la révision du revenu cadastral

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20 Le journal du Médecin | 7 avril 2017 | N° 2490 Gestion L e revenu cadastral est une évaluation fiscale de la valeur locative annuelle moyenne d’un immeuble situé en Belgique. Ce revenu intervient princi- palement pour l’établissement de deux impôts distincts : le précompte immobi- lier d’une part, à l’impôt des personnes physiques et d’autre part puisque les propriétaires doivent déclarer le revenu cadastral de leur(s) immeuble(s) dans certains cas bien précis. Mode d’établissement du revenu cadastral L’administration du cadastre fixe en principe le revenu cadastral pour une période de dix ans. Il est de notoriété publique que cette règle est une belle chimère puisque la dernière et le seul réajustement (ou péréquation) date de 1975. Étant donné que la péréquation géné- rale décennale est perpétuellement reportée parce que qu’elle demande un travail considérable à l’administration fiscale et doit intervenir à l’initiative d’une décision politique que personne ne veut assumer sous peine de créer une révolution en Belgique, les revenus cadastraux sont indexés chaque année depuis l’exercice d’imposition 1992 (1,7491 en 2017). De ce curieux système découlent de curieuses consé- quences et de profondes iné- galités. L’administration doit évaluer les nouveaux immeu- bles construits à leur valeur de 1975 par un savant calcul d’actualisation. Mais il existe aussi des inégalités de fait entre, d’une part, les immeubles anciens qui ont été évalués sur la base de critères et de niveaux d’équipements qui datent de plus de 40 ans alors qu’ils ont été profondément rénovés dans la majorité des cas et d’autre part, les immeubles actuels bien plus modernes dont le niveau d’équipement est diffi- cile à cacher à l’administration. Les immeubles modernes ont donc bien souvent un revenu cadastral nette- ment plus élevé que les anciens immeu- bles. L’évaluation se fait sur la base du marché locatif sur lequel le bien est situé, de la superficie, du niveau de confort (chauffage, salles de bains, etc.) et en tenant compte de points de com- paraisons avec d’autres biens. Modification du revenu cadastral L’administration fiscale peut rééva- luer la valeur cadastrale d’un immeu- ble. Elle le fait à l’occasion des péréqua- tions périodiques, mais nous avons déjà vu que ces réajustements n’ont jamais eu lieu. Elle le fait aussi à l’initiative du contribuable qui est tenu par la loi de déclarer spontanément toute modifica- tion apportée à un immeuble bâti ou non en vertu de l’article 473 du Code des impôts sur les revenus. Il est bien entendu relativement rare que le contribuable déclare spontané- ment ces modifications, sauf dans l’hy- pothèse où un permis de bâtir est indis- pensable puisque dans ce cas de figure, l’administration sera automatiquement informée des travaux et ne manquera pas de réagir. L’actualité nous apprend également que l’administration peut enquêter pour vérifier si le revenu cadastral qui est défini établi correspond toujours à la réalité. Pour ce faire elle peut demander des renseignements au contribuable lui- même, aux autres administrations publiques et même pénétrer dans les lieux pour vérifier que les informations déclarées sont exactes. Le revenu cadastral nouvellement établi est notifié par lettre recomman- dée à la poste à l’adresse du propriétaire qui dispose d’un délai de deux mois pour introduire une réclamation s’il estime que le revenu cadastral est trop élevé. À défaut d’obtenir satisfaction au terme de cette procédure administra- tive, le propriétaire dispose du droit de lancer une procédure d’arbitrage et ensuite une procédure judiciaire. Le précompte immobilier Il s’agit d’un impôt qui avait jadis un caractère d’avance à l’impôt sur les revenus. Il a évolué depuis en un impôt totalement distinct, sauf pour les socié- tés qui peuvent encore le déduire. Cet impôt est calculé en fonction d’un pourcentage du revenu cadastral indexé (1,25 % en Wallonie et à Bruxelles, 2,50 % en Flandre) sur lequel les provinces, les agglomérations et les communes viennent appliquer des cen- times additionnels. Cet impôt est donc désormais entièrement régionalisé et l’on peut donc comprendre que la région bruxelloise cherche à optimiser ses recettes fiscales en réévaluant les anciennes habitations. L’impôt des personnes physiques La propriété d’un immeuble constitue une source de revenus potentiels qui intéresse le fisc. C’est la raison pour laquelle il est en principe obligatoire de déclarer le revenu cadastral de l’immeu- ble dont vous êtes propriétaire. Cependant, la loi prévoit à l’article 12 §3 La révision du revenu cadastral La Région bruxelloise chasse les propriétaires des habitations classées 0 et 1, c’est- à-dire des habitations qui sont reprises sur les relevés du cadastre comme étant dépourvues de chauffage et de sanitaires ou étant équipées seulement de l’une de ces deux commodités (classé 1). Il est rare que les habitations soient encore aujourd’hui dépourvues de ces installations indispensables à la vie moderne, mais il nous a quand même semblé utile de revenir sur la notion du revenu cadastral et sur les conséquences fiscales qui en découlent. FISCALITÉ Les immeubles modernes ont bien souvent un revenu cadastral nettement plus élevé que les anciens immeubles. Le revenu cadastral a deux principales fonctions pour les particuliers : il intervient dans le calcul du précompte immobilier et dans le calcul de l’impôt des personnes physiques. ©Belga Image JDM2490-020 05/04/17 11:21 Pagina 20

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20 Le journal du Médecin | 7 avril 2017 | N° 2490

Gestion

Le revenu cadastral est uneévaluation fiscale de la valeurlocative annuelle moyenned’un immeuble situé en

Belgique. Ce revenu intervient princi-palement pour l’établissement de deuximpôts distincts : le précompte immobi-lier d’une part, à l’impôt des personnesphysiques et d’autre part puisque lespropriétaires doivent déclarer le revenucadastral de leur(s) immeuble(s) danscertains cas bien précis.

Mode d’établissement durevenu cadastral

L’administration du cadastre fixe enprincipe le revenu cadastral pour unepériode de dix ans. Il est de notoriété

publique que cette règle est une bellechimère puisque la dernière et le seulréajustement (ou péréquation) date de1975.

Étant donné que la péréquation géné-rale décennale est perpétuellementreportée parce que qu’elle demande untravail considérable à l’administrationfiscale et doit intervenir à l’initiatived’une décision politique que personnene veut assumer sous peine de créer unerévolution en Belgique, les revenuscadastraux sont indexés chaque annéedepuis l’exercice d’imposition 1992(1,7491 en 2017).

De ce curieux systèmedécoulent de curieuses consé-quences et de profondes iné-galités. L’administration doitévaluer les nouveaux immeu-bles construits à leur valeurde 1975 par un savant calculd’actualisation.

Mais il existe aussi des inégalités defait entre, d’une part, les immeublesanciens qui ont été évalués sur la basede critères et de niveaux d’équipementsqui datent de plus de 40 ans alors qu’ilsont été profondément rénovés dans lamajorité des cas et d’autre part, lesimmeubles actuels bien plus modernesdont le niveau d’équipement est diffi-cile à cacher à l’administration.

Les immeubles modernes ont doncbien souvent un revenu cadastral nette-ment plus élevé que les anciens immeu-bles.

L’évaluation se fait sur la base dumarché locatif sur lequel le bien estsitué, de la superficie, du niveau deconfort (chauffage, salles de bains, etc.)et en tenant compte de points de com-paraisons avec d’autres biens.

Modification du revenucadastral

L’administration fiscale peut rééva-luer la valeur cadastrale d’un immeu-

ble. Elle le fait à l’occasion des péréqua-tions périodiques, mais nous avons déjàvu que ces réajustements n’ont jamaiseu lieu.

Elle le fait aussi à l’initiative ducontribuable qui est tenu par la loi dedéclarer spontanément toute modifica-tion apportée à un immeuble bâti ounon en vertu de l’article 473 du Codedes impôts sur les revenus.

Il est bien entendu relativement rareque le contribuable déclare spontané-ment ces modifications, sauf dans l’hy-pothèse où un permis de bâtir est indis-pensable puisque dans ce cas de figure,l’administration sera automatiquementinformée des travaux et ne manquerapas de réagir.

L’actualité nous apprend égalementque l’administration peut enquêterpour vérifier si le revenu cadastral quiest défini établi correspond toujours à laréalité. Pour ce faire elle peut demanderdes renseignements au contribuable lui-même, aux autres administrationspubliques et même pénétrer dans leslieux pour vérifier que les informationsdéclarées sont exactes.

Le revenu cadastral nouvellementétabli est notifié par lettre recomman-dée à la poste à l’adresse du propriétairequi dispose d’un délai de deux moispour introduire une réclamation s’ilestime que le revenu cadastral est trop

élevé. À défaut d’obtenir satisfaction auterme de cette procédure administra-tive, le propriétaire dispose du droit delancer une procédure d’arbitrage etensuite une procédure judiciaire.

Le précompte immobilierIl s’agit d’un impôt qui avait jadis un

caractère d’avance à l’impôt sur lesrevenus. Il a évolué depuis en un impôttotalement distinct, sauf pour les socié-tés qui peuvent encore le déduire.

Cet impôt est calculé en fonction d’unpourcentage du revenu cadastralindexé (1,25 % en Wallonie et àBruxelles, 2,50 % en Flandre) sur lequelles provinces, les agglomérations et lescommunes viennent appliquer des cen-times additionnels. Cet impôt est doncdésormais entièrement régionalisé etl’on peut donc comprendre que larégion bruxelloise cherche à optimiserses recettes fiscales en réévaluant lesanciennes habitations.

L’impôt des personnesphysiques

La propriété d’un immeuble constitueune source de revenus potentiels quiintéresse le fisc. C’est la raison pourlaquelle il est en principe obligatoire dedéclarer le revenu cadastral de l’immeu-ble dont vous êtes propriétaire.

Cependant, la loi prévoit à l’article 12 §3

La révision du revenu cadastralLa Région bruxelloise chasse les

propriétaires des habitations classées 0 et 1, c’est-à-dire des habitations qui sont reprises sur lesrelevés du cadastre comme étant dépourvues dechauffage et de sanitaires ou étant équipéesseulement de l’une de ces deux commodités(classé 1). Il est rare que les habitations soientencore aujourd’hui dépourvues de ces installationsindispensables à la vie moderne, mais il nous aquand même semblé utile de revenir sur la notiondu revenu cadastral et sur les conséquencesfiscales qui en découlent.

FISCALITÉ

Les immeubles modernes ont bien souvent un revenu cadastral nettement plus élevé que les anciens immeubles.

Le revenu cadastral a deux principales fonctions pour lesparticuliers : il intervient dans le calcul du précompteimmobilier et dans le calcul de l’impôt des personnesphysiques.

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du Code des impôts sur les revenus quelorsque vous occupez le bien immobi-lier dont vous êtes propriétaire, vousn’êtes pas obligé d’en déclarer le revenucadastral. Lorsque vous occupez plusd’une habitation, l’exonération estaccordée pour une seule habitation àvotre choix.

Lorsqu’un immeuble est donné enlocation, c’est encore le revenu cadas-tral qui doit être déclaré, sauf si le bienest loué à une personne qui l’affecte àson activité, auquel cas c’est le revenulocatif réel qui vient s’ajouter aux reve-nus du propriétaire.

Sachant que le revenu cadastral estbien souvent inférieur au revenu locatifréel, la location d’un immeuble à unparticulier constitue donc bien souventun bel avantage par rapport à la décla-ration du revenu réel.

Dans ce cas, le revenu cadastral estalors ajouté aux revenus professionnelset taxé au taux ordinaire de l’impôt despersonnes physiques.

ConclusionLe revenu cadastral est une très vielle

notion qui rappelle aux contribuablesque s’ils sont propriétaires d’un bienimmobilier, celui-ci demeure avant toutun bien situé sur le territoire nationalsur lequel l’État ne se prive pas de leverdes impôts.

La récente initiative de la Régionbruxelloise trouve son origine dans lefait que le précompte immobilier estdevenu un impôt régional qui constituel’une de ses principales ressourcesfinancières. La Région bruxelloise a eneffet largement utilisé ses compétencesen matière de fiscalité immobilière l’an-née dernière pour créer son propre taxshift.

La presse a rappelé à la fin de l’annéedernière que cette réforme fiscalen’avait pas eu l’effet escompté. Larégion cherche donc probablement parces démarches à rectifier ses erreurs et àrenflouer ses caisses au grand dam despropriétaires d’anciennes habitations.

Celles et ceux qui ont pu bénéficierpendant de nombreuses années d’unrevenu cadastral modique apprécierontmoyennement ces démarches. Pour lespropriétaires d’habitations récentes, Ilne s’agira que du rétablissement d’unerelative justice fiscale.

Jérôme HavetAvocat

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