la réutilisation des eaux usées traitées

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Séminaire/ club de l’eau du 10 avril 2015. 1 La réutilisation des eaux usées, une deuxième vie pour l’eau ? (Les aspects réglementaires) Chahnez Antri-Bouzar, Doctorante en Droit, Université de Nice La réutilisation des eaux usées traitées est l’une des pratiques les plus répandues dans le cadre de la gestion des crises relatives aux pénuries hydriques. Cette pratique consiste à recycler les eaux issues des stations d’épuration après traitement pour divers usages. Elle présente plusieurs avantages probants du point de vue environnemental, économique et social, les trois piliers du développement durable 1 . En France, la ressource en eau est globalement bien supérieure à la demande, on est bien loin de l’état de pénurie. Toutefois, certaines zones notamment la Côte d’Azur connaissent quelques difficultés d’approvisionnement en eaux, tout particulièrement en saison estivale, vu que la côte d’azur est un site touristique. D’autant plus que cette région subit, ces dernières années, des épisodes de sécheresse. C’est la raison pour laquelle, les professionnels du réseau hydrique s’intéressent au développement des méthodes de la réutilisation des eaux usées traitées. Pour autant, cette pratique est peu exploitée, du fait des dispositifs juridiques qui freinent le développement de cette pratique. L’objectif pri ncipal de ce document est d’analyser le contexte juridique de la réutilisation des eaux usées au niveau européen et français. Une réglementation qui fait obstacle à une seconde vie de l’eau Une carence de régulation européenne Au niveau européen, il n’existe pas encore d’encadrement juridique qui organise le recyclage des eaux usées traitées. Néanmoins, le législateur fait référence à cette pratique de manière très large. Nous pouvons citer à ce titre la directive n° 91/271 2 qui, dans son article 1 Sur le volet social : elle répond aux enjeux du droit d’accès à l’eau. En effet, la plupart des Etats se sont engagés à mener des politiques d’amélioration de l’accès à l’eau. Sur le volet économique : cette pratique permet de réduire les coûts énergétiques par rapport à ceux de l’exploitation des aquifères, elle permet le développement de la production agricole dans les zones qui subissent la sécheresse. Sur le volet environnemental : cette pratique permet d’éviter de prélever dans les ressources souterraines assurant ainsi un controle de leur surexploitation, elle participe à l a réduction des rejets de polluants dans le milieu naturel et notamment dans les milieux aquatiques protégés , elle améliore le cadre de vie et de l’environnement (arrosage des espaces verts, terrains de loisirs…) 2 Directive 91/271/CEE du Conseil, du 21 mai 1991, relative au traitement des eaux urbaines résiduaires. JOCE n° L 135 du 30 mai 1991, page 40. Modifiée par la directive n° 2013/64/UE du Conseil du 17 décembre 2013 (JOUE n° L 353 du 28 décembre 2013).

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Séminaire/ club de l’eau du 10 avril 2015.

1

La réutilisation des eaux usées, une deuxième vie pour l’eau ?

(Les aspects réglementaires)

Chahnez Antri-Bouzar, Doctorante en Droit, Université de Nice

La réutilisation des eaux usées traitées est l’une des pratiques les plus répandues dans le

cadre de la gestion des crises relatives aux pénuries hydriques. Cette pratique consiste à

recycler les eaux issues des stations d’épuration après traitement pour divers usages. Elle

présente plusieurs avantages probants du point de vue environnemental, économique et social,

les trois piliers du développement durable1.

En France, la ressource en eau est globalement bien supérieure à la demande, on est

bien loin de l’état de pénurie. Toutefois, certaines zones notamment la Côte d’Azur

connaissent quelques difficultés d’approvisionnement en eaux, tout particulièrement en saison

estivale, vu que la côte d’azur est un site touristique. D’autant plus que cette région subit, ces

dernières années, des épisodes de sécheresse. C’est la raison pour laquelle, les professionnels

du réseau hydrique s’intéressent au développement des méthodes de la réutilisation des eaux

usées traitées. Pour autant, cette pratique est peu exploitée, du fait des dispositifs juridiques

qui freinent le développement de cette pratique. L’objectif principal de ce document est

d’analyser le contexte juridique de la réutilisation des eaux usées au niveau européen et

français.

Une réglementation qui fait obstacle à une seconde vie de l’eau

Une carence de régulation européenne

Au niveau européen, il n’existe pas encore d’encadrement juridique qui organise le

recyclage des eaux usées traitées. Néanmoins, le législateur fait référence à cette pratique de

manière très large. Nous pouvons citer à ce titre la directive n° 91/2712 qui, dans son article

1 Sur le volet social : elle répond aux enjeux du droit d’accès à l’eau. En effet, la plupart des Etats se sont

engagés à mener des politiques d’amélioration de l’accès à l’eau. Sur le volet économique : cette pratique permet de réduire les coûts énergétiques par rapport à ceux de

l’exploitation des aquifères, elle permet le développement de la production agricole dans les zones qui subissent

la sécheresse. Sur le volet environnemental : cette pratique permet d’éviter de prélever dans les ressources souterraines

assurant ainsi un controle de leur surexploitation, elle participe à la réduction des rejets de polluants dans le

milieu naturel et notamment dans les milieux aquatiques protégés , elle améliore le cadre de vie et de

l’environnement (arrosage des espaces verts, terrains de loisirs…) 2 Directive 91/271/CEE du Conseil, du 21 mai 1991, relative au traitement des eaux urbaines résiduaires. JOCE

n° L 135 du 30 mai 1991, page 40. Modifiée par la directive n° 2013/64/UE du Conseil du 17 décembre 2013

(JOUE n° L 353 du 28 décembre 2013).

Séminaire/ club de l’eau du 10 avril 2015.

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12.1, énonce que : « les eaux usées traitées sont réutilisées lorsque cela se révèle approprié ».

Ce texte reste ambigu car il n’apporte aucune précision sur le terme « approprié ».

De même, la directive n° 2000/603 du 23 octobre 2000 établissant un cadre pour la

politique communautaire dans le domaine de l’eau dite encourage de manière générale la

réutilisation des eaux usées. En effet, elle préconise dans l’annexe 6 : « des mesures

concernant l’efficacité et le recyclage, et notamment la promotion des technologies favorisant

une utilisation efficace de l’eau dans l’industrie ainsi que des techniques d'irrigation

économisant l'eau4 ». Pour autant, il s’agit d’une déclaration générale ne définissant pas de

règles directement applicables.

Une élaboration d’un règlement européen est prévue prochainement. C’est pour cette

raison que plusieurs études sont en cours de réalisation. Citons à titre d’exemple :

- le projet AQUAREC5 qui étudie et développe les concepts et des méthodologies

soutenant les stratégies rationnelles et basées sur les connaissances de réutilisation

des eaux usées6.

Le projet entre l’Office National de l’Eau et des Milieux Aquatiques (ONEMA) et le

Cemagref 7 qui identifie les technologies de réutilisation des eaux usées les plus pertinentes.

En parallèle, la commission européenne a lancé, en 2014, une consultation publique afin

de recueillir les avis des citoyens, entreprises, ONG et institutions publiques. Le but étant de

trouver l'instrument juridique européen le plus convenable.

Une proposition de règlement européen devrait donc être présentée au cours de l’année

2015. Celle-ci prendra en compte la protection de la santé publique et de l’environnement. En

effet, la proposition présentera des normes communes qui permettront d’assurer la sécurité

sanitaire et environnementale.

3 Directive cadre sur l’eau (DCE) 2000/60/CE du parlement européen et du conseil du 23 octobre 2000

établissant un cadre pour une politique communautaire dans le domaine de l’eau, JOCE n°L.327 du 22 décembre

2000. Modifiée par la Directive n° 2014/101/UE du 30/10/14, JOUE n° 311 du 31 octobre 2014. 4 Annexe 6, partie B, 10 de la directive 2000/60/CE. Actuellement modifiée par la directive n° 2014/101/UE du

30/10/14. 5 Fondé en 2003 par le 5 ème programme-cadre de la commission européenne. 6 Koning, J., Miska, V., Ravazini, A. Water treatment options in reuse systems - Integrated concepts for reuse of

upgraded wastewater. AQUAREC. 2006. 7 Catherine Boutin, Alain Héduit, Jean-Michel Helmer, Rapport Technologies d’épuration en vue d’une

réutilisation des eaux usées traitées, Novembre 2009.

Séminaire/ club de l’eau du 10 avril 2015.

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Cette carence de régulation européenne influe de manière notable sur le développement

des techniques de recyclage hydrique. La raison pour laquelle la France a tenté, de façon très

prudente de légiférer dans ce domaine.

Une réglementation française trop stricte :

La France s’est intéressée à la question de la réutilisation des eaux usées à des fins

d’arrosage et d’irrigation à la fin des années 80. L’idée était d’encadrer cette pratique dans le

but d’aider les collectivités territoriales à la développer et de définir des conditions

réglementaires pour maitriser les risques pour la santé publique et l’environnement.

L’élaboration d’une proposition fut confiée au Conseil Supérieur de l’Hygiène Publique de

France (CSHPF).

En 1991, le CSHPF publiait les premières recommandations8 qui furent suivies en 1992

d’une deuxième circulaire9 qui clarifie la notion des valeurs impératives selon les paramètres.

Le tableau ci-après résume cette dernière circulaire.

8 La circulaire DGS/SD1.D./91/51 du 22 juillet 1991 relative à « l’utilisation des eaux usées épurées pour

l’irrigation des cultures et l’arrosage des espaces verts ». 9 Circulaire DGS/SD1.1D/92/42 du 3 août 1992.

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Tableau : Recommandations françaises (d’après la circulaire DGS/SD1.1D/92/42)10

Ces circulaires ont été largement inspirées par les recommandations de l’organisation

mondiale de la santé (OMS) de 1989 qui s’appuyaient sur d’importants travaux d’experts

bénéficiant d’une large reconnaissance internationale11. Pour autant, les recommandations du

CSHPF marquent quelques différences.

La CSHPF a introduit des limites de distance dans le but de maitriser le risque lié à la

propagation des aérosols résultant de l’arrosage par aspersion12. Elle a également mis en

place d’autres exigences pour les risques liés à la présence de métaux lourds dans les

effluents des stations d’épuration.

Ces recommandations avaient comme conséquences de limiter la réutilisation des eaux

usées traitées.

En 2007, l'arrêté du 22 juin 200713 avait prévu la possibilité de réutiliser des effluents

traités pour l'arrosage des espaces verts ou l'irrigation des cultures dans la mesure où il existe

une impossibilité de rejeter dans le milieu naturel14. Néanmoins, cet arrêté ne fixait aucune

prescription sanitaire ou technique pour la réutilisation des eaux usées traitées.

10 Catherine Boutin, Alain Héduit, Jean-Michel Helmer, Rapport Technologies d’épuration en vue d’une

réutilisation des eaux usées traitées, Novembre 2009. Page 40. 11 Rapport du groupe scientifique de l’OMS, l’utilisation des eaux usées en agricu lture et en aquiculture

recommandations à visées sanitaires, rapport technique n° 778 OMS, Genève, 1989. http://whqlibdoc.who.int/trs/WHO_TRS_778_fre.pdf 12 Il fallait une distance de 100 m entre les arrosages, d’une part, et les habitations, les zones de sport et de loisirs

d'autre part. Ces dernières sont assorties d’exigences complémentaires (rideaux d’arbres, asperseurs de courte

portée, etc.). 13 Arrêté du 22 juin 2007 relatif à la collecte, au transport et au traitement des eaux usées des agglomérations

d'assainissement ainsi qu'à la surveillance de leur fonctionnement et de leur efficacité, et aux dispositifs

d'assainissement non collectif recevant une charge brute de pollution organiqu e supérieure à 1,2 kg/j de DBO5.

JORF n°162 du 14 juillet 2007 page 11937. 14 Article 10 de l’arrêté préconise : « Rejet des effluents traités des stations d'épuration. Les dispositifs de rejets en rivière des effluents traités ne doivent pas faire obstacle à l'écoulement des eaux, ces

rejets doivent être effectués dans le lit mineur du cours d'eau, à l'exception de ses bras morts. Les rejets effectués

sur le domaine public maritime doivent l'être au-dessous de la laisse de basse mer.

Toutes les dispositions doivent être prises pour prévenir l'érosion du fond ou des berges, assurer le curage des

dépôts et limiter leur formation. Dans le cas où le rejet des effluents traités dans les eaux superficielles n'est pas possible, les effluents traités

peuvent être soit éliminés par infiltration dans le sol, si le sol est apte à ce mode d'élimination, soit réutilisés

pour l'arrosage des espaces verts ou l'irrigation des cultures, conformément aux dispositions définies par

arrêté du ministre chargé de la santé et du ministre chargé de l'environnement.

Si les effluents traités sont infiltrés, l'aptitude des sols à l'infiltration est établie par une étude hydrogéologique

jointe au dossier de déclaration ou de demande d'autorisation et qui détermine :

Séminaire/ club de l’eau du 10 avril 2015.

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C’est ainsi qu’un arrêté interministériel du 2 août 201015 - aujourd’hui modifié - est

venu encadrer cette pratique en fixant les prescriptions sanitaires et techniques16.

L’arrêté initial de 2010, exigeait une autorisation préfectorale délivrée à la suite du

dépôt d'un dossier de demande qui devait notamment comprendre une analyse des risques

ainsi qu'une analyse des impacts environnementaux et sanitaires. L'arrêté d'autorisation devait

être constitué d'un programme d'irrigation, de surveillance des eaux usées traitées et de

surveillance de la qualité des sols. Ce dispositif définissait17 quatre niveaux de qualité

sanitaire18 (A, B, C et D) des eaux usées traitées auxquels étaient associées des contraintes

d’usage, de terrains et de distances19 mais également des exigences en termes de traçabilité.

Les tableaux ci-dessous détaillent les prescriptions techniques auxquels devait être conforme

la réutilisation des eaux usées.

- l'impact de l'infiltration sur les eaux souterraines (notamment par réalisation d'essais de traçage des

écoulements) ;

- le dimensionnement et les caractéristiques du dispositif de traitement avant infiltration et du dispositif

d'infiltration à mettre en place ;

- les mesures visant à limiter les risques pour la population et les dispositions à prévoir pour contrôler la qualité

des effluents traités.

Cette étude est soumise à l'avis de l'hydrogéologue agréé.

Le traitement doit tenir compte de l'aptitude des sols à l'in filtration des eaux traitées et les dispositifs mis en

œuvre doivent assurer la permanence de l'infiltration des effluents et de leur évacuation par le sol.

Ces dispositifs d'infiltration doivent être clôturés ; toutefois, dans le cas des stations d'épurat ion d'une capacité

de traitement inférieure à 30 kg/j de DBO5, une dérogation à cette obligation peut être approuvée lors de l'envoi

du récépissé, si une justification technique est présentée dans le document d'incidence ».

15 Arrêté du 2 août 2010 relatif à l'utilisation d'eaux issues du traitement d'épuration des eaux résiduaires

urbaines pour l'irrigation de cultures ou d'espaces verts. JORF n°0201 du 31 août 2010 page 15828, texte n° 34. 16 Cet arrêté fait l’objet d'un recours pour excès de pouvoir sur la question de l’interdiction des utilisations des

eaux traitées qui proviennent des STEP reliées à un établissement au contact de sous -produits animaux de

catégorie 1 (en particulier cadavres d'animaux atteints ou suspectés d'être infectés par une encépha lopathie

spongiforme transmissible) et, de catégorie 2 (autres cadavres d'animaux, lisiers...) ainsi, qu'aux établissements

de collecte, de stockage, de manipulation ou de traitement des sous -produits d'origine animale de catégorie 1 et 2

en ne limitant pas le champ de l'interdiction d'utiliser ces eaux usées aux seuls terrains portant des cultures

destinées à l'alimentation humaine. Cité sur Lamyline.fr Le Conseil d'État avait refusé d'annuler cette disposition, en considérant que l'interdiction n'excède pas ce

qu'implique normalement la prévention de ce risque sanitaire « compte tenu, d'une part, de l'impossibilité

technique de distinguer en amont entre les eaux selon leur utilisation ultérieure et, d'autre part, du risque de

contamination indirecte que l'irrigation des terrains pourrait entraîner ». 17 Art 3 de l’arrêté du 2 août 2010 avant modification préconisait : « Sans préjudice de l'application des

réglementations générales ou particulières concernant la protection des ressources en eau, l'irrigation de

cultures ou d'espaces verts par des eaux usées traitées doit respecter, en fonction du niveau de qualité sanitaire

des eaux usées traitées tel que défini en annexe I, les contraintes d'usage, de distance et de terrain définies en

annexe II ». 18 Annexe I de l’arrêté du 2 août 2010 avant modification. 19 Annexe II de l’arrêté du 2 août 2010 avant modification.

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Concernant l’irrigation par aspersion, l’arrêté n’autorisait cette pratique qu’à titre

expérimental, après un dépôt de dossier de demande d’expérimentation. Ce dernier devait être

validé par arrêté préfectoral après avis favorable de l’Anses.

En outre, l’arrêté de 2010 imposait de délivrer dans le dossier les résultats du suivi de la

performance épuratoire de la station sur une période d’au moins six mois consécutifs, et le

résultat du suivi de la qualité des boues produites lors du traitement des eaux usées, sur une

période de six mois20.

Ces dispositions demeuraient difficiles à atteindre, posant d'importants problèmes aux

irrigants engagés dans cette voie. Elles étaient fortement critiquées du fait qu’elles

constituaient un obstacle à la mise en œuvre de la réutilisation des eaux usées traitées.

On peut citer à ce propos, une étude réalisée sur les Alpes-Maritimes qui avait étudié

« la réutilisation des eaux usées traitées pour l’arrosage des golfs »21 . Cette étude traduit les

avis des professionnels et traduit les difficultés rencontrées sur le terrain. Celle-ci conclut que

l’arrêté de 2010 est un frein à la réalisation des projets de prétraitement car il impose des

investissements énormes pour mettre en place l’expérimentation, le réseau de distribution, les

analyses. Et tout cela sans garantie de réussite, en effet le projet peut être arrêté en cas de

mauvaises analyses22.

Actuellement, afin de faciliter le développement des projets de réutilisation des eaux

usées traitées, l’arrêté du 2 août 2010 a été modifié par l’arrêté du 25 juin 201423. Ce dernier

est fondé sur l’expertise de l’Agence nationale de sécurité sanitaire de l’alimentation, de

l’environnement et du travail (Anses)24.

En effet, l’Anses avait rédigé un avis en 2012 sur la réutilisation des eaux usées25.

Celui-ci précisait qu'il n’est pas possible en l'état actuel des connaissances de conclure à une

20 Annexe 3 de l’arrêté du 2 août 2010 avant modification 21 Pierre-Maxence DURUT Alexandre LESAGE, la réutilisation des eaux usées traitées pour l’arrosage des

golfs, Polytech Nice Sophia, février 2011. 22 Idem, p. 20. 23 Arrêté du 25 juin 2014 modifiant l'arrêté du 2 août 2010 relatif à l'utilisation d'eaux issues du traitement

d'épuration des eaux résiduaires urbaines pour l'irrigation de cultures ou d'espaces verts. JORF n°0153 du 4

juillet 2014 page 11059, texte n° 29. 24 Avis de l’Agence nationale chargée de sécurité sanitaire de l’alimentation, de l’environnement et du travail

(ANSES) sur la réutilisation des eaux usées traitées pour l’irrigation des cultures, l’arrosage des espaces verts par

aspersion et le lavage des voiries, édition scientifique, mars 2012. 25 L’avis de l’Anses de 2012 complète les anciens travaux. Le premier avis publié en 2008, relatif aux risques

sanitaires pour l'homme et les animaux, liés à une exposition par voie orale aux eaux usées traitées utilisées à des

fins d'arrosage ou d'irrigation agricole et, celui de 2010 l'Afssa relatif aux risques liés à la réutilisation des

Séminaire/ club de l’eau du 10 avril 2015.

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absence totale des risques chimiques et microbiologiques pour les populations exposées par

aspersion par voies respiratoires et cutanéo-muqueuses26. À ce propos, l'Anses estime

nécessaire de limiter au maximum l'exposition aux aérosols en adoptant des mesures

préventives sur site et, plus généralement en limitant les expositions aux eaux usées traitées

lors des opérations d'aspersion.

A ce titre, l'Anses édicte un ensemble de recommandations d'encadrement des pratiques

de réutilisation d'eaux usées traitées afin de limiter l’exposition humaine, telle que la

réutilisation des eaux usées par aspersion27 en proposant la mise en œuvre des mesures pour

éviter la prolifération d'espèces microbiennes. Elle recommande également l’interdiction

d’accès au public lors de l'aspersion, l’information du public par des panneaux à l’entrée des

espaces verts sur les règles d’hygiène, et notamment l’information des professionnels sur les

éventuels risques sanitaires liés à la réutilisation des eaux usées traitées par aspersion et les

mesures préventives à respecter…28

Comme nous l’avions précisé précédemment, l’arrêté de 2014 tient compte des

nouvelles connaissances en matière des risques associés à l’utilisation des eaux usées traitées

réalisées par l’Anses.

Aux termes des modifications, le nouvel arrêté apporte de nouvelles prescriptions

techniques pour l’utilisation d’eaux issues du traitement d’épuration des eaux résiduaires

urbaines à des fins d’irrigation ou d’arrosage de cultures ou d’espaces verts.

Par ailleurs, l’arrêté supprime le dossier de demande d’expérimentation pour les

systèmes d’irrigation ou d’arrosage par aspersion29 pour lesquels il fixe des prescriptions

particulières. Ces dernières sont relatives aux contraintes de distance pour l’irrigation par

aspersion30, aux niveaux de qualité sanitaire des eaux usées traitées31, aux contraintes d’usage,

de distance et de terrain32, au dossier de demande d’autorisation33, aux fréquences de

effluents issus des établissements de transformation de sous-produits animaux, à des fins d'irrigation des cultures

destinées à la consommation humaine ou animale. 26Avis de l’Agence nationale chargée de sécurité sanitaire de l’alimentation, de l’environnement et du travail

(ANSES) sur la réutilisation des eaux usées traitées pour l’irrigation des cultures, l’arrosage des espaces verts par

aspersion et le lavage des voiries, édition scientifique, mars 2012. P 69. 27 Ces recommandations sont actuellement prises en compte par le nouvel arrêté de 2014 article 4. 28Jennifer Shettle, La réutilisation des eaux usées, une alternative intéressante à mener avec prudence ,

Dictionnaire Permanent Environnement et nuisances – Eau. 12/07/2012. 29Article 6 de l’arrêté de 2014. 30 Annexe 1 de l’arrêté de 2014. 31 Annexe 2 de l’arrêté de 2014. 32 Annexe 3 de l’arrêté de 2014. 33 Annexe 4 de l’arrêté de 2014.

Séminaire/ club de l’eau du 10 avril 2015.

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surveillance des eaux usées traitées34. L’irrigation par aspersion intègre désormais le facteur

vent35.

De surcroit, l’arrêté précise les prescriptions techniques relatives à la conception et à la

gestion du réseau de distribution, au stockage des eaux traitées ainsi qu’à l’entretien du

matériel d’irrigation ou d’arrosage36.

Aussi, dans le cadre du programme de surveillance de la qualité des eaux usées traitées,

il modifie la fréquence de suivi périodique de vérification du niveau de qualité sanitaire des

eaux usées traitées37. En outre, il apporte des précisions relatives à la protection des réseaux

d’eau potable afin de repérer de façon explicite les canalisations de distribution d’eaux usées

traitées.

La réglementation française de la réutilisation des eaux usées est en développement

continue. Toutefois, elle se révèle très vigilante et contraignante en raison des incertitudes

scientifiques. Cela constitue un obstacle pour le développement de la réutilisation des eaux

usées.

En définitive, la carence réglementaire au niveau européen et la réglementation stricte

au niveau français sont les conséquences des craintes quant aux incertitudes sur les risques

sanitaires. Ce qui implique des incidences sur le développement de la réutilisation des eaux

usées. Donc, nous pourrions conclure que la réglementation actuelle fait obstacle à une

deuxième vie de l’eau.

Bibliographie :

1. Avis de l’Agence nationale chargée de sécurité sanitaire de l’alimentation, de

l’environnement et du travail (ANSES) sur la réutilisation des eaux usées traitées pour

l’irrigation des cultures, l’arrosage des espaces verts par aspersion et le lavage des

voiries, édition scientifique, mars 2012.

2. Catherine Boutin, Alain Héduit, Jean-Michel Helmer, Rapport Technologies

d’épuration en vue d’une réutilisation des eaux usées traitées, Novembre 2009.

34 Annexe 5 de l’arrêté de 2014. 35 Article 4 : « … la vitesse moyenne du vent est inférieure à 15 km/ h, ou 20 km/ h en cas d'utilisation d'une

aspersion basse pression… ». 36 Article 3 de l’arrêté de 2014. 37 Article 10 de l’arrêté de 2014.

Séminaire/ club de l’eau du 10 avril 2015.

11

3. CGDD, le point sur la réutilisation des eaux usées pour l’irrigation, n° 191, juin 2014.

4. F. Cabal, L. Miller, Où en est le droit de la réutilisation des eaux usées ? –

Contribution à l’élaboration d’une pratique durable – BDEI no 47/2013, no 1637.

5. Jennifer Shettle, La réutilisation des eaux usées, une alternative intéressante à mener

avec prudence, Dictionnaire Permanent Environnement et nuisances – Eau.

12/07/2012.

6. Koning, J., Miska, V., Ravazini, A. Water treatment options in reuse systems -

Integrated concepts for reuse of upgraded wastewater. AQUAREC. 2006.

7. Lamy droit de la santé.

8. Pierre-Maxence DURUT Alexandre LESAGE, la réutilisation des eaux usées traitées

pour l’arrosage des golfs, Polytech Nice Sophia, février 2011.

9. Rapport du groupe scientifique de l’OMS, l’utilisation des eaux usées en agriculture et

en aquiculture recommandations à visées sanitaires, rapport technique n° 778 OMS,

Genève, 1989.

La réglementation :

Directive 91/271/CEE du Conseil, du 21 mai 1991, relative au traitement des eaux

urbaines résiduaires. JOCE n° L 135 du 30 mai 1991, page 40. Modifiée par la

directive n° 2013/64/UE du Conseil du 17 décembre 2013 (JOUE n° L 353 du 28

décembre 2013).

Directive cadre sur l’eau (DCE) 2000/60/CE du parlement européen et du conseil du

23 octobre 2000 établissant un cadre pour une politique communautaire dans le

domaine de l’eau, JOCE n°L.327 du 22 décembre 2000. Modifiée par la Directive n°

2014/101/UE du 30/10/14 , JOUE n° 311 du 31 octobre 2014.

Arrêté du 22 juin 2007 relatif à la collecte, au transport et au traitement des eaux usées

des agglomérations d'assainissement ainsi qu'à la surveillance de leur fonctionnement

et de leur efficacité, et aux dispositifs d'assainissement non collectif recevant une

charge brute de pollution organique supérieure à 1,2 kg/j de DBO5. JORF n°162 du 14

juillet 2007 page 11937.

Séminaire/ club de l’eau du 10 avril 2015.

12

Arrêté du 2 août 2010 relatif à l'utilisation d'eaux issues du traitement d'épuration des

eaux résiduaires urbaines pour l'irrigation de cultures ou d'espaces verts. JORF n°0201

du 31 août 2010 page 15828, texte n° 34.

Arrêté du 25 juin 2014 modifiant l'arrêté du 2 août 2010 relatif à l'utilisation d'eaux

issues du traitement d'épuration des eaux résiduaires urbaines pour l'irrigation de

cultures ou d'espaces verts. JORF n°0153 du 4 juillet 2014 page 11059, texte n° 29.

La circulaire DGS/SD1.D./91/51 du 22 juillet 1991 relative à « l’utilisation des eaux

usées épurées pour l’irrigation des cultures et l’arrosage des espaces verts ».

La circulaire DGS/SD1.1D/92/42 du 3 août 1992.