juvénile et les Règles des Na-tions unies pour la protection des mi-neurs privés de liberté. Il faudrait tou-tefois prendre le temps d'une étudefouillée pour vérifier dans quelle me-sure les principes proclamés dans cenouveau texte de droit interne sont aussilarges que ceux repris dans ces textesde droit international.

Selon la Ministre de la justice, ce titrepréliminaire a une portée philosophi-que (39). Plusieurs membres des Com-missions de la justice de la Chambre etdu Sénat étaient opposés à l'intégrationde ce titre dans le texte de la loi. Ils es-timaient qu'il s'agissait de principes sansréelles portées normatives et qu'ilsavaient plutôt leur place dans l'exposédes motifs (40). Toutefois, ces principesont finalement quand même été intro-duits dans le corps de la loi. Il s'en dé-duit qu'ils ont une réelle valeur juridi-que. S'il est vrai qu'ils ne confèrent pastous des droits subjectifs aux mineurset aux familles, ils exercent toutefoisune valeur de repère et indiquent l'es-prit dans lequel la loi doit être appli-quée. Ainsi, il ne paraît pas possible demettre en œuvre une prise en charge quis'inscrirait clairement dans un sens op-posé à ces principes. De la même ma-nière, sur un plan plus collectif, il neserait pas justifié que les autorités adop-tent des politiques qui ne respecteraientpas ces principes.

Cinq principes sont affirmés :

1. la prévention de la délinquance estessentielle pour protéger la société àlong terme et exige que les autoritéscompétentes s'attaquent aux causessous-jacentes de la délinquance desmineurs et qu'elles élaborent un ca-dre d'action multidisciplinaire;

2. tout acte d'administration de la jus-tice des mineurs est, dans la mesuredu possible, assuré par des interve-nants, fonctionnaires et magistratsqui ont reçu une formation spécifi-que et continue en matière de droitde la jeunesse;

3. l'administration de la justice des mi-neurs poursuit les objectifs d'éduca-tion, de responsabilisation et de réin-sertion sociale ainsi que de protec-tion de la société;

4. les mineurs ne peuvent, en aucun cas,être assimilés aux majeurs quant àleur degré de responsabilité et auxconséquences de leurs actes. Toute-fois, les mineurs ayant commis unfait qualifié infraction doivent êtreamenés à prendre conscience desconséquences de leurs actes;

5. les mineurs jouissent dans le cadrede la présente loi, à titre propre, dedroits et libertés, au nombre desquelsfigurent ceux qui sont énoncés dansla Constitution et la Convention in-ternationale relative aux droits del'enfant, et notamment le droit de sefaire entendre au cours du processusconduisant à des décisions qui lestouchent et de prendre part à ce pro-cessus, ces droits et libertés devantêtre assortis de garanties spéciales.

Concernant le cinquième principe, letexte indique que les mineurs doiventpouvoir bénéficier des six garanties spé-ciales suivantes :

a) les jeunes ont le droit, chaque foisque la loi est susceptible de porter

(36) Commentaire des articles, Doc. parl., Chambre, sess. 2004-2005, n° 51 1467/001, p. 26.

(37) Rapport de la Commission de la Justice du Sénat, Doc. parl., Sénat, sess. 2005-2006, n° 3-1312/7, p. 23.

(38) Rapport de la Commission de la Justice de la Chambre, Doc. parl., Chambre, sess. 2004-2005, n° 51 1467/012,p. 67.

(39) Rapport de la Commission de la Justice du Sénat, Doc. parl., Sénat, sess. 2005-2006, n° 3-1312/7, p. 23.

(40) Rapport de la Commission de la Justice de la Chambre, Doc. parl., Chambre, sess. 2004-2005, n° 51 1467/012,pp. 72-73 et Rapport de la Commission de la Justice du Sénat, Doc. parl., Sénat, sess. 2005-2006, n° 3-1312/7,p. 23.

Les mineurs doivent pouvoir bénéficierde six garanties spéciales

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atteinte à certains de leurs droits etlibertés, d'être informés du contenude ces droits et libertés;

b) les père et mère assument l'entretien,l'éducation et la surveillance de leursenfants. Par conséquent, les jeunesne peuvent être entièrement ou par-tiellement soustraits à l'autorité pa-rentale que dans les cas où des me-sures tendant au maintien de cetteautorité sont contre-indiquées;

c) la situation des mineurs ayant com-mis un fait qualifié infraction re-quiert surveillance, éducation, disci-pline et encadrement. Toutefois, l'étatde dépendance où ils se trouvent, leurdegré de développement et de matu-rité créent dans leur chef des besoinsspéciaux qui exigent écoute, conseilset assistance;

d) toute intervention comportant unemesure éducative vise à encouragerle jeune à intégrer les normes de lavie sociale;

e) dans le cadre de la prise en chargedes mineurs ayant commis un faitqualifié infraction, il est fait recours,lorsque cela est possible, aux mesu-res, prévues par la loi, de substitu-tion aux procédures judiciaires, et ce,en restant cependant attentif à l'im-pératif de protection sociale;

f) dans le cadre de la loi, le droit desjeunes à la liberté ne peut souffrir qued'un minimum d'entraves comman-dées par la protection de la société,compte tenu des besoins des jeunes,des intérêts de leur famille et du droitdes victimes.

Il faut sans doute regretter que le prin-cipe selon lequel toute prise en charged'un mineur délinquant visant à le res-ponsabiliser impose que des majeursresponsables s'engagent à ses côtés (41).Il s'impose, en effet, de ne pas instaurerun déséquilibre qui aurait pour consé-quence de reporter toute la charge del'engagement sur le mineur. La respon-sabilité est une «maladie contagieuse»qui ne s'attrape qu'au contact de person-nes responsables et non dans l'isolementet la solitude (42). Sans doute, cette di-mension est-elle présente dans le troi-sième principe selon lequel l'adminis-tration de la justice des mineurs pour-

suit les objectifs d'éducation, mais elleaurait mérité d'y être indiquée en toutelettre. En tous cas, lors des travaux par-lementaires, elle a été rappelée à plu-sieurs reprises. En Commission de lajustice de la Chambre, il a été soulignéque la société ne se protègera pas enfaisant payer par ces jeunes son inca-pacité à éviter qu'ils recourent à descomportements délictueux (43). Enséance plénière du Sénat, le sénateurVandenberghe a relevé que les adultessont les premiers responsables du dur-cissement de notre société et les pre-miers aussi à ne plus assumer leurs res-ponsabilités (44) . Sa collègue Durant acomplété l'analyse en relevant que s'ily a la réalité du juge qui a besoin d'ins-truments, il y a la réalité des jeunes quiont absolument besoin d'un accompa-gnement positif et que l'on croie eneux (45).

Section 6.-Les nouvellesdispositionsrelatives auxmesures

Les nouvelles dispositions relatives auxmesures touchent principalement qua-tre domaines : les mesures à la disposi-tion du ministère public avant la saisinedu tribunal de la jeunesse (A), les me-sures qui peuvent être prononcées aufond par le tribunal de la jeunesse (B),les mesures provisoires (C) et ledessaisissement. Comme déjà dit, puis-

que les textes nouveaux la concernantne sont pas entrés en vigueur, cette der-nière mesure ne sera pas examinée.

A. Les mesures à ladisposition du ministère

public avant la saisine dutribunal de la jeunesse

Suite à la réforme, outre le classementsans suite et la saisine du tribunal de lajeunesse, le ministère public se voit re-connaître trois nouvelles possibilitésd'intervention : les modalités pouvantassortir le classement sans suite(art. 45ter), la proposition de stage pa-rental (art. 45bis) et l'offre de médiation(art. 45quater). Les deux dernièresn'étant pas encore entrées en vigueur,seule la première sera examinée.

Le nouvel article 45ter institue deuxmodalités dont le ministère public peutassortir le classement sans suite. Il s'agitde l'avertissement écrit (art. 45ter, al.1er et 2) et le rappel à la loi (art. 45ter,al. 3).

1. L'avertissement écrit

L'avertissement écrit consiste en l'en-voi par le procureur du Roi d'un cour-rier à l'auteur présumé dans lequel ilindique qu'il a pris connaissance desfaits, qu'il estime ces faits établis àcharge du mineur et qu'il a décidé declasser le dossier sans suite (art. 45ter,al. 1er). Selon la Ministre de la justice,il s'agit d'offrir au jeune une chanced'adopter un comportement ne le met-tant plus en infraction à la loi (46). Unecopie de ce courrier doit être adresséeaux père et mère, au tuteur du mineurou aux personnes qui en ont la garde endroit ou en fait (art. 45ter, al. 2).

(41) Pour une illustration de ce principe, voy. infra les commentaires sur la nouvelle mesure que constitue le projetpersonnel du jeune.

(42) A. Masson, «Du tomber en responsabilité à l'advenir responsable», La responsabilité et la responsabilisationdans la justice pénale, sous la direction de F. Digneffe et Th. Moreau, Bruxelles, De Boeck & Larcier, 2006,pp. 169 et s.; Th. Moreau, «Tomber en responsabilité et advenir responsable. Un casse-tête juridique», ibidem,pp. 207 et s.

(43) Rapport de la Commission de la Justice de la Chambre, Doc. parl., Chambre, sess. 2004-2005, n° 51 1467/012,p. 67.

(44) Ann. parl., Sénat, sess. 2004-2005, séance du 30 mars 2006 matin, p. 13.

(45) Ibidem, p. 23.

(46) Circulaire du 28 septembre 2006 n° 1/2006 relative aux lois des 15 mai 2006 et 13 juin 2006 modifiant lalégislation relative à la protection de la jeunesse et la prise en charge de mineurs ayant commis un fait qualifiéinfraction, M.B. du 29 septembre 2006, p. 50807.

Deux modalités dont le ministère public peut assortir leclassement sans suite : l'avertissement écrit et le rappel à la loi

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L'avertissement n'est donc rien d'autrequ'une modalité de mise en œuvre duclassement sans suite.

Quant aux personnes visées par la no-tion personnes qui en ont la garde endroit ou en fait, la Ministre de la justicea indiqué, lors des travaux parlemen-taires, que la volonté est d'introduirepartout la notion de «garde» et que l'in-tention est de ne pas faire le lien avecla notion d'hébergement principal dansle cadre d'un divorce qui est accordé àun des deux parents. La notion de gardede fait ou de droit est plus large. Lagarde de droit peut viser par exemplela famille d'accueil de l'enfant à la suited'une décision du tribunal de la jeu-nesse. La garde de fait à une familled'accueil en dehors d'une décision dutribunal de la jeunesse est égalementvisée. C'est la notion de gardien qui estcentrale (47) . Comme l'a conclu lasénatrice Nyssens, le texte vise beau-coup plus que les seules personnes quiexercent l'autorité parentale (48). Il faut,par ailleurs, relever que la notion seralargement utilisée dans le cadre de laréforme et qu'elle doit chaque fois re-cevoir la même définition.

Quant au contenu de l'avertissement, ilsemble en tous cas que, s'il peut com-porter d'autres considérations que cel-les énoncées dans le texte légal (parexemple, encouragement à ne plus re-commencer, annonce d'une éventuellesaisine du tribunal en cas de récidive,proposition de se rencontrer à la de-mande du jeune, invitation à se mettreen rapport avec les instances d'aide à lajeunesse si le jeune connaît des diffi-cultés, etc.), le courrier ne peut, par con-tre, pas imposer des conditions à rem-plir en vue d'obtenir le classement sanssuite. En effet, en limitant le choix desmesures auquel le ministère public peutavoir recours, le législateur a clairementindiqué sa volonté de ne pas reprendreles mesures de diversion auxquelles lesparquets de certains arrondissementsavaient recours avant la réforme (49).Mais cette seule déclaration d'intentionest-t-elle une garantie suffisante pourempêcher qu'elles ne soient plus misesen œuvre ? Il faut bien admettre que laformulation des nouveaux textes neconstitue pas une garantie très effective

contre de telles pratiques. Le ministèrepublic conserve son pouvoir prétorienet il pourrait donc, à ce titre, dans lecadre d'une négociation avec le mineur,prétendre conditionner un classementsans suite à l'exécution d'une mesure dediversion comme il le faisait aupara-vant. Il faut cependant rappeler que lavalidité et la légalité de ces mesures dediversion sont douteuses (50), aspect deschoses qui est d'ailleurs renforcé par lefait que les auteurs de la réforme ne lesont pas consacrées pour ces motifs.

2. Le rappel à la loi

Cette mesure consiste, pour le procu-reur du Roi, à convoquer le mineur etses représentants légaux pour leur noti-fier un rappel à la loi et les risques qu'ilscourent (art. 45, al. 3).

Le rappel à la loi est également unemodalité de mise en œuvre du classe-ment sans suite.

Il faut observer que seuls les représen-tants légaux du mineur, c'est-à-dire sespère et mère ou son tuteur, doivent êtreconvoqués et non les personnes qui as-surent sa garde en droit ou en fait.

L'objet de la convocation est, pour lemineur, une mise en garde et une invi-tation à mieux se comporter. Selon laMinistre de la justice, le but est de res-ponsabiliser le mineur et ses parents (51).En pratique, il pourra s'agir d'un mo-ment important où il sera égalementpossible pour le magistrat de se rendrecompte des difficultés éventuelles dumineur et/ou des parents, ce qui pourra,conformément à l'esprit du premier prin-cipe du titre préliminaire, l'amener à en-visager une action préventive.

Il est évident que, tout comme pourl'avertissement écrit, il n'y a aucune ga-rantie formelle qui empêche catégori-quement le procureur du Roi, au mo-ment où il reçoit le mineur et ses repré-sentants légaux, de leur proposer deconditionner le classement sans suite àla réalisation d'une mesure de diversion.Mais, comme on l'a rappelé ci-dessus,il est loin d'être certain que ces mesu-res, qui ne sont prévues par aucune dis-position légale, soient juridiquementvalables.

B. Les mesures qui peuventêtre prononcées au fond

par le tribunal de lajeunesse

L'examen des mesures que le tribunalde la jeunesse peut ordonner au fondsera divisé en cinq parties : les princi-pes et les critères généraux applicablesà toutes les mesures (1), la panoplie desmesures à la disposition du tribunal dela jeunesse actuellement en vigueur àl'exception des mesures de placementen I.P.P.J. (2), la durée des mesures (3)et les mesures de placement en I.P.P.J.(4). Comme déjà dit, le stage parental,qui est considéré comme une mesure aubénéfice du mineur et non comme unemesure «parents», ne sera pas étudiépuisqu'il n'est pas encore en vigueur.

1. Les principes et les critè-res généraux

Dans le but de le contraindre à objecti-ver ses décisions, le législateur a déter-miné une série de facteurs et de critèresque le tribunal de la jeunesse doit né-

(47) Rapport de la Commission de la Justice du Sénat, Doc. parl., Sénat, sess. 2005-2006, n° 3-1312/7, pp. 64-65.

(48) Ibidem.

(49) Exposé des motifs, Doc. parl., Chambre, sess. 2004-2005, n° 51 1467/001, p. 6. Le rapport de la Commissionde la Justice de la Chambre précise également que la Ministre de la Justice a souligné que, même si desmesures au stade provisoire peuvent être utiles d'un point de vue pédagogique, le respect de la présomptiond'innocence prévaut. Dès lors, la Ministre a décidé de limiter les règlements au niveau du parquet aux seulesmédiations (Rapport de la Commission de la Justice de la Chambre, Doc. parl., Chambre, sess. 2004-2005,n° 51 1467/012, p. 59).

(50) À cet égard, voy. les différentes critiques formulées in Th. Moreau, «Quelques questions juridiques à propos desmesures de diversion et de la médiation dans le champ de la protection de la jeunesse», La réaction sociale à ladélinquance juvénile. Questions critiques et enjeux d'une réforme, Dossier de la Revue de droit pénal et decriminologie, n° 10, Bruxelles, La Chartre, 2004, pp. 133 et s.

(51) Circulaire du 28 septembre 2006 n° 1/2006 relative aux lois des 15 mai 2006 et 13 juin 2006 modifiant lalégislation relative à la protection de la jeunesse et la prise en charge de mineurs ayant commis un fait qualifiéinfraction, M.B. du 29 septembre 2006, p. 50809.

Le courrier d'avertissemnt ne peut pas imposer des conditionsà remplir en vue d'obtenir le classement sans suite

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cessairement prendre en considération(a). Dans le même sens, il a imposé autribunal de la jeunesse de respecter unordre de priorité entre les mesures (b).Le législateur a également reconnu leprincipe du cumul de plusieurs mesu-res appliquées simultanément (c). En-fin, il impose une obligation de moti-vation spéciale au tribunal de la jeu-nesse en fonction des nouveaux critè-res et principes qui doivent être respec-tés (d).

a) Les facteurs et les critères àprendre en considération

L'article 37, § 1er énumère en tout huitcritères qui, selon la Ministre de la jus-tice, contribuent à objectiver les déci-sions du tribunal de la jeunesse et per-mettent de moduler les mesures en fonc-tion de la situation personnelle du jeune(âge de l'auteur, spécificité de la situa-tion, besoins spécifiques) (52) .

L'article 37, § 1er, alinéa 2 indique sixfacteurs que le tribunal de la jeunessedoit prendre en considération lorsqu'ildécide d'appliquer une mesure de garde,de préservation et d'éducation à l'égardd'un jeune. Cette liste est limitative ence qu'elle ne prévoit pas d'autres fac-teurs, hormis les deux autres critères re-pris ci-après, que le tribunal de la jeu-nesse doit rencontrer de manière obli-gatoire. Par contre, rien ne s'oppose àce que le juge tienne compte d'élémentssupplémentaires pour asseoir sa déci-sion.

Le premier de ces six facteurs est la per-sonnalité et le degré de maturité dujeune. Selon la Ministre de la justice, laprise en compte de ce facteur autorisele tribunal de la jeunesse à prendre lespossibilités du jeune comme base de sadécision. Celles-ci ne sont pas seule-ment tributaires de l'âge (critère objec-tif) mais également de la maturité et duniveau de développement (critère sub-jectif) (53).

Le deuxième facteur est le cadre de viedu jeune. Selon la Ministre, il joue unrôle important dans la vie du jeune etelle recommande de ne pas limiter l'exa-men de la situation à la seule famillede celui-ci et de considérer égalementles autres structures dans lesquelles il

évolue. Ainsi, les pairs constituent uncadre de référence important pour lejeune, tout autant que les relations qu'ilentretient avec d'autres personnes ausein du milieu scolaire ou de l'environ-nement dans lequel il habite (54).

Les quatre autres facteurs sont dans l'or-dre : 3º la gravité des faits, les circons-tances dans lesquelles ils ont été com-mis, les dommages et les conséquencespour la victime (55); 4º les mesures anté-rieures prises à l'égard de l'intéressé etson comportement durant l'exécution decelles-ci; 5º la sécurité de l'intéressé; 6ºla sécurité publique.

L'article 37, § 1er, alinéa 3 rajoute deuxautres critères d'appréciation.

Le premier est la disponibilité desmoyens de traitement, des programmesd'éducation ou de toutes autres ressour-ces envisagées. Lors des travaux pré-paratoires, la Ministre de la justice a dé-claré qu'il s'agissait d'un rappel de laréalité, même si sa portée juridique estfaible (56) . Elle a cité l'exemple du jugequi décide un placement en I.P.P.J. alorsqu'il n'y a pas de place disponible. Cecritère doit rappeler au juge le sens desréalités. Cela n'a pas de sens qu'ilprenne une ordonnance qui ne sait pasêtre exécutée et qui devra être suivied'une nouvelle ordonnance. Avant deprendre une ordonnance de placement,il faut que le juge tienne compte de laréalité et s'assure que sa décisionpourra être exécutée en tenant comptedes moyens disponibles (57) .

Le second est le bénéfice que le mineurpeut retirer de la mesure. Pour les

auteurs du projet, le tribunal de la jeu-nesse doit se poser la question de sa-voir en quoi cette mesure est-elle plusprofitable au jeune qu'une autre (58).

Lors des travaux parlementaires, il aclairement été indiqué que lorsqu'ilprendra sa décision, le juge devra pren-dre en compte l'ensemble de ces critè-res et non pas quelques uns d'entreeux (59). Aucun de ces facteurs n'est pré-pondérant par rapport aux autres pourautant qu'ils soient appliqués dans uneperspective éducative (60). Selon la Mi-nistre, le tribunal de la jeunesse doittrouver un équilibre (61). La liste de cri-tères doit lui permettre d'objectiver sadécision de recourir à une mesure plu-tôt qu'une autre (62). C'est la raison pourlaquelle toute décision du tribunal oudu juge de la jeunesse devra, désormais,être motivée au regard des critères sus-visés (63).

Quatre observations méritent d'être for-mulées à propos de ces critères.

Tout d'abord, on peut s'interroger sur lavolonté du législateur de contraindre lesjuges à devoir objectiver leurs déci-sions. Elle semble traduire une certainedéfiance dont la raison n'est toutefoispas clairement énoncée. D'un côté, ellepourrait constituer une réponse aux ma-nières multiples, voire contradictoires,selon lesquelles l'ancienne version dela loi du 8 avril 1965 a été mise enœuvre. Elle voudrait ainsi contraindreles juges à harmoniser leurs pratiques.Toutefois, comme développé ci-après,il semble alors que le législateur n'aitpas choisi le moyen le plus efficace pour

(52) Circulaire du 28 septembre 2006 n° 1/2006 relative aux lois des 15 mai 2006 et 13 juin 2006 modifiant lalégislation relative à la protection de la jeunesse et la prise en charge de mineurs ayant commis un fait qualifiéinfraction, M.B. du 29 septembre 2006, p. 50809.

(53) Ibidem, p. 50810.

(54) Ibidem.

(55) Le législateur a pris en considération non seulement les dommages objectifs mais également les conséquencessubjectives de l'acte pour la victime (Ibidem).

(56) Rapport de la Commission de la Justice du Sénat, Doc. parl., Sénat, sess. 2005-2006, n° 3-1312/7, p. 33.

(57) Ibidem, p. 34.

(58) Exposé des motifs, Doc. parl., Chambre, sess. 2004-2005, n° 51 1467/001, p. 16.

(59) Ibidem.

(60) Rapport de la Commission de la Justice du Sénat, Doc. parl., Sénat, sess. 2005-2006, n° 3-1312/7, p. 33.

(61) Circulaire du 28 septembre 2006 n° 1/2006 relative aux lois des 15 mai 2006 et 13 juin 2006 modifiant lalégislation relative à la protection de la jeunesse et la prise en charge de mineurs ayant commis un fait qualifiéinfraction, M.B. du 29 septembre 2006, p. 50810.

(62) Exposé des motifs, Doc. parl., Chambre, sess. 2004-2005, n° 51 1467/001, p. 16.

(63) Ibidem, p. 17.

Six facteurs que le tribunal de la jeunesse doit prendre enconsidération lorsqu'il décide d'appliquer certaines mesures

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réaliser cet objectif. D'un autre côté, lelégislateur peut avoir voulu réduire lepouvoir discrétionnaire du juge. Mais,comme on l'a vu, en lui permettant dechoisir entre plusieurs modèles de réfé-rence, il l'a surtout accru. En outre, cettevolonté d'objectivation doit s'apprécierau regard des articles 5 et 6 des Règlesminima des Nations unies concernantl'administration de la justice pour mi-neurs. Ces dispositions fixent commefinalité de l'intervention le bien-être dumineur. Elles privilégient commemoyen pour l'atteindre un modèle dejustice discrétionnaire à tous les stadesde la prise en charge, la justice discré-tionnaire ne pouvant toutefois être qu'auservice de la recherche du bien-être dumineur, et non d'objectifs de naturesécuritaire.Ensuite, certains critères sont flous, cequi rend fort illusoire l'objectivation desdécisions recherchée par le législateur.À titre d'exemple, que signifie concrè-tement la personnalité et le degré de ma-turité du jeune ? Sur la base de quelséléments et selon quelle méthode les ap-précier (64)? Par ailleurs, dans quel sensce critère doit-il orienter la décision ?Faut-il considérer que plus le jeune estimmature, plus il doit être protégé etéduqué ou, au contraire, faut-il consi-dérer que plus il est immature, plus ilest dangereux et plus il doit être orientévers le modèle pénal ou sanctionnel ?En outre, si certains critères sont con-tradictoires entre eux — jusque là, riend'anormal, la mission du juge consis-tant entre autres à arbitrer des conflitsde valeurs —, la référence en fonctionde laquelle le juge doit soupeser les cri-tères est, par contre, susceptible de mul-tiples interprétations, ce qui, encore unefois, ne contribue pas à l'objectivationdes décisions voulue par le législateur.En effet, que signifie la finalité éduca-tive de l'intervention qui est invoquéede manière quasi incantatoire ? En réa-lité, elle évoque un objectif très ambigutant l'éducation est un concept flou sus-ceptible d'interprétations diverses etcontradictoires. Il est généralement ad-mis que faire œuvre d'éducation àl'égard d'un enfant signifie exercer, surlui, une action en vue de le soumettre àun apprentissage. Mais en quoi consistecet apprentissage et à quoi doit-il me-

ner ? Il s'agit d'une réalité dont la com-plexité se révèle notamment au traversde la double origine étymologique duterme «éducation». D'une part, educaresignifie «dresser, instruire, former» etévoque l'idée de faire «rentrer dans lemoule», de «rendre adapté». Dans cetteperspective, l'apprentissage consistenotamment à apprendre les règles, à lesintégrer et s'y conformer. Ce qui est misen avant est ce qui précède l'enfant,c'est-à-dire l'héritage qu'il doit respec-ter. D'autre part, educere signifie «tirerhors de», «mettre au jour», «faireéclore». L'idée sous-jacente est celle defaire advenir ce qui n'est pas encore ac-tualisé, de permettre la singularité et laparticularité. Ici, ce qui est mis en avantet qui doit être respecté, c'est ce qui estpropre à l'enfant, sa personnalité. En rè-gle générale, aucune de ces deux dimen-sions ne se retrouve à l'état pur dans laréalité. L'action éducative se présenteplutôt comme une variété de combinai-sons, aux multiples nuances, de cesdeux approches en lien étroit avec l'ap-préciation discrétionnaire de la per-sonne en position d'éducateur. Af fecterune finalité éducative à l'intervention nepermet donc pas de lui donner un sensprécis et entretient, au contraire, uneambiguïté certaine comme l'ontd'ailleurs démontré les manières multi-ples et contradictoires selon lesquellesl'ancienne version de la loi du 8 avril1965 a été appliquée. Si, à travers lanotion d'éducation, l'apprentissage et lerespect des règles sont mis en avant, lecaractère éducatif peut être utilisé pourjustifier une approche sécuritaire où laprotection de la société est première. Parcontre, si, dans l'éducation, le respectde ce qui est propre à l'enfant est tenucomme prioritaire, celle-ci peut moti-ver une action plus orientée en faveurdu mineur.

Enfin, il faut relever que le critère del'intérêt du mineur — qui prend ici prin-cipalement la forme du bénéfice que lemineur peut retirer de la mesure — n'estqu'un critère parmi d'autres et n'est plusle critère supérieur. Il peut notammentdevoir céder devant le critère de la dis-

ponibilité des moyens, ce qui est inter-pellant puisque cela signifie que les jeu-nes pourraient devoir supporter le dé-sengagement des adultes. Par ailleurs,cette nouvelle manière de considérerl'intérêt du mineur paraît difficilementcompatible avec l'article 3 de la Con-vention relative aux droits de l'enfantqui dispose que dans toutes les déci-sions qui concernent les enfants, qu'el-les soient le fait des institutions publi-ques ou privées de protection sociale,des tribunaux, des autorités administra-tives ou des organes législatifs, l'inté-rêt supérieur de l'enfant doit être uneconsidération primordiale.

b) L'ordr e de priorité

L'article 37, § 2, alinéa 3 instaure unordre de priorité entre les différentesmesures. Le tribunal de la jeunesse doit,tout d'abord, préférer une offre restau-ratrice, possibilité qui n'est toutefois pasencore en vigueur. Le modèle restaura-teur est donc privilégié. Ensuite, le jugedoit prendre en considération la faisa-bilité d'un projet proposé par le jeune,ce qui suppose qu'il doit informer lejeune de cette possibilité, le soutenirdans cette voie et le diriger vers des ser-vices susceptibles de l'aider à formulerun projet. Si le jeune ne propose pas deprojet ou que le tribunal de la jeunessene retient pas le projet proposé, il doitenvisager, par priorité, de prononcer unedes mesures visées à l'article 37, § 2,alinéa 1er, 1° à 5° qui supposent le main-tien du jeune dans son milieu de vie.Enfin, ce n'est que si aucune de ces me-sures ne convient que le tribunal de lajeunesse peut ordonner une mesure deretrait du milieu de vie, le placementen régime ouvert devant alors être pri-vilégié par rapport au placement en ré-gime fermé.Les auteurs de la réforme ont ainsi ex-pressément affirmé qu'il existait unehiérarchie entre les mesures, certainesétant plus «graves» que d'autres. Tou-tefois, il convient d'observer qu'à l'in-verse de l'échelle des peines qui estprioritairement fonction de la gravité

(64) Sur cette question, voy. Fr. Tulkens et Th. Moreau, Le droit de la jeunesse en Belgique. Aide, assistance etprotection, op. cit., p. 671.

Que signifie concrètement la personnalitéet le degré de maturité du jeune ?

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des faits, la hiérarchie entre les mesu-res de protection de la jeunesse s'éta-blit en fonction de la nécessité, pour trai-ter la situation, de porter atteinte auxdroits fondamentaux de l'enfant que sontle droit à la liberté individuelle, le droità la vie privée et le droit à la vie fami-liale (65). En d'autres termes, quelle quesoit la gravité du fait, il n'y a pas lieupour le tribunal de la jeunesse d'ordon-ner une mesure plus grave si elle n'estpas nécessaire pour atteindre l'objectiféducatif. À résultat égal, le juge doit or-donner la mesure la moins attentatoireaux droits fondamentaux.Le caractère subsidiaire du placementqui est clairement affirmé par le légis-lateur a également une incidence sur sadurée (66). À cet égard, on peut rappelerl'article 19, § 1er des Règles minima desNations unies concernant l'administra-tion de la justice pour mineurs qui, enapplication du droit à la vie familiale,dispose que, parce qu'il est une mesurede dernier recours, le placement est éga-lement une mesure dont la durée doiten être aussi brève que possible. Lecommentaire officiel de cette disposi-tion intégré dans lesdites règles préciseque la criminologie progressiste recom-mande le traitement en milieu ouvert,de préférence au placement dans uneinstitution. On n'a constaté pratique-ment aucune différence entre le succèsdes deux méthodes. Les nombreuses in-fluences négatives qui s'exercent surl'individu et qui semblent inévitables enmilieu institutionnel ne peuvent évidem-ment pas être contrebalancées par desefforts dans le domaine du traitement.Cela s'applique particulièrement auxjeunes délinquants, dont la vulnérabi-lité est plus grande. En outre, les con-séquences négatives qu'entraînent nonseulement la perte de liberté mais en-core la séparation du milieu social ha-bituel sont certainement plus graveschez les mineurs en raison de leur man-que de maturité.

c) Le caractère cumulabledes mesures

Le caractère cumulable des mesures estreconnu sur plusieurs plans.

Ainsi, lorsque les mesures extrajudiciai-res seront en vigueur, une offre restau-

ratrice pourra être cumulée avec unemesure judiciaire. Cela ressort claire-ment de l'article 37quinquies, §§ 2 et 3qui dispose que si l'exécution de l'ac-cord selon les modalités prévues inter-vient avant le prononcé du jugement, letribunal doit tenir compte de cet accordet de son exécution. Si l'exécution del'accord selon les modalités prévues in-tervient après le prononcé du jugement,le tribunal peut être saisi sur la base del'article 60 en vue d'alléger la ou lesmesures définitives ordonnées à l'encon-tre de la personne ayant commis un faitqualifié infraction.

Les mesures judiciaires peuvent égale-ment être cumulées entre elles. L'arti-cle 37, § 2, alinéa 1er confirme le carac-tère cumulable des onze mesures repri-ses dans cette disposition. Les condi-tions auxquelles peut être soumis lemaintien du jeune dans son milieu vie,prévues à l'article 37, § 2bis peuventêtre cumulées avec les mesures viséesà l'article 37, § 2 pour autant que cettemesure constitue un maintien dans lemilieu vie (67).

Par contre, le projet écrit proposé par lejeune ne paraît pas pouvoir être cumuléavec une autre mesure. L'article 37,§ 2quinquies n'évoque d'ailleurs pascette hypothèse.

Le caractère cumulable des mesuressemble aller de pair avec la perspectivegestionnaire qui sous-tend la réformepuisqu'il autorise le magistrat, dans lecadre d'une même intervention, à appli-quer des mesures qui relèvent de mo-dèles et de logiques fort différents.

d) L'obligationde motivation spéciale

L'article 37, § 2quinquies, alinéa1er dispose que lorsqu'il ordonne unedes onze mesures visées à l'article 37,§ 2, une des conditions pouvant assor-tir le maintien du jeune dans son milieuvisée à l'article 37, § 2bis ou qu'il ap-prouve un projet écrit proposé par le

jeune visé à l'article 37, § 2ter, le tribu-nal de la jeunesse doit motiver sa déci-sion, d'une part, au regard des facteurset des critères visés à l'article 37,§ 1er (voy. supra) et, d'autre part, au re-gard des circonstances de l'espèce.

En outre, dans quatre hypothèses, l'ar-ticle 37, § 2quinquies, alinéa 2 contraintle tribunal de la jeunesse à spécialementmotiver son choix par rapport à l'ordrede priorité institué à l'article 37, § 2, ali-néa 3 afin de garantir au mieux les droitsfondamentaux du jeune auxquels cesmesures peuvent porter atteinte. C'estle cas lorsqu'il ordonne soit une mesurede placement visée à l'article 37, § 2,alinéa 1er, 6º à 11º, soit le cumul de plu-sieurs des mesures visées à l'article 37,§ 2, soit une combinaison d'une ou deplusieurs de ces mesures avec une ouplusieurs conditions visées à l'article 37,§ 2bis, soit une mesure de placement eninstitution communautaire publique deprotection de la jeunesse en régime édu-catif fermé.

Par ces obligations renforcées de moti-vation, il s'agit de s'assurer que le jugechoisit bien la mesure la plus adap-tée (68). Lors des travaux parlementaires,il a également été souligné que la moti-vation de la décision aidera le jeune àse sentir responsable et à comprendreles règles à respecter; les mesures pri-ses auront ainsi véritablement du senspour le jeune et l'aideront à s'inscriredans un nouveau projet de vie (69) .

Compte tenu de la diversité des modè-les et des différents objectifs que peutpoursuivre l'intervention dans le cadrede la logique gestionnaire qui préside àla réforme, la motivation des décisionssera, encore plus qu'avant, un instru-ment de communication non seulemententre le juge et le justiciable mais éga-lement entre le juge et ses collaborateurssur le terrain. Pour garantir une certainecohérence entre sa décision et la miseen œuvre de celle-ci, il appartiendra aumagistrat de préciser, d'une part, les rai-

(65) Exposé des motifs, Doc. parl., Chambre, sess. 2004-2005, n° 51 1467/001, p. 17.

(66) Commentaire des articles, Doc. parl., Chambre, sess. 2004-2005, n° 51 1467/001, p. 30.

(67) Voy. infra. Le maintien dans le milieu de vie ne correspond pas nécessairement au maintien dans la famille.

(68) Rapport de la Commission de la Justice de la Chambre, Doc. parl., Chambre, sess. 2004-2005, n° 51 1467/012,p. 57.

(69) Ibidem, p. 36.

Application de mesures qui relèvent de modèles et de logiquesfort différents dans le cadre d'une même intervention

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sons qui expliquent sa décision et,d'autre part, les objectifs qu'il assigne àl'intervention.La loi ne prévoit aucune sanction parti-culière en cas de non respect de l'obli-gation de motivation spéciale visée àl'article 37, § 2quinquies. Il est toutefoisune évidence que cela n'est pas une rai-son pour ne pas la respecter. Comme dé-veloppé ci-dessus, cette obligation cons-titue un instrument fort utile tant pourle jeune que pour les collaborateurs dutribunal de la jeunesse. Sa nécessité sedéduit aussi du modèle gestionnaire misen place, la communication pouvantpeut-être partiellement pallier l'absencede référence commune. En outre, il estévident que l'absence de motivationpeut être sanctionnée par la nullité dela décision si elle porte atteinte auxdroits de la défense ou à un autre droitfondamental de la personne qui fait l'ob-jet de la mesure.

2. La panoplie des mesuresmises à la dispositiondu tribunal de la jeunesseà l'exception des mesuresde placement en I.P.P.J.

Comme déjà dit, les offres restauratri-ces, à savoir les mesures extrajudiciai-res de médiation et de concertation res-tauratrice de groupe (art. 37bis à37quinquies nouveaux) ne seront pasexaminées puisqu'elles ne sont pas en-core entrées en vigueur.Les nouvelles mesures et les modifica-tions apportées aux mesures déjàexistantes seront exposées en suivantl'ordre de priorité institué par le légis-lateur à l'article 37, § 2, alinéa 3. Serontainsi successivement abordés le projetécrit proposé par le jeune (a), les mesu-res avec maintien dans le milieu de vie(b) et les mesures de placement et le sur-sis (c). Toutefois, les mesures de place-ment en I.P.P.J. seront examinées dansun chapitre distinct.

a) Le projet écrit proposépar le jeuneL'article 37, § 2ter introduit une nou-velle mesure judiciaire. Il s'agit de lapossibilité pour le jeune de formuler unprojet par écrit. S'il est approuvé par le

tribunal de la jeunesse, il doit alors êtreexécuté par le jeune sous le contrôle duservice social communautaire compé-tent (le S.P.J. en Communauté fran-çaise). Si l'exécution du projet est ju-gée satisfaisante, la procédure prend fin.Par contre, si l'exécution est jugéeinsatisfaisante, le tribunal de la jeunessepeut ordonner une autre mesure.

La priorité dont doit bénéficier cettemesure par rapport à toutes les autresmesures judiciaires s'explique par le faitque le jeune qui souhaite élaborer untel projet s'approprie de la sorte la me-sure qu'il exécutera et entre dans unprocessus d'auto-responsabilisation (70)

. Le législateur a considéré que le pro-jet proposé par le jeune s'inspirait de laphilosophie restauratrice (71). Il peutd'ailleurs constituer une alternative à lamédiation ou à la concertation restau-ratrice en groupe : lorsque la victime estinconnue ou ne souhaite pas participerà une mesure restauratrice, le jeunepeut devenir acteur de la réparation enproposant au tribunal un projet person-nel par lequel il prend certains enga-gements apportant des réponses au faitqu'il a commis (72) .

1° Le contenu et la forme duprojet

Quant à son contenu, le projet peut no-tamment porter sur l'un des engage-ments suivants :

1. formuler des excuses écrites ou ora-les;

2. réparer soi-même et en nature lesdommages causés, si ceux-ci sont li-mités;

3. participer à une offre restauratrice vi-sée aux articles 37bis à37quinquies (73);

4. participer à un programme de réin-sertion scolaire;

5. participer à des activités précisesdans le cadre d'un projet d'appren-tissage et de formation, à raison de45 heures de prestation au plus;

6. suivre un traitement ambulatoireauprès d'un service psychologique oupsychiatrique, d'éducation sexuelleou d'un service compétent dans ledomaine de l'alcoolisme ou de latoxicomanie;

7. se présenter auprès des servicesd'aide à la jeunesse organisés par lesinstances communautaires compé-tentes.

Comme en témoigne l'utilisation duterme notamment, cette liste d'engage-ment n'est pas exhaustive et le jeunepeut donc formuler d'autres proposi-tions (74).

Le projet doit prendre la forme d'unécrit. Si le jeune ne sait pas écrire ous'il ne connaît pas la langue française— hypothèse dont la pratique témoignequ'il ne s'agit pas d'un cas d'école —, ilfaut admettre, sous peine de créer unediscrimination injustifiable, que le pro-jet puisse être retranscrit et, le caséchéant, traduit par un tiers sous la dic-tée du jeune.

Hormis l'exigence de l'écrit et le faitqu'il doit reprendre les engagements dujeune, la loi n'exige aucune autre formeparticulière. Il faut toutefois conseillerau jeune d'y mentionner ses nom, pré-noms et coordonnées ainsi que la dateet de le signer.

Enfin, il faut relever qu'aucune des pres-criptions légales relatives au contenu età la forme n'est prévue à peine de nul-lité. Il ne devrait donc pas être impossi-ble que le tribunal admette qu'un jeuneprésente un projet verbal à l'audienceet que celui-ci soit, par exemple, trans-crit par le greffier sur le plumitif

(70) Commentaire des articles, Doc. parl., Chambre, sess. 2004-2005, n° 51 1467/001, p. 34.

(71) Exposé des motifs, Doc. parl., Chambre, sess. 2004-2005, n° 51 1467/001, p. 12.

(72) Ibidem.

(73) Ce 3° n'est toutefois pas encore en vigueur.

(74) Commentaire des articles, Doc. parl., Chambre, sess. 2004-2005, n° 51 1467/001, p. 34. Circulaire du 28 sep-tembre 2006 n° 1/2006 relative aux lois des 15 mai 2006 et 13 juin 2006 modifiant la législation relative à laprotection de la jeunesse et la prise en charge de mineurs ayant commis un fait qualifié infraction, M.B . du29 septembre 2006, p. 50811.

La possibilité pour le jeune de formulerun projet par écrit

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d'audience avant d'être approuvé par letribunal de la jeunesse.

2° La procédure

Sur le plan de la procédure,l'article 37ter, alinéa 2 dispose seule-ment que ce projet est remis au plus tardle jour de l'audience. Le tribunal ap-précie l'opportunité du projet qui lui estsoumis et, s'il l'approuve, confie le con-trôle de son exécution au service socialcompétent.Le texte de cette disposition permetdonc au jeune de présenter son projetécrit durant toute la phase préparatoire,qu'il fasse ou non l'objet d'une mesureprovisoire, ainsi qu'au plus tard, àl'audience publique.À défaut d'indication particulière, lacommunication du projet peut se fairepar une remise de la main à la main lorsd'une audience de cabinet ou àl'audience publique, par un dépôt augreffe, par télécopie ou par un envoipostal. Il peut être utile de conseiller aujeune de conserver une copie du projetet de veiller à s'assurer d'une preuve deson dépôt ou de son envoi.Le texte ne précise nullement les mo-dalités selon lesquelles le tribunal de lajeunesse peut apprécier l'opportunité duprojet et l'approuver (75). Deux considé-rations s'imposent comme préalable àl'examen de cette question. D'une part,si le jeune propose un projet, c'est qu'iladmet avoir commis le fait pour lequelil est poursuivi. D'autre part, si le mi-neur exécute de manière satisfaisante leprojet qui a été approuvé par le tribunalde la jeunesse, celui-ci ne peut pas pro-noncer d'autre mesure et il est mis fin àla procédure (76). En d'autres termes,parce qu'il peut clôturer l'interventionjudiciaire, le projet du jeune est une me-sure au fond et n'est pas une mesure pro-visoire. Il n'est d'ailleurs par repris à l'ar-ticle 52 dans la liste des mesures provi-soires que peut prendre le juge de la jeu-nesse. Par conséquent, sous peine devioler la présomption d'innocence, l'ap-probation du projet du jeune supposeque, préalablement, le tribunal de la jeu-nesse ait déclaré le jeune coupabled'avoir commis le fait qualifié infrac-tion pour lequel il est poursuivi (77). Leprojet ne pouvant intervenir que pour

un fait déclaré établi, l'examen de sonopportunité doit donc nécessairements'opérer dans le cadre de l'audience pu-blique où, même si le mineur est en aveusur le fait, il convient de préalablementvérifier que toutes les conditions d'unedéclaration de culpabilité (compétence,prescription, causes d'excuses ou de jus-tification, qualification correcte, etc.)sont réunies avant de juger les faits éta-blis. Par ailleurs, l'examen de l'oppor-tunité du projet à l'audience publiquepermet au ministère public de requérirà ce propos ce qui est essentiel puisquel'exécution du projet peut conduire àmettre fin à l'action publique.

Dans ces conditions, si le mineur trans-met au tribunal de la jeunesse un projetau cours de la phase préparatoire, il ap-partient au tribunal de communiquer,dès que faire se peut, le dossier au mi-nistère public pour qu'il le fixe àl'audience publique par avertissementou par citation, voire, le cas échéant, parconvocation conformément àl'article 46bis.

Que se passe-t-il si le tribunal de la jeu-nesse ne transmet pas le dossier au par-quet, si ce dernier ne le fixe pas àl'audience publique ou si le tribunal dela jeunesse tarde à statuer pour quelquemotif que se soit (p. ex. encombrementde la juridiction, volonté de prolongerune mesure provisoire, etc.) ? Le textene prévoit aucune sanction. Toutefois,une telle attitude peut constituer uneviolation des droits de la défense dujeune et de son droit à un procès équi-table dans la mesure où il tire de l'ordredes priorités institué par l'article 37, § 2,alinéa 3 un droit à ce que son projet soitprivilégié par rapport à toute autre me-sure judiciaire. Il s'impose donc au mi-nistère public et au tribunal de la jeu-nesse de réagir dans un délai raisonna-ble suite au dépôt du projet d'autant que

plusieurs engagements repris à l'arti-cle 37, § 2ter, alinéa 1er n'ont plus réel-lement de sens si leur opportunité estexaminée plusieurs mois après que lejeune les ait proposés.

Le texte de l'article 37, § 2ter n'indiquepas quels sont les critères sur la basedesquels le tribunal de la jeunesse doitapprécier l'opportunité du projet. Parcontre, l'article 37, § 2quinquies, alinéa1er dispose que le tribunal de la jeunessedoit motiver sa décision en fonction,d'une part, des critères et des facteursvisés à l'article 37, § 1er et, d'autre part,des circonstances de l'espèce. L'appré-ciation du tribunal de la jeunesse n'estdonc pas purement discrétionnaire puis-qu'elle doit se réaliser en fonction de ceséléments.

Si le projet n'est pas exécuté ou l'est demanière insatisfaisante, le tribunal de lajeunesse peut, comme développé ci-des-sous, prononcer une autre mesure. LaMinistre de la justice a indiqué que cettenouvelle mesure devait être imposéelors d'une audience ultérieure (78). Ilsemble que ce soit dans le cadre d'unerévision conformément à l'article 60. Letribunal de la jeunesse ne peut donc pasindiquer dans son premier jugementquelle serait la mesure dont le jeune fe-rait l'objet s'il ne tient pas ses engage-ments.

L'article 63 dispose que toutes les me-sures prononcées en application de l'ar-ticle 37 figurent au casier judiciaire. Leprojet du jeune est-il ou non une me-sure au sens de cette disposition ? Il estvrai que la possibilité pour le jeune deprésenter un projet est reprise dans letexte de l'article 37. Cet argument for-mel suffit-il pour justifier que le projetsoit mentionné au casier judiciaire ? Leprojet se distingue, en effet, des autresmesures en ce qu'il s'agit d'une propo-sition volontaire du jeune et non d'une

(75) Les travaux parlementaires ne contiennent aucune indication particulière à ce propos.

(76) Voy. art. 37, § 2ter, al. 3. Voy. également Exposé des motifs, Doc. parl., Chambre, sess. 2004-2005, n° 51 1467/001, p. 13.

(77) En effet, à l'inverse de ce qui est prévu à l'égard de la médiation et de la concertation de groupe, il n'estnullement prévu par la loi qu'aucun effet juridique ne peut être déduit de l'échec du projet. Il n'est pas non plusprévu qu'en cas d'échec du projet, les documents relatifs au projet ne puissent pas être utilisés. Ces deuxgaranties seraient d'ailleurs impossibles sur le plan pratique puisque le projet est déposé dans la même procé-dure que celle qui se poursuivrait en cas d'échec.

(78) Circulaire du 28 septembre 2006 n° 1/2006 relative aux lois des 15 mai 2006 et 13 juin 2006 modifiant lalégislation relative à la protection de la jeunesse et la prise en charge de mineurs ayant commis un fait qualifiéinfraction, M.B. du 29 septembre 2006, p. 50811.

Si le projet n'est pas exécuté le tribunal de la jeunessepeut prononcer une autre mesure

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mesure contraignante. Il a donc unenature différente des autres mesures ju-diciaires. Or, c'est bien le caractère con-traignant des mesures qui semble justi-fier leur mention dans le casier judi-ciaire et non simplement la déclarationde culpabilité. En effet, si celle-ci nes'accompagne d'aucune mesure pronon-cée au fond, il n'y a pas mention du faitqualifié infraction au casier judiciaire.Le caractère volontaire du projet et sanature particulière liée à la démarched'appropriation et d'auto-respon-sabilisation de la mesure par le jeunepourrait donc justifier qu'il ne soit pasmentionné au casier judiciaire à l'instardes offres réparatrices qui requièrent lemême type de démarche de sa part.Cette solution constituerait, en outre, unencouragement pour les jeunes à s'en-gager dans ce type de processus qui pré-sente, à n'en pas douter, des aspects trèsprometteurs.

3° Le contrôle des engagements etl'exécution du projet

Comme le précise l'article 37, § 2ter,alinéa 2, le contrôle de l'exécution duprojet personnel du jeune est confié auservice social compétent, c'est-à-dire, enCommunauté française, le service deprotection judiciaire.L'article 37, § 2ter, alinéa 3 donne quel-ques éléments relatif au contrôle et àl'exécution du projet sans toutefois êtrecomplet : Dans un délai de trois mois àdater de l'approbation du projet, le ser-vice social compétent adresse au tribu-nal un rapport succinct portant sur lerespect des engagements du jeune. Sile projet n'a pas été exécuté ou a étéexécuté de manière insuffisante, le tri-bunal peut ordonner une autre mesurelors d'une audience ultérieure.La loi ne fixe pas de durée pour le pro-jet. Le délai de trois mois dont questionà l'article 37, § 2ter, alinéa 3 ne con-cerne que le dépôt du premier rapportsuccinct sur l'exécution du projet. Il nedétermine pas le laps de temps dans le-quel le jeune doit avoir terminé son pro-jet. Il faut d'ailleurs relever que l'exé-cution de certains engagements visés àl'article 37, § 2ter, alinéa 1er n'est pasréellement possible en trois mois (p. ex.suivi ambulatoire, etc.).

Le texte n'indique pas non plus en quoidoit consister le contrôle assuré par leservice social. S'agit-il d'un contrôle surle contenu ou seulement sur des aspectsplus formels ? Le service social doit-ilse cantonner à une fonction de contrôleou doit-il également développer une di-mension d'aide et de soutien du jeunedans l'exécution de ses engagements(voy. infra) ? Qu'est le rapport suc-cinct ? S'agit-il d'un rapport qui est courten la forme ou, au contraire, d'un rap-port qui doit se limiter à n'aborder quecertains aspects de l'exécution du pro-jet ?

Enfin, concernant l'appréciation del'exécution du projet, la loi n'est pas réel-lement de mise. En effet, si l'absenced'exécution est un élément objectif, l'ap-préciation du caractère suffisant ou in-suffisant d'une mesure relève de la seulediscrétion du tribunal de la jeunesse.Quels sont les critères qui permettentde déterminer si l'exécution du projetqui a eu lieu est ou non suffisante ?Cette absence de référence est d'autantplus source d'insécurité jurididique quela conséquence d'une exécution insuf-fisante est loin d'être négligeable, le tri-bunal pouvant alors ordonner n'importequelle autre mesure (79).

4° Commentaires et réflexions

Le nouveau type d'intervention auquelse rattache le projet personnel du jeuneest dans l'ère du temps. Comme l'a trèsbien démontré Dan Kaminski, lacontractualisation de la société conta-mine le droit pénal qui constitue, pour-tant, le domaine d'action publique leplus autoritaire qui soit dans les Étatsdémocratiques (80). Le système pénal ade plus en plus recours au consentementdu justiciable, à sa sanction ou à sonexécution. Le projet personnel du jeunes'inscrit dans le même courant : cettenouvelle option laissée au jeune délin-

quant lui permet ainsi de se responsa-biliser par rapport aux actes commis endevenant acteur de la réponse à sa dé-linquance, d'une part, et de choisir aumieux les mesures éducatives, voire ré-paratrices, qui lui seront utiles et né-cessaires, d'autre part (81). En quelquesorte, on demande au jeune, après avoirété la source du problème, d'être lasource de la solution.

Toutefois, comme le relève encore D.Kaminski, l'efficacité toute éventuelle— et surtout la valeur — d'une déci-sion ne dépend pas du consentement decelui qui en est et en reste l'objet, quelleque soit l'allégeance dont il ferait mêmepreuve, mais bien de la responsabilitéde celui qui la prend. La responsabilitéattendue de l'autre, en échange des fa-veurs accordées par l'un, relève aumieux de la croyance, au pire du cy-nisme (82). Il serait ainsi illusoire decroire que l'institution du projet person-nel pourrait, en soi, transformer le jeune,modifier sa manière d'être ou de réagirou changer le rapport entre lui et l'auto-rité. Par elle-même, cette nouvelle pos-sibilité ne fait pas du jeune un nouveausujet de protection de la jeunesse quiserait responsable et acteur de sa priseen charge. Comme déjà dit, un jeune nepeut devenir responsable que s'il ren-contre des adultes responsables. Il nepeut s'engager que si des adultes s'en-gagent à ses côtés : do it your self butnot alone. Les autres ne peuvent comp-ter pour lui que si le jeune compte poureux.

Le projet personnel du jeune ne peutdonc pas être, pour l'État et ses autori-tés, l'occasion de se désengager. Ils doi-vent, au contraire, s'engager d'autantplus à tous les stades du processus.

Il est tout d'abord nécessaire que le mi-neur soit informé de la possibilité deprésenter un projet. Tous les acteurs ju-diciaires (juge, procureur du Roi, avo-

(79) Exposé des motifs, Doc. parl., Chambre, sess. 2004-2005, n° 51 1467/001, p. 13.

(80) D. Kaminski, «Un nouveau sujet pénal ?», La responsabilité et la responsabilisation dans la justice pénale, sousla direction de F. Digneffe et Th. Moreau, Bruxelles, De Boeck & Larcier, 2006, pp. 323 et s.

(81) Exposé des motifs, Doc. parl., Chambre, sess. 2004-2005, n° 51 1467/001, p. 13.

(82) D. Kaminski, «Un nouveau sujet pénal ?», op. cit., p. 342.

Quels sont les critères qui permettent de déterminer sil'exécution du projet qui a eu lieu est ou non suffisante ?

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cat,…) et de terrain (délégué du S.P.J.,lieu de placement, professionnels encharge d'un suivi, …) ont le devoir delui fournir des explications détaillées etde le diriger vers des personnes suscep-tibles de l'aider à rédiger un tel projet.

Concernant l'élaboration du projet, il aété souligné, durant les travaux prépa-ratoires, qu'il est indispensable que lemineur concerné puisse bénéficier d'uneaide spécifique pour la rédaction de ceprojet écrit. Il serait utile, en la matière,que les communautés puissent organi-ser une assistance pour le jeune (83). Lesservices qui hébergent ou qui suiventdes mineurs (I.P.P.J., institutions pri-vées, etc.) sont particulièrement bienplacés pour les aider à réfléchir et à ré-diger un projet adapté. D'autres acteurstels les délégués du S.P.J., les parents,l'avocat ou des familiers peuvent sou-tenir le mineur dans l'élaboration de sonprojet. Le cas échéant, il est sans doutesouhaitable, lorsque le travail est bienavancé, de conseiller au jeune de le sou-mettre pour avis à son avocat. Celui-cipourra l'éclairer sur les effets juridiquesdu dépôt du projet et donner un regardextérieur sur le contenu de celui-ci etses implications concrètes.

Au stade de l'examen de l'opportunitédu projet, il importe que le tribunal dela jeunesse privilégie une approche fon-dée sur la négociation. S'il ne peut ap-prouver le projet en l'état, il doit, d'unepart, compte tenu de l'ordre de priorité,encourager le mineur à poursuivre danscette voie et indiquer clairement et pré-cisément les raisons pour lesquelles ilne l'accepte pas et, d'autre part, accor-der un délai supplémentaire au mineurpour y apporter, le cas échéant, lesamendements nécessaires. Dans l'hypo-thèse où le contrat se noue autour duprojet, il importe également que le tri-bunal de la jeunesse indique clairementen quoi consisteront les engagements àcharge de la société.

Au stade de l'exécution, il convient éga-lement de ne pas abandonner le jeuneet de le soutenir. Le service social com-pétent ne devrait pas pouvoir se canton-ner dans une position de contrôle. Il doitpouvoir développer une approche fon-dée sur l'aide et l'échange. Il serait utile

que le jeune puisse partager avec le dé-légué les difficultés qu'il rencontre dansl'exécution de ses engagements et ré-fléchir avec lui aux solutions à y appor-ter. Il est également nécessaire que desservices puissent encadrer et soutenirconcrètement l'exécution de certains en-gagements qui le nécessitent.

b) Les mesures supposant lemaintien du jeune dans sonmilieu de vie

L'article 37, § 2, 1° à 5° instaure cinqmesures autonomes qui supposent lemaintien du jeune dans son milieu devie. Elles peuvent être prononcées sé-parément ou être cumulées l'une avecl'autre (1°). En outre, l'article 37, § 2bisinstitue des conditions auxquelles le tri-bunal de la jeunesse peut subordonnerle maintien dans son milieu de vie d'unmineur âgé de plus de 12 ans (2°).

Les auteurs de la réforme ont pris soinde préciser que le milieu de vie du jeunene s'entend pas nécessairement commeétant son milieu familial au sens strict.Il convient d'avoir égard au milieu danslequel le jeune vit au quotidien de ma-nière générale. À titre d'exemple, cer-tains jeunes qui sont déférés au tribu-nal de la jeunesse pour des faits de dé-linquance sont parfois placés en insti-tution ou en famille d'accueil, pour unséjour à moyen ou long terme, en rai-son de problématiques particulières quileur sont propres. Les institutions oupersonnes chez qui ils sont placés doi-vent être considérées comme consti-tuant, également, leur milieu de vie. Ilconvient, donc, de s'écarter de la no-tion de «milieu naturel» à laquelle fai-sait référence le législateur de 1965 etqui a posé quelques problèmes d'inter-prétation en la matière (84).

L'articulation entre les mesures viséesau paragraphe 2 et les conditions visées

au paragraphe 2bis soulève deux pro-blèmes.D'une part, le paragraphe 2quinquies,alinéa 2 confirme qu'il est possible decumuler les mesures visées au paragra-phe 2 avec les conditions visées auparagraphe 2bis. Il convient toutefois desouligner que ce cumul ne peut inter-venir que si la mesure prise en vertu duparagraphe 2 a pour effet de maintenirle jeune dans son milieu de vie.D'autre part, suite à certains passagesdes travaux parlementaires, se pose laquestion de savoir si les conditions vi-sées au paragraphe 2bis peuvent être or-données indépendamment d'une mesurevisée au paragraphe 2 ou si, au con-traire, une condition visée auparagraphe 2bis ne peut être imposéeque si, simultanément, une mesure vi-sée au paragraphe 2 est ordonnée. À lalecture de certains passages des travauxparlementaires, on pourrait croire quela seconde option a été retenue : en réa-lité, le paragraphe 2bis ne peut pas êtreappliqué si le juge n'a pas préalable-ment ordonné une mesure prévue au pa-ragraphe 2, 2° à 6° (85) . Toutefois, cesdéclarations s'expliquent par le fait quela version initiale du projet de loi étaitrédigée comme suit : Dans les cas vi-sés au paragraphe 2, 2° à 6°, le tribu-nal peut subordonner le maintien …Mais cette formulation a disparu par lasuite et le texte voté ne comporte plusde rattachement formel aux mesures duparagraphe 2. Par conséquent, le main-tien dans le milieu de vie assorti d'uneou plusieurs conditions visées au para-graphe 2bis est une mesure autonome.À l'inverse de ce que prévoyait l'an-cienne version de la loi du 8 avril 1965,le maintien dans le milieu de vie souscondition peut donc avoir lieu sans né-cessairement faire l'objet d'une sur-veillance par le service social compé-tent.

(83) Exposé des motifs, Doc. parl., Chambre, sess. 2004-2005, n° 51 1467/001, p. 13. Voy. également le Commen-taire des articles, Doc. parl., Chambre, sess. 2004-2005, n° 51 1467/001, p. 34.

(84) Commentaire des articles, Doc. parl., Chambre, sess. 2004-2005, n° 51 1467/001, pp. 32-33.

(85) Rapport de la Commission de la Justice de la Chambre, Doc. parl., Chambre, sess. 2004-2005, n° 51 1467/012,p. 94. Dans le même sens, voy. Commentaire des articles, Doc. parl., Chambre, sess. 2004-2005, n° 51 1467/001, p. 33 : Les points figurant à l'article 37, § 2, constituent des mesures en tant que telles. Par contre, lespoints figurant au § 2bis du même article constituent des conditions au maintien dans le milieu de vie du jeune.La surveillance qui l'accompagne obligatoirement constitue alors la mesure en tant que telle.

Maintien dans le milieu de vie sous conditionet surveillance par le service social compétent

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1° Les mesures visées à l'arti-cle 37, § 2, 1° à 5°

L'article 37, § 2, 1° à 5° prévoit cinqmesures qui supposent le maintien dujeune dans son milieu :

1. réprimander les intéressés et, sauf ence qui concerne ceux qui ont atteintl'âge de dix-huit ans, les laisser oules rendre aux personnes qui en as-surent l'hébergement, en enjoignantà ces dernières, le cas échéant, demieux les surveiller ou les éduquerà l'avenir;

2. les soumettre à la surveillance duservice social compétent;

3. les soumettre à un accompagnementéducatif intensif et à un encadrementindividualisé d'un éducateur référentdépendant du service désigné par lescommunautés ou d'une personnephysique répondant aux conditionsfixées par les communautés;

4. leur imposer d'effectuer une presta-tion éducative et d'intérêt général enrapport avec leur âge et leurs capa-cités, à raison de 150 heures au plus,organisée par l'intermédiaire d'unservice désigné par les communau-tés ou par une personne physique ré-pondant aux conditions fixées par lescommunautés;

5. leur imposer de suivre un traitementambulatoire auprès d'un service psy-chologique ou psychiatrique, d'édu-cation sexuelle ou d'un service com-pétent dans le domaine de l'alcoo-lisme ou de la toxicomanie; le jugede la jeunesse peut accepter que letraitement soit entamé ou continuéchez un médecin psychiatre, un psy-chologue ou un thérapeute qui luisera proposé par la personne qui luiest déférée ou par ses représentantslégaux.

Pour rappel, les mesures reprises sousles numéros 3° et 5° ne sont pas encoreen vigueur. Elles ne seront donc pas exa-minées.

Il faut également rappeler qu'à l'inversedes conditions visées au paragraphe2bis, ces mesures peuvent se cumuleravec des mesures de placement hors dumilieu de vie.

a. La réprimande

La première modification importanteque la réforme a apportée à la mesurede réprimande est le remplacement destermes les laisser ou les rendre aux per-sonnes qui en ont la garde par l'expres-sion les laisser ou les rendre aux per-sonnes qui en assurent l'hébergement.En remplaçant le mot garde par celuid'hébergement, le législateur fait main-tenant référence à une situation de faitet non plus à un lien de droit (86).

Comme le relève la circulaire du28 septembre 2006, là où il était ques-tion dans l'ancienne loi des person-nes qui avaient la garde du jeune, onparle à présent des personnes qui as-surent l'hébergement du jeune. Le lé-gislateur indique de cette manière quenon seulement les parents entrent enligne de compte mais également lesautres personnes chez qui le jeunehabite ou vit. Il peut s'agir par exem-ple des grands-parents, des parentsadoptifs, des frères ou sœurs plusâgé(e)s, d'un(e) ami(e), … (87). Maisl'hébergement étant une notion de purfait, on n'aperçoit pas pour quelle rai-son l'injonction ne pourrait pas être or-donnée à l'égard du responsable del'institution privée ou publique danslaquelle était placé le mineur au mo-ment de la commission du faitinfractionnel.

La seconde modification importanteconcerne l'objet sur lequel peut porterl'injonction du tribunal de la jeunesse àl'égard des personnes qui assurent l'hé-bergement du mineur. Comme dans l'an-cienne version de la loi, il peut leur en-joindre de mieux le surveiller à l'ave-nir. Dorénavant, il peut aussi leur en-joindre de mieux l'éduquer.

Enfin, il faut relever que la réprimandepeut maintenant être cumulée avec cha-cune des mesures visées au paragra-

phe 2 et à la mesure de maintien dansle milieu sous condition duparagraphe 2bis : Le juge peut déciderde maintenir le jeune dans son milieude vie sous certaines conditions. Pa-reille décision est indicative d'un pro-blème sérieux chez le jeune. La répri-mande se limite toutefois à un simpleavertissement verbal. Les deux mesu-res peuvent dès lors être combinées (88).

b. La surveillance

La surveillance par le service socialcompétent est, depuis la réforme, unemesure totalement autonome en cequ'elle ne suppose plus nécessairementle maintien du jeune dans son milieufamilial. Elle n'est plus non plus un préa-lable obligé pour soumettre le maintiendu jeune dans son milieu de vie à uneou plusieurs conditions .

Lorsque le service social compétentn'est pas en charge du contrôle de con-ditions, la surveillance consistera, en-tre autres, à assurer un suivi généralde l'évolution du jeune dans son milieude vie et d'en faire rapport au tribu-nal (89).

c. Les prestations éducative et d'inté-rêt général

Dans l'ancienne version de la loi du8 avril 1965, le tribunal de la jeunessepouvait imposer au mineur d'accomplirune prestation éducative et philanthro-pique en rapport avec son âge et sesressources à titre de condition accom-pagnant une mesure de surveillance etde maintien dans le milieu.

L'intitulé de la mesure a changé puis-qu'il est maintenant question de presta-tions éducative et d'intérêt général. Se-lon la circulaire du 28 septembre 2006,l'expression intérêt général insiste surl'obligation de réparer le dommagecausé à la société, le terme éducativemettant en évidence que les prestations

(86) Dans l'ancienne version de la loi du 8 avril 1965, le terme «garde» évoquait la garde juridique et non la seulegarde matérielle.

(87) Circulaire du 28 septembre 2006 n° 1/2006 relative aux lois des 15 mai 2006 et 13 juin 2006 modifiant lalégislation relative à la protection de la jeunesse et la prise en charge de mineurs ayant commis un fait qualifiéinfraction, M.B. du 29 septembre 2006, p. 50815.

(88) Rapport de la Commission de la Justice de la Chambre, Doc. parl., Chambre, sess. 2004-2005, n° 51 1467/012,p. 94.

(89) Commentaire des articles, Doc. parl., Chambre, sess. 2004-2005, n° 51 1467/001, p. 29.

Dorénavant le tribunal de la jeunesse peut aussienjoindre de mieux éduquer le jeune

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doivent avoir du sens à la lumière de lasituation personnelle du jeune (90).Selon les auteurs du projet, les presta-tions éducatives et d'intérêt général re-lèvent du modèle restaurateur : La phi-losophie restauratrice n'est pas exclu-sive de toute idée de contrainte. En ef-fet, les prestations éducatives et d'inté-rêt général permettent au jeune de ré-parer, indirectement, le dommage causéà la société suite au fait qualifié infrac-tion qu'il a commis. Il s'agit, ici, d'unemesure imposée par le juge qui ne doit,pourtant, pas recueillir l'accord dujeune (91). Toutefois, tel que le texte estrédigé, il n'empêche pas d'en faire uneapplication de type plus pénal, le nom-bre d'heures correspondant alors à unetarification en fonction du fait commis.Il faut donc, une fois de plus, attirer l'at-tention sur le fait que c'est la manièredont le tribunal de la jeunesse concevrala prestation qui permettra de détermi-ner la logique de l'intervention et, parvoie de conséquence, le modèle qui sertde référence.Depuis la réforme, la prestation peutêtre une mesure autonome. Elle ne doitplus nécessairement être couplée ni avecun maintien du mineur dans son milieuni avec une mesure de surveillance. Parle biais de la faculté de cumul des me-sures, le tribunal peut encore prévoir decoupler la réalisation d'une prestationavec une de ces mesures, mais il peutégalement le faire avec une mesure deplacement.

La loi impose maintenant un nombred'heures maximum fixé à 150. Il ne fautpas confondre ce nombre d'heures quicorrespond à l'étendue de la mesureavec la durée de la mesure (voy. infra).Enfin, le législateur a imposé que toutemesure de prestations soit organisée parl'intermédiaire d'un service désigné parles communautés ou par une personnephysique agréée par celle-ci.

2° Les conditions pouvant accom-pagner le maintien dans le milieuvisées à l'article 37, § 2bis

L'article 37, § 2bis, alinéa 1er disposeque le tribunal de la jeunesse peut sou-mettre le maintien du mineur dans sonmilieu de vie à une ou plusieurs condi-tions.

Il faut noter que ces conditions ne peu-vent être ordonnées qu'à l'égard des mi-neurs âgés de 12 ans ou plus. Cette dis-position doit se lire combinée avec leparagraphe 2, alinéa 2 en vertu duquelles seules mesures qui peuvent être or-données à l'égard d'un mineur âgé demoins de 12 ans sont la réprimande, lasurveillance et l'accompagnement édu-catif intensif et un encadrement indivi-dualisé d'un éducateur référent. Toute-fois, actuellement, cette dernière dispo-sition n'est pas en vigueur, ce qui a poureffet que toutes les mesures du paragra-phe 2 peuvent s'appliquer au mineur âgéde moins de 12 ans, à l'exception du pla-cement en I.P.P.J., alors que certainessont bien plus sévères et plus dures queles conditions visées au paragraphe2bis.

Il existe toutefois une exception au seuilfixé à l'âge de 12 ans. La condition detravail rémunéré en vue d'indemniser lavictime ne peut être ordonnée qu'àl'égard des mineurs âgés de 16 ans etplus.

Les conditions que peut imposer le tri-bunal de la jeunesse sont les suivantes :

1. fréquenter régulièrement un établis-sement scolaire d'enseignement or-dinaire ou spécial;

2. accomplir une prestation éducativeet d'intérêt général, en rapport avecleur âge et leurs capacités, à raisonde 150 heures au plus, sous la sur-veillance d'un service désigné par lescommunautés ou d'une personnephysique répondant aux conditionsfixées par les communautés;

3. accomplir, à raison de 150 heures auplus un travail rémunéré en vue del'indemnisation de la victime, si l'in-téressé est âgé de seize ans au moins;

4. suivre les directives pédagogi-ques ou médicales d'un centred'orientation éducative ou de santémentale;

5. participer à un ou plusieurs modu-les de formation ou de sensibilisa-tion aux conséquences des actes ac-complis et de leur impact sur leséventuelles victimes;

6. participer à une ou plusieurs activi-tés sportives, sociales ou culturellesencadrées;

7. ne pas fréquenter certaines person-nes ou certains lieux déterminés quiont un rapport avec le fait qualifiéinfraction qui a été commis;

8. ne pas exercer une ou plusieurs acti-vités déterminées au regard des cir-constances de l'espèce;

9. le respect d'une interdiction de sor-tir;

10. respecter d'autres conditions ou in-terdictions ponctuelles que le tribu-nal détermine.

Comme le démontre la condition repriseau 10°, la liste des conditions n'est pasexhaustive et le tribunal de la jeunessepeut en imposer d'autres. Toutefois, ilne peut s'agir que de conditions ponc-tuelles, c'est-à-dire des conditions à por-tée réduite qui n'affectent pas gravementles droits fondamentaux du mineur (92).Les conditions non reprises dans la listene peuvent pas non plus correspondre àune mesure visée à l'article 37, § 2 car,dans ce cas, il appartient au tribunal dela jeunesse de prononcer la mesure surla base de cette disposition.

Les auteurs du projet ont souligné quecertains points peuvent constituer à lafois une mesure autonome en vertu del'article 37, § 2, et une condition aumaintien dans le milieu de vie du jeune.Tel est, notamment, le cas des presta-tions éducatives et d'intérêt général oula participation à une formation. Lors-qu'elle est imposée dans le cadre d'unecondition au maintien dans le milieu devie, il s'agira davantage alors d'une me-sure de «probation» sous la surveillancedu service social compétent (93).

(90) Circulaire du 28 septembre 2006 n° 1/2006 relative aux lois des 15 mai 2006 et 13 juin 2006 modifiant lalégislation relative à la protection de la jeunesse et la prise en charge de mineurs ayant commis un fait qualifiéinfraction, M.B. du 29 septembre 2006, p. 50815.

(91) Exposé des motifs, Doc. parl., Chambre, sess. 2004-2005, n° 51 1467/001, p. 12.

(92) Lors des travaux préparatoires, certains parlementaires ont souligné que l'article 37, § 2bis, al. 1er, 10° confé-rait trop de pouvoir au tribunal de la jeunesse (Rapport de la Commission de la Justice de la Chambre, Doc.parl., Chambre, sess. 2004-2005, n° 51 1467/012, p. 46).

(93) Commentaire des articles, Doc. parl., Chambre, sess. 2004-2005, n° 51 1467/001, p. 33.

La condition de travail rémunéré en vue d'indemniser lavictime : à l'égard des mineurs âgés de 16 ans et plus

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La possibilité d'imposer un travail ré-munéré en vue de l'indemnisation de lavictime a suscité plusieurs commentai-res lors des travaux parlementaires. Toutd'abord, les auteurs du projet ont indi-qué que cette condition participe éga-lement à la philosophie restaura-trice (94). Ensuite, la Ministre de la jus-tice a expliqué que cette condition peutprendre plusieurs formes et qu'il n'estpas nécessaire que le salaire gagné parle jeune soit directement versé à la vic-time. Elle a fait état de l'expérience, enBrabant flamand, de la création d'unfonds affecté à l'indemnisation des vic-times : L'objectif est que l'intéressé in-demnise les dommages qu'il a causésen effectuant un travail dont la rému-nération ne lui sera pas directementoctroyée, mais sera versée au fonds, quisera chargé d'indemniser la victime (95).Enfin, la Ministre de la justice a pré-cisé que tout travail rémunéré devaitrespecter la législation sociale et qu'aubesoin il est important que la loi rendece genre de projet possible (96).Selon ses promoteurs, la condition d'in-terdiction de sortie qui s'assimile à uneassignation à résidence, présente plu-sieurs avantages : L'interdiction de sor-tie peut se substituer au placement eninstitution et est ressentie par le jeunecomme une sanction. Deuxièmement,les parents sont coresponsables lors-qu'il s'agit de contrôler le respect del'interdiction de sortie. Troisièmement,il est important de laisser le jeune dansson environnement familier. De ce fait,la mesure est moins radicale et on peutmieux s'occuper de la réintégration. En-fin, l'interdiction de sortie est financiè-rement avantageuse, l'unique coût étantle contrôle policier (97). Même si ellepermet aux jeunes de rester dans leurmilieu de vie, l'interdiction de sortie estconçue comme une sanction dans lamesure où ils ont peu, voire pas de con-tacts avec les jeunes de leur âge ou avecleurs amis, sauf à l'école (98). Cette me-sure se présente ainsi comme l'arché-type de la mesure d'un modèle gestion-naire : elle constitue une sanction sévèrequand on sait ce que les amis et les co-pains représentent pour les jeunes, ellene coûte pas cher, elle ne requiert aucunengagement de la part des autorités, elledésigne des responsables tout trouvés

en la personne des parents si elle échoueet elle ne souffre jamais d'un manquede place ce qui permet de l'appliquer àtout moment. Par contre, sa valeur édu-cative et sa capacité de contribuer à trai-ter les causes profondes qui expliquentla situation du mineur sont extrêmementréduites. Elle présente également un ris-que de créer des situations explosivesen renforçant les tensions qui pourraientexister entre le jeune et ses parents parla fonction de surveillance assignée àces derniers.

La circulaire du 28 septembre 2006,confirme que l'interdiction de sortie nepeut pas empêcher le mineur de se ren-dre à l'école : Le jeune peut aller àl'école normalement mais doit, parexemple, rester à la maison ou là où ilest habituellement hébergé entre18 heures et 7 heures pendant la se-maine ainsi que le week-end (99). Elleprécise également qu'elle peut être mo-dulée : Malgré l'heure à laquelle doitdébuter l'interdiction de sortir, celle-cipeut toutefois être adaptée à la situa-tion du jeune de manière à ce que cedernier puisse par exemple aller à sonclub de sport ou suivre un entraîne-ment (100).

L'article 37, § 2bis, alinéa 1er disposeque le tribunal de la jeunesse peut con-fier le contrôle du respect au service so-cial compétent. Il n'a donc aucune obli-gation de faire contrôler le respect desmesures et il peut s'en charger lui-même, par exemple, en demandant aujeune de produire des attestations. L'ali-néa 2 permet au juge de la jeunesse ouau tribunal de la jeunesse de confier àla police le contrôle de l'exécution desinterdictions de fréquenter certainespersonnes ou certains lieux (7°) et desinterdictions de sortie (9°). Cette de-mande peut être directement formuléeà la police par le magistrat sans passer

par le parquet. Si la police est en chargedu contrôle, le juge a alors l'obligationde régulièrement tenir le service socialcompétent informé de ses résultats.

c) Les mesures de placement etle sursis

L'article 37, § 2, 6° à 11° institue sixmesures de placement par lesquelles ilautorise le tribunal de la jeunesse de :

6° les confier à une personne moraleproposant l'encadrement de la réa-lisation d'une prestation positiveconsistant soit en une formation soiten la participation d'une activité or-ganisée;

7° les confier à une personne digne deconfiance selon les modalités fixéespar les communautés ou les placerdans un établissement approprié se-lon les modalités fixées par les com-munautés, en vue de leur héberge-ment, de leur traitement, de leuréducation, de leur instruction ou deleur formation professionnelle;

8° les confier à une I.P.P.J. (voy. in-fra);

9° les placer dans un service hospita-lier;

10°décider le placement résidentiel dansun service compétent en matièred'alcoolisme, de toxicomanie ou detoute autre dépendance, si un rap-port médical circonstancié, datant demoins d'un mois, atteste que l'inté-grité physique ou psychique de l'in-téressé ne peut être protégée d'uneautre manière;

11°décider le placement résidentiel del'intéressé soit dans une sectionouverte, soit dans une section fer-mée d'un service pédopsychiatrique,s'il est établi dans un rapport indé-pendant pédopsychiatrique, datant

(94) Exposé des motifs, Doc. parl., Chambre, sess. 2004-2005, n° 51 1467/001, p. 12.

(95) Rapport de la Commission de la Justice du Sénat, Doc. parl., Sénat, sess. 2005-2006, n° 3-1312/7, p. 39.

(96) Ibidem, p. 39.

(97) Intervention du Sénateur Willems, Ann. parl., Sénat, sess. 2004-2005, séance du 30 mars 2006 matin, p. 17.

(98) Circulaire du 28 septembre 2006 n° 1/2006 relative aux lois des 15 mai 2006 et 13 juin 2006 modifiant lalégislation relative à la protection de la jeunesse et la prise en charge de mineurs ayant commis un fait qualifiéinfraction, M.B. du 29 septembre 2006, p. 50812.

(99) Ibidem.

(100) Ibidem.

La condition d'interdiction de sortie

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de moins d'un mois et établi selonles standards minimums déterminéspar le Roi, qu'il souffre d'un troublemental qui affecte gravement sa fa-culté de jugement ou sa capacité àcontrôler ses actes. Le placementdans une section fermée d'un servicepédopsychiatrique n'est possiblequ'en application de la loi du 26 juin1990 relative à la protection de lapersonne des malades mentaux,conformément à l'article 43.

Pour rappel, les mesures reprises au 6°et aux 9° à 11° n'étant pas entrées envigueur, elles ne seront pas examinées.Par ailleurs, le placement en I.P.P.J. fai-sant l'objet du 8° sera examiné dans unpoint séparé.

Par conséquent, il ne reste que le 7° dontle texte est quasi identique à celui del'article 37, paragraphe 2, 3° de l'an-cienne version de la loi du 8 avril 1965.Or, sous l'empire de cette loi, les place-ments correspondants aux placementsvisés au § 2, 6° et 9° à 11° étaient or-donnés sur la base de cette disposition.La situation actuelle pose donc unequestion difficile. Maintenant que cesmesures de placement font l'objet dedispositions distinctes qui ne sont ce-pendant pas en vigueur, peuvent-ellesquand même être ordonnées sur la basedu paragraphe 2, 7° ? En cas de réponsenégative, il faut admettre que le tribu-nal de la jeunesse dispose aujourd'huide moins de possibilités d'interventionque hier. En cas de réponse positive,quelle est l'utilité des nouvelles dispo-sitions ?

L'article 37, § 2, alinéa 5 permet au tri-bunal de la jeunesse d'assortir toute me-sure de placement d'un sursis pour unedurée de 6 mois à compter de la datedu jugement, pour autant que l'intéressés'engage à effectuer une prestation édu-cative et d'intérêt général à raison de150 heures au plus (101).

Le sursis est une modalité d'exécutionqui relève principalement de la logiquepénale. En l'espèce, il s'agit d'un sursisconditionnel ou probatoire : le place-ment n'est pas exécuté pour autant quele mineur exécute une autre mesure, àsavoir une prestation éducative et d'in-térêt général.

Le sursis permettant d'éviter le place-ment, il devrait, en raison de l'ordre depriorité fixé par l'article 37, § 2, alinéa3, toujours être privilégié par rapport auplacement effectif. Si le tribunal de lajeunesse n'envisage pas de prononcer lesursis, il doit donc s'en expliquer dansla motivation de sa décision.

La loi et les travaux parlementaires sontmuets sur les modalités d'exécution decette mesure qui soulèvent, pourtant,plusieurs problèmes.

Un premier problème concerne la fixa-tion des conditions de réalisation de laprestation. Il semble cohérent de consi-dérer qu'il appartient au tribunal de lajeunesse de statuer, dans le même juge-ment que celui où il ordonne la mesurede placement, d'une part, sur le nombred'heures de prestation qui doit être réa-lisé en lieu et place de la mesure de pla-cement et, d'autre part, sur la désigna-tion du service qui devra encadrer laprestation.

Un deuxième problème a pour objet ladécision qui prononce le placement as-sorti du sursis. Le tribunal de la jeunessedoit-il seulement décider du principe duplacement en indiquant éventuellementle type d'institution qui devra accueillirle jeune ou doit-il, dès le départ, indi-quer nominativement quelle personneou quel établissement recevra le mineursi le sursis est révoqué ? Il est évidentque si la deuxième option est retenue,les institutions risquent d'être saturéesde «réservations» qui ne se transforme-ront peut-être jamais en placement ef-fectif. Il semble donc préférable de pro-céder conformément à la première op-tion d'autant que, comme expliqué ci-après, une nouvelle audience sera quandmême nécessaire pour prononcer la ré-vocation du sursis. La personne ou l'ins-titution qui accueillera le jeune pourradonc être désignée à l'issue de celle-ci.

Un troisième problème est l'étendue dusursis. Il ressort de la circulaire du28 septembre 2006 que le législateur n'aprévu que l'hypothèse d'un sursis total :un sursis partiel irait contre la philoso-phie de la loi (102).

Les problèmes suivants ont pour objetla révocation du sursis.

Tout d'abord, il semble qu'il ne soit paspossible d'envisager de révoquer le sur-sis avant l'expiration du délai de sixmois. C'est, à ce moment-là, et nonauparavant, que le tribunal peut appré-cier si le jeune a rempli son engagement.Rien ne paraît toutefois s'opposer à ceque la mesure de placement assortie dusursis fasse l'objet d'une révision avantla fin de ce délai. Dans ce cas, le sursispourrait de facto être révoqué, même sid'ailleurs le mineur est en train de réa-liser sa prestation. Le tribunal pourraitordonner une nouvelle mesure qui de-vrait toutefois être différente de celle quiavait été ordonnée avec sursis. À dé-faut, il n'y aurait, en effet, pas de révi-sion puisque la nouvelle mesure seraitla même que l'ancienne, le sursis n'étantpas une mesure mais seulement la mo-dalité d'exécution d'une mesure. Quoiqu'il en soit, cette utilisation de la révi-sion par le tribunal de la jeunesse pourcontourner les exigences liées au sursisqu'il a lui-même ordonné ne paraît pascompatible avec les exigences deloyauté qui doivent présider à l'interven-tion de la justice.

Ensuite, le texte ne dit rien sur la pro-cédure à suivre pour révoquer le sursis.La tenue d'une audience paraît néces-saire avant de prononcer la révocation.Celle-ci ne saurait, en effet, pas êtreautomatique puisque le tribunal de lajeunesse doit constater que la prestationn'a pas été réalisée ou qu'elle a été réa-lisée de manière insatisfaisante. Cela nepeut se faire que dans le cadre d'une

(101) Circulaire du 28 septembre 2006 n° 1/2006 relative aux lois des 15 mai 2006 et 13 juin 2006 modifiant lalégislation relative à la protection de la jeunesse et la prise en charge de mineurs ayant commis un fait qualifiéinfraction, M.B. du 29 septembre 2006, p. 50816 : Bien que la loi ne le mentionne pas explicitement, celaconcerne aussi bien le placement chez une personne digne de confiance ou dans un établissement appropriéselon les règles fixées par les communautés en vue de son hébergement, de son traitement, de son éducation, deson instruction ou de sa formation professionnelle, que le placement dans une institution communautaire.

(102) Circulaire du 28 septembre 2006 n° 1/2006 relative aux lois des 15 mai 2006 et 13 juin 2006 modifiant lalégislation relative à la protection de la jeunesse et la prise en charge de mineurs ayant commis un fait qualifiéinfraction, M.B. du 29 septembre 2006, p. 50818.

Le placement n'est pas exécuté pour autant que le mineurexécute une prestation éducative et d'intérêt général

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nouvelle audience à l'issue d'un débatcontradictoire. Doit-il s'agir d'uneaudience publique ? Cela paraît préfé-rable puisque la mesure de placementqui a été ordonnée avec sursis est, pardéfinition, une mesure au fond, le sur-sis ne pouvant pas être prononcé àl'égard d'une mesure provisoire. Dansce cas, le dossier fera l'objet, conformé-ment à la procédure en révision de l'ar-ticle 60, d'une fixation à la requête duministère public. S'il constate que lesconditions de la révocation sont réunies,le tribunal de la jeunesse est-il contraintde la prononcer ? Rien ne semble l'yobliger. Il peut préférer, dans le cadrede la révision, modifier ou rapporter lamesure de placement initial.

Il faut également souligner que la révo-cation du sursis peut se fonder sur descritères vagues et flous. Si l'absenced'exécution de la prestation est un cri-tère clair, le caractère insatisfaisant dela prestation dépend de la seule appré-ciation discrétionnaire du tribunal de lajeunesse et ne constitue pas une garan-tie très effective.

Enfin, le texte est muet par rapport àl'hypothèse où la prestation n'a pas puêtre réalisée par le jeune dans le délaide six mois pour une raison indépen-dante de sa volonté telle l'encombre-ment du service en charge de l'encadre-ment de la mesure ou la maladie. Le tri-bunal de la jeunesse peut-il, dans de tel-les circonstances, révoquer la mesure ?Au contraire, doit-il accorder un nou-veau sursis ? Doit-il nécessairement ré-viser la mesure de placement initial ?

En définitive, compte tenu notammentdes possibilités de révision et de leursouplesse, l'introduction du sursis dansle domaine de la protection de la jeu-nesse semble ne présenter aucun avan-tage particulier. En réalité, dès que letribunal de la jeunesse envisage de pro-noncer un sursis, il admet que le place-ment n'est pas la solution la plus adé-quate au regard de la situation du jeune.Compte tenu de l'ordre de priorité del'article 37, § 2, alinéa 3, il est alors pré-férable que le tribunal de la jeunesseprononce une autre mesure qui supposele maintien du jeune dans son milieu devie.

3. La durée des mesures

Dans le modèle protectionnel, les me-sures ont, par définition, une durée in-déterminée puisqu'elles doivent semaintenir aussi longtemps que le trai-tement est nécessaire au mineur (103).Initialement, la seule exception à ceprincipe était l'accession à l'âge de lamajorité civile qui mettait fin à toutesles mesures. Progressivement, allant depair avant une application plussanctionnelle des mesures de protectionde la jeunesse, des exceptions ont étéintroduites. Ainsi, lors de la réforme de1994, le législateur a imposé au tribu-nal de la jeunesse d'indiquer la duréede tout placement en I.P.P.J. et de pro-céder obligatoirement à la révision detoute mesure de placement décidée parjugement à l'expiration d'un délai d'unan. Par ailleurs, en 1990, suite à l'abais-sement de l'âge de la majorité civile de21 à 18 ans, le législateur a introduit lapossibilité de prolonger certaines me-sures au-delà de l'âge de la majorité ci-vile dans le but d'éviter un accroisse-ment des dessaisissements.La réforme a complètement renversé leprincipe. Dorénavant, l'article 37, § 2,alinéa 7 dispose que le tribunal de lajeunesse doit préciser, pour toute me-sure, sa durée maximale à l'exceptionde la réprimande qui est une mesure ins-tantanée. Toutes les mesures sont doncà durée déterminée, ce qui confirme quele modèle appliqué n'est plus de natureprotectionnelle. L'obligation de déter-miner la durée des mesures relève plu-tôt d'un modèle d'inspirationsanctionnelle ou pénale.Pour déterminer la durée de la mesure,le tribunal de la jeunesse doit prendre

en considération les facteurs et les cri-tères de l'article 37, § 1er.

Rien ne s'oppose à ce que la durée de lamesure puisse être revue à la haussecomme à la baisse dans le cadre d'uneprocédure de révision. Cette possibilitéest confirmée par le fait que, pour le pla-cement en I.P.P.J., le législateur a prissoin, à l'article 37, § 2, alinéa 4, de pré-ciser que la durée maximale de cettemesure ne peut être prorogée que pourdes raisons exceptionnelles.

L'article 60, alinéa 4 dispose qu'à l'ex-ception de la réprimande et du place-ment en I.P.P.J., toute mesure prise parjugement, doit être réexaminée en vued'être confirmée, rapportée ou modifiéeavant l'expiration du délai d'un an àcompter du jour où la décision est de-venue définitive. Cette procédure est in-troduite par le ministère public selon lesformes prévues à l'article 45, 2 b) et c).La révision annuelle obligatoire estdonc étendue à toutes les mesures pri-ses par jugement et n'est plus limitée auxseules mesures de placement. Il est évi-dent qu'il n'y a lieu de procéder à la ré-vision annuelle que si la durée maxi-male de la mesure fixée initialement parle tribunal de la jeunesse est supérieureà un an. Dans le cas contraire, la me-sure ayant pris fin avant le délai d'unan, il n'est plus possible de la prolon-ger, la modifier ou de la rapporter dansle cadre d'une procédure en révision.

À la date du 16 octobre 2006, aucunemodification autre que textuelle n'a étéapportée à l'article 37, § 3 qui traite dela prolongation des mesures au-delà del'âge de la majorité (104).

(103) Voy. Fr. Tulkens et Th. Moreau, Le droit de la jeunesse en Belgique. Aide, assistance et protection, op. cit.,pp. 638 et s.

(104) On peut toutefois d'ores et déjà relever que le législateur a introduit deux modifications importantes qui ne sontpas encore entrées en vigueur. D'une part, le juge aura la faculté de prolonger au plus tard jusqu'à l'âge de23 ans la mesure qu'il prononcera à l'égard d'un mineur qui a commis un fait qualifié infraction après l'âge de16 ans, alors que pour le moment la prolongation ne peut être ordonnée que jusqu'à l'âge de 20 ans pour lesmineurs qui ont commis un fait après l'âge de 17 ans. D'autre part, la surveillance prévue à l'article 42 pourraêtre prolongée jusqu'à l'âge de 23 ans à l'égard du mineur qui rempli les deux conditions cumulatives suivan-tes : avoir commis entre l'âge de douze ans et de dix-sept ans un fait qualifié infraction de nature à entraînerune peine de réclusion de plus de 10 ans s'il avait été commis par une personne majeure et avoir fait l'objet d'unplacement en I.P.P.J. Cette prolongation pourra être décidée par le tribunal de la jeunesse soit à la demande dumineur, soit à la requête du ministère public en cas de mauvaise conduite persistante ou de comportementdangereux du mineur.

Le tribunal de la jeunesse doit préciser pour toute mesure sadurée maximale, à l'exception de la réprimande

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4. Le placement en I.P.P.J.

L'article 37, § 2, alinéa 1er, 8° disposeque le tribunal de la jeunesse peut con-fier le mineur à une I.P.P.J.. Les nou-velles règles relatives à cette mesuresont particulièrement complexes. Leurexamen sera divisé en quatre points. Lepremier concerne le choix entre les ré-gimes éducatifs ouvert et fermé (a). Ledeuxième a pour objet les conditionsd'accès (b). Le troisième est relatif auxmodalités d'exécution de la mesure (c)et le quatrième traite de la durée du pla-cement en I.P.P.J. (d).

a) Le choix entre les régimeséducatifs ouvert et fermé

L'article 37, § 2, alinéa 1er, 8° disposeque sans préjudice des dispositions del'article 60, la décision précise (…) sielle prescrit un régime éducatif ferméorganisé par les autorités compétentesen vertu des articles 128 et 135 de laConstitution et de l'article 5, § 1er, II, 6°,de la loi spéciale du 8 août 1980 de ré-formes institutionnelles, modifiée par laloi du 8 août 1988. Le texte de la déci-sion doit donc explicitement indiquer letype de régime qui est assigné au jeune.Comme c'était déjà le cas sous l'empirede l'ancienne version de la loi, la sanc-tion de l'absence de cette mention est lanullité (105). Cette disposition confirmeégalement que le changement de régimeconstitue une nouvelle décision et qu'ilne peut donc être décidé que dans le ca-dre d'une procédure en révision (106).

En vertu de l'ordre des priorités instaurépar l'article 37, § 2, alinéa 3, le tribunalde la jeunesse doit toujours privilégierle régime éducatif ouvert par rapport aurégime éducatif fermé.

Si le tribunal de la jeunesse ordonne unplacement en régime éducatif fermé,l'article 37, § 2 quinquies lui impose despécialement motiver ce choix.

b) Les conditions d'accès

L'examen des conditions qui doiventêtre remplies pour qu'un mineur puisseêtre placé en I.P.P.J. démontre que le lé-gislateur a considéré que ce type de pla-cement constitue, en réalité, plus unesanction qu'une mesure protectionnelle.

À l'inverse de l'ancienne version de laloi du 8 avril 1965, le nouveau texte fixedes conditions d'accès aux I.P.P.J. dif-férentes suivant qu'il s'agit d'une insti-tution à régime éducatif ouvert ou à ré-gime éducatif fermé.

Lors des travaux parlementaires, il a étéclairement rappelé que les conditionsd'accès, même si elles sont remplies,n'exonèrent pas le tribunal de la jeu-nesse d'apprécier l'adéquation de lamesure au cas d'espèce : Il y a lieu d'in-sister ici sur ce qu'il s'agit de conditionsd'accès. Dès lors, si le magistrat cons-tate que le fait commis par le jeune quilui est déféré est de nature à permettrele placement en institution publique, ilreste tenu d'apprécier le caractère adé-quat de la mesure envisagée au regarddes différents critères fixés par l'arti-cle 37, § 1er, et § 2, alinéa 3, en projet,et particulièrement au regard de la per-sonnalité du jeune (107).

a. Le placement en I.P.P.J. àrégime éducatif ouvert

L'article 37, § 2quater, al. 1er disposeque le mineur ne peut être placé dansun I.P.P.J. à régime éducatif ouvert quesi deux conditions sont cumulativementremplies.

D'une part, le mineur doit être âgé de12 ans ou plus. Contrairement à l'an-cienne version de la loi, il n'y a doncplus de possibilité de placer en I.P.P.J.un mineur âgé de moins de 12 ans,même en raison de circonstances excep-tionnelles.

D'autre part, le mineur doit remplir unedes cinq conditions suivantes :

1. soit, avoir commis un fait qualifié in-fraction qui, s'il avait été commis parune personne majeure, aurait été denature à entraîner, au sens du Codepénal ou des lois particulières, unepeine d'emprisonnement correction-nel principal de trois ans ou unepeine plus lourde;

2. soit avoir commis un fait qualifiécoups et blessures;

3. soit avoir précédemment fait l'objetd'un jugement définitif ordonnantune mesure de placement au seind'une institution communautaire pu-blique de protection de la jeunesse àrégime éducatif ouvert ou fermé etavoir commis un nouveau fait quali-fié infraction;

4. soit avoir fait l'objet d'une révisionde la mesure, conformément à l'arti-cle 60, pour le motif que la ou lesmesures imposées précédemmentn'ont pas été respectées par elles,auquel cas le placement peut êtreimposé pour une période de six moisau plus qui ne peut être prolongée.Au terme de cette période, d'autresmesures peuvent uniquement êtreimposées après une révision par letribunal;

5. soit faire l'objet d'une révision telleque visée à l'article 60 et être placéen institution communautaire publi-que de protection de la jeunesse à ré-gime éducatif fermé au moment decette révision.

Manifestement, en limitant aux 1° et 2°les infractions qui peuvent justifier leplacement, le législateur a eu l'intentionde réduire les possibilités de placementen I.P.P.J. à titre de première mesureappliquée à des mineurs primo délin-quants. Par contre, cette limite dispa-raît pour le jeune récidiviste qui a faitl'objet d'un placement en I.P.P.J. or-donné par un jugement devenu défini-tif. Le 5° est une application de l'ordredes priorités, le régime ouvert devanttoujours être privilégié par rapport aurégime fermé.

L'hypothèse reprise au 4° est, quant àelle, clairement de nature sanctionnellevoire punitive. Le placement en I.P.P.J.peut être prononcé au motif que le mi-neur n'a pas respecté ou convenable-ment exécuté une autre mesure décidée

(105) À cet égard, voy. Fr. Tulkens et Th. Moreau, Le droit de la jeunesse en Belgique. Aide, assistance et protection,op. cit., p. 662 et références citées.

(106) Ibidem.

(107) Exposé des motifs, Doc. parl., Chambre, sess. 2004-2005, n° 51 1467/001, p. 18.

Être placé en I.P.P.J. : plus une sanctionqu'une mesure protectionnelle

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antérieurement. Ce placement sanctionest limité à une durée de six mois quine peut pas être prolongée (108). Par con-tre, le mineur peut, à la fin du place-ment, faire l'objet d'autres mesures.

Ce type de placement sanction risqued'être la cause de problèmes au sein desI.P.P.J. Celles-ci mettent en œuvre desprojets pédagogiques de nature éduca-tive et n'ont pas vocation d'exécuter despunitions. Vont-elles devoir modifierleur approche ? Vont-elles devoir créerdes sections spéciales pour mettre enœuvre ce type de placement ?

b. Le placement en I.P.P.J. àrégime éducatif fermé

Le législateur a prévu deux hypothèsesdistinctes. L'une concerne les mineursâgés de plus de 14 ans, l'autre les mi-neurs âgés entre 12 et 14 ans.

1° Première hypothèse

L'article 37, § 2quater, alinéa 2 disposeque le mineur ne peut être placé dansun I.P.P.J. à régime éducatif fermé quesi deux conditions sont cumulativementremplies.

D'une part, le mineur doit être âgé de14 ans ou plus.

D'autre part, le mineur doit remplir unedes cinq conditions suivantes :1. soit avoir commis un fait qualifié in-

fraction qui, s'il avait été commis parun majeur, aurait été de nature à en-traîner, au sens du Code pénal ou deslois particulières, une peine de réclu-sion de cinq ans à dix ans ou unepeine plus lourde;

2. soit avoir commis un fait qualifié at-tentat à la pudeur avec violence, ouune association de malfaiteurs ayantpour but de commettre des crimes,ou menace contre les personnes telleque visée à l'article 327 du Code pé-nal;

3. soit avoir précédemment fait l'objetd'un jugement définitif ordonnantune mesure de placement au seind'une institution communautaire pu-blique de protection de la jeunesse àrégime éducatif ouvert ou fermé, etavoir commis un nouveau fait quali-fié infraction qui soit est qualifiécoups et blessures, soit, s'il avait étécommis par un majeur, aurait été de

nature à entraîner, au sens du Codepénal ou des lois particulières, unepeine d'emprisonnement correction-nel principal de trois ans ou unepeine plus lourde;

4. soit avoir commis avec prémédita-tion un fait qualifié coups et blessu-res qui a entraîné une maladie ou uneincapacité de travail soit une mala-die paraissant incurable, soit la pertecomplète de l'utilisation d'un organe,soit une mutilation grave, soit ontcausé des dégâts à des bâtiments oudes machines à vapeur, commis enassociation ou en bande et avec vio-lence, par voies de fait ou menaces,soit ont commis une rébellion avecarme et avec violence;

5. soit avoir fait l'objet d'une révisionde la mesure, conformément à l'arti-cle 60, pour le motif que la ou lesmesures imposées précédemmentn'ont pas été respectées, auquel casle placement peut être imposé pourune période de six mois au plus quine peut être prolongée. Au terme decette période, d'autres mesures peu-vent uniquement être imposées aprèsune révision par le tribunal.

Ces conditions font clairement apparaî-tre que le législateur a considéré que le

placement en I.P.P.J. à régime éducatiffermé était la mesure la plus grave et laplus sévère qui pouvait être prononcée.Elle est donc réservée à des mineursprimo délinquants qui ont commis unfait grave ou à des mineurs récidivistesqui ont commis un fait d'une certainegravité (109) après avoir déjà fait l'objetd'un placement en I.P.P.J. ordonné parun jugement devenu définitif.

Le 5° constitue un placement sanctionqui est le pendant, pour le régime édu-catif fermé, de celui prévu à l'alinéa1er 4° dans le cadre du placement en ré-gime éducatif ouvert. Les conditionspour prononcer un tel placement sanc-tion en régime éducatif fermé sont, miseà part la condition d'âge, strictement lesmêmes que pour un placement sanctionen régime éducatif ouvert. Pour les mi-neurs âgés de plus de 14 ans, il appar-tiendra donc au tribunal de la jeunessed'indiquer, dans la motivation de sa dé-cision, les raisons pour lesquelles il estplus adéquat de sanctionner le mineurpar une privation de liberté plutôt quepar un placement en régime éducatifouvert.

2° Seconde hypothèse

L'article 37, § 2quater, alinéa 3 prévoitque, dans certaines circonstances, le tri-

(108) Rien ne s'oppose toutefois à ce que la durée soit raccourcie dans le cadre d'une révision.

(109) Il s'agit des mêmes faits que ceux pour lesquels un mineur primo délinquant peut être placé en I.P.P.J. à régimeéducatif ouvert.

Le placement en I.P.P.J. à régime éducatif fermé :la mesure la plus grave et la plus sévère qui peut être prise

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bunal de la jeunesse peut ordonner leplacement en I.P.P.J. à régime éducatiffermé de mineurs qui n'ont pas atteintl'âge de 14 ans (110). Pour ce faire, qua-tre conditions doivent êtrecumulativement remplies.

Premièrement, le mineur doit être âgéde 12 à 14 ans.

Deuxièmement, le mineur doit avoirgravement porté atteinte à la vie ou à lasanté d'une personne.

Troisièmement, il faut établir que lecomportement du mineur est particuliè-rement dangereux.

Quatrièmement, il faut que soit remplieune des cinq conditions reprises à l'ar-ticle 37, § 2quater, alinéa 2 pour les mi-neurs âgés de 14 ans et plus.

c) Les modalités d'exécution duplacement en I.P.P.J.

Le placement en I.P.P.J. peut faire l'ob-jet d'un sursis visé à l'article 37, § 2, ali-néa 5 qui peut assortir toute mesure deplacement (voy. supra). En raison dufait qu'elle permet une atteinte moinsgrave au droit à la vie familiale du mi-neur et de ses parents, cette solution doitêtre préférée au placement effectif. Parconséquent, s'il ne la retient pas, le tri-bunal de la jeunesse doit en donner lesraisons dans la motivation de son juge-ment.

L'article 37, § 2, alinéa 1er, 8° institueune obligation de visite sur les lieux :Le juge ou le service social compétentrend visite à la personne confiée à uneinstitution communautaire publique deprotection de la jeunesse en régimefermé, si le placement excède quinzejours.

Comme c'était déjà le cas, l'I.P.P.J. quigarde un mineur en régime éducatiffermé doit transmettre trimestriellementau tribunal de la jeunesse un rapportd'évaluation (art. 60, al. 6). À celas'ajoute également, en Communautéfrançaise, les obligations imposées parl'article 17 du décret du 4 mars 1991 re-latif à l'aide à la jeunesse.

d) La durée de la mesure

L'article 37, § 2, alinéa 1er, 8° disposeque la décision précise la durée de la

mesure. Comme sous l'empire de l'an-cienne version de la loi qui prévoyaitdéjà cette obligation, cette mention estprévue à peine de nullité (111).

Plusieurs dispositions doivent être pri-ses en compte pour la fixation de la du-rée du placement en I.P.P.J.

L'article 37, § 2, alinéa 4 dispose ques'il prononce une mesure de placementen institution communautaire publiquede protection de la jeunesse en régimeouvert ou fermé, le tribunal en précisela durée maximale, qui ne pourra êtreprorogée que pour des raisons excep-tionnelles liées à la mauvaise conduitepersistante de l'intéressé et à son com-portement dangereux pour lui même oupour autrui.

En vertu de cette première disposition,le tribunal de la jeunesse doit, commepour toute mesure, fixer la durée maxi-male du placement en I.P.P.J. Cette du-rée est indépendante de la révision obli-gatoire biannuelle dont la mesure doitfaire l'objet en vertu de l'article 60, ali-néa 5 (voy. infra). Par ailleurs, rien nes'oppose à ce que cette durée soit, parla suite, réduite dans le cadre d'une pro-cédure en révision puisque l'article 37,§ 2, alinéa 1er, 8° précise que l'article 60est applicable. Par contre, à l'inverse desautres mesures, le législateur a nette-ment limité les possibilités de prorogerla mesure dans le cadre d'une révision.Une prolongation ne peut être décidéeque s'il existe des raisons exceptionnel-les liées à la mauvaise conduite persis-tante de l'intéressé et à son comporte-ment dangereux pour lui même ou pourautrui. Lors des travaux parlementairesil a été précisé que les conditions à laprolongation de la mesure sont cumu-latives et d'interprétation restrictive (112).

En outre, il a été souligné que la pro-longation devait reposer sur un motiféducatif en raison de la nature de lamesure qui est un instrument essentiel-lement éducatif et doit, à ce titre, pou-voir être prolongée dans des cas excep-tionnels (113).Il faut également observer que les con-ditions de l'article 37, § 2, alinéa 4 sontégalement d'application en cas de pro-longation de la mesure de placement enI.P.P.J. au-delà de l'âge de la majoritécivile : La prolongation d'une mesurede placement en I.P.P.J. au-delà des18 ans de l'intéressé en application del'article 37, § 3, n'est donc possible quedans la mesure où elle respecte le pres-crit de la limitation établie à l'article 37,§ 2, alinéa 3 (114).L'article 60, alinéa 5 dispose que toutemesure de placement en I.P.P.J. doit êtreréexaminée en vue d'être confirmée,rapportée ou modifiée avant l'expira-tion du délai de six mois à compter dujour où la décision est devenue défini-tive. Il appartient au ministère public deveiller à introduire cette procédure.Cette révision obligatoire tous les sixmois a pour objet, en application de l'or-dre de priorité institué par l'article 37,§ 2, alinéa 3, de contraindre le tribunalde la jeunesse à appliquer dès que fairese peut une autre mesure que le place-ment. En outre elle a été justifiée parl'aide dont ont besoin les jeunes placésen I.P.P.J. lorsqu'ils doivent quitter l'ins-titution : Dans certaines situations, il estnécessaire de permettre l'encadrementdu jeune lors du retour dans son milieude vie. L'encadrement éducatif organisédans les institutions publiques étant fortsoutenu, certains jeunes perdent, en ef-fet, leurs repères au moment de leur sor-tie. Dès lors, dans le cadre de la recher-

(110) Cette disposition est rédigée comme suit : Sans préjudice des conditions énumérées à l'alinéa 2, le tribunal peutordonner la mesure de placement en institution communautaire publique de protection de la jeunesse visée au§ 2, alinéa 1er, 8°, en régime éducatif fermé, à l'égard d'une personne âgée de douze à quatorze ans, qui agravement porté atteinte à la vie ou à la santé d'une personne et dont le comportement est particulièrementdangereux.

(111) Voy. Fr. Tulkens et Th. Moreau, Le droit de la jeunesse en Belgique. Aide, assistance et protection, op. cit.,p. 662 et références citées.

(112) Commentaire des articles, Doc. parl., Chambre, sess. 2004-2005, n° 51 1467/001, p. 31.

(113) Ibidem.

(114) Ibidem.

Nette limitation des possibilités de prorogation de la mesurede placement en I.P.PJ. dans le cadre d'une révision

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che de la mesure la plus adéquate pourle jeune, le tribunal peut lui imposer unemesure complémentaire lorsqu'il sort del'institution publique en vue d'organi-ser la meilleure transition possible (115).

Enfin, le législateur a décrété que la du-rée du placement sanction visé auparagraphe 2quater, alinéa 1er, 4° et ali-néa 2, 5° ne pouvait jamais dépasser sixmois et qu'en outre elle ne pouvait pasêtre prorogée. Par contre, le tribunal dela jeunesse peut fixer une durée infé-rieure à six mois. Il peut également, parapplication de l'article 60, en réduire ladurée en cours d'exécution.

C. Les mesures provisoires

Afin d'éviter d'inutiles redites, l'examendes mesures provisoires fera régulière-ment référence à ce qui a été développépour les mesures au fond puisque la plu-part des mesures qui peuvent être or-données à titre provisoire sont égale-ment des mesures qui peuvent être pro-noncées au fond. Seules les spécificitéspropres aux mesures provisoires serontdéveloppées.

Cette partie consacrée aux mesures pro-visoires est divisée en quatre points. Lepremier concerne les principes et les cri-tères généraux applicables à toutes lesmesures provisoires (1). Le deuxièmeest consacré aux mesures provisoiresautres que le placement en I.P.P.J. (2).Le troisième a pour objet le placementprovisoire en I.P.P.J. (3) et le quatrièmele placement provisoire en centre fédé-ral fermé (4).

1. Les principes et les critè-res généraux applicablesà toutes les mesures provi-soires

L'article 52, alinéa 5 dispose qu'afin deprendre la décision visée à l'alinéa 2,le tribunal de la jeunesse tient comptedes facteurs visés à l'article 37, § 1er,alinéa 2. La disponibilité des moyensde traitement, des programmes d'édu-cation ou de toutes autres ressourcesenvisagées et le bénéfice qu'en retire-rait l'intéressé sont également pris enconsidération. Par conséquent, tout cequi a été développé ci-dessus à propos

des mesures au fond concernant les fac-teurs et les critères à prendre en consi-dération, l'ordre de priorité, le caractèrecumulable des mesures et les obliga-tions de motivation spéciale s'appliquemutatis mutandis aux mesures provisoi-res.

En outre, les alinéas 6 et 7 de l'article 52instituent de nouvelles garanties relati-ves aux mesures provisoires.

Premièrement, l'article 52, alinéa 6 dis-pose que les mesures provisoires ne peu-vent être prises que lorsqu'il existe suf-fisamment d'indices sérieux de culpa-bilité et que la finalité de la mesure pro-visoire ne peut être atteinte d'une autremanière.

Deuxièmement, la même texte disposeque les mesures provisoires ne peuventêtre prises que pour une durée aussibrève que possible.

Troisièmement, l'article 52, alinéa 7 dis-pose qu'aucune mesure provisoire nepeut être prise en vue d'exercer unesanction immédiate ou toute autre formede contrainte.

Ces trois garanties sont la conséquencedirecte de ce que les mesures provisoi-res sont des mesures avant jugement quiportent atteinte aux droits à la libertéindividuelle et à la vie familiale du jeunealors qu'il est toujours présumé inno-cent (116).

Mais ces nouvelles garanties, qui nefont que rappeler des grands principesqui se déduisent de la reconnaissancedes droits fondamentaux du mineur,auront-elles un réel impact sur le ter-rain et seront-elles à la base d'un chan-gement des pratiques (117)? De nombreuxacteurs du secteur de la protection de lajeunesse semblent partisans d'une autreapproche où les mesures provisoires

sont utilisées comme un instrument deréaction directe à la délinquance desjeunes et non comme une mesure dansl'attente d'un jugement. Ils invoquentnotamment la nécessité de réagir rapi-dement à l'égard d'un mineur délinquantsous peine de voir l'intervention perdretout sens pour ce dernier. Le débatautour des «prestations ordonnances»en est un excellent exemple. Il n'est pasrare non plus que ceux qui utilisent lesmesures provisoires comme des sanc-tions directes soutiennent que cettemanière de procéder présente un avan-tage pour le mineur en invoquant que,souvent, les mesures provisoires ne se-raient pas suivies d'une mesure au fondavec, pour effet, l'absence d'inscriptionau casier judiciaire. Il n'en reste pasmoins qu'une telle conception des me-sures provisoires est aujourd'hui con-damnée par le législateur comme ellel'avait été précédemment par la Cour decassation (118). À cet égard, la Ministrede la justice a été très claire : Même sides mesures au stade provisoire peuventêtre utiles d'un point de vue pédagogi-que, le respect de la présomption d'in-nocence prévaut. Dès lors, elle a décidéde limiter (…) les mesures au stade pro-visoire aux seules mesures de garde etd'investigation (119).

La nouvelle exigence qui impose aujuge de la jeunesse de constater l'exis-tence de suffisamment d'indices sérieuxde culpabilité pourrait avoir une inci-dence sur la suite de la procédure et l'or-ganisation du tribunal de la jeunesse. Eneffet, il se posera la question de savoirsi le juge qui a ordonné une mesure pro-visoire, après avoir formellement cons-taté qu'il existe des indices sérieux deculpabilité, sera encore impartial au sensde l'article 6 de la Convention euro-

(115) Ibidem.

(116) Rapport de la Commission de la Justice de la Chambre, Doc. parl., Chambre, sess. 2004-2005, n° 51 1467/012,p. 55.

(117) Certains parlementaires se sont montrés sceptiques sur ce point. Ainsi, le Sénateur Willems a déclaré qu'ilcraignait qu'en pratique, l'article en question ne soit malgré tout appliqué comme une sorte de sanction. Dansles premiers alinéas, il est dit clairement qu'il s'agit d'une mesure d'investigation ou d'une mesure de garde,mais plus loin, il est indiqué qu'il doit y avoir des indices sérieux de culpabilité. Le juge doit donc déjà êtreintimement convaincu de la culpabilité effective du jeune. L'intervenant estime que les divers alinéas de l'arti-cle sont quelque peu contradictoires (Rapport de la Commission de la Justice du Sénat, Doc. parl., Sénat, sess.2005-2006, n° 3-1312/7, p. 55).

(118) Cass., 4 mars 1997, J.L.M.B., 1997, p. 1379.

(119) Rapport de la Commission de la Justice de la Chambre, Doc. parl., Chambre, sess. 2004-2005, n° 51 1467/012,pp. 59-60.

Les mesures provisoires sontdes mesures avant jugement

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péenne de sauvegarde des droits del'homme et des libertés fondamentaleslorsqu'il statuera au fond pour décidersi le fait qualifié infraction est ou nonétabli. Jusqu'à présent, on pouvait fairevaloir que le juge de la jeunesse ne sta-tuait pas sur les faits lorsqu'il décidaitd'une mesure provisoire. Depuis la ré-forme, tel n'est plus le cas. Il sembledonc que le magistrat qui statuera surles mesures provisoires ne pourra plusêtre celui qui statuera au fond afin depréserver l'impartialité du tribunal de lajeunesse. Cette exigence d'impartialitéest, par ailleurs, d'autant plus nécessaireque le caractère sanctionnel, voire pé-nal, de plusieurs mesures est clairementaffirmé (120).

2. Les mesures provisoiresautres que le placement enI.P.P.J.

L'article 52, alinéa 2 énumère les me-sures que le juge de la jeunesse peut or-donner à titre provisoire, le cas échéantde manière cumulative :

– la surveillance prévue à l'article 37,§ 2, alinéa 1er, 2º;

– les conditions énumérées à l'arti-cle 37, § 2bis à l'exception de cellesvisées aux 2º et 3º, à savoir la condi-tion de prestation éducative et d'in-térêt général et celle de travail rému-néré;

– une mesure de placement visée à l'ar-ticle 37, § 2, alinéa 1er, 7º à 11º dont,pour rappel, seules celles visées au7° (placement chez une personne deconfiance ou en institution privée) etle 8° (placement en I.P.P.J.) sont envigueur.

Concernant les mesures de placement,il faut faire observer que le sursis nes'applique pas puisqu'il s'agit d'une mo-dalité par laquelle le juge atténue l'effetd'une sanction ce que ne peut être unemesure provisoire. En outre, l'article 37,§ 2, alinéa 5 utilise le terme jugement,ce qui confirme qu'il ne peut être ques-tion d'un sursis que pour une mesure deplacement décidée au fond.

Concernant la durée des mesures pro-visoires, l'article 52, alinéa 6 disposequ'elle doit pour toutes les mesures, et

pas seulement pour les placements, êtrela plus courte possible. Conformémentà l'article 37, § 2, alinéa 7 le juge de lajeunesse doit indiquer la durée maxi-male qui peut toutefois faire l'objetd'une révision (voy. supra). Par contre,il n'y a pas de révision obligatoire, celle-ci étant réservée aux mesures décidéespar jugement. Quant à la prolongationdes mesures provisoires, rien n'achangé. En vertu de l'article 52, alinéa9, le juge de la jeunesse peut les pro-longer jusqu'à l'âge de 20 ans. Il n'estdonc pas question, pour les mesures pro-visoires, de prolongation jusqu'à l'âgede 23 ans.

Dans la droite ligne de l'arrêt de la Courde cassation du 21 mai 2003 (121), l'arti-cle 52, alinéa 4 dispose qu'afin de per-mettre la réalisation des mesures d'in-vestigations visées à l'article 50, le tri-bunal peut assortir la mesure de gardeprovisoire consistant à laisser l'inté-ressé dans son milieu et à le soumettreà la surveillance prévue à l'article 37,§ 2, alinéa 1er, 2º, de la condition d'ac-complir une prestation d'intérêt géné-ral en rapport avec son âge et ses ca-pacités. La prestation d'intérêt généralordonnée en application du présent ar-ticle ne peut dépasser 30 heures.

Est-il vraiment réaliste de penser qu'unemesure qui est présentée à l'article 37comme une sanction éducative et res-tauratrice pourrait, au stade des mesu-res provisoires, se transformer en unemesure d'investigation ? Si, sans doute,la réalisation de toute prestation peut

fournir des informations à propos decelui qui l'accomplit, il n'en reste pasmoins que la prestation comporte tou-jours un aspect restaurateur, réparateuret sanctionnel. N'en déplaise à la Courde cassation et au législateur, en prati-que une prestation reste d'abord unesanction ou une mesure éducative quelque soit le nombre d'heures à y consa-crer ou la justification formelle qui luiest donnée. D'ailleurs, à l'article 37 iln'est nullement indiqué que la presta-tion ne remplirait sa fonction de sanc-tion ou de mesure éducative que si lemineur est contraint d'y consacrer plusde 30 heures.

Le caractère formel et théorique de lajustification transparaît clairement dansl'évolution du traitement de la questiondurant les travaux parlementaires. Lesauteurs du projet ont d'abord rappeléque la décision de mise sous sur-veillance provisoire assortie de pareillecondition ne peut méconnaître ni le droitdu mineur à un procès équitable, ni laprésomption d'innocence, garantis parl'article 6 de la Convention de sauve-garde des droits de l'homme et des li-bertés fondamentales et par l'article 40de la Convention internationale relativeaux droits de l'enfant. C'est la raisonpour laquelle les prestations d'intérêtgénéral ordonnées dans ce cadre nepeuvent constituer la réponse au com-portement délinquant présumé du mi-neur et ne peuvent, donc, revêtir un ca-ractère éducatif, réparateur ousanctionnel. Ils ont ensuite précisé que

(120) À cet égard, il faut relever que, contrairement à ce qui a pu être avancé lors des travaux parlementaires, il n'estpas du tout certain que la jurisprudence de la Cour européenne des droits de l'homme dans son arrêt du 24 août1993, Nortier c. Pays-Bas puisse encore trouver à s'appliquer dans le dispositif belge. D'une part, le juge doitstatuer sur les faits pour ordonner une mesure provisoire. D'autre part, la finalité de l'intervention n'est pasnécessairement éducative.

(121) Cet arrêt est notamment motivé comme suit : En vertu de l'article 52 de la loi du 8 avril 1965 relative à laprotection de la jeunesse, le juge de la jeunesse peut, pendant la phase préparatoire de la procédure tendant àl'application d'une des mesures prévues au titre II, chapitre III, de cette loi, prendre provisoirement, à l'égard dumineur poursuivi du chef d'un fait qualifié infraction, la mesure de garde provisoire consistant à le laisser dansson milieu et à le soumettre à la surveillance prévue à l'article 37, § 2, 2°, de ladite loi. Attendu que cette mesuredite de mise sous surveillance provisoire peut être assortie de la condition visée à l'article 37, § 2, 2°, alinéa 2,b, à savoir l'accomplissement d'une prestation éducative ou philanthropique en rapport avec l'âge et les ressour-ces du mineur, pourvu que cette condition soit prévue essentiellement, à l'instar de l'ensemble de la mesure, envue de permettre la réalisation des investigations définies à l'article 50 de la loi, et non comme une sanction,une réparation ou une mesure exclusivement éducative, ce qui ne peut être admis au cours de la phase prépara-toire de la procédure, quand bien même le mineur serait en aveu pour le fait qui lui est reproché, et marqueraitson accord concernant la condition précitée; que la décision de mise sous surveillance provisoire assortie depareille condition ne peut méconnaître ni le droit du mineur à un procès équitable, ni la présomption d'inno-cence, garantis par l'article 6 de la Convention de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamen-tales.

Prolongation des mesures provisoires, rien n'a changé :le juge peut les prolonger jusqu'à l'âge de 20 ans

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la durée d'une telle prestation est limi-tée à 15 heures. Ce délai est suffisantpour permettre au service chargé d'en-cadrer l'exécution des prestations d'éta-blir un rapport au tribunal sur la per-sonnalité du jeune et ses capacités à serestructurer tout en restant dans sonmilieu familial. Au-delà de 15 heures,la prestation constituerait, en fait, uneréponse au comportement délinquant dujeune (122).

Reconnaissant ainsi implicitement toutel'ambiguïté qui entoure ces mesures, lesauteurs du projet ont admis que certai-nes situations doivent pouvoir être ré-glées rapidement et que l'écoulementd'un long laps de temps entre la com-mission du fait qualifié infraction et laréaction judiciaire qui doit s'ensuivrepeut rendre, dans certaines situations,cette réaction peu compréhensible pourle jeune qui en fait l'objet. Tel est no-tamment le cas lorsque le jeune est enaveu des faits et que ceux-ci ne requiè-rent pas de devoirs d'enquêtes particu-liers (123). Ils ont toutefois précisé queles «prestations investigations» ne pou-vaient pas être utilisées pour réagir à cessituations et ont conseillé de recourir àl'article 46bis pour amener rapidementle dossier à l'audience publique (124).

Durant les travaux parlementaires, ledébat est apparu plus nettement augrand jour. Les uns soutenaient quetoute mesure de prestation, quel que soitle nombre d'heures, constituait une vio-lation de la présomption d'inno-cence (125). Mais, relayé par la Ministrede la justice, le pragmatisme du terrainl'a, semble-t-il, emporté sur le respectdes garanties juridiques les plus fonda-mentales. Mieux même, alors qu'elleavait soutenu dans la version initiale duprojet qu'au-delà de 15 heures, la pres-tation constituerait, en fait, une réponseau comportement délinquant du jeune,la Ministre s'est dit convaincue que lapossibilité d'imposer une telle presta-tion représente un outil formidable. Ilne faut certainement pas la supprimer.Au contraire, il serait même peut-êtreplus efficace de prévoir un délai pluslong (126). Le rapport de la Commissionde la justice du Sénat confirme que laprésomption d'innocence a été sacrifiéesur l'autel de la nécessité : Les acteurs

de terrain demandent à ce que l'accom-plissement d'une prestation d'intérêt gé-néral puisse être ordonnée tant au ni-veau du parquet qu'en guise de mesureprovisoire. La Ministre a choisi de neplus autoriser le parquet à prendre cegenre de mesure. Tant que le jeune n'estpas déféré à la justice, le parquet nepeut pas intervenir de cette façon. LaMinistre a toutefois tenu compte de lademande générale des tribunaux de lesautoriser à imposer pareilles mesures.L'objectif est bien entendu de pouvoirintervenir aussi vite que possible et dedéterminer rapidement, en termes nuan-cés, ce qui est plus approprié pour lemineur concerné. Les tribunaux serontdonc autorisés à ordonner des presta-tions d'intérêt général ne pouvant pasdépasser trente heures. De telles mesu-res ont l'avantage de responsabiliser lejeune. Le juge devra alors décider si lamesure en question peut être convertieadéquatement en mesure définitive (127).Le terme «investigation» n'a même plusété utilisé pour justifier la mesure… Lamesse était dite.

3. Le placement provisoireen I.P.P.J.

Pour la clarté, il convient de distinguerles placements provisoires en I.P.P.J. àrégime éducatif ouvert et à régime édu-catif fermé.

a) Le placement provisoire enI.P.P.J. en régime éducatifouvert

À l'exception du sursis, toutes les rè-gles examinées ci-dessus concernant leplacement en I.P.P.J. à régime éducatifouvert à titre de mesure au fond s'appli-quent lorsque la mesure est ordonnée àtitre provisoire.

Le législateur a apporté une modifica-tion relative à la durée de l'interdictionde communiquer qui peut être imposéeau mineur placé en I.P.P.J. Celle-ci a étéréduite d'un délai renouvelable de30 jours à celui de 3 jours civilsrenouvelable (art. 52, al. 8). Il a ainsiété aligné sur le délai de mise au secretqui peut être prononcé à l'égard des per-sonnes placées sous mandat d'arrêt maisqui, quant à lui, n'est pas renouvelable.

b) Le placement provisoire enI.P.P.J. en régime éducatiffermé

Pour le placement provisoire en I.P.P.J.à régime éducatif fermé, il convient dese référer à toutes les règles applicableslorsque la mesure est ordonnée à titrede mesure au fond ainsi qu'à ce qui vientd'être souligné pour le placement pro-visoire en I.P.P.J. à régime éducatifouvert concernant l'interdiction de com-muniquer.

Toutefois, le placement provisoire enI.P.P.J. à régime fermé fait l'objet d'unedisposition particulière, l 'article 52quater, qui apporte certaines déroga-tions au régime applicable à la mesurelorsqu'elle est prononcée au fond. Cetarticle a été introduit dans la loi du8 avril 1965 lors de la réforme de 1994.Il a été maintenu par le législateur de2006 qui n'y a apporté que des modifi-cations concernant les conditions d'ac-cès. Il faut cependant souligner que lesanciennes dispositions peuvent parfoissoit modifier les règles nouvelles quisont de mises lorsque la mesure est ap-pliquée au fond (p. ex. en matière dedurée), soit les compléter (p. ex. l'inter-diction de sortie).

Un placement provisoire en régime édu-catif fermé ne peut être ordonné que si

(122) Commentaire des articles, Doc. parl., Chambre, sess. 2004-2005, n° 51 1467/001, p. 49. Dans le même sens,voy. Rapport de la Commission de la Justice de la Chambre, Doc. parl., Chambre, sess. 2004-2005, n° 51 1467/012, p. 61.

(123) Commentaire des articles, Doc. parl., Chambre, sess. 2004-2005, n° 51 1467/001, p. 49.

(124) Ibidem. Dans le même sens, voy. Ann. parl., Sénat, sess. 2004-2005, séance du 30 mars 2006 matin, p. 20.

(125) Voy. Rapport de la Commission de la Justice de la Chambre, Doc. parl., Chambre, sess. 2004-2005, n° 51 1467/012, p. 61; Ann. parl., Sénat, sess. 2004-2005, séance du 30 mars 2006 matin, p. 18.

(126) Rapport de la Commission de la Justice de la Chambre, Doc. parl., Chambre, sess. 2004-2005, n° 51 1467/012,p. 134.

(127) Rapport de la Commission de la Justice du Sénat, Doc. parl., Sénat, sess. 2005-2006, n° 3-1312/7, p. 55.

La présomption d'innocence a été sacrifiéesur l'autel de la nécessité

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35JDJ n°260 - décembre 2006

les conditions de l'une des deux hypo-thèses visées par l'article 37, § quater,alinéas 2 et 3 sont remplies (voy. su-pra).

Quelle que soit cette hypothèse, il faut,en outre, que, cumulativement (128), lestrois conditions suivantes soient réu-nies :

1. il doit exister des indices sérieux deculpabilité;

2. le jeune doit avoir un comportementdangereux pour lui-même ou pourautrui;

3. il doit exister de sérieuses raisons decraindre que le jeune, s'il était remisen liberté, commette de nouveauxcrimes ou délits, se soustraie à l'ac-tion de la justice, tente de faire dis-paraître des preuves ou entre en col-lusion avec des tiers.

Lors des travaux parlementaires, deuxprécisions ont été apportées qui présen-tent une certaine importance quant àl'application de ces conditions. D'unepart, il y a lieu de noter que la notionde mauvaise conduite persistante a étéabandonnée. Seule la commission d'unfait qualifié infraction qui présente uncaractère grave peut entraîner un pla-cement en régime éducatif fermé. Or, lanotion de mauvaise conduite persistanterecouvre des comportements qui ne sontpas nécessairement liés à la commissiond'un fait qualifié infraction. Elle ne pré-sente, en conséquence, pas de garantiesuffisante pour les jeunes concer-nés (129). D'autre part, seul le fait pourlequel le mineur est amené devant lejuge de la jeunesse doit être pris en con-sidération pour l'examen des conditionsau placement provisoire. Ainsi, les an-técédents ne peuvent justifier le place-ment provisoire en régime éducatiffermé si le fait pour lequel le mineurest amené devant le juge ne répond pasaux conditions fixées à l'article 37,§ 2quater, alinéa 2. Il s'agit ici d'uneconséquence de l'abandon de la notionde mauvaise conduite persistante (130).

Il a été précisé que l'objectif de la mo-dification vise à augmenter les garan-ties juridiques des jeunes concernés parde telles mesures (131). Toutefois, cesnouvelles conditions s'apparentent trèsclairement à celles qui sont d'applica-

tion en matière de détention préventive,ce qui peut laisser craindre une appli-cation de la mesure dans une logiqueplus pénale.

Quant à la durée de la mesure, le texten'a pas été modifié. Elle peut être or-donnée pour une période de trois moisau plus (art. 52quater, al. 1er). Cette pé-riode de trois mois est renouvelable unefois (art. 52quater, al. 3). Ensuite, le pla-cement peut être confirmé de mois enmois en raison de circonstances graveset exceptionnelles se rattachant aux exi-gences de la sécurité publique ou pro-pres à la personnalité de l'intéressé, etqui nécessitent le maintien de ces me-sures (art. 52quater, al. 4).

Par contre, le législateur a introduit unenouveauté en permettant au mineur quifait l'objet d'une mesure de placementprovisoire en I.P.P.J. à régime éducatiffermé, de même qu'à ses parents, à sontuteur, ou aux personnes qui ont sa gardeen droit ou en fait de demander, par re-quête motivée, la révision du placementaprès un délai d'un mois à dater du jouroù la décision est devenue définitive.La loi précise que le juge entend le jeuneet ses représentants légaux. Le requé-rant ne peut pas introduire une nouvellerequête portant sur le même objet avantl'expiration d'un délai d'un mois à daterde la dernière décision de rejet de sademande. Par contre, une autre personnelégalement admise à déposer une re-quête peut saisir le juge de la jeunesseavant la fin de ce délai. La circulaire du28 septembre 2006 souligne que cettedisposition a été adoptée pour mettre ledroit interne en concordance avec l'ar-ticle 37 de la Convention relative auxdroits de l'enfant (132).

4. Le placement provisoireen centre fédéral fermé

Les auteurs de la réforme ont maintenula loi du 1er mars 2002 relative au pla-

cement provisoire de mineurs ayantcommis un fait qualifié infraction.

Hormis des adaptations textuelles liéesau changement d'intitulé de la loi du8 avril 1965, la seule modification subs-tantielle que le législateur a apportée àce texte est le remplacement de la con-dition visée à l'article 3, alinéa 1er, 2° envue de restreindre les mineurs pouvantfaire l'objet d'un placement dans le cen-tre.

Auparavant, le centre pouvait recevoirdes mineurs âgés de plus de 14 ans quiétaient poursuivis pour avoir commis unfait qualifié infraction de nature, s'il étaitmajeur, à entraîner soit une peine de ré-clusion de cinq ans à dix ans ou unepeine plus lourde, soit une peine d'em-prisonnement correctionnel principald'un an ou une peine plus lourde si elleavait précédemment fait l'objet d'unemesure définitive du tribunal de la jeu-nesse en raison d'un fait qualifié infrac-tion puni de la même peine.

Depuis la réforme, le mineur âgé de plusde 14 ans ne peut plus être placé dansle centre que si le fait qualifié infrac-tion pour lequel il est poursuivi est denature, s'il était majeur, à entraîner unepeine de réclusion de cinq ans à dix ansou une peine plus lourde.

Section 7.-Les nouvellesdispositionsrelatives à laprocédure

A. La communication desdécisions et les mentionsqui doivent y être insérées

Plusieurs nouvelles dispositions ontpour objet la communication des déci-

(128) Commentaire des articles, Doc. parl., Chambre, sess. 2004-2005, n° 51 1467/001, p. 51. Les placements provi-soires en régime éducatif fermé doivent respecter les conditions de placement visées à l'article 37, § 2quater.

(129) Ibidem.

(130) Ibidem.

(131) Ibidem.

(132) Circulaire du 28 septembre 2006 n° 1/2006 relative aux lois des 15 mai 2006 et 13 juin 2006 modifiant lalégislation relative à la protection de la jeunesse et la prise en charge de mineurs ayant commis un fait qualifiéinfraction, M.B. du 29 septembre 2006, p. 50808.

Possibilité de demander la révision du placement provisoire enI.P.P.J. à régime éducatif fermé après un délai d'un mois

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sions rendues par le juge de la jeunesseou le tribunal de la jeunesse. De ma-nière générale, il faut se féliciter de cettevolonté de communiquer les décisionstant aux parties qu'au conseil du mineur.Toutefois, comme on le verra, le sys-tème gagnerait à être étendu à toutes lesparties et aux conseils de chacune decelle-ci. À l'époque de la photocopie,de la télécopie et de l'informatique, dansune société où l'écrit prédomine, il est,en effet, regrettable que la procédurepénale n'ait pas généralisé la communi-cation des décisions dans toutes les pro-cédures qu'elles soient relatives aux mi-neurs ou aux majeurs.

Certaines de ces dispositions traitent dela communication des décisions à l'avo-cat du mineur (1). D'autres traitent dela communication des dispositions auxparties (2).

Enfin, le législateur a également imposéque le texte des décisions contienne desmentions relatives aux voies de recours(3).

1. La communicationdes décisions à l'avocatdu mineur

L'article 10 dispose que toute décision,qu'il s'agisse d'une mesure provisoire oud'une mesure sur le fond, prise par lejuge de la jeunesse ou le tribunal de lajeunesse, en première instance ou endegré d'appel, est, par les soins du gref-fier, transmise le jour même de la déci-sion par simple copie à l'avocat du mi-neur.

Depuis le 16 octobre 2006, le greffe doitdonc envoyer, le jour même, à l'avocatdu mineur, une copie de la décision qu'ils'agisse d'une ordonnance, d'un juge-ment ou d'un arrêt. Sans doute, peut-onsaluer cette initiative du législateur quiaidera sensiblement la défense des mi-neurs. Toutefois, on peut regretter queles conseils des autres parties ne soientpas mis sur pied d'égalité et qu'ils nepuissent pas bénéficier de cette facilité.

Par ailleurs, s'agissant d'une règle deprocédure, cette disposition s'appliqueégalement dans les procédures fondéessur les décrets communautaires et dansles procédures civiles où le mineur est

partie à la procédure comme, par exem-ple, lorsqu'il fait intervention volontaire.

Cette formalité n'est pas prévue à peinede nullité. Toutefois, son inobservationpeut constituer une violation des droitsde la défense.

Par ailleurs, le législateur a complétél'article 52ter, alinéa 4 en indiquant que,dorénavant, une copie de l'ordonnancestatuant sur une demande de provisoiredoit être remise à l'avocat du mineuraprès l'audition de celui-ci commec'était déjà le cas, avant la réforme, pourle mineur, ses parents, son tuteur ou lespersonnes qui ont la garde. Si la remisen'a pas eu lieu, la copie de l'ordonnancedoit être envoyée par pli judiciaire.

Pour les ordonnances de mesures pro-visoires, il y a donc une certaine con-tradiction entre l'article 10 et l'article 52ter, alinéa 4. L'article 10 impose augreffe de toujours envoyer une copiesimple de l'ordonnance à l'avocat. Il fixele moment de l'envoi (le jour où la dé-cision est prise) mais pas le mode d'en-voi. Si on pense de suite à l'envoi pos-tal ordinaire, rien ne semble s'opposerà ce que la copie simple soit communi-quée par télécopie. À l'inverse, l'article52 ter, alinéa 4 institue comme règle laremise en main propre. À défaut, il im-pose de recourir à la voie du pli judi-ciaire. L'essentiel est, évidemment, quel'avocat du mineur reçoive une copie dela décision. Dans ces conditions, s'il areçu une copie de l'ordonnance en mainpropre, il ne pourra pas déduire un griefdu fait qu'une copie ne lui a pas été en-voyée le jour même. De la même ma-nière, si l'avocat a reçu une copie de ladécision par courrier ordinaire ou partélécopie, il ne pourra tirer aucun griefdu fait de ne pas l'avoir reçu par pli ju-diciaire (133).

Le pli judiciaire s'imposait à l'égard desparties puisque l'article 52ter, alinéa 4fait courir le délai d'appel à dater du jouroù la partie concernée a eu connaissancede la notification de la décision. Par con-

tre, l'avocat n'est pas une partie à lacause. La notification du pli judiciaireà sa personne ne fait donc courir aucundélai.

2. La communication desdécisions à certaines parties

Comme rappelé ci-dessus, l'article52ter, alinéa 4 organisait déjà la com-munication des ordonnances de mesu-res provisoires aux parties. Ce systèmeest maintenu. La nouveauté concerne lacommunication des jugements et desarrêts rendus au fond.

L'article 61bis dispose qu'une copie desjugements et arrêts rendus en audiencepublique est transmise directement, lorsdu prononcé de ces décisions, au jeunede douze ans ou plus et à ses père etmère, tuteurs ou personnes qui ont lagarde en droit ou en fait de l'intéressé,s'ils sont présents à l'audience. Au casoù cette remise n'a pu avoir lieu, la dé-cision est notifiée par pli judiciaire.

Il faut observer que toutes les partiesne bénéficient pas de cette facilité. C'estle cas du mineur de moins de 12 ans.Or, il est partie à la procédure (134).Même si le ministère public n'est pascontraint de le convoquer, il peut choi-sir de comparaître. S'il est présent àl'audience, pourquoi ne pourrait-il pasavoir une copie de la décision ? Les vic-times sont également privées de cettefacilité et elles devront donc payer desdroits de greffe si elles commandent unecopie. Les principes de non discrimi-nation et d'égalité des armes justifie-raient qu'une copie de la décision leursoit adressée comme aux autres parties.Par contre, la famille d'accueil, qui doitmaintenant être citée à l'audience(art. 46) rentre dans la catégorie despersonnes qui ont la garde en droit ouen fait du jeune et, à ce titre, reçoit unecopie.

Cette disposition s'applique égalementaux jugements et arrêts rendus dans les

(133) Il faut d'ailleurs observer que la voie du pli judiciaire n'est pas nécessairement la plus pratique pour l'avocatqui risque bien souvent de devoir se rendre au bureau de poste pour aller retirer le pli qui aura été présenté enson absence à son adresse.

(134) Sur cette question, voy. Fr. Tulkens et Th. Moreau, Le droit de la jeunesse en Belgique. Aide, assistance etprotection, op. cit., p. 719.

Communication des différentes décisions

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procédures fondées sur les dispositionscommunautaires et dans les procéduresciviles.

Concernant les procédures civiles et lesprocédures fondées sur les décrets com-munautaires qui suivent les règles deprocédure civile, telle la procédure fon-dée sur l'article 37 du décret du 4 mars1991, la notification par pli judiciairepeut avoir un effet auquel n'avait mani-festement pas pensé le législateur en cequ'elle modifierait le jour à dater duqueldébute le délai d'appel (135). En effet,auparavant, le point de départ de ce dé-lai était le jour de la signification du ju-gement par huissier de justice. La ques-tion qui se pose, aujourd'hui, est de sa-voir si le délai ne débute pas, confor-mément au nouvel article 53bis du Codejudiciaire, le premier jour qui suit celuioù le pli a été présenté au domicile dudestinataire, ou, le cas échéant, à sa ré-sidence ou à son domicile élu.

Quelles sont les données du problème ?La loi du 8 avril 1965 ne contientaucune disposition concernant le délaid'appel relatif aux décisions civiles. Ilfaut donc s'en référer au Code judiciairedont l'article 1051 dispose que le délaipour interjeter appel est d'un mois àpartir de la signification du jugementou de la notification de celui-ci faiteconformément à l'article 792, alinéas 2et 3. Or l'article 792, alinéa 2 du Codejudiciaire ne vise que les matières re-prises à l'article 704, alinéa 1er ainsique la matière de l'adoption. L'arti-cle 704 concerne l'introduction des pro-cédures par voie de requête et renvoieaux articles 508/16, 580, 2° et 3° et 6°à 11°, 581,1°, 582, 1°et 2° et 583 duCode judiciaire qui concernent l'aidejuridique et les matières de la compé-tence du tribunal du travail. Il n'est viséaucune disposition qui traite de la com-pétence du tribunal de la jeunesse et onpourrait en conclure que c'est toujoursla signification du jugement qui faitcourir le délai d'appel.

Toutefois, la jurisprudence de la Courde cassation est de nature à remettre enquestion cette position. En effet, à pro-pos de l'article 57 du Code judiciaire envertu duquel le délai d'opposition, d'ap-pel et de pourvoi en cassation court àpartir de la signification de la décision,

à moins que la loi n'en ait disposé autre-ment, la Cour a décidé qu'il n'était pasnécessaire que la disposition dérogatoiredont il réserve l'application soit ex-presse. Il suffit, pour la Cour decassation, que la dérogation puisse sedéduire des dispositions légales appli-cables à la procédure en cause (136). Il sepourrait donc qu'un jour la jurispru-dence considère que compte tenu du«contexte» et des intentions qui ont pré-sidé à l'insertion de l'article 61bis, c'estla notification visée par ce texte et nonla signification qui détermine le pointde départ du délai d'appel.

3. Les mentions relatives auxvoies de recours

Le législateur a complété l'article 52,alinéa 4 en y insérant une phrase quidispose que, dorénavant, la copie de l'or-donnance de mesure provisoire qui esttransmise aux parties et à l'avocat dumineur doit indiquer les voies de re-cours ouvertes contre celle-ci ainsi queles formes et délais à respecter.

Par ailleurs, l'article 61bis, alinéa 2 dis-pose que la copie des jugements et ar-rêts indique les voies de recours ouver-tes contre ceux-ci ainsi que les formeset délais à respecter.

Une fois encore, il faut encourager cetteinitiative du législateur dans la mesureoù elle participe à l'amélioration de l'ac-cès à la justice. On suppose que les co-pies «payantes» des décisions qui se-ront délivrées par le greffe aux partiesqui ne bénéficient pas de la facilité derecevoir une copie contiendront égale-ment ces mentions. À défaut, cela neferait qu'aggraver la discrimination dansla mesure où certaines parties rece-vraient une information officielle con-cernant les voies de recours et la ma-nière de les introduire alors que d'autresen seraient privées.

S'agissant de règles de procédure, cesdispositions s'appliquent égalementdans les procédures fondées sur les dis-positions communautaires et dans lesprocédures civiles. Compte tenu de cequi vient d'être exposé à propos de ladétermination du point de départ du dé-lai d'appel dans les procédures civilesen cas de notification par pli judiciaireet de l'incertitude qui entoure cette ques-tion, les magistrats et les greffiers setrouvent dans une position délicate etpourraient éventuellement engager laresponsabilité de l'État. En effet, s'ilsindiquent sur la copie des jugements ci-vils que le délai court à partir du jourde la signification alors que, par la suite,la jurisprudence retient la date fixée enfonction de la notification, il se pour-rait que des justiciables croient, en toutebonne foi, bénéficier d'un délai pluslong qu'il n'en dispose en réalité, lais-sent s'écouler le délai et perdent ainsitoute possibilité d'encore introduire unrecours. Par contre, s'ils indiquent quele délai court en fonction de la notifica-tion et que, par la suite, la jurisprudencedécide qu'il court à dater de la signifi-cation, certaines parties prendront peut-être des dispositions (p. ex. exécutionforcée) en fonction du caractère défini-tif qu'elles croient être acquis, choix quirisque toutefois, par après, de se retour-ner contre elles.

B. L'information par lefonctionnaire de police au

moment de l'arrestation

L'article 48bis, § 1er dispose que lors-qu'un mineur est privé de sa liberté suiteà son arrestation ou a été mis en libertécontre la promesse de comparaître oula signature d'un engagement, le fonc-tionnaire de police responsable de saprivation de liberté doit, dans lesmeilleurs délais, donner ou faire don-

(135) À propos de cette question, je tiens à remercier le Professeur Jean-François van Drooghenbroeck pour sesconseils éclairés et pour les références qu'il m'a fournies. Ce qui suit lui doit beaucoup. Je tiens également àremercier l'Avocat général Pierre Rans pour les échanges très instructifs que nous avons eu au sujet de cettequestion.

(136) Cass., 22 mars 2004, Pas., 2004, I, p. 492; Cass., 10 mars 2003, Pas., 2003, p. 504; Cass., 28 février 2002,Pas., 2002, p. 606 et les conclusions de M. l'avocat général Bresseleers; Cass., 12 février 2001, Pas., 2001, I,p. 258; Cass., 3 septembre 1999, Pas., 1999, II, p. 1070; Cass., 22 novembre 1996, Pas., 1996, I, p. 1148;Cass., 26 mai 1994, Pas., 1994, I, p. 515. Sur cette jurisprudence, voy. G. Closset-Marchal, J.-Fr. vanDrooghenbroeck, A. Decroes et S. Uhlig, «Examen de jurisprudence (1995-2005). Droit judiciaire privé. Lesvoues de recours», R.C.J.B., 2006, p. 205, n° 179 et n° 320.

La copie de l'ordonnance de mesure provisoire transmise doitindiquer les voies de recours, les formes et délais à respecter

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ner au père et mère du mineur, à sontuteur ou aux personnes qui en ont lagarde en droit ou en fait, une informa-tion orale ou écrite de l'arrestation, deses motifs et du lieu dans lequel le mi-neur est retenu. Si le mineur est marié,l'avis doit être donné à son conjoint plu-tôt qu'aux personnes susvisées.

Cette disposition participe au projet dulégislateur de faire des parents les pre-miers partenaires actifs de l'éducationde leur enfant et de contraindre les ac-teurs de l'intervention judiciaire de pri-vilégier cette approche (137).

Ce texte soulève toutefois de nombreuxproblèmes.

Il vise deux situations : l'arrestation d'unmineur ou sa remise en liberté contre lapromesse de comparaître ou la signa-ture d'un engagement. Il n'est toutefoispas précisé sur quoi porterait cet enga-gement. On suppose qu'il s'agit d'un en-gagement écrit de donner suite à uneconvocation qui lui parviendrait ou dese rendre à une entrevue ou uneaudience de cabinet.

L'obligation de donner l'informationpèse sur le fonctionnaire de police res-ponsable de la privation de liberté dumineur. S'agit-il du policier qui a con-crètement arrêté le mineur, de l'officierde police judiciaire ou du policier res-ponsable du commissariat ? Ni la loi niles travaux parlementaires ne fournis-sent d'indication à ce propos. Ce fonc-tionnaire ne doit pas nécessairement lui-même donner l'information. La loi pré-voit qu'il peut la faire donner par quel-qu'un d'autre.

L'information peut être donnée par oralou par écrit. Aucune précision n'étantapportée par la loi ou les travaux pré-paratoires, on suppose que l'informationorale peut avoir lieu par téléphone, vi-site chez les parents, etc. et que l'infor-mation écrite peut se faire par téléco-pie, e-mail ou la poste, même si ce der-nier procédé risque d'avoir pour effetque l'information parvienne fort tardi-vement. L'information orale peut poserun problème de preuve. Il peut s'avérerutile de la confirmer par un écrit.

Les personnes qui doivent recevoir l'in-formation sont soit les représentants lé-gaux du mineur (parents ou tuteur) soit

les personnes qui ont la garde en droitou en fait. Si le mineur est marié, l'in-formation doit être donnée au conjoint.Il semble, à la lecture du texte, que lelégislateur ait voulu que l'informationsoit fournie aux personnes avec qui lemineur vit concrètement.

Conformément au texte, l'obligationd'information porte sur le fait de l'ar-restation, sur ses motifs et sur le lieu dedétention. Il semble toutefois qu'envertu de l'article 48bis, § 2, le fonction-naire de police ait également pour mis-sion d'informer les diverses personnesdu moment de l'audience au tribunal dela jeunesse.

En effet, l'article 48bis, § 2 disposequ'au cas où l'avis n'a pas été donnéconformément au présent article etaucune des personnes auxquelles ilaurait pu être donné ne s'est présentéeau tribunal de la jeunesse saisi de l'af-faire, celui-ci peut soit ajourner l'affaireet ordonner qu'un avis soit donné à lapersonne qu'il désigne, soit traiter l'af-faire s'il estime qu'un tel avis n'est pasindispensable. Dans ce cas, il men-tionne, dans son jugement, les raisonsqui motivent sa décision.

Au regard de cette disposition, la règleest la suivante. Si l'avis a été donné etque personne ne se présente, le tribunalde la jeunesse peut statuer. Si, au con-traire, l'avis n'a pas été donné et que per-sonne ne se présente, le tribunal de lajeunesse a le choix : soit ajourner l'af-faire et faire donner un avis à la per-sonne qu'il désigne, soit traiter l'affaire.Dans ce dernier cas, il doit indiquer dansson jugement les raisons pour lesquel-les il n'a pas cru devoir ajourner lacause. Contrairement à la volonté du lé-gislateur, cette disposition n'offre doncaucune garantie sérieuse de faire desparents ou des responsables du mineurles premiers partenaires du travail dujuge puisque ce dernier peut se passerd'eux pour les raisons qu'il décide êtreconvenables.

Ce texte suscite une autre interrogationdans la mesure où le législateur a uti-lisé le terme jugement et non décisiondans la dernière phrase. S'agit-il d'une

erreur, le terme jugement devant s'en-tendre dans un sens générique et recou-vrant aussi bien les ordonnances et lesjugements ? Au contraire, s'agit-il d'unevolonté délibérée du législateur de li-miter l'application de cette dispositionaux procédures en audience publique ?Dans ce dernier cas, on aperçoit diffici-lement la pertinence de la disposition,ce texte paraissant plutôt concerner lapremière comparution en cabinet aprèsl'arrestation.

C. Les convocations par letribunal de la jeunesse

L'article 51, § 1er dispose que dès qu'ilest saisi d'un fait qualifié infraction, letribunal informe les personnes qui exer-cent l'autorité parentale à l'égard del'intéressé et, le cas échéant, les per-sonnes qui en ont la garde en droit ouen fait, ainsi que toutes les victimeséventuelles, en vue de leur permettred'être présents.

Ce texte se révèle fort obscur en raisonde deux difficultés qu'il soulève.

La première est relative aux personnesqui doivent être avisées. Pour une part,le texte est clair : il faut toujours infor-mer les titulaires de l'autorité parentaleet, en outre, s'il y en a, les gardiens endroit ou en fait du mineur. Mais la dif-ficulté réside dans l'obligation pour letribunal de la jeunesse d'informer tou-tes les victimes éventuelles. De quis'agit-il ? En effet, avant l'audience pu-blique, conformément à l'article 47, ilne peut pas y avoir de constitution departie civile. Comment, avant l'audiencepublique, le tribunal de la jeunesse peut-il décider qui est ou non victime sanspréjuger de la recevabilité des consti-tutions de partie civile futures ? Quelssont les critères sur lesquels il doit sefonder ? On se demande aussi commentil sera pratiquement possible pour lejuge de la jeunesse de contacter les vic-times avant la première audience decabinet, surtout si elle est fixée très peude temps après la saisine.

La seconde difficulté provient de l'ex-pression en vue de leur permettre d'être

(137) Ann. parl., Sénat, sess. 2004-2005, séance du 30 mars 2006 matin, p. 9.

Comment sera-t-il possible pour le juge de la jeunesse decontacter les victimes avant la première audience de cabinet ?

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présents. Le texte ne précise nullementà quelle audience les personnes infor-mées sont invitées à être présentes. Ilressort des travaux préparatoires, en cequi concerne les parents en tous cas, quele législateur a voulu contraindre le tri-bunal, dès le stade provisoire, de con-voquer les parents dès que le jeune con-cerné par un fait qualifié infraction luiest déféré. Il s'agit de garantir légale-ment, conformément à l'article 40 de laConvention internationale des Droits del'Enfant, la présence des parents austade provisoire (138). Il a encore été pré-cisé que l'intention était de permettreaux parents d'être intégralement infor-més de la procédure qui concerne leurenfant, et d'être entendus à cet égard.Ultérieurement, le tribunal garde la fa-culté de convoquer, en tout temps, lejeune et ses parents (139). Il semble doncqu'il faille en conclure que le tribunalde la jeunesse a l'obligation, dès sa sai-sine, de convoquer les titulaires del'autorité parentale, les gardiens en droitou en fait et les victimes aux audiencesde cabinet. Si l'on peut comprendre larègle pour les titulaires de l'autorité pa-rentale qui sont parties à la procéduredès la saisine du tribunal, on la com-prend bien moins pour les victimes quine sont pas parties à la cause à ce stadede la procédure où il n'est d'ailleurs pasdébattu des faits ou des dommages. El-les ne pourront donc pas y prendre laparole et devront se contenter d'être pré-sentes et écouter.Le nouveau paragraphe 2 de l'article 51reprend, en partie, le texte de l'ancienneversion de l'article 51 et dispose que letribunal de la jeunesse, une fois saisi,peut en tout temps convoquer l'inté-ressé, les parents, tuteurs, personnes quien ont la garde, ainsi que toute autrepersonne, sans préjudice de l'arti-cle 458 du Code pénal, de l'article 156du Code d'instruction criminelle et del'article 931 du Code judiciaire. L'audi-tion de ces personnes constitue unemesure d'investigation et doit être dis-tinguée de la comparution en audiencede cabinet en vue de débattre d'unemesure provisoire. Toutefois, en prati-que, en ce qui concerne le mineur et sesparents, les deux types d'audition ontsouvent lieu simultanément lors de lamême audience.

La nouveauté réside au niveau de lapeine qui peut être prononcée par le tri-bunal de la jeunesse en cas de non com-parution sans justification. D'un côté, letribunal de la jeunesse n'a plus la facultéde prononcer une peine d'emprisonne-ment et il ne peut plus prononcer qu'unepeine d'amende (1 à 150 ). De l'autre,le législateur a réduit le champ des per-sonnes pouvant faire l'objet de la con-damnation. Il s'agit du jeune et des titu-laires de l'autorité parentale alorsqu'avant la réforme il s'agissait du jeuneet des personnes qui avaient sa garde.

En outre, le législateur a introduit, à l'ar-ticle 51, § 2, alinéa 4 la possibilité pourle tribunal de la jeunesse de rapporterla peine prononcée. Les personnes vi-sées à l'alinéa 3 qui ont été condamnéesà une amende et qui, sur une secondeinvitation à comparaître, produisent de-vant le juge de la jeunesse ou le tribu-nal de la jeunesse des excuses légitimes,peuvent, sur avis du ministère public,être déchargées de l'amende. Lors destravaux parlementaires, il a été préciséque le juge n'est en aucun cas obligéd'inviter les parents à comparaître uneseconde fois, lorsqu'il leur impose uneamende. Il existe deux cas de figure.Dans un premier cas, les parents sevoient infliger une amende, mais le ma-gistrat veut reconvoquer pour uneaudience à nouveau avec les parents.Lors de cette audience, si les parentsou assimilés présentent des excuses, lemagistrat peut lever l'amende. Dans lesecond cas, le juge attend la phase dé-finitive lors de laquelle le tribunal in-vite à nouveau les parents, qui peuventlà aussi s'excuser (140) . À la questiond'un parlementaire qui se demandait si,dans l'hypothèse où un parent avait uneexcuse pour ne pas venir à la secondecomparution alors qu'il a fait l'objetd'une amende pour ne pas être venu àla première comparution, celui-ci pou-vait présenter des excuses a posteriori,la ministre a répondu par l'affirma-

tive (141). Par ailleurs, il faut relever quele tribunal de la jeunesse ne peut rap-porter l'amende qu'après avoir obtenul'avis du ministère public. Il n'est pasprécisé si, pour ce faire, le parquet doitêtre présent à l'audience de cabinet ousi, au contraire, il peut donner un avisécrit.

D. La présence de l'avocatdu mineur devant le juge

d'instruction

Le législateur a voulu mettre la loi enconcordance avec l'arrêt n° 184/2004 dela Cour d'arbitrage du 16 novembre2004 qui conclu à une violation des ar-ticles 10 et 11 de la Constitution par lesarticles 49 et 52ter de la loi du 8 avril1965, en ce que l'assistance obligatoired'un avocat n'y était pas prévue pour unmineur comparaissant en urgence de-vant le juge d'instruction.

Trois phrases ont été rajoutées à l'arti-cle 49, alinéa 2 : L'intéressé a droit àl'assistance d'un avocat, lors de toutecomparution devant le juge d'instruc-tion. Cet avocat est désigné, le caséchéant, conformément à l'article 54bis.Le juge d'instruction peut néanmoinsavoir un entretien particulier avec l'in-téressé. Si la première constitue une for-midable avancée qui devrait pouvoirêtre étendue à la justice des adultes, ladernière ne manque pas d'interpeller.Elle est manifestement inspirée del'article 52ter, alinéa 2 qui confère lamême faculté au tribunal de la jeunesse.Toutefois, le juge de la jeunesse n'estpas un juge d'instruction alors que,quand il remplace en urgence le jugede la jeunesse, le juge d'instructiongarde sa qualité. Par conséquent, si, lorsde l'entretien particulier avec le juged'instruction, le jeune s'exprime sur lesfaits ou passe aux aveux, le juge d'ins-truction doit nécessairement acter sespropos et ces déclarations auront juri-diquement bien plus de poids que si el-

(138) Exposé des motifs, Doc. parl., Chambre, sess. 2004-2005, n° 51 1467/001, p. 19. Auparavant, la convocationdes parents par le juge de la jeunesse durant la phase préparatoire était facultative.

(139) Commentaire des articles, Doc. parl., Chambre, sess. 2004-2005, n° 51 1467/001, p. 48.

(140) Rapport de la Commission de la Justice de la Chambre, Doc. parl., Chambre, sess. 2004-2005, n° 51 1467/012,p. 133.

(141) Ibidem.

Le tribunal de la jeunesse ne peut rapporter l'amendequ'après avoir obtenu l'avis du ministère public

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les avaient été reçues par le tribunal dela jeunesse.

Il faut, enfin, observer que le juge d'ins-truction ne doit communiquer sa déci-sion ni aux parties ni à l'avocat du mi-neur. Il ne doit pas non plus convoquerles parents. Il reste donc des différen-ces sensibles entre l'intervention du jugede la jeunesse et celle du juge d'instruc-tion sur le plan procédural.

E. Les familles d'accueildoivent être mises

à la cause

Le législateur a modifié l'article 46, ali-néa 1er en indiquant qu'il devait être con-voqué à l'audience publique par citationà la requête du ministère public ou paravertissement donné par lui. L'intentiondu législateur a été de mettre la loi enconformité avec l'arrêt 122/98 de laCour d'arbitrage du 3 décembre 1998qui a conclu à une violation des arti-cles 10 et 11 de la Constitution par lesarticles 46 et 62 de la loi du 8 avril 1965dans la mesure où la convocation desparents d'accueil n'était pas prévue (142).

Il faut observer que cette dispositions'applique également aux procéduresfondées sur les décrets communautai-res qui sont introduites par le ministèrepublic.

Enfin, l'exposé des motifs précise qu'ilconvient d'entendre par «parents d'ac-cueil», les personnes à qui a été confiél'hébergement d'un mineur, soit par lesparents de celui-ci, soit par toute auto-rité de placement, qu'elle soit publiqueou privée agréée (143). La définition re-tenue est donc fort large. En outre, ilsera parfois délicat d'apprécier dansquelle mesure une personne qui assuredirectement à la demande des parentsl'hébergement d'un mineur est ou nonune famille d'accueil. Comment distin-guer un accueil au sens de la loi d'undépannage ? Pour qu'il soit questiond'accueil, faut-il un hébergement con-tinu ou bien un hébergement intermit-tent, combiné, par exemple, avec un hé-bergement en internat ou en institution,est-il suffisant ? Pour tenter de répon-dre à ces questions il peut être utile dese référer à la notion de vie familialetelle qu'elle est comprise dans la juris-

prudence de la Cour européenne desdroits de l'homme et sur laquelle la Courd'arbitrage s'est appuyée en 1998 pourreconnaître aux familles d'accueil l'ac-cès à l'audience publique (144).

F. Les nouvellesdispositions relatives

aux intérêts civils

L'ancienne version de l'article 61 dis-posait que dans le cas où le fait qualifiéinfraction est déclaré établi, le tribunalde la jeunesse saisi de l'action civile sta-tue sur cette action en même temps qu'ilstatue au protectionnel. Depuis la ré-forme, il peut également choisir d'en re-porter l'examen à une date ultérieure.

Beaucoup plus innovantes sont les nou-velles règles prévues aux alinéas 4 à 6de l'article 61 :

La victime peut se désister de toute ac-tion qui découle du fait qualifié infrac-tion, notamment lorsque l'auteur ou lesauteurs au profit duquel ou desquels lavictime se désiste, collabore ou colla-borent à une offre restauratrice.

La victime mentionne explicitementdans l'accord auquel aboutit l'approcherestauratrice, le ou les auteurs qui a ouont collaboré à une offre restauratrice,auxquels s'applique le désistement d'ac-tion visé au quatrième alinéa.

Le désistement d'action tel que visé àl'alinéa 4 implique automatiquementque ce désistement vaut également àl'égard de toutes les personnes qui soiten vertu de l'article 1384 du Code civil,soit en vertu d'une loi spéciale sont res-ponsables du dommage causé par le oules auteurs au profit duquel ou desquelsla victime se désiste.

Ce texte laisse entendre que ces règlesconcernent essentiellement l'hypothèse

où une offre restauratrice a abouti à uneproposition satisfaisante aux yeux de lavictime : La possibilité, prévue à l'arti-cle 61, alinéa 4 proposé, de renoncer àla solidarité ou de remettre la totalitéde la dette, vise à faire aboutir une mé-diation ou une concertation restaura-trice en groupe entre la victime et lejeune (145). Toutefois, comme en témoi-gnent, d'une part, l'utilisation du termenotamment à l'alinéa 4 et, d'autre part,l'entrée en vigueur de cette dispositionà l'inverse de celles qui concernent lesoffres restauratrices, elles ne sont pasexclusivement limitées à cette hypo-thèse et la victime peut choisir de sedésister de son action civile pour uneautre raison.

Lorsque l'infraction a été commise parplusieurs personnes, la victime peut sedésister de son action à l'égard d'unauteur et la maintenir à l'égard desautres (146). Dans ce cas, elle doit indi-quer explicitement les auteurs à l'égarddesquels elle se désiste (al. 5). Cette dis-position est donc une dérogation légaleà l'article 1285 du Code civil (147).

Lors des travaux parlementaires, il a étéprécisé que la victime pouvait renoncerà son action civile à tout moment lorsde la procédure (148).

Il semble que la victime peut renoncersous condition à son action civile : Quese passe-t-il, par exemple, si, après unmois, le mineur ne veut plus collaborerà la mesure restauratrice ? La ministrepense qu'une renonciation soumise àcondition est possible. Il est possibleque la médiation porte sur une série depoints dont l'exécution est étalée dansle temps. Il doit être possible de lier larenonciation partielle ou totale à la ré-clamation du dommage à l'exécutiondes différents engagements. En d'autrestermes, la renonciation pourrait être re-

(142) Exposé des motifs, Doc. parl., Chambre, sess. 2004-2005, n° 51 1467/001, p. 45.

(143) Ibidem.

(144) Sur cette notion, voy. notamment Th. Moreau, «Quelques apports de la jurisprudence de la Cour européenne àpropos des mineurs du danger», Actualités en droit de la jeunesse, sous la direction de Th. Moreau, vol. 81 10/2005 de la C.U.P., Bruxelles, Larcier, 2005, pp. 251-318.

(145) Rapport de la Commission de la Justice de la Chambre, Doc. parl., Chambre, sess. 2004-2005, n° 51 1467/012,p. 150.

(146) Ibidem.

(147) Ibidem, p. 153.

(148) Ibidem.

Comment distinguer un accueil au sens de la loid'un dépannage ?

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mise en cause si l'exécution n'est pasconforme à la médiation (149).

Enfin, toujours selon les travaux parle-mentaires, la renonciation disparaît dansl'hypothèse où le juge met fin à l'offrerestauratrice même en raison de l'atti-tude de la victime : Si la victime ne col-labore pas à la mesure restauratrice, lejuge peut toujours retirer cette mesureau profit d'une autre, dans le cadre desdispositions en matière de révision tel-les que reprises à l'article 60 de la loidu 8 avril 1965. Dans pareil cas, celamet également un terme à la médiationet, par voie de conséquence, à la renon-ciation faite par la victime (150).

Section 8.-Le mineur délinquantmalade mental ousouffrant de troublesmentaux

Le législateur a profondément remaniéle régime applicable au mineur délin-quant malade mental ou souffrant detroubles mentaux.

D'une part, des nouvelles mesures ontété instituées à l'article 37, § 2. Il s'agitnotamment du traitement ambulatoirepsychologique ou psychiatrique (5°), duplacement hospitalier (9°) et du place-ment dans la section ouverte ou dans lasection fermée d'un servicepédopsychiatrique pour autant qu'unrapport pédopsychiatrique datant demoins d'un mois établisse que le jeunesouffre d'un trouble mental qui affectegravement sa faculté de jugement ou sacapacité à contrôler ses actes, sachant,en outre, que le placement en sectionfermée n'est possible qu'en applicationde la loi du 26 juin 1990 relative à laprotection de la personne des maladesmentaux (11°).

Aucune de ces mesures n'est encore en-trée en vigueur et elles ne feront doncpas l'objet d'un examen détaillé.

D'autre part, le législateur a modifié l'ar-ticle 43 de la loi du 8 avril 1965 et plu-sieurs dispositions de la loi 26 juin 1990

relative à la protection de la personnedes malades mentaux. Conformément àl'article 43, alinéa 1er de la loi du 8 avril1965, le juge ou le tribunal de la jeu-nesse doit appliquer à l'égard des mi-neurs délinquants les dispositions de laloi du 8 avril 1965 tout en respectantcelles de la loi du 26 juin 1990 pour lesmesures qui le requièrent. Par consé-quent, le juge de la jeunesse qui sou-haite prendre une mesure de placementdans une section fermée d'une institu-tion psychiatrique à l'égard d'un jeuneayant commis un fait qualifié infractionqui souffre de déficience mentale nepeut le faire qu'en application de la loidu 26 juin 1990 relative à la protectionde la personne des malades mentaux.Dans ce cas, cette dernière loi primesur la loi du 8 avril 1965 (151).

Par ailleurs, l'article 1er, § 2 de la loi du26 juin 1990 dispose que, dorénavant,celle-ci est appliquée par le tribunal dela jeunesse à l'égard de tous les mineurs,qu'ils soient délinquants ou non, ainsiqu'à l'égard des jeunes majeurs qui fontl'objet d'une prolongation d'une mesurede la loi du 8 avril 1965 en applicationde l'article 37, § 3, alinéas 2 et 3 de cettemême loi.

Dérogeant ainsi au régime applicableaux adultes, l'article 22, alinéa 6 de laloi 26 juin 1990 impose au tribunal dela jeunesse de procéder, tous les six moisau moins, à la révision de la décisionde maintien d'un mineur (152). Le délaiest réduit à trois mois si la mesure cons-titue une mesure provisoire prise sur labase de l'article 52 de la loi du 8 avril1965 : Chaque placement en régimefermé doit trimestriellement faire l'ob-jet d'un rapport d'évaluation à l'égarddu tribunal de la jeunesse. Cette obli-gation concerne donc également les pla-cements en application de la loi du26 juin 1990 (153).

Concernant la fin des mesures qui relè-vent de la loi du 26 juin 1990 appliquéesà des mineurs qui étaient initialementcités devant le tribunal de la jeunessesur la base de l'article 36, 4° de la loidu 8 avril 1965, l'article 43, alinéa 2 dis-pose que la décision du médecin-chefde service de lever la mesure, prise con-formément à l'article 12, 3º, ou 19, dela loi du 26 juin 1990 n'est exécutéequ'après un délai de cinq jours ouvra-bles à compter du jour où le tribunal dela jeunesse en est informé. Dans ce dé-lai, et sans pouvoir le prolonger, le tri-bunal statue sur toute autre mesure vi-sée à l'article 37, qu'il juge utile. Lorsdes travaux parlementaires, il a été pré-cisé que lorsque le tribunal de la jeu-nesse est saisi en vue de prendre unemesure à l'égard d'un mineur ayantcommis un fait qualifié infraction, sonintervention ne peut, en la matière, selimiter à acter la fin de la mesure déci-dée par le médecin chef. Il doit pouvoir,le cas échéant aménager la sortie dujeune de l'institution. (…) Le délai desuspension de l'exécution de la mesurene peut dépasser cinq jours. Il est insti-tué pour que le juge puisse prendre lesmesures protectionnelles nécessaires.Le médecin chef de l'institution psychia-trique ne peut, en conséquence, mettresa décision en exécution avant que letribunal de la jeunesse ait pris sa déci-sion (154).

Section 9.- En guisede conclusion

Il est bien entendu trop tôt pour tirer unpremier bilan de la réforme, d'autantqu'elle n'est pas encore entièrement en-trée en vigueur. Comme annoncé, cettecontribution se voulait une présentation

(149) Rapport de la Commission de la Justice du Sénat, Doc. parl., Sénat, sess. 2005-2006, n° 3-1312/7, p. 66.

(150) Rapport de la Commission de la Justice de la Chambre, Doc. parl., Chambre, sess. 2004-2005, n° 51 1467/012,p. 152.

(151) Rapport de la Commission de la Justice de la Chambre, Doc. parl., Chambre, sess. 2004-2005, n° 51 1467/012,p. 34.

(152) Pour rappel, il s'agit de la décision qui est prise après la mise en observation.

(153) Commentaire des articles, Doc. parl., Chambre, sess. 2004-2005, n° 51 1467/001, p. 54.

(154) Rapport de la Commission de la Justice de la Chambre, Doc. parl., Chambre, sess. 2004-2005, n° 51 1467/012,pp. 42-43.

Procéder, tous les six mois au moins,à la révision de la décision de maintien d'un mineur

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et un premier commentaire des nou-veaux textes. On peut conclure quemême s'ils contiennent de bonnes cho-ses, ils suscitent surtout de nombreusesquestions. Celles-ci se situent tant auniveau de la philosophie qui sous-tendla réforme qu'au niveau de l'imprécisionqui entoure certains textes ou des diffi-cultés qu'occasionnera la mise en œuvrede plusieurs dispositions.

Au terme de cet examen, il apparaît en-core deux problèmes supplémentaires.

Le premier est la question des moyens.Le Conseil d'État a été le premier à met-tre en garde les auteurs de la réforme :Sur ce point, il faut toutefois soulignerque le projet prévoit une série de nou-velles mesures concernant les mineurset que la loi en projet aura pour effetque les communautés devront à leurtour prendre diverses mesures (aména-gement de structures) (…) Dans l'exer-cice de ses compétences, l'autorité fé-dérale doit néanmoins respecter le prin-cipe de proportionnalité. En vertu de ceprincipe, elle ne peut pas prendre demesures qui rendraient impossible ouexagérément difficile l'exercice, par lescommunautés, d'une politique spécifi-que dans le cadre de leurs propres com-pétences. Le Conseil d'État n'aperçoitpas dans quelle mesure les charges quirésultent pour les communautés de laloi en projet, restent dans les limites dela proportionnalité. Il lui faut dès lorsse limiter à formuler une réserve à cetégard. S'il devait s'avérer que la loi enprojet emporte des charges dispropor-tionnées pour les communautés, l'auto-rité fédérale serait incompétente pourédicter unilatéralement les mesures pro-jetées. Ces mesures devraient alors fairel'objet d'un accord de coopération avecles communautés (155). Par la suite, du-rant les débats parlementaires, plusieursdéputés et sénateurs ont relevé que laréforme ne pourrait être effective quesi des moyens conséquents y étaientconsacrés : Il faut éviter de voter untexte qui, faute de moyens, ne sera ja-mais effectif sur le terrain (…) La loid'avril 1965 sur la protection de la jeu-nesse a toujours été considérée commeune bonne législation mais sa mise enœuvre n'a jamais été pleinement réali-sée par manque de moyens (156).

Dans ces conditions, on peut se deman-der pourquoi, avant de voter la réforme,le législateur, en bon père de famille,n'a pas fait procéder à une évaluationde son coût afin de vérifier s'il dispo-sait du budget nécessaire pour la ren-dre pleinement effective.

Le second problème est la lisibilité dela loi. Il est stupéfiant que le problèmea été soulevé de manière très pertinentepar plusieurs parlementaires sans tou-tefois qu'il ait été jugé opportun d'y re-médier avant de voter la réforme. Unparlementaire a ainsi exprimé qu'à sonestime plusieurs articles sont incompré-hensibles, trop longs ou formulés dansun langage très complexe (157). Un autre,après avoir regretté que le texte soit de-venu fort illisible, a souligné que mêmedes avocats qui ont déjà pas mal d'ex-périence mais qui ne s'occupent passpécifiquement du droit de la jeunessedevront lire le texte deux ou trois foissans savoir encore avec certitude si cequ'ils demandent au tribunal est con-forme à la loi (158). Un autre encore asouligné que pour des jeunes à qui onveut envoyer un message, le texte esttrès difficile voire impossible à com-prendre et qu'un problème important decompréhension risque de se poser tantpour les acteurs que pour les jeunes oules familles, et qu'il y a urgence à ren-dre ces textes (…) compréhensibles etlisibles (159). La Ministre de la justiceelle-même a reconnu que le texte àl'examen n'est pas un modèle de lisibi-lité et qu'il est, en plus, fondamental queles jeunes qui sont concernés par cestextes doivent pouvoir les comprendreaisément (160).

Deux réflexions pour terminer.

D'une part, on peut mettre en doute laméthode qui a été suivie pour élaborerle projet qui a donné naissance à la ré-forme. La Ministre a fort insisté sur lesconcertations avec les acteurs de terrain,les autres départements ministériels etles communautés. Toutefois il apparaîtque les textes suscitent de nombreuxproblèmes pratiques ce qui permet depenser que soit ces concertations n'ontpas été assez approfondies, soit il n'apas été assez tenu compte de l'opiniondes acteurs de terrain, soit la politiquedu compromis pour contenter chacun aaccouché d'un texte finalement tropcomplexe au point d'en devenir parfoisimpraticable. On annonce maintenantune loi réparatrice. Gageons qu'elle seraélaborée dans d'autres conditions. Il ap-paraît crucial de prendre le temps de laréflexion et de ne pas légiférer dans l'ur-gence. À défaut, la réparation pourraitfaire pire que mieux.

D'autre part, au-delà des textes et desréformes, le plus essentiel dans la réac-tion sociale à la délinquance juvénileest la qualité humaine de ceux qui lamettent en œuvre, et ce à tous les ni-veaux de l'intervention. Comme cela atoujours été le cas dès qu'il est questionde prise en charge de jeunes, l'engage-ment et la responsabilité des acteursconcernés contribuent à pallier au man-que de moyens mis à leur disposition etaux imperfections du dispositif légal. Etfinalement, peut-être est-ce d'abordcette attitude d'un adulte qui se bat pourlui et non contre lui qui peut avoir unréel impact sur le jeune.

(155) Avis du Conseil d'État, Doc. parl., Chambre, sess. 2004-2005, n° 51 1467/001, p. 86.

(156) Rapport de la Commission de la Justice du Sénat, Doc. parl., Sénat, sess. 2005-2006, n° 3-1312/7, p. 74. Dansle même sens, voy. ibidem, p. 11. Voy. également Ann. parl., Sénat, sess. 2004-2005, séance du 30 mars 2006matin, p. 15.

(157) Rapport de la Commission de la Justice du Sénat, Doc. parl., Sénat, sess. 2005-2006, n° 3-1312/7, p. 14.

(158) Ann. parl., Sénat, sess. 2004-2005, séance du 30 mars 2006 matin, p. 20.

(159) Ibidem, p. 24.

(160) Rapport de la Commission de la Justice du Sénat, Doc. parl., Sénat, sess. 2005-2006, n° 3-1312/7, p. 61.

Les textes suscitent de nombreuxproblèmes pratiques