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MINISTERE DE LA JUSTICE Ecole Nationale de la Protection Judiciaire de la Jeunesse MEMOIRE PROFESSIONNEL Formation statutaire des directeurs de service 23 ème promotion « Janusz Korczak » - 2015/2016 La prise en compte de la laïcité par le Directeur d’un Etablissement de Placement Educatif et d’Insertion : impulser une dynamique de changement PIMMEL Louise Sous la guidance de : Mme BRUGGEMAN Delphine, Chercheure à l’ENPJJ, Equipe de recherche Proféor-CIREL, Université Lille 3 & Mme TACLET Clarisse, Directrice de l’EPE Pays du Hainaut (Douai) Master 2 Direction et responsabilités dans le champ social Université de Lille 2

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Page 1: La prise en compte de la laïcité par le Directeur d’un … · étudier la mission d’insertion de la PJJ en général et les partenariats existants en la matière en particulier

MINISTERE DE LA JUSTICE Ecole Nationale de la Protection Judiciaire de la Jeunesse

MEMOIRE PROFESSIONNEL Formation statutaire des directeurs de service

23ème promotion « Janusz Korczak » - 2015/2016

La prise en compte de la laïcité par le Directeur d’un Etablissement de Placement Educatif et d’Insertion : impulser

une dynamique de changement

PIMMEL Louise

Sous la guidance de : Mme BRUGGEMAN Delphine, Chercheure à l’ENPJJ, Equipe de recherche Proféor-CIREL,

Université Lille 3 &

Mme TACLET Clarisse, Directrice de l’EPE Pays du Hainaut (Douai)

Master 2 Direction et responsabilités dans le champ social Université de Lille 2

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Remerciements Je remercie sincèrement mesdames Delphine BRUGGEMAN et Clarisse TACLET pour leur aide et leur accompagnement tout au long de ce travail de mémoire ainsi que pour leurs nombreux encouragements. Je remercie profondément ma tutrice de stage pour ses précieux conseils et son soutien indéfectible tout au long de cette année. Son exigence, son investissement et sa disponibilité m’ont énormément appris pour l’exercice de mes fonctions. Je remercie également les responsables d’unité pour leur bienveillance et pour le partage de leurs compétences, particulièrement en matière éducative et pédagogique. Leurs apports ont largement contribué à la construction de mon identité professionnelle. J’adresse aussi mes cordiaux remerciements à toutes les personnes qui, par leurs témoignages, leurs conseils et leurs critiques ont guidé et enrichi mes réflexions, et à celles qui ont accepté de me rencontrer et de répondre à mes questions durant mes recherches. Je remercie M. David NGUYEN, formateur chargé du dispositif de la Formation Statutaire de ma promotion, pour son engagement ainsi que mes collègues de la 23ème promotion « Janusz Korczak » pour leur dynamisme, leur bonne humeur, leur solidarité et pour nos innombrables échanges de pratiques durant ses deux années de formation. Enfin, j’ai une grande pensée pour tous les jeunes rencontrés durant ces deux années. Ils ont contribué eux aussi à ma construction professionnelle et surtout, ils m’ont permis de confirmer mon intérêt pour m’engager dans ce métier de Directeur des services de la Protection Judiciaire de la Jeunesse.

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Sommaire Introduction ………………………………………………………………………………………....4

1. Le constat d’une insuffisante référence à la laïcité dans l’organisation et le fonctionnement de l’établissement...................................................................................................9

1.1 L’histoire de l’EPEI et la priorisation des actions du directeur.......................................9 1.1.1 La découverte des unités et missions de l’EPEI...............................................................9 1.1.2 Le choix de la thématique de la laïcité comme sujet de mémoire..................................12 1.1.3 L’intérêt de ce sujet ........................................................................................................13

1.2 La combinaison d’une laïcité tolérante et d’une neutralité exigeante ...........................15 1.2.1 La laïcité en France et plus particulièrement à la PJJ.....................................................15 1.2.2 La neutralité des agents publics......................................................................................17 1.2.3 La conciliation de la neutralité des agents et la liberté de religion des usagers .............18

1.3 La diversité d’origines et de cultures des personnes composant l’institution...............20 1.3.1 Le changement du profil sociologique des travailleurs sociaux.....................................20 1.3.2 Le profil des agents et le profil des jeunes de l’EPEI.....................................................21 1.3.3 La nécessité d’un travail autour des questions de laïcité et de citoyenneté....................22

2. La poursuite de la démarche de recherche et l’amorce de la conduite au changement.....24 2.1 La démarche méthodologique de recherche.....................................................................24

2.1.1 Observations et lectures..................................................................................................24 2.1.2 Les échanges informels ..................................................................................................26 2.1.3 Les entretiens..................................................................................................................26

2.2 La poursuite de mes recherches dans le cadre de la démarche d’évaluation interne ..27 2.2.1 Le cadre légal et règlementaire de l’évaluation interne..................................................28 2.2.2 Un état des lieux participatif...........................................................................................30 2.2.3 Les résultats de l’évaluation interne...............................................................................34

3. L’intégration de la laïcité dans l’établissement par la mise en œuvre d’un plan d’actions d’améliorations.................................................................................................................................36

3.1. L’élaboration et la présentation d’un plan d’actions d’améliorations à partir du recueil de données ........................................................................................................................36

3.1.1 La réflexion à partir de l’analyse des données recueillies..............................................36 3.1.2 La concertation en équipe de direction...........................................................................38 3.1.3 La présentation des propositions d’actions aux personnels de l’établissement : coopération et collégialité comme principes éthiques de management .....................................38

3.2 Le suivi du plan d’actions et des expérimentations .........................................................39 3.2.1 Les actions du directeur..................................................................................................39 3.2.2 Les dynamiques de changement impulsées par unité ou mission ..................................41 3.2.3 Les impulsions transversales ..........................................................................................48

3.3 L’évaluation des expérimentations....................................................................................50 3.3.1 Les points de contrôle d’un pilotage correct de l’EPE par le directeur..........................50 3.3.2 Les indicateurs d’évaluation des actions issues de l’évaluation interne de l’établissement ...........................................................................................................................51 3.3.3 Les limites de ces expérimentations et les pistes d’amélioration...................................52

Conclusion………………………………………………………………………………………….55 Bibliographie……………………………………………………………………………………….59 Index des sigles……………………………………………………………………………………..62 Annexes……………………………………………………………………………………………..63 Tableau récapitulatif des actions…………………………………………………………………..119 Résumé………………………………………………………………………………………….....123

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« Il faut nécessairement accorder aux hommes la liberté du jugement et les gouverner de telle sorte que,

professant ouvertement des opinions diverses et opposées, ils vivent cependant dans la concorde. »

Baruch SPINOZA, Traité théologico-politique, chapitre XX, V, 14.

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Introduction

Ma deuxième année de formation statutaire des directeurs des services de la Protection Judiciaire de

la Jeunesse (PJJ) vient pleinement compléter la première, durant laquelle j’étais en stage sur le

même territoire1. Sans perdre de vue que chaque territoire peut avoir ses particularités locales et que

je peux être amenée à exercer mes futures fonctions dans d’autres directions interrégionales, cette

deuxième année et le stage en « hébergement » me confortent profondément dans mon choix

d’orientation professionnelle.

Après mes études de droit et une spécialisation en droit pénal et sciences criminelles, une

expérience d’assistante de justice pour la chambre correctionnelle de la Cour d’appel de Colmar

ainsi que divers engagements professionnels extra universitaires, j’ai choisi d’intégrer la PJJ afin

d’œuvrer pour la Jeunesse et pour la Justice. J’ai ainsi trouvé un métier à la frontière du juridique et

du social me permettant de faire vivre de nombreuses valeurs qui m’animent. Conformément à

l’esprit de l’ordonnance du 2 février 1945, je suis convaincue qu’il faut protéger l’enfance y

compris l’Enfance traduite en justice. Or, dans un contexte de durcissement de l’opinion publique à

l’égard de la jeunesse déviante, je ressens plus encore l’envie de m’engager et de m’investir pour

contribuer à la réduction des risques encourus par cette jeunesse d’une part et par la société d’autre

part.

L’Etablissement de Placement Educatif et d’Insertion (E.P.E.I.) dans lequel je réalise le « stage de

responsabilisation » est composé d’une Unité Educative d’Hébergement Collectif (U.E.H.C.), d’une

Unité Educative d’Activité de Jour (U.E.A.J.) et d’une Mission Educative d’Hébergement

Diversifié (M.E.H.D.) situées dans la même commune mais sur trois sites géographiquement

distincts. Il est dirigé par une Directrice des services en poste depuis le 1er septembre 2013. Chaque

unité est encadrée par une Responsable d’Unité et dispose de l’ensemble des ETP2 théoriques

correspondants aux dotations institutionnelles prévues. Un chef de service est missionné comme

coordinateur de la M.E.H.D.

Le projet d’établissement existe depuis novembre 2014. La Directrice a souhaité associer le

personnel éducatif et non éducatif à l’élaboration de celui-ci (mise en place de groupes de travail

transversaux pour permettre une réflexion collective). La réunion d’établissement de rentrée, le 15

1 Les trois stages de première année ont principalement consisté à découvrir la direction territoriale d’accueil pour le premier, à étudier la mission d’insertion de la PJJ en général et les partenariats existants en la matière en particulier pour le second, puis à découvrir les fonctions de directeur en milieu ouvert lors du dernier stage. 2 Emplois à Temps Plein.

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5

septembre 2015, permet de faire un bilan annuel des actions mises en œuvre et des objectifs de

service.

Les projets pédagogiques existent également et sont régulièrement actualisés, principalement selon

la diffusion de nouvelles directives nationales en ce qui concerne l’U.E.H.C. et la M.E.H.D., et

selon l’évolution des partenariats s’agissant de l’U.E.A.J3.

A mon arrivée à l’E.P.E.I. au mois de septembre 2015, le contexte semble très favorable à la

seconde année de formation : l’équipe de Direction est dynamique et réagit très rapidement à tous

les actes ou évènements pouvant s’apparenter à des dysfonctionnements, des gênes ou des entraves

à la bonne réalisation de la mission qui nous est confiée. Ainsi, de nombreux travaux sont en cours

(élaboration d’un DIPC4 unique commun pour chacune des unités de l’établissement, refonte de

l’organisation du « Dispositif Accueil Accompagnement », travail sur l’articulation inter-unités,

etc.). C’est pourquoi, à l’issue de ces cinq premières semaines de stage, je ne repère pas de

dysfonctionnement manifeste et je suis plutôt agréablement surprise5. Lorsqu’une insuffisance ou

qu’une pratique déplaisante est identifiée par l’équipe de Direction ou par l’un de ses membres, s’en

suit une réaction relativement rapide avec une temporalité d’exécution variable selon la conduite de

projet en cours.

Toutefois, attentive à cela notamment en raison du contexte sociétal et politique actuel, j’ai fini par

repérer un champ qui n’avait pas encore été investi par la Direction : la prise en compte de la laïcité.

J’ai souhaité faire des observations plus précises sur ce sujet.

Ainsi, je constate en premier lieu que le Projet d’établissement aborde brièvement la laïcité et

uniquement sous l’angle du droit des usagers. Il est inscrit dans le descriptif du fonctionnement de

la « Commission cuisine »6 que l’objectif de celle-ci est d’« anticiper la construction des menus » et

de les « équilibrer dans le respect des croyances religieuses de chacun (respect des interdits

alimentaires tout en proposant des repas équilibrés à tous) ».

3 « Projet pédagogique » est un autre terme pour désigner le projet d’unité. 4 Document Individuel de Prise en Charge : outil mis en place par la loi 2002-2 du 2 janvier 2002 pour garantir l’exercice effectif des droits et libertés individuels des usagers des structures sociales et médico-sociales, il s’agit de formaliser la relation entre l’usager et l’établissement et de définir les objectifs et la nature de la prise en charge (article L 311-4 CASF). 5 En opposition avec les dysfonctionnements ou difficultés qui ont pu être évoqués à titre d’exemple en formation théorique, je découvre dans cet établissement que les textes législatifs et règlementaires sont scrupuleusement respectés, que l’articulation directeur/responsable d’unité est clarifiée et comprise par les professionnels, ou encore que le projet et le parcours du jeune sont au cœur des préoccupations des agents. 6 La commission cuisine, programmée trimestriellement, réunit le personnel de cuisine (cuisinier et maîtresse de maison) afin de faire le point sur l’organisation du temps de travail, les congés, la projection des menus et des courses et les questions et remarques diverses du « personnel non éducatif mais néanmoins éduquant » (cf. Projet d’établissement).

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Il n’y a aucune autre référence à la laïcité ou à la liberté religieuse des jeunes pris en charge ni dans

le Projet d’établissement, ni dans les projets pédagogiques d’unité. Aucun de ces documents ne fait

référence à l’obligation de neutralité (nous définirons précisément ces termes plus loin). Je

remarque que seul le livret d’accueil des professionnels rappelle cette obligation.

A la lecture des autres documents de référence de l’établissement, je note que la laïcité n’y est pas

non plus évoquée (livret d’accueil des jeunes, règlement de fonctionnement). On y trouve cependant

la Charte des droits et libertés de la personne accueillie mais sans plus de développement.

Je constate aussi que le Règlement de fonctionnement de l’U.E.H.C. n’a pas encore été actualisé

suite à la Note de la DPJJ7 du 4 mai 2015 (c’est un objectif de travail pour le dernier semestre de

2015).

Lors de mes premiers échanges sur le sujet avec la Directrice de service, j’apprends qu’en effet, la

prise en compte de la laïcité n’a pas encore pu être travaillée au sein de l’EPEI en raison de la

priorisation des actions du Directeur dans le temps. De nombreuses évolutions ont été perceptibles

durant les deux années qui viennent de s’écouler et je comprends très vite que la conduite au

changement doit se faire progressivement. Ma tutrice m’indique qu’il serait pourtant nécessaire de

travailler cette question tant du point de vue des usagers que de celui des professionnels, notamment

compte tenu de la diversité d’origines et de cultures au sein des équipes d’une part, et au sein des

groupes de jeunes pris en charge d’autre part.

Dans le contexte socio-politique actuel, il me paraît essentiel de travailler à nouveau ces questions

de laïcité et de citoyenneté, française et européenne8, ainsi que de réfléchir aux implications de la

neutralité des agents du service public.

De longue date je m’intéresse à la question de l’articulation entre la neutralité de l’Etat et la liberté

de religion. C’est la raison pour laquelle j’ai suivi, en troisième année de licence, le cours de Droit

des cultes et des religions. Je souhaitais comprendre et connaître notre système de séparation du

politique et du religieux ainsi que les particularités de ma région natale, l’Alsace-Lorraine.

J’ai eu l’opportunité de m’intéresser à « l’application du principe de laïcité dans les établissements

et services accueillant des mineurs » en première année dans le cadre des Ateliers Pédagogiques de

Production de Savoirs9. Or, il se trouve que mes collègues et moi, nous avons manqué de temps

7 Direction de la Protection Judiciaire de la Jeunesse. 8 Qu’est ce que cela signifie ? Qu’est ce que cela implique ? Comment un jeune peut-il se construire une identité propre ? Comment faire société, comment vivre ensemble ? 9 Des Ateliers Pédagogiques de Production de Savoirs (APPS) sont organisés durant la première année de formation statutaire des directeurs : il s'agit d'un travail en petits groupes effectués en plusieurs demi-journées, à partir de thèmes proposés par les formateurs. Il fait l’objet ensuite d’une restitution écrite et exposée devant la promotion et devant des grands témoins capables d'évaluer et d’enrichir les travaux réalisés.

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pour approfondir la troisième partie de notre dossier, intitulée « Postures professionnelles et

identités religieuses : quelle éthique de l’encadrement ? ». L’apport de la pratique de cette deuxième

année de formation peut me permettre d’aller plus loin dans cette réflexion de manière

praxéologique10.

Le choix du sujet de ce travail de mémoire fait encore écho à la commande faite par l’ENPJJ lors de

notre départ en stage européen au mois d’octobre 2015 : il nous a été demandé d’observer le

traitement du fait religieux dans les pays voisins. Ainsi, je me suis intéressée à cette question en

Suède. J’y reviendrai plus loin.

Parmi les missions du Directeur des services de la PJJ figure celle de veiller au respect des droits

des usagers11 et celle d’améliorer continuellement la qualité des prises en charge, notamment sur le

fondement de la loi n°2002-2 du 2 janvier 2002 rénovant l’action sociale et médico-sociale. Dans

cet ordre d’idée, Faïza Guélamine écrit que toute la chaîne hiérarchique du secteur social et médico-

social est inévitablement concernée quand les questions de laïcité et de religions « font conflit » car

nombre des manifestations du fait religieux impliquent directement les modalités organisationnelles

des institutions dans leur fonctionnement, les normes qu’elles produisent et auxquelles obéissent ces

structures. Elle indique qu’« à ce titre, les dirigeants et administrateurs associatifs, les équipes de

direction sont en première ligne garants du « cadre » dans lequel s’exercent les missions des

professionnels. Responsables de la mise en œuvre des projets d’établissement, des dispositifs et

projets d’action sociale, leurs fonctions les conduisent à manager les équipes de travail en veillant

à ce que l’activité éducative, sociale ou médico-sociale s’inscrive dans un cadre légal et

règlementaire précis ». Mais elle précise aussi d’emblée que « se conformer aux règles en vigueur

n’indique pas toujours clairement les voies à suivre (…), ces règles doivent être travaillées et

appliquées de façon adéquate, elles n’apportent pas, de façon mécanique, les réponses singulières

à des situations qui le sont tout autant »12.

Cela me conduit à une interrogation : dans quelle mesure la prise en compte de la laïcité peut-elle

être intégrée dans le pilotage du Directeur des services ?

10 La praxéologie désigne une démarche autonome où des acteurs sont invités à théoriser leur pratique quotidienne (appelée également la praxis) déjà décrite ou non dans des procédures. La définition donnée par Alexandre LHOTELLIER permet de façon très synthétique et complète de bien comprendre cette démarche : « La praxéologie est entendue comme une démarche construite (visée, processus, méthode) d'autonomisation et de conscientisation de l'agir (à tous les niveaux d'interaction sociale : micro, méso, macro) dans son histoire, dans ses pratiques quotidiennes, dans ses processus de changement et dans la mesure de ses conséquences ». 11 Fiche de poste des Directeurs de la Protection Judiciaire de la Jeunesse, en matière éducative, 11°. 12 Faïza GUELAMINE, Faits religieux et laïcité : le travail social à l’épreuve, Repères pour une pratique professionnelle, Actions sociales, ESF, Domont, mars 2015. L’auteure est responsable de formation à l’Association nationale des cadres du social, assistante sociale de formation initiale et docteure en sociologie, elle est aussi membre associée à l’unité de recherche « Migrations et société » (Paris 7).

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A la lumière de mes lectures sur la « difficile » laïcité13, sur la liberté de religion dans la République

et sur le travail social à l’épreuve de ces questions, il me semble que la question de la laïcité dans un

établissement du secteur public accueillant des mineurs doit être progressivement travaillée, et

surtout, il me semble qu’elle doit être travaillée collectivement avec les professionnels et les

usagers. Une réflexion commune favorise un travail éducatif effectif. Plusieurs textes émanant de

l’Administration centrale évoquent désormais expressément ces concepts14 ; des référents laïcité et

citoyenneté ont été installés dans les DIRPJJ, les DTPJJ ainsi qu’à l’ENPJJ ; des moyens

supplémentaires ont été alloués dans certains établissements et services pour permettre de

renouveler le travail en lien avec la laïcité et la citoyenneté, avec les jeunes et les professionnels.

C’est pourquoi, il m’est apparu pertinent de m’intéresser à cela du point de vue du directeur d’un

EPEI.

Ainsi j’aimerais répondre à ce problème : comment le directeur de la PJJ peut-il veiller au respect

de ce principe dans son établissement ?

Hypothèse de recherche : D’après mes lectures et mes observations, je postule qu’un travail et

qu’une réflexion commune permettraient d’améliorer encore davantage la qualité des prises en

charge éducatives des jeunes. La question de la religion ou de l’absence de la religion fait partie de

l’éducation et ne peut pas être occultée d’une prise en charge éducative globale. Revoir en équipe la

définition de la laïcité, de la neutralité et de la liberté de conscience et de religion peut permettre de

désamorcer des crispations et de prévenir des conflits tant avec les agents qu’avec les jeunes.

Hypothèses d’action : Il appartient au directeur des services d’impulser une dynamique de

changement et d’associer les professionnels à une réflexion commune permettant d’aboutir à

l’intégration de la laïcité dans le projet de service mais pas seulement, il faut ensuite faire vivre ce

projet de service.

Il sied de présenter mon travail en trois parties correspondant à l’évolution de mon stage. La

première partie consiste à exposer en quoi la référence à la laïcité peut être considérée comme

insuffisante dans l’établissement à l’issue d’un premier état des lieux. La seconde partie a trait à la

suite de mes investigations et à la démarche d’évaluation interne sur laquelle je me suis appuyée

13 En référence notamment à l’ouvrage de Frank KHALIFA, Difficile laïcité, sources et enjeux, L’Harmattan, Paris, octobre 2014. 14 La note du 25 février 2015 relative à la mise en œuvre d’un plan d’action de la DPJJ en matière de respect du principe de laïcité et des pratiques religieuses des mineurs pris en charge dans les établissements et services du secteur public et du secteur associatif habilité et du principe de neutralité par les agents prenant en charge ces mineurs, celle du 4 mai 2015 relative aux lignes directrices relatives à l’élaboration du règlement de fonctionnement des établissements collectifs de placement judiciaire du secteur public et du secteur associatif habilité, ou encore la note du 21 décembre 2015. Je me réfèrerai plus loin à ces différentes notes.

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tout au long de ce travail. Enfin, la troisième partie consiste à exploiter les données recueillies et à

présenter les actions et expérimentations que j’ai conduites durant mon stage.

1. Le constat d’une insuffisante référence à la laïcité dans l’organisation et le

fonctionnement de l’établissement

Un premier état des lieux réalisé durant les cinq premières semaines de stage m’a permis de faire un

choix de sujet de mémoire. Voici mes premières réflexions.

1.1 L’histoire de l’EPEI et la priorisation des actions du directeur

Tel que je l’énonçais en introduction, à mon arrivée à l’EPEI, le contexte de stage semble très

favorable.

1.1.1 La découverte des unités et missions de l’EPEI

En effet, concernant l’UEAJ, je constate l’existence d’un grand nombre de partenariats actifs15 et je

relève très vite que les jeunes inscrits à l’UEAJ disposent chaque semaine d’un emploi du temps

avec diverses activités (savoirs de base, activités sportives telle qu’escalade, vendanges, chantiers

extérieurs, etc.). Chaque matin, les jeunes sont accueillis avec du café et des petits gâteaux dans un

espace chaleureux au rez-de-chaussée. La parole y est libre dans la limite du respect mutuel et les

règles sont clairement posées. Globalement, celles-ci semblent respectées par les jeunes de l’UEAJ,

notamment grâce à une bonne cohérence d’équipe.

S’agissant de la MEHD, elle dispose de cinq places en résidence sociale16 et de 8 familles d’accueil

(chacune avec un profil singulier). La MEHD peut aussi proposer aux magistrats et aux jeunes des

placements externalisés17 dans le cadre de l’expérimentation lancée par l’Administration centrale. A

ce jour, trois placements externalisés sont mis en œuvre par l’équipe de la Mission : un placement

en internat scolaire et deux « placements à domicile », c’est-à-dire chez les parents mais avec un

suivi éducatif et clinique renforcé.

15 Il existe par exemple : un partenariat avec un établissement scolaire pour lequel les jeunes de l’U.E.A.J. entretiennent toute l’année les espaces verts ; un autre avec la commune pour disposer d’un jardin ou de salles de sport ; un avec l’UDAF 15 pour organiser des chantiers extérieurs ; plusieurs partenariats avec des centres de formation tel que l’AFPA, etc. 16 L’une de ces places est réservée à un public féminin dans un Foyer de jeunes filles au centre ville, qui peut parfois accueillir plus d’une jeune selon la disponibilité des chambres. Seuls des jeunes hommes sont placés dans les autres foyers. 17 Le placement externalisé permet un suivi éducatif et clinique renforcé en maintenant le jeune dans un environnement « naturel » (il s’agit généralement du domicile familial) en réservant la possibilité de placer à nouveau ce jeune dans une autre structure d’hébergement en cas d’échec de cette modalité de placement. L’individualisation de ce suivi correspond le plus souvent à des jeunes qui ne tiennent pas en collectif (par exemple un leader négatif ou à l’inverse un jeune isolé en grande souffrance).

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10

Les magistrats du ressort connaissent cette mission et semblent véritablement apprécier de pouvoir

recourir à cette modalité de placement alternative lorsqu’aucune autre solution n’apparaît

opportune.

A ce jour, la création d’une Unité Educative d’Hébergement Diversifié n’est pas envisagée par la

Direction Interrégionale18 . Néanmoins, l’équipe de cette mission tente de poursuivre son

développement afin qu’elle reste pérenne (à titre d’exemple, le recrutement d’une nouvelle famille

d’accueil d’urgence est en cours).

Enfin, concernant l’UEHC, le contexte est particulier : l’équipe et les jeunes sont de retour dans les

locaux dédiés à leur mission et appartenant à l’Etat19 depuis novembre 2014.

Avant cette date, le bâtiment était en cours de rénovation et l’unité était logée dans une résidence

sociale durant un an, puis dans une Auberge de Jeunesse durant près de quatre mois20. Le nombre

de jeunes pris en charge durant cette période n’excédait pas six, faute de place supplémentaire et

compte tenu de la spécificité des locaux d’accueil temporaire. Il était certainement difficile pour une

équipe éducative de reprendre l’exercice de sa mission dans une maison réhabilitée avec un nombre

de jeune conforme au cahier des charges des UEHC (c’est-à-dire douze). Dans l’année, l’UEHC

doit avoir un taux d’occupation minimal de 80 %21.

Ce contexte a probablement fragilisé un peu l’équipe, qui s’adapte à cette nouvelle configuration

depuis la fin de l’année 2014. Deux professionnels ont récemment intégré l’équipe et deux autres

sont en arrêt maladie depuis le 1er septembre. L’un de ces deux arrêts fait suite, notamment, à la

survenance d’incidents avec des jeunes (voiture de l’agent dégradée et comportements très

provocateurs à son encontre lors d’un repas). L’autre est lié à des problèmes d’ordre personnel.

La difficulté des professionnels à maintenir une cohérence d’équipe est perceptible lors de moments

clés à l’UEHC tel que le passage de consignes : il se fait souvent à plusieurs, les jeunes se

retrouvent seuls et tentent sans relâche d’attirer l’attention du personnel éducatif. De ce fait, il n’est

pas toujours efficace.

Face à cela, l’équipe de Direction (la Directrice et la RUE) tente d’amener son personnel à plus de

cohésion : un accompagnement d’équipe est en place conformément au cahier des charges de la

structure, l’équipe éducative est associée dans le protocole d’élaboration des emplois du temps22,

18 Ceci s’explique par des contraintes budgétaires : il existe déjà une U.E.H.D.R. sur le territoire à laquelle sont octroyés d’importants moyens et la création d’une U.E.M.O. est en cours dans le département. 19 Les locaux de l’UEHC appartiennent à la PJJ mais sont gérés par France Domaine. 20 Les travaux ayant duré un peu plus longtemps que prévu, il a fallu que la directrice trouve une solution d’urgence temporaire pour éviter la fermeture. 21 Le Contrat Objectifs Moyens (COM) est fixé par la DIR et imposé aux directeurs de services selon le budget alloué à la structure, il s’agit du taux de remplissage moyen exigé dans une UEHC. 80% cela équivaut à un COM de 9,6 jeunes conformément au cahier des charges des UEHC. 22 Les éducateurs ont quinze jours pour exprimer leurs désidératas dans un tableau. A partir de ce tableau, la responsable d’unité élabore les emplois du temps puis elle diffuse cette première version de planning trimestriel à tous les agents. Au plus vite après cette

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11

des réunions de fonctionnement sont organisées mensuellement23, il y a au moins trois réunions

d’établissement par an voire quatre (au mois de janvier, juin, septembre et décembre), ou encore, les

modalités du passage de consignes ont été récemment modifiées pour que ce moment soit plus

serein, plus efficient et pour permettre une plus grande confidentialité vis à vis des jeunes24.

La Directrice de l’établissement, occupant ce poste depuis le 1er septembre 2013, est présente dans

chacune des trois unités toutes les semaines. Pour fédérer une « identité de service » et favoriser les

liens entre les trois sites de l’EPEI, elle organise une réunion de gouvernance environ toutes les

deux semaines pour réunir la RUE de l’UEAJ, celle de l’UEHC et le coordinateur de la mission HD

(un CSE missionné). Ces réunions sont programmées trimestriellement afin de s’assurer de leur

tenue (pour cela, un tableau programmatique des réunions est diffusé à tous les agents). De la même

manière, elle projette des réunions de fonctionnement une fois par mois dans chacune de ses unités

et mission. Enfin, un point hebdomadaire est fait avec chacune de ses responsables d’unité ainsi

qu’avec le coordinateur de la MEHD.

Au cours de mes nombreuses discussions avec la directrice, je comprends l’importante évolution

que connaît l’établissement depuis deux ans. Tous les chantiers ne doivent pas être ouverts en même

temps mais doivent se succéder dans un ordre de priorité. Ainsi, les premiers chantiers ont été les

suivants : refonte du planning des éducateurs, travail sur l’articulation directeur/responsables

d’unité, développement de l’HD et réflexion sur l’articulation entre les unités dans le but de

travailler la continuité des parcours des jeunes conformément à la Note d’orientation du 30

septembre 2014.

Cette description rapide de l’état des lieux réalisé en début de stage explique pourquoi j’ai choisi de

m’intéresser à la prise en compte de la laïcité, qui n’avait pas encore été abordée au sein de

l’établissement.

diffusion, une « Commission emploi du temps » est ouverte aux agents pour opérer les dernières modifications. Après cette commission, le planning n’est plus changé sauf pour des raisons exceptionnelles. 23 Les réunions de fonctionnement sont thématisées et réunissent l’équipe et la Direction (RUE et directrice). 24 Un nouvel espace bureau a été créé pour les éducateurs, plus éloigné de l’espace accessible aux jeunes et les amplitudes de service ont été légèrement modifiées afin de permettre à la fois un passage de consignes à deux et une présence éducative continue auprès des jeunes.

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1.1.2 Le choix de la thématique de la laïcité comme sujet de

mémoire

Tous les ans, la directrice fixe de nouveaux objectifs de service selon le bilan de l’année écoulée.

Pour 2016, elle souhaiterait qu’un travail soit amorcé en matière de laïcité.

Mon choix de sujet de mémoire s’arrête définitivement le 18 septembre lorsque je découvre que la

Direction interrégionale demande aux services du territoire de conduire la deuxième évaluation

interne sur deux des quatre axes suivants : « L’accueil des mineurs et de leurs familles » ; « Les

droits et participations des mineurs et de leurs familles » ; « La prise en compte de la laïcité » ; et

« Le partenariat ». Elle qualifie la prise en compte de la laïcité de « sujet prioritaire » de travail dans

les services25.

D’un commun accord avec la Directrice de l’établissement et les responsables d’unité, nous avons

choisi de conduire l’évaluation interne sur ces deux axes : l’accueil des mineurs et de leurs familles

et la prise en compte de la laïcité. Tous les cadres considèrent que les pratiques dans ces deux

champs peuvent être améliorées. Avec l’aval de la Directrice de service, je décide alors de mener un

travail d’enquête et de recherche sur ces deux axes et sur celui de la prise en compte de la laïcité en

particulier (ces deux axes n’étant pas sans lien puisque nous le verrons plus tard, la laïcité devrait

être abordée au moment de l’accueil du jeune à l’UEAJ, à l’UEHC, et à la MEHD selon les

modalités de la prise en charge).

Dès la fin du mois de septembre, je fais plusieurs constats en lien avec cette thématique.

En premier lieu, les éducateurs n’osent pas tous parler de religion avec les jeunes. Lorsque je les

questionne, certains ne souhaitent pas aborder cette question avec les jeunes en raison de la

neutralité qui leur est imposée, tandis que d’autres préfèrent s’abstenir en raison d’un manque de

connaissance en la matière (quatre éducateurs ont exprimé le besoin d’être formé en « histoire des

religions »). Un éducateur m’a dit qu’il était parfois difficile de se positionner par rapport aux

jeunes car « ils en savent souvent plus que nous et arrangent les choses à leur sauce ».

S’agissant de la radicalisation, fléau au cœur des débats sociétaux, le personnel éducatif se sent

démuni.

En juin dernier, l’UEHC a été confrontée à un jeune ayant tenté de rejoindre la Syrie. Il tenait des

propos très irrespectueux envers les femmes et les non croyants. Il était très difficile pour l’équipe

éducative de tisser des liens avec lui. Son contrôle judiciaire (CJ), ordonné par un juge anti-

terroriste parisien après sa tentative de quitter le territoire, lui imposait de remettre ses papiers

d’identité à la direction du foyer, ce qui a été fait.

25 Terme employé dans un courrier de la DIR envoyé aux directeurs de services du territoire le 27 mai 2015 (cf. annexe 1).

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Après les attentats de janvier 2015 contre Charlie Hebdo, le jeune homme a refusé de faire la

minute de silence avec les autres jeunes et les éducateurs de service. Selon lui, les terroristes du 7

janvier « avaient raison ». Compte tenu de la gravité de ces propos, une éducatrice présentée par

l’un de ses collègues comme « musulmane modérée », a tenté de parler de religion avec lui. Elle a

tenté de démontrer que le message de l’islam n’était pas celui qu’il voulait faire prévaloir. Le

souvenir de cette prise en charge est amer. Ce jeune a finalement été orienté dans un Centre éducatif

fermé le 2 avril 2015, après la mainlevée du placement pour non respect du CJ (pas de projet

d’insertion et de nombreux incidents au foyer).

Actuellement, l’UEHC et l’UEAJ sont confrontées à un autre type de radicalisation dans la prise en

charge conjointe d’un jeune sous CJ prononcé pour des faits de profanation d’un cimetière israélite.

Si l’accompagnement d’équipe permet d’aborder ce type de sujet, ce n’est pas spécifiquement son

objectif. Or, en dehors de ces temps d’accompagnement d’équipe, les professionnels n’ont pas

encore eu l’occasion de se rencontrer et d’échanger sur la thématique de la laïcité dans

l’établissement, sur la conciliation entre le respect de la liberté de religion des jeunes et l’obligation

de neutralité des agents, sur la citoyenneté et la manière de prévenir les phénomènes de

radicalisation26. Les professionnels de l’EPEI n’ont pas encore tous suivi la formation nationale sur

la radicalisation proposée par les Pôles Territoriaux de Formation (PTF) et il est à noter que la

référente laïcité citoyenneté de la direction territoriale n’a pris ses fonctions qu’en septembre 2015.

A mon arrivée à l’EPEI, elle est tout juste entrain de s’approprier ses nouvelles fonctions.

Comme je décide de rédiger un mémoire sur cette thématique, je poursuis mes observations, qui

viennent étayer mes premiers constats.

1.1.3 L’intérêt de ce sujet

A ce jour, il existe des différences de pratiques entre l’UEAJ et l’UEHC : au travers de mes

échanges avec les responsables d’unité, je constate que la question d’une éventuelle pratique

religieuse n’est pas abordée avec les parents lors de l’entretien d’accueil du jeune à l’UEHC ; au

contraire cette question est systématiquement posée aux parents de jeunes inscrits à l’UEAJ.

Pourtant, lors d’une journée à l’extérieur à laquelle j’ai participé avec l’UEAJ, nous avons mangé

chez des viticulteurs. Ces derniers nous avaient préparé de la palette de porc fumée alors que trois

jeunes présents étaient de confession musulmane et ne souhaitaient pas manger de porc. La famille

chez laquelle nous étions a accepté de faire des œufs au plat à ces trois jeunes. Néanmoins, il aurait

été opportun de s’intéresser à la question de l’alimentation des jeunes en amont afin de prévenir les

26 Tous ces termes seront définis dans la partie intitulée « La conciliation entre une laïcité tolérante et une neutralité exigeante ».

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hôtes qui allaient nous accueillir des habitudes alimentaires des jeunes accueillis. Force est de

constater que cela ne se fait pas naturellement. Il y a une gêne à parler de religion dans la relation

éducative. Ainsi, Faïza Guélamine écrit que « les intervenants sociaux « tâtonnent », s’opposent

parfois entre eux autour de ces questions, cherchent des réponses, éprouvent des difficultés à

résoudre ce qui se présente comme un dilemme pour eux : comment comprendre et réagir dans le

cadre des prérogatives qui leur sont confiées lorsque celles-ci les conduisent à respecter les

convictions religieuses des usagers tout en intégrant la finalité des missions éducatives,

thérapeutiques, sociales des établissements et services, adossés au principe de laïcité ? »27.

Dans le cadre de la MEHD, la prise en compte de la laïcité ne se présente pas de la même manière :

aucune difficulté ne se présente concernant les jeunes placés en Foyer Jeunes Travailleurs (FJT) ou

à domicile (dans le cadre d’un placement externalisé). Les questions pouvant se poser concernent

principalement les placements en familles d’accueil : sont-elles soumises à la neutralité ? Dans

quelles limites peuvent-elles manifester leurs croyances ? En la matière, la phase de recrutement des

familles d’accueil par la Direction de l’établissement est capitale pour travailler cette question. A ce

jour, l’existence ou non d’une pratique religieuse (de la famille d’accueil ou du jeune accueilli)

n’est pas systématiquement abordée ni lors du recrutement ni lors de l’accueil du jeune.

La procédure de recrutement d’une famille d’accueil se déroule de cette façon : une première

rencontre de la famille est organisée au service avec la direction et l’équipe éducative. Lorsque cet

entretien est concluant (la famille semble correspondre aux attentes de la PJJ), une visite à domicile

de la directrice et de la psychologue est programmée. Il pourrait être intéressant d’aller au delà des

constats visuels qui peuvent être opérés lors de cette visite à domicile et aborder concrètement ce

sujet avec les familles (respect de la liberté de conscience, d’opinion et de religion du jeune

accueilli, interdiction du prosélytisme pour la famille).

A l’UEHC, je découvre rapidement que pour des raisons pratiques et financières, la nourriture

proposée aux jeunes est exclusivement halal.

Or, ce fonctionnement n’est conforme ni à la Note de la DPJJ du 25 février 201528 où l’on lit qu’« il

ne peut être admis s’agissant de la nourriture confessionnelle qu’elle soit proposée comme plat

exclusif » (p.5), ni aux lignes directrices relatives à l’élaboration du règlement de fonctionnement

du 4 mai 2015 : « en aucun cas il ne peut être délivré des plats contenant de la nourriture

confessionnelle de façon systématique à l’ensemble des mineurs pris en charge » (p.22).

27 Faïza GUELAMINE, Faits religieux et laïcité : le travail social à l’épreuve, Repères pour une pratique professionnelle, Actions sociales, ESF, Domont, mars 2015, p.13. 28 NDPJJ du 25 février 2015 relative à la mise en œuvre d’un plan d’action de la DPJJ en matière de respect du principe de laïcité et des pratiques religieuses des mineurs pris en charge dans les établissements et services du secteur public et du SAH et du principe de neutralité par les agents prenant en charge ces mineurs.

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Comme dans de nombreux établissements de placement éducatif de la PJJ, le cuisinier et la

maîtresse de maison ne proposent jamais de viande de porc. Un jeune m’a pourtant confié qu’il

aimerait bien pouvoir en manger « de temps en temps ».

Alors que le débat sur la laïcité dans le service public n’a jamais été d’une telle vigueur, ces

illustrations témoignent de l’importance pour un Directeur des services de la PJJ de se questionner

sur la définition du principe de laïcité et sur son application dans un établissement public accueillant

des mineurs.

1.2 La combinaison d’une laïcité tolérante et d’une neutralité exigeante

Faïza Guélamine décrit bien l’exigence à laquelle les professionnels doivent se soumettre lorsqu’ils

réfléchissent aux questions posées par l’irruption du fait religieux dans leur quotidien et à laquelle

je dois me soumettre également dans ce travail de mémoire : « L’expression des faits religieux dans

le cadre professionnel impose une prescription inattendue : élucider sa propre perception du

religieux. Ces situations entraînent chez le travailleur social la quasi-obligation de réfléchir à sa

propre posture vis-à-vis des pratiques et des croyances liées au sacré. Ces représentations

(subjectives) doivent pouvoir être objectivées, comme toute posture professionnelle, mises en

rapport avec le public rencontré, le type de mission et de responsabilité exercée. »29.

1.2.1 La laïcité en France et plus particulièrement à la PJJ

La définition de la laïcité est indissociable de l’Histoire. Il est difficile d’en trouver une définition

claire. Le dictionnaire Robert renvoie à la définition donnée par le grand juriste disparu René

Capitant : « conception publique impliquant la séparation de la société civile et de la société

religieuse, l’Etat n’exerçant aucun pouvoir religieux et les Eglises aucun pouvoir politique », ce qui

ne dit rien de ce qu’elle implique pour les citoyens d’une République laïque. Le texte fondateur de

la laïcité est la loi du 9 décembre 1905 dite de « séparation des Eglises et de l’Etat » qui a pour objet

d’organiser le régime public des cultes.

Selon Jean Picq30, c’est dans ce cadre légal que se conjuguent des libertés fondamentales, la liberté

de conscience et le libre exercice des cultes, et une exigence de totale neutralité de l’Etat. Dans son

ouvrage intitulé La liberté de religion dans la République, il tente d‘exposer l’esprit de la loi de

1905 et ses origines. Il énonce que « la laïcité est avant toute chose la reconnaissance d’un espace

29 Faïza GUELAMINE, Faits religieux et laïcité : le travail social à l’épreuve, Repères pour une pratique professionnelle, Actions sociales, ESF, Domont, mars 2015, p.37. 30 Jean PICQ est auteur d’un rapport remarqué sur l’Etat, magistrat à la Cour des comptes, professeur à Sciences Po-Paris où il enseigne l’histoire de l’Etat et des rapports entre politique et religion.

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public pluraliste dans lequel coexistent et s’affrontent des convictions philosophiques et religieuses.

Cela signifie qu’aucune d’entre elles, fût-elle majoritaire, ne peut prétendre obturer l’espace à elle

seule. Car la laïcité, ce n’est pas établir une nouvelle religion « laïque », qui proscrirait toute

religion, c’est permettre à toute les religions sans exception de vivre dans l’espace public et d’y

faire entendre leur voix dans le respect de l’ordre public et des règles du débat démocratique » 31.

Selon Jean Baubérot, c’est « un art de vivre ensemble »32.

C’est sensiblement la même définition de la laïcité qui a été retenue par la DPJJ dans sa Note du 25

février 2015 : « La laïcité n'est pas une opinion parmi d'autres mais la liberté d'en avoir une. Elle

n'est pas une conviction mais le principe qui les autorise toutes, sous réserve du respect des

principes de liberté de conscience et d'égalité des droits. C'est pourquoi, elle n'est ni pro, ni

antireligieuse. L'adhésion à une foi ou à une conviction philosophique relève ainsi de la seule

liberté de conscience de chaque femme et de chaque homme. La laïcité permet donc l’affirmation de

la liberté de religion. Les textes, internes et internationaux, qui garantissent la liberté de religion

en font, d’ailleurs, un élément de la liberté de pensée ou de conscience de chaque individu.

Toutefois, la liberté religieuse ne se borne pas à la liberté de croire ou de ne pas croire. Elle

implique une certaine extériorisation qu’il s’agisse de l’exercice du culte ou tout simplement de

l’expression – individuelle ou collective – d’une croyance religieuse. Il convient dès lors pour l’Etat

de garantir la conciliation entre l’intérêt général et l’ordre public, d’une part, la liberté de religion

et son expression, d’autre part. ».

La laïcité et la neutralité de l’Etat visent en fait à garantir une égalité de traitement des usagers du

service public conformément au principe de non-discrimination contenu dans des textes

internationaux, tel que dans l’article 14 de la CESDH33.

31 Jean PICQ, La liberté de religion dans la République, L’esprit de laïcité, Odile Jacob, Nanterre, mai 2014. 32 Jean BAUBEROT, La laïcité. Evolutions et enjeux, La Documentation française, « Problème politiques et sociaux », n°768, juin 1996, p.4. Selon une définition simple, le « vivre ensemble » est un concept qui exprime les liens pacifiques, de bonne entente qu’entretiennent des personnes, des peuples ou des ethnies avec d’autres, dans leur environnement de vie ou leur territoire. Autrement dit, c’est une cohabitation harmonieuse de peuples et d’ethnies différentes. Selon Jean Baubérot, il s’agit de tenir ensemble trois préceptes : « Si l’on s’en tient au règlement juridique, la laïcité m’apparaît constituée de trois principes essentiels: le respect de la liberté de conscience et de culte; la lutte contre toute domination de la religion sur l’État et sur la société civile; l’égalité des religions et des convictions les « convictions » incluant le droit de ne pas croire. Il faut arriver à tenir ensemble ces trois préceptes si l’on veut éviter toute position arrogante et péremptoire. Mais évidemment, dans la pratique, les acteurs ont tendance à privilégier l’un ou l’autre de ces trois principes : les croyants se réfèrent surtout à la liberté de culte; les agnostiques (et les anticléricaux) s’appuient plutôt sur la lutte contre la domination des religions; quant aux minoritaires, ils insistent sur l’égalité des religions et des convictions. », Extrait de la revue Regards sur l’actualité, n°298 « Etat, laïcité, religions », Jean Baubérot, titulaire de la chaire «Histoire et sociologie de la laïcité» à l’Ecole pratique des hautes études et membre de la Commission Stasi. 33 Convention Européenne de Sauvegarde des Droits de l’Homme et des libertés fondamentales du 4 novembre 1950.

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1.2.2 La neutralité des agents publics

S’agissant de la neutralité des agents publics, elle est imposée par le Conseil d’Etat34. A la PJJ, il

appartient aux cadres de faire respecter l’obligation de neutralité dans leur service.

La Charte de la laïcité dans les services publics énonce que « Tout agent a un devoir de stricte

neutralité. Il doit traiter également toutes les personnes et respecter leur liberté de conscience. Le

fait pour un agent public de manifester ses convictions religieuses dans l'exercice de ses fonctions

constitue un manquement à ses obligations. » Le non respect de cette obligation peut faire l’objet

d’une sanction disciplinaire. Mais il ne faut pas méconnaître les droits des agents publics en tant

que citoyens. L’application du principe de laïcité consiste à rechercher continuellement un équilibre

entre les valeurs indissociables sur lesquelles repose ce principe : « liberté de conscience, égalité en

droit des options spirituelles et religieuses, neutralité du pouvoir politique »35. Par exemple,

l’obligation de neutralité ne fait pas obstacle à ce que les agents publics sollicitent des

aménagements du temps de travail dans la mesure où ils sont compatibles avec le bon

fonctionnement du service public36. L’Observatoire de la laïcité rappelle que « les exigences

relatives à la laïcité de l’État et à la neutralité des services publics ne doivent pas conduire à la

négation de la liberté de conscience dont les agents publics peuvent se prévaloir »37. En effet, la

liberté d’opinion notamment religieuse est inscrite à l’article 6 de la loi du 13 juillet 1983 portant

droits et obligations des fonctionnaires et le droit de solliciter des autorisations exceptionnelles

d’absence est octroyé par la circulaire du 23 septembre 1967 relative aux autorisations d’absence

pour fêtes religieuses38 et par la circulaire du 13 avril 2007 relative à la charte de laïcité dans les

services publics39.

Il est intéressant de voir que le rapport de la Commission Stasi de 2003 cible quatre blocs

d’obligation dégagés par le Conseil d’Etat pour préserver un équilibre entre liberté de conscience et

neutralité des agents publics à l’école : « sont prohibés les actes de pression, de provocation, de

prosélytisme, ou de propagande ; sont rejetés les comportements pouvant porter atteinte à la

dignité, au pluralisme ou à la liberté de l’élève ou de tout membre de la communauté éducative

ainsi que ceux compromettant leur santé et leur sécurité ; sont exclus toute perturbation du

déroulement des activités d’enseignement, du rôle éducatif des enseignants et tout trouble apporté à

l’ordre dans l’établissement ou au fonctionnement normal du service ; les missions dévolues au

34 CE, 3 mai 1950, Dlle Jamet, n°98 284 ; précision de la portée de l’obligation de neutralité dans l’avis du CE Dlle Marteaux, 3 mai 2000. 35 Rapport de la Commission présidée par Bernard STASI, 2003. 36 La liste des fêtes religieuses pour lesquelles les agents peuvent demander une autorisation d’absence peut être déterminée par circulaire : CE, 12 février 1997, Melle H., n°125893. 37 Observatoire de la laïcité, Avis sur l’article premier du projet de loi relatif à la déontologie et aux droits et obligations des fonctionnaires, 3 février 2015. 38 Circulaire n° FP/901 du 23 septembre 1967 relative aux autorisations d’absence pour fêtes religieuses. 39 Circulaire n° 5209/SG du 13 avril 2007 relative à la charte de laïcité dans les services publics.

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service public de l’éducation ne peuvent être affectées par les comportements des élèves et

notamment le contenu des programmes et l’obligation d’assiduité ». Il me semble que ces blocs

peuvent être transposés au service public de la PJJ. C’est donc pour garantir la liberté de conscience

et de religion des usagers du service public que les manifestations d’une croyance d’un agent

peuvent être prohibées et sanctionnées si elles revêtent un caractère ostentatoire ou revendicatif.

Il est intéressant de voir qu’en Suède, les agents exerçant une mission de service public ne sont pas

soumis à une obligation de neutralité telle qu’elle existe en France. La seule interdiction est celle du

prosélytisme mais ces agents ont le droit de manifester et extérioriser leurs croyances. Ainsi, dans

l’établissement de placement que j’ai pu découvrir au cours du stage européen40, tant les éducateurs

que les enseignants peuvent porter des bijoux ou des tenues vestimentaires révélant leurs

convictions religieuses. En effet, « la Suède, qui défend le modèle sociétal le plus libéral, met en

avant la liberté individuelle et encourage la représentation de la diversité sociale dans les

institutions publiques. À ce titre, le pays autorise le port du voile dans la police ou à l’école et

soutient les communautés religieuses qui prennent en charge des services de l’État-providence,

comme l’accueil des réfugiés ou l’enseignement du suédois aux immigrants. »41 J’ai encore pu

constater que les professionnels des institutions de protection de la jeunesse sont moins gênés en

Suède qu’en France à parler d’histoire des religions et même de convictions religieuses avec les

jeunes. En France, il paraît plus délicat de concilier l’obligation de neutralité des agents et la liberté

de religion des usagers.

1.2.3 La conciliation de la neutralité des agents et la liberté de religion

des usagers

Le droit à la liberté de pensée, de conscience et de religion est consacré et garanti par de nombreux

textes (nationaux ou internationaux) que l’Etat français s’engage à respecter : l’article 10 de la

Déclaration des droits de l’homme et du citoyen de 1789, les articles 1er et 2 de la loi du 9 décembre

1905 sur la séparation de l’Eglise et de l’Etat, l’article 1er de la Constitution française du 4 octobre

1958, les articles 18 de la Déclaration universelle des droits de l’homme de l’ONU du 10 décembre

1948 et du Pacte international relatif aux droits civils et politiques, et les articles 9 et 14 de la

CESDH du 4 novembre 1950. Ce droit implique la liberté de changer de religion ou de conviction,

la liberté de manifester sa religion ou sa conviction individuellement ou collectivement, en public

40 Statens Institutions Styrelse (SIS, La Direction nationale des soins en institutions), ungdomshem Råby institution (institution pour la jeunesse Räby) à Lund. 41 Frédérique Harry, Maître de conférences en Études nordiques à l’Université Paris-Sorbonne, Vers une laïcité nordique ? P@ge Europe, La Documentation française © DILA, 21 mai 2013.

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ou en privé, par le culte, l'enseignement, les pratiques et l'accomplissement des rites. Les seules

restrictions dont cette liberté peut faire l’objet doivent être prévues par la loi et constituer des

mesures nécessaires, dans une société démocratique, à la sécurité publique, à la protection de

l'ordre, de la santé ou de la morale publiques, ou à la protection des droits et libertés d'autrui42.

La loi 2002-2 du 2 janvier 2002 rénovant l’action sociale et médico sociale rappelle et consacre les

droits libertés des usagers des Etablissements et Services Sociaux et Médico-Sociaux (ESSMS)

dans le but de promouvoir leur autonomie et leur protection43. Or les établissements et services de la

PJJ relèvent de la catégorie des ESMS depuis le décret du 6 novembre 200744 et sont soumis à cette

loi.

L’article 11 de la Charte des droits et libertés de la personne accueillie prévue la loi de 2002

reconnaît également à chacun le droit à la pratique religieuse dans la mesure où il ne trouble pas le

fonctionnement normal des établissements et des services et ne porte pas atteinte à la liberté

d’autrui.

Dominique Youf rappelle très justement que pendant un temps, la DPJJ n’ayant pas choisi

d’orientations en matière de laïcité, l’appréciation des comportements était laissée aux Directeurs

d’établissements45.

Désormais, les textes à la PJJ faisant référence à cette valeur républicaine forte sont nombreux et

peuvent servir de base de réflexion : la NDPJJ du 25 février 2015 précitée, la NDPJJ du 4 mai 2015

relative aux lignes directrices d’élaboration du règlements de fonctionnement des établissements

collectifs de placement judiciaire du secteur public et du secteur associatif habilité, la NDPJJ du 7

septembre 2015 relative au cadre d’intervention des référents laïcité citoyenneté de la mission

nationale de veille et d’information (MNVI) ainsi que la NDPJJ du 21 décembre 2015 relative au

plan d’action national 2016 et rapport stratégique 2015.

Cette dernière note aborde « l’augmentation ciblée des moyens sur certains secteurs afin de

renforcer la prévention des risques de radicalisation dans le cadre des missions éducatives. Ces

moyens alloués devront notamment être plus spécifiquement dédiés à sensibiliser le mineur à la

citoyenneté, la laïcité, à la lutte contre toute forme d’intolérance et de discrimination, à sa

42 Article 9 de la CESDH. 43 On retrouve ces droits à l’article L 311-3 du Code de l’Action Sociale et des Familles : le droit au respect de la dignité, de l’intégrité, de la vie privée, de l’intimité, et le droit à la sécurité ; le libre choix entre les prestations à domiciles ou celles d’un établissement ; le droit à une prise en charge ou à un accompagnement individualisé et de qualité, respectant un consentement éclairé ; le droit à la confidentialité des données les concernant ; le droit d’accès à l’information ; le droit d’être informés des droits fondamentaux et des voies de recours dont ils disposent ; le droit de participer directement au projet d’accueil et d’accompagnement. Le droit au respect de la vie privée recouvre la liberté de pensée, de conscience et de religion. 44 Art. 3 du décret du 6 novembre 2007 : « En application de l'article L. 312-1 du code de l'action sociale et des familles, les établissements et services du secteur public de la protection judiciaire de la jeunesse constituent des établissements et services sociaux et médico-sociaux, à l'exception des services éducatifs en établissements pénitentiaires spécialisés pour mineurs. Sous réserve des prérogatives de l'autorité judiciaire, les établissements et services précités garantissent aux mineurs et aux jeunes majeurs qu'ils prennent en charge au titre de la mise en œuvre d'une mesure éducative les droits et libertés individuelles énoncés aux articles L. 311-3 à L. 311-5 du même code ». 45 Dominique YOUF, Haut Conseil à l’Intégration, Débats, Laïcité dans la fonction publique : de la définition du principe à son application pratique, La documentation française, 2012, p.70.

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socialisation, au développement de sa pensée critique, à la sensibilisation et prévention à l’usage

du numérique et à l’aide à la parentalité »46 ainsi que le « renfort de la dotation de fonctionnement

en UEHC et CEF pour des activités soutenant notamment le vivre ensemble, la laïcité, la

citoyenneté, la sensibilisation et la prévention à l’usage du numérique, et permettre la relance

d’une dynamique de séjours et camps »47.

La DPJJ a encore adopté une note spécifiquement relative à la lutte contre la radicalisation le 27

janvier 2015.

Il convient donc pour un directeur d’établissement de la PJJ de veiller à la fois au respect de

l’obligation de neutralité de ses agents et au respect de la liberté de conscience et de religion des

usagers, c’est-à-dire des jeunes qui sont confiés à son service. Cette mission est délicate

particulièrement lorsqu’il faut composer avec les individualités de chacun : les agents et les jeunes.

1.3 La diversité d’origines et de cultures des personnes composant l’institution

1.3.1 Le changement du profil sociologique des travailleurs sociaux

La nécessité d’aborder les questions de la laïcité et de la neutralité est d’autant plus forte que la

diversité des origines et des cultures des professionnels est grande. C’est le cas dans mon

établissement de stage. Grace à de nombreux échanges informels avec les professionnels de

chacune des unités, j’ai compris que les éducateurs ne peuvent faire fi de « ce qu’ils sont ». Or

« depuis deux à trois décennies l’évolution sociologique des profils des professionnels dans (le)

secteur (social) fait apparaître l’émergence de nouvelles générations issues des classes populaires,

dont une partie provient de l’immigration postcoloniale. Sans être homogène ni unique, bien au

contraire, le rapport que ces travailleurs sociaux entretiennent avec le religieux est parfois lié à

leur propre inscription dans un parcours migratoire, celle de leurs ascendants, et à la manière dont

ces trajectoires prennent sens dans une histoire sociale et politique singulière et collective. »48.

L’auteure explique que cela ne signifie pas que les comportements référés au religieux de ces

professionnels sont plus marqués mais « cela vient dire quelque chose dans la façon dont ces

questions se posent dans le champ de l’intervention sociale et plus largement au sein de la société

française ».

46 NDPJJ du 21 décembre 2015 relative au Plan d’action national 2016 et rapport stratégique 2015, Troisième axe : « Favoriser des réponses individualisées en prenant appui sur le milieu ouvert socle », Mesures spécifiques BOP 2016, p.3. 47 Ibid, Quatrième axe : « Garantir l’hébergement comme une réponse articulée dans un suivi plus global du parcours », Mesures spécifiques BOP 2016, p.4. 48 Faïza GUELAMINE, Faits religieux et laïcité : le travail social à l’épreuve, Repères pour une pratique professionnelle, Actions sociales, ESF, Domont, mars 2015, p.14.

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21

La particularité du travail social et éducatif à la PJJ invite donc à prendre le temps de réfléchir à ces

questions. On l’a vu, le Conseil d’Etat impose que les agents publics ne manifestent pas leurs

croyances durant l’exercice de leurs fonctions, mais les exigences d’une neutralité absolue sont

tempérées par les «accommodements raisonnables» permettant à chacun d’exercer sa liberté

religieuse49. Le directeur des services (DS) ne doit donc intervenir pour sanctionner son personnel

que dans l’hypothèse où la mission serait entravée, par un comportement prosélyte par exemple.

L’interdiction du prosélytisme vise à préserver la liberté de croire ou de ne pas croire. L’idée

principale est que personne ne doit imposer ses croyances aux autres. Cela fait écho à la formule

républicaine du début du XX° siècle : « La loi protège la foi aussi longtemps que la foi ne prétend

pas dicter la loi ».

Le DS ne choisit pas ses agents50 et doit composer avec chacune des individualités qui composent

l’équipe.

1.3.2 Le profil des agents et le profil des jeunes de l’EPEI

Ni les agents ni les jeunes ne forment un groupe homogène.

Au travers de mes échanges informels avec les agents de chacune des unités et missions, je perçois

rapidement la diversité d’origines et de cultures au sein de l’équipe : près de la moitié des vingt six

éducateurs composant l’EPEI affirme avoir des origines étrangères (marocaines, turques, polonaises

ou tunisiennes) ; nombreux sont les agents qui ont de la famille dans leurs pays d’origine ; plusieurs

d’entre eux me confient être athées, croyants et/ou pratiquer une religion dans leur vie personnelle,

qu’il s’agisse de la religion catholique, juive ou musulmane ; l’un des agents est Président d’une

antenne de l’Association des Travailleurs Marocains de France (ATMF). Les équipes sont

composées d’individualités ayant chacune leur histoire, leurs traditions, leurs convictions. Jean Picq

s’interroge : si l’on doit appliquer avec une grande fermeté républicaine le principe d’égalité,

notamment d’égalité entre les sexes, en étant intraitable sur certaines sujets de société, « n’est-il pas

tout aussi nécessaire d’accueillir la diversité, de reconnaître la différence, de ne pas chercher à

enfermer l’autre dans un moule unique, de ne pas le priver du droit à sa culture, de lui permettre de

préserver sa façon de vivre et les traits qui sont à ses yeux des composantes essentielles de son

identité ? », et il conclut : « Comme toujours dans la vie sociale, tout est question de retenue et de

discernement »51.

Le groupe de jeunes confiés à l’EPEI varie mais n’est jamais homogène lui non plus. Sans être

49 Rapport de la commission STASI, 2003. 50 A l’exception des agents contractuels dont il organise le recrutement. 51 Jean PICQ, La liberté de religion dans la République, L’esprit de laïcité, Odile Jacob, Nanterre, mai 2014, p.154.

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exhaustive et à titre d’exemples, parmi les jeunes confiés actuellement à l’EPEI, nous

avons plusieurs jeunes dont les parents et les grands parents sont nés en France, un jeune dont les

deux parents sont originaires du Sénégal et dont le père est polygame, deux jeunes dont les parents

sont originaires du Maghreb, un jeune homme dont les parents sont Roms et une jeune fille

tchétchène. Or la compréhension de l’histoire et de la culture de chacun de ces jeunes peut aider

l’éducateur dans l’individualisation de la prise en charge.

Cette diversité accroît l’importance de s’intéresser à laïcité et à la citoyenneté au sein de l’EPEI.

1.3.3 La nécessité d’un travail autour des questions de laïcité et de

citoyenneté

Deux autres constats confirment cela : l’un concerne les professionnels et l’autre concerne les

jeunes.

Faïza Guélamine décrit que dans certains cas de figure, « ce sont au sein même des équipes de

travail que se posent des problèmes »52.

En effet, lors d’un entretien avec la responsable de l’UEHC le 30 septembre, j’apprends que de

réelles difficultés se sont présentées par le passé, sous l’ancienne direction. Elle m’explique que

parfois, « les revendications des professionnels sont plus prégnantes encore que celles des jeunes ».

Pour illustrer ces difficultés, elle me donne deux exemples :

- il est déjà arrivé qu’un agent vérifie la certification halal sur l’emballage de la nourriture. On peut

se demander si cela ne contrevient pas à l’obligation de neutralité des agents dans l’exercice de

leurs fonctions.

- il y a quelques années, le jour de l’Aïd El Kippour, une éducatrice demande à la responsable

d’unité si elle peut préparer une sortie avec les jeunes de l’UEHC (il s’agissait d’aller manger à

l’extérieur pour l’occasion). La responsable d’unité accepte pensant que le groupe complet de

jeunes et d’éducateurs présents le samedi soir participerait à la sortie. Finalement, le lundi suivant,

elle apprend que seuls les éducateurs et les jeunes de confession musulmane étaient sortis, laissant

les autres jeunes sans confession ou d’une autre confession au foyer, avec un éducateur contractuel,

lui aussi, a priori sans confession.

Elle m’explique que le problème aurait été le même pour une autre fête religieuse : le principe laïc

impose selon elle, que tous les jeunes soient traités de manière égale quelle que soit la confession ou

52 Faïza GUELAMINE, Faits religieux et laïcité : le travail social à l’épreuve, Repères pour une pratique professionnelle, Actions sociales, ESF, Domont, mars 2015, p.17.

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la philosophie. Si une sortie est organisée dans le cadre d’une fête religieuse, elle doit susciter les

échanges ainsi que l’apprentissage et le partage d’une autre culture.

Cet incident a été repris par le directeur de l’époque et ne s’est pas reproduit depuis.

Je suis confortée dans l’idée qu’il est impératif de travailler les questions de la laïcité et de

citoyenneté dans l’établissement à la suite d’une « réunion jeunes » que j’ai animée le 15 décembre.

J’ai profité d’un repas de fin d’année à l’UEAJ pour organiser des échanges sur cette thématique

avec un petit groupe de huit jeunes (deux filles et six garçons dont deux d’entre eux sont

conjointement pris en charge par l’UEAJ et l’UEHC). A l’issue de ces échanges, je fais le constat

que les jeunes ne savent pas ce qu’est ni la laïcité ni la neutralité. Seul un jeune se démarque un peu

du reste du groupe et tient des propos clairs et pacifistes (cf. annexe 2).

Par ailleurs, il est à noter que les personnes identifiées comme ayant participé aux actes terroristes

du 7 janvier ainsi qu’aux attentats des 13 novembre et 22 mars dernier en France et en Belgique ont

toutes un passé de délinquance53. La Protection Judiciaire de la Jeunesse ne peut pas s’affranchir de

cette information : nous devons particulièrement veiller à prévenir les comportements radicaux au

sein de nos établissements et services54.

La diversité de profils des professionnels à la PJJ est une richesse pour l’action éducative et elle doit

permettre de susciter des échanges avec les jeunes. Le fait religieux ne doit pas être tabou, il doit

faire l’objet de discussion avec les éducateurs, particulièrement au vu de la diversité de profils des

jeunes.

Toutes ces observations et constats accréditent l’idée selon laquelle la référence à la laïcité au sein

de l’EPEI est insuffisante. Cela me conduit à une problématique patente : comment le directeur des

services peut-il impulser une dynamique de changement pour intégrer la valeur laïcité puis la faire

vivre55 dans le pilotage de son Etablissement de Placement Educatif et d’Insertion ?

La particularité de nos missions impose que cette valeur soit ouvertement et résolument abordée

avec les professionnels et avec les jeunes pour trouver les moyens de la faire vivre. Cela m’amène à

53 Amedy Coulibaly, de la délinquance au terrorisme, Le Monde, Mathieu SUC, 10 janvier 2015 ; ou Les terroristes sont souvent des voyous râtés, Le Figaro, Mathilde SIRAUD, 23 mars 2016. 54 « L’enseignement de la laïcité et des faits religieux à l’école est un moyen de combattre les dérives », Jean-Paul WILLAIME, Cahiers français, Religions, laïcité(s), démocratie 389 oct-déc 2015-12-01 : selon moi, ce constat peut être transposé à la PJJ, particulièrement lorsque les jeunes qui nous sont confiés sont déscolarisés. Revenons à un modèle de « laïcité intelligente » qui, selon régis DEBRAY, favorise le vivre-ensemble en permettant la connaissance de la religion de l’autre : Rapport sur l’enseignement du fait religieux dans l’école laïque, remis en février 2002 au ministre de l'Education nationale, Jack LANG. 55 « Faire vivre » au sens de « veiller au respect », de « donner du sens », de « rendre visible », de « transmettre ».

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une hypothèse de recherche selon laquelle ne pas parler de laïcité et de religions, ni avec les

professionnels ni avec les jeunes, est un frein à l’amélioration de la qualité des prises en charge

éducatives au sens où ces concepts participent de l’éducation des jeunes et peuvent prévenir des

comportements radicaux.

Pour vérifier cette hypothèse, j’ai poursuivis mes recherches avant de mettre en œuvre plusieurs

expérimentations.

2. La poursuite de la démarche de recherche et l’amorce de la conduite au changement

Pour poursuivre mes recherches, j’ai usé de plusieurs moyens. Il convient de présenter d’une part la

démarche méthodologique de recherche puis d’autre part la démarche d’évaluation interne sur

laquelle je me suis appuyée pour enrichir le recueil de données et pour amorcer une dynamique de

changement56 au sein de l’établissement.

2.1 La démarche méthodologique de recherche

Mes recherches ont débuté en septembre avec une période d’observation de cinq semaines, étayée

par des premières lectures en lien avec la laïcité dans les services publics.

2.1.1 Observations et lectures

L’observation a été ma première technique de collecte d’informations : observation dirigée et

observation participante.

Chacune de mes séances d’observation dirigée a été suivie d’un travail d’écriture sur un journal de

terrain, que j’ai tenu durant toute la durée du stage. Par exemple, j’ai observé les jeunes durant le

repas de fin d’année et le temps d’échanges qui s’en est suivi à l’UEAJ le 15 décembre, puis j’ai

rédigé un compte-rendu de nos échanges à l’aide de mon journal (cf. annexe 2). J’ai ainsi pu

constater que plusieurs jeunes étaient peu sûrs d’eux.

Dès le mois de septembre, j’ai été en totale immersion dans le milieu, ce qui m’a permis de

participer à certaines activités avec l’EPEI, telles que les vendanges avec l’UEAJ. Ma fonction de

directrice stagiaire m’a autorisée à participer à un grand nombre de réunions qu’il s’agisse de

56 « Conduire un établissement ne signifie pas atteindre un état déterminé mais soutenir son dynamisme au fil du temps. Ce n’est pas le mouvement de l’institution qui justifie son existence mais le développement des personnes qu’elle accueille, les trajectoires individuelles qui la parcourent. Et pourtant, le terme même d’orientations implique un mouvement. Non pas la recherche d’un aboutissement, mais un mouvement permanent, une action soutenue par des finalités conçues comme ce qui lui donne sens, ce qui la motive. Se donner une direction serait donc donner du sens à une action » : par changement, je pense donc à deux postures directoriales distinctes : « l’une qui concernerait l’animation d’une équipe au quotidien, l’autre qui consisterait à impulser le changement rendu nécessaire du fait de dysfonctionnements caractérisés, d’un état général de crise, d’une évolution significative du public ou de l’environnement. », Bertrand DUBREUIL, Le travail de directeur en établissement social et médico-social, 2ème édition, Dunod, Paris, 2013, p. 79-80. Le changement ne vise donc pas systématiquement un aboutissement, il peut aussi s’agir d’un mouvement permanent.

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réunions de gouvernance, de fonctionnement, d’établissement ou réunions de travail (voir infra). Je

me suis servie de mon rôle de directrice en formation, particulièrement dans le cadre de l’évaluation

interne, pour collecter des données. La difficulté que j’ai rencontrée en début d’année était la

discontinuité des périodes de présence sur le terrain de stage car les périodes d’observation étaient

parfois assez courtes (quatre à cinq semaines).

Je n’ai observé que à découvert, au sens où je n’ai jamais caché à mes interlocuteurs ma volonté de

rédiger un mémoire de recherche sur la thématique de la laïcité. J’ai fait le choix de ne pas observer

incognito dans un objectif de transparence et pour pouvoir poser ouvertement des questions ciblées

sans que cela ne suscite de surprise ou d’incompréhension de la part de mes interlocuteurs. Au fur et

à mesure de la progression du stage et de la montée en responsabilisation, il me semble que j’ai

davantage usé de la « participation observante » que de l’« observation participante »57.

J’ai enrichi mes observations de lectures, notamment à l’aide de bibliographies disponibles à la

médiathèque de l’ENPJJ, l’une ayant trait à « la laïcité » et l’autre à « la prévention de la

radicalisation : les réponses de la république ».

Les écrits de Jean Beubérot m’ont éclairé sur l’histoire et les origines de la laïcité. L’ouvrage de

Jean Picq sur La liberté de religion dans la République a nourri ma réflexion sur les différentes

interprétations de la laïcité58 et sur l’implication de ce principe dans les services publics. Faïza

Guélamine, dans son ouvrage sur le travail social à l’épreuve maintes fois cité dans ce mémoire,

m’a permis de confronter mes constats à des propos plus généraux sur les particularités du travail

social et elle a conforté certaines des interprétations que je pouvais faire de mes constats à l’EPEI.

Des ouvrages sur « la conduite au changement » tels que ceux de David Autissier, consultant qui est

intervenu dans ma promotion de directeurs à l’ENPJJ en janvier 2015, m’ont aidé à discerner la

difficulté de ce cheminement et m’ont enseigné de précieux conseils.

57 Pour la clarification terminologique de cette méthodologie : Bastien SOULE, Observation participante ou participation observante ? Usages et justifications de la notion de participation observante en sciences sociales, Recherches qualitatives, vol. 27(1), 2007, pp.127-140 : la notion de participation observante souligne « un investissement particulièrement prolongé sur le terrain » et suggère « une prépondérance de la participation sur l’observation ». 58 Certaines interprétations sont erronées : le problème de la « laïcité à la française » semble bien être la possibilité d’interpréter de deux façons différentes le principe posé par la loi de 1905 : on y voit soit une laïcité de combat soit une laïcité souple, de tolérance. L’absence de réel choix politique entre ces deux acceptions contribue probablement à générer des polémiques et des inégalités pouvant nuire au bien-vivre ensemble. Depuis près de 25 ans, on peut constater une tendance à s’écarter de l’esprit fondateur de la laïcité telle que pensée par Aristide Briand, qui consistait à reconnaître et à accepter les convictions individuelles. Cette laïcité, dévoyée de son sens premier, a une tendance antireligieuse ou anti-islam. Finalement, on renie ainsi justement ce que les pères fondateurs de la laïcité ont combattu : un règne de la pensé unique et l’imposition d’une seule croyance. Le rapport Pour une nouvelle laïcité, remis en juin 2003 par François BAROIN au Premier ministre de l’époque (Jean-Pierre RAFFARIN) illustre la tendance vers une laïcité de combat. Jean BAUBEROT y voit à cet égard un tournant, « la nouvelle laïcité, marqueur culturel de l’identité française, se transformant en catho-laïcité » : A quelle laïcité se vouer en France ? Stéphanie Le Bars, Le Monde.fr, Culture et idées, 10 janvier 2014.

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2.1.2 Les échanges informels

Tout au long du stage, j’ai eu de nombreuses conversations informelles, certaines orientées d’autres

non. Par exemple, pour étudier le profil sociologique des agents et des jeunes, il était utile de

recourir à des échanges informels pour s’appuyer sur les formes ordinaires des échanges sociaux et

donner parfois l’apparence d’une conversation à un entretien qui supprime son statut formel59.

Cependant, j’ai fait le choix d’utiliser ces échanges informels dans mon analyse sans jamais

retranscrire exactement le contenu de ces échanges afin de ne pas « rendre publics des propos privés

recueillis dans un rapport de confiance »60.

2.1.3 Les entretiens

J’ai fait le choix de procéder ensuite à plusieurs entretiens en préparant une grille de questions en

amont. J’ai réalisé ainsi deux entretiens semi-directifs pour approfondir mes recherches.

Dans le but de recueillir des informations relatives à l’organisation et au contenu des repas à

l’UEHC, je me suis entretenue avec le cuisinier et la maîtresse de maison le 5 janvier. J’ai en fait,

profité d’une « Commission cuisine » que j’étais chargée d’animer en représentation de la Direction

pour interroger ces deux personnels. Je souhaitais d’une part connaître et mieux comprendre

l’histoire de l’établissement et d’autre part, recueillir l’avis de ces deux personnels sur les

changements qui pouvaient être envisagés en matière de contenu et d’élaboration des repas au

foyer.

La maîtresse de maison n’est en poste à l’UEHC que depuis le 1er octobre dernier tandis que le

cuisinier occupe ses fonctions depuis 2002. Dès lors, il m’a paru intéressant de confronter leurs

points de vue : je souhaitais à la fois approfondir mes connaissances de l’histoire de l’unité avec le

cuisinier, et percevoir le regard nouveau de la maîtresse de maison sur le fonctionnement qu’elle a

découvert en prenant ses fonctions à l’UEHC.

A ce moment là, j’avais déjà des idées d’expérimentations que je souhaitais mener au sein de

l’EPEI dans le cadre de ce travail de mémoire. Néanmoins, je souhaitais aussi recueillir l’avis de ces

professionnels sur les changements que nous allions pouvoir envisager ou non pour améliorer le

fonctionnement actuel.

Je les ai questionnés pour comprendre pourquoi les repas au foyer étaient exclusivement halal puis

j’ai cherché à savoir si c’était possible qu’ils travaillent différemment.

Il m’a semblé que l’arrivée d’une nouvelle maîtresse de maison était une bonne opportunité pour

59 Patrick BRUNETEAUX, Corinne LANZARINI, Les entretiens informels, Sociétés contemporaines, N°30, 1998, pp. 157-180. 60 Pierre BOURDIEU, Notes au lecteur, La misère du monde, Paris, Editions du Seuil, 1993.

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initier du changement. Cependant, il est nécessaire de co-construire le changement avec les

personnes qui en seront porteuses et je souhaitais recueillir leur adhésion aux actions que j’allais

proposer en réunion d’établissement le 12 janvier, car l’adhésion favorise l’implication61.

A l’issue de cet entretien, j’ai rédigé un compte-rendu à l’aide de mes notes (cf. annexe 3).

Nos principaux partenaires sont les services judiciaires et plus spécifiquement les Juges des enfants

(JE). C’est pourquoi, dès le mois de novembre, j’ai sollicité un entretien avec deux des Juges des

enfants du territoire. Pour l’une d’entre elles, le rendez-vous que nous avions fixé le 9 février a été

annulé en raison d’un congé de maternité intervenu plus tôt que prévu. En revanche, après quelques

relances, la Juge des enfants de la principale juridiction du territoire a accepté de s’entretenir avec

moi dans son cabinet. Ce magistrat est également le coordinateur des cinq JE du Tribunal de Grande

Instance.

Elle occupe ces fonctions depuis huit ans. Avant cela, elle a déjà été JE remplaçant durant presque

deux ans dans une autre juridiction et elle a été Juge de l’application des peines durant plusieurs

années. C’est donc forte de son expérience qu’il m’a semblé intéressant de recueillir son avis sur

diverses questions en lien avec la prise en compte de la laïcité dans un EPEI de la PJJ, auquel elle

confie très souvent des jeunes sous main de justice.

Là encore, j’ai rédigé un compte-rendu à l’issue de nos échanges à partir d’une prise de notes

réalisées durant l’entretien (cf. annexe 4). Lorsque je les avais prises intégralement en notes et

qu’elles me paraissaient particulièrement intéressantes pour mon travail de recherche, j’ai

retranscris certaines paroles dans leur totalité.

Pour ces deux situations, j’ai exposé clairement à mes interlocuteurs les objectifs de l’entretien et le

contexte dans lequel il intervenait. Je leur ai présenté ma démarche de recherche en exposant le

sujet de mon mémoire et je leur ai expliqué que les données que j’allais recueillir au cours de nos

échanges allaient également me servir dans le cadre de l’évaluation interne, que j’étais chargée de

conduire dans l’établissement. Pour cela, j’ai systématiquement rappelé le cadre légal et

règlementaire de l’évaluation interne.

2.2 La poursuite de mes recherches dans le cadre de la démarche d’évaluation

interne

Dans le cadre de mon stage, le dossier de l’évaluation interne de l’établissement m’a été confié par

ma tutrice. C’est la raison pour laquelle ma démarche de recherche s’appuie en partie sur cet outil

61 David AUTISSIER et Jean-Michel MOUTOT, La boîte à outils de la conduite du changement, DUNOD, Espagne, novembre 2015.

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managérial62. Cette voie d’entrée constitue un biais parce que l'évaluation interne n'est pas un outil

méthodologique indépendant ou créé par le chercheur, c'est un outil institutionnel qui permet de

recueillir des informations que l'on peut ensuite utiliser en données pour la recherche, mais les

questions qui sont posées le sont à des fins institutionnelles et non scientifiques. L'évaluation

interne aurait eu lieu même s'il n'y avait pas eu de recherche. Néanmoins, cet outil m’a permis

d’aborder cette question sensible de la laïcité dans un cadre institutionnel sécurisant pour les

professionnels. De plus, l’évaluation interne peut être un levier de changement, à condition d’y

donner du sens.

2.2.1 Le cadre légal et règlementaire de l’évaluation interne

La Loi n° 2002-2 du 2 janvier 2002 introduit deux principes majeurs pour les ESSMS :

l’amélioration continue de la qualité des prestations et la prise en compte des droits des usagers et

de leur respect. Les dispositions de cette loi ont été codifiées dans le CASF63. A ce titre, les

établissements de la PJJ doivent « procéder à des évaluations de leurs activités et de la qualité des

prestations qu’ils délivrent »64.

La circulaire du 19 novembre 2012 relative à l’évaluation interne dans les établissements et services

du secteur public de la PJJ définit l’évaluation interne comme une démarche continue de réflexion

sur l’organisation et les pratiques professionnelles au sein de l’établissement ou service, dont

l’objectif est « de porter une appréciation sur des procédures, références et pratiques identifiées et

existantes au sein d’un service afin de concevoir des pistes de progrès dans le souci d’améliorer les

pratiques et la qualité du service rendu ». Cette démarche vise à mesurer la pertinence des actions

engagées au regard des besoins des populations accueillies. Elle est menée par l’ensemble des

professionnels sous la responsabilité du directeur de service.

C’est conformément à cette règlementation que j’ai amorcé la démarche d’évaluation interne. Pour

cela, dès la fin du mois de septembre, j’ai pris connaissance des textes de référence en la matière : la

circulaire de 2012 précitée, le Guide de l’évaluation interne des établissements et services de la PJJ

élaboré par le bureau des méthodes et de l’action éducative de la DPJJ65 en octobre 2009 et les

recommandations de bonnes pratiques professionnelles de l’ANESM66. Parmi celles-ci, il est

62 L’évaluation interne était un moyen de combiner à la fois la mise en œuvre d’actes de direction dans le cadre d’une méthodologie de projet et la poursuite de ma démarche de recherche. 63 Ces dispositions concernent les établissements et services de la PJJ (secteur public et secteur habilité), visés par le 4° du I de l’article L.312-1 du CASF en tant qu’ESSMS. 64 Article L.312-8 du CASF. 65 SDK / K2. 66 L’Agence Nationale d’Evaluation Sociale et Médico-sociale (ANESM) a été créée par la loi de financement de la sécurité sociale pour 2007. Elle est née de la volonté des pouvoirs publics d’accompagner les ESSMS dans la mise en œuvre de l’évaluation interne

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indiqué que « lorsque l’établissement dispose d’un référentiel qui décline notamment les

obligations réglementaires et les recommandations de pratiques professionnelles validées, il est

procédé à une comparaison des pratiques réelles et à l’identification des écarts avec les pratiques

attendues »67. Ainsi, j’ai aussi pris connaissance du référentiel de contrôle de fonctionnement

d’EPE/UEHC de l’inspection de la PJJ. Je constate qu’il n’y a pas de rubrique en lien direct avec la

laïcité, toutefois, je peux lire que la première valeur de notre administration citée à titre d’exemple

est celle de la laïcité. Cette valeur devrait figurer dans le projet de service68.

D’après la circulaire de 2012, le choix de la méthodologie est une étape primordiale pour la réussite

de la démarche et son appropriation par l’ensemble des acteurs impliqués. Une bonne articulation

entre directeur et responsables d’unité éducative est impérative afin que chacun prenne sa place

dans la démarche. Il faut éviter que l’évaluation interne ne soit perçue par les professionnels que

comme un moyen de contrôle et de normalisation de l’activité. Ainsi, il est indispensable d’associer

tous les professionnels de l’EPEI à cette démarche.

Le directeur doit établir un échéancier de l’ensemble de la démarche, en lien avec les responsables

d’unité éducative (cf. annexe 5). Il le communique à toutes les personnes participant à l’évaluation

interne et il veille au respect des étapes incontournables. Cette démarche favorise l’intégration des

personnels arrivant dans le service. Or, l’EPEI a accueilli cette année quatre nouveaux éducateurs,

une directrice stagiaire et une maîtresse de maison. L’année 2015-2016 semble bien propice aux

changements.

L’évaluation interne requiert aussi que les usagers, les partenaires ainsi que les juridictions soient

consultés. C’est pourquoi j’ai souhaité interroger les jeunes, les familles d’accueil avec lesquelles

travaille l’EPEI, ainsi que les magistrats du ressort.

Tout au long du processus, j’ai régulièrement communiqué aux professionnels de l’EPEI des

informations sur l’avancée des travaux.

et externe, instituée par la loi n°2002-2 du 2 janvier 2002. Installée en mai 2007, l’Agence a succédé au Conseil national de l’évaluation sociale et médico-sociale. 67 Recommandations de bonnes pratiques professionnelles : la conduite de l’évaluation interne dans les établissements et services visés à l’article L.312-1 du Code de l’Action sociale et des familles, ANESM, juillet 2009, p. 33. 68 Objectif A.2 - Le projet d’établissement fait référence pour les personnels; il est reconnu par les prescripteurs ; Point de contrôle A.2.1.- Le projet de l’établissement est écrit, mis à jour et validé (…) Le projet d’établissement énonce les principes et valeurs (laïcité ...) ainsi que les obligations découlant de la loi (…), p. 3.

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30

2.2.2 Un état des lieux participatif

Lors d’une réunion de gouvernance69, j’ai annoncé aux responsables d’unité et au coordinateur de la

MEHD que j’allais mettre en place des groupes de travail pour aborder les deux thèmes retenus

(l’accueil et la laïcité). De prime abord, mon idée était de composer un groupe de travail inter-unités

sur chacun des deux thèmes et de laisser aux agents la liberté de choisir de s’inscrire sur l’un ou

l’autre des groupes70. Toutefois, les trois cadres de proximité ont d’emblée attiré mon attention sur

le risque que les agents se positionnent dans les groupes selon les affinités avec les collègues déjà

inscrits. Pour plus d’efficacité et de rapidité, ils m’ont suggéré que nous composions nous mêmes

les groupes de manière équilibrée (afin notamment que chacune des unités soit équitablement

représentée), ce que nous avons fait alors71. Nous avons fixé ensemble les dates de réunion des deux

groupes et je les ai informés de l’envoi prochain d’un questionnaire aux agents.

Il était alors nécessaire d’élaborer un protocole réaliste au regard du temps et des moyens

disponibles72.

Dès que la démarche fût initiée auprès des cadres de proximité (RUE et coordinateur HD), je me

suis rendue sur chacun des sites de l’EPEI pour annoncer la démarche avec les RUE à l’ensemble

des équipes. Le 29 septembre j’ai présenté cela en début de réunion d’équipe à l’UEHC, le 30

j’étais à la MEHD avec son coordinateur, puis j’étais à l’UEAJ le 16 novembre73.

Pour l’envoi de questionnaires, je me fonde sur un document élaboré par la DIR à destination des

directeurs de service (cf. annexe 6). Je l’adapte aux agents et je le diffuse le 8 octobre (cf. annexe

7). Une enquête par questionnaire permet de s’adresser à un plus grand nombre de personnes et de

repérer par des questions fermées ou à choix multiples des régularités sur un point précis et de

dégager des points de vue dominants74. De plus, l’objectif était de préparer la réunion du groupe de

travail sur la prise en compte de la laïcité programmée le 19 novembre (c’est-à-dire d’avoir des

69 Réunion de l’équipe de direction de l’EPEI regroupant la directrice, les deux responsables d’unité, le coordinateur de la MEHD et moi-même. 70 C’est une pratique que j’avais observé sur mon premier service de stage l’année passée, un STEMO. J’avais trouvé cela satisfaisant mais je comprends lors des échanges avec les cadres de proximité de l’EPEI que ce qui est concluant dans un service de milieu ouvert ne l’est pas nécessairement en hébergement et en insertion. Le temps que l’on peut consacrer à des réunions de travail n’est pas non plus le même. 71 Je me suis dis que si je venais de prendre mon poste à l’EPEI, je ferai certainement le choix de faire confiance à mes responsables d’unité pour cette première « démarche projet », puis que j’évaluerai ensuite la méthodologie choisie, quitte à modifier celle-ci les années suivantes si elle ne se révélait pas pleinement satisfaisante. C’est la raison pour laquelle j’ai fais le choix de suivre leur proposition. En outre, c’est une manière d’associer les cadres de proximité à la démarche. 72 Recommandations de bonnes pratiques professionnelles : la conduite de l’évaluation interne dans les établissements et services visés à l’article L.312-1 du Code de l’Action sociale et des familles, ANESM, juillet 2009. 73 J’annonce donc les objectifs des réunions des groupes de travail, leurs dates, la composition des groupes, l’envoi des questionnaires et le calendrier fixé pour le processus global. 74 Recommandations de bonnes pratiques professionnelles : la conduite de l’évaluation interne dans les établissements et services visés à l’article L.312-1 du Code de l’Action sociale et des familles, ANESM, juillet 2009, p. 35.

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éléments à partir desquels construire l’ordre du jour et amorcer la réflexion des professionnels sur

les différents points qui allaient être abordés). J’ai fixé une date limite de retour des questionnaires

au 2 novembre.

Malheureusement, je n’ai eu que très peu de retours. Sept questionnaires sur vingt-trois m’ont été

retournés remplis malgré une relance quelques jours avant la date butoir. A ce jour, je me dis que le

délai pour remplir les questionnaires était probablement trop court. Néanmoins, il correspondait à

un calendrier nous permettant, la directrice et moi-même, de faire parvenir un état des lieux à la

DIR au mois de décembre, conformément à la commande qui nous avait été faite pour cette

deuxième évaluation interne75.

Ainsi, c’est lors de la réunion du groupe de travail le 19 novembre que j’ai pu recueillir des données

pertinentes tant pour l’évaluation interne que pour ma démarche de recherche. Il est en effet

recommandé de réunir les équipes professionnelles pour identifier leurs pratiques76 . Selon

l'ANESM, l'évaluation interne est participative et vise à instaurer un débat sur les valeurs et les

moyens des actions conduites, à produire une analyse collective des écarts et à définir des priorités

d'amélioration. Elle repose de manière essentielle sur le croisement des perspectives, intégrant

l'ensemble des acteurs concernés77. C’est dans cette visée là que j’ai souhaité animer la réunion.

J’ai élaboré l’ordre du jour en m’appuyant sur le questionnaire que j’avais envoyé aux agents (cf.

annexe 8). Les réunions de travail sur les thèmes de l’évaluation interne, l’accueil (le 2 novembre)

et la laïcité, ont été les premières réunions d’équipe que j’ai animées78. A leur issue, j’ai rédigé un

compte-rendu que j’ai diffusé à tout le personnel de l’EPEI lors de la réunion d’établissement le 17

décembre (cf. annexe 9).

J’ai demandé à ce qu’au moins l’une des responsables d’unité soient présentes à chacune des

réunions. En effet, « la bonne compréhension par l’encadrement intermédiaire des enjeux et des

modalités de la démarche est une garantie de la qualité de l’évaluation et de la mobilisation des

professionnels »79.

75 La première évaluation interne réalisée dans les établissements et services de la PJJ date de 2010. Au regard de la thématique des deux premières "recommandations de bonnes pratiques professionnelles" publiées par l'ANESM, la DPJJ avait décidé de réaliser cette démarche sur « La bientraitance : définition et repères pour la mise en œuvre » et sur « Les conduites violentes dans les établissements accueillant des adolescents : prévention et réponses ». Une évaluation interne doit être initiée tous les cinq ans. 76 Recommandations de bonnes pratiques professionnelles : la conduite de l’évaluation interne dans les établissements et services visés à l’article L.312-1 du Code de l’Action sociale et des familles, ANESM, juillet 2009, p. 38. 77 Guide de l’évaluation interne des établissements et services de la PJJ élaboré par le bureau des méthodes et de l’action éducative de la DPJJ, III. 1. 78 Dans un objectif de progressivité, j’ai d’abord animé des points directeur-responsable d’unité et des réunions de gouvernance en l’absence de la directrice de l’établissement. 79 Ainsi, il est recommandé que les cadres intermédiaires de l’établissement ou du service reçoivent la formation et les informations nécessaires à leur implication : Recommandations de bonnes pratiques professionnelles : la conduite de l’évaluation interne dans les établissements et services visés à l’article L.312-1 du Code de l’Action sociale et des familles, ANESM, juillet 2009, p. 28.

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La plupart de mes premières observations exposées dans la première partie de ce mémoire ont été

confirmées lors de mes échanges avec le groupe. Certains ressentis n’ont toutefois pas été exprimés

devant les collègues (aucun agent n’a exprimé une réticence à parler de religions avec les jeunes en

raison de l’obligation de neutralité par exemple). J’ai constaté qu’il était plus facile de parler de la

liberté de religion des usagers que de l’obligation de neutralité lorsque nous avons abordé « la

laïcité dans les pratiques professionnelles »80.

J’ai déjà exposé les raisons des changements attendus par la direction (notamment concernant les

repas à l’UEHC) et des idées d’actions ont d’ores et déjà été émises par les professionnels. Lors de

nos échanges, j’ai souhaité que chacun puisse s’exprimer et j’ai essayé de trouver des accords « qui

transcendent les divergences d’intérêts et qui assument la disparité des positions » : l’idée était de

permettre la négociation et la délibération collective, qui sont des nœuds essentiels de la fonction de

direction : ce sont les supports d’un positionnement éthique, au sens de Paul Ricoeur : « Appelons

« visée éthique » la visée de la « vie bonne » avec et pour les autres dans des institutions justes »81.

En effet, le cadre de direction ne doit pas simplement être celui qui tranche en dernier ressort, « il

est celui qui tient le cadre de la délibération, qui maintient en tension les questions vives qui agitent

l’organisation, qui maintient ouvert la bonne délibération (l’euboulia selon Platon) »82.

Suite à cette réunion de travail, j’ai pris attache avec la référente laïcité-citoyenneté du territoire

pour solliciter un entretien. L’objectif était pluriel : je souhaitais prendre connaissance de sa fiche

de poste ; discuter des projets et actions initiés par les autres services, la DT et la DIR ; connaître les

fonds disponibles pour mettre en place des actions ; voir quelles étaient les orientations du nouveau

DT en poste depuis le 5 octobre ; lui parler de l’évaluation interne en cours ; et enfin, échanger avec

elle sur la formation radicalisation organisée par les PTF. A l’occasion de l’entretien obtenu le 24

novembre, je lui ai donc fait des retours de la réunion du 19, principalement pour lui faire connaître

les attentes du personnel de l’EPEI à l’égard de ses nouvelles fonctions83.

A ce jour, cet agent n’a pas de fiche de poste spécifique au sein de la DT. Ses fonctions sont

définies par la Note DPJJ du 7 septembre 201584. Cette note énonce les deux missions essentielles

de la MNVI composée des référents laïcité-citoyenneté : - assurer la coordination des acteurs et le

soutien aux professionnels concourant à la prévention des risques de radicalisation dans le cadre de

la mission éducative ; - conduire une politique de citoyenneté, de réaffirmation des principes et

valeurs de la République notamment la laïcité, la lutte contre toute forme de racisme, de

manifestation de l’intolérance et de discrimination à travers l’organisation d’actions de prévention

80 Point II du compte-rendu. 81 Roland JANVIER, Ethique de direction en institution sociale et médico-sociale, Esf, Domont, décembre 2014, p.36-37. 82 Ibid, p. 43. 83 Dernier point du compte-rendu de réunion. 84 NDPJJ relative au cadre d’intervention des référents laïcité et citoyenneté de la mission nationale de veille et d’information.

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et d’éducation à la laïcité et la citoyenneté. C’est dans ce cadre que ma tutrice et moi-même, nous

souhaitons l’associer aux changements qui seront impulsés à l’EPEI.

Dans le cadre de cette démarche qualité, j’ai souhaité interroger les usagers c’est-à-dire les jeunes.

Outre les échanges informels que j’avais pu avoir avec eux au fil des jours, j’ai organisé et préparé

la « réunion jeunes » du 15 décembre en présence des éducateurs de service (supra, p.22).

Initialement, je voulais que l’équipe éducative organise cette réunion mais elle m’a demandé de

l’animer moi-même en leur présence85. Ainsi, les éducateurs présents moi-même, nous avons

restitué le contenu de ces échanges à tous les professionnels de l’EPEI lors de la réunion

d’établissement du 17 décembre, durant laquelle nous avons fait le point, la directrice et moi-même,

sur le processus d’évaluation en cours.

J’ai profité d’un temps de repas lors d’une « journée information famille d’accueil » le 25 janvier

pour questionner les familles présentes sur le rapport qu’elles entretenaient avec la laïcité vis à vis

des jeunes qu’elles accueillaient. Le thème de la journée était celui des cyber risques, je n’avais

donc pas préparé de question particulière. Je souhaitais simplement recueillir leur avis au cours de

conversations informelles. Je leur ai néanmoins présenté la démarche d’évaluation interne conduite

au sein de l’EPEI afin qu’elles sachent dans quel contexte leur étaient posées les questions.

Finalement, ces conversations ne m’ont pas véritablement permis d’enrichir l’état des lieux car les

personnes présentes n’ont soulevé aucun questionnement ni aucune difficulté en lien avec cette

thématique. Il m’a simplement semblé qu’il y avait une certaine retenue à parler de laïcité dans le

cadre de la collaboration de ces familles à un service public.

Toujours dans le cadre de l’évaluation interne, je suis allée à la rencontre d’un juge des enfants qui

a accepté de me recevoir. Afin d’obtenir ce rendez-vous, j’ai présenté le double objectif que je

poursuivais : à la fois contribuer à l’évaluation interne de l’établissement, et enrichir les données

recueillies dans le cadre de ma démarche de recherche.

Il était intéressant de voir que ce magistrat attend effectivement des éducateurs qu’ils abordent la

liberté de religion avec les jeunes comme étant un sujet de société parmi d’autres mais encore de

voir, qu’en tant que représentant de l’autorité judiciaire, gardienne des libertés individuelles, il

considère que l’obligation de neutralité ne s’applique pas nécessairement de la même manière aux

agents publics selon les fonctions exercées. Selon lui, l’éducateur n’a pas strictement la même

obligation de neutralité qu’un magistrat par exemple. Le métier même d’éducateur implique que

85 Je pense d’une part que l’équipe éducative souhaitait voir la directrice en formation interagir avec les jeunes et d’autre part, qu’elle ne souhaitait pas aborder ce sujet de la laïcité avec les jeunes (peut-être par gêne).

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l’on livre un peu de soi aux jeunes.

2.2.3 Les résultats de l’évaluation interne

Le champ d'application de l'évaluation interne a été défini par l’ANESM et porte sur l'effectivité des

droits des usagers, �l'établissement ou le service dans son environnement et l'organisation de

l'établissement ou du service. Il s’agit de « vérifier que le projet de service est mis concrètement en

œuvre dans les pratiques professionnelles, et que le principe d’individualisation de la prise en

charge qui assure le respect de l’usager et de ses droits est effectif »86. Autrement dit, l’évaluation

interne est quasiment indissociable du projet d’établissement ou de service puisqu’elle vise en fait à

l’actualiser, à faire le bilan des objectifs de l’année passée (voir ceux qui ont été atteints et ceux qui

seraient encore à atteindre). Elle vise à relever les points forts et les points faibles de

l’établissement.

Ainsi, l’état des lieux participatif réalisé a permis de dégager des points forts et des points faibles au

sein de l’EPEI.

S’agissant des points forts, nous avons relevé que :

- Globalement, la liberté religieuse des mineurs pris en charge à l’EPEI était respectée ;

- Les fêtes religieuses sont généralement des moments de partage favorisant le vivre ensemble

et l’apprentissage d’autres cultures ;

- L’organisation du temps de travail ne pose pas de difficulté à l’EPEI (il y a une certaine

solidarité d’équipe et les professionnels parviennent à prendre congés lors des fêtes

religieuses qu’ils souhaitent célébrer) ;

- La prise des repas à l’UEAJ ne pose presque pas de difficulté (seule le manque

d’anticipation lors de certaines activités à l’extérieur peut encore être un point à améliorer) ;

- Les ateliers cuisines de l’UEHC sont des occasions pour les jeunes de découvrir la diversité

gastronomique.

S’agissant des points faibles, nous avons fait les constats suivants :

- Il n’a jamais été proposé à un jeune de rencontrer un aumônier (à noter qu’une telle

rencontre n’est possible qu’à l’extérieur de l’établissement et que l’accord des parents est

requis selon la NDPJJ du 4 mai 2015) ;

- Un besoin de formation, particulièrement en histoire des religions, est exprimé par les

agents, pour compléter la formation radicalisation proposée par le PTF ;

- Les repas à l’UEHC sont exclusivement composés de viande halal et on relève une absence

86 Circulaire de 2012, précitée.

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totale de viande de porc ;

- Il y a une réelle nécessité de travailler à nouveau la citoyenneté avec les jeunes dans chacune

des unités et missions de l’EPEI car les jeunes ne savent généralement pas ce qu’est la

laïcité, la liberté de religion, le recensement, les différentes coutumes qui existent dans le

monde, l’histoire de l’immigration en France, l’histoire de notre région. De plus, ils ont bien

souvent des représentations qui empêchent le vivre ensemble (des représentations sur la

place de la femme dans la société, sur les personnes de confessions juives, sur les personnes

dont la couleur de la peau est noire, etc.).

J’ai communiqué les résultats de l’évaluation interne en premier lieu à la directrice de

l’établissement. Nous avons pris le temps de faire le point toutes les deux sur les données recueillies

et sur ce que j’avais pu ressentir et percevoir au cours de cet état des lieux participatif. Après cela,

j’ai communiqué ces résultats aux cadres de proximité lors d’une réunion de gouvernance.

Conformément au calendrier que nous nous étions fixé en équipe de direction, nous avons fait

parvenir les différents comptes rendus à tous les professionnels de l’établissement lors de la réunion

d’établissement de fin d’année le 17 décembre. Nous avons mis tous les documents de référence de

l’établissement ainsi que les résultats de l’évaluation interne sur une clé USB professionnelle, que

nous avons remise à chacun des agents de l’établissement (au personnel tant éducatif que non

éducatif).

Lors de cette réunion, la directrice et moi-même avons décidé de faire intervenir la référente laïcité

citoyenneté du territoire. Cette dernière n’avait pas encore rencontré les agents de l’EPEI. Ce fût

donc l’occasion de l’introduire pour qu’elle soit ensuite identifiée et repérée par tous. Cela nous a

également permis de faire le point sur les fonds des directions territoriales et interrégionales dédiés

aux actions en lien avec les thématiques de la laïcité et de la citoyenneté87. Nous souhaitions que

cette rencontre contribue à mobiliser les équipes sur des projets éducatifs laïcs et citoyens.

Enfin, nous avons transmis à la direction interrégionale les comptes rendus de réunions ainsi que le

calendrier des échéances à venir (élaboration du plan d’actions d’amélioration, présentation de ce

plan aux équipes et suivi du plan).

Cette méthode de conduite et de gestion de projet réalisée dans le cadre de l’évaluation interne m’a

permis d’expérimenter un management que je qualifierai de « management de la dignité humaine ».

Selon Roland Janvier, il s’agit d’un management –dont le terme vient du vieux français

87 Ces fonds sont réunis dans le cadre du Plan de Lutte Anti-Terroriste (PLAT).

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« ménager »- « qui accepte, assume et accompagne la diversité, l’imparfait, bref l’humain. Il s’agit

d’un management qui repose sur la bienveillance, qui prend soin de ceux qu’il encadre. Ce

management-là est convaincu que l’adhésion des acteurs aux objectifs communs est plus

importante et plus efficace que la contrainte à faire ou exécuter, que l’appel vers un idéal partagé

est plus riche et plus productif que la menace ou la sanction »88.

Il me semble que c’est aussi de cette manière là que j’ai voulu impulser une dynamique de

changement, en me servant de l’évaluation interne comme levier d’intégration de la laïcité dans le

pilotage de l’établissement, car « ensemble, les acteurs peuvent faire plus et mieux que chacun dans

son coin »89.

3. L’intégration de la laïcité dans l’établissement par la mise en œuvre d’un plan

d’actions d’améliorations

« A l’issue de la démarche évaluative, il incombe à la direction de se saisir des constats transmis

par le groupe projet ou instance d’évaluation pour élaborer le plan d’amélioration des services

rendus. Il lui incombe également de le mettre en œuvre et d’en assurer le suivi »90. Ce sont ces

actions que j’expose dans cette troisième partie.

3.1. L’élaboration et la présentation d’un plan d’actions d’améliorations à partir du

recueil de données

L’analyse des données recueillies a servi pour élaborer un plan d’actions d’améliorations pour

poursuivre la démarche d’évaluation interne.

3.1.1 La réflexion à partir de l’analyse des données

recueillies

Lors de l’entretien avec le « Pôle cuisine »91 du 5 janvier, j’ai appris que la direction de

l’établissement s’était tenue à l’écart des choix des menus pendant un certain temps. Cette

information est venue éclairer le choix de la directrice actuelle de ne reprendre la main que

progressivement sur le sujet. Depuis son arrivée, elle demande que les menus lui soient

communiqués régulièrement. Aujourd’hui, nous aimerions franchir une nouvelle étape et nous

pencher sur le contenu des repas.

Si de prime abord le cuisinier (le plus ancien des deux personnels) semble réticent à changer ses

88 Ethique de direction en institution sociale et médico-sociale, Roland JANVIER, Esf Editeur, Domont, décembre 2014, p.48. 89 Ibid., p.49. 90 Recommandations de bonnes pratiques professionnelles : la conduite de l’évaluation interne dans les établissements et services visés à l’article L.312-1 du Code de l’Action sociale et des familles, ANESM, juillet 2009, p. 28. 91 Le « Pôle cuisine » désigne le binôme cuisinier et maîtresse de maison.

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habitudes de travail, la maîtresse de maison, elle, est encline à tester de nouvelles pratiques. Elle y

est même très favorable et a déjà tenté d’initier de petits changements en la matière. En l’espèce, de

la viande de porc a été proposée lors de la soirée de Noël de l’UEHC le 16 décembre. Il me semble

que cela provenait de son initiative.

Ce qui m’a paru intéressant au cours de ces échanges, c’est que très rapidement, les sujets de la

santé et de l’équilibre alimentaire ont été évoqués.

La maîtresse de maison m’a d’emblée fait remarquer qu’il n’est pas conseillé de manger de la

viande à tous les repas. Ainsi, la question du contenu des repas n’induit pas seulement une réflexion

sur le respect des convictions philosophiques et religieuses des usagers mais aussi une véritable

réflexion sur l’hygiène alimentaire et la santé.

S’agissant de l’entretien avec le juge des enfants, plusieurs points saillants ressortent de nos

échanges.

En matière de neutralité, une remarque a retenu mon attention : la portée de l’obligation de

neutralité devrait varier selon les fonctions exercées par l’agent public. Or, les éducateurs doivent

donner l’exemple aux jeunes, ils doivent leur montrer que nous pouvons croire en différentes

divinités et tolérer les opinions divergentes. C’est le cœur même du travail éducatif : les éducateurs

doivent aider les jeunes à trouver leur place dans la société. Le juge des enfants interrogé semble

plutôt en accord avec mon hypothèse de recherche puisqu’il m’a indiqué que « Pour prévenir la

radicalisation, il n’y a pas de meilleur moyen que d’évoquer le fait religieux », il a ajouté : « Ce que

j’aimerais, c’est que l’on donne les moyens aux jeunes de comprendre et de connaître leur

société ».

A l’issue de cet entretien, j’ai gardé à l’esprit que le projet « Shalom, Paix, Salam », organisé par

l’EPEI en 2014, avait beaucoup plu aux JE de la juridiction, qui trouveraient formidable qu’il soit

reconduit.

Deux éducatrices avaient organisé un séjour à Paris avec un petit groupe de jeunes. Avec l’aide de

l’association française « Shalom, Paix, Salam », les jeunes ont pu participer à des ateliers réflexifs

au Musée d’art et d’histoire du judaïsme et ils ont visité le Musée de l’Institut du monde arabe.

Deux soirées à thèmes avaient aussi été organisées, l’une en lien avec la culture Juive et l’autre avec

la culture musulmane.

Le dialogue avec ce juge a consolidé l’idée selon laquelle il est crucial de parler du fait religieux

avec les jeunes.

Ces données ont pu être reprises avec la directrice de l’établissement et les cadres de proximité puis

avec les professionnels de l’EPEI (même si je n’ai pu leur restituer les conclusions des échanges

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avec le JE qu’après la réunion d’établissement du 12 janvier, ma rencontre avec lui datant du 1er

mars).

3.1.2 La concertation en équipe de direction

Le 8 janvier, la directrice et moi-même avons pris le temps de nous concerter et d’élaborer un plan

de déclinaison des actions d’amélioration relatif à la prise en compte de la laïcité dans

l’établissement à partir des données recueillies de part et d’autre avec les professionnels, les jeunes

et les partenaires interrogés.

Pour chaque point de diagnostic nous avons formulé des propositions d’actions, désigné les porteurs

des actions, fixé une période de réalisation pour chacune d’entre elles et enfin, nous avons engagé

une réflexion quant aux modalités d’évaluation de chacune des actions envisagées (cf. annexe 10).

Pour cela, ma tutrice m’avait demandé de réfléchir en amont aux propositions d’actions que je

pouvais lui faire, car un grand nombre d’entres elles constitueront mon expérimentation dans le

cadre de ce mémoire. Pour cela, j’ai tenté de tenir compte au maximum des suggestions et

remarques qui avaient été faites par le groupe de travail et par le « Pôle cuisine ». La directrice a

validé mes propositions. Seule l’une d’entre elles a été légèrement amendée92.

J’ai présenté aux cadres de proximité le plan de déclinaison des actions en réunion de gouvernance

le 11 janvier, avant de le présenter aux équipes de l’EPEI le 12. L’objectif de cet exposé était de

recueillir leur avis sur les actions que la directrice et moi-même nous envisagions. Si ce dossier m’a

été confié, il fallait évidemment que l’équipe de direction valide mes initiatives. Dès le 27 juin, je

ne serai plus à l’EPEI, et certaines des actions projetées puis mises en œuvre se poursuivront après

mon départ.

3.1.3 La présentation des propositions d’actions aux

personnels de l’établissement : coopération et

collégialité comme principes éthiques de management93

Le 12 janvier, une réunion d’établissement a été organisée. Elle a marqué le début de cette année et

a permis au directeur territorial (en poste dans cette direction depuis le 5 octobre dernier) de venir à

la rencontre de tous les professionnels de l’établissement. Mais la thématique principale de cette

réunion était l’évaluation interne. Après l’intervention de notre DT et avant que nous partagions un

92 Pour sortir progressivement du « tout halal » et dans l’attente de la mise en place d’une fiche de renseignement du régime alimentaire de chaque jeune (cf.supra), je souhaitais demander au personnel de cuisine de proposer deux viandes (l’une halal et l’autre non) ou bien une entrée halal et le plat non ou l’inverse trois fois par semaine. La directrice a préféré que l’on demande cela une fois par semaine pour pouvoir mieux évaluer l’expérimentation (en terme de coût et de gaspillage notamment). 93 Au sens de Roland JANVIER dans son ouvrage Ethique de direction en institution sociale et médico-sociale, Esf Editeur, Domont, décembre 2014, p.98 : « Coopération et collégialité comme principes éthiques de management ».

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repas convivial tous ensemble, j’ai passé la matinée à présenter aux agents le plan de déclinaison

des actions d’amélioration arrêté en équipe de cadres la veille94.

J’ai tâché de faire des liens avec tout ce qui avait pu être dit par les uns et les autres durant les

derniers mois, avec ce que j’avais pu constater par moi-même à l’EPEI, et surtout, j’ai insisté sur le

fait que ce plan n’était pas définitif. J’ai laissé aux agents la possibilité de me faire des retours et

remarques sur le contenu de ce plan jusqu’au 19 janvier. L’une des éducatrices présentes a profité

de ce temps de réunion pour compléter certaines idées95 . « La collégialité est une forme

démocratique d’exercice de l’autorité qui, sans effacer les distinctions de places et de rôles, permet

une forme ouverte de gouvernance (…). Cet espace est à lire comme un champ d’occurrences où se

créent des situations de faits, de pensées, d’actes, dont le dirigeant peut utilement tirer profit. »96.

Dit autrement, « À la rigidité de l’autoritarisme, où les vues tentent avec beaucoup de peine de

s’imposer à tous, la souplesse de la collégialité oppose un système où les points de vue singuliers

de chacun contribuent à influer le cours des choses selon un projet partagé »97.

3.2 Le suivi du plan d’actions et des expérimentations

Le plan de déclinaison des actions d’amélioration élaboré comprend en fait trois catégories

d’actions : les actions du directeur, les actions impulsées au niveau d’une seule unité ou mission et

les actions transversales qui impliquent tout l’établissement. Ces actions sont des expérimentations

au sens où après évaluation, elles peuvent être maintenues, corrigées ou plus rarement supprimées si

elles se révèlent finalement totalement inadaptées.

3.2.1 Les actions du directeur

L’actualisation du projet d’établissement. Dans le diagnostic opéré en matière de laïcité, j’avais

relevé qu’il n’y avait pas de référence à cette valeur dans le projet d’établissement. Les agents ont

également pointé cela lors de la réunion du 19 novembre. En tant que valeur républicaine partagée

par tous, le choix a été fait d’intégrer une telle référence en introduction du projet de service.

Conformément à la volonté qui ressort du compte-rendu de la réunion du groupe de travail de

l’évaluation interne98, c’est l’idée du vivre-ensemble qui est mise en exergue dans le paragraphe

ajouté au projet d’établissement existant.

94 Pour une meilleure compréhension et une meilleure lisibilité, j’ai projeté ce plan à l’aide d’un rétroprojecteur durant ma présentation. 95 S’agissant du projet de barbecue (voir supra), elle m’a très justement suggéré de convier également un représentant des non croyants pour que ce barbecue ne soit pas seulement interconfessionnel mais bien laïc puisque la laïcité c’est la possibilité de croire ou de ne pas croire. 96 Roland JANVIER, Ethique de direction en institution sociale et médico-sociale, Esf, Domont, décembre 2014, p.98 : « Coopération et collégialité comme principes éthiques de management ». 97 Ibid. 98 Compte-rendu en annexe 9, p.3.

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A l’aide d’une fiche action explicative, j’ai fait une proposition concrète à ma directrice tutrice pour

faire apparaître la laïcité en introduction comme suit :

« Les agents de l’EPEI s’accordent pour considérer que la laïcité est une valeur fondamentale qui

permet le vivre-ensemble au sein de l’institution mais également dans notre société. La laïcité

anime notre action et fait partie des valeurs que nous devons transmettre aux jeunes. La laïcité n'est

pas une opinion parmi d'autres mais la liberté d'en avoir une. Elle n'est pas une conviction mais le

principe qui les autorise toutes, sous réserve du respect des principes de liberté de conscience et

d'égalité des droits. Elle n’est ni pour ni contre la religion et garantit ainsi la liberté de chacun de

croire ou de ne pas croire, mais aussi d’exercer un culte et d’exprimer une croyance religieuse –

individuellement ou collectivement-. L’EPEI en tant qu’établissement public accueillant des

mineurs veille à concilier l’obligation de neutralité des agents d’une part, et la liberté de religion et

son expression d’autre part, en tant que liberté reconnue tant aux usagers qu’aux agents en tant que

citoyen. »

L’affichage de la charte de la laïcité. Depuis une Circulaire du 13 avril 2007, la Charte de la laïcité

doit être affichée dans tous les établissements et services publics. L’objectif de cette Charte, dont le

contenu a été proposé par le Haut Conseil à l’intégration, est de rappeler aux agents publics comme

aux usagers des services publics quels sont leurs droits et leurs devoirs à l’égard du principe

républicain de laïcité, afin de contribuer au bon fonctionnement des services publics. Elle pose

clairement le droit à la liberté religieuse, mais indique également ses limites tels que le respect de la

neutralité du service public ou l’interdiction du prosélytisme. J’ai demandé aux adjointes

administratives des deux unités ainsi qu’au coordinateur de la MEHD d’afficher cette charte.

L’équipe de l’UEAJ a finalement proposé de réaliser une affiche contenant cette charte avec les

jeunes. La réalisation de cette affiche est programmée en juillet.

« S’il doit marquer sa volonté de changement par des actes, le directeur serait présomptueux

d’imaginer qu’il va transformer l’institution du fait de sa seule volonté. Le changement ne se

réalise dans une organisation de travail que si un maximum de personnes y trouve intérêt. A travers

les mesures qu’il prend, le directeur n’offre que des opportunités de changement. Pour qu’elles

produisent des effets, il faut que les acteurs les concrétisent dans de nouvelles conduites (…). Les

modifications qui ne font pas l’objet d’une appropriation par les personnes concernées déplacent

les problèmes sans les traiter. »99 Ainsi, il ne suffit pas d’inscrire la valeur laïcité dans le projet

d’établissement ou de l’afficher dans le service, il faut encore la faire vivre, au sein des équipes

professionnelles et dans la relation avec les jeunes.

99 Bertrand DUBREUIL, Le travail de directeur en établissement social et médico-social, 2ème édition, Dunod, Paris, 2013, p.85-86.

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3.2.2 Les dynamiques de changement100 impulsées par unité

ou mission

L’actualisation des projets d’unité. En premier lieu, j’ai souhaité soutenir et accompagner les

responsables d’unité dans le travail d’intégration de la laïcité dans leurs projets pédagogiques

(projets d’unité)101. En effet, « le cadre de direction est un facilitateur »102. Pour cela, je leur ai

demandé d’inscrire ce point à l’ordre du jour d’une réunion d’unité pour qu’elles puissent en

échanger avec leur équipe. Ensuite, j’ai organisé un point avec chacune d’entre elles pour étudier la

question et pour qu’elles puissent me faire part de la version retenue. Elles ont chacune opté pour

une référence simple à la laïcité parmi les valeurs mises en exergue au début de leur projet, l’idée

étant de pouvoir ensuite la réutiliser dans le règlement intérieur à destination des jeunes et de leurs

familles. De la même manière que le projet d’établissement, il faut faire vivre le projet pédagogique

d’unité, ce qui relève des RUE. Ainsi, j’ai aussi demandé à la responsable de l’UEAJ de veiller à ce

que les repas pris à l’extérieur par les jeunes soient anticipés et préparés, tenant compte de leurs

prescriptions alimentaires (qu’elles soient d’ordre médical ou d’ordre religieux lorsque le sujet a été

abordé avec les représentants légaux).

L’association des familles dans la prise en compte d’une pratique religieuse des jeunes à

l’UEHC. Selon la Note du 4 mai 2015, les parents doivent être associés à la prise en charge de leur

enfant103. Elle est très explicite en la matière : « Le souhait d’une éventuelle pratique religieuse et

ses modalités de mise en œuvre doivent impérativement être évoqués avec les détenteurs de

l’autorité parentale et le mineur lors du début de sa prise en charge et aussi fréquemment que

nécessaire notamment lors de nouvelles demandes formulées par le mineur dans ces domaines ».

Pour que l’EPEI se conforme à ces directives, j’ai proposé à la directrice d’ajouter aux documents

d’accueil une fiche de renseignements spécifique à faire remplir aux parents (cf. annexe 11).

Lors de la mise en place de cette expérimentation, les agents ont de suite soulevé une interrogation

(déjà posée le 19 novembre par le groupe de travail) : que faire lorsque le jeune et sa famille

n’expriment pas le même souhait ? Sur ce point, la note du 4 mai énonce que « ce droit conféré aux

titulaires de l’autorité parentale ne fait pas obstacle à ce que le mineur soit associé aux décisions

100 Le « changement » tel que défini p.23. 101 « Au niveau de l’unité, le responsable d’unité éducative (RUE), pilote le projet pédagogique de l’unité. Le RUE garantit le caractère interdisciplinaire de la conduite des mesures judiciaires et met en place les outils et les modalités d’échanges entre les professionnels au quotidien. Au niveau de l’établissement, le directeur de l’établissement, pilote du projet d’établissement, garantit l’articulation et la complémentarité des projets pédagogiques des unités en lien avec les RUE. » : NDPJJ relative à l’action éducative dans le cadre du placement judiciaire, p. 10. 102 Ethique de direction en institution sociale et médico-sociale, Roland JANVIER, Esf Editeur, Domont, décembre 2014, p.108. 103 « Le droit à la pratique religieuse du mineur s’exerce en lien avec les détenteurs de l’autorité parentale (…) L’éventuelle éducation religieuse souhaitée par les représentants légaux est l’un des aspects de l’éducation en général et relève donc de l’autorité parentale conformément à l’article 371-1 du code civil ».

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prises par ses parents relatives à son éducation religieuse lorsque son âge le permet ». Ainsi, il

appartient le cas échéant au responsable d’unité et à l’équipe éducative, comme pour tout autre sujet

éducatif, de procéder à une sorte de médiation familiale pour que le jeune et sa famille se parlent et

s’écoutent. Si en dépit de tous les efforts de l’équipe un désaccord et une divergence d’opinions

perdurent, il semble selon les dernières orientations nationales, que la volonté des représentants

légaux doive être respectée. A ce jour, je n’ai pas été confrontée à une telle situation sur mon terrain

de stage.

Par ailleurs, les représentants légaux peuvent solliciter des aménagements de la part de

l’établissement pour que leur adolescent puisse pratiquer librement une religion sous réserve du bon

fonctionnement de l’EPEI. Ainsi, la directrice a diffusé une note de service concernant les périodes

de ramadan (cf. annexe 12). Les directives ainsi données en 2014 ont satisfait jeunes et

professionnels : durant cette période, des plateaux repas sont disponibles pour les jeunes qui

pratiquent ce rite et ils gèrent eux-mêmes, par dérogation, l’heure de leur réveil et de la prise de leur

repas dans leur chambre.

Sur ce point, le seul changement opéré concerne l’aval des parents : la fiche de renseignement

précitée doit permettre à la personne qui accueille un jeune à l’UEHC d’aborder la question de

l’existence d’une pratique religieuse avec les parents. Elle peut le faire dès l’entretien d’accueil

lorsqu’ils sont présents ou bien ultérieurement par le biais des éducateurs référents de l’UEHC lors

d’une visite à domicile ou d’une rencontre des représentants légaux104, ou par l’intermédiaire de

l’éducateur de milieu ouvert105.

Le contenu des repas à l’UEHC. Les pratiques à l’EPEI n’étaient pas conformes aux dernières

directives nationales106. J’ai reçu le « Pôle cuisine » à plusieurs reprises pour impulser un

changement en la matière. Dès la réunion du 5 janvier avec le personnel de cuisine, puis à nouveau

lors de la réunion d’établissement du 12 janvier, j’ai annoncé que désormais, de la viande de porc

serait régulièrement proposée aux jeunes. J’ai expliqué que le cas échéant, il y aurait la possibilité

d’avoir un plat différencié pour les jeunes qui auraient exprimé la volonté de ne pas en manger, en

accord avec leurs représentants légaux lors de l’entretien d’accueil (ou ultérieurement comme

susmentionné).

104 La Note d’orientation de la PJJ du 30 septembre 2014 rappelle que l’association des familles à l’action d’éducation est fondamentale (p.3 « Décliner les modalités d’association du mineur et de sa famille dans l’action d’éducation »). « Guide Parents, familles et professionnels dans le cadre judiciaire », DPJJ, mars 2011 : La visite à domicile est l’un des outils de ce travail avec les familles et elle peut être effectuée tant dans le cadre d’un suivi de milieu ouvert que dans le cadre d’un placement judiciaire. La visite à domicile, inhérente à la prise en charge éducative, est souvent présentée comme « un passage obligé » en début de mesure : Isabelle COMA, « Le guide Parents, familles et professionnels dans le cadre judiciaire. », Les Cahiers Dynamiques 2/2012 (n° 55), Dossier « La famille et les réseaux de sociabilité des jeunes », p. 19-25. 105 Le Service Territorial Educatif de Milieu Ouvert (STEMO) est le socle de l’intervention éducative : Note d’orientation de la PJJ du 30 septembre 2014, NDPJJ du 22 octobre 2015 relative à l’action éducative en milieu ouvert au sein des services de la PJJ. 106 Les repas étaient exclusivement halal et la viande de porc n’y était plus proposée depuis un certain temps.

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En effet, selon la note du 4 mai 2015, « il est fondamental que l’établissement dans son rôle

éducatif puisse faire découvrir aux mineurs des saveurs, des goûts, des aliments, des plats y

compris régionaux et traditionnels auxquels ils n’ont pas eu forcément accès avant leur prise en

charge ». Or, certains plats régionaux et traditionnels sont composés de viande de porc et certains

jeunes ont exprimé le souhait d’en manger. A l’instar du repas de Noël de fin d’année qui s’était

très bien déroulé, désormais, pour ne pas inverser la stigmatisation à l’encontre des jeunes qui

mangent du porc, cette viande sera régulièrement proposée.

Dans la mesure du possible, les jeunes doivent partager ensemble un plat unique107. Toutefois,

lorsque le mineur et ses représentants légaux demanderont expressément à ce que l’établissement

permette au jeune de pratiquer une religion par le biais de la fiche de renseignement sur les

prescriptions alimentaires, l’établissement devra le permettre.

En attendant que cette fiche de renseignement soit remplie pour tous les jeunes confiés à l’UEHC et

puisque le changement doit s’opérer progressivement, nous avons fait le choix en concertation avec

l’équipe de direction de demander aux personnels de cuisine d’expérimenter une fois par semaine la

confection de deux plats consistants, c’est-à-dire de deux viandes différentes : l’une halal et l’autre

non (avec le même accompagnement)108. A l’aide du tableau Velléda qui se trouve dans le

réfectoire, le menu sera inscrit à la vue de tous.

J’ai tenté de tendre vers ce qui avait été proposé par le groupe de travail du 19 novembre, mais il

n’était pas possible de mettre en place exactement le système qui avait été proposé (cf. p. 4 de

l’annexe 9).

A terme, l’objectif recherché est de limiter la fourniture de viande halal aux jeunes qui le

demanderaient expressément avec leurs représentants légaux109. Ainsi, conformément à l’article 11

de l’arrêté du 8 septembre 2003 relatif à la charte des droits et libertés de la personne accueillie,

« dans toute la mesure compatible avec le bon fonctionnement du service, il pourrait être fait droit

à la demande formulée conjointement par les titulaires de l’autorité parentale et par le mineur à la

délivrance de plats contenant de la nourriture confessionnelle, sans que cette diligence ne porte

atteinte au respect du principe de laïcité que doit observer l’établissement »110.

La possibilité pour un établissement de la PJJ de proposer de la nourriture confessionnelle à la

demande expresse du jeune et de ses représentants légaux s’explique par l’obligation qui peut

exister pour la puissance publique, d’organiser activement l’exercice de la liberté religieuse, voire

d’apporter des financements à des activités en rapport avec l’exercice du culte. Elle a ainsi

107 « Il apparaît important que les mineurs puissent partager ensemble un plat unique » : note du 4 mai 2015, p. 14. 108 Et ce, pour sortir progressivement de cette pratique du « tout halal » alors que de nombreux jeunes placés à l’UEHC actuellement sont indifférents à cette certification. 109 A l’exception des jeunes majeurs que nous accueillons parfois, par exemple dans le cadre d’une mise sous protection judiciaire (MSPJ). L’association des représentants légaux aux différentes décisions le concernant n’est pas obligatoire. 110 Note du 4 mai 2015, p.15.

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l’obligation d’assurer le libre exercice du culte des personnes qui, comme dans les hôpitaux ou les

prisons, ne peuvent l’exercer librement par elles-mêmes111. Ainsi, cette obligation figure parmi les

exceptions à l’article 2 de la loi de 1905112. Si l’achat de nourriture halal permettait de financer en

partie le culte musulman (ce qui n’est pas démontré113), les exceptions à l’article 2 de la loi de 1905

permettent de déroger à ce principe.

J’ai réalisé le suivi de ces expérimentations en animant régulièrement les « Commissions cuisine »

et en prenant le temps d’évoquer régulièrement la question du contenu des repas. Ce suivi m’a

permis de veiller à ce que l’organisation des repas et la délivrance de plats contenant de la

nourriture confessionnelle ne conduisent ni à une surcharge d’activité, ni à un surcoût financier, ni

ne porte une atteinte excessive au bon fonctionnement de l’établissement et au respect du principe

de neutralité que doivent observer les personnels114.

A ce jour, nous sommes parvenus à diversifier les repas proposés à l’UEHC et à ne plus fournir

exclusivement des repas halal. Néanmoins, lors de la dernière commission, la maîtresse de maison

m’a indiqué qu’elle avait tendance à s’adapter au personnel de service afin de « satisfaire tout le

monde », ce qu’elle ne devrait pas faire. La question du contenu des repas semble donc devoir être

travaillée avec les agents. C’est l’un des objectifs de l’élaboration d’une « charte éthique » (voir

infra).

Le contenu des activités du « Dispositif Accueil Accompagnement » (DAA). Le constat a été fait

que les notions de culture religieuse, de citoyenneté et de laïcité étaient insuffisamment abordées et

insuffisamment travaillées avec les jeunes.

Si la dernière NDPJJ du 24 février 2016 relative à la mission d’insertion de la PJJ n’évoque plus le

DAA en tant que tel, elle énonce tout de même que « L’accès aux dispositifs scolaires et

111 Si la Cour administrative d’appel de Lyon a annulé un jugement du tribunal administratif de Grenoble du 7 novembre 2013, refusant ainsi de servir des repas comprenant de la viande halal aux détenus musulmans, cela s’explique par plusieurs raisons qui ne sont pas transposables aux établissements éducatifs de la PJJ : la Cour a relevé que des menus sans porc et des menus végétariens étaient proposés aux détenus ; qu’il était possible de bénéficier, lors de fêtes religieuses, de menus conformes à leur religion ; et qu’il était possible d’acheter de la viande halal par l’intermédiaire de la "cantine". Elle a donc considéré qu’il y avait un juste équilibre entre les nécessités du service public et les droits des personnes détenues en matière religieuse. Or, dans les établissements de la PJJ, les jeunes ne peuvent pas « cantiner » (acheter directement des produits provenant de l’extérieur). Dans son avis du 24 mars 2011, le Contrôleur Général des Lieux de Privation de Liberté (CGLPL) a considéré que : « La fourniture de viandes ou d’autres aliments préparés selon les rites approuvés par les autorités religieuses compétentes doit être recherchée et mise en œuvre : les conditions du marché des aliments le permettent et les indications recueillies par le contrôle général n’ont pas permis d’établir que le prix de ces aliments serait prohibitif ; tout au contraire, les prix pratiqués apparaissent parfois inférieurs à ceux des produits habituellement achetés ; La contrepartie doit être que celles des personnes privées de liberté, qui n’ont aucune prescription de quelque nature qu’elle soit, ne doivent pas avoir à supporter des contraintes alimentaires qui ne sont pas les leurs. Il n’y a aucun motif, par exemple, que les personnes qui le souhaitent ne puissent se nourrir de viande de porc. » 112 « La République ne reconnaît, ne subventionne ni ne salarie aucun culte ». 113 En ce sens, voir l’article de Florence BERGEAUD-BLACKLER, Anthropologue, chargée de recherches au CNRS, à l’Institut de recherches et d’études sur le monde arabe et musulman (Iremam), Financer le culte musulman par la viande halal ? Libération, 3 mars 2015 ou son ouvrage Le sens du halal, une norme dans un marché mondial, CNRS éditions, avril 2015. 114 NDPJJ du 4 mai 2015, p.15.

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professionnels de droit commun est toujours un objectif prioritaire » mais que « lorsque cet objectif

est immédiatement inaccessible, l’accès aux dispositifs alternatifs extérieurs à la PJJ ou au

dispositif structuré d’accueil de jour de la PJJ doit être proposé. »115

Ainsi, l’inscription au DAA des jeunes n’ayant aucun projet d’insertion sociale et professionnelle

est obligatoire à l’EPEI116. Car en effet, les activités individuelles ou collectives (culturelles,

sportives, etc.) constituent un support pertinent de l’individualisation des parcours.117 La PJJ doit

permettre aux jeunes qui lui sont confiés d’acquérir, selon les besoins repérés, les pré-requis de

socialisation et les compétences clés au soutien de l’objectif de trouver une place au sein des

dispositifs de scolarité et de formation de droit commun. Cependant, certains jeunes placés en EPEI

sont si loin de la possibilité d’intégrer un tel dispositif, qu’il faut avant tout leur signifier qu’ils ont

une place dans la société et qu’il faut en respecter les règles sociales. « En effet, en amont de

l’insertion scolaire et professionnelle proprement dite, l’intériorisation des valeurs et règles

communes ainsi que d’un certain nombre de codes sociaux nécessite souvent un travail conséquent

et spécifique. Cette intériorisation prépare le terrain de l’insertion scolaire et professionnelle. �Le

rôle de la PJJ est ici primordial : du fait de ses compétences éducatives et de son approche globale

des situations individuelles, elle accompagne les jeunes à développer leurs capacités de décryptage

et d’assimilation de ces valeurs, règles et codes. »118

Cet accompagnement contribue à prévenir la délinquance et peut constituer un facteur de

désistance119.

Ainsi, j’ai profité de la réorganisation du temps de travail (OTT) et des modalités du DAA pour

insuffler une nouvelle dynamique avec la RUE de l’UEHC. Depuis le mois de janvier 2016, le

mercredi matin est dédié à la « découverte du patrimoine », c’est-à-dire que ce temps du DAA est

consacré à des sorties culturelles telles que des visites de musées, d’institutions ou de lieux de

mémoire.

Lors d’un point de suivi réalisé au mois d’avril avec les quatre éducateurs responsables du DAA120,

j’ai pu constater que plusieurs sorties en lien avec la thématique de la laïcité et de la

citoyenneté avaient été réalisées : visite de l’ancien camp de concentration du Struthof, visite du

115 NDPJJ du 24 février 2016 relative à l’action de la protection judiciaire de la jeunesse dans les parcours d’insertion scolaire et professionnelle des jeunes confiés, p. 1/10. 116 Le DAA est défini dans la Circulaire d’orientation du 3 avril 2012 relative à l’action d’éducation structurée par les activités de jour dans les établissements et services du secteur public de la protection judiciaire de la jeunesse. 117 NDPJJ du 24 février 2016, p. 7/10. 118 NDPJJ du 24 février 2016, p. 2/10. 119 Rapport du jury remis au Premier ministre le 20 février 2013, Conférence de consensus, Pour une nouvelle politique publique de prévention de la récidive, Principes d’action et méthodes : « Les facteurs de désistance sont ceux qui augmentent la probabilité de s’engager avec succès dans un processus d’arrêt des actes délinquants. Il s’agit de facteurs dynamiques, objectifs et subjectifs, qui renvoient aux ressources dont dispose le délinquant (par exemple, son insertion professionnelle ou ses capacités de communication). Les travaux sur la désistance insistent également sur l’importance de la prise de conscience du délinquant et sur sa motivation. Il convient par ailleurs de considérer que les différents facteurs de risque et de protection ont un effet variable selon les âges. » 120 Dans le cadre de la nouvelle OTT DAA, quatre éducateurs sont volontaires pour porter ce dispositif et le faire vivre. A terme, la direction de l’établissement espère attirer d’autres volontaires.

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parlement européen, visite du Musée Vodou, visite de la Cathédrale la plus proche, etc. Les

éducateurs semblent s’être saisis de la nouvelle organisation de ce dispositif pour organiser des

sorties qui permettent d’aborder de nombreux sujets historiques, culturels et parfois cultuels avec

les jeunes121 (cf. annexe 13).

L’association des jeunes à l’actualisation du règlement de fonctionnement de l’UEHC. Le

règlement de fonctionnement de l’UEHC a été actualisé par l’équipe de direction en décembre

2015, après une réunion de fonctionnement, pour se conformer à la NDPJJ du 4 mai 2015.

Néanmoins, nous avons décidé en réunion de gouvernance que le document serait simplifié et revu

avec les jeunes au courant de l’été afin de les associer à sa réécriture. En effet, le document est

actuellement trop dense et trop compliqué pour les jeunes et pour leurs familles. C’est d’ailleurs ce

qu’a relevé l’audit de l’UEHC intervenu à la fin du mois de janvier 2016.

Impulser des projets éducatifs financés avec le Plan de Lutte Anti-Terroriste (PLAT). En

association avec la responsable de l’unité, j’ai été chargée d’annoncer en réunion de fonctionnement

à l’UEAJ que nous pouvions bénéficier de fonds issus du Plan de Lutte Anti-Terroriste (PLAT)

pour construire des actions en lien avec la thématique de la laïcité et de la citoyenneté. Ensemble,

nous avons encouragé l’équipe éducative à s’en saisir et à réfléchir à ce qu’ils souhaiteraient mettre

en place. En effet, « être directeur ne consiste pas à être présent en toutes circonstances ni à

prendre toutes les décisions. Le contrôle repose d’abord sur la confiance parce qu’il suppose une

autonomie laissée à la personne »122.

Ainsi, l’équipe et la RUE de l’UEAJ nous ont soumis un projet sur l’engagement citoyen. Avec

l’étroite collaboration et le soutien de la référente laïcité-citoyenneté du territoire, ma tutrice et moi-

même avons fait aboutir ce projet et avons obtenu les fonds sollicités (cf. annexe 14).

De la même manière et toujours en lien avec la responsable d’unité, j’ai annoncé lors d’une réunion

de fonctionnement de l’UEHC qu’il était possible de construire un ou plusieurs projets sur cette

thématique et de les soumettre à la DT. J’en ai profité pour indiquer à l’équipe éducative que le juge

des enfants avec lequel j’avais pu m’entretenir dans le cadre de l’évaluation interne et de la

démarche de recherche pour mon mémoire, avait salué le projet « Shalom, Paix, Salam » (SPS)

initié en 2014. J’ai moi-même indiqué que je trouverais pertinent de le reconduire.

Finalement, il n’a pas fallu longtemps pour qu’émerge le « projet SPS 2016 » (cf. annexe 15). Il

121 Ainsi, l’EPEI se conforme à la NDPJJ du 22 octobre 2015 relative à l’action éducative dans le cadre du placement judiciaire en intégrant dans l’action éducative la prise en compte de la situation du jeune en matière d’éducation à la citoyenneté : « Les établissements de placement judiciaire exercent temporairement, à l’égard de la personne accueillie, une prise en charge dont le cadre de direction de l’établissement est garant. Ces établissements ont pour mission première de conduire une action éducative auprès d’un mineur ou jeune majeur au regard de sa personnalité et de sa situation en matière d’éducation, de relations familiales, de santé, de scolarité ou formation professionnelle, d’éducation à la citoyenneté. », Dimension éducative du placement, p. 2. 122 Bertrand DUBREUIL, Le travail de directeur en établissement social et médico-social, 2ème édition, Dunod, Paris, 2013, p.139.

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semble bien que la reconnaissance de leur travail satisfait les agents et peut susciter leur

mobilisation. Selon Jean-Pierre Brun, « La reconnaissance au travail est un élément essentiel pour

préserver et construire l’identité des individus, donner un sens à leur travail, favoriser leur

développement et contribuer à leur santé et à leur bien-être. Elle constitue également une

alternative constructive aux approches managériales orientées vers le contrôle et la

surveillance. »123

Il me semble important que le directeur des services accompagne et soutienne les RUE pour

encourager les prises d’initiative de l’équipe éducative sur cette thématique sensible. Ma présence

lors de ces réunions de fonctionnement a probablement permis de signifier l’importance de se

mobiliser sur cette thématique. De tels projets pourraient se construire en dehors du PLAT mais la

possibilité d’obtenir ces fonds peut constituer un facteur de motivation supplémentaire pour les

éducateurs.

Réunion de fonctionnement thématisée. Dans son rapport sur l’éthique, le Conseil supérieur du

travail social adresse des préconisations spécifiques aux cadres de direction en insistant sur la

nécessité de « soutenir et garantir l’existence et la pérennité de lieux et de temps de confrontation,

d’élaboration des pratiques ; d’assurer et assumer la responsabilité de la transmission de valeurs

et leur traduction dans les pratiques (…) ; d‘accepter et de favoriser l’imprévu et l’inventivité en

mettant en place le cadre institutionnel et l’organisation de travail capables de l’accueillir et de

l’élaborer »124. C’est dans cet ordre d’idées que les réunions de fonctionnement doivent être

régulières dans chacune des unités et missions d’un établissement de placement. Les pratiques

doivent évoluer et être régulièrement remises en question.

A ce jour, j’ai animé plusieurs réunions de fonctionnement de la MEHD pour revoir et améliorer

certaines pratiques125. L’une d’entre elles, avait trait au placement en famille d’accueil. En accord

avec l’équipe pluridisciplinaire126, nous avons intégré un point relatif à la laïcité dans une charte

d’engagement. Cette charte devra être signée par les familles d’accueil et par la directrice à l’issue

de la procédure de recrutement et avant tout placement d’un jeune dans la famille (cf. annexe 16).

123 Professeur de management et directeur de la chaire en gestion de la santé et de la sécurité du travail à l’université Laval, Québec, il a publié Les Sept Pièces manquantes du management, Les Éditions transcontinentales, 2008 et est auteur d’un article intitulé La reconnaissance au travail, version numérisée de la revue Sciences Humaines, 30 mars 2010. 124 Conseil Supérieur du Travail Social (CSTS), Ethique des pratiques sociales et déontologie des travailleurs sociaux, Editions ENSP, Rennes, 2001, p. 133. 125 J’ai animé ces réunions notamment car la MEHD n’a pas de responsable d’unité. La directrice de l’EPEI a fait le choix début 2015 de décharger la RUE de l’UEHC de la MEHD et c’est elle seule qui encadre et dirige cette mission. En outre, selon l’objet de la réunion de fonctionnement, il me semble que la directrice doit être présente. C’est le cas de la thématique « famille d’accueil » (la directrice étant en charge de la procédure de recrutement des familles). 126 Educateurs et psychologue.

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3.2.3 Les impulsions transversales

Les trois réunions de préparation du barbecue interculturel. Afin de mobiliser les éducateurs de

l’EPEI et susciter l’intérêt des professionnels et des jeunes pour la thématique de l’inter culturalité

et de l’inter confessionnalité, la directrice et moi avons programmé trois réunions de préparation

d’un barbecue interculturel que j’ai animées. Le groupe de travail est composé de sept éducateurs,

de la psychologue, des responsables d’unité et du coordinateur de l’HD et d’un membre du pôle

cuisine (leur inscription était volontaire). L’objectif de ce projet est le partage d’un repas avec les

jeunes, les professionnels127 et des personnes de différentes cultures et de différentes religions.

Avec l’accord de la direction territoriale, nous avons demandé aux éducateurs de contacter des

représentants de différentes confessions (aumônier militaire musulman, aumônière catholique de la

maison d’arrêt la plus proche, aumônier régional bouddhiste des prisons, etc.) et de différentes

associations prônant la laïcité et la tolérance vis-à-vis des différences (Coexister, SPS), afin de venir

transmettre un message de paix aux jeunes qui nous sont confiés.

Ce barbecue est projeté le 31 mai prochain. A cette fin, nous avons sollicité l’autorisation des

représentants légaux des jeunes placés (à l’UEHC et à la MEHD) (cf. annexe 17).

La conduite de ces réunions de préparation par un membre de la direction (en l’espèce la directrice

en formation) était nécessaire en raison de l’aspect transversal du projet ; pour fixer des objectifs en

cohérence avec le projet d’établissement ; et pour veiller à ce que le budget prévisionnel soit

respecté (ces réunions visant également à projeter et organiser le repas, la décoration ainsi et l’envoi

des invitations). S’agissant du contenu du repas, nous avons prévu de proposer un méchoui, un

cochon de lait et des salades.

La commission laïcité. « Au plan collectif, celui qui assume la fonction de direction déploie des

instances qui permettent de prendre du recul par rapport à l’action et de vérifier, d’une part, la

cohérence du projet politique aux valeurs éthiques énoncées et, d’autre part, des actions aux mêmes

valeurs, puis la cohérence entre le projet et sa mise en œuvre »128.

Au cœur de mon expérimentation, j’ai souhaité initier une « Commission laïcité » réunissant

trimestriellement l’équipe de direction de l’EPEI, la référente laïcité citoyenneté du territoire ainsi

que des « référents laïcité citoyenneté » de chacune des unités et mission129. Pour cela, des

volontaires ont été désignés référents dans leur unité ou mission (trois volontaires pour l’UEHC, un

127 Les professionnels de la protection de la jeunesse du département sont invités (les agents du STEMO du département, le représentant du Conseil départemental, la direction et l’encadrement des établissements du SAH –directeur et CSE-, personnels de la DT, magistrats et partenaires extérieurs habituels). 128 Roland JANVIER, Ethique de direction en institution sociale et médico-sociale, Esf, Domont, décembre 2014, p.60. 129 A l’instar de commissions déjà existantes à l’EPEI : la « Commission santé » réunissant les conseillers techniques (CT) santé de la DT et les « référents santé » de l’EPEI ou la « Commission insertion » réunissant le responsable des politiques institutionnelles (RPI) en matière d’insertion de la DT et les « référents insertion » de l’établissement.

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pour l’UEAJ et un pour la MEHD). Cette commission a plusieurs objectifs : revoir les textes

législatifs et règlementaires existants en matière de respect de la laïcité et ce qu'ils impliquent dans

l’établissement ; faire le point sur les actions collectives qui ont été réalisées au sein de

l'établissement et sur celles qui sont à venir ; échanger sur des situations individuelles de jeunes qui

interrogent (par exemple des jeunes qui montrent des signes de radicalisation) ; recueillir les besoins

de formation des professionnels en lien avec la thématique de la laïcité et de la citoyenneté ; et à

long terme, organiser des formations sur site pour tous les professionnels de l'EPEI intéressés (par

exemple en histoire des religions, histoire de l'immigration etc., pour compléter les formations

proposées par le PTF et par l'ENPJJ).

Le projet de création de cette commission a été travaillé avec un éducateur de l’UEHC

particulièrement intéressé par les questions ayant trait à la laïcité (annexe 18).

Initialement, la directrice et moi avions prévu d’organiser une autre réunion pour élaborer une

« Charte éthique » que les professionnels de l’EPEI s’engageraient à respecter. Elle déclinerait les

droits et obligations des agents de l’établissement dans l’exercice de leurs fonctions. Son

élaboration en groupe de travail permettrait de travailler plus spécialement l’obligation de neutralité

des éducateurs et ce qu’elle implique dans l’exercice de leurs fonctions. Toutefois, en raison d’un

grand nombre d’instances déjà mises en place (les réunions de fonctionnement, les réunions

« barbecue » et la commission laïcité), nous avons fait le choix en équipe de direction de supprimer

cette réunion du 28 avril130. Nous avons pensé que nous pourrions évoquer cette charte lors de la

première commission laïcité programmée le 23 mai.

Un travail sur la neutralité nous paraît véritablement nécessaire car il existe encore à ce jour des

confusions entre liberté de religion des usagers et liberté de religion des agents. Par exemple,

certains agents (minoritaires) pensent qu’ils sont en droit de demander un repas conforme à leur

pratique religieuse et n’acceptent pas qu’il n’y ait pas systématiquement de repas halal prévu pour

les éducateurs à l’UEHC131. C’est la raison pour laquelle, gênée, la maîtresse de maison a tendance

à adapter le contenu des repas aux jeunes et aux professionnels en service (voir supra). Par le biais

de cette dernière, nous avons récemment appris que quelques éducateurs (très minoritaires là

encore) indiquent aux jeunes ce qu’ils peuvent manger ou non selon leurs convictions (présumées

ou affirmées). La commission laïcité permettra de rappeler aux professionnels qu’ « en aucun cas le

personnel de l’établissement ne pourra dispenser un quelconque enseignement ou conseil en

130 Notre volonté se heurte parfois à la réalité du travail en EPEI. Mi-avril, l’établissement a été confronté à plusieurs arrêts maladie et à plusieurs congés. Il n’a pas été possible de maintenir et d’organiser la réunion « Charte éthique » prévu dans le plan d’action d’améliorations issu de l’évaluation interne. 131 Nous avons pu lire le 29 avril dans le cahier de consignes qu’un agent s’était étonné de ne pas pouvoir manger halal durant son service du week-end. Il a écrit : « Il faut aussi penser aux personnels qui mangent halal !! Ca ne coûte pas plus cher !! La laïcité c’est aussi cela !! ».

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matière de culte et de sa pratique auprès d’un mineur pris en charge »132. Il faut responsabiliser les

jeunes, leur indiquer qu’ils ont le choix de manger ci ou ça et non pas leur donner des directives.

En accord avec les référents laïcité citoyenneté de l’EPEI, il pourra être décidé lors de la

commission du 23 mai de fixer une nouvelle date pour travailler cela avec plusieurs agents (et non

pas seulement les référents volontaires)133.

A la fin du mois d’avril et avant la finalisation de ce mémoire, j’ai tâché d’évaluer ces différentes

expérimentations issues de ma démarche de recherche et de la démarche d’évaluation d’interne de

l’établissement.

3.3 L’évaluation des expérimentations

3.3.1 Les points de contrôle d’un pilotage correct de l’EPE

par le directeur

Considérant le référentiel de contrôle du fonctionnement des EPE/UEHC de l’inspection de la PJJ et

le point spécifique sur le pilotage de l’EPE par le directeur134, il y a plusieurs points de contrôle de

son action. Parmi ceux-là, il est indiqué que « le directeur est présent dans l’établissement et

accessible pour le responsable de l’unité éducative et les personnels » (Point A.3.1). Il me semble

que tout au long de la mise en œuvre des expérimentations, je me suis rendue disponible pour les

professionnels par courriel et par téléphone ou encore, j’ai été présente dans chacune des unités et

mission au moins une fois par semaine. Ainsi par exemple, j’ai eu de nombreux échanges, formels

ou informels, avec les porteurs des « projets PLAT » afin que ces derniers remplissent les critères

requis par la référente laïcité citoyenneté de la DT. La préparation du barbecue a également

nécessité des contacts très réguliers avec les responsables d’unité, les éducateurs et le pôle cuisine.

Mais encore, « le directeur est présent dans les instances relevant de sa compétence ou par

délégation du directeur territorial » (A.3.2) ; il « élabore un budget prévisionnel en cohérence avec

l’activité et prenant en compte les besoins des mineurs » (A.3.3) ; il « exerce les contrôles inhérents

à tout acte de direction, il vérifie la bonne application des procédures qu’il a définies » (A.3.5) ; il

« rencontre régulièrement les magistrats sur le fonctionnement de l’établissement et l’évolution des

prises en charge des mineurs » (A.3.6) et il « rend compte régulièrement de l’activité de l'EPE à la

direction territoriale » (A.3.7). J’ai assisté à un grand nombre d’instances relevant de la 132 NDPJJ du 4 mai 2015. 133 En somme, peu de textes règlementaires abordent expressément la portée de l’obligation de neutralité dans notre administration. Or, le respect de cette obligation doit être garanti par le directeur. C’est pourquoi, nous souhaitons (les cadres de l’EPEI) inviter les agents à réfléchir à leurs postures professionnelles et préciser aux agents ce que cette obligation recouvre. 134 Objectif A.3.1. du référentiel.

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compétence du directeur (réunion de gouvernance, collèges de direction, comité territorial des

cadres, certaines réunions de fonctionnement selon son objet, etc.). Il me semble que j’ai trouvé ma

place au sein de l’équipe de l’EPEI. Lorsque la gestion du budget m’était confiée (par exemple pour

le « projet barbecue »), j’ai veillé à la cohérence et à l’adéquation de celui-ci avec le projet et les

besoins de notre public. Dès le mois de mars, je me suis attachée à vérifier que les impulsions

demandées, suscitées, étaient effectivement mises en œuvre (s’agissant du DAA, de la

diversification des repas à l’UEHC ou de l’association des familles aux décisions concernant

l’éducation de leur adolescent). Et ce, en faisant des points de suivi réguliers (avec les éducateurs du

DAA, avec le pôle cuisine, avec les RUE). La rencontre avec le JE coordinateur m’a permis de

parler plus généralement du fonctionnement de l’EPE135 (cf. annexe 4) et j’ai pu rendre compte de

l’avancée de l’évaluation interne de l’EPEI à chaque collège de direction (CODIR) en DT.

3.3.2 Les indicateurs d’évaluation des actions issues de

l’évaluation interne de l’établissement

Dès l’élaboration du plan d’actions d’amélioration dans le cadre de la conduite de l’évaluation

interne sur la prise en compte de la laïcité, j’ai entrepris de déterminer des indicateurs d’évaluation

(cf. annexe 10). A ce jour, je peux déjà évaluer certaines des expérimentations menées : les

documents de référence de l’EPEI ont été effectivement actualisés et intègrent désormais le principe

de laïcité. Suis-je parvenue à faire vivre ce principe dans le pilotage de l’établissement ? Je pense

que ce travail est sérieusement amorcé au sein de l’EPEI mais qu’il n’est pas terminé.

La charte éthique que j’envisageais d’élaborer n’existe pas encore puisque la première réunion dont

elle était l’objet n’a pas pu avoir lieu (les raisons sont exposées dans la partie 2-3).

Seules deux des trois réunions du groupe de travail pour préparer le barbecue interculturel ont déjà

été réalisées (la troisième est programmée le 19 mai), mais l’objectif semble déjà atteint : plusieurs

professionnels de diverses origines et cultures sont mobilisés sur le projet et cela permet,

indirectement, de les faire travailler eux aussi (et non seulement les jeunes) sur la tolérance de la

différence.

La RUE de l’UEHC a intégré dans les objectifs annuels des « éducateurs DAA » la mise en place

d’activités en lien avec la thématique de la laïcité et de la citoyenneté. Il me semble que ces

objectifs seront atteints à la fin de l’année (cf. annexe 19).

Afin de tenter d’évaluer l’effet de ces différentes évolutions et expérimentations sur la prise en 135 Il n’y a eu qu’une seule rencontre avec les JE durant les six mois de « responsabilisation ». Cela peut paraître peu, mais compte tenu de l’activité dans un EPEI et de la courte durée de la mise en responsabilisation, je crois que ce n’est pas si mal. S’ajoutent tout de même à cette rencontre des contacts téléphoniques ponctuels pour des situations spécifiques de jeunes. En outre, les JE et le parquet chargé des mineurs sont invités au barbecue du mois de juin, ce qui permettra un nouveau contact avant la fin du stage.

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charge éducative des jeunes, je souhaiterais interroger un groupe de jeunes de l’UEAJ et de l’UEHC

et leur poser sensiblement les mêmes questions que celles que j’avais posées le 15 décembre (cf.

annexe 3). Pour cela, je projette d’organiser avec les éducateurs de l’UEAJ une nouvelle « réunion

jeunes » sur la thématique de la laïcité et de la citoyenneté au mois de juin. En effet, « le directeur

n’occupe pas une place de « sachant », il anime une délibération associant toutes les parties

prenantes pour garantir l’authenticité de la démarche d’évaluation »136.

Concernant les besoins en formation des professionnels, la directrice et moi-même les avons

communiqués à la DT et il semblerait qu’un module complémentaire d’histoire des religions sera

proposé par le PTF durant le dernier trimestre 2016. Ce module vient compléter la formation

nationale de trois jours sur la radicalisation. La directrice veillera à ce que ses agents s’inscrivent

bien à cette formation.

Enfin, concernant les repas à l’UEHC, le travail avec les agents d’une part et avec les familles

d’autre part est engagé mais il n’est pas abouti. Les dix mois de stage de deuxième année ne

constituent pas une période suffisamment longue pour qu’un travail d’une telle ampleur puisse

s’achever.

3.3.3 Les limites de ces expérimentations et les pistes

d’amélioration

Si j’avais bénéficié de plus de temps, il aurait été intéressant d’aller voir comment le secteur

associatif habilité du territoire travaille les questions relatives à la thématique de la laïcité et de la

citoyenneté, en tant que délégataire juridique d’une mission de service public137.

Par ailleurs, si ces expérimentations et actes de direction ont pu être conduits au sein de cet EPEI, il

est très peu probable qu’elles soient transposables telles quelles dans un autre EPE. La situation de

départ au sein de mon établissement de stage était propice pour aborder des questions sensibles telle

que la laïcité, car le fonctionnement global de l’EPEI était satisfaisant. La direction s’était déjà

attaquée à d’autres chantiers prioritaires et le terrain était en quelque sorte « défriché » pour engager

un travail sur cette thématique.

136 Conseil Supérieur du Travail Social (CSTS), Ethique des pratiques sociales et déontologie des travailleurs sociaux, Editions ENSP, Rennes, 2001, p.81. 137 Dont on sait que, depuis l’arrêt n°537 du 19 mars 2013, CPAM de Seine-Saint-Denis, pourvoi n°12-11.690, la Cour de cassation considère que l’obligation de neutralité leur est imposée : « les principes de neutralité et de laïcité du service public sont applicables à l’ensemble des services publics, y compris lorsque ceux-ci sont assurés par des organismes de droit privé ».

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Et pourtant, on peut s’interroger sur le degré de cohérence et de cohésion de l’équipe de l’UEHC138

actuellement : est-il suffisant pour entreprendre une véritable réflexion sur l’obligation de neutralité

des agents et sur sa portée dans l’exercice des fonctions et plus particulièrement au moment de la

prise des repas ? Si selon moi on ne peut pas demander à un agent d’agir à l’encontre de ses

pratiques (par exemple manger durant le ramadan ou manger quelque chose qu’il s’interdirait de

manger), celui-ci ne peut pas demander à la direction de faciliter l’exercice de sa pratique

religieuse. Ainsi, le personnel de cuisine n’a pas à adapter le menu en fonction des professionnels

mais uniquement en fonction des jeunes. L’OTT à l’EPEI implique que les agents ne sont jamais de

service au moment des deux principaux repas de la journée (ils travaillent soit au moment du repas

de midi soit au moment du dîner). Ainsi, ils sont libres de confectionner leur repas au moins une

fois dans la journée. Au contraire, l’obligation de partager en commun les temps de repas au sein du

foyer constitue l’une des contraintes du placement pour les jeunes (et l’une des obligations du

règlement de fonctionnement). C’est la raison pour laquelle, l’administration accepte, dans une

certaine mesure compatible avec le fonctionnement de l’établissement, de tenir compte de la

volonté du jeune et de sa famille.

Il est ardu de parvenir à une véritable cohérence d’équipe (et donc plus encore à une cohésion

d’équipe) en UEHC139 dans l’action éducative en général, et du point des vue des postures

professionnelles en particulier. Il n’existe pas de loi posant clairement le principe de neutralité des

agents publics et c’est le juge administratif qui en a précisé la portée. C’est pourquoi, il est essentiel

d’ouvrir un espace de dialogue des professionnels sur cette question (c’est l’un des objectifs de la

commission laïcité). Cette volonté se heurte souvent au manque de temps (les professionnels sont

happés par la gestion du quotidien et de l’urgence) et à la difficulté de réunir simultanément tout le

personnel d’une unité ou d’un établissement. Néanmoins, il revient au directeur de permettre et de

créer ces espaces de discussion.

Après juste quelques mois d’expérimentations, je ne suis pas certaine de pouvoir déjà vérifier mon

hypothèse de recherche selon laquelle ne pas parler de laïcité et de religions, ni avec les

professionnels ni avec les jeunes, serait un frein à l’amélioration de la qualité des prises en charge

éducatives au sens où ces concepts participent de l’éducation des jeunes et peuvent prévenir des

comportements radicaux. Ce que je constate concernant les professionnels, c’est qu’aborder la prise

en compte de la laïcité les a plutôt enthousiasmés, comme si cela rendait le sujet moins tabou et

permettait de défaire certaines crispations. Concernant les jeunes, j’ai pu constater qu’il n’a pas été

138 Selon moi, ce qui importe le plus au sein d’une UEHC c’est la cohérence de l’équipe professionnelle (avoir un discours commun, poursuivre les mêmes objectifs avec une homogénéité de moyens), mais il semble que la cohésion (au sens d’une forte union au sein de l’équipe) favorise la cohérence. Néanmoins, il peut y avoir cohérence sans cohésion. L’inverse me paraît moins vrai. 139 Pour les raisons exposées supra : entre les congés, les formations, les arrêts maladie et la continuité du service public, il est quasiment impossible dans un EPE de réunir tous les professionnels en même temps.

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très difficile de les mobiliser sur cette thématique, tant par le biais des activités du DAA que par des

projets tel que SPS. Ils cherchent constamment à pouvoir dialoguer avec les adultes et ils souhaitent

comprendre le monde qui les entoure. Ce travail amorcé à l’EPEI, je pense qu’il faut qu’il se

poursuive. Pour pouvoir étudier les effets concrets sur la qualité des prises en charge éducatives,

l’idéal serait de pouvoir refaire un bilan avec la directrice à la fin de l’année 2016.

Enfin, le choix méthodologique réalisé dans la démarche de recherche de ce mémoire peut

constituer une limite : si le support de l’évaluation interne a été un levier de changement, il a

également été parfois source de difficultés puisqu’il a fallu alterner constamment entre deux rôles,

celui d’étudiante chercheure et celui de directrice en formation. Toutefois, cela m’a permis

d’expérimenter franchement mes futures fonctions puisque le directeur doit tâcher d’analyser et

d’étudier ce qu’il observe dans l’exercice de ses fonctions tout en gérant le quotidien d’un

établissement ou service.

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Conclusion

Ce travail de recherche a été réalisé au moment où les contours de la laïcité et la visibilité des

religions dans l’espace public suscitent de vifs débats140.

Partant du constat que le principe de laïcité n’était pas suffisamment intégré dans le pilotage de

l’établissement de la directrice, j’ai d’abord tenté d’en comprendre les raisons avant d’étudier

comment il serait possible d’impulser une dynamique de changement pour le prendre pleinement en

compte puis pour le faire vivre au sein de l’EPEI.

Finalement, pour répondre à cette question, je me suis intéressée aux deux volets de l’application de

ce principe : son application aux jeunes qui nous sont confiés en tant qu’usagers du service public

d’une part, et son application aux professionnels en tant qu’agents publics et citoyens d’autre part.

S’agissant des jeunes, la DPJJ a pour ambition de garantir la continuité de leur parcours éducatif par

le biais, notamment, d’une meilleure individualisation141 des suivis et des modes de prise en charge.

Or, la prise en compte de la laïcité les concernant contribue à individualiser leur prise en charge.

S’il est encore un peu tôt pour évaluer concrètement les effets des expérimentations mises en œuvre

sur la qualité des prises en charge éducatives au sein de l’EPEI et vérifier ainsi mon hypothèse de

recherche, je suis convaincue de la grande utilité d’une réflexion globale sur la laïcité dans un tel

établissement. J’ai pu constater une véritable remobilisation des agents sur cette thématique dans

leur action éducative et un réel intérêt de la part des jeunes. Face au constat de la radicalisation

croissante d’adolescents et de jeunes adultes, il est primordial de déconstruire les représentations

erronées des jeunes que nous prenons en charge, d’aborder avec eux les questions ayant trait à

l’Histoire de la culture et des religions dans le monde ainsi que de leur transmettre les valeurs

républicaines dont la laïcité. Ce travail avec les jeunes est facilité aujourd’hui par la diffusion

régulière d’orientations nationales en la matière et par le déploiement de moyens humains et

financiers (notamment dans le cadre du PLAT).

S’agissant des professionnels, le travail de conciliation de leur obligation de neutralité avec leurs

droits et libertés fondamentaux de citoyen est un travail de longue haleine. C’est pourtant un travail

essentiel dès lors que la neutralité des agents publics permet de garantir la liberté de religion des

140En atteste par exemple l’article intitulé Pourquoi deux interprétations de la laïcité coexistent-elles en France ? Samuel LAURENT ; Elvire CAMUS. Le Monde.fr, 19 janvier 2016. 141 Note d’orientation du 30 septembre 2014, p.5 ; Avenirs, Le magazine de la DPJJ, #33 2016, Dossier : L’évaluation, une mission au cœur de l’action des professionnels, p. 6.

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jeunes qui nous sont confiés. J’ai pu constater qu’il était plus difficile d’aborder l’application du

principe de laïcité aux professionnels que l’application de ce principe aux jeunes accueillis. Ainsi à

l’EPEI, ce travail est engagé avec les équipes mais n’est pas achevé. Contrairement aux directives

existant en matière d’application du principe de laïcité aux jeunes pris en charge, le directeur doit

parfois interpréter les textes législatifs et règlementaires existants pour préciser la portée de

l’obligation de neutralité pour les professionnels de la PJJ142.

Le directeur, garant du respect des lois dans son service, doit intégrer la prise en compte de la laïcité

dans le pilotage de son établissement, mais puisque c’est un sujet particulièrement sensible, il doit

le faire en associant au maximum les équipes. Néanmoins, il semble bien que cette intégration ne

soit jamais un aboutissement car « la laïcité, ce n’est pas un état, mais un équilibre qui se conquiert

en permanence »143. Ensuite, pour faire vivre la laïcité dans l’établissement, il convient de

poursuivre un travail de suivi et d’accompagnement des RUE et des équipes dans la mise en œuvre

des actions, leur évaluation et leurs modifications au besoin.

Tout au long de ce travail de mémoire, j’ai gardé à l’esprit que lorsqu’un changement est

difficilement accepté, il est bon de rappeler aux agents le cœur de leur mission, c’est-à-dire la prise

en charge des jeunes. Frédéric Petitbon l’écrit ainsi : « le dirigeant doit sans cesse revenir aux faits,

aux réalités crues du terrain »144. Ainsi, j’ai constamment rappelé l’intérêt de ce travail autour du

principe de laïcité : respecter et garantir la liberté de religion des jeunes qui nous sont confiés,

permettre à ces jeunes de devenir des citoyens et de trouver une place dans la société. Cela donne

du sens à l’action des professionnels.

Le choix de s’appuyer sur l’évaluation interne comme outil de management participatif et comme

levier de conduite au changement semble opportun. L’actualisation annuelle du projet de service

pourrait également être le support d’un tel travail dès lors que d’autres champs prioritaires ne posent

pas ou plus de difficultés particulières : l’organisation du temps de travail permettant une continuité

du service public, le fond de la prise en charge éducative et le travail interdisciplinaire de telle

manière que le placement en EPE constitue une alternative à l’incarcération, l’aide à la décision du

magistrat, etc.

142 On ne trouve pas de texte spécifique qui tienne compte des particularités des fonctions d’éducateurs ou bien de texte qui indiquerait par exemple expressément que l’établissement n’a pas à adapter les repas d’un UEHC aux pratiques religieuses des agents. 143 Saül KARSZ, philosophe et sociologue, cité dans La Gazette santé social.fr, Pratiques professionnelles, La laïcité, un combat au quotidien, 19 mai 2011 : la laïcité c’est un équilibre entre l’obligation de neutralité des agents et leur liberté de religion en tant que citoyen, c’est un équilibre entre la neutralité des agents et la liberté de religion des usagers, c’est un équilibre entre le respect de la liberté de l’un et le respect de la liberté de l’autre. 144 Frédéric PETITBON, Le guide du manager public, Méthodes, objectifs et exemples, Editions d’Organisation, 4ème édition, Paris, 2005.

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Selon Bertrand Dubreuil, « pour dire comment habiter la fonction de direction, il n’y a pas de

recette toute faite », mais il affirme que « faute de solution qui pourrait valoir en dehors de la

personne qui les met en œuvre, c’est par l’analyse des situations de travail que chacun peut

progresser, habiter un peu plus sa fonction, assumer la part d’humain qu’il y a dans cet art de

diriger »145. C’est ainsi que ces différents actes de direction et expérimentations ont contribué à

construire mon identité professionnelle : l’analyse de chacune des situations auxquelles j’ai été

confrontée m’a permis d’habiter un peu plus mes futures fonctions, qu’il s’agisse des réunions que

j’ai animées, des multiples discussions auxquelles j’ai participé, des échanges que j’ai pu avoir avec

les jeunes (durant les entretiens d’accueil, les entretiens de « recadrage » ou les discussions

informelles dans les couloirs, etc.).

Ce travail de mémoire m’a fait prendre conscience de la grande difficulté à prendre du recul avec la

gestion du quotidien et de l’urgence pour prendre le temps de la réflexion individuellement et

collectivement. Tenter de donner du sens à la prise en compte de la laïcité au sein de l’établissement

m’a pourtant montré qu’il était essentiel de permettre aux équipes de se réunir et de dialoguer146.

J’ai perçu l’importance pour les professionnels (RUE, éducateurs, psychologues, cuisiniers,

adjointes administratives) de comprendre nos décisions, les raisons pour lesquelles nous les

adoptons, les objectifs que nous poursuivons. Le DSPJJ est bien un traducteur147 dont le « rôle

consiste à articuler les différentes prescriptions et attentes avec les réalités du terrain et les enjeux

de l’action du service »148. Ce rôle suppose une capacité d’interprétation des différents signaux de

l’environnement, de la bienveillance et une bonne communication.

D’un point de vue méthodologique, j’ai été confrontée à la difficulté de devoir gérer les périodes

d’absence du service149 ainsi qu’à la densité de textes existants en lien avec la thématique de la

laïcité. Ce sont deux difficultés auxquelles je serai à nouveau confrontée dès l’année prochaine : il

faudra que j’organise scrupuleusement mes périodes d’absences et l’exploitation d’une information

foisonnante.

Le travail réalisé cette année au sein de l’EPEI me sera certainement très utile dans l’exercice de

mes fonctions à partir du 1er septembre. Il s’inscrit dans une problématique plus large qui est celle

de la lutte contre la radicalisation et le terrorisme. Un plan d’action du premier ministre a été diffusé

145 Bertrand DUBREUIL, Le travail de directeur en établissement social et médico-social, 2ème édition, Dunod, Paris, 2013, p.15. 146 En atteste notamment l’intérêt des professionnels pour le sujet à chaque fois que des espaces de dialogue ont été ouverts. 147 Traduire au sens de donner du sens, « ne pas répercuter directement les pressions et les prescriptions mais intégrer les dimensions complexes de l’action et prendre en compte les difficultés de nos subordonnés dans la construction de nos propres prescriptions » en tant que manager : Desmarais Céline, Abord de Chatillon Emmanuel, Le rôle de traduction du manager. Entre allégeance et résistance, Revue française de gestion 6/2010 (n° 205), Edition Lavoisier, p. 71-88. 148 Ibid. 149 Je pense par exemple à l’envoi des questionnaires que j’ai dû réaliser depuis la Suède lors du stage européen, alors que je n’avais pas toutes les adresses mail des professionnels de l’EPEI.

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le 9 mai. Il met l’accent sur la nécessité de diversifier les dispositifs de prévention et de mobiliser

des volets « citoyenneté » dans les projets éducatifs pour développer l’esprit critique et la capacité

de jugement des jeunes. Prendre en charge la radicalisation est l’un des défis de la PJJ pour les

années à venir150. Mais selon moi, le travail relatif à la laïcité et à la citoyenneté est un préalable à

cette prise en charge. Si nous aidons les jeunes qui nous sont confiés à se sentir citoyens et s’ils

parviennent à trouver une place au sein de la société, alors nous contribuons à réduire le risque de

radicalisation. Le directeur doit guider les professionnels et leur permettre d’accomplir cette tâche.

150 « 44. Renforcer la PJJ de 185 effectifs supplémentaires pour la mise en œuvre de ses missions de prise en charge de la radicalisation », Dossier de presse du Plan d’action contre la radicalisation et le terrorisme (PART) du 9 mai 2016, Premier ministre, p.8.

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Bibliographie

� Références bibliographiques :

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- BAUBEROT Jean. Les laïcités dans le monde. Que sais-je ? 3ème édition, Mayenne, JOUVE, novembre 2010.

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- BOURDIEU Pierre. Notes au lecteur, La misère du monde. Paris, Editions du Seuil, 1993. - BRUNETEAUX Patrick ; Corinne LANZARINI. « Les entretiens informels », Sociétés

contemporaines, N°30, 1998, pp. 157-180. - DESMARAIS Céline ; ABORD DE CHATILLON Emmanuel. « Le rôle de traduction du

manager. Entre allégeance et résistance », Revue française de gestion 6/2010 (n° 205), Edition Lavoisier, p. 71-88.

- DUBREUIL Bertrand, avec la collaboration de B. FREDJ, M. MARHADOUR et D. RAQUIN. Le travail de directeur en ESMS. 2ème édition, Domont, DUNOD, mars 2013.

- GUELAMINE Faïza. Faits religieux et laïcité : le travail social à l’épreuve, Repères pour une pratique professionnelle. Actions sociales. Domont, Esf Editeur, mars 2015.

- JANVIER Roland, Ethique de direction en institution médico-sociale et médico-sociale. Actions sociales. Domont, Esf Editeur, décembre 2014.

- KHALIFA Frank. Difficile laïcité Sources et enjeux. Paris, L’Harmattan, octobre 2014. - PETITBON Frédéric. Le guide du manager public, Méthodes, objectifs et exemples. 4ème

édition, Paris, Editions d’Organisation, 2005. - PICQ Jean. La liberté de religion dans la République. Nanterre, Odile Jacob, avril 2014. - SOULE Bastien. « Observation participante ou participation observante ? Usages et

justifications de la notion de participation observante en sciences sociales », Recherches qualitatives, vol. 27(1), 2007, pp.127-140.

- « La laïcité un combat au quotidien ». Dossier La Gazette santé sociale n°47 décembre

2008. - Dossier « Les jeunes, le religieux et la laïcité ». Les Cahiers dynamiques, revue

professionnelle de la PJJ, n°54, mars 2012. - « Laïcité dans la fonction publique : de la définition du principe à son application pratique »,

La documentation française. Haut Conseil à l’Intégration, Débats, 2012. - « Laïcité et fait religieux ». Forum, n°69 de juillet 2015.

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60

- Atelier Pédagogique de Production de Savoirs de l’ENPJJ, L’application du principe de laïcité dans les services et établissements accueillant des mineurs, Lila Lou REYNAL, Magid NASRI, Jamel HEDLI, Louise PIMMEL, Promotion FSD 23 2014/2016, mars 2015 (consultable à l’ENPJJ).

- « Religions, laïcité(s), démocratie ». Cahiers français n°389, 1er décembre 2015.

� Textes législatifs et règlementaires :

- Loi du 9 décembre 1905 concernant la séparation des Eglises et de l’Etat - Loi n°83-634 du 13 juillet 1983 portant droits et obligations des fonctionnaires, loi dite loi

Le Pors - Loi n°2002-2 du 2 janvier 2002 rénovant l’action sociale et médico-sociale - Décret n°2007-1573 du 6 novembre 2007 relatif aux établissements et services du secteur

public de la PJJ - Circulaire n° FP/901 du 23 septembre 1967 relative aux autorisations d’absence pour fêtes

religieuses - Circulaire n° 5209/SG du 13 avril 2007 relative à la charte de laïcité dans les services

publics - Circulaire PJJ du 19 novembre 2012 relative à l’évaluation interne dans les établissements et

services du secteur public de la PJJ

� Littérature grise :

- Conseil Supérieur du Travail Social (CSTS), Ethique des pratiques sociales et déontologie des travailleurs sociaux, Rennes, Editions ENSP, 2001.

- Rapport sur l’enseignement du fait religieux dans l’Ecole laïque de Régis DEBRAY, remis au ministre de l’Education nationale, Jack LANG, en 2002.

- Rapport de la Commission de réflexion sur l’application du principe de laïcité dans la République : rapport au Président de la République, STASI Bernard, remis en décembre 2003, 78 pages.

- Recommandations de bonnes pratiques professionnelles : la conduite de l’évaluation interne dans les établissements et services visés à l’article L.312-1 du Code de l’Action sociale et des familles, ANESM, juillet 2009.

- « Guide Parents, familles et professionnels dans le cadre judiciaire », DPJJ, mars 2011. - Guide de l’évaluation interne des établissements et services de la PJJ élaboré par le bureau

des méthodes et de l’action éducative de la DPJJ, 2012. - Avis sur l’article premier du projet de loi relatif à la déontologie et aux droits et obligations

des fonctionnaires de l’Observatoire de la laïcité, 3 février 2015. - Rapport annuel de l’Observatoire de la laïcité 2014-2015, 30 juin 2015, 362 pages.

� Articles de presse :

- « A quelle laïcité se vouer en France ? » Stéphanie LE BARS, Le Monde, Culture et idées, 10 janvier 2014.

- « Amedy Coulibaly, de la délinquance au terrorisme ». Mathieu SUC, Le Monde, 10 janvier 2015.

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- « La laïcité, « une interprétation fallacieuse de la neutralité de l’Etat ». Delphine SAUBADER, L’Express, Société, 6 février 2015.

- « Financer le culte musulman par la viande halal ? » Florence BERGEAUD-BLACKLER, Anthropologue, chargée de recherches au CNRS, à l’Institut de recherches et d’études sur le monde arabe et musulman (Iremam) et auteure de l’ouvrage Le sens du halal, une norme dans un marché mondial (CNRS éditions, avril 2015), Libération, 3 mars 2015.

- « Les terroristes sont souvent des voyous ratés ». Mathilde SIRAUD, Le Figaro, 23 mars 2016.

- « Contre toute attente la tolérance a gagné du terrain en France en 2015 ». Maryline BAUMARD, au sujet du Rapport 2015 sur le racisme, l’antisémitisme et la xénophobie publié le 2 mai par la Commission nationale consultative des droits de l’homme (CNCDH), Le Monde, Société, 2 mai 2016.

� Sites Internet :

- Frédérique HARRY, Maître de conférences en Études nordiques à l’Université

Paris-Sorbonne, Vers une laïcité nordique ? P@ge Europe, La Documentation française © DILA, 21 mai 2013.

- La laïcité, un combat au quotidien, La Gazette santé social.fr, Pratiques professionnelles, 19 mai 2011.

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Index des sigles

CEF : Centre Educatif Fermé CJ : Contrôle Judiciaire CODIR : Collège de Direction CSE : Chef de Service Educatif (grade) DAA : Dispositif Accueil Accompagnement DIPC : Document Individuel de Prise en Charge DIRPJJ : Direction Interrégionale de la Protection Judiciaire de la Jeunesse DPJJ : Direction de la Protection Judiciaire de la Jeunesse DS : Directeur des services DT : Direction Territoriale DTPJJ : Direction Territoriale de la Protection Judiciaire de la Jeunesse ENPJJ : Ecole Nationale de la Protection Judiciaire de la Jeunesse EPEI : Etablissement de Placement Educatif et d’Insertion ESMS : Etablissements et Services Sociaux et Médico-Sociaux ETP : Emploi à Temps Plein FJT : Foyer Jeunes Travailleurs HD : Hébergement Diversifié JE : Juge des Enfants MEHD : Mission Educative d’Hébergement Diversifié MNVI : Mission Nationale de Veille et d’Information NDPJJ : Note de la Direction de la Protection Judiciaire de la Jeunesse OTT : Organisation du Temps de Travail PJJ : Protection Judiciaire de la Jeunesse PLAT : Plan de Lutte Anti Terroriste PTF : Pôles Territoriaux de Formation RUE : Responsable d’Unité Educative UEAJ : Unité Educative d’Activité de Jour UEHC : Unité Educative d’Hébergement Collectif

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Annexes

Annexe 1 : Courrier envoyé par la DIR le 27 mai 2015 p. 64

Annexe 2 : Compte-rendu de la « Réunion jeunes » du 15 décembre 2015 p. 67

Annexe 3 : Compte-rendu de la « Commission cuisine » p. 69

Annexe 4 : Compte-rendu de l’entretien avec le magistrat p. 73

Annexe 5 : Echéancier de l’évaluation interne 2015-2016 p. 77

Annexe 6 : Questionnaire envoyé aux DS par la DIR p. 78

Annexe 7 : Questionnaire adapté aux agents de l’EPEI p. 82

Annexe 8 : Ordre du jour de la réunion du groupe de travail sur la laïcité p. 85

Annexe 9 : Compte-rendu de la réunion d’évaluation interne « laïcité » p. 86

Annexe 10 : Plan de déclinaison des actions d’amélioration « laïcité » p. 92

Annexe 11 : Fiche information régime alimentaire p. 95

Annexe 12 : Note de service relative à la période du ramadan p. 96

Annexe 13 : Compte-rendu de la réunion sur la nouvelle OTT DAA p. 99

Annexe 14 : Fiche projet « Engagement citoyen » p. 102

Annexe 15.1 : Projet « Shalom Paix Salam » des éducatrices référentes p. 109

Annexe 15.2 : Fiche projet « Shalom Paix Salam » p. 113

Annexe 16 : Charte d’engagement famille d’accueil p. 114

Annexe 17 : Courrier d’autorisation parentale barbecue p. 115

Annexe 18 : Pré-projet d’un éducateur pour une instance laïcité p. 116

Annexe 19 : Un planning DAA avec « une action citoyenne » le mercredi p. 118

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Annexe 1

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Annexe 2

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Annexe 3

Entretien avec le cuisinier et la maîtresse de maison Le 05/01/2016

M. X, cuisinier depuis 2002 dans l’établissement, environ 45 ans ; Mme Y, maîtresse de maison à 50% à l’UEHC et aide cuisine à 50%, a pris ses fonctions le 1er octobre 2015, 33 ans.

Le projet d’établissement de l’EPEI énonce que des « Commissions cuisine » sont programmées

trimestriellement. Ces commissions ont trois objectifs inscrits dans le document de référence de

l’établissement : - anticiper l’élaboration des menus sur les trois à cinq semaines à venir et la programmation

de l’achat des denrées alimentaires selon les menus arrêtés et non l’inverse (pas d’élaboration des menus selon les courses réalisées sauf en cas de promotion exceptionnelle)

- d’équilibrer les menus et collations pour les usagers et les professionnels à la fois pour qu’ils mangent le plus sainement possible et pour que soient respectés aux mieux les croyances religieuses des usagers (respect des interdits alimentaires tout en proposant des repas équilibrés pour tous)

- de prendre en compte la spécificité des fiches de poste des personnels « non éducateurs » mais néanmoins « éduquant » dans une logique de management propre à l’exigence de leur fonction et pour permettre une meilleure articulation avec les autres membres de l’équipe (point sur l’organisation du pôle cuisine, anticipation des congés, organisation e la continuité du service, articulation avec les ateliers cuisine DAA, recueillir les demandes diverses de ces personnels, etc).

Ainsi, je profite de la « Commission cuisine » que je suis chargée d’animer en représentation de la

Direction le mardi 5 janvier 2016 pour aborder la question du contenu des repas à l’UEHC avec

les deux membres du personnel de cuisine.

L’objectif de cet entretien est double : - il s’agit d’une part de poser des questions aux personnels de cuisine –cuisinier et maîtresse

de maison- (particulièrement au cuisinier qui travaille à l’UEHC depuis 2002) pour connaître et mieux comprendre l’histoire de l’établissement ;

- d’autre part, je souhaite recueillir leur avis sur la ou les expérimentations que je pourrais envisager (en m’appuyant sur l’outil de l’évaluation interne) en matière de contenu et d’élaboration des repas au foyer. Avant d’élaborer le plan d’action de l’évaluation interne, je tiens à leur faire part des propositions émises par les éducateurs lors de la réunion du groupe de travail « laïcité » du mois de novembre afin de savoir ce qu’ils en pensent (puisqu’ils n’étaient pas présents) ; j’aimerais savoir s’ils ont des idées ou des propositions d’action(s) à me soumettre ; j’aimerais leur faire part de mes idées et enfin, j’aimerais exposer les objectifs de travail (lors de la réunion d’établissement du 12 janvier, un plan d’actions d’amélioration sera présenté et proposé à tout le personnel de l’EPEI, il comprendra une partie sur des changements pouvant être opérés en matière d’élaboration des menus).

Cet entretien a lieu en fin de « Commission cuisine ». Ces deux agents n’ayant pas pu participer,

partiellement ou en totalité, à la réunion de travail sur la prise en compte de la laïcité à l’EPEI du

mois de novembre, je rappelle brièvement le cadre légal et règlementaire de l’évaluation interne

ainsi que les raisons du choix de cette thématique.

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Ensuite, je leur explique que les objectifs de l’entretien.

Comment vos habitudes de travail peuvent-elles s’expliquer, comment se fait-il que la nourriture proposée aux jeunes soit exclusivement confessionnelle, c’est-à-dire halal ? Le cuisinier : « Quand je suis arrivé en 2002, il n’y avait pas de halal du tout. Petit à petit, on a été confronté aux revendications des éducs’ qui voulaient manger de la viande certifiée halal. Mon ancien collègue cuisinier et moi on a cédé pour des raisons pratiques car il y avait trop de prises de tête » La maîtresse de maison : « Après il nous arrive de cuisiner des repas sans viande pour éviter les problèmes (tartines de fromage, repas végétarien) du coup cela permet d’être en conformité avec les orientations nationales ces jours là... Pour des raisons de santé, c’est de toute façon mieux quand on ne mange pas de la viande à chaque repas » Cela provenait-il d’une demande des jeunes ou bien d’une demande des professionnels ? Le cuisinier : « Franchement, cela vient plus des professionnels… » « L’ancien directeur ne s’en occupait pas directement, il y avait un coordinateur avant la création du poste de responsable d’unité et c’est avec lui qu’on voyait » La maîtresse de maison : « Au fond les jeunes quand ils ont faim et que le plat leur fait envie, ils trouvent toujours un verset du Coran qui les autorise à manger....et ils mangent » Le cuisinier : « Les professionnels sont bien plus revendicatifs que les jeunes puisque certains ont déjà fait les poubelles à l’époque pour vérifier la certification halal, d’autres demandaient aux jeunes de vérifier auprès de nous si le repas était bien halal... » « Et actuellement, certains éducs’ ne mangent pas la viande halal qu’on cuisine car elle ne vient pas de Pro Inter (boucherie halal spécifique)... mais au moins ils ne nous font aucun reproche » Je leur rappelle que les demandes des jeunes doivent être entendues, prises en compte dans la

mesure du possible mais les agents n’ont pas à avoir de revendications. Ils peuvent manger ce

qu’ils veulent lorsqu’ils mangent chez eux à la maison, ils n’ont pas à avoir d’exigences sur leur

lieu de travail.

Que pensait l’ancienne direction de cette pratique et quelle était sa position ? Le cuisinier : « L’ancien directeur ne s’occupait pas directement de ces questions. Avant l’arrivée de la responsable d’unité, il y avait un coordinateur qui avait en gros les fonctions de RUE. C’est avec lui qu’on voyait ça. … Je ne suis pas certain que ça ait joué mais bon, ce coordinateur était issu de l’immigration maghrébine. Peut être que ça explique certaines choses » Comment les jeunes savent-ils que la nourriture est ou n’est pas halal ? Vous posent-ils la question ? Ou bien demandent-ils aux éducateurs ? Le cuisinier : « Comme c’est désormais tout le temps comme ça, c’est devenu coutumier donc ça se sait. Soit les jeunes se parlent entre eux, soit ils demandent aux éducs, soit ils nous

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demandent. Si on voit qu’un jeune ne touche pas à la viande on lui demande pourquoi pour savoir pour la suite quelles sont ses habitudes alimentaires » La maîtresse de maison : « Mais il faut savoir qu’en ce moment le groupe de jeunes a d’autres demandes, plusieurs d’entre eux sont indifférents au halal ou non halal et plus encore, au moins quatre des jeunes présents nous ont demandé récemment « une bonne choucroute » ou simplement du « porc ». C’est pour ça que c’est sans doute le bon moment pour expérimenter un autre fonctionnement » J’ai relevé que pour le repas de fin d’année mercredi soir 16 décembre, vous avez fait un repas avec de tout (du halal et du porc), qui en a décidé ainsi ? Le cuisinier : « Nous deux, librement. On a décidé ça et c’était vraiment bien » Nous relevons tous les trois que ça s’est en effet très bien déroulé la veille tant avec les jeunes

qu’avec les agents. Nous avions fait une raclette et il y avait de tout. Du porc (escalope, salami) et

de la viande halal. L’un des appareils de « pierrade » n’a été utilisé que pour le halal afin que

cette viande ne soit pas cuite avec le porc mais cela s’est fait naturellement, sans la moindre

difficulté.

Pourriez-vous changer ces habitudes là et ne plus cuisiner que de la viande halal lorsque vous faites de la viande ? D’un point de vue pratique et organisationnel ? Le cuisinier : « … Ce sera compliqué » La maîtresse de maison : « Franchement je suis heureuse si on entame cette réflexion car ça me choque beaucoup depuis mon arrivée ici. Je ne comprends pas cette pratique du tout halal. Cela entraîne des conflits entre les jeunes selon les confessions. Ceux qui ne mangent pas halal ou qui veulent du jambon dans leur sandwich - d’ailleurs souvent les jeunes me demandent quand est ce qu’on aura du jambon dans les sandwichs -, ceux-là sont montrés du doigt et sont critiqués par les autres jeunes » J’explique que justement les dernières orientations nationales visent à éviter ce genre de

situation et de contexte ou la stigmatisation est inversée. Cela n’est pas convenable. Il doit y avoir

de tout afin que les jeunes apprennent à accepter les différences d’idéologie, de philosophie, de

religion.

La maîtresse de maison me demande alors si elle a le droit de proposer du porc aux jeunes. Elle

me demande « si c’est légal ».

Je lui indique que c’est tout à fait légal et que simplement, pour ne pas priver les jeunes qui ne

mangent pas de porc, il faudrait qu’une alternative soit proposée (une autre viande, un repas

sans viande ou du poisson).

L’idée des éducateurs soulevée le 3 novembre est exposée et expliquée à A. et B.

S’ils ne sont pas farouchement opposés à une expérimentation, le principe « à la carte » leur

déplaît profondément. Outre des difficultés pratiques de mise en œuvre, l’option de permettre

aux jeunes de choisir systématiquement leur menu en amont ne les satisfait pas du tout. Ils

expliquent que les jeunes se croient déjà suffisamment « à l’hôtel » et qu’ils ne souhaitent pas

augmenter encore leur sentiment de toute puissance. Ils ajoutent qu’en plus « on n’a pas toujours

le choix dans la vie, il n’y a pas de raison qu’ils l’aient systématiquement au foyer ».

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L’idée de faire deux plats consistants au sens de proposer ponctuellement deux viandes (l’une

halal l’autre non, voire une viande cacher si un jeune placé demandait à bénéficié de cela) ne

semble pas leur déplaire. Toutefois, ils craignent une augmentation des dépenses et des pertes

(c’est-à-dire du gaspillage).

L’idée d’une alternance des types de repas (végétarien, halal, non halal, poisson, autres) recueille

davantage d’enthousiasme mais A. et B. craignent d’avoir de nombreux reproches de la part des

jeunes qui sont habitués au système actuel.

Je les invite à y réfléchir et je leur dis que je reviendrai vers eux après m’être concertée avec la

directrice. En effet, nous projetons de réfléchir ensemble à une proposition de changement

pouvant satisfaire le plus grand nombre au sein de l’équipe de l’UEHC. Nous proposerons une

expérimentation lors de la réunion d’établissement du 12 janvier.

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Annexe 4

Compte-rendu de l’entretien avec le Juge des enfants-coordinateur du 1er mars 2016

Dès le mois de novembre, j’ai sollicité un entretien avec deux des Juges des enfants des deux

ressorts du territoire. Pour l’une d’entre elles, le rendez-vous que nous avions fixé le 9 février a

été supprimé en raison d’un congé de maternité intervenu plus tôt que ce qui était projeté. En

revanche, après quelques relances, madame la Juge des enfants de la principale juridiction du

territoire a accepté de s’entretenir avec moi dans son cabinet. Ce magistrat est également le

coordinateur des cinq juges des enfants (JE) du Tribunal de Grande Instance.

Elle occupe ses fonctions dans ce ressort depuis huit ans. Avant cela, elle a déjà été Juge des

enfants en remplacement durant un an et demi puis quatre mois et elle a été Juge de

l’application des peines durant plusieurs années. C’est donc forte de son expérience dans ces

fonctions qu’il m’a semblé intéressant de recueillir son avis sur diverses questions en lien avec la

prise en compte de la laïcité dans un Etablissement de Placement Educatif et d’Insertion de la PJJ

auquel elle confie très souvent des jeunes sous main de justice.

Je rédige ce compte-rendu à l’aide d’une prise de notes réalisée durant l’entretien. Certaines

paroles sont retranscrites en totalité lorsque j’ai pu les prendre intégralement en notes et

qu’elles me paraissaient particulièrement intéressantes. Elles sont alors entre guillemets.

• S’agissant de l’accueil : Identifiez-vous clairement les différentes unités et missions de l’EPEI ? UEAJ / MEHD / UEHC ? Avez-vous déjà visité l’EPEI ? Désormais, forte de son expérience sur le territoire, elle pense clairement identifier les différents services et les différentes missions de la PJJ sur le territoire. Toutefois, elle m’explique qu’il est très difficile pour un juge des enfants de comprendre l’organisation et le fonctionnement de la PJJ lors de sa prise de poste. Non seulement il y a un grand nombre de sigles (comme dans tout le champ du travail social) mais encore, les éducateurs utilisent de nombreux termes et expressions qui sont propres à leur corps professionnel dans les rapports éducatifs (elle cite à titre d’exemple « le passage à l’acte », utilisé à de nombreuses reprises sans que le juge puisse toujours comprendre de quel acte il s’agit (acte délinquant, violent, tentative de suicide ?). On pourrait dire (de façon caricaturale très schématiquement) qu’il y a deux sortes d’éducateurs avec lesquels il peut être compliqué de travailler à la PJJ: il y a ceux qui pensent que les magistrats ne comprennent rien et sont très loin de la réalité de leur travail quotidien et il y a ceux qui au contraire pensent que les magistrats savent tout (de la psychologie de l’enfant et de l’adolescent à la sociologie par exemple). Or, elle me rappelle que leur formation est avant tout juridique. Le juge des enfants, s’il peut suivre des formations et découvrir bien sûr des ouvrages par lui-même, ne bénéficie pas ab initio d’une formation spécifique aux fonctions de JE. Comme elle travaille beaucoup avec l’EPEI, elle identifie bien les trois missions de celui-ci. Elle se rend régulièrement à l’UEHC (particulièrement pour la rencontre partenariale organisée généralement au mois de juin autour d’un barbecue).

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- Êtes-vous satisfaite de la communication EPEI – magistrat ? Ce magistrat est très satisfait de la communication avec l’EPEI qu’il s’agisse des rapports qu’elle entretient avec la responsable d’unité ou avec la directrice. Elle m’explique que les relations professionnelles étaient totalement différentes avec l’ancien directeur qui, selon elle, n’incarnait pas « le rôle de directeur ». Depuis l’arrivée de la directrice actuelle en 2013, la collaboration est efficiente. - Quelles sont vos représentations d’un accueil à l’EPEI ? C’est une question qu’elle ne s’était jamais posée. Elle y réfléchit un instant puis me répond : « J’imagine qu’il y a un premier entretien d’accueil dans l’unité assuré par un membre de l’équipe éducative -si l’heure est tardive par exemple- ou bien par l’un des cadres. Je pense qu’un entretien institutionnel doit systématiquement être organisé (au moins le lendemain de l’arrivée du jeune lorsque ce n’est pas possible tout de suite) au sens où l’un des cadres doit recevoir le jeune pour : expliquer le cadre judiciaire, les règles de fonctionnement de l’établissement, remettre des documents, expliquer le travail qui sera fait avec la famille…». Je dois admettre que ces représentations correspondent parfaitement à la réalité. De votre place de magistrat prescripteur, qu’attendriez-vous de cette phase d’accueil d’un jeune dont vous demandez le placement UEHC ou MEHD ? La réponse à cette question rejoint ce qui a été dit précédemment puisque finalement, les attentes de la JE correspondent à ses représentations. Ce qui lui paraît essentiel, c’est que la responsable d’unité ou la directrice du service expose le cadre judiciaire dans lequel le jeune est placé de manière claire et compréhensible pour le jeune et pour sa famille lorsqu’elle est présente. - Dans la NDPJJ du 4 mai 2015 relative aux lignes directrices du règlement de fonctionnement, l’administration centrale de la PJJ demande aux établissements d’interroger les parents sur les pratiques religieuses ou l’absence de pratique religieuse de leur enfant lors de l’entretien d’accueil. L’établissement doit respecter les pratiques / rites alimentaires lorsque la demande est expressément formulée par le jeune et par ses représentants légaux. Qu’en pensez-vous ? Parfois, la communication est très difficile avec les parents : selon vous, que devrions nous faire lorsque les parents et le jeune n’expriment pas la même demande ? Devrions-nous faire droit aux demandes de l’adolescent en construction ou bien respecter la demande des parents ? Selon elle, la question de la laïcité est « mal posée » aujourd’hui dans la société. Elle est devenue « rigide ». La société tend à « éradiquer les signes religieux de la sphère publique », ce qui est certainement une « erreur fondamentale ». « Il faudrait d’une part une grande tolérance pour la liberté de religion (et donc pour la liberté de manifester ses croyances) et d’autre part une intransigeance s’agissant des expressions religieuses radicales, extrêmes ». Nous devons « favoriser l’épanouissement du jeune dans le cadre de sa construction et être attentif à sa volonté de quitter son milieu naturel, les jeunes en général et ceux que nous plaçons en particulier, sont très souvent en rupture avec la famille », « je pense que nous devons laisser la liberté de choisir au jeune afin qu’il apprenne à penser et qu’il puisse devenir un adulte puisque c’est cela l’objectif du travail éducatif ».

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Elle me donne ensuite un exemple très concret d’une situation professionnelle dans laquelle elle s’est retrouvée il y a quelques temps : dans le cadre du suivi judiciaire d’une petite fille de 5 ans qui était placée en famille d’accueil et dont les parents ne se manifestaient plus. Un jour, le père a passé un coup de téléphone et a exigé que sa fille ne mange pas de porc dans ses différents lieux de placement (familles, foyers). Cette consigne a été inscrite dans le dossier de la jeune fille. Une réflexion sur une adoption simple était en cours. Les parents n’avaient aucun droit de visite. Un jour lors d’une audience, la fillette demande à poser une question à madame la juge : « il paraît que je n’ai pas le droit de manger de porc pourtant j’aime beaucoup la tarte flambée ». A ce moment là, le magistrat a décidé d’expliquer le contexte à cette jeune fille qui comprenait très bien ce que les adultes lui expliquaient : elle lui a expliqué ce qu’était l’autorité parentale et ce que cela impliquait pour les enfants, elle a expliqué à cette jeune fille que son papa était musulman et qu’il souhaitait qu’elle ne mange pas de porc par convictions, néanmoins, elle a expliqué considérer que dès lors que les parents sont absents et ne s’investissent pas dans le suivi éducatif de leur enfant, alors l’enfant peut librement choisir de manger ce qu’il veut, y compris de la tarte flambée ». A fortiori, il paraît très difficile de refuser à un adolescent de choisir librement de pratiquer un culte ou de ne pas le pratiquer au motif que les parents n’exprimeraient pas le même souhait et qu’ils sont détenteurs de l’autorité parentale. Au même titre que l’école vise à permettre aux jeunes d’apprendre à penser par eux-mêmes, selon la JE interrogée, un établissement de la PJJ doit permettre cela également. « Un jeune doit pouvoir être entendu, nous –les adultes et particulièrement les éducateurs- devons l’aider à trouver sa place dans la société. Dès lors qu’il respect les règles sociales et les libertés d’autrui, il doit pouvoir s’exprimer et formuler des demandes auxquelles nous devons faire droit. » • S’agissant de la laïcité : - Quelles sont vos représentations de la prise en compte de la laïcité dans un établissement du secteur public accueillant des mineurs (ou des jeunes majeurs) ? « Je me souviens d’une action qui avait été menée par l’éducatrice X il y a un peu plus d’un an, je trouve que c’était un superbe projet ». Madame le juge fait référence au projet « Shalom, Paix, Salam » piloté par l’EPEI quelques temps auparavant. Elle m’indique donc connaître certaines actions menées par la PJJ toutefois, elle se demande comment s’organisent l’UEHC et l’UEAJ pour la prise des repas avec les jeunes. Je prends le temps de lui expliquer le fonctionnement de l’EPEI, les changements récents intervenus en la matière et je lui expose les dernières directives nationales qui nous ont été adressées. Madame le juge semble satisfaite des réflexions en cours à l’EPEI. - Selon vous, en tant qu’agent public, est ce contraire à l’obligation de neutralité de dire aux jeunes de quelle confession nous sommes ? De pratiquer un rite devant les jeunes ou que celui-ci soit perceptible (ramadan, ne manger que de la nourriture confessionnelle) ? « Je ne me serais jamais posée cette question il y a vingt ans. Mais elle doit être posée aujourd’hui. Avant tout aussi, je pense que la réponse varie selon les fonctions occupées. Pour un éducateur, j’ai envie de répondre que non, dire aux jeunes de quelle confession nous sommes ne porte pas atteinte au principe de neutralité du service public. Au contraire, en tant que magistrat, je ne me permettrais pas de dire à un jeune de quelle confession je suis. Un éducateur travaille nécessairement avec ce qu’il est, il doit être dans la vérité et donner à

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voir aux jeunes ce qu’il est. Les éducateurs doivent donner l’exemple aux jeunes, ils doivent leur montrer qu’on peut croire en différentes divinités et qu’on peut tolérer les opinions divergentes. Il me semble que les éducateurs doivent aider les jeunes à trouver leur place dans la société. » - Quelles sont vos attentes en matière de respect de la laïcité à l’égard d’un EPEI auquel vous confiez un jeune ? « Aujourd’hui, la religion est devenue un sujet tabou alors qu’elle devrait être évoquée comme tout sujet de société. Pour prévenir la radicalisation, il n’y a pas de meilleur moyen que d’évoquer le fait religieux. Ce que j’aimerais c’est que l’on donne les moyens aux jeunes de comprendre et de connaître leur société. » - A l’UEAJ et à l’UEHC les différentes équipes éducatives tentent activement de relancer un travail éducatif avec les jeunes sur les questions de citoyenneté et de laïcité. Y a t-il des actions éducatives spécifiques que vous souhaiteriez voir mises en œuvre à l’EPEI ? J’expose les idées qui ont été émises par les professionnels de l’EPEI (visite du Parlement européen, visite de musées, visite d’ancien camp de concentration, etc). « Tout cela me paraît très bien. Il faut enseigner la tolérance comme le ferait l’école si ces jeunes n’étaient pas déscolarisés. » - L’équipe de direction de l’EPEI a émis l’idée d’organiser un barbecue « interculturel » au mois de juin : il s’agirait d’inviter des représentants de différentes confessions (catholique, protestante, israélite, musulmane, bouddhiste) ainsi qu’une personne « sans confession » (un intellectuel philosophe peut-être), tous les professionnels de l’établissement et les jeunes pris en charge dans chacune des unités. Nous souhaiterions que chacun des représentants présents puissent dire un petit mot d’histoire sur leur confession et surtout, l’idée est de faire passer un message de tolérance justement. Que pensez-vous de ce projet ? Madame la juge exprime une grande satisfaction à l’égard de ce projet : « C’est de nature à faire naître la réflexion des jeunes. C’est la différence qui effraie, on se fait peur car on ne se connaît pas. Au contraire la connaissance rassure. Nos jeunes ont l’impression de ne pas faire partie de la société. Ce que j’aimerais profondément, c’est qu’ils comprennent qu’ils en font pleinement partie et que la justice est aussi leur justice. »

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Annexe 5 Echéancier de l’évaluation interne 2015-2016

• Questionnaires à retourner le 2 novembre 2015

• Réunion du groupe de travail sur « L’accueil des mineurs et de leurs familles » le 2

novembre 2015 à 14 heures à l’UEAJ

• Réunion du groupe de travail sur « La prise en compte de la laïcité » le 19 novembre à 14 heures à l’UEHC

• Réunion jeunes à organiser avant le 17 décembre 2015

• Compte-rendu de l’état des lieux participatif de l’évaluation interne lors de la réunion

d’établissement du 17 décembre 2015 à l’UEHC

• Demande de rencontre des magistrats en début d’année 2016

• Envoi des résultats de l’évaluation interne à la DIR au plus tard le 15 janvier 2016

• Présentation du plan d’actions d’amélioration lors de la réunion d’établissement de début d’année le 12 janvier 2016 à l’UEHC

• Point-bilan sur les actions menées depuis janvier lors de la réunion d’établissement de juin

(date à déterminer) Annexe 6

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Annexe 7

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Annexe 8

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Annexe 9

Compte-rendu des échanges du groupe de travail sur la prise en compte de la laïcité à l’EPEI

Réunion du mardi 19 novembre 2015

Dans le cadre de l’évaluation interne 2015/2016 de l’Établissement de Placement Éducatif et d’Insertion, la première réunion de travail se déroule à l’UEHC le 19 novembre à 9 heures 30 en présence des professionnels suivants : Pour des raisons d’organisation de service, la MEHD n’est pas représentée. La réunion est animée par Louise PIMMEL, Directrice stagiaire à l’EPEI. Il est brièvement rappelé que la démarche d’évaluation interne nous est imposée par la loi du 2 janvier 2002 rénovant l’action sociale et médico-sociale et par la Circulaire PJJ du 19 novembre 2012 relative à l’évaluation interne dans les établissements et services du secteur public de la PJJ. Cette réunion s’appuie sur les grands axes du questionnaire évaluatif qui a été envoyé aux professionnels :

- La laïcité dans l’institution - La laïcité dans les pratiques professionnelles - L’obligation de neutralité des agents

I. La laïcité dans l’institution

Si les documents relatifs au principe de laïcité sont généralement identifiés par les professionnels, ils n’ont pas tous été lus. L’équipe est favorable à recevoir une synthèse de la note du 25 février 2015 que Louise a proposé. L’EPEI n’a pas bénéficié d’apports d’experts ni de représentants des religions sur la question de la laïcité. Seuls deux des professionnels présents ont déjà pu participer à la formation Radicalisation organisée par le PTF de Nancy. Ils expriment un peu de déception à l’égard du contenu de cette formation :

- elle est centrée sur la religion de l’islam, ce qui contribue à la stigmatiser d’avantage ; - de nombreux détails sur l’islam sont abordés mais risquent de ne pas être très utiles

dans les prises en charge éducatives ; - il aurait été bon d’aborder plusieurs religions (au moins les trois grandes religions

monothéistes) pour avoir des éléments de connaissance dans plusieurs domaines ; - malheureusement, les professionnels n’ont pas trouvé de réponses ou d’outils leur

permettant d’agir contre la radicalisation : Comment agir face à un tel phénomène ? Que dire à un jeune que l’on soupçonne de se radicaliser ? Comment détecter la radicalisation ? Comment la traiter ? ;

- peut être manque d’information sur les phénomènes sectaires.

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Néanmoins, ils ont apprécié l’intervention de M. E. sur la manipulation par les images. C’est dommage que cette intervention ne soit intervenue qu’à la fin de la session de formation (attention moins accrue en fin de semaine et manque de temps pour poser plus de questions). Les professionnels expriment des besoins : ils sont démunis face aux problèmes de radicalisation quelle qu’en soit la nature. L’UEHC a connu cette année le cas d’un jeune souhaitant partir en Syrie. Actuellement, l’un des jeunes pris en charge à l’UEHC a été placé suite à des faits de profanation de cimetière juif. Il ne s’agit donc pas d’un islam radical mais d’une radicalisation antisémite cette fois-ci. Des difficultés sont éprouvées dans le suivi de ce jeune, notamment par une éducatrice maghrébine. Récemment, ce mineur a rencontré l’un de ses amis en présence d’un éducateur de l’Unité. Il se trouve que cette personne affirmait être un « skinhead » et clamait son attachement à l’histoire du IIIème Reich. Ce jeune s’est présenté comme étant « odiniste » (doctrine nordique ancienne à laquelle on pourrait attribuer des valeurs d’extrême droite et des croyances racistes). Il est tout à fait possible qu’un jour, les éducateurs soient confrontés à ce profil de jeunes. Cela démontre bien qu’il existe d’autres formes de radicalisation visibles chez les adolescents et non pas seulement l’islam radical dont on parle tant sur la scène médiatique et politique. Toutes ces formes de radicalisation préoccupent les professionnels de l’EPEI. Néanmoins, il faut relativiser cette radicalisation dont on parle actuellement : à la PJJ le nombre de jeunes dont la radicalisation est avérée est très réduit. Malgré cela, la formation radicalisation est imposée à tous les professionnels qui doivent y participer dans les trois années qui viennent. Or, la formation est décalée par rapport à la problématique réelle. Les professionnels ont des idées : faire intervenir auprès des jeunes une personne qui aurait connu un endoctrinement dans une secte puis qui s’en serait défait ; faire intervenir des militaires ayant combattu avec les armes au Moyen-Orient ; faire intervenir une ethnopsychiatre ou une pédopsychiatre auprès des professionnels. Leurs attentes vis-à-vis de cette formation étaient de découvrir des outils pour comprendre et détecter comment les jeunes peuvent se radicaliser. Les outils de la loi de 2002 abordent-ils le principe de laïcité ? Le livret d’accueil ne fait aucune référence au principe de laïcité ni à l’UEAJ ni à l’UEHC. Le Règlement de fonctionnement n’en fait pas non plus état. Dans le projet d’établissement, la liberté religieuse des mineurs est abordée dans la partie relative à la Commission cuisine. Les professionnels s’accordent sur le fait qu’il serait bon d’aborder cette question de façon plus précise dans ces documents (ou au moins dans l’un de ces documents) de manière relativement simple (c’est-à-dire accessible pour les jeunes et leurs familles ou bien de façon à pouvoir le leur expliciter de vive voix lors de l’entretien d’accueil par exemple). Il est difficile de se mettre d’accord sur une définition de la laïcité mais nous nous accordons néanmoins sur le fait que le principe de laïcité doit permettre le vivre-ensemble.

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II. La laïcité dans les pratiques professionnelles Globalement, les professionnels se sentent libres d’aborder les questions de religion avec les jeunes (sans influencer, sans juger). Le seul obstacle à ces échanges avec les jeunes est le manque de connaissance de certaines cultures et de certaines religions. L’absence de référence expresse à la laïcité dans les documents issus de la loi de 2002 n’entrave pas le respect de la liberté de conscience des mineurs pris en charge :

• A l’UEHC : - leur chambre est un espace d’intimité dans lequel ils peuvent pratiquer leur culte et

détenir des objets cultuels (Bible, Coran, tapis de prière etc) ; - durant la période de ramadan, des plateaux repas ont été proposés aux jeunes qui

exprimaient le souhait de jeûner. Ce système de plateaux repas devrait être reconduit car cela fonctionne bien (plus d’allées et venues la nuit entre les chambres et le réfectoire). Si des pertes alimentaires ont pu être engendrées selon l’engagement ou le désengagement des jeunes dans ce rite, leur droit de pratiquer une religion a été pleinement respecté sans que cela entrave le bon fonctionnement du service : chaque année la Directrice diffuse une Note de service qui encadre cette pratique (« Organisation du service au vu du respect du ramadan à l’UEHC de Strasbourg »). Cette Note vise à permettre le respect des dispositions de la charte de la laïcité du 13 avril 2007 et de celles de la loi du 2 janvier 2002. Ce système de plateaux repas est tout à fait conforme aux lignes directrices relatives à l’élaboration du règlement de fonctionnement ;

- en raison du grand nombre de jeunes accueillis à l’UEHC formulant la demande de pouvoir manger de la nourriture halal et pour des raisons pratiques, les repas contenant de la viande au foyer sont exclusivement halal. Si cette pratique respecte la liberté de conscience de la plupart des jeunes et si à ce jour elle n’a pas fait l’objet de vives oppositions, elle pourrait contrevenir à la liberté de conscience d’autres jeunes ne souhaitant pas manger de nourriture confessionnelle, qu’elle qu’en soit la raison. La distribution de repas exclusivement halal pourrait aboutir à « inverser la stigmatisation ». De la même manière, l’absence totale de viande de porc dans les menus ne satisfait pas systématiquement tous les jeunes. Actuellement par exemple, Sébastien serait heureux, semble t-il, de pouvoir en manger.

• A l’UEAJ :

- la liberté de conscience des jeunes est respectée dans la limite du respect des autres et de

la prohibition du prosélytisme ; - le repas est pris trois fois par semaine à l’UEAJ mais cela ne pose aucune difficulté : il est

très vite demandé aux jeunes inscris à l’UEAJ quelles sont leurs habitudes alimentaires afin de s’y adapter au mieux (possibilité de demander à manger de la nourriture confessionnelle, aménagement des activités, possibilité de bénéficier de temps de pause et de conditions de travail compatibles avec une période de jeûne, par exemple privilégier le travail à l’ombre en été). Lors de l’accueil, les pratiques alimentaires sont demandées aux parents.

La question de la prise des repas renvoie à une autre question : jusqu’où faut-il tenter d’associer les parents dans la prise en charge du jeune ? Selon les lignes directrices relatives à l’élaboration du règlement de fonctionnement des

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établissements collectifs de placement judiciaire du secteur public et du secteur associatif habilité (NDPJJ 4 mai 2015), « les pratiques culturelles et cultuelles en matière d’alimentation

doivent impérativement être évoquées avec les détenteurs de l’autorité parentale et le mineur au

début de sa prise en charge, notamment lors de l’entretien d’accueil, et aussi fréquemment que

nécessaire notamment lors de nouvelles demandes formulées par le mineur dans ce domaine ». A ce jour, aucune information n’est demandée aux parents s’agissant de la pratique d’une religion. L’idée de les associer au choix du jeune de pratiquer ou de ne pas pratiquer de religion au cours du placement (au sens des rites, des habitudes alimentaires, des visites de lieux de culte) paraît bonne en théorie, mais les professionnels s’interrogent sur la faisabilité du respect de ce choix : que faire si le mineur n’est pas en accord avec ses parents ? L’adolescence est une période de construction et il n’est pas surprenant ni anormal qu’un jeune veuille prendre le contre pied de ses parents : le cas échéant, devons-nous l’en empêcher ? C’est pourquoi, l’idée soulevée et semblant faire l’unanimité auprès des professionnels présents seraient de systématiquement proposer deux plats à chaque repas à l’UEHC. Pour éviter les pertes, l’idée serait de proposer en amont les deux plats aux jeunes afin qu’ils indiquent par avance quel est le plat qu’ils souhaiteraient manger (semaine par semaine par exemple, exception faite des jours « poisson » où un seul plat pourrait être imposé le vendredi ou un autre jour de la semaine). Les professionnels sont conscients des difficultés pratiques et du changement important que cela générerait pour les cuisiniers, cependant cette possibilité semble être la plus en conformité avec le principe de laïcité. Nous relevons que le fonctionnement actuel n’est conforme ni à la NDPJJ du 25 février 2015 relative à la mise en œuvre d’un plan d’action de la DPJJ en matière de respect du principe de laïcité et des pratiques religieuses des mineurs pris en charge dans les établissements et services du secteur public et du SAH et du principe de neutralité par les agents prenant en charge ces mineurs (« il ne peut être admis s’agissant de la nourriture confessionnelle qu’elle

soit proposée comme plat exclusif » p5), ni aux lignes directrices relatives à l’élaboration du règlement de fonctionnement du 4 mai 2015 (« en aucun cas il ne peut être délivré des plats

contenant de la nourriture confessionnelle de façon systématique à l’ensemble des mineurs pris

en charge » p.22). La proposition d’une alternance des repas hallal / non hallal / porc / poisson / voire repas végétariens a suscité quelques réticences : « si la laïcité c’est le respect de toutes les croyances, l’absence de possibilité de manger hallal lors d’un repas contrevient à ce principe ». Selon les lignes directrices de la DPJJ et l’avis du CGLPL du 24 mars 2011, lorsque la demande de pouvoir bénéficier de nourriture confessionnelle est expressément formulée par le mineur et les titulaires de l’autorité parentale, l’établissement « peut faire droit à cette demande » (selon la DPJJ) ; « la fourniture de viandes ou d’autres aliments préparés selon les rites

approuvés par les autorités religieuses compétentes doit être recherchée et mise en œuvre » selon le CGLPL (p.3).

En outre, lorsque la composition du groupe de jeunes accueillis à l’UEHC est majoritairement musulmane, le risque de perte alimentaire lors des repas non hallal est élevé. Ainsi, la question de la prise des repas semble devoir être travaillée à nouveau et les personnes présentes s’accordent pour dire que le fonctionnement actuel doit être modifié. Il n’a pas été possible de recueillir l’avis de monsieur ……, cuisinier, sur la question car ce

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dernier a dû quitter la réunion en milieu de matinée. Nous notons que les ateliers cuisine permettent de découvrir des plats qui ne sont pas proposés au moment des repas quotidiens. Lors de la réunion de rentrée le 15 septembre, la Direction a annoncé l’actualisation très prochaine des règlements de fonctionnement au regard des impératifs de la note du 4 mai. Ce travail d’actualisation est prévu par la Directrice et sera effectivement mis en marche à l’issue des travaux des deux groupes de travail de l’évaluation interne (volontairement attendus à cet effet).

III. La neutralité des agents Les agents expriment une grande satisfaction à l’égard de l’organisation du temps de travail lors des périodes de fêtes religieuses tant à l’UEAJ qu’à l’UEHC. Les professionnels semblent faire preuve de complémentarité et de solidarité sur ce point, de la même manière que lorsqu’il s’agit de permettre aux collègues parents de prendre des congés durant les vacances scolaires. Les responsables d‘unités tentent au mieux de répartir équitablement les congés et de faire droit aux ASA pour les fêtes religieuses. Durant les périodes de jeûne, l’UEAJ aménage les activités tant pour les professionnels que pour les jeunes. Les professionnels n’évoquent pas de difficultés particulières d’organisation concernant ces périodes. Au moment des fêtes religieuses, les jeunes et/ou les équipes éducatives sont à l’initiative de moments de partage qui favorisent l’apprentissage du vivre ensemble (soirées à thème ou sorties pour tous les jeunes avec ou sans confession). Les agents ont-ils des attentes particulières concernant le référent laïcité citoyenneté de la Direction territoriale ? Globalement, les professionnels souhaiteraient que la référente laïcité citoyenneté soit force de propositions pour venir en soutien au cours des prises en charge notamment lorsqu’ils sont confrontés à des jeunes tenant des propos « extrêmes » (comment réagir?). Des projets ont d’ores et déjà été envoyés à madame …………. par l’UEAJ et par l’UEHC (Projet devoir de mémoire, intervention d’un graffeur et d’une conteuse, camp pour le Nouvel an sur le thème de la laïcité et du respect d’autrui). Les agents regrettent simplement d’avoir dû monter ces projets dans l’urgence à l’annonce de l’existence d’un budget « radicalisation ». Ils souhaiteraient que la référente laïcité les informe de toutes les actions / idées pertinentes expérimentées dans les autres DT. Il serait particulièrement intéressant d’identifier des personnes ressources dans différentes cultures méconnues voire totalement inconnues des professionnels pour intervenir ponctuellement à l’EPEI lorsque les prises en charge le requièrent (par exemple un jeune sénégalais est actuellement pris en charge à l’UEHC, ce serait intéressant pour les agents d’en apprendre davantage sur la culture sénégalaise). Ainsi, selon le profil des jeunes accueillis, il pourrait être intéressant que la référente laïcité citoyenneté puisse mettre les équipes

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éducatives en lien avec des experts ou des personnes à même de les éclairer et de les aider à comprendre le fonctionnement du jeune et/ou de sa famille. Il serait pertinent de prendre lien avec des aumôniers de différentes religions qui seraient d’accord d’intervenir auprès des jeunes ou de les rencontrer (sur le modèle de l’Administration pénitentiaire). La question d’un travail approfondi sur la citoyenneté avec les jeunes dans toutes les unités est évoquée à de nombreuses reprises. Il apparaît essentiel pour les professionnels de revenir à cette question de la citoyenneté par divers moyens : par exemple par le biais d’une visite du Parlement européen (au premier contact avec cette institution il a été opposé aux éducateurs que le groupe pour une visite devait être d’au moins 20 personnes, ce qui n’est pas possible pour l’EPEI, la référente laïcité citoyenneté pourrait-elle intervenir et solliciter la collaboration de cette institution?). L’idée de permettre aux jeunes de voir le spectacle « A nos morts » de L’Affiche Rouge a été émise. La référente laïcité citoyenneté pourrait éventuellement nous mettre en lien avec la compagnie afin d’obtenir des places à un prix raisonnable ? (de prime abord prix assez élevé, une vingtaine d’euros la place). La responsable d’unité rappelle aux éducateurs la possibilité de passer par l’association « Tôt ou t’Art » pour permettre aux jeunes de participer à des activités culturelles. Conclusion : • Points forts :

- Globalement, la liberté religieuse des mineurs pris en charge à l’EPEI est respectée - Les fêtes religieuses sont des moments de partage favorisant le vivre ensemble et

l’apprentissage d’autres cultures - L’organisation du temps de travail ne pose aucune difficulté à l’EPEI - La prise des repas à l’UEAJ ne pose aucune difficulté - Les ateliers cuisines de l’UEHC permettent de découvrir la diversité gastronomique

• Points faibles :

- Il n’a jamais été proposé à un jeune de rencontrer un aumônier (à noter qu’une telle rencontre n’est possible qu’à l’extérieur de l’établissement et que l’accord des parents est requis selon la NDPJJ du 4 mai 2015)

- Des manques au niveau de la formation proposée par le PTF - Les repas à l’UEHC sont exclusivement composés de nourriture confessionnelle et absence

totale de viande de porc - Nécessité de travailler à nouveau la citoyenneté avec les jeunes (par exemple les jeunes bien

souvent ne savent pas ce qu’est le recensement), la place de la femme, les différentes coutumes qui existent dans le monde, l’histoire de l’immigration en France, l’histoire de leur ville, de leur région, etc.

Louise PIMMEL Directrice stagiaire EPEI.

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Annexe 10

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Annexe 11

DIRECTION DE LA PROTECTION JUDICIAIRE DE LA JEUNESSE DIRECTION INTER REGIONALE DE LA PROTECTION JUDICIAIRE DE LA JEUNESSE DIRECTION TERRITORIALE DE LA PROTECTION JUDICIAIRE DE LA JEUNESSE Établissement de Placement Éducatif et d’Insertion de

Fiche information régime alimentaire

Nom et prénom du jeune : ….............................................................. Régime alimentaire particulier demandé : □ oui □ non Si oui, lequel ?

□ Sans viande

□ Sans porc

□ Sans sel

□ Sans gras

□ Végétarien Allergie, intolérance ou pathologie spécifique : □ Lait

□ Œuf

□ Gluten

□ Diabétique Autres : Concernant l’alimentation, votre enfant a t-il des pratiques religieuses particulières ? …............................................................................................................................................................................................................................................................................................................................................................................................................................................ Fait à le …................................

Signature des représentants légaux :

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Annexe 12

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Annexe 13

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Annexe 14

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Annexe 15.1

Projet Culturel : Shalom Paix Salam

« La tolérance est une vertu qui rend la paix possible » EPEI de

Référents projet : ► Mme X, éducatrice PJJ ► Mme Y, éducatrice PJJ Nature : Visite de l'institut du monde Arabe / Visite du musée d'art et d'histoire du Judaïsme Lieu : Paris En tant qu'éducateurs à la protection judiciaire de la jeunesse, nous sommes souvent confrontés à des questions de culture et de religion. Ces questionnements reviennent de façon récurrente et nous pouvons nous apercevoir que pour des adolescents qui ont, pour beaucoup, quitté le système scolaire depuis longtemps, les questions d'histoire et de religion restent en suspens au profit de représentations pas toujours fondés et qui peuvent s’avérer, pour certains, dangereuses. Préjugés, intolérance et amalgames ont vite fait de « recouvrir » des questions essentielles portant sur la laïcité, et le vivre ensemble. La France est un pays laïc ou la liberté de culte existe et doit être préservée. Partant de ces points essentiels, nous nous sommes interrogés sur le comment éduquer, expliquer et faire voir à nos jeunes que tant de richesse et de diversité sont des éléments qui permettent une réflexion au-delà de l'appartenance religieuse. Nous entendons souvent des « a priori » qui nécessitent d'être repris et surtout travaillés.... C'est pourquoi ce projet que nous intitulons « Shalom Paix Salam » a vu le jour en 2014. En effet, le but étant d'expliquer à nos jeunes qu'être juif, chrétien, musulman ne se cantonne pas qu'à une appartenance religieuse mais que l'humain demeure en tant que tel et avant toute chose. Partir visiter des lieux comme l'institut du monde arabe et le musée d'art d'histoire du Judaïsme à Paris nous a permis d’évoquer avec eux des pans historiques mais aussi culturels. Cette dimension nous semble importante au vu du contexte actuel, dans une démarche de paix et d'enseignement. Au vu des récents événements sur l'année 2015, les attentats ayant touchés Charlie HEBDO en Janvier et Paris le 13 novembre, il nous semble primordial de reconduire un tel projet. Plus que jamais ces questions et les positionnements qui en découlent prennent de la place dans nos pratiques. En tant qu'éducateurs mais aussi en tant que citoyens français, nous nous devons de sensibiliser les adolescents dont avons la charge afin qu'il puisse profiter d'une vue d'ensemble sur les questions historiques mais aussi sur l'importance du vivre ensemble aujourd'hui, en France.

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1) Concepts généraux et visée éducative : La religion peut être comprise comme une manière de vivre et une recherche de réponses aux questions les plus profondes de l’humanité, cependant elle peut aussi être vue comme ce qu’il y a de plus contraire à la raison et jugée synonyme de superstition. Elle peut être personnelle ou communautaire, privée ou publique. Elle peut aussi se reconnaître dans la définition et la pratique d’un culte, d’un enseignement, d’exercices spirituels et de comportements en société.

La question est de savoir ce qu'est la religion ou plutôt ce que sont les religions, apparentées bien entendu à la culture qui les accompagne.

Parler de religion prend tout son sens avec la notion de tolérance.

La tolérance religieuse doit, à notre sens, être une attitude adaptée devant des confessions de foi différentes ainsi qu'envers les athées, agnostiques, non croyant etc.

Or nous remarquons, dans bien des domaines que ce n'est malheureusement pas toujours le cas. En effet, l’intolérance est souvent de mise lorsqu'il s'agit de respecter certaines différences.

Pour la « supprimer » ou du moins réussir à l'expliquer il est nécessaire de revenir sur ce qui est causé par la différence elle-même ou la méconnaissance de celle-ci.

C'est en partant de cette approche, qu'éducativement parlant il nous semble important voire capital de pouvoir mener une action auprès de notre public. Offrir à nos jeunes la possibilité de découvrir deux cultures par le biais de musées et travailler l'ouverture d'esprit nous tient à cœur en tant que professionnels.

Cette action se déroulera en deux temps avec l'appui et le soutient de l'association Shalom, Paix, Salam à Paris, avec laquelle nous avons déjà pu travailler en 2014.

2) Le projet :

La ville de Paris offre deux visites importantes et enrichissantes :

L'institut du monde Arabe et le musée d'art et d'histoire du Judaïsme.

Nous rendre sur place, nous permettra d’apprécier les musées et de pouvoir discuter sur des choses concrètes et réelles.

Nous pourrions ainsi découvrir les ressemblances entre le judaïsme et l'islam ainsi que les différences.

Les membres de l'association Shalom paix Salam sont prêts à nous accompagner dans ces visites afin d'expliquer à nos jeunes l'importance d'une telle alliance et leur montrer les travail entrepris pour promouvoir la paix entre religions en France.

Nous pourrions également bénéficier d'échanges intergénérationnels avec ces personnes.

De plus, nous souhaitons pouvoir organiser avec eux deux repas. L'un avec des spécialités Arabes et l'autre avec des spécialités Juives.

Une deuxième partie de ce projet pourra être envisagée dés le mois de septembre avec une intervention de Madame Latifa IBN ZIATEN mère de Imad IBN ZIATEN, assassiné par Mohammed Merah.

Cette dame intervient déjà à l'éducation nationale afin de promouvoir l importance du vivre ensemble.

Après contact, elle est prête à venir pour une intervention sur l'EPEI à la rentrée de septembre 2016

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Cela, déjà fort intéressant, serait à notre sens la continuité du projet SPS.

Le déroulement du séjour se ferait ainsi :

Découverte de l’institut du monde Arabe et Repas en compagnie des membres de l'association (spécialités arabes) sur une journée + une soirée

Découverte du musée d’art et d'histoire du Judaïsme (qui propose cette année un atelier sur les préjugés et sur les différences / ressemblances des trois religions monothéistes) et Repas en compagnie des membres de l'association (spécialités juives) sur une journée+ une soirée

Dates éventuelles : du 6 au 8 mai 2016 (départ le vendredi matin et retour le dimanche après midi)

Ces dates sont susceptibles de changer en fonction des disponibilités d’hébergement et des places aux musées qui sont à réserver au préalable. Il faudra donc attendre que le budget soit validé avant de pouvoir réserver de façon sûre.

Les éducateurs X - Y

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Annexe 15.2

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Annexe 16

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Annexe 17

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Annexe 18

Pré-projet pour une instance laïcité

- Cycle de formation en direction des professionnels de la PJJ autour de la thématique

de la laïcité dans leurs pratiques à la lumière des nouvelles orientations de la PJJ déclinant la contribution de la PJJ à la politique publique de prévention et de lutte contre les dérives sectaires.

- Création d'une dynamique partenariale locale (départementale ) en s'inscrivant dans

la politique de la ville en matière de veille et de prévention des dérives des jeunes confiés à la PJJ et leur entourage

Cadrage du projet : La DPJJ a été particulièrement concernée dans la mise en ouvre du grand plan national de prévention et de lutte contre le terrorisme et les dérives sectaires. Dans la note d'orientation de la DPJJ en date du 27 janvier 2015, il est clairement mis en avant la volonté de participer activement à cet élan national en matière de prévention et de lutte contre les dérives sectaires. Les moyens supplémentaires dédiés à cette mission sont révélateurs de l'importance accordée à ce nouveau défi. L'inscription de la PJJ dans les politiques publiques concernées couvre aussi bien les champs relatifs à la formation des professionnels, au repérage des situations à risque de dérives sectaires et à la participation au maillage national mis en place dans le cadre de ce plan national. Nous pouvons retenir de cette note d'orientation deux axes forts

− La formation des professionnels de la PJJ pour comprendre le phénomène et l'intégrer en en mesurant les incidences sur les pratiques professionnelles

− L'inscription de l'institution dans les politiques publiques définies par le plan national de prévention et de lutte contre les dérives sectaires.

C'est dans ce cadre général qu'est née l'idée de créer une dynamique autour de cette problématique. Constats empiriques : En effet, nous avons pu constater que les formations obligatoires initiales ou continues dispensées par l'ENPJJ et le PTF ne répondent pas aux grandes interrogations et attentes des professionnels et le sentiment de frustration en la matière est réel. Nous pensons qu'une formation dont le contenu est construit par les professionnels en fonction des besoins et des réalités du terrain peut répondre mieux aux attentes et besoins exprimés. Le phénomène de la radicalité, sous toutes ses formes, est une problématique complexe dont les enjeux impliquent une grande prudence dans l'analyse. Elle ne peut être abordée uniquement à la lumière des événements tragiques survenus en France ces derniers temps et tels qu'ils sont relatés par les médias.

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Il faut prendre la distance nécessaire et se donner le temps de comprendre et de saisir le phénomène avant de proposer des interprétations et/ou des actions. S'offrir des espaces de réflexion et d'échange pour mieux l'intégrer dans les projets de service comme dans les pratiques, c'est la finalité visée par ce projet. En consultant la fiche de poste un an après leur prises de fonction, les référents laïcité et citoyenneté au niveau départemental et inter régional, de par les missions qui sont les leurs, doivent jouer un rôle moteur dans la création de cette dynamique locale de formation, de décloisonnement et de partage de pratiques professionnelles. L'idée de la mise en place d'une mission de veille départementale ne peut se réaliser concrètement qu'en faisant ce double travail primordial de formation et d'inscription dans un réseau partenarial institutionnel et associatif. Proposition de démarches pour structurer le projet :

- Afin de clarifier la démarche et ne pas empiéter sur le cadre déjà mis en place, il faut organiser une rencontre entre le service et le référent laïcité et citoyenneté pour exposer l'idée et définir en semble les sa mise en pratique

- Définir une instance de pilotage qui assure le montage et la réalisation des actions prédéfinies

- Formaliser le projet et définir les moyens de sa réalisation - Partenariat - Moyens logistiques et humains - Critères d'évaluation et d'ajustement - Proposer un échéancier et un contenu précis des actions à mener.

Pistes de travail préliminaires : A court terme :

- Constituer un dossier thématique contenant, en plus de l'arsenal juridique les textes essentiels traitants de la question de la citoyenneté, laïcité, le fait religieux, l'identité, discrimination, l'histoire de l'immigration, l'égalité des chances, racisme, sexisme, etc.

- Recherche action sur les besoins en formation des professionnels sous forme de questionnaire anonyme

- Contact avec les partenaires pressentis (institutionnels et associatifs) - Travail sur le projet de service pour intégrer clairement cette problématique dans les

pratiques professionnelles et anticiper les situations éventuelles qui pourraient se présenter A moyen terme :

- Organiser une journée de formation « Fait religieux / citoyenneté dans le champ éducatif » Ce pré projet peut servir de base d'échanges pour en affiner les contours et le contenu ainsi que les modalités de sa mise en pratique. M. A. éducateur 12 mars 2016

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Annexe 19

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Tableau récapitulatif des actions

Phase 1 : Découverte du poste de directeur du lieu de stage Stage européen en Suède (Stockholm et Malmö) Phase 2 : Approfondissement Phase 3 : Responsabilité accompagnée

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Résumé

A mon arrivée en stage de deuxième année en septembre 2015, je découvre un EPEI qui semble

bien fonctionner. En y regardant de plus près, je constate que le pilotage de la directrice n’intègre

pas suffisamment la prise en compte de la laïcité, sujet actuellement très sensible dans notre société.

Pourtant, plusieurs constats dans l’établissement attestent qu’il serait bon d’engager une réflexion

collective sur le sujet.

Je m’interroge : dans quelle mesure la prise en compte de la laïcité peut-elle être intégrée dans le

pilotage du Directeur des services ?

A l’occasion de la conduite de la deuxième évaluation interne des établissements et service de la

PJJ, je m’intéresse tout particulièrement à cette question. Je me suis appuyée sur cet outil

managérial pour poursuivre une démarche de recherche au sein de l’EPEI puis pour impulser une

dynamique de changement en la matière. L’objectif n’est pas seulement d’intégrer une référence à

la laïcité dans le projet d’établissement mais encore, de faire vivre ce principe au sein de l’EPEI par

le biais de multiples actions et expérimentations.

Mots clés :

Laïcité – Citoyenneté – Evaluation interne – Changement

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MINISTERE DE LA JUSTICE Ecole Nationale de la Protection Judiciaire de la Jeunesse

MEMOIRE PROFESSIONNEL Formation statutaire des directeurs de service

23ème promotion « Janusz Korczak » - 2015/2016

La prise en compte de la laïcité par le Directeur d’un Etablissement de Placement Educatif et d’Insertion : impulser

une dynamique de changement

PIMMEL Louise

Sous la guidance de : Mme BRUGGEMAN Delphine, Chercheure à l’ENPJJ, Equipe de recherche Proféor-CIREL,

Université Lille 3 &

Mme TACLET Clarisse, Directrice de l’EPE Pays du Hainaut (Douai)

Master 2 Direction et responsabilités dans le champ social Université de Lille 2

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Remerciements Je remercie sincèrement mesdames Delphine BRUGGEMAN et Clarisse TACLET pour leur aide et leur accompagnement tout au long de ce travail de mémoire ainsi que pour leurs nombreux encouragements. Je remercie profondément ma tutrice de stage pour ses précieux conseils et son soutien indéfectible tout au long de cette année. Son exigence, son investissement et sa disponibilité m’ont énormément appris pour l’exercice de mes fonctions. Je remercie également les responsables d’unité pour leur bienveillance et pour le partage de leurs compétences, particulièrement en matière éducative et pédagogique. Leurs apports ont largement contribué à la construction de mon identité professionnelle. J’adresse aussi mes cordiaux remerciements à toutes les personnes qui, par leurs témoignages, leurs conseils et leurs critiques ont guidé et enrichi mes réflexions, et à celles qui ont accepté de me rencontrer et de répondre à mes questions durant mes recherches. Je remercie M. David NGUYEN, formateur chargé du dispositif de la Formation Statutaire de ma promotion, pour son engagement ainsi que mes collègues de la 23ème promotion « Janusz Korczak » pour leur dynamisme, leur bonne humeur, leur solidarité et pour nos innombrables échanges de pratiques durant ses deux années de formation. Enfin, j’ai une grande pensée pour tous les jeunes rencontrés durant ces deux années. Ils ont contribué eux aussi à ma construction professionnelle et surtout, ils m’ont permis de confirmer mon intérêt pour m’engager dans ce métier de Directeur des services de la Protection Judiciaire de la Jeunesse.

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Sommaire Introduction ………………………………………………………………………………………....4

1. Le constat d’une insuffisante référence à la laïcité dans l’organisation et le fonctionnement de l’établissement...................................................................................................9

1.1 L’histoire de l’EPEI et la priorisation des actions du directeur.......................................9 1.1.1 La découverte des unités et missions de l’EPEI...............................................................9 1.1.2 Le choix de la thématique de la laïcité comme sujet de mémoire..................................12 1.1.3 L’intérêt de ce sujet ........................................................................................................13

1.2 La combinaison d’une laïcité tolérante et d’une neutralité exigeante ...........................15 1.2.1 La laïcité en France et plus particulièrement à la PJJ.....................................................15 1.2.2 La neutralité des agents publics......................................................................................17 1.2.3 La conciliation de la neutralité des agents et la liberté de religion des usagers .............18

1.3 La diversité d’origines et de cultures des personnes composant l’institution...............20 1.3.1 Le changement du profil sociologique des travailleurs sociaux.....................................20 1.3.2 Le profil des agents et le profil des jeunes de l’EPEI.....................................................21 1.3.3 La nécessité d’un travail autour des questions de laïcité et de citoyenneté....................22

2. La poursuite de la démarche de recherche et l’amorce de la conduite au changement.....24 2.1 La démarche méthodologique de recherche.....................................................................24

2.1.1 Observations et lectures..................................................................................................24 2.1.2 Les échanges informels ..................................................................................................26 2.1.3 Les entretiens..................................................................................................................26

2.2 La poursuite de mes recherches dans le cadre de la démarche d’évaluation interne ..27 2.2.1 Le cadre légal et règlementaire de l’évaluation interne..................................................28 2.2.2 Un état des lieux participatif...........................................................................................30 2.2.3 Les résultats de l’évaluation interne...............................................................................34

3. L’intégration de la laïcité dans l’établissement par la mise en œuvre d’un plan d’actions d’améliorations.................................................................................................................................36

3.1. L’élaboration et la présentation d’un plan d’actions d’améliorations à partir du recueil de données ........................................................................................................................36

3.1.1 La réflexion à partir de l’analyse des données recueillies..............................................36 3.1.2 La concertation en équipe de direction...........................................................................38 3.1.3 La présentation des propositions d’actions aux personnels de l’établissement : coopération et collégialité comme principes éthiques de management .....................................38

3.2 Le suivi du plan d’actions et des expérimentations .........................................................39 3.2.1 Les actions du directeur..................................................................................................39 3.2.2 Les dynamiques de changement impulsées par unité ou mission ..................................41 3.2.3 Les impulsions transversales ..........................................................................................48

3.3 L’évaluation des expérimentations....................................................................................50 3.3.1 Les points de contrôle d’un pilotage correct de l’EPE par le directeur..........................50 3.3.2 Les indicateurs d’évaluation des actions issues de l’évaluation interne de l’établissement ...........................................................................................................................51 3.3.3 Les limites de ces expérimentations et les pistes d’amélioration...................................52

Conclusion………………………………………………………………………………………….55 Bibliographie……………………………………………………………………………………….59 Index des sigles……………………………………………………………………………………..62 Annexes……………………………………………………………………………………………..63 Tableau récapitulatif des actions…………………………………………………………………..119 Résumé………………………………………………………………………………………….....123

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« Il faut nécessairement accorder aux hommes la liberté du jugement et les gouverner de telle sorte que,

professant ouvertement des opinions diverses et opposées, ils vivent cependant dans la concorde. »

Baruch SPINOZA, Traité théologico-politique, chapitre XX, V, 14.

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Introduction

Ma deuxième année de formation statutaire des directeurs des services de la Protection Judiciaire de

la Jeunesse (PJJ) vient pleinement compléter la première, durant laquelle j’étais en stage sur le

même territoire1. Sans perdre de vue que chaque territoire peut avoir ses particularités locales et que

je peux être amenée à exercer mes futures fonctions dans d’autres directions interrégionales, cette

deuxième année et le stage en « hébergement » me confortent profondément dans mon choix

d’orientation professionnelle.

Après mes études de droit et une spécialisation en droit pénal et sciences criminelles, une

expérience d’assistante de justice pour la chambre correctionnelle de la Cour d’appel de Colmar

ainsi que divers engagements professionnels extra universitaires, j’ai choisi d’intégrer la PJJ afin

d’œuvrer pour la Jeunesse et pour la Justice. J’ai ainsi trouvé un métier à la frontière du juridique et

du social me permettant de faire vivre de nombreuses valeurs qui m’animent. Conformément à

l’esprit de l’ordonnance du 2 février 1945, je suis convaincue qu’il faut protéger l’enfance y

compris l’Enfance traduite en justice. Or, dans un contexte de durcissement de l’opinion publique à

l’égard de la jeunesse déviante, je ressens plus encore l’envie de m’engager et de m’investir pour

contribuer à la réduction des risques encourus par cette jeunesse d’une part et par la société d’autre

part.

L’Etablissement de Placement Educatif et d’Insertion (E.P.E.I.) dans lequel je réalise le « stage de

responsabilisation » est composé d’une Unité Educative d’Hébergement Collectif (U.E.H.C.), d’une

Unité Educative d’Activité de Jour (U.E.A.J.) et d’une Mission Educative d’Hébergement

Diversifié (M.E.H.D.) situées dans la même commune mais sur trois sites géographiquement

distincts. Il est dirigé par une Directrice des services en poste depuis le 1er septembre 2013. Chaque

unité est encadrée par une Responsable d’Unité et dispose de l’ensemble des ETP2 théoriques

correspondants aux dotations institutionnelles prévues. Un chef de service est missionné comme

coordinateur de la M.E.H.D.

Le projet d’établissement existe depuis novembre 2014. La Directrice a souhaité associer le

personnel éducatif et non éducatif à l’élaboration de celui-ci (mise en place de groupes de travail

transversaux pour permettre une réflexion collective). La réunion d’établissement de rentrée, le 15

1 Les trois stages de première année ont principalement consisté à découvrir la direction territoriale d’accueil pour le premier, à étudier la mission d’insertion de la PJJ en général et les partenariats existants en la matière en particulier pour le second, puis à découvrir les fonctions de directeur en milieu ouvert lors du dernier stage. 2 Emplois à Temps Plein.

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septembre 2015, permet de faire un bilan annuel des actions mises en œuvre et des objectifs de

service.

Les projets pédagogiques existent également et sont régulièrement actualisés, principalement selon

la diffusion de nouvelles directives nationales en ce qui concerne l’U.E.H.C. et la M.E.H.D., et

selon l’évolution des partenariats s’agissant de l’U.E.A.J3.

A mon arrivée à l’E.P.E.I. au mois de septembre 2015, le contexte semble très favorable à la

seconde année de formation : l’équipe de Direction est dynamique et réagit très rapidement à tous

les actes ou évènements pouvant s’apparenter à des dysfonctionnements, des gênes ou des entraves

à la bonne réalisation de la mission qui nous est confiée. Ainsi, de nombreux travaux sont en cours

(élaboration d’un DIPC4 unique commun pour chacune des unités de l’établissement, refonte de

l’organisation du « Dispositif Accueil Accompagnement », travail sur l’articulation inter-unités,

etc.). C’est pourquoi, à l’issue de ces cinq premières semaines de stage, je ne repère pas de

dysfonctionnement manifeste et je suis plutôt agréablement surprise5. Lorsqu’une insuffisance ou

qu’une pratique déplaisante est identifiée par l’équipe de Direction ou par l’un de ses membres, s’en

suit une réaction relativement rapide avec une temporalité d’exécution variable selon la conduite de

projet en cours.

Toutefois, attentive à cela notamment en raison du contexte sociétal et politique actuel, j’ai fini par

repérer un champ qui n’avait pas encore été investi par la Direction : la prise en compte de la laïcité.

J’ai souhaité faire des observations plus précises sur ce sujet.

Ainsi, je constate en premier lieu que le Projet d’établissement aborde brièvement la laïcité et

uniquement sous l’angle du droit des usagers. Il est inscrit dans le descriptif du fonctionnement de

la « Commission cuisine »6 que l’objectif de celle-ci est d’« anticiper la construction des menus » et

de les « équilibrer dans le respect des croyances religieuses de chacun (respect des interdits

alimentaires tout en proposant des repas équilibrés à tous) ».

3 « Projet pédagogique » est un autre terme pour désigner le projet d’unité. 4 Document Individuel de Prise en Charge : outil mis en place par la loi 2002-2 du 2 janvier 2002 pour garantir l’exercice effectif des droits et libertés individuels des usagers des structures sociales et médico-sociales, il s’agit de formaliser la relation entre l’usager et l’établissement et de définir les objectifs et la nature de la prise en charge (article L 311-4 CASF). 5 En opposition avec les dysfonctionnements ou difficultés qui ont pu être évoqués à titre d’exemple en formation théorique, je découvre dans cet établissement que les textes législatifs et règlementaires sont scrupuleusement respectés, que l’articulation directeur/responsable d’unité est clarifiée et comprise par les professionnels, ou encore que le projet et le parcours du jeune sont au cœur des préoccupations des agents. 6 La commission cuisine, programmée trimestriellement, réunit le personnel de cuisine (cuisinier et maîtresse de maison) afin de faire le point sur l’organisation du temps de travail, les congés, la projection des menus et des courses et les questions et remarques diverses du « personnel non éducatif mais néanmoins éduquant » (cf. Projet d’établissement).

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Il n’y a aucune autre référence à la laïcité ou à la liberté religieuse des jeunes pris en charge ni dans

le Projet d’établissement, ni dans les projets pédagogiques d’unité. Aucun de ces documents ne fait

référence à l’obligation de neutralité (nous définirons précisément ces termes plus loin). Je

remarque que seul le livret d’accueil des professionnels rappelle cette obligation.

A la lecture des autres documents de référence de l’établissement, je note que la laïcité n’y est pas

non plus évoquée (livret d’accueil des jeunes, règlement de fonctionnement). On y trouve cependant

la Charte des droits et libertés de la personne accueillie mais sans plus de développement.

Je constate aussi que le Règlement de fonctionnement de l’U.E.H.C. n’a pas encore été actualisé

suite à la Note de la DPJJ7 du 4 mai 2015 (c’est un objectif de travail pour le dernier semestre de

2015).

Lors de mes premiers échanges sur le sujet avec la Directrice de service, j’apprends qu’en effet, la

prise en compte de la laïcité n’a pas encore pu être travaillée au sein de l’EPEI en raison de la

priorisation des actions du Directeur dans le temps. De nombreuses évolutions ont été perceptibles

durant les deux années qui viennent de s’écouler et je comprends très vite que la conduite au

changement doit se faire progressivement. Ma tutrice m’indique qu’il serait pourtant nécessaire de

travailler cette question tant du point de vue des usagers que de celui des professionnels, notamment

compte tenu de la diversité d’origines et de cultures au sein des équipes d’une part, et au sein des

groupes de jeunes pris en charge d’autre part.

Dans le contexte socio-politique actuel, il me paraît essentiel de travailler à nouveau ces questions

de laïcité et de citoyenneté, française et européenne8, ainsi que de réfléchir aux implications de la

neutralité des agents du service public.

De longue date je m’intéresse à la question de l’articulation entre la neutralité de l’Etat et la liberté

de religion. C’est la raison pour laquelle j’ai suivi, en troisième année de licence, le cours de Droit

des cultes et des religions. Je souhaitais comprendre et connaître notre système de séparation du

politique et du religieux ainsi que les particularités de ma région natale, l’Alsace-Lorraine.

J’ai eu l’opportunité de m’intéresser à « l’application du principe de laïcité dans les établissements

et services accueillant des mineurs » en première année dans le cadre des Ateliers Pédagogiques de

Production de Savoirs9. Or, il se trouve que mes collègues et moi, nous avons manqué de temps

7 Direction de la Protection Judiciaire de la Jeunesse. 8 Qu’est ce que cela signifie ? Qu’est ce que cela implique ? Comment un jeune peut-il se construire une identité propre ? Comment faire société, comment vivre ensemble ? 9 Des Ateliers Pédagogiques de Production de Savoirs (APPS) sont organisés durant la première année de formation statutaire des directeurs : il s'agit d'un travail en petits groupes effectués en plusieurs demi-journées, à partir de thèmes proposés par les formateurs. Il fait l’objet ensuite d’une restitution écrite et exposée devant la promotion et devant des grands témoins capables d'évaluer et d’enrichir les travaux réalisés.

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pour approfondir la troisième partie de notre dossier, intitulée « Postures professionnelles et

identités religieuses : quelle éthique de l’encadrement ? ». L’apport de la pratique de cette deuxième

année de formation peut me permettre d’aller plus loin dans cette réflexion de manière

praxéologique10.

Le choix du sujet de ce travail de mémoire fait encore écho à la commande faite par l’ENPJJ lors de

notre départ en stage européen au mois d’octobre 2015 : il nous a été demandé d’observer le

traitement du fait religieux dans les pays voisins. Ainsi, je me suis intéressée à cette question en

Suède. J’y reviendrai plus loin.

Parmi les missions du Directeur des services de la PJJ figure celle de veiller au respect des droits

des usagers11 et celle d’améliorer continuellement la qualité des prises en charge, notamment sur le

fondement de la loi n°2002-2 du 2 janvier 2002 rénovant l’action sociale et médico-sociale. Dans

cet ordre d’idée, Faïza Guélamine écrit que toute la chaîne hiérarchique du secteur social et médico-

social est inévitablement concernée quand les questions de laïcité et de religions « font conflit » car

nombre des manifestations du fait religieux impliquent directement les modalités organisationnelles

des institutions dans leur fonctionnement, les normes qu’elles produisent et auxquelles obéissent ces

structures. Elle indique qu’« à ce titre, les dirigeants et administrateurs associatifs, les équipes de

direction sont en première ligne garants du « cadre » dans lequel s’exercent les missions des

professionnels. Responsables de la mise en œuvre des projets d’établissement, des dispositifs et

projets d’action sociale, leurs fonctions les conduisent à manager les équipes de travail en veillant

à ce que l’activité éducative, sociale ou médico-sociale s’inscrive dans un cadre légal et

règlementaire précis ». Mais elle précise aussi d’emblée que « se conformer aux règles en vigueur

n’indique pas toujours clairement les voies à suivre (…), ces règles doivent être travaillées et

appliquées de façon adéquate, elles n’apportent pas, de façon mécanique, les réponses singulières

à des situations qui le sont tout autant »12.

Cela me conduit à une interrogation : dans quelle mesure la prise en compte de la laïcité peut-elle

être intégrée dans le pilotage du Directeur des services ?

10 La praxéologie désigne une démarche autonome où des acteurs sont invités à théoriser leur pratique quotidienne (appelée également la praxis) déjà décrite ou non dans des procédures. La définition donnée par Alexandre LHOTELLIER permet de façon très synthétique et complète de bien comprendre cette démarche : « La praxéologie est entendue comme une démarche construite (visée, processus, méthode) d'autonomisation et de conscientisation de l'agir (à tous les niveaux d'interaction sociale : micro, méso, macro) dans son histoire, dans ses pratiques quotidiennes, dans ses processus de changement et dans la mesure de ses conséquences ». 11 Fiche de poste des Directeurs de la Protection Judiciaire de la Jeunesse, en matière éducative, 11°. 12 Faïza GUELAMINE, Faits religieux et laïcité : le travail social à l’épreuve, Repères pour une pratique professionnelle, Actions sociales, ESF, Domont, mars 2015. L’auteure est responsable de formation à l’Association nationale des cadres du social, assistante sociale de formation initiale et docteure en sociologie, elle est aussi membre associée à l’unité de recherche « Migrations et société » (Paris 7).

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A la lumière de mes lectures sur la « difficile » laïcité13, sur la liberté de religion dans la République

et sur le travail social à l’épreuve de ces questions, il me semble que la question de la laïcité dans un

établissement du secteur public accueillant des mineurs doit être progressivement travaillée, et

surtout, il me semble qu’elle doit être travaillée collectivement avec les professionnels et les

usagers. Une réflexion commune favorise un travail éducatif effectif. Plusieurs textes émanant de

l’Administration centrale évoquent désormais expressément ces concepts14 ; des référents laïcité et

citoyenneté ont été installés dans les DIRPJJ, les DTPJJ ainsi qu’à l’ENPJJ ; des moyens

supplémentaires ont été alloués dans certains établissements et services pour permettre de

renouveler le travail en lien avec la laïcité et la citoyenneté, avec les jeunes et les professionnels.

C’est pourquoi, il m’est apparu pertinent de m’intéresser à cela du point de vue du directeur d’un

EPEI.

Ainsi j’aimerais répondre à ce problème : comment le directeur de la PJJ peut-il veiller au respect

de ce principe dans son établissement ?

Hypothèse de recherche : D’après mes lectures et mes observations, je postule qu’un travail et

qu’une réflexion commune permettraient d’améliorer encore davantage la qualité des prises en

charge éducatives des jeunes. La question de la religion ou de l’absence de la religion fait partie de

l’éducation et ne peut pas être occultée d’une prise en charge éducative globale. Revoir en équipe la

définition de la laïcité, de la neutralité et de la liberté de conscience et de religion peut permettre de

désamorcer des crispations et de prévenir des conflits tant avec les agents qu’avec les jeunes.

Hypothèses d’action : Il appartient au directeur des services d’impulser une dynamique de

changement et d’associer les professionnels à une réflexion commune permettant d’aboutir à

l’intégration de la laïcité dans le projet de service mais pas seulement, il faut ensuite faire vivre ce

projet de service.

Il sied de présenter mon travail en trois parties correspondant à l’évolution de mon stage. La

première partie consiste à exposer en quoi la référence à la laïcité peut être considérée comme

insuffisante dans l’établissement à l’issue d’un premier état des lieux. La seconde partie a trait à la

suite de mes investigations et à la démarche d’évaluation interne sur laquelle je me suis appuyée

13 En référence notamment à l’ouvrage de Frank KHALIFA, Difficile laïcité, sources et enjeux, L’Harmattan, Paris, octobre 2014. 14 La note du 25 février 2015 relative à la mise en œuvre d’un plan d’action de la DPJJ en matière de respect du principe de laïcité et des pratiques religieuses des mineurs pris en charge dans les établissements et services du secteur public et du secteur associatif habilité et du principe de neutralité par les agents prenant en charge ces mineurs, celle du 4 mai 2015 relative aux lignes directrices relatives à l’élaboration du règlement de fonctionnement des établissements collectifs de placement judiciaire du secteur public et du secteur associatif habilité, ou encore la note du 21 décembre 2015. Je me réfèrerai plus loin à ces différentes notes.

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tout au long de ce travail. Enfin, la troisième partie consiste à exploiter les données recueillies et à

présenter les actions et expérimentations que j’ai conduites durant mon stage.

1. Le constat d’une insuffisante référence à la laïcité dans l’organisation et le

fonctionnement de l’établissement

Un premier état des lieux réalisé durant les cinq premières semaines de stage m’a permis de faire un

choix de sujet de mémoire. Voici mes premières réflexions.

1.1 L’histoire de l’EPEI et la priorisation des actions du directeur

Tel que je l’énonçais en introduction, à mon arrivée à l’EPEI, le contexte de stage semble très

favorable.

1.1.1 La découverte des unités et missions de l’EPEI

En effet, concernant l’UEAJ, je constate l’existence d’un grand nombre de partenariats actifs15 et je

relève très vite que les jeunes inscrits à l’UEAJ disposent chaque semaine d’un emploi du temps

avec diverses activités (savoirs de base, activités sportives telle qu’escalade, vendanges, chantiers

extérieurs, etc.). Chaque matin, les jeunes sont accueillis avec du café et des petits gâteaux dans un

espace chaleureux au rez-de-chaussée. La parole y est libre dans la limite du respect mutuel et les

règles sont clairement posées. Globalement, celles-ci semblent respectées par les jeunes de l’UEAJ,

notamment grâce à une bonne cohérence d’équipe.

S’agissant de la MEHD, elle dispose de cinq places en résidence sociale16 et de 8 familles d’accueil

(chacune avec un profil singulier). La MEHD peut aussi proposer aux magistrats et aux jeunes des

placements externalisés17 dans le cadre de l’expérimentation lancée par l’Administration centrale. A

ce jour, trois placements externalisés sont mis en œuvre par l’équipe de la Mission : un placement

en internat scolaire et deux « placements à domicile », c’est-à-dire chez les parents mais avec un

suivi éducatif et clinique renforcé.

15 Il existe par exemple : un partenariat avec un établissement scolaire pour lequel les jeunes de l’U.E.A.J. entretiennent toute l’année les espaces verts ; un autre avec la commune pour disposer d’un jardin ou de salles de sport ; un avec l’UDAF 15 pour organiser des chantiers extérieurs ; plusieurs partenariats avec des centres de formation tel que l’AFPA, etc. 16 L’une de ces places est réservée à un public féminin dans un Foyer de jeunes filles au centre ville, qui peut parfois accueillir plus d’une jeune selon la disponibilité des chambres. Seuls des jeunes hommes sont placés dans les autres foyers. 17 Le placement externalisé permet un suivi éducatif et clinique renforcé en maintenant le jeune dans un environnement « naturel » (il s’agit généralement du domicile familial) en réservant la possibilité de placer à nouveau ce jeune dans une autre structure d’hébergement en cas d’échec de cette modalité de placement. L’individualisation de ce suivi correspond le plus souvent à des jeunes qui ne tiennent pas en collectif (par exemple un leader négatif ou à l’inverse un jeune isolé en grande souffrance).

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10

Les magistrats du ressort connaissent cette mission et semblent véritablement apprécier de pouvoir

recourir à cette modalité de placement alternative lorsqu’aucune autre solution n’apparaît

opportune.

A ce jour, la création d’une Unité Educative d’Hébergement Diversifié n’est pas envisagée par la

Direction Interrégionale18 . Néanmoins, l’équipe de cette mission tente de poursuivre son

développement afin qu’elle reste pérenne (à titre d’exemple, le recrutement d’une nouvelle famille

d’accueil d’urgence est en cours).

Enfin, concernant l’UEHC, le contexte est particulier : l’équipe et les jeunes sont de retour dans les

locaux dédiés à leur mission et appartenant à l’Etat19 depuis novembre 2014.

Avant cette date, le bâtiment était en cours de rénovation et l’unité était logée dans une résidence

sociale durant un an, puis dans une Auberge de Jeunesse durant près de quatre mois20. Le nombre

de jeunes pris en charge durant cette période n’excédait pas six, faute de place supplémentaire et

compte tenu de la spécificité des locaux d’accueil temporaire. Il était certainement difficile pour une

équipe éducative de reprendre l’exercice de sa mission dans une maison réhabilitée avec un nombre

de jeune conforme au cahier des charges des UEHC (c’est-à-dire douze). Dans l’année, l’UEHC

doit avoir un taux d’occupation minimal de 80 %21.

Ce contexte a probablement fragilisé un peu l’équipe, qui s’adapte à cette nouvelle configuration

depuis la fin de l’année 2014. Deux professionnels ont récemment intégré l’équipe et deux autres

sont en arrêt maladie depuis le 1er septembre. L’un de ces deux arrêts fait suite, notamment, à la

survenance d’incidents avec des jeunes (voiture de l’agent dégradée et comportements très

provocateurs à son encontre lors d’un repas). L’autre est lié à des problèmes d’ordre personnel.

La difficulté des professionnels à maintenir une cohérence d’équipe est perceptible lors de moments

clés à l’UEHC tel que le passage de consignes : il se fait souvent à plusieurs, les jeunes se

retrouvent seuls et tentent sans relâche d’attirer l’attention du personnel éducatif. De ce fait, il n’est

pas toujours efficace.

Face à cela, l’équipe de Direction (la Directrice et la RUE) tente d’amener son personnel à plus de

cohésion : un accompagnement d’équipe est en place conformément au cahier des charges de la

structure, l’équipe éducative est associée dans le protocole d’élaboration des emplois du temps22,

18 Ceci s’explique par des contraintes budgétaires : il existe déjà une U.E.H.D.R. sur le territoire à laquelle sont octroyés d’importants moyens et la création d’une U.E.M.O. est en cours dans le département. 19 Les locaux de l’UEHC appartiennent à la PJJ mais sont gérés par France Domaine. 20 Les travaux ayant duré un peu plus longtemps que prévu, il a fallu que la directrice trouve une solution d’urgence temporaire pour éviter la fermeture. 21 Le Contrat Objectifs Moyens (COM) est fixé par la DIR et imposé aux directeurs de services selon le budget alloué à la structure, il s’agit du taux de remplissage moyen exigé dans une UEHC. 80% cela équivaut à un COM de 9,6 jeunes conformément au cahier des charges des UEHC. 22 Les éducateurs ont quinze jours pour exprimer leurs désidératas dans un tableau. A partir de ce tableau, la responsable d’unité élabore les emplois du temps puis elle diffuse cette première version de planning trimestriel à tous les agents. Au plus vite après cette

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11

des réunions de fonctionnement sont organisées mensuellement23, il y a au moins trois réunions

d’établissement par an voire quatre (au mois de janvier, juin, septembre et décembre), ou encore, les

modalités du passage de consignes ont été récemment modifiées pour que ce moment soit plus

serein, plus efficient et pour permettre une plus grande confidentialité vis à vis des jeunes24.

La Directrice de l’établissement, occupant ce poste depuis le 1er septembre 2013, est présente dans

chacune des trois unités toutes les semaines. Pour fédérer une « identité de service » et favoriser les

liens entre les trois sites de l’EPEI, elle organise une réunion de gouvernance environ toutes les

deux semaines pour réunir la RUE de l’UEAJ, celle de l’UEHC et le coordinateur de la mission HD

(un CSE missionné). Ces réunions sont programmées trimestriellement afin de s’assurer de leur

tenue (pour cela, un tableau programmatique des réunions est diffusé à tous les agents). De la même

manière, elle projette des réunions de fonctionnement une fois par mois dans chacune de ses unités

et mission. Enfin, un point hebdomadaire est fait avec chacune de ses responsables d’unité ainsi

qu’avec le coordinateur de la MEHD.

Au cours de mes nombreuses discussions avec la directrice, je comprends l’importante évolution

que connaît l’établissement depuis deux ans. Tous les chantiers ne doivent pas être ouverts en même

temps mais doivent se succéder dans un ordre de priorité. Ainsi, les premiers chantiers ont été les

suivants : refonte du planning des éducateurs, travail sur l’articulation directeur/responsables

d’unité, développement de l’HD et réflexion sur l’articulation entre les unités dans le but de

travailler la continuité des parcours des jeunes conformément à la Note d’orientation du 30

septembre 2014.

Cette description rapide de l’état des lieux réalisé en début de stage explique pourquoi j’ai choisi de

m’intéresser à la prise en compte de la laïcité, qui n’avait pas encore été abordée au sein de

l’établissement.

diffusion, une « Commission emploi du temps » est ouverte aux agents pour opérer les dernières modifications. Après cette commission, le planning n’est plus changé sauf pour des raisons exceptionnelles. 23 Les réunions de fonctionnement sont thématisées et réunissent l’équipe et la Direction (RUE et directrice). 24 Un nouvel espace bureau a été créé pour les éducateurs, plus éloigné de l’espace accessible aux jeunes et les amplitudes de service ont été légèrement modifiées afin de permettre à la fois un passage de consignes à deux et une présence éducative continue auprès des jeunes.

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12

1.1.2 Le choix de la thématique de la laïcité comme sujet de

mémoire

Tous les ans, la directrice fixe de nouveaux objectifs de service selon le bilan de l’année écoulée.

Pour 2016, elle souhaiterait qu’un travail soit amorcé en matière de laïcité.

Mon choix de sujet de mémoire s’arrête définitivement le 18 septembre lorsque je découvre que la

Direction interrégionale demande aux services du territoire de conduire la deuxième évaluation

interne sur deux des quatre axes suivants : « L’accueil des mineurs et de leurs familles » ; « Les

droits et participations des mineurs et de leurs familles » ; « La prise en compte de la laïcité » ; et

« Le partenariat ». Elle qualifie la prise en compte de la laïcité de « sujet prioritaire » de travail dans

les services25.

D’un commun accord avec la Directrice de l’établissement et les responsables d’unité, nous avons

choisi de conduire l’évaluation interne sur ces deux axes : l’accueil des mineurs et de leurs familles

et la prise en compte de la laïcité. Tous les cadres considèrent que les pratiques dans ces deux

champs peuvent être améliorées. Avec l’aval de la Directrice de service, je décide alors de mener un

travail d’enquête et de recherche sur ces deux axes et sur celui de la prise en compte de la laïcité en

particulier (ces deux axes n’étant pas sans lien puisque nous le verrons plus tard, la laïcité devrait

être abordée au moment de l’accueil du jeune à l’UEAJ, à l’UEHC, et à la MEHD selon les

modalités de la prise en charge).

Dès la fin du mois de septembre, je fais plusieurs constats en lien avec cette thématique.

En premier lieu, les éducateurs n’osent pas tous parler de religion avec les jeunes. Lorsque je les

questionne, certains ne souhaitent pas aborder cette question avec les jeunes en raison de la

neutralité qui leur est imposée, tandis que d’autres préfèrent s’abstenir en raison d’un manque de

connaissance en la matière (quatre éducateurs ont exprimé le besoin d’être formé en « histoire des

religions »). Un éducateur m’a dit qu’il était parfois difficile de se positionner par rapport aux

jeunes car « ils en savent souvent plus que nous et arrangent les choses à leur sauce ».

S’agissant de la radicalisation, fléau au cœur des débats sociétaux, le personnel éducatif se sent

démuni.

En juin dernier, l’UEHC a été confrontée à un jeune ayant tenté de rejoindre la Syrie. Il tenait des

propos très irrespectueux envers les femmes et les non croyants. Il était très difficile pour l’équipe

éducative de tisser des liens avec lui. Son contrôle judiciaire (CJ), ordonné par un juge anti-

terroriste parisien après sa tentative de quitter le territoire, lui imposait de remettre ses papiers

d’identité à la direction du foyer, ce qui a été fait.

25 Terme employé dans un courrier de la DIR envoyé aux directeurs de services du territoire le 27 mai 2015 (cf. annexe 1).

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13

Après les attentats de janvier 2015 contre Charlie Hebdo, le jeune homme a refusé de faire la

minute de silence avec les autres jeunes et les éducateurs de service. Selon lui, les terroristes du 7

janvier « avaient raison ». Compte tenu de la gravité de ces propos, une éducatrice présentée par

l’un de ses collègues comme « musulmane modérée », a tenté de parler de religion avec lui. Elle a

tenté de démontrer que le message de l’islam n’était pas celui qu’il voulait faire prévaloir. Le

souvenir de cette prise en charge est amer. Ce jeune a finalement été orienté dans un Centre éducatif

fermé le 2 avril 2015, après la mainlevée du placement pour non respect du CJ (pas de projet

d’insertion et de nombreux incidents au foyer).

Actuellement, l’UEHC et l’UEAJ sont confrontées à un autre type de radicalisation dans la prise en

charge conjointe d’un jeune sous CJ prononcé pour des faits de profanation d’un cimetière israélite.

Si l’accompagnement d’équipe permet d’aborder ce type de sujet, ce n’est pas spécifiquement son

objectif. Or, en dehors de ces temps d’accompagnement d’équipe, les professionnels n’ont pas

encore eu l’occasion de se rencontrer et d’échanger sur la thématique de la laïcité dans

l’établissement, sur la conciliation entre le respect de la liberté de religion des jeunes et l’obligation

de neutralité des agents, sur la citoyenneté et la manière de prévenir les phénomènes de

radicalisation26. Les professionnels de l’EPEI n’ont pas encore tous suivi la formation nationale sur

la radicalisation proposée par les Pôles Territoriaux de Formation (PTF) et il est à noter que la

référente laïcité citoyenneté de la direction territoriale n’a pris ses fonctions qu’en septembre 2015.

A mon arrivée à l’EPEI, elle est tout juste entrain de s’approprier ses nouvelles fonctions.

Comme je décide de rédiger un mémoire sur cette thématique, je poursuis mes observations, qui

viennent étayer mes premiers constats.

1.1.3 L’intérêt de ce sujet

A ce jour, il existe des différences de pratiques entre l’UEAJ et l’UEHC : au travers de mes

échanges avec les responsables d’unité, je constate que la question d’une éventuelle pratique

religieuse n’est pas abordée avec les parents lors de l’entretien d’accueil du jeune à l’UEHC ; au

contraire cette question est systématiquement posée aux parents de jeunes inscrits à l’UEAJ.

Pourtant, lors d’une journée à l’extérieur à laquelle j’ai participé avec l’UEAJ, nous avons mangé

chez des viticulteurs. Ces derniers nous avaient préparé de la palette de porc fumée alors que trois

jeunes présents étaient de confession musulmane et ne souhaitaient pas manger de porc. La famille

chez laquelle nous étions a accepté de faire des œufs au plat à ces trois jeunes. Néanmoins, il aurait

été opportun de s’intéresser à la question de l’alimentation des jeunes en amont afin de prévenir les

26 Tous ces termes seront définis dans la partie intitulée « La conciliation entre une laïcité tolérante et une neutralité exigeante ».

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hôtes qui allaient nous accueillir des habitudes alimentaires des jeunes accueillis. Force est de

constater que cela ne se fait pas naturellement. Il y a une gêne à parler de religion dans la relation

éducative. Ainsi, Faïza Guélamine écrit que « les intervenants sociaux « tâtonnent », s’opposent

parfois entre eux autour de ces questions, cherchent des réponses, éprouvent des difficultés à

résoudre ce qui se présente comme un dilemme pour eux : comment comprendre et réagir dans le

cadre des prérogatives qui leur sont confiées lorsque celles-ci les conduisent à respecter les

convictions religieuses des usagers tout en intégrant la finalité des missions éducatives,

thérapeutiques, sociales des établissements et services, adossés au principe de laïcité ? »27.

Dans le cadre de la MEHD, la prise en compte de la laïcité ne se présente pas de la même manière :

aucune difficulté ne se présente concernant les jeunes placés en Foyer Jeunes Travailleurs (FJT) ou

à domicile (dans le cadre d’un placement externalisé). Les questions pouvant se poser concernent

principalement les placements en familles d’accueil : sont-elles soumises à la neutralité ? Dans

quelles limites peuvent-elles manifester leurs croyances ? En la matière, la phase de recrutement des

familles d’accueil par la Direction de l’établissement est capitale pour travailler cette question. A ce

jour, l’existence ou non d’une pratique religieuse (de la famille d’accueil ou du jeune accueilli)

n’est pas systématiquement abordée ni lors du recrutement ni lors de l’accueil du jeune.

La procédure de recrutement d’une famille d’accueil se déroule de cette façon : une première

rencontre de la famille est organisée au service avec la direction et l’équipe éducative. Lorsque cet

entretien est concluant (la famille semble correspondre aux attentes de la PJJ), une visite à domicile

de la directrice et de la psychologue est programmée. Il pourrait être intéressant d’aller au delà des

constats visuels qui peuvent être opérés lors de cette visite à domicile et aborder concrètement ce

sujet avec les familles (respect de la liberté de conscience, d’opinion et de religion du jeune

accueilli, interdiction du prosélytisme pour la famille).

A l’UEHC, je découvre rapidement que pour des raisons pratiques et financières, la nourriture

proposée aux jeunes est exclusivement halal.

Or, ce fonctionnement n’est conforme ni à la Note de la DPJJ du 25 février 201528 où l’on lit qu’« il

ne peut être admis s’agissant de la nourriture confessionnelle qu’elle soit proposée comme plat

exclusif » (p.5), ni aux lignes directrices relatives à l’élaboration du règlement de fonctionnement

du 4 mai 2015 : « en aucun cas il ne peut être délivré des plats contenant de la nourriture

confessionnelle de façon systématique à l’ensemble des mineurs pris en charge » (p.22).

27 Faïza GUELAMINE, Faits religieux et laïcité : le travail social à l’épreuve, Repères pour une pratique professionnelle, Actions sociales, ESF, Domont, mars 2015, p.13. 28 NDPJJ du 25 février 2015 relative à la mise en œuvre d’un plan d’action de la DPJJ en matière de respect du principe de laïcité et des pratiques religieuses des mineurs pris en charge dans les établissements et services du secteur public et du SAH et du principe de neutralité par les agents prenant en charge ces mineurs.

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15

Comme dans de nombreux établissements de placement éducatif de la PJJ, le cuisinier et la

maîtresse de maison ne proposent jamais de viande de porc. Un jeune m’a pourtant confié qu’il

aimerait bien pouvoir en manger « de temps en temps ».

Alors que le débat sur la laïcité dans le service public n’a jamais été d’une telle vigueur, ces

illustrations témoignent de l’importance pour un Directeur des services de la PJJ de se questionner

sur la définition du principe de laïcité et sur son application dans un établissement public accueillant

des mineurs.

1.2 La combinaison d’une laïcité tolérante et d’une neutralité exigeante

Faïza Guélamine décrit bien l’exigence à laquelle les professionnels doivent se soumettre lorsqu’ils

réfléchissent aux questions posées par l’irruption du fait religieux dans leur quotidien et à laquelle

je dois me soumettre également dans ce travail de mémoire : « L’expression des faits religieux dans

le cadre professionnel impose une prescription inattendue : élucider sa propre perception du

religieux. Ces situations entraînent chez le travailleur social la quasi-obligation de réfléchir à sa

propre posture vis-à-vis des pratiques et des croyances liées au sacré. Ces représentations

(subjectives) doivent pouvoir être objectivées, comme toute posture professionnelle, mises en

rapport avec le public rencontré, le type de mission et de responsabilité exercée. »29.

1.2.1 La laïcité en France et plus particulièrement à la PJJ

La définition de la laïcité est indissociable de l’Histoire. Il est difficile d’en trouver une définition

claire. Le dictionnaire Robert renvoie à la définition donnée par le grand juriste disparu René

Capitant : « conception publique impliquant la séparation de la société civile et de la société

religieuse, l’Etat n’exerçant aucun pouvoir religieux et les Eglises aucun pouvoir politique », ce qui

ne dit rien de ce qu’elle implique pour les citoyens d’une République laïque. Le texte fondateur de

la laïcité est la loi du 9 décembre 1905 dite de « séparation des Eglises et de l’Etat » qui a pour objet

d’organiser le régime public des cultes.

Selon Jean Picq30, c’est dans ce cadre légal que se conjuguent des libertés fondamentales, la liberté

de conscience et le libre exercice des cultes, et une exigence de totale neutralité de l’Etat. Dans son

ouvrage intitulé La liberté de religion dans la République, il tente d‘exposer l’esprit de la loi de

1905 et ses origines. Il énonce que « la laïcité est avant toute chose la reconnaissance d’un espace

29 Faïza GUELAMINE, Faits religieux et laïcité : le travail social à l’épreuve, Repères pour une pratique professionnelle, Actions sociales, ESF, Domont, mars 2015, p.37. 30 Jean PICQ est auteur d’un rapport remarqué sur l’Etat, magistrat à la Cour des comptes, professeur à Sciences Po-Paris où il enseigne l’histoire de l’Etat et des rapports entre politique et religion.

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public pluraliste dans lequel coexistent et s’affrontent des convictions philosophiques et religieuses.

Cela signifie qu’aucune d’entre elles, fût-elle majoritaire, ne peut prétendre obturer l’espace à elle

seule. Car la laïcité, ce n’est pas établir une nouvelle religion « laïque », qui proscrirait toute

religion, c’est permettre à toute les religions sans exception de vivre dans l’espace public et d’y

faire entendre leur voix dans le respect de l’ordre public et des règles du débat démocratique » 31.

Selon Jean Baubérot, c’est « un art de vivre ensemble »32.

C’est sensiblement la même définition de la laïcité qui a été retenue par la DPJJ dans sa Note du 25

février 2015 : « La laïcité n'est pas une opinion parmi d'autres mais la liberté d'en avoir une. Elle

n'est pas une conviction mais le principe qui les autorise toutes, sous réserve du respect des

principes de liberté de conscience et d'égalité des droits. C'est pourquoi, elle n'est ni pro, ni

antireligieuse. L'adhésion à une foi ou à une conviction philosophique relève ainsi de la seule

liberté de conscience de chaque femme et de chaque homme. La laïcité permet donc l’affirmation de

la liberté de religion. Les textes, internes et internationaux, qui garantissent la liberté de religion

en font, d’ailleurs, un élément de la liberté de pensée ou de conscience de chaque individu.

Toutefois, la liberté religieuse ne se borne pas à la liberté de croire ou de ne pas croire. Elle

implique une certaine extériorisation qu’il s’agisse de l’exercice du culte ou tout simplement de

l’expression – individuelle ou collective – d’une croyance religieuse. Il convient dès lors pour l’Etat

de garantir la conciliation entre l’intérêt général et l’ordre public, d’une part, la liberté de religion

et son expression, d’autre part. ».

La laïcité et la neutralité de l’Etat visent en fait à garantir une égalité de traitement des usagers du

service public conformément au principe de non-discrimination contenu dans des textes

internationaux, tel que dans l’article 14 de la CESDH33.

31 Jean PICQ, La liberté de religion dans la République, L’esprit de laïcité, Odile Jacob, Nanterre, mai 2014. 32 Jean BAUBEROT, La laïcité. Evolutions et enjeux, La Documentation française, « Problème politiques et sociaux », n°768, juin 1996, p.4. Selon une définition simple, le « vivre ensemble » est un concept qui exprime les liens pacifiques, de bonne entente qu’entretiennent des personnes, des peuples ou des ethnies avec d’autres, dans leur environnement de vie ou leur territoire. Autrement dit, c’est une cohabitation harmonieuse de peuples et d’ethnies différentes. Selon Jean Baubérot, il s’agit de tenir ensemble trois préceptes : « Si l’on s’en tient au règlement juridique, la laïcité m’apparaît constituée de trois principes essentiels: le respect de la liberté de conscience et de culte; la lutte contre toute domination de la religion sur l’État et sur la société civile; l’égalité des religions et des convictions les « convictions » incluant le droit de ne pas croire. Il faut arriver à tenir ensemble ces trois préceptes si l’on veut éviter toute position arrogante et péremptoire. Mais évidemment, dans la pratique, les acteurs ont tendance à privilégier l’un ou l’autre de ces trois principes : les croyants se réfèrent surtout à la liberté de culte; les agnostiques (et les anticléricaux) s’appuient plutôt sur la lutte contre la domination des religions; quant aux minoritaires, ils insistent sur l’égalité des religions et des convictions. », Extrait de la revue Regards sur l’actualité, n°298 « Etat, laïcité, religions », Jean Baubérot, titulaire de la chaire «Histoire et sociologie de la laïcité» à l’Ecole pratique des hautes études et membre de la Commission Stasi. 33 Convention Européenne de Sauvegarde des Droits de l’Homme et des libertés fondamentales du 4 novembre 1950.

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1.2.2 La neutralité des agents publics

S’agissant de la neutralité des agents publics, elle est imposée par le Conseil d’Etat34. A la PJJ, il

appartient aux cadres de faire respecter l’obligation de neutralité dans leur service.

La Charte de la laïcité dans les services publics énonce que « Tout agent a un devoir de stricte

neutralité. Il doit traiter également toutes les personnes et respecter leur liberté de conscience. Le

fait pour un agent public de manifester ses convictions religieuses dans l'exercice de ses fonctions

constitue un manquement à ses obligations. » Le non respect de cette obligation peut faire l’objet

d’une sanction disciplinaire. Mais il ne faut pas méconnaître les droits des agents publics en tant

que citoyens. L’application du principe de laïcité consiste à rechercher continuellement un équilibre

entre les valeurs indissociables sur lesquelles repose ce principe : « liberté de conscience, égalité en

droit des options spirituelles et religieuses, neutralité du pouvoir politique »35. Par exemple,

l’obligation de neutralité ne fait pas obstacle à ce que les agents publics sollicitent des

aménagements du temps de travail dans la mesure où ils sont compatibles avec le bon

fonctionnement du service public36. L’Observatoire de la laïcité rappelle que « les exigences

relatives à la laïcité de l’État et à la neutralité des services publics ne doivent pas conduire à la

négation de la liberté de conscience dont les agents publics peuvent se prévaloir »37. En effet, la

liberté d’opinion notamment religieuse est inscrite à l’article 6 de la loi du 13 juillet 1983 portant

droits et obligations des fonctionnaires et le droit de solliciter des autorisations exceptionnelles

d’absence est octroyé par la circulaire du 23 septembre 1967 relative aux autorisations d’absence

pour fêtes religieuses38 et par la circulaire du 13 avril 2007 relative à la charte de laïcité dans les

services publics39.

Il est intéressant de voir que le rapport de la Commission Stasi de 2003 cible quatre blocs

d’obligation dégagés par le Conseil d’Etat pour préserver un équilibre entre liberté de conscience et

neutralité des agents publics à l’école : « sont prohibés les actes de pression, de provocation, de

prosélytisme, ou de propagande ; sont rejetés les comportements pouvant porter atteinte à la

dignité, au pluralisme ou à la liberté de l’élève ou de tout membre de la communauté éducative

ainsi que ceux compromettant leur santé et leur sécurité ; sont exclus toute perturbation du

déroulement des activités d’enseignement, du rôle éducatif des enseignants et tout trouble apporté à

l’ordre dans l’établissement ou au fonctionnement normal du service ; les missions dévolues au

34 CE, 3 mai 1950, Dlle Jamet, n°98 284 ; précision de la portée de l’obligation de neutralité dans l’avis du CE Dlle Marteaux, 3 mai 2000. 35 Rapport de la Commission présidée par Bernard STASI, 2003. 36 La liste des fêtes religieuses pour lesquelles les agents peuvent demander une autorisation d’absence peut être déterminée par circulaire : CE, 12 février 1997, Melle H., n°125893. 37 Observatoire de la laïcité, Avis sur l’article premier du projet de loi relatif à la déontologie et aux droits et obligations des fonctionnaires, 3 février 2015. 38 Circulaire n° FP/901 du 23 septembre 1967 relative aux autorisations d’absence pour fêtes religieuses. 39 Circulaire n° 5209/SG du 13 avril 2007 relative à la charte de laïcité dans les services publics.

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service public de l’éducation ne peuvent être affectées par les comportements des élèves et

notamment le contenu des programmes et l’obligation d’assiduité ». Il me semble que ces blocs

peuvent être transposés au service public de la PJJ. C’est donc pour garantir la liberté de conscience

et de religion des usagers du service public que les manifestations d’une croyance d’un agent

peuvent être prohibées et sanctionnées si elles revêtent un caractère ostentatoire ou revendicatif.

Il est intéressant de voir qu’en Suède, les agents exerçant une mission de service public ne sont pas

soumis à une obligation de neutralité telle qu’elle existe en France. La seule interdiction est celle du

prosélytisme mais ces agents ont le droit de manifester et extérioriser leurs croyances. Ainsi, dans

l’établissement de placement que j’ai pu découvrir au cours du stage européen40, tant les éducateurs

que les enseignants peuvent porter des bijoux ou des tenues vestimentaires révélant leurs

convictions religieuses. En effet, « la Suède, qui défend le modèle sociétal le plus libéral, met en

avant la liberté individuelle et encourage la représentation de la diversité sociale dans les

institutions publiques. À ce titre, le pays autorise le port du voile dans la police ou à l’école et

soutient les communautés religieuses qui prennent en charge des services de l’État-providence,

comme l’accueil des réfugiés ou l’enseignement du suédois aux immigrants. »41 J’ai encore pu

constater que les professionnels des institutions de protection de la jeunesse sont moins gênés en

Suède qu’en France à parler d’histoire des religions et même de convictions religieuses avec les

jeunes. En France, il paraît plus délicat de concilier l’obligation de neutralité des agents et la liberté

de religion des usagers.

1.2.3 La conciliation de la neutralité des agents et la liberté de religion

des usagers

Le droit à la liberté de pensée, de conscience et de religion est consacré et garanti par de nombreux

textes (nationaux ou internationaux) que l’Etat français s’engage à respecter : l’article 10 de la

Déclaration des droits de l’homme et du citoyen de 1789, les articles 1er et 2 de la loi du 9 décembre

1905 sur la séparation de l’Eglise et de l’Etat, l’article 1er de la Constitution française du 4 octobre

1958, les articles 18 de la Déclaration universelle des droits de l’homme de l’ONU du 10 décembre

1948 et du Pacte international relatif aux droits civils et politiques, et les articles 9 et 14 de la

CESDH du 4 novembre 1950. Ce droit implique la liberté de changer de religion ou de conviction,

la liberté de manifester sa religion ou sa conviction individuellement ou collectivement, en public

40 Statens Institutions Styrelse (SIS, La Direction nationale des soins en institutions), ungdomshem Råby institution (institution pour la jeunesse Räby) à Lund. 41 Frédérique Harry, Maître de conférences en Études nordiques à l’Université Paris-Sorbonne, Vers une laïcité nordique ? P@ge Europe, La Documentation française © DILA, 21 mai 2013.

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ou en privé, par le culte, l'enseignement, les pratiques et l'accomplissement des rites. Les seules

restrictions dont cette liberté peut faire l’objet doivent être prévues par la loi et constituer des

mesures nécessaires, dans une société démocratique, à la sécurité publique, à la protection de

l'ordre, de la santé ou de la morale publiques, ou à la protection des droits et libertés d'autrui42.

La loi 2002-2 du 2 janvier 2002 rénovant l’action sociale et médico sociale rappelle et consacre les

droits libertés des usagers des Etablissements et Services Sociaux et Médico-Sociaux (ESSMS)

dans le but de promouvoir leur autonomie et leur protection43. Or les établissements et services de la

PJJ relèvent de la catégorie des ESMS depuis le décret du 6 novembre 200744 et sont soumis à cette

loi.

L’article 11 de la Charte des droits et libertés de la personne accueillie prévue la loi de 2002

reconnaît également à chacun le droit à la pratique religieuse dans la mesure où il ne trouble pas le

fonctionnement normal des établissements et des services et ne porte pas atteinte à la liberté

d’autrui.

Dominique Youf rappelle très justement que pendant un temps, la DPJJ n’ayant pas choisi

d’orientations en matière de laïcité, l’appréciation des comportements était laissée aux Directeurs

d’établissements45.

Désormais, les textes à la PJJ faisant référence à cette valeur républicaine forte sont nombreux et

peuvent servir de base de réflexion : la NDPJJ du 25 février 2015 précitée, la NDPJJ du 4 mai 2015

relative aux lignes directrices d’élaboration du règlements de fonctionnement des établissements

collectifs de placement judiciaire du secteur public et du secteur associatif habilité, la NDPJJ du 7

septembre 2015 relative au cadre d’intervention des référents laïcité citoyenneté de la mission

nationale de veille et d’information (MNVI) ainsi que la NDPJJ du 21 décembre 2015 relative au

plan d’action national 2016 et rapport stratégique 2015.

Cette dernière note aborde « l’augmentation ciblée des moyens sur certains secteurs afin de

renforcer la prévention des risques de radicalisation dans le cadre des missions éducatives. Ces

moyens alloués devront notamment être plus spécifiquement dédiés à sensibiliser le mineur à la

citoyenneté, la laïcité, à la lutte contre toute forme d’intolérance et de discrimination, à sa

42 Article 9 de la CESDH. 43 On retrouve ces droits à l’article L 311-3 du Code de l’Action Sociale et des Familles : le droit au respect de la dignité, de l’intégrité, de la vie privée, de l’intimité, et le droit à la sécurité ; le libre choix entre les prestations à domiciles ou celles d’un établissement ; le droit à une prise en charge ou à un accompagnement individualisé et de qualité, respectant un consentement éclairé ; le droit à la confidentialité des données les concernant ; le droit d’accès à l’information ; le droit d’être informés des droits fondamentaux et des voies de recours dont ils disposent ; le droit de participer directement au projet d’accueil et d’accompagnement. Le droit au respect de la vie privée recouvre la liberté de pensée, de conscience et de religion. 44 Art. 3 du décret du 6 novembre 2007 : « En application de l'article L. 312-1 du code de l'action sociale et des familles, les établissements et services du secteur public de la protection judiciaire de la jeunesse constituent des établissements et services sociaux et médico-sociaux, à l'exception des services éducatifs en établissements pénitentiaires spécialisés pour mineurs. Sous réserve des prérogatives de l'autorité judiciaire, les établissements et services précités garantissent aux mineurs et aux jeunes majeurs qu'ils prennent en charge au titre de la mise en œuvre d'une mesure éducative les droits et libertés individuelles énoncés aux articles L. 311-3 à L. 311-5 du même code ». 45 Dominique YOUF, Haut Conseil à l’Intégration, Débats, Laïcité dans la fonction publique : de la définition du principe à son application pratique, La documentation française, 2012, p.70.

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socialisation, au développement de sa pensée critique, à la sensibilisation et prévention à l’usage

du numérique et à l’aide à la parentalité »46 ainsi que le « renfort de la dotation de fonctionnement

en UEHC et CEF pour des activités soutenant notamment le vivre ensemble, la laïcité, la

citoyenneté, la sensibilisation et la prévention à l’usage du numérique, et permettre la relance

d’une dynamique de séjours et camps »47.

La DPJJ a encore adopté une note spécifiquement relative à la lutte contre la radicalisation le 27

janvier 2015.

Il convient donc pour un directeur d’établissement de la PJJ de veiller à la fois au respect de

l’obligation de neutralité de ses agents et au respect de la liberté de conscience et de religion des

usagers, c’est-à-dire des jeunes qui sont confiés à son service. Cette mission est délicate

particulièrement lorsqu’il faut composer avec les individualités de chacun : les agents et les jeunes.

1.3 La diversité d’origines et de cultures des personnes composant l’institution

1.3.1 Le changement du profil sociologique des travailleurs sociaux

La nécessité d’aborder les questions de la laïcité et de la neutralité est d’autant plus forte que la

diversité des origines et des cultures des professionnels est grande. C’est le cas dans mon

établissement de stage. Grace à de nombreux échanges informels avec les professionnels de

chacune des unités, j’ai compris que les éducateurs ne peuvent faire fi de « ce qu’ils sont ». Or

« depuis deux à trois décennies l’évolution sociologique des profils des professionnels dans (le)

secteur (social) fait apparaître l’émergence de nouvelles générations issues des classes populaires,

dont une partie provient de l’immigration postcoloniale. Sans être homogène ni unique, bien au

contraire, le rapport que ces travailleurs sociaux entretiennent avec le religieux est parfois lié à

leur propre inscription dans un parcours migratoire, celle de leurs ascendants, et à la manière dont

ces trajectoires prennent sens dans une histoire sociale et politique singulière et collective. »48.

L’auteure explique que cela ne signifie pas que les comportements référés au religieux de ces

professionnels sont plus marqués mais « cela vient dire quelque chose dans la façon dont ces

questions se posent dans le champ de l’intervention sociale et plus largement au sein de la société

française ».

46 NDPJJ du 21 décembre 2015 relative au Plan d’action national 2016 et rapport stratégique 2015, Troisième axe : « Favoriser des réponses individualisées en prenant appui sur le milieu ouvert socle », Mesures spécifiques BOP 2016, p.3. 47 Ibid, Quatrième axe : « Garantir l’hébergement comme une réponse articulée dans un suivi plus global du parcours », Mesures spécifiques BOP 2016, p.4. 48 Faïza GUELAMINE, Faits religieux et laïcité : le travail social à l’épreuve, Repères pour une pratique professionnelle, Actions sociales, ESF, Domont, mars 2015, p.14.

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La particularité du travail social et éducatif à la PJJ invite donc à prendre le temps de réfléchir à ces

questions. On l’a vu, le Conseil d’Etat impose que les agents publics ne manifestent pas leurs

croyances durant l’exercice de leurs fonctions, mais les exigences d’une neutralité absolue sont

tempérées par les «accommodements raisonnables» permettant à chacun d’exercer sa liberté

religieuse49. Le directeur des services (DS) ne doit donc intervenir pour sanctionner son personnel

que dans l’hypothèse où la mission serait entravée, par un comportement prosélyte par exemple.

L’interdiction du prosélytisme vise à préserver la liberté de croire ou de ne pas croire. L’idée

principale est que personne ne doit imposer ses croyances aux autres. Cela fait écho à la formule

républicaine du début du XX° siècle : « La loi protège la foi aussi longtemps que la foi ne prétend

pas dicter la loi ».

Le DS ne choisit pas ses agents50 et doit composer avec chacune des individualités qui composent

l’équipe.

1.3.2 Le profil des agents et le profil des jeunes de l’EPEI

Ni les agents ni les jeunes ne forment un groupe homogène.

Au travers de mes échanges informels avec les agents de chacune des unités et missions, je perçois

rapidement la diversité d’origines et de cultures au sein de l’équipe : près de la moitié des vingt six

éducateurs composant l’EPEI affirme avoir des origines étrangères (marocaines, turques, polonaises

ou tunisiennes) ; nombreux sont les agents qui ont de la famille dans leurs pays d’origine ; plusieurs

d’entre eux me confient être athées, croyants et/ou pratiquer une religion dans leur vie personnelle,

qu’il s’agisse de la religion catholique, juive ou musulmane ; l’un des agents est Président d’une

antenne de l’Association des Travailleurs Marocains de France (ATMF). Les équipes sont

composées d’individualités ayant chacune leur histoire, leurs traditions, leurs convictions. Jean Picq

s’interroge : si l’on doit appliquer avec une grande fermeté républicaine le principe d’égalité,

notamment d’égalité entre les sexes, en étant intraitable sur certaines sujets de société, « n’est-il pas

tout aussi nécessaire d’accueillir la diversité, de reconnaître la différence, de ne pas chercher à

enfermer l’autre dans un moule unique, de ne pas le priver du droit à sa culture, de lui permettre de

préserver sa façon de vivre et les traits qui sont à ses yeux des composantes essentielles de son

identité ? », et il conclut : « Comme toujours dans la vie sociale, tout est question de retenue et de

discernement »51.

Le groupe de jeunes confiés à l’EPEI varie mais n’est jamais homogène lui non plus. Sans être

49 Rapport de la commission STASI, 2003. 50 A l’exception des agents contractuels dont il organise le recrutement. 51 Jean PICQ, La liberté de religion dans la République, L’esprit de laïcité, Odile Jacob, Nanterre, mai 2014, p.154.

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exhaustive et à titre d’exemples, parmi les jeunes confiés actuellement à l’EPEI, nous

avons plusieurs jeunes dont les parents et les grands parents sont nés en France, un jeune dont les

deux parents sont originaires du Sénégal et dont le père est polygame, deux jeunes dont les parents

sont originaires du Maghreb, un jeune homme dont les parents sont Roms et une jeune fille

tchétchène. Or la compréhension de l’histoire et de la culture de chacun de ces jeunes peut aider

l’éducateur dans l’individualisation de la prise en charge.

Cette diversité accroît l’importance de s’intéresser à laïcité et à la citoyenneté au sein de l’EPEI.

1.3.3 La nécessité d’un travail autour des questions de laïcité et de

citoyenneté

Deux autres constats confirment cela : l’un concerne les professionnels et l’autre concerne les

jeunes.

Faïza Guélamine décrit que dans certains cas de figure, « ce sont au sein même des équipes de

travail que se posent des problèmes »52.

En effet, lors d’un entretien avec la responsable de l’UEHC le 30 septembre, j’apprends que de

réelles difficultés se sont présentées par le passé, sous l’ancienne direction. Elle m’explique que

parfois, « les revendications des professionnels sont plus prégnantes encore que celles des jeunes ».

Pour illustrer ces difficultés, elle me donne deux exemples :

- il est déjà arrivé qu’un agent vérifie la certification halal sur l’emballage de la nourriture. On peut

se demander si cela ne contrevient pas à l’obligation de neutralité des agents dans l’exercice de

leurs fonctions.

- il y a quelques années, le jour de l’Aïd El Kippour, une éducatrice demande à la responsable

d’unité si elle peut préparer une sortie avec les jeunes de l’UEHC (il s’agissait d’aller manger à

l’extérieur pour l’occasion). La responsable d’unité accepte pensant que le groupe complet de

jeunes et d’éducateurs présents le samedi soir participerait à la sortie. Finalement, le lundi suivant,

elle apprend que seuls les éducateurs et les jeunes de confession musulmane étaient sortis, laissant

les autres jeunes sans confession ou d’une autre confession au foyer, avec un éducateur contractuel,

lui aussi, a priori sans confession.

Elle m’explique que le problème aurait été le même pour une autre fête religieuse : le principe laïc

impose selon elle, que tous les jeunes soient traités de manière égale quelle que soit la confession ou

52 Faïza GUELAMINE, Faits religieux et laïcité : le travail social à l’épreuve, Repères pour une pratique professionnelle, Actions sociales, ESF, Domont, mars 2015, p.17.

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la philosophie. Si une sortie est organisée dans le cadre d’une fête religieuse, elle doit susciter les

échanges ainsi que l’apprentissage et le partage d’une autre culture.

Cet incident a été repris par le directeur de l’époque et ne s’est pas reproduit depuis.

Je suis confortée dans l’idée qu’il est impératif de travailler les questions de la laïcité et de

citoyenneté dans l’établissement à la suite d’une « réunion jeunes » que j’ai animée le 15 décembre.

J’ai profité d’un repas de fin d’année à l’UEAJ pour organiser des échanges sur cette thématique

avec un petit groupe de huit jeunes (deux filles et six garçons dont deux d’entre eux sont

conjointement pris en charge par l’UEAJ et l’UEHC). A l’issue de ces échanges, je fais le constat

que les jeunes ne savent pas ce qu’est ni la laïcité ni la neutralité. Seul un jeune se démarque un peu

du reste du groupe et tient des propos clairs et pacifistes (cf. annexe 2).

Par ailleurs, il est à noter que les personnes identifiées comme ayant participé aux actes terroristes

du 7 janvier ainsi qu’aux attentats des 13 novembre et 22 mars dernier en France et en Belgique ont

toutes un passé de délinquance53. La Protection Judiciaire de la Jeunesse ne peut pas s’affranchir de

cette information : nous devons particulièrement veiller à prévenir les comportements radicaux au

sein de nos établissements et services54.

La diversité de profils des professionnels à la PJJ est une richesse pour l’action éducative et elle doit

permettre de susciter des échanges avec les jeunes. Le fait religieux ne doit pas être tabou, il doit

faire l’objet de discussion avec les éducateurs, particulièrement au vu de la diversité de profils des

jeunes.

Toutes ces observations et constats accréditent l’idée selon laquelle la référence à la laïcité au sein

de l’EPEI est insuffisante. Cela me conduit à une problématique patente : comment le directeur des

services peut-il impulser une dynamique de changement pour intégrer la valeur laïcité puis la faire

vivre55 dans le pilotage de son Etablissement de Placement Educatif et d’Insertion ?

La particularité de nos missions impose que cette valeur soit ouvertement et résolument abordée

avec les professionnels et avec les jeunes pour trouver les moyens de la faire vivre. Cela m’amène à

53 Amedy Coulibaly, de la délinquance au terrorisme, Le Monde, Mathieu SUC, 10 janvier 2015 ; ou Les terroristes sont souvent des voyous râtés, Le Figaro, Mathilde SIRAUD, 23 mars 2016. 54 « L’enseignement de la laïcité et des faits religieux à l’école est un moyen de combattre les dérives », Jean-Paul WILLAIME, Cahiers français, Religions, laïcité(s), démocratie 389 oct-déc 2015-12-01 : selon moi, ce constat peut être transposé à la PJJ, particulièrement lorsque les jeunes qui nous sont confiés sont déscolarisés. Revenons à un modèle de « laïcité intelligente » qui, selon régis DEBRAY, favorise le vivre-ensemble en permettant la connaissance de la religion de l’autre : Rapport sur l’enseignement du fait religieux dans l’école laïque, remis en février 2002 au ministre de l'Education nationale, Jack LANG. 55 « Faire vivre » au sens de « veiller au respect », de « donner du sens », de « rendre visible », de « transmettre ».

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une hypothèse de recherche selon laquelle ne pas parler de laïcité et de religions, ni avec les

professionnels ni avec les jeunes, est un frein à l’amélioration de la qualité des prises en charge

éducatives au sens où ces concepts participent de l’éducation des jeunes et peuvent prévenir des

comportements radicaux.

Pour vérifier cette hypothèse, j’ai poursuivis mes recherches avant de mettre en œuvre plusieurs

expérimentations.

2. La poursuite de la démarche de recherche et l’amorce de la conduite au changement

Pour poursuivre mes recherches, j’ai usé de plusieurs moyens. Il convient de présenter d’une part la

démarche méthodologique de recherche puis d’autre part la démarche d’évaluation interne sur

laquelle je me suis appuyée pour enrichir le recueil de données et pour amorcer une dynamique de

changement56 au sein de l’établissement.

2.1 La démarche méthodologique de recherche

Mes recherches ont débuté en septembre avec une période d’observation de cinq semaines, étayée

par des premières lectures en lien avec la laïcité dans les services publics.

2.1.1 Observations et lectures

L’observation a été ma première technique de collecte d’informations : observation dirigée et

observation participante.

Chacune de mes séances d’observation dirigée a été suivie d’un travail d’écriture sur un journal de

terrain, que j’ai tenu durant toute la durée du stage. Par exemple, j’ai observé les jeunes durant le

repas de fin d’année et le temps d’échanges qui s’en est suivi à l’UEAJ le 15 décembre, puis j’ai

rédigé un compte-rendu de nos échanges à l’aide de mon journal (cf. annexe 2). J’ai ainsi pu

constater que plusieurs jeunes étaient peu sûrs d’eux.

Dès le mois de septembre, j’ai été en totale immersion dans le milieu, ce qui m’a permis de

participer à certaines activités avec l’EPEI, telles que les vendanges avec l’UEAJ. Ma fonction de

directrice stagiaire m’a autorisée à participer à un grand nombre de réunions qu’il s’agisse de

56 « Conduire un établissement ne signifie pas atteindre un état déterminé mais soutenir son dynamisme au fil du temps. Ce n’est pas le mouvement de l’institution qui justifie son existence mais le développement des personnes qu’elle accueille, les trajectoires individuelles qui la parcourent. Et pourtant, le terme même d’orientations implique un mouvement. Non pas la recherche d’un aboutissement, mais un mouvement permanent, une action soutenue par des finalités conçues comme ce qui lui donne sens, ce qui la motive. Se donner une direction serait donc donner du sens à une action » : par changement, je pense donc à deux postures directoriales distinctes : « l’une qui concernerait l’animation d’une équipe au quotidien, l’autre qui consisterait à impulser le changement rendu nécessaire du fait de dysfonctionnements caractérisés, d’un état général de crise, d’une évolution significative du public ou de l’environnement. », Bertrand DUBREUIL, Le travail de directeur en établissement social et médico-social, 2ème édition, Dunod, Paris, 2013, p. 79-80. Le changement ne vise donc pas systématiquement un aboutissement, il peut aussi s’agir d’un mouvement permanent.

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réunions de gouvernance, de fonctionnement, d’établissement ou réunions de travail (voir infra). Je

me suis servie de mon rôle de directrice en formation, particulièrement dans le cadre de l’évaluation

interne, pour collecter des données. La difficulté que j’ai rencontrée en début d’année était la

discontinuité des périodes de présence sur le terrain de stage car les périodes d’observation étaient

parfois assez courtes (quatre à cinq semaines).

Je n’ai observé que à découvert, au sens où je n’ai jamais caché à mes interlocuteurs ma volonté de

rédiger un mémoire de recherche sur la thématique de la laïcité. J’ai fait le choix de ne pas observer

incognito dans un objectif de transparence et pour pouvoir poser ouvertement des questions ciblées

sans que cela ne suscite de surprise ou d’incompréhension de la part de mes interlocuteurs. Au fur et

à mesure de la progression du stage et de la montée en responsabilisation, il me semble que j’ai

davantage usé de la « participation observante » que de l’« observation participante »57.

J’ai enrichi mes observations de lectures, notamment à l’aide de bibliographies disponibles à la

médiathèque de l’ENPJJ, l’une ayant trait à « la laïcité » et l’autre à « la prévention de la

radicalisation : les réponses de la république ».

Les écrits de Jean Beubérot m’ont éclairé sur l’histoire et les origines de la laïcité. L’ouvrage de

Jean Picq sur La liberté de religion dans la République a nourri ma réflexion sur les différentes

interprétations de la laïcité58 et sur l’implication de ce principe dans les services publics. Faïza

Guélamine, dans son ouvrage sur le travail social à l’épreuve maintes fois cité dans ce mémoire,

m’a permis de confronter mes constats à des propos plus généraux sur les particularités du travail

social et elle a conforté certaines des interprétations que je pouvais faire de mes constats à l’EPEI.

Des ouvrages sur « la conduite au changement » tels que ceux de David Autissier, consultant qui est

intervenu dans ma promotion de directeurs à l’ENPJJ en janvier 2015, m’ont aidé à discerner la

difficulté de ce cheminement et m’ont enseigné de précieux conseils.

57 Pour la clarification terminologique de cette méthodologie : Bastien SOULE, Observation participante ou participation observante ? Usages et justifications de la notion de participation observante en sciences sociales, Recherches qualitatives, vol. 27(1), 2007, pp.127-140 : la notion de participation observante souligne « un investissement particulièrement prolongé sur le terrain » et suggère « une prépondérance de la participation sur l’observation ». 58 Certaines interprétations sont erronées : le problème de la « laïcité à la française » semble bien être la possibilité d’interpréter de deux façons différentes le principe posé par la loi de 1905 : on y voit soit une laïcité de combat soit une laïcité souple, de tolérance. L’absence de réel choix politique entre ces deux acceptions contribue probablement à générer des polémiques et des inégalités pouvant nuire au bien-vivre ensemble. Depuis près de 25 ans, on peut constater une tendance à s’écarter de l’esprit fondateur de la laïcité telle que pensée par Aristide Briand, qui consistait à reconnaître et à accepter les convictions individuelles. Cette laïcité, dévoyée de son sens premier, a une tendance antireligieuse ou anti-islam. Finalement, on renie ainsi justement ce que les pères fondateurs de la laïcité ont combattu : un règne de la pensé unique et l’imposition d’une seule croyance. Le rapport Pour une nouvelle laïcité, remis en juin 2003 par François BAROIN au Premier ministre de l’époque (Jean-Pierre RAFFARIN) illustre la tendance vers une laïcité de combat. Jean BAUBEROT y voit à cet égard un tournant, « la nouvelle laïcité, marqueur culturel de l’identité française, se transformant en catho-laïcité » : A quelle laïcité se vouer en France ? Stéphanie Le Bars, Le Monde.fr, Culture et idées, 10 janvier 2014.

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26

2.1.2 Les échanges informels

Tout au long du stage, j’ai eu de nombreuses conversations informelles, certaines orientées d’autres

non. Par exemple, pour étudier le profil sociologique des agents et des jeunes, il était utile de

recourir à des échanges informels pour s’appuyer sur les formes ordinaires des échanges sociaux et

donner parfois l’apparence d’une conversation à un entretien qui supprime son statut formel59.

Cependant, j’ai fait le choix d’utiliser ces échanges informels dans mon analyse sans jamais

retranscrire exactement le contenu de ces échanges afin de ne pas « rendre publics des propos privés

recueillis dans un rapport de confiance »60.

2.1.3 Les entretiens

J’ai fait le choix de procéder ensuite à plusieurs entretiens en préparant une grille de questions en

amont. J’ai réalisé ainsi deux entretiens semi-directifs pour approfondir mes recherches.

Dans le but de recueillir des informations relatives à l’organisation et au contenu des repas à

l’UEHC, je me suis entretenue avec le cuisinier et la maîtresse de maison le 5 janvier. J’ai en fait,

profité d’une « Commission cuisine » que j’étais chargée d’animer en représentation de la Direction

pour interroger ces deux personnels. Je souhaitais d’une part connaître et mieux comprendre

l’histoire de l’établissement et d’autre part, recueillir l’avis de ces deux personnels sur les

changements qui pouvaient être envisagés en matière de contenu et d’élaboration des repas au

foyer.

La maîtresse de maison n’est en poste à l’UEHC que depuis le 1er octobre dernier tandis que le

cuisinier occupe ses fonctions depuis 2002. Dès lors, il m’a paru intéressant de confronter leurs

points de vue : je souhaitais à la fois approfondir mes connaissances de l’histoire de l’unité avec le

cuisinier, et percevoir le regard nouveau de la maîtresse de maison sur le fonctionnement qu’elle a

découvert en prenant ses fonctions à l’UEHC.

A ce moment là, j’avais déjà des idées d’expérimentations que je souhaitais mener au sein de

l’EPEI dans le cadre de ce travail de mémoire. Néanmoins, je souhaitais aussi recueillir l’avis de ces

professionnels sur les changements que nous allions pouvoir envisager ou non pour améliorer le

fonctionnement actuel.

Je les ai questionnés pour comprendre pourquoi les repas au foyer étaient exclusivement halal puis

j’ai cherché à savoir si c’était possible qu’ils travaillent différemment.

Il m’a semblé que l’arrivée d’une nouvelle maîtresse de maison était une bonne opportunité pour

59 Patrick BRUNETEAUX, Corinne LANZARINI, Les entretiens informels, Sociétés contemporaines, N°30, 1998, pp. 157-180. 60 Pierre BOURDIEU, Notes au lecteur, La misère du monde, Paris, Editions du Seuil, 1993.

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initier du changement. Cependant, il est nécessaire de co-construire le changement avec les

personnes qui en seront porteuses et je souhaitais recueillir leur adhésion aux actions que j’allais

proposer en réunion d’établissement le 12 janvier, car l’adhésion favorise l’implication61.

A l’issue de cet entretien, j’ai rédigé un compte-rendu à l’aide de mes notes (cf. annexe 3).

Nos principaux partenaires sont les services judiciaires et plus spécifiquement les Juges des enfants

(JE). C’est pourquoi, dès le mois de novembre, j’ai sollicité un entretien avec deux des Juges des

enfants du territoire. Pour l’une d’entre elles, le rendez-vous que nous avions fixé le 9 février a été

annulé en raison d’un congé de maternité intervenu plus tôt que prévu. En revanche, après quelques

relances, la Juge des enfants de la principale juridiction du territoire a accepté de s’entretenir avec

moi dans son cabinet. Ce magistrat est également le coordinateur des cinq JE du Tribunal de Grande

Instance.

Elle occupe ces fonctions depuis huit ans. Avant cela, elle a déjà été JE remplaçant durant presque

deux ans dans une autre juridiction et elle a été Juge de l’application des peines durant plusieurs

années. C’est donc forte de son expérience qu’il m’a semblé intéressant de recueillir son avis sur

diverses questions en lien avec la prise en compte de la laïcité dans un EPEI de la PJJ, auquel elle

confie très souvent des jeunes sous main de justice.

Là encore, j’ai rédigé un compte-rendu à l’issue de nos échanges à partir d’une prise de notes

réalisées durant l’entretien (cf. annexe 4). Lorsque je les avais prises intégralement en notes et

qu’elles me paraissaient particulièrement intéressantes pour mon travail de recherche, j’ai

retranscris certaines paroles dans leur totalité.

Pour ces deux situations, j’ai exposé clairement à mes interlocuteurs les objectifs de l’entretien et le

contexte dans lequel il intervenait. Je leur ai présenté ma démarche de recherche en exposant le

sujet de mon mémoire et je leur ai expliqué que les données que j’allais recueillir au cours de nos

échanges allaient également me servir dans le cadre de l’évaluation interne, que j’étais chargée de

conduire dans l’établissement. Pour cela, j’ai systématiquement rappelé le cadre légal et

règlementaire de l’évaluation interne.

2.2 La poursuite de mes recherches dans le cadre de la démarche d’évaluation

interne

Dans le cadre de mon stage, le dossier de l’évaluation interne de l’établissement m’a été confié par

ma tutrice. C’est la raison pour laquelle ma démarche de recherche s’appuie en partie sur cet outil

61 David AUTISSIER et Jean-Michel MOUTOT, La boîte à outils de la conduite du changement, DUNOD, Espagne, novembre 2015.

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managérial62. Cette voie d’entrée constitue un biais parce que l'évaluation interne n'est pas un outil

méthodologique indépendant ou créé par le chercheur, c'est un outil institutionnel qui permet de

recueillir des informations que l'on peut ensuite utiliser en données pour la recherche, mais les

questions qui sont posées le sont à des fins institutionnelles et non scientifiques. L'évaluation

interne aurait eu lieu même s'il n'y avait pas eu de recherche. Néanmoins, cet outil m’a permis

d’aborder cette question sensible de la laïcité dans un cadre institutionnel sécurisant pour les

professionnels. De plus, l’évaluation interne peut être un levier de changement, à condition d’y

donner du sens.

2.2.1 Le cadre légal et règlementaire de l’évaluation interne

La Loi n° 2002-2 du 2 janvier 2002 introduit deux principes majeurs pour les ESSMS :

l’amélioration continue de la qualité des prestations et la prise en compte des droits des usagers et

de leur respect. Les dispositions de cette loi ont été codifiées dans le CASF63. A ce titre, les

établissements de la PJJ doivent « procéder à des évaluations de leurs activités et de la qualité des

prestations qu’ils délivrent »64.

La circulaire du 19 novembre 2012 relative à l’évaluation interne dans les établissements et services

du secteur public de la PJJ définit l’évaluation interne comme une démarche continue de réflexion

sur l’organisation et les pratiques professionnelles au sein de l’établissement ou service, dont

l’objectif est « de porter une appréciation sur des procédures, références et pratiques identifiées et

existantes au sein d’un service afin de concevoir des pistes de progrès dans le souci d’améliorer les

pratiques et la qualité du service rendu ». Cette démarche vise à mesurer la pertinence des actions

engagées au regard des besoins des populations accueillies. Elle est menée par l’ensemble des

professionnels sous la responsabilité du directeur de service.

C’est conformément à cette règlementation que j’ai amorcé la démarche d’évaluation interne. Pour

cela, dès la fin du mois de septembre, j’ai pris connaissance des textes de référence en la matière : la

circulaire de 2012 précitée, le Guide de l’évaluation interne des établissements et services de la PJJ

élaboré par le bureau des méthodes et de l’action éducative de la DPJJ65 en octobre 2009 et les

recommandations de bonnes pratiques professionnelles de l’ANESM66. Parmi celles-ci, il est

62 L’évaluation interne était un moyen de combiner à la fois la mise en œuvre d’actes de direction dans le cadre d’une méthodologie de projet et la poursuite de ma démarche de recherche. 63 Ces dispositions concernent les établissements et services de la PJJ (secteur public et secteur habilité), visés par le 4° du I de l’article L.312-1 du CASF en tant qu’ESSMS. 64 Article L.312-8 du CASF. 65 SDK / K2. 66 L’Agence Nationale d’Evaluation Sociale et Médico-sociale (ANESM) a été créée par la loi de financement de la sécurité sociale pour 2007. Elle est née de la volonté des pouvoirs publics d’accompagner les ESSMS dans la mise en œuvre de l’évaluation interne

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indiqué que « lorsque l’établissement dispose d’un référentiel qui décline notamment les

obligations réglementaires et les recommandations de pratiques professionnelles validées, il est

procédé à une comparaison des pratiques réelles et à l’identification des écarts avec les pratiques

attendues »67. Ainsi, j’ai aussi pris connaissance du référentiel de contrôle de fonctionnement

d’EPE/UEHC de l’inspection de la PJJ. Je constate qu’il n’y a pas de rubrique en lien direct avec la

laïcité, toutefois, je peux lire que la première valeur de notre administration citée à titre d’exemple

est celle de la laïcité. Cette valeur devrait figurer dans le projet de service68.

D’après la circulaire de 2012, le choix de la méthodologie est une étape primordiale pour la réussite

de la démarche et son appropriation par l’ensemble des acteurs impliqués. Une bonne articulation

entre directeur et responsables d’unité éducative est impérative afin que chacun prenne sa place

dans la démarche. Il faut éviter que l’évaluation interne ne soit perçue par les professionnels que

comme un moyen de contrôle et de normalisation de l’activité. Ainsi, il est indispensable d’associer

tous les professionnels de l’EPEI à cette démarche.

Le directeur doit établir un échéancier de l’ensemble de la démarche, en lien avec les responsables

d’unité éducative (cf. annexe 5). Il le communique à toutes les personnes participant à l’évaluation

interne et il veille au respect des étapes incontournables. Cette démarche favorise l’intégration des

personnels arrivant dans le service. Or, l’EPEI a accueilli cette année quatre nouveaux éducateurs,

une directrice stagiaire et une maîtresse de maison. L’année 2015-2016 semble bien propice aux

changements.

L’évaluation interne requiert aussi que les usagers, les partenaires ainsi que les juridictions soient

consultés. C’est pourquoi j’ai souhaité interroger les jeunes, les familles d’accueil avec lesquelles

travaille l’EPEI, ainsi que les magistrats du ressort.

Tout au long du processus, j’ai régulièrement communiqué aux professionnels de l’EPEI des

informations sur l’avancée des travaux.

et externe, instituée par la loi n°2002-2 du 2 janvier 2002. Installée en mai 2007, l’Agence a succédé au Conseil national de l’évaluation sociale et médico-sociale. 67 Recommandations de bonnes pratiques professionnelles : la conduite de l’évaluation interne dans les établissements et services visés à l’article L.312-1 du Code de l’Action sociale et des familles, ANESM, juillet 2009, p. 33. 68 Objectif A.2 - Le projet d’établissement fait référence pour les personnels; il est reconnu par les prescripteurs ; Point de contrôle A.2.1.- Le projet de l’établissement est écrit, mis à jour et validé (…) Le projet d’établissement énonce les principes et valeurs (laïcité ...) ainsi que les obligations découlant de la loi (…), p. 3.

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30

2.2.2 Un état des lieux participatif

Lors d’une réunion de gouvernance69, j’ai annoncé aux responsables d’unité et au coordinateur de la

MEHD que j’allais mettre en place des groupes de travail pour aborder les deux thèmes retenus

(l’accueil et la laïcité). De prime abord, mon idée était de composer un groupe de travail inter-unités

sur chacun des deux thèmes et de laisser aux agents la liberté de choisir de s’inscrire sur l’un ou

l’autre des groupes70. Toutefois, les trois cadres de proximité ont d’emblée attiré mon attention sur

le risque que les agents se positionnent dans les groupes selon les affinités avec les collègues déjà

inscrits. Pour plus d’efficacité et de rapidité, ils m’ont suggéré que nous composions nous mêmes

les groupes de manière équilibrée (afin notamment que chacune des unités soit équitablement

représentée), ce que nous avons fait alors71. Nous avons fixé ensemble les dates de réunion des deux

groupes et je les ai informés de l’envoi prochain d’un questionnaire aux agents.

Il était alors nécessaire d’élaborer un protocole réaliste au regard du temps et des moyens

disponibles72.

Dès que la démarche fût initiée auprès des cadres de proximité (RUE et coordinateur HD), je me

suis rendue sur chacun des sites de l’EPEI pour annoncer la démarche avec les RUE à l’ensemble

des équipes. Le 29 septembre j’ai présenté cela en début de réunion d’équipe à l’UEHC, le 30

j’étais à la MEHD avec son coordinateur, puis j’étais à l’UEAJ le 16 novembre73.

Pour l’envoi de questionnaires, je me fonde sur un document élaboré par la DIR à destination des

directeurs de service (cf. annexe 6). Je l’adapte aux agents et je le diffuse le 8 octobre (cf. annexe

7). Une enquête par questionnaire permet de s’adresser à un plus grand nombre de personnes et de

repérer par des questions fermées ou à choix multiples des régularités sur un point précis et de

dégager des points de vue dominants74. De plus, l’objectif était de préparer la réunion du groupe de

travail sur la prise en compte de la laïcité programmée le 19 novembre (c’est-à-dire d’avoir des

69 Réunion de l’équipe de direction de l’EPEI regroupant la directrice, les deux responsables d’unité, le coordinateur de la MEHD et moi-même. 70 C’est une pratique que j’avais observé sur mon premier service de stage l’année passée, un STEMO. J’avais trouvé cela satisfaisant mais je comprends lors des échanges avec les cadres de proximité de l’EPEI que ce qui est concluant dans un service de milieu ouvert ne l’est pas nécessairement en hébergement et en insertion. Le temps que l’on peut consacrer à des réunions de travail n’est pas non plus le même. 71 Je me suis dis que si je venais de prendre mon poste à l’EPEI, je ferai certainement le choix de faire confiance à mes responsables d’unité pour cette première « démarche projet », puis que j’évaluerai ensuite la méthodologie choisie, quitte à modifier celle-ci les années suivantes si elle ne se révélait pas pleinement satisfaisante. C’est la raison pour laquelle j’ai fais le choix de suivre leur proposition. En outre, c’est une manière d’associer les cadres de proximité à la démarche. 72 Recommandations de bonnes pratiques professionnelles : la conduite de l’évaluation interne dans les établissements et services visés à l’article L.312-1 du Code de l’Action sociale et des familles, ANESM, juillet 2009. 73 J’annonce donc les objectifs des réunions des groupes de travail, leurs dates, la composition des groupes, l’envoi des questionnaires et le calendrier fixé pour le processus global. 74 Recommandations de bonnes pratiques professionnelles : la conduite de l’évaluation interne dans les établissements et services visés à l’article L.312-1 du Code de l’Action sociale et des familles, ANESM, juillet 2009, p. 35.

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31

éléments à partir desquels construire l’ordre du jour et amorcer la réflexion des professionnels sur

les différents points qui allaient être abordés). J’ai fixé une date limite de retour des questionnaires

au 2 novembre.

Malheureusement, je n’ai eu que très peu de retours. Sept questionnaires sur vingt-trois m’ont été

retournés remplis malgré une relance quelques jours avant la date butoir. A ce jour, je me dis que le

délai pour remplir les questionnaires était probablement trop court. Néanmoins, il correspondait à

un calendrier nous permettant, la directrice et moi-même, de faire parvenir un état des lieux à la

DIR au mois de décembre, conformément à la commande qui nous avait été faite pour cette

deuxième évaluation interne75.

Ainsi, c’est lors de la réunion du groupe de travail le 19 novembre que j’ai pu recueillir des données

pertinentes tant pour l’évaluation interne que pour ma démarche de recherche. Il est en effet

recommandé de réunir les équipes professionnelles pour identifier leurs pratiques76 . Selon

l'ANESM, l'évaluation interne est participative et vise à instaurer un débat sur les valeurs et les

moyens des actions conduites, à produire une analyse collective des écarts et à définir des priorités

d'amélioration. Elle repose de manière essentielle sur le croisement des perspectives, intégrant

l'ensemble des acteurs concernés77. C’est dans cette visée là que j’ai souhaité animer la réunion.

J’ai élaboré l’ordre du jour en m’appuyant sur le questionnaire que j’avais envoyé aux agents (cf.

annexe 8). Les réunions de travail sur les thèmes de l’évaluation interne, l’accueil (le 2 novembre)

et la laïcité, ont été les premières réunions d’équipe que j’ai animées78. A leur issue, j’ai rédigé un

compte-rendu que j’ai diffusé à tout le personnel de l’EPEI lors de la réunion d’établissement le 17

décembre (cf. annexe 9).

J’ai demandé à ce qu’au moins l’une des responsables d’unité soient présentes à chacune des

réunions. En effet, « la bonne compréhension par l’encadrement intermédiaire des enjeux et des

modalités de la démarche est une garantie de la qualité de l’évaluation et de la mobilisation des

professionnels »79.

75 La première évaluation interne réalisée dans les établissements et services de la PJJ date de 2010. Au regard de la thématique des deux premières "recommandations de bonnes pratiques professionnelles" publiées par l'ANESM, la DPJJ avait décidé de réaliser cette démarche sur « La bientraitance : définition et repères pour la mise en œuvre » et sur « Les conduites violentes dans les établissements accueillant des adolescents : prévention et réponses ». Une évaluation interne doit être initiée tous les cinq ans. 76 Recommandations de bonnes pratiques professionnelles : la conduite de l’évaluation interne dans les établissements et services visés à l’article L.312-1 du Code de l’Action sociale et des familles, ANESM, juillet 2009, p. 38. 77 Guide de l’évaluation interne des établissements et services de la PJJ élaboré par le bureau des méthodes et de l’action éducative de la DPJJ, III. 1. 78 Dans un objectif de progressivité, j’ai d’abord animé des points directeur-responsable d’unité et des réunions de gouvernance en l’absence de la directrice de l’établissement. 79 Ainsi, il est recommandé que les cadres intermédiaires de l’établissement ou du service reçoivent la formation et les informations nécessaires à leur implication : Recommandations de bonnes pratiques professionnelles : la conduite de l’évaluation interne dans les établissements et services visés à l’article L.312-1 du Code de l’Action sociale et des familles, ANESM, juillet 2009, p. 28.

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La plupart de mes premières observations exposées dans la première partie de ce mémoire ont été

confirmées lors de mes échanges avec le groupe. Certains ressentis n’ont toutefois pas été exprimés

devant les collègues (aucun agent n’a exprimé une réticence à parler de religions avec les jeunes en

raison de l’obligation de neutralité par exemple). J’ai constaté qu’il était plus facile de parler de la

liberté de religion des usagers que de l’obligation de neutralité lorsque nous avons abordé « la

laïcité dans les pratiques professionnelles »80.

J’ai déjà exposé les raisons des changements attendus par la direction (notamment concernant les

repas à l’UEHC) et des idées d’actions ont d’ores et déjà été émises par les professionnels. Lors de

nos échanges, j’ai souhaité que chacun puisse s’exprimer et j’ai essayé de trouver des accords « qui

transcendent les divergences d’intérêts et qui assument la disparité des positions » : l’idée était de

permettre la négociation et la délibération collective, qui sont des nœuds essentiels de la fonction de

direction : ce sont les supports d’un positionnement éthique, au sens de Paul Ricoeur : « Appelons

« visée éthique » la visée de la « vie bonne » avec et pour les autres dans des institutions justes »81.

En effet, le cadre de direction ne doit pas simplement être celui qui tranche en dernier ressort, « il

est celui qui tient le cadre de la délibération, qui maintient en tension les questions vives qui agitent

l’organisation, qui maintient ouvert la bonne délibération (l’euboulia selon Platon) »82.

Suite à cette réunion de travail, j’ai pris attache avec la référente laïcité-citoyenneté du territoire

pour solliciter un entretien. L’objectif était pluriel : je souhaitais prendre connaissance de sa fiche

de poste ; discuter des projets et actions initiés par les autres services, la DT et la DIR ; connaître les

fonds disponibles pour mettre en place des actions ; voir quelles étaient les orientations du nouveau

DT en poste depuis le 5 octobre ; lui parler de l’évaluation interne en cours ; et enfin, échanger avec

elle sur la formation radicalisation organisée par les PTF. A l’occasion de l’entretien obtenu le 24

novembre, je lui ai donc fait des retours de la réunion du 19, principalement pour lui faire connaître

les attentes du personnel de l’EPEI à l’égard de ses nouvelles fonctions83.

A ce jour, cet agent n’a pas de fiche de poste spécifique au sein de la DT. Ses fonctions sont

définies par la Note DPJJ du 7 septembre 201584. Cette note énonce les deux missions essentielles

de la MNVI composée des référents laïcité-citoyenneté : - assurer la coordination des acteurs et le

soutien aux professionnels concourant à la prévention des risques de radicalisation dans le cadre de

la mission éducative ; - conduire une politique de citoyenneté, de réaffirmation des principes et

valeurs de la République notamment la laïcité, la lutte contre toute forme de racisme, de

manifestation de l’intolérance et de discrimination à travers l’organisation d’actions de prévention

80 Point II du compte-rendu. 81 Roland JANVIER, Ethique de direction en institution sociale et médico-sociale, Esf, Domont, décembre 2014, p.36-37. 82 Ibid, p. 43. 83 Dernier point du compte-rendu de réunion. 84 NDPJJ relative au cadre d’intervention des référents laïcité et citoyenneté de la mission nationale de veille et d’information.

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et d’éducation à la laïcité et la citoyenneté. C’est dans ce cadre que ma tutrice et moi-même, nous

souhaitons l’associer aux changements qui seront impulsés à l’EPEI.

Dans le cadre de cette démarche qualité, j’ai souhaité interroger les usagers c’est-à-dire les jeunes.

Outre les échanges informels que j’avais pu avoir avec eux au fil des jours, j’ai organisé et préparé

la « réunion jeunes » du 15 décembre en présence des éducateurs de service (supra, p.22).

Initialement, je voulais que l’équipe éducative organise cette réunion mais elle m’a demandé de

l’animer moi-même en leur présence85. Ainsi, les éducateurs présents moi-même, nous avons

restitué le contenu de ces échanges à tous les professionnels de l’EPEI lors de la réunion

d’établissement du 17 décembre, durant laquelle nous avons fait le point, la directrice et moi-même,

sur le processus d’évaluation en cours.

J’ai profité d’un temps de repas lors d’une « journée information famille d’accueil » le 25 janvier

pour questionner les familles présentes sur le rapport qu’elles entretenaient avec la laïcité vis à vis

des jeunes qu’elles accueillaient. Le thème de la journée était celui des cyber risques, je n’avais

donc pas préparé de question particulière. Je souhaitais simplement recueillir leur avis au cours de

conversations informelles. Je leur ai néanmoins présenté la démarche d’évaluation interne conduite

au sein de l’EPEI afin qu’elles sachent dans quel contexte leur étaient posées les questions.

Finalement, ces conversations ne m’ont pas véritablement permis d’enrichir l’état des lieux car les

personnes présentes n’ont soulevé aucun questionnement ni aucune difficulté en lien avec cette

thématique. Il m’a simplement semblé qu’il y avait une certaine retenue à parler de laïcité dans le

cadre de la collaboration de ces familles à un service public.

Toujours dans le cadre de l’évaluation interne, je suis allée à la rencontre d’un juge des enfants qui

a accepté de me recevoir. Afin d’obtenir ce rendez-vous, j’ai présenté le double objectif que je

poursuivais : à la fois contribuer à l’évaluation interne de l’établissement, et enrichir les données

recueillies dans le cadre de ma démarche de recherche.

Il était intéressant de voir que ce magistrat attend effectivement des éducateurs qu’ils abordent la

liberté de religion avec les jeunes comme étant un sujet de société parmi d’autres mais encore de

voir, qu’en tant que représentant de l’autorité judiciaire, gardienne des libertés individuelles, il

considère que l’obligation de neutralité ne s’applique pas nécessairement de la même manière aux

agents publics selon les fonctions exercées. Selon lui, l’éducateur n’a pas strictement la même

obligation de neutralité qu’un magistrat par exemple. Le métier même d’éducateur implique que

85 Je pense d’une part que l’équipe éducative souhaitait voir la directrice en formation interagir avec les jeunes et d’autre part, qu’elle ne souhaitait pas aborder ce sujet de la laïcité avec les jeunes (peut-être par gêne).

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l’on livre un peu de soi aux jeunes.

2.2.3 Les résultats de l’évaluation interne

Le champ d'application de l'évaluation interne a été défini par l’ANESM et porte sur l'effectivité des

droits des usagers, �l'établissement ou le service dans son environnement et l'organisation de

l'établissement ou du service. Il s’agit de « vérifier que le projet de service est mis concrètement en

œuvre dans les pratiques professionnelles, et que le principe d’individualisation de la prise en

charge qui assure le respect de l’usager et de ses droits est effectif »86. Autrement dit, l’évaluation

interne est quasiment indissociable du projet d’établissement ou de service puisqu’elle vise en fait à

l’actualiser, à faire le bilan des objectifs de l’année passée (voir ceux qui ont été atteints et ceux qui

seraient encore à atteindre). Elle vise à relever les points forts et les points faibles de

l’établissement.

Ainsi, l’état des lieux participatif réalisé a permis de dégager des points forts et des points faibles au

sein de l’EPEI.

S’agissant des points forts, nous avons relevé que :

- Globalement, la liberté religieuse des mineurs pris en charge à l’EPEI était respectée ;

- Les fêtes religieuses sont généralement des moments de partage favorisant le vivre ensemble

et l’apprentissage d’autres cultures ;

- L’organisation du temps de travail ne pose pas de difficulté à l’EPEI (il y a une certaine

solidarité d’équipe et les professionnels parviennent à prendre congés lors des fêtes

religieuses qu’ils souhaitent célébrer) ;

- La prise des repas à l’UEAJ ne pose presque pas de difficulté (seule le manque

d’anticipation lors de certaines activités à l’extérieur peut encore être un point à améliorer) ;

- Les ateliers cuisines de l’UEHC sont des occasions pour les jeunes de découvrir la diversité

gastronomique.

S’agissant des points faibles, nous avons fait les constats suivants :

- Il n’a jamais été proposé à un jeune de rencontrer un aumônier (à noter qu’une telle

rencontre n’est possible qu’à l’extérieur de l’établissement et que l’accord des parents est

requis selon la NDPJJ du 4 mai 2015) ;

- Un besoin de formation, particulièrement en histoire des religions, est exprimé par les

agents, pour compléter la formation radicalisation proposée par le PTF ;

- Les repas à l’UEHC sont exclusivement composés de viande halal et on relève une absence

86 Circulaire de 2012, précitée.

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totale de viande de porc ;

- Il y a une réelle nécessité de travailler à nouveau la citoyenneté avec les jeunes dans chacune

des unités et missions de l’EPEI car les jeunes ne savent généralement pas ce qu’est la

laïcité, la liberté de religion, le recensement, les différentes coutumes qui existent dans le

monde, l’histoire de l’immigration en France, l’histoire de notre région. De plus, ils ont bien

souvent des représentations qui empêchent le vivre ensemble (des représentations sur la

place de la femme dans la société, sur les personnes de confessions juives, sur les personnes

dont la couleur de la peau est noire, etc.).

J’ai communiqué les résultats de l’évaluation interne en premier lieu à la directrice de

l’établissement. Nous avons pris le temps de faire le point toutes les deux sur les données recueillies

et sur ce que j’avais pu ressentir et percevoir au cours de cet état des lieux participatif. Après cela,

j’ai communiqué ces résultats aux cadres de proximité lors d’une réunion de gouvernance.

Conformément au calendrier que nous nous étions fixé en équipe de direction, nous avons fait

parvenir les différents comptes rendus à tous les professionnels de l’établissement lors de la réunion

d’établissement de fin d’année le 17 décembre. Nous avons mis tous les documents de référence de

l’établissement ainsi que les résultats de l’évaluation interne sur une clé USB professionnelle, que

nous avons remise à chacun des agents de l’établissement (au personnel tant éducatif que non

éducatif).

Lors de cette réunion, la directrice et moi-même avons décidé de faire intervenir la référente laïcité

citoyenneté du territoire. Cette dernière n’avait pas encore rencontré les agents de l’EPEI. Ce fût

donc l’occasion de l’introduire pour qu’elle soit ensuite identifiée et repérée par tous. Cela nous a

également permis de faire le point sur les fonds des directions territoriales et interrégionales dédiés

aux actions en lien avec les thématiques de la laïcité et de la citoyenneté87. Nous souhaitions que

cette rencontre contribue à mobiliser les équipes sur des projets éducatifs laïcs et citoyens.

Enfin, nous avons transmis à la direction interrégionale les comptes rendus de réunions ainsi que le

calendrier des échéances à venir (élaboration du plan d’actions d’amélioration, présentation de ce

plan aux équipes et suivi du plan).

Cette méthode de conduite et de gestion de projet réalisée dans le cadre de l’évaluation interne m’a

permis d’expérimenter un management que je qualifierai de « management de la dignité humaine ».

Selon Roland Janvier, il s’agit d’un management –dont le terme vient du vieux français

87 Ces fonds sont réunis dans le cadre du Plan de Lutte Anti-Terroriste (PLAT).

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« ménager »- « qui accepte, assume et accompagne la diversité, l’imparfait, bref l’humain. Il s’agit

d’un management qui repose sur la bienveillance, qui prend soin de ceux qu’il encadre. Ce

management-là est convaincu que l’adhésion des acteurs aux objectifs communs est plus

importante et plus efficace que la contrainte à faire ou exécuter, que l’appel vers un idéal partagé

est plus riche et plus productif que la menace ou la sanction »88.

Il me semble que c’est aussi de cette manière là que j’ai voulu impulser une dynamique de

changement, en me servant de l’évaluation interne comme levier d’intégration de la laïcité dans le

pilotage de l’établissement, car « ensemble, les acteurs peuvent faire plus et mieux que chacun dans

son coin »89.

3. L’intégration de la laïcité dans l’établissement par la mise en œuvre d’un plan

d’actions d’améliorations

« A l’issue de la démarche évaluative, il incombe à la direction de se saisir des constats transmis

par le groupe projet ou instance d’évaluation pour élaborer le plan d’amélioration des services

rendus. Il lui incombe également de le mettre en œuvre et d’en assurer le suivi »90. Ce sont ces

actions que j’expose dans cette troisième partie.

3.1. L’élaboration et la présentation d’un plan d’actions d’améliorations à partir du

recueil de données

L’analyse des données recueillies a servi pour élaborer un plan d’actions d’améliorations pour

poursuivre la démarche d’évaluation interne.

3.1.1 La réflexion à partir de l’analyse des données

recueillies

Lors de l’entretien avec le « Pôle cuisine »91 du 5 janvier, j’ai appris que la direction de

l’établissement s’était tenue à l’écart des choix des menus pendant un certain temps. Cette

information est venue éclairer le choix de la directrice actuelle de ne reprendre la main que

progressivement sur le sujet. Depuis son arrivée, elle demande que les menus lui soient

communiqués régulièrement. Aujourd’hui, nous aimerions franchir une nouvelle étape et nous

pencher sur le contenu des repas.

Si de prime abord le cuisinier (le plus ancien des deux personnels) semble réticent à changer ses

88 Ethique de direction en institution sociale et médico-sociale, Roland JANVIER, Esf Editeur, Domont, décembre 2014, p.48. 89 Ibid., p.49. 90 Recommandations de bonnes pratiques professionnelles : la conduite de l’évaluation interne dans les établissements et services visés à l’article L.312-1 du Code de l’Action sociale et des familles, ANESM, juillet 2009, p. 28. 91 Le « Pôle cuisine » désigne le binôme cuisinier et maîtresse de maison.

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habitudes de travail, la maîtresse de maison, elle, est encline à tester de nouvelles pratiques. Elle y

est même très favorable et a déjà tenté d’initier de petits changements en la matière. En l’espèce, de

la viande de porc a été proposée lors de la soirée de Noël de l’UEHC le 16 décembre. Il me semble

que cela provenait de son initiative.

Ce qui m’a paru intéressant au cours de ces échanges, c’est que très rapidement, les sujets de la

santé et de l’équilibre alimentaire ont été évoqués.

La maîtresse de maison m’a d’emblée fait remarquer qu’il n’est pas conseillé de manger de la

viande à tous les repas. Ainsi, la question du contenu des repas n’induit pas seulement une réflexion

sur le respect des convictions philosophiques et religieuses des usagers mais aussi une véritable

réflexion sur l’hygiène alimentaire et la santé.

S’agissant de l’entretien avec le juge des enfants, plusieurs points saillants ressortent de nos

échanges.

En matière de neutralité, une remarque a retenu mon attention : la portée de l’obligation de

neutralité devrait varier selon les fonctions exercées par l’agent public. Or, les éducateurs doivent

donner l’exemple aux jeunes, ils doivent leur montrer que nous pouvons croire en différentes

divinités et tolérer les opinions divergentes. C’est le cœur même du travail éducatif : les éducateurs

doivent aider les jeunes à trouver leur place dans la société. Le juge des enfants interrogé semble

plutôt en accord avec mon hypothèse de recherche puisqu’il m’a indiqué que « Pour prévenir la

radicalisation, il n’y a pas de meilleur moyen que d’évoquer le fait religieux », il a ajouté : « Ce que

j’aimerais, c’est que l’on donne les moyens aux jeunes de comprendre et de connaître leur

société ».

A l’issue de cet entretien, j’ai gardé à l’esprit que le projet « Shalom, Paix, Salam », organisé par

l’EPEI en 2014, avait beaucoup plu aux JE de la juridiction, qui trouveraient formidable qu’il soit

reconduit.

Deux éducatrices avaient organisé un séjour à Paris avec un petit groupe de jeunes. Avec l’aide de

l’association française « Shalom, Paix, Salam », les jeunes ont pu participer à des ateliers réflexifs

au Musée d’art et d’histoire du judaïsme et ils ont visité le Musée de l’Institut du monde arabe.

Deux soirées à thèmes avaient aussi été organisées, l’une en lien avec la culture Juive et l’autre avec

la culture musulmane.

Le dialogue avec ce juge a consolidé l’idée selon laquelle il est crucial de parler du fait religieux

avec les jeunes.

Ces données ont pu être reprises avec la directrice de l’établissement et les cadres de proximité puis

avec les professionnels de l’EPEI (même si je n’ai pu leur restituer les conclusions des échanges

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avec le JE qu’après la réunion d’établissement du 12 janvier, ma rencontre avec lui datant du 1er

mars).

3.1.2 La concertation en équipe de direction

Le 8 janvier, la directrice et moi-même avons pris le temps de nous concerter et d’élaborer un plan

de déclinaison des actions d’amélioration relatif à la prise en compte de la laïcité dans

l’établissement à partir des données recueillies de part et d’autre avec les professionnels, les jeunes

et les partenaires interrogés.

Pour chaque point de diagnostic nous avons formulé des propositions d’actions, désigné les porteurs

des actions, fixé une période de réalisation pour chacune d’entre elles et enfin, nous avons engagé

une réflexion quant aux modalités d’évaluation de chacune des actions envisagées (cf. annexe 10).

Pour cela, ma tutrice m’avait demandé de réfléchir en amont aux propositions d’actions que je

pouvais lui faire, car un grand nombre d’entres elles constitueront mon expérimentation dans le

cadre de ce mémoire. Pour cela, j’ai tenté de tenir compte au maximum des suggestions et

remarques qui avaient été faites par le groupe de travail et par le « Pôle cuisine ». La directrice a

validé mes propositions. Seule l’une d’entre elles a été légèrement amendée92.

J’ai présenté aux cadres de proximité le plan de déclinaison des actions en réunion de gouvernance

le 11 janvier, avant de le présenter aux équipes de l’EPEI le 12. L’objectif de cet exposé était de

recueillir leur avis sur les actions que la directrice et moi-même nous envisagions. Si ce dossier m’a

été confié, il fallait évidemment que l’équipe de direction valide mes initiatives. Dès le 27 juin, je

ne serai plus à l’EPEI, et certaines des actions projetées puis mises en œuvre se poursuivront après

mon départ.

3.1.3 La présentation des propositions d’actions aux

personnels de l’établissement : coopération et

collégialité comme principes éthiques de management93

Le 12 janvier, une réunion d’établissement a été organisée. Elle a marqué le début de cette année et

a permis au directeur territorial (en poste dans cette direction depuis le 5 octobre dernier) de venir à

la rencontre de tous les professionnels de l’établissement. Mais la thématique principale de cette

réunion était l’évaluation interne. Après l’intervention de notre DT et avant que nous partagions un

92 Pour sortir progressivement du « tout halal » et dans l’attente de la mise en place d’une fiche de renseignement du régime alimentaire de chaque jeune (cf.supra), je souhaitais demander au personnel de cuisine de proposer deux viandes (l’une halal et l’autre non) ou bien une entrée halal et le plat non ou l’inverse trois fois par semaine. La directrice a préféré que l’on demande cela une fois par semaine pour pouvoir mieux évaluer l’expérimentation (en terme de coût et de gaspillage notamment). 93 Au sens de Roland JANVIER dans son ouvrage Ethique de direction en institution sociale et médico-sociale, Esf Editeur, Domont, décembre 2014, p.98 : « Coopération et collégialité comme principes éthiques de management ».

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repas convivial tous ensemble, j’ai passé la matinée à présenter aux agents le plan de déclinaison

des actions d’amélioration arrêté en équipe de cadres la veille94.

J’ai tâché de faire des liens avec tout ce qui avait pu être dit par les uns et les autres durant les

derniers mois, avec ce que j’avais pu constater par moi-même à l’EPEI, et surtout, j’ai insisté sur le

fait que ce plan n’était pas définitif. J’ai laissé aux agents la possibilité de me faire des retours et

remarques sur le contenu de ce plan jusqu’au 19 janvier. L’une des éducatrices présentes a profité

de ce temps de réunion pour compléter certaines idées95 . « La collégialité est une forme

démocratique d’exercice de l’autorité qui, sans effacer les distinctions de places et de rôles, permet

une forme ouverte de gouvernance (…). Cet espace est à lire comme un champ d’occurrences où se

créent des situations de faits, de pensées, d’actes, dont le dirigeant peut utilement tirer profit. »96.

Dit autrement, « À la rigidité de l’autoritarisme, où les vues tentent avec beaucoup de peine de

s’imposer à tous, la souplesse de la collégialité oppose un système où les points de vue singuliers

de chacun contribuent à influer le cours des choses selon un projet partagé »97.

3.2 Le suivi du plan d’actions et des expérimentations

Le plan de déclinaison des actions d’amélioration élaboré comprend en fait trois catégories

d’actions : les actions du directeur, les actions impulsées au niveau d’une seule unité ou mission et

les actions transversales qui impliquent tout l’établissement. Ces actions sont des expérimentations

au sens où après évaluation, elles peuvent être maintenues, corrigées ou plus rarement supprimées si

elles se révèlent finalement totalement inadaptées.

3.2.1 Les actions du directeur

L’actualisation du projet d’établissement. Dans le diagnostic opéré en matière de laïcité, j’avais

relevé qu’il n’y avait pas de référence à cette valeur dans le projet d’établissement. Les agents ont

également pointé cela lors de la réunion du 19 novembre. En tant que valeur républicaine partagée

par tous, le choix a été fait d’intégrer une telle référence en introduction du projet de service.

Conformément à la volonté qui ressort du compte-rendu de la réunion du groupe de travail de

l’évaluation interne98, c’est l’idée du vivre-ensemble qui est mise en exergue dans le paragraphe

ajouté au projet d’établissement existant.

94 Pour une meilleure compréhension et une meilleure lisibilité, j’ai projeté ce plan à l’aide d’un rétroprojecteur durant ma présentation. 95 S’agissant du projet de barbecue (voir supra), elle m’a très justement suggéré de convier également un représentant des non croyants pour que ce barbecue ne soit pas seulement interconfessionnel mais bien laïc puisque la laïcité c’est la possibilité de croire ou de ne pas croire. 96 Roland JANVIER, Ethique de direction en institution sociale et médico-sociale, Esf, Domont, décembre 2014, p.98 : « Coopération et collégialité comme principes éthiques de management ». 97 Ibid. 98 Compte-rendu en annexe 9, p.3.

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A l’aide d’une fiche action explicative, j’ai fait une proposition concrète à ma directrice tutrice pour

faire apparaître la laïcité en introduction comme suit :

« Les agents de l’EPEI s’accordent pour considérer que la laïcité est une valeur fondamentale qui

permet le vivre-ensemble au sein de l’institution mais également dans notre société. La laïcité

anime notre action et fait partie des valeurs que nous devons transmettre aux jeunes. La laïcité n'est

pas une opinion parmi d'autres mais la liberté d'en avoir une. Elle n'est pas une conviction mais le

principe qui les autorise toutes, sous réserve du respect des principes de liberté de conscience et

d'égalité des droits. Elle n’est ni pour ni contre la religion et garantit ainsi la liberté de chacun de

croire ou de ne pas croire, mais aussi d’exercer un culte et d’exprimer une croyance religieuse –

individuellement ou collectivement-. L’EPEI en tant qu’établissement public accueillant des

mineurs veille à concilier l’obligation de neutralité des agents d’une part, et la liberté de religion et

son expression d’autre part, en tant que liberté reconnue tant aux usagers qu’aux agents en tant que

citoyen. »

L’affichage de la charte de la laïcité. Depuis une Circulaire du 13 avril 2007, la Charte de la laïcité

doit être affichée dans tous les établissements et services publics. L’objectif de cette Charte, dont le

contenu a été proposé par le Haut Conseil à l’intégration, est de rappeler aux agents publics comme

aux usagers des services publics quels sont leurs droits et leurs devoirs à l’égard du principe

républicain de laïcité, afin de contribuer au bon fonctionnement des services publics. Elle pose

clairement le droit à la liberté religieuse, mais indique également ses limites tels que le respect de la

neutralité du service public ou l’interdiction du prosélytisme. J’ai demandé aux adjointes

administratives des deux unités ainsi qu’au coordinateur de la MEHD d’afficher cette charte.

L’équipe de l’UEAJ a finalement proposé de réaliser une affiche contenant cette charte avec les

jeunes. La réalisation de cette affiche est programmée en juillet.

« S’il doit marquer sa volonté de changement par des actes, le directeur serait présomptueux

d’imaginer qu’il va transformer l’institution du fait de sa seule volonté. Le changement ne se

réalise dans une organisation de travail que si un maximum de personnes y trouve intérêt. A travers

les mesures qu’il prend, le directeur n’offre que des opportunités de changement. Pour qu’elles

produisent des effets, il faut que les acteurs les concrétisent dans de nouvelles conduites (…). Les

modifications qui ne font pas l’objet d’une appropriation par les personnes concernées déplacent

les problèmes sans les traiter. »99 Ainsi, il ne suffit pas d’inscrire la valeur laïcité dans le projet

d’établissement ou de l’afficher dans le service, il faut encore la faire vivre, au sein des équipes

professionnelles et dans la relation avec les jeunes.

99 Bertrand DUBREUIL, Le travail de directeur en établissement social et médico-social, 2ème édition, Dunod, Paris, 2013, p.85-86.

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3.2.2 Les dynamiques de changement100 impulsées par unité

ou mission

L’actualisation des projets d’unité. En premier lieu, j’ai souhaité soutenir et accompagner les

responsables d’unité dans le travail d’intégration de la laïcité dans leurs projets pédagogiques

(projets d’unité)101. En effet, « le cadre de direction est un facilitateur »102. Pour cela, je leur ai

demandé d’inscrire ce point à l’ordre du jour d’une réunion d’unité pour qu’elles puissent en

échanger avec leur équipe. Ensuite, j’ai organisé un point avec chacune d’entre elles pour étudier la

question et pour qu’elles puissent me faire part de la version retenue. Elles ont chacune opté pour

une référence simple à la laïcité parmi les valeurs mises en exergue au début de leur projet, l’idée

étant de pouvoir ensuite la réutiliser dans le règlement intérieur à destination des jeunes et de leurs

familles. De la même manière que le projet d’établissement, il faut faire vivre le projet pédagogique

d’unité, ce qui relève des RUE. Ainsi, j’ai aussi demandé à la responsable de l’UEAJ de veiller à ce

que les repas pris à l’extérieur par les jeunes soient anticipés et préparés, tenant compte de leurs

prescriptions alimentaires (qu’elles soient d’ordre médical ou d’ordre religieux lorsque le sujet a été

abordé avec les représentants légaux).

L’association des familles dans la prise en compte d’une pratique religieuse des jeunes à

l’UEHC. Selon la Note du 4 mai 2015, les parents doivent être associés à la prise en charge de leur

enfant103. Elle est très explicite en la matière : « Le souhait d’une éventuelle pratique religieuse et

ses modalités de mise en œuvre doivent impérativement être évoqués avec les détenteurs de

l’autorité parentale et le mineur lors du début de sa prise en charge et aussi fréquemment que

nécessaire notamment lors de nouvelles demandes formulées par le mineur dans ces domaines ».

Pour que l’EPEI se conforme à ces directives, j’ai proposé à la directrice d’ajouter aux documents

d’accueil une fiche de renseignements spécifique à faire remplir aux parents (cf. annexe 11).

Lors de la mise en place de cette expérimentation, les agents ont de suite soulevé une interrogation

(déjà posée le 19 novembre par le groupe de travail) : que faire lorsque le jeune et sa famille

n’expriment pas le même souhait ? Sur ce point, la note du 4 mai énonce que « ce droit conféré aux

titulaires de l’autorité parentale ne fait pas obstacle à ce que le mineur soit associé aux décisions

100 Le « changement » tel que défini p.23. 101 « Au niveau de l’unité, le responsable d’unité éducative (RUE), pilote le projet pédagogique de l’unité. Le RUE garantit le caractère interdisciplinaire de la conduite des mesures judiciaires et met en place les outils et les modalités d’échanges entre les professionnels au quotidien. Au niveau de l’établissement, le directeur de l’établissement, pilote du projet d’établissement, garantit l’articulation et la complémentarité des projets pédagogiques des unités en lien avec les RUE. » : NDPJJ relative à l’action éducative dans le cadre du placement judiciaire, p. 10. 102 Ethique de direction en institution sociale et médico-sociale, Roland JANVIER, Esf Editeur, Domont, décembre 2014, p.108. 103 « Le droit à la pratique religieuse du mineur s’exerce en lien avec les détenteurs de l’autorité parentale (…) L’éventuelle éducation religieuse souhaitée par les représentants légaux est l’un des aspects de l’éducation en général et relève donc de l’autorité parentale conformément à l’article 371-1 du code civil ».

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prises par ses parents relatives à son éducation religieuse lorsque son âge le permet ». Ainsi, il

appartient le cas échéant au responsable d’unité et à l’équipe éducative, comme pour tout autre sujet

éducatif, de procéder à une sorte de médiation familiale pour que le jeune et sa famille se parlent et

s’écoutent. Si en dépit de tous les efforts de l’équipe un désaccord et une divergence d’opinions

perdurent, il semble selon les dernières orientations nationales, que la volonté des représentants

légaux doive être respectée. A ce jour, je n’ai pas été confrontée à une telle situation sur mon terrain

de stage.

Par ailleurs, les représentants légaux peuvent solliciter des aménagements de la part de

l’établissement pour que leur adolescent puisse pratiquer librement une religion sous réserve du bon

fonctionnement de l’EPEI. Ainsi, la directrice a diffusé une note de service concernant les périodes

de ramadan (cf. annexe 12). Les directives ainsi données en 2014 ont satisfait jeunes et

professionnels : durant cette période, des plateaux repas sont disponibles pour les jeunes qui

pratiquent ce rite et ils gèrent eux-mêmes, par dérogation, l’heure de leur réveil et de la prise de leur

repas dans leur chambre.

Sur ce point, le seul changement opéré concerne l’aval des parents : la fiche de renseignement

précitée doit permettre à la personne qui accueille un jeune à l’UEHC d’aborder la question de

l’existence d’une pratique religieuse avec les parents. Elle peut le faire dès l’entretien d’accueil

lorsqu’ils sont présents ou bien ultérieurement par le biais des éducateurs référents de l’UEHC lors

d’une visite à domicile ou d’une rencontre des représentants légaux104, ou par l’intermédiaire de

l’éducateur de milieu ouvert105.

Le contenu des repas à l’UEHC. Les pratiques à l’EPEI n’étaient pas conformes aux dernières

directives nationales106. J’ai reçu le « Pôle cuisine » à plusieurs reprises pour impulser un

changement en la matière. Dès la réunion du 5 janvier avec le personnel de cuisine, puis à nouveau

lors de la réunion d’établissement du 12 janvier, j’ai annoncé que désormais, de la viande de porc

serait régulièrement proposée aux jeunes. J’ai expliqué que le cas échéant, il y aurait la possibilité

d’avoir un plat différencié pour les jeunes qui auraient exprimé la volonté de ne pas en manger, en

accord avec leurs représentants légaux lors de l’entretien d’accueil (ou ultérieurement comme

susmentionné).

104 La Note d’orientation de la PJJ du 30 septembre 2014 rappelle que l’association des familles à l’action d’éducation est fondamentale (p.3 « Décliner les modalités d’association du mineur et de sa famille dans l’action d’éducation »). « Guide Parents, familles et professionnels dans le cadre judiciaire », DPJJ, mars 2011 : La visite à domicile est l’un des outils de ce travail avec les familles et elle peut être effectuée tant dans le cadre d’un suivi de milieu ouvert que dans le cadre d’un placement judiciaire. La visite à domicile, inhérente à la prise en charge éducative, est souvent présentée comme « un passage obligé » en début de mesure : Isabelle COMA, « Le guide Parents, familles et professionnels dans le cadre judiciaire. », Les Cahiers Dynamiques 2/2012 (n° 55), Dossier « La famille et les réseaux de sociabilité des jeunes », p. 19-25. 105 Le Service Territorial Educatif de Milieu Ouvert (STEMO) est le socle de l’intervention éducative : Note d’orientation de la PJJ du 30 septembre 2014, NDPJJ du 22 octobre 2015 relative à l’action éducative en milieu ouvert au sein des services de la PJJ. 106 Les repas étaient exclusivement halal et la viande de porc n’y était plus proposée depuis un certain temps.

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En effet, selon la note du 4 mai 2015, « il est fondamental que l’établissement dans son rôle

éducatif puisse faire découvrir aux mineurs des saveurs, des goûts, des aliments, des plats y

compris régionaux et traditionnels auxquels ils n’ont pas eu forcément accès avant leur prise en

charge ». Or, certains plats régionaux et traditionnels sont composés de viande de porc et certains

jeunes ont exprimé le souhait d’en manger. A l’instar du repas de Noël de fin d’année qui s’était

très bien déroulé, désormais, pour ne pas inverser la stigmatisation à l’encontre des jeunes qui

mangent du porc, cette viande sera régulièrement proposée.

Dans la mesure du possible, les jeunes doivent partager ensemble un plat unique107. Toutefois,

lorsque le mineur et ses représentants légaux demanderont expressément à ce que l’établissement

permette au jeune de pratiquer une religion par le biais de la fiche de renseignement sur les

prescriptions alimentaires, l’établissement devra le permettre.

En attendant que cette fiche de renseignement soit remplie pour tous les jeunes confiés à l’UEHC et

puisque le changement doit s’opérer progressivement, nous avons fait le choix en concertation avec

l’équipe de direction de demander aux personnels de cuisine d’expérimenter une fois par semaine la

confection de deux plats consistants, c’est-à-dire de deux viandes différentes : l’une halal et l’autre

non (avec le même accompagnement)108. A l’aide du tableau Velléda qui se trouve dans le

réfectoire, le menu sera inscrit à la vue de tous.

J’ai tenté de tendre vers ce qui avait été proposé par le groupe de travail du 19 novembre, mais il

n’était pas possible de mettre en place exactement le système qui avait été proposé (cf. p. 4 de

l’annexe 9).

A terme, l’objectif recherché est de limiter la fourniture de viande halal aux jeunes qui le

demanderaient expressément avec leurs représentants légaux109. Ainsi, conformément à l’article 11

de l’arrêté du 8 septembre 2003 relatif à la charte des droits et libertés de la personne accueillie,

« dans toute la mesure compatible avec le bon fonctionnement du service, il pourrait être fait droit

à la demande formulée conjointement par les titulaires de l’autorité parentale et par le mineur à la

délivrance de plats contenant de la nourriture confessionnelle, sans que cette diligence ne porte

atteinte au respect du principe de laïcité que doit observer l’établissement »110.

La possibilité pour un établissement de la PJJ de proposer de la nourriture confessionnelle à la

demande expresse du jeune et de ses représentants légaux s’explique par l’obligation qui peut

exister pour la puissance publique, d’organiser activement l’exercice de la liberté religieuse, voire

d’apporter des financements à des activités en rapport avec l’exercice du culte. Elle a ainsi

107 « Il apparaît important que les mineurs puissent partager ensemble un plat unique » : note du 4 mai 2015, p. 14. 108 Et ce, pour sortir progressivement de cette pratique du « tout halal » alors que de nombreux jeunes placés à l’UEHC actuellement sont indifférents à cette certification. 109 A l’exception des jeunes majeurs que nous accueillons parfois, par exemple dans le cadre d’une mise sous protection judiciaire (MSPJ). L’association des représentants légaux aux différentes décisions le concernant n’est pas obligatoire. 110 Note du 4 mai 2015, p.15.

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l’obligation d’assurer le libre exercice du culte des personnes qui, comme dans les hôpitaux ou les

prisons, ne peuvent l’exercer librement par elles-mêmes111. Ainsi, cette obligation figure parmi les

exceptions à l’article 2 de la loi de 1905112. Si l’achat de nourriture halal permettait de financer en

partie le culte musulman (ce qui n’est pas démontré113), les exceptions à l’article 2 de la loi de 1905

permettent de déroger à ce principe.

J’ai réalisé le suivi de ces expérimentations en animant régulièrement les « Commissions cuisine »

et en prenant le temps d’évoquer régulièrement la question du contenu des repas. Ce suivi m’a

permis de veiller à ce que l’organisation des repas et la délivrance de plats contenant de la

nourriture confessionnelle ne conduisent ni à une surcharge d’activité, ni à un surcoût financier, ni

ne porte une atteinte excessive au bon fonctionnement de l’établissement et au respect du principe

de neutralité que doivent observer les personnels114.

A ce jour, nous sommes parvenus à diversifier les repas proposés à l’UEHC et à ne plus fournir

exclusivement des repas halal. Néanmoins, lors de la dernière commission, la maîtresse de maison

m’a indiqué qu’elle avait tendance à s’adapter au personnel de service afin de « satisfaire tout le

monde », ce qu’elle ne devrait pas faire. La question du contenu des repas semble donc devoir être

travaillée avec les agents. C’est l’un des objectifs de l’élaboration d’une « charte éthique » (voir

infra).

Le contenu des activités du « Dispositif Accueil Accompagnement » (DAA). Le constat a été fait

que les notions de culture religieuse, de citoyenneté et de laïcité étaient insuffisamment abordées et

insuffisamment travaillées avec les jeunes.

Si la dernière NDPJJ du 24 février 2016 relative à la mission d’insertion de la PJJ n’évoque plus le

DAA en tant que tel, elle énonce tout de même que « L’accès aux dispositifs scolaires et

111 Si la Cour administrative d’appel de Lyon a annulé un jugement du tribunal administratif de Grenoble du 7 novembre 2013, refusant ainsi de servir des repas comprenant de la viande halal aux détenus musulmans, cela s’explique par plusieurs raisons qui ne sont pas transposables aux établissements éducatifs de la PJJ : la Cour a relevé que des menus sans porc et des menus végétariens étaient proposés aux détenus ; qu’il était possible de bénéficier, lors de fêtes religieuses, de menus conformes à leur religion ; et qu’il était possible d’acheter de la viande halal par l’intermédiaire de la "cantine". Elle a donc considéré qu’il y avait un juste équilibre entre les nécessités du service public et les droits des personnes détenues en matière religieuse. Or, dans les établissements de la PJJ, les jeunes ne peuvent pas « cantiner » (acheter directement des produits provenant de l’extérieur). Dans son avis du 24 mars 2011, le Contrôleur Général des Lieux de Privation de Liberté (CGLPL) a considéré que : « La fourniture de viandes ou d’autres aliments préparés selon les rites approuvés par les autorités religieuses compétentes doit être recherchée et mise en œuvre : les conditions du marché des aliments le permettent et les indications recueillies par le contrôle général n’ont pas permis d’établir que le prix de ces aliments serait prohibitif ; tout au contraire, les prix pratiqués apparaissent parfois inférieurs à ceux des produits habituellement achetés ; La contrepartie doit être que celles des personnes privées de liberté, qui n’ont aucune prescription de quelque nature qu’elle soit, ne doivent pas avoir à supporter des contraintes alimentaires qui ne sont pas les leurs. Il n’y a aucun motif, par exemple, que les personnes qui le souhaitent ne puissent se nourrir de viande de porc. » 112 « La République ne reconnaît, ne subventionne ni ne salarie aucun culte ». 113 En ce sens, voir l’article de Florence BERGEAUD-BLACKLER, Anthropologue, chargée de recherches au CNRS, à l’Institut de recherches et d’études sur le monde arabe et musulman (Iremam), Financer le culte musulman par la viande halal ? Libération, 3 mars 2015 ou son ouvrage Le sens du halal, une norme dans un marché mondial, CNRS éditions, avril 2015. 114 NDPJJ du 4 mai 2015, p.15.

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professionnels de droit commun est toujours un objectif prioritaire » mais que « lorsque cet objectif

est immédiatement inaccessible, l’accès aux dispositifs alternatifs extérieurs à la PJJ ou au

dispositif structuré d’accueil de jour de la PJJ doit être proposé. »115

Ainsi, l’inscription au DAA des jeunes n’ayant aucun projet d’insertion sociale et professionnelle

est obligatoire à l’EPEI116. Car en effet, les activités individuelles ou collectives (culturelles,

sportives, etc.) constituent un support pertinent de l’individualisation des parcours.117 La PJJ doit

permettre aux jeunes qui lui sont confiés d’acquérir, selon les besoins repérés, les pré-requis de

socialisation et les compétences clés au soutien de l’objectif de trouver une place au sein des

dispositifs de scolarité et de formation de droit commun. Cependant, certains jeunes placés en EPEI

sont si loin de la possibilité d’intégrer un tel dispositif, qu’il faut avant tout leur signifier qu’ils ont

une place dans la société et qu’il faut en respecter les règles sociales. « En effet, en amont de

l’insertion scolaire et professionnelle proprement dite, l’intériorisation des valeurs et règles

communes ainsi que d’un certain nombre de codes sociaux nécessite souvent un travail conséquent

et spécifique. Cette intériorisation prépare le terrain de l’insertion scolaire et professionnelle. �Le

rôle de la PJJ est ici primordial : du fait de ses compétences éducatives et de son approche globale

des situations individuelles, elle accompagne les jeunes à développer leurs capacités de décryptage

et d’assimilation de ces valeurs, règles et codes. »118

Cet accompagnement contribue à prévenir la délinquance et peut constituer un facteur de

désistance119.

Ainsi, j’ai profité de la réorganisation du temps de travail (OTT) et des modalités du DAA pour

insuffler une nouvelle dynamique avec la RUE de l’UEHC. Depuis le mois de janvier 2016, le

mercredi matin est dédié à la « découverte du patrimoine », c’est-à-dire que ce temps du DAA est

consacré à des sorties culturelles telles que des visites de musées, d’institutions ou de lieux de

mémoire.

Lors d’un point de suivi réalisé au mois d’avril avec les quatre éducateurs responsables du DAA120,

j’ai pu constater que plusieurs sorties en lien avec la thématique de la laïcité et de la

citoyenneté avaient été réalisées : visite de l’ancien camp de concentration du Struthof, visite du

115 NDPJJ du 24 février 2016 relative à l’action de la protection judiciaire de la jeunesse dans les parcours d’insertion scolaire et professionnelle des jeunes confiés, p. 1/10. 116 Le DAA est défini dans la Circulaire d’orientation du 3 avril 2012 relative à l’action d’éducation structurée par les activités de jour dans les établissements et services du secteur public de la protection judiciaire de la jeunesse. 117 NDPJJ du 24 février 2016, p. 7/10. 118 NDPJJ du 24 février 2016, p. 2/10. 119 Rapport du jury remis au Premier ministre le 20 février 2013, Conférence de consensus, Pour une nouvelle politique publique de prévention de la récidive, Principes d’action et méthodes : « Les facteurs de désistance sont ceux qui augmentent la probabilité de s’engager avec succès dans un processus d’arrêt des actes délinquants. Il s’agit de facteurs dynamiques, objectifs et subjectifs, qui renvoient aux ressources dont dispose le délinquant (par exemple, son insertion professionnelle ou ses capacités de communication). Les travaux sur la désistance insistent également sur l’importance de la prise de conscience du délinquant et sur sa motivation. Il convient par ailleurs de considérer que les différents facteurs de risque et de protection ont un effet variable selon les âges. » 120 Dans le cadre de la nouvelle OTT DAA, quatre éducateurs sont volontaires pour porter ce dispositif et le faire vivre. A terme, la direction de l’établissement espère attirer d’autres volontaires.

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parlement européen, visite du Musée Vodou, visite de la Cathédrale la plus proche, etc. Les

éducateurs semblent s’être saisis de la nouvelle organisation de ce dispositif pour organiser des

sorties qui permettent d’aborder de nombreux sujets historiques, culturels et parfois cultuels avec

les jeunes121 (cf. annexe 13).

L’association des jeunes à l’actualisation du règlement de fonctionnement de l’UEHC. Le

règlement de fonctionnement de l’UEHC a été actualisé par l’équipe de direction en décembre

2015, après une réunion de fonctionnement, pour se conformer à la NDPJJ du 4 mai 2015.

Néanmoins, nous avons décidé en réunion de gouvernance que le document serait simplifié et revu

avec les jeunes au courant de l’été afin de les associer à sa réécriture. En effet, le document est

actuellement trop dense et trop compliqué pour les jeunes et pour leurs familles. C’est d’ailleurs ce

qu’a relevé l’audit de l’UEHC intervenu à la fin du mois de janvier 2016.

Impulser des projets éducatifs financés avec le Plan de Lutte Anti-Terroriste (PLAT). En

association avec la responsable de l’unité, j’ai été chargée d’annoncer en réunion de fonctionnement

à l’UEAJ que nous pouvions bénéficier de fonds issus du Plan de Lutte Anti-Terroriste (PLAT)

pour construire des actions en lien avec la thématique de la laïcité et de la citoyenneté. Ensemble,

nous avons encouragé l’équipe éducative à s’en saisir et à réfléchir à ce qu’ils souhaiteraient mettre

en place. En effet, « être directeur ne consiste pas à être présent en toutes circonstances ni à

prendre toutes les décisions. Le contrôle repose d’abord sur la confiance parce qu’il suppose une

autonomie laissée à la personne »122.

Ainsi, l’équipe et la RUE de l’UEAJ nous ont soumis un projet sur l’engagement citoyen. Avec

l’étroite collaboration et le soutien de la référente laïcité-citoyenneté du territoire, ma tutrice et moi-

même avons fait aboutir ce projet et avons obtenu les fonds sollicités (cf. annexe 14).

De la même manière et toujours en lien avec la responsable d’unité, j’ai annoncé lors d’une réunion

de fonctionnement de l’UEHC qu’il était possible de construire un ou plusieurs projets sur cette

thématique et de les soumettre à la DT. J’en ai profité pour indiquer à l’équipe éducative que le juge

des enfants avec lequel j’avais pu m’entretenir dans le cadre de l’évaluation interne et de la

démarche de recherche pour mon mémoire, avait salué le projet « Shalom, Paix, Salam » (SPS)

initié en 2014. J’ai moi-même indiqué que je trouverais pertinent de le reconduire.

Finalement, il n’a pas fallu longtemps pour qu’émerge le « projet SPS 2016 » (cf. annexe 15). Il

121 Ainsi, l’EPEI se conforme à la NDPJJ du 22 octobre 2015 relative à l’action éducative dans le cadre du placement judiciaire en intégrant dans l’action éducative la prise en compte de la situation du jeune en matière d’éducation à la citoyenneté : « Les établissements de placement judiciaire exercent temporairement, à l’égard de la personne accueillie, une prise en charge dont le cadre de direction de l’établissement est garant. Ces établissements ont pour mission première de conduire une action éducative auprès d’un mineur ou jeune majeur au regard de sa personnalité et de sa situation en matière d’éducation, de relations familiales, de santé, de scolarité ou formation professionnelle, d’éducation à la citoyenneté. », Dimension éducative du placement, p. 2. 122 Bertrand DUBREUIL, Le travail de directeur en établissement social et médico-social, 2ème édition, Dunod, Paris, 2013, p.139.

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semble bien que la reconnaissance de leur travail satisfait les agents et peut susciter leur

mobilisation. Selon Jean-Pierre Brun, « La reconnaissance au travail est un élément essentiel pour

préserver et construire l’identité des individus, donner un sens à leur travail, favoriser leur

développement et contribuer à leur santé et à leur bien-être. Elle constitue également une

alternative constructive aux approches managériales orientées vers le contrôle et la

surveillance. »123

Il me semble important que le directeur des services accompagne et soutienne les RUE pour

encourager les prises d’initiative de l’équipe éducative sur cette thématique sensible. Ma présence

lors de ces réunions de fonctionnement a probablement permis de signifier l’importance de se

mobiliser sur cette thématique. De tels projets pourraient se construire en dehors du PLAT mais la

possibilité d’obtenir ces fonds peut constituer un facteur de motivation supplémentaire pour les

éducateurs.

Réunion de fonctionnement thématisée. Dans son rapport sur l’éthique, le Conseil supérieur du

travail social adresse des préconisations spécifiques aux cadres de direction en insistant sur la

nécessité de « soutenir et garantir l’existence et la pérennité de lieux et de temps de confrontation,

d’élaboration des pratiques ; d’assurer et assumer la responsabilité de la transmission de valeurs

et leur traduction dans les pratiques (…) ; d‘accepter et de favoriser l’imprévu et l’inventivité en

mettant en place le cadre institutionnel et l’organisation de travail capables de l’accueillir et de

l’élaborer »124. C’est dans cet ordre d’idées que les réunions de fonctionnement doivent être

régulières dans chacune des unités et missions d’un établissement de placement. Les pratiques

doivent évoluer et être régulièrement remises en question.

A ce jour, j’ai animé plusieurs réunions de fonctionnement de la MEHD pour revoir et améliorer

certaines pratiques125. L’une d’entre elles, avait trait au placement en famille d’accueil. En accord

avec l’équipe pluridisciplinaire126, nous avons intégré un point relatif à la laïcité dans une charte

d’engagement. Cette charte devra être signée par les familles d’accueil et par la directrice à l’issue

de la procédure de recrutement et avant tout placement d’un jeune dans la famille (cf. annexe 16).

123 Professeur de management et directeur de la chaire en gestion de la santé et de la sécurité du travail à l’université Laval, Québec, il a publié Les Sept Pièces manquantes du management, Les Éditions transcontinentales, 2008 et est auteur d’un article intitulé La reconnaissance au travail, version numérisée de la revue Sciences Humaines, 30 mars 2010. 124 Conseil Supérieur du Travail Social (CSTS), Ethique des pratiques sociales et déontologie des travailleurs sociaux, Editions ENSP, Rennes, 2001, p. 133. 125 J’ai animé ces réunions notamment car la MEHD n’a pas de responsable d’unité. La directrice de l’EPEI a fait le choix début 2015 de décharger la RUE de l’UEHC de la MEHD et c’est elle seule qui encadre et dirige cette mission. En outre, selon l’objet de la réunion de fonctionnement, il me semble que la directrice doit être présente. C’est le cas de la thématique « famille d’accueil » (la directrice étant en charge de la procédure de recrutement des familles). 126 Educateurs et psychologue.

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3.2.3 Les impulsions transversales

Les trois réunions de préparation du barbecue interculturel. Afin de mobiliser les éducateurs de

l’EPEI et susciter l’intérêt des professionnels et des jeunes pour la thématique de l’inter culturalité

et de l’inter confessionnalité, la directrice et moi avons programmé trois réunions de préparation

d’un barbecue interculturel que j’ai animées. Le groupe de travail est composé de sept éducateurs,

de la psychologue, des responsables d’unité et du coordinateur de l’HD et d’un membre du pôle

cuisine (leur inscription était volontaire). L’objectif de ce projet est le partage d’un repas avec les

jeunes, les professionnels127 et des personnes de différentes cultures et de différentes religions.

Avec l’accord de la direction territoriale, nous avons demandé aux éducateurs de contacter des

représentants de différentes confessions (aumônier militaire musulman, aumônière catholique de la

maison d’arrêt la plus proche, aumônier régional bouddhiste des prisons, etc.) et de différentes

associations prônant la laïcité et la tolérance vis-à-vis des différences (Coexister, SPS), afin de venir

transmettre un message de paix aux jeunes qui nous sont confiés.

Ce barbecue est projeté le 31 mai prochain. A cette fin, nous avons sollicité l’autorisation des

représentants légaux des jeunes placés (à l’UEHC et à la MEHD) (cf. annexe 17).

La conduite de ces réunions de préparation par un membre de la direction (en l’espèce la directrice

en formation) était nécessaire en raison de l’aspect transversal du projet ; pour fixer des objectifs en

cohérence avec le projet d’établissement ; et pour veiller à ce que le budget prévisionnel soit

respecté (ces réunions visant également à projeter et organiser le repas, la décoration ainsi et l’envoi

des invitations). S’agissant du contenu du repas, nous avons prévu de proposer un méchoui, un

cochon de lait et des salades.

La commission laïcité. « Au plan collectif, celui qui assume la fonction de direction déploie des

instances qui permettent de prendre du recul par rapport à l’action et de vérifier, d’une part, la

cohérence du projet politique aux valeurs éthiques énoncées et, d’autre part, des actions aux mêmes

valeurs, puis la cohérence entre le projet et sa mise en œuvre »128.

Au cœur de mon expérimentation, j’ai souhaité initier une « Commission laïcité » réunissant

trimestriellement l’équipe de direction de l’EPEI, la référente laïcité citoyenneté du territoire ainsi

que des « référents laïcité citoyenneté » de chacune des unités et mission129. Pour cela, des

volontaires ont été désignés référents dans leur unité ou mission (trois volontaires pour l’UEHC, un

127 Les professionnels de la protection de la jeunesse du département sont invités (les agents du STEMO du département, le représentant du Conseil départemental, la direction et l’encadrement des établissements du SAH –directeur et CSE-, personnels de la DT, magistrats et partenaires extérieurs habituels). 128 Roland JANVIER, Ethique de direction en institution sociale et médico-sociale, Esf, Domont, décembre 2014, p.60. 129 A l’instar de commissions déjà existantes à l’EPEI : la « Commission santé » réunissant les conseillers techniques (CT) santé de la DT et les « référents santé » de l’EPEI ou la « Commission insertion » réunissant le responsable des politiques institutionnelles (RPI) en matière d’insertion de la DT et les « référents insertion » de l’établissement.

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pour l’UEAJ et un pour la MEHD). Cette commission a plusieurs objectifs : revoir les textes

législatifs et règlementaires existants en matière de respect de la laïcité et ce qu'ils impliquent dans

l’établissement ; faire le point sur les actions collectives qui ont été réalisées au sein de

l'établissement et sur celles qui sont à venir ; échanger sur des situations individuelles de jeunes qui

interrogent (par exemple des jeunes qui montrent des signes de radicalisation) ; recueillir les besoins

de formation des professionnels en lien avec la thématique de la laïcité et de la citoyenneté ; et à

long terme, organiser des formations sur site pour tous les professionnels de l'EPEI intéressés (par

exemple en histoire des religions, histoire de l'immigration etc., pour compléter les formations

proposées par le PTF et par l'ENPJJ).

Le projet de création de cette commission a été travaillé avec un éducateur de l’UEHC

particulièrement intéressé par les questions ayant trait à la laïcité (annexe 18).

Initialement, la directrice et moi avions prévu d’organiser une autre réunion pour élaborer une

« Charte éthique » que les professionnels de l’EPEI s’engageraient à respecter. Elle déclinerait les

droits et obligations des agents de l’établissement dans l’exercice de leurs fonctions. Son

élaboration en groupe de travail permettrait de travailler plus spécialement l’obligation de neutralité

des éducateurs et ce qu’elle implique dans l’exercice de leurs fonctions. Toutefois, en raison d’un

grand nombre d’instances déjà mises en place (les réunions de fonctionnement, les réunions

« barbecue » et la commission laïcité), nous avons fait le choix en équipe de direction de supprimer

cette réunion du 28 avril130. Nous avons pensé que nous pourrions évoquer cette charte lors de la

première commission laïcité programmée le 23 mai.

Un travail sur la neutralité nous paraît véritablement nécessaire car il existe encore à ce jour des

confusions entre liberté de religion des usagers et liberté de religion des agents. Par exemple,

certains agents (minoritaires) pensent qu’ils sont en droit de demander un repas conforme à leur

pratique religieuse et n’acceptent pas qu’il n’y ait pas systématiquement de repas halal prévu pour

les éducateurs à l’UEHC131. C’est la raison pour laquelle, gênée, la maîtresse de maison a tendance

à adapter le contenu des repas aux jeunes et aux professionnels en service (voir supra). Par le biais

de cette dernière, nous avons récemment appris que quelques éducateurs (très minoritaires là

encore) indiquent aux jeunes ce qu’ils peuvent manger ou non selon leurs convictions (présumées

ou affirmées). La commission laïcité permettra de rappeler aux professionnels qu’ « en aucun cas le

personnel de l’établissement ne pourra dispenser un quelconque enseignement ou conseil en

130 Notre volonté se heurte parfois à la réalité du travail en EPEI. Mi-avril, l’établissement a été confronté à plusieurs arrêts maladie et à plusieurs congés. Il n’a pas été possible de maintenir et d’organiser la réunion « Charte éthique » prévu dans le plan d’action d’améliorations issu de l’évaluation interne. 131 Nous avons pu lire le 29 avril dans le cahier de consignes qu’un agent s’était étonné de ne pas pouvoir manger halal durant son service du week-end. Il a écrit : « Il faut aussi penser aux personnels qui mangent halal !! Ca ne coûte pas plus cher !! La laïcité c’est aussi cela !! ».

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matière de culte et de sa pratique auprès d’un mineur pris en charge »132. Il faut responsabiliser les

jeunes, leur indiquer qu’ils ont le choix de manger ci ou ça et non pas leur donner des directives.

En accord avec les référents laïcité citoyenneté de l’EPEI, il pourra être décidé lors de la

commission du 23 mai de fixer une nouvelle date pour travailler cela avec plusieurs agents (et non

pas seulement les référents volontaires)133.

A la fin du mois d’avril et avant la finalisation de ce mémoire, j’ai tâché d’évaluer ces différentes

expérimentations issues de ma démarche de recherche et de la démarche d’évaluation d’interne de

l’établissement.

3.3 L’évaluation des expérimentations

3.3.1 Les points de contrôle d’un pilotage correct de l’EPE

par le directeur

Considérant le référentiel de contrôle du fonctionnement des EPE/UEHC de l’inspection de la PJJ et

le point spécifique sur le pilotage de l’EPE par le directeur134, il y a plusieurs points de contrôle de

son action. Parmi ceux-là, il est indiqué que « le directeur est présent dans l’établissement et

accessible pour le responsable de l’unité éducative et les personnels » (Point A.3.1). Il me semble

que tout au long de la mise en œuvre des expérimentations, je me suis rendue disponible pour les

professionnels par courriel et par téléphone ou encore, j’ai été présente dans chacune des unités et

mission au moins une fois par semaine. Ainsi par exemple, j’ai eu de nombreux échanges, formels

ou informels, avec les porteurs des « projets PLAT » afin que ces derniers remplissent les critères

requis par la référente laïcité citoyenneté de la DT. La préparation du barbecue a également

nécessité des contacts très réguliers avec les responsables d’unité, les éducateurs et le pôle cuisine.

Mais encore, « le directeur est présent dans les instances relevant de sa compétence ou par

délégation du directeur territorial » (A.3.2) ; il « élabore un budget prévisionnel en cohérence avec

l’activité et prenant en compte les besoins des mineurs » (A.3.3) ; il « exerce les contrôles inhérents

à tout acte de direction, il vérifie la bonne application des procédures qu’il a définies » (A.3.5) ; il

« rencontre régulièrement les magistrats sur le fonctionnement de l’établissement et l’évolution des

prises en charge des mineurs » (A.3.6) et il « rend compte régulièrement de l’activité de l'EPE à la

direction territoriale » (A.3.7). J’ai assisté à un grand nombre d’instances relevant de la 132 NDPJJ du 4 mai 2015. 133 En somme, peu de textes règlementaires abordent expressément la portée de l’obligation de neutralité dans notre administration. Or, le respect de cette obligation doit être garanti par le directeur. C’est pourquoi, nous souhaitons (les cadres de l’EPEI) inviter les agents à réfléchir à leurs postures professionnelles et préciser aux agents ce que cette obligation recouvre. 134 Objectif A.3.1. du référentiel.

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compétence du directeur (réunion de gouvernance, collèges de direction, comité territorial des

cadres, certaines réunions de fonctionnement selon son objet, etc.). Il me semble que j’ai trouvé ma

place au sein de l’équipe de l’EPEI. Lorsque la gestion du budget m’était confiée (par exemple pour

le « projet barbecue »), j’ai veillé à la cohérence et à l’adéquation de celui-ci avec le projet et les

besoins de notre public. Dès le mois de mars, je me suis attachée à vérifier que les impulsions

demandées, suscitées, étaient effectivement mises en œuvre (s’agissant du DAA, de la

diversification des repas à l’UEHC ou de l’association des familles aux décisions concernant

l’éducation de leur adolescent). Et ce, en faisant des points de suivi réguliers (avec les éducateurs du

DAA, avec le pôle cuisine, avec les RUE). La rencontre avec le JE coordinateur m’a permis de

parler plus généralement du fonctionnement de l’EPE135 (cf. annexe 4) et j’ai pu rendre compte de

l’avancée de l’évaluation interne de l’EPEI à chaque collège de direction (CODIR) en DT.

3.3.2 Les indicateurs d’évaluation des actions issues de

l’évaluation interne de l’établissement

Dès l’élaboration du plan d’actions d’amélioration dans le cadre de la conduite de l’évaluation

interne sur la prise en compte de la laïcité, j’ai entrepris de déterminer des indicateurs d’évaluation

(cf. annexe 10). A ce jour, je peux déjà évaluer certaines des expérimentations menées : les

documents de référence de l’EPEI ont été effectivement actualisés et intègrent désormais le principe

de laïcité. Suis-je parvenue à faire vivre ce principe dans le pilotage de l’établissement ? Je pense

que ce travail est sérieusement amorcé au sein de l’EPEI mais qu’il n’est pas terminé.

La charte éthique que j’envisageais d’élaborer n’existe pas encore puisque la première réunion dont

elle était l’objet n’a pas pu avoir lieu (les raisons sont exposées dans la partie 2-3).

Seules deux des trois réunions du groupe de travail pour préparer le barbecue interculturel ont déjà

été réalisées (la troisième est programmée le 19 mai), mais l’objectif semble déjà atteint : plusieurs

professionnels de diverses origines et cultures sont mobilisés sur le projet et cela permet,

indirectement, de les faire travailler eux aussi (et non seulement les jeunes) sur la tolérance de la

différence.

La RUE de l’UEHC a intégré dans les objectifs annuels des « éducateurs DAA » la mise en place

d’activités en lien avec la thématique de la laïcité et de la citoyenneté. Il me semble que ces

objectifs seront atteints à la fin de l’année (cf. annexe 19).

Afin de tenter d’évaluer l’effet de ces différentes évolutions et expérimentations sur la prise en 135 Il n’y a eu qu’une seule rencontre avec les JE durant les six mois de « responsabilisation ». Cela peut paraître peu, mais compte tenu de l’activité dans un EPEI et de la courte durée de la mise en responsabilisation, je crois que ce n’est pas si mal. S’ajoutent tout de même à cette rencontre des contacts téléphoniques ponctuels pour des situations spécifiques de jeunes. En outre, les JE et le parquet chargé des mineurs sont invités au barbecue du mois de juin, ce qui permettra un nouveau contact avant la fin du stage.

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charge éducative des jeunes, je souhaiterais interroger un groupe de jeunes de l’UEAJ et de l’UEHC

et leur poser sensiblement les mêmes questions que celles que j’avais posées le 15 décembre (cf.

annexe 3). Pour cela, je projette d’organiser avec les éducateurs de l’UEAJ une nouvelle « réunion

jeunes » sur la thématique de la laïcité et de la citoyenneté au mois de juin. En effet, « le directeur

n’occupe pas une place de « sachant », il anime une délibération associant toutes les parties

prenantes pour garantir l’authenticité de la démarche d’évaluation »136.

Concernant les besoins en formation des professionnels, la directrice et moi-même les avons

communiqués à la DT et il semblerait qu’un module complémentaire d’histoire des religions sera

proposé par le PTF durant le dernier trimestre 2016. Ce module vient compléter la formation

nationale de trois jours sur la radicalisation. La directrice veillera à ce que ses agents s’inscrivent

bien à cette formation.

Enfin, concernant les repas à l’UEHC, le travail avec les agents d’une part et avec les familles

d’autre part est engagé mais il n’est pas abouti. Les dix mois de stage de deuxième année ne

constituent pas une période suffisamment longue pour qu’un travail d’une telle ampleur puisse

s’achever.

3.3.3 Les limites de ces expérimentations et les pistes

d’amélioration

Si j’avais bénéficié de plus de temps, il aurait été intéressant d’aller voir comment le secteur

associatif habilité du territoire travaille les questions relatives à la thématique de la laïcité et de la

citoyenneté, en tant que délégataire juridique d’une mission de service public137.

Par ailleurs, si ces expérimentations et actes de direction ont pu être conduits au sein de cet EPEI, il

est très peu probable qu’elles soient transposables telles quelles dans un autre EPE. La situation de

départ au sein de mon établissement de stage était propice pour aborder des questions sensibles telle

que la laïcité, car le fonctionnement global de l’EPEI était satisfaisant. La direction s’était déjà

attaquée à d’autres chantiers prioritaires et le terrain était en quelque sorte « défriché » pour engager

un travail sur cette thématique.

136 Conseil Supérieur du Travail Social (CSTS), Ethique des pratiques sociales et déontologie des travailleurs sociaux, Editions ENSP, Rennes, 2001, p.81. 137 Dont on sait que, depuis l’arrêt n°537 du 19 mars 2013, CPAM de Seine-Saint-Denis, pourvoi n°12-11.690, la Cour de cassation considère que l’obligation de neutralité leur est imposée : « les principes de neutralité et de laïcité du service public sont applicables à l’ensemble des services publics, y compris lorsque ceux-ci sont assurés par des organismes de droit privé ».

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Et pourtant, on peut s’interroger sur le degré de cohérence et de cohésion de l’équipe de l’UEHC138

actuellement : est-il suffisant pour entreprendre une véritable réflexion sur l’obligation de neutralité

des agents et sur sa portée dans l’exercice des fonctions et plus particulièrement au moment de la

prise des repas ? Si selon moi on ne peut pas demander à un agent d’agir à l’encontre de ses

pratiques (par exemple manger durant le ramadan ou manger quelque chose qu’il s’interdirait de

manger), celui-ci ne peut pas demander à la direction de faciliter l’exercice de sa pratique

religieuse. Ainsi, le personnel de cuisine n’a pas à adapter le menu en fonction des professionnels

mais uniquement en fonction des jeunes. L’OTT à l’EPEI implique que les agents ne sont jamais de

service au moment des deux principaux repas de la journée (ils travaillent soit au moment du repas

de midi soit au moment du dîner). Ainsi, ils sont libres de confectionner leur repas au moins une

fois dans la journée. Au contraire, l’obligation de partager en commun les temps de repas au sein du

foyer constitue l’une des contraintes du placement pour les jeunes (et l’une des obligations du

règlement de fonctionnement). C’est la raison pour laquelle, l’administration accepte, dans une

certaine mesure compatible avec le fonctionnement de l’établissement, de tenir compte de la

volonté du jeune et de sa famille.

Il est ardu de parvenir à une véritable cohérence d’équipe (et donc plus encore à une cohésion

d’équipe) en UEHC139 dans l’action éducative en général, et du point des vue des postures

professionnelles en particulier. Il n’existe pas de loi posant clairement le principe de neutralité des

agents publics et c’est le juge administratif qui en a précisé la portée. C’est pourquoi, il est essentiel

d’ouvrir un espace de dialogue des professionnels sur cette question (c’est l’un des objectifs de la

commission laïcité). Cette volonté se heurte souvent au manque de temps (les professionnels sont

happés par la gestion du quotidien et de l’urgence) et à la difficulté de réunir simultanément tout le

personnel d’une unité ou d’un établissement. Néanmoins, il revient au directeur de permettre et de

créer ces espaces de discussion.

Après juste quelques mois d’expérimentations, je ne suis pas certaine de pouvoir déjà vérifier mon

hypothèse de recherche selon laquelle ne pas parler de laïcité et de religions, ni avec les

professionnels ni avec les jeunes, serait un frein à l’amélioration de la qualité des prises en charge

éducatives au sens où ces concepts participent de l’éducation des jeunes et peuvent prévenir des

comportements radicaux. Ce que je constate concernant les professionnels, c’est qu’aborder la prise

en compte de la laïcité les a plutôt enthousiasmés, comme si cela rendait le sujet moins tabou et

permettait de défaire certaines crispations. Concernant les jeunes, j’ai pu constater qu’il n’a pas été

138 Selon moi, ce qui importe le plus au sein d’une UEHC c’est la cohérence de l’équipe professionnelle (avoir un discours commun, poursuivre les mêmes objectifs avec une homogénéité de moyens), mais il semble que la cohésion (au sens d’une forte union au sein de l’équipe) favorise la cohérence. Néanmoins, il peut y avoir cohérence sans cohésion. L’inverse me paraît moins vrai. 139 Pour les raisons exposées supra : entre les congés, les formations, les arrêts maladie et la continuité du service public, il est quasiment impossible dans un EPE de réunir tous les professionnels en même temps.

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très difficile de les mobiliser sur cette thématique, tant par le biais des activités du DAA que par des

projets tel que SPS. Ils cherchent constamment à pouvoir dialoguer avec les adultes et ils souhaitent

comprendre le monde qui les entoure. Ce travail amorcé à l’EPEI, je pense qu’il faut qu’il se

poursuive. Pour pouvoir étudier les effets concrets sur la qualité des prises en charge éducatives,

l’idéal serait de pouvoir refaire un bilan avec la directrice à la fin de l’année 2016.

Enfin, le choix méthodologique réalisé dans la démarche de recherche de ce mémoire peut

constituer une limite : si le support de l’évaluation interne a été un levier de changement, il a

également été parfois source de difficultés puisqu’il a fallu alterner constamment entre deux rôles,

celui d’étudiante chercheure et celui de directrice en formation. Toutefois, cela m’a permis

d’expérimenter franchement mes futures fonctions puisque le directeur doit tâcher d’analyser et

d’étudier ce qu’il observe dans l’exercice de ses fonctions tout en gérant le quotidien d’un

établissement ou service.

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Conclusion

Ce travail de recherche a été réalisé au moment où les contours de la laïcité et la visibilité des

religions dans l’espace public suscitent de vifs débats140.

Partant du constat que le principe de laïcité n’était pas suffisamment intégré dans le pilotage de

l’établissement de la directrice, j’ai d’abord tenté d’en comprendre les raisons avant d’étudier

comment il serait possible d’impulser une dynamique de changement pour le prendre pleinement en

compte puis pour le faire vivre au sein de l’EPEI.

Finalement, pour répondre à cette question, je me suis intéressée aux deux volets de l’application de

ce principe : son application aux jeunes qui nous sont confiés en tant qu’usagers du service public

d’une part, et son application aux professionnels en tant qu’agents publics et citoyens d’autre part.

S’agissant des jeunes, la DPJJ a pour ambition de garantir la continuité de leur parcours éducatif par

le biais, notamment, d’une meilleure individualisation141 des suivis et des modes de prise en charge.

Or, la prise en compte de la laïcité les concernant contribue à individualiser leur prise en charge.

S’il est encore un peu tôt pour évaluer concrètement les effets des expérimentations mises en œuvre

sur la qualité des prises en charge éducatives au sein de l’EPEI et vérifier ainsi mon hypothèse de

recherche, je suis convaincue de la grande utilité d’une réflexion globale sur la laïcité dans un tel

établissement. J’ai pu constater une véritable remobilisation des agents sur cette thématique dans

leur action éducative et un réel intérêt de la part des jeunes. Face au constat de la radicalisation

croissante d’adolescents et de jeunes adultes, il est primordial de déconstruire les représentations

erronées des jeunes que nous prenons en charge, d’aborder avec eux les questions ayant trait à

l’Histoire de la culture et des religions dans le monde ainsi que de leur transmettre les valeurs

républicaines dont la laïcité. Ce travail avec les jeunes est facilité aujourd’hui par la diffusion

régulière d’orientations nationales en la matière et par le déploiement de moyens humains et

financiers (notamment dans le cadre du PLAT).

S’agissant des professionnels, le travail de conciliation de leur obligation de neutralité avec leurs

droits et libertés fondamentaux de citoyen est un travail de longue haleine. C’est pourtant un travail

essentiel dès lors que la neutralité des agents publics permet de garantir la liberté de religion des

140En atteste par exemple l’article intitulé Pourquoi deux interprétations de la laïcité coexistent-elles en France ? Samuel LAURENT ; Elvire CAMUS. Le Monde.fr, 19 janvier 2016. 141 Note d’orientation du 30 septembre 2014, p.5 ; Avenirs, Le magazine de la DPJJ, #33 2016, Dossier : L’évaluation, une mission au cœur de l’action des professionnels, p. 6.

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jeunes qui nous sont confiés. J’ai pu constater qu’il était plus difficile d’aborder l’application du

principe de laïcité aux professionnels que l’application de ce principe aux jeunes accueillis. Ainsi à

l’EPEI, ce travail est engagé avec les équipes mais n’est pas achevé. Contrairement aux directives

existant en matière d’application du principe de laïcité aux jeunes pris en charge, le directeur doit

parfois interpréter les textes législatifs et règlementaires existants pour préciser la portée de

l’obligation de neutralité pour les professionnels de la PJJ142.

Le directeur, garant du respect des lois dans son service, doit intégrer la prise en compte de la laïcité

dans le pilotage de son établissement, mais puisque c’est un sujet particulièrement sensible, il doit

le faire en associant au maximum les équipes. Néanmoins, il semble bien que cette intégration ne

soit jamais un aboutissement car « la laïcité, ce n’est pas un état, mais un équilibre qui se conquiert

en permanence »143. Ensuite, pour faire vivre la laïcité dans l’établissement, il convient de

poursuivre un travail de suivi et d’accompagnement des RUE et des équipes dans la mise en œuvre

des actions, leur évaluation et leurs modifications au besoin.

Tout au long de ce travail de mémoire, j’ai gardé à l’esprit que lorsqu’un changement est

difficilement accepté, il est bon de rappeler aux agents le cœur de leur mission, c’est-à-dire la prise

en charge des jeunes. Frédéric Petitbon l’écrit ainsi : « le dirigeant doit sans cesse revenir aux faits,

aux réalités crues du terrain »144. Ainsi, j’ai constamment rappelé l’intérêt de ce travail autour du

principe de laïcité : respecter et garantir la liberté de religion des jeunes qui nous sont confiés,

permettre à ces jeunes de devenir des citoyens et de trouver une place dans la société. Cela donne

du sens à l’action des professionnels.

Le choix de s’appuyer sur l’évaluation interne comme outil de management participatif et comme

levier de conduite au changement semble opportun. L’actualisation annuelle du projet de service

pourrait également être le support d’un tel travail dès lors que d’autres champs prioritaires ne posent

pas ou plus de difficultés particulières : l’organisation du temps de travail permettant une continuité

du service public, le fond de la prise en charge éducative et le travail interdisciplinaire de telle

manière que le placement en EPE constitue une alternative à l’incarcération, l’aide à la décision du

magistrat, etc.

142 On ne trouve pas de texte spécifique qui tienne compte des particularités des fonctions d’éducateurs ou bien de texte qui indiquerait par exemple expressément que l’établissement n’a pas à adapter les repas d’un UEHC aux pratiques religieuses des agents. 143 Saül KARSZ, philosophe et sociologue, cité dans La Gazette santé social.fr, Pratiques professionnelles, La laïcité, un combat au quotidien, 19 mai 2011 : la laïcité c’est un équilibre entre l’obligation de neutralité des agents et leur liberté de religion en tant que citoyen, c’est un équilibre entre la neutralité des agents et la liberté de religion des usagers, c’est un équilibre entre le respect de la liberté de l’un et le respect de la liberté de l’autre. 144 Frédéric PETITBON, Le guide du manager public, Méthodes, objectifs et exemples, Editions d’Organisation, 4ème édition, Paris, 2005.

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Selon Bertrand Dubreuil, « pour dire comment habiter la fonction de direction, il n’y a pas de

recette toute faite », mais il affirme que « faute de solution qui pourrait valoir en dehors de la

personne qui les met en œuvre, c’est par l’analyse des situations de travail que chacun peut

progresser, habiter un peu plus sa fonction, assumer la part d’humain qu’il y a dans cet art de

diriger »145. C’est ainsi que ces différents actes de direction et expérimentations ont contribué à

construire mon identité professionnelle : l’analyse de chacune des situations auxquelles j’ai été

confrontée m’a permis d’habiter un peu plus mes futures fonctions, qu’il s’agisse des réunions que

j’ai animées, des multiples discussions auxquelles j’ai participé, des échanges que j’ai pu avoir avec

les jeunes (durant les entretiens d’accueil, les entretiens de « recadrage » ou les discussions

informelles dans les couloirs, etc.).

Ce travail de mémoire m’a fait prendre conscience de la grande difficulté à prendre du recul avec la

gestion du quotidien et de l’urgence pour prendre le temps de la réflexion individuellement et

collectivement. Tenter de donner du sens à la prise en compte de la laïcité au sein de l’établissement

m’a pourtant montré qu’il était essentiel de permettre aux équipes de se réunir et de dialoguer146.

J’ai perçu l’importance pour les professionnels (RUE, éducateurs, psychologues, cuisiniers,

adjointes administratives) de comprendre nos décisions, les raisons pour lesquelles nous les

adoptons, les objectifs que nous poursuivons. Le DSPJJ est bien un traducteur147 dont le « rôle

consiste à articuler les différentes prescriptions et attentes avec les réalités du terrain et les enjeux

de l’action du service »148. Ce rôle suppose une capacité d’interprétation des différents signaux de

l’environnement, de la bienveillance et une bonne communication.

D’un point de vue méthodologique, j’ai été confrontée à la difficulté de devoir gérer les périodes

d’absence du service149 ainsi qu’à la densité de textes existants en lien avec la thématique de la

laïcité. Ce sont deux difficultés auxquelles je serai à nouveau confrontée dès l’année prochaine : il

faudra que j’organise scrupuleusement mes périodes d’absences et l’exploitation d’une information

foisonnante.

Le travail réalisé cette année au sein de l’EPEI me sera certainement très utile dans l’exercice de

mes fonctions à partir du 1er septembre. Il s’inscrit dans une problématique plus large qui est celle

de la lutte contre la radicalisation et le terrorisme. Un plan d’action du premier ministre a été diffusé

145 Bertrand DUBREUIL, Le travail de directeur en établissement social et médico-social, 2ème édition, Dunod, Paris, 2013, p.15. 146 En atteste notamment l’intérêt des professionnels pour le sujet à chaque fois que des espaces de dialogue ont été ouverts. 147 Traduire au sens de donner du sens, « ne pas répercuter directement les pressions et les prescriptions mais intégrer les dimensions complexes de l’action et prendre en compte les difficultés de nos subordonnés dans la construction de nos propres prescriptions » en tant que manager : Desmarais Céline, Abord de Chatillon Emmanuel, Le rôle de traduction du manager. Entre allégeance et résistance, Revue française de gestion 6/2010 (n° 205), Edition Lavoisier, p. 71-88. 148 Ibid. 149 Je pense par exemple à l’envoi des questionnaires que j’ai dû réaliser depuis la Suède lors du stage européen, alors que je n’avais pas toutes les adresses mail des professionnels de l’EPEI.

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le 9 mai. Il met l’accent sur la nécessité de diversifier les dispositifs de prévention et de mobiliser

des volets « citoyenneté » dans les projets éducatifs pour développer l’esprit critique et la capacité

de jugement des jeunes. Prendre en charge la radicalisation est l’un des défis de la PJJ pour les

années à venir150. Mais selon moi, le travail relatif à la laïcité et à la citoyenneté est un préalable à

cette prise en charge. Si nous aidons les jeunes qui nous sont confiés à se sentir citoyens et s’ils

parviennent à trouver une place au sein de la société, alors nous contribuons à réduire le risque de

radicalisation. Le directeur doit guider les professionnels et leur permettre d’accomplir cette tâche.

150 « 44. Renforcer la PJJ de 185 effectifs supplémentaires pour la mise en œuvre de ses missions de prise en charge de la radicalisation », Dossier de presse du Plan d’action contre la radicalisation et le terrorisme (PART) du 9 mai 2016, Premier ministre, p.8.

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Bibliographie

� Références bibliographiques :

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- BAUBEROT Jean. « Religion et sécularisation : Laïcité de l’Etat, laïcité de la société française ». Cahiers français 340, sept-oct 2007.

- BAUBEROT Jean. Les laïcités dans le monde. Que sais-je ? 3ème édition, Mayenne, JOUVE, novembre 2010.

- BAUBEROT Jean ; MILOT Micheline. Laïcités sans frontières. Lonrai, Editions du Seuil, Janvier 2011.

- BAUBEROT Jean. Histoire de la laïcité en France. Que sais-je ? 6ème édition, Mayenne, JOUVE, août 2013.

- BOURDIEU Pierre. Notes au lecteur, La misère du monde. Paris, Editions du Seuil, 1993. - BRUNETEAUX Patrick ; Corinne LANZARINI. « Les entretiens informels », Sociétés

contemporaines, N°30, 1998, pp. 157-180. - DESMARAIS Céline ; ABORD DE CHATILLON Emmanuel. « Le rôle de traduction du

manager. Entre allégeance et résistance », Revue française de gestion 6/2010 (n° 205), Edition Lavoisier, p. 71-88.

- DUBREUIL Bertrand, avec la collaboration de B. FREDJ, M. MARHADOUR et D. RAQUIN. Le travail de directeur en ESMS. 2ème édition, Domont, DUNOD, mars 2013.

- GUELAMINE Faïza. Faits religieux et laïcité : le travail social à l’épreuve, Repères pour une pratique professionnelle. Actions sociales. Domont, Esf Editeur, mars 2015.

- JANVIER Roland, Ethique de direction en institution médico-sociale et médico-sociale. Actions sociales. Domont, Esf Editeur, décembre 2014.

- KHALIFA Frank. Difficile laïcité Sources et enjeux. Paris, L’Harmattan, octobre 2014. - PETITBON Frédéric. Le guide du manager public, Méthodes, objectifs et exemples. 4ème

édition, Paris, Editions d’Organisation, 2005. - PICQ Jean. La liberté de religion dans la République. Nanterre, Odile Jacob, avril 2014. - SOULE Bastien. « Observation participante ou participation observante ? Usages et

justifications de la notion de participation observante en sciences sociales », Recherches qualitatives, vol. 27(1), 2007, pp.127-140.

- « La laïcité un combat au quotidien ». Dossier La Gazette santé sociale n°47 décembre

2008. - Dossier « Les jeunes, le religieux et la laïcité ». Les Cahiers dynamiques, revue

professionnelle de la PJJ, n°54, mars 2012. - « Laïcité dans la fonction publique : de la définition du principe à son application pratique »,

La documentation française. Haut Conseil à l’Intégration, Débats, 2012. - « Laïcité et fait religieux ». Forum, n°69 de juillet 2015.

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- Atelier Pédagogique de Production de Savoirs de l’ENPJJ, L’application du principe de laïcité dans les services et établissements accueillant des mineurs, Lila Lou REYNAL, Magid NASRI, Jamel HEDLI, Louise PIMMEL, Promotion FSD 23 2014/2016, mars 2015 (consultable à l’ENPJJ).

- « Religions, laïcité(s), démocratie ». Cahiers français n°389, 1er décembre 2015.

� Textes législatifs et règlementaires :

- Loi du 9 décembre 1905 concernant la séparation des Eglises et de l’Etat - Loi n°83-634 du 13 juillet 1983 portant droits et obligations des fonctionnaires, loi dite loi

Le Pors - Loi n°2002-2 du 2 janvier 2002 rénovant l’action sociale et médico-sociale - Décret n°2007-1573 du 6 novembre 2007 relatif aux établissements et services du secteur

public de la PJJ - Circulaire n° FP/901 du 23 septembre 1967 relative aux autorisations d’absence pour fêtes

religieuses - Circulaire n° 5209/SG du 13 avril 2007 relative à la charte de laïcité dans les services

publics - Circulaire PJJ du 19 novembre 2012 relative à l’évaluation interne dans les établissements et

services du secteur public de la PJJ

� Littérature grise :

- Conseil Supérieur du Travail Social (CSTS), Ethique des pratiques sociales et déontologie des travailleurs sociaux, Rennes, Editions ENSP, 2001.

- Rapport sur l’enseignement du fait religieux dans l’Ecole laïque de Régis DEBRAY, remis au ministre de l’Education nationale, Jack LANG, en 2002.

- Rapport de la Commission de réflexion sur l’application du principe de laïcité dans la République : rapport au Président de la République, STASI Bernard, remis en décembre 2003, 78 pages.

- Recommandations de bonnes pratiques professionnelles : la conduite de l’évaluation interne dans les établissements et services visés à l’article L.312-1 du Code de l’Action sociale et des familles, ANESM, juillet 2009.

- « Guide Parents, familles et professionnels dans le cadre judiciaire », DPJJ, mars 2011. - Guide de l’évaluation interne des établissements et services de la PJJ élaboré par le bureau

des méthodes et de l’action éducative de la DPJJ, 2012. - Avis sur l’article premier du projet de loi relatif à la déontologie et aux droits et obligations

des fonctionnaires de l’Observatoire de la laïcité, 3 février 2015. - Rapport annuel de l’Observatoire de la laïcité 2014-2015, 30 juin 2015, 362 pages.

� Articles de presse :

- « A quelle laïcité se vouer en France ? » Stéphanie LE BARS, Le Monde, Culture et idées, 10 janvier 2014.

- « Amedy Coulibaly, de la délinquance au terrorisme ». Mathieu SUC, Le Monde, 10 janvier 2015.

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- « La laïcité, « une interprétation fallacieuse de la neutralité de l’Etat ». Delphine SAUBADER, L’Express, Société, 6 février 2015.

- « Financer le culte musulman par la viande halal ? » Florence BERGEAUD-BLACKLER, Anthropologue, chargée de recherches au CNRS, à l’Institut de recherches et d’études sur le monde arabe et musulman (Iremam) et auteure de l’ouvrage Le sens du halal, une norme dans un marché mondial (CNRS éditions, avril 2015), Libération, 3 mars 2015.

- « Les terroristes sont souvent des voyous ratés ». Mathilde SIRAUD, Le Figaro, 23 mars 2016.

- « Contre toute attente la tolérance a gagné du terrain en France en 2015 ». Maryline BAUMARD, au sujet du Rapport 2015 sur le racisme, l’antisémitisme et la xénophobie publié le 2 mai par la Commission nationale consultative des droits de l’homme (CNCDH), Le Monde, Société, 2 mai 2016.

� Sites Internet :

- Frédérique HARRY, Maître de conférences en Études nordiques à l’Université

Paris-Sorbonne, Vers une laïcité nordique ? P@ge Europe, La Documentation française © DILA, 21 mai 2013.

- La laïcité, un combat au quotidien, La Gazette santé social.fr, Pratiques professionnelles, 19 mai 2011.

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Index des sigles

CEF : Centre Educatif Fermé CJ : Contrôle Judiciaire CODIR : Collège de Direction CSE : Chef de Service Educatif (grade) DAA : Dispositif Accueil Accompagnement DIPC : Document Individuel de Prise en Charge DIRPJJ : Direction Interrégionale de la Protection Judiciaire de la Jeunesse DPJJ : Direction de la Protection Judiciaire de la Jeunesse DS : Directeur des services DT : Direction Territoriale DTPJJ : Direction Territoriale de la Protection Judiciaire de la Jeunesse ENPJJ : Ecole Nationale de la Protection Judiciaire de la Jeunesse EPEI : Etablissement de Placement Educatif et d’Insertion ESMS : Etablissements et Services Sociaux et Médico-Sociaux ETP : Emploi à Temps Plein FJT : Foyer Jeunes Travailleurs HD : Hébergement Diversifié JE : Juge des Enfants MEHD : Mission Educative d’Hébergement Diversifié MNVI : Mission Nationale de Veille et d’Information NDPJJ : Note de la Direction de la Protection Judiciaire de la Jeunesse OTT : Organisation du Temps de Travail PJJ : Protection Judiciaire de la Jeunesse PLAT : Plan de Lutte Anti Terroriste PTF : Pôles Territoriaux de Formation RUE : Responsable d’Unité Educative UEAJ : Unité Educative d’Activité de Jour UEHC : Unité Educative d’Hébergement Collectif

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Annexes

Annexe 1 : Courrier envoyé par la DIR le 27 mai 2015 p. 64

Annexe 2 : Compte-rendu de la « Réunion jeunes » du 15 décembre 2015 p. 67

Annexe 3 : Compte-rendu de la « Commission cuisine » p. 69

Annexe 4 : Compte-rendu de l’entretien avec le magistrat p. 73

Annexe 5 : Echéancier de l’évaluation interne 2015-2016 p. 77

Annexe 6 : Questionnaire envoyé aux DS par la DIR p. 78

Annexe 7 : Questionnaire adapté aux agents de l’EPEI p. 82

Annexe 8 : Ordre du jour de la réunion du groupe de travail sur la laïcité p. 85

Annexe 9 : Compte-rendu de la réunion d’évaluation interne « laïcité » p. 86

Annexe 10 : Plan de déclinaison des actions d’amélioration « laïcité » p. 92

Annexe 11 : Fiche information régime alimentaire p. 95

Annexe 12 : Note de service relative à la période du ramadan p. 96

Annexe 13 : Compte-rendu de la réunion sur la nouvelle OTT DAA p. 99

Annexe 14 : Fiche projet « Engagement citoyen » p. 102

Annexe 15.1 : Projet « Shalom Paix Salam » des éducatrices référentes p. 109

Annexe 15.2 : Fiche projet « Shalom Paix Salam » p. 113

Annexe 16 : Charte d’engagement famille d’accueil p. 114

Annexe 17 : Courrier d’autorisation parentale barbecue p. 115

Annexe 18 : Pré-projet d’un éducateur pour une instance laïcité p. 116

Annexe 19 : Un planning DAA avec « une action citoyenne » le mercredi p. 118

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Annexe 1

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Annexe 2

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Annexe 3

Entretien avec le cuisinier et la maîtresse de maison Le 05/01/2016

M. X, cuisinier depuis 2002 dans l’établissement, environ 45 ans ; Mme Y, maîtresse de maison à 50% à l’UEHC et aide cuisine à 50%, a pris ses fonctions le 1er octobre 2015, 33 ans.

Le projet d’établissement de l’EPEI énonce que des « Commissions cuisine » sont programmées

trimestriellement. Ces commissions ont trois objectifs inscrits dans le document de référence de

l’établissement : - anticiper l’élaboration des menus sur les trois à cinq semaines à venir et la programmation

de l’achat des denrées alimentaires selon les menus arrêtés et non l’inverse (pas d’élaboration des menus selon les courses réalisées sauf en cas de promotion exceptionnelle)

- d’équilibrer les menus et collations pour les usagers et les professionnels à la fois pour qu’ils mangent le plus sainement possible et pour que soient respectés aux mieux les croyances religieuses des usagers (respect des interdits alimentaires tout en proposant des repas équilibrés pour tous)

- de prendre en compte la spécificité des fiches de poste des personnels « non éducateurs » mais néanmoins « éduquant » dans une logique de management propre à l’exigence de leur fonction et pour permettre une meilleure articulation avec les autres membres de l’équipe (point sur l’organisation du pôle cuisine, anticipation des congés, organisation e la continuité du service, articulation avec les ateliers cuisine DAA, recueillir les demandes diverses de ces personnels, etc).

Ainsi, je profite de la « Commission cuisine » que je suis chargée d’animer en représentation de la

Direction le mardi 5 janvier 2016 pour aborder la question du contenu des repas à l’UEHC avec

les deux membres du personnel de cuisine.

L’objectif de cet entretien est double : - il s’agit d’une part de poser des questions aux personnels de cuisine –cuisinier et maîtresse

de maison- (particulièrement au cuisinier qui travaille à l’UEHC depuis 2002) pour connaître et mieux comprendre l’histoire de l’établissement ;

- d’autre part, je souhaite recueillir leur avis sur la ou les expérimentations que je pourrais envisager (en m’appuyant sur l’outil de l’évaluation interne) en matière de contenu et d’élaboration des repas au foyer. Avant d’élaborer le plan d’action de l’évaluation interne, je tiens à leur faire part des propositions émises par les éducateurs lors de la réunion du groupe de travail « laïcité » du mois de novembre afin de savoir ce qu’ils en pensent (puisqu’ils n’étaient pas présents) ; j’aimerais savoir s’ils ont des idées ou des propositions d’action(s) à me soumettre ; j’aimerais leur faire part de mes idées et enfin, j’aimerais exposer les objectifs de travail (lors de la réunion d’établissement du 12 janvier, un plan d’actions d’amélioration sera présenté et proposé à tout le personnel de l’EPEI, il comprendra une partie sur des changements pouvant être opérés en matière d’élaboration des menus).

Cet entretien a lieu en fin de « Commission cuisine ». Ces deux agents n’ayant pas pu participer,

partiellement ou en totalité, à la réunion de travail sur la prise en compte de la laïcité à l’EPEI du

mois de novembre, je rappelle brièvement le cadre légal et règlementaire de l’évaluation interne

ainsi que les raisons du choix de cette thématique.

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Ensuite, je leur explique que les objectifs de l’entretien.

Comment vos habitudes de travail peuvent-elles s’expliquer, comment se fait-il que la nourriture proposée aux jeunes soit exclusivement confessionnelle, c’est-à-dire halal ? Le cuisinier : « Quand je suis arrivé en 2002, il n’y avait pas de halal du tout. Petit à petit, on a été confronté aux revendications des éducs’ qui voulaient manger de la viande certifiée halal. Mon ancien collègue cuisinier et moi on a cédé pour des raisons pratiques car il y avait trop de prises de tête » La maîtresse de maison : « Après il nous arrive de cuisiner des repas sans viande pour éviter les problèmes (tartines de fromage, repas végétarien) du coup cela permet d’être en conformité avec les orientations nationales ces jours là... Pour des raisons de santé, c’est de toute façon mieux quand on ne mange pas de la viande à chaque repas » Cela provenait-il d’une demande des jeunes ou bien d’une demande des professionnels ? Le cuisinier : « Franchement, cela vient plus des professionnels… » « L’ancien directeur ne s’en occupait pas directement, il y avait un coordinateur avant la création du poste de responsable d’unité et c’est avec lui qu’on voyait » La maîtresse de maison : « Au fond les jeunes quand ils ont faim et que le plat leur fait envie, ils trouvent toujours un verset du Coran qui les autorise à manger....et ils mangent » Le cuisinier : « Les professionnels sont bien plus revendicatifs que les jeunes puisque certains ont déjà fait les poubelles à l’époque pour vérifier la certification halal, d’autres demandaient aux jeunes de vérifier auprès de nous si le repas était bien halal... » « Et actuellement, certains éducs’ ne mangent pas la viande halal qu’on cuisine car elle ne vient pas de Pro Inter (boucherie halal spécifique)... mais au moins ils ne nous font aucun reproche » Je leur rappelle que les demandes des jeunes doivent être entendues, prises en compte dans la

mesure du possible mais les agents n’ont pas à avoir de revendications. Ils peuvent manger ce

qu’ils veulent lorsqu’ils mangent chez eux à la maison, ils n’ont pas à avoir d’exigences sur leur

lieu de travail.

Que pensait l’ancienne direction de cette pratique et quelle était sa position ? Le cuisinier : « L’ancien directeur ne s’occupait pas directement de ces questions. Avant l’arrivée de la responsable d’unité, il y avait un coordinateur qui avait en gros les fonctions de RUE. C’est avec lui qu’on voyait ça. … Je ne suis pas certain que ça ait joué mais bon, ce coordinateur était issu de l’immigration maghrébine. Peut être que ça explique certaines choses » Comment les jeunes savent-ils que la nourriture est ou n’est pas halal ? Vous posent-ils la question ? Ou bien demandent-ils aux éducateurs ? Le cuisinier : « Comme c’est désormais tout le temps comme ça, c’est devenu coutumier donc ça se sait. Soit les jeunes se parlent entre eux, soit ils demandent aux éducs, soit ils nous

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demandent. Si on voit qu’un jeune ne touche pas à la viande on lui demande pourquoi pour savoir pour la suite quelles sont ses habitudes alimentaires » La maîtresse de maison : « Mais il faut savoir qu’en ce moment le groupe de jeunes a d’autres demandes, plusieurs d’entre eux sont indifférents au halal ou non halal et plus encore, au moins quatre des jeunes présents nous ont demandé récemment « une bonne choucroute » ou simplement du « porc ». C’est pour ça que c’est sans doute le bon moment pour expérimenter un autre fonctionnement » J’ai relevé que pour le repas de fin d’année mercredi soir 16 décembre, vous avez fait un repas avec de tout (du halal et du porc), qui en a décidé ainsi ? Le cuisinier : « Nous deux, librement. On a décidé ça et c’était vraiment bien » Nous relevons tous les trois que ça s’est en effet très bien déroulé la veille tant avec les jeunes

qu’avec les agents. Nous avions fait une raclette et il y avait de tout. Du porc (escalope, salami) et

de la viande halal. L’un des appareils de « pierrade » n’a été utilisé que pour le halal afin que

cette viande ne soit pas cuite avec le porc mais cela s’est fait naturellement, sans la moindre

difficulté.

Pourriez-vous changer ces habitudes là et ne plus cuisiner que de la viande halal lorsque vous faites de la viande ? D’un point de vue pratique et organisationnel ? Le cuisinier : « … Ce sera compliqué » La maîtresse de maison : « Franchement je suis heureuse si on entame cette réflexion car ça me choque beaucoup depuis mon arrivée ici. Je ne comprends pas cette pratique du tout halal. Cela entraîne des conflits entre les jeunes selon les confessions. Ceux qui ne mangent pas halal ou qui veulent du jambon dans leur sandwich - d’ailleurs souvent les jeunes me demandent quand est ce qu’on aura du jambon dans les sandwichs -, ceux-là sont montrés du doigt et sont critiqués par les autres jeunes » J’explique que justement les dernières orientations nationales visent à éviter ce genre de

situation et de contexte ou la stigmatisation est inversée. Cela n’est pas convenable. Il doit y avoir

de tout afin que les jeunes apprennent à accepter les différences d’idéologie, de philosophie, de

religion.

La maîtresse de maison me demande alors si elle a le droit de proposer du porc aux jeunes. Elle

me demande « si c’est légal ».

Je lui indique que c’est tout à fait légal et que simplement, pour ne pas priver les jeunes qui ne

mangent pas de porc, il faudrait qu’une alternative soit proposée (une autre viande, un repas

sans viande ou du poisson).

L’idée des éducateurs soulevée le 3 novembre est exposée et expliquée à A. et B.

S’ils ne sont pas farouchement opposés à une expérimentation, le principe « à la carte » leur

déplaît profondément. Outre des difficultés pratiques de mise en œuvre, l’option de permettre

aux jeunes de choisir systématiquement leur menu en amont ne les satisfait pas du tout. Ils

expliquent que les jeunes se croient déjà suffisamment « à l’hôtel » et qu’ils ne souhaitent pas

augmenter encore leur sentiment de toute puissance. Ils ajoutent qu’en plus « on n’a pas toujours

le choix dans la vie, il n’y a pas de raison qu’ils l’aient systématiquement au foyer ».

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L’idée de faire deux plats consistants au sens de proposer ponctuellement deux viandes (l’une

halal l’autre non, voire une viande cacher si un jeune placé demandait à bénéficié de cela) ne

semble pas leur déplaire. Toutefois, ils craignent une augmentation des dépenses et des pertes

(c’est-à-dire du gaspillage).

L’idée d’une alternance des types de repas (végétarien, halal, non halal, poisson, autres) recueille

davantage d’enthousiasme mais A. et B. craignent d’avoir de nombreux reproches de la part des

jeunes qui sont habitués au système actuel.

Je les invite à y réfléchir et je leur dis que je reviendrai vers eux après m’être concertée avec la

directrice. En effet, nous projetons de réfléchir ensemble à une proposition de changement

pouvant satisfaire le plus grand nombre au sein de l’équipe de l’UEHC. Nous proposerons une

expérimentation lors de la réunion d’établissement du 12 janvier.

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Annexe 4

Compte-rendu de l’entretien avec le Juge des enfants-coordinateur du 1er mars 2016

Dès le mois de novembre, j’ai sollicité un entretien avec deux des Juges des enfants des deux

ressorts du territoire. Pour l’une d’entre elles, le rendez-vous que nous avions fixé le 9 février a

été supprimé en raison d’un congé de maternité intervenu plus tôt que ce qui était projeté. En

revanche, après quelques relances, madame la Juge des enfants de la principale juridiction du

territoire a accepté de s’entretenir avec moi dans son cabinet. Ce magistrat est également le

coordinateur des cinq juges des enfants (JE) du Tribunal de Grande Instance.

Elle occupe ses fonctions dans ce ressort depuis huit ans. Avant cela, elle a déjà été Juge des

enfants en remplacement durant un an et demi puis quatre mois et elle a été Juge de

l’application des peines durant plusieurs années. C’est donc forte de son expérience dans ces

fonctions qu’il m’a semblé intéressant de recueillir son avis sur diverses questions en lien avec la

prise en compte de la laïcité dans un Etablissement de Placement Educatif et d’Insertion de la PJJ

auquel elle confie très souvent des jeunes sous main de justice.

Je rédige ce compte-rendu à l’aide d’une prise de notes réalisée durant l’entretien. Certaines

paroles sont retranscrites en totalité lorsque j’ai pu les prendre intégralement en notes et

qu’elles me paraissaient particulièrement intéressantes. Elles sont alors entre guillemets.

• S’agissant de l’accueil : Identifiez-vous clairement les différentes unités et missions de l’EPEI ? UEAJ / MEHD / UEHC ? Avez-vous déjà visité l’EPEI ? Désormais, forte de son expérience sur le territoire, elle pense clairement identifier les différents services et les différentes missions de la PJJ sur le territoire. Toutefois, elle m’explique qu’il est très difficile pour un juge des enfants de comprendre l’organisation et le fonctionnement de la PJJ lors de sa prise de poste. Non seulement il y a un grand nombre de sigles (comme dans tout le champ du travail social) mais encore, les éducateurs utilisent de nombreux termes et expressions qui sont propres à leur corps professionnel dans les rapports éducatifs (elle cite à titre d’exemple « le passage à l’acte », utilisé à de nombreuses reprises sans que le juge puisse toujours comprendre de quel acte il s’agit (acte délinquant, violent, tentative de suicide ?). On pourrait dire (de façon caricaturale très schématiquement) qu’il y a deux sortes d’éducateurs avec lesquels il peut être compliqué de travailler à la PJJ: il y a ceux qui pensent que les magistrats ne comprennent rien et sont très loin de la réalité de leur travail quotidien et il y a ceux qui au contraire pensent que les magistrats savent tout (de la psychologie de l’enfant et de l’adolescent à la sociologie par exemple). Or, elle me rappelle que leur formation est avant tout juridique. Le juge des enfants, s’il peut suivre des formations et découvrir bien sûr des ouvrages par lui-même, ne bénéficie pas ab initio d’une formation spécifique aux fonctions de JE. Comme elle travaille beaucoup avec l’EPEI, elle identifie bien les trois missions de celui-ci. Elle se rend régulièrement à l’UEHC (particulièrement pour la rencontre partenariale organisée généralement au mois de juin autour d’un barbecue).

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- Êtes-vous satisfaite de la communication EPEI – magistrat ? Ce magistrat est très satisfait de la communication avec l’EPEI qu’il s’agisse des rapports qu’elle entretient avec la responsable d’unité ou avec la directrice. Elle m’explique que les relations professionnelles étaient totalement différentes avec l’ancien directeur qui, selon elle, n’incarnait pas « le rôle de directeur ». Depuis l’arrivée de la directrice actuelle en 2013, la collaboration est efficiente. - Quelles sont vos représentations d’un accueil à l’EPEI ? C’est une question qu’elle ne s’était jamais posée. Elle y réfléchit un instant puis me répond : « J’imagine qu’il y a un premier entretien d’accueil dans l’unité assuré par un membre de l’équipe éducative -si l’heure est tardive par exemple- ou bien par l’un des cadres. Je pense qu’un entretien institutionnel doit systématiquement être organisé (au moins le lendemain de l’arrivée du jeune lorsque ce n’est pas possible tout de suite) au sens où l’un des cadres doit recevoir le jeune pour : expliquer le cadre judiciaire, les règles de fonctionnement de l’établissement, remettre des documents, expliquer le travail qui sera fait avec la famille…». Je dois admettre que ces représentations correspondent parfaitement à la réalité. De votre place de magistrat prescripteur, qu’attendriez-vous de cette phase d’accueil d’un jeune dont vous demandez le placement UEHC ou MEHD ? La réponse à cette question rejoint ce qui a été dit précédemment puisque finalement, les attentes de la JE correspondent à ses représentations. Ce qui lui paraît essentiel, c’est que la responsable d’unité ou la directrice du service expose le cadre judiciaire dans lequel le jeune est placé de manière claire et compréhensible pour le jeune et pour sa famille lorsqu’elle est présente. - Dans la NDPJJ du 4 mai 2015 relative aux lignes directrices du règlement de fonctionnement, l’administration centrale de la PJJ demande aux établissements d’interroger les parents sur les pratiques religieuses ou l’absence de pratique religieuse de leur enfant lors de l’entretien d’accueil. L’établissement doit respecter les pratiques / rites alimentaires lorsque la demande est expressément formulée par le jeune et par ses représentants légaux. Qu’en pensez-vous ? Parfois, la communication est très difficile avec les parents : selon vous, que devrions nous faire lorsque les parents et le jeune n’expriment pas la même demande ? Devrions-nous faire droit aux demandes de l’adolescent en construction ou bien respecter la demande des parents ? Selon elle, la question de la laïcité est « mal posée » aujourd’hui dans la société. Elle est devenue « rigide ». La société tend à « éradiquer les signes religieux de la sphère publique », ce qui est certainement une « erreur fondamentale ». « Il faudrait d’une part une grande tolérance pour la liberté de religion (et donc pour la liberté de manifester ses croyances) et d’autre part une intransigeance s’agissant des expressions religieuses radicales, extrêmes ». Nous devons « favoriser l’épanouissement du jeune dans le cadre de sa construction et être attentif à sa volonté de quitter son milieu naturel, les jeunes en général et ceux que nous plaçons en particulier, sont très souvent en rupture avec la famille », « je pense que nous devons laisser la liberté de choisir au jeune afin qu’il apprenne à penser et qu’il puisse devenir un adulte puisque c’est cela l’objectif du travail éducatif ».

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Elle me donne ensuite un exemple très concret d’une situation professionnelle dans laquelle elle s’est retrouvée il y a quelques temps : dans le cadre du suivi judiciaire d’une petite fille de 5 ans qui était placée en famille d’accueil et dont les parents ne se manifestaient plus. Un jour, le père a passé un coup de téléphone et a exigé que sa fille ne mange pas de porc dans ses différents lieux de placement (familles, foyers). Cette consigne a été inscrite dans le dossier de la jeune fille. Une réflexion sur une adoption simple était en cours. Les parents n’avaient aucun droit de visite. Un jour lors d’une audience, la fillette demande à poser une question à madame la juge : « il paraît que je n’ai pas le droit de manger de porc pourtant j’aime beaucoup la tarte flambée ». A ce moment là, le magistrat a décidé d’expliquer le contexte à cette jeune fille qui comprenait très bien ce que les adultes lui expliquaient : elle lui a expliqué ce qu’était l’autorité parentale et ce que cela impliquait pour les enfants, elle a expliqué à cette jeune fille que son papa était musulman et qu’il souhaitait qu’elle ne mange pas de porc par convictions, néanmoins, elle a expliqué considérer que dès lors que les parents sont absents et ne s’investissent pas dans le suivi éducatif de leur enfant, alors l’enfant peut librement choisir de manger ce qu’il veut, y compris de la tarte flambée ». A fortiori, il paraît très difficile de refuser à un adolescent de choisir librement de pratiquer un culte ou de ne pas le pratiquer au motif que les parents n’exprimeraient pas le même souhait et qu’ils sont détenteurs de l’autorité parentale. Au même titre que l’école vise à permettre aux jeunes d’apprendre à penser par eux-mêmes, selon la JE interrogée, un établissement de la PJJ doit permettre cela également. « Un jeune doit pouvoir être entendu, nous –les adultes et particulièrement les éducateurs- devons l’aider à trouver sa place dans la société. Dès lors qu’il respect les règles sociales et les libertés d’autrui, il doit pouvoir s’exprimer et formuler des demandes auxquelles nous devons faire droit. » • S’agissant de la laïcité : - Quelles sont vos représentations de la prise en compte de la laïcité dans un établissement du secteur public accueillant des mineurs (ou des jeunes majeurs) ? « Je me souviens d’une action qui avait été menée par l’éducatrice X il y a un peu plus d’un an, je trouve que c’était un superbe projet ». Madame le juge fait référence au projet « Shalom, Paix, Salam » piloté par l’EPEI quelques temps auparavant. Elle m’indique donc connaître certaines actions menées par la PJJ toutefois, elle se demande comment s’organisent l’UEHC et l’UEAJ pour la prise des repas avec les jeunes. Je prends le temps de lui expliquer le fonctionnement de l’EPEI, les changements récents intervenus en la matière et je lui expose les dernières directives nationales qui nous ont été adressées. Madame le juge semble satisfaite des réflexions en cours à l’EPEI. - Selon vous, en tant qu’agent public, est ce contraire à l’obligation de neutralité de dire aux jeunes de quelle confession nous sommes ? De pratiquer un rite devant les jeunes ou que celui-ci soit perceptible (ramadan, ne manger que de la nourriture confessionnelle) ? « Je ne me serais jamais posée cette question il y a vingt ans. Mais elle doit être posée aujourd’hui. Avant tout aussi, je pense que la réponse varie selon les fonctions occupées. Pour un éducateur, j’ai envie de répondre que non, dire aux jeunes de quelle confession nous sommes ne porte pas atteinte au principe de neutralité du service public. Au contraire, en tant que magistrat, je ne me permettrais pas de dire à un jeune de quelle confession je suis. Un éducateur travaille nécessairement avec ce qu’il est, il doit être dans la vérité et donner à

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voir aux jeunes ce qu’il est. Les éducateurs doivent donner l’exemple aux jeunes, ils doivent leur montrer qu’on peut croire en différentes divinités et qu’on peut tolérer les opinions divergentes. Il me semble que les éducateurs doivent aider les jeunes à trouver leur place dans la société. » - Quelles sont vos attentes en matière de respect de la laïcité à l’égard d’un EPEI auquel vous confiez un jeune ? « Aujourd’hui, la religion est devenue un sujet tabou alors qu’elle devrait être évoquée comme tout sujet de société. Pour prévenir la radicalisation, il n’y a pas de meilleur moyen que d’évoquer le fait religieux. Ce que j’aimerais c’est que l’on donne les moyens aux jeunes de comprendre et de connaître leur société. » - A l’UEAJ et à l’UEHC les différentes équipes éducatives tentent activement de relancer un travail éducatif avec les jeunes sur les questions de citoyenneté et de laïcité. Y a t-il des actions éducatives spécifiques que vous souhaiteriez voir mises en œuvre à l’EPEI ? J’expose les idées qui ont été émises par les professionnels de l’EPEI (visite du Parlement européen, visite de musées, visite d’ancien camp de concentration, etc). « Tout cela me paraît très bien. Il faut enseigner la tolérance comme le ferait l’école si ces jeunes n’étaient pas déscolarisés. » - L’équipe de direction de l’EPEI a émis l’idée d’organiser un barbecue « interculturel » au mois de juin : il s’agirait d’inviter des représentants de différentes confessions (catholique, protestante, israélite, musulmane, bouddhiste) ainsi qu’une personne « sans confession » (un intellectuel philosophe peut-être), tous les professionnels de l’établissement et les jeunes pris en charge dans chacune des unités. Nous souhaiterions que chacun des représentants présents puissent dire un petit mot d’histoire sur leur confession et surtout, l’idée est de faire passer un message de tolérance justement. Que pensez-vous de ce projet ? Madame la juge exprime une grande satisfaction à l’égard de ce projet : « C’est de nature à faire naître la réflexion des jeunes. C’est la différence qui effraie, on se fait peur car on ne se connaît pas. Au contraire la connaissance rassure. Nos jeunes ont l’impression de ne pas faire partie de la société. Ce que j’aimerais profondément, c’est qu’ils comprennent qu’ils en font pleinement partie et que la justice est aussi leur justice. »

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Annexe 5 Echéancier de l’évaluation interne 2015-2016

• Questionnaires à retourner le 2 novembre 2015

• Réunion du groupe de travail sur « L’accueil des mineurs et de leurs familles » le 2

novembre 2015 à 14 heures à l’UEAJ

• Réunion du groupe de travail sur « La prise en compte de la laïcité » le 19 novembre à 14 heures à l’UEHC

• Réunion jeunes à organiser avant le 17 décembre 2015

• Compte-rendu de l’état des lieux participatif de l’évaluation interne lors de la réunion

d’établissement du 17 décembre 2015 à l’UEHC

• Demande de rencontre des magistrats en début d’année 2016

• Envoi des résultats de l’évaluation interne à la DIR au plus tard le 15 janvier 2016

• Présentation du plan d’actions d’amélioration lors de la réunion d’établissement de début d’année le 12 janvier 2016 à l’UEHC

• Point-bilan sur les actions menées depuis janvier lors de la réunion d’établissement de juin

(date à déterminer) Annexe 6

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Annexe 7

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Annexe 8

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Annexe 9

Compte-rendu des échanges du groupe de travail sur la prise en compte de la laïcité à l’EPEI

Réunion du mardi 19 novembre 2015

Dans le cadre de l’évaluation interne 2015/2016 de l’Établissement de Placement Éducatif et d’Insertion, la première réunion de travail se déroule à l’UEHC le 19 novembre à 9 heures 30 en présence des professionnels suivants : Pour des raisons d’organisation de service, la MEHD n’est pas représentée. La réunion est animée par Louise PIMMEL, Directrice stagiaire à l’EPEI. Il est brièvement rappelé que la démarche d’évaluation interne nous est imposée par la loi du 2 janvier 2002 rénovant l’action sociale et médico-sociale et par la Circulaire PJJ du 19 novembre 2012 relative à l’évaluation interne dans les établissements et services du secteur public de la PJJ. Cette réunion s’appuie sur les grands axes du questionnaire évaluatif qui a été envoyé aux professionnels :

- La laïcité dans l’institution - La laïcité dans les pratiques professionnelles - L’obligation de neutralité des agents

I. La laïcité dans l’institution

Si les documents relatifs au principe de laïcité sont généralement identifiés par les professionnels, ils n’ont pas tous été lus. L’équipe est favorable à recevoir une synthèse de la note du 25 février 2015 que Louise a proposé. L’EPEI n’a pas bénéficié d’apports d’experts ni de représentants des religions sur la question de la laïcité. Seuls deux des professionnels présents ont déjà pu participer à la formation Radicalisation organisée par le PTF de Nancy. Ils expriment un peu de déception à l’égard du contenu de cette formation :

- elle est centrée sur la religion de l’islam, ce qui contribue à la stigmatiser d’avantage ; - de nombreux détails sur l’islam sont abordés mais risquent de ne pas être très utiles

dans les prises en charge éducatives ; - il aurait été bon d’aborder plusieurs religions (au moins les trois grandes religions

monothéistes) pour avoir des éléments de connaissance dans plusieurs domaines ; - malheureusement, les professionnels n’ont pas trouvé de réponses ou d’outils leur

permettant d’agir contre la radicalisation : Comment agir face à un tel phénomène ? Que dire à un jeune que l’on soupçonne de se radicaliser ? Comment détecter la radicalisation ? Comment la traiter ? ;

- peut être manque d’information sur les phénomènes sectaires.

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Néanmoins, ils ont apprécié l’intervention de M. E. sur la manipulation par les images. C’est dommage que cette intervention ne soit intervenue qu’à la fin de la session de formation (attention moins accrue en fin de semaine et manque de temps pour poser plus de questions). Les professionnels expriment des besoins : ils sont démunis face aux problèmes de radicalisation quelle qu’en soit la nature. L’UEHC a connu cette année le cas d’un jeune souhaitant partir en Syrie. Actuellement, l’un des jeunes pris en charge à l’UEHC a été placé suite à des faits de profanation de cimetière juif. Il ne s’agit donc pas d’un islam radical mais d’une radicalisation antisémite cette fois-ci. Des difficultés sont éprouvées dans le suivi de ce jeune, notamment par une éducatrice maghrébine. Récemment, ce mineur a rencontré l’un de ses amis en présence d’un éducateur de l’Unité. Il se trouve que cette personne affirmait être un « skinhead » et clamait son attachement à l’histoire du IIIème Reich. Ce jeune s’est présenté comme étant « odiniste » (doctrine nordique ancienne à laquelle on pourrait attribuer des valeurs d’extrême droite et des croyances racistes). Il est tout à fait possible qu’un jour, les éducateurs soient confrontés à ce profil de jeunes. Cela démontre bien qu’il existe d’autres formes de radicalisation visibles chez les adolescents et non pas seulement l’islam radical dont on parle tant sur la scène médiatique et politique. Toutes ces formes de radicalisation préoccupent les professionnels de l’EPEI. Néanmoins, il faut relativiser cette radicalisation dont on parle actuellement : à la PJJ le nombre de jeunes dont la radicalisation est avérée est très réduit. Malgré cela, la formation radicalisation est imposée à tous les professionnels qui doivent y participer dans les trois années qui viennent. Or, la formation est décalée par rapport à la problématique réelle. Les professionnels ont des idées : faire intervenir auprès des jeunes une personne qui aurait connu un endoctrinement dans une secte puis qui s’en serait défait ; faire intervenir des militaires ayant combattu avec les armes au Moyen-Orient ; faire intervenir une ethnopsychiatre ou une pédopsychiatre auprès des professionnels. Leurs attentes vis-à-vis de cette formation étaient de découvrir des outils pour comprendre et détecter comment les jeunes peuvent se radicaliser. Les outils de la loi de 2002 abordent-ils le principe de laïcité ? Le livret d’accueil ne fait aucune référence au principe de laïcité ni à l’UEAJ ni à l’UEHC. Le Règlement de fonctionnement n’en fait pas non plus état. Dans le projet d’établissement, la liberté religieuse des mineurs est abordée dans la partie relative à la Commission cuisine. Les professionnels s’accordent sur le fait qu’il serait bon d’aborder cette question de façon plus précise dans ces documents (ou au moins dans l’un de ces documents) de manière relativement simple (c’est-à-dire accessible pour les jeunes et leurs familles ou bien de façon à pouvoir le leur expliciter de vive voix lors de l’entretien d’accueil par exemple). Il est difficile de se mettre d’accord sur une définition de la laïcité mais nous nous accordons néanmoins sur le fait que le principe de laïcité doit permettre le vivre-ensemble.

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II. La laïcité dans les pratiques professionnelles Globalement, les professionnels se sentent libres d’aborder les questions de religion avec les jeunes (sans influencer, sans juger). Le seul obstacle à ces échanges avec les jeunes est le manque de connaissance de certaines cultures et de certaines religions. L’absence de référence expresse à la laïcité dans les documents issus de la loi de 2002 n’entrave pas le respect de la liberté de conscience des mineurs pris en charge :

• A l’UEHC : - leur chambre est un espace d’intimité dans lequel ils peuvent pratiquer leur culte et

détenir des objets cultuels (Bible, Coran, tapis de prière etc) ; - durant la période de ramadan, des plateaux repas ont été proposés aux jeunes qui

exprimaient le souhait de jeûner. Ce système de plateaux repas devrait être reconduit car cela fonctionne bien (plus d’allées et venues la nuit entre les chambres et le réfectoire). Si des pertes alimentaires ont pu être engendrées selon l’engagement ou le désengagement des jeunes dans ce rite, leur droit de pratiquer une religion a été pleinement respecté sans que cela entrave le bon fonctionnement du service : chaque année la Directrice diffuse une Note de service qui encadre cette pratique (« Organisation du service au vu du respect du ramadan à l’UEHC de Strasbourg »). Cette Note vise à permettre le respect des dispositions de la charte de la laïcité du 13 avril 2007 et de celles de la loi du 2 janvier 2002. Ce système de plateaux repas est tout à fait conforme aux lignes directrices relatives à l’élaboration du règlement de fonctionnement ;

- en raison du grand nombre de jeunes accueillis à l’UEHC formulant la demande de pouvoir manger de la nourriture halal et pour des raisons pratiques, les repas contenant de la viande au foyer sont exclusivement halal. Si cette pratique respecte la liberté de conscience de la plupart des jeunes et si à ce jour elle n’a pas fait l’objet de vives oppositions, elle pourrait contrevenir à la liberté de conscience d’autres jeunes ne souhaitant pas manger de nourriture confessionnelle, qu’elle qu’en soit la raison. La distribution de repas exclusivement halal pourrait aboutir à « inverser la stigmatisation ». De la même manière, l’absence totale de viande de porc dans les menus ne satisfait pas systématiquement tous les jeunes. Actuellement par exemple, Sébastien serait heureux, semble t-il, de pouvoir en manger.

• A l’UEAJ :

- la liberté de conscience des jeunes est respectée dans la limite du respect des autres et de

la prohibition du prosélytisme ; - le repas est pris trois fois par semaine à l’UEAJ mais cela ne pose aucune difficulté : il est

très vite demandé aux jeunes inscris à l’UEAJ quelles sont leurs habitudes alimentaires afin de s’y adapter au mieux (possibilité de demander à manger de la nourriture confessionnelle, aménagement des activités, possibilité de bénéficier de temps de pause et de conditions de travail compatibles avec une période de jeûne, par exemple privilégier le travail à l’ombre en été). Lors de l’accueil, les pratiques alimentaires sont demandées aux parents.

La question de la prise des repas renvoie à une autre question : jusqu’où faut-il tenter d’associer les parents dans la prise en charge du jeune ? Selon les lignes directrices relatives à l’élaboration du règlement de fonctionnement des

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établissements collectifs de placement judiciaire du secteur public et du secteur associatif habilité (NDPJJ 4 mai 2015), « les pratiques culturelles et cultuelles en matière d’alimentation

doivent impérativement être évoquées avec les détenteurs de l’autorité parentale et le mineur au

début de sa prise en charge, notamment lors de l’entretien d’accueil, et aussi fréquemment que

nécessaire notamment lors de nouvelles demandes formulées par le mineur dans ce domaine ». A ce jour, aucune information n’est demandée aux parents s’agissant de la pratique d’une religion. L’idée de les associer au choix du jeune de pratiquer ou de ne pas pratiquer de religion au cours du placement (au sens des rites, des habitudes alimentaires, des visites de lieux de culte) paraît bonne en théorie, mais les professionnels s’interrogent sur la faisabilité du respect de ce choix : que faire si le mineur n’est pas en accord avec ses parents ? L’adolescence est une période de construction et il n’est pas surprenant ni anormal qu’un jeune veuille prendre le contre pied de ses parents : le cas échéant, devons-nous l’en empêcher ? C’est pourquoi, l’idée soulevée et semblant faire l’unanimité auprès des professionnels présents seraient de systématiquement proposer deux plats à chaque repas à l’UEHC. Pour éviter les pertes, l’idée serait de proposer en amont les deux plats aux jeunes afin qu’ils indiquent par avance quel est le plat qu’ils souhaiteraient manger (semaine par semaine par exemple, exception faite des jours « poisson » où un seul plat pourrait être imposé le vendredi ou un autre jour de la semaine). Les professionnels sont conscients des difficultés pratiques et du changement important que cela générerait pour les cuisiniers, cependant cette possibilité semble être la plus en conformité avec le principe de laïcité. Nous relevons que le fonctionnement actuel n’est conforme ni à la NDPJJ du 25 février 2015 relative à la mise en œuvre d’un plan d’action de la DPJJ en matière de respect du principe de laïcité et des pratiques religieuses des mineurs pris en charge dans les établissements et services du secteur public et du SAH et du principe de neutralité par les agents prenant en charge ces mineurs (« il ne peut être admis s’agissant de la nourriture confessionnelle qu’elle

soit proposée comme plat exclusif » p5), ni aux lignes directrices relatives à l’élaboration du règlement de fonctionnement du 4 mai 2015 (« en aucun cas il ne peut être délivré des plats

contenant de la nourriture confessionnelle de façon systématique à l’ensemble des mineurs pris

en charge » p.22). La proposition d’une alternance des repas hallal / non hallal / porc / poisson / voire repas végétariens a suscité quelques réticences : « si la laïcité c’est le respect de toutes les croyances, l’absence de possibilité de manger hallal lors d’un repas contrevient à ce principe ». Selon les lignes directrices de la DPJJ et l’avis du CGLPL du 24 mars 2011, lorsque la demande de pouvoir bénéficier de nourriture confessionnelle est expressément formulée par le mineur et les titulaires de l’autorité parentale, l’établissement « peut faire droit à cette demande » (selon la DPJJ) ; « la fourniture de viandes ou d’autres aliments préparés selon les rites

approuvés par les autorités religieuses compétentes doit être recherchée et mise en œuvre » selon le CGLPL (p.3).

En outre, lorsque la composition du groupe de jeunes accueillis à l’UEHC est majoritairement musulmane, le risque de perte alimentaire lors des repas non hallal est élevé. Ainsi, la question de la prise des repas semble devoir être travaillée à nouveau et les personnes présentes s’accordent pour dire que le fonctionnement actuel doit être modifié. Il n’a pas été possible de recueillir l’avis de monsieur ……, cuisinier, sur la question car ce

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dernier a dû quitter la réunion en milieu de matinée. Nous notons que les ateliers cuisine permettent de découvrir des plats qui ne sont pas proposés au moment des repas quotidiens. Lors de la réunion de rentrée le 15 septembre, la Direction a annoncé l’actualisation très prochaine des règlements de fonctionnement au regard des impératifs de la note du 4 mai. Ce travail d’actualisation est prévu par la Directrice et sera effectivement mis en marche à l’issue des travaux des deux groupes de travail de l’évaluation interne (volontairement attendus à cet effet).

III. La neutralité des agents Les agents expriment une grande satisfaction à l’égard de l’organisation du temps de travail lors des périodes de fêtes religieuses tant à l’UEAJ qu’à l’UEHC. Les professionnels semblent faire preuve de complémentarité et de solidarité sur ce point, de la même manière que lorsqu’il s’agit de permettre aux collègues parents de prendre des congés durant les vacances scolaires. Les responsables d‘unités tentent au mieux de répartir équitablement les congés et de faire droit aux ASA pour les fêtes religieuses. Durant les périodes de jeûne, l’UEAJ aménage les activités tant pour les professionnels que pour les jeunes. Les professionnels n’évoquent pas de difficultés particulières d’organisation concernant ces périodes. Au moment des fêtes religieuses, les jeunes et/ou les équipes éducatives sont à l’initiative de moments de partage qui favorisent l’apprentissage du vivre ensemble (soirées à thème ou sorties pour tous les jeunes avec ou sans confession). Les agents ont-ils des attentes particulières concernant le référent laïcité citoyenneté de la Direction territoriale ? Globalement, les professionnels souhaiteraient que la référente laïcité citoyenneté soit force de propositions pour venir en soutien au cours des prises en charge notamment lorsqu’ils sont confrontés à des jeunes tenant des propos « extrêmes » (comment réagir?). Des projets ont d’ores et déjà été envoyés à madame …………. par l’UEAJ et par l’UEHC (Projet devoir de mémoire, intervention d’un graffeur et d’une conteuse, camp pour le Nouvel an sur le thème de la laïcité et du respect d’autrui). Les agents regrettent simplement d’avoir dû monter ces projets dans l’urgence à l’annonce de l’existence d’un budget « radicalisation ». Ils souhaiteraient que la référente laïcité les informe de toutes les actions / idées pertinentes expérimentées dans les autres DT. Il serait particulièrement intéressant d’identifier des personnes ressources dans différentes cultures méconnues voire totalement inconnues des professionnels pour intervenir ponctuellement à l’EPEI lorsque les prises en charge le requièrent (par exemple un jeune sénégalais est actuellement pris en charge à l’UEHC, ce serait intéressant pour les agents d’en apprendre davantage sur la culture sénégalaise). Ainsi, selon le profil des jeunes accueillis, il pourrait être intéressant que la référente laïcité citoyenneté puisse mettre les équipes

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éducatives en lien avec des experts ou des personnes à même de les éclairer et de les aider à comprendre le fonctionnement du jeune et/ou de sa famille. Il serait pertinent de prendre lien avec des aumôniers de différentes religions qui seraient d’accord d’intervenir auprès des jeunes ou de les rencontrer (sur le modèle de l’Administration pénitentiaire). La question d’un travail approfondi sur la citoyenneté avec les jeunes dans toutes les unités est évoquée à de nombreuses reprises. Il apparaît essentiel pour les professionnels de revenir à cette question de la citoyenneté par divers moyens : par exemple par le biais d’une visite du Parlement européen (au premier contact avec cette institution il a été opposé aux éducateurs que le groupe pour une visite devait être d’au moins 20 personnes, ce qui n’est pas possible pour l’EPEI, la référente laïcité citoyenneté pourrait-elle intervenir et solliciter la collaboration de cette institution?). L’idée de permettre aux jeunes de voir le spectacle « A nos morts » de L’Affiche Rouge a été émise. La référente laïcité citoyenneté pourrait éventuellement nous mettre en lien avec la compagnie afin d’obtenir des places à un prix raisonnable ? (de prime abord prix assez élevé, une vingtaine d’euros la place). La responsable d’unité rappelle aux éducateurs la possibilité de passer par l’association « Tôt ou t’Art » pour permettre aux jeunes de participer à des activités culturelles. Conclusion : • Points forts :

- Globalement, la liberté religieuse des mineurs pris en charge à l’EPEI est respectée - Les fêtes religieuses sont des moments de partage favorisant le vivre ensemble et

l’apprentissage d’autres cultures - L’organisation du temps de travail ne pose aucune difficulté à l’EPEI - La prise des repas à l’UEAJ ne pose aucune difficulté - Les ateliers cuisines de l’UEHC permettent de découvrir la diversité gastronomique

• Points faibles :

- Il n’a jamais été proposé à un jeune de rencontrer un aumônier (à noter qu’une telle rencontre n’est possible qu’à l’extérieur de l’établissement et que l’accord des parents est requis selon la NDPJJ du 4 mai 2015)

- Des manques au niveau de la formation proposée par le PTF - Les repas à l’UEHC sont exclusivement composés de nourriture confessionnelle et absence

totale de viande de porc - Nécessité de travailler à nouveau la citoyenneté avec les jeunes (par exemple les jeunes bien

souvent ne savent pas ce qu’est le recensement), la place de la femme, les différentes coutumes qui existent dans le monde, l’histoire de l’immigration en France, l’histoire de leur ville, de leur région, etc.

Louise PIMMEL Directrice stagiaire EPEI.

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Annexe 10

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Annexe 11

DIRECTION DE LA PROTECTION JUDICIAIRE DE LA JEUNESSE DIRECTION INTER REGIONALE DE LA PROTECTION JUDICIAIRE DE LA JEUNESSE DIRECTION TERRITORIALE DE LA PROTECTION JUDICIAIRE DE LA JEUNESSE Établissement de Placement Éducatif et d’Insertion de

Fiche information régime alimentaire

Nom et prénom du jeune : ….............................................................. Régime alimentaire particulier demandé : □ oui □ non Si oui, lequel ?

□ Sans viande

□ Sans porc

□ Sans sel

□ Sans gras

□ Végétarien Allergie, intolérance ou pathologie spécifique : □ Lait

□ Œuf

□ Gluten

□ Diabétique Autres : Concernant l’alimentation, votre enfant a t-il des pratiques religieuses particulières ? …............................................................................................................................................................................................................................................................................................................................................................................................................................................ Fait à le …................................

Signature des représentants légaux :

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Annexe 12

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Annexe 13

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Annexe 14

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Annexe 15.1

Projet Culturel : Shalom Paix Salam

« La tolérance est une vertu qui rend la paix possible » EPEI de

Référents projet : ► Mme X, éducatrice PJJ ► Mme Y, éducatrice PJJ Nature : Visite de l'institut du monde Arabe / Visite du musée d'art et d'histoire du Judaïsme Lieu : Paris En tant qu'éducateurs à la protection judiciaire de la jeunesse, nous sommes souvent confrontés à des questions de culture et de religion. Ces questionnements reviennent de façon récurrente et nous pouvons nous apercevoir que pour des adolescents qui ont, pour beaucoup, quitté le système scolaire depuis longtemps, les questions d'histoire et de religion restent en suspens au profit de représentations pas toujours fondés et qui peuvent s’avérer, pour certains, dangereuses. Préjugés, intolérance et amalgames ont vite fait de « recouvrir » des questions essentielles portant sur la laïcité, et le vivre ensemble. La France est un pays laïc ou la liberté de culte existe et doit être préservée. Partant de ces points essentiels, nous nous sommes interrogés sur le comment éduquer, expliquer et faire voir à nos jeunes que tant de richesse et de diversité sont des éléments qui permettent une réflexion au-delà de l'appartenance religieuse. Nous entendons souvent des « a priori » qui nécessitent d'être repris et surtout travaillés.... C'est pourquoi ce projet que nous intitulons « Shalom Paix Salam » a vu le jour en 2014. En effet, le but étant d'expliquer à nos jeunes qu'être juif, chrétien, musulman ne se cantonne pas qu'à une appartenance religieuse mais que l'humain demeure en tant que tel et avant toute chose. Partir visiter des lieux comme l'institut du monde arabe et le musée d'art d'histoire du Judaïsme à Paris nous a permis d’évoquer avec eux des pans historiques mais aussi culturels. Cette dimension nous semble importante au vu du contexte actuel, dans une démarche de paix et d'enseignement. Au vu des récents événements sur l'année 2015, les attentats ayant touchés Charlie HEBDO en Janvier et Paris le 13 novembre, il nous semble primordial de reconduire un tel projet. Plus que jamais ces questions et les positionnements qui en découlent prennent de la place dans nos pratiques. En tant qu'éducateurs mais aussi en tant que citoyens français, nous nous devons de sensibiliser les adolescents dont avons la charge afin qu'il puisse profiter d'une vue d'ensemble sur les questions historiques mais aussi sur l'importance du vivre ensemble aujourd'hui, en France.

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1) Concepts généraux et visée éducative : La religion peut être comprise comme une manière de vivre et une recherche de réponses aux questions les plus profondes de l’humanité, cependant elle peut aussi être vue comme ce qu’il y a de plus contraire à la raison et jugée synonyme de superstition. Elle peut être personnelle ou communautaire, privée ou publique. Elle peut aussi se reconnaître dans la définition et la pratique d’un culte, d’un enseignement, d’exercices spirituels et de comportements en société.

La question est de savoir ce qu'est la religion ou plutôt ce que sont les religions, apparentées bien entendu à la culture qui les accompagne.

Parler de religion prend tout son sens avec la notion de tolérance.

La tolérance religieuse doit, à notre sens, être une attitude adaptée devant des confessions de foi différentes ainsi qu'envers les athées, agnostiques, non croyant etc.

Or nous remarquons, dans bien des domaines que ce n'est malheureusement pas toujours le cas. En effet, l’intolérance est souvent de mise lorsqu'il s'agit de respecter certaines différences.

Pour la « supprimer » ou du moins réussir à l'expliquer il est nécessaire de revenir sur ce qui est causé par la différence elle-même ou la méconnaissance de celle-ci.

C'est en partant de cette approche, qu'éducativement parlant il nous semble important voire capital de pouvoir mener une action auprès de notre public. Offrir à nos jeunes la possibilité de découvrir deux cultures par le biais de musées et travailler l'ouverture d'esprit nous tient à cœur en tant que professionnels.

Cette action se déroulera en deux temps avec l'appui et le soutient de l'association Shalom, Paix, Salam à Paris, avec laquelle nous avons déjà pu travailler en 2014.

2) Le projet :

La ville de Paris offre deux visites importantes et enrichissantes :

L'institut du monde Arabe et le musée d'art et d'histoire du Judaïsme.

Nous rendre sur place, nous permettra d’apprécier les musées et de pouvoir discuter sur des choses concrètes et réelles.

Nous pourrions ainsi découvrir les ressemblances entre le judaïsme et l'islam ainsi que les différences.

Les membres de l'association Shalom paix Salam sont prêts à nous accompagner dans ces visites afin d'expliquer à nos jeunes l'importance d'une telle alliance et leur montrer les travail entrepris pour promouvoir la paix entre religions en France.

Nous pourrions également bénéficier d'échanges intergénérationnels avec ces personnes.

De plus, nous souhaitons pouvoir organiser avec eux deux repas. L'un avec des spécialités Arabes et l'autre avec des spécialités Juives.

Une deuxième partie de ce projet pourra être envisagée dés le mois de septembre avec une intervention de Madame Latifa IBN ZIATEN mère de Imad IBN ZIATEN, assassiné par Mohammed Merah.

Cette dame intervient déjà à l'éducation nationale afin de promouvoir l importance du vivre ensemble.

Après contact, elle est prête à venir pour une intervention sur l'EPEI à la rentrée de septembre 2016

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Cela, déjà fort intéressant, serait à notre sens la continuité du projet SPS.

Le déroulement du séjour se ferait ainsi :

Découverte de l’institut du monde Arabe et Repas en compagnie des membres de l'association (spécialités arabes) sur une journée + une soirée

Découverte du musée d’art et d'histoire du Judaïsme (qui propose cette année un atelier sur les préjugés et sur les différences / ressemblances des trois religions monothéistes) et Repas en compagnie des membres de l'association (spécialités juives) sur une journée+ une soirée

Dates éventuelles : du 6 au 8 mai 2016 (départ le vendredi matin et retour le dimanche après midi)

Ces dates sont susceptibles de changer en fonction des disponibilités d’hébergement et des places aux musées qui sont à réserver au préalable. Il faudra donc attendre que le budget soit validé avant de pouvoir réserver de façon sûre.

Les éducateurs X - Y

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Annexe 15.2

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Annexe 16

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Annexe 17

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Annexe 18

Pré-projet pour une instance laïcité

- Cycle de formation en direction des professionnels de la PJJ autour de la thématique

de la laïcité dans leurs pratiques à la lumière des nouvelles orientations de la PJJ déclinant la contribution de la PJJ à la politique publique de prévention et de lutte contre les dérives sectaires.

- Création d'une dynamique partenariale locale (départementale ) en s'inscrivant dans

la politique de la ville en matière de veille et de prévention des dérives des jeunes confiés à la PJJ et leur entourage

Cadrage du projet : La DPJJ a été particulièrement concernée dans la mise en ouvre du grand plan national de prévention et de lutte contre le terrorisme et les dérives sectaires. Dans la note d'orientation de la DPJJ en date du 27 janvier 2015, il est clairement mis en avant la volonté de participer activement à cet élan national en matière de prévention et de lutte contre les dérives sectaires. Les moyens supplémentaires dédiés à cette mission sont révélateurs de l'importance accordée à ce nouveau défi. L'inscription de la PJJ dans les politiques publiques concernées couvre aussi bien les champs relatifs à la formation des professionnels, au repérage des situations à risque de dérives sectaires et à la participation au maillage national mis en place dans le cadre de ce plan national. Nous pouvons retenir de cette note d'orientation deux axes forts

− La formation des professionnels de la PJJ pour comprendre le phénomène et l'intégrer en en mesurant les incidences sur les pratiques professionnelles

− L'inscription de l'institution dans les politiques publiques définies par le plan national de prévention et de lutte contre les dérives sectaires.

C'est dans ce cadre général qu'est née l'idée de créer une dynamique autour de cette problématique. Constats empiriques : En effet, nous avons pu constater que les formations obligatoires initiales ou continues dispensées par l'ENPJJ et le PTF ne répondent pas aux grandes interrogations et attentes des professionnels et le sentiment de frustration en la matière est réel. Nous pensons qu'une formation dont le contenu est construit par les professionnels en fonction des besoins et des réalités du terrain peut répondre mieux aux attentes et besoins exprimés. Le phénomène de la radicalité, sous toutes ses formes, est une problématique complexe dont les enjeux impliquent une grande prudence dans l'analyse. Elle ne peut être abordée uniquement à la lumière des événements tragiques survenus en France ces derniers temps et tels qu'ils sont relatés par les médias.

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Il faut prendre la distance nécessaire et se donner le temps de comprendre et de saisir le phénomène avant de proposer des interprétations et/ou des actions. S'offrir des espaces de réflexion et d'échange pour mieux l'intégrer dans les projets de service comme dans les pratiques, c'est la finalité visée par ce projet. En consultant la fiche de poste un an après leur prises de fonction, les référents laïcité et citoyenneté au niveau départemental et inter régional, de par les missions qui sont les leurs, doivent jouer un rôle moteur dans la création de cette dynamique locale de formation, de décloisonnement et de partage de pratiques professionnelles. L'idée de la mise en place d'une mission de veille départementale ne peut se réaliser concrètement qu'en faisant ce double travail primordial de formation et d'inscription dans un réseau partenarial institutionnel et associatif. Proposition de démarches pour structurer le projet :

- Afin de clarifier la démarche et ne pas empiéter sur le cadre déjà mis en place, il faut organiser une rencontre entre le service et le référent laïcité et citoyenneté pour exposer l'idée et définir en semble les sa mise en pratique

- Définir une instance de pilotage qui assure le montage et la réalisation des actions prédéfinies

- Formaliser le projet et définir les moyens de sa réalisation - Partenariat - Moyens logistiques et humains - Critères d'évaluation et d'ajustement - Proposer un échéancier et un contenu précis des actions à mener.

Pistes de travail préliminaires : A court terme :

- Constituer un dossier thématique contenant, en plus de l'arsenal juridique les textes essentiels traitants de la question de la citoyenneté, laïcité, le fait religieux, l'identité, discrimination, l'histoire de l'immigration, l'égalité des chances, racisme, sexisme, etc.

- Recherche action sur les besoins en formation des professionnels sous forme de questionnaire anonyme

- Contact avec les partenaires pressentis (institutionnels et associatifs) - Travail sur le projet de service pour intégrer clairement cette problématique dans les

pratiques professionnelles et anticiper les situations éventuelles qui pourraient se présenter A moyen terme :

- Organiser une journée de formation « Fait religieux / citoyenneté dans le champ éducatif » Ce pré projet peut servir de base d'échanges pour en affiner les contours et le contenu ainsi que les modalités de sa mise en pratique. M. A. éducateur 12 mars 2016

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Annexe 19

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Tableau récapitulatif des actions

Phase 1 : Découverte du poste de directeur du lieu de stage Stage européen en Suède (Stockholm et Malmö) Phase 2 : Approfondissement Phase 3 : Responsabilité accompagnée

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Résumé

A mon arrivée en stage de deuxième année en septembre 2015, je découvre un EPEI qui semble

bien fonctionner. En y regardant de plus près, je constate que le pilotage de la directrice n’intègre

pas suffisamment la prise en compte de la laïcité, sujet actuellement très sensible dans notre société.

Pourtant, plusieurs constats dans l’établissement attestent qu’il serait bon d’engager une réflexion

collective sur le sujet.

Je m’interroge : dans quelle mesure la prise en compte de la laïcité peut-elle être intégrée dans le

pilotage du Directeur des services ?

A l’occasion de la conduite de la deuxième évaluation interne des établissements et service de la

PJJ, je m’intéresse tout particulièrement à cette question. Je me suis appuyée sur cet outil

managérial pour poursuivre une démarche de recherche au sein de l’EPEI puis pour impulser une

dynamique de changement en la matière. L’objectif n’est pas seulement d’intégrer une référence à

la laïcité dans le projet d’établissement mais encore, de faire vivre ce principe au sein de l’EPEI par

le biais de multiples actions et expérimentations.

Mots clés :

Laïcité – Citoyenneté – Evaluation interne – Changement

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MINISTERE DE LA JUSTICE Ecole Nationale de la Protection Judiciaire de la Jeunesse

MEMOIRE PROFESSIONNEL Formation statutaire des directeurs de service

23ème promotion « Janusz Korczak » - 2015/2016

La prise en compte de la laïcité par le Directeur d’un Etablissement de Placement Educatif et d’Insertion : impulser

une dynamique de changement

PIMMEL Louise

Sous la guidance de : Mme BRUGGEMAN Delphine, Chercheure à l’ENPJJ, Equipe de recherche Proféor-CIREL,

Université Lille 3 &

Mme TACLET Clarisse, Directrice de l’EPE Pays du Hainaut (Douai)

Master 2 Direction et responsabilités dans le champ social Université de Lille 2

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Remerciements Je remercie sincèrement mesdames Delphine BRUGGEMAN et Clarisse TACLET pour leur aide et leur accompagnement tout au long de ce travail de mémoire ainsi que pour leurs nombreux encouragements. Je remercie profondément ma tutrice de stage pour ses précieux conseils et son soutien indéfectible tout au long de cette année. Son exigence, son investissement et sa disponibilité m’ont énormément appris pour l’exercice de mes fonctions. Je remercie également les responsables d’unité pour leur bienveillance et pour le partage de leurs compétences, particulièrement en matière éducative et pédagogique. Leurs apports ont largement contribué à la construction de mon identité professionnelle. J’adresse aussi mes cordiaux remerciements à toutes les personnes qui, par leurs témoignages, leurs conseils et leurs critiques ont guidé et enrichi mes réflexions, et à celles qui ont accepté de me rencontrer et de répondre à mes questions durant mes recherches. Je remercie M. David NGUYEN, formateur chargé du dispositif de la Formation Statutaire de ma promotion, pour son engagement ainsi que mes collègues de la 23ème promotion « Janusz Korczak » pour leur dynamisme, leur bonne humeur, leur solidarité et pour nos innombrables échanges de pratiques durant ses deux années de formation. Enfin, j’ai une grande pensée pour tous les jeunes rencontrés durant ces deux années. Ils ont contribué eux aussi à ma construction professionnelle et surtout, ils m’ont permis de confirmer mon intérêt pour m’engager dans ce métier de Directeur des services de la Protection Judiciaire de la Jeunesse.

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Sommaire Introduction ………………………………………………………………………………………....4

1. Le constat d’une insuffisante référence à la laïcité dans l’organisation et le fonctionnement de l’établissement...................................................................................................9

1.1 L’histoire de l’EPEI et la priorisation des actions du directeur.......................................9 1.1.1 La découverte des unités et missions de l’EPEI...............................................................9 1.1.2 Le choix de la thématique de la laïcité comme sujet de mémoire..................................12 1.1.3 L’intérêt de ce sujet ........................................................................................................13

1.2 La combinaison d’une laïcité tolérante et d’une neutralité exigeante ...........................15 1.2.1 La laïcité en France et plus particulièrement à la PJJ.....................................................15 1.2.2 La neutralité des agents publics......................................................................................17 1.2.3 La conciliation de la neutralité des agents et la liberté de religion des usagers .............18

1.3 La diversité d’origines et de cultures des personnes composant l’institution...............20 1.3.1 Le changement du profil sociologique des travailleurs sociaux.....................................20 1.3.2 Le profil des agents et le profil des jeunes de l’EPEI.....................................................21 1.3.3 La nécessité d’un travail autour des questions de laïcité et de citoyenneté....................22

2. La poursuite de la démarche de recherche et l’amorce de la conduite au changement.....24 2.1 La démarche méthodologique de recherche.....................................................................24

2.1.1 Observations et lectures..................................................................................................24 2.1.2 Les échanges informels ..................................................................................................26 2.1.3 Les entretiens..................................................................................................................26

2.2 La poursuite de mes recherches dans le cadre de la démarche d’évaluation interne ..27 2.2.1 Le cadre légal et règlementaire de l’évaluation interne..................................................28 2.2.2 Un état des lieux participatif...........................................................................................30 2.2.3 Les résultats de l’évaluation interne...............................................................................34

3. L’intégration de la laïcité dans l’établissement par la mise en œuvre d’un plan d’actions d’améliorations.................................................................................................................................36

3.1. L’élaboration et la présentation d’un plan d’actions d’améliorations à partir du recueil de données ........................................................................................................................36

3.1.1 La réflexion à partir de l’analyse des données recueillies..............................................36 3.1.2 La concertation en équipe de direction...........................................................................38 3.1.3 La présentation des propositions d’actions aux personnels de l’établissement : coopération et collégialité comme principes éthiques de management .....................................38

3.2 Le suivi du plan d’actions et des expérimentations .........................................................39 3.2.1 Les actions du directeur..................................................................................................39 3.2.2 Les dynamiques de changement impulsées par unité ou mission ..................................41 3.2.3 Les impulsions transversales ..........................................................................................48

3.3 L’évaluation des expérimentations....................................................................................50 3.3.1 Les points de contrôle d’un pilotage correct de l’EPE par le directeur..........................50 3.3.2 Les indicateurs d’évaluation des actions issues de l’évaluation interne de l’établissement ...........................................................................................................................51 3.3.3 Les limites de ces expérimentations et les pistes d’amélioration...................................52

Conclusion………………………………………………………………………………………….55 Bibliographie……………………………………………………………………………………….59 Index des sigles……………………………………………………………………………………..62 Annexes……………………………………………………………………………………………..63 Tableau récapitulatif des actions…………………………………………………………………..119 Résumé………………………………………………………………………………………….....123

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3

« Il faut nécessairement accorder aux hommes la liberté du jugement et les gouverner de telle sorte que,

professant ouvertement des opinions diverses et opposées, ils vivent cependant dans la concorde. »

Baruch SPINOZA, Traité théologico-politique, chapitre XX, V, 14.

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4

Introduction

Ma deuxième année de formation statutaire des directeurs des services de la Protection Judiciaire de

la Jeunesse (PJJ) vient pleinement compléter la première, durant laquelle j’étais en stage sur le

même territoire1. Sans perdre de vue que chaque territoire peut avoir ses particularités locales et que

je peux être amenée à exercer mes futures fonctions dans d’autres directions interrégionales, cette

deuxième année et le stage en « hébergement » me confortent profondément dans mon choix

d’orientation professionnelle.

Après mes études de droit et une spécialisation en droit pénal et sciences criminelles, une

expérience d’assistante de justice pour la chambre correctionnelle de la Cour d’appel de Colmar

ainsi que divers engagements professionnels extra universitaires, j’ai choisi d’intégrer la PJJ afin

d’œuvrer pour la Jeunesse et pour la Justice. J’ai ainsi trouvé un métier à la frontière du juridique et

du social me permettant de faire vivre de nombreuses valeurs qui m’animent. Conformément à

l’esprit de l’ordonnance du 2 février 1945, je suis convaincue qu’il faut protéger l’enfance y

compris l’Enfance traduite en justice. Or, dans un contexte de durcissement de l’opinion publique à

l’égard de la jeunesse déviante, je ressens plus encore l’envie de m’engager et de m’investir pour

contribuer à la réduction des risques encourus par cette jeunesse d’une part et par la société d’autre

part.

L’Etablissement de Placement Educatif et d’Insertion (E.P.E.I.) dans lequel je réalise le « stage de

responsabilisation » est composé d’une Unité Educative d’Hébergement Collectif (U.E.H.C.), d’une

Unité Educative d’Activité de Jour (U.E.A.J.) et d’une Mission Educative d’Hébergement

Diversifié (M.E.H.D.) situées dans la même commune mais sur trois sites géographiquement

distincts. Il est dirigé par une Directrice des services en poste depuis le 1er septembre 2013. Chaque

unité est encadrée par une Responsable d’Unité et dispose de l’ensemble des ETP2 théoriques

correspondants aux dotations institutionnelles prévues. Un chef de service est missionné comme

coordinateur de la M.E.H.D.

Le projet d’établissement existe depuis novembre 2014. La Directrice a souhaité associer le

personnel éducatif et non éducatif à l’élaboration de celui-ci (mise en place de groupes de travail

transversaux pour permettre une réflexion collective). La réunion d’établissement de rentrée, le 15

1 Les trois stages de première année ont principalement consisté à découvrir la direction territoriale d’accueil pour le premier, à étudier la mission d’insertion de la PJJ en général et les partenariats existants en la matière en particulier pour le second, puis à découvrir les fonctions de directeur en milieu ouvert lors du dernier stage. 2 Emplois à Temps Plein.

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5

septembre 2015, permet de faire un bilan annuel des actions mises en œuvre et des objectifs de

service.

Les projets pédagogiques existent également et sont régulièrement actualisés, principalement selon

la diffusion de nouvelles directives nationales en ce qui concerne l’U.E.H.C. et la M.E.H.D., et

selon l’évolution des partenariats s’agissant de l’U.E.A.J3.

A mon arrivée à l’E.P.E.I. au mois de septembre 2015, le contexte semble très favorable à la

seconde année de formation : l’équipe de Direction est dynamique et réagit très rapidement à tous

les actes ou évènements pouvant s’apparenter à des dysfonctionnements, des gênes ou des entraves

à la bonne réalisation de la mission qui nous est confiée. Ainsi, de nombreux travaux sont en cours

(élaboration d’un DIPC4 unique commun pour chacune des unités de l’établissement, refonte de

l’organisation du « Dispositif Accueil Accompagnement », travail sur l’articulation inter-unités,

etc.). C’est pourquoi, à l’issue de ces cinq premières semaines de stage, je ne repère pas de

dysfonctionnement manifeste et je suis plutôt agréablement surprise5. Lorsqu’une insuffisance ou

qu’une pratique déplaisante est identifiée par l’équipe de Direction ou par l’un de ses membres, s’en

suit une réaction relativement rapide avec une temporalité d’exécution variable selon la conduite de

projet en cours.

Toutefois, attentive à cela notamment en raison du contexte sociétal et politique actuel, j’ai fini par

repérer un champ qui n’avait pas encore été investi par la Direction : la prise en compte de la laïcité.

J’ai souhaité faire des observations plus précises sur ce sujet.

Ainsi, je constate en premier lieu que le Projet d’établissement aborde brièvement la laïcité et

uniquement sous l’angle du droit des usagers. Il est inscrit dans le descriptif du fonctionnement de

la « Commission cuisine »6 que l’objectif de celle-ci est d’« anticiper la construction des menus » et

de les « équilibrer dans le respect des croyances religieuses de chacun (respect des interdits

alimentaires tout en proposant des repas équilibrés à tous) ».

3 « Projet pédagogique » est un autre terme pour désigner le projet d’unité. 4 Document Individuel de Prise en Charge : outil mis en place par la loi 2002-2 du 2 janvier 2002 pour garantir l’exercice effectif des droits et libertés individuels des usagers des structures sociales et médico-sociales, il s’agit de formaliser la relation entre l’usager et l’établissement et de définir les objectifs et la nature de la prise en charge (article L 311-4 CASF). 5 En opposition avec les dysfonctionnements ou difficultés qui ont pu être évoqués à titre d’exemple en formation théorique, je découvre dans cet établissement que les textes législatifs et règlementaires sont scrupuleusement respectés, que l’articulation directeur/responsable d’unité est clarifiée et comprise par les professionnels, ou encore que le projet et le parcours du jeune sont au cœur des préoccupations des agents. 6 La commission cuisine, programmée trimestriellement, réunit le personnel de cuisine (cuisinier et maîtresse de maison) afin de faire le point sur l’organisation du temps de travail, les congés, la projection des menus et des courses et les questions et remarques diverses du « personnel non éducatif mais néanmoins éduquant » (cf. Projet d’établissement).

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6

Il n’y a aucune autre référence à la laïcité ou à la liberté religieuse des jeunes pris en charge ni dans

le Projet d’établissement, ni dans les projets pédagogiques d’unité. Aucun de ces documents ne fait

référence à l’obligation de neutralité (nous définirons précisément ces termes plus loin). Je

remarque que seul le livret d’accueil des professionnels rappelle cette obligation.

A la lecture des autres documents de référence de l’établissement, je note que la laïcité n’y est pas

non plus évoquée (livret d’accueil des jeunes, règlement de fonctionnement). On y trouve cependant

la Charte des droits et libertés de la personne accueillie mais sans plus de développement.

Je constate aussi que le Règlement de fonctionnement de l’U.E.H.C. n’a pas encore été actualisé

suite à la Note de la DPJJ7 du 4 mai 2015 (c’est un objectif de travail pour le dernier semestre de

2015).

Lors de mes premiers échanges sur le sujet avec la Directrice de service, j’apprends qu’en effet, la

prise en compte de la laïcité n’a pas encore pu être travaillée au sein de l’EPEI en raison de la

priorisation des actions du Directeur dans le temps. De nombreuses évolutions ont été perceptibles

durant les deux années qui viennent de s’écouler et je comprends très vite que la conduite au

changement doit se faire progressivement. Ma tutrice m’indique qu’il serait pourtant nécessaire de

travailler cette question tant du point de vue des usagers que de celui des professionnels, notamment

compte tenu de la diversité d’origines et de cultures au sein des équipes d’une part, et au sein des

groupes de jeunes pris en charge d’autre part.

Dans le contexte socio-politique actuel, il me paraît essentiel de travailler à nouveau ces questions

de laïcité et de citoyenneté, française et européenne8, ainsi que de réfléchir aux implications de la

neutralité des agents du service public.

De longue date je m’intéresse à la question de l’articulation entre la neutralité de l’Etat et la liberté

de religion. C’est la raison pour laquelle j’ai suivi, en troisième année de licence, le cours de Droit

des cultes et des religions. Je souhaitais comprendre et connaître notre système de séparation du

politique et du religieux ainsi que les particularités de ma région natale, l’Alsace-Lorraine.

J’ai eu l’opportunité de m’intéresser à « l’application du principe de laïcité dans les établissements

et services accueillant des mineurs » en première année dans le cadre des Ateliers Pédagogiques de

Production de Savoirs9. Or, il se trouve que mes collègues et moi, nous avons manqué de temps

7 Direction de la Protection Judiciaire de la Jeunesse. 8 Qu’est ce que cela signifie ? Qu’est ce que cela implique ? Comment un jeune peut-il se construire une identité propre ? Comment faire société, comment vivre ensemble ? 9 Des Ateliers Pédagogiques de Production de Savoirs (APPS) sont organisés durant la première année de formation statutaire des directeurs : il s'agit d'un travail en petits groupes effectués en plusieurs demi-journées, à partir de thèmes proposés par les formateurs. Il fait l’objet ensuite d’une restitution écrite et exposée devant la promotion et devant des grands témoins capables d'évaluer et d’enrichir les travaux réalisés.

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7

pour approfondir la troisième partie de notre dossier, intitulée « Postures professionnelles et

identités religieuses : quelle éthique de l’encadrement ? ». L’apport de la pratique de cette deuxième

année de formation peut me permettre d’aller plus loin dans cette réflexion de manière

praxéologique10.

Le choix du sujet de ce travail de mémoire fait encore écho à la commande faite par l’ENPJJ lors de

notre départ en stage européen au mois d’octobre 2015 : il nous a été demandé d’observer le

traitement du fait religieux dans les pays voisins. Ainsi, je me suis intéressée à cette question en

Suède. J’y reviendrai plus loin.

Parmi les missions du Directeur des services de la PJJ figure celle de veiller au respect des droits

des usagers11 et celle d’améliorer continuellement la qualité des prises en charge, notamment sur le

fondement de la loi n°2002-2 du 2 janvier 2002 rénovant l’action sociale et médico-sociale. Dans

cet ordre d’idée, Faïza Guélamine écrit que toute la chaîne hiérarchique du secteur social et médico-

social est inévitablement concernée quand les questions de laïcité et de religions « font conflit » car

nombre des manifestations du fait religieux impliquent directement les modalités organisationnelles

des institutions dans leur fonctionnement, les normes qu’elles produisent et auxquelles obéissent ces

structures. Elle indique qu’« à ce titre, les dirigeants et administrateurs associatifs, les équipes de

direction sont en première ligne garants du « cadre » dans lequel s’exercent les missions des

professionnels. Responsables de la mise en œuvre des projets d’établissement, des dispositifs et

projets d’action sociale, leurs fonctions les conduisent à manager les équipes de travail en veillant

à ce que l’activité éducative, sociale ou médico-sociale s’inscrive dans un cadre légal et

règlementaire précis ». Mais elle précise aussi d’emblée que « se conformer aux règles en vigueur

n’indique pas toujours clairement les voies à suivre (…), ces règles doivent être travaillées et

appliquées de façon adéquate, elles n’apportent pas, de façon mécanique, les réponses singulières

à des situations qui le sont tout autant »12.

Cela me conduit à une interrogation : dans quelle mesure la prise en compte de la laïcité peut-elle

être intégrée dans le pilotage du Directeur des services ?

10 La praxéologie désigne une démarche autonome où des acteurs sont invités à théoriser leur pratique quotidienne (appelée également la praxis) déjà décrite ou non dans des procédures. La définition donnée par Alexandre LHOTELLIER permet de façon très synthétique et complète de bien comprendre cette démarche : « La praxéologie est entendue comme une démarche construite (visée, processus, méthode) d'autonomisation et de conscientisation de l'agir (à tous les niveaux d'interaction sociale : micro, méso, macro) dans son histoire, dans ses pratiques quotidiennes, dans ses processus de changement et dans la mesure de ses conséquences ». 11 Fiche de poste des Directeurs de la Protection Judiciaire de la Jeunesse, en matière éducative, 11°. 12 Faïza GUELAMINE, Faits religieux et laïcité : le travail social à l’épreuve, Repères pour une pratique professionnelle, Actions sociales, ESF, Domont, mars 2015. L’auteure est responsable de formation à l’Association nationale des cadres du social, assistante sociale de formation initiale et docteure en sociologie, elle est aussi membre associée à l’unité de recherche « Migrations et société » (Paris 7).

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8

A la lumière de mes lectures sur la « difficile » laïcité13, sur la liberté de religion dans la République

et sur le travail social à l’épreuve de ces questions, il me semble que la question de la laïcité dans un

établissement du secteur public accueillant des mineurs doit être progressivement travaillée, et

surtout, il me semble qu’elle doit être travaillée collectivement avec les professionnels et les

usagers. Une réflexion commune favorise un travail éducatif effectif. Plusieurs textes émanant de

l’Administration centrale évoquent désormais expressément ces concepts14 ; des référents laïcité et

citoyenneté ont été installés dans les DIRPJJ, les DTPJJ ainsi qu’à l’ENPJJ ; des moyens

supplémentaires ont été alloués dans certains établissements et services pour permettre de

renouveler le travail en lien avec la laïcité et la citoyenneté, avec les jeunes et les professionnels.

C’est pourquoi, il m’est apparu pertinent de m’intéresser à cela du point de vue du directeur d’un

EPEI.

Ainsi j’aimerais répondre à ce problème : comment le directeur de la PJJ peut-il veiller au respect

de ce principe dans son établissement ?

Hypothèse de recherche : D’après mes lectures et mes observations, je postule qu’un travail et

qu’une réflexion commune permettraient d’améliorer encore davantage la qualité des prises en

charge éducatives des jeunes. La question de la religion ou de l’absence de la religion fait partie de

l’éducation et ne peut pas être occultée d’une prise en charge éducative globale. Revoir en équipe la

définition de la laïcité, de la neutralité et de la liberté de conscience et de religion peut permettre de

désamorcer des crispations et de prévenir des conflits tant avec les agents qu’avec les jeunes.

Hypothèses d’action : Il appartient au directeur des services d’impulser une dynamique de

changement et d’associer les professionnels à une réflexion commune permettant d’aboutir à

l’intégration de la laïcité dans le projet de service mais pas seulement, il faut ensuite faire vivre ce

projet de service.

Il sied de présenter mon travail en trois parties correspondant à l’évolution de mon stage. La

première partie consiste à exposer en quoi la référence à la laïcité peut être considérée comme

insuffisante dans l’établissement à l’issue d’un premier état des lieux. La seconde partie a trait à la

suite de mes investigations et à la démarche d’évaluation interne sur laquelle je me suis appuyée

13 En référence notamment à l’ouvrage de Frank KHALIFA, Difficile laïcité, sources et enjeux, L’Harmattan, Paris, octobre 2014. 14 La note du 25 février 2015 relative à la mise en œuvre d’un plan d’action de la DPJJ en matière de respect du principe de laïcité et des pratiques religieuses des mineurs pris en charge dans les établissements et services du secteur public et du secteur associatif habilité et du principe de neutralité par les agents prenant en charge ces mineurs, celle du 4 mai 2015 relative aux lignes directrices relatives à l’élaboration du règlement de fonctionnement des établissements collectifs de placement judiciaire du secteur public et du secteur associatif habilité, ou encore la note du 21 décembre 2015. Je me réfèrerai plus loin à ces différentes notes.

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9

tout au long de ce travail. Enfin, la troisième partie consiste à exploiter les données recueillies et à

présenter les actions et expérimentations que j’ai conduites durant mon stage.

1. Le constat d’une insuffisante référence à la laïcité dans l’organisation et le

fonctionnement de l’établissement

Un premier état des lieux réalisé durant les cinq premières semaines de stage m’a permis de faire un

choix de sujet de mémoire. Voici mes premières réflexions.

1.1 L’histoire de l’EPEI et la priorisation des actions du directeur

Tel que je l’énonçais en introduction, à mon arrivée à l’EPEI, le contexte de stage semble très

favorable.

1.1.1 La découverte des unités et missions de l’EPEI

En effet, concernant l’UEAJ, je constate l’existence d’un grand nombre de partenariats actifs15 et je

relève très vite que les jeunes inscrits à l’UEAJ disposent chaque semaine d’un emploi du temps

avec diverses activités (savoirs de base, activités sportives telle qu’escalade, vendanges, chantiers

extérieurs, etc.). Chaque matin, les jeunes sont accueillis avec du café et des petits gâteaux dans un

espace chaleureux au rez-de-chaussée. La parole y est libre dans la limite du respect mutuel et les

règles sont clairement posées. Globalement, celles-ci semblent respectées par les jeunes de l’UEAJ,

notamment grâce à une bonne cohérence d’équipe.

S’agissant de la MEHD, elle dispose de cinq places en résidence sociale16 et de 8 familles d’accueil

(chacune avec un profil singulier). La MEHD peut aussi proposer aux magistrats et aux jeunes des

placements externalisés17 dans le cadre de l’expérimentation lancée par l’Administration centrale. A

ce jour, trois placements externalisés sont mis en œuvre par l’équipe de la Mission : un placement

en internat scolaire et deux « placements à domicile », c’est-à-dire chez les parents mais avec un

suivi éducatif et clinique renforcé.

15 Il existe par exemple : un partenariat avec un établissement scolaire pour lequel les jeunes de l’U.E.A.J. entretiennent toute l’année les espaces verts ; un autre avec la commune pour disposer d’un jardin ou de salles de sport ; un avec l’UDAF 15 pour organiser des chantiers extérieurs ; plusieurs partenariats avec des centres de formation tel que l’AFPA, etc. 16 L’une de ces places est réservée à un public féminin dans un Foyer de jeunes filles au centre ville, qui peut parfois accueillir plus d’une jeune selon la disponibilité des chambres. Seuls des jeunes hommes sont placés dans les autres foyers. 17 Le placement externalisé permet un suivi éducatif et clinique renforcé en maintenant le jeune dans un environnement « naturel » (il s’agit généralement du domicile familial) en réservant la possibilité de placer à nouveau ce jeune dans une autre structure d’hébergement en cas d’échec de cette modalité de placement. L’individualisation de ce suivi correspond le plus souvent à des jeunes qui ne tiennent pas en collectif (par exemple un leader négatif ou à l’inverse un jeune isolé en grande souffrance).

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10

Les magistrats du ressort connaissent cette mission et semblent véritablement apprécier de pouvoir

recourir à cette modalité de placement alternative lorsqu’aucune autre solution n’apparaît

opportune.

A ce jour, la création d’une Unité Educative d’Hébergement Diversifié n’est pas envisagée par la

Direction Interrégionale18 . Néanmoins, l’équipe de cette mission tente de poursuivre son

développement afin qu’elle reste pérenne (à titre d’exemple, le recrutement d’une nouvelle famille

d’accueil d’urgence est en cours).

Enfin, concernant l’UEHC, le contexte est particulier : l’équipe et les jeunes sont de retour dans les

locaux dédiés à leur mission et appartenant à l’Etat19 depuis novembre 2014.

Avant cette date, le bâtiment était en cours de rénovation et l’unité était logée dans une résidence

sociale durant un an, puis dans une Auberge de Jeunesse durant près de quatre mois20. Le nombre

de jeunes pris en charge durant cette période n’excédait pas six, faute de place supplémentaire et

compte tenu de la spécificité des locaux d’accueil temporaire. Il était certainement difficile pour une

équipe éducative de reprendre l’exercice de sa mission dans une maison réhabilitée avec un nombre

de jeune conforme au cahier des charges des UEHC (c’est-à-dire douze). Dans l’année, l’UEHC

doit avoir un taux d’occupation minimal de 80 %21.

Ce contexte a probablement fragilisé un peu l’équipe, qui s’adapte à cette nouvelle configuration

depuis la fin de l’année 2014. Deux professionnels ont récemment intégré l’équipe et deux autres

sont en arrêt maladie depuis le 1er septembre. L’un de ces deux arrêts fait suite, notamment, à la

survenance d’incidents avec des jeunes (voiture de l’agent dégradée et comportements très

provocateurs à son encontre lors d’un repas). L’autre est lié à des problèmes d’ordre personnel.

La difficulté des professionnels à maintenir une cohérence d’équipe est perceptible lors de moments

clés à l’UEHC tel que le passage de consignes : il se fait souvent à plusieurs, les jeunes se

retrouvent seuls et tentent sans relâche d’attirer l’attention du personnel éducatif. De ce fait, il n’est

pas toujours efficace.

Face à cela, l’équipe de Direction (la Directrice et la RUE) tente d’amener son personnel à plus de

cohésion : un accompagnement d’équipe est en place conformément au cahier des charges de la

structure, l’équipe éducative est associée dans le protocole d’élaboration des emplois du temps22,

18 Ceci s’explique par des contraintes budgétaires : il existe déjà une U.E.H.D.R. sur le territoire à laquelle sont octroyés d’importants moyens et la création d’une U.E.M.O. est en cours dans le département. 19 Les locaux de l’UEHC appartiennent à la PJJ mais sont gérés par France Domaine. 20 Les travaux ayant duré un peu plus longtemps que prévu, il a fallu que la directrice trouve une solution d’urgence temporaire pour éviter la fermeture. 21 Le Contrat Objectifs Moyens (COM) est fixé par la DIR et imposé aux directeurs de services selon le budget alloué à la structure, il s’agit du taux de remplissage moyen exigé dans une UEHC. 80% cela équivaut à un COM de 9,6 jeunes conformément au cahier des charges des UEHC. 22 Les éducateurs ont quinze jours pour exprimer leurs désidératas dans un tableau. A partir de ce tableau, la responsable d’unité élabore les emplois du temps puis elle diffuse cette première version de planning trimestriel à tous les agents. Au plus vite après cette

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11

des réunions de fonctionnement sont organisées mensuellement23, il y a au moins trois réunions

d’établissement par an voire quatre (au mois de janvier, juin, septembre et décembre), ou encore, les

modalités du passage de consignes ont été récemment modifiées pour que ce moment soit plus

serein, plus efficient et pour permettre une plus grande confidentialité vis à vis des jeunes24.

La Directrice de l’établissement, occupant ce poste depuis le 1er septembre 2013, est présente dans

chacune des trois unités toutes les semaines. Pour fédérer une « identité de service » et favoriser les

liens entre les trois sites de l’EPEI, elle organise une réunion de gouvernance environ toutes les

deux semaines pour réunir la RUE de l’UEAJ, celle de l’UEHC et le coordinateur de la mission HD

(un CSE missionné). Ces réunions sont programmées trimestriellement afin de s’assurer de leur

tenue (pour cela, un tableau programmatique des réunions est diffusé à tous les agents). De la même

manière, elle projette des réunions de fonctionnement une fois par mois dans chacune de ses unités

et mission. Enfin, un point hebdomadaire est fait avec chacune de ses responsables d’unité ainsi

qu’avec le coordinateur de la MEHD.

Au cours de mes nombreuses discussions avec la directrice, je comprends l’importante évolution

que connaît l’établissement depuis deux ans. Tous les chantiers ne doivent pas être ouverts en même

temps mais doivent se succéder dans un ordre de priorité. Ainsi, les premiers chantiers ont été les

suivants : refonte du planning des éducateurs, travail sur l’articulation directeur/responsables

d’unité, développement de l’HD et réflexion sur l’articulation entre les unités dans le but de

travailler la continuité des parcours des jeunes conformément à la Note d’orientation du 30

septembre 2014.

Cette description rapide de l’état des lieux réalisé en début de stage explique pourquoi j’ai choisi de

m’intéresser à la prise en compte de la laïcité, qui n’avait pas encore été abordée au sein de

l’établissement.

diffusion, une « Commission emploi du temps » est ouverte aux agents pour opérer les dernières modifications. Après cette commission, le planning n’est plus changé sauf pour des raisons exceptionnelles. 23 Les réunions de fonctionnement sont thématisées et réunissent l’équipe et la Direction (RUE et directrice). 24 Un nouvel espace bureau a été créé pour les éducateurs, plus éloigné de l’espace accessible aux jeunes et les amplitudes de service ont été légèrement modifiées afin de permettre à la fois un passage de consignes à deux et une présence éducative continue auprès des jeunes.

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12

1.1.2 Le choix de la thématique de la laïcité comme sujet de

mémoire

Tous les ans, la directrice fixe de nouveaux objectifs de service selon le bilan de l’année écoulée.

Pour 2016, elle souhaiterait qu’un travail soit amorcé en matière de laïcité.

Mon choix de sujet de mémoire s’arrête définitivement le 18 septembre lorsque je découvre que la

Direction interrégionale demande aux services du territoire de conduire la deuxième évaluation

interne sur deux des quatre axes suivants : « L’accueil des mineurs et de leurs familles » ; « Les

droits et participations des mineurs et de leurs familles » ; « La prise en compte de la laïcité » ; et

« Le partenariat ». Elle qualifie la prise en compte de la laïcité de « sujet prioritaire » de travail dans

les services25.

D’un commun accord avec la Directrice de l’établissement et les responsables d’unité, nous avons

choisi de conduire l’évaluation interne sur ces deux axes : l’accueil des mineurs et de leurs familles

et la prise en compte de la laïcité. Tous les cadres considèrent que les pratiques dans ces deux

champs peuvent être améliorées. Avec l’aval de la Directrice de service, je décide alors de mener un

travail d’enquête et de recherche sur ces deux axes et sur celui de la prise en compte de la laïcité en

particulier (ces deux axes n’étant pas sans lien puisque nous le verrons plus tard, la laïcité devrait

être abordée au moment de l’accueil du jeune à l’UEAJ, à l’UEHC, et à la MEHD selon les

modalités de la prise en charge).

Dès la fin du mois de septembre, je fais plusieurs constats en lien avec cette thématique.

En premier lieu, les éducateurs n’osent pas tous parler de religion avec les jeunes. Lorsque je les

questionne, certains ne souhaitent pas aborder cette question avec les jeunes en raison de la

neutralité qui leur est imposée, tandis que d’autres préfèrent s’abstenir en raison d’un manque de

connaissance en la matière (quatre éducateurs ont exprimé le besoin d’être formé en « histoire des

religions »). Un éducateur m’a dit qu’il était parfois difficile de se positionner par rapport aux

jeunes car « ils en savent souvent plus que nous et arrangent les choses à leur sauce ».

S’agissant de la radicalisation, fléau au cœur des débats sociétaux, le personnel éducatif se sent

démuni.

En juin dernier, l’UEHC a été confrontée à un jeune ayant tenté de rejoindre la Syrie. Il tenait des

propos très irrespectueux envers les femmes et les non croyants. Il était très difficile pour l’équipe

éducative de tisser des liens avec lui. Son contrôle judiciaire (CJ), ordonné par un juge anti-

terroriste parisien après sa tentative de quitter le territoire, lui imposait de remettre ses papiers

d’identité à la direction du foyer, ce qui a été fait.

25 Terme employé dans un courrier de la DIR envoyé aux directeurs de services du territoire le 27 mai 2015 (cf. annexe 1).

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Après les attentats de janvier 2015 contre Charlie Hebdo, le jeune homme a refusé de faire la

minute de silence avec les autres jeunes et les éducateurs de service. Selon lui, les terroristes du 7

janvier « avaient raison ». Compte tenu de la gravité de ces propos, une éducatrice présentée par

l’un de ses collègues comme « musulmane modérée », a tenté de parler de religion avec lui. Elle a

tenté de démontrer que le message de l’islam n’était pas celui qu’il voulait faire prévaloir. Le

souvenir de cette prise en charge est amer. Ce jeune a finalement été orienté dans un Centre éducatif

fermé le 2 avril 2015, après la mainlevée du placement pour non respect du CJ (pas de projet

d’insertion et de nombreux incidents au foyer).

Actuellement, l’UEHC et l’UEAJ sont confrontées à un autre type de radicalisation dans la prise en

charge conjointe d’un jeune sous CJ prononcé pour des faits de profanation d’un cimetière israélite.

Si l’accompagnement d’équipe permet d’aborder ce type de sujet, ce n’est pas spécifiquement son

objectif. Or, en dehors de ces temps d’accompagnement d’équipe, les professionnels n’ont pas

encore eu l’occasion de se rencontrer et d’échanger sur la thématique de la laïcité dans

l’établissement, sur la conciliation entre le respect de la liberté de religion des jeunes et l’obligation

de neutralité des agents, sur la citoyenneté et la manière de prévenir les phénomènes de

radicalisation26. Les professionnels de l’EPEI n’ont pas encore tous suivi la formation nationale sur

la radicalisation proposée par les Pôles Territoriaux de Formation (PTF) et il est à noter que la

référente laïcité citoyenneté de la direction territoriale n’a pris ses fonctions qu’en septembre 2015.

A mon arrivée à l’EPEI, elle est tout juste entrain de s’approprier ses nouvelles fonctions.

Comme je décide de rédiger un mémoire sur cette thématique, je poursuis mes observations, qui

viennent étayer mes premiers constats.

1.1.3 L’intérêt de ce sujet

A ce jour, il existe des différences de pratiques entre l’UEAJ et l’UEHC : au travers de mes

échanges avec les responsables d’unité, je constate que la question d’une éventuelle pratique

religieuse n’est pas abordée avec les parents lors de l’entretien d’accueil du jeune à l’UEHC ; au

contraire cette question est systématiquement posée aux parents de jeunes inscrits à l’UEAJ.

Pourtant, lors d’une journée à l’extérieur à laquelle j’ai participé avec l’UEAJ, nous avons mangé

chez des viticulteurs. Ces derniers nous avaient préparé de la palette de porc fumée alors que trois

jeunes présents étaient de confession musulmane et ne souhaitaient pas manger de porc. La famille

chez laquelle nous étions a accepté de faire des œufs au plat à ces trois jeunes. Néanmoins, il aurait

été opportun de s’intéresser à la question de l’alimentation des jeunes en amont afin de prévenir les

26 Tous ces termes seront définis dans la partie intitulée « La conciliation entre une laïcité tolérante et une neutralité exigeante ».

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hôtes qui allaient nous accueillir des habitudes alimentaires des jeunes accueillis. Force est de

constater que cela ne se fait pas naturellement. Il y a une gêne à parler de religion dans la relation

éducative. Ainsi, Faïza Guélamine écrit que « les intervenants sociaux « tâtonnent », s’opposent

parfois entre eux autour de ces questions, cherchent des réponses, éprouvent des difficultés à

résoudre ce qui se présente comme un dilemme pour eux : comment comprendre et réagir dans le

cadre des prérogatives qui leur sont confiées lorsque celles-ci les conduisent à respecter les

convictions religieuses des usagers tout en intégrant la finalité des missions éducatives,

thérapeutiques, sociales des établissements et services, adossés au principe de laïcité ? »27.

Dans le cadre de la MEHD, la prise en compte de la laïcité ne se présente pas de la même manière :

aucune difficulté ne se présente concernant les jeunes placés en Foyer Jeunes Travailleurs (FJT) ou

à domicile (dans le cadre d’un placement externalisé). Les questions pouvant se poser concernent

principalement les placements en familles d’accueil : sont-elles soumises à la neutralité ? Dans

quelles limites peuvent-elles manifester leurs croyances ? En la matière, la phase de recrutement des

familles d’accueil par la Direction de l’établissement est capitale pour travailler cette question. A ce

jour, l’existence ou non d’une pratique religieuse (de la famille d’accueil ou du jeune accueilli)

n’est pas systématiquement abordée ni lors du recrutement ni lors de l’accueil du jeune.

La procédure de recrutement d’une famille d’accueil se déroule de cette façon : une première

rencontre de la famille est organisée au service avec la direction et l’équipe éducative. Lorsque cet

entretien est concluant (la famille semble correspondre aux attentes de la PJJ), une visite à domicile

de la directrice et de la psychologue est programmée. Il pourrait être intéressant d’aller au delà des

constats visuels qui peuvent être opérés lors de cette visite à domicile et aborder concrètement ce

sujet avec les familles (respect de la liberté de conscience, d’opinion et de religion du jeune

accueilli, interdiction du prosélytisme pour la famille).

A l’UEHC, je découvre rapidement que pour des raisons pratiques et financières, la nourriture

proposée aux jeunes est exclusivement halal.

Or, ce fonctionnement n’est conforme ni à la Note de la DPJJ du 25 février 201528 où l’on lit qu’« il

ne peut être admis s’agissant de la nourriture confessionnelle qu’elle soit proposée comme plat

exclusif » (p.5), ni aux lignes directrices relatives à l’élaboration du règlement de fonctionnement

du 4 mai 2015 : « en aucun cas il ne peut être délivré des plats contenant de la nourriture

confessionnelle de façon systématique à l’ensemble des mineurs pris en charge » (p.22).

27 Faïza GUELAMINE, Faits religieux et laïcité : le travail social à l’épreuve, Repères pour une pratique professionnelle, Actions sociales, ESF, Domont, mars 2015, p.13. 28 NDPJJ du 25 février 2015 relative à la mise en œuvre d’un plan d’action de la DPJJ en matière de respect du principe de laïcité et des pratiques religieuses des mineurs pris en charge dans les établissements et services du secteur public et du SAH et du principe de neutralité par les agents prenant en charge ces mineurs.

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Comme dans de nombreux établissements de placement éducatif de la PJJ, le cuisinier et la

maîtresse de maison ne proposent jamais de viande de porc. Un jeune m’a pourtant confié qu’il

aimerait bien pouvoir en manger « de temps en temps ».

Alors que le débat sur la laïcité dans le service public n’a jamais été d’une telle vigueur, ces

illustrations témoignent de l’importance pour un Directeur des services de la PJJ de se questionner

sur la définition du principe de laïcité et sur son application dans un établissement public accueillant

des mineurs.

1.2 La combinaison d’une laïcité tolérante et d’une neutralité exigeante

Faïza Guélamine décrit bien l’exigence à laquelle les professionnels doivent se soumettre lorsqu’ils

réfléchissent aux questions posées par l’irruption du fait religieux dans leur quotidien et à laquelle

je dois me soumettre également dans ce travail de mémoire : « L’expression des faits religieux dans

le cadre professionnel impose une prescription inattendue : élucider sa propre perception du

religieux. Ces situations entraînent chez le travailleur social la quasi-obligation de réfléchir à sa

propre posture vis-à-vis des pratiques et des croyances liées au sacré. Ces représentations

(subjectives) doivent pouvoir être objectivées, comme toute posture professionnelle, mises en

rapport avec le public rencontré, le type de mission et de responsabilité exercée. »29.

1.2.1 La laïcité en France et plus particulièrement à la PJJ

La définition de la laïcité est indissociable de l’Histoire. Il est difficile d’en trouver une définition

claire. Le dictionnaire Robert renvoie à la définition donnée par le grand juriste disparu René

Capitant : « conception publique impliquant la séparation de la société civile et de la société

religieuse, l’Etat n’exerçant aucun pouvoir religieux et les Eglises aucun pouvoir politique », ce qui

ne dit rien de ce qu’elle implique pour les citoyens d’une République laïque. Le texte fondateur de

la laïcité est la loi du 9 décembre 1905 dite de « séparation des Eglises et de l’Etat » qui a pour objet

d’organiser le régime public des cultes.

Selon Jean Picq30, c’est dans ce cadre légal que se conjuguent des libertés fondamentales, la liberté

de conscience et le libre exercice des cultes, et une exigence de totale neutralité de l’Etat. Dans son

ouvrage intitulé La liberté de religion dans la République, il tente d‘exposer l’esprit de la loi de

1905 et ses origines. Il énonce que « la laïcité est avant toute chose la reconnaissance d’un espace

29 Faïza GUELAMINE, Faits religieux et laïcité : le travail social à l’épreuve, Repères pour une pratique professionnelle, Actions sociales, ESF, Domont, mars 2015, p.37. 30 Jean PICQ est auteur d’un rapport remarqué sur l’Etat, magistrat à la Cour des comptes, professeur à Sciences Po-Paris où il enseigne l’histoire de l’Etat et des rapports entre politique et religion.

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public pluraliste dans lequel coexistent et s’affrontent des convictions philosophiques et religieuses.

Cela signifie qu’aucune d’entre elles, fût-elle majoritaire, ne peut prétendre obturer l’espace à elle

seule. Car la laïcité, ce n’est pas établir une nouvelle religion « laïque », qui proscrirait toute

religion, c’est permettre à toute les religions sans exception de vivre dans l’espace public et d’y

faire entendre leur voix dans le respect de l’ordre public et des règles du débat démocratique » 31.

Selon Jean Baubérot, c’est « un art de vivre ensemble »32.

C’est sensiblement la même définition de la laïcité qui a été retenue par la DPJJ dans sa Note du 25

février 2015 : « La laïcité n'est pas une opinion parmi d'autres mais la liberté d'en avoir une. Elle

n'est pas une conviction mais le principe qui les autorise toutes, sous réserve du respect des

principes de liberté de conscience et d'égalité des droits. C'est pourquoi, elle n'est ni pro, ni

antireligieuse. L'adhésion à une foi ou à une conviction philosophique relève ainsi de la seule

liberté de conscience de chaque femme et de chaque homme. La laïcité permet donc l’affirmation de

la liberté de religion. Les textes, internes et internationaux, qui garantissent la liberté de religion

en font, d’ailleurs, un élément de la liberté de pensée ou de conscience de chaque individu.

Toutefois, la liberté religieuse ne se borne pas à la liberté de croire ou de ne pas croire. Elle

implique une certaine extériorisation qu’il s’agisse de l’exercice du culte ou tout simplement de

l’expression – individuelle ou collective – d’une croyance religieuse. Il convient dès lors pour l’Etat

de garantir la conciliation entre l’intérêt général et l’ordre public, d’une part, la liberté de religion

et son expression, d’autre part. ».

La laïcité et la neutralité de l’Etat visent en fait à garantir une égalité de traitement des usagers du

service public conformément au principe de non-discrimination contenu dans des textes

internationaux, tel que dans l’article 14 de la CESDH33.

31 Jean PICQ, La liberté de religion dans la République, L’esprit de laïcité, Odile Jacob, Nanterre, mai 2014. 32 Jean BAUBEROT, La laïcité. Evolutions et enjeux, La Documentation française, « Problème politiques et sociaux », n°768, juin 1996, p.4. Selon une définition simple, le « vivre ensemble » est un concept qui exprime les liens pacifiques, de bonne entente qu’entretiennent des personnes, des peuples ou des ethnies avec d’autres, dans leur environnement de vie ou leur territoire. Autrement dit, c’est une cohabitation harmonieuse de peuples et d’ethnies différentes. Selon Jean Baubérot, il s’agit de tenir ensemble trois préceptes : « Si l’on s’en tient au règlement juridique, la laïcité m’apparaît constituée de trois principes essentiels: le respect de la liberté de conscience et de culte; la lutte contre toute domination de la religion sur l’État et sur la société civile; l’égalité des religions et des convictions les « convictions » incluant le droit de ne pas croire. Il faut arriver à tenir ensemble ces trois préceptes si l’on veut éviter toute position arrogante et péremptoire. Mais évidemment, dans la pratique, les acteurs ont tendance à privilégier l’un ou l’autre de ces trois principes : les croyants se réfèrent surtout à la liberté de culte; les agnostiques (et les anticléricaux) s’appuient plutôt sur la lutte contre la domination des religions; quant aux minoritaires, ils insistent sur l’égalité des religions et des convictions. », Extrait de la revue Regards sur l’actualité, n°298 « Etat, laïcité, religions », Jean Baubérot, titulaire de la chaire «Histoire et sociologie de la laïcité» à l’Ecole pratique des hautes études et membre de la Commission Stasi. 33 Convention Européenne de Sauvegarde des Droits de l’Homme et des libertés fondamentales du 4 novembre 1950.

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1.2.2 La neutralité des agents publics

S’agissant de la neutralité des agents publics, elle est imposée par le Conseil d’Etat34. A la PJJ, il

appartient aux cadres de faire respecter l’obligation de neutralité dans leur service.

La Charte de la laïcité dans les services publics énonce que « Tout agent a un devoir de stricte

neutralité. Il doit traiter également toutes les personnes et respecter leur liberté de conscience. Le

fait pour un agent public de manifester ses convictions religieuses dans l'exercice de ses fonctions

constitue un manquement à ses obligations. » Le non respect de cette obligation peut faire l’objet

d’une sanction disciplinaire. Mais il ne faut pas méconnaître les droits des agents publics en tant

que citoyens. L’application du principe de laïcité consiste à rechercher continuellement un équilibre

entre les valeurs indissociables sur lesquelles repose ce principe : « liberté de conscience, égalité en

droit des options spirituelles et religieuses, neutralité du pouvoir politique »35. Par exemple,

l’obligation de neutralité ne fait pas obstacle à ce que les agents publics sollicitent des

aménagements du temps de travail dans la mesure où ils sont compatibles avec le bon

fonctionnement du service public36. L’Observatoire de la laïcité rappelle que « les exigences

relatives à la laïcité de l’État et à la neutralité des services publics ne doivent pas conduire à la

négation de la liberté de conscience dont les agents publics peuvent se prévaloir »37. En effet, la

liberté d’opinion notamment religieuse est inscrite à l’article 6 de la loi du 13 juillet 1983 portant

droits et obligations des fonctionnaires et le droit de solliciter des autorisations exceptionnelles

d’absence est octroyé par la circulaire du 23 septembre 1967 relative aux autorisations d’absence

pour fêtes religieuses38 et par la circulaire du 13 avril 2007 relative à la charte de laïcité dans les

services publics39.

Il est intéressant de voir que le rapport de la Commission Stasi de 2003 cible quatre blocs

d’obligation dégagés par le Conseil d’Etat pour préserver un équilibre entre liberté de conscience et

neutralité des agents publics à l’école : « sont prohibés les actes de pression, de provocation, de

prosélytisme, ou de propagande ; sont rejetés les comportements pouvant porter atteinte à la

dignité, au pluralisme ou à la liberté de l’élève ou de tout membre de la communauté éducative

ainsi que ceux compromettant leur santé et leur sécurité ; sont exclus toute perturbation du

déroulement des activités d’enseignement, du rôle éducatif des enseignants et tout trouble apporté à

l’ordre dans l’établissement ou au fonctionnement normal du service ; les missions dévolues au

34 CE, 3 mai 1950, Dlle Jamet, n°98 284 ; précision de la portée de l’obligation de neutralité dans l’avis du CE Dlle Marteaux, 3 mai 2000. 35 Rapport de la Commission présidée par Bernard STASI, 2003. 36 La liste des fêtes religieuses pour lesquelles les agents peuvent demander une autorisation d’absence peut être déterminée par circulaire : CE, 12 février 1997, Melle H., n°125893. 37 Observatoire de la laïcité, Avis sur l’article premier du projet de loi relatif à la déontologie et aux droits et obligations des fonctionnaires, 3 février 2015. 38 Circulaire n° FP/901 du 23 septembre 1967 relative aux autorisations d’absence pour fêtes religieuses. 39 Circulaire n° 5209/SG du 13 avril 2007 relative à la charte de laïcité dans les services publics.

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service public de l’éducation ne peuvent être affectées par les comportements des élèves et

notamment le contenu des programmes et l’obligation d’assiduité ». Il me semble que ces blocs

peuvent être transposés au service public de la PJJ. C’est donc pour garantir la liberté de conscience

et de religion des usagers du service public que les manifestations d’une croyance d’un agent

peuvent être prohibées et sanctionnées si elles revêtent un caractère ostentatoire ou revendicatif.

Il est intéressant de voir qu’en Suède, les agents exerçant une mission de service public ne sont pas

soumis à une obligation de neutralité telle qu’elle existe en France. La seule interdiction est celle du

prosélytisme mais ces agents ont le droit de manifester et extérioriser leurs croyances. Ainsi, dans

l’établissement de placement que j’ai pu découvrir au cours du stage européen40, tant les éducateurs

que les enseignants peuvent porter des bijoux ou des tenues vestimentaires révélant leurs

convictions religieuses. En effet, « la Suède, qui défend le modèle sociétal le plus libéral, met en

avant la liberté individuelle et encourage la représentation de la diversité sociale dans les

institutions publiques. À ce titre, le pays autorise le port du voile dans la police ou à l’école et

soutient les communautés religieuses qui prennent en charge des services de l’État-providence,

comme l’accueil des réfugiés ou l’enseignement du suédois aux immigrants. »41 J’ai encore pu

constater que les professionnels des institutions de protection de la jeunesse sont moins gênés en

Suède qu’en France à parler d’histoire des religions et même de convictions religieuses avec les

jeunes. En France, il paraît plus délicat de concilier l’obligation de neutralité des agents et la liberté

de religion des usagers.

1.2.3 La conciliation de la neutralité des agents et la liberté de religion

des usagers

Le droit à la liberté de pensée, de conscience et de religion est consacré et garanti par de nombreux

textes (nationaux ou internationaux) que l’Etat français s’engage à respecter : l’article 10 de la

Déclaration des droits de l’homme et du citoyen de 1789, les articles 1er et 2 de la loi du 9 décembre

1905 sur la séparation de l’Eglise et de l’Etat, l’article 1er de la Constitution française du 4 octobre

1958, les articles 18 de la Déclaration universelle des droits de l’homme de l’ONU du 10 décembre

1948 et du Pacte international relatif aux droits civils et politiques, et les articles 9 et 14 de la

CESDH du 4 novembre 1950. Ce droit implique la liberté de changer de religion ou de conviction,

la liberté de manifester sa religion ou sa conviction individuellement ou collectivement, en public

40 Statens Institutions Styrelse (SIS, La Direction nationale des soins en institutions), ungdomshem Råby institution (institution pour la jeunesse Räby) à Lund. 41 Frédérique Harry, Maître de conférences en Études nordiques à l’Université Paris-Sorbonne, Vers une laïcité nordique ? P@ge Europe, La Documentation française © DILA, 21 mai 2013.

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ou en privé, par le culte, l'enseignement, les pratiques et l'accomplissement des rites. Les seules

restrictions dont cette liberté peut faire l’objet doivent être prévues par la loi et constituer des

mesures nécessaires, dans une société démocratique, à la sécurité publique, à la protection de

l'ordre, de la santé ou de la morale publiques, ou à la protection des droits et libertés d'autrui42.

La loi 2002-2 du 2 janvier 2002 rénovant l’action sociale et médico sociale rappelle et consacre les

droits libertés des usagers des Etablissements et Services Sociaux et Médico-Sociaux (ESSMS)

dans le but de promouvoir leur autonomie et leur protection43. Or les établissements et services de la

PJJ relèvent de la catégorie des ESMS depuis le décret du 6 novembre 200744 et sont soumis à cette

loi.

L’article 11 de la Charte des droits et libertés de la personne accueillie prévue la loi de 2002

reconnaît également à chacun le droit à la pratique religieuse dans la mesure où il ne trouble pas le

fonctionnement normal des établissements et des services et ne porte pas atteinte à la liberté

d’autrui.

Dominique Youf rappelle très justement que pendant un temps, la DPJJ n’ayant pas choisi

d’orientations en matière de laïcité, l’appréciation des comportements était laissée aux Directeurs

d’établissements45.

Désormais, les textes à la PJJ faisant référence à cette valeur républicaine forte sont nombreux et

peuvent servir de base de réflexion : la NDPJJ du 25 février 2015 précitée, la NDPJJ du 4 mai 2015

relative aux lignes directrices d’élaboration du règlements de fonctionnement des établissements

collectifs de placement judiciaire du secteur public et du secteur associatif habilité, la NDPJJ du 7

septembre 2015 relative au cadre d’intervention des référents laïcité citoyenneté de la mission

nationale de veille et d’information (MNVI) ainsi que la NDPJJ du 21 décembre 2015 relative au

plan d’action national 2016 et rapport stratégique 2015.

Cette dernière note aborde « l’augmentation ciblée des moyens sur certains secteurs afin de

renforcer la prévention des risques de radicalisation dans le cadre des missions éducatives. Ces

moyens alloués devront notamment être plus spécifiquement dédiés à sensibiliser le mineur à la

citoyenneté, la laïcité, à la lutte contre toute forme d’intolérance et de discrimination, à sa

42 Article 9 de la CESDH. 43 On retrouve ces droits à l’article L 311-3 du Code de l’Action Sociale et des Familles : le droit au respect de la dignité, de l’intégrité, de la vie privée, de l’intimité, et le droit à la sécurité ; le libre choix entre les prestations à domiciles ou celles d’un établissement ; le droit à une prise en charge ou à un accompagnement individualisé et de qualité, respectant un consentement éclairé ; le droit à la confidentialité des données les concernant ; le droit d’accès à l’information ; le droit d’être informés des droits fondamentaux et des voies de recours dont ils disposent ; le droit de participer directement au projet d’accueil et d’accompagnement. Le droit au respect de la vie privée recouvre la liberté de pensée, de conscience et de religion. 44 Art. 3 du décret du 6 novembre 2007 : « En application de l'article L. 312-1 du code de l'action sociale et des familles, les établissements et services du secteur public de la protection judiciaire de la jeunesse constituent des établissements et services sociaux et médico-sociaux, à l'exception des services éducatifs en établissements pénitentiaires spécialisés pour mineurs. Sous réserve des prérogatives de l'autorité judiciaire, les établissements et services précités garantissent aux mineurs et aux jeunes majeurs qu'ils prennent en charge au titre de la mise en œuvre d'une mesure éducative les droits et libertés individuelles énoncés aux articles L. 311-3 à L. 311-5 du même code ». 45 Dominique YOUF, Haut Conseil à l’Intégration, Débats, Laïcité dans la fonction publique : de la définition du principe à son application pratique, La documentation française, 2012, p.70.

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socialisation, au développement de sa pensée critique, à la sensibilisation et prévention à l’usage

du numérique et à l’aide à la parentalité »46 ainsi que le « renfort de la dotation de fonctionnement

en UEHC et CEF pour des activités soutenant notamment le vivre ensemble, la laïcité, la

citoyenneté, la sensibilisation et la prévention à l’usage du numérique, et permettre la relance

d’une dynamique de séjours et camps »47.

La DPJJ a encore adopté une note spécifiquement relative à la lutte contre la radicalisation le 27

janvier 2015.

Il convient donc pour un directeur d’établissement de la PJJ de veiller à la fois au respect de

l’obligation de neutralité de ses agents et au respect de la liberté de conscience et de religion des

usagers, c’est-à-dire des jeunes qui sont confiés à son service. Cette mission est délicate

particulièrement lorsqu’il faut composer avec les individualités de chacun : les agents et les jeunes.

1.3 La diversité d’origines et de cultures des personnes composant l’institution

1.3.1 Le changement du profil sociologique des travailleurs sociaux

La nécessité d’aborder les questions de la laïcité et de la neutralité est d’autant plus forte que la

diversité des origines et des cultures des professionnels est grande. C’est le cas dans mon

établissement de stage. Grace à de nombreux échanges informels avec les professionnels de

chacune des unités, j’ai compris que les éducateurs ne peuvent faire fi de « ce qu’ils sont ». Or

« depuis deux à trois décennies l’évolution sociologique des profils des professionnels dans (le)

secteur (social) fait apparaître l’émergence de nouvelles générations issues des classes populaires,

dont une partie provient de l’immigration postcoloniale. Sans être homogène ni unique, bien au

contraire, le rapport que ces travailleurs sociaux entretiennent avec le religieux est parfois lié à

leur propre inscription dans un parcours migratoire, celle de leurs ascendants, et à la manière dont

ces trajectoires prennent sens dans une histoire sociale et politique singulière et collective. »48.

L’auteure explique que cela ne signifie pas que les comportements référés au religieux de ces

professionnels sont plus marqués mais « cela vient dire quelque chose dans la façon dont ces

questions se posent dans le champ de l’intervention sociale et plus largement au sein de la société

française ».

46 NDPJJ du 21 décembre 2015 relative au Plan d’action national 2016 et rapport stratégique 2015, Troisième axe : « Favoriser des réponses individualisées en prenant appui sur le milieu ouvert socle », Mesures spécifiques BOP 2016, p.3. 47 Ibid, Quatrième axe : « Garantir l’hébergement comme une réponse articulée dans un suivi plus global du parcours », Mesures spécifiques BOP 2016, p.4. 48 Faïza GUELAMINE, Faits religieux et laïcité : le travail social à l’épreuve, Repères pour une pratique professionnelle, Actions sociales, ESF, Domont, mars 2015, p.14.

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La particularité du travail social et éducatif à la PJJ invite donc à prendre le temps de réfléchir à ces

questions. On l’a vu, le Conseil d’Etat impose que les agents publics ne manifestent pas leurs

croyances durant l’exercice de leurs fonctions, mais les exigences d’une neutralité absolue sont

tempérées par les «accommodements raisonnables» permettant à chacun d’exercer sa liberté

religieuse49. Le directeur des services (DS) ne doit donc intervenir pour sanctionner son personnel

que dans l’hypothèse où la mission serait entravée, par un comportement prosélyte par exemple.

L’interdiction du prosélytisme vise à préserver la liberté de croire ou de ne pas croire. L’idée

principale est que personne ne doit imposer ses croyances aux autres. Cela fait écho à la formule

républicaine du début du XX° siècle : « La loi protège la foi aussi longtemps que la foi ne prétend

pas dicter la loi ».

Le DS ne choisit pas ses agents50 et doit composer avec chacune des individualités qui composent

l’équipe.

1.3.2 Le profil des agents et le profil des jeunes de l’EPEI

Ni les agents ni les jeunes ne forment un groupe homogène.

Au travers de mes échanges informels avec les agents de chacune des unités et missions, je perçois

rapidement la diversité d’origines et de cultures au sein de l’équipe : près de la moitié des vingt six

éducateurs composant l’EPEI affirme avoir des origines étrangères (marocaines, turques, polonaises

ou tunisiennes) ; nombreux sont les agents qui ont de la famille dans leurs pays d’origine ; plusieurs

d’entre eux me confient être athées, croyants et/ou pratiquer une religion dans leur vie personnelle,

qu’il s’agisse de la religion catholique, juive ou musulmane ; l’un des agents est Président d’une

antenne de l’Association des Travailleurs Marocains de France (ATMF). Les équipes sont

composées d’individualités ayant chacune leur histoire, leurs traditions, leurs convictions. Jean Picq

s’interroge : si l’on doit appliquer avec une grande fermeté républicaine le principe d’égalité,

notamment d’égalité entre les sexes, en étant intraitable sur certaines sujets de société, « n’est-il pas

tout aussi nécessaire d’accueillir la diversité, de reconnaître la différence, de ne pas chercher à

enfermer l’autre dans un moule unique, de ne pas le priver du droit à sa culture, de lui permettre de

préserver sa façon de vivre et les traits qui sont à ses yeux des composantes essentielles de son

identité ? », et il conclut : « Comme toujours dans la vie sociale, tout est question de retenue et de

discernement »51.

Le groupe de jeunes confiés à l’EPEI varie mais n’est jamais homogène lui non plus. Sans être

49 Rapport de la commission STASI, 2003. 50 A l’exception des agents contractuels dont il organise le recrutement. 51 Jean PICQ, La liberté de religion dans la République, L’esprit de laïcité, Odile Jacob, Nanterre, mai 2014, p.154.

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exhaustive et à titre d’exemples, parmi les jeunes confiés actuellement à l’EPEI, nous

avons plusieurs jeunes dont les parents et les grands parents sont nés en France, un jeune dont les

deux parents sont originaires du Sénégal et dont le père est polygame, deux jeunes dont les parents

sont originaires du Maghreb, un jeune homme dont les parents sont Roms et une jeune fille

tchétchène. Or la compréhension de l’histoire et de la culture de chacun de ces jeunes peut aider

l’éducateur dans l’individualisation de la prise en charge.

Cette diversité accroît l’importance de s’intéresser à laïcité et à la citoyenneté au sein de l’EPEI.

1.3.3 La nécessité d’un travail autour des questions de laïcité et de

citoyenneté

Deux autres constats confirment cela : l’un concerne les professionnels et l’autre concerne les

jeunes.

Faïza Guélamine décrit que dans certains cas de figure, « ce sont au sein même des équipes de

travail que se posent des problèmes »52.

En effet, lors d’un entretien avec la responsable de l’UEHC le 30 septembre, j’apprends que de

réelles difficultés se sont présentées par le passé, sous l’ancienne direction. Elle m’explique que

parfois, « les revendications des professionnels sont plus prégnantes encore que celles des jeunes ».

Pour illustrer ces difficultés, elle me donne deux exemples :

- il est déjà arrivé qu’un agent vérifie la certification halal sur l’emballage de la nourriture. On peut

se demander si cela ne contrevient pas à l’obligation de neutralité des agents dans l’exercice de

leurs fonctions.

- il y a quelques années, le jour de l’Aïd El Kippour, une éducatrice demande à la responsable

d’unité si elle peut préparer une sortie avec les jeunes de l’UEHC (il s’agissait d’aller manger à

l’extérieur pour l’occasion). La responsable d’unité accepte pensant que le groupe complet de

jeunes et d’éducateurs présents le samedi soir participerait à la sortie. Finalement, le lundi suivant,

elle apprend que seuls les éducateurs et les jeunes de confession musulmane étaient sortis, laissant

les autres jeunes sans confession ou d’une autre confession au foyer, avec un éducateur contractuel,

lui aussi, a priori sans confession.

Elle m’explique que le problème aurait été le même pour une autre fête religieuse : le principe laïc

impose selon elle, que tous les jeunes soient traités de manière égale quelle que soit la confession ou

52 Faïza GUELAMINE, Faits religieux et laïcité : le travail social à l’épreuve, Repères pour une pratique professionnelle, Actions sociales, ESF, Domont, mars 2015, p.17.

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la philosophie. Si une sortie est organisée dans le cadre d’une fête religieuse, elle doit susciter les

échanges ainsi que l’apprentissage et le partage d’une autre culture.

Cet incident a été repris par le directeur de l’époque et ne s’est pas reproduit depuis.

Je suis confortée dans l’idée qu’il est impératif de travailler les questions de la laïcité et de

citoyenneté dans l’établissement à la suite d’une « réunion jeunes » que j’ai animée le 15 décembre.

J’ai profité d’un repas de fin d’année à l’UEAJ pour organiser des échanges sur cette thématique

avec un petit groupe de huit jeunes (deux filles et six garçons dont deux d’entre eux sont

conjointement pris en charge par l’UEAJ et l’UEHC). A l’issue de ces échanges, je fais le constat

que les jeunes ne savent pas ce qu’est ni la laïcité ni la neutralité. Seul un jeune se démarque un peu

du reste du groupe et tient des propos clairs et pacifistes (cf. annexe 2).

Par ailleurs, il est à noter que les personnes identifiées comme ayant participé aux actes terroristes

du 7 janvier ainsi qu’aux attentats des 13 novembre et 22 mars dernier en France et en Belgique ont

toutes un passé de délinquance53. La Protection Judiciaire de la Jeunesse ne peut pas s’affranchir de

cette information : nous devons particulièrement veiller à prévenir les comportements radicaux au

sein de nos établissements et services54.

La diversité de profils des professionnels à la PJJ est une richesse pour l’action éducative et elle doit

permettre de susciter des échanges avec les jeunes. Le fait religieux ne doit pas être tabou, il doit

faire l’objet de discussion avec les éducateurs, particulièrement au vu de la diversité de profils des

jeunes.

Toutes ces observations et constats accréditent l’idée selon laquelle la référence à la laïcité au sein

de l’EPEI est insuffisante. Cela me conduit à une problématique patente : comment le directeur des

services peut-il impulser une dynamique de changement pour intégrer la valeur laïcité puis la faire

vivre55 dans le pilotage de son Etablissement de Placement Educatif et d’Insertion ?

La particularité de nos missions impose que cette valeur soit ouvertement et résolument abordée

avec les professionnels et avec les jeunes pour trouver les moyens de la faire vivre. Cela m’amène à

53 Amedy Coulibaly, de la délinquance au terrorisme, Le Monde, Mathieu SUC, 10 janvier 2015 ; ou Les terroristes sont souvent des voyous râtés, Le Figaro, Mathilde SIRAUD, 23 mars 2016. 54 « L’enseignement de la laïcité et des faits religieux à l’école est un moyen de combattre les dérives », Jean-Paul WILLAIME, Cahiers français, Religions, laïcité(s), démocratie 389 oct-déc 2015-12-01 : selon moi, ce constat peut être transposé à la PJJ, particulièrement lorsque les jeunes qui nous sont confiés sont déscolarisés. Revenons à un modèle de « laïcité intelligente » qui, selon régis DEBRAY, favorise le vivre-ensemble en permettant la connaissance de la religion de l’autre : Rapport sur l’enseignement du fait religieux dans l’école laïque, remis en février 2002 au ministre de l'Education nationale, Jack LANG. 55 « Faire vivre » au sens de « veiller au respect », de « donner du sens », de « rendre visible », de « transmettre ».

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une hypothèse de recherche selon laquelle ne pas parler de laïcité et de religions, ni avec les

professionnels ni avec les jeunes, est un frein à l’amélioration de la qualité des prises en charge

éducatives au sens où ces concepts participent de l’éducation des jeunes et peuvent prévenir des

comportements radicaux.

Pour vérifier cette hypothèse, j’ai poursuivis mes recherches avant de mettre en œuvre plusieurs

expérimentations.

2. La poursuite de la démarche de recherche et l’amorce de la conduite au changement

Pour poursuivre mes recherches, j’ai usé de plusieurs moyens. Il convient de présenter d’une part la

démarche méthodologique de recherche puis d’autre part la démarche d’évaluation interne sur

laquelle je me suis appuyée pour enrichir le recueil de données et pour amorcer une dynamique de

changement56 au sein de l’établissement.

2.1 La démarche méthodologique de recherche

Mes recherches ont débuté en septembre avec une période d’observation de cinq semaines, étayée

par des premières lectures en lien avec la laïcité dans les services publics.

2.1.1 Observations et lectures

L’observation a été ma première technique de collecte d’informations : observation dirigée et

observation participante.

Chacune de mes séances d’observation dirigée a été suivie d’un travail d’écriture sur un journal de

terrain, que j’ai tenu durant toute la durée du stage. Par exemple, j’ai observé les jeunes durant le

repas de fin d’année et le temps d’échanges qui s’en est suivi à l’UEAJ le 15 décembre, puis j’ai

rédigé un compte-rendu de nos échanges à l’aide de mon journal (cf. annexe 2). J’ai ainsi pu

constater que plusieurs jeunes étaient peu sûrs d’eux.

Dès le mois de septembre, j’ai été en totale immersion dans le milieu, ce qui m’a permis de

participer à certaines activités avec l’EPEI, telles que les vendanges avec l’UEAJ. Ma fonction de

directrice stagiaire m’a autorisée à participer à un grand nombre de réunions qu’il s’agisse de

56 « Conduire un établissement ne signifie pas atteindre un état déterminé mais soutenir son dynamisme au fil du temps. Ce n’est pas le mouvement de l’institution qui justifie son existence mais le développement des personnes qu’elle accueille, les trajectoires individuelles qui la parcourent. Et pourtant, le terme même d’orientations implique un mouvement. Non pas la recherche d’un aboutissement, mais un mouvement permanent, une action soutenue par des finalités conçues comme ce qui lui donne sens, ce qui la motive. Se donner une direction serait donc donner du sens à une action » : par changement, je pense donc à deux postures directoriales distinctes : « l’une qui concernerait l’animation d’une équipe au quotidien, l’autre qui consisterait à impulser le changement rendu nécessaire du fait de dysfonctionnements caractérisés, d’un état général de crise, d’une évolution significative du public ou de l’environnement. », Bertrand DUBREUIL, Le travail de directeur en établissement social et médico-social, 2ème édition, Dunod, Paris, 2013, p. 79-80. Le changement ne vise donc pas systématiquement un aboutissement, il peut aussi s’agir d’un mouvement permanent.

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réunions de gouvernance, de fonctionnement, d’établissement ou réunions de travail (voir infra). Je

me suis servie de mon rôle de directrice en formation, particulièrement dans le cadre de l’évaluation

interne, pour collecter des données. La difficulté que j’ai rencontrée en début d’année était la

discontinuité des périodes de présence sur le terrain de stage car les périodes d’observation étaient

parfois assez courtes (quatre à cinq semaines).

Je n’ai observé que à découvert, au sens où je n’ai jamais caché à mes interlocuteurs ma volonté de

rédiger un mémoire de recherche sur la thématique de la laïcité. J’ai fait le choix de ne pas observer

incognito dans un objectif de transparence et pour pouvoir poser ouvertement des questions ciblées

sans que cela ne suscite de surprise ou d’incompréhension de la part de mes interlocuteurs. Au fur et

à mesure de la progression du stage et de la montée en responsabilisation, il me semble que j’ai

davantage usé de la « participation observante » que de l’« observation participante »57.

J’ai enrichi mes observations de lectures, notamment à l’aide de bibliographies disponibles à la

médiathèque de l’ENPJJ, l’une ayant trait à « la laïcité » et l’autre à « la prévention de la

radicalisation : les réponses de la république ».

Les écrits de Jean Beubérot m’ont éclairé sur l’histoire et les origines de la laïcité. L’ouvrage de

Jean Picq sur La liberté de religion dans la République a nourri ma réflexion sur les différentes

interprétations de la laïcité58 et sur l’implication de ce principe dans les services publics. Faïza

Guélamine, dans son ouvrage sur le travail social à l’épreuve maintes fois cité dans ce mémoire,

m’a permis de confronter mes constats à des propos plus généraux sur les particularités du travail

social et elle a conforté certaines des interprétations que je pouvais faire de mes constats à l’EPEI.

Des ouvrages sur « la conduite au changement » tels que ceux de David Autissier, consultant qui est

intervenu dans ma promotion de directeurs à l’ENPJJ en janvier 2015, m’ont aidé à discerner la

difficulté de ce cheminement et m’ont enseigné de précieux conseils.

57 Pour la clarification terminologique de cette méthodologie : Bastien SOULE, Observation participante ou participation observante ? Usages et justifications de la notion de participation observante en sciences sociales, Recherches qualitatives, vol. 27(1), 2007, pp.127-140 : la notion de participation observante souligne « un investissement particulièrement prolongé sur le terrain » et suggère « une prépondérance de la participation sur l’observation ». 58 Certaines interprétations sont erronées : le problème de la « laïcité à la française » semble bien être la possibilité d’interpréter de deux façons différentes le principe posé par la loi de 1905 : on y voit soit une laïcité de combat soit une laïcité souple, de tolérance. L’absence de réel choix politique entre ces deux acceptions contribue probablement à générer des polémiques et des inégalités pouvant nuire au bien-vivre ensemble. Depuis près de 25 ans, on peut constater une tendance à s’écarter de l’esprit fondateur de la laïcité telle que pensée par Aristide Briand, qui consistait à reconnaître et à accepter les convictions individuelles. Cette laïcité, dévoyée de son sens premier, a une tendance antireligieuse ou anti-islam. Finalement, on renie ainsi justement ce que les pères fondateurs de la laïcité ont combattu : un règne de la pensé unique et l’imposition d’une seule croyance. Le rapport Pour une nouvelle laïcité, remis en juin 2003 par François BAROIN au Premier ministre de l’époque (Jean-Pierre RAFFARIN) illustre la tendance vers une laïcité de combat. Jean BAUBEROT y voit à cet égard un tournant, « la nouvelle laïcité, marqueur culturel de l’identité française, se transformant en catho-laïcité » : A quelle laïcité se vouer en France ? Stéphanie Le Bars, Le Monde.fr, Culture et idées, 10 janvier 2014.

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2.1.2 Les échanges informels

Tout au long du stage, j’ai eu de nombreuses conversations informelles, certaines orientées d’autres

non. Par exemple, pour étudier le profil sociologique des agents et des jeunes, il était utile de

recourir à des échanges informels pour s’appuyer sur les formes ordinaires des échanges sociaux et

donner parfois l’apparence d’une conversation à un entretien qui supprime son statut formel59.

Cependant, j’ai fait le choix d’utiliser ces échanges informels dans mon analyse sans jamais

retranscrire exactement le contenu de ces échanges afin de ne pas « rendre publics des propos privés

recueillis dans un rapport de confiance »60.

2.1.3 Les entretiens

J’ai fait le choix de procéder ensuite à plusieurs entretiens en préparant une grille de questions en

amont. J’ai réalisé ainsi deux entretiens semi-directifs pour approfondir mes recherches.

Dans le but de recueillir des informations relatives à l’organisation et au contenu des repas à

l’UEHC, je me suis entretenue avec le cuisinier et la maîtresse de maison le 5 janvier. J’ai en fait,

profité d’une « Commission cuisine » que j’étais chargée d’animer en représentation de la Direction

pour interroger ces deux personnels. Je souhaitais d’une part connaître et mieux comprendre

l’histoire de l’établissement et d’autre part, recueillir l’avis de ces deux personnels sur les

changements qui pouvaient être envisagés en matière de contenu et d’élaboration des repas au

foyer.

La maîtresse de maison n’est en poste à l’UEHC que depuis le 1er octobre dernier tandis que le

cuisinier occupe ses fonctions depuis 2002. Dès lors, il m’a paru intéressant de confronter leurs

points de vue : je souhaitais à la fois approfondir mes connaissances de l’histoire de l’unité avec le

cuisinier, et percevoir le regard nouveau de la maîtresse de maison sur le fonctionnement qu’elle a

découvert en prenant ses fonctions à l’UEHC.

A ce moment là, j’avais déjà des idées d’expérimentations que je souhaitais mener au sein de

l’EPEI dans le cadre de ce travail de mémoire. Néanmoins, je souhaitais aussi recueillir l’avis de ces

professionnels sur les changements que nous allions pouvoir envisager ou non pour améliorer le

fonctionnement actuel.

Je les ai questionnés pour comprendre pourquoi les repas au foyer étaient exclusivement halal puis

j’ai cherché à savoir si c’était possible qu’ils travaillent différemment.

Il m’a semblé que l’arrivée d’une nouvelle maîtresse de maison était une bonne opportunité pour

59 Patrick BRUNETEAUX, Corinne LANZARINI, Les entretiens informels, Sociétés contemporaines, N°30, 1998, pp. 157-180. 60 Pierre BOURDIEU, Notes au lecteur, La misère du monde, Paris, Editions du Seuil, 1993.

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initier du changement. Cependant, il est nécessaire de co-construire le changement avec les

personnes qui en seront porteuses et je souhaitais recueillir leur adhésion aux actions que j’allais

proposer en réunion d’établissement le 12 janvier, car l’adhésion favorise l’implication61.

A l’issue de cet entretien, j’ai rédigé un compte-rendu à l’aide de mes notes (cf. annexe 3).

Nos principaux partenaires sont les services judiciaires et plus spécifiquement les Juges des enfants

(JE). C’est pourquoi, dès le mois de novembre, j’ai sollicité un entretien avec deux des Juges des

enfants du territoire. Pour l’une d’entre elles, le rendez-vous que nous avions fixé le 9 février a été

annulé en raison d’un congé de maternité intervenu plus tôt que prévu. En revanche, après quelques

relances, la Juge des enfants de la principale juridiction du territoire a accepté de s’entretenir avec

moi dans son cabinet. Ce magistrat est également le coordinateur des cinq JE du Tribunal de Grande

Instance.

Elle occupe ces fonctions depuis huit ans. Avant cela, elle a déjà été JE remplaçant durant presque

deux ans dans une autre juridiction et elle a été Juge de l’application des peines durant plusieurs

années. C’est donc forte de son expérience qu’il m’a semblé intéressant de recueillir son avis sur

diverses questions en lien avec la prise en compte de la laïcité dans un EPEI de la PJJ, auquel elle

confie très souvent des jeunes sous main de justice.

Là encore, j’ai rédigé un compte-rendu à l’issue de nos échanges à partir d’une prise de notes

réalisées durant l’entretien (cf. annexe 4). Lorsque je les avais prises intégralement en notes et

qu’elles me paraissaient particulièrement intéressantes pour mon travail de recherche, j’ai

retranscris certaines paroles dans leur totalité.

Pour ces deux situations, j’ai exposé clairement à mes interlocuteurs les objectifs de l’entretien et le

contexte dans lequel il intervenait. Je leur ai présenté ma démarche de recherche en exposant le

sujet de mon mémoire et je leur ai expliqué que les données que j’allais recueillir au cours de nos

échanges allaient également me servir dans le cadre de l’évaluation interne, que j’étais chargée de

conduire dans l’établissement. Pour cela, j’ai systématiquement rappelé le cadre légal et

règlementaire de l’évaluation interne.

2.2 La poursuite de mes recherches dans le cadre de la démarche d’évaluation

interne

Dans le cadre de mon stage, le dossier de l’évaluation interne de l’établissement m’a été confié par

ma tutrice. C’est la raison pour laquelle ma démarche de recherche s’appuie en partie sur cet outil

61 David AUTISSIER et Jean-Michel MOUTOT, La boîte à outils de la conduite du changement, DUNOD, Espagne, novembre 2015.

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managérial62. Cette voie d’entrée constitue un biais parce que l'évaluation interne n'est pas un outil

méthodologique indépendant ou créé par le chercheur, c'est un outil institutionnel qui permet de

recueillir des informations que l'on peut ensuite utiliser en données pour la recherche, mais les

questions qui sont posées le sont à des fins institutionnelles et non scientifiques. L'évaluation

interne aurait eu lieu même s'il n'y avait pas eu de recherche. Néanmoins, cet outil m’a permis

d’aborder cette question sensible de la laïcité dans un cadre institutionnel sécurisant pour les

professionnels. De plus, l’évaluation interne peut être un levier de changement, à condition d’y

donner du sens.

2.2.1 Le cadre légal et règlementaire de l’évaluation interne

La Loi n° 2002-2 du 2 janvier 2002 introduit deux principes majeurs pour les ESSMS :

l’amélioration continue de la qualité des prestations et la prise en compte des droits des usagers et

de leur respect. Les dispositions de cette loi ont été codifiées dans le CASF63. A ce titre, les

établissements de la PJJ doivent « procéder à des évaluations de leurs activités et de la qualité des

prestations qu’ils délivrent »64.

La circulaire du 19 novembre 2012 relative à l’évaluation interne dans les établissements et services

du secteur public de la PJJ définit l’évaluation interne comme une démarche continue de réflexion

sur l’organisation et les pratiques professionnelles au sein de l’établissement ou service, dont

l’objectif est « de porter une appréciation sur des procédures, références et pratiques identifiées et

existantes au sein d’un service afin de concevoir des pistes de progrès dans le souci d’améliorer les

pratiques et la qualité du service rendu ». Cette démarche vise à mesurer la pertinence des actions

engagées au regard des besoins des populations accueillies. Elle est menée par l’ensemble des

professionnels sous la responsabilité du directeur de service.

C’est conformément à cette règlementation que j’ai amorcé la démarche d’évaluation interne. Pour

cela, dès la fin du mois de septembre, j’ai pris connaissance des textes de référence en la matière : la

circulaire de 2012 précitée, le Guide de l’évaluation interne des établissements et services de la PJJ

élaboré par le bureau des méthodes et de l’action éducative de la DPJJ65 en octobre 2009 et les

recommandations de bonnes pratiques professionnelles de l’ANESM66. Parmi celles-ci, il est

62 L’évaluation interne était un moyen de combiner à la fois la mise en œuvre d’actes de direction dans le cadre d’une méthodologie de projet et la poursuite de ma démarche de recherche. 63 Ces dispositions concernent les établissements et services de la PJJ (secteur public et secteur habilité), visés par le 4° du I de l’article L.312-1 du CASF en tant qu’ESSMS. 64 Article L.312-8 du CASF. 65 SDK / K2. 66 L’Agence Nationale d’Evaluation Sociale et Médico-sociale (ANESM) a été créée par la loi de financement de la sécurité sociale pour 2007. Elle est née de la volonté des pouvoirs publics d’accompagner les ESSMS dans la mise en œuvre de l’évaluation interne

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indiqué que « lorsque l’établissement dispose d’un référentiel qui décline notamment les

obligations réglementaires et les recommandations de pratiques professionnelles validées, il est

procédé à une comparaison des pratiques réelles et à l’identification des écarts avec les pratiques

attendues »67. Ainsi, j’ai aussi pris connaissance du référentiel de contrôle de fonctionnement

d’EPE/UEHC de l’inspection de la PJJ. Je constate qu’il n’y a pas de rubrique en lien direct avec la

laïcité, toutefois, je peux lire que la première valeur de notre administration citée à titre d’exemple

est celle de la laïcité. Cette valeur devrait figurer dans le projet de service68.

D’après la circulaire de 2012, le choix de la méthodologie est une étape primordiale pour la réussite

de la démarche et son appropriation par l’ensemble des acteurs impliqués. Une bonne articulation

entre directeur et responsables d’unité éducative est impérative afin que chacun prenne sa place

dans la démarche. Il faut éviter que l’évaluation interne ne soit perçue par les professionnels que

comme un moyen de contrôle et de normalisation de l’activité. Ainsi, il est indispensable d’associer

tous les professionnels de l’EPEI à cette démarche.

Le directeur doit établir un échéancier de l’ensemble de la démarche, en lien avec les responsables

d’unité éducative (cf. annexe 5). Il le communique à toutes les personnes participant à l’évaluation

interne et il veille au respect des étapes incontournables. Cette démarche favorise l’intégration des

personnels arrivant dans le service. Or, l’EPEI a accueilli cette année quatre nouveaux éducateurs,

une directrice stagiaire et une maîtresse de maison. L’année 2015-2016 semble bien propice aux

changements.

L’évaluation interne requiert aussi que les usagers, les partenaires ainsi que les juridictions soient

consultés. C’est pourquoi j’ai souhaité interroger les jeunes, les familles d’accueil avec lesquelles

travaille l’EPEI, ainsi que les magistrats du ressort.

Tout au long du processus, j’ai régulièrement communiqué aux professionnels de l’EPEI des

informations sur l’avancée des travaux.

et externe, instituée par la loi n°2002-2 du 2 janvier 2002. Installée en mai 2007, l’Agence a succédé au Conseil national de l’évaluation sociale et médico-sociale. 67 Recommandations de bonnes pratiques professionnelles : la conduite de l’évaluation interne dans les établissements et services visés à l’article L.312-1 du Code de l’Action sociale et des familles, ANESM, juillet 2009, p. 33. 68 Objectif A.2 - Le projet d’établissement fait référence pour les personnels; il est reconnu par les prescripteurs ; Point de contrôle A.2.1.- Le projet de l’établissement est écrit, mis à jour et validé (…) Le projet d’établissement énonce les principes et valeurs (laïcité ...) ainsi que les obligations découlant de la loi (…), p. 3.

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2.2.2 Un état des lieux participatif

Lors d’une réunion de gouvernance69, j’ai annoncé aux responsables d’unité et au coordinateur de la

MEHD que j’allais mettre en place des groupes de travail pour aborder les deux thèmes retenus

(l’accueil et la laïcité). De prime abord, mon idée était de composer un groupe de travail inter-unités

sur chacun des deux thèmes et de laisser aux agents la liberté de choisir de s’inscrire sur l’un ou

l’autre des groupes70. Toutefois, les trois cadres de proximité ont d’emblée attiré mon attention sur

le risque que les agents se positionnent dans les groupes selon les affinités avec les collègues déjà

inscrits. Pour plus d’efficacité et de rapidité, ils m’ont suggéré que nous composions nous mêmes

les groupes de manière équilibrée (afin notamment que chacune des unités soit équitablement

représentée), ce que nous avons fait alors71. Nous avons fixé ensemble les dates de réunion des deux

groupes et je les ai informés de l’envoi prochain d’un questionnaire aux agents.

Il était alors nécessaire d’élaborer un protocole réaliste au regard du temps et des moyens

disponibles72.

Dès que la démarche fût initiée auprès des cadres de proximité (RUE et coordinateur HD), je me

suis rendue sur chacun des sites de l’EPEI pour annoncer la démarche avec les RUE à l’ensemble

des équipes. Le 29 septembre j’ai présenté cela en début de réunion d’équipe à l’UEHC, le 30

j’étais à la MEHD avec son coordinateur, puis j’étais à l’UEAJ le 16 novembre73.

Pour l’envoi de questionnaires, je me fonde sur un document élaboré par la DIR à destination des

directeurs de service (cf. annexe 6). Je l’adapte aux agents et je le diffuse le 8 octobre (cf. annexe

7). Une enquête par questionnaire permet de s’adresser à un plus grand nombre de personnes et de

repérer par des questions fermées ou à choix multiples des régularités sur un point précis et de

dégager des points de vue dominants74. De plus, l’objectif était de préparer la réunion du groupe de

travail sur la prise en compte de la laïcité programmée le 19 novembre (c’est-à-dire d’avoir des

69 Réunion de l’équipe de direction de l’EPEI regroupant la directrice, les deux responsables d’unité, le coordinateur de la MEHD et moi-même. 70 C’est une pratique que j’avais observé sur mon premier service de stage l’année passée, un STEMO. J’avais trouvé cela satisfaisant mais je comprends lors des échanges avec les cadres de proximité de l’EPEI que ce qui est concluant dans un service de milieu ouvert ne l’est pas nécessairement en hébergement et en insertion. Le temps que l’on peut consacrer à des réunions de travail n’est pas non plus le même. 71 Je me suis dis que si je venais de prendre mon poste à l’EPEI, je ferai certainement le choix de faire confiance à mes responsables d’unité pour cette première « démarche projet », puis que j’évaluerai ensuite la méthodologie choisie, quitte à modifier celle-ci les années suivantes si elle ne se révélait pas pleinement satisfaisante. C’est la raison pour laquelle j’ai fais le choix de suivre leur proposition. En outre, c’est une manière d’associer les cadres de proximité à la démarche. 72 Recommandations de bonnes pratiques professionnelles : la conduite de l’évaluation interne dans les établissements et services visés à l’article L.312-1 du Code de l’Action sociale et des familles, ANESM, juillet 2009. 73 J’annonce donc les objectifs des réunions des groupes de travail, leurs dates, la composition des groupes, l’envoi des questionnaires et le calendrier fixé pour le processus global. 74 Recommandations de bonnes pratiques professionnelles : la conduite de l’évaluation interne dans les établissements et services visés à l’article L.312-1 du Code de l’Action sociale et des familles, ANESM, juillet 2009, p. 35.

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éléments à partir desquels construire l’ordre du jour et amorcer la réflexion des professionnels sur

les différents points qui allaient être abordés). J’ai fixé une date limite de retour des questionnaires

au 2 novembre.

Malheureusement, je n’ai eu que très peu de retours. Sept questionnaires sur vingt-trois m’ont été

retournés remplis malgré une relance quelques jours avant la date butoir. A ce jour, je me dis que le

délai pour remplir les questionnaires était probablement trop court. Néanmoins, il correspondait à

un calendrier nous permettant, la directrice et moi-même, de faire parvenir un état des lieux à la

DIR au mois de décembre, conformément à la commande qui nous avait été faite pour cette

deuxième évaluation interne75.

Ainsi, c’est lors de la réunion du groupe de travail le 19 novembre que j’ai pu recueillir des données

pertinentes tant pour l’évaluation interne que pour ma démarche de recherche. Il est en effet

recommandé de réunir les équipes professionnelles pour identifier leurs pratiques76 . Selon

l'ANESM, l'évaluation interne est participative et vise à instaurer un débat sur les valeurs et les

moyens des actions conduites, à produire une analyse collective des écarts et à définir des priorités

d'amélioration. Elle repose de manière essentielle sur le croisement des perspectives, intégrant

l'ensemble des acteurs concernés77. C’est dans cette visée là que j’ai souhaité animer la réunion.

J’ai élaboré l’ordre du jour en m’appuyant sur le questionnaire que j’avais envoyé aux agents (cf.

annexe 8). Les réunions de travail sur les thèmes de l’évaluation interne, l’accueil (le 2 novembre)

et la laïcité, ont été les premières réunions d’équipe que j’ai animées78. A leur issue, j’ai rédigé un

compte-rendu que j’ai diffusé à tout le personnel de l’EPEI lors de la réunion d’établissement le 17

décembre (cf. annexe 9).

J’ai demandé à ce qu’au moins l’une des responsables d’unité soient présentes à chacune des

réunions. En effet, « la bonne compréhension par l’encadrement intermédiaire des enjeux et des

modalités de la démarche est une garantie de la qualité de l’évaluation et de la mobilisation des

professionnels »79.

75 La première évaluation interne réalisée dans les établissements et services de la PJJ date de 2010. Au regard de la thématique des deux premières "recommandations de bonnes pratiques professionnelles" publiées par l'ANESM, la DPJJ avait décidé de réaliser cette démarche sur « La bientraitance : définition et repères pour la mise en œuvre » et sur « Les conduites violentes dans les établissements accueillant des adolescents : prévention et réponses ». Une évaluation interne doit être initiée tous les cinq ans. 76 Recommandations de bonnes pratiques professionnelles : la conduite de l’évaluation interne dans les établissements et services visés à l’article L.312-1 du Code de l’Action sociale et des familles, ANESM, juillet 2009, p. 38. 77 Guide de l’évaluation interne des établissements et services de la PJJ élaboré par le bureau des méthodes et de l’action éducative de la DPJJ, III. 1. 78 Dans un objectif de progressivité, j’ai d’abord animé des points directeur-responsable d’unité et des réunions de gouvernance en l’absence de la directrice de l’établissement. 79 Ainsi, il est recommandé que les cadres intermédiaires de l’établissement ou du service reçoivent la formation et les informations nécessaires à leur implication : Recommandations de bonnes pratiques professionnelles : la conduite de l’évaluation interne dans les établissements et services visés à l’article L.312-1 du Code de l’Action sociale et des familles, ANESM, juillet 2009, p. 28.

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32

La plupart de mes premières observations exposées dans la première partie de ce mémoire ont été

confirmées lors de mes échanges avec le groupe. Certains ressentis n’ont toutefois pas été exprimés

devant les collègues (aucun agent n’a exprimé une réticence à parler de religions avec les jeunes en

raison de l’obligation de neutralité par exemple). J’ai constaté qu’il était plus facile de parler de la

liberté de religion des usagers que de l’obligation de neutralité lorsque nous avons abordé « la

laïcité dans les pratiques professionnelles »80.

J’ai déjà exposé les raisons des changements attendus par la direction (notamment concernant les

repas à l’UEHC) et des idées d’actions ont d’ores et déjà été émises par les professionnels. Lors de

nos échanges, j’ai souhaité que chacun puisse s’exprimer et j’ai essayé de trouver des accords « qui

transcendent les divergences d’intérêts et qui assument la disparité des positions » : l’idée était de

permettre la négociation et la délibération collective, qui sont des nœuds essentiels de la fonction de

direction : ce sont les supports d’un positionnement éthique, au sens de Paul Ricoeur : « Appelons

« visée éthique » la visée de la « vie bonne » avec et pour les autres dans des institutions justes »81.

En effet, le cadre de direction ne doit pas simplement être celui qui tranche en dernier ressort, « il

est celui qui tient le cadre de la délibération, qui maintient en tension les questions vives qui agitent

l’organisation, qui maintient ouvert la bonne délibération (l’euboulia selon Platon) »82.

Suite à cette réunion de travail, j’ai pris attache avec la référente laïcité-citoyenneté du territoire

pour solliciter un entretien. L’objectif était pluriel : je souhaitais prendre connaissance de sa fiche

de poste ; discuter des projets et actions initiés par les autres services, la DT et la DIR ; connaître les

fonds disponibles pour mettre en place des actions ; voir quelles étaient les orientations du nouveau

DT en poste depuis le 5 octobre ; lui parler de l’évaluation interne en cours ; et enfin, échanger avec

elle sur la formation radicalisation organisée par les PTF. A l’occasion de l’entretien obtenu le 24

novembre, je lui ai donc fait des retours de la réunion du 19, principalement pour lui faire connaître

les attentes du personnel de l’EPEI à l’égard de ses nouvelles fonctions83.

A ce jour, cet agent n’a pas de fiche de poste spécifique au sein de la DT. Ses fonctions sont

définies par la Note DPJJ du 7 septembre 201584. Cette note énonce les deux missions essentielles

de la MNVI composée des référents laïcité-citoyenneté : - assurer la coordination des acteurs et le

soutien aux professionnels concourant à la prévention des risques de radicalisation dans le cadre de

la mission éducative ; - conduire une politique de citoyenneté, de réaffirmation des principes et

valeurs de la République notamment la laïcité, la lutte contre toute forme de racisme, de

manifestation de l’intolérance et de discrimination à travers l’organisation d’actions de prévention

80 Point II du compte-rendu. 81 Roland JANVIER, Ethique de direction en institution sociale et médico-sociale, Esf, Domont, décembre 2014, p.36-37. 82 Ibid, p. 43. 83 Dernier point du compte-rendu de réunion. 84 NDPJJ relative au cadre d’intervention des référents laïcité et citoyenneté de la mission nationale de veille et d’information.

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et d’éducation à la laïcité et la citoyenneté. C’est dans ce cadre que ma tutrice et moi-même, nous

souhaitons l’associer aux changements qui seront impulsés à l’EPEI.

Dans le cadre de cette démarche qualité, j’ai souhaité interroger les usagers c’est-à-dire les jeunes.

Outre les échanges informels que j’avais pu avoir avec eux au fil des jours, j’ai organisé et préparé

la « réunion jeunes » du 15 décembre en présence des éducateurs de service (supra, p.22).

Initialement, je voulais que l’équipe éducative organise cette réunion mais elle m’a demandé de

l’animer moi-même en leur présence85. Ainsi, les éducateurs présents moi-même, nous avons

restitué le contenu de ces échanges à tous les professionnels de l’EPEI lors de la réunion

d’établissement du 17 décembre, durant laquelle nous avons fait le point, la directrice et moi-même,

sur le processus d’évaluation en cours.

J’ai profité d’un temps de repas lors d’une « journée information famille d’accueil » le 25 janvier

pour questionner les familles présentes sur le rapport qu’elles entretenaient avec la laïcité vis à vis

des jeunes qu’elles accueillaient. Le thème de la journée était celui des cyber risques, je n’avais

donc pas préparé de question particulière. Je souhaitais simplement recueillir leur avis au cours de

conversations informelles. Je leur ai néanmoins présenté la démarche d’évaluation interne conduite

au sein de l’EPEI afin qu’elles sachent dans quel contexte leur étaient posées les questions.

Finalement, ces conversations ne m’ont pas véritablement permis d’enrichir l’état des lieux car les

personnes présentes n’ont soulevé aucun questionnement ni aucune difficulté en lien avec cette

thématique. Il m’a simplement semblé qu’il y avait une certaine retenue à parler de laïcité dans le

cadre de la collaboration de ces familles à un service public.

Toujours dans le cadre de l’évaluation interne, je suis allée à la rencontre d’un juge des enfants qui

a accepté de me recevoir. Afin d’obtenir ce rendez-vous, j’ai présenté le double objectif que je

poursuivais : à la fois contribuer à l’évaluation interne de l’établissement, et enrichir les données

recueillies dans le cadre de ma démarche de recherche.

Il était intéressant de voir que ce magistrat attend effectivement des éducateurs qu’ils abordent la

liberté de religion avec les jeunes comme étant un sujet de société parmi d’autres mais encore de

voir, qu’en tant que représentant de l’autorité judiciaire, gardienne des libertés individuelles, il

considère que l’obligation de neutralité ne s’applique pas nécessairement de la même manière aux

agents publics selon les fonctions exercées. Selon lui, l’éducateur n’a pas strictement la même

obligation de neutralité qu’un magistrat par exemple. Le métier même d’éducateur implique que

85 Je pense d’une part que l’équipe éducative souhaitait voir la directrice en formation interagir avec les jeunes et d’autre part, qu’elle ne souhaitait pas aborder ce sujet de la laïcité avec les jeunes (peut-être par gêne).

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l’on livre un peu de soi aux jeunes.

2.2.3 Les résultats de l’évaluation interne

Le champ d'application de l'évaluation interne a été défini par l’ANESM et porte sur l'effectivité des

droits des usagers, �l'établissement ou le service dans son environnement et l'organisation de

l'établissement ou du service. Il s’agit de « vérifier que le projet de service est mis concrètement en

œuvre dans les pratiques professionnelles, et que le principe d’individualisation de la prise en

charge qui assure le respect de l’usager et de ses droits est effectif »86. Autrement dit, l’évaluation

interne est quasiment indissociable du projet d’établissement ou de service puisqu’elle vise en fait à

l’actualiser, à faire le bilan des objectifs de l’année passée (voir ceux qui ont été atteints et ceux qui

seraient encore à atteindre). Elle vise à relever les points forts et les points faibles de

l’établissement.

Ainsi, l’état des lieux participatif réalisé a permis de dégager des points forts et des points faibles au

sein de l’EPEI.

S’agissant des points forts, nous avons relevé que :

- Globalement, la liberté religieuse des mineurs pris en charge à l’EPEI était respectée ;

- Les fêtes religieuses sont généralement des moments de partage favorisant le vivre ensemble

et l’apprentissage d’autres cultures ;

- L’organisation du temps de travail ne pose pas de difficulté à l’EPEI (il y a une certaine

solidarité d’équipe et les professionnels parviennent à prendre congés lors des fêtes

religieuses qu’ils souhaitent célébrer) ;

- La prise des repas à l’UEAJ ne pose presque pas de difficulté (seule le manque

d’anticipation lors de certaines activités à l’extérieur peut encore être un point à améliorer) ;

- Les ateliers cuisines de l’UEHC sont des occasions pour les jeunes de découvrir la diversité

gastronomique.

S’agissant des points faibles, nous avons fait les constats suivants :

- Il n’a jamais été proposé à un jeune de rencontrer un aumônier (à noter qu’une telle

rencontre n’est possible qu’à l’extérieur de l’établissement et que l’accord des parents est

requis selon la NDPJJ du 4 mai 2015) ;

- Un besoin de formation, particulièrement en histoire des religions, est exprimé par les

agents, pour compléter la formation radicalisation proposée par le PTF ;

- Les repas à l’UEHC sont exclusivement composés de viande halal et on relève une absence

86 Circulaire de 2012, précitée.

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totale de viande de porc ;

- Il y a une réelle nécessité de travailler à nouveau la citoyenneté avec les jeunes dans chacune

des unités et missions de l’EPEI car les jeunes ne savent généralement pas ce qu’est la

laïcité, la liberté de religion, le recensement, les différentes coutumes qui existent dans le

monde, l’histoire de l’immigration en France, l’histoire de notre région. De plus, ils ont bien

souvent des représentations qui empêchent le vivre ensemble (des représentations sur la

place de la femme dans la société, sur les personnes de confessions juives, sur les personnes

dont la couleur de la peau est noire, etc.).

J’ai communiqué les résultats de l’évaluation interne en premier lieu à la directrice de

l’établissement. Nous avons pris le temps de faire le point toutes les deux sur les données recueillies

et sur ce que j’avais pu ressentir et percevoir au cours de cet état des lieux participatif. Après cela,

j’ai communiqué ces résultats aux cadres de proximité lors d’une réunion de gouvernance.

Conformément au calendrier que nous nous étions fixé en équipe de direction, nous avons fait

parvenir les différents comptes rendus à tous les professionnels de l’établissement lors de la réunion

d’établissement de fin d’année le 17 décembre. Nous avons mis tous les documents de référence de

l’établissement ainsi que les résultats de l’évaluation interne sur une clé USB professionnelle, que

nous avons remise à chacun des agents de l’établissement (au personnel tant éducatif que non

éducatif).

Lors de cette réunion, la directrice et moi-même avons décidé de faire intervenir la référente laïcité

citoyenneté du territoire. Cette dernière n’avait pas encore rencontré les agents de l’EPEI. Ce fût

donc l’occasion de l’introduire pour qu’elle soit ensuite identifiée et repérée par tous. Cela nous a

également permis de faire le point sur les fonds des directions territoriales et interrégionales dédiés

aux actions en lien avec les thématiques de la laïcité et de la citoyenneté87. Nous souhaitions que

cette rencontre contribue à mobiliser les équipes sur des projets éducatifs laïcs et citoyens.

Enfin, nous avons transmis à la direction interrégionale les comptes rendus de réunions ainsi que le

calendrier des échéances à venir (élaboration du plan d’actions d’amélioration, présentation de ce

plan aux équipes et suivi du plan).

Cette méthode de conduite et de gestion de projet réalisée dans le cadre de l’évaluation interne m’a

permis d’expérimenter un management que je qualifierai de « management de la dignité humaine ».

Selon Roland Janvier, il s’agit d’un management –dont le terme vient du vieux français

87 Ces fonds sont réunis dans le cadre du Plan de Lutte Anti-Terroriste (PLAT).

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« ménager »- « qui accepte, assume et accompagne la diversité, l’imparfait, bref l’humain. Il s’agit

d’un management qui repose sur la bienveillance, qui prend soin de ceux qu’il encadre. Ce

management-là est convaincu que l’adhésion des acteurs aux objectifs communs est plus

importante et plus efficace que la contrainte à faire ou exécuter, que l’appel vers un idéal partagé

est plus riche et plus productif que la menace ou la sanction »88.

Il me semble que c’est aussi de cette manière là que j’ai voulu impulser une dynamique de

changement, en me servant de l’évaluation interne comme levier d’intégration de la laïcité dans le

pilotage de l’établissement, car « ensemble, les acteurs peuvent faire plus et mieux que chacun dans

son coin »89.

3. L’intégration de la laïcité dans l’établissement par la mise en œuvre d’un plan

d’actions d’améliorations

« A l’issue de la démarche évaluative, il incombe à la direction de se saisir des constats transmis

par le groupe projet ou instance d’évaluation pour élaborer le plan d’amélioration des services

rendus. Il lui incombe également de le mettre en œuvre et d’en assurer le suivi »90. Ce sont ces

actions que j’expose dans cette troisième partie.

3.1. L’élaboration et la présentation d’un plan d’actions d’améliorations à partir du

recueil de données

L’analyse des données recueillies a servi pour élaborer un plan d’actions d’améliorations pour

poursuivre la démarche d’évaluation interne.

3.1.1 La réflexion à partir de l’analyse des données

recueillies

Lors de l’entretien avec le « Pôle cuisine »91 du 5 janvier, j’ai appris que la direction de

l’établissement s’était tenue à l’écart des choix des menus pendant un certain temps. Cette

information est venue éclairer le choix de la directrice actuelle de ne reprendre la main que

progressivement sur le sujet. Depuis son arrivée, elle demande que les menus lui soient

communiqués régulièrement. Aujourd’hui, nous aimerions franchir une nouvelle étape et nous

pencher sur le contenu des repas.

Si de prime abord le cuisinier (le plus ancien des deux personnels) semble réticent à changer ses

88 Ethique de direction en institution sociale et médico-sociale, Roland JANVIER, Esf Editeur, Domont, décembre 2014, p.48. 89 Ibid., p.49. 90 Recommandations de bonnes pratiques professionnelles : la conduite de l’évaluation interne dans les établissements et services visés à l’article L.312-1 du Code de l’Action sociale et des familles, ANESM, juillet 2009, p. 28. 91 Le « Pôle cuisine » désigne le binôme cuisinier et maîtresse de maison.

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habitudes de travail, la maîtresse de maison, elle, est encline à tester de nouvelles pratiques. Elle y

est même très favorable et a déjà tenté d’initier de petits changements en la matière. En l’espèce, de

la viande de porc a été proposée lors de la soirée de Noël de l’UEHC le 16 décembre. Il me semble

que cela provenait de son initiative.

Ce qui m’a paru intéressant au cours de ces échanges, c’est que très rapidement, les sujets de la

santé et de l’équilibre alimentaire ont été évoqués.

La maîtresse de maison m’a d’emblée fait remarquer qu’il n’est pas conseillé de manger de la

viande à tous les repas. Ainsi, la question du contenu des repas n’induit pas seulement une réflexion

sur le respect des convictions philosophiques et religieuses des usagers mais aussi une véritable

réflexion sur l’hygiène alimentaire et la santé.

S’agissant de l’entretien avec le juge des enfants, plusieurs points saillants ressortent de nos

échanges.

En matière de neutralité, une remarque a retenu mon attention : la portée de l’obligation de

neutralité devrait varier selon les fonctions exercées par l’agent public. Or, les éducateurs doivent

donner l’exemple aux jeunes, ils doivent leur montrer que nous pouvons croire en différentes

divinités et tolérer les opinions divergentes. C’est le cœur même du travail éducatif : les éducateurs

doivent aider les jeunes à trouver leur place dans la société. Le juge des enfants interrogé semble

plutôt en accord avec mon hypothèse de recherche puisqu’il m’a indiqué que « Pour prévenir la

radicalisation, il n’y a pas de meilleur moyen que d’évoquer le fait religieux », il a ajouté : « Ce que

j’aimerais, c’est que l’on donne les moyens aux jeunes de comprendre et de connaître leur

société ».

A l’issue de cet entretien, j’ai gardé à l’esprit que le projet « Shalom, Paix, Salam », organisé par

l’EPEI en 2014, avait beaucoup plu aux JE de la juridiction, qui trouveraient formidable qu’il soit

reconduit.

Deux éducatrices avaient organisé un séjour à Paris avec un petit groupe de jeunes. Avec l’aide de

l’association française « Shalom, Paix, Salam », les jeunes ont pu participer à des ateliers réflexifs

au Musée d’art et d’histoire du judaïsme et ils ont visité le Musée de l’Institut du monde arabe.

Deux soirées à thèmes avaient aussi été organisées, l’une en lien avec la culture Juive et l’autre avec

la culture musulmane.

Le dialogue avec ce juge a consolidé l’idée selon laquelle il est crucial de parler du fait religieux

avec les jeunes.

Ces données ont pu être reprises avec la directrice de l’établissement et les cadres de proximité puis

avec les professionnels de l’EPEI (même si je n’ai pu leur restituer les conclusions des échanges

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38

avec le JE qu’après la réunion d’établissement du 12 janvier, ma rencontre avec lui datant du 1er

mars).

3.1.2 La concertation en équipe de direction

Le 8 janvier, la directrice et moi-même avons pris le temps de nous concerter et d’élaborer un plan

de déclinaison des actions d’amélioration relatif à la prise en compte de la laïcité dans

l’établissement à partir des données recueillies de part et d’autre avec les professionnels, les jeunes

et les partenaires interrogés.

Pour chaque point de diagnostic nous avons formulé des propositions d’actions, désigné les porteurs

des actions, fixé une période de réalisation pour chacune d’entre elles et enfin, nous avons engagé

une réflexion quant aux modalités d’évaluation de chacune des actions envisagées (cf. annexe 10).

Pour cela, ma tutrice m’avait demandé de réfléchir en amont aux propositions d’actions que je

pouvais lui faire, car un grand nombre d’entres elles constitueront mon expérimentation dans le

cadre de ce mémoire. Pour cela, j’ai tenté de tenir compte au maximum des suggestions et

remarques qui avaient été faites par le groupe de travail et par le « Pôle cuisine ». La directrice a

validé mes propositions. Seule l’une d’entre elles a été légèrement amendée92.

J’ai présenté aux cadres de proximité le plan de déclinaison des actions en réunion de gouvernance

le 11 janvier, avant de le présenter aux équipes de l’EPEI le 12. L’objectif de cet exposé était de

recueillir leur avis sur les actions que la directrice et moi-même nous envisagions. Si ce dossier m’a

été confié, il fallait évidemment que l’équipe de direction valide mes initiatives. Dès le 27 juin, je

ne serai plus à l’EPEI, et certaines des actions projetées puis mises en œuvre se poursuivront après

mon départ.

3.1.3 La présentation des propositions d’actions aux

personnels de l’établissement : coopération et

collégialité comme principes éthiques de management93

Le 12 janvier, une réunion d’établissement a été organisée. Elle a marqué le début de cette année et

a permis au directeur territorial (en poste dans cette direction depuis le 5 octobre dernier) de venir à

la rencontre de tous les professionnels de l’établissement. Mais la thématique principale de cette

réunion était l’évaluation interne. Après l’intervention de notre DT et avant que nous partagions un

92 Pour sortir progressivement du « tout halal » et dans l’attente de la mise en place d’une fiche de renseignement du régime alimentaire de chaque jeune (cf.supra), je souhaitais demander au personnel de cuisine de proposer deux viandes (l’une halal et l’autre non) ou bien une entrée halal et le plat non ou l’inverse trois fois par semaine. La directrice a préféré que l’on demande cela une fois par semaine pour pouvoir mieux évaluer l’expérimentation (en terme de coût et de gaspillage notamment). 93 Au sens de Roland JANVIER dans son ouvrage Ethique de direction en institution sociale et médico-sociale, Esf Editeur, Domont, décembre 2014, p.98 : « Coopération et collégialité comme principes éthiques de management ».

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repas convivial tous ensemble, j’ai passé la matinée à présenter aux agents le plan de déclinaison

des actions d’amélioration arrêté en équipe de cadres la veille94.

J’ai tâché de faire des liens avec tout ce qui avait pu être dit par les uns et les autres durant les

derniers mois, avec ce que j’avais pu constater par moi-même à l’EPEI, et surtout, j’ai insisté sur le

fait que ce plan n’était pas définitif. J’ai laissé aux agents la possibilité de me faire des retours et

remarques sur le contenu de ce plan jusqu’au 19 janvier. L’une des éducatrices présentes a profité

de ce temps de réunion pour compléter certaines idées95 . « La collégialité est une forme

démocratique d’exercice de l’autorité qui, sans effacer les distinctions de places et de rôles, permet

une forme ouverte de gouvernance (…). Cet espace est à lire comme un champ d’occurrences où se

créent des situations de faits, de pensées, d’actes, dont le dirigeant peut utilement tirer profit. »96.

Dit autrement, « À la rigidité de l’autoritarisme, où les vues tentent avec beaucoup de peine de

s’imposer à tous, la souplesse de la collégialité oppose un système où les points de vue singuliers

de chacun contribuent à influer le cours des choses selon un projet partagé »97.

3.2 Le suivi du plan d’actions et des expérimentations

Le plan de déclinaison des actions d’amélioration élaboré comprend en fait trois catégories

d’actions : les actions du directeur, les actions impulsées au niveau d’une seule unité ou mission et

les actions transversales qui impliquent tout l’établissement. Ces actions sont des expérimentations

au sens où après évaluation, elles peuvent être maintenues, corrigées ou plus rarement supprimées si

elles se révèlent finalement totalement inadaptées.

3.2.1 Les actions du directeur

L’actualisation du projet d’établissement. Dans le diagnostic opéré en matière de laïcité, j’avais

relevé qu’il n’y avait pas de référence à cette valeur dans le projet d’établissement. Les agents ont

également pointé cela lors de la réunion du 19 novembre. En tant que valeur républicaine partagée

par tous, le choix a été fait d’intégrer une telle référence en introduction du projet de service.

Conformément à la volonté qui ressort du compte-rendu de la réunion du groupe de travail de

l’évaluation interne98, c’est l’idée du vivre-ensemble qui est mise en exergue dans le paragraphe

ajouté au projet d’établissement existant.

94 Pour une meilleure compréhension et une meilleure lisibilité, j’ai projeté ce plan à l’aide d’un rétroprojecteur durant ma présentation. 95 S’agissant du projet de barbecue (voir supra), elle m’a très justement suggéré de convier également un représentant des non croyants pour que ce barbecue ne soit pas seulement interconfessionnel mais bien laïc puisque la laïcité c’est la possibilité de croire ou de ne pas croire. 96 Roland JANVIER, Ethique de direction en institution sociale et médico-sociale, Esf, Domont, décembre 2014, p.98 : « Coopération et collégialité comme principes éthiques de management ». 97 Ibid. 98 Compte-rendu en annexe 9, p.3.

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A l’aide d’une fiche action explicative, j’ai fait une proposition concrète à ma directrice tutrice pour

faire apparaître la laïcité en introduction comme suit :

« Les agents de l’EPEI s’accordent pour considérer que la laïcité est une valeur fondamentale qui

permet le vivre-ensemble au sein de l’institution mais également dans notre société. La laïcité

anime notre action et fait partie des valeurs que nous devons transmettre aux jeunes. La laïcité n'est

pas une opinion parmi d'autres mais la liberté d'en avoir une. Elle n'est pas une conviction mais le

principe qui les autorise toutes, sous réserve du respect des principes de liberté de conscience et

d'égalité des droits. Elle n’est ni pour ni contre la religion et garantit ainsi la liberté de chacun de

croire ou de ne pas croire, mais aussi d’exercer un culte et d’exprimer une croyance religieuse –

individuellement ou collectivement-. L’EPEI en tant qu’établissement public accueillant des

mineurs veille à concilier l’obligation de neutralité des agents d’une part, et la liberté de religion et

son expression d’autre part, en tant que liberté reconnue tant aux usagers qu’aux agents en tant que

citoyen. »

L’affichage de la charte de la laïcité. Depuis une Circulaire du 13 avril 2007, la Charte de la laïcité

doit être affichée dans tous les établissements et services publics. L’objectif de cette Charte, dont le

contenu a été proposé par le Haut Conseil à l’intégration, est de rappeler aux agents publics comme

aux usagers des services publics quels sont leurs droits et leurs devoirs à l’égard du principe

républicain de laïcité, afin de contribuer au bon fonctionnement des services publics. Elle pose

clairement le droit à la liberté religieuse, mais indique également ses limites tels que le respect de la

neutralité du service public ou l’interdiction du prosélytisme. J’ai demandé aux adjointes

administratives des deux unités ainsi qu’au coordinateur de la MEHD d’afficher cette charte.

L’équipe de l’UEAJ a finalement proposé de réaliser une affiche contenant cette charte avec les

jeunes. La réalisation de cette affiche est programmée en juillet.

« S’il doit marquer sa volonté de changement par des actes, le directeur serait présomptueux

d’imaginer qu’il va transformer l’institution du fait de sa seule volonté. Le changement ne se

réalise dans une organisation de travail que si un maximum de personnes y trouve intérêt. A travers

les mesures qu’il prend, le directeur n’offre que des opportunités de changement. Pour qu’elles

produisent des effets, il faut que les acteurs les concrétisent dans de nouvelles conduites (…). Les

modifications qui ne font pas l’objet d’une appropriation par les personnes concernées déplacent

les problèmes sans les traiter. »99 Ainsi, il ne suffit pas d’inscrire la valeur laïcité dans le projet

d’établissement ou de l’afficher dans le service, il faut encore la faire vivre, au sein des équipes

professionnelles et dans la relation avec les jeunes.

99 Bertrand DUBREUIL, Le travail de directeur en établissement social et médico-social, 2ème édition, Dunod, Paris, 2013, p.85-86.

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41

3.2.2 Les dynamiques de changement100 impulsées par unité

ou mission

L’actualisation des projets d’unité. En premier lieu, j’ai souhaité soutenir et accompagner les

responsables d’unité dans le travail d’intégration de la laïcité dans leurs projets pédagogiques

(projets d’unité)101. En effet, « le cadre de direction est un facilitateur »102. Pour cela, je leur ai

demandé d’inscrire ce point à l’ordre du jour d’une réunion d’unité pour qu’elles puissent en

échanger avec leur équipe. Ensuite, j’ai organisé un point avec chacune d’entre elles pour étudier la

question et pour qu’elles puissent me faire part de la version retenue. Elles ont chacune opté pour

une référence simple à la laïcité parmi les valeurs mises en exergue au début de leur projet, l’idée

étant de pouvoir ensuite la réutiliser dans le règlement intérieur à destination des jeunes et de leurs

familles. De la même manière que le projet d’établissement, il faut faire vivre le projet pédagogique

d’unité, ce qui relève des RUE. Ainsi, j’ai aussi demandé à la responsable de l’UEAJ de veiller à ce

que les repas pris à l’extérieur par les jeunes soient anticipés et préparés, tenant compte de leurs

prescriptions alimentaires (qu’elles soient d’ordre médical ou d’ordre religieux lorsque le sujet a été

abordé avec les représentants légaux).

L’association des familles dans la prise en compte d’une pratique religieuse des jeunes à

l’UEHC. Selon la Note du 4 mai 2015, les parents doivent être associés à la prise en charge de leur

enfant103. Elle est très explicite en la matière : « Le souhait d’une éventuelle pratique religieuse et

ses modalités de mise en œuvre doivent impérativement être évoqués avec les détenteurs de

l’autorité parentale et le mineur lors du début de sa prise en charge et aussi fréquemment que

nécessaire notamment lors de nouvelles demandes formulées par le mineur dans ces domaines ».

Pour que l’EPEI se conforme à ces directives, j’ai proposé à la directrice d’ajouter aux documents

d’accueil une fiche de renseignements spécifique à faire remplir aux parents (cf. annexe 11).

Lors de la mise en place de cette expérimentation, les agents ont de suite soulevé une interrogation

(déjà posée le 19 novembre par le groupe de travail) : que faire lorsque le jeune et sa famille

n’expriment pas le même souhait ? Sur ce point, la note du 4 mai énonce que « ce droit conféré aux

titulaires de l’autorité parentale ne fait pas obstacle à ce que le mineur soit associé aux décisions

100 Le « changement » tel que défini p.23. 101 « Au niveau de l’unité, le responsable d’unité éducative (RUE), pilote le projet pédagogique de l’unité. Le RUE garantit le caractère interdisciplinaire de la conduite des mesures judiciaires et met en place les outils et les modalités d’échanges entre les professionnels au quotidien. Au niveau de l’établissement, le directeur de l’établissement, pilote du projet d’établissement, garantit l’articulation et la complémentarité des projets pédagogiques des unités en lien avec les RUE. » : NDPJJ relative à l’action éducative dans le cadre du placement judiciaire, p. 10. 102 Ethique de direction en institution sociale et médico-sociale, Roland JANVIER, Esf Editeur, Domont, décembre 2014, p.108. 103 « Le droit à la pratique religieuse du mineur s’exerce en lien avec les détenteurs de l’autorité parentale (…) L’éventuelle éducation religieuse souhaitée par les représentants légaux est l’un des aspects de l’éducation en général et relève donc de l’autorité parentale conformément à l’article 371-1 du code civil ».

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prises par ses parents relatives à son éducation religieuse lorsque son âge le permet ». Ainsi, il

appartient le cas échéant au responsable d’unité et à l’équipe éducative, comme pour tout autre sujet

éducatif, de procéder à une sorte de médiation familiale pour que le jeune et sa famille se parlent et

s’écoutent. Si en dépit de tous les efforts de l’équipe un désaccord et une divergence d’opinions

perdurent, il semble selon les dernières orientations nationales, que la volonté des représentants

légaux doive être respectée. A ce jour, je n’ai pas été confrontée à une telle situation sur mon terrain

de stage.

Par ailleurs, les représentants légaux peuvent solliciter des aménagements de la part de

l’établissement pour que leur adolescent puisse pratiquer librement une religion sous réserve du bon

fonctionnement de l’EPEI. Ainsi, la directrice a diffusé une note de service concernant les périodes

de ramadan (cf. annexe 12). Les directives ainsi données en 2014 ont satisfait jeunes et

professionnels : durant cette période, des plateaux repas sont disponibles pour les jeunes qui

pratiquent ce rite et ils gèrent eux-mêmes, par dérogation, l’heure de leur réveil et de la prise de leur

repas dans leur chambre.

Sur ce point, le seul changement opéré concerne l’aval des parents : la fiche de renseignement

précitée doit permettre à la personne qui accueille un jeune à l’UEHC d’aborder la question de

l’existence d’une pratique religieuse avec les parents. Elle peut le faire dès l’entretien d’accueil

lorsqu’ils sont présents ou bien ultérieurement par le biais des éducateurs référents de l’UEHC lors

d’une visite à domicile ou d’une rencontre des représentants légaux104, ou par l’intermédiaire de

l’éducateur de milieu ouvert105.

Le contenu des repas à l’UEHC. Les pratiques à l’EPEI n’étaient pas conformes aux dernières

directives nationales106. J’ai reçu le « Pôle cuisine » à plusieurs reprises pour impulser un

changement en la matière. Dès la réunion du 5 janvier avec le personnel de cuisine, puis à nouveau

lors de la réunion d’établissement du 12 janvier, j’ai annoncé que désormais, de la viande de porc

serait régulièrement proposée aux jeunes. J’ai expliqué que le cas échéant, il y aurait la possibilité

d’avoir un plat différencié pour les jeunes qui auraient exprimé la volonté de ne pas en manger, en

accord avec leurs représentants légaux lors de l’entretien d’accueil (ou ultérieurement comme

susmentionné).

104 La Note d’orientation de la PJJ du 30 septembre 2014 rappelle que l’association des familles à l’action d’éducation est fondamentale (p.3 « Décliner les modalités d’association du mineur et de sa famille dans l’action d’éducation »). « Guide Parents, familles et professionnels dans le cadre judiciaire », DPJJ, mars 2011 : La visite à domicile est l’un des outils de ce travail avec les familles et elle peut être effectuée tant dans le cadre d’un suivi de milieu ouvert que dans le cadre d’un placement judiciaire. La visite à domicile, inhérente à la prise en charge éducative, est souvent présentée comme « un passage obligé » en début de mesure : Isabelle COMA, « Le guide Parents, familles et professionnels dans le cadre judiciaire. », Les Cahiers Dynamiques 2/2012 (n° 55), Dossier « La famille et les réseaux de sociabilité des jeunes », p. 19-25. 105 Le Service Territorial Educatif de Milieu Ouvert (STEMO) est le socle de l’intervention éducative : Note d’orientation de la PJJ du 30 septembre 2014, NDPJJ du 22 octobre 2015 relative à l’action éducative en milieu ouvert au sein des services de la PJJ. 106 Les repas étaient exclusivement halal et la viande de porc n’y était plus proposée depuis un certain temps.

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En effet, selon la note du 4 mai 2015, « il est fondamental que l’établissement dans son rôle

éducatif puisse faire découvrir aux mineurs des saveurs, des goûts, des aliments, des plats y

compris régionaux et traditionnels auxquels ils n’ont pas eu forcément accès avant leur prise en

charge ». Or, certains plats régionaux et traditionnels sont composés de viande de porc et certains

jeunes ont exprimé le souhait d’en manger. A l’instar du repas de Noël de fin d’année qui s’était

très bien déroulé, désormais, pour ne pas inverser la stigmatisation à l’encontre des jeunes qui

mangent du porc, cette viande sera régulièrement proposée.

Dans la mesure du possible, les jeunes doivent partager ensemble un plat unique107. Toutefois,

lorsque le mineur et ses représentants légaux demanderont expressément à ce que l’établissement

permette au jeune de pratiquer une religion par le biais de la fiche de renseignement sur les

prescriptions alimentaires, l’établissement devra le permettre.

En attendant que cette fiche de renseignement soit remplie pour tous les jeunes confiés à l’UEHC et

puisque le changement doit s’opérer progressivement, nous avons fait le choix en concertation avec

l’équipe de direction de demander aux personnels de cuisine d’expérimenter une fois par semaine la

confection de deux plats consistants, c’est-à-dire de deux viandes différentes : l’une halal et l’autre

non (avec le même accompagnement)108. A l’aide du tableau Velléda qui se trouve dans le

réfectoire, le menu sera inscrit à la vue de tous.

J’ai tenté de tendre vers ce qui avait été proposé par le groupe de travail du 19 novembre, mais il

n’était pas possible de mettre en place exactement le système qui avait été proposé (cf. p. 4 de

l’annexe 9).

A terme, l’objectif recherché est de limiter la fourniture de viande halal aux jeunes qui le

demanderaient expressément avec leurs représentants légaux109. Ainsi, conformément à l’article 11

de l’arrêté du 8 septembre 2003 relatif à la charte des droits et libertés de la personne accueillie,

« dans toute la mesure compatible avec le bon fonctionnement du service, il pourrait être fait droit

à la demande formulée conjointement par les titulaires de l’autorité parentale et par le mineur à la

délivrance de plats contenant de la nourriture confessionnelle, sans que cette diligence ne porte

atteinte au respect du principe de laïcité que doit observer l’établissement »110.

La possibilité pour un établissement de la PJJ de proposer de la nourriture confessionnelle à la

demande expresse du jeune et de ses représentants légaux s’explique par l’obligation qui peut

exister pour la puissance publique, d’organiser activement l’exercice de la liberté religieuse, voire

d’apporter des financements à des activités en rapport avec l’exercice du culte. Elle a ainsi

107 « Il apparaît important que les mineurs puissent partager ensemble un plat unique » : note du 4 mai 2015, p. 14. 108 Et ce, pour sortir progressivement de cette pratique du « tout halal » alors que de nombreux jeunes placés à l’UEHC actuellement sont indifférents à cette certification. 109 A l’exception des jeunes majeurs que nous accueillons parfois, par exemple dans le cadre d’une mise sous protection judiciaire (MSPJ). L’association des représentants légaux aux différentes décisions le concernant n’est pas obligatoire. 110 Note du 4 mai 2015, p.15.

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l’obligation d’assurer le libre exercice du culte des personnes qui, comme dans les hôpitaux ou les

prisons, ne peuvent l’exercer librement par elles-mêmes111. Ainsi, cette obligation figure parmi les

exceptions à l’article 2 de la loi de 1905112. Si l’achat de nourriture halal permettait de financer en

partie le culte musulman (ce qui n’est pas démontré113), les exceptions à l’article 2 de la loi de 1905

permettent de déroger à ce principe.

J’ai réalisé le suivi de ces expérimentations en animant régulièrement les « Commissions cuisine »

et en prenant le temps d’évoquer régulièrement la question du contenu des repas. Ce suivi m’a

permis de veiller à ce que l’organisation des repas et la délivrance de plats contenant de la

nourriture confessionnelle ne conduisent ni à une surcharge d’activité, ni à un surcoût financier, ni

ne porte une atteinte excessive au bon fonctionnement de l’établissement et au respect du principe

de neutralité que doivent observer les personnels114.

A ce jour, nous sommes parvenus à diversifier les repas proposés à l’UEHC et à ne plus fournir

exclusivement des repas halal. Néanmoins, lors de la dernière commission, la maîtresse de maison

m’a indiqué qu’elle avait tendance à s’adapter au personnel de service afin de « satisfaire tout le

monde », ce qu’elle ne devrait pas faire. La question du contenu des repas semble donc devoir être

travaillée avec les agents. C’est l’un des objectifs de l’élaboration d’une « charte éthique » (voir

infra).

Le contenu des activités du « Dispositif Accueil Accompagnement » (DAA). Le constat a été fait

que les notions de culture religieuse, de citoyenneté et de laïcité étaient insuffisamment abordées et

insuffisamment travaillées avec les jeunes.

Si la dernière NDPJJ du 24 février 2016 relative à la mission d’insertion de la PJJ n’évoque plus le

DAA en tant que tel, elle énonce tout de même que « L’accès aux dispositifs scolaires et

111 Si la Cour administrative d’appel de Lyon a annulé un jugement du tribunal administratif de Grenoble du 7 novembre 2013, refusant ainsi de servir des repas comprenant de la viande halal aux détenus musulmans, cela s’explique par plusieurs raisons qui ne sont pas transposables aux établissements éducatifs de la PJJ : la Cour a relevé que des menus sans porc et des menus végétariens étaient proposés aux détenus ; qu’il était possible de bénéficier, lors de fêtes religieuses, de menus conformes à leur religion ; et qu’il était possible d’acheter de la viande halal par l’intermédiaire de la "cantine". Elle a donc considéré qu’il y avait un juste équilibre entre les nécessités du service public et les droits des personnes détenues en matière religieuse. Or, dans les établissements de la PJJ, les jeunes ne peuvent pas « cantiner » (acheter directement des produits provenant de l’extérieur). Dans son avis du 24 mars 2011, le Contrôleur Général des Lieux de Privation de Liberté (CGLPL) a considéré que : « La fourniture de viandes ou d’autres aliments préparés selon les rites approuvés par les autorités religieuses compétentes doit être recherchée et mise en œuvre : les conditions du marché des aliments le permettent et les indications recueillies par le contrôle général n’ont pas permis d’établir que le prix de ces aliments serait prohibitif ; tout au contraire, les prix pratiqués apparaissent parfois inférieurs à ceux des produits habituellement achetés ; La contrepartie doit être que celles des personnes privées de liberté, qui n’ont aucune prescription de quelque nature qu’elle soit, ne doivent pas avoir à supporter des contraintes alimentaires qui ne sont pas les leurs. Il n’y a aucun motif, par exemple, que les personnes qui le souhaitent ne puissent se nourrir de viande de porc. » 112 « La République ne reconnaît, ne subventionne ni ne salarie aucun culte ». 113 En ce sens, voir l’article de Florence BERGEAUD-BLACKLER, Anthropologue, chargée de recherches au CNRS, à l’Institut de recherches et d’études sur le monde arabe et musulman (Iremam), Financer le culte musulman par la viande halal ? Libération, 3 mars 2015 ou son ouvrage Le sens du halal, une norme dans un marché mondial, CNRS éditions, avril 2015. 114 NDPJJ du 4 mai 2015, p.15.

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professionnels de droit commun est toujours un objectif prioritaire » mais que « lorsque cet objectif

est immédiatement inaccessible, l’accès aux dispositifs alternatifs extérieurs à la PJJ ou au

dispositif structuré d’accueil de jour de la PJJ doit être proposé. »115

Ainsi, l’inscription au DAA des jeunes n’ayant aucun projet d’insertion sociale et professionnelle

est obligatoire à l’EPEI116. Car en effet, les activités individuelles ou collectives (culturelles,

sportives, etc.) constituent un support pertinent de l’individualisation des parcours.117 La PJJ doit

permettre aux jeunes qui lui sont confiés d’acquérir, selon les besoins repérés, les pré-requis de

socialisation et les compétences clés au soutien de l’objectif de trouver une place au sein des

dispositifs de scolarité et de formation de droit commun. Cependant, certains jeunes placés en EPEI

sont si loin de la possibilité d’intégrer un tel dispositif, qu’il faut avant tout leur signifier qu’ils ont

une place dans la société et qu’il faut en respecter les règles sociales. « En effet, en amont de

l’insertion scolaire et professionnelle proprement dite, l’intériorisation des valeurs et règles

communes ainsi que d’un certain nombre de codes sociaux nécessite souvent un travail conséquent

et spécifique. Cette intériorisation prépare le terrain de l’insertion scolaire et professionnelle. �Le

rôle de la PJJ est ici primordial : du fait de ses compétences éducatives et de son approche globale

des situations individuelles, elle accompagne les jeunes à développer leurs capacités de décryptage

et d’assimilation de ces valeurs, règles et codes. »118

Cet accompagnement contribue à prévenir la délinquance et peut constituer un facteur de

désistance119.

Ainsi, j’ai profité de la réorganisation du temps de travail (OTT) et des modalités du DAA pour

insuffler une nouvelle dynamique avec la RUE de l’UEHC. Depuis le mois de janvier 2016, le

mercredi matin est dédié à la « découverte du patrimoine », c’est-à-dire que ce temps du DAA est

consacré à des sorties culturelles telles que des visites de musées, d’institutions ou de lieux de

mémoire.

Lors d’un point de suivi réalisé au mois d’avril avec les quatre éducateurs responsables du DAA120,

j’ai pu constater que plusieurs sorties en lien avec la thématique de la laïcité et de la

citoyenneté avaient été réalisées : visite de l’ancien camp de concentration du Struthof, visite du

115 NDPJJ du 24 février 2016 relative à l’action de la protection judiciaire de la jeunesse dans les parcours d’insertion scolaire et professionnelle des jeunes confiés, p. 1/10. 116 Le DAA est défini dans la Circulaire d’orientation du 3 avril 2012 relative à l’action d’éducation structurée par les activités de jour dans les établissements et services du secteur public de la protection judiciaire de la jeunesse. 117 NDPJJ du 24 février 2016, p. 7/10. 118 NDPJJ du 24 février 2016, p. 2/10. 119 Rapport du jury remis au Premier ministre le 20 février 2013, Conférence de consensus, Pour une nouvelle politique publique de prévention de la récidive, Principes d’action et méthodes : « Les facteurs de désistance sont ceux qui augmentent la probabilité de s’engager avec succès dans un processus d’arrêt des actes délinquants. Il s’agit de facteurs dynamiques, objectifs et subjectifs, qui renvoient aux ressources dont dispose le délinquant (par exemple, son insertion professionnelle ou ses capacités de communication). Les travaux sur la désistance insistent également sur l’importance de la prise de conscience du délinquant et sur sa motivation. Il convient par ailleurs de considérer que les différents facteurs de risque et de protection ont un effet variable selon les âges. » 120 Dans le cadre de la nouvelle OTT DAA, quatre éducateurs sont volontaires pour porter ce dispositif et le faire vivre. A terme, la direction de l’établissement espère attirer d’autres volontaires.

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parlement européen, visite du Musée Vodou, visite de la Cathédrale la plus proche, etc. Les

éducateurs semblent s’être saisis de la nouvelle organisation de ce dispositif pour organiser des

sorties qui permettent d’aborder de nombreux sujets historiques, culturels et parfois cultuels avec

les jeunes121 (cf. annexe 13).

L’association des jeunes à l’actualisation du règlement de fonctionnement de l’UEHC. Le

règlement de fonctionnement de l’UEHC a été actualisé par l’équipe de direction en décembre

2015, après une réunion de fonctionnement, pour se conformer à la NDPJJ du 4 mai 2015.

Néanmoins, nous avons décidé en réunion de gouvernance que le document serait simplifié et revu

avec les jeunes au courant de l’été afin de les associer à sa réécriture. En effet, le document est

actuellement trop dense et trop compliqué pour les jeunes et pour leurs familles. C’est d’ailleurs ce

qu’a relevé l’audit de l’UEHC intervenu à la fin du mois de janvier 2016.

Impulser des projets éducatifs financés avec le Plan de Lutte Anti-Terroriste (PLAT). En

association avec la responsable de l’unité, j’ai été chargée d’annoncer en réunion de fonctionnement

à l’UEAJ que nous pouvions bénéficier de fonds issus du Plan de Lutte Anti-Terroriste (PLAT)

pour construire des actions en lien avec la thématique de la laïcité et de la citoyenneté. Ensemble,

nous avons encouragé l’équipe éducative à s’en saisir et à réfléchir à ce qu’ils souhaiteraient mettre

en place. En effet, « être directeur ne consiste pas à être présent en toutes circonstances ni à

prendre toutes les décisions. Le contrôle repose d’abord sur la confiance parce qu’il suppose une

autonomie laissée à la personne »122.

Ainsi, l’équipe et la RUE de l’UEAJ nous ont soumis un projet sur l’engagement citoyen. Avec

l’étroite collaboration et le soutien de la référente laïcité-citoyenneté du territoire, ma tutrice et moi-

même avons fait aboutir ce projet et avons obtenu les fonds sollicités (cf. annexe 14).

De la même manière et toujours en lien avec la responsable d’unité, j’ai annoncé lors d’une réunion

de fonctionnement de l’UEHC qu’il était possible de construire un ou plusieurs projets sur cette

thématique et de les soumettre à la DT. J’en ai profité pour indiquer à l’équipe éducative que le juge

des enfants avec lequel j’avais pu m’entretenir dans le cadre de l’évaluation interne et de la

démarche de recherche pour mon mémoire, avait salué le projet « Shalom, Paix, Salam » (SPS)

initié en 2014. J’ai moi-même indiqué que je trouverais pertinent de le reconduire.

Finalement, il n’a pas fallu longtemps pour qu’émerge le « projet SPS 2016 » (cf. annexe 15). Il

121 Ainsi, l’EPEI se conforme à la NDPJJ du 22 octobre 2015 relative à l’action éducative dans le cadre du placement judiciaire en intégrant dans l’action éducative la prise en compte de la situation du jeune en matière d’éducation à la citoyenneté : « Les établissements de placement judiciaire exercent temporairement, à l’égard de la personne accueillie, une prise en charge dont le cadre de direction de l’établissement est garant. Ces établissements ont pour mission première de conduire une action éducative auprès d’un mineur ou jeune majeur au regard de sa personnalité et de sa situation en matière d’éducation, de relations familiales, de santé, de scolarité ou formation professionnelle, d’éducation à la citoyenneté. », Dimension éducative du placement, p. 2. 122 Bertrand DUBREUIL, Le travail de directeur en établissement social et médico-social, 2ème édition, Dunod, Paris, 2013, p.139.

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semble bien que la reconnaissance de leur travail satisfait les agents et peut susciter leur

mobilisation. Selon Jean-Pierre Brun, « La reconnaissance au travail est un élément essentiel pour

préserver et construire l’identité des individus, donner un sens à leur travail, favoriser leur

développement et contribuer à leur santé et à leur bien-être. Elle constitue également une

alternative constructive aux approches managériales orientées vers le contrôle et la

surveillance. »123

Il me semble important que le directeur des services accompagne et soutienne les RUE pour

encourager les prises d’initiative de l’équipe éducative sur cette thématique sensible. Ma présence

lors de ces réunions de fonctionnement a probablement permis de signifier l’importance de se

mobiliser sur cette thématique. De tels projets pourraient se construire en dehors du PLAT mais la

possibilité d’obtenir ces fonds peut constituer un facteur de motivation supplémentaire pour les

éducateurs.

Réunion de fonctionnement thématisée. Dans son rapport sur l’éthique, le Conseil supérieur du

travail social adresse des préconisations spécifiques aux cadres de direction en insistant sur la

nécessité de « soutenir et garantir l’existence et la pérennité de lieux et de temps de confrontation,

d’élaboration des pratiques ; d’assurer et assumer la responsabilité de la transmission de valeurs

et leur traduction dans les pratiques (…) ; d‘accepter et de favoriser l’imprévu et l’inventivité en

mettant en place le cadre institutionnel et l’organisation de travail capables de l’accueillir et de

l’élaborer »124. C’est dans cet ordre d’idées que les réunions de fonctionnement doivent être

régulières dans chacune des unités et missions d’un établissement de placement. Les pratiques

doivent évoluer et être régulièrement remises en question.

A ce jour, j’ai animé plusieurs réunions de fonctionnement de la MEHD pour revoir et améliorer

certaines pratiques125. L’une d’entre elles, avait trait au placement en famille d’accueil. En accord

avec l’équipe pluridisciplinaire126, nous avons intégré un point relatif à la laïcité dans une charte

d’engagement. Cette charte devra être signée par les familles d’accueil et par la directrice à l’issue

de la procédure de recrutement et avant tout placement d’un jeune dans la famille (cf. annexe 16).

123 Professeur de management et directeur de la chaire en gestion de la santé et de la sécurité du travail à l’université Laval, Québec, il a publié Les Sept Pièces manquantes du management, Les Éditions transcontinentales, 2008 et est auteur d’un article intitulé La reconnaissance au travail, version numérisée de la revue Sciences Humaines, 30 mars 2010. 124 Conseil Supérieur du Travail Social (CSTS), Ethique des pratiques sociales et déontologie des travailleurs sociaux, Editions ENSP, Rennes, 2001, p. 133. 125 J’ai animé ces réunions notamment car la MEHD n’a pas de responsable d’unité. La directrice de l’EPEI a fait le choix début 2015 de décharger la RUE de l’UEHC de la MEHD et c’est elle seule qui encadre et dirige cette mission. En outre, selon l’objet de la réunion de fonctionnement, il me semble que la directrice doit être présente. C’est le cas de la thématique « famille d’accueil » (la directrice étant en charge de la procédure de recrutement des familles). 126 Educateurs et psychologue.

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3.2.3 Les impulsions transversales

Les trois réunions de préparation du barbecue interculturel. Afin de mobiliser les éducateurs de

l’EPEI et susciter l’intérêt des professionnels et des jeunes pour la thématique de l’inter culturalité

et de l’inter confessionnalité, la directrice et moi avons programmé trois réunions de préparation

d’un barbecue interculturel que j’ai animées. Le groupe de travail est composé de sept éducateurs,

de la psychologue, des responsables d’unité et du coordinateur de l’HD et d’un membre du pôle

cuisine (leur inscription était volontaire). L’objectif de ce projet est le partage d’un repas avec les

jeunes, les professionnels127 et des personnes de différentes cultures et de différentes religions.

Avec l’accord de la direction territoriale, nous avons demandé aux éducateurs de contacter des

représentants de différentes confessions (aumônier militaire musulman, aumônière catholique de la

maison d’arrêt la plus proche, aumônier régional bouddhiste des prisons, etc.) et de différentes

associations prônant la laïcité et la tolérance vis-à-vis des différences (Coexister, SPS), afin de venir

transmettre un message de paix aux jeunes qui nous sont confiés.

Ce barbecue est projeté le 31 mai prochain. A cette fin, nous avons sollicité l’autorisation des

représentants légaux des jeunes placés (à l’UEHC et à la MEHD) (cf. annexe 17).

La conduite de ces réunions de préparation par un membre de la direction (en l’espèce la directrice

en formation) était nécessaire en raison de l’aspect transversal du projet ; pour fixer des objectifs en

cohérence avec le projet d’établissement ; et pour veiller à ce que le budget prévisionnel soit

respecté (ces réunions visant également à projeter et organiser le repas, la décoration ainsi et l’envoi

des invitations). S’agissant du contenu du repas, nous avons prévu de proposer un méchoui, un

cochon de lait et des salades.

La commission laïcité. « Au plan collectif, celui qui assume la fonction de direction déploie des

instances qui permettent de prendre du recul par rapport à l’action et de vérifier, d’une part, la

cohérence du projet politique aux valeurs éthiques énoncées et, d’autre part, des actions aux mêmes

valeurs, puis la cohérence entre le projet et sa mise en œuvre »128.

Au cœur de mon expérimentation, j’ai souhaité initier une « Commission laïcité » réunissant

trimestriellement l’équipe de direction de l’EPEI, la référente laïcité citoyenneté du territoire ainsi

que des « référents laïcité citoyenneté » de chacune des unités et mission129. Pour cela, des

volontaires ont été désignés référents dans leur unité ou mission (trois volontaires pour l’UEHC, un

127 Les professionnels de la protection de la jeunesse du département sont invités (les agents du STEMO du département, le représentant du Conseil départemental, la direction et l’encadrement des établissements du SAH –directeur et CSE-, personnels de la DT, magistrats et partenaires extérieurs habituels). 128 Roland JANVIER, Ethique de direction en institution sociale et médico-sociale, Esf, Domont, décembre 2014, p.60. 129 A l’instar de commissions déjà existantes à l’EPEI : la « Commission santé » réunissant les conseillers techniques (CT) santé de la DT et les « référents santé » de l’EPEI ou la « Commission insertion » réunissant le responsable des politiques institutionnelles (RPI) en matière d’insertion de la DT et les « référents insertion » de l’établissement.

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pour l’UEAJ et un pour la MEHD). Cette commission a plusieurs objectifs : revoir les textes

législatifs et règlementaires existants en matière de respect de la laïcité et ce qu'ils impliquent dans

l’établissement ; faire le point sur les actions collectives qui ont été réalisées au sein de

l'établissement et sur celles qui sont à venir ; échanger sur des situations individuelles de jeunes qui

interrogent (par exemple des jeunes qui montrent des signes de radicalisation) ; recueillir les besoins

de formation des professionnels en lien avec la thématique de la laïcité et de la citoyenneté ; et à

long terme, organiser des formations sur site pour tous les professionnels de l'EPEI intéressés (par

exemple en histoire des religions, histoire de l'immigration etc., pour compléter les formations

proposées par le PTF et par l'ENPJJ).

Le projet de création de cette commission a été travaillé avec un éducateur de l’UEHC

particulièrement intéressé par les questions ayant trait à la laïcité (annexe 18).

Initialement, la directrice et moi avions prévu d’organiser une autre réunion pour élaborer une

« Charte éthique » que les professionnels de l’EPEI s’engageraient à respecter. Elle déclinerait les

droits et obligations des agents de l’établissement dans l’exercice de leurs fonctions. Son

élaboration en groupe de travail permettrait de travailler plus spécialement l’obligation de neutralité

des éducateurs et ce qu’elle implique dans l’exercice de leurs fonctions. Toutefois, en raison d’un

grand nombre d’instances déjà mises en place (les réunions de fonctionnement, les réunions

« barbecue » et la commission laïcité), nous avons fait le choix en équipe de direction de supprimer

cette réunion du 28 avril130. Nous avons pensé que nous pourrions évoquer cette charte lors de la

première commission laïcité programmée le 23 mai.

Un travail sur la neutralité nous paraît véritablement nécessaire car il existe encore à ce jour des

confusions entre liberté de religion des usagers et liberté de religion des agents. Par exemple,

certains agents (minoritaires) pensent qu’ils sont en droit de demander un repas conforme à leur

pratique religieuse et n’acceptent pas qu’il n’y ait pas systématiquement de repas halal prévu pour

les éducateurs à l’UEHC131. C’est la raison pour laquelle, gênée, la maîtresse de maison a tendance

à adapter le contenu des repas aux jeunes et aux professionnels en service (voir supra). Par le biais

de cette dernière, nous avons récemment appris que quelques éducateurs (très minoritaires là

encore) indiquent aux jeunes ce qu’ils peuvent manger ou non selon leurs convictions (présumées

ou affirmées). La commission laïcité permettra de rappeler aux professionnels qu’ « en aucun cas le

personnel de l’établissement ne pourra dispenser un quelconque enseignement ou conseil en

130 Notre volonté se heurte parfois à la réalité du travail en EPEI. Mi-avril, l’établissement a été confronté à plusieurs arrêts maladie et à plusieurs congés. Il n’a pas été possible de maintenir et d’organiser la réunion « Charte éthique » prévu dans le plan d’action d’améliorations issu de l’évaluation interne. 131 Nous avons pu lire le 29 avril dans le cahier de consignes qu’un agent s’était étonné de ne pas pouvoir manger halal durant son service du week-end. Il a écrit : « Il faut aussi penser aux personnels qui mangent halal !! Ca ne coûte pas plus cher !! La laïcité c’est aussi cela !! ».

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matière de culte et de sa pratique auprès d’un mineur pris en charge »132. Il faut responsabiliser les

jeunes, leur indiquer qu’ils ont le choix de manger ci ou ça et non pas leur donner des directives.

En accord avec les référents laïcité citoyenneté de l’EPEI, il pourra être décidé lors de la

commission du 23 mai de fixer une nouvelle date pour travailler cela avec plusieurs agents (et non

pas seulement les référents volontaires)133.

A la fin du mois d’avril et avant la finalisation de ce mémoire, j’ai tâché d’évaluer ces différentes

expérimentations issues de ma démarche de recherche et de la démarche d’évaluation d’interne de

l’établissement.

3.3 L’évaluation des expérimentations

3.3.1 Les points de contrôle d’un pilotage correct de l’EPE

par le directeur

Considérant le référentiel de contrôle du fonctionnement des EPE/UEHC de l’inspection de la PJJ et

le point spécifique sur le pilotage de l’EPE par le directeur134, il y a plusieurs points de contrôle de

son action. Parmi ceux-là, il est indiqué que « le directeur est présent dans l’établissement et

accessible pour le responsable de l’unité éducative et les personnels » (Point A.3.1). Il me semble

que tout au long de la mise en œuvre des expérimentations, je me suis rendue disponible pour les

professionnels par courriel et par téléphone ou encore, j’ai été présente dans chacune des unités et

mission au moins une fois par semaine. Ainsi par exemple, j’ai eu de nombreux échanges, formels

ou informels, avec les porteurs des « projets PLAT » afin que ces derniers remplissent les critères

requis par la référente laïcité citoyenneté de la DT. La préparation du barbecue a également

nécessité des contacts très réguliers avec les responsables d’unité, les éducateurs et le pôle cuisine.

Mais encore, « le directeur est présent dans les instances relevant de sa compétence ou par

délégation du directeur territorial » (A.3.2) ; il « élabore un budget prévisionnel en cohérence avec

l’activité et prenant en compte les besoins des mineurs » (A.3.3) ; il « exerce les contrôles inhérents

à tout acte de direction, il vérifie la bonne application des procédures qu’il a définies » (A.3.5) ; il

« rencontre régulièrement les magistrats sur le fonctionnement de l’établissement et l’évolution des

prises en charge des mineurs » (A.3.6) et il « rend compte régulièrement de l’activité de l'EPE à la

direction territoriale » (A.3.7). J’ai assisté à un grand nombre d’instances relevant de la 132 NDPJJ du 4 mai 2015. 133 En somme, peu de textes règlementaires abordent expressément la portée de l’obligation de neutralité dans notre administration. Or, le respect de cette obligation doit être garanti par le directeur. C’est pourquoi, nous souhaitons (les cadres de l’EPEI) inviter les agents à réfléchir à leurs postures professionnelles et préciser aux agents ce que cette obligation recouvre. 134 Objectif A.3.1. du référentiel.

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compétence du directeur (réunion de gouvernance, collèges de direction, comité territorial des

cadres, certaines réunions de fonctionnement selon son objet, etc.). Il me semble que j’ai trouvé ma

place au sein de l’équipe de l’EPEI. Lorsque la gestion du budget m’était confiée (par exemple pour

le « projet barbecue »), j’ai veillé à la cohérence et à l’adéquation de celui-ci avec le projet et les

besoins de notre public. Dès le mois de mars, je me suis attachée à vérifier que les impulsions

demandées, suscitées, étaient effectivement mises en œuvre (s’agissant du DAA, de la

diversification des repas à l’UEHC ou de l’association des familles aux décisions concernant

l’éducation de leur adolescent). Et ce, en faisant des points de suivi réguliers (avec les éducateurs du

DAA, avec le pôle cuisine, avec les RUE). La rencontre avec le JE coordinateur m’a permis de

parler plus généralement du fonctionnement de l’EPE135 (cf. annexe 4) et j’ai pu rendre compte de

l’avancée de l’évaluation interne de l’EPEI à chaque collège de direction (CODIR) en DT.

3.3.2 Les indicateurs d’évaluation des actions issues de

l’évaluation interne de l’établissement

Dès l’élaboration du plan d’actions d’amélioration dans le cadre de la conduite de l’évaluation

interne sur la prise en compte de la laïcité, j’ai entrepris de déterminer des indicateurs d’évaluation

(cf. annexe 10). A ce jour, je peux déjà évaluer certaines des expérimentations menées : les

documents de référence de l’EPEI ont été effectivement actualisés et intègrent désormais le principe

de laïcité. Suis-je parvenue à faire vivre ce principe dans le pilotage de l’établissement ? Je pense

que ce travail est sérieusement amorcé au sein de l’EPEI mais qu’il n’est pas terminé.

La charte éthique que j’envisageais d’élaborer n’existe pas encore puisque la première réunion dont

elle était l’objet n’a pas pu avoir lieu (les raisons sont exposées dans la partie 2-3).

Seules deux des trois réunions du groupe de travail pour préparer le barbecue interculturel ont déjà

été réalisées (la troisième est programmée le 19 mai), mais l’objectif semble déjà atteint : plusieurs

professionnels de diverses origines et cultures sont mobilisés sur le projet et cela permet,

indirectement, de les faire travailler eux aussi (et non seulement les jeunes) sur la tolérance de la

différence.

La RUE de l’UEHC a intégré dans les objectifs annuels des « éducateurs DAA » la mise en place

d’activités en lien avec la thématique de la laïcité et de la citoyenneté. Il me semble que ces

objectifs seront atteints à la fin de l’année (cf. annexe 19).

Afin de tenter d’évaluer l’effet de ces différentes évolutions et expérimentations sur la prise en 135 Il n’y a eu qu’une seule rencontre avec les JE durant les six mois de « responsabilisation ». Cela peut paraître peu, mais compte tenu de l’activité dans un EPEI et de la courte durée de la mise en responsabilisation, je crois que ce n’est pas si mal. S’ajoutent tout de même à cette rencontre des contacts téléphoniques ponctuels pour des situations spécifiques de jeunes. En outre, les JE et le parquet chargé des mineurs sont invités au barbecue du mois de juin, ce qui permettra un nouveau contact avant la fin du stage.

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charge éducative des jeunes, je souhaiterais interroger un groupe de jeunes de l’UEAJ et de l’UEHC

et leur poser sensiblement les mêmes questions que celles que j’avais posées le 15 décembre (cf.

annexe 3). Pour cela, je projette d’organiser avec les éducateurs de l’UEAJ une nouvelle « réunion

jeunes » sur la thématique de la laïcité et de la citoyenneté au mois de juin. En effet, « le directeur

n’occupe pas une place de « sachant », il anime une délibération associant toutes les parties

prenantes pour garantir l’authenticité de la démarche d’évaluation »136.

Concernant les besoins en formation des professionnels, la directrice et moi-même les avons

communiqués à la DT et il semblerait qu’un module complémentaire d’histoire des religions sera

proposé par le PTF durant le dernier trimestre 2016. Ce module vient compléter la formation

nationale de trois jours sur la radicalisation. La directrice veillera à ce que ses agents s’inscrivent

bien à cette formation.

Enfin, concernant les repas à l’UEHC, le travail avec les agents d’une part et avec les familles

d’autre part est engagé mais il n’est pas abouti. Les dix mois de stage de deuxième année ne

constituent pas une période suffisamment longue pour qu’un travail d’une telle ampleur puisse

s’achever.

3.3.3 Les limites de ces expérimentations et les pistes

d’amélioration

Si j’avais bénéficié de plus de temps, il aurait été intéressant d’aller voir comment le secteur

associatif habilité du territoire travaille les questions relatives à la thématique de la laïcité et de la

citoyenneté, en tant que délégataire juridique d’une mission de service public137.

Par ailleurs, si ces expérimentations et actes de direction ont pu être conduits au sein de cet EPEI, il

est très peu probable qu’elles soient transposables telles quelles dans un autre EPE. La situation de

départ au sein de mon établissement de stage était propice pour aborder des questions sensibles telle

que la laïcité, car le fonctionnement global de l’EPEI était satisfaisant. La direction s’était déjà

attaquée à d’autres chantiers prioritaires et le terrain était en quelque sorte « défriché » pour engager

un travail sur cette thématique.

136 Conseil Supérieur du Travail Social (CSTS), Ethique des pratiques sociales et déontologie des travailleurs sociaux, Editions ENSP, Rennes, 2001, p.81. 137 Dont on sait que, depuis l’arrêt n°537 du 19 mars 2013, CPAM de Seine-Saint-Denis, pourvoi n°12-11.690, la Cour de cassation considère que l’obligation de neutralité leur est imposée : « les principes de neutralité et de laïcité du service public sont applicables à l’ensemble des services publics, y compris lorsque ceux-ci sont assurés par des organismes de droit privé ».

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Et pourtant, on peut s’interroger sur le degré de cohérence et de cohésion de l’équipe de l’UEHC138

actuellement : est-il suffisant pour entreprendre une véritable réflexion sur l’obligation de neutralité

des agents et sur sa portée dans l’exercice des fonctions et plus particulièrement au moment de la

prise des repas ? Si selon moi on ne peut pas demander à un agent d’agir à l’encontre de ses

pratiques (par exemple manger durant le ramadan ou manger quelque chose qu’il s’interdirait de

manger), celui-ci ne peut pas demander à la direction de faciliter l’exercice de sa pratique

religieuse. Ainsi, le personnel de cuisine n’a pas à adapter le menu en fonction des professionnels

mais uniquement en fonction des jeunes. L’OTT à l’EPEI implique que les agents ne sont jamais de

service au moment des deux principaux repas de la journée (ils travaillent soit au moment du repas

de midi soit au moment du dîner). Ainsi, ils sont libres de confectionner leur repas au moins une

fois dans la journée. Au contraire, l’obligation de partager en commun les temps de repas au sein du

foyer constitue l’une des contraintes du placement pour les jeunes (et l’une des obligations du

règlement de fonctionnement). C’est la raison pour laquelle, l’administration accepte, dans une

certaine mesure compatible avec le fonctionnement de l’établissement, de tenir compte de la

volonté du jeune et de sa famille.

Il est ardu de parvenir à une véritable cohérence d’équipe (et donc plus encore à une cohésion

d’équipe) en UEHC139 dans l’action éducative en général, et du point des vue des postures

professionnelles en particulier. Il n’existe pas de loi posant clairement le principe de neutralité des

agents publics et c’est le juge administratif qui en a précisé la portée. C’est pourquoi, il est essentiel

d’ouvrir un espace de dialogue des professionnels sur cette question (c’est l’un des objectifs de la

commission laïcité). Cette volonté se heurte souvent au manque de temps (les professionnels sont

happés par la gestion du quotidien et de l’urgence) et à la difficulté de réunir simultanément tout le

personnel d’une unité ou d’un établissement. Néanmoins, il revient au directeur de permettre et de

créer ces espaces de discussion.

Après juste quelques mois d’expérimentations, je ne suis pas certaine de pouvoir déjà vérifier mon

hypothèse de recherche selon laquelle ne pas parler de laïcité et de religions, ni avec les

professionnels ni avec les jeunes, serait un frein à l’amélioration de la qualité des prises en charge

éducatives au sens où ces concepts participent de l’éducation des jeunes et peuvent prévenir des

comportements radicaux. Ce que je constate concernant les professionnels, c’est qu’aborder la prise

en compte de la laïcité les a plutôt enthousiasmés, comme si cela rendait le sujet moins tabou et

permettait de défaire certaines crispations. Concernant les jeunes, j’ai pu constater qu’il n’a pas été

138 Selon moi, ce qui importe le plus au sein d’une UEHC c’est la cohérence de l’équipe professionnelle (avoir un discours commun, poursuivre les mêmes objectifs avec une homogénéité de moyens), mais il semble que la cohésion (au sens d’une forte union au sein de l’équipe) favorise la cohérence. Néanmoins, il peut y avoir cohérence sans cohésion. L’inverse me paraît moins vrai. 139 Pour les raisons exposées supra : entre les congés, les formations, les arrêts maladie et la continuité du service public, il est quasiment impossible dans un EPE de réunir tous les professionnels en même temps.

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très difficile de les mobiliser sur cette thématique, tant par le biais des activités du DAA que par des

projets tel que SPS. Ils cherchent constamment à pouvoir dialoguer avec les adultes et ils souhaitent

comprendre le monde qui les entoure. Ce travail amorcé à l’EPEI, je pense qu’il faut qu’il se

poursuive. Pour pouvoir étudier les effets concrets sur la qualité des prises en charge éducatives,

l’idéal serait de pouvoir refaire un bilan avec la directrice à la fin de l’année 2016.

Enfin, le choix méthodologique réalisé dans la démarche de recherche de ce mémoire peut

constituer une limite : si le support de l’évaluation interne a été un levier de changement, il a

également été parfois source de difficultés puisqu’il a fallu alterner constamment entre deux rôles,

celui d’étudiante chercheure et celui de directrice en formation. Toutefois, cela m’a permis

d’expérimenter franchement mes futures fonctions puisque le directeur doit tâcher d’analyser et

d’étudier ce qu’il observe dans l’exercice de ses fonctions tout en gérant le quotidien d’un

établissement ou service.

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Conclusion

Ce travail de recherche a été réalisé au moment où les contours de la laïcité et la visibilité des

religions dans l’espace public suscitent de vifs débats140.

Partant du constat que le principe de laïcité n’était pas suffisamment intégré dans le pilotage de

l’établissement de la directrice, j’ai d’abord tenté d’en comprendre les raisons avant d’étudier

comment il serait possible d’impulser une dynamique de changement pour le prendre pleinement en

compte puis pour le faire vivre au sein de l’EPEI.

Finalement, pour répondre à cette question, je me suis intéressée aux deux volets de l’application de

ce principe : son application aux jeunes qui nous sont confiés en tant qu’usagers du service public

d’une part, et son application aux professionnels en tant qu’agents publics et citoyens d’autre part.

S’agissant des jeunes, la DPJJ a pour ambition de garantir la continuité de leur parcours éducatif par

le biais, notamment, d’une meilleure individualisation141 des suivis et des modes de prise en charge.

Or, la prise en compte de la laïcité les concernant contribue à individualiser leur prise en charge.

S’il est encore un peu tôt pour évaluer concrètement les effets des expérimentations mises en œuvre

sur la qualité des prises en charge éducatives au sein de l’EPEI et vérifier ainsi mon hypothèse de

recherche, je suis convaincue de la grande utilité d’une réflexion globale sur la laïcité dans un tel

établissement. J’ai pu constater une véritable remobilisation des agents sur cette thématique dans

leur action éducative et un réel intérêt de la part des jeunes. Face au constat de la radicalisation

croissante d’adolescents et de jeunes adultes, il est primordial de déconstruire les représentations

erronées des jeunes que nous prenons en charge, d’aborder avec eux les questions ayant trait à

l’Histoire de la culture et des religions dans le monde ainsi que de leur transmettre les valeurs

républicaines dont la laïcité. Ce travail avec les jeunes est facilité aujourd’hui par la diffusion

régulière d’orientations nationales en la matière et par le déploiement de moyens humains et

financiers (notamment dans le cadre du PLAT).

S’agissant des professionnels, le travail de conciliation de leur obligation de neutralité avec leurs

droits et libertés fondamentaux de citoyen est un travail de longue haleine. C’est pourtant un travail

essentiel dès lors que la neutralité des agents publics permet de garantir la liberté de religion des

140En atteste par exemple l’article intitulé Pourquoi deux interprétations de la laïcité coexistent-elles en France ? Samuel LAURENT ; Elvire CAMUS. Le Monde.fr, 19 janvier 2016. 141 Note d’orientation du 30 septembre 2014, p.5 ; Avenirs, Le magazine de la DPJJ, #33 2016, Dossier : L’évaluation, une mission au cœur de l’action des professionnels, p. 6.

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jeunes qui nous sont confiés. J’ai pu constater qu’il était plus difficile d’aborder l’application du

principe de laïcité aux professionnels que l’application de ce principe aux jeunes accueillis. Ainsi à

l’EPEI, ce travail est engagé avec les équipes mais n’est pas achevé. Contrairement aux directives

existant en matière d’application du principe de laïcité aux jeunes pris en charge, le directeur doit

parfois interpréter les textes législatifs et règlementaires existants pour préciser la portée de

l’obligation de neutralité pour les professionnels de la PJJ142.

Le directeur, garant du respect des lois dans son service, doit intégrer la prise en compte de la laïcité

dans le pilotage de son établissement, mais puisque c’est un sujet particulièrement sensible, il doit

le faire en associant au maximum les équipes. Néanmoins, il semble bien que cette intégration ne

soit jamais un aboutissement car « la laïcité, ce n’est pas un état, mais un équilibre qui se conquiert

en permanence »143. Ensuite, pour faire vivre la laïcité dans l’établissement, il convient de

poursuivre un travail de suivi et d’accompagnement des RUE et des équipes dans la mise en œuvre

des actions, leur évaluation et leurs modifications au besoin.

Tout au long de ce travail de mémoire, j’ai gardé à l’esprit que lorsqu’un changement est

difficilement accepté, il est bon de rappeler aux agents le cœur de leur mission, c’est-à-dire la prise

en charge des jeunes. Frédéric Petitbon l’écrit ainsi : « le dirigeant doit sans cesse revenir aux faits,

aux réalités crues du terrain »144. Ainsi, j’ai constamment rappelé l’intérêt de ce travail autour du

principe de laïcité : respecter et garantir la liberté de religion des jeunes qui nous sont confiés,

permettre à ces jeunes de devenir des citoyens et de trouver une place dans la société. Cela donne

du sens à l’action des professionnels.

Le choix de s’appuyer sur l’évaluation interne comme outil de management participatif et comme

levier de conduite au changement semble opportun. L’actualisation annuelle du projet de service

pourrait également être le support d’un tel travail dès lors que d’autres champs prioritaires ne posent

pas ou plus de difficultés particulières : l’organisation du temps de travail permettant une continuité

du service public, le fond de la prise en charge éducative et le travail interdisciplinaire de telle

manière que le placement en EPE constitue une alternative à l’incarcération, l’aide à la décision du

magistrat, etc.

142 On ne trouve pas de texte spécifique qui tienne compte des particularités des fonctions d’éducateurs ou bien de texte qui indiquerait par exemple expressément que l’établissement n’a pas à adapter les repas d’un UEHC aux pratiques religieuses des agents. 143 Saül KARSZ, philosophe et sociologue, cité dans La Gazette santé social.fr, Pratiques professionnelles, La laïcité, un combat au quotidien, 19 mai 2011 : la laïcité c’est un équilibre entre l’obligation de neutralité des agents et leur liberté de religion en tant que citoyen, c’est un équilibre entre la neutralité des agents et la liberté de religion des usagers, c’est un équilibre entre le respect de la liberté de l’un et le respect de la liberté de l’autre. 144 Frédéric PETITBON, Le guide du manager public, Méthodes, objectifs et exemples, Editions d’Organisation, 4ème édition, Paris, 2005.

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Selon Bertrand Dubreuil, « pour dire comment habiter la fonction de direction, il n’y a pas de

recette toute faite », mais il affirme que « faute de solution qui pourrait valoir en dehors de la

personne qui les met en œuvre, c’est par l’analyse des situations de travail que chacun peut

progresser, habiter un peu plus sa fonction, assumer la part d’humain qu’il y a dans cet art de

diriger »145. C’est ainsi que ces différents actes de direction et expérimentations ont contribué à

construire mon identité professionnelle : l’analyse de chacune des situations auxquelles j’ai été

confrontée m’a permis d’habiter un peu plus mes futures fonctions, qu’il s’agisse des réunions que

j’ai animées, des multiples discussions auxquelles j’ai participé, des échanges que j’ai pu avoir avec

les jeunes (durant les entretiens d’accueil, les entretiens de « recadrage » ou les discussions

informelles dans les couloirs, etc.).

Ce travail de mémoire m’a fait prendre conscience de la grande difficulté à prendre du recul avec la

gestion du quotidien et de l’urgence pour prendre le temps de la réflexion individuellement et

collectivement. Tenter de donner du sens à la prise en compte de la laïcité au sein de l’établissement

m’a pourtant montré qu’il était essentiel de permettre aux équipes de se réunir et de dialoguer146.

J’ai perçu l’importance pour les professionnels (RUE, éducateurs, psychologues, cuisiniers,

adjointes administratives) de comprendre nos décisions, les raisons pour lesquelles nous les

adoptons, les objectifs que nous poursuivons. Le DSPJJ est bien un traducteur147 dont le « rôle

consiste à articuler les différentes prescriptions et attentes avec les réalités du terrain et les enjeux

de l’action du service »148. Ce rôle suppose une capacité d’interprétation des différents signaux de

l’environnement, de la bienveillance et une bonne communication.

D’un point de vue méthodologique, j’ai été confrontée à la difficulté de devoir gérer les périodes

d’absence du service149 ainsi qu’à la densité de textes existants en lien avec la thématique de la

laïcité. Ce sont deux difficultés auxquelles je serai à nouveau confrontée dès l’année prochaine : il

faudra que j’organise scrupuleusement mes périodes d’absences et l’exploitation d’une information

foisonnante.

Le travail réalisé cette année au sein de l’EPEI me sera certainement très utile dans l’exercice de

mes fonctions à partir du 1er septembre. Il s’inscrit dans une problématique plus large qui est celle

de la lutte contre la radicalisation et le terrorisme. Un plan d’action du premier ministre a été diffusé

145 Bertrand DUBREUIL, Le travail de directeur en établissement social et médico-social, 2ème édition, Dunod, Paris, 2013, p.15. 146 En atteste notamment l’intérêt des professionnels pour le sujet à chaque fois que des espaces de dialogue ont été ouverts. 147 Traduire au sens de donner du sens, « ne pas répercuter directement les pressions et les prescriptions mais intégrer les dimensions complexes de l’action et prendre en compte les difficultés de nos subordonnés dans la construction de nos propres prescriptions » en tant que manager : Desmarais Céline, Abord de Chatillon Emmanuel, Le rôle de traduction du manager. Entre allégeance et résistance, Revue française de gestion 6/2010 (n° 205), Edition Lavoisier, p. 71-88. 148 Ibid. 149 Je pense par exemple à l’envoi des questionnaires que j’ai dû réaliser depuis la Suède lors du stage européen, alors que je n’avais pas toutes les adresses mail des professionnels de l’EPEI.

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le 9 mai. Il met l’accent sur la nécessité de diversifier les dispositifs de prévention et de mobiliser

des volets « citoyenneté » dans les projets éducatifs pour développer l’esprit critique et la capacité

de jugement des jeunes. Prendre en charge la radicalisation est l’un des défis de la PJJ pour les

années à venir150. Mais selon moi, le travail relatif à la laïcité et à la citoyenneté est un préalable à

cette prise en charge. Si nous aidons les jeunes qui nous sont confiés à se sentir citoyens et s’ils

parviennent à trouver une place au sein de la société, alors nous contribuons à réduire le risque de

radicalisation. Le directeur doit guider les professionnels et leur permettre d’accomplir cette tâche.

150 « 44. Renforcer la PJJ de 185 effectifs supplémentaires pour la mise en œuvre de ses missions de prise en charge de la radicalisation », Dossier de presse du Plan d’action contre la radicalisation et le terrorisme (PART) du 9 mai 2016, Premier ministre, p.8.

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public de la PJJ - Circulaire n° FP/901 du 23 septembre 1967 relative aux autorisations d’absence pour fêtes

religieuses - Circulaire n° 5209/SG du 13 avril 2007 relative à la charte de laïcité dans les services

publics - Circulaire PJJ du 19 novembre 2012 relative à l’évaluation interne dans les établissements et

services du secteur public de la PJJ

� Littérature grise :

- Conseil Supérieur du Travail Social (CSTS), Ethique des pratiques sociales et déontologie des travailleurs sociaux, Rennes, Editions ENSP, 2001.

- Rapport sur l’enseignement du fait religieux dans l’Ecole laïque de Régis DEBRAY, remis au ministre de l’Education nationale, Jack LANG, en 2002.

- Rapport de la Commission de réflexion sur l’application du principe de laïcité dans la République : rapport au Président de la République, STASI Bernard, remis en décembre 2003, 78 pages.

- Recommandations de bonnes pratiques professionnelles : la conduite de l’évaluation interne dans les établissements et services visés à l’article L.312-1 du Code de l’Action sociale et des familles, ANESM, juillet 2009.

- « Guide Parents, familles et professionnels dans le cadre judiciaire », DPJJ, mars 2011. - Guide de l’évaluation interne des établissements et services de la PJJ élaboré par le bureau

des méthodes et de l’action éducative de la DPJJ, 2012. - Avis sur l’article premier du projet de loi relatif à la déontologie et aux droits et obligations

des fonctionnaires de l’Observatoire de la laïcité, 3 février 2015. - Rapport annuel de l’Observatoire de la laïcité 2014-2015, 30 juin 2015, 362 pages.

� Articles de presse :

- « A quelle laïcité se vouer en France ? » Stéphanie LE BARS, Le Monde, Culture et idées, 10 janvier 2014.

- « Amedy Coulibaly, de la délinquance au terrorisme ». Mathieu SUC, Le Monde, 10 janvier 2015.

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- « La laïcité, « une interprétation fallacieuse de la neutralité de l’Etat ». Delphine SAUBADER, L’Express, Société, 6 février 2015.

- « Financer le culte musulman par la viande halal ? » Florence BERGEAUD-BLACKLER, Anthropologue, chargée de recherches au CNRS, à l’Institut de recherches et d’études sur le monde arabe et musulman (Iremam) et auteure de l’ouvrage Le sens du halal, une norme dans un marché mondial (CNRS éditions, avril 2015), Libération, 3 mars 2015.

- « Les terroristes sont souvent des voyous ratés ». Mathilde SIRAUD, Le Figaro, 23 mars 2016.

- « Contre toute attente la tolérance a gagné du terrain en France en 2015 ». Maryline BAUMARD, au sujet du Rapport 2015 sur le racisme, l’antisémitisme et la xénophobie publié le 2 mai par la Commission nationale consultative des droits de l’homme (CNCDH), Le Monde, Société, 2 mai 2016.

� Sites Internet :

- Frédérique HARRY, Maître de conférences en Études nordiques à l’Université

Paris-Sorbonne, Vers une laïcité nordique ? P@ge Europe, La Documentation française © DILA, 21 mai 2013.

- La laïcité, un combat au quotidien, La Gazette santé social.fr, Pratiques professionnelles, 19 mai 2011.

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Index des sigles

CEF : Centre Educatif Fermé CJ : Contrôle Judiciaire CODIR : Collège de Direction CSE : Chef de Service Educatif (grade) DAA : Dispositif Accueil Accompagnement DIPC : Document Individuel de Prise en Charge DIRPJJ : Direction Interrégionale de la Protection Judiciaire de la Jeunesse DPJJ : Direction de la Protection Judiciaire de la Jeunesse DS : Directeur des services DT : Direction Territoriale DTPJJ : Direction Territoriale de la Protection Judiciaire de la Jeunesse ENPJJ : Ecole Nationale de la Protection Judiciaire de la Jeunesse EPEI : Etablissement de Placement Educatif et d’Insertion ESMS : Etablissements et Services Sociaux et Médico-Sociaux ETP : Emploi à Temps Plein FJT : Foyer Jeunes Travailleurs HD : Hébergement Diversifié JE : Juge des Enfants MEHD : Mission Educative d’Hébergement Diversifié MNVI : Mission Nationale de Veille et d’Information NDPJJ : Note de la Direction de la Protection Judiciaire de la Jeunesse OTT : Organisation du Temps de Travail PJJ : Protection Judiciaire de la Jeunesse PLAT : Plan de Lutte Anti Terroriste PTF : Pôles Territoriaux de Formation RUE : Responsable d’Unité Educative UEAJ : Unité Educative d’Activité de Jour UEHC : Unité Educative d’Hébergement Collectif

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Annexes

Annexe 1 : Courrier envoyé par la DIR le 27 mai 2015 p. 64

Annexe 2 : Compte-rendu de la « Réunion jeunes » du 15 décembre 2015 p. 67

Annexe 3 : Compte-rendu de la « Commission cuisine » p. 69

Annexe 4 : Compte-rendu de l’entretien avec le magistrat p. 73

Annexe 5 : Echéancier de l’évaluation interne 2015-2016 p. 77

Annexe 6 : Questionnaire envoyé aux DS par la DIR p. 78

Annexe 7 : Questionnaire adapté aux agents de l’EPEI p. 82

Annexe 8 : Ordre du jour de la réunion du groupe de travail sur la laïcité p. 85

Annexe 9 : Compte-rendu de la réunion d’évaluation interne « laïcité » p. 86

Annexe 10 : Plan de déclinaison des actions d’amélioration « laïcité » p. 92

Annexe 11 : Fiche information régime alimentaire p. 95

Annexe 12 : Note de service relative à la période du ramadan p. 96

Annexe 13 : Compte-rendu de la réunion sur la nouvelle OTT DAA p. 99

Annexe 14 : Fiche projet « Engagement citoyen » p. 102

Annexe 15.1 : Projet « Shalom Paix Salam » des éducatrices référentes p. 109

Annexe 15.2 : Fiche projet « Shalom Paix Salam » p. 113

Annexe 16 : Charte d’engagement famille d’accueil p. 114

Annexe 17 : Courrier d’autorisation parentale barbecue p. 115

Annexe 18 : Pré-projet d’un éducateur pour une instance laïcité p. 116

Annexe 19 : Un planning DAA avec « une action citoyenne » le mercredi p. 118

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Annexe 1

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Annexe 2

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Annexe 3

Entretien avec le cuisinier et la maîtresse de maison Le 05/01/2016

M. X, cuisinier depuis 2002 dans l’établissement, environ 45 ans ; Mme Y, maîtresse de maison à 50% à l’UEHC et aide cuisine à 50%, a pris ses fonctions le 1er octobre 2015, 33 ans.

Le projet d’établissement de l’EPEI énonce que des « Commissions cuisine » sont programmées

trimestriellement. Ces commissions ont trois objectifs inscrits dans le document de référence de

l’établissement : - anticiper l’élaboration des menus sur les trois à cinq semaines à venir et la programmation

de l’achat des denrées alimentaires selon les menus arrêtés et non l’inverse (pas d’élaboration des menus selon les courses réalisées sauf en cas de promotion exceptionnelle)

- d’équilibrer les menus et collations pour les usagers et les professionnels à la fois pour qu’ils mangent le plus sainement possible et pour que soient respectés aux mieux les croyances religieuses des usagers (respect des interdits alimentaires tout en proposant des repas équilibrés pour tous)

- de prendre en compte la spécificité des fiches de poste des personnels « non éducateurs » mais néanmoins « éduquant » dans une logique de management propre à l’exigence de leur fonction et pour permettre une meilleure articulation avec les autres membres de l’équipe (point sur l’organisation du pôle cuisine, anticipation des congés, organisation e la continuité du service, articulation avec les ateliers cuisine DAA, recueillir les demandes diverses de ces personnels, etc).

Ainsi, je profite de la « Commission cuisine » que je suis chargée d’animer en représentation de la

Direction le mardi 5 janvier 2016 pour aborder la question du contenu des repas à l’UEHC avec

les deux membres du personnel de cuisine.

L’objectif de cet entretien est double : - il s’agit d’une part de poser des questions aux personnels de cuisine –cuisinier et maîtresse

de maison- (particulièrement au cuisinier qui travaille à l’UEHC depuis 2002) pour connaître et mieux comprendre l’histoire de l’établissement ;

- d’autre part, je souhaite recueillir leur avis sur la ou les expérimentations que je pourrais envisager (en m’appuyant sur l’outil de l’évaluation interne) en matière de contenu et d’élaboration des repas au foyer. Avant d’élaborer le plan d’action de l’évaluation interne, je tiens à leur faire part des propositions émises par les éducateurs lors de la réunion du groupe de travail « laïcité » du mois de novembre afin de savoir ce qu’ils en pensent (puisqu’ils n’étaient pas présents) ; j’aimerais savoir s’ils ont des idées ou des propositions d’action(s) à me soumettre ; j’aimerais leur faire part de mes idées et enfin, j’aimerais exposer les objectifs de travail (lors de la réunion d’établissement du 12 janvier, un plan d’actions d’amélioration sera présenté et proposé à tout le personnel de l’EPEI, il comprendra une partie sur des changements pouvant être opérés en matière d’élaboration des menus).

Cet entretien a lieu en fin de « Commission cuisine ». Ces deux agents n’ayant pas pu participer,

partiellement ou en totalité, à la réunion de travail sur la prise en compte de la laïcité à l’EPEI du

mois de novembre, je rappelle brièvement le cadre légal et règlementaire de l’évaluation interne

ainsi que les raisons du choix de cette thématique.

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Ensuite, je leur explique que les objectifs de l’entretien.

Comment vos habitudes de travail peuvent-elles s’expliquer, comment se fait-il que la nourriture proposée aux jeunes soit exclusivement confessionnelle, c’est-à-dire halal ? Le cuisinier : « Quand je suis arrivé en 2002, il n’y avait pas de halal du tout. Petit à petit, on a été confronté aux revendications des éducs’ qui voulaient manger de la viande certifiée halal. Mon ancien collègue cuisinier et moi on a cédé pour des raisons pratiques car il y avait trop de prises de tête » La maîtresse de maison : « Après il nous arrive de cuisiner des repas sans viande pour éviter les problèmes (tartines de fromage, repas végétarien) du coup cela permet d’être en conformité avec les orientations nationales ces jours là... Pour des raisons de santé, c’est de toute façon mieux quand on ne mange pas de la viande à chaque repas » Cela provenait-il d’une demande des jeunes ou bien d’une demande des professionnels ? Le cuisinier : « Franchement, cela vient plus des professionnels… » « L’ancien directeur ne s’en occupait pas directement, il y avait un coordinateur avant la création du poste de responsable d’unité et c’est avec lui qu’on voyait » La maîtresse de maison : « Au fond les jeunes quand ils ont faim et que le plat leur fait envie, ils trouvent toujours un verset du Coran qui les autorise à manger....et ils mangent » Le cuisinier : « Les professionnels sont bien plus revendicatifs que les jeunes puisque certains ont déjà fait les poubelles à l’époque pour vérifier la certification halal, d’autres demandaient aux jeunes de vérifier auprès de nous si le repas était bien halal... » « Et actuellement, certains éducs’ ne mangent pas la viande halal qu’on cuisine car elle ne vient pas de Pro Inter (boucherie halal spécifique)... mais au moins ils ne nous font aucun reproche » Je leur rappelle que les demandes des jeunes doivent être entendues, prises en compte dans la

mesure du possible mais les agents n’ont pas à avoir de revendications. Ils peuvent manger ce

qu’ils veulent lorsqu’ils mangent chez eux à la maison, ils n’ont pas à avoir d’exigences sur leur

lieu de travail.

Que pensait l’ancienne direction de cette pratique et quelle était sa position ? Le cuisinier : « L’ancien directeur ne s’occupait pas directement de ces questions. Avant l’arrivée de la responsable d’unité, il y avait un coordinateur qui avait en gros les fonctions de RUE. C’est avec lui qu’on voyait ça. … Je ne suis pas certain que ça ait joué mais bon, ce coordinateur était issu de l’immigration maghrébine. Peut être que ça explique certaines choses » Comment les jeunes savent-ils que la nourriture est ou n’est pas halal ? Vous posent-ils la question ? Ou bien demandent-ils aux éducateurs ? Le cuisinier : « Comme c’est désormais tout le temps comme ça, c’est devenu coutumier donc ça se sait. Soit les jeunes se parlent entre eux, soit ils demandent aux éducs, soit ils nous

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demandent. Si on voit qu’un jeune ne touche pas à la viande on lui demande pourquoi pour savoir pour la suite quelles sont ses habitudes alimentaires » La maîtresse de maison : « Mais il faut savoir qu’en ce moment le groupe de jeunes a d’autres demandes, plusieurs d’entre eux sont indifférents au halal ou non halal et plus encore, au moins quatre des jeunes présents nous ont demandé récemment « une bonne choucroute » ou simplement du « porc ». C’est pour ça que c’est sans doute le bon moment pour expérimenter un autre fonctionnement » J’ai relevé que pour le repas de fin d’année mercredi soir 16 décembre, vous avez fait un repas avec de tout (du halal et du porc), qui en a décidé ainsi ? Le cuisinier : « Nous deux, librement. On a décidé ça et c’était vraiment bien » Nous relevons tous les trois que ça s’est en effet très bien déroulé la veille tant avec les jeunes

qu’avec les agents. Nous avions fait une raclette et il y avait de tout. Du porc (escalope, salami) et

de la viande halal. L’un des appareils de « pierrade » n’a été utilisé que pour le halal afin que

cette viande ne soit pas cuite avec le porc mais cela s’est fait naturellement, sans la moindre

difficulté.

Pourriez-vous changer ces habitudes là et ne plus cuisiner que de la viande halal lorsque vous faites de la viande ? D’un point de vue pratique et organisationnel ? Le cuisinier : « … Ce sera compliqué » La maîtresse de maison : « Franchement je suis heureuse si on entame cette réflexion car ça me choque beaucoup depuis mon arrivée ici. Je ne comprends pas cette pratique du tout halal. Cela entraîne des conflits entre les jeunes selon les confessions. Ceux qui ne mangent pas halal ou qui veulent du jambon dans leur sandwich - d’ailleurs souvent les jeunes me demandent quand est ce qu’on aura du jambon dans les sandwichs -, ceux-là sont montrés du doigt et sont critiqués par les autres jeunes » J’explique que justement les dernières orientations nationales visent à éviter ce genre de

situation et de contexte ou la stigmatisation est inversée. Cela n’est pas convenable. Il doit y avoir

de tout afin que les jeunes apprennent à accepter les différences d’idéologie, de philosophie, de

religion.

La maîtresse de maison me demande alors si elle a le droit de proposer du porc aux jeunes. Elle

me demande « si c’est légal ».

Je lui indique que c’est tout à fait légal et que simplement, pour ne pas priver les jeunes qui ne

mangent pas de porc, il faudrait qu’une alternative soit proposée (une autre viande, un repas

sans viande ou du poisson).

L’idée des éducateurs soulevée le 3 novembre est exposée et expliquée à A. et B.

S’ils ne sont pas farouchement opposés à une expérimentation, le principe « à la carte » leur

déplaît profondément. Outre des difficultés pratiques de mise en œuvre, l’option de permettre

aux jeunes de choisir systématiquement leur menu en amont ne les satisfait pas du tout. Ils

expliquent que les jeunes se croient déjà suffisamment « à l’hôtel » et qu’ils ne souhaitent pas

augmenter encore leur sentiment de toute puissance. Ils ajoutent qu’en plus « on n’a pas toujours

le choix dans la vie, il n’y a pas de raison qu’ils l’aient systématiquement au foyer ».

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L’idée de faire deux plats consistants au sens de proposer ponctuellement deux viandes (l’une

halal l’autre non, voire une viande cacher si un jeune placé demandait à bénéficié de cela) ne

semble pas leur déplaire. Toutefois, ils craignent une augmentation des dépenses et des pertes

(c’est-à-dire du gaspillage).

L’idée d’une alternance des types de repas (végétarien, halal, non halal, poisson, autres) recueille

davantage d’enthousiasme mais A. et B. craignent d’avoir de nombreux reproches de la part des

jeunes qui sont habitués au système actuel.

Je les invite à y réfléchir et je leur dis que je reviendrai vers eux après m’être concertée avec la

directrice. En effet, nous projetons de réfléchir ensemble à une proposition de changement

pouvant satisfaire le plus grand nombre au sein de l’équipe de l’UEHC. Nous proposerons une

expérimentation lors de la réunion d’établissement du 12 janvier.

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Annexe 4

Compte-rendu de l’entretien avec le Juge des enfants-coordinateur du 1er mars 2016

Dès le mois de novembre, j’ai sollicité un entretien avec deux des Juges des enfants des deux

ressorts du territoire. Pour l’une d’entre elles, le rendez-vous que nous avions fixé le 9 février a

été supprimé en raison d’un congé de maternité intervenu plus tôt que ce qui était projeté. En

revanche, après quelques relances, madame la Juge des enfants de la principale juridiction du

territoire a accepté de s’entretenir avec moi dans son cabinet. Ce magistrat est également le

coordinateur des cinq juges des enfants (JE) du Tribunal de Grande Instance.

Elle occupe ses fonctions dans ce ressort depuis huit ans. Avant cela, elle a déjà été Juge des

enfants en remplacement durant un an et demi puis quatre mois et elle a été Juge de

l’application des peines durant plusieurs années. C’est donc forte de son expérience dans ces

fonctions qu’il m’a semblé intéressant de recueillir son avis sur diverses questions en lien avec la

prise en compte de la laïcité dans un Etablissement de Placement Educatif et d’Insertion de la PJJ

auquel elle confie très souvent des jeunes sous main de justice.

Je rédige ce compte-rendu à l’aide d’une prise de notes réalisée durant l’entretien. Certaines

paroles sont retranscrites en totalité lorsque j’ai pu les prendre intégralement en notes et

qu’elles me paraissaient particulièrement intéressantes. Elles sont alors entre guillemets.

• S’agissant de l’accueil : Identifiez-vous clairement les différentes unités et missions de l’EPEI ? UEAJ / MEHD / UEHC ? Avez-vous déjà visité l’EPEI ? Désormais, forte de son expérience sur le territoire, elle pense clairement identifier les différents services et les différentes missions de la PJJ sur le territoire. Toutefois, elle m’explique qu’il est très difficile pour un juge des enfants de comprendre l’organisation et le fonctionnement de la PJJ lors de sa prise de poste. Non seulement il y a un grand nombre de sigles (comme dans tout le champ du travail social) mais encore, les éducateurs utilisent de nombreux termes et expressions qui sont propres à leur corps professionnel dans les rapports éducatifs (elle cite à titre d’exemple « le passage à l’acte », utilisé à de nombreuses reprises sans que le juge puisse toujours comprendre de quel acte il s’agit (acte délinquant, violent, tentative de suicide ?). On pourrait dire (de façon caricaturale très schématiquement) qu’il y a deux sortes d’éducateurs avec lesquels il peut être compliqué de travailler à la PJJ: il y a ceux qui pensent que les magistrats ne comprennent rien et sont très loin de la réalité de leur travail quotidien et il y a ceux qui au contraire pensent que les magistrats savent tout (de la psychologie de l’enfant et de l’adolescent à la sociologie par exemple). Or, elle me rappelle que leur formation est avant tout juridique. Le juge des enfants, s’il peut suivre des formations et découvrir bien sûr des ouvrages par lui-même, ne bénéficie pas ab initio d’une formation spécifique aux fonctions de JE. Comme elle travaille beaucoup avec l’EPEI, elle identifie bien les trois missions de celui-ci. Elle se rend régulièrement à l’UEHC (particulièrement pour la rencontre partenariale organisée généralement au mois de juin autour d’un barbecue).

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- Êtes-vous satisfaite de la communication EPEI – magistrat ? Ce magistrat est très satisfait de la communication avec l’EPEI qu’il s’agisse des rapports qu’elle entretient avec la responsable d’unité ou avec la directrice. Elle m’explique que les relations professionnelles étaient totalement différentes avec l’ancien directeur qui, selon elle, n’incarnait pas « le rôle de directeur ». Depuis l’arrivée de la directrice actuelle en 2013, la collaboration est efficiente. - Quelles sont vos représentations d’un accueil à l’EPEI ? C’est une question qu’elle ne s’était jamais posée. Elle y réfléchit un instant puis me répond : « J’imagine qu’il y a un premier entretien d’accueil dans l’unité assuré par un membre de l’équipe éducative -si l’heure est tardive par exemple- ou bien par l’un des cadres. Je pense qu’un entretien institutionnel doit systématiquement être organisé (au moins le lendemain de l’arrivée du jeune lorsque ce n’est pas possible tout de suite) au sens où l’un des cadres doit recevoir le jeune pour : expliquer le cadre judiciaire, les règles de fonctionnement de l’établissement, remettre des documents, expliquer le travail qui sera fait avec la famille…». Je dois admettre que ces représentations correspondent parfaitement à la réalité. De votre place de magistrat prescripteur, qu’attendriez-vous de cette phase d’accueil d’un jeune dont vous demandez le placement UEHC ou MEHD ? La réponse à cette question rejoint ce qui a été dit précédemment puisque finalement, les attentes de la JE correspondent à ses représentations. Ce qui lui paraît essentiel, c’est que la responsable d’unité ou la directrice du service expose le cadre judiciaire dans lequel le jeune est placé de manière claire et compréhensible pour le jeune et pour sa famille lorsqu’elle est présente. - Dans la NDPJJ du 4 mai 2015 relative aux lignes directrices du règlement de fonctionnement, l’administration centrale de la PJJ demande aux établissements d’interroger les parents sur les pratiques religieuses ou l’absence de pratique religieuse de leur enfant lors de l’entretien d’accueil. L’établissement doit respecter les pratiques / rites alimentaires lorsque la demande est expressément formulée par le jeune et par ses représentants légaux. Qu’en pensez-vous ? Parfois, la communication est très difficile avec les parents : selon vous, que devrions nous faire lorsque les parents et le jeune n’expriment pas la même demande ? Devrions-nous faire droit aux demandes de l’adolescent en construction ou bien respecter la demande des parents ? Selon elle, la question de la laïcité est « mal posée » aujourd’hui dans la société. Elle est devenue « rigide ». La société tend à « éradiquer les signes religieux de la sphère publique », ce qui est certainement une « erreur fondamentale ». « Il faudrait d’une part une grande tolérance pour la liberté de religion (et donc pour la liberté de manifester ses croyances) et d’autre part une intransigeance s’agissant des expressions religieuses radicales, extrêmes ». Nous devons « favoriser l’épanouissement du jeune dans le cadre de sa construction et être attentif à sa volonté de quitter son milieu naturel, les jeunes en général et ceux que nous plaçons en particulier, sont très souvent en rupture avec la famille », « je pense que nous devons laisser la liberté de choisir au jeune afin qu’il apprenne à penser et qu’il puisse devenir un adulte puisque c’est cela l’objectif du travail éducatif ».

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Elle me donne ensuite un exemple très concret d’une situation professionnelle dans laquelle elle s’est retrouvée il y a quelques temps : dans le cadre du suivi judiciaire d’une petite fille de 5 ans qui était placée en famille d’accueil et dont les parents ne se manifestaient plus. Un jour, le père a passé un coup de téléphone et a exigé que sa fille ne mange pas de porc dans ses différents lieux de placement (familles, foyers). Cette consigne a été inscrite dans le dossier de la jeune fille. Une réflexion sur une adoption simple était en cours. Les parents n’avaient aucun droit de visite. Un jour lors d’une audience, la fillette demande à poser une question à madame la juge : « il paraît que je n’ai pas le droit de manger de porc pourtant j’aime beaucoup la tarte flambée ». A ce moment là, le magistrat a décidé d’expliquer le contexte à cette jeune fille qui comprenait très bien ce que les adultes lui expliquaient : elle lui a expliqué ce qu’était l’autorité parentale et ce que cela impliquait pour les enfants, elle a expliqué à cette jeune fille que son papa était musulman et qu’il souhaitait qu’elle ne mange pas de porc par convictions, néanmoins, elle a expliqué considérer que dès lors que les parents sont absents et ne s’investissent pas dans le suivi éducatif de leur enfant, alors l’enfant peut librement choisir de manger ce qu’il veut, y compris de la tarte flambée ». A fortiori, il paraît très difficile de refuser à un adolescent de choisir librement de pratiquer un culte ou de ne pas le pratiquer au motif que les parents n’exprimeraient pas le même souhait et qu’ils sont détenteurs de l’autorité parentale. Au même titre que l’école vise à permettre aux jeunes d’apprendre à penser par eux-mêmes, selon la JE interrogée, un établissement de la PJJ doit permettre cela également. « Un jeune doit pouvoir être entendu, nous –les adultes et particulièrement les éducateurs- devons l’aider à trouver sa place dans la société. Dès lors qu’il respect les règles sociales et les libertés d’autrui, il doit pouvoir s’exprimer et formuler des demandes auxquelles nous devons faire droit. » • S’agissant de la laïcité : - Quelles sont vos représentations de la prise en compte de la laïcité dans un établissement du secteur public accueillant des mineurs (ou des jeunes majeurs) ? « Je me souviens d’une action qui avait été menée par l’éducatrice X il y a un peu plus d’un an, je trouve que c’était un superbe projet ». Madame le juge fait référence au projet « Shalom, Paix, Salam » piloté par l’EPEI quelques temps auparavant. Elle m’indique donc connaître certaines actions menées par la PJJ toutefois, elle se demande comment s’organisent l’UEHC et l’UEAJ pour la prise des repas avec les jeunes. Je prends le temps de lui expliquer le fonctionnement de l’EPEI, les changements récents intervenus en la matière et je lui expose les dernières directives nationales qui nous ont été adressées. Madame le juge semble satisfaite des réflexions en cours à l’EPEI. - Selon vous, en tant qu’agent public, est ce contraire à l’obligation de neutralité de dire aux jeunes de quelle confession nous sommes ? De pratiquer un rite devant les jeunes ou que celui-ci soit perceptible (ramadan, ne manger que de la nourriture confessionnelle) ? « Je ne me serais jamais posée cette question il y a vingt ans. Mais elle doit être posée aujourd’hui. Avant tout aussi, je pense que la réponse varie selon les fonctions occupées. Pour un éducateur, j’ai envie de répondre que non, dire aux jeunes de quelle confession nous sommes ne porte pas atteinte au principe de neutralité du service public. Au contraire, en tant que magistrat, je ne me permettrais pas de dire à un jeune de quelle confession je suis. Un éducateur travaille nécessairement avec ce qu’il est, il doit être dans la vérité et donner à

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voir aux jeunes ce qu’il est. Les éducateurs doivent donner l’exemple aux jeunes, ils doivent leur montrer qu’on peut croire en différentes divinités et qu’on peut tolérer les opinions divergentes. Il me semble que les éducateurs doivent aider les jeunes à trouver leur place dans la société. » - Quelles sont vos attentes en matière de respect de la laïcité à l’égard d’un EPEI auquel vous confiez un jeune ? « Aujourd’hui, la religion est devenue un sujet tabou alors qu’elle devrait être évoquée comme tout sujet de société. Pour prévenir la radicalisation, il n’y a pas de meilleur moyen que d’évoquer le fait religieux. Ce que j’aimerais c’est que l’on donne les moyens aux jeunes de comprendre et de connaître leur société. » - A l’UEAJ et à l’UEHC les différentes équipes éducatives tentent activement de relancer un travail éducatif avec les jeunes sur les questions de citoyenneté et de laïcité. Y a t-il des actions éducatives spécifiques que vous souhaiteriez voir mises en œuvre à l’EPEI ? J’expose les idées qui ont été émises par les professionnels de l’EPEI (visite du Parlement européen, visite de musées, visite d’ancien camp de concentration, etc). « Tout cela me paraît très bien. Il faut enseigner la tolérance comme le ferait l’école si ces jeunes n’étaient pas déscolarisés. » - L’équipe de direction de l’EPEI a émis l’idée d’organiser un barbecue « interculturel » au mois de juin : il s’agirait d’inviter des représentants de différentes confessions (catholique, protestante, israélite, musulmane, bouddhiste) ainsi qu’une personne « sans confession » (un intellectuel philosophe peut-être), tous les professionnels de l’établissement et les jeunes pris en charge dans chacune des unités. Nous souhaiterions que chacun des représentants présents puissent dire un petit mot d’histoire sur leur confession et surtout, l’idée est de faire passer un message de tolérance justement. Que pensez-vous de ce projet ? Madame la juge exprime une grande satisfaction à l’égard de ce projet : « C’est de nature à faire naître la réflexion des jeunes. C’est la différence qui effraie, on se fait peur car on ne se connaît pas. Au contraire la connaissance rassure. Nos jeunes ont l’impression de ne pas faire partie de la société. Ce que j’aimerais profondément, c’est qu’ils comprennent qu’ils en font pleinement partie et que la justice est aussi leur justice. »

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Annexe 5 Echéancier de l’évaluation interne 2015-2016

• Questionnaires à retourner le 2 novembre 2015

• Réunion du groupe de travail sur « L’accueil des mineurs et de leurs familles » le 2

novembre 2015 à 14 heures à l’UEAJ

• Réunion du groupe de travail sur « La prise en compte de la laïcité » le 19 novembre à 14 heures à l’UEHC

• Réunion jeunes à organiser avant le 17 décembre 2015

• Compte-rendu de l’état des lieux participatif de l’évaluation interne lors de la réunion

d’établissement du 17 décembre 2015 à l’UEHC

• Demande de rencontre des magistrats en début d’année 2016

• Envoi des résultats de l’évaluation interne à la DIR au plus tard le 15 janvier 2016

• Présentation du plan d’actions d’amélioration lors de la réunion d’établissement de début d’année le 12 janvier 2016 à l’UEHC

• Point-bilan sur les actions menées depuis janvier lors de la réunion d’établissement de juin

(date à déterminer) Annexe 6

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Annexe 7

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Annexe 8

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Annexe 9

Compte-rendu des échanges du groupe de travail sur la prise en compte de la laïcité à l’EPEI

Réunion du mardi 19 novembre 2015

Dans le cadre de l’évaluation interne 2015/2016 de l’Établissement de Placement Éducatif et d’Insertion, la première réunion de travail se déroule à l’UEHC le 19 novembre à 9 heures 30 en présence des professionnels suivants : Pour des raisons d’organisation de service, la MEHD n’est pas représentée. La réunion est animée par Louise PIMMEL, Directrice stagiaire à l’EPEI. Il est brièvement rappelé que la démarche d’évaluation interne nous est imposée par la loi du 2 janvier 2002 rénovant l’action sociale et médico-sociale et par la Circulaire PJJ du 19 novembre 2012 relative à l’évaluation interne dans les établissements et services du secteur public de la PJJ. Cette réunion s’appuie sur les grands axes du questionnaire évaluatif qui a été envoyé aux professionnels :

- La laïcité dans l’institution - La laïcité dans les pratiques professionnelles - L’obligation de neutralité des agents

I. La laïcité dans l’institution

Si les documents relatifs au principe de laïcité sont généralement identifiés par les professionnels, ils n’ont pas tous été lus. L’équipe est favorable à recevoir une synthèse de la note du 25 février 2015 que Louise a proposé. L’EPEI n’a pas bénéficié d’apports d’experts ni de représentants des religions sur la question de la laïcité. Seuls deux des professionnels présents ont déjà pu participer à la formation Radicalisation organisée par le PTF de Nancy. Ils expriment un peu de déception à l’égard du contenu de cette formation :

- elle est centrée sur la religion de l’islam, ce qui contribue à la stigmatiser d’avantage ; - de nombreux détails sur l’islam sont abordés mais risquent de ne pas être très utiles

dans les prises en charge éducatives ; - il aurait été bon d’aborder plusieurs religions (au moins les trois grandes religions

monothéistes) pour avoir des éléments de connaissance dans plusieurs domaines ; - malheureusement, les professionnels n’ont pas trouvé de réponses ou d’outils leur

permettant d’agir contre la radicalisation : Comment agir face à un tel phénomène ? Que dire à un jeune que l’on soupçonne de se radicaliser ? Comment détecter la radicalisation ? Comment la traiter ? ;

- peut être manque d’information sur les phénomènes sectaires.

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Néanmoins, ils ont apprécié l’intervention de M. E. sur la manipulation par les images. C’est dommage que cette intervention ne soit intervenue qu’à la fin de la session de formation (attention moins accrue en fin de semaine et manque de temps pour poser plus de questions). Les professionnels expriment des besoins : ils sont démunis face aux problèmes de radicalisation quelle qu’en soit la nature. L’UEHC a connu cette année le cas d’un jeune souhaitant partir en Syrie. Actuellement, l’un des jeunes pris en charge à l’UEHC a été placé suite à des faits de profanation de cimetière juif. Il ne s’agit donc pas d’un islam radical mais d’une radicalisation antisémite cette fois-ci. Des difficultés sont éprouvées dans le suivi de ce jeune, notamment par une éducatrice maghrébine. Récemment, ce mineur a rencontré l’un de ses amis en présence d’un éducateur de l’Unité. Il se trouve que cette personne affirmait être un « skinhead » et clamait son attachement à l’histoire du IIIème Reich. Ce jeune s’est présenté comme étant « odiniste » (doctrine nordique ancienne à laquelle on pourrait attribuer des valeurs d’extrême droite et des croyances racistes). Il est tout à fait possible qu’un jour, les éducateurs soient confrontés à ce profil de jeunes. Cela démontre bien qu’il existe d’autres formes de radicalisation visibles chez les adolescents et non pas seulement l’islam radical dont on parle tant sur la scène médiatique et politique. Toutes ces formes de radicalisation préoccupent les professionnels de l’EPEI. Néanmoins, il faut relativiser cette radicalisation dont on parle actuellement : à la PJJ le nombre de jeunes dont la radicalisation est avérée est très réduit. Malgré cela, la formation radicalisation est imposée à tous les professionnels qui doivent y participer dans les trois années qui viennent. Or, la formation est décalée par rapport à la problématique réelle. Les professionnels ont des idées : faire intervenir auprès des jeunes une personne qui aurait connu un endoctrinement dans une secte puis qui s’en serait défait ; faire intervenir des militaires ayant combattu avec les armes au Moyen-Orient ; faire intervenir une ethnopsychiatre ou une pédopsychiatre auprès des professionnels. Leurs attentes vis-à-vis de cette formation étaient de découvrir des outils pour comprendre et détecter comment les jeunes peuvent se radicaliser. Les outils de la loi de 2002 abordent-ils le principe de laïcité ? Le livret d’accueil ne fait aucune référence au principe de laïcité ni à l’UEAJ ni à l’UEHC. Le Règlement de fonctionnement n’en fait pas non plus état. Dans le projet d’établissement, la liberté religieuse des mineurs est abordée dans la partie relative à la Commission cuisine. Les professionnels s’accordent sur le fait qu’il serait bon d’aborder cette question de façon plus précise dans ces documents (ou au moins dans l’un de ces documents) de manière relativement simple (c’est-à-dire accessible pour les jeunes et leurs familles ou bien de façon à pouvoir le leur expliciter de vive voix lors de l’entretien d’accueil par exemple). Il est difficile de se mettre d’accord sur une définition de la laïcité mais nous nous accordons néanmoins sur le fait que le principe de laïcité doit permettre le vivre-ensemble.

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II. La laïcité dans les pratiques professionnelles Globalement, les professionnels se sentent libres d’aborder les questions de religion avec les jeunes (sans influencer, sans juger). Le seul obstacle à ces échanges avec les jeunes est le manque de connaissance de certaines cultures et de certaines religions. L’absence de référence expresse à la laïcité dans les documents issus de la loi de 2002 n’entrave pas le respect de la liberté de conscience des mineurs pris en charge :

• A l’UEHC : - leur chambre est un espace d’intimité dans lequel ils peuvent pratiquer leur culte et

détenir des objets cultuels (Bible, Coran, tapis de prière etc) ; - durant la période de ramadan, des plateaux repas ont été proposés aux jeunes qui

exprimaient le souhait de jeûner. Ce système de plateaux repas devrait être reconduit car cela fonctionne bien (plus d’allées et venues la nuit entre les chambres et le réfectoire). Si des pertes alimentaires ont pu être engendrées selon l’engagement ou le désengagement des jeunes dans ce rite, leur droit de pratiquer une religion a été pleinement respecté sans que cela entrave le bon fonctionnement du service : chaque année la Directrice diffuse une Note de service qui encadre cette pratique (« Organisation du service au vu du respect du ramadan à l’UEHC de Strasbourg »). Cette Note vise à permettre le respect des dispositions de la charte de la laïcité du 13 avril 2007 et de celles de la loi du 2 janvier 2002. Ce système de plateaux repas est tout à fait conforme aux lignes directrices relatives à l’élaboration du règlement de fonctionnement ;

- en raison du grand nombre de jeunes accueillis à l’UEHC formulant la demande de pouvoir manger de la nourriture halal et pour des raisons pratiques, les repas contenant de la viande au foyer sont exclusivement halal. Si cette pratique respecte la liberté de conscience de la plupart des jeunes et si à ce jour elle n’a pas fait l’objet de vives oppositions, elle pourrait contrevenir à la liberté de conscience d’autres jeunes ne souhaitant pas manger de nourriture confessionnelle, qu’elle qu’en soit la raison. La distribution de repas exclusivement halal pourrait aboutir à « inverser la stigmatisation ». De la même manière, l’absence totale de viande de porc dans les menus ne satisfait pas systématiquement tous les jeunes. Actuellement par exemple, Sébastien serait heureux, semble t-il, de pouvoir en manger.

• A l’UEAJ :

- la liberté de conscience des jeunes est respectée dans la limite du respect des autres et de

la prohibition du prosélytisme ; - le repas est pris trois fois par semaine à l’UEAJ mais cela ne pose aucune difficulté : il est

très vite demandé aux jeunes inscris à l’UEAJ quelles sont leurs habitudes alimentaires afin de s’y adapter au mieux (possibilité de demander à manger de la nourriture confessionnelle, aménagement des activités, possibilité de bénéficier de temps de pause et de conditions de travail compatibles avec une période de jeûne, par exemple privilégier le travail à l’ombre en été). Lors de l’accueil, les pratiques alimentaires sont demandées aux parents.

La question de la prise des repas renvoie à une autre question : jusqu’où faut-il tenter d’associer les parents dans la prise en charge du jeune ? Selon les lignes directrices relatives à l’élaboration du règlement de fonctionnement des

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établissements collectifs de placement judiciaire du secteur public et du secteur associatif habilité (NDPJJ 4 mai 2015), « les pratiques culturelles et cultuelles en matière d’alimentation

doivent impérativement être évoquées avec les détenteurs de l’autorité parentale et le mineur au

début de sa prise en charge, notamment lors de l’entretien d’accueil, et aussi fréquemment que

nécessaire notamment lors de nouvelles demandes formulées par le mineur dans ce domaine ». A ce jour, aucune information n’est demandée aux parents s’agissant de la pratique d’une religion. L’idée de les associer au choix du jeune de pratiquer ou de ne pas pratiquer de religion au cours du placement (au sens des rites, des habitudes alimentaires, des visites de lieux de culte) paraît bonne en théorie, mais les professionnels s’interrogent sur la faisabilité du respect de ce choix : que faire si le mineur n’est pas en accord avec ses parents ? L’adolescence est une période de construction et il n’est pas surprenant ni anormal qu’un jeune veuille prendre le contre pied de ses parents : le cas échéant, devons-nous l’en empêcher ? C’est pourquoi, l’idée soulevée et semblant faire l’unanimité auprès des professionnels présents seraient de systématiquement proposer deux plats à chaque repas à l’UEHC. Pour éviter les pertes, l’idée serait de proposer en amont les deux plats aux jeunes afin qu’ils indiquent par avance quel est le plat qu’ils souhaiteraient manger (semaine par semaine par exemple, exception faite des jours « poisson » où un seul plat pourrait être imposé le vendredi ou un autre jour de la semaine). Les professionnels sont conscients des difficultés pratiques et du changement important que cela générerait pour les cuisiniers, cependant cette possibilité semble être la plus en conformité avec le principe de laïcité. Nous relevons que le fonctionnement actuel n’est conforme ni à la NDPJJ du 25 février 2015 relative à la mise en œuvre d’un plan d’action de la DPJJ en matière de respect du principe de laïcité et des pratiques religieuses des mineurs pris en charge dans les établissements et services du secteur public et du SAH et du principe de neutralité par les agents prenant en charge ces mineurs (« il ne peut être admis s’agissant de la nourriture confessionnelle qu’elle

soit proposée comme plat exclusif » p5), ni aux lignes directrices relatives à l’élaboration du règlement de fonctionnement du 4 mai 2015 (« en aucun cas il ne peut être délivré des plats

contenant de la nourriture confessionnelle de façon systématique à l’ensemble des mineurs pris

en charge » p.22). La proposition d’une alternance des repas hallal / non hallal / porc / poisson / voire repas végétariens a suscité quelques réticences : « si la laïcité c’est le respect de toutes les croyances, l’absence de possibilité de manger hallal lors d’un repas contrevient à ce principe ». Selon les lignes directrices de la DPJJ et l’avis du CGLPL du 24 mars 2011, lorsque la demande de pouvoir bénéficier de nourriture confessionnelle est expressément formulée par le mineur et les titulaires de l’autorité parentale, l’établissement « peut faire droit à cette demande » (selon la DPJJ) ; « la fourniture de viandes ou d’autres aliments préparés selon les rites

approuvés par les autorités religieuses compétentes doit être recherchée et mise en œuvre » selon le CGLPL (p.3).

En outre, lorsque la composition du groupe de jeunes accueillis à l’UEHC est majoritairement musulmane, le risque de perte alimentaire lors des repas non hallal est élevé. Ainsi, la question de la prise des repas semble devoir être travaillée à nouveau et les personnes présentes s’accordent pour dire que le fonctionnement actuel doit être modifié. Il n’a pas été possible de recueillir l’avis de monsieur ……, cuisinier, sur la question car ce

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dernier a dû quitter la réunion en milieu de matinée. Nous notons que les ateliers cuisine permettent de découvrir des plats qui ne sont pas proposés au moment des repas quotidiens. Lors de la réunion de rentrée le 15 septembre, la Direction a annoncé l’actualisation très prochaine des règlements de fonctionnement au regard des impératifs de la note du 4 mai. Ce travail d’actualisation est prévu par la Directrice et sera effectivement mis en marche à l’issue des travaux des deux groupes de travail de l’évaluation interne (volontairement attendus à cet effet).

III. La neutralité des agents Les agents expriment une grande satisfaction à l’égard de l’organisation du temps de travail lors des périodes de fêtes religieuses tant à l’UEAJ qu’à l’UEHC. Les professionnels semblent faire preuve de complémentarité et de solidarité sur ce point, de la même manière que lorsqu’il s’agit de permettre aux collègues parents de prendre des congés durant les vacances scolaires. Les responsables d‘unités tentent au mieux de répartir équitablement les congés et de faire droit aux ASA pour les fêtes religieuses. Durant les périodes de jeûne, l’UEAJ aménage les activités tant pour les professionnels que pour les jeunes. Les professionnels n’évoquent pas de difficultés particulières d’organisation concernant ces périodes. Au moment des fêtes religieuses, les jeunes et/ou les équipes éducatives sont à l’initiative de moments de partage qui favorisent l’apprentissage du vivre ensemble (soirées à thème ou sorties pour tous les jeunes avec ou sans confession). Les agents ont-ils des attentes particulières concernant le référent laïcité citoyenneté de la Direction territoriale ? Globalement, les professionnels souhaiteraient que la référente laïcité citoyenneté soit force de propositions pour venir en soutien au cours des prises en charge notamment lorsqu’ils sont confrontés à des jeunes tenant des propos « extrêmes » (comment réagir?). Des projets ont d’ores et déjà été envoyés à madame …………. par l’UEAJ et par l’UEHC (Projet devoir de mémoire, intervention d’un graffeur et d’une conteuse, camp pour le Nouvel an sur le thème de la laïcité et du respect d’autrui). Les agents regrettent simplement d’avoir dû monter ces projets dans l’urgence à l’annonce de l’existence d’un budget « radicalisation ». Ils souhaiteraient que la référente laïcité les informe de toutes les actions / idées pertinentes expérimentées dans les autres DT. Il serait particulièrement intéressant d’identifier des personnes ressources dans différentes cultures méconnues voire totalement inconnues des professionnels pour intervenir ponctuellement à l’EPEI lorsque les prises en charge le requièrent (par exemple un jeune sénégalais est actuellement pris en charge à l’UEHC, ce serait intéressant pour les agents d’en apprendre davantage sur la culture sénégalaise). Ainsi, selon le profil des jeunes accueillis, il pourrait être intéressant que la référente laïcité citoyenneté puisse mettre les équipes

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éducatives en lien avec des experts ou des personnes à même de les éclairer et de les aider à comprendre le fonctionnement du jeune et/ou de sa famille. Il serait pertinent de prendre lien avec des aumôniers de différentes religions qui seraient d’accord d’intervenir auprès des jeunes ou de les rencontrer (sur le modèle de l’Administration pénitentiaire). La question d’un travail approfondi sur la citoyenneté avec les jeunes dans toutes les unités est évoquée à de nombreuses reprises. Il apparaît essentiel pour les professionnels de revenir à cette question de la citoyenneté par divers moyens : par exemple par le biais d’une visite du Parlement européen (au premier contact avec cette institution il a été opposé aux éducateurs que le groupe pour une visite devait être d’au moins 20 personnes, ce qui n’est pas possible pour l’EPEI, la référente laïcité citoyenneté pourrait-elle intervenir et solliciter la collaboration de cette institution?). L’idée de permettre aux jeunes de voir le spectacle « A nos morts » de L’Affiche Rouge a été émise. La référente laïcité citoyenneté pourrait éventuellement nous mettre en lien avec la compagnie afin d’obtenir des places à un prix raisonnable ? (de prime abord prix assez élevé, une vingtaine d’euros la place). La responsable d’unité rappelle aux éducateurs la possibilité de passer par l’association « Tôt ou t’Art » pour permettre aux jeunes de participer à des activités culturelles. Conclusion : • Points forts :

- Globalement, la liberté religieuse des mineurs pris en charge à l’EPEI est respectée - Les fêtes religieuses sont des moments de partage favorisant le vivre ensemble et

l’apprentissage d’autres cultures - L’organisation du temps de travail ne pose aucune difficulté à l’EPEI - La prise des repas à l’UEAJ ne pose aucune difficulté - Les ateliers cuisines de l’UEHC permettent de découvrir la diversité gastronomique

• Points faibles :

- Il n’a jamais été proposé à un jeune de rencontrer un aumônier (à noter qu’une telle rencontre n’est possible qu’à l’extérieur de l’établissement et que l’accord des parents est requis selon la NDPJJ du 4 mai 2015)

- Des manques au niveau de la formation proposée par le PTF - Les repas à l’UEHC sont exclusivement composés de nourriture confessionnelle et absence

totale de viande de porc - Nécessité de travailler à nouveau la citoyenneté avec les jeunes (par exemple les jeunes bien

souvent ne savent pas ce qu’est le recensement), la place de la femme, les différentes coutumes qui existent dans le monde, l’histoire de l’immigration en France, l’histoire de leur ville, de leur région, etc.

Louise PIMMEL Directrice stagiaire EPEI.

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Annexe 10

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Annexe 11

DIRECTION DE LA PROTECTION JUDICIAIRE DE LA JEUNESSE DIRECTION INTER REGIONALE DE LA PROTECTION JUDICIAIRE DE LA JEUNESSE DIRECTION TERRITORIALE DE LA PROTECTION JUDICIAIRE DE LA JEUNESSE Établissement de Placement Éducatif et d’Insertion de

Fiche information régime alimentaire

Nom et prénom du jeune : ….............................................................. Régime alimentaire particulier demandé : □ oui □ non Si oui, lequel ?

□ Sans viande

□ Sans porc

□ Sans sel

□ Sans gras

□ Végétarien Allergie, intolérance ou pathologie spécifique : □ Lait

□ Œuf

□ Gluten

□ Diabétique Autres : Concernant l’alimentation, votre enfant a t-il des pratiques religieuses particulières ? …............................................................................................................................................................................................................................................................................................................................................................................................................................................ Fait à le …................................

Signature des représentants légaux :

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Annexe 12

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Annexe 13

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Annexe 14

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Annexe 15.1

Projet Culturel : Shalom Paix Salam

« La tolérance est une vertu qui rend la paix possible » EPEI de

Référents projet : ► Mme X, éducatrice PJJ ► Mme Y, éducatrice PJJ Nature : Visite de l'institut du monde Arabe / Visite du musée d'art et d'histoire du Judaïsme Lieu : Paris En tant qu'éducateurs à la protection judiciaire de la jeunesse, nous sommes souvent confrontés à des questions de culture et de religion. Ces questionnements reviennent de façon récurrente et nous pouvons nous apercevoir que pour des adolescents qui ont, pour beaucoup, quitté le système scolaire depuis longtemps, les questions d'histoire et de religion restent en suspens au profit de représentations pas toujours fondés et qui peuvent s’avérer, pour certains, dangereuses. Préjugés, intolérance et amalgames ont vite fait de « recouvrir » des questions essentielles portant sur la laïcité, et le vivre ensemble. La France est un pays laïc ou la liberté de culte existe et doit être préservée. Partant de ces points essentiels, nous nous sommes interrogés sur le comment éduquer, expliquer et faire voir à nos jeunes que tant de richesse et de diversité sont des éléments qui permettent une réflexion au-delà de l'appartenance religieuse. Nous entendons souvent des « a priori » qui nécessitent d'être repris et surtout travaillés.... C'est pourquoi ce projet que nous intitulons « Shalom Paix Salam » a vu le jour en 2014. En effet, le but étant d'expliquer à nos jeunes qu'être juif, chrétien, musulman ne se cantonne pas qu'à une appartenance religieuse mais que l'humain demeure en tant que tel et avant toute chose. Partir visiter des lieux comme l'institut du monde arabe et le musée d'art d'histoire du Judaïsme à Paris nous a permis d’évoquer avec eux des pans historiques mais aussi culturels. Cette dimension nous semble importante au vu du contexte actuel, dans une démarche de paix et d'enseignement. Au vu des récents événements sur l'année 2015, les attentats ayant touchés Charlie HEBDO en Janvier et Paris le 13 novembre, il nous semble primordial de reconduire un tel projet. Plus que jamais ces questions et les positionnements qui en découlent prennent de la place dans nos pratiques. En tant qu'éducateurs mais aussi en tant que citoyens français, nous nous devons de sensibiliser les adolescents dont avons la charge afin qu'il puisse profiter d'une vue d'ensemble sur les questions historiques mais aussi sur l'importance du vivre ensemble aujourd'hui, en France.

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1) Concepts généraux et visée éducative : La religion peut être comprise comme une manière de vivre et une recherche de réponses aux questions les plus profondes de l’humanité, cependant elle peut aussi être vue comme ce qu’il y a de plus contraire à la raison et jugée synonyme de superstition. Elle peut être personnelle ou communautaire, privée ou publique. Elle peut aussi se reconnaître dans la définition et la pratique d’un culte, d’un enseignement, d’exercices spirituels et de comportements en société.

La question est de savoir ce qu'est la religion ou plutôt ce que sont les religions, apparentées bien entendu à la culture qui les accompagne.

Parler de religion prend tout son sens avec la notion de tolérance.

La tolérance religieuse doit, à notre sens, être une attitude adaptée devant des confessions de foi différentes ainsi qu'envers les athées, agnostiques, non croyant etc.

Or nous remarquons, dans bien des domaines que ce n'est malheureusement pas toujours le cas. En effet, l’intolérance est souvent de mise lorsqu'il s'agit de respecter certaines différences.

Pour la « supprimer » ou du moins réussir à l'expliquer il est nécessaire de revenir sur ce qui est causé par la différence elle-même ou la méconnaissance de celle-ci.

C'est en partant de cette approche, qu'éducativement parlant il nous semble important voire capital de pouvoir mener une action auprès de notre public. Offrir à nos jeunes la possibilité de découvrir deux cultures par le biais de musées et travailler l'ouverture d'esprit nous tient à cœur en tant que professionnels.

Cette action se déroulera en deux temps avec l'appui et le soutient de l'association Shalom, Paix, Salam à Paris, avec laquelle nous avons déjà pu travailler en 2014.

2) Le projet :

La ville de Paris offre deux visites importantes et enrichissantes :

L'institut du monde Arabe et le musée d'art et d'histoire du Judaïsme.

Nous rendre sur place, nous permettra d’apprécier les musées et de pouvoir discuter sur des choses concrètes et réelles.

Nous pourrions ainsi découvrir les ressemblances entre le judaïsme et l'islam ainsi que les différences.

Les membres de l'association Shalom paix Salam sont prêts à nous accompagner dans ces visites afin d'expliquer à nos jeunes l'importance d'une telle alliance et leur montrer les travail entrepris pour promouvoir la paix entre religions en France.

Nous pourrions également bénéficier d'échanges intergénérationnels avec ces personnes.

De plus, nous souhaitons pouvoir organiser avec eux deux repas. L'un avec des spécialités Arabes et l'autre avec des spécialités Juives.

Une deuxième partie de ce projet pourra être envisagée dés le mois de septembre avec une intervention de Madame Latifa IBN ZIATEN mère de Imad IBN ZIATEN, assassiné par Mohammed Merah.

Cette dame intervient déjà à l'éducation nationale afin de promouvoir l importance du vivre ensemble.

Après contact, elle est prête à venir pour une intervention sur l'EPEI à la rentrée de septembre 2016

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Cela, déjà fort intéressant, serait à notre sens la continuité du projet SPS.

Le déroulement du séjour se ferait ainsi :

Découverte de l’institut du monde Arabe et Repas en compagnie des membres de l'association (spécialités arabes) sur une journée + une soirée

Découverte du musée d’art et d'histoire du Judaïsme (qui propose cette année un atelier sur les préjugés et sur les différences / ressemblances des trois religions monothéistes) et Repas en compagnie des membres de l'association (spécialités juives) sur une journée+ une soirée

Dates éventuelles : du 6 au 8 mai 2016 (départ le vendredi matin et retour le dimanche après midi)

Ces dates sont susceptibles de changer en fonction des disponibilités d’hébergement et des places aux musées qui sont à réserver au préalable. Il faudra donc attendre que le budget soit validé avant de pouvoir réserver de façon sûre.

Les éducateurs X - Y

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Annexe 15.2

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Annexe 16

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Annexe 17

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Annexe 18

Pré-projet pour une instance laïcité

- Cycle de formation en direction des professionnels de la PJJ autour de la thématique

de la laïcité dans leurs pratiques à la lumière des nouvelles orientations de la PJJ déclinant la contribution de la PJJ à la politique publique de prévention et de lutte contre les dérives sectaires.

- Création d'une dynamique partenariale locale (départementale ) en s'inscrivant dans

la politique de la ville en matière de veille et de prévention des dérives des jeunes confiés à la PJJ et leur entourage

Cadrage du projet : La DPJJ a été particulièrement concernée dans la mise en ouvre du grand plan national de prévention et de lutte contre le terrorisme et les dérives sectaires. Dans la note d'orientation de la DPJJ en date du 27 janvier 2015, il est clairement mis en avant la volonté de participer activement à cet élan national en matière de prévention et de lutte contre les dérives sectaires. Les moyens supplémentaires dédiés à cette mission sont révélateurs de l'importance accordée à ce nouveau défi. L'inscription de la PJJ dans les politiques publiques concernées couvre aussi bien les champs relatifs à la formation des professionnels, au repérage des situations à risque de dérives sectaires et à la participation au maillage national mis en place dans le cadre de ce plan national. Nous pouvons retenir de cette note d'orientation deux axes forts

− La formation des professionnels de la PJJ pour comprendre le phénomène et l'intégrer en en mesurant les incidences sur les pratiques professionnelles

− L'inscription de l'institution dans les politiques publiques définies par le plan national de prévention et de lutte contre les dérives sectaires.

C'est dans ce cadre général qu'est née l'idée de créer une dynamique autour de cette problématique. Constats empiriques : En effet, nous avons pu constater que les formations obligatoires initiales ou continues dispensées par l'ENPJJ et le PTF ne répondent pas aux grandes interrogations et attentes des professionnels et le sentiment de frustration en la matière est réel. Nous pensons qu'une formation dont le contenu est construit par les professionnels en fonction des besoins et des réalités du terrain peut répondre mieux aux attentes et besoins exprimés. Le phénomène de la radicalité, sous toutes ses formes, est une problématique complexe dont les enjeux impliquent une grande prudence dans l'analyse. Elle ne peut être abordée uniquement à la lumière des événements tragiques survenus en France ces derniers temps et tels qu'ils sont relatés par les médias.

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Il faut prendre la distance nécessaire et se donner le temps de comprendre et de saisir le phénomène avant de proposer des interprétations et/ou des actions. S'offrir des espaces de réflexion et d'échange pour mieux l'intégrer dans les projets de service comme dans les pratiques, c'est la finalité visée par ce projet. En consultant la fiche de poste un an après leur prises de fonction, les référents laïcité et citoyenneté au niveau départemental et inter régional, de par les missions qui sont les leurs, doivent jouer un rôle moteur dans la création de cette dynamique locale de formation, de décloisonnement et de partage de pratiques professionnelles. L'idée de la mise en place d'une mission de veille départementale ne peut se réaliser concrètement qu'en faisant ce double travail primordial de formation et d'inscription dans un réseau partenarial institutionnel et associatif. Proposition de démarches pour structurer le projet :

- Afin de clarifier la démarche et ne pas empiéter sur le cadre déjà mis en place, il faut organiser une rencontre entre le service et le référent laïcité et citoyenneté pour exposer l'idée et définir en semble les sa mise en pratique

- Définir une instance de pilotage qui assure le montage et la réalisation des actions prédéfinies

- Formaliser le projet et définir les moyens de sa réalisation - Partenariat - Moyens logistiques et humains - Critères d'évaluation et d'ajustement - Proposer un échéancier et un contenu précis des actions à mener.

Pistes de travail préliminaires : A court terme :

- Constituer un dossier thématique contenant, en plus de l'arsenal juridique les textes essentiels traitants de la question de la citoyenneté, laïcité, le fait religieux, l'identité, discrimination, l'histoire de l'immigration, l'égalité des chances, racisme, sexisme, etc.

- Recherche action sur les besoins en formation des professionnels sous forme de questionnaire anonyme

- Contact avec les partenaires pressentis (institutionnels et associatifs) - Travail sur le projet de service pour intégrer clairement cette problématique dans les

pratiques professionnelles et anticiper les situations éventuelles qui pourraient se présenter A moyen terme :

- Organiser une journée de formation « Fait religieux / citoyenneté dans le champ éducatif » Ce pré projet peut servir de base d'échanges pour en affiner les contours et le contenu ainsi que les modalités de sa mise en pratique. M. A. éducateur 12 mars 2016

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Annexe 19

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Tableau récapitulatif des actions

Phase 1 : Découverte du poste de directeur du lieu de stage Stage européen en Suède (Stockholm et Malmö) Phase 2 : Approfondissement Phase 3 : Responsabilité accompagnée

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Résumé

A mon arrivée en stage de deuxième année en septembre 2015, je découvre un EPEI qui semble

bien fonctionner. En y regardant de plus près, je constate que le pilotage de la directrice n’intègre

pas suffisamment la prise en compte de la laïcité, sujet actuellement très sensible dans notre société.

Pourtant, plusieurs constats dans l’établissement attestent qu’il serait bon d’engager une réflexion

collective sur le sujet.

Je m’interroge : dans quelle mesure la prise en compte de la laïcité peut-elle être intégrée dans le

pilotage du Directeur des services ?

A l’occasion de la conduite de la deuxième évaluation interne des établissements et service de la

PJJ, je m’intéresse tout particulièrement à cette question. Je me suis appuyée sur cet outil

managérial pour poursuivre une démarche de recherche au sein de l’EPEI puis pour impulser une

dynamique de changement en la matière. L’objectif n’est pas seulement d’intégrer une référence à

la laïcité dans le projet d’établissement mais encore, de faire vivre ce principe au sein de l’EPEI par

le biais de multiples actions et expérimentations.

Mots clés :

Laïcité – Citoyenneté – Evaluation interne – Changement

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MINISTERE DE LA JUSTICE Ecole Nationale de la Protection Judiciaire de la Jeunesse

MEMOIRE PROFESSIONNEL Formation statutaire des directeurs de service

23ème promotion « Janusz Korczak » - 2015/2016

La prise en compte de la laïcité par le Directeur d’un Etablissement de Placement Educatif et d’Insertion : impulser

une dynamique de changement

PIMMEL Louise

Sous la guidance de : Mme BRUGGEMAN Delphine, Chercheure à l’ENPJJ, Equipe de recherche Proféor-CIREL,

Université Lille 3 &

Mme TACLET Clarisse, Directrice de l’EPE Pays du Hainaut (Douai)

Master 2 Direction et responsabilités dans le champ social Université de Lille 2

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Remerciements Je remercie sincèrement mesdames Delphine BRUGGEMAN et Clarisse TACLET pour leur aide et leur accompagnement tout au long de ce travail de mémoire ainsi que pour leurs nombreux encouragements. Je remercie profondément ma tutrice de stage pour ses précieux conseils et son soutien indéfectible tout au long de cette année. Son exigence, son investissement et sa disponibilité m’ont énormément appris pour l’exercice de mes fonctions. Je remercie également les responsables d’unité pour leur bienveillance et pour le partage de leurs compétences, particulièrement en matière éducative et pédagogique. Leurs apports ont largement contribué à la construction de mon identité professionnelle. J’adresse aussi mes cordiaux remerciements à toutes les personnes qui, par leurs témoignages, leurs conseils et leurs critiques ont guidé et enrichi mes réflexions, et à celles qui ont accepté de me rencontrer et de répondre à mes questions durant mes recherches. Je remercie M. David NGUYEN, formateur chargé du dispositif de la Formation Statutaire de ma promotion, pour son engagement ainsi que mes collègues de la 23ème promotion « Janusz Korczak » pour leur dynamisme, leur bonne humeur, leur solidarité et pour nos innombrables échanges de pratiques durant ses deux années de formation. Enfin, j’ai une grande pensée pour tous les jeunes rencontrés durant ces deux années. Ils ont contribué eux aussi à ma construction professionnelle et surtout, ils m’ont permis de confirmer mon intérêt pour m’engager dans ce métier de Directeur des services de la Protection Judiciaire de la Jeunesse.

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Sommaire Introduction ………………………………………………………………………………………....4

1. Le constat d’une insuffisante référence à la laïcité dans l’organisation et le fonctionnement de l’établissement...................................................................................................9

1.1 L’histoire de l’EPEI et la priorisation des actions du directeur.......................................9 1.1.1 La découverte des unités et missions de l’EPEI...............................................................9 1.1.2 Le choix de la thématique de la laïcité comme sujet de mémoire..................................12 1.1.3 L’intérêt de ce sujet ........................................................................................................13

1.2 La combinaison d’une laïcité tolérante et d’une neutralité exigeante ...........................15 1.2.1 La laïcité en France et plus particulièrement à la PJJ.....................................................15 1.2.2 La neutralité des agents publics......................................................................................17 1.2.3 La conciliation de la neutralité des agents et la liberté de religion des usagers .............18

1.3 La diversité d’origines et de cultures des personnes composant l’institution...............20 1.3.1 Le changement du profil sociologique des travailleurs sociaux.....................................20 1.3.2 Le profil des agents et le profil des jeunes de l’EPEI.....................................................21 1.3.3 La nécessité d’un travail autour des questions de laïcité et de citoyenneté....................22

2. La poursuite de la démarche de recherche et l’amorce de la conduite au changement.....24 2.1 La démarche méthodologique de recherche.....................................................................24

2.1.1 Observations et lectures..................................................................................................24 2.1.2 Les échanges informels ..................................................................................................26 2.1.3 Les entretiens..................................................................................................................26

2.2 La poursuite de mes recherches dans le cadre de la démarche d’évaluation interne ..27 2.2.1 Le cadre légal et règlementaire de l’évaluation interne..................................................28 2.2.2 Un état des lieux participatif...........................................................................................30 2.2.3 Les résultats de l’évaluation interne...............................................................................34

3. L’intégration de la laïcité dans l’établissement par la mise en œuvre d’un plan d’actions d’améliorations.................................................................................................................................36

3.1. L’élaboration et la présentation d’un plan d’actions d’améliorations à partir du recueil de données ........................................................................................................................36

3.1.1 La réflexion à partir de l’analyse des données recueillies..............................................36 3.1.2 La concertation en équipe de direction...........................................................................38 3.1.3 La présentation des propositions d’actions aux personnels de l’établissement : coopération et collégialité comme principes éthiques de management .....................................38

3.2 Le suivi du plan d’actions et des expérimentations .........................................................39 3.2.1 Les actions du directeur..................................................................................................39 3.2.2 Les dynamiques de changement impulsées par unité ou mission ..................................41 3.2.3 Les impulsions transversales ..........................................................................................48

3.3 L’évaluation des expérimentations....................................................................................50 3.3.1 Les points de contrôle d’un pilotage correct de l’EPE par le directeur..........................50 3.3.2 Les indicateurs d’évaluation des actions issues de l’évaluation interne de l’établissement ...........................................................................................................................51 3.3.3 Les limites de ces expérimentations et les pistes d’amélioration...................................52

Conclusion………………………………………………………………………………………….55 Bibliographie……………………………………………………………………………………….59 Index des sigles……………………………………………………………………………………..62 Annexes……………………………………………………………………………………………..63 Tableau récapitulatif des actions…………………………………………………………………..119 Résumé………………………………………………………………………………………….....123

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3

« Il faut nécessairement accorder aux hommes la liberté du jugement et les gouverner de telle sorte que,

professant ouvertement des opinions diverses et opposées, ils vivent cependant dans la concorde. »

Baruch SPINOZA, Traité théologico-politique, chapitre XX, V, 14.

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4

Introduction

Ma deuxième année de formation statutaire des directeurs des services de la Protection Judiciaire de

la Jeunesse (PJJ) vient pleinement compléter la première, durant laquelle j’étais en stage sur le

même territoire1. Sans perdre de vue que chaque territoire peut avoir ses particularités locales et que

je peux être amenée à exercer mes futures fonctions dans d’autres directions interrégionales, cette

deuxième année et le stage en « hébergement » me confortent profondément dans mon choix

d’orientation professionnelle.

Après mes études de droit et une spécialisation en droit pénal et sciences criminelles, une

expérience d’assistante de justice pour la chambre correctionnelle de la Cour d’appel de Colmar

ainsi que divers engagements professionnels extra universitaires, j’ai choisi d’intégrer la PJJ afin

d’œuvrer pour la Jeunesse et pour la Justice. J’ai ainsi trouvé un métier à la frontière du juridique et

du social me permettant de faire vivre de nombreuses valeurs qui m’animent. Conformément à

l’esprit de l’ordonnance du 2 février 1945, je suis convaincue qu’il faut protéger l’enfance y

compris l’Enfance traduite en justice. Or, dans un contexte de durcissement de l’opinion publique à

l’égard de la jeunesse déviante, je ressens plus encore l’envie de m’engager et de m’investir pour

contribuer à la réduction des risques encourus par cette jeunesse d’une part et par la société d’autre

part.

L’Etablissement de Placement Educatif et d’Insertion (E.P.E.I.) dans lequel je réalise le « stage de

responsabilisation » est composé d’une Unité Educative d’Hébergement Collectif (U.E.H.C.), d’une

Unité Educative d’Activité de Jour (U.E.A.J.) et d’une Mission Educative d’Hébergement

Diversifié (M.E.H.D.) situées dans la même commune mais sur trois sites géographiquement

distincts. Il est dirigé par une Directrice des services en poste depuis le 1er septembre 2013. Chaque

unité est encadrée par une Responsable d’Unité et dispose de l’ensemble des ETP2 théoriques

correspondants aux dotations institutionnelles prévues. Un chef de service est missionné comme

coordinateur de la M.E.H.D.

Le projet d’établissement existe depuis novembre 2014. La Directrice a souhaité associer le

personnel éducatif et non éducatif à l’élaboration de celui-ci (mise en place de groupes de travail

transversaux pour permettre une réflexion collective). La réunion d’établissement de rentrée, le 15

1 Les trois stages de première année ont principalement consisté à découvrir la direction territoriale d’accueil pour le premier, à étudier la mission d’insertion de la PJJ en général et les partenariats existants en la matière en particulier pour le second, puis à découvrir les fonctions de directeur en milieu ouvert lors du dernier stage. 2 Emplois à Temps Plein.

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5

septembre 2015, permet de faire un bilan annuel des actions mises en œuvre et des objectifs de

service.

Les projets pédagogiques existent également et sont régulièrement actualisés, principalement selon

la diffusion de nouvelles directives nationales en ce qui concerne l’U.E.H.C. et la M.E.H.D., et

selon l’évolution des partenariats s’agissant de l’U.E.A.J3.

A mon arrivée à l’E.P.E.I. au mois de septembre 2015, le contexte semble très favorable à la

seconde année de formation : l’équipe de Direction est dynamique et réagit très rapidement à tous

les actes ou évènements pouvant s’apparenter à des dysfonctionnements, des gênes ou des entraves

à la bonne réalisation de la mission qui nous est confiée. Ainsi, de nombreux travaux sont en cours

(élaboration d’un DIPC4 unique commun pour chacune des unités de l’établissement, refonte de

l’organisation du « Dispositif Accueil Accompagnement », travail sur l’articulation inter-unités,

etc.). C’est pourquoi, à l’issue de ces cinq premières semaines de stage, je ne repère pas de

dysfonctionnement manifeste et je suis plutôt agréablement surprise5. Lorsqu’une insuffisance ou

qu’une pratique déplaisante est identifiée par l’équipe de Direction ou par l’un de ses membres, s’en

suit une réaction relativement rapide avec une temporalité d’exécution variable selon la conduite de

projet en cours.

Toutefois, attentive à cela notamment en raison du contexte sociétal et politique actuel, j’ai fini par

repérer un champ qui n’avait pas encore été investi par la Direction : la prise en compte de la laïcité.

J’ai souhaité faire des observations plus précises sur ce sujet.

Ainsi, je constate en premier lieu que le Projet d’établissement aborde brièvement la laïcité et

uniquement sous l’angle du droit des usagers. Il est inscrit dans le descriptif du fonctionnement de

la « Commission cuisine »6 que l’objectif de celle-ci est d’« anticiper la construction des menus » et

de les « équilibrer dans le respect des croyances religieuses de chacun (respect des interdits

alimentaires tout en proposant des repas équilibrés à tous) ».

3 « Projet pédagogique » est un autre terme pour désigner le projet d’unité. 4 Document Individuel de Prise en Charge : outil mis en place par la loi 2002-2 du 2 janvier 2002 pour garantir l’exercice effectif des droits et libertés individuels des usagers des structures sociales et médico-sociales, il s’agit de formaliser la relation entre l’usager et l’établissement et de définir les objectifs et la nature de la prise en charge (article L 311-4 CASF). 5 En opposition avec les dysfonctionnements ou difficultés qui ont pu être évoqués à titre d’exemple en formation théorique, je découvre dans cet établissement que les textes législatifs et règlementaires sont scrupuleusement respectés, que l’articulation directeur/responsable d’unité est clarifiée et comprise par les professionnels, ou encore que le projet et le parcours du jeune sont au cœur des préoccupations des agents. 6 La commission cuisine, programmée trimestriellement, réunit le personnel de cuisine (cuisinier et maîtresse de maison) afin de faire le point sur l’organisation du temps de travail, les congés, la projection des menus et des courses et les questions et remarques diverses du « personnel non éducatif mais néanmoins éduquant » (cf. Projet d’établissement).

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6

Il n’y a aucune autre référence à la laïcité ou à la liberté religieuse des jeunes pris en charge ni dans

le Projet d’établissement, ni dans les projets pédagogiques d’unité. Aucun de ces documents ne fait

référence à l’obligation de neutralité (nous définirons précisément ces termes plus loin). Je

remarque que seul le livret d’accueil des professionnels rappelle cette obligation.

A la lecture des autres documents de référence de l’établissement, je note que la laïcité n’y est pas

non plus évoquée (livret d’accueil des jeunes, règlement de fonctionnement). On y trouve cependant

la Charte des droits et libertés de la personne accueillie mais sans plus de développement.

Je constate aussi que le Règlement de fonctionnement de l’U.E.H.C. n’a pas encore été actualisé

suite à la Note de la DPJJ7 du 4 mai 2015 (c’est un objectif de travail pour le dernier semestre de

2015).

Lors de mes premiers échanges sur le sujet avec la Directrice de service, j’apprends qu’en effet, la

prise en compte de la laïcité n’a pas encore pu être travaillée au sein de l’EPEI en raison de la

priorisation des actions du Directeur dans le temps. De nombreuses évolutions ont été perceptibles

durant les deux années qui viennent de s’écouler et je comprends très vite que la conduite au

changement doit se faire progressivement. Ma tutrice m’indique qu’il serait pourtant nécessaire de

travailler cette question tant du point de vue des usagers que de celui des professionnels, notamment

compte tenu de la diversité d’origines et de cultures au sein des équipes d’une part, et au sein des

groupes de jeunes pris en charge d’autre part.

Dans le contexte socio-politique actuel, il me paraît essentiel de travailler à nouveau ces questions

de laïcité et de citoyenneté, française et européenne8, ainsi que de réfléchir aux implications de la

neutralité des agents du service public.

De longue date je m’intéresse à la question de l’articulation entre la neutralité de l’Etat et la liberté

de religion. C’est la raison pour laquelle j’ai suivi, en troisième année de licence, le cours de Droit

des cultes et des religions. Je souhaitais comprendre et connaître notre système de séparation du

politique et du religieux ainsi que les particularités de ma région natale, l’Alsace-Lorraine.

J’ai eu l’opportunité de m’intéresser à « l’application du principe de laïcité dans les établissements

et services accueillant des mineurs » en première année dans le cadre des Ateliers Pédagogiques de

Production de Savoirs9. Or, il se trouve que mes collègues et moi, nous avons manqué de temps

7 Direction de la Protection Judiciaire de la Jeunesse. 8 Qu’est ce que cela signifie ? Qu’est ce que cela implique ? Comment un jeune peut-il se construire une identité propre ? Comment faire société, comment vivre ensemble ? 9 Des Ateliers Pédagogiques de Production de Savoirs (APPS) sont organisés durant la première année de formation statutaire des directeurs : il s'agit d'un travail en petits groupes effectués en plusieurs demi-journées, à partir de thèmes proposés par les formateurs. Il fait l’objet ensuite d’une restitution écrite et exposée devant la promotion et devant des grands témoins capables d'évaluer et d’enrichir les travaux réalisés.

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7

pour approfondir la troisième partie de notre dossier, intitulée « Postures professionnelles et

identités religieuses : quelle éthique de l’encadrement ? ». L’apport de la pratique de cette deuxième

année de formation peut me permettre d’aller plus loin dans cette réflexion de manière

praxéologique10.

Le choix du sujet de ce travail de mémoire fait encore écho à la commande faite par l’ENPJJ lors de

notre départ en stage européen au mois d’octobre 2015 : il nous a été demandé d’observer le

traitement du fait religieux dans les pays voisins. Ainsi, je me suis intéressée à cette question en

Suède. J’y reviendrai plus loin.

Parmi les missions du Directeur des services de la PJJ figure celle de veiller au respect des droits

des usagers11 et celle d’améliorer continuellement la qualité des prises en charge, notamment sur le

fondement de la loi n°2002-2 du 2 janvier 2002 rénovant l’action sociale et médico-sociale. Dans

cet ordre d’idée, Faïza Guélamine écrit que toute la chaîne hiérarchique du secteur social et médico-

social est inévitablement concernée quand les questions de laïcité et de religions « font conflit » car

nombre des manifestations du fait religieux impliquent directement les modalités organisationnelles

des institutions dans leur fonctionnement, les normes qu’elles produisent et auxquelles obéissent ces

structures. Elle indique qu’« à ce titre, les dirigeants et administrateurs associatifs, les équipes de

direction sont en première ligne garants du « cadre » dans lequel s’exercent les missions des

professionnels. Responsables de la mise en œuvre des projets d’établissement, des dispositifs et

projets d’action sociale, leurs fonctions les conduisent à manager les équipes de travail en veillant

à ce que l’activité éducative, sociale ou médico-sociale s’inscrive dans un cadre légal et

règlementaire précis ». Mais elle précise aussi d’emblée que « se conformer aux règles en vigueur

n’indique pas toujours clairement les voies à suivre (…), ces règles doivent être travaillées et

appliquées de façon adéquate, elles n’apportent pas, de façon mécanique, les réponses singulières

à des situations qui le sont tout autant »12.

Cela me conduit à une interrogation : dans quelle mesure la prise en compte de la laïcité peut-elle

être intégrée dans le pilotage du Directeur des services ?

10 La praxéologie désigne une démarche autonome où des acteurs sont invités à théoriser leur pratique quotidienne (appelée également la praxis) déjà décrite ou non dans des procédures. La définition donnée par Alexandre LHOTELLIER permet de façon très synthétique et complète de bien comprendre cette démarche : « La praxéologie est entendue comme une démarche construite (visée, processus, méthode) d'autonomisation et de conscientisation de l'agir (à tous les niveaux d'interaction sociale : micro, méso, macro) dans son histoire, dans ses pratiques quotidiennes, dans ses processus de changement et dans la mesure de ses conséquences ». 11 Fiche de poste des Directeurs de la Protection Judiciaire de la Jeunesse, en matière éducative, 11°. 12 Faïza GUELAMINE, Faits religieux et laïcité : le travail social à l’épreuve, Repères pour une pratique professionnelle, Actions sociales, ESF, Domont, mars 2015. L’auteure est responsable de formation à l’Association nationale des cadres du social, assistante sociale de formation initiale et docteure en sociologie, elle est aussi membre associée à l’unité de recherche « Migrations et société » (Paris 7).

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8

A la lumière de mes lectures sur la « difficile » laïcité13, sur la liberté de religion dans la République

et sur le travail social à l’épreuve de ces questions, il me semble que la question de la laïcité dans un

établissement du secteur public accueillant des mineurs doit être progressivement travaillée, et

surtout, il me semble qu’elle doit être travaillée collectivement avec les professionnels et les

usagers. Une réflexion commune favorise un travail éducatif effectif. Plusieurs textes émanant de

l’Administration centrale évoquent désormais expressément ces concepts14 ; des référents laïcité et

citoyenneté ont été installés dans les DIRPJJ, les DTPJJ ainsi qu’à l’ENPJJ ; des moyens

supplémentaires ont été alloués dans certains établissements et services pour permettre de

renouveler le travail en lien avec la laïcité et la citoyenneté, avec les jeunes et les professionnels.

C’est pourquoi, il m’est apparu pertinent de m’intéresser à cela du point de vue du directeur d’un

EPEI.

Ainsi j’aimerais répondre à ce problème : comment le directeur de la PJJ peut-il veiller au respect

de ce principe dans son établissement ?

Hypothèse de recherche : D’après mes lectures et mes observations, je postule qu’un travail et

qu’une réflexion commune permettraient d’améliorer encore davantage la qualité des prises en

charge éducatives des jeunes. La question de la religion ou de l’absence de la religion fait partie de

l’éducation et ne peut pas être occultée d’une prise en charge éducative globale. Revoir en équipe la

définition de la laïcité, de la neutralité et de la liberté de conscience et de religion peut permettre de

désamorcer des crispations et de prévenir des conflits tant avec les agents qu’avec les jeunes.

Hypothèses d’action : Il appartient au directeur des services d’impulser une dynamique de

changement et d’associer les professionnels à une réflexion commune permettant d’aboutir à

l’intégration de la laïcité dans le projet de service mais pas seulement, il faut ensuite faire vivre ce

projet de service.

Il sied de présenter mon travail en trois parties correspondant à l’évolution de mon stage. La

première partie consiste à exposer en quoi la référence à la laïcité peut être considérée comme

insuffisante dans l’établissement à l’issue d’un premier état des lieux. La seconde partie a trait à la

suite de mes investigations et à la démarche d’évaluation interne sur laquelle je me suis appuyée

13 En référence notamment à l’ouvrage de Frank KHALIFA, Difficile laïcité, sources et enjeux, L’Harmattan, Paris, octobre 2014. 14 La note du 25 février 2015 relative à la mise en œuvre d’un plan d’action de la DPJJ en matière de respect du principe de laïcité et des pratiques religieuses des mineurs pris en charge dans les établissements et services du secteur public et du secteur associatif habilité et du principe de neutralité par les agents prenant en charge ces mineurs, celle du 4 mai 2015 relative aux lignes directrices relatives à l’élaboration du règlement de fonctionnement des établissements collectifs de placement judiciaire du secteur public et du secteur associatif habilité, ou encore la note du 21 décembre 2015. Je me réfèrerai plus loin à ces différentes notes.

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9

tout au long de ce travail. Enfin, la troisième partie consiste à exploiter les données recueillies et à

présenter les actions et expérimentations que j’ai conduites durant mon stage.

1. Le constat d’une insuffisante référence à la laïcité dans l’organisation et le

fonctionnement de l’établissement

Un premier état des lieux réalisé durant les cinq premières semaines de stage m’a permis de faire un

choix de sujet de mémoire. Voici mes premières réflexions.

1.1 L’histoire de l’EPEI et la priorisation des actions du directeur

Tel que je l’énonçais en introduction, à mon arrivée à l’EPEI, le contexte de stage semble très

favorable.

1.1.1 La découverte des unités et missions de l’EPEI

En effet, concernant l’UEAJ, je constate l’existence d’un grand nombre de partenariats actifs15 et je

relève très vite que les jeunes inscrits à l’UEAJ disposent chaque semaine d’un emploi du temps

avec diverses activités (savoirs de base, activités sportives telle qu’escalade, vendanges, chantiers

extérieurs, etc.). Chaque matin, les jeunes sont accueillis avec du café et des petits gâteaux dans un

espace chaleureux au rez-de-chaussée. La parole y est libre dans la limite du respect mutuel et les

règles sont clairement posées. Globalement, celles-ci semblent respectées par les jeunes de l’UEAJ,

notamment grâce à une bonne cohérence d’équipe.

S’agissant de la MEHD, elle dispose de cinq places en résidence sociale16 et de 8 familles d’accueil

(chacune avec un profil singulier). La MEHD peut aussi proposer aux magistrats et aux jeunes des

placements externalisés17 dans le cadre de l’expérimentation lancée par l’Administration centrale. A

ce jour, trois placements externalisés sont mis en œuvre par l’équipe de la Mission : un placement

en internat scolaire et deux « placements à domicile », c’est-à-dire chez les parents mais avec un

suivi éducatif et clinique renforcé.

15 Il existe par exemple : un partenariat avec un établissement scolaire pour lequel les jeunes de l’U.E.A.J. entretiennent toute l’année les espaces verts ; un autre avec la commune pour disposer d’un jardin ou de salles de sport ; un avec l’UDAF 15 pour organiser des chantiers extérieurs ; plusieurs partenariats avec des centres de formation tel que l’AFPA, etc. 16 L’une de ces places est réservée à un public féminin dans un Foyer de jeunes filles au centre ville, qui peut parfois accueillir plus d’une jeune selon la disponibilité des chambres. Seuls des jeunes hommes sont placés dans les autres foyers. 17 Le placement externalisé permet un suivi éducatif et clinique renforcé en maintenant le jeune dans un environnement « naturel » (il s’agit généralement du domicile familial) en réservant la possibilité de placer à nouveau ce jeune dans une autre structure d’hébergement en cas d’échec de cette modalité de placement. L’individualisation de ce suivi correspond le plus souvent à des jeunes qui ne tiennent pas en collectif (par exemple un leader négatif ou à l’inverse un jeune isolé en grande souffrance).

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10

Les magistrats du ressort connaissent cette mission et semblent véritablement apprécier de pouvoir

recourir à cette modalité de placement alternative lorsqu’aucune autre solution n’apparaît

opportune.

A ce jour, la création d’une Unité Educative d’Hébergement Diversifié n’est pas envisagée par la

Direction Interrégionale18 . Néanmoins, l’équipe de cette mission tente de poursuivre son

développement afin qu’elle reste pérenne (à titre d’exemple, le recrutement d’une nouvelle famille

d’accueil d’urgence est en cours).

Enfin, concernant l’UEHC, le contexte est particulier : l’équipe et les jeunes sont de retour dans les

locaux dédiés à leur mission et appartenant à l’Etat19 depuis novembre 2014.

Avant cette date, le bâtiment était en cours de rénovation et l’unité était logée dans une résidence

sociale durant un an, puis dans une Auberge de Jeunesse durant près de quatre mois20. Le nombre

de jeunes pris en charge durant cette période n’excédait pas six, faute de place supplémentaire et

compte tenu de la spécificité des locaux d’accueil temporaire. Il était certainement difficile pour une

équipe éducative de reprendre l’exercice de sa mission dans une maison réhabilitée avec un nombre

de jeune conforme au cahier des charges des UEHC (c’est-à-dire douze). Dans l’année, l’UEHC

doit avoir un taux d’occupation minimal de 80 %21.

Ce contexte a probablement fragilisé un peu l’équipe, qui s’adapte à cette nouvelle configuration

depuis la fin de l’année 2014. Deux professionnels ont récemment intégré l’équipe et deux autres

sont en arrêt maladie depuis le 1er septembre. L’un de ces deux arrêts fait suite, notamment, à la

survenance d’incidents avec des jeunes (voiture de l’agent dégradée et comportements très

provocateurs à son encontre lors d’un repas). L’autre est lié à des problèmes d’ordre personnel.

La difficulté des professionnels à maintenir une cohérence d’équipe est perceptible lors de moments

clés à l’UEHC tel que le passage de consignes : il se fait souvent à plusieurs, les jeunes se

retrouvent seuls et tentent sans relâche d’attirer l’attention du personnel éducatif. De ce fait, il n’est

pas toujours efficace.

Face à cela, l’équipe de Direction (la Directrice et la RUE) tente d’amener son personnel à plus de

cohésion : un accompagnement d’équipe est en place conformément au cahier des charges de la

structure, l’équipe éducative est associée dans le protocole d’élaboration des emplois du temps22,

18 Ceci s’explique par des contraintes budgétaires : il existe déjà une U.E.H.D.R. sur le territoire à laquelle sont octroyés d’importants moyens et la création d’une U.E.M.O. est en cours dans le département. 19 Les locaux de l’UEHC appartiennent à la PJJ mais sont gérés par France Domaine. 20 Les travaux ayant duré un peu plus longtemps que prévu, il a fallu que la directrice trouve une solution d’urgence temporaire pour éviter la fermeture. 21 Le Contrat Objectifs Moyens (COM) est fixé par la DIR et imposé aux directeurs de services selon le budget alloué à la structure, il s’agit du taux de remplissage moyen exigé dans une UEHC. 80% cela équivaut à un COM de 9,6 jeunes conformément au cahier des charges des UEHC. 22 Les éducateurs ont quinze jours pour exprimer leurs désidératas dans un tableau. A partir de ce tableau, la responsable d’unité élabore les emplois du temps puis elle diffuse cette première version de planning trimestriel à tous les agents. Au plus vite après cette

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11

des réunions de fonctionnement sont organisées mensuellement23, il y a au moins trois réunions

d’établissement par an voire quatre (au mois de janvier, juin, septembre et décembre), ou encore, les

modalités du passage de consignes ont été récemment modifiées pour que ce moment soit plus

serein, plus efficient et pour permettre une plus grande confidentialité vis à vis des jeunes24.

La Directrice de l’établissement, occupant ce poste depuis le 1er septembre 2013, est présente dans

chacune des trois unités toutes les semaines. Pour fédérer une « identité de service » et favoriser les

liens entre les trois sites de l’EPEI, elle organise une réunion de gouvernance environ toutes les

deux semaines pour réunir la RUE de l’UEAJ, celle de l’UEHC et le coordinateur de la mission HD

(un CSE missionné). Ces réunions sont programmées trimestriellement afin de s’assurer de leur

tenue (pour cela, un tableau programmatique des réunions est diffusé à tous les agents). De la même

manière, elle projette des réunions de fonctionnement une fois par mois dans chacune de ses unités

et mission. Enfin, un point hebdomadaire est fait avec chacune de ses responsables d’unité ainsi

qu’avec le coordinateur de la MEHD.

Au cours de mes nombreuses discussions avec la directrice, je comprends l’importante évolution

que connaît l’établissement depuis deux ans. Tous les chantiers ne doivent pas être ouverts en même

temps mais doivent se succéder dans un ordre de priorité. Ainsi, les premiers chantiers ont été les

suivants : refonte du planning des éducateurs, travail sur l’articulation directeur/responsables

d’unité, développement de l’HD et réflexion sur l’articulation entre les unités dans le but de

travailler la continuité des parcours des jeunes conformément à la Note d’orientation du 30

septembre 2014.

Cette description rapide de l’état des lieux réalisé en début de stage explique pourquoi j’ai choisi de

m’intéresser à la prise en compte de la laïcité, qui n’avait pas encore été abordée au sein de

l’établissement.

diffusion, une « Commission emploi du temps » est ouverte aux agents pour opérer les dernières modifications. Après cette commission, le planning n’est plus changé sauf pour des raisons exceptionnelles. 23 Les réunions de fonctionnement sont thématisées et réunissent l’équipe et la Direction (RUE et directrice). 24 Un nouvel espace bureau a été créé pour les éducateurs, plus éloigné de l’espace accessible aux jeunes et les amplitudes de service ont été légèrement modifiées afin de permettre à la fois un passage de consignes à deux et une présence éducative continue auprès des jeunes.

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12

1.1.2 Le choix de la thématique de la laïcité comme sujet de

mémoire

Tous les ans, la directrice fixe de nouveaux objectifs de service selon le bilan de l’année écoulée.

Pour 2016, elle souhaiterait qu’un travail soit amorcé en matière de laïcité.

Mon choix de sujet de mémoire s’arrête définitivement le 18 septembre lorsque je découvre que la

Direction interrégionale demande aux services du territoire de conduire la deuxième évaluation

interne sur deux des quatre axes suivants : « L’accueil des mineurs et de leurs familles » ; « Les

droits et participations des mineurs et de leurs familles » ; « La prise en compte de la laïcité » ; et

« Le partenariat ». Elle qualifie la prise en compte de la laïcité de « sujet prioritaire » de travail dans

les services25.

D’un commun accord avec la Directrice de l’établissement et les responsables d’unité, nous avons

choisi de conduire l’évaluation interne sur ces deux axes : l’accueil des mineurs et de leurs familles

et la prise en compte de la laïcité. Tous les cadres considèrent que les pratiques dans ces deux

champs peuvent être améliorées. Avec l’aval de la Directrice de service, je décide alors de mener un

travail d’enquête et de recherche sur ces deux axes et sur celui de la prise en compte de la laïcité en

particulier (ces deux axes n’étant pas sans lien puisque nous le verrons plus tard, la laïcité devrait

être abordée au moment de l’accueil du jeune à l’UEAJ, à l’UEHC, et à la MEHD selon les

modalités de la prise en charge).

Dès la fin du mois de septembre, je fais plusieurs constats en lien avec cette thématique.

En premier lieu, les éducateurs n’osent pas tous parler de religion avec les jeunes. Lorsque je les

questionne, certains ne souhaitent pas aborder cette question avec les jeunes en raison de la

neutralité qui leur est imposée, tandis que d’autres préfèrent s’abstenir en raison d’un manque de

connaissance en la matière (quatre éducateurs ont exprimé le besoin d’être formé en « histoire des

religions »). Un éducateur m’a dit qu’il était parfois difficile de se positionner par rapport aux

jeunes car « ils en savent souvent plus que nous et arrangent les choses à leur sauce ».

S’agissant de la radicalisation, fléau au cœur des débats sociétaux, le personnel éducatif se sent

démuni.

En juin dernier, l’UEHC a été confrontée à un jeune ayant tenté de rejoindre la Syrie. Il tenait des

propos très irrespectueux envers les femmes et les non croyants. Il était très difficile pour l’équipe

éducative de tisser des liens avec lui. Son contrôle judiciaire (CJ), ordonné par un juge anti-

terroriste parisien après sa tentative de quitter le territoire, lui imposait de remettre ses papiers

d’identité à la direction du foyer, ce qui a été fait.

25 Terme employé dans un courrier de la DIR envoyé aux directeurs de services du territoire le 27 mai 2015 (cf. annexe 1).

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13

Après les attentats de janvier 2015 contre Charlie Hebdo, le jeune homme a refusé de faire la

minute de silence avec les autres jeunes et les éducateurs de service. Selon lui, les terroristes du 7

janvier « avaient raison ». Compte tenu de la gravité de ces propos, une éducatrice présentée par

l’un de ses collègues comme « musulmane modérée », a tenté de parler de religion avec lui. Elle a

tenté de démontrer que le message de l’islam n’était pas celui qu’il voulait faire prévaloir. Le

souvenir de cette prise en charge est amer. Ce jeune a finalement été orienté dans un Centre éducatif

fermé le 2 avril 2015, après la mainlevée du placement pour non respect du CJ (pas de projet

d’insertion et de nombreux incidents au foyer).

Actuellement, l’UEHC et l’UEAJ sont confrontées à un autre type de radicalisation dans la prise en

charge conjointe d’un jeune sous CJ prononcé pour des faits de profanation d’un cimetière israélite.

Si l’accompagnement d’équipe permet d’aborder ce type de sujet, ce n’est pas spécifiquement son

objectif. Or, en dehors de ces temps d’accompagnement d’équipe, les professionnels n’ont pas

encore eu l’occasion de se rencontrer et d’échanger sur la thématique de la laïcité dans

l’établissement, sur la conciliation entre le respect de la liberté de religion des jeunes et l’obligation

de neutralité des agents, sur la citoyenneté et la manière de prévenir les phénomènes de

radicalisation26. Les professionnels de l’EPEI n’ont pas encore tous suivi la formation nationale sur

la radicalisation proposée par les Pôles Territoriaux de Formation (PTF) et il est à noter que la

référente laïcité citoyenneté de la direction territoriale n’a pris ses fonctions qu’en septembre 2015.

A mon arrivée à l’EPEI, elle est tout juste entrain de s’approprier ses nouvelles fonctions.

Comme je décide de rédiger un mémoire sur cette thématique, je poursuis mes observations, qui

viennent étayer mes premiers constats.

1.1.3 L’intérêt de ce sujet

A ce jour, il existe des différences de pratiques entre l’UEAJ et l’UEHC : au travers de mes

échanges avec les responsables d’unité, je constate que la question d’une éventuelle pratique

religieuse n’est pas abordée avec les parents lors de l’entretien d’accueil du jeune à l’UEHC ; au

contraire cette question est systématiquement posée aux parents de jeunes inscrits à l’UEAJ.

Pourtant, lors d’une journée à l’extérieur à laquelle j’ai participé avec l’UEAJ, nous avons mangé

chez des viticulteurs. Ces derniers nous avaient préparé de la palette de porc fumée alors que trois

jeunes présents étaient de confession musulmane et ne souhaitaient pas manger de porc. La famille

chez laquelle nous étions a accepté de faire des œufs au plat à ces trois jeunes. Néanmoins, il aurait

été opportun de s’intéresser à la question de l’alimentation des jeunes en amont afin de prévenir les

26 Tous ces termes seront définis dans la partie intitulée « La conciliation entre une laïcité tolérante et une neutralité exigeante ».

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14

hôtes qui allaient nous accueillir des habitudes alimentaires des jeunes accueillis. Force est de

constater que cela ne se fait pas naturellement. Il y a une gêne à parler de religion dans la relation

éducative. Ainsi, Faïza Guélamine écrit que « les intervenants sociaux « tâtonnent », s’opposent

parfois entre eux autour de ces questions, cherchent des réponses, éprouvent des difficultés à

résoudre ce qui se présente comme un dilemme pour eux : comment comprendre et réagir dans le

cadre des prérogatives qui leur sont confiées lorsque celles-ci les conduisent à respecter les

convictions religieuses des usagers tout en intégrant la finalité des missions éducatives,

thérapeutiques, sociales des établissements et services, adossés au principe de laïcité ? »27.

Dans le cadre de la MEHD, la prise en compte de la laïcité ne se présente pas de la même manière :

aucune difficulté ne se présente concernant les jeunes placés en Foyer Jeunes Travailleurs (FJT) ou

à domicile (dans le cadre d’un placement externalisé). Les questions pouvant se poser concernent

principalement les placements en familles d’accueil : sont-elles soumises à la neutralité ? Dans

quelles limites peuvent-elles manifester leurs croyances ? En la matière, la phase de recrutement des

familles d’accueil par la Direction de l’établissement est capitale pour travailler cette question. A ce

jour, l’existence ou non d’une pratique religieuse (de la famille d’accueil ou du jeune accueilli)

n’est pas systématiquement abordée ni lors du recrutement ni lors de l’accueil du jeune.

La procédure de recrutement d’une famille d’accueil se déroule de cette façon : une première

rencontre de la famille est organisée au service avec la direction et l’équipe éducative. Lorsque cet

entretien est concluant (la famille semble correspondre aux attentes de la PJJ), une visite à domicile

de la directrice et de la psychologue est programmée. Il pourrait être intéressant d’aller au delà des

constats visuels qui peuvent être opérés lors de cette visite à domicile et aborder concrètement ce

sujet avec les familles (respect de la liberté de conscience, d’opinion et de religion du jeune

accueilli, interdiction du prosélytisme pour la famille).

A l’UEHC, je découvre rapidement que pour des raisons pratiques et financières, la nourriture

proposée aux jeunes est exclusivement halal.

Or, ce fonctionnement n’est conforme ni à la Note de la DPJJ du 25 février 201528 où l’on lit qu’« il

ne peut être admis s’agissant de la nourriture confessionnelle qu’elle soit proposée comme plat

exclusif » (p.5), ni aux lignes directrices relatives à l’élaboration du règlement de fonctionnement

du 4 mai 2015 : « en aucun cas il ne peut être délivré des plats contenant de la nourriture

confessionnelle de façon systématique à l’ensemble des mineurs pris en charge » (p.22).

27 Faïza GUELAMINE, Faits religieux et laïcité : le travail social à l’épreuve, Repères pour une pratique professionnelle, Actions sociales, ESF, Domont, mars 2015, p.13. 28 NDPJJ du 25 février 2015 relative à la mise en œuvre d’un plan d’action de la DPJJ en matière de respect du principe de laïcité et des pratiques religieuses des mineurs pris en charge dans les établissements et services du secteur public et du SAH et du principe de neutralité par les agents prenant en charge ces mineurs.

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15

Comme dans de nombreux établissements de placement éducatif de la PJJ, le cuisinier et la

maîtresse de maison ne proposent jamais de viande de porc. Un jeune m’a pourtant confié qu’il

aimerait bien pouvoir en manger « de temps en temps ».

Alors que le débat sur la laïcité dans le service public n’a jamais été d’une telle vigueur, ces

illustrations témoignent de l’importance pour un Directeur des services de la PJJ de se questionner

sur la définition du principe de laïcité et sur son application dans un établissement public accueillant

des mineurs.

1.2 La combinaison d’une laïcité tolérante et d’une neutralité exigeante

Faïza Guélamine décrit bien l’exigence à laquelle les professionnels doivent se soumettre lorsqu’ils

réfléchissent aux questions posées par l’irruption du fait religieux dans leur quotidien et à laquelle

je dois me soumettre également dans ce travail de mémoire : « L’expression des faits religieux dans

le cadre professionnel impose une prescription inattendue : élucider sa propre perception du

religieux. Ces situations entraînent chez le travailleur social la quasi-obligation de réfléchir à sa

propre posture vis-à-vis des pratiques et des croyances liées au sacré. Ces représentations

(subjectives) doivent pouvoir être objectivées, comme toute posture professionnelle, mises en

rapport avec le public rencontré, le type de mission et de responsabilité exercée. »29.

1.2.1 La laïcité en France et plus particulièrement à la PJJ

La définition de la laïcité est indissociable de l’Histoire. Il est difficile d’en trouver une définition

claire. Le dictionnaire Robert renvoie à la définition donnée par le grand juriste disparu René

Capitant : « conception publique impliquant la séparation de la société civile et de la société

religieuse, l’Etat n’exerçant aucun pouvoir religieux et les Eglises aucun pouvoir politique », ce qui

ne dit rien de ce qu’elle implique pour les citoyens d’une République laïque. Le texte fondateur de

la laïcité est la loi du 9 décembre 1905 dite de « séparation des Eglises et de l’Etat » qui a pour objet

d’organiser le régime public des cultes.

Selon Jean Picq30, c’est dans ce cadre légal que se conjuguent des libertés fondamentales, la liberté

de conscience et le libre exercice des cultes, et une exigence de totale neutralité de l’Etat. Dans son

ouvrage intitulé La liberté de religion dans la République, il tente d‘exposer l’esprit de la loi de

1905 et ses origines. Il énonce que « la laïcité est avant toute chose la reconnaissance d’un espace

29 Faïza GUELAMINE, Faits religieux et laïcité : le travail social à l’épreuve, Repères pour une pratique professionnelle, Actions sociales, ESF, Domont, mars 2015, p.37. 30 Jean PICQ est auteur d’un rapport remarqué sur l’Etat, magistrat à la Cour des comptes, professeur à Sciences Po-Paris où il enseigne l’histoire de l’Etat et des rapports entre politique et religion.

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16

public pluraliste dans lequel coexistent et s’affrontent des convictions philosophiques et religieuses.

Cela signifie qu’aucune d’entre elles, fût-elle majoritaire, ne peut prétendre obturer l’espace à elle

seule. Car la laïcité, ce n’est pas établir une nouvelle religion « laïque », qui proscrirait toute

religion, c’est permettre à toute les religions sans exception de vivre dans l’espace public et d’y

faire entendre leur voix dans le respect de l’ordre public et des règles du débat démocratique » 31.

Selon Jean Baubérot, c’est « un art de vivre ensemble »32.

C’est sensiblement la même définition de la laïcité qui a été retenue par la DPJJ dans sa Note du 25

février 2015 : « La laïcité n'est pas une opinion parmi d'autres mais la liberté d'en avoir une. Elle

n'est pas une conviction mais le principe qui les autorise toutes, sous réserve du respect des

principes de liberté de conscience et d'égalité des droits. C'est pourquoi, elle n'est ni pro, ni

antireligieuse. L'adhésion à une foi ou à une conviction philosophique relève ainsi de la seule

liberté de conscience de chaque femme et de chaque homme. La laïcité permet donc l’affirmation de

la liberté de religion. Les textes, internes et internationaux, qui garantissent la liberté de religion

en font, d’ailleurs, un élément de la liberté de pensée ou de conscience de chaque individu.

Toutefois, la liberté religieuse ne se borne pas à la liberté de croire ou de ne pas croire. Elle

implique une certaine extériorisation qu’il s’agisse de l’exercice du culte ou tout simplement de

l’expression – individuelle ou collective – d’une croyance religieuse. Il convient dès lors pour l’Etat

de garantir la conciliation entre l’intérêt général et l’ordre public, d’une part, la liberté de religion

et son expression, d’autre part. ».

La laïcité et la neutralité de l’Etat visent en fait à garantir une égalité de traitement des usagers du

service public conformément au principe de non-discrimination contenu dans des textes

internationaux, tel que dans l’article 14 de la CESDH33.

31 Jean PICQ, La liberté de religion dans la République, L’esprit de laïcité, Odile Jacob, Nanterre, mai 2014. 32 Jean BAUBEROT, La laïcité. Evolutions et enjeux, La Documentation française, « Problème politiques et sociaux », n°768, juin 1996, p.4. Selon une définition simple, le « vivre ensemble » est un concept qui exprime les liens pacifiques, de bonne entente qu’entretiennent des personnes, des peuples ou des ethnies avec d’autres, dans leur environnement de vie ou leur territoire. Autrement dit, c’est une cohabitation harmonieuse de peuples et d’ethnies différentes. Selon Jean Baubérot, il s’agit de tenir ensemble trois préceptes : « Si l’on s’en tient au règlement juridique, la laïcité m’apparaît constituée de trois principes essentiels: le respect de la liberté de conscience et de culte; la lutte contre toute domination de la religion sur l’État et sur la société civile; l’égalité des religions et des convictions les « convictions » incluant le droit de ne pas croire. Il faut arriver à tenir ensemble ces trois préceptes si l’on veut éviter toute position arrogante et péremptoire. Mais évidemment, dans la pratique, les acteurs ont tendance à privilégier l’un ou l’autre de ces trois principes : les croyants se réfèrent surtout à la liberté de culte; les agnostiques (et les anticléricaux) s’appuient plutôt sur la lutte contre la domination des religions; quant aux minoritaires, ils insistent sur l’égalité des religions et des convictions. », Extrait de la revue Regards sur l’actualité, n°298 « Etat, laïcité, religions », Jean Baubérot, titulaire de la chaire «Histoire et sociologie de la laïcité» à l’Ecole pratique des hautes études et membre de la Commission Stasi. 33 Convention Européenne de Sauvegarde des Droits de l’Homme et des libertés fondamentales du 4 novembre 1950.

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17

1.2.2 La neutralité des agents publics

S’agissant de la neutralité des agents publics, elle est imposée par le Conseil d’Etat34. A la PJJ, il

appartient aux cadres de faire respecter l’obligation de neutralité dans leur service.

La Charte de la laïcité dans les services publics énonce que « Tout agent a un devoir de stricte

neutralité. Il doit traiter également toutes les personnes et respecter leur liberté de conscience. Le

fait pour un agent public de manifester ses convictions religieuses dans l'exercice de ses fonctions

constitue un manquement à ses obligations. » Le non respect de cette obligation peut faire l’objet

d’une sanction disciplinaire. Mais il ne faut pas méconnaître les droits des agents publics en tant

que citoyens. L’application du principe de laïcité consiste à rechercher continuellement un équilibre

entre les valeurs indissociables sur lesquelles repose ce principe : « liberté de conscience, égalité en

droit des options spirituelles et religieuses, neutralité du pouvoir politique »35. Par exemple,

l’obligation de neutralité ne fait pas obstacle à ce que les agents publics sollicitent des

aménagements du temps de travail dans la mesure où ils sont compatibles avec le bon

fonctionnement du service public36. L’Observatoire de la laïcité rappelle que « les exigences

relatives à la laïcité de l’État et à la neutralité des services publics ne doivent pas conduire à la

négation de la liberté de conscience dont les agents publics peuvent se prévaloir »37. En effet, la

liberté d’opinion notamment religieuse est inscrite à l’article 6 de la loi du 13 juillet 1983 portant

droits et obligations des fonctionnaires et le droit de solliciter des autorisations exceptionnelles

d’absence est octroyé par la circulaire du 23 septembre 1967 relative aux autorisations d’absence

pour fêtes religieuses38 et par la circulaire du 13 avril 2007 relative à la charte de laïcité dans les

services publics39.

Il est intéressant de voir que le rapport de la Commission Stasi de 2003 cible quatre blocs

d’obligation dégagés par le Conseil d’Etat pour préserver un équilibre entre liberté de conscience et

neutralité des agents publics à l’école : « sont prohibés les actes de pression, de provocation, de

prosélytisme, ou de propagande ; sont rejetés les comportements pouvant porter atteinte à la

dignité, au pluralisme ou à la liberté de l’élève ou de tout membre de la communauté éducative

ainsi que ceux compromettant leur santé et leur sécurité ; sont exclus toute perturbation du

déroulement des activités d’enseignement, du rôle éducatif des enseignants et tout trouble apporté à

l’ordre dans l’établissement ou au fonctionnement normal du service ; les missions dévolues au

34 CE, 3 mai 1950, Dlle Jamet, n°98 284 ; précision de la portée de l’obligation de neutralité dans l’avis du CE Dlle Marteaux, 3 mai 2000. 35 Rapport de la Commission présidée par Bernard STASI, 2003. 36 La liste des fêtes religieuses pour lesquelles les agents peuvent demander une autorisation d’absence peut être déterminée par circulaire : CE, 12 février 1997, Melle H., n°125893. 37 Observatoire de la laïcité, Avis sur l’article premier du projet de loi relatif à la déontologie et aux droits et obligations des fonctionnaires, 3 février 2015. 38 Circulaire n° FP/901 du 23 septembre 1967 relative aux autorisations d’absence pour fêtes religieuses. 39 Circulaire n° 5209/SG du 13 avril 2007 relative à la charte de laïcité dans les services publics.

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18

service public de l’éducation ne peuvent être affectées par les comportements des élèves et

notamment le contenu des programmes et l’obligation d’assiduité ». Il me semble que ces blocs

peuvent être transposés au service public de la PJJ. C’est donc pour garantir la liberté de conscience

et de religion des usagers du service public que les manifestations d’une croyance d’un agent

peuvent être prohibées et sanctionnées si elles revêtent un caractère ostentatoire ou revendicatif.

Il est intéressant de voir qu’en Suède, les agents exerçant une mission de service public ne sont pas

soumis à une obligation de neutralité telle qu’elle existe en France. La seule interdiction est celle du

prosélytisme mais ces agents ont le droit de manifester et extérioriser leurs croyances. Ainsi, dans

l’établissement de placement que j’ai pu découvrir au cours du stage européen40, tant les éducateurs

que les enseignants peuvent porter des bijoux ou des tenues vestimentaires révélant leurs

convictions religieuses. En effet, « la Suède, qui défend le modèle sociétal le plus libéral, met en

avant la liberté individuelle et encourage la représentation de la diversité sociale dans les

institutions publiques. À ce titre, le pays autorise le port du voile dans la police ou à l’école et

soutient les communautés religieuses qui prennent en charge des services de l’État-providence,

comme l’accueil des réfugiés ou l’enseignement du suédois aux immigrants. »41 J’ai encore pu

constater que les professionnels des institutions de protection de la jeunesse sont moins gênés en

Suède qu’en France à parler d’histoire des religions et même de convictions religieuses avec les

jeunes. En France, il paraît plus délicat de concilier l’obligation de neutralité des agents et la liberté

de religion des usagers.

1.2.3 La conciliation de la neutralité des agents et la liberté de religion

des usagers

Le droit à la liberté de pensée, de conscience et de religion est consacré et garanti par de nombreux

textes (nationaux ou internationaux) que l’Etat français s’engage à respecter : l’article 10 de la

Déclaration des droits de l’homme et du citoyen de 1789, les articles 1er et 2 de la loi du 9 décembre

1905 sur la séparation de l’Eglise et de l’Etat, l’article 1er de la Constitution française du 4 octobre

1958, les articles 18 de la Déclaration universelle des droits de l’homme de l’ONU du 10 décembre

1948 et du Pacte international relatif aux droits civils et politiques, et les articles 9 et 14 de la

CESDH du 4 novembre 1950. Ce droit implique la liberté de changer de religion ou de conviction,

la liberté de manifester sa religion ou sa conviction individuellement ou collectivement, en public

40 Statens Institutions Styrelse (SIS, La Direction nationale des soins en institutions), ungdomshem Råby institution (institution pour la jeunesse Räby) à Lund. 41 Frédérique Harry, Maître de conférences en Études nordiques à l’Université Paris-Sorbonne, Vers une laïcité nordique ? P@ge Europe, La Documentation française © DILA, 21 mai 2013.

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ou en privé, par le culte, l'enseignement, les pratiques et l'accomplissement des rites. Les seules

restrictions dont cette liberté peut faire l’objet doivent être prévues par la loi et constituer des

mesures nécessaires, dans une société démocratique, à la sécurité publique, à la protection de

l'ordre, de la santé ou de la morale publiques, ou à la protection des droits et libertés d'autrui42.

La loi 2002-2 du 2 janvier 2002 rénovant l’action sociale et médico sociale rappelle et consacre les

droits libertés des usagers des Etablissements et Services Sociaux et Médico-Sociaux (ESSMS)

dans le but de promouvoir leur autonomie et leur protection43. Or les établissements et services de la

PJJ relèvent de la catégorie des ESMS depuis le décret du 6 novembre 200744 et sont soumis à cette

loi.

L’article 11 de la Charte des droits et libertés de la personne accueillie prévue la loi de 2002

reconnaît également à chacun le droit à la pratique religieuse dans la mesure où il ne trouble pas le

fonctionnement normal des établissements et des services et ne porte pas atteinte à la liberté

d’autrui.

Dominique Youf rappelle très justement que pendant un temps, la DPJJ n’ayant pas choisi

d’orientations en matière de laïcité, l’appréciation des comportements était laissée aux Directeurs

d’établissements45.

Désormais, les textes à la PJJ faisant référence à cette valeur républicaine forte sont nombreux et

peuvent servir de base de réflexion : la NDPJJ du 25 février 2015 précitée, la NDPJJ du 4 mai 2015

relative aux lignes directrices d’élaboration du règlements de fonctionnement des établissements

collectifs de placement judiciaire du secteur public et du secteur associatif habilité, la NDPJJ du 7

septembre 2015 relative au cadre d’intervention des référents laïcité citoyenneté de la mission

nationale de veille et d’information (MNVI) ainsi que la NDPJJ du 21 décembre 2015 relative au

plan d’action national 2016 et rapport stratégique 2015.

Cette dernière note aborde « l’augmentation ciblée des moyens sur certains secteurs afin de

renforcer la prévention des risques de radicalisation dans le cadre des missions éducatives. Ces

moyens alloués devront notamment être plus spécifiquement dédiés à sensibiliser le mineur à la

citoyenneté, la laïcité, à la lutte contre toute forme d’intolérance et de discrimination, à sa

42 Article 9 de la CESDH. 43 On retrouve ces droits à l’article L 311-3 du Code de l’Action Sociale et des Familles : le droit au respect de la dignité, de l’intégrité, de la vie privée, de l’intimité, et le droit à la sécurité ; le libre choix entre les prestations à domiciles ou celles d’un établissement ; le droit à une prise en charge ou à un accompagnement individualisé et de qualité, respectant un consentement éclairé ; le droit à la confidentialité des données les concernant ; le droit d’accès à l’information ; le droit d’être informés des droits fondamentaux et des voies de recours dont ils disposent ; le droit de participer directement au projet d’accueil et d’accompagnement. Le droit au respect de la vie privée recouvre la liberté de pensée, de conscience et de religion. 44 Art. 3 du décret du 6 novembre 2007 : « En application de l'article L. 312-1 du code de l'action sociale et des familles, les établissements et services du secteur public de la protection judiciaire de la jeunesse constituent des établissements et services sociaux et médico-sociaux, à l'exception des services éducatifs en établissements pénitentiaires spécialisés pour mineurs. Sous réserve des prérogatives de l'autorité judiciaire, les établissements et services précités garantissent aux mineurs et aux jeunes majeurs qu'ils prennent en charge au titre de la mise en œuvre d'une mesure éducative les droits et libertés individuelles énoncés aux articles L. 311-3 à L. 311-5 du même code ». 45 Dominique YOUF, Haut Conseil à l’Intégration, Débats, Laïcité dans la fonction publique : de la définition du principe à son application pratique, La documentation française, 2012, p.70.

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socialisation, au développement de sa pensée critique, à la sensibilisation et prévention à l’usage

du numérique et à l’aide à la parentalité »46 ainsi que le « renfort de la dotation de fonctionnement

en UEHC et CEF pour des activités soutenant notamment le vivre ensemble, la laïcité, la

citoyenneté, la sensibilisation et la prévention à l’usage du numérique, et permettre la relance

d’une dynamique de séjours et camps »47.

La DPJJ a encore adopté une note spécifiquement relative à la lutte contre la radicalisation le 27

janvier 2015.

Il convient donc pour un directeur d’établissement de la PJJ de veiller à la fois au respect de

l’obligation de neutralité de ses agents et au respect de la liberté de conscience et de religion des

usagers, c’est-à-dire des jeunes qui sont confiés à son service. Cette mission est délicate

particulièrement lorsqu’il faut composer avec les individualités de chacun : les agents et les jeunes.

1.3 La diversité d’origines et de cultures des personnes composant l’institution

1.3.1 Le changement du profil sociologique des travailleurs sociaux

La nécessité d’aborder les questions de la laïcité et de la neutralité est d’autant plus forte que la

diversité des origines et des cultures des professionnels est grande. C’est le cas dans mon

établissement de stage. Grace à de nombreux échanges informels avec les professionnels de

chacune des unités, j’ai compris que les éducateurs ne peuvent faire fi de « ce qu’ils sont ». Or

« depuis deux à trois décennies l’évolution sociologique des profils des professionnels dans (le)

secteur (social) fait apparaître l’émergence de nouvelles générations issues des classes populaires,

dont une partie provient de l’immigration postcoloniale. Sans être homogène ni unique, bien au

contraire, le rapport que ces travailleurs sociaux entretiennent avec le religieux est parfois lié à

leur propre inscription dans un parcours migratoire, celle de leurs ascendants, et à la manière dont

ces trajectoires prennent sens dans une histoire sociale et politique singulière et collective. »48.

L’auteure explique que cela ne signifie pas que les comportements référés au religieux de ces

professionnels sont plus marqués mais « cela vient dire quelque chose dans la façon dont ces

questions se posent dans le champ de l’intervention sociale et plus largement au sein de la société

française ».

46 NDPJJ du 21 décembre 2015 relative au Plan d’action national 2016 et rapport stratégique 2015, Troisième axe : « Favoriser des réponses individualisées en prenant appui sur le milieu ouvert socle », Mesures spécifiques BOP 2016, p.3. 47 Ibid, Quatrième axe : « Garantir l’hébergement comme une réponse articulée dans un suivi plus global du parcours », Mesures spécifiques BOP 2016, p.4. 48 Faïza GUELAMINE, Faits religieux et laïcité : le travail social à l’épreuve, Repères pour une pratique professionnelle, Actions sociales, ESF, Domont, mars 2015, p.14.

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La particularité du travail social et éducatif à la PJJ invite donc à prendre le temps de réfléchir à ces

questions. On l’a vu, le Conseil d’Etat impose que les agents publics ne manifestent pas leurs

croyances durant l’exercice de leurs fonctions, mais les exigences d’une neutralité absolue sont

tempérées par les «accommodements raisonnables» permettant à chacun d’exercer sa liberté

religieuse49. Le directeur des services (DS) ne doit donc intervenir pour sanctionner son personnel

que dans l’hypothèse où la mission serait entravée, par un comportement prosélyte par exemple.

L’interdiction du prosélytisme vise à préserver la liberté de croire ou de ne pas croire. L’idée

principale est que personne ne doit imposer ses croyances aux autres. Cela fait écho à la formule

républicaine du début du XX° siècle : « La loi protège la foi aussi longtemps que la foi ne prétend

pas dicter la loi ».

Le DS ne choisit pas ses agents50 et doit composer avec chacune des individualités qui composent

l’équipe.

1.3.2 Le profil des agents et le profil des jeunes de l’EPEI

Ni les agents ni les jeunes ne forment un groupe homogène.

Au travers de mes échanges informels avec les agents de chacune des unités et missions, je perçois

rapidement la diversité d’origines et de cultures au sein de l’équipe : près de la moitié des vingt six

éducateurs composant l’EPEI affirme avoir des origines étrangères (marocaines, turques, polonaises

ou tunisiennes) ; nombreux sont les agents qui ont de la famille dans leurs pays d’origine ; plusieurs

d’entre eux me confient être athées, croyants et/ou pratiquer une religion dans leur vie personnelle,

qu’il s’agisse de la religion catholique, juive ou musulmane ; l’un des agents est Président d’une

antenne de l’Association des Travailleurs Marocains de France (ATMF). Les équipes sont

composées d’individualités ayant chacune leur histoire, leurs traditions, leurs convictions. Jean Picq

s’interroge : si l’on doit appliquer avec une grande fermeté républicaine le principe d’égalité,

notamment d’égalité entre les sexes, en étant intraitable sur certaines sujets de société, « n’est-il pas

tout aussi nécessaire d’accueillir la diversité, de reconnaître la différence, de ne pas chercher à

enfermer l’autre dans un moule unique, de ne pas le priver du droit à sa culture, de lui permettre de

préserver sa façon de vivre et les traits qui sont à ses yeux des composantes essentielles de son

identité ? », et il conclut : « Comme toujours dans la vie sociale, tout est question de retenue et de

discernement »51.

Le groupe de jeunes confiés à l’EPEI varie mais n’est jamais homogène lui non plus. Sans être

49 Rapport de la commission STASI, 2003. 50 A l’exception des agents contractuels dont il organise le recrutement. 51 Jean PICQ, La liberté de religion dans la République, L’esprit de laïcité, Odile Jacob, Nanterre, mai 2014, p.154.

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exhaustive et à titre d’exemples, parmi les jeunes confiés actuellement à l’EPEI, nous

avons plusieurs jeunes dont les parents et les grands parents sont nés en France, un jeune dont les

deux parents sont originaires du Sénégal et dont le père est polygame, deux jeunes dont les parents

sont originaires du Maghreb, un jeune homme dont les parents sont Roms et une jeune fille

tchétchène. Or la compréhension de l’histoire et de la culture de chacun de ces jeunes peut aider

l’éducateur dans l’individualisation de la prise en charge.

Cette diversité accroît l’importance de s’intéresser à laïcité et à la citoyenneté au sein de l’EPEI.

1.3.3 La nécessité d’un travail autour des questions de laïcité et de

citoyenneté

Deux autres constats confirment cela : l’un concerne les professionnels et l’autre concerne les

jeunes.

Faïza Guélamine décrit que dans certains cas de figure, « ce sont au sein même des équipes de

travail que se posent des problèmes »52.

En effet, lors d’un entretien avec la responsable de l’UEHC le 30 septembre, j’apprends que de

réelles difficultés se sont présentées par le passé, sous l’ancienne direction. Elle m’explique que

parfois, « les revendications des professionnels sont plus prégnantes encore que celles des jeunes ».

Pour illustrer ces difficultés, elle me donne deux exemples :

- il est déjà arrivé qu’un agent vérifie la certification halal sur l’emballage de la nourriture. On peut

se demander si cela ne contrevient pas à l’obligation de neutralité des agents dans l’exercice de

leurs fonctions.

- il y a quelques années, le jour de l’Aïd El Kippour, une éducatrice demande à la responsable

d’unité si elle peut préparer une sortie avec les jeunes de l’UEHC (il s’agissait d’aller manger à

l’extérieur pour l’occasion). La responsable d’unité accepte pensant que le groupe complet de

jeunes et d’éducateurs présents le samedi soir participerait à la sortie. Finalement, le lundi suivant,

elle apprend que seuls les éducateurs et les jeunes de confession musulmane étaient sortis, laissant

les autres jeunes sans confession ou d’une autre confession au foyer, avec un éducateur contractuel,

lui aussi, a priori sans confession.

Elle m’explique que le problème aurait été le même pour une autre fête religieuse : le principe laïc

impose selon elle, que tous les jeunes soient traités de manière égale quelle que soit la confession ou

52 Faïza GUELAMINE, Faits religieux et laïcité : le travail social à l’épreuve, Repères pour une pratique professionnelle, Actions sociales, ESF, Domont, mars 2015, p.17.

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la philosophie. Si une sortie est organisée dans le cadre d’une fête religieuse, elle doit susciter les

échanges ainsi que l’apprentissage et le partage d’une autre culture.

Cet incident a été repris par le directeur de l’époque et ne s’est pas reproduit depuis.

Je suis confortée dans l’idée qu’il est impératif de travailler les questions de la laïcité et de

citoyenneté dans l’établissement à la suite d’une « réunion jeunes » que j’ai animée le 15 décembre.

J’ai profité d’un repas de fin d’année à l’UEAJ pour organiser des échanges sur cette thématique

avec un petit groupe de huit jeunes (deux filles et six garçons dont deux d’entre eux sont

conjointement pris en charge par l’UEAJ et l’UEHC). A l’issue de ces échanges, je fais le constat

que les jeunes ne savent pas ce qu’est ni la laïcité ni la neutralité. Seul un jeune se démarque un peu

du reste du groupe et tient des propos clairs et pacifistes (cf. annexe 2).

Par ailleurs, il est à noter que les personnes identifiées comme ayant participé aux actes terroristes

du 7 janvier ainsi qu’aux attentats des 13 novembre et 22 mars dernier en France et en Belgique ont

toutes un passé de délinquance53. La Protection Judiciaire de la Jeunesse ne peut pas s’affranchir de

cette information : nous devons particulièrement veiller à prévenir les comportements radicaux au

sein de nos établissements et services54.

La diversité de profils des professionnels à la PJJ est une richesse pour l’action éducative et elle doit

permettre de susciter des échanges avec les jeunes. Le fait religieux ne doit pas être tabou, il doit

faire l’objet de discussion avec les éducateurs, particulièrement au vu de la diversité de profils des

jeunes.

Toutes ces observations et constats accréditent l’idée selon laquelle la référence à la laïcité au sein

de l’EPEI est insuffisante. Cela me conduit à une problématique patente : comment le directeur des

services peut-il impulser une dynamique de changement pour intégrer la valeur laïcité puis la faire

vivre55 dans le pilotage de son Etablissement de Placement Educatif et d’Insertion ?

La particularité de nos missions impose que cette valeur soit ouvertement et résolument abordée

avec les professionnels et avec les jeunes pour trouver les moyens de la faire vivre. Cela m’amène à

53 Amedy Coulibaly, de la délinquance au terrorisme, Le Monde, Mathieu SUC, 10 janvier 2015 ; ou Les terroristes sont souvent des voyous râtés, Le Figaro, Mathilde SIRAUD, 23 mars 2016. 54 « L’enseignement de la laïcité et des faits religieux à l’école est un moyen de combattre les dérives », Jean-Paul WILLAIME, Cahiers français, Religions, laïcité(s), démocratie 389 oct-déc 2015-12-01 : selon moi, ce constat peut être transposé à la PJJ, particulièrement lorsque les jeunes qui nous sont confiés sont déscolarisés. Revenons à un modèle de « laïcité intelligente » qui, selon régis DEBRAY, favorise le vivre-ensemble en permettant la connaissance de la religion de l’autre : Rapport sur l’enseignement du fait religieux dans l’école laïque, remis en février 2002 au ministre de l'Education nationale, Jack LANG. 55 « Faire vivre » au sens de « veiller au respect », de « donner du sens », de « rendre visible », de « transmettre ».

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une hypothèse de recherche selon laquelle ne pas parler de laïcité et de religions, ni avec les

professionnels ni avec les jeunes, est un frein à l’amélioration de la qualité des prises en charge

éducatives au sens où ces concepts participent de l’éducation des jeunes et peuvent prévenir des

comportements radicaux.

Pour vérifier cette hypothèse, j’ai poursuivis mes recherches avant de mettre en œuvre plusieurs

expérimentations.

2. La poursuite de la démarche de recherche et l’amorce de la conduite au changement

Pour poursuivre mes recherches, j’ai usé de plusieurs moyens. Il convient de présenter d’une part la

démarche méthodologique de recherche puis d’autre part la démarche d’évaluation interne sur

laquelle je me suis appuyée pour enrichir le recueil de données et pour amorcer une dynamique de

changement56 au sein de l’établissement.

2.1 La démarche méthodologique de recherche

Mes recherches ont débuté en septembre avec une période d’observation de cinq semaines, étayée

par des premières lectures en lien avec la laïcité dans les services publics.

2.1.1 Observations et lectures

L’observation a été ma première technique de collecte d’informations : observation dirigée et

observation participante.

Chacune de mes séances d’observation dirigée a été suivie d’un travail d’écriture sur un journal de

terrain, que j’ai tenu durant toute la durée du stage. Par exemple, j’ai observé les jeunes durant le

repas de fin d’année et le temps d’échanges qui s’en est suivi à l’UEAJ le 15 décembre, puis j’ai

rédigé un compte-rendu de nos échanges à l’aide de mon journal (cf. annexe 2). J’ai ainsi pu

constater que plusieurs jeunes étaient peu sûrs d’eux.

Dès le mois de septembre, j’ai été en totale immersion dans le milieu, ce qui m’a permis de

participer à certaines activités avec l’EPEI, telles que les vendanges avec l’UEAJ. Ma fonction de

directrice stagiaire m’a autorisée à participer à un grand nombre de réunions qu’il s’agisse de

56 « Conduire un établissement ne signifie pas atteindre un état déterminé mais soutenir son dynamisme au fil du temps. Ce n’est pas le mouvement de l’institution qui justifie son existence mais le développement des personnes qu’elle accueille, les trajectoires individuelles qui la parcourent. Et pourtant, le terme même d’orientations implique un mouvement. Non pas la recherche d’un aboutissement, mais un mouvement permanent, une action soutenue par des finalités conçues comme ce qui lui donne sens, ce qui la motive. Se donner une direction serait donc donner du sens à une action » : par changement, je pense donc à deux postures directoriales distinctes : « l’une qui concernerait l’animation d’une équipe au quotidien, l’autre qui consisterait à impulser le changement rendu nécessaire du fait de dysfonctionnements caractérisés, d’un état général de crise, d’une évolution significative du public ou de l’environnement. », Bertrand DUBREUIL, Le travail de directeur en établissement social et médico-social, 2ème édition, Dunod, Paris, 2013, p. 79-80. Le changement ne vise donc pas systématiquement un aboutissement, il peut aussi s’agir d’un mouvement permanent.

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réunions de gouvernance, de fonctionnement, d’établissement ou réunions de travail (voir infra). Je

me suis servie de mon rôle de directrice en formation, particulièrement dans le cadre de l’évaluation

interne, pour collecter des données. La difficulté que j’ai rencontrée en début d’année était la

discontinuité des périodes de présence sur le terrain de stage car les périodes d’observation étaient

parfois assez courtes (quatre à cinq semaines).

Je n’ai observé que à découvert, au sens où je n’ai jamais caché à mes interlocuteurs ma volonté de

rédiger un mémoire de recherche sur la thématique de la laïcité. J’ai fait le choix de ne pas observer

incognito dans un objectif de transparence et pour pouvoir poser ouvertement des questions ciblées

sans que cela ne suscite de surprise ou d’incompréhension de la part de mes interlocuteurs. Au fur et

à mesure de la progression du stage et de la montée en responsabilisation, il me semble que j’ai

davantage usé de la « participation observante » que de l’« observation participante »57.

J’ai enrichi mes observations de lectures, notamment à l’aide de bibliographies disponibles à la

médiathèque de l’ENPJJ, l’une ayant trait à « la laïcité » et l’autre à « la prévention de la

radicalisation : les réponses de la république ».

Les écrits de Jean Beubérot m’ont éclairé sur l’histoire et les origines de la laïcité. L’ouvrage de

Jean Picq sur La liberté de religion dans la République a nourri ma réflexion sur les différentes

interprétations de la laïcité58 et sur l’implication de ce principe dans les services publics. Faïza

Guélamine, dans son ouvrage sur le travail social à l’épreuve maintes fois cité dans ce mémoire,

m’a permis de confronter mes constats à des propos plus généraux sur les particularités du travail

social et elle a conforté certaines des interprétations que je pouvais faire de mes constats à l’EPEI.

Des ouvrages sur « la conduite au changement » tels que ceux de David Autissier, consultant qui est

intervenu dans ma promotion de directeurs à l’ENPJJ en janvier 2015, m’ont aidé à discerner la

difficulté de ce cheminement et m’ont enseigné de précieux conseils.

57 Pour la clarification terminologique de cette méthodologie : Bastien SOULE, Observation participante ou participation observante ? Usages et justifications de la notion de participation observante en sciences sociales, Recherches qualitatives, vol. 27(1), 2007, pp.127-140 : la notion de participation observante souligne « un investissement particulièrement prolongé sur le terrain » et suggère « une prépondérance de la participation sur l’observation ». 58 Certaines interprétations sont erronées : le problème de la « laïcité à la française » semble bien être la possibilité d’interpréter de deux façons différentes le principe posé par la loi de 1905 : on y voit soit une laïcité de combat soit une laïcité souple, de tolérance. L’absence de réel choix politique entre ces deux acceptions contribue probablement à générer des polémiques et des inégalités pouvant nuire au bien-vivre ensemble. Depuis près de 25 ans, on peut constater une tendance à s’écarter de l’esprit fondateur de la laïcité telle que pensée par Aristide Briand, qui consistait à reconnaître et à accepter les convictions individuelles. Cette laïcité, dévoyée de son sens premier, a une tendance antireligieuse ou anti-islam. Finalement, on renie ainsi justement ce que les pères fondateurs de la laïcité ont combattu : un règne de la pensé unique et l’imposition d’une seule croyance. Le rapport Pour une nouvelle laïcité, remis en juin 2003 par François BAROIN au Premier ministre de l’époque (Jean-Pierre RAFFARIN) illustre la tendance vers une laïcité de combat. Jean BAUBEROT y voit à cet égard un tournant, « la nouvelle laïcité, marqueur culturel de l’identité française, se transformant en catho-laïcité » : A quelle laïcité se vouer en France ? Stéphanie Le Bars, Le Monde.fr, Culture et idées, 10 janvier 2014.

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2.1.2 Les échanges informels

Tout au long du stage, j’ai eu de nombreuses conversations informelles, certaines orientées d’autres

non. Par exemple, pour étudier le profil sociologique des agents et des jeunes, il était utile de

recourir à des échanges informels pour s’appuyer sur les formes ordinaires des échanges sociaux et

donner parfois l’apparence d’une conversation à un entretien qui supprime son statut formel59.

Cependant, j’ai fait le choix d’utiliser ces échanges informels dans mon analyse sans jamais

retranscrire exactement le contenu de ces échanges afin de ne pas « rendre publics des propos privés

recueillis dans un rapport de confiance »60.

2.1.3 Les entretiens

J’ai fait le choix de procéder ensuite à plusieurs entretiens en préparant une grille de questions en

amont. J’ai réalisé ainsi deux entretiens semi-directifs pour approfondir mes recherches.

Dans le but de recueillir des informations relatives à l’organisation et au contenu des repas à

l’UEHC, je me suis entretenue avec le cuisinier et la maîtresse de maison le 5 janvier. J’ai en fait,

profité d’une « Commission cuisine » que j’étais chargée d’animer en représentation de la Direction

pour interroger ces deux personnels. Je souhaitais d’une part connaître et mieux comprendre

l’histoire de l’établissement et d’autre part, recueillir l’avis de ces deux personnels sur les

changements qui pouvaient être envisagés en matière de contenu et d’élaboration des repas au

foyer.

La maîtresse de maison n’est en poste à l’UEHC que depuis le 1er octobre dernier tandis que le

cuisinier occupe ses fonctions depuis 2002. Dès lors, il m’a paru intéressant de confronter leurs

points de vue : je souhaitais à la fois approfondir mes connaissances de l’histoire de l’unité avec le

cuisinier, et percevoir le regard nouveau de la maîtresse de maison sur le fonctionnement qu’elle a

découvert en prenant ses fonctions à l’UEHC.

A ce moment là, j’avais déjà des idées d’expérimentations que je souhaitais mener au sein de

l’EPEI dans le cadre de ce travail de mémoire. Néanmoins, je souhaitais aussi recueillir l’avis de ces

professionnels sur les changements que nous allions pouvoir envisager ou non pour améliorer le

fonctionnement actuel.

Je les ai questionnés pour comprendre pourquoi les repas au foyer étaient exclusivement halal puis

j’ai cherché à savoir si c’était possible qu’ils travaillent différemment.

Il m’a semblé que l’arrivée d’une nouvelle maîtresse de maison était une bonne opportunité pour

59 Patrick BRUNETEAUX, Corinne LANZARINI, Les entretiens informels, Sociétés contemporaines, N°30, 1998, pp. 157-180. 60 Pierre BOURDIEU, Notes au lecteur, La misère du monde, Paris, Editions du Seuil, 1993.

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initier du changement. Cependant, il est nécessaire de co-construire le changement avec les

personnes qui en seront porteuses et je souhaitais recueillir leur adhésion aux actions que j’allais

proposer en réunion d’établissement le 12 janvier, car l’adhésion favorise l’implication61.

A l’issue de cet entretien, j’ai rédigé un compte-rendu à l’aide de mes notes (cf. annexe 3).

Nos principaux partenaires sont les services judiciaires et plus spécifiquement les Juges des enfants

(JE). C’est pourquoi, dès le mois de novembre, j’ai sollicité un entretien avec deux des Juges des

enfants du territoire. Pour l’une d’entre elles, le rendez-vous que nous avions fixé le 9 février a été

annulé en raison d’un congé de maternité intervenu plus tôt que prévu. En revanche, après quelques

relances, la Juge des enfants de la principale juridiction du territoire a accepté de s’entretenir avec

moi dans son cabinet. Ce magistrat est également le coordinateur des cinq JE du Tribunal de Grande

Instance.

Elle occupe ces fonctions depuis huit ans. Avant cela, elle a déjà été JE remplaçant durant presque

deux ans dans une autre juridiction et elle a été Juge de l’application des peines durant plusieurs

années. C’est donc forte de son expérience qu’il m’a semblé intéressant de recueillir son avis sur

diverses questions en lien avec la prise en compte de la laïcité dans un EPEI de la PJJ, auquel elle

confie très souvent des jeunes sous main de justice.

Là encore, j’ai rédigé un compte-rendu à l’issue de nos échanges à partir d’une prise de notes

réalisées durant l’entretien (cf. annexe 4). Lorsque je les avais prises intégralement en notes et

qu’elles me paraissaient particulièrement intéressantes pour mon travail de recherche, j’ai

retranscris certaines paroles dans leur totalité.

Pour ces deux situations, j’ai exposé clairement à mes interlocuteurs les objectifs de l’entretien et le

contexte dans lequel il intervenait. Je leur ai présenté ma démarche de recherche en exposant le

sujet de mon mémoire et je leur ai expliqué que les données que j’allais recueillir au cours de nos

échanges allaient également me servir dans le cadre de l’évaluation interne, que j’étais chargée de

conduire dans l’établissement. Pour cela, j’ai systématiquement rappelé le cadre légal et

règlementaire de l’évaluation interne.

2.2 La poursuite de mes recherches dans le cadre de la démarche d’évaluation

interne

Dans le cadre de mon stage, le dossier de l’évaluation interne de l’établissement m’a été confié par

ma tutrice. C’est la raison pour laquelle ma démarche de recherche s’appuie en partie sur cet outil

61 David AUTISSIER et Jean-Michel MOUTOT, La boîte à outils de la conduite du changement, DUNOD, Espagne, novembre 2015.

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managérial62. Cette voie d’entrée constitue un biais parce que l'évaluation interne n'est pas un outil

méthodologique indépendant ou créé par le chercheur, c'est un outil institutionnel qui permet de

recueillir des informations que l'on peut ensuite utiliser en données pour la recherche, mais les

questions qui sont posées le sont à des fins institutionnelles et non scientifiques. L'évaluation

interne aurait eu lieu même s'il n'y avait pas eu de recherche. Néanmoins, cet outil m’a permis

d’aborder cette question sensible de la laïcité dans un cadre institutionnel sécurisant pour les

professionnels. De plus, l’évaluation interne peut être un levier de changement, à condition d’y

donner du sens.

2.2.1 Le cadre légal et règlementaire de l’évaluation interne

La Loi n° 2002-2 du 2 janvier 2002 introduit deux principes majeurs pour les ESSMS :

l’amélioration continue de la qualité des prestations et la prise en compte des droits des usagers et

de leur respect. Les dispositions de cette loi ont été codifiées dans le CASF63. A ce titre, les

établissements de la PJJ doivent « procéder à des évaluations de leurs activités et de la qualité des

prestations qu’ils délivrent »64.

La circulaire du 19 novembre 2012 relative à l’évaluation interne dans les établissements et services

du secteur public de la PJJ définit l’évaluation interne comme une démarche continue de réflexion

sur l’organisation et les pratiques professionnelles au sein de l’établissement ou service, dont

l’objectif est « de porter une appréciation sur des procédures, références et pratiques identifiées et

existantes au sein d’un service afin de concevoir des pistes de progrès dans le souci d’améliorer les

pratiques et la qualité du service rendu ». Cette démarche vise à mesurer la pertinence des actions

engagées au regard des besoins des populations accueillies. Elle est menée par l’ensemble des

professionnels sous la responsabilité du directeur de service.

C’est conformément à cette règlementation que j’ai amorcé la démarche d’évaluation interne. Pour

cela, dès la fin du mois de septembre, j’ai pris connaissance des textes de référence en la matière : la

circulaire de 2012 précitée, le Guide de l’évaluation interne des établissements et services de la PJJ

élaboré par le bureau des méthodes et de l’action éducative de la DPJJ65 en octobre 2009 et les

recommandations de bonnes pratiques professionnelles de l’ANESM66. Parmi celles-ci, il est

62 L’évaluation interne était un moyen de combiner à la fois la mise en œuvre d’actes de direction dans le cadre d’une méthodologie de projet et la poursuite de ma démarche de recherche. 63 Ces dispositions concernent les établissements et services de la PJJ (secteur public et secteur habilité), visés par le 4° du I de l’article L.312-1 du CASF en tant qu’ESSMS. 64 Article L.312-8 du CASF. 65 SDK / K2. 66 L’Agence Nationale d’Evaluation Sociale et Médico-sociale (ANESM) a été créée par la loi de financement de la sécurité sociale pour 2007. Elle est née de la volonté des pouvoirs publics d’accompagner les ESSMS dans la mise en œuvre de l’évaluation interne

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indiqué que « lorsque l’établissement dispose d’un référentiel qui décline notamment les

obligations réglementaires et les recommandations de pratiques professionnelles validées, il est

procédé à une comparaison des pratiques réelles et à l’identification des écarts avec les pratiques

attendues »67. Ainsi, j’ai aussi pris connaissance du référentiel de contrôle de fonctionnement

d’EPE/UEHC de l’inspection de la PJJ. Je constate qu’il n’y a pas de rubrique en lien direct avec la

laïcité, toutefois, je peux lire que la première valeur de notre administration citée à titre d’exemple

est celle de la laïcité. Cette valeur devrait figurer dans le projet de service68.

D’après la circulaire de 2012, le choix de la méthodologie est une étape primordiale pour la réussite

de la démarche et son appropriation par l’ensemble des acteurs impliqués. Une bonne articulation

entre directeur et responsables d’unité éducative est impérative afin que chacun prenne sa place

dans la démarche. Il faut éviter que l’évaluation interne ne soit perçue par les professionnels que

comme un moyen de contrôle et de normalisation de l’activité. Ainsi, il est indispensable d’associer

tous les professionnels de l’EPEI à cette démarche.

Le directeur doit établir un échéancier de l’ensemble de la démarche, en lien avec les responsables

d’unité éducative (cf. annexe 5). Il le communique à toutes les personnes participant à l’évaluation

interne et il veille au respect des étapes incontournables. Cette démarche favorise l’intégration des

personnels arrivant dans le service. Or, l’EPEI a accueilli cette année quatre nouveaux éducateurs,

une directrice stagiaire et une maîtresse de maison. L’année 2015-2016 semble bien propice aux

changements.

L’évaluation interne requiert aussi que les usagers, les partenaires ainsi que les juridictions soient

consultés. C’est pourquoi j’ai souhaité interroger les jeunes, les familles d’accueil avec lesquelles

travaille l’EPEI, ainsi que les magistrats du ressort.

Tout au long du processus, j’ai régulièrement communiqué aux professionnels de l’EPEI des

informations sur l’avancée des travaux.

et externe, instituée par la loi n°2002-2 du 2 janvier 2002. Installée en mai 2007, l’Agence a succédé au Conseil national de l’évaluation sociale et médico-sociale. 67 Recommandations de bonnes pratiques professionnelles : la conduite de l’évaluation interne dans les établissements et services visés à l’article L.312-1 du Code de l’Action sociale et des familles, ANESM, juillet 2009, p. 33. 68 Objectif A.2 - Le projet d’établissement fait référence pour les personnels; il est reconnu par les prescripteurs ; Point de contrôle A.2.1.- Le projet de l’établissement est écrit, mis à jour et validé (…) Le projet d’établissement énonce les principes et valeurs (laïcité ...) ainsi que les obligations découlant de la loi (…), p. 3.

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30

2.2.2 Un état des lieux participatif

Lors d’une réunion de gouvernance69, j’ai annoncé aux responsables d’unité et au coordinateur de la

MEHD que j’allais mettre en place des groupes de travail pour aborder les deux thèmes retenus

(l’accueil et la laïcité). De prime abord, mon idée était de composer un groupe de travail inter-unités

sur chacun des deux thèmes et de laisser aux agents la liberté de choisir de s’inscrire sur l’un ou

l’autre des groupes70. Toutefois, les trois cadres de proximité ont d’emblée attiré mon attention sur

le risque que les agents se positionnent dans les groupes selon les affinités avec les collègues déjà

inscrits. Pour plus d’efficacité et de rapidité, ils m’ont suggéré que nous composions nous mêmes

les groupes de manière équilibrée (afin notamment que chacune des unités soit équitablement

représentée), ce que nous avons fait alors71. Nous avons fixé ensemble les dates de réunion des deux

groupes et je les ai informés de l’envoi prochain d’un questionnaire aux agents.

Il était alors nécessaire d’élaborer un protocole réaliste au regard du temps et des moyens

disponibles72.

Dès que la démarche fût initiée auprès des cadres de proximité (RUE et coordinateur HD), je me

suis rendue sur chacun des sites de l’EPEI pour annoncer la démarche avec les RUE à l’ensemble

des équipes. Le 29 septembre j’ai présenté cela en début de réunion d’équipe à l’UEHC, le 30

j’étais à la MEHD avec son coordinateur, puis j’étais à l’UEAJ le 16 novembre73.

Pour l’envoi de questionnaires, je me fonde sur un document élaboré par la DIR à destination des

directeurs de service (cf. annexe 6). Je l’adapte aux agents et je le diffuse le 8 octobre (cf. annexe

7). Une enquête par questionnaire permet de s’adresser à un plus grand nombre de personnes et de

repérer par des questions fermées ou à choix multiples des régularités sur un point précis et de

dégager des points de vue dominants74. De plus, l’objectif était de préparer la réunion du groupe de

travail sur la prise en compte de la laïcité programmée le 19 novembre (c’est-à-dire d’avoir des

69 Réunion de l’équipe de direction de l’EPEI regroupant la directrice, les deux responsables d’unité, le coordinateur de la MEHD et moi-même. 70 C’est une pratique que j’avais observé sur mon premier service de stage l’année passée, un STEMO. J’avais trouvé cela satisfaisant mais je comprends lors des échanges avec les cadres de proximité de l’EPEI que ce qui est concluant dans un service de milieu ouvert ne l’est pas nécessairement en hébergement et en insertion. Le temps que l’on peut consacrer à des réunions de travail n’est pas non plus le même. 71 Je me suis dis que si je venais de prendre mon poste à l’EPEI, je ferai certainement le choix de faire confiance à mes responsables d’unité pour cette première « démarche projet », puis que j’évaluerai ensuite la méthodologie choisie, quitte à modifier celle-ci les années suivantes si elle ne se révélait pas pleinement satisfaisante. C’est la raison pour laquelle j’ai fais le choix de suivre leur proposition. En outre, c’est une manière d’associer les cadres de proximité à la démarche. 72 Recommandations de bonnes pratiques professionnelles : la conduite de l’évaluation interne dans les établissements et services visés à l’article L.312-1 du Code de l’Action sociale et des familles, ANESM, juillet 2009. 73 J’annonce donc les objectifs des réunions des groupes de travail, leurs dates, la composition des groupes, l’envoi des questionnaires et le calendrier fixé pour le processus global. 74 Recommandations de bonnes pratiques professionnelles : la conduite de l’évaluation interne dans les établissements et services visés à l’article L.312-1 du Code de l’Action sociale et des familles, ANESM, juillet 2009, p. 35.

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31

éléments à partir desquels construire l’ordre du jour et amorcer la réflexion des professionnels sur

les différents points qui allaient être abordés). J’ai fixé une date limite de retour des questionnaires

au 2 novembre.

Malheureusement, je n’ai eu que très peu de retours. Sept questionnaires sur vingt-trois m’ont été

retournés remplis malgré une relance quelques jours avant la date butoir. A ce jour, je me dis que le

délai pour remplir les questionnaires était probablement trop court. Néanmoins, il correspondait à

un calendrier nous permettant, la directrice et moi-même, de faire parvenir un état des lieux à la

DIR au mois de décembre, conformément à la commande qui nous avait été faite pour cette

deuxième évaluation interne75.

Ainsi, c’est lors de la réunion du groupe de travail le 19 novembre que j’ai pu recueillir des données

pertinentes tant pour l’évaluation interne que pour ma démarche de recherche. Il est en effet

recommandé de réunir les équipes professionnelles pour identifier leurs pratiques76 . Selon

l'ANESM, l'évaluation interne est participative et vise à instaurer un débat sur les valeurs et les

moyens des actions conduites, à produire une analyse collective des écarts et à définir des priorités

d'amélioration. Elle repose de manière essentielle sur le croisement des perspectives, intégrant

l'ensemble des acteurs concernés77. C’est dans cette visée là que j’ai souhaité animer la réunion.

J’ai élaboré l’ordre du jour en m’appuyant sur le questionnaire que j’avais envoyé aux agents (cf.

annexe 8). Les réunions de travail sur les thèmes de l’évaluation interne, l’accueil (le 2 novembre)

et la laïcité, ont été les premières réunions d’équipe que j’ai animées78. A leur issue, j’ai rédigé un

compte-rendu que j’ai diffusé à tout le personnel de l’EPEI lors de la réunion d’établissement le 17

décembre (cf. annexe 9).

J’ai demandé à ce qu’au moins l’une des responsables d’unité soient présentes à chacune des

réunions. En effet, « la bonne compréhension par l’encadrement intermédiaire des enjeux et des

modalités de la démarche est une garantie de la qualité de l’évaluation et de la mobilisation des

professionnels »79.

75 La première évaluation interne réalisée dans les établissements et services de la PJJ date de 2010. Au regard de la thématique des deux premières "recommandations de bonnes pratiques professionnelles" publiées par l'ANESM, la DPJJ avait décidé de réaliser cette démarche sur « La bientraitance : définition et repères pour la mise en œuvre » et sur « Les conduites violentes dans les établissements accueillant des adolescents : prévention et réponses ». Une évaluation interne doit être initiée tous les cinq ans. 76 Recommandations de bonnes pratiques professionnelles : la conduite de l’évaluation interne dans les établissements et services visés à l’article L.312-1 du Code de l’Action sociale et des familles, ANESM, juillet 2009, p. 38. 77 Guide de l’évaluation interne des établissements et services de la PJJ élaboré par le bureau des méthodes et de l’action éducative de la DPJJ, III. 1. 78 Dans un objectif de progressivité, j’ai d’abord animé des points directeur-responsable d’unité et des réunions de gouvernance en l’absence de la directrice de l’établissement. 79 Ainsi, il est recommandé que les cadres intermédiaires de l’établissement ou du service reçoivent la formation et les informations nécessaires à leur implication : Recommandations de bonnes pratiques professionnelles : la conduite de l’évaluation interne dans les établissements et services visés à l’article L.312-1 du Code de l’Action sociale et des familles, ANESM, juillet 2009, p. 28.

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32

La plupart de mes premières observations exposées dans la première partie de ce mémoire ont été

confirmées lors de mes échanges avec le groupe. Certains ressentis n’ont toutefois pas été exprimés

devant les collègues (aucun agent n’a exprimé une réticence à parler de religions avec les jeunes en

raison de l’obligation de neutralité par exemple). J’ai constaté qu’il était plus facile de parler de la

liberté de religion des usagers que de l’obligation de neutralité lorsque nous avons abordé « la

laïcité dans les pratiques professionnelles »80.

J’ai déjà exposé les raisons des changements attendus par la direction (notamment concernant les

repas à l’UEHC) et des idées d’actions ont d’ores et déjà été émises par les professionnels. Lors de

nos échanges, j’ai souhaité que chacun puisse s’exprimer et j’ai essayé de trouver des accords « qui

transcendent les divergences d’intérêts et qui assument la disparité des positions » : l’idée était de

permettre la négociation et la délibération collective, qui sont des nœuds essentiels de la fonction de

direction : ce sont les supports d’un positionnement éthique, au sens de Paul Ricoeur : « Appelons

« visée éthique » la visée de la « vie bonne » avec et pour les autres dans des institutions justes »81.

En effet, le cadre de direction ne doit pas simplement être celui qui tranche en dernier ressort, « il

est celui qui tient le cadre de la délibération, qui maintient en tension les questions vives qui agitent

l’organisation, qui maintient ouvert la bonne délibération (l’euboulia selon Platon) »82.

Suite à cette réunion de travail, j’ai pris attache avec la référente laïcité-citoyenneté du territoire

pour solliciter un entretien. L’objectif était pluriel : je souhaitais prendre connaissance de sa fiche

de poste ; discuter des projets et actions initiés par les autres services, la DT et la DIR ; connaître les

fonds disponibles pour mettre en place des actions ; voir quelles étaient les orientations du nouveau

DT en poste depuis le 5 octobre ; lui parler de l’évaluation interne en cours ; et enfin, échanger avec

elle sur la formation radicalisation organisée par les PTF. A l’occasion de l’entretien obtenu le 24

novembre, je lui ai donc fait des retours de la réunion du 19, principalement pour lui faire connaître

les attentes du personnel de l’EPEI à l’égard de ses nouvelles fonctions83.

A ce jour, cet agent n’a pas de fiche de poste spécifique au sein de la DT. Ses fonctions sont

définies par la Note DPJJ du 7 septembre 201584. Cette note énonce les deux missions essentielles

de la MNVI composée des référents laïcité-citoyenneté : - assurer la coordination des acteurs et le

soutien aux professionnels concourant à la prévention des risques de radicalisation dans le cadre de

la mission éducative ; - conduire une politique de citoyenneté, de réaffirmation des principes et

valeurs de la République notamment la laïcité, la lutte contre toute forme de racisme, de

manifestation de l’intolérance et de discrimination à travers l’organisation d’actions de prévention

80 Point II du compte-rendu. 81 Roland JANVIER, Ethique de direction en institution sociale et médico-sociale, Esf, Domont, décembre 2014, p.36-37. 82 Ibid, p. 43. 83 Dernier point du compte-rendu de réunion. 84 NDPJJ relative au cadre d’intervention des référents laïcité et citoyenneté de la mission nationale de veille et d’information.

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et d’éducation à la laïcité et la citoyenneté. C’est dans ce cadre que ma tutrice et moi-même, nous

souhaitons l’associer aux changements qui seront impulsés à l’EPEI.

Dans le cadre de cette démarche qualité, j’ai souhaité interroger les usagers c’est-à-dire les jeunes.

Outre les échanges informels que j’avais pu avoir avec eux au fil des jours, j’ai organisé et préparé

la « réunion jeunes » du 15 décembre en présence des éducateurs de service (supra, p.22).

Initialement, je voulais que l’équipe éducative organise cette réunion mais elle m’a demandé de

l’animer moi-même en leur présence85. Ainsi, les éducateurs présents moi-même, nous avons

restitué le contenu de ces échanges à tous les professionnels de l’EPEI lors de la réunion

d’établissement du 17 décembre, durant laquelle nous avons fait le point, la directrice et moi-même,

sur le processus d’évaluation en cours.

J’ai profité d’un temps de repas lors d’une « journée information famille d’accueil » le 25 janvier

pour questionner les familles présentes sur le rapport qu’elles entretenaient avec la laïcité vis à vis

des jeunes qu’elles accueillaient. Le thème de la journée était celui des cyber risques, je n’avais

donc pas préparé de question particulière. Je souhaitais simplement recueillir leur avis au cours de

conversations informelles. Je leur ai néanmoins présenté la démarche d’évaluation interne conduite

au sein de l’EPEI afin qu’elles sachent dans quel contexte leur étaient posées les questions.

Finalement, ces conversations ne m’ont pas véritablement permis d’enrichir l’état des lieux car les

personnes présentes n’ont soulevé aucun questionnement ni aucune difficulté en lien avec cette

thématique. Il m’a simplement semblé qu’il y avait une certaine retenue à parler de laïcité dans le

cadre de la collaboration de ces familles à un service public.

Toujours dans le cadre de l’évaluation interne, je suis allée à la rencontre d’un juge des enfants qui

a accepté de me recevoir. Afin d’obtenir ce rendez-vous, j’ai présenté le double objectif que je

poursuivais : à la fois contribuer à l’évaluation interne de l’établissement, et enrichir les données

recueillies dans le cadre de ma démarche de recherche.

Il était intéressant de voir que ce magistrat attend effectivement des éducateurs qu’ils abordent la

liberté de religion avec les jeunes comme étant un sujet de société parmi d’autres mais encore de

voir, qu’en tant que représentant de l’autorité judiciaire, gardienne des libertés individuelles, il

considère que l’obligation de neutralité ne s’applique pas nécessairement de la même manière aux

agents publics selon les fonctions exercées. Selon lui, l’éducateur n’a pas strictement la même

obligation de neutralité qu’un magistrat par exemple. Le métier même d’éducateur implique que

85 Je pense d’une part que l’équipe éducative souhaitait voir la directrice en formation interagir avec les jeunes et d’autre part, qu’elle ne souhaitait pas aborder ce sujet de la laïcité avec les jeunes (peut-être par gêne).

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l’on livre un peu de soi aux jeunes.

2.2.3 Les résultats de l’évaluation interne

Le champ d'application de l'évaluation interne a été défini par l’ANESM et porte sur l'effectivité des

droits des usagers, �l'établissement ou le service dans son environnement et l'organisation de

l'établissement ou du service. Il s’agit de « vérifier que le projet de service est mis concrètement en

œuvre dans les pratiques professionnelles, et que le principe d’individualisation de la prise en

charge qui assure le respect de l’usager et de ses droits est effectif »86. Autrement dit, l’évaluation

interne est quasiment indissociable du projet d’établissement ou de service puisqu’elle vise en fait à

l’actualiser, à faire le bilan des objectifs de l’année passée (voir ceux qui ont été atteints et ceux qui

seraient encore à atteindre). Elle vise à relever les points forts et les points faibles de

l’établissement.

Ainsi, l’état des lieux participatif réalisé a permis de dégager des points forts et des points faibles au

sein de l’EPEI.

S’agissant des points forts, nous avons relevé que :

- Globalement, la liberté religieuse des mineurs pris en charge à l’EPEI était respectée ;

- Les fêtes religieuses sont généralement des moments de partage favorisant le vivre ensemble

et l’apprentissage d’autres cultures ;

- L’organisation du temps de travail ne pose pas de difficulté à l’EPEI (il y a une certaine

solidarité d’équipe et les professionnels parviennent à prendre congés lors des fêtes

religieuses qu’ils souhaitent célébrer) ;

- La prise des repas à l’UEAJ ne pose presque pas de difficulté (seule le manque

d’anticipation lors de certaines activités à l’extérieur peut encore être un point à améliorer) ;

- Les ateliers cuisines de l’UEHC sont des occasions pour les jeunes de découvrir la diversité

gastronomique.

S’agissant des points faibles, nous avons fait les constats suivants :

- Il n’a jamais été proposé à un jeune de rencontrer un aumônier (à noter qu’une telle

rencontre n’est possible qu’à l’extérieur de l’établissement et que l’accord des parents est

requis selon la NDPJJ du 4 mai 2015) ;

- Un besoin de formation, particulièrement en histoire des religions, est exprimé par les

agents, pour compléter la formation radicalisation proposée par le PTF ;

- Les repas à l’UEHC sont exclusivement composés de viande halal et on relève une absence

86 Circulaire de 2012, précitée.

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totale de viande de porc ;

- Il y a une réelle nécessité de travailler à nouveau la citoyenneté avec les jeunes dans chacune

des unités et missions de l’EPEI car les jeunes ne savent généralement pas ce qu’est la

laïcité, la liberté de religion, le recensement, les différentes coutumes qui existent dans le

monde, l’histoire de l’immigration en France, l’histoire de notre région. De plus, ils ont bien

souvent des représentations qui empêchent le vivre ensemble (des représentations sur la

place de la femme dans la société, sur les personnes de confessions juives, sur les personnes

dont la couleur de la peau est noire, etc.).

J’ai communiqué les résultats de l’évaluation interne en premier lieu à la directrice de

l’établissement. Nous avons pris le temps de faire le point toutes les deux sur les données recueillies

et sur ce que j’avais pu ressentir et percevoir au cours de cet état des lieux participatif. Après cela,

j’ai communiqué ces résultats aux cadres de proximité lors d’une réunion de gouvernance.

Conformément au calendrier que nous nous étions fixé en équipe de direction, nous avons fait

parvenir les différents comptes rendus à tous les professionnels de l’établissement lors de la réunion

d’établissement de fin d’année le 17 décembre. Nous avons mis tous les documents de référence de

l’établissement ainsi que les résultats de l’évaluation interne sur une clé USB professionnelle, que

nous avons remise à chacun des agents de l’établissement (au personnel tant éducatif que non

éducatif).

Lors de cette réunion, la directrice et moi-même avons décidé de faire intervenir la référente laïcité

citoyenneté du territoire. Cette dernière n’avait pas encore rencontré les agents de l’EPEI. Ce fût

donc l’occasion de l’introduire pour qu’elle soit ensuite identifiée et repérée par tous. Cela nous a

également permis de faire le point sur les fonds des directions territoriales et interrégionales dédiés

aux actions en lien avec les thématiques de la laïcité et de la citoyenneté87. Nous souhaitions que

cette rencontre contribue à mobiliser les équipes sur des projets éducatifs laïcs et citoyens.

Enfin, nous avons transmis à la direction interrégionale les comptes rendus de réunions ainsi que le

calendrier des échéances à venir (élaboration du plan d’actions d’amélioration, présentation de ce

plan aux équipes et suivi du plan).

Cette méthode de conduite et de gestion de projet réalisée dans le cadre de l’évaluation interne m’a

permis d’expérimenter un management que je qualifierai de « management de la dignité humaine ».

Selon Roland Janvier, il s’agit d’un management –dont le terme vient du vieux français

87 Ces fonds sont réunis dans le cadre du Plan de Lutte Anti-Terroriste (PLAT).

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« ménager »- « qui accepte, assume et accompagne la diversité, l’imparfait, bref l’humain. Il s’agit

d’un management qui repose sur la bienveillance, qui prend soin de ceux qu’il encadre. Ce

management-là est convaincu que l’adhésion des acteurs aux objectifs communs est plus

importante et plus efficace que la contrainte à faire ou exécuter, que l’appel vers un idéal partagé

est plus riche et plus productif que la menace ou la sanction »88.

Il me semble que c’est aussi de cette manière là que j’ai voulu impulser une dynamique de

changement, en me servant de l’évaluation interne comme levier d’intégration de la laïcité dans le

pilotage de l’établissement, car « ensemble, les acteurs peuvent faire plus et mieux que chacun dans

son coin »89.

3. L’intégration de la laïcité dans l’établissement par la mise en œuvre d’un plan

d’actions d’améliorations

« A l’issue de la démarche évaluative, il incombe à la direction de se saisir des constats transmis

par le groupe projet ou instance d’évaluation pour élaborer le plan d’amélioration des services

rendus. Il lui incombe également de le mettre en œuvre et d’en assurer le suivi »90. Ce sont ces

actions que j’expose dans cette troisième partie.

3.1. L’élaboration et la présentation d’un plan d’actions d’améliorations à partir du

recueil de données

L’analyse des données recueillies a servi pour élaborer un plan d’actions d’améliorations pour

poursuivre la démarche d’évaluation interne.

3.1.1 La réflexion à partir de l’analyse des données

recueillies

Lors de l’entretien avec le « Pôle cuisine »91 du 5 janvier, j’ai appris que la direction de

l’établissement s’était tenue à l’écart des choix des menus pendant un certain temps. Cette

information est venue éclairer le choix de la directrice actuelle de ne reprendre la main que

progressivement sur le sujet. Depuis son arrivée, elle demande que les menus lui soient

communiqués régulièrement. Aujourd’hui, nous aimerions franchir une nouvelle étape et nous

pencher sur le contenu des repas.

Si de prime abord le cuisinier (le plus ancien des deux personnels) semble réticent à changer ses

88 Ethique de direction en institution sociale et médico-sociale, Roland JANVIER, Esf Editeur, Domont, décembre 2014, p.48. 89 Ibid., p.49. 90 Recommandations de bonnes pratiques professionnelles : la conduite de l’évaluation interne dans les établissements et services visés à l’article L.312-1 du Code de l’Action sociale et des familles, ANESM, juillet 2009, p. 28. 91 Le « Pôle cuisine » désigne le binôme cuisinier et maîtresse de maison.

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habitudes de travail, la maîtresse de maison, elle, est encline à tester de nouvelles pratiques. Elle y

est même très favorable et a déjà tenté d’initier de petits changements en la matière. En l’espèce, de

la viande de porc a été proposée lors de la soirée de Noël de l’UEHC le 16 décembre. Il me semble

que cela provenait de son initiative.

Ce qui m’a paru intéressant au cours de ces échanges, c’est que très rapidement, les sujets de la

santé et de l’équilibre alimentaire ont été évoqués.

La maîtresse de maison m’a d’emblée fait remarquer qu’il n’est pas conseillé de manger de la

viande à tous les repas. Ainsi, la question du contenu des repas n’induit pas seulement une réflexion

sur le respect des convictions philosophiques et religieuses des usagers mais aussi une véritable

réflexion sur l’hygiène alimentaire et la santé.

S’agissant de l’entretien avec le juge des enfants, plusieurs points saillants ressortent de nos

échanges.

En matière de neutralité, une remarque a retenu mon attention : la portée de l’obligation de

neutralité devrait varier selon les fonctions exercées par l’agent public. Or, les éducateurs doivent

donner l’exemple aux jeunes, ils doivent leur montrer que nous pouvons croire en différentes

divinités et tolérer les opinions divergentes. C’est le cœur même du travail éducatif : les éducateurs

doivent aider les jeunes à trouver leur place dans la société. Le juge des enfants interrogé semble

plutôt en accord avec mon hypothèse de recherche puisqu’il m’a indiqué que « Pour prévenir la

radicalisation, il n’y a pas de meilleur moyen que d’évoquer le fait religieux », il a ajouté : « Ce que

j’aimerais, c’est que l’on donne les moyens aux jeunes de comprendre et de connaître leur

société ».

A l’issue de cet entretien, j’ai gardé à l’esprit que le projet « Shalom, Paix, Salam », organisé par

l’EPEI en 2014, avait beaucoup plu aux JE de la juridiction, qui trouveraient formidable qu’il soit

reconduit.

Deux éducatrices avaient organisé un séjour à Paris avec un petit groupe de jeunes. Avec l’aide de

l’association française « Shalom, Paix, Salam », les jeunes ont pu participer à des ateliers réflexifs

au Musée d’art et d’histoire du judaïsme et ils ont visité le Musée de l’Institut du monde arabe.

Deux soirées à thèmes avaient aussi été organisées, l’une en lien avec la culture Juive et l’autre avec

la culture musulmane.

Le dialogue avec ce juge a consolidé l’idée selon laquelle il est crucial de parler du fait religieux

avec les jeunes.

Ces données ont pu être reprises avec la directrice de l’établissement et les cadres de proximité puis

avec les professionnels de l’EPEI (même si je n’ai pu leur restituer les conclusions des échanges

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avec le JE qu’après la réunion d’établissement du 12 janvier, ma rencontre avec lui datant du 1er

mars).

3.1.2 La concertation en équipe de direction

Le 8 janvier, la directrice et moi-même avons pris le temps de nous concerter et d’élaborer un plan

de déclinaison des actions d’amélioration relatif à la prise en compte de la laïcité dans

l’établissement à partir des données recueillies de part et d’autre avec les professionnels, les jeunes

et les partenaires interrogés.

Pour chaque point de diagnostic nous avons formulé des propositions d’actions, désigné les porteurs

des actions, fixé une période de réalisation pour chacune d’entre elles et enfin, nous avons engagé

une réflexion quant aux modalités d’évaluation de chacune des actions envisagées (cf. annexe 10).

Pour cela, ma tutrice m’avait demandé de réfléchir en amont aux propositions d’actions que je

pouvais lui faire, car un grand nombre d’entres elles constitueront mon expérimentation dans le

cadre de ce mémoire. Pour cela, j’ai tenté de tenir compte au maximum des suggestions et

remarques qui avaient été faites par le groupe de travail et par le « Pôle cuisine ». La directrice a

validé mes propositions. Seule l’une d’entre elles a été légèrement amendée92.

J’ai présenté aux cadres de proximité le plan de déclinaison des actions en réunion de gouvernance

le 11 janvier, avant de le présenter aux équipes de l’EPEI le 12. L’objectif de cet exposé était de

recueillir leur avis sur les actions que la directrice et moi-même nous envisagions. Si ce dossier m’a

été confié, il fallait évidemment que l’équipe de direction valide mes initiatives. Dès le 27 juin, je

ne serai plus à l’EPEI, et certaines des actions projetées puis mises en œuvre se poursuivront après

mon départ.

3.1.3 La présentation des propositions d’actions aux

personnels de l’établissement : coopération et

collégialité comme principes éthiques de management93

Le 12 janvier, une réunion d’établissement a été organisée. Elle a marqué le début de cette année et

a permis au directeur territorial (en poste dans cette direction depuis le 5 octobre dernier) de venir à

la rencontre de tous les professionnels de l’établissement. Mais la thématique principale de cette

réunion était l’évaluation interne. Après l’intervention de notre DT et avant que nous partagions un

92 Pour sortir progressivement du « tout halal » et dans l’attente de la mise en place d’une fiche de renseignement du régime alimentaire de chaque jeune (cf.supra), je souhaitais demander au personnel de cuisine de proposer deux viandes (l’une halal et l’autre non) ou bien une entrée halal et le plat non ou l’inverse trois fois par semaine. La directrice a préféré que l’on demande cela une fois par semaine pour pouvoir mieux évaluer l’expérimentation (en terme de coût et de gaspillage notamment). 93 Au sens de Roland JANVIER dans son ouvrage Ethique de direction en institution sociale et médico-sociale, Esf Editeur, Domont, décembre 2014, p.98 : « Coopération et collégialité comme principes éthiques de management ».

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repas convivial tous ensemble, j’ai passé la matinée à présenter aux agents le plan de déclinaison

des actions d’amélioration arrêté en équipe de cadres la veille94.

J’ai tâché de faire des liens avec tout ce qui avait pu être dit par les uns et les autres durant les

derniers mois, avec ce que j’avais pu constater par moi-même à l’EPEI, et surtout, j’ai insisté sur le

fait que ce plan n’était pas définitif. J’ai laissé aux agents la possibilité de me faire des retours et

remarques sur le contenu de ce plan jusqu’au 19 janvier. L’une des éducatrices présentes a profité

de ce temps de réunion pour compléter certaines idées95 . « La collégialité est une forme

démocratique d’exercice de l’autorité qui, sans effacer les distinctions de places et de rôles, permet

une forme ouverte de gouvernance (…). Cet espace est à lire comme un champ d’occurrences où se

créent des situations de faits, de pensées, d’actes, dont le dirigeant peut utilement tirer profit. »96.

Dit autrement, « À la rigidité de l’autoritarisme, où les vues tentent avec beaucoup de peine de

s’imposer à tous, la souplesse de la collégialité oppose un système où les points de vue singuliers

de chacun contribuent à influer le cours des choses selon un projet partagé »97.

3.2 Le suivi du plan d’actions et des expérimentations

Le plan de déclinaison des actions d’amélioration élaboré comprend en fait trois catégories

d’actions : les actions du directeur, les actions impulsées au niveau d’une seule unité ou mission et

les actions transversales qui impliquent tout l’établissement. Ces actions sont des expérimentations

au sens où après évaluation, elles peuvent être maintenues, corrigées ou plus rarement supprimées si

elles se révèlent finalement totalement inadaptées.

3.2.1 Les actions du directeur

L’actualisation du projet d’établissement. Dans le diagnostic opéré en matière de laïcité, j’avais

relevé qu’il n’y avait pas de référence à cette valeur dans le projet d’établissement. Les agents ont

également pointé cela lors de la réunion du 19 novembre. En tant que valeur républicaine partagée

par tous, le choix a été fait d’intégrer une telle référence en introduction du projet de service.

Conformément à la volonté qui ressort du compte-rendu de la réunion du groupe de travail de

l’évaluation interne98, c’est l’idée du vivre-ensemble qui est mise en exergue dans le paragraphe

ajouté au projet d’établissement existant.

94 Pour une meilleure compréhension et une meilleure lisibilité, j’ai projeté ce plan à l’aide d’un rétroprojecteur durant ma présentation. 95 S’agissant du projet de barbecue (voir supra), elle m’a très justement suggéré de convier également un représentant des non croyants pour que ce barbecue ne soit pas seulement interconfessionnel mais bien laïc puisque la laïcité c’est la possibilité de croire ou de ne pas croire. 96 Roland JANVIER, Ethique de direction en institution sociale et médico-sociale, Esf, Domont, décembre 2014, p.98 : « Coopération et collégialité comme principes éthiques de management ». 97 Ibid. 98 Compte-rendu en annexe 9, p.3.

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A l’aide d’une fiche action explicative, j’ai fait une proposition concrète à ma directrice tutrice pour

faire apparaître la laïcité en introduction comme suit :

« Les agents de l’EPEI s’accordent pour considérer que la laïcité est une valeur fondamentale qui

permet le vivre-ensemble au sein de l’institution mais également dans notre société. La laïcité

anime notre action et fait partie des valeurs que nous devons transmettre aux jeunes. La laïcité n'est

pas une opinion parmi d'autres mais la liberté d'en avoir une. Elle n'est pas une conviction mais le

principe qui les autorise toutes, sous réserve du respect des principes de liberté de conscience et

d'égalité des droits. Elle n’est ni pour ni contre la religion et garantit ainsi la liberté de chacun de

croire ou de ne pas croire, mais aussi d’exercer un culte et d’exprimer une croyance religieuse –

individuellement ou collectivement-. L’EPEI en tant qu’établissement public accueillant des

mineurs veille à concilier l’obligation de neutralité des agents d’une part, et la liberté de religion et

son expression d’autre part, en tant que liberté reconnue tant aux usagers qu’aux agents en tant que

citoyen. »

L’affichage de la charte de la laïcité. Depuis une Circulaire du 13 avril 2007, la Charte de la laïcité

doit être affichée dans tous les établissements et services publics. L’objectif de cette Charte, dont le

contenu a été proposé par le Haut Conseil à l’intégration, est de rappeler aux agents publics comme

aux usagers des services publics quels sont leurs droits et leurs devoirs à l’égard du principe

républicain de laïcité, afin de contribuer au bon fonctionnement des services publics. Elle pose

clairement le droit à la liberté religieuse, mais indique également ses limites tels que le respect de la

neutralité du service public ou l’interdiction du prosélytisme. J’ai demandé aux adjointes

administratives des deux unités ainsi qu’au coordinateur de la MEHD d’afficher cette charte.

L’équipe de l’UEAJ a finalement proposé de réaliser une affiche contenant cette charte avec les

jeunes. La réalisation de cette affiche est programmée en juillet.

« S’il doit marquer sa volonté de changement par des actes, le directeur serait présomptueux

d’imaginer qu’il va transformer l’institution du fait de sa seule volonté. Le changement ne se

réalise dans une organisation de travail que si un maximum de personnes y trouve intérêt. A travers

les mesures qu’il prend, le directeur n’offre que des opportunités de changement. Pour qu’elles

produisent des effets, il faut que les acteurs les concrétisent dans de nouvelles conduites (…). Les

modifications qui ne font pas l’objet d’une appropriation par les personnes concernées déplacent

les problèmes sans les traiter. »99 Ainsi, il ne suffit pas d’inscrire la valeur laïcité dans le projet

d’établissement ou de l’afficher dans le service, il faut encore la faire vivre, au sein des équipes

professionnelles et dans la relation avec les jeunes.

99 Bertrand DUBREUIL, Le travail de directeur en établissement social et médico-social, 2ème édition, Dunod, Paris, 2013, p.85-86.

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3.2.2 Les dynamiques de changement100 impulsées par unité

ou mission

L’actualisation des projets d’unité. En premier lieu, j’ai souhaité soutenir et accompagner les

responsables d’unité dans le travail d’intégration de la laïcité dans leurs projets pédagogiques

(projets d’unité)101. En effet, « le cadre de direction est un facilitateur »102. Pour cela, je leur ai

demandé d’inscrire ce point à l’ordre du jour d’une réunion d’unité pour qu’elles puissent en

échanger avec leur équipe. Ensuite, j’ai organisé un point avec chacune d’entre elles pour étudier la

question et pour qu’elles puissent me faire part de la version retenue. Elles ont chacune opté pour

une référence simple à la laïcité parmi les valeurs mises en exergue au début de leur projet, l’idée

étant de pouvoir ensuite la réutiliser dans le règlement intérieur à destination des jeunes et de leurs

familles. De la même manière que le projet d’établissement, il faut faire vivre le projet pédagogique

d’unité, ce qui relève des RUE. Ainsi, j’ai aussi demandé à la responsable de l’UEAJ de veiller à ce

que les repas pris à l’extérieur par les jeunes soient anticipés et préparés, tenant compte de leurs

prescriptions alimentaires (qu’elles soient d’ordre médical ou d’ordre religieux lorsque le sujet a été

abordé avec les représentants légaux).

L’association des familles dans la prise en compte d’une pratique religieuse des jeunes à

l’UEHC. Selon la Note du 4 mai 2015, les parents doivent être associés à la prise en charge de leur

enfant103. Elle est très explicite en la matière : « Le souhait d’une éventuelle pratique religieuse et

ses modalités de mise en œuvre doivent impérativement être évoqués avec les détenteurs de

l’autorité parentale et le mineur lors du début de sa prise en charge et aussi fréquemment que

nécessaire notamment lors de nouvelles demandes formulées par le mineur dans ces domaines ».

Pour que l’EPEI se conforme à ces directives, j’ai proposé à la directrice d’ajouter aux documents

d’accueil une fiche de renseignements spécifique à faire remplir aux parents (cf. annexe 11).

Lors de la mise en place de cette expérimentation, les agents ont de suite soulevé une interrogation

(déjà posée le 19 novembre par le groupe de travail) : que faire lorsque le jeune et sa famille

n’expriment pas le même souhait ? Sur ce point, la note du 4 mai énonce que « ce droit conféré aux

titulaires de l’autorité parentale ne fait pas obstacle à ce que le mineur soit associé aux décisions

100 Le « changement » tel que défini p.23. 101 « Au niveau de l’unité, le responsable d’unité éducative (RUE), pilote le projet pédagogique de l’unité. Le RUE garantit le caractère interdisciplinaire de la conduite des mesures judiciaires et met en place les outils et les modalités d’échanges entre les professionnels au quotidien. Au niveau de l’établissement, le directeur de l’établissement, pilote du projet d’établissement, garantit l’articulation et la complémentarité des projets pédagogiques des unités en lien avec les RUE. » : NDPJJ relative à l’action éducative dans le cadre du placement judiciaire, p. 10. 102 Ethique de direction en institution sociale et médico-sociale, Roland JANVIER, Esf Editeur, Domont, décembre 2014, p.108. 103 « Le droit à la pratique religieuse du mineur s’exerce en lien avec les détenteurs de l’autorité parentale (…) L’éventuelle éducation religieuse souhaitée par les représentants légaux est l’un des aspects de l’éducation en général et relève donc de l’autorité parentale conformément à l’article 371-1 du code civil ».

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prises par ses parents relatives à son éducation religieuse lorsque son âge le permet ». Ainsi, il

appartient le cas échéant au responsable d’unité et à l’équipe éducative, comme pour tout autre sujet

éducatif, de procéder à une sorte de médiation familiale pour que le jeune et sa famille se parlent et

s’écoutent. Si en dépit de tous les efforts de l’équipe un désaccord et une divergence d’opinions

perdurent, il semble selon les dernières orientations nationales, que la volonté des représentants

légaux doive être respectée. A ce jour, je n’ai pas été confrontée à une telle situation sur mon terrain

de stage.

Par ailleurs, les représentants légaux peuvent solliciter des aménagements de la part de

l’établissement pour que leur adolescent puisse pratiquer librement une religion sous réserve du bon

fonctionnement de l’EPEI. Ainsi, la directrice a diffusé une note de service concernant les périodes

de ramadan (cf. annexe 12). Les directives ainsi données en 2014 ont satisfait jeunes et

professionnels : durant cette période, des plateaux repas sont disponibles pour les jeunes qui

pratiquent ce rite et ils gèrent eux-mêmes, par dérogation, l’heure de leur réveil et de la prise de leur

repas dans leur chambre.

Sur ce point, le seul changement opéré concerne l’aval des parents : la fiche de renseignement

précitée doit permettre à la personne qui accueille un jeune à l’UEHC d’aborder la question de

l’existence d’une pratique religieuse avec les parents. Elle peut le faire dès l’entretien d’accueil

lorsqu’ils sont présents ou bien ultérieurement par le biais des éducateurs référents de l’UEHC lors

d’une visite à domicile ou d’une rencontre des représentants légaux104, ou par l’intermédiaire de

l’éducateur de milieu ouvert105.

Le contenu des repas à l’UEHC. Les pratiques à l’EPEI n’étaient pas conformes aux dernières

directives nationales106. J’ai reçu le « Pôle cuisine » à plusieurs reprises pour impulser un

changement en la matière. Dès la réunion du 5 janvier avec le personnel de cuisine, puis à nouveau

lors de la réunion d’établissement du 12 janvier, j’ai annoncé que désormais, de la viande de porc

serait régulièrement proposée aux jeunes. J’ai expliqué que le cas échéant, il y aurait la possibilité

d’avoir un plat différencié pour les jeunes qui auraient exprimé la volonté de ne pas en manger, en

accord avec leurs représentants légaux lors de l’entretien d’accueil (ou ultérieurement comme

susmentionné).

104 La Note d’orientation de la PJJ du 30 septembre 2014 rappelle que l’association des familles à l’action d’éducation est fondamentale (p.3 « Décliner les modalités d’association du mineur et de sa famille dans l’action d’éducation »). « Guide Parents, familles et professionnels dans le cadre judiciaire », DPJJ, mars 2011 : La visite à domicile est l’un des outils de ce travail avec les familles et elle peut être effectuée tant dans le cadre d’un suivi de milieu ouvert que dans le cadre d’un placement judiciaire. La visite à domicile, inhérente à la prise en charge éducative, est souvent présentée comme « un passage obligé » en début de mesure : Isabelle COMA, « Le guide Parents, familles et professionnels dans le cadre judiciaire. », Les Cahiers Dynamiques 2/2012 (n° 55), Dossier « La famille et les réseaux de sociabilité des jeunes », p. 19-25. 105 Le Service Territorial Educatif de Milieu Ouvert (STEMO) est le socle de l’intervention éducative : Note d’orientation de la PJJ du 30 septembre 2014, NDPJJ du 22 octobre 2015 relative à l’action éducative en milieu ouvert au sein des services de la PJJ. 106 Les repas étaient exclusivement halal et la viande de porc n’y était plus proposée depuis un certain temps.

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En effet, selon la note du 4 mai 2015, « il est fondamental que l’établissement dans son rôle

éducatif puisse faire découvrir aux mineurs des saveurs, des goûts, des aliments, des plats y

compris régionaux et traditionnels auxquels ils n’ont pas eu forcément accès avant leur prise en

charge ». Or, certains plats régionaux et traditionnels sont composés de viande de porc et certains

jeunes ont exprimé le souhait d’en manger. A l’instar du repas de Noël de fin d’année qui s’était

très bien déroulé, désormais, pour ne pas inverser la stigmatisation à l’encontre des jeunes qui

mangent du porc, cette viande sera régulièrement proposée.

Dans la mesure du possible, les jeunes doivent partager ensemble un plat unique107. Toutefois,

lorsque le mineur et ses représentants légaux demanderont expressément à ce que l’établissement

permette au jeune de pratiquer une religion par le biais de la fiche de renseignement sur les

prescriptions alimentaires, l’établissement devra le permettre.

En attendant que cette fiche de renseignement soit remplie pour tous les jeunes confiés à l’UEHC et

puisque le changement doit s’opérer progressivement, nous avons fait le choix en concertation avec

l’équipe de direction de demander aux personnels de cuisine d’expérimenter une fois par semaine la

confection de deux plats consistants, c’est-à-dire de deux viandes différentes : l’une halal et l’autre

non (avec le même accompagnement)108. A l’aide du tableau Velléda qui se trouve dans le

réfectoire, le menu sera inscrit à la vue de tous.

J’ai tenté de tendre vers ce qui avait été proposé par le groupe de travail du 19 novembre, mais il

n’était pas possible de mettre en place exactement le système qui avait été proposé (cf. p. 4 de

l’annexe 9).

A terme, l’objectif recherché est de limiter la fourniture de viande halal aux jeunes qui le

demanderaient expressément avec leurs représentants légaux109. Ainsi, conformément à l’article 11

de l’arrêté du 8 septembre 2003 relatif à la charte des droits et libertés de la personne accueillie,

« dans toute la mesure compatible avec le bon fonctionnement du service, il pourrait être fait droit

à la demande formulée conjointement par les titulaires de l’autorité parentale et par le mineur à la

délivrance de plats contenant de la nourriture confessionnelle, sans que cette diligence ne porte

atteinte au respect du principe de laïcité que doit observer l’établissement »110.

La possibilité pour un établissement de la PJJ de proposer de la nourriture confessionnelle à la

demande expresse du jeune et de ses représentants légaux s’explique par l’obligation qui peut

exister pour la puissance publique, d’organiser activement l’exercice de la liberté religieuse, voire

d’apporter des financements à des activités en rapport avec l’exercice du culte. Elle a ainsi

107 « Il apparaît important que les mineurs puissent partager ensemble un plat unique » : note du 4 mai 2015, p. 14. 108 Et ce, pour sortir progressivement de cette pratique du « tout halal » alors que de nombreux jeunes placés à l’UEHC actuellement sont indifférents à cette certification. 109 A l’exception des jeunes majeurs que nous accueillons parfois, par exemple dans le cadre d’une mise sous protection judiciaire (MSPJ). L’association des représentants légaux aux différentes décisions le concernant n’est pas obligatoire. 110 Note du 4 mai 2015, p.15.

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l’obligation d’assurer le libre exercice du culte des personnes qui, comme dans les hôpitaux ou les

prisons, ne peuvent l’exercer librement par elles-mêmes111. Ainsi, cette obligation figure parmi les

exceptions à l’article 2 de la loi de 1905112. Si l’achat de nourriture halal permettait de financer en

partie le culte musulman (ce qui n’est pas démontré113), les exceptions à l’article 2 de la loi de 1905

permettent de déroger à ce principe.

J’ai réalisé le suivi de ces expérimentations en animant régulièrement les « Commissions cuisine »

et en prenant le temps d’évoquer régulièrement la question du contenu des repas. Ce suivi m’a

permis de veiller à ce que l’organisation des repas et la délivrance de plats contenant de la

nourriture confessionnelle ne conduisent ni à une surcharge d’activité, ni à un surcoût financier, ni

ne porte une atteinte excessive au bon fonctionnement de l’établissement et au respect du principe

de neutralité que doivent observer les personnels114.

A ce jour, nous sommes parvenus à diversifier les repas proposés à l’UEHC et à ne plus fournir

exclusivement des repas halal. Néanmoins, lors de la dernière commission, la maîtresse de maison

m’a indiqué qu’elle avait tendance à s’adapter au personnel de service afin de « satisfaire tout le

monde », ce qu’elle ne devrait pas faire. La question du contenu des repas semble donc devoir être

travaillée avec les agents. C’est l’un des objectifs de l’élaboration d’une « charte éthique » (voir

infra).

Le contenu des activités du « Dispositif Accueil Accompagnement » (DAA). Le constat a été fait

que les notions de culture religieuse, de citoyenneté et de laïcité étaient insuffisamment abordées et

insuffisamment travaillées avec les jeunes.

Si la dernière NDPJJ du 24 février 2016 relative à la mission d’insertion de la PJJ n’évoque plus le

DAA en tant que tel, elle énonce tout de même que « L’accès aux dispositifs scolaires et

111 Si la Cour administrative d’appel de Lyon a annulé un jugement du tribunal administratif de Grenoble du 7 novembre 2013, refusant ainsi de servir des repas comprenant de la viande halal aux détenus musulmans, cela s’explique par plusieurs raisons qui ne sont pas transposables aux établissements éducatifs de la PJJ : la Cour a relevé que des menus sans porc et des menus végétariens étaient proposés aux détenus ; qu’il était possible de bénéficier, lors de fêtes religieuses, de menus conformes à leur religion ; et qu’il était possible d’acheter de la viande halal par l’intermédiaire de la "cantine". Elle a donc considéré qu’il y avait un juste équilibre entre les nécessités du service public et les droits des personnes détenues en matière religieuse. Or, dans les établissements de la PJJ, les jeunes ne peuvent pas « cantiner » (acheter directement des produits provenant de l’extérieur). Dans son avis du 24 mars 2011, le Contrôleur Général des Lieux de Privation de Liberté (CGLPL) a considéré que : « La fourniture de viandes ou d’autres aliments préparés selon les rites approuvés par les autorités religieuses compétentes doit être recherchée et mise en œuvre : les conditions du marché des aliments le permettent et les indications recueillies par le contrôle général n’ont pas permis d’établir que le prix de ces aliments serait prohibitif ; tout au contraire, les prix pratiqués apparaissent parfois inférieurs à ceux des produits habituellement achetés ; La contrepartie doit être que celles des personnes privées de liberté, qui n’ont aucune prescription de quelque nature qu’elle soit, ne doivent pas avoir à supporter des contraintes alimentaires qui ne sont pas les leurs. Il n’y a aucun motif, par exemple, que les personnes qui le souhaitent ne puissent se nourrir de viande de porc. » 112 « La République ne reconnaît, ne subventionne ni ne salarie aucun culte ». 113 En ce sens, voir l’article de Florence BERGEAUD-BLACKLER, Anthropologue, chargée de recherches au CNRS, à l’Institut de recherches et d’études sur le monde arabe et musulman (Iremam), Financer le culte musulman par la viande halal ? Libération, 3 mars 2015 ou son ouvrage Le sens du halal, une norme dans un marché mondial, CNRS éditions, avril 2015. 114 NDPJJ du 4 mai 2015, p.15.

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professionnels de droit commun est toujours un objectif prioritaire » mais que « lorsque cet objectif

est immédiatement inaccessible, l’accès aux dispositifs alternatifs extérieurs à la PJJ ou au

dispositif structuré d’accueil de jour de la PJJ doit être proposé. »115

Ainsi, l’inscription au DAA des jeunes n’ayant aucun projet d’insertion sociale et professionnelle

est obligatoire à l’EPEI116. Car en effet, les activités individuelles ou collectives (culturelles,

sportives, etc.) constituent un support pertinent de l’individualisation des parcours.117 La PJJ doit

permettre aux jeunes qui lui sont confiés d’acquérir, selon les besoins repérés, les pré-requis de

socialisation et les compétences clés au soutien de l’objectif de trouver une place au sein des

dispositifs de scolarité et de formation de droit commun. Cependant, certains jeunes placés en EPEI

sont si loin de la possibilité d’intégrer un tel dispositif, qu’il faut avant tout leur signifier qu’ils ont

une place dans la société et qu’il faut en respecter les règles sociales. « En effet, en amont de

l’insertion scolaire et professionnelle proprement dite, l’intériorisation des valeurs et règles

communes ainsi que d’un certain nombre de codes sociaux nécessite souvent un travail conséquent

et spécifique. Cette intériorisation prépare le terrain de l’insertion scolaire et professionnelle. �Le

rôle de la PJJ est ici primordial : du fait de ses compétences éducatives et de son approche globale

des situations individuelles, elle accompagne les jeunes à développer leurs capacités de décryptage

et d’assimilation de ces valeurs, règles et codes. »118

Cet accompagnement contribue à prévenir la délinquance et peut constituer un facteur de

désistance119.

Ainsi, j’ai profité de la réorganisation du temps de travail (OTT) et des modalités du DAA pour

insuffler une nouvelle dynamique avec la RUE de l’UEHC. Depuis le mois de janvier 2016, le

mercredi matin est dédié à la « découverte du patrimoine », c’est-à-dire que ce temps du DAA est

consacré à des sorties culturelles telles que des visites de musées, d’institutions ou de lieux de

mémoire.

Lors d’un point de suivi réalisé au mois d’avril avec les quatre éducateurs responsables du DAA120,

j’ai pu constater que plusieurs sorties en lien avec la thématique de la laïcité et de la

citoyenneté avaient été réalisées : visite de l’ancien camp de concentration du Struthof, visite du

115 NDPJJ du 24 février 2016 relative à l’action de la protection judiciaire de la jeunesse dans les parcours d’insertion scolaire et professionnelle des jeunes confiés, p. 1/10. 116 Le DAA est défini dans la Circulaire d’orientation du 3 avril 2012 relative à l’action d’éducation structurée par les activités de jour dans les établissements et services du secteur public de la protection judiciaire de la jeunesse. 117 NDPJJ du 24 février 2016, p. 7/10. 118 NDPJJ du 24 février 2016, p. 2/10. 119 Rapport du jury remis au Premier ministre le 20 février 2013, Conférence de consensus, Pour une nouvelle politique publique de prévention de la récidive, Principes d’action et méthodes : « Les facteurs de désistance sont ceux qui augmentent la probabilité de s’engager avec succès dans un processus d’arrêt des actes délinquants. Il s’agit de facteurs dynamiques, objectifs et subjectifs, qui renvoient aux ressources dont dispose le délinquant (par exemple, son insertion professionnelle ou ses capacités de communication). Les travaux sur la désistance insistent également sur l’importance de la prise de conscience du délinquant et sur sa motivation. Il convient par ailleurs de considérer que les différents facteurs de risque et de protection ont un effet variable selon les âges. » 120 Dans le cadre de la nouvelle OTT DAA, quatre éducateurs sont volontaires pour porter ce dispositif et le faire vivre. A terme, la direction de l’établissement espère attirer d’autres volontaires.

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parlement européen, visite du Musée Vodou, visite de la Cathédrale la plus proche, etc. Les

éducateurs semblent s’être saisis de la nouvelle organisation de ce dispositif pour organiser des

sorties qui permettent d’aborder de nombreux sujets historiques, culturels et parfois cultuels avec

les jeunes121 (cf. annexe 13).

L’association des jeunes à l’actualisation du règlement de fonctionnement de l’UEHC. Le

règlement de fonctionnement de l’UEHC a été actualisé par l’équipe de direction en décembre

2015, après une réunion de fonctionnement, pour se conformer à la NDPJJ du 4 mai 2015.

Néanmoins, nous avons décidé en réunion de gouvernance que le document serait simplifié et revu

avec les jeunes au courant de l’été afin de les associer à sa réécriture. En effet, le document est

actuellement trop dense et trop compliqué pour les jeunes et pour leurs familles. C’est d’ailleurs ce

qu’a relevé l’audit de l’UEHC intervenu à la fin du mois de janvier 2016.

Impulser des projets éducatifs financés avec le Plan de Lutte Anti-Terroriste (PLAT). En

association avec la responsable de l’unité, j’ai été chargée d’annoncer en réunion de fonctionnement

à l’UEAJ que nous pouvions bénéficier de fonds issus du Plan de Lutte Anti-Terroriste (PLAT)

pour construire des actions en lien avec la thématique de la laïcité et de la citoyenneté. Ensemble,

nous avons encouragé l’équipe éducative à s’en saisir et à réfléchir à ce qu’ils souhaiteraient mettre

en place. En effet, « être directeur ne consiste pas à être présent en toutes circonstances ni à

prendre toutes les décisions. Le contrôle repose d’abord sur la confiance parce qu’il suppose une

autonomie laissée à la personne »122.

Ainsi, l’équipe et la RUE de l’UEAJ nous ont soumis un projet sur l’engagement citoyen. Avec

l’étroite collaboration et le soutien de la référente laïcité-citoyenneté du territoire, ma tutrice et moi-

même avons fait aboutir ce projet et avons obtenu les fonds sollicités (cf. annexe 14).

De la même manière et toujours en lien avec la responsable d’unité, j’ai annoncé lors d’une réunion

de fonctionnement de l’UEHC qu’il était possible de construire un ou plusieurs projets sur cette

thématique et de les soumettre à la DT. J’en ai profité pour indiquer à l’équipe éducative que le juge

des enfants avec lequel j’avais pu m’entretenir dans le cadre de l’évaluation interne et de la

démarche de recherche pour mon mémoire, avait salué le projet « Shalom, Paix, Salam » (SPS)

initié en 2014. J’ai moi-même indiqué que je trouverais pertinent de le reconduire.

Finalement, il n’a pas fallu longtemps pour qu’émerge le « projet SPS 2016 » (cf. annexe 15). Il

121 Ainsi, l’EPEI se conforme à la NDPJJ du 22 octobre 2015 relative à l’action éducative dans le cadre du placement judiciaire en intégrant dans l’action éducative la prise en compte de la situation du jeune en matière d’éducation à la citoyenneté : « Les établissements de placement judiciaire exercent temporairement, à l’égard de la personne accueillie, une prise en charge dont le cadre de direction de l’établissement est garant. Ces établissements ont pour mission première de conduire une action éducative auprès d’un mineur ou jeune majeur au regard de sa personnalité et de sa situation en matière d’éducation, de relations familiales, de santé, de scolarité ou formation professionnelle, d’éducation à la citoyenneté. », Dimension éducative du placement, p. 2. 122 Bertrand DUBREUIL, Le travail de directeur en établissement social et médico-social, 2ème édition, Dunod, Paris, 2013, p.139.

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semble bien que la reconnaissance de leur travail satisfait les agents et peut susciter leur

mobilisation. Selon Jean-Pierre Brun, « La reconnaissance au travail est un élément essentiel pour

préserver et construire l’identité des individus, donner un sens à leur travail, favoriser leur

développement et contribuer à leur santé et à leur bien-être. Elle constitue également une

alternative constructive aux approches managériales orientées vers le contrôle et la

surveillance. »123

Il me semble important que le directeur des services accompagne et soutienne les RUE pour

encourager les prises d’initiative de l’équipe éducative sur cette thématique sensible. Ma présence

lors de ces réunions de fonctionnement a probablement permis de signifier l’importance de se

mobiliser sur cette thématique. De tels projets pourraient se construire en dehors du PLAT mais la

possibilité d’obtenir ces fonds peut constituer un facteur de motivation supplémentaire pour les

éducateurs.

Réunion de fonctionnement thématisée. Dans son rapport sur l’éthique, le Conseil supérieur du

travail social adresse des préconisations spécifiques aux cadres de direction en insistant sur la

nécessité de « soutenir et garantir l’existence et la pérennité de lieux et de temps de confrontation,

d’élaboration des pratiques ; d’assurer et assumer la responsabilité de la transmission de valeurs

et leur traduction dans les pratiques (…) ; d‘accepter et de favoriser l’imprévu et l’inventivité en

mettant en place le cadre institutionnel et l’organisation de travail capables de l’accueillir et de

l’élaborer »124. C’est dans cet ordre d’idées que les réunions de fonctionnement doivent être

régulières dans chacune des unités et missions d’un établissement de placement. Les pratiques

doivent évoluer et être régulièrement remises en question.

A ce jour, j’ai animé plusieurs réunions de fonctionnement de la MEHD pour revoir et améliorer

certaines pratiques125. L’une d’entre elles, avait trait au placement en famille d’accueil. En accord

avec l’équipe pluridisciplinaire126, nous avons intégré un point relatif à la laïcité dans une charte

d’engagement. Cette charte devra être signée par les familles d’accueil et par la directrice à l’issue

de la procédure de recrutement et avant tout placement d’un jeune dans la famille (cf. annexe 16).

123 Professeur de management et directeur de la chaire en gestion de la santé et de la sécurité du travail à l’université Laval, Québec, il a publié Les Sept Pièces manquantes du management, Les Éditions transcontinentales, 2008 et est auteur d’un article intitulé La reconnaissance au travail, version numérisée de la revue Sciences Humaines, 30 mars 2010. 124 Conseil Supérieur du Travail Social (CSTS), Ethique des pratiques sociales et déontologie des travailleurs sociaux, Editions ENSP, Rennes, 2001, p. 133. 125 J’ai animé ces réunions notamment car la MEHD n’a pas de responsable d’unité. La directrice de l’EPEI a fait le choix début 2015 de décharger la RUE de l’UEHC de la MEHD et c’est elle seule qui encadre et dirige cette mission. En outre, selon l’objet de la réunion de fonctionnement, il me semble que la directrice doit être présente. C’est le cas de la thématique « famille d’accueil » (la directrice étant en charge de la procédure de recrutement des familles). 126 Educateurs et psychologue.

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3.2.3 Les impulsions transversales

Les trois réunions de préparation du barbecue interculturel. Afin de mobiliser les éducateurs de

l’EPEI et susciter l’intérêt des professionnels et des jeunes pour la thématique de l’inter culturalité

et de l’inter confessionnalité, la directrice et moi avons programmé trois réunions de préparation

d’un barbecue interculturel que j’ai animées. Le groupe de travail est composé de sept éducateurs,

de la psychologue, des responsables d’unité et du coordinateur de l’HD et d’un membre du pôle

cuisine (leur inscription était volontaire). L’objectif de ce projet est le partage d’un repas avec les

jeunes, les professionnels127 et des personnes de différentes cultures et de différentes religions.

Avec l’accord de la direction territoriale, nous avons demandé aux éducateurs de contacter des

représentants de différentes confessions (aumônier militaire musulman, aumônière catholique de la

maison d’arrêt la plus proche, aumônier régional bouddhiste des prisons, etc.) et de différentes

associations prônant la laïcité et la tolérance vis-à-vis des différences (Coexister, SPS), afin de venir

transmettre un message de paix aux jeunes qui nous sont confiés.

Ce barbecue est projeté le 31 mai prochain. A cette fin, nous avons sollicité l’autorisation des

représentants légaux des jeunes placés (à l’UEHC et à la MEHD) (cf. annexe 17).

La conduite de ces réunions de préparation par un membre de la direction (en l’espèce la directrice

en formation) était nécessaire en raison de l’aspect transversal du projet ; pour fixer des objectifs en

cohérence avec le projet d’établissement ; et pour veiller à ce que le budget prévisionnel soit

respecté (ces réunions visant également à projeter et organiser le repas, la décoration ainsi et l’envoi

des invitations). S’agissant du contenu du repas, nous avons prévu de proposer un méchoui, un

cochon de lait et des salades.

La commission laïcité. « Au plan collectif, celui qui assume la fonction de direction déploie des

instances qui permettent de prendre du recul par rapport à l’action et de vérifier, d’une part, la

cohérence du projet politique aux valeurs éthiques énoncées et, d’autre part, des actions aux mêmes

valeurs, puis la cohérence entre le projet et sa mise en œuvre »128.

Au cœur de mon expérimentation, j’ai souhaité initier une « Commission laïcité » réunissant

trimestriellement l’équipe de direction de l’EPEI, la référente laïcité citoyenneté du territoire ainsi

que des « référents laïcité citoyenneté » de chacune des unités et mission129. Pour cela, des

volontaires ont été désignés référents dans leur unité ou mission (trois volontaires pour l’UEHC, un

127 Les professionnels de la protection de la jeunesse du département sont invités (les agents du STEMO du département, le représentant du Conseil départemental, la direction et l’encadrement des établissements du SAH –directeur et CSE-, personnels de la DT, magistrats et partenaires extérieurs habituels). 128 Roland JANVIER, Ethique de direction en institution sociale et médico-sociale, Esf, Domont, décembre 2014, p.60. 129 A l’instar de commissions déjà existantes à l’EPEI : la « Commission santé » réunissant les conseillers techniques (CT) santé de la DT et les « référents santé » de l’EPEI ou la « Commission insertion » réunissant le responsable des politiques institutionnelles (RPI) en matière d’insertion de la DT et les « référents insertion » de l’établissement.

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pour l’UEAJ et un pour la MEHD). Cette commission a plusieurs objectifs : revoir les textes

législatifs et règlementaires existants en matière de respect de la laïcité et ce qu'ils impliquent dans

l’établissement ; faire le point sur les actions collectives qui ont été réalisées au sein de

l'établissement et sur celles qui sont à venir ; échanger sur des situations individuelles de jeunes qui

interrogent (par exemple des jeunes qui montrent des signes de radicalisation) ; recueillir les besoins

de formation des professionnels en lien avec la thématique de la laïcité et de la citoyenneté ; et à

long terme, organiser des formations sur site pour tous les professionnels de l'EPEI intéressés (par

exemple en histoire des religions, histoire de l'immigration etc., pour compléter les formations

proposées par le PTF et par l'ENPJJ).

Le projet de création de cette commission a été travaillé avec un éducateur de l’UEHC

particulièrement intéressé par les questions ayant trait à la laïcité (annexe 18).

Initialement, la directrice et moi avions prévu d’organiser une autre réunion pour élaborer une

« Charte éthique » que les professionnels de l’EPEI s’engageraient à respecter. Elle déclinerait les

droits et obligations des agents de l’établissement dans l’exercice de leurs fonctions. Son

élaboration en groupe de travail permettrait de travailler plus spécialement l’obligation de neutralité

des éducateurs et ce qu’elle implique dans l’exercice de leurs fonctions. Toutefois, en raison d’un

grand nombre d’instances déjà mises en place (les réunions de fonctionnement, les réunions

« barbecue » et la commission laïcité), nous avons fait le choix en équipe de direction de supprimer

cette réunion du 28 avril130. Nous avons pensé que nous pourrions évoquer cette charte lors de la

première commission laïcité programmée le 23 mai.

Un travail sur la neutralité nous paraît véritablement nécessaire car il existe encore à ce jour des

confusions entre liberté de religion des usagers et liberté de religion des agents. Par exemple,

certains agents (minoritaires) pensent qu’ils sont en droit de demander un repas conforme à leur

pratique religieuse et n’acceptent pas qu’il n’y ait pas systématiquement de repas halal prévu pour

les éducateurs à l’UEHC131. C’est la raison pour laquelle, gênée, la maîtresse de maison a tendance

à adapter le contenu des repas aux jeunes et aux professionnels en service (voir supra). Par le biais

de cette dernière, nous avons récemment appris que quelques éducateurs (très minoritaires là

encore) indiquent aux jeunes ce qu’ils peuvent manger ou non selon leurs convictions (présumées

ou affirmées). La commission laïcité permettra de rappeler aux professionnels qu’ « en aucun cas le

personnel de l’établissement ne pourra dispenser un quelconque enseignement ou conseil en

130 Notre volonté se heurte parfois à la réalité du travail en EPEI. Mi-avril, l’établissement a été confronté à plusieurs arrêts maladie et à plusieurs congés. Il n’a pas été possible de maintenir et d’organiser la réunion « Charte éthique » prévu dans le plan d’action d’améliorations issu de l’évaluation interne. 131 Nous avons pu lire le 29 avril dans le cahier de consignes qu’un agent s’était étonné de ne pas pouvoir manger halal durant son service du week-end. Il a écrit : « Il faut aussi penser aux personnels qui mangent halal !! Ca ne coûte pas plus cher !! La laïcité c’est aussi cela !! ».

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matière de culte et de sa pratique auprès d’un mineur pris en charge »132. Il faut responsabiliser les

jeunes, leur indiquer qu’ils ont le choix de manger ci ou ça et non pas leur donner des directives.

En accord avec les référents laïcité citoyenneté de l’EPEI, il pourra être décidé lors de la

commission du 23 mai de fixer une nouvelle date pour travailler cela avec plusieurs agents (et non

pas seulement les référents volontaires)133.

A la fin du mois d’avril et avant la finalisation de ce mémoire, j’ai tâché d’évaluer ces différentes

expérimentations issues de ma démarche de recherche et de la démarche d’évaluation d’interne de

l’établissement.

3.3 L’évaluation des expérimentations

3.3.1 Les points de contrôle d’un pilotage correct de l’EPE

par le directeur

Considérant le référentiel de contrôle du fonctionnement des EPE/UEHC de l’inspection de la PJJ et

le point spécifique sur le pilotage de l’EPE par le directeur134, il y a plusieurs points de contrôle de

son action. Parmi ceux-là, il est indiqué que « le directeur est présent dans l’établissement et

accessible pour le responsable de l’unité éducative et les personnels » (Point A.3.1). Il me semble

que tout au long de la mise en œuvre des expérimentations, je me suis rendue disponible pour les

professionnels par courriel et par téléphone ou encore, j’ai été présente dans chacune des unités et

mission au moins une fois par semaine. Ainsi par exemple, j’ai eu de nombreux échanges, formels

ou informels, avec les porteurs des « projets PLAT » afin que ces derniers remplissent les critères

requis par la référente laïcité citoyenneté de la DT. La préparation du barbecue a également

nécessité des contacts très réguliers avec les responsables d’unité, les éducateurs et le pôle cuisine.

Mais encore, « le directeur est présent dans les instances relevant de sa compétence ou par

délégation du directeur territorial » (A.3.2) ; il « élabore un budget prévisionnel en cohérence avec

l’activité et prenant en compte les besoins des mineurs » (A.3.3) ; il « exerce les contrôles inhérents

à tout acte de direction, il vérifie la bonne application des procédures qu’il a définies » (A.3.5) ; il

« rencontre régulièrement les magistrats sur le fonctionnement de l’établissement et l’évolution des

prises en charge des mineurs » (A.3.6) et il « rend compte régulièrement de l’activité de l'EPE à la

direction territoriale » (A.3.7). J’ai assisté à un grand nombre d’instances relevant de la 132 NDPJJ du 4 mai 2015. 133 En somme, peu de textes règlementaires abordent expressément la portée de l’obligation de neutralité dans notre administration. Or, le respect de cette obligation doit être garanti par le directeur. C’est pourquoi, nous souhaitons (les cadres de l’EPEI) inviter les agents à réfléchir à leurs postures professionnelles et préciser aux agents ce que cette obligation recouvre. 134 Objectif A.3.1. du référentiel.

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compétence du directeur (réunion de gouvernance, collèges de direction, comité territorial des

cadres, certaines réunions de fonctionnement selon son objet, etc.). Il me semble que j’ai trouvé ma

place au sein de l’équipe de l’EPEI. Lorsque la gestion du budget m’était confiée (par exemple pour

le « projet barbecue »), j’ai veillé à la cohérence et à l’adéquation de celui-ci avec le projet et les

besoins de notre public. Dès le mois de mars, je me suis attachée à vérifier que les impulsions

demandées, suscitées, étaient effectivement mises en œuvre (s’agissant du DAA, de la

diversification des repas à l’UEHC ou de l’association des familles aux décisions concernant

l’éducation de leur adolescent). Et ce, en faisant des points de suivi réguliers (avec les éducateurs du

DAA, avec le pôle cuisine, avec les RUE). La rencontre avec le JE coordinateur m’a permis de

parler plus généralement du fonctionnement de l’EPE135 (cf. annexe 4) et j’ai pu rendre compte de

l’avancée de l’évaluation interne de l’EPEI à chaque collège de direction (CODIR) en DT.

3.3.2 Les indicateurs d’évaluation des actions issues de

l’évaluation interne de l’établissement

Dès l’élaboration du plan d’actions d’amélioration dans le cadre de la conduite de l’évaluation

interne sur la prise en compte de la laïcité, j’ai entrepris de déterminer des indicateurs d’évaluation

(cf. annexe 10). A ce jour, je peux déjà évaluer certaines des expérimentations menées : les

documents de référence de l’EPEI ont été effectivement actualisés et intègrent désormais le principe

de laïcité. Suis-je parvenue à faire vivre ce principe dans le pilotage de l’établissement ? Je pense

que ce travail est sérieusement amorcé au sein de l’EPEI mais qu’il n’est pas terminé.

La charte éthique que j’envisageais d’élaborer n’existe pas encore puisque la première réunion dont

elle était l’objet n’a pas pu avoir lieu (les raisons sont exposées dans la partie 2-3).

Seules deux des trois réunions du groupe de travail pour préparer le barbecue interculturel ont déjà

été réalisées (la troisième est programmée le 19 mai), mais l’objectif semble déjà atteint : plusieurs

professionnels de diverses origines et cultures sont mobilisés sur le projet et cela permet,

indirectement, de les faire travailler eux aussi (et non seulement les jeunes) sur la tolérance de la

différence.

La RUE de l’UEHC a intégré dans les objectifs annuels des « éducateurs DAA » la mise en place

d’activités en lien avec la thématique de la laïcité et de la citoyenneté. Il me semble que ces

objectifs seront atteints à la fin de l’année (cf. annexe 19).

Afin de tenter d’évaluer l’effet de ces différentes évolutions et expérimentations sur la prise en 135 Il n’y a eu qu’une seule rencontre avec les JE durant les six mois de « responsabilisation ». Cela peut paraître peu, mais compte tenu de l’activité dans un EPEI et de la courte durée de la mise en responsabilisation, je crois que ce n’est pas si mal. S’ajoutent tout de même à cette rencontre des contacts téléphoniques ponctuels pour des situations spécifiques de jeunes. En outre, les JE et le parquet chargé des mineurs sont invités au barbecue du mois de juin, ce qui permettra un nouveau contact avant la fin du stage.

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charge éducative des jeunes, je souhaiterais interroger un groupe de jeunes de l’UEAJ et de l’UEHC

et leur poser sensiblement les mêmes questions que celles que j’avais posées le 15 décembre (cf.

annexe 3). Pour cela, je projette d’organiser avec les éducateurs de l’UEAJ une nouvelle « réunion

jeunes » sur la thématique de la laïcité et de la citoyenneté au mois de juin. En effet, « le directeur

n’occupe pas une place de « sachant », il anime une délibération associant toutes les parties

prenantes pour garantir l’authenticité de la démarche d’évaluation »136.

Concernant les besoins en formation des professionnels, la directrice et moi-même les avons

communiqués à la DT et il semblerait qu’un module complémentaire d’histoire des religions sera

proposé par le PTF durant le dernier trimestre 2016. Ce module vient compléter la formation

nationale de trois jours sur la radicalisation. La directrice veillera à ce que ses agents s’inscrivent

bien à cette formation.

Enfin, concernant les repas à l’UEHC, le travail avec les agents d’une part et avec les familles

d’autre part est engagé mais il n’est pas abouti. Les dix mois de stage de deuxième année ne

constituent pas une période suffisamment longue pour qu’un travail d’une telle ampleur puisse

s’achever.

3.3.3 Les limites de ces expérimentations et les pistes

d’amélioration

Si j’avais bénéficié de plus de temps, il aurait été intéressant d’aller voir comment le secteur

associatif habilité du territoire travaille les questions relatives à la thématique de la laïcité et de la

citoyenneté, en tant que délégataire juridique d’une mission de service public137.

Par ailleurs, si ces expérimentations et actes de direction ont pu être conduits au sein de cet EPEI, il

est très peu probable qu’elles soient transposables telles quelles dans un autre EPE. La situation de

départ au sein de mon établissement de stage était propice pour aborder des questions sensibles telle

que la laïcité, car le fonctionnement global de l’EPEI était satisfaisant. La direction s’était déjà

attaquée à d’autres chantiers prioritaires et le terrain était en quelque sorte « défriché » pour engager

un travail sur cette thématique.

136 Conseil Supérieur du Travail Social (CSTS), Ethique des pratiques sociales et déontologie des travailleurs sociaux, Editions ENSP, Rennes, 2001, p.81. 137 Dont on sait que, depuis l’arrêt n°537 du 19 mars 2013, CPAM de Seine-Saint-Denis, pourvoi n°12-11.690, la Cour de cassation considère que l’obligation de neutralité leur est imposée : « les principes de neutralité et de laïcité du service public sont applicables à l’ensemble des services publics, y compris lorsque ceux-ci sont assurés par des organismes de droit privé ».

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Et pourtant, on peut s’interroger sur le degré de cohérence et de cohésion de l’équipe de l’UEHC138

actuellement : est-il suffisant pour entreprendre une véritable réflexion sur l’obligation de neutralité

des agents et sur sa portée dans l’exercice des fonctions et plus particulièrement au moment de la

prise des repas ? Si selon moi on ne peut pas demander à un agent d’agir à l’encontre de ses

pratiques (par exemple manger durant le ramadan ou manger quelque chose qu’il s’interdirait de

manger), celui-ci ne peut pas demander à la direction de faciliter l’exercice de sa pratique

religieuse. Ainsi, le personnel de cuisine n’a pas à adapter le menu en fonction des professionnels

mais uniquement en fonction des jeunes. L’OTT à l’EPEI implique que les agents ne sont jamais de

service au moment des deux principaux repas de la journée (ils travaillent soit au moment du repas

de midi soit au moment du dîner). Ainsi, ils sont libres de confectionner leur repas au moins une

fois dans la journée. Au contraire, l’obligation de partager en commun les temps de repas au sein du

foyer constitue l’une des contraintes du placement pour les jeunes (et l’une des obligations du

règlement de fonctionnement). C’est la raison pour laquelle, l’administration accepte, dans une

certaine mesure compatible avec le fonctionnement de l’établissement, de tenir compte de la

volonté du jeune et de sa famille.

Il est ardu de parvenir à une véritable cohérence d’équipe (et donc plus encore à une cohésion

d’équipe) en UEHC139 dans l’action éducative en général, et du point des vue des postures

professionnelles en particulier. Il n’existe pas de loi posant clairement le principe de neutralité des

agents publics et c’est le juge administratif qui en a précisé la portée. C’est pourquoi, il est essentiel

d’ouvrir un espace de dialogue des professionnels sur cette question (c’est l’un des objectifs de la

commission laïcité). Cette volonté se heurte souvent au manque de temps (les professionnels sont

happés par la gestion du quotidien et de l’urgence) et à la difficulté de réunir simultanément tout le

personnel d’une unité ou d’un établissement. Néanmoins, il revient au directeur de permettre et de

créer ces espaces de discussion.

Après juste quelques mois d’expérimentations, je ne suis pas certaine de pouvoir déjà vérifier mon

hypothèse de recherche selon laquelle ne pas parler de laïcité et de religions, ni avec les

professionnels ni avec les jeunes, serait un frein à l’amélioration de la qualité des prises en charge

éducatives au sens où ces concepts participent de l’éducation des jeunes et peuvent prévenir des

comportements radicaux. Ce que je constate concernant les professionnels, c’est qu’aborder la prise

en compte de la laïcité les a plutôt enthousiasmés, comme si cela rendait le sujet moins tabou et

permettait de défaire certaines crispations. Concernant les jeunes, j’ai pu constater qu’il n’a pas été

138 Selon moi, ce qui importe le plus au sein d’une UEHC c’est la cohérence de l’équipe professionnelle (avoir un discours commun, poursuivre les mêmes objectifs avec une homogénéité de moyens), mais il semble que la cohésion (au sens d’une forte union au sein de l’équipe) favorise la cohérence. Néanmoins, il peut y avoir cohérence sans cohésion. L’inverse me paraît moins vrai. 139 Pour les raisons exposées supra : entre les congés, les formations, les arrêts maladie et la continuité du service public, il est quasiment impossible dans un EPE de réunir tous les professionnels en même temps.

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très difficile de les mobiliser sur cette thématique, tant par le biais des activités du DAA que par des

projets tel que SPS. Ils cherchent constamment à pouvoir dialoguer avec les adultes et ils souhaitent

comprendre le monde qui les entoure. Ce travail amorcé à l’EPEI, je pense qu’il faut qu’il se

poursuive. Pour pouvoir étudier les effets concrets sur la qualité des prises en charge éducatives,

l’idéal serait de pouvoir refaire un bilan avec la directrice à la fin de l’année 2016.

Enfin, le choix méthodologique réalisé dans la démarche de recherche de ce mémoire peut

constituer une limite : si le support de l’évaluation interne a été un levier de changement, il a

également été parfois source de difficultés puisqu’il a fallu alterner constamment entre deux rôles,

celui d’étudiante chercheure et celui de directrice en formation. Toutefois, cela m’a permis

d’expérimenter franchement mes futures fonctions puisque le directeur doit tâcher d’analyser et

d’étudier ce qu’il observe dans l’exercice de ses fonctions tout en gérant le quotidien d’un

établissement ou service.

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Conclusion

Ce travail de recherche a été réalisé au moment où les contours de la laïcité et la visibilité des

religions dans l’espace public suscitent de vifs débats140.

Partant du constat que le principe de laïcité n’était pas suffisamment intégré dans le pilotage de

l’établissement de la directrice, j’ai d’abord tenté d’en comprendre les raisons avant d’étudier

comment il serait possible d’impulser une dynamique de changement pour le prendre pleinement en

compte puis pour le faire vivre au sein de l’EPEI.

Finalement, pour répondre à cette question, je me suis intéressée aux deux volets de l’application de

ce principe : son application aux jeunes qui nous sont confiés en tant qu’usagers du service public

d’une part, et son application aux professionnels en tant qu’agents publics et citoyens d’autre part.

S’agissant des jeunes, la DPJJ a pour ambition de garantir la continuité de leur parcours éducatif par

le biais, notamment, d’une meilleure individualisation141 des suivis et des modes de prise en charge.

Or, la prise en compte de la laïcité les concernant contribue à individualiser leur prise en charge.

S’il est encore un peu tôt pour évaluer concrètement les effets des expérimentations mises en œuvre

sur la qualité des prises en charge éducatives au sein de l’EPEI et vérifier ainsi mon hypothèse de

recherche, je suis convaincue de la grande utilité d’une réflexion globale sur la laïcité dans un tel

établissement. J’ai pu constater une véritable remobilisation des agents sur cette thématique dans

leur action éducative et un réel intérêt de la part des jeunes. Face au constat de la radicalisation

croissante d’adolescents et de jeunes adultes, il est primordial de déconstruire les représentations

erronées des jeunes que nous prenons en charge, d’aborder avec eux les questions ayant trait à

l’Histoire de la culture et des religions dans le monde ainsi que de leur transmettre les valeurs

républicaines dont la laïcité. Ce travail avec les jeunes est facilité aujourd’hui par la diffusion

régulière d’orientations nationales en la matière et par le déploiement de moyens humains et

financiers (notamment dans le cadre du PLAT).

S’agissant des professionnels, le travail de conciliation de leur obligation de neutralité avec leurs

droits et libertés fondamentaux de citoyen est un travail de longue haleine. C’est pourtant un travail

essentiel dès lors que la neutralité des agents publics permet de garantir la liberté de religion des

140En atteste par exemple l’article intitulé Pourquoi deux interprétations de la laïcité coexistent-elles en France ? Samuel LAURENT ; Elvire CAMUS. Le Monde.fr, 19 janvier 2016. 141 Note d’orientation du 30 septembre 2014, p.5 ; Avenirs, Le magazine de la DPJJ, #33 2016, Dossier : L’évaluation, une mission au cœur de l’action des professionnels, p. 6.

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jeunes qui nous sont confiés. J’ai pu constater qu’il était plus difficile d’aborder l’application du

principe de laïcité aux professionnels que l’application de ce principe aux jeunes accueillis. Ainsi à

l’EPEI, ce travail est engagé avec les équipes mais n’est pas achevé. Contrairement aux directives

existant en matière d’application du principe de laïcité aux jeunes pris en charge, le directeur doit

parfois interpréter les textes législatifs et règlementaires existants pour préciser la portée de

l’obligation de neutralité pour les professionnels de la PJJ142.

Le directeur, garant du respect des lois dans son service, doit intégrer la prise en compte de la laïcité

dans le pilotage de son établissement, mais puisque c’est un sujet particulièrement sensible, il doit

le faire en associant au maximum les équipes. Néanmoins, il semble bien que cette intégration ne

soit jamais un aboutissement car « la laïcité, ce n’est pas un état, mais un équilibre qui se conquiert

en permanence »143. Ensuite, pour faire vivre la laïcité dans l’établissement, il convient de

poursuivre un travail de suivi et d’accompagnement des RUE et des équipes dans la mise en œuvre

des actions, leur évaluation et leurs modifications au besoin.

Tout au long de ce travail de mémoire, j’ai gardé à l’esprit que lorsqu’un changement est

difficilement accepté, il est bon de rappeler aux agents le cœur de leur mission, c’est-à-dire la prise

en charge des jeunes. Frédéric Petitbon l’écrit ainsi : « le dirigeant doit sans cesse revenir aux faits,

aux réalités crues du terrain »144. Ainsi, j’ai constamment rappelé l’intérêt de ce travail autour du

principe de laïcité : respecter et garantir la liberté de religion des jeunes qui nous sont confiés,

permettre à ces jeunes de devenir des citoyens et de trouver une place dans la société. Cela donne

du sens à l’action des professionnels.

Le choix de s’appuyer sur l’évaluation interne comme outil de management participatif et comme

levier de conduite au changement semble opportun. L’actualisation annuelle du projet de service

pourrait également être le support d’un tel travail dès lors que d’autres champs prioritaires ne posent

pas ou plus de difficultés particulières : l’organisation du temps de travail permettant une continuité

du service public, le fond de la prise en charge éducative et le travail interdisciplinaire de telle

manière que le placement en EPE constitue une alternative à l’incarcération, l’aide à la décision du

magistrat, etc.

142 On ne trouve pas de texte spécifique qui tienne compte des particularités des fonctions d’éducateurs ou bien de texte qui indiquerait par exemple expressément que l’établissement n’a pas à adapter les repas d’un UEHC aux pratiques religieuses des agents. 143 Saül KARSZ, philosophe et sociologue, cité dans La Gazette santé social.fr, Pratiques professionnelles, La laïcité, un combat au quotidien, 19 mai 2011 : la laïcité c’est un équilibre entre l’obligation de neutralité des agents et leur liberté de religion en tant que citoyen, c’est un équilibre entre la neutralité des agents et la liberté de religion des usagers, c’est un équilibre entre le respect de la liberté de l’un et le respect de la liberté de l’autre. 144 Frédéric PETITBON, Le guide du manager public, Méthodes, objectifs et exemples, Editions d’Organisation, 4ème édition, Paris, 2005.

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Selon Bertrand Dubreuil, « pour dire comment habiter la fonction de direction, il n’y a pas de

recette toute faite », mais il affirme que « faute de solution qui pourrait valoir en dehors de la

personne qui les met en œuvre, c’est par l’analyse des situations de travail que chacun peut

progresser, habiter un peu plus sa fonction, assumer la part d’humain qu’il y a dans cet art de

diriger »145. C’est ainsi que ces différents actes de direction et expérimentations ont contribué à

construire mon identité professionnelle : l’analyse de chacune des situations auxquelles j’ai été

confrontée m’a permis d’habiter un peu plus mes futures fonctions, qu’il s’agisse des réunions que

j’ai animées, des multiples discussions auxquelles j’ai participé, des échanges que j’ai pu avoir avec

les jeunes (durant les entretiens d’accueil, les entretiens de « recadrage » ou les discussions

informelles dans les couloirs, etc.).

Ce travail de mémoire m’a fait prendre conscience de la grande difficulté à prendre du recul avec la

gestion du quotidien et de l’urgence pour prendre le temps de la réflexion individuellement et

collectivement. Tenter de donner du sens à la prise en compte de la laïcité au sein de l’établissement

m’a pourtant montré qu’il était essentiel de permettre aux équipes de se réunir et de dialoguer146.

J’ai perçu l’importance pour les professionnels (RUE, éducateurs, psychologues, cuisiniers,

adjointes administratives) de comprendre nos décisions, les raisons pour lesquelles nous les

adoptons, les objectifs que nous poursuivons. Le DSPJJ est bien un traducteur147 dont le « rôle

consiste à articuler les différentes prescriptions et attentes avec les réalités du terrain et les enjeux

de l’action du service »148. Ce rôle suppose une capacité d’interprétation des différents signaux de

l’environnement, de la bienveillance et une bonne communication.

D’un point de vue méthodologique, j’ai été confrontée à la difficulté de devoir gérer les périodes

d’absence du service149 ainsi qu’à la densité de textes existants en lien avec la thématique de la

laïcité. Ce sont deux difficultés auxquelles je serai à nouveau confrontée dès l’année prochaine : il

faudra que j’organise scrupuleusement mes périodes d’absences et l’exploitation d’une information

foisonnante.

Le travail réalisé cette année au sein de l’EPEI me sera certainement très utile dans l’exercice de

mes fonctions à partir du 1er septembre. Il s’inscrit dans une problématique plus large qui est celle

de la lutte contre la radicalisation et le terrorisme. Un plan d’action du premier ministre a été diffusé

145 Bertrand DUBREUIL, Le travail de directeur en établissement social et médico-social, 2ème édition, Dunod, Paris, 2013, p.15. 146 En atteste notamment l’intérêt des professionnels pour le sujet à chaque fois que des espaces de dialogue ont été ouverts. 147 Traduire au sens de donner du sens, « ne pas répercuter directement les pressions et les prescriptions mais intégrer les dimensions complexes de l’action et prendre en compte les difficultés de nos subordonnés dans la construction de nos propres prescriptions » en tant que manager : Desmarais Céline, Abord de Chatillon Emmanuel, Le rôle de traduction du manager. Entre allégeance et résistance, Revue française de gestion 6/2010 (n° 205), Edition Lavoisier, p. 71-88. 148 Ibid. 149 Je pense par exemple à l’envoi des questionnaires que j’ai dû réaliser depuis la Suède lors du stage européen, alors que je n’avais pas toutes les adresses mail des professionnels de l’EPEI.

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le 9 mai. Il met l’accent sur la nécessité de diversifier les dispositifs de prévention et de mobiliser

des volets « citoyenneté » dans les projets éducatifs pour développer l’esprit critique et la capacité

de jugement des jeunes. Prendre en charge la radicalisation est l’un des défis de la PJJ pour les

années à venir150. Mais selon moi, le travail relatif à la laïcité et à la citoyenneté est un préalable à

cette prise en charge. Si nous aidons les jeunes qui nous sont confiés à se sentir citoyens et s’ils

parviennent à trouver une place au sein de la société, alors nous contribuons à réduire le risque de

radicalisation. Le directeur doit guider les professionnels et leur permettre d’accomplir cette tâche.

150 « 44. Renforcer la PJJ de 185 effectifs supplémentaires pour la mise en œuvre de ses missions de prise en charge de la radicalisation », Dossier de presse du Plan d’action contre la radicalisation et le terrorisme (PART) du 9 mai 2016, Premier ministre, p.8.

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Bibliographie

� Références bibliographiques :

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- BAUBEROT Jean. « La laïcité. Evolutions et enjeux. » La Documentation française, « Problème politiques et sociaux », n°768, juin 1996.

- BAUBEROT Jean. « Religion et sécularisation : Laïcité de l’Etat, laïcité de la société française ». Cahiers français 340, sept-oct 2007.

- BAUBEROT Jean. Les laïcités dans le monde. Que sais-je ? 3ème édition, Mayenne, JOUVE, novembre 2010.

- BAUBEROT Jean ; MILOT Micheline. Laïcités sans frontières. Lonrai, Editions du Seuil, Janvier 2011.

- BAUBEROT Jean. Histoire de la laïcité en France. Que sais-je ? 6ème édition, Mayenne, JOUVE, août 2013.

- BOURDIEU Pierre. Notes au lecteur, La misère du monde. Paris, Editions du Seuil, 1993. - BRUNETEAUX Patrick ; Corinne LANZARINI. « Les entretiens informels », Sociétés

contemporaines, N°30, 1998, pp. 157-180. - DESMARAIS Céline ; ABORD DE CHATILLON Emmanuel. « Le rôle de traduction du

manager. Entre allégeance et résistance », Revue française de gestion 6/2010 (n° 205), Edition Lavoisier, p. 71-88.

- DUBREUIL Bertrand, avec la collaboration de B. FREDJ, M. MARHADOUR et D. RAQUIN. Le travail de directeur en ESMS. 2ème édition, Domont, DUNOD, mars 2013.

- GUELAMINE Faïza. Faits religieux et laïcité : le travail social à l’épreuve, Repères pour une pratique professionnelle. Actions sociales. Domont, Esf Editeur, mars 2015.

- JANVIER Roland, Ethique de direction en institution médico-sociale et médico-sociale. Actions sociales. Domont, Esf Editeur, décembre 2014.

- KHALIFA Frank. Difficile laïcité Sources et enjeux. Paris, L’Harmattan, octobre 2014. - PETITBON Frédéric. Le guide du manager public, Méthodes, objectifs et exemples. 4ème

édition, Paris, Editions d’Organisation, 2005. - PICQ Jean. La liberté de religion dans la République. Nanterre, Odile Jacob, avril 2014. - SOULE Bastien. « Observation participante ou participation observante ? Usages et

justifications de la notion de participation observante en sciences sociales », Recherches qualitatives, vol. 27(1), 2007, pp.127-140.

- « La laïcité un combat au quotidien ». Dossier La Gazette santé sociale n°47 décembre

2008. - Dossier « Les jeunes, le religieux et la laïcité ». Les Cahiers dynamiques, revue

professionnelle de la PJJ, n°54, mars 2012. - « Laïcité dans la fonction publique : de la définition du principe à son application pratique »,

La documentation française. Haut Conseil à l’Intégration, Débats, 2012. - « Laïcité et fait religieux ». Forum, n°69 de juillet 2015.

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- Atelier Pédagogique de Production de Savoirs de l’ENPJJ, L’application du principe de laïcité dans les services et établissements accueillant des mineurs, Lila Lou REYNAL, Magid NASRI, Jamel HEDLI, Louise PIMMEL, Promotion FSD 23 2014/2016, mars 2015 (consultable à l’ENPJJ).

- « Religions, laïcité(s), démocratie ». Cahiers français n°389, 1er décembre 2015.

� Textes législatifs et règlementaires :

- Loi du 9 décembre 1905 concernant la séparation des Eglises et de l’Etat - Loi n°83-634 du 13 juillet 1983 portant droits et obligations des fonctionnaires, loi dite loi

Le Pors - Loi n°2002-2 du 2 janvier 2002 rénovant l’action sociale et médico-sociale - Décret n°2007-1573 du 6 novembre 2007 relatif aux établissements et services du secteur

public de la PJJ - Circulaire n° FP/901 du 23 septembre 1967 relative aux autorisations d’absence pour fêtes

religieuses - Circulaire n° 5209/SG du 13 avril 2007 relative à la charte de laïcité dans les services

publics - Circulaire PJJ du 19 novembre 2012 relative à l’évaluation interne dans les établissements et

services du secteur public de la PJJ

� Littérature grise :

- Conseil Supérieur du Travail Social (CSTS), Ethique des pratiques sociales et déontologie des travailleurs sociaux, Rennes, Editions ENSP, 2001.

- Rapport sur l’enseignement du fait religieux dans l’Ecole laïque de Régis DEBRAY, remis au ministre de l’Education nationale, Jack LANG, en 2002.

- Rapport de la Commission de réflexion sur l’application du principe de laïcité dans la République : rapport au Président de la République, STASI Bernard, remis en décembre 2003, 78 pages.

- Recommandations de bonnes pratiques professionnelles : la conduite de l’évaluation interne dans les établissements et services visés à l’article L.312-1 du Code de l’Action sociale et des familles, ANESM, juillet 2009.

- « Guide Parents, familles et professionnels dans le cadre judiciaire », DPJJ, mars 2011. - Guide de l’évaluation interne des établissements et services de la PJJ élaboré par le bureau

des méthodes et de l’action éducative de la DPJJ, 2012. - Avis sur l’article premier du projet de loi relatif à la déontologie et aux droits et obligations

des fonctionnaires de l’Observatoire de la laïcité, 3 février 2015. - Rapport annuel de l’Observatoire de la laïcité 2014-2015, 30 juin 2015, 362 pages.

� Articles de presse :

- « A quelle laïcité se vouer en France ? » Stéphanie LE BARS, Le Monde, Culture et idées, 10 janvier 2014.

- « Amedy Coulibaly, de la délinquance au terrorisme ». Mathieu SUC, Le Monde, 10 janvier 2015.

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- « La laïcité, « une interprétation fallacieuse de la neutralité de l’Etat ». Delphine SAUBADER, L’Express, Société, 6 février 2015.

- « Financer le culte musulman par la viande halal ? » Florence BERGEAUD-BLACKLER, Anthropologue, chargée de recherches au CNRS, à l’Institut de recherches et d’études sur le monde arabe et musulman (Iremam) et auteure de l’ouvrage Le sens du halal, une norme dans un marché mondial (CNRS éditions, avril 2015), Libération, 3 mars 2015.

- « Les terroristes sont souvent des voyous ratés ». Mathilde SIRAUD, Le Figaro, 23 mars 2016.

- « Contre toute attente la tolérance a gagné du terrain en France en 2015 ». Maryline BAUMARD, au sujet du Rapport 2015 sur le racisme, l’antisémitisme et la xénophobie publié le 2 mai par la Commission nationale consultative des droits de l’homme (CNCDH), Le Monde, Société, 2 mai 2016.

� Sites Internet :

- Frédérique HARRY, Maître de conférences en Études nordiques à l’Université

Paris-Sorbonne, Vers une laïcité nordique ? P@ge Europe, La Documentation française © DILA, 21 mai 2013.

- La laïcité, un combat au quotidien, La Gazette santé social.fr, Pratiques professionnelles, 19 mai 2011.

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Index des sigles

CEF : Centre Educatif Fermé CJ : Contrôle Judiciaire CODIR : Collège de Direction CSE : Chef de Service Educatif (grade) DAA : Dispositif Accueil Accompagnement DIPC : Document Individuel de Prise en Charge DIRPJJ : Direction Interrégionale de la Protection Judiciaire de la Jeunesse DPJJ : Direction de la Protection Judiciaire de la Jeunesse DS : Directeur des services DT : Direction Territoriale DTPJJ : Direction Territoriale de la Protection Judiciaire de la Jeunesse ENPJJ : Ecole Nationale de la Protection Judiciaire de la Jeunesse EPEI : Etablissement de Placement Educatif et d’Insertion ESMS : Etablissements et Services Sociaux et Médico-Sociaux ETP : Emploi à Temps Plein FJT : Foyer Jeunes Travailleurs HD : Hébergement Diversifié JE : Juge des Enfants MEHD : Mission Educative d’Hébergement Diversifié MNVI : Mission Nationale de Veille et d’Information NDPJJ : Note de la Direction de la Protection Judiciaire de la Jeunesse OTT : Organisation du Temps de Travail PJJ : Protection Judiciaire de la Jeunesse PLAT : Plan de Lutte Anti Terroriste PTF : Pôles Territoriaux de Formation RUE : Responsable d’Unité Educative UEAJ : Unité Educative d’Activité de Jour UEHC : Unité Educative d’Hébergement Collectif

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Annexes

Annexe 1 : Courrier envoyé par la DIR le 27 mai 2015 p. 64

Annexe 2 : Compte-rendu de la « Réunion jeunes » du 15 décembre 2015 p. 67

Annexe 3 : Compte-rendu de la « Commission cuisine » p. 69

Annexe 4 : Compte-rendu de l’entretien avec le magistrat p. 73

Annexe 5 : Echéancier de l’évaluation interne 2015-2016 p. 77

Annexe 6 : Questionnaire envoyé aux DS par la DIR p. 78

Annexe 7 : Questionnaire adapté aux agents de l’EPEI p. 82

Annexe 8 : Ordre du jour de la réunion du groupe de travail sur la laïcité p. 85

Annexe 9 : Compte-rendu de la réunion d’évaluation interne « laïcité » p. 86

Annexe 10 : Plan de déclinaison des actions d’amélioration « laïcité » p. 92

Annexe 11 : Fiche information régime alimentaire p. 95

Annexe 12 : Note de service relative à la période du ramadan p. 96

Annexe 13 : Compte-rendu de la réunion sur la nouvelle OTT DAA p. 99

Annexe 14 : Fiche projet « Engagement citoyen » p. 102

Annexe 15.1 : Projet « Shalom Paix Salam » des éducatrices référentes p. 109

Annexe 15.2 : Fiche projet « Shalom Paix Salam » p. 113

Annexe 16 : Charte d’engagement famille d’accueil p. 114

Annexe 17 : Courrier d’autorisation parentale barbecue p. 115

Annexe 18 : Pré-projet d’un éducateur pour une instance laïcité p. 116

Annexe 19 : Un planning DAA avec « une action citoyenne » le mercredi p. 118

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Annexe 1

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Annexe 2

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Annexe 3

Entretien avec le cuisinier et la maîtresse de maison Le 05/01/2016

M. X, cuisinier depuis 2002 dans l’établissement, environ 45 ans ; Mme Y, maîtresse de maison à 50% à l’UEHC et aide cuisine à 50%, a pris ses fonctions le 1er octobre 2015, 33 ans.

Le projet d’établissement de l’EPEI énonce que des « Commissions cuisine » sont programmées

trimestriellement. Ces commissions ont trois objectifs inscrits dans le document de référence de

l’établissement : - anticiper l’élaboration des menus sur les trois à cinq semaines à venir et la programmation

de l’achat des denrées alimentaires selon les menus arrêtés et non l’inverse (pas d’élaboration des menus selon les courses réalisées sauf en cas de promotion exceptionnelle)

- d’équilibrer les menus et collations pour les usagers et les professionnels à la fois pour qu’ils mangent le plus sainement possible et pour que soient respectés aux mieux les croyances religieuses des usagers (respect des interdits alimentaires tout en proposant des repas équilibrés pour tous)

- de prendre en compte la spécificité des fiches de poste des personnels « non éducateurs » mais néanmoins « éduquant » dans une logique de management propre à l’exigence de leur fonction et pour permettre une meilleure articulation avec les autres membres de l’équipe (point sur l’organisation du pôle cuisine, anticipation des congés, organisation e la continuité du service, articulation avec les ateliers cuisine DAA, recueillir les demandes diverses de ces personnels, etc).

Ainsi, je profite de la « Commission cuisine » que je suis chargée d’animer en représentation de la

Direction le mardi 5 janvier 2016 pour aborder la question du contenu des repas à l’UEHC avec

les deux membres du personnel de cuisine.

L’objectif de cet entretien est double : - il s’agit d’une part de poser des questions aux personnels de cuisine –cuisinier et maîtresse

de maison- (particulièrement au cuisinier qui travaille à l’UEHC depuis 2002) pour connaître et mieux comprendre l’histoire de l’établissement ;

- d’autre part, je souhaite recueillir leur avis sur la ou les expérimentations que je pourrais envisager (en m’appuyant sur l’outil de l’évaluation interne) en matière de contenu et d’élaboration des repas au foyer. Avant d’élaborer le plan d’action de l’évaluation interne, je tiens à leur faire part des propositions émises par les éducateurs lors de la réunion du groupe de travail « laïcité » du mois de novembre afin de savoir ce qu’ils en pensent (puisqu’ils n’étaient pas présents) ; j’aimerais savoir s’ils ont des idées ou des propositions d’action(s) à me soumettre ; j’aimerais leur faire part de mes idées et enfin, j’aimerais exposer les objectifs de travail (lors de la réunion d’établissement du 12 janvier, un plan d’actions d’amélioration sera présenté et proposé à tout le personnel de l’EPEI, il comprendra une partie sur des changements pouvant être opérés en matière d’élaboration des menus).

Cet entretien a lieu en fin de « Commission cuisine ». Ces deux agents n’ayant pas pu participer,

partiellement ou en totalité, à la réunion de travail sur la prise en compte de la laïcité à l’EPEI du

mois de novembre, je rappelle brièvement le cadre légal et règlementaire de l’évaluation interne

ainsi que les raisons du choix de cette thématique.

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Ensuite, je leur explique que les objectifs de l’entretien.

Comment vos habitudes de travail peuvent-elles s’expliquer, comment se fait-il que la nourriture proposée aux jeunes soit exclusivement confessionnelle, c’est-à-dire halal ? Le cuisinier : « Quand je suis arrivé en 2002, il n’y avait pas de halal du tout. Petit à petit, on a été confronté aux revendications des éducs’ qui voulaient manger de la viande certifiée halal. Mon ancien collègue cuisinier et moi on a cédé pour des raisons pratiques car il y avait trop de prises de tête » La maîtresse de maison : « Après il nous arrive de cuisiner des repas sans viande pour éviter les problèmes (tartines de fromage, repas végétarien) du coup cela permet d’être en conformité avec les orientations nationales ces jours là... Pour des raisons de santé, c’est de toute façon mieux quand on ne mange pas de la viande à chaque repas » Cela provenait-il d’une demande des jeunes ou bien d’une demande des professionnels ? Le cuisinier : « Franchement, cela vient plus des professionnels… » « L’ancien directeur ne s’en occupait pas directement, il y avait un coordinateur avant la création du poste de responsable d’unité et c’est avec lui qu’on voyait » La maîtresse de maison : « Au fond les jeunes quand ils ont faim et que le plat leur fait envie, ils trouvent toujours un verset du Coran qui les autorise à manger....et ils mangent » Le cuisinier : « Les professionnels sont bien plus revendicatifs que les jeunes puisque certains ont déjà fait les poubelles à l’époque pour vérifier la certification halal, d’autres demandaient aux jeunes de vérifier auprès de nous si le repas était bien halal... » « Et actuellement, certains éducs’ ne mangent pas la viande halal qu’on cuisine car elle ne vient pas de Pro Inter (boucherie halal spécifique)... mais au moins ils ne nous font aucun reproche » Je leur rappelle que les demandes des jeunes doivent être entendues, prises en compte dans la

mesure du possible mais les agents n’ont pas à avoir de revendications. Ils peuvent manger ce

qu’ils veulent lorsqu’ils mangent chez eux à la maison, ils n’ont pas à avoir d’exigences sur leur

lieu de travail.

Que pensait l’ancienne direction de cette pratique et quelle était sa position ? Le cuisinier : « L’ancien directeur ne s’occupait pas directement de ces questions. Avant l’arrivée de la responsable d’unité, il y avait un coordinateur qui avait en gros les fonctions de RUE. C’est avec lui qu’on voyait ça. … Je ne suis pas certain que ça ait joué mais bon, ce coordinateur était issu de l’immigration maghrébine. Peut être que ça explique certaines choses » Comment les jeunes savent-ils que la nourriture est ou n’est pas halal ? Vous posent-ils la question ? Ou bien demandent-ils aux éducateurs ? Le cuisinier : « Comme c’est désormais tout le temps comme ça, c’est devenu coutumier donc ça se sait. Soit les jeunes se parlent entre eux, soit ils demandent aux éducs, soit ils nous

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demandent. Si on voit qu’un jeune ne touche pas à la viande on lui demande pourquoi pour savoir pour la suite quelles sont ses habitudes alimentaires » La maîtresse de maison : « Mais il faut savoir qu’en ce moment le groupe de jeunes a d’autres demandes, plusieurs d’entre eux sont indifférents au halal ou non halal et plus encore, au moins quatre des jeunes présents nous ont demandé récemment « une bonne choucroute » ou simplement du « porc ». C’est pour ça que c’est sans doute le bon moment pour expérimenter un autre fonctionnement » J’ai relevé que pour le repas de fin d’année mercredi soir 16 décembre, vous avez fait un repas avec de tout (du halal et du porc), qui en a décidé ainsi ? Le cuisinier : « Nous deux, librement. On a décidé ça et c’était vraiment bien » Nous relevons tous les trois que ça s’est en effet très bien déroulé la veille tant avec les jeunes

qu’avec les agents. Nous avions fait une raclette et il y avait de tout. Du porc (escalope, salami) et

de la viande halal. L’un des appareils de « pierrade » n’a été utilisé que pour le halal afin que

cette viande ne soit pas cuite avec le porc mais cela s’est fait naturellement, sans la moindre

difficulté.

Pourriez-vous changer ces habitudes là et ne plus cuisiner que de la viande halal lorsque vous faites de la viande ? D’un point de vue pratique et organisationnel ? Le cuisinier : « … Ce sera compliqué » La maîtresse de maison : « Franchement je suis heureuse si on entame cette réflexion car ça me choque beaucoup depuis mon arrivée ici. Je ne comprends pas cette pratique du tout halal. Cela entraîne des conflits entre les jeunes selon les confessions. Ceux qui ne mangent pas halal ou qui veulent du jambon dans leur sandwich - d’ailleurs souvent les jeunes me demandent quand est ce qu’on aura du jambon dans les sandwichs -, ceux-là sont montrés du doigt et sont critiqués par les autres jeunes » J’explique que justement les dernières orientations nationales visent à éviter ce genre de

situation et de contexte ou la stigmatisation est inversée. Cela n’est pas convenable. Il doit y avoir

de tout afin que les jeunes apprennent à accepter les différences d’idéologie, de philosophie, de

religion.

La maîtresse de maison me demande alors si elle a le droit de proposer du porc aux jeunes. Elle

me demande « si c’est légal ».

Je lui indique que c’est tout à fait légal et que simplement, pour ne pas priver les jeunes qui ne

mangent pas de porc, il faudrait qu’une alternative soit proposée (une autre viande, un repas

sans viande ou du poisson).

L’idée des éducateurs soulevée le 3 novembre est exposée et expliquée à A. et B.

S’ils ne sont pas farouchement opposés à une expérimentation, le principe « à la carte » leur

déplaît profondément. Outre des difficultés pratiques de mise en œuvre, l’option de permettre

aux jeunes de choisir systématiquement leur menu en amont ne les satisfait pas du tout. Ils

expliquent que les jeunes se croient déjà suffisamment « à l’hôtel » et qu’ils ne souhaitent pas

augmenter encore leur sentiment de toute puissance. Ils ajoutent qu’en plus « on n’a pas toujours

le choix dans la vie, il n’y a pas de raison qu’ils l’aient systématiquement au foyer ».

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L’idée de faire deux plats consistants au sens de proposer ponctuellement deux viandes (l’une

halal l’autre non, voire une viande cacher si un jeune placé demandait à bénéficié de cela) ne

semble pas leur déplaire. Toutefois, ils craignent une augmentation des dépenses et des pertes

(c’est-à-dire du gaspillage).

L’idée d’une alternance des types de repas (végétarien, halal, non halal, poisson, autres) recueille

davantage d’enthousiasme mais A. et B. craignent d’avoir de nombreux reproches de la part des

jeunes qui sont habitués au système actuel.

Je les invite à y réfléchir et je leur dis que je reviendrai vers eux après m’être concertée avec la

directrice. En effet, nous projetons de réfléchir ensemble à une proposition de changement

pouvant satisfaire le plus grand nombre au sein de l’équipe de l’UEHC. Nous proposerons une

expérimentation lors de la réunion d’établissement du 12 janvier.

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Annexe 4

Compte-rendu de l’entretien avec le Juge des enfants-coordinateur du 1er mars 2016

Dès le mois de novembre, j’ai sollicité un entretien avec deux des Juges des enfants des deux

ressorts du territoire. Pour l’une d’entre elles, le rendez-vous que nous avions fixé le 9 février a

été supprimé en raison d’un congé de maternité intervenu plus tôt que ce qui était projeté. En

revanche, après quelques relances, madame la Juge des enfants de la principale juridiction du

territoire a accepté de s’entretenir avec moi dans son cabinet. Ce magistrat est également le

coordinateur des cinq juges des enfants (JE) du Tribunal de Grande Instance.

Elle occupe ses fonctions dans ce ressort depuis huit ans. Avant cela, elle a déjà été Juge des

enfants en remplacement durant un an et demi puis quatre mois et elle a été Juge de

l’application des peines durant plusieurs années. C’est donc forte de son expérience dans ces

fonctions qu’il m’a semblé intéressant de recueillir son avis sur diverses questions en lien avec la

prise en compte de la laïcité dans un Etablissement de Placement Educatif et d’Insertion de la PJJ

auquel elle confie très souvent des jeunes sous main de justice.

Je rédige ce compte-rendu à l’aide d’une prise de notes réalisée durant l’entretien. Certaines

paroles sont retranscrites en totalité lorsque j’ai pu les prendre intégralement en notes et

qu’elles me paraissaient particulièrement intéressantes. Elles sont alors entre guillemets.

• S’agissant de l’accueil : Identifiez-vous clairement les différentes unités et missions de l’EPEI ? UEAJ / MEHD / UEHC ? Avez-vous déjà visité l’EPEI ? Désormais, forte de son expérience sur le territoire, elle pense clairement identifier les différents services et les différentes missions de la PJJ sur le territoire. Toutefois, elle m’explique qu’il est très difficile pour un juge des enfants de comprendre l’organisation et le fonctionnement de la PJJ lors de sa prise de poste. Non seulement il y a un grand nombre de sigles (comme dans tout le champ du travail social) mais encore, les éducateurs utilisent de nombreux termes et expressions qui sont propres à leur corps professionnel dans les rapports éducatifs (elle cite à titre d’exemple « le passage à l’acte », utilisé à de nombreuses reprises sans que le juge puisse toujours comprendre de quel acte il s’agit (acte délinquant, violent, tentative de suicide ?). On pourrait dire (de façon caricaturale très schématiquement) qu’il y a deux sortes d’éducateurs avec lesquels il peut être compliqué de travailler à la PJJ: il y a ceux qui pensent que les magistrats ne comprennent rien et sont très loin de la réalité de leur travail quotidien et il y a ceux qui au contraire pensent que les magistrats savent tout (de la psychologie de l’enfant et de l’adolescent à la sociologie par exemple). Or, elle me rappelle que leur formation est avant tout juridique. Le juge des enfants, s’il peut suivre des formations et découvrir bien sûr des ouvrages par lui-même, ne bénéficie pas ab initio d’une formation spécifique aux fonctions de JE. Comme elle travaille beaucoup avec l’EPEI, elle identifie bien les trois missions de celui-ci. Elle se rend régulièrement à l’UEHC (particulièrement pour la rencontre partenariale organisée généralement au mois de juin autour d’un barbecue).

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- Êtes-vous satisfaite de la communication EPEI – magistrat ? Ce magistrat est très satisfait de la communication avec l’EPEI qu’il s’agisse des rapports qu’elle entretient avec la responsable d’unité ou avec la directrice. Elle m’explique que les relations professionnelles étaient totalement différentes avec l’ancien directeur qui, selon elle, n’incarnait pas « le rôle de directeur ». Depuis l’arrivée de la directrice actuelle en 2013, la collaboration est efficiente. - Quelles sont vos représentations d’un accueil à l’EPEI ? C’est une question qu’elle ne s’était jamais posée. Elle y réfléchit un instant puis me répond : « J’imagine qu’il y a un premier entretien d’accueil dans l’unité assuré par un membre de l’équipe éducative -si l’heure est tardive par exemple- ou bien par l’un des cadres. Je pense qu’un entretien institutionnel doit systématiquement être organisé (au moins le lendemain de l’arrivée du jeune lorsque ce n’est pas possible tout de suite) au sens où l’un des cadres doit recevoir le jeune pour : expliquer le cadre judiciaire, les règles de fonctionnement de l’établissement, remettre des documents, expliquer le travail qui sera fait avec la famille…». Je dois admettre que ces représentations correspondent parfaitement à la réalité. De votre place de magistrat prescripteur, qu’attendriez-vous de cette phase d’accueil d’un jeune dont vous demandez le placement UEHC ou MEHD ? La réponse à cette question rejoint ce qui a été dit précédemment puisque finalement, les attentes de la JE correspondent à ses représentations. Ce qui lui paraît essentiel, c’est que la responsable d’unité ou la directrice du service expose le cadre judiciaire dans lequel le jeune est placé de manière claire et compréhensible pour le jeune et pour sa famille lorsqu’elle est présente. - Dans la NDPJJ du 4 mai 2015 relative aux lignes directrices du règlement de fonctionnement, l’administration centrale de la PJJ demande aux établissements d’interroger les parents sur les pratiques religieuses ou l’absence de pratique religieuse de leur enfant lors de l’entretien d’accueil. L’établissement doit respecter les pratiques / rites alimentaires lorsque la demande est expressément formulée par le jeune et par ses représentants légaux. Qu’en pensez-vous ? Parfois, la communication est très difficile avec les parents : selon vous, que devrions nous faire lorsque les parents et le jeune n’expriment pas la même demande ? Devrions-nous faire droit aux demandes de l’adolescent en construction ou bien respecter la demande des parents ? Selon elle, la question de la laïcité est « mal posée » aujourd’hui dans la société. Elle est devenue « rigide ». La société tend à « éradiquer les signes religieux de la sphère publique », ce qui est certainement une « erreur fondamentale ». « Il faudrait d’une part une grande tolérance pour la liberté de religion (et donc pour la liberté de manifester ses croyances) et d’autre part une intransigeance s’agissant des expressions religieuses radicales, extrêmes ». Nous devons « favoriser l’épanouissement du jeune dans le cadre de sa construction et être attentif à sa volonté de quitter son milieu naturel, les jeunes en général et ceux que nous plaçons en particulier, sont très souvent en rupture avec la famille », « je pense que nous devons laisser la liberté de choisir au jeune afin qu’il apprenne à penser et qu’il puisse devenir un adulte puisque c’est cela l’objectif du travail éducatif ».

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Elle me donne ensuite un exemple très concret d’une situation professionnelle dans laquelle elle s’est retrouvée il y a quelques temps : dans le cadre du suivi judiciaire d’une petite fille de 5 ans qui était placée en famille d’accueil et dont les parents ne se manifestaient plus. Un jour, le père a passé un coup de téléphone et a exigé que sa fille ne mange pas de porc dans ses différents lieux de placement (familles, foyers). Cette consigne a été inscrite dans le dossier de la jeune fille. Une réflexion sur une adoption simple était en cours. Les parents n’avaient aucun droit de visite. Un jour lors d’une audience, la fillette demande à poser une question à madame la juge : « il paraît que je n’ai pas le droit de manger de porc pourtant j’aime beaucoup la tarte flambée ». A ce moment là, le magistrat a décidé d’expliquer le contexte à cette jeune fille qui comprenait très bien ce que les adultes lui expliquaient : elle lui a expliqué ce qu’était l’autorité parentale et ce que cela impliquait pour les enfants, elle a expliqué à cette jeune fille que son papa était musulman et qu’il souhaitait qu’elle ne mange pas de porc par convictions, néanmoins, elle a expliqué considérer que dès lors que les parents sont absents et ne s’investissent pas dans le suivi éducatif de leur enfant, alors l’enfant peut librement choisir de manger ce qu’il veut, y compris de la tarte flambée ». A fortiori, il paraît très difficile de refuser à un adolescent de choisir librement de pratiquer un culte ou de ne pas le pratiquer au motif que les parents n’exprimeraient pas le même souhait et qu’ils sont détenteurs de l’autorité parentale. Au même titre que l’école vise à permettre aux jeunes d’apprendre à penser par eux-mêmes, selon la JE interrogée, un établissement de la PJJ doit permettre cela également. « Un jeune doit pouvoir être entendu, nous –les adultes et particulièrement les éducateurs- devons l’aider à trouver sa place dans la société. Dès lors qu’il respect les règles sociales et les libertés d’autrui, il doit pouvoir s’exprimer et formuler des demandes auxquelles nous devons faire droit. » • S’agissant de la laïcité : - Quelles sont vos représentations de la prise en compte de la laïcité dans un établissement du secteur public accueillant des mineurs (ou des jeunes majeurs) ? « Je me souviens d’une action qui avait été menée par l’éducatrice X il y a un peu plus d’un an, je trouve que c’était un superbe projet ». Madame le juge fait référence au projet « Shalom, Paix, Salam » piloté par l’EPEI quelques temps auparavant. Elle m’indique donc connaître certaines actions menées par la PJJ toutefois, elle se demande comment s’organisent l’UEHC et l’UEAJ pour la prise des repas avec les jeunes. Je prends le temps de lui expliquer le fonctionnement de l’EPEI, les changements récents intervenus en la matière et je lui expose les dernières directives nationales qui nous ont été adressées. Madame le juge semble satisfaite des réflexions en cours à l’EPEI. - Selon vous, en tant qu’agent public, est ce contraire à l’obligation de neutralité de dire aux jeunes de quelle confession nous sommes ? De pratiquer un rite devant les jeunes ou que celui-ci soit perceptible (ramadan, ne manger que de la nourriture confessionnelle) ? « Je ne me serais jamais posée cette question il y a vingt ans. Mais elle doit être posée aujourd’hui. Avant tout aussi, je pense que la réponse varie selon les fonctions occupées. Pour un éducateur, j’ai envie de répondre que non, dire aux jeunes de quelle confession nous sommes ne porte pas atteinte au principe de neutralité du service public. Au contraire, en tant que magistrat, je ne me permettrais pas de dire à un jeune de quelle confession je suis. Un éducateur travaille nécessairement avec ce qu’il est, il doit être dans la vérité et donner à

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voir aux jeunes ce qu’il est. Les éducateurs doivent donner l’exemple aux jeunes, ils doivent leur montrer qu’on peut croire en différentes divinités et qu’on peut tolérer les opinions divergentes. Il me semble que les éducateurs doivent aider les jeunes à trouver leur place dans la société. » - Quelles sont vos attentes en matière de respect de la laïcité à l’égard d’un EPEI auquel vous confiez un jeune ? « Aujourd’hui, la religion est devenue un sujet tabou alors qu’elle devrait être évoquée comme tout sujet de société. Pour prévenir la radicalisation, il n’y a pas de meilleur moyen que d’évoquer le fait religieux. Ce que j’aimerais c’est que l’on donne les moyens aux jeunes de comprendre et de connaître leur société. » - A l’UEAJ et à l’UEHC les différentes équipes éducatives tentent activement de relancer un travail éducatif avec les jeunes sur les questions de citoyenneté et de laïcité. Y a t-il des actions éducatives spécifiques que vous souhaiteriez voir mises en œuvre à l’EPEI ? J’expose les idées qui ont été émises par les professionnels de l’EPEI (visite du Parlement européen, visite de musées, visite d’ancien camp de concentration, etc). « Tout cela me paraît très bien. Il faut enseigner la tolérance comme le ferait l’école si ces jeunes n’étaient pas déscolarisés. » - L’équipe de direction de l’EPEI a émis l’idée d’organiser un barbecue « interculturel » au mois de juin : il s’agirait d’inviter des représentants de différentes confessions (catholique, protestante, israélite, musulmane, bouddhiste) ainsi qu’une personne « sans confession » (un intellectuel philosophe peut-être), tous les professionnels de l’établissement et les jeunes pris en charge dans chacune des unités. Nous souhaiterions que chacun des représentants présents puissent dire un petit mot d’histoire sur leur confession et surtout, l’idée est de faire passer un message de tolérance justement. Que pensez-vous de ce projet ? Madame la juge exprime une grande satisfaction à l’égard de ce projet : « C’est de nature à faire naître la réflexion des jeunes. C’est la différence qui effraie, on se fait peur car on ne se connaît pas. Au contraire la connaissance rassure. Nos jeunes ont l’impression de ne pas faire partie de la société. Ce que j’aimerais profondément, c’est qu’ils comprennent qu’ils en font pleinement partie et que la justice est aussi leur justice. »

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Annexe 5 Echéancier de l’évaluation interne 2015-2016

• Questionnaires à retourner le 2 novembre 2015

• Réunion du groupe de travail sur « L’accueil des mineurs et de leurs familles » le 2

novembre 2015 à 14 heures à l’UEAJ

• Réunion du groupe de travail sur « La prise en compte de la laïcité » le 19 novembre à 14 heures à l’UEHC

• Réunion jeunes à organiser avant le 17 décembre 2015

• Compte-rendu de l’état des lieux participatif de l’évaluation interne lors de la réunion

d’établissement du 17 décembre 2015 à l’UEHC

• Demande de rencontre des magistrats en début d’année 2016

• Envoi des résultats de l’évaluation interne à la DIR au plus tard le 15 janvier 2016

• Présentation du plan d’actions d’amélioration lors de la réunion d’établissement de début d’année le 12 janvier 2016 à l’UEHC

• Point-bilan sur les actions menées depuis janvier lors de la réunion d’établissement de juin

(date à déterminer) Annexe 6

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Annexe 7

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Annexe 8

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Annexe 9

Compte-rendu des échanges du groupe de travail sur la prise en compte de la laïcité à l’EPEI

Réunion du mardi 19 novembre 2015

Dans le cadre de l’évaluation interne 2015/2016 de l’Établissement de Placement Éducatif et d’Insertion, la première réunion de travail se déroule à l’UEHC le 19 novembre à 9 heures 30 en présence des professionnels suivants : Pour des raisons d’organisation de service, la MEHD n’est pas représentée. La réunion est animée par Louise PIMMEL, Directrice stagiaire à l’EPEI. Il est brièvement rappelé que la démarche d’évaluation interne nous est imposée par la loi du 2 janvier 2002 rénovant l’action sociale et médico-sociale et par la Circulaire PJJ du 19 novembre 2012 relative à l’évaluation interne dans les établissements et services du secteur public de la PJJ. Cette réunion s’appuie sur les grands axes du questionnaire évaluatif qui a été envoyé aux professionnels :

- La laïcité dans l’institution - La laïcité dans les pratiques professionnelles - L’obligation de neutralité des agents

I. La laïcité dans l’institution

Si les documents relatifs au principe de laïcité sont généralement identifiés par les professionnels, ils n’ont pas tous été lus. L’équipe est favorable à recevoir une synthèse de la note du 25 février 2015 que Louise a proposé. L’EPEI n’a pas bénéficié d’apports d’experts ni de représentants des religions sur la question de la laïcité. Seuls deux des professionnels présents ont déjà pu participer à la formation Radicalisation organisée par le PTF de Nancy. Ils expriment un peu de déception à l’égard du contenu de cette formation :

- elle est centrée sur la religion de l’islam, ce qui contribue à la stigmatiser d’avantage ; - de nombreux détails sur l’islam sont abordés mais risquent de ne pas être très utiles

dans les prises en charge éducatives ; - il aurait été bon d’aborder plusieurs religions (au moins les trois grandes religions

monothéistes) pour avoir des éléments de connaissance dans plusieurs domaines ; - malheureusement, les professionnels n’ont pas trouvé de réponses ou d’outils leur

permettant d’agir contre la radicalisation : Comment agir face à un tel phénomène ? Que dire à un jeune que l’on soupçonne de se radicaliser ? Comment détecter la radicalisation ? Comment la traiter ? ;

- peut être manque d’information sur les phénomènes sectaires.

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Néanmoins, ils ont apprécié l’intervention de M. E. sur la manipulation par les images. C’est dommage que cette intervention ne soit intervenue qu’à la fin de la session de formation (attention moins accrue en fin de semaine et manque de temps pour poser plus de questions). Les professionnels expriment des besoins : ils sont démunis face aux problèmes de radicalisation quelle qu’en soit la nature. L’UEHC a connu cette année le cas d’un jeune souhaitant partir en Syrie. Actuellement, l’un des jeunes pris en charge à l’UEHC a été placé suite à des faits de profanation de cimetière juif. Il ne s’agit donc pas d’un islam radical mais d’une radicalisation antisémite cette fois-ci. Des difficultés sont éprouvées dans le suivi de ce jeune, notamment par une éducatrice maghrébine. Récemment, ce mineur a rencontré l’un de ses amis en présence d’un éducateur de l’Unité. Il se trouve que cette personne affirmait être un « skinhead » et clamait son attachement à l’histoire du IIIème Reich. Ce jeune s’est présenté comme étant « odiniste » (doctrine nordique ancienne à laquelle on pourrait attribuer des valeurs d’extrême droite et des croyances racistes). Il est tout à fait possible qu’un jour, les éducateurs soient confrontés à ce profil de jeunes. Cela démontre bien qu’il existe d’autres formes de radicalisation visibles chez les adolescents et non pas seulement l’islam radical dont on parle tant sur la scène médiatique et politique. Toutes ces formes de radicalisation préoccupent les professionnels de l’EPEI. Néanmoins, il faut relativiser cette radicalisation dont on parle actuellement : à la PJJ le nombre de jeunes dont la radicalisation est avérée est très réduit. Malgré cela, la formation radicalisation est imposée à tous les professionnels qui doivent y participer dans les trois années qui viennent. Or, la formation est décalée par rapport à la problématique réelle. Les professionnels ont des idées : faire intervenir auprès des jeunes une personne qui aurait connu un endoctrinement dans une secte puis qui s’en serait défait ; faire intervenir des militaires ayant combattu avec les armes au Moyen-Orient ; faire intervenir une ethnopsychiatre ou une pédopsychiatre auprès des professionnels. Leurs attentes vis-à-vis de cette formation étaient de découvrir des outils pour comprendre et détecter comment les jeunes peuvent se radicaliser. Les outils de la loi de 2002 abordent-ils le principe de laïcité ? Le livret d’accueil ne fait aucune référence au principe de laïcité ni à l’UEAJ ni à l’UEHC. Le Règlement de fonctionnement n’en fait pas non plus état. Dans le projet d’établissement, la liberté religieuse des mineurs est abordée dans la partie relative à la Commission cuisine. Les professionnels s’accordent sur le fait qu’il serait bon d’aborder cette question de façon plus précise dans ces documents (ou au moins dans l’un de ces documents) de manière relativement simple (c’est-à-dire accessible pour les jeunes et leurs familles ou bien de façon à pouvoir le leur expliciter de vive voix lors de l’entretien d’accueil par exemple). Il est difficile de se mettre d’accord sur une définition de la laïcité mais nous nous accordons néanmoins sur le fait que le principe de laïcité doit permettre le vivre-ensemble.

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II. La laïcité dans les pratiques professionnelles Globalement, les professionnels se sentent libres d’aborder les questions de religion avec les jeunes (sans influencer, sans juger). Le seul obstacle à ces échanges avec les jeunes est le manque de connaissance de certaines cultures et de certaines religions. L’absence de référence expresse à la laïcité dans les documents issus de la loi de 2002 n’entrave pas le respect de la liberté de conscience des mineurs pris en charge :

• A l’UEHC : - leur chambre est un espace d’intimité dans lequel ils peuvent pratiquer leur culte et

détenir des objets cultuels (Bible, Coran, tapis de prière etc) ; - durant la période de ramadan, des plateaux repas ont été proposés aux jeunes qui

exprimaient le souhait de jeûner. Ce système de plateaux repas devrait être reconduit car cela fonctionne bien (plus d’allées et venues la nuit entre les chambres et le réfectoire). Si des pertes alimentaires ont pu être engendrées selon l’engagement ou le désengagement des jeunes dans ce rite, leur droit de pratiquer une religion a été pleinement respecté sans que cela entrave le bon fonctionnement du service : chaque année la Directrice diffuse une Note de service qui encadre cette pratique (« Organisation du service au vu du respect du ramadan à l’UEHC de Strasbourg »). Cette Note vise à permettre le respect des dispositions de la charte de la laïcité du 13 avril 2007 et de celles de la loi du 2 janvier 2002. Ce système de plateaux repas est tout à fait conforme aux lignes directrices relatives à l’élaboration du règlement de fonctionnement ;

- en raison du grand nombre de jeunes accueillis à l’UEHC formulant la demande de pouvoir manger de la nourriture halal et pour des raisons pratiques, les repas contenant de la viande au foyer sont exclusivement halal. Si cette pratique respecte la liberté de conscience de la plupart des jeunes et si à ce jour elle n’a pas fait l’objet de vives oppositions, elle pourrait contrevenir à la liberté de conscience d’autres jeunes ne souhaitant pas manger de nourriture confessionnelle, qu’elle qu’en soit la raison. La distribution de repas exclusivement halal pourrait aboutir à « inverser la stigmatisation ». De la même manière, l’absence totale de viande de porc dans les menus ne satisfait pas systématiquement tous les jeunes. Actuellement par exemple, Sébastien serait heureux, semble t-il, de pouvoir en manger.

• A l’UEAJ :

- la liberté de conscience des jeunes est respectée dans la limite du respect des autres et de

la prohibition du prosélytisme ; - le repas est pris trois fois par semaine à l’UEAJ mais cela ne pose aucune difficulté : il est

très vite demandé aux jeunes inscris à l’UEAJ quelles sont leurs habitudes alimentaires afin de s’y adapter au mieux (possibilité de demander à manger de la nourriture confessionnelle, aménagement des activités, possibilité de bénéficier de temps de pause et de conditions de travail compatibles avec une période de jeûne, par exemple privilégier le travail à l’ombre en été). Lors de l’accueil, les pratiques alimentaires sont demandées aux parents.

La question de la prise des repas renvoie à une autre question : jusqu’où faut-il tenter d’associer les parents dans la prise en charge du jeune ? Selon les lignes directrices relatives à l’élaboration du règlement de fonctionnement des

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établissements collectifs de placement judiciaire du secteur public et du secteur associatif habilité (NDPJJ 4 mai 2015), « les pratiques culturelles et cultuelles en matière d’alimentation

doivent impérativement être évoquées avec les détenteurs de l’autorité parentale et le mineur au

début de sa prise en charge, notamment lors de l’entretien d’accueil, et aussi fréquemment que

nécessaire notamment lors de nouvelles demandes formulées par le mineur dans ce domaine ». A ce jour, aucune information n’est demandée aux parents s’agissant de la pratique d’une religion. L’idée de les associer au choix du jeune de pratiquer ou de ne pas pratiquer de religion au cours du placement (au sens des rites, des habitudes alimentaires, des visites de lieux de culte) paraît bonne en théorie, mais les professionnels s’interrogent sur la faisabilité du respect de ce choix : que faire si le mineur n’est pas en accord avec ses parents ? L’adolescence est une période de construction et il n’est pas surprenant ni anormal qu’un jeune veuille prendre le contre pied de ses parents : le cas échéant, devons-nous l’en empêcher ? C’est pourquoi, l’idée soulevée et semblant faire l’unanimité auprès des professionnels présents seraient de systématiquement proposer deux plats à chaque repas à l’UEHC. Pour éviter les pertes, l’idée serait de proposer en amont les deux plats aux jeunes afin qu’ils indiquent par avance quel est le plat qu’ils souhaiteraient manger (semaine par semaine par exemple, exception faite des jours « poisson » où un seul plat pourrait être imposé le vendredi ou un autre jour de la semaine). Les professionnels sont conscients des difficultés pratiques et du changement important que cela générerait pour les cuisiniers, cependant cette possibilité semble être la plus en conformité avec le principe de laïcité. Nous relevons que le fonctionnement actuel n’est conforme ni à la NDPJJ du 25 février 2015 relative à la mise en œuvre d’un plan d’action de la DPJJ en matière de respect du principe de laïcité et des pratiques religieuses des mineurs pris en charge dans les établissements et services du secteur public et du SAH et du principe de neutralité par les agents prenant en charge ces mineurs (« il ne peut être admis s’agissant de la nourriture confessionnelle qu’elle

soit proposée comme plat exclusif » p5), ni aux lignes directrices relatives à l’élaboration du règlement de fonctionnement du 4 mai 2015 (« en aucun cas il ne peut être délivré des plats

contenant de la nourriture confessionnelle de façon systématique à l’ensemble des mineurs pris

en charge » p.22). La proposition d’une alternance des repas hallal / non hallal / porc / poisson / voire repas végétariens a suscité quelques réticences : « si la laïcité c’est le respect de toutes les croyances, l’absence de possibilité de manger hallal lors d’un repas contrevient à ce principe ». Selon les lignes directrices de la DPJJ et l’avis du CGLPL du 24 mars 2011, lorsque la demande de pouvoir bénéficier de nourriture confessionnelle est expressément formulée par le mineur et les titulaires de l’autorité parentale, l’établissement « peut faire droit à cette demande » (selon la DPJJ) ; « la fourniture de viandes ou d’autres aliments préparés selon les rites

approuvés par les autorités religieuses compétentes doit être recherchée et mise en œuvre » selon le CGLPL (p.3).

En outre, lorsque la composition du groupe de jeunes accueillis à l’UEHC est majoritairement musulmane, le risque de perte alimentaire lors des repas non hallal est élevé. Ainsi, la question de la prise des repas semble devoir être travaillée à nouveau et les personnes présentes s’accordent pour dire que le fonctionnement actuel doit être modifié. Il n’a pas été possible de recueillir l’avis de monsieur ……, cuisinier, sur la question car ce

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dernier a dû quitter la réunion en milieu de matinée. Nous notons que les ateliers cuisine permettent de découvrir des plats qui ne sont pas proposés au moment des repas quotidiens. Lors de la réunion de rentrée le 15 septembre, la Direction a annoncé l’actualisation très prochaine des règlements de fonctionnement au regard des impératifs de la note du 4 mai. Ce travail d’actualisation est prévu par la Directrice et sera effectivement mis en marche à l’issue des travaux des deux groupes de travail de l’évaluation interne (volontairement attendus à cet effet).

III. La neutralité des agents Les agents expriment une grande satisfaction à l’égard de l’organisation du temps de travail lors des périodes de fêtes religieuses tant à l’UEAJ qu’à l’UEHC. Les professionnels semblent faire preuve de complémentarité et de solidarité sur ce point, de la même manière que lorsqu’il s’agit de permettre aux collègues parents de prendre des congés durant les vacances scolaires. Les responsables d‘unités tentent au mieux de répartir équitablement les congés et de faire droit aux ASA pour les fêtes religieuses. Durant les périodes de jeûne, l’UEAJ aménage les activités tant pour les professionnels que pour les jeunes. Les professionnels n’évoquent pas de difficultés particulières d’organisation concernant ces périodes. Au moment des fêtes religieuses, les jeunes et/ou les équipes éducatives sont à l’initiative de moments de partage qui favorisent l’apprentissage du vivre ensemble (soirées à thème ou sorties pour tous les jeunes avec ou sans confession). Les agents ont-ils des attentes particulières concernant le référent laïcité citoyenneté de la Direction territoriale ? Globalement, les professionnels souhaiteraient que la référente laïcité citoyenneté soit force de propositions pour venir en soutien au cours des prises en charge notamment lorsqu’ils sont confrontés à des jeunes tenant des propos « extrêmes » (comment réagir?). Des projets ont d’ores et déjà été envoyés à madame …………. par l’UEAJ et par l’UEHC (Projet devoir de mémoire, intervention d’un graffeur et d’une conteuse, camp pour le Nouvel an sur le thème de la laïcité et du respect d’autrui). Les agents regrettent simplement d’avoir dû monter ces projets dans l’urgence à l’annonce de l’existence d’un budget « radicalisation ». Ils souhaiteraient que la référente laïcité les informe de toutes les actions / idées pertinentes expérimentées dans les autres DT. Il serait particulièrement intéressant d’identifier des personnes ressources dans différentes cultures méconnues voire totalement inconnues des professionnels pour intervenir ponctuellement à l’EPEI lorsque les prises en charge le requièrent (par exemple un jeune sénégalais est actuellement pris en charge à l’UEHC, ce serait intéressant pour les agents d’en apprendre davantage sur la culture sénégalaise). Ainsi, selon le profil des jeunes accueillis, il pourrait être intéressant que la référente laïcité citoyenneté puisse mettre les équipes

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éducatives en lien avec des experts ou des personnes à même de les éclairer et de les aider à comprendre le fonctionnement du jeune et/ou de sa famille. Il serait pertinent de prendre lien avec des aumôniers de différentes religions qui seraient d’accord d’intervenir auprès des jeunes ou de les rencontrer (sur le modèle de l’Administration pénitentiaire). La question d’un travail approfondi sur la citoyenneté avec les jeunes dans toutes les unités est évoquée à de nombreuses reprises. Il apparaît essentiel pour les professionnels de revenir à cette question de la citoyenneté par divers moyens : par exemple par le biais d’une visite du Parlement européen (au premier contact avec cette institution il a été opposé aux éducateurs que le groupe pour une visite devait être d’au moins 20 personnes, ce qui n’est pas possible pour l’EPEI, la référente laïcité citoyenneté pourrait-elle intervenir et solliciter la collaboration de cette institution?). L’idée de permettre aux jeunes de voir le spectacle « A nos morts » de L’Affiche Rouge a été émise. La référente laïcité citoyenneté pourrait éventuellement nous mettre en lien avec la compagnie afin d’obtenir des places à un prix raisonnable ? (de prime abord prix assez élevé, une vingtaine d’euros la place). La responsable d’unité rappelle aux éducateurs la possibilité de passer par l’association « Tôt ou t’Art » pour permettre aux jeunes de participer à des activités culturelles. Conclusion : • Points forts :

- Globalement, la liberté religieuse des mineurs pris en charge à l’EPEI est respectée - Les fêtes religieuses sont des moments de partage favorisant le vivre ensemble et

l’apprentissage d’autres cultures - L’organisation du temps de travail ne pose aucune difficulté à l’EPEI - La prise des repas à l’UEAJ ne pose aucune difficulté - Les ateliers cuisines de l’UEHC permettent de découvrir la diversité gastronomique

• Points faibles :

- Il n’a jamais été proposé à un jeune de rencontrer un aumônier (à noter qu’une telle rencontre n’est possible qu’à l’extérieur de l’établissement et que l’accord des parents est requis selon la NDPJJ du 4 mai 2015)

- Des manques au niveau de la formation proposée par le PTF - Les repas à l’UEHC sont exclusivement composés de nourriture confessionnelle et absence

totale de viande de porc - Nécessité de travailler à nouveau la citoyenneté avec les jeunes (par exemple les jeunes bien

souvent ne savent pas ce qu’est le recensement), la place de la femme, les différentes coutumes qui existent dans le monde, l’histoire de l’immigration en France, l’histoire de leur ville, de leur région, etc.

Louise PIMMEL Directrice stagiaire EPEI.

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Annexe 10

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Annexe 11

DIRECTION DE LA PROTECTION JUDICIAIRE DE LA JEUNESSE DIRECTION INTER REGIONALE DE LA PROTECTION JUDICIAIRE DE LA JEUNESSE DIRECTION TERRITORIALE DE LA PROTECTION JUDICIAIRE DE LA JEUNESSE Établissement de Placement Éducatif et d’Insertion de

Fiche information régime alimentaire

Nom et prénom du jeune : ….............................................................. Régime alimentaire particulier demandé : □ oui □ non Si oui, lequel ?

□ Sans viande

□ Sans porc

□ Sans sel

□ Sans gras

□ Végétarien Allergie, intolérance ou pathologie spécifique : □ Lait

□ Œuf

□ Gluten

□ Diabétique Autres : Concernant l’alimentation, votre enfant a t-il des pratiques religieuses particulières ? …............................................................................................................................................................................................................................................................................................................................................................................................................................................ Fait à le …................................

Signature des représentants légaux :

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Annexe 12

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Annexe 13

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Annexe 14

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Annexe 15.1

Projet Culturel : Shalom Paix Salam

« La tolérance est une vertu qui rend la paix possible » EPEI de

Référents projet : ► Mme X, éducatrice PJJ ► Mme Y, éducatrice PJJ Nature : Visite de l'institut du monde Arabe / Visite du musée d'art et d'histoire du Judaïsme Lieu : Paris En tant qu'éducateurs à la protection judiciaire de la jeunesse, nous sommes souvent confrontés à des questions de culture et de religion. Ces questionnements reviennent de façon récurrente et nous pouvons nous apercevoir que pour des adolescents qui ont, pour beaucoup, quitté le système scolaire depuis longtemps, les questions d'histoire et de religion restent en suspens au profit de représentations pas toujours fondés et qui peuvent s’avérer, pour certains, dangereuses. Préjugés, intolérance et amalgames ont vite fait de « recouvrir » des questions essentielles portant sur la laïcité, et le vivre ensemble. La France est un pays laïc ou la liberté de culte existe et doit être préservée. Partant de ces points essentiels, nous nous sommes interrogés sur le comment éduquer, expliquer et faire voir à nos jeunes que tant de richesse et de diversité sont des éléments qui permettent une réflexion au-delà de l'appartenance religieuse. Nous entendons souvent des « a priori » qui nécessitent d'être repris et surtout travaillés.... C'est pourquoi ce projet que nous intitulons « Shalom Paix Salam » a vu le jour en 2014. En effet, le but étant d'expliquer à nos jeunes qu'être juif, chrétien, musulman ne se cantonne pas qu'à une appartenance religieuse mais que l'humain demeure en tant que tel et avant toute chose. Partir visiter des lieux comme l'institut du monde arabe et le musée d'art d'histoire du Judaïsme à Paris nous a permis d’évoquer avec eux des pans historiques mais aussi culturels. Cette dimension nous semble importante au vu du contexte actuel, dans une démarche de paix et d'enseignement. Au vu des récents événements sur l'année 2015, les attentats ayant touchés Charlie HEBDO en Janvier et Paris le 13 novembre, il nous semble primordial de reconduire un tel projet. Plus que jamais ces questions et les positionnements qui en découlent prennent de la place dans nos pratiques. En tant qu'éducateurs mais aussi en tant que citoyens français, nous nous devons de sensibiliser les adolescents dont avons la charge afin qu'il puisse profiter d'une vue d'ensemble sur les questions historiques mais aussi sur l'importance du vivre ensemble aujourd'hui, en France.

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1) Concepts généraux et visée éducative : La religion peut être comprise comme une manière de vivre et une recherche de réponses aux questions les plus profondes de l’humanité, cependant elle peut aussi être vue comme ce qu’il y a de plus contraire à la raison et jugée synonyme de superstition. Elle peut être personnelle ou communautaire, privée ou publique. Elle peut aussi se reconnaître dans la définition et la pratique d’un culte, d’un enseignement, d’exercices spirituels et de comportements en société.

La question est de savoir ce qu'est la religion ou plutôt ce que sont les religions, apparentées bien entendu à la culture qui les accompagne.

Parler de religion prend tout son sens avec la notion de tolérance.

La tolérance religieuse doit, à notre sens, être une attitude adaptée devant des confessions de foi différentes ainsi qu'envers les athées, agnostiques, non croyant etc.

Or nous remarquons, dans bien des domaines que ce n'est malheureusement pas toujours le cas. En effet, l’intolérance est souvent de mise lorsqu'il s'agit de respecter certaines différences.

Pour la « supprimer » ou du moins réussir à l'expliquer il est nécessaire de revenir sur ce qui est causé par la différence elle-même ou la méconnaissance de celle-ci.

C'est en partant de cette approche, qu'éducativement parlant il nous semble important voire capital de pouvoir mener une action auprès de notre public. Offrir à nos jeunes la possibilité de découvrir deux cultures par le biais de musées et travailler l'ouverture d'esprit nous tient à cœur en tant que professionnels.

Cette action se déroulera en deux temps avec l'appui et le soutient de l'association Shalom, Paix, Salam à Paris, avec laquelle nous avons déjà pu travailler en 2014.

2) Le projet :

La ville de Paris offre deux visites importantes et enrichissantes :

L'institut du monde Arabe et le musée d'art et d'histoire du Judaïsme.

Nous rendre sur place, nous permettra d’apprécier les musées et de pouvoir discuter sur des choses concrètes et réelles.

Nous pourrions ainsi découvrir les ressemblances entre le judaïsme et l'islam ainsi que les différences.

Les membres de l'association Shalom paix Salam sont prêts à nous accompagner dans ces visites afin d'expliquer à nos jeunes l'importance d'une telle alliance et leur montrer les travail entrepris pour promouvoir la paix entre religions en France.

Nous pourrions également bénéficier d'échanges intergénérationnels avec ces personnes.

De plus, nous souhaitons pouvoir organiser avec eux deux repas. L'un avec des spécialités Arabes et l'autre avec des spécialités Juives.

Une deuxième partie de ce projet pourra être envisagée dés le mois de septembre avec une intervention de Madame Latifa IBN ZIATEN mère de Imad IBN ZIATEN, assassiné par Mohammed Merah.

Cette dame intervient déjà à l'éducation nationale afin de promouvoir l importance du vivre ensemble.

Après contact, elle est prête à venir pour une intervention sur l'EPEI à la rentrée de septembre 2016

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Cela, déjà fort intéressant, serait à notre sens la continuité du projet SPS.

Le déroulement du séjour se ferait ainsi :

Découverte de l’institut du monde Arabe et Repas en compagnie des membres de l'association (spécialités arabes) sur une journée + une soirée

Découverte du musée d’art et d'histoire du Judaïsme (qui propose cette année un atelier sur les préjugés et sur les différences / ressemblances des trois religions monothéistes) et Repas en compagnie des membres de l'association (spécialités juives) sur une journée+ une soirée

Dates éventuelles : du 6 au 8 mai 2016 (départ le vendredi matin et retour le dimanche après midi)

Ces dates sont susceptibles de changer en fonction des disponibilités d’hébergement et des places aux musées qui sont à réserver au préalable. Il faudra donc attendre que le budget soit validé avant de pouvoir réserver de façon sûre.

Les éducateurs X - Y

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Annexe 15.2

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Annexe 16

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Annexe 17

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Annexe 18

Pré-projet pour une instance laïcité

- Cycle de formation en direction des professionnels de la PJJ autour de la thématique

de la laïcité dans leurs pratiques à la lumière des nouvelles orientations de la PJJ déclinant la contribution de la PJJ à la politique publique de prévention et de lutte contre les dérives sectaires.

- Création d'une dynamique partenariale locale (départementale ) en s'inscrivant dans

la politique de la ville en matière de veille et de prévention des dérives des jeunes confiés à la PJJ et leur entourage

Cadrage du projet : La DPJJ a été particulièrement concernée dans la mise en ouvre du grand plan national de prévention et de lutte contre le terrorisme et les dérives sectaires. Dans la note d'orientation de la DPJJ en date du 27 janvier 2015, il est clairement mis en avant la volonté de participer activement à cet élan national en matière de prévention et de lutte contre les dérives sectaires. Les moyens supplémentaires dédiés à cette mission sont révélateurs de l'importance accordée à ce nouveau défi. L'inscription de la PJJ dans les politiques publiques concernées couvre aussi bien les champs relatifs à la formation des professionnels, au repérage des situations à risque de dérives sectaires et à la participation au maillage national mis en place dans le cadre de ce plan national. Nous pouvons retenir de cette note d'orientation deux axes forts

− La formation des professionnels de la PJJ pour comprendre le phénomène et l'intégrer en en mesurant les incidences sur les pratiques professionnelles

− L'inscription de l'institution dans les politiques publiques définies par le plan national de prévention et de lutte contre les dérives sectaires.

C'est dans ce cadre général qu'est née l'idée de créer une dynamique autour de cette problématique. Constats empiriques : En effet, nous avons pu constater que les formations obligatoires initiales ou continues dispensées par l'ENPJJ et le PTF ne répondent pas aux grandes interrogations et attentes des professionnels et le sentiment de frustration en la matière est réel. Nous pensons qu'une formation dont le contenu est construit par les professionnels en fonction des besoins et des réalités du terrain peut répondre mieux aux attentes et besoins exprimés. Le phénomène de la radicalité, sous toutes ses formes, est une problématique complexe dont les enjeux impliquent une grande prudence dans l'analyse. Elle ne peut être abordée uniquement à la lumière des événements tragiques survenus en France ces derniers temps et tels qu'ils sont relatés par les médias.

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Il faut prendre la distance nécessaire et se donner le temps de comprendre et de saisir le phénomène avant de proposer des interprétations et/ou des actions. S'offrir des espaces de réflexion et d'échange pour mieux l'intégrer dans les projets de service comme dans les pratiques, c'est la finalité visée par ce projet. En consultant la fiche de poste un an après leur prises de fonction, les référents laïcité et citoyenneté au niveau départemental et inter régional, de par les missions qui sont les leurs, doivent jouer un rôle moteur dans la création de cette dynamique locale de formation, de décloisonnement et de partage de pratiques professionnelles. L'idée de la mise en place d'une mission de veille départementale ne peut se réaliser concrètement qu'en faisant ce double travail primordial de formation et d'inscription dans un réseau partenarial institutionnel et associatif. Proposition de démarches pour structurer le projet :

- Afin de clarifier la démarche et ne pas empiéter sur le cadre déjà mis en place, il faut organiser une rencontre entre le service et le référent laïcité et citoyenneté pour exposer l'idée et définir en semble les sa mise en pratique

- Définir une instance de pilotage qui assure le montage et la réalisation des actions prédéfinies

- Formaliser le projet et définir les moyens de sa réalisation - Partenariat - Moyens logistiques et humains - Critères d'évaluation et d'ajustement - Proposer un échéancier et un contenu précis des actions à mener.

Pistes de travail préliminaires : A court terme :

- Constituer un dossier thématique contenant, en plus de l'arsenal juridique les textes essentiels traitants de la question de la citoyenneté, laïcité, le fait religieux, l'identité, discrimination, l'histoire de l'immigration, l'égalité des chances, racisme, sexisme, etc.

- Recherche action sur les besoins en formation des professionnels sous forme de questionnaire anonyme

- Contact avec les partenaires pressentis (institutionnels et associatifs) - Travail sur le projet de service pour intégrer clairement cette problématique dans les

pratiques professionnelles et anticiper les situations éventuelles qui pourraient se présenter A moyen terme :

- Organiser une journée de formation « Fait religieux / citoyenneté dans le champ éducatif » Ce pré projet peut servir de base d'échanges pour en affiner les contours et le contenu ainsi que les modalités de sa mise en pratique. M. A. éducateur 12 mars 2016

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Annexe 19

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Tableau récapitulatif des actions

Phase 1 : Découverte du poste de directeur du lieu de stage Stage européen en Suède (Stockholm et Malmö) Phase 2 : Approfondissement Phase 3 : Responsabilité accompagnée

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Résumé

A mon arrivée en stage de deuxième année en septembre 2015, je découvre un EPEI qui semble

bien fonctionner. En y regardant de plus près, je constate que le pilotage de la directrice n’intègre

pas suffisamment la prise en compte de la laïcité, sujet actuellement très sensible dans notre société.

Pourtant, plusieurs constats dans l’établissement attestent qu’il serait bon d’engager une réflexion

collective sur le sujet.

Je m’interroge : dans quelle mesure la prise en compte de la laïcité peut-elle être intégrée dans le

pilotage du Directeur des services ?

A l’occasion de la conduite de la deuxième évaluation interne des établissements et service de la

PJJ, je m’intéresse tout particulièrement à cette question. Je me suis appuyée sur cet outil

managérial pour poursuivre une démarche de recherche au sein de l’EPEI puis pour impulser une

dynamique de changement en la matière. L’objectif n’est pas seulement d’intégrer une référence à

la laïcité dans le projet d’établissement mais encore, de faire vivre ce principe au sein de l’EPEI par

le biais de multiples actions et expérimentations.

Mots clés :

Laïcité – Citoyenneté – Evaluation interne – Changement