la revue socialiste n°45-46 le changement c'est maintenant

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  • 8/13/2019 La Revue socialiste n45-46 Le changement c'est maintenant

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    Revue

    Socialiste

    La 45-46

    Le changement,

    cest maintenant

    1er et 2e trimestre

    2012

  • 8/13/2019 La Revue socialiste n45-46 Le changement c'est maintenant

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    2 Sommaire

    Introduction

    Alain Bergounioux,Le changement pour maintenant et pour demain p. 5

    La France, tat des lieux

    Grard Grunberg,

    O va notre systme politique ? p. 9

    Philippe Aghion,

    Comment redresser lconomie franaise ? p. 15

    Dominique de Combles de Nayves,

    La France, le monde, la gauche p. 23

    Promesses et ralits

    Michel Bordeloup,

    Promesses et ralits p. 35

    Derrire les apparences

    Najat Vallaud-Belkacem, Romain Prudent,Le volontarisme de Nicolas Sarkozy : une stratgie pour la droite,une preuve pour la France p. 47

    Claude Vincent,

    Nicolas Sarkozy face aux marchs financiers :force du verbe, faiblesse de laction p. 55

    Martin Dechamp,

    Le pouvoir sortant et lautorit de ltatp. 65

    Vincent Duclert,

    Sommes-nous toujours en Rpublique ? p. 69

    Olivier Ferrand,

    Bilan europen : la paralysie malgr le volontarisme p. 75

    Daniel Vasseur,

    Nicolas Sarkozy, bon capitaine dun bateau la drive ? p. 83

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    3Sommaire

    Christian Salmon,

    A Shadow President Chroniques du sarkozysme rellement existant p. 93

    Le Front national

    Pascal Perrineau,

    Le retour du Front national p. 105

    Grand texte

    Franois Hollande,

    Le changement, cest maintenant p. 113

    propos deLaurent Baumel et Franois Kalfon,Plaidoyer pour une gauche populaire

    Alain Bergounioux,

    Les socialistes et le peuple p. 133

    Emmanuel Maurel,

    Socialistes, encore un effort pour tre populaires ! p. 137

    Laurent Baumel,

    Rponses p. 143

    Actualits internationales

    Franois Nicoullaud,

    Iran nuclaire : comment en est-on arriv l ?Comment sen sortir ? p. 149

    Christophe Sente,Les laboratoires dune dfaite du populisme p. 157

    Karim Emile Bitar,

    Retour sur le catch 22 libyen et ses consquences p. 163

    Alberto Toscano,

    Les leons de la situation italienne pour les socialistes franaiset la gauche europenne au sens large p. 169

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    Alain Bergouniouxest directeur deLa Revue socialiste

    Le changement pour maintenantet pour demain

    ucun lecteur ne stonnera que laRevue Socialiste consacre lessen-

    tiel de ce numro la campagne prsiden-

    tielle. Les enjeux, en effet, sont de taille. Ilspeuvent avoir une porte historique. Cela vacontre le scepticisme ambiant, dont la pressese fait lcho, qui laisse penser que la crisedes finances publiques rduirait les choix etles possibilits daction peu de chose. Mais,ce sont justement dans les difficults les plusgraves que les lments du renouveau appa-raissent. Le statu quo est dsormais impos-sible. Limportant est de savoir dans quelles

    directions nous voulons aller pour remettrele pays sur de bons rails et renouer avec leprogrs social.

    Le premier enjeu est clair. Il est de mettre un terme la politique mene depuis cinq ans, largemententame depuis 2002, qui met mal, parfois dtruittout simplement, toutes les solidarits collectivesdans notre socit. La crise ne peut pas tout expli-

    A quer (et tout excuser comme tente de le faire NicolasSarkozy), la dmolition tait en cours depuis 2007Les rcentes propositions de Nicolas Sarkozy pour

    lenseignement scolaire qui prennent explicitementparti pour une sgrgation sociale prcoce sontsuffisamment explicites Le bilan du sarko-zysme a t dress avec prcision1. Lchec est aurendez-vous. Il nest pas seulement conomique etsocial, en termes de dette, de chmage, de pouvoirdachat, de pauvret, il est dmocratique et moral,avec un tat mis au service des intrts privs, avecdes politiques qui ont attis les divisions entre lesFranais, avec le mpris dans lequel ont t tenus

    les syndicats (hormis pour quelques caps dopinion)etc. Bref, il est temps darrter, de trouver les voiesdune autre politique.Le second enjeu est videmment, dans une situationconomique, sociale, budgtaire grave, de proposer,dans un mme mouvement, un projet de socit quiprescrit la solidarit en son cur et un programmede gouvernement apte relancer une croissancesoutenable, rduire les ingalits les plus fortes,

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    redresser nos finances publiques. Il faut sattaquer,en mme temps, aux trois dficits qui minent lepays, le dficit des finances publiques, le dficit decomptitivit, le dficit demploi. Le dfi est grand,mais il faut y voir une exigence. Unir ces deuxambitions est la seule voie pour montrer que lechangement que nous voulons nest pas un slogan mais une possibilit relle . Franois Hollandea trac dans ses propositions les axes de cette poli-tique. Le redressement du pays demande dengager

    quatre ensembles dactions pour favoriser une rin-dustrialisation, rduire le dficit public de manirecontinue jusquen 2017, mettre la finance auservice de lconomie, faire vivre une dmocratierpublicaine permettant de faire agir ensembletoutes les forces et les mouvements de la socit.La condition pour mener bien ces politiques, etpar l mme redonner confiance aux Franais, estde le faire dans la justice sociale pour tout ce quiconcerne la vie quotidienne, le travail, les revenus,

    le logement, la sant, les retraites, les territoires. Larforme fiscale ncessaire, dans un systme arrivau bout de ses injustices et de ses incohrences,demande que les revenus du travail et du capitalsoient imposs de la mme manire et que la fisca-

    Le changement pour maintenant et pour demain

    lit sache distinguer entre linnovation, la rente,la spculation. Ce double mouvement, redresserle pays et rtablir la justice sociale, permettradengager les chantiers davenir, dcisifs pour notrepays, qui ne porteront leurs fruits que dans le

    temps. Lducation et la formation bien sr, et latransition nergtique, qui stalera sur plusieursdcennies, mais qui doit tre conduite fermement.Le projet de Franois Hollande simplement icitrac grands traits est, la fois, une stratgieet un lan pour relever les dfis du redressement etdu changement.Le troisime enjeu dune victoire en 2012 tientvidemment lUnion europenne. Dans lincerti-tude qui est la sienne aujourdhui face la pers-

    pective de plusieurs annes de faible (voire trsfaible) croissance, les mesures ncessaires poursortir de cette spirale ngative qui voque celledes annes trente doivent tre fortes. Elles sontconnues : montisation de la dette europenne sousune forme ou une autre, convergences budgtaires,en lien avec les parlements nationaux, taxe sur lestransactions financires, initiatives de croissanceeuropenne. Mais le rapport des forces nest pasfavorable. Le poids des gouvernements conser-

    vateurs et la faiblesse et les divisions du socia-lisme europen (reconnaissons-le) empchent uneaudace qui serait pourtant bien ncessaire. Biensr, une victoire de la gauche franaise nauraitpas leffet dun coup de baguette magique ! Maiselle ouvre cependant la voie dune autre perspec-tive pour la gauche europenne qui a besoin dunpoint dappui. Cela supposera videmment que lessocialistes franais continuent de porter un projeteuropen ambitieux et gnreux, seul capable de

    parler aux peuples europens.Tout cela sera difficile, chacun le pressent, tout celaest ncessaire, chacun le sait. Mais comme le disaitPierre Mends France : Parler le langage de lavrit, cest le propre des vritables optimistes .

    La condition pour mener bien ces politiques,et par l mme redonner confiance aux

    Franais, est de le faire dans la justice socialepour tout ce qui concerne la vie quotidienne,le travail, les revenus, le logement, la sant,

    les retraites, les territoires. La rforme fiscalencessaire, dans un systme arriv au bout de

    ses injustices et de ses incohrences, demandeque les revenus du travail et du capital soient

    imposs de la mme manire et que la fiscalitsache distinguer entre linnovation,

    la rente, la spculation.

    1.Voir le document : Cinq annes de prsidence Sarkozy. Un bilan accablant. PS dcembre 2011.

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    La France,

    tat des lieux

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    Jean Le Garrec - Guillaume Blanc

    Lide socialiste relire Fourier, Valls qui dbat de lIde avec lagrande Sverine, Proudhon surtout, on dcouvre quele socialisme utopique est encore dune tonnantemodernit. Regard critique sur la socit, analyse durapport de force voulu par le capitalisme, faiblesse de lapolitique Ces auteurs auraient apprci le petit livre deStphane Hessel et particulirement le titre : Indignez-vous.Le mot crise na aucun sens pour donner un contenu

    la situation que nous vivons. Le combat qui se mne est

    celui dun rapport de force entre le pouvoir financier et la

    politique.Nous pouvons reprendre dans sa brutalit voulue,le mot de Proudhon : les anthropophages . Ce sont lesplus fragiles, les chmeurs, les jeunes sans formation, ceuxqui sont venus dailleurs, qui seront sacrifis.Jack London, dans son livre,Le Talon de fer, paru en 1906,prvoyait que sans une mobilisation rvolutionnaire

    de la socit, le capitalisme financier lemporterait.

    Le temps est venu !

    Aprs une carrire dans l'entreprise prive, Jean Le Garrec devientmembre du gouvernement de Pierre Mauroy en 1981. Quatre foisministre, il sera ensuite lu cinq fois dput du Nord.

    Ingnieur en lectronique, Guillaume Blanc rejoint le cabinet deMartine Aubry en 2006 Lille. Aujourd'hui secrtaire gnraldu groupe socialiste et apparents la Ville de Lille, il intervientgalement en actualit politique auprs d'tudiants en relationpublique et relation de presse.

    144 pages - Ft : 14 x 20,5 cm - Prix public : 10 e- ISBN : 978-2-36488-05-4 - Vendu en librairie - Diffusion Dilisco

    M. MME. MLLE. PRNOMADRESSE

    CODEPOSTAL VILLE

    E-MAIL

    souhaite recevoir exemplaire(s) de louvrageLide socialiste au prix de 10 e, franco de port.

    Ci-joint mon rglement de la somme de euros par chque lordre de GRAFFICDIFFUSION

    DATE: SIGNATURE:

    BULLETINDECOMMANDE retourner sous enveloppe affranchie : GRAFFICDIFFUSION, 62, rue Monsieur Le Prince 75006 Paris

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    suffrage universel, le rgime politique franais peuttre dfini comme tant un rgime parlementairedun type particulier. Il est direction prsiden-tielle quand le prsident dispose dune majorit

    lAssemble nationale et direction primo minis-trielle dans le cas contraire qui correspond unesituation de cohabitation. Les rformes des annes2000-2001 ont accru la dimension prsidentialistedu rgime de plusieurs manires. Linstauration duquinquennat prsidentiel a confort la lecture prsi-dentialiste des institutions qui fait du prsident dela Rpublique le vritable chef du pouvoir excutif.Linversion du calendrier lectoral pour les lec-tions de 2002, plaant llection prsidentielle

    avant les lections lgislatives ordre qui, saufaccident, devrait tre maintenu par la suite puisqueles mandats du prsident de la Rpublique et desdputs ont dsormais la mme dure a claire-ment tabli la hirarchie entre ces deux types descrutin. Lenjeu principal des lections lgislatives,qui ont lieu dsormais dans la foule de llectionprsidentielle, est de confirmer le choix politiqueopr par llection prsidentielle en apportant une

    Grard Grunbergest directeur de recherche mrite au CNRS (Centre dtudes europennes de Sciences Po).

    Il est notamment lauteur, avec Florence Haegel, deLe bipartisme imparfait,Presses de la Fondation nationale des Sciences politiques

    O va notre systme politique ?

    analyse dun systme politique et deson fonctionnement doit tre mene

    deux niveaux, celui du cadre institutionnelau sein duquel agissent les acteurs politiques

    et celui du systme de partis. Ces deuxniveaux sont certes lis mais il convientcependant de les distinguer dans lanalyse.Aujourdhui, sagissant du cadre institu-tionnel, la question centrale est celle de laprsidentialisation de notre rgime poli-tique, de sa progression et de ses limites.Sagissant du systme de partis, la questioncentrale est celle de la capacit des deuxgrands partis prsidentiels, le PS et lUMP,

    conserver un contrle densemble suffisantsur ltat et lvolution du systme de partis.

    La prsidentialisation du rgimeet ses limites

    Depuis la rvision constitutionnelle de 1962 instau-rant llection du prsident de la Rpublique au

    L

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    majorit au prsident lu. Il est possible alors deconsidrer que les squences lectorales dbutantnormalement par une lection prsidentielle consti-tuent dsormais en ralit des scrutins quatretours, deux tours dlection prsidentielle et deux

    tours dlections lgislatives. Pour disposer de tousles pouvoirs que la lettre de la Constitution et lapratique prsidentielle habituelle donnent au chefde ltat, celui-ci devra donc gagner ces quatretours dlection. Dans ce systme, la probabilit denouvelles cohabitations a ainsi t rduite et avecelle celle dun pouvoir primo-ministriel. Les lec-tions de 2002 ont bien correspondu cette modalitdu fonctionnement du systme politique, NicolasSarkozy ayant obtenu une majorit lAssemble

    nationale au lendemain de son lection. Ensuite,son exercice du pouvoir a t clairement dans lesens dune accentuation de la prsidentialisation durgime.La prsidentialisation du rgime a galementt favorise par linstauration, et probablementlinstitutionnalisation, dune procdure dlectionprimaire ouverte pour dsigner le candidat socia-liste llection prsidentielle. Cette procdureconforte la hirarchie des scrutins nationaux telle

    que la priode prcdente lavait tablie. Non seule-ment llection prsidentielle est suivie par les lec-tions lgislatives mais encore, elle est prcdepar une procdure de prslection particulire qui

    consacre sa primaut. Lorganisation de la premireprimaire ouverte en 2011 a en outre t un succs.La campagne a t fortement mdiatise et la parti-cipation aux deux tours de scrutin a t leve, prsde 3 millions de votants. Ce succs assure linstitu-

    tionnalisation de cette procdure et il est probableque celle-ci incitera lUMP adopter une procduredu mme type en 2017. Du coup, et contrairementaux dclarations du prsident de la Rpubliqueactuel, il est vraisemblable que, au moins pour lesdeux grands partis prsidentiels, llection prsi-dentielle deviendra une lection quatre tours etlensemble du cycle lectoral pour le PS et peut-treplus tard pour lUMP une consultation lectorale six tours.

    Si la tendance la prsidentialisation du systmepolitique sest ainsi poursuivie sous le quinquennatactuel, en revanche, sagissant des rapports entrelexcutif et le lgislatif, limportante rvision consti-tutionnelle de 2008 a limit les pouvoirs du premierau bnfice du second. Cette rvision a augmentles pouvoirs de lopposition lAssemble nationale.Mais surtout, elle a donn la majorit parlemen-taire la possibilit, pour peu quelle veuille lex-ploiter, de rquilibrer les pouvoirs au bnfice du

    Parlement. Jean-Franois Cop, lorsquil prsidaitle groupe UMP lAssemble nationale, a fait unmoment des pas dans cette direction, mais les habi-tudes ont vite repris le dessus.Par ailleurs, sagissant du fonctionnement dusystme politique, la conqute de la majorit snato-riale par la gauche aux lections de 2011 a renforcles moyens daction de lopposition, en particulierdans le domaine de la rvision institutionnellequi ncessite laccord des deux assembles. Et si

    la gauche gagnait les prochaines lections prsi-dentielles et lgislatives, laction du gouvernementsocialiste serait grandement facilite par lexistencedune majorit de gauche dans les deux assembles,mme si la future majorit parlementaire dcidaitdutiliser largement les nouveaux moyens que luidonne la Constitution pour rquilibrer les rapportsentre lexcutif et le lgislatif au bnfice de celui-ci.

    La prsidentialisation du rgime a galementt favorise par linstauration, et

    probablement linstitutionnalisation, duneprocdure dlection primaire ouverte pour

    dsigner le candidat socialiste llectionprsidentielle. Cette procdure conforte lahirarchie des scrutins nationaux telle quela priode prcdente lavait tablie. Non

    seulement llection prsidentielle est suiviepar les lections lgislatives mais encore, elleest prcde par une procdure de prslection

    particulire qui consacre sa primaut.

    O va notre systme politique ?

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    Les volutions du systme de partis

    Les lections de 2002 nont pas seulement tmarques par des modifications du rgime politique

    et de son fonctionnement, elles ont galement tun moment de transformation du systme partisan.Depuis lalternance de 1981, le systme de partis,bipolaris, stait structur autour de deux grandspartis, le Parti socialiste et lUMP. Seuls ces deuxpartis ont depuis lors une chance de faire lirelun des leurs la prsidence de la Rpublique.En revanche, les lections de 2002 ont fait appa-ratre que la tendance la domination des deuxgrands partis pouvait tre contrarie au premier

    tour de llection prsidentielle. Llimination deLionel Jospin par le candidat du Front national amontr la permanence de forces qui font obstacle la complte bipolarisation du systme de partis.De mme, si, llection prsidentielle de 2007, lescandidats des deux grands partis ont t tous lesdeux qualifis et si le candidat du FN na rassemblalors que 10 % des suffrages, contre prs de 17 %en 2002, en revanche, le candidat centriste, qui arassembl 18,6 % des suffrages, a paru un moment

    au cours de la campagne menacer la qualificationde Sgolne Royal pour le second tour de scrutin.Quelles que soit donc la ralit de la dominationdes deux grands partis sur le systme de partis et latendance la formation dun bipartisme imparfait,ces deux partis ne sont pas assez puissants pourcontrler lessentiel de lespace lectoral dans leurcamp1. Il leur faut, llection prsidentielle, viterune possible limination au premier tour, soit en

    dcourageant dautres candidatures, droite pourlUMP et gauche pour le PS, soit, si elles existent,les marginaliser le plus possible. Et aux lectionslgislatives, il leur faut nouer des alliances lecto-rales avec les autres partis appartenant leur camp.

    Ainsi, la leon des deux dernires lections prsi-dentielles est que dans ltat de notre systme departis et des rapports de forces entre organisationspartisanes, les deux grands partis ne sont pas labri dune limination au premier tour de scrutinet que cette ventualit doit guider leurs tactiqueset stratgies dans lavenir. En revanche, leur supr-matie sur leurs camps respectifs leur donne un relavantage aux lections lgislatives compte tenu dumode de scrutin uninominal deux tours. Cepen-

    dant, il leur faut nouer des alliances lectoralesdans leur camp pour avoir les meilleures chancesde remporter une majorit lAssemble nationale.La leon des lgislatives passes a montr que siles partis qui ne sont pas lis lun ou lautre desdeux grands partis par une alliance lectorale nontaucune chance de remporter un nombre significatifde siges, en revanche, sils parviennent dpasserdans un nombre important de circonscriptions leseuil ncessaire de 12,5 % des inscrits au premier

    tour pour se prsenter au second tour, ils peuventfaire battre le parti dominant qui se situe dans leurcamp. Ainsi, le maintien de nombreux candidats duFront national au second tour des lections lgis-latives de 1997 a contribu fortement la victoirede la gauche. Chacun des deux grands partis doitdonc sassurer la fois dtre prsent au second tourde llection prsidentielle et de pouvoir gagner leslections lgislatives dans la foule dune victoireprsidentielle. Quelle est de ce double point de vue

    la situation du systme de partis la veille des lec-tions de 2012 ?

    Les lections de 2012

    Les lections de 2012 se prsentent mieux pour le PSque pour lUMP de ce double point de vue. En effet,la situation des deux partis prsidentiels prsente

    Les lections de 2002 ont fait apparatre quela tendance la domination des deux grands

    partis pouvait tre contrarie au premier tourde llection prsidentielle. Llimination de

    Lionel Jospin par le candidat du Front nationala montr la permanence de forces qui font

    obstacle la complte bipolarisationdu systme de partis.

    Le Dossier

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    LAREVUESOCIALISTEN 45-46 - 1ERET2ETRIMESTRE2012

    candidat dalternance au pouvoir en place et avaitpromis une augmentation du pouvoir dachat et une

    plus juste rtribution du travail. Aujourdhui lasituation est fort diffrente et labsence dallianceentre la droite et lextrme-droite peut se rvler trsdangereuse pour lUMP. llection prsidentielle,dans la mesure o le prsident sortant, bien quayantrussi dcourager une candidature de Jean-LouisBorloo, nest pas certain dempcher dautres candi-datures dans son camp, lventualit dun hautscore de Marine Le Pen au premier tour, alors quela crise conomique peut encore faire diminuer les

    intentions de vote en faveur du prsident sortant,ne permet pas dexclure totalement une liminationde celui-ci au premier tour, mme si cette ventua-lit est peu probable. Mais surtout, au second tour,Nicolas Sarkozy ne semble pas en mesure de bn-ficier dun report des voix de la candidate frontisteaussi important quen 2007. Or la cl de la rlec-tion de Nicolas Sarkozy rside dans lampleur de cereport. Si, comme lindiquent les sondages actuelle-ment, le prsident sortant ne peut attirer au second

    tour quune moiti de cet lectoral, il ne pourra pasdun tour lautre doubler le nombre de ses voix, cequi est indispensable pour gagner.Lisolement de lUMP cre pour elle une situationdune extrme gravit. droite, le FN a pour objectifprincipal sa dfaite. Au centre, Franois Bayrou etle Modem nont pas encore fait tat de leur stratgielectorale. Sils persistaient dans leur stratgie nigauche, ni droite , ou pire encore, sils dcidaient de

    une forte asymtrie au bnfice du Parti socialiste. gauche, le Parti socialiste ne craint la prochainelection prsidentielle ni dtre menac au premiertour par un autre candidat de gauche ou du centre,ni, semble-t-il daprs les sondages, dtre limin

    par la candidate du Front national. Les sondagesindiquent que ni le candidat du Front de gauche, nila candidate cologiste ne peuvent esprer faire unscore deux chiffres alors que le candidat socia-liste, avantag par sa position de candidat dopposi-tion et seul candidat crdible de cette opposition nerisque pas de descendre au-dessous de 20 %, scoreque le Front national ne parat pas pouvoir dpasser.La primaire ouverte socialiste a renforc encore ladomination du PS sur son camp en donnant une

    forte lgitimit son candidat dsign par prs de3 millions dlecteurs, dont, semble-t-il une propor-tion significative de sympathisants dautres partis degauche. Cette primaire a contribu renforcer encorele statut de seul parti prsidentiel gauche du Partisocialiste, au point que la question dune primaireouverte prsidentielle lensemble de la gauche oupresque en 2017 ne peut tre compltement exclue.Cette primaire devrait galement avoir pour effetdaccrotre encore la qualit des reports gauche au

    second tour de la prochaine lection prsidentielle.En outre, le PS a pass des accords avec les autrespartis de gauche pour les lections lgislatives quidevraient permettre aux candidats socialistes, quireprsenteront la gauche dans la trs grande majoritdes circonscriptions au second tour, de bnficier debons reports de voix. Ainsi, les lections de 2012 seprsentent bien pour le PS du point de vue de ltat etdu fonctionnement du systme de partis. droite la situation est toute autre et trs dange-

    reuse pour lUMP. Dabord les sondages font appa-ratre que Nicolas Sarkozy, candidat sortant dansune priode de grave crise conomique ne peutatteindre au premier tour le score quil avait obtenuen 2007 31 %. Les sondages le situent aujourdhuiautour de 25 %. En outre, ces sondages montrentque laffaiblissement du Front national en 2007 taitconjoncturel et d pour partie au fait que NicolasSarkozy avait russi alors se prsenter comme un

    O va notre systme politique ?

    Ces sondages montrent que laffaiblissementdu Front national en 2007 tait conjoncturelet d pour partie au fait que Nicolas Sarkozy

    avait russi alors se prsentercomme un candidat dalternance au pouvoir en

    place et avait promis une augmentationdu pouvoir dachat et une plus juste rtribution

    du travail. Aujourdhui la situation est fortdiffrente et labsence dalliance entre la

    droite et lextrme-droite peut se rvler trsdangereuse pour lUMP.

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    13Le Dossier

    et sociale la veille du scrutin et la qualit descampagnes des candidats. Sur le premier point, il estpeu probable que la situation samliore dici quelquesmois. Lvolution contraire est mme la plus probable.Quant au second aspect, il est encore trop tt pour

    tenter une valuation des campagnes respectives duprsident sortant et du candidat socialiste. Mais detoute manire, dans la prochaine course prsiden-tielle, les deux principaux candidats ne partent pasavec des handicaps comparables. Celui port par leprsident sortant est coup sr le plus lourd. Mais, laqualit des campagnes de lun et de lautre jouera ungrand rle dans le rsultat final.

    Rsultats des lections prsidentielles 1981-2007

    (premier tour) % des suffrages exprims.France entire

    sallier la gauche, le sort de lUMP serait dfiniti-vement compromis. Cest ici que lasymtrie entre lesdeux grands partis se rvle trs grave pour lUMP.Celle-ci ne contrle pas lectoralement la droitetandis que le PS contrle la gauche. Arithmtique-

    ment, avec toute la prudence avec laquelle ce type decalcul doit tre pris en compte, Nicolas Sarkozy ausecond tour de scrutin, si lUMP demeure totalementisole au second tour de llection prsidentielle, nedevrait pas pouvoir dpasser de beaucoup 45 % dessuffrages exprims. Le candidat socialiste devraitdonc logiquement remporter llection prsidentielle.La situation est pire encore pour lUMP dans la pers-pective des lections lgislatives. Si les candidats duFN sont nombreux pouvoir se maintenir au second

    tour, ce qui semble possible, et quils se maintiennenteffectivement, ce qui semble certain, comme en 1997,la victoire de la gauche est trs probable. Certes, sile prsident sortant est rlu, la force dentranementpour les lections lgislatives peut contrarier enpartie leffort du FN pour faire battre lUMP. Maisdans cette situation, une victoire de la gauche nestcependant pas exclue. Se reposerait alors la questiondune cohabitation, dans des conditions beaucoupplus incertaines quen 1986, 1993 et 1997 car, alors,

    les lections lgislatives navaient pas t, commece sera le cas en 2012, prcdes par une lectionprsidentielle. La question de la lgitimit respec-tive des deux pouvoirs se posera donc diffremmentavec tous les risques inhrents cette situation. Sile Parti socialiste gagne llection prsidentielle, enrevanche, une dfaite lgislative de lUMP semblepratiquement assure.Ainsi, du point de vue de lanalyse du systme poli-tique et de son volution, la victoire de la gauche aux

    lections de 2012 est la plus probable. Pour autant,ces lments concernant le systme politique et sonvolution ne sont pas les seuls entrer en ligne decompte pour produire le rsultat des lections etnotamment de llection prsidentielle. Interviennentaussi, de manire dcisive, la situation conomique

    1981 1988 1995 2002 2007

    Extrme-gauche 3,4 4,4 5,3 10,5 7,2

    PCF 15,5 6,8 8,7 3,4 1,9

    PS 26,1 34,1 23,3 16,2 25,9

    PRG 2,3 - - 2,3 -

    Verts - - 3,3 5,3 1,5

    Gauche 47,3 45,3 40,6 37,7 36,5

    UDF 27,8 16,5 18,5 6,8 *

    RPR-UMP 18,0 19,9 20,5 19,9 31,2Divers droite 3,0 4,8 5,1 2,2

    Front national - 14,5 15,3 16,9 10,4

    Extrme droite - - 0,3 2,3 -

    Droite 48,8 50,9 59,4 51,0 43,8

    UDF 2007 18,6

    Divers (ni droite - 9,4 1,1ni gauche)

    Autres ecologistes 3,9 3,8 - 1,9 -

    Total 100 100 100 100 100

    % PS/gauche 56,4 75,2 57,3 43,0 71,0% RPR-UMP/droite 36,1 39,0 36,3 39,0 71,2

    % PS+RPR-UMP/total 44,1 54,0 44,1 36,1 57,1

    * En 2007, le score du candidat de lUDF, Franois Bayrou est

    class en dehors de la droite.

    1.Grunberg Grard et Haegel Florence, La France vers le bipartisme ? La prsidentialisation du PS et de lUMP, Paris,Presses de Sciences Po, 2007.

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    dgrade en France depuis le dbut des annes2000, alors quelle demeure stabilise un niveautrs suprieur en Allemagne (10,1 % en 2009

    pour lAllemagne contre seulement 4,1 % pour laFrance). Depuis dix ans, les entreprises automobilesfranaises ont amput leur production sur notreterritoire de plus dun tiers, alors quen Allemagnelindustrie automobile est florissante. Derrire cedcrochage de nos exportations et de nos indus-tries manufacturires se cache un important dficitdinvestissements par rapport lAllemagne, surtoutdans le secteur des petites entreprises avec des taux

    Philippe Aghionest professeur luniversit dHarvard et lcole dconomie de Paris.

    Il est membre du CAE. Il vient de publier avec Alexandra Roulet,Repenser ltat. Pour une social-dmocratie de linnovation,

    La Rpublique des Ides, Seuil, Paris, 2011

    Comment redresser lconomie franaise ?

    i la perte de notre triple A rsultebien dune conjonction de facteurs,

    comment ne pas relier cet vnement au

    dclin de la France par rapport ses voisinset concurrents de lOCDE au cours de ladernire dcennie. De fait, la part de laFrance dans le commerce mondial a nette-ment baiss depuis le milieu des annesquatre-vingt-dix (en particulier un tiers denos parts de march mondiales lexport a tperdu depuis 1995), alors que lAllemagnea russi rtablir ses parts de march, etnotre dficit commercial va dpasser les

    70 milliards deuros en 2011.

    Le dclin conomique de la France

    Augmenter la prsence franaise sur des marchset des produits porteurs, passe par des politiquesindustrielles ambitieuses. Or, la part de lindustriemanufacturire dans la valeur ajoute totale se

    S

    Derrire ce dcrochage de nos exportationset de nos industries manufacturires se

    cache un important dficit dinvestissementspar rapport lAllemagne, surtout dans le

    secteur des petites entreprises avec des tauxinvestissements de 12,1 % en France

    contre 16 % en Allemagne.

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    investissements de 12,1 % en France contre 16 %en Allemagne. En outre, leffort dinvestissementparat faible en France dans les secteurs industrielso la contrainte de financement semble pourtantmoins forte quailleurs. Mais surtout, la France a un

    retard de diffusion des technologies de linformationet de la communication (TIC) au sein de son outilde production. Or, les TIC sont lun des vecteursessentiels des gains de productivit. Le coefficientde capital TIC (rapport du capital TIC en valeur auPIB en valeur) est ainsi plus faible en France quauxtats-Unis, au Japon et au Royaume-Uni.Au total, linvestissement des entreprises franaisessouffre de trois faiblesses pnalisantes pour le dyna-misme de loffre et en particulier de la productivit :

    (i) il est relativement faible dans les petites entre-prises, ce qui peut traduire des difficults particu-lires de financement ; (ii) il est relativement faibledans lindustrie manufacturire, pourtant soumise la vive concurrence non seulement de pays mer-gents mais aussi dautres partenaires industrialiss,comme lAllemagne ; (iii) il a un contenu relative-ment faible en technologies de linformation et de lacommunication qui sont pourtant lun des vecteursessentiels des performances productives.

    Enfin les investissements en recherche et dvel-oppement, qui influencent fortement la croissancepotentielle, apparaissent nettement plus faiblesen France que dans dautres pays, parmi lesquels

    lAllemagne, malgr linstauration du crditimpt recherche. En particulier limportance desdpenses en R&D des entreprises de lindustriemanufacturire est faible en France compare celles dautres pays dont lAllemagne. La part des

    dpenses intrieures de recherche et dveloppe-ment (DIRD) en pourcentage du PIB tait en 2008de 2 % en France aprs 2,1 % en 2005 et 2,3 %en 1995. Non seulement cette part a recul, maisen plus elle est infrieure celle observe dansdautres pays. En 2008, elle tait de 2,6 % en Alle-magne, 2,8 % aux tats-Unis, 3,4 % au Japon et3,4 % en Core. La France occupait la 11eplacedes pays de lOCDE en 2008 en termes de DIRDrapporte au PIB. En 1995, la France tait la 9e

    place de ce classement.Ce diffrentiel vient dun effort trop limit des entre-prises franaises en la matire. En 2008, lintensitde leffort de R&D des entreprises franaises(DIRDE/PIB) reprsentait seulement 1,3 % du PIB,soit un ratio plus faible que celui des entreprisesAllemandes, o leffort de R&D des entreprisesreprsentait 1,9 % du PIB en 2008. Ce ratio situe laFrance au 13erang des pays de lOCDE en 2008. Deplus, ce ratio montre un recul de leffort de R&D des

    entreprises franaises. Il stablissait 1,4 % du PIBen 1995 puis 1,3 % du PIB en 2005. A contrario, enAllemagne, leffort de R&D est en hausse, de 1,5 %en 1995 1,7 % en 2005 puis 1,9 % en 2008.Enfin, la propension breveter des entreprises delindustrie manufacturire est plus faible en Francequen Allemagne. Ainsi, selon lOCDE, la Francedtenait 4,9 % des 49 746 brevets triadiques en2008, soit 2,5 fois moins que lAllemagne, qui dte-nait 12,1 % de ces brevets.

    Une politique de croissanceadquatement cible et gouverne

    Pour inverser cette tendance au dcrochage, pourrtablir notre croissance et notre comptitivit,il faut provoquer un choc doffre , cest--direquil faut rendre nos entreprises et notre force de

    Comment redresser lconomie franaise ?

    Les investissements en recherche etdveloppement, qui influencent fortement la

    croissance potentielle, apparaissent nettementplus faibles en France que dans dautrespays, parmi lesquels lAllemagne, malgr

    linstauration du crdit impt recherche. Lapart des dpenses intrieures de recherche etdveloppement (DIRD) en pourcentage du PIB

    tait en 2008 de 2 % en France aprs 2,1 % en2005 et 2,3 % en 1995. Non seulement cette

    part a recul, mais en plus elle est infrieure celle observe dans dautres pays.

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    travail plus performante. Comment le faire touten respectant nos engagements en matire dertablissement de nos quilibres budgtaires ?Notre approche repose sur deux principes essen-tiels : ciblage etgouvernance. Le terme ciblage

    fait rfrence la ncessit de concentrerlinvestissement public dans des domaines porteursde croissance tels que lducation (pour accrotre laproductivit et la crativit de nos concitoyens), le choc doffre , autrement dit le soutien aux entre-prises exportatrices et linvestissement innovant,et la scurisation des parcours professionnels,Mais il fait galement rfrence la ncessit desengager dans des politiques de soutien sectoriel linnovation. De telles politiques simposent, en

    particulier lorsque la croissance dans les secteursen question est bride par les contraintes de crdit,et quen mme temps une aide de ltat nest pasprjudiciable au jeu de la concurrence. Le terme gouvernance fait rfrence aux principes degestion et dorganisation que ltat doit simposer lui-mme et exiger de ceux qui bnficient de sesinterventions. Dans ce qui suit nous nous concen-trons sur deux domaines o il est urgent dagir :lducation primaire-secondaire et la politique

    industrielle.

    Endiguer la dtriorationde notre systme ducatif

    Linvestissement dans lducation est le pointde dpart de toute stratgie de croissanceconsquente. Or le gouvernement franais a soufflle chaud et le froid dans ce domaine : dun ct il

    a investi dans luniversit, notamment traversle grand emprunt , de lautre il a procd adimportantes rductions des dpenses danslenseignement primaire et secondaire, en particu-lier en appliquant la rgle de non-remplacementdun fonctionnaire sur deux partant la retraite, cequi a conduit la suppression de milliers de postesdenseignants. Cette politique constitue selon nousune grave erreur, qui portera atteinte la fois au

    Le Dossier

    Linvestissement dans lducation est le pointde dpart de toute stratgie de croissance

    consquente. Or le gouvernement franais asouffl le chaud et le froid dans ce domaine :

    dun ct il a investi dans luniversit,notamment travers le grand emprunt ,

    de lautre il a procd a dimportantesrductions des dpenses dans lenseignement

    primaire et secondaire, en particulier enappliquant la rgle de non-remplacement dunfonctionnaire sur deux partant la retraite,ce qui a conduit la suppression de milliers

    de postes denseignants.

    bien-tre et lducation de nos enfants, mais aussi la croissance de notre pays. En effet des tudesrcentes montrent que de bonnes performances auniveau de lenseignement primaire et secondairestimulent la croissance dun pays, et donc aussi sacapacit gnrer des surplus budgtaires dansle futur. Or les scores obtenus par la France auxtests PISA nont cess de se dtriorer au coursde la dernire dcennie. Ainsi, si la France tait

    encore en 13e

    position en 2000 avec 511 points,elle ntait plus que 22een 2009 avec 496 points,et 20 % des lves entrant en sixime ne matri-saient pas les savoirs fondamentaux (lire, crireet compter). Cette dgradation des comptencestransmises par lcole est aggrave par un creuse-ment des ingalits : non seulement le niveauglobal des jeunes Franais baisse, mais en plus larussite scolaire dpend de plus en plus du milieusocial des parents (revenus, ducation, etc.). La

    France est ainsi le pays de lOCDE o les rsultatsscolaires sont le plus fortement corrls loriginesocio-conomique. Il y aurait notamment deux foisplus denfants en retard de deux annes scolairesdans les zones urbaines sensibles que dans lesautres quartiers.Pour justifier les coupes budgtaires danslenseignement primaire et secondaire, on entendparfois largument selon lequel les augmentations de

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    Comment redresser lconomie franaise ?

    Pour une nouvelle politiqueindustrielle : le choc doffre

    Lindustrie reste la base essentielle des changesinternationaux et les pays qui ont accept une largedsindustrialisation et qui ont fond leur modleconomique sur la croissance des services lapersonne souffrent plus que dautres. Il faut doncreconsidrer lhypothse de la r-industrialisation,

    ce qui passe par une rinvention des politiquesindustrielles. On utilise souvent le terme chanede valeur pour dsigner le processus qui va de larecherche fondamentale linnovation industriellepuis la production puis la commercialisationdes produits. la diffrence de lAllemagne quia su prserver voire dvelopper plusieurs maillonsproductifs de sa chane de valeur quitte dloca-liser certains maillons en aval de cette chane,la France a laiss tous les maillons productifs

    se dlocaliser vers les pays main-duvre bonmarch, pour ne garder que les services de R&D enamont et la commercialisation en aval.Ce contraste en la France et lAllemagne tient plusieurs facteurs. Il est dabord li un effort enR&D plus important en Allemagne quen France, et,plus gnralement, a lattitude plus dynamique desentreprises allemandes en matire dinvestissementinnovant. Il est galement li lexistence en Alle-

    moyens dcides par le pass nont pas sensiblementamlior les performances. De fait, ce qui compteest autant la quantit de moyens investis danslducation que leur qualit. Comme dans le cas desuniversits, il faudra donc certainement amliorer

    la gouvernance des coles en mme temps que lonaccrot les moyens qui leur sont attribus. Commentprocder concrtement pour amliorer la qualit de nos coles, collges et lyces ? Comme dans lecas des universits, largent est le nerf de la guerre :il faut y consacrer des moyens suffisants et, enparticulier, mettre un terme la politique irrespon-sable de non-renouvellement dun fonctionnaire surdeux dans lducation. Mais il faut ici encore ciblerintelligemment nos investissements.

    La rforme que nous proposons repose sur troisgrands axes : premirement un ciblage des moyenset des nouveaux postes en direction du primaire etdes zones dfavorises ; deuximement une refontedes mthodes pdagogiques incluant davantage desoutien individualis en classe et une plus grandeouverture au monde de lentreprise. Troisime-ment, une rforme de la gouvernance qui renforcelinitiative donne aux rgions et aux tablisse-ments ainsi que lvaluation des performances du

    systme ducatif. Cette rforme sera finance pourpartie par un redploiement des ressources actu-elles du budget de lducation et pour partie parles 500 millions deuros annuels supplmentairesproposs par Franois Hollande au titre du finance-ment des 60 000 postes supplmentaires.Enfin il ne faut pas sacrifier la petite enfance : plu-sieurs tudes montrent en effet que les capacits non-cognitives le contrle de soi, laptitude cooprer avec les autres et voluer en socit se

    dterminent avant mme lentre lcole primaire.En outre, ces aptitudes non-cognitives affectent demanire significative les capacits cognitives delindividu, cest--dire ses performances scolaires,la probabilit de poursuivre une ducation univer-sitaire, et les performances universitaires elles-mmes. Voil encore un domaine, la toute petiteenfance, o la France sous-investit par rapport plusieurs de ses voisins europens.

    Il ne faut pas sacrifier la petite enfance:plusieurs tudes montrent en effet que lescapacits non-cognitives le contrle

    de soi, laptitude cooprer avec les autreset voluer en socit se dtermine avant

    mme lentre lcole primaire. En outre,ces aptitudes non-cognitives affectent de

    manire significative les capacits cognitivesde lindividu, cest--dire ses performancesscolaires, la probabilit de poursuivre une

    ducation universitaire, et les performancesuniversitaires elles-mmes.

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    dmantlement des outils nationaux de politiqueindustrielle a acclr la dsindustrialisation decertains pays europens dont la France (perte de ladynamique des grands programmes sans politiquede substitution) ; (iii) lopposition de principe aux

    aides sectorielles dtat de la part des autorits deconcurrence europennes na pas produit les effetsde croissance escompts.Or, combine une politique de la concurrence,une politique industrielle cible peut contribuer remettre les conomies europennes sur unetrajectoire de croissance soutenable et contribuer rduire les dsquilibres mondiaux. Commentrconcilier politique industrielle et politique dela concurrence ? Tout dabord, en dfinissant des

    critres objectifs de slection des secteurs : contri-bution potentielle du secteur la croissance de laproductivit au niveau national ou europen, niveaude dveloppement technologique, niveau de concur-rence du secteur, etc. Ensuite, travers une gouver-nance approprie des aides dtat, qui en particulierassure : (i) que les aides dtat seront octroyesde faon impartiale entre toutes les entreprisesdsirant investir dans un secteur porteur (nergiesrenouvelables, biotech, numrique) plutt que

    dtre concentres sur une seule firme prdsignecomme championne dans ce secteur ; (ii) que lesaides dtat qui savrent peu fructueuses ne serontpas renouveles. Paralllement, il faut promouvoirune approche plus pragmatique et moins lgalistede la part des autorits europennes en matiredaides sectorielles dtat : cest davantage sur labase danalyses posteriori de limpact des aidesdtat sur le degr de concurrence au sein dessecteurs concerns, que les autorits europennes

    devraient se prononcer sur lopportunit ou non demaintenir ces aides.

    Comment financer le redressementconomique de la France ?

    Pour rconcilier les ncessaires investissementsdans la croissance et la comptitivit de la France

    magne dune vritable dmocratie sociale, qui rendpossible la ngociation de compromis de crisesentre employeurs et salaris. Enfin il sexplique parun systme ducatif allemand beaucoup plus ouvertsur lentreprise ds le secondaire. Cela permet

    lAllemagne de former un nombre dindividusbeaucoup plus important qui matrisent la foisles connaissances gnrales et les enseigne-ments professionnels, et ce sont ces individus quicontribuent au dveloppement des maillons produc-tifs des chanes de valeur.Face ce dclin de la France, il faut un choc doffrepour rendre nos entreprises exportatrices pluscomptitives. Ce choc devrait tre financ, non paspar une TVA dite sociale qui amputerait le pouvoir

    dachat des consommateurs pour subventionnertoutes les entreprises, y compris les grandes etcelles qui nexportent pas (cest lapproche Sarkozy).Il faut au contraire un choc doffre financ parla suppression des niches fiscales pour les grandsgroupes, par llargissement de lassiette de lIS(impt sur les socits) et cibl vers les PME expor-tatrices. Il y a au moins trois raisons qui militenten faveur dune politique industrielle rnove : (i) lacrise a rvl la supriorit des pays (Chine, Alle-

    magne) qui ont men une politique industrielleactive par rapport ceux (Grce, Espagne, Grande-Bretagne) qui ont laiss leur spcialisation secto-rielle obir la seule influence du march ; (ii) le

    Face ce dclin de la France, il faut unchoc doffre pour rendre nos entreprisesexportatrices plus comptitives. Ce choc

    devrait tre financ, non pas par une TVA ditesociale qui amputerait le pouvoir dachat desconsommateurs pour subventionner toutes lesentreprises, y compris les grandes et celles qui

    nexportent pas (cest lapproche Sarkozy). Ilfaut au contraire un choc doffre financ

    par la suppression des niches fiscales pourles grands groupes, par llargissement de

    lassiette de lIS (impt sur les socits) et ciblvers les PME exportatrices.

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    Comment redresser lconomie franaise ?

    o elle a engendr une rduction de la demandede travail. Or limpact budgtaire de cette rduc-tion dimpt est de 2,9 milliards deuros en matiredallgements de charges et de 1,3 milliard deurosen matire dexonration dimpt sur le revenu.

    Parmi les niches dont les effets sur la croissance nesont pas avrs, citons deux exemples supplmen-taires : Les plus-values sur titres de participation ont

    t exonres pour celles acquises compterdu 1erjanvier 2007, sous dduction dune quote-part de frais de 5 % du rsultat net de cessionqui est prise en compte dans la dtermination durevenu imposable. Selon le Conseil des prlve-ments obligatoires (octobre 2010), cette exonra-

    tion bnficierait environ 6 200 entreprises,mais les dix premires entreprises concentre-raient la moiti du cot du dispositif qui serait de10 milliards deuros par an.

    La rduction dimpt sur le revenu pour desinvestissements productifs raliss dans lesDOM TOM (niche Girardin) cote 700 millionsdeuros et bnficie 8 600 mnages selon la loide finances pour 2011. Sa suppression irait parailleurs dans le sens dune meilleure contribu-

    tion des trs hauts revenus au financement desservices publics.Plafonner lensemble de ces niches fiscales, parexemple en ne les faisant pas dpasser 10 000 eurosannuels par foyer fiscal, devrait permettre deraliser plusieurs dizaines de milliards deurosdconomies sur le budget annuel de ltat.Un second levier est celui de la rduction decertaines dpenses structurelles. Il y a les doublonsadministratifs, cest--dire les nombreuses dci-

    sions dupliques entre plusieurs niveaux de gouver-nement du centre la municipalit. Il y a toutesces procdures administratives qui pourraienttre simplifies. Et il y a bien dautres sourcesdconomies explorer. Contentons-nous ici densuggrer quelques-unes. Par exemple, en rgulantle march des mdicaments, on peut conomiserjusqu 3 milliards deuros : augmenter la propor-tion de mdicaments gnriques en passant de

    avec nos objectifs de rduction de la dette publiqueainsi quavec nos objectifs en matire de justicesociale, il y a deux leviers essentiels. Le premierlevier est celui de la rforme fiscale. Selon le rapportCotis-Champsaur (2010), lensemble des mesures

    nouvelles prises en matire de prlvements obliga-toires depuis 1999 a rduit les recettes publiquesde prs 3 points de PIB. Ces auteurs indiquent que si la lgislation tait reste celle de 1999, le tauxde prlvements obligatoires serait pass de 44,9 %du PIB en 1999 45.9 % en 2008 . Or il a t de42,9 % du PIB en 2008. Durant le mme temps, lesdpenses se sont presque stabilises puisquellesreprsentaient 52,8 % du PIB en 2008 contre52,6 % en 1999.

    Ainsi, pour financer les rformes prconisessans prjudice pour la consolidation engage desfinances publiques qui doit mme tre renforce, ilserait utile de revenir sur les rductions dimptsdont les effets positifs sur la croissance nont past dmontrs et en particulier sur les taux deTVA rduits. En effet, depuis 1999, les princi-pales rductions dimpts ont consist en la mise enuvre de taux rduits de TVA pour les secteurs dubtiment et de la restauration et en la multiplication

    des niches fiscales qui ont permis de contournerla limitation des dpenses publiques. Une autredpense fiscale consistant en la dfiscalisation desheures supplmentaires ne semble pas avoir eu leseffets escompts en matire de cration demplois.Les rcents travaux sur la question aboutissent eneffet des effets ngligeables ou nuls sur lquilibremacroconomique et lemploi. Par ailleurs, la crise arendu inapproprie une telle mesure dans la mesure

    Pour financer les rformes prconises sansprjudice pour la consolidation engage

    des finances publiques qui doit mme trerenforce, il serait utile de revenir sur les

    rductions dimpts dont les effets positifs surla croissance nont pas t dmontrs et en

    particulier sur les taux de TVA rduits.

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    deuros dconomies. Enfin la diminution des fraisadministratifs, lesquels reprsentent une propor-tion trs leve des dpenses totales en France(7 %) grce la dcentralisation pourrait permettreden rduire le cot de 1,5 milliard deuros par an.

    Une autre piste est de diminuer lassiette de la TVA taux rduit sur la rnovation des logements : celapeut nous faire conomiser 2 milliards environpar an. Actuellement, les travaux damlioration,de transformation, damnagement et dentretienportant sur des logements achevs depuis plus dedeux ans bnficient dune TVA taux rduit (7 %depuis le premier janvier 2012 en mtropole ; 2,1 %en Corse). Le cot de cette dpense fiscale pourltat est de 5 milliards deuros.

    Ce ne sont ici que des exemples visant montrerque nous disposons de marges de manuvre pourfinancer notre redressement tout en rduisant nosdficits. Lexemple scandinave montre quun tel dfipeut tre relev, et ce en demeurant fidle nosidaux de justice et de solidarit.

    18 % 30 % de gnriques (soit un niveau encorebien infrieur celui de nos voisins hollandais etanglais), permettrait dconomiser 2.5 milliardsdeuros ; et amliorer la transparence du processusdvaluation des mdicaments et lAutorisation de

    mise sur le march (AMM) aurait des effets bn-fiques sur la concurrence et linnovation, diminu-erait les dpenses mdicamenteuses de 0,5 milliarddeuros et augmenterait lassiette des recettesfiscales de ltat. De mme, le dveloppement de lamdecine ambulatoire et de lhospitalisation domi-cile sur le modle sudois ainsi que lalignementdes dures dhospitalisation sur la moyenne OCDErapporteraient 2 milliards deuros. En outre, onpeut conomiser jusqu 3 milliards deuros en

    dconcentrant la gestion de notre systme de sant.Lextension du champ de comptence des ARS,avec une meilleure coordination des soins et uneslection plus optimale des projets de rechercheet une meilleure gestion du personnel mdical etnon mdical pourrait aboutir raliser 1.5 milliard

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    sur sa place dans le monde, en Europe, son avenirdans le concert des nations, alors mme quelle alongtemps t dtentrice dun message universel,

    dune singularit gnreuse tourne vers les autres,empreinte de la philosophie des Lumires et de lagrandeur retrouve aprs les terribles preuves dudbut du XXesicle. Quels sont donc les puissantsphnomnes extrieurs qui conduisent notre pays sembler aujourdhui prfrer la nostalgie dun passglorieux qui ose lavenir ? Peut-on considrer quele quinquennat de Nicolas Sarkozy, marqu de lavolont de rompre avec les certitudes du pass etla tranquille srnit des conservatismes, a permis

    la France de marquer des points dans la comp-tition mondiale, ou au contraire, la affaiblie, luifaisant mme peut-tre perdre de sa crdibilit,voire mme de sa respectabilit ? Peut-on envisagerune politique trangre de gauche ? Cela a-t-il unsens, alors quon se plat, comme pour la dfense, clbrer le consensus de tous les Franais autourde lhritage de Charles de Gaulle et de FranoisMitterrand ?

    Dominique de Combles de Nayvesest ancien ambassadeur de France

    La France, le monde, la gauche

    e monde est en crise. Crise cono-mique et financire, bien entendu, mais

    aussi crises dans divers endroits de la plante,

    crises violentes avec des conflits arms, quece soit en Afghanistan, au Moyen-Orient ou enAfrique, crises alimentaires dans une grandepartie des pays du Sud, ravags par la mondia-lisation, labandon des ressources vivrires etlaccaparement des terres arables par des puis-sances trangres, crises de civilisations quiopposent, ou opposeraient plutt, des nationsdmocratiques des rgimes totalitaires, mili-taires ou religieux. Crise morale enfin, o

    le puissant dhier doute de lui-mme, o lessanglots de lHomme blanc ont fait place aunarcissisme du dclinisme.

    Cest dans cet univers la fois uni et fragment,menac par des crises cologiques majeures qui,loin de susciter la solidarit, conduisent plutt lgosme et au repli sur soi que notre pays, vieillenation qui domina un temps lEurope, sinterroge

    L

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    Crises et mondialisation

    Le monde nest pas simplement en crise, il est enprofonde mutation. Nous assistons bien aujourdhui

    limmense transformation du capitalisme, satroisime rvolution, une phase que chacun peutobserver, o le capitalisme financier fond surla dconnexion de la sphre du rel et de celle dela spculation, assis sur le principe que la libertde circulation des capitaux est lalpha et lomgade la croissance semble lui-mme en crise. Unecrise qui savre la plus profonde et la plus violentedepuis celle de 1929, qui attaque non seulementles institutions financires mais aujourdhui aussi

    les tats, menaant leurs structures et suscitant ledoute et de plus en plus le rejet de citoyens dsem-pars, comme la bien montr, hlas, la Grce, toutrcemment encore. Limmense processus de lib-ralisation des mouvements de capitaux et les inno-vations financires qui lont accompagn depuis lesannes quatre-vingt ont entran des crises finan-cires internationales cycliques que limportancede lactuelle a fini par nous faire oublier : crise deleuro en 1993, crise des dettes souveraines ds le

    milieu des annes quatre-vingt-dix, trou dair desconomies asiatiques, latino-amricaines et de laRussie dans la mme priode.En ralit, ces crises financires, inhrentes cestade du capitalisme, que Marx avait bien dcrit,sont devenues dautant plus violentes et difficile-ment matrisables quelles trouvent leurs racinesprofondes dans le phnomne de la mondialisation.Cette mondialisation dont on sinterroge gauche

    Une crise qui savre la plus profondeet la plus violente depuis celle de 1929,

    qui attaque non seulement les institutionsfinancires mais aujourdhui aussi les tats,

    menaant leurs structures et suscitant ledoute et de plus en plus le rejet de citoyensdsempars, comme la bien montr, hlas,

    la Grce, tout rcemment encore.

    pour savoir si elle doit tre rgule ou matrise, silconvient de trouver des chemins pour y chapper,est bien lvnement le plus marquant depuis la finde la guerre froide et la chute du mur de Berlin. Ellemarque en profondeur, et dans un univers toujours

    organis autour des tats et sur le fait national lin-terdpendance croissante des circuits dchangesconomiques, llargissement des marchs, lanouvelle allocation du facteur travail et du facteurcapital. Cette mondialisation conomique et finan-cire entrane galement une profonde modificationdes rapports de puissance. Dbouchant sur uneacclration de la croissance mondiale, avec desrythmes historiquement levs au milieu des annes2000, la mondialisation a conduit au dplacement

    du centre de gravit stratgique et conomique verslAsie et la part des conomies traditionnellementles plus dveloppes est en rgression dans la crois-sance mondiale.Cette mondialisation saccompagne aussi de mouve-ments migratoires de plus en plus importants,notamment depuis lAfrique subsaharienne o laFrance avait jusqu prsent, du fait de son passcolonial, une influence prpondrante qui na cessde seffriter alors mme qu long terme le conti-

    nent africain sera un acteur majeur par sa dmo-graphie, ses richesses et des acteurs rgionauxqui acquirent un statut mondial (Afrique du sud,

    La France, le monde, la gauche

    Jusqu une date rcente, tout semblaitrussir lEurope. Elle avait accompli sondestin historique par la fin de sa division,

    par la dynamique de llargissement et parla ralisation dune unification europenne

    partielle et savanait vers la Fdrationdes tats-Nations prne par Jacques Delors

    en matire conomique et montaire.Mais, lEurope na pas su conclure de faon

    harmonieuse un long cycle de rformesinstitutionnelles qui sest traduit

    par le trait de Lisbonne, aprs lchecdu trait constitutionnel

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    Nigeria). Sur notre continent, la construction euro-penne engage aprs la Seconde guerre mondiale,a abouti une interdpendance croissante des payset la majorit des changes de biens et de marchan-dises seffectue entre eux. Cest la consquence du

    mouvement entrepris au milieu des annes quatre-vingt autour des rgles du march unique europenet de ladoption par la grande majorit des payseuropens de leuro, partir de 1992. Jusqu unedate rcente, tout semblait russir lEurope. Elleavait accompli son destin historique par la fin de sadivision, par la dynamique de llargissement et parla ralisation dune unification europenne partielleet savanait vers la Fdration des tats-Nationsprne par Jacques Delors en matire conomique

    et montaire. Mais, lEurope na pas su conclurede faon harmonieuse un long cycle de rformesinstitutionnelles qui sest traduit par le trait deLisbonne, aprs lchec du trait constitutionnelo restent pendantes les questions centrales de sagouvernance, de la rpartition des comptences etdes politiques, et o la monnaie unique, mise malpar labsence de politique conomique commune,apparat comme la seule relle avance depuis ledbut des annes quatre-vingt-dix.

    Le moteur franco-allemand nest plus, malgr lesefforts des uns et des autres, en mesure dtre le seulcatalyseur dune relance europenne, et dautresacteurs qui pourraient jouer un rle dterminant,sont rfractaires, comme la Grande-Bretagne, ouhsitent sinscrire dans des projets audacieux,mme rduits des cercles restreints dtats. Dansle domaine sensible de lEurope de la dfense quiaurait pu tre une autre avance dcisive, depuisle gouvernement de Lionel Jospin, peu de chose a

    volu et les accords de Lancaster avec le Royaume-Uni nont pas permis de progrs rellement dcisifs.Ils ont plutt marqu la fin dune dynamique dansle cadre de lUnion et le retour de simples coop-rations bilatrales.Au total, lEurope naura pas vraiment bnficidans les mmes proportions dans les annes 2000,de la phase de croissance globale, du phnomne dela mondialisation, contrairement aux rgions dAsie

    ou dAmrique latine, et maintenant, aprs la crise,elle apparat moins capable que dautres ensembles,comme les tats-Unis dAmrique, de prendre viteet de faon consensuelle les dcisions simposantdans la tempte. Cest ce double constat qui conduit

    les peuples europens sans doute plus en Francequailleurs douter de la construction europenneelle-mme. La situation conomique de lEurope estdevenue un sujet de proccupation essentiel pour lecitoyen europen sur fond de chmage et de dloca-lisations, mais aussi dingalits croissantes entrepays et disons-le, une forme de retour lgosmenational, dont les positions de la chancelire alle-mande sont souvent le tmoignage.De plus, cette interdpendance mondiale et euro-

    penne nexclut en aucune faon les phnomnes

    de tension ou de crise ; lide dune fin de lhistoire

    ou des dividendes de la paix a fait long feu. Lemonde est aujourdhui menac par la prolifrationdes armes destruction massive et la prolifrationdes missiles balistiques, par linstabilit du Procheet du Moyen-Orient qui ne se rsume pas au seulaffrontement isralo-arabe et la question palesti-nienne. Aujourdhui, aprs le printemps arabe qui aabouti leffacement dun nationalisme dinspirationnassrienne, de graves interrogations psent sur le

    Aujourdhui, aprs le printemps arabe quia abouti leffacement dun nationalisme

    dinspiration nassrienne, de gravesinterrogations psent sur le devenir des tatsqui ont secou le joug totalitaire. De la mme

    faon, des interrogations de plus en plus

    lourdes psent sur les ambitions iraniennesdans le Golfe, alors que Thran, malgr lesappels et les pressions, semble poursuivre ledveloppement de capacits nuclaires dontla dimension militaire ne saurait tre, sauf

    imprudence, msestime.

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    La France, le monde, la gauche

    Unis dAmrique. La rticence de la Chine sins-

    crire dans les rgles dj bien incertaines de lagouvernance mondiale est, et sera sans doute encore,un lment de frein la mise en place doutils dergulation conomiques et financiers. Lattitude dePkin alimente les partisans dun protectionnisme lchelle nationale ou europenne dans les pays duvieux continent marqus, mais de faon diffren-cie, par laffaiblissement de la croissance, voire dela rcession.

    Un quinquennat pour si peu

    En 2007, Nicolas Sarkozy a promis haut et fort larupture. lvidence, cette thmatique qui corres-pond son caractre tait destine stigmatiserlinertie de ses prdcesseurs. La politique tran-gre de la France na pas chapp la prcipita-tion et aux incessantes contradictions qui sont lamarque de lactuel prsident de la Rpublique.

    Comme toutes les autres politiques conduites parla majorit sortante, celle dfinissant la place dela France dans le monde a t tiraille, malmeneau gr des foucades prsidentielles. Pourtant, silest un domaine o comptent les notions de tempset dquilibre, cest bien la politique trangre.Franois Mitterrand la montr au monde de faonclatante. On mesure prsent ltendue des fauxpas et des maladresses auxquels nous ont conduit

    devenir des tats qui ont secou le joug totalitaire.De la mme faon, des interrogations de plus en pluslourdes psent sur les ambitions iraniennes dans leGolfe, alors que Thran, malgr les appels et lespressions, semble poursuivre le dveloppement de

    capacits nuclaires dont la dimension militaire nesaurait tre, sauf imprudence, msestime. Danscette partie du monde, lintervention amricaine enIrak laquelle la France a bien fait de ne passassocier montre les limites des capacits de lapremire puissance de la plante imposer la paixet la stabilit aprs avoir gagn la guerre. Dans lemme ordre dide, lautre bout de ce que certainsappellent un arc de crise , lAfghanistan, malgrles milliers dhommes dploys et les centaines

    de millions de dollars et deuros verss, ne peuttre pacifi et on voit bien aujourdhui que dessolutions politiques et conomiques dans la duredoivent tre imagines en urgence. Le principe deralit conduit dailleurs ne plus exclure lidedun dialogue avec les talibans, tant le risque dunenlisement est devenu lobsession des pays militai-rement engags.Sil nest pas la seule menace autour de laquelledoivent sorganiser toutes nos rponses, le terrorisme

    est un phnomne que personne ne peut ignorer etle terrorisme national dinspiration islamique resteune menace srieuse pour les tats europens etles tats-Unis. On voit bien que, malgr les volu-tions dans le monde arabe vers plus de dmocratieet de pluralisme, le phnomne ne faiblit pas, mmesi aujourdhui il semble se concentrer, sur fond derivalits internes, dans les pays arabo-musulmanseux-mmes.Le dernier phnomne structurant des relations

    internationales est lmergence de la Chine commepuissance globale alors que dcline celle de laRussie dote la fois de capacits militairesstratgiques, dune force de frappe conomique etfinancire autour de ses principaux groupes consti-tus souvent partir dentreprises dtat, dunemonnaie largement sous-value et de la dtentionde crances colossales sur les pays des conomiesdveloppes traditionnelles, y compris les tats-

    La rticence de la Chine sinscrire dans lesrgles dj bien incertaines de la gouvernance

    mondiale est, et sera sans doute encore, unlment de frein la mise en place doutils

    de rgulation conomiques et financiers.Lattitude de Pkin alimente les partisans

    dun protectionnisme lchelle nationale oueuropenne dans les pays du vieux continent

    marqus, mais de faon diffrencie,par laffaiblissement de la croissance,

    voire de la rcession.

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    lier seul lysen et la diplomatie de perron ontsuscit la perplexit de nos partenaires europenset arabes, contraignant le ministre des Affairestrangres de pnibles contorsions au momentmme o nous avions le plus besoin de convaincre.

    Bien faible consolation, ces oprations en Libyeauront permis de faire apparatre clairement nospartenaires britanniques que le rle de premier dela classe ne leur permettait pas rellement din-fluencer la politique de Washington ! Au total, cettepolitique daffichage et dincantation na pas permis notre pays de faire entendre sa voix suffisammentdans les grands dossiers mondiaux comme il lauraitd. En zigzagant sans cesse, on finit par ne plus tresuivi. En bousculant en permanence, on indispose

    plutt quon ne convainc !

    Une politique trangre de gauche

    Peut-il y avoir, face cette politique de la droite,profondment marque par les thories du no-conservatisme amricain, une politique tran-gre ? Cela semble antinomique de lide souventrpandue que la politique trangre de la France est

    ncessairement partage et consensuelle, comme leserait notre politique de dfense. Ce serait faire fides dbats qui traversent la gauche depuis plus decinquante ans sur ce domaine et rduire la pense enpolitique trangre de notre famille au seul courantde pense longtemps dominant de la realpolitik,ou celui qui met en avant de faon dterminante,voire omniprsente, le soutien la dmocratieet aux droits de lHomme. La gauche a aussi, neloublions pas, bti dans les annes soixante-dix

    et quatre-vingt, une approche ouvertement tiers-mondiste, qui parfois sest gare dans la complai-sance lgard de rgimes qui se sont rvls hlastotalitaires. lvidence, ce courant a diminu din-fluence tant elle apparat aujourdhui seule prsente lextrme gauche autour des thses soutenues parles altermondialistes. Il serait donc vain de vouloireffacer des divisions relles et encore moins vouloirfondre des tendances aussi contradictoires. Elles

    lorgueil sinon la vanit de Nicolas Sarkozy : un moteur franco-allemand gripp, une Union pourla Mditerrane mal conue, aujourdhui bloque ;des ministres ne comprenant rien au printempsarabe ; lAfrique considre avec condescendance

    sous prtexte que lhomme africain ntait pasassez entr dans lHistoire Comment oubliergalement les polmiques avec nos partenaireseuropens sur le sort rserv aux Roms ou sonostracisme envers la Turquie !Bien sr, Nicolas Sarkozy a russi quelquesoprations certains diraient des coups par exemple en donnant lillusion dapporter desrponses la crise conomique mondiale. Maisdans ce cas comme dans dautres, le triomphe fut

    de courte dure, et les rponses proposes nont passuscit la solidarit europenne accrue et visibleque chacun esprait alors que la crise des dettessouveraines nous frappe tous au cur. La volont derapprochement avec les tats-Unis a donn de bienmaigres fruits, la rintgration dans le comman-dement militaire de lOtan, dont il faudra tirer lebilan, mais qui dores et dj, na apport aucun desrsultats annoncs, quil sagisse du renforcementde lEurope de la dfense, ou de notre capacit din-

    fluence dans la relation atlantique, par exemple surla question afghane ; les anticipations guerrires contretemps envers lIran ne nous ont pas apportles bonnes grces de Washington. Quant la poli-tique franaise lgard du conflit isralo-arabe,elle a manqu de constance et de lisibilit.Concernant les oprations en Libye, dont le bien-fond nest pas contestable, la France a pein seconcerter avec ses allis. La politique du cava-

    Cette politique daffichage et dincantationna pas permis notre pays de faire entendre

    sa voix suffisamment dans les grands dossiersmondiaux comme il laurait d. En zigzagant

    sans cesse, on finit par ne plus tre suivi.En bousculant en permanence, on indispose

    plutt quon ne convainc !

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    La France, le monde, la gauche

    prsence, nos diplomates, lun des tout premiersrseaux au monde, nos soldats engags par milliersdans des oprations extrieures, nos entreprises,nos chercheurs, nos ONG Nous avons un formi-dable rseau culturel et ducatif, une langue qui

    est toujours lune des premires au monde et quilconvient de dfendre et de promouvoir.Rigoureuse et imaginative dans la conduite de sapolitique nationale, afin de permettre la Francede retrouver sa cohsion et lui redonner confiancedans son avenir, la gauche doit ltre aussi en poli-tique trangre : par exemple, en agissant au niveaudu G20 pour promouvoir des changes conomiquesdynamiques mais qui tiennent compte des impra-tifs sociaux et cologiques, indissociables du nouvel

    ordre international que nous voulons tablir. Avecdes pays comme le Brsil, lInde, lAfrique du Sudmais aussi la Chine et la Russie tant ces deuxderniers pays jouent un rle dans les quilibresglobaux de la plante nous devrons relancer,en troite concertation europenne, la rechercheexigeante de compromis bnficiant tous, parexemple pour limiter les effets du changementclimatique. Sans ngliger ou marginaliser dansnotre politique trangre, comme cela sest fait trop

    souvent, dautres espaces tels que lAmrique latine,lAsie ou lOcanie, il faut redire avec force limpor-tance centrale de notre engagement europen. Nousdevons avancer rsolument vers un ensemble plusintgr, seul capable de rpondre aux dfis poli-tiques et conomiques qui simposent nous.Depuis la crise financire qui a secou lensembledes places boursires et sest traduite par la miseen place dans la plupart des pays, y compris laFrance, de mesures spcifiques pour venir, dabord,

    au secours des banques et, maintenant, soutenir etrelancer lactivit, lEurope semble avoir, enfin, sousla pression des vnements, compris la ncessit deraffirmer son rle central comme outil de rgula-tion et de protection. Mais il y a loin de la coupe auxlvres ; il faudrait pour cela, dabord, que lembryonde gouvernement conomique europen, spontan-ment cr dans la tempte et dans limprovisa-tion puisse se concrtiser et surtout se prenniser.

    coexistent et sont autant dlments pertinentspour assurer le socle dune politique trangre degauche fonde sur des valeurs dhumanisme, dsi-reuses de participer la transformation dun mondeinjuste mais qui sait aussi par exprience gouver-

    nementale quil faut savoir comprendre le rel sion veut vraiment changer lordre des choses. Cettepolitique doit donc pouvoir concilier une approcheraliste, et le souci daccompagner partout lmer-gence de forces dmocratiques, en rappelant queles droits de lHomme ne sont pas contingents etdivisibles mais universels.Renouveau, cohrence et solidit sont les matresmots de la politique trangre que les socialistesproposeront la France, demain. Il faut renouer

    rapidement avec le message universel que portehistoriquement notre pays, retrouver lambition derendre le monde plus juste et plus quilibr dansla rpartition des richesses comme dans sa gouver-nance, redfinir un jeu collectif en commenantpar notre continent. Car plus lEurope est forte,plus la voix de la France porte. Rien de cela nesera facile, tant les dgts sont importants etparce que les forces progressistes ne sont majori-taires ni dans le monde ni sur notre continent. Il

    nous faudra, comme Franois Mitterrand lavaitfait, travailler avec dautres sans renier nos convic-tions. Membre permanent du Conseil de scuritdot du droit de vto, puissance nuclaire dont ladoctrine est fonde sur le principe de la dissuasionet sur deux composantes maritimes et ariennesqui doivent tre prserves et modernises, elle ena les moyens, avec tous ceux qui uvrent notre

    Renouveau, cohrence et soliditsont les matres mots de la politique trangre

    que les socialistes proposeront la France,demain. Il faut renouer rapidement avec le

    message universel que porte historiquementnotre pays, retrouver lambition de rendrele monde plus juste et plus quilibr dans

    la rpartition des richesses comme dans sagouvernance, redfinir un jeu collectif en

    commenant par notre continent.

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    mouvement qui, matris et rgul, est source de

    richesses partages et le besoin de protection. AussilEurope, avec la France en fer de lance, doit-elleuvrer avec dtermination en faveur de la mise enplace de mesures contre le dumping social et fiscal,dune taxation sur les transactions financires ouencore de taxes correctrices pnalisant les importa-tions de pays ne respectant pas les normes socialeset environnementales.Nous ne ferons pas lconomie dune rflexion sur ceque doit tre une nouvelle politique industrielle, car

    cest cela que chacun pense, confront quil est lannonce des plans de licenciement et des mesuresde chmage technique. Comment redonner un sens ce mot dvaloris et dat, dans un espace marqupar les salaires levs, un haut niveau de protectionsociale et une conomie essentiellement assise surles services ? Bien entendu il nest pas propos detourner le dos la stratgie de Lisbonne ; il nous fautencourager, par des moyens publics renforcs, desprogrammes europens dans des secteurs haute

    valeur ajoute. Ils sont gages de notre comptiti-vit et garants de notre avantage comparatif (maissoyons lucides, pour combien de temps encore sinous restons aussi timors, et si lon regarde lIndeou la Chine). Il nous faut librer les nergies delconomie de la connaissance.Mais doit-on pour autant condamner, avec lepessimisme de lintelligence, des secteurs commelautomobile, ou dautres, gnrateurs de millions

    Or, rien nest moins sr. Et du fait de larrogance denotre pays, une fois encore et hlas de son abaisse-ment tant conomique que politique, dont la traduc-tion trois ans aprs est la perte symbolique de notretripe A. Certes, la prsidence franaise de lunion

    europenne a t marque par plusieurs initiativesutiles y compris dans le domaine conomique etfinancier, mais lagitation de notre Prsident quonsonge la maladresse avec laquelle il a rclam laprsidence de lEurogroupe et la discontinuit deson action, nont pas permis de jeter les fondementsdun gouvernement conomique, que la gaucheappelle de ses vux depuis plusieurs annes.Alors que monte lhostilit dans plusieurs tatsaux fondements mmes de lUnion et lapprofon-

    dissement des comptences communautaires, voiremme un simple renforcement de la coordina-tion intertatique, la ralit dune lEurope encoreprofondment marque par des ides librales etadosse sur une majorit de gouvernements conser-vateurs empche, sauf si politiquement les sociaux-dmocrates reprennent linitiative, des avancesdurables dans ce domaine. Le combat est loindtre gagn, tant la crise relance les rflexes iden-titaires et de repli frileux dans le protectionnisme.

    Plusieurs chantiers doivent tre explors, vite etsimultanment, celui des institutions conomiqueset financires de lUnion, sans tabou y comprissur la place et la mission de la Banque Centrale ;celui des politiques publiques europennes, carles citoyens de nos pays attendent des actes pourlutter contre les effets de la crise, pour renforcer lesatouts de lEurope, qui nen manque pas, bien aucontraire, quand nous sortirons de ce cycle funeste.Outre lengagement en faveur dun gouvernement

    conomique, dun Fonds de soutien rnov, maisaussi la cration deuro-bonds qui doivent lafois servir lutter contre la spculation sur lesdettes souveraines et pour financer des investisse-ments davenir, la France doit tre lartisane dunPacte europen qui permette de rpondre linvi-table interdpendance mondiale tout en dfendantles travailleurs europens. Il ny a pas de sens opposer la mondialisation des changes, puissant

    Plusieurs chantiers doivent tre explors,vite et simultanment, celui des institutions

    conomiques et financires de lUnion,sans tabou y compris sur la place

    et la mission de la Banque centrale ; celuides politiques publiques europennes, car

    les citoyens de nos pays attendent des actespour lutter contre les effets de la crise, pour

    renforcer les atouts de lEurope, qui nenmanque pas, bien au contraire, quand nous

    sortirons de ce cycle funeste.

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    La France, le monde, la gauche

    lagence europenne de dfense, par une mutualisa-tion et un partage des moyens militaires des Euro-pens et par le dveloppement des comptences,associant moyens militaires et civils, dont lUnioneuropenne est seule disposer. Pour que lEurope

    soit une puissance mme de dfendre ses valeurset ses intrts dans le monde, elle doit tre auto-nome, cest--dire dote de ses propres capacits deplanification et de commandement. Pour retrouvercette ambition, nous devrons redonner la Francela place de moteur de lEurope de la dfense, quellea abandonne. Il faut donc durgence engager desdiscussions srieuses sur la relance de lEuropede la dfense avec nos partenaires, en premier lieuAllemands et Britanniques ou encore Polonais. Un

    monde qui ne doit pas tre craint mais arm dergles et peupl darbitres pour les faire respecter.Peut-on croire que sans lEurope cela se ferait ?La France doit aussi sengager, avec lEurope, redfinir et moderniser sa politique en direction delAfrique subsaharienne et des pays de la rive sudde la Mditerrane. Avec ces derniers, nous devonsen priorit, aprs le printemps arabe, uvrer pourconsolider les avances dmocratiques, aujourdhuimenaces par la rsurgence de forces rtrogrades.

    Il y a urgence. Nous europens savons quaprs lePrintemps des peuples de 1848 est venu le tempsde la raction et du conservatisme. On le constatehlas en Syrie o tous les jours les droits humainssont pitins par un rgime qui refuse dadmettrelaspiration dmocratique manant de son peuple. plus long terme, il est de notre intrt commun

    demplois directs et indirects. Dailleurs, beaucoupde ces secteurs traditionnels nintgrent-ils pasde trs hautes technologies et ne peuvent-ils pasparticiper dune conomie qui doit tre imprative-

    ment fonde sur les principes du respect de len-vironnement et du dveloppement durable ? cetgard, la crise de lautomobile en Europe est, hlas,emblmatique. Crise qui nest pas seulement laconsquence du krach financier et de lattitude duclient qui prfre aujourdhui, inquiet de lavenir,lpargne la consommation, mais qui est le fruitdun conservatisme absurde des constructeurs auto-mobiles europens. Or, faute de politique publiqueau niveau national et europen, in finede volont

    politique, certains des choix industriels errons nont pu tre corrigs. Ils seront lourds de cons-quences, sans lintervention rapide des tats euro-pens et une volution de la pratique de lUnion quidoit redfinir un quilibre entre politiques secto-rielles et respect du droit de la concurrence.Confronts au rel nous devons, sans cesse, conti-nuer de revisiter des certitudes du pass et imaginerdes solutions pour refonder, comme aprs la crisede 1929 et la Deuxime guerre mondiale, les prin-

    cipes et les politiques de notre espace commun,lEurope. Espace incontournable et indispensabledans un monde globalis, qui le restera. LEuropede la dfense pourrait en tre un symbole, alorsquelle est au plus mal, comme la cruellementsoulign la crise libyenne. Quil semble loin letemps du sommet de Saint-Malo, sous le gouver-nement de Lionel Jospin. Nous devrons donc luiredonner une dynamique, par le renforcement de

    Confronts au rel nous devons, sans cesse,continuer de revisiter des certitudes du pass

    et imaginer des solutions pour refonder, commeaprs la crise de 1929 et la Deuxime guerre

    mondiale, les principes et les politiques denotre espace commun, lEurope.

    Espace incontournable et indispensabledans un monde globalis, qui le restera.

    La France doit aussi sengager, avec lEurope, redfinir et moderniser sa politique en

    direction de lAfrique subsaharienne etdes pays de la rive sud de la Mditerrane.Avec ces derniers, nous devons en priorit,

    aprs le printemps arabe, uvrer pourconsolider les avances dmocratiques,

    aujourdhui menaces par la rsurgence deforces rtrogrades. Il y a urgence.

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    31Le Dossier

    mutuel, la claire vision de nos intrts communs etla capacit, lorsque cest ncessaire, de parler denos divergences ; il doit en tre ainsi entre de vieuxallis et deux grandes dmocraties. Selon notre

    Prsident, jamais depuis La Fayette notre pays naconnu de relations aussi bonnes avec Washington.Ce nest pas la mise en scne convenue de lentre-tien la tlvision avec le Prsident Obama quipeut nous en convaincre. Ce nest pas en devan-ant les attentes supposes de cet acteur majeurque nous serons mieux couts ou respects ! Notrepays devra repenser, et vite, sa relation avec notrepartenaire doutre-Atlantique, une relation fondesur la confiance et la solidarit, mais qui ne sacrifie

    pas sa propre vision. Les tats-Unis sont nos alliset jamais les Franais noublieront le don du sangfait par eux pendant les deux guerres mondiales ;ce sont aussi des amis qui il faut parfois dire deschoses qua priori ils ne souhaitent pas entendre.Cest en travaillant concrtement sur les dossiersquon progressera dans la reconstruction dune rela-tion forte et dcomplexe. Les occasions ne manque-ront pas en 2012 que ce soit nouveau, hlas, surles sujets de la gouvernance mondiale en priode

    de crise Washington prsidera alors les travauxdu G8 et du G20 ou encore sur la lutte contrele terrorisme, sur lAfghanistan et sur les questionsstratgiques sensibles, notamment le sujet pineuxdu dploiement des systmes de missiles antiba-listiques. Ces sujets seront au cur du sommet delAlliance Chicago, premier rendez-vous et testpour notre nouveau Prsident.Concernant lAfghanistan, nous devrons travailler

    dinvestir massivement dans ces pays dans la forma-tion professionnelle et, pour ceux qui nous sont leplus proche, le Maghreb, renouer les liens dami-tis et de travail trop distendus, notamment avec lasocit civile.

    En Afrique, la France doit rapidement redfinirune politique qui rompe dfinitivement avec le legscolonial et la Franafrique, qui prenne en comptela jeunesse de sa population et le dcollage de sonconomie. Cette proximit qui tient lHistoire, maissurtout aux relations personnelles qui, aujourdhui,tablissent des ponts entre Franais et Africains,la France a la responsabilit dy ouvrir ses parte-naires europens. Il faut sinvestir en Afrique nonseulement pour lutter contre le terrorisme et les

    trafics affectant notre scurit, mais surtout parceque lEurope y a intrt, notamment parce quelAfrique est aujourdhui le plus grand march endevenir et parce que seul long terme le dveloppe-ment du Continent permettra de diminuer la pres-sion migratoire. Pour tre crdible tant Tunis quBamako, cette posture nouvelle doit lvidencesaccompagner dune politique migratoire rflchieet conforme aux intrts de la France. Rduire cettequestion une gestion quantitative, dshumanise,

    cest pitiner nos engagements historiques en faveurdes droits de lHomme mais cest aussi mconnatreles besoins long terme de notre conomie et denotre dmographie. Cette politique ne peut se btirqu lchelon europen, et plusieurs grands pays,mme gouverns par des majorits de droite, pour-ront sy joindre car ils sont moins dogmatiques etdmagogues que le gouvernement franais actuel.Tout cela doit saccompagner dun effort europenet national en faveur de laide au dveloppement et

    de la protection de lenvironnement. Ce dossier doittre lun des sujets majeurs dune politique euro-penne concrte et ambitieuse. Il faudrait organiserdes tats gnraux europens du dveloppement etde la protection de lenvironnement, ds lt 2012,en mettant laccent sur la recherche de finance-ments innovants.Enfin il y a urgence renouer un authentiquedialogue avec les tats-Unis, fond sur le respect

    Selon notre Prsident, jamais depuis La Fayettenotre pays na connu de relations aussi bonnesavec Washington. Ce nest pas la mise en scne

    convenue de lentretien la tlvisionavec le Prsident Obama qui peut nous enconvaincre. Ce nest pas en devanant les

    attentes supposes de cet acteur majeur quenous serons mieux couts ou respects !

  • 8/13/2019 La Revue socialiste n45-46 Le changement c'est maintenant

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    LAREVUESOCIALISTEN 45-46 - 1ERET2ETRIMESTRE2012

    La France, le monde, la gauche

    ces sujets, il nest en pas question de continuer affaiblir la scurit de la France en poursuivantune politique marque par limprovisation. Il nousfaudra restaurer lide-force du Livre blanc quepar ailleurs il faudra rapidement revisiter que la

    rintgration de la France dans le commandementmilitaire de lOTAN na de sens que si elle saccom-pagne dune vraie politique en faveur dune relancede lEurope de la dfense, tche difficile lheureo se raffirment des gosmes nationaux et parla cration dun pilier europen de lAlliance. Lediscours amricain, aprs les oprations en Libye,la baisse des crdits militaires et lintrt crois-sant envers la zone Asie-Pacifique au dtriment delEurope devrait permettre la France de reprendre

    auprs de ses partenaires des initiatives fortes. Ilnous faudra aussi prendre les mesures et rendre lesarbitrages ncessaires pour garantir lautonomie dela dcision franaise en matire nuclaire, spatialeet dans le domaine du renseignement. Sur tous cessujets, il ne doit pas exister gauche d