la politique culturelle du nigéria; politiques culturelles...

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La politique culturelle du Nigeria par T. A. Fasuyi chef de la Section artistique du Ministère fédéral de l'éducation, Lagos Unesco Paris 1972

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La politique culturelle

du Nigeriapar T. A. Fasuyichef de la Section artistique duMinistère fédéral de l'éducation,Lagos

Unesco Paris 1972

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Politiques culturelles : études et documents

Dans cette collection 1. Réflexions préalables sur les politiques culturelles2. La politique culturelle aux États-Unis

par Charles C. Mark3. Les droits culturels en tant que droits de l'homme4. La politique culturelle au Japon

par Nobuya Shikaurui5. Aspects de la politique culturelle française

par le Service des études et recherches duMinistère des affaires culturelles, Paris

6. La politique culturelle en Tunisiepar Rafik Saïd

7. La politique culturelle en Grande-Bretagnepar Michael Green et Michael Wilding,en consultationavec le professeur Richard Hoggart

8. La politique culturelle en Union des républiquessocialistes soviétiquespar A. A. Zvorykine, avec le concours deN. I. Goloubtsova et E. I. Rabinovitch

9. La politique culturelle en Tchécoslovaquiepar Miroslav Marek, avec le concours deMilan Hromâdka et Josef Chroust

* La politique culturelle en ItalieÉtude effectuée par les soins de la Commissionnationale italienne pour l'Unesco

La politique culturelle en Yougoslaviepar Stevan Majstorovic

La politique culturelle en Bulgariepar Kostadine Popov

La politique culturelle à Cubapar Lisandro Otero, avec le concours deFrancisco Martînez Hinojosa

Quelques aspects des politiquesculturelles en Indepar Kapila Malik Vatsyayan

La politique culturelle en FinlandeÉtude effectuée par les soins de la Commissionnationale finlandaise pour l'Unesco

La politique culturelle en Egyptepar Magdi Wahba

La politique culturelle en Polognepar Stanislaw Witold Balicki,Jerzy Kossak et Miroslaw Zulawski

La politique culturelle en Iranpar Djamchid Behnam

La politique culturelle du Nigeriapar T. A. Fasuyi

A paraîtreLa politique culturelle à Ceylan

A l'occasion d'un changement de présentation decette collection, la numérotation sérielle a été abandonnéeà partir de cet ouvrage.

FA S

Publié en 1972par l'Organisation des Nations Unies pourl'éducation, la science et la cultureplace de Fontenoy, 75700 ParisImprimé parPresses Universitaires de France, Vendôme

ISBN 92-3-201029-1

Unesco 1972

Préface

Le but de cette collection est de montrer comment divers États membresplanifient et appliquent leur politique culturelle.

Les politiques culturelles sont aussi diverses que les cultures elles-mêmes ; il appartient à chaque État membre de déterminer et d'appliquerla sienne, compte tenu de sa conception de la culture, de son système socio-économique, de son idéologie politique et de son développement techno-logique. Néanmoins, les méthodes de la politique culturelle (comme cellesde la politique générale du développement) posent des problèmes universels— principalement d'ordre institutionnel, administratif et financier — et l'onreconnaît de plus en plus la nécessité d'échanges d'expériences et d'infor-mations à leur sujet. Les publications de la présente collection — dont ons'est efforcé d'uniformiser autant que possible la présentation afin de faci-liter les comparaisons — portent essentiellement sur ces aspects techniquesde la politique culturelle.

En règle générale, les études traitent des questions suivantes : principeset méthodes de la politique culturelle, évaluation des besoins culturels,structures administratives et gestion, planification et financement, organi-sation des ressources, législation, budget, institutions publiques et privées,formation du personnel, infrastructure institutionnelle correspondant à desbesoins culturels particuliers, préservation du patrimoine culturel, institu-tions de diffusion culturelle, coopération culturelle internationale et ques-tions connexes.

Les études portent sur des pays représentant des systèmes sociaux etéconomiques, des régions géographiques et des niveaux de développementdifférents. Elles reflètent par conséquent une large variété de conceptionset de méthodes de la politique culturelle. Dans leur ensemble, elles peuventfournir des modèles utiles aux pays qui n'ont pas encore mis au point unepolitique culturelle. A tous les pays, et notamment à ceux qui cherchent denouvelles formules pour leur politique culturelle, elles permettent de profiterde l'expérience acquise ailleurs.

Cette étude a été préparée pour l'Unesco par T. A. Fasuyi, chef de laSection artistique du Ministère fédéral de l'éducation, Lagos (Nigeria).

Les opinions <jui y sont exprimées sont celles de l'auteur et ne sauraientengager l'Unesco.

Table des matières

9 Introduction11 Avant la conquête coloniale17 Organisation traditionnelle de la culture20 La culture nigériane sous la domination coloniale27 Administration et financement actuels de la culture40 Organisations culturelles et associations artistiques45 La transmission de la culture67 L'avenir

Introduction

Le Nigeria avait acquis une grande réputation dans le monde des arts bienavant d'avoir accédé à la situation politique et économique qu'il occupeaujourd'hui dans le concert des nations. Parmi les contrées africaines situéesau sud du Sahara, le Nigeria est un pays remarquable par sa grande etdiverse production culturelle, legs ancestral dont la génération actuelle tireune légitime fierté. Ses antiquités, et surtout les chefs-d'œuvre des antiquescultures d'Ife, du Bénin et de Nok, ont contribué plus que toute autre choseà bâtir sa réputation. Ces chefs-d'œuvre, qui ont été exposés dans les prin-cipaux musées et galeries d'art du monde entier, font aujourd'hui partieintégrante de l'héritage culturel de l'humanité.

Idéalement, la politique culturelle devrait refléter les traditions établieset la culture de la population. Les pays européens, qui possèdent des tra-ditions existant de longue date et des structures administratives continuesdepuis des siècles, ne sont pas en peine pour formuler ou discuter leurpolitique culturelle. Mais les pays africains, ayant subi une évolution poli-tique et administrative différente et profonde au cours des cent dernièresannées, ne peuvent pas formuler leur politique culturelle sans se penchersur leur glorieux passé.

Dans la présente étude, il faudra donc considérer l'histoire sans seborner à citer de simples faits historiques, mais de façon à replacer lesconditions culturelles du Nigeria, tant présentes que passées, dans leurvéritable contexte historique et traditionnel.

La politique culturelle du Nigeria comprend trois phases : a) la périodeprécoloniale, pendant laquelle existaient des royaumes ou des empires tri-baux et fleurissaient les arts antiques du Nigeria ; b) la période 1900-1960,pendant laquelle le Nigeria se trouvait sous la domination et l'influencebritanniques ; c) la phase actuelle, avec l'organisation administrative pré-sente dans les domaines de l'art et de la culture et l'évaluation des besoinsculturels et des mesures de développement culturel dans le contexte d'unepolitique culturelle.

Introduction.

Avant l'arrivée de l'homme blanc, les politiques culturelles étaientdéfinies et dirigées par les chefs traditionnels, ou plutôt par les dirigeantsdes différentes cultures situées sur le territoire de ce (foi devait devenir leNigeria actuel. Pendant la période coloniale, une politique culturelle a étéimportée et organisée au Nigeria par les maîtres coloniaux. Au cours desdix premières années de son indépendance, la politique culturelle du Nigeriaa été le fait des dirigeants politiques qui sont apparus sur la scène après ledépart des administrateurs britanniques.

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Bien avant l'arrivée de l'homme blanc sur la côte occidentale de l'Afrique,existaient de nombreux anciens royaumes fondés et administrés exclusi-vement par des Africains. Mais les origines et l'évolution de ces royaumessont obscures, vu l'absence de relations écrites. Il existe cependant dans latradition orale des légendes qui en décrivent les origines et certains des faitstransmis par ces légendes ont été confirmés par les récentes découvertesarchéologiques et historiques. Parmi les principaux royaumes qui se sontconstitués sur le territoire actuel du Nigeria, on peut citer les royaumesYorouba et du Bénin dans le sud, le royaume de Bornou et les Étatshaoussa dans le nord. De récentes découvertes archéologiques ont éga-lement confirmé l'existence d'une antique culture aux alentours de Nok1,village situé près du centre du Nigeria actuel.

Les royaumes du sud

IFE

Ife est considéré comme le berceau des deux grands royaumes qui ontfleuri dans les régions méridionales du Nigeria, à l'ouest du Niger. L'origined'Ife même est obscure, mais la légende la plus vraisemblable relatequ'Oduduwa, le fondateur d'Ife, est venu du nord-est de l'Afrique3 et qu'ils'est arrêté à un ou deux endroits avant de se fixer définitivement à Ifeavec son peuple. Ses sept fils sont devenus plus tard les fondateurs et lessouverains des sept provinces royales, occupant ce qui est devenu pai lasuite le territoire yorouba. Ife est toujours demeuré la patrie ancestrale desYorouba ; et Yoni d'Ife, le souverain traditionnel d'Ife, est toujours consi-déré comme le chef spirituel des Yorouba.

1. « The Nok culture », West African review, p. 156.2. Père S. JOHNSON, The history oftfie Yorulas, Londres, Routledge, 1921.

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Avant la conquête coloniale

LE ROYAUME OYO

Ce royaume, le plus puissant de ceux qui furent créés en terre yorouba, a étéfondé par Oranmiyan, fils d'Oduduwa, qui devint le premier alafin d'Oyo.De par sa puissance et son rayonnement, Oyo devint plus tard le centreadministratif et politique de l'ancien royaume Oyo qui prospéra jusqu'audébut du xixe siècle. Parmi les premiers alafin qui ont joué un rôle histo-rique important, figurent Shango, déifié après sa mort sous les traits du« dieu du tonnerre », Ajiboyède, qui reconquit l'ancien Oyo sur les Noupé,dont il captura le roi, et fit régner la paix en Oyo, et Abiodun, le dernieralafin qui régna avant la chute du royaume.

A son apogée, le royaume Oyo s'étendait au-delà des frontières actuellesde Noupé vers le nord, jusqu'au Dahomey et au Togo à l'ouest, et vers l'estjusqu'au Niger1. Le chef suprême du royaume était Yalafin d'Oyo, qui étaitconsidéré par ses sujets comme un être quasi divin. Le royaume était diviséen un certain nombre de provinces dirigées par des oba (ou vice-rois) quidevaient allégeance à Y alafin, lequel assurait leur protection externe.L'administration interne et l'organisation de chaque fief ou province dépen-daient de l'oba, qui constituait à son tour un conseil des chefs chargés de lagestion générale de son territoire. Le conseil comprenait généralement leschefs de différents cultes, les guerriers les plus renommés et des dirigeantsreligieux ou politiques.

C'est le conseil des chefs qui était chargé, après les consultations rituellesd'usage, d'élire Y oba parmi les membres de la maison souveraine. Une foisélu et couronné, l'oba était investi de la puissance spirituelle et politiquedans son domaine. Les excès commis par un 060 pouvaient cependant êtrecontrecarrés par les chefs siégeant en conseil. Par exemple, à Oyo même,l'Oyomesi (le conseil local des chefs) limitait l'autocratie de l'alafin, toutesles décisions importantes de politique générale étant normalement discutéeset entérinées par eux avant de pouvoir être mises en œuvre.

C'est grâce à ce système d'administration hautement organisé qu'étaitgouverné Oyo, le plus grand royaume de la côte de Guinée2. Ce systèmen'éliminait cependant pas les différends et les dissensions entre les subdivi-sions provinciales dont les dirigeants entendaient être indépendants.

Encouragés par les influences européennes externes et par l'assistancedu sud, ainsi que par la puissante invasion foulani en provenance du nord,certains chefs ont commencé à mettre en cause l'autorité de l'alafin. L'unaprès l'autre, les 060 se sont déclarés indépendants, et le royaume s'est gra-duellement désintégré. L'effondrement du royaume Oyo a été suivi par deshostilités larvées entre villes et villages nouvellement indépendants, ce quiprovoqua des guerres violentes entre tribus. Les Foulani, profitant de la

1. R. AKPOFUHE et M. CBOWDER, Nigeria, Londres, Faber, 1966.2. J. D. FACE, Introduction to thé history of West Africa, Cambridge (Royaume-Uni),

1962. :

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situation, envahirent le royaume et s'emparèrent de nombre de villes, ycompris de la capitale elle-même, Oyo, en 1837. Les Dahoméens amorcèrentune offensive à partir du sud, mais leurs invasions furent rapidement stop-pées par l'intervention britannique. C'est cette intervention, venant à pointnommé, qui a fourni aux Britanniques l'occasion d'imposer leur hégémonieaux Yorouba.

LE ROYAUME DU BÉNIN

Un autre ancien royaume important dans le sud était centré sur le Bénin ;son influence et son pouvoir s'étendaient à tout le reste du Nigeria méri-dional situé en dehors du royaume Yorouba, c'est-à-dire depuis la rive occi-dentale du Niger jusqu'au Dahomey. Sa région côtière fut appelée « baie duBénin » par les premiers explorateurs européens, parmi lesquels apparurentd'abord les Portugais.

Il existait des relations régulières entre le royaume du Bénin et celui desYorouba. Ils avaient une frontière commune et tous deux considéraient Ifecomme leur centre spirituel. C'est d'ailleurs d'Ife qu'Oranmiyan, le fonda-teur de la dynastie actuelle du Bénin, vint à la demande des notables duBénin. Il ne resta pas longtemps, mais son fils, Eweka, devint plus tard lepremier 060. du Bénin. Il fut suivi par une lignée de plus de trente oba, dontles plus importants furent Oguoba, qui bâtit les grandes murailles de laville et introduisit le travail du cuivre, et Ewuare, un guerrier célèbre quiapporta la sculpture sur ivoire et sur bois et pendant le règne duquel leroyaume fut considérablement agrandi.

A l'apogée de sa puissance, le royaume du Bénin était fortement organisésous Y oba, qui était à la fois le chef politique et le chef spirituel de sonpeuple. Tu"oba était considéré comme divin, mais il partageait son pouvoiravec les sept chefs ouzama dont le rang n'était inférieur qu'au sien seul.D'autres chefs importants étaient les eghavbo, seigneurs féodaux et inili-tairesi et les chefs de la maison royale. Il y avait aussi trois sociétés aris-tocratiques, qui exerçaient des fonctions cérémonielles au palais de Y oba.Pour maintenir l'ordre et la bonne administration de l'empire, Y oba entre-tenait une grande armée.

Les premiers Européens qui ont pénétré au Bénin et qui y ont fait ducommerce ont été les Portugais. D'autres Européens les ont suivis et, pen-dant la période de la traite des esclaves, Bénin devint un centre trèsfameux. Le royaume s'est effondré plus tard par suite de guerres tribales."La domination britannique s'est implantée eu 1897 après la malheureuseéquipée du consul Phillips et l'expédition punitive qui s'en est suivie.

En raison de sa puissance et de sa superficie, le royaume du Bénina bénéficié d'une économie prospère, fondée sur l'agriculture et l'industrie.Sa stabilité et sa prospérité ont donné à ses citoyens d'amples loisirs pourpratiquer leurs arts et métiers, dont les productions qui subsistent sontconsidérées aujourd'hui comme des chefs-d'œuvre de l'art mondial.

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Le Bénin et l'Oyo étaient similaires non seulement par leur administra-tion fortement organisée et leur maturité culturelle et artistique, mais aussipar leur développement autochtone en l'absence de contacts avec l'Islamou l'Europe.

Les royaumes du nord

LA CULTURE NOK

On pense que cette culture de l'âge de la pierre s'est épanouie entre 500 et200 av. J.-C. dans la région centrale de ce qui est aujourd'hui le Nigeriaseptentrional. Le premier indice de l'existence de cette culture a été ladécouverte en 1936 d'une pièce en terre cuite à Nok, village du plateau deBauchi. D'autres trouvailles archéologiques ont été faites en 1944 dans unautre village appelé Jemaa1 ; et la similitude de ces objets a fait supposerque cette culture aurait peut-être occupé la région actuelle de Katsina Ala,qui s'étend vers le nord-ouest jusqu'à Kagara.

L'étude approfondie de la terre cuite de Nok a révélé qu'il s'agissait d'unpeuple d'agriculteurs qui élevait probablement des bovins. L'ornementationsuggère aussi qu'ils avaient le goût des parures et des décorations corpo-relles. Ils semblent avoir pratiqué un mode de fonderie du fer (commel'indiquent les grains d'étain et de quartz retrouvés dans certaines minesd'étain). Vu leur similitude, on pense aussi que l'art nok a pu influencer l'artprimitif yorouba2.

LES ÉTATS HAOUSSA

Daura était le foyer spirituel des premiers États haoussa, fondés entre 1000et 1200 apr. J.-C. D'autres États, notamment les États Zamfawa, Kebbi,Noupé, Gouari et Yauri, ont subi plus tard l'influence haoussa. En raisonde leur situation géographique et commerciale, Kano et Katsina Ala ontétabli des relations commerciales régulières avec les royaumes de Bornoudans le nord et du Mali sur la côte occidentale.

Pour faciliter l'administration et l'organisation de ces États, le souve-rain de chacun d'eux nommait un certain nombre de chefs de district.Ceux-ci désignaient à leur tour des chefs de village qui prélevaient l'impôtchez les fermiers et les marchands de bétail au nom de l'autorité centrale.

Au xve siècle régnait à Zaria une puissante reine, appelée Amina, quiconquit certains des anciens États haoussa, ainsi que Noupé et Kororofa.Elle ordonna plus tard la construction de grandes fortifications pourdéfendre ses villes ; une partie de ces murailles subsiste encore aujourd'hui.Zaria devint par la suite un grand centre de traite, tandis que Kano déve-

1. « Mining for history », Nigeria magazine (Lagos), 7l.2. « The Nok culture », op. cit.

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loppait ses industries du cuir et son agriculture. Chacun de ces États acquitpuissance et prééminence à diverses époques jusqu'à ce que Bornouleur imposât son hégémonie.

LE ROYAUME DE B O R N O U

Le royaume de Bornou est la première entité du Nigeria du Nord qui appa-raît à l'horizon de l'histoire, vers 750 apr. J.-C.1. Il occupait une situationgéographique favorable au développement, constituant une aire de coloni-sation commode pour les anciens peuples venus de l'Orient par l'Egypte. Onpense qu'un royaume antérieur, le Zaghawa, a existé à proximité de l'actuelSoudan occidental ; après sa chute il s'est fragmenté en plusieurs royaumes.L'un de ceux-ci, situé aux alentours du bassin de Karen, coïncide en partieavec l'actuelle province de Bornou au Nigeria. En s'étendant, il devint assezpuissant pour contraindre Kano et les autres États haoussa à lui payer letribut. Ce royaume était gouverné d'une manière centralisée par le maï, etpar l'intermédiaire de gouverneurs provinciaux désignés par lui.

LE ROYAUME FOULANI

Les Foulani, dont les origines historiques sont mal connues, étaient dedévots musulmans qui s'étaient installés pacifiquement dans de nombreuxÉtats haoussa. Ils se sont alliés par mariage avec les habitants locaux et ontacquis des positions influentes grâce à leur profonde connaissance du Coran.Leur fidélité et leur dévouement inconditionnels à la cause de l'Islam ontdonné de l'inquiétude aux rois haoussa corrompus contre lesquels ils prê-chaient ; ils accusaient les rois de tolérer des païens dans leurs domaines,contrairement à la doctrine islamique.

Des troubles locaux au Gobi, un des États haoussa les plus puissants, ontdonné aux Foulani d'Ousman Dan Fodio l'occasion de proclamer la djihad— la guerre sainte contre les infidèles. Avec leur armée unie et bien orga-nisée, ils attaquèrent les États haoussa mal coordonnés, qui s'écroulèrentles uns après les autres. Dès 1830, les Foulani avaient conquis tout le Nigeriaseptentrional moderne à l'exception de Bornou, qui leur opposa une viverésistance. La djihad fat ensuite portée vers le sud, où l'antique ville yoroubad'Illorie fut prise.

Le royaume Foulani, qui était trop grand pour être gouverné d'une façonunifiée, était divisé en deux grandes provinces dont les chefs-lieux étaientSokoto et Gandou. Sokoto était toutefois la capitale impériale, où résidaitl'émir, souverain spirituel et temporel. Le système indirect d'administration

1. R. AKPOFUKE et M. CROWDBH, op. cit.

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hérité des Etats liaoussa fut maintenu, avec les modifications qui s'impo-saient. La guerre sainte eut pour effet non seulement d'enraciner solidementl'islam dans tout le royaume, mais aussi d'assurer la stabilité politique etéconomique.

Autres entités politiques

A part les royaumes organisés sur une hase centralisée et gouvernés par desoba et des émirs historiquement connus, il existait d'autres colonies etgroupes tribaux dans le Nigeria du Nord et du Sud. Les groupes tribauxcomprenaient Igala, Idoma, Junkum et Tiv dans le nord, et les Ibo, Ibidioet Ijaou dans le sud1. En milieu tribal, il existait des villes et des villagesorganisés où les anciens dirigeaient l'administration des programmes sociauxet culturels. Certaines grandes cités étaient dirigées par des chefs tradition-nels, analogues à ceux du royaume Yorouba et des Etats haoussa. Les pre-miers explorateurs, négociants et missionnaires européens ont relaté leursrencontres avec ces chefs traditionnels, surtout avec ceux de la baie duBiafra. Parmi les villes importantes et hautement développées, citonsCalabar-PAncienne, Brass, Opobo, Bonny et Okrika. Au cours des effortsfaits par les autorités britanniques pour l'abolition de la traite des Noirs etl'extension du pouvoir britannique, des traités ont dû être signés avec lesdirigeants traditionnels. Certains groupes du nord n'avaient pas été conquispendant la guerre sainte et se sont maintenus en tant que royaumes indé-pendants jusqu'à l'installation de l'administration britannique.

1. R. AKPOPUBE et M. CHOWDEH, op. cit.

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Organisation traditionnellede la culture

L'art et les activités culturelles étaient étroitement liés à la trame de la viesociale des royaumes sous les princes traditionnels, qui n'étaient pas seule-ment des dirigeants politiques, mais aussi les chefs spirituels de leur peuple.Dans les États, et au niveau local, des conseils ou assemblées d'anciensconseillaient les chefs traditionnels pour l'organisation des programmesculturels. La gestion principale des programmes culturels dépendait dechacun des souverains traditionnels, lesquels déléguaient à leur tour leurspouvoirs à leurs chefs. Ceux-ci réservaient alors diverses tâches aux citoyensselon leur capacité et leurs talents. Dans le cadre de cette division du tra-vail, tous les membres de la communauté fournissaient leur quote-partpour assurer le succès du programme. Les sculpteurs confectionnaient lesmasques ; les « couturiers » préparaient les costumes ; les musiciens et lesdanseurs créaient des danses, accompagnées des percussions et de la musiqueappropriées. Les prêtres accomplissaient les rites sous l'inspiration desdieux, tandis que les paysans et les préparateurs de vin de palme étaientchargés de fournir mets et boissons.

Cette organisation traditionnelle des activités culturelles constituaitdans une certaine mesure un système d'obligations sociales où chacun étaitprêt à fournir sa part pour contribuer au succès d'un programme socio-culturel convenu. Ce système encourageait la population à participer active-ment et de plein gré aux programmes culturels. Les talents mis au service dela société étaient appréciés. Bref, c'était un système convenant parfaitementaux besoins et aux conditions de l'époque.

Rôle des artistes

Dans la plupart des milieux culturels du Nigeria, les arts rehaussaient debeaucoup la majorité des activités sociales et leur donnaient un grand lustrespirituel et esthétique. Dans de telles sociétés, où l'art et les activités

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Organisation traditionnelle de la culture

culturelles étaient étroitement liés à la vie sociale, l'importance et le statutdes artistes étaient uniques. Comme toutes les activités sociales gravitaientgénéralement autour du chef traditionnel de la communauté, sa demeure,ses costumes, ses danses, etc., étaient conçus par des artistes qui étaient aufait des convenances esthétiques et spirituelles. En retour, le chef tradi-tionnel conférait de grands honneurs sociaux aux artistes qui exerçaientd'aussi importantes fonctions. Il en résulte que les artistes jouissaient d'unegrande considération dans la communauté et que leurs productions étaienttrès appréciées.

C'étaient les artistes qui dictaient le rythme culturel de la société et ilsétaient aussi les arbitres du goût. Vu l'absence de machines et d'autresinventions techniques, la plupart des articles étaient conçus et produits pardes artistes et des artisans. Beaucoup de gens étaient expérimentés dans unou plusieurs métiers d'art, mais les œuvres des artisans spécialement compé-tents et capables étaient toujours très demandées. De ce fait, les artisteset les artisans avaient leur mot à dire dans la vie économique de lacommunauté.

Rémunération

L'artiste principal avait généralement la faculté d'organiser comme il l'en-tendait la production effective et matérielle d'œuvres d'art destinées auxprogrammes culturels soit chez lui, soit sur un chantier réservé à cette fin ausein de la collectivité. Il avait le droit de recruter des artistes talentueux etqualifiés et de leur assigner des tâches. Il définissait la tâche de tous lesartistes (sculpteur, musicien, batteur, etc.) selon leur habileté et leur expé-rience. Comme ils travaillaient tous à une œuvre commune, les différentsartistes se comprenaient et collaboraient entre eux pour mettre au point etexécuter les programmes culturels ou religieux de leur société. Les artistesaccomplissaient généralement leurs différentes tâches à titre gratuit ; maisils recevaient en retour la reconnaissance personnelle de l'oba et les louangesde la société en général. La coutume consistait à donner gratuitement auxartistes des récoltes marchandes, du bétail et des vêtements afin de subvenirà leurs besoins pendant qu'ils travaillaient pour la société. Lorsqu'il étaitquestion d'une rémunération en argent, le chef traditionnel accédait à leursrequêtes, mais les artistes prisaient le prestige et la considération sociale bienau-delà de toute rémunération pécuniaire. Après l'achèvement d'un pro-gramme, ils retournaient à leur occupation principale jusqu'à ce qu'on fassede nouveau appel à leurs services. Des subventions financières ou une assis-tance matérielle étaient donc accordées uniquement pendant que les artistesparticipaient à l'exécution d'un programme culturel.

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Organisation traditionnelle de la culture

Formation

Comme il n'existait pas au Nigeria de système d'éducation officiel avantl'arrivée des missionnaires européens, les artistes (sculpteurs, musiciens,poètes, danseurs) apprenaient leur métier grâce à un système d'apprentis-sage. Chacun des arts se pratiquait généralement à titre de métier familial etles techniques et secrets étaient transmis de père en fils. Par exemple, le filsd'un sculpteur sur bois commençait dès l'âge de six ans à pratiquer le métierde son père. Il apprenait d'abord à connaître les diverses essences, puis lesoutils et les techniques utilisés par son père. Vers l'âge de seize ans environ,il avait acquis suffisamment d'habileté et de confiance en soi pour exécuterseul des travaux de bonne qualité. Outre l'apprentissage technique de lasculpture, il recevait aussi un enseignement sur les usages civils et religieuxdes différentes sortes de sculptures.

Même après avoir acquis une certaine maîtrise dans sa profession héré-ditaire, l'artiste continuait à travailler dans la corporation familiale dessculpteurs. Il n'ouvrait pas d'atelier personnel, comme cela se fait dans lespays occidentaux. Après quelques années de métier, il se voyait assignerdeux ou trois autres enfants de la famille élargie pour diriger leur apprentis-sage pendant une période déterminée. C'est gratuitement qu'une formationlui avait été donnée et l'on comptait maintenant qu'il formerait gratuite-ment d'autres apprentis afin que le cercle familial professionnel puisse conti-nuer à grandir. Bien que les travaux de la corporation familiale se fissentcollectivement, il y avait néanmoins place pour des innovations indivi-duelles et originales. Le talent individuel était reconnu et admiré et lesinventions ou innovations de tout artisan étaient adoptées par l'ensemble dela corporation. En tant que membres d'une famille, les artistes partageaientles joies de leurs succès et le désappointement des échecs quand ils surve-naient. Chaque corporation familiale de musiciens, batteurs ou chanteursapprenait à ses enfants à assimiler et à défendre la tradition familiale,avec le minimum de diffusion à l'extérieur.

Cet apprentissage et ce système familial de formation donnaient très tôtà l'enfant assez de confiance en lui pour apprendre aisément et lui assuraientdes relations harmonieuses avec sa famille et le milieu villageois. Ce systèmepermettait à l'enfant de se développer selon ses capacités, sans aucune ten-sion affective grave. Il s'est développé dans différents cadres culturels nigé-rians et répondait à l'objectif essentiel de l'éducation artistique modernequi, suivant la définition de Herbert Read, consiste à « encourager l'épa-nouissement de l'individualité propre à chaque être humain, tout en harmo-nisant l'individualité ainsi formée avec l'unité organique du groupe socialdont l'individu fait partie o1.

1. Herbert READ, Education through art, Londres, 1958.

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La culture nigérianesous la domination coloniale

Quand il eut été mis fin à la traite des Noirs, les colonisateurs européens sesont réunis à Paris et se sont entendus pour se partager l'Afrique. Vers lafin du XIXe siècle, chaque mètre carré de la côte occidentale de l'Afriqueavait été attribué à l'une oti l'autre des puissances coloniales. Lès anciensroyaumes et empires ayant été arbitrairement dépecés, chaque pays euro-péen établit sa domination sur les territoires qu'il avait conquis ou qui luiavaient été alloués. Les territoires nigérians, y compris la majeure partie del'empire Foulani dans le nord, les royaumes Yorouba et du Bénin, et lestribus Ibo, Ibidio et de Calabar, furent attribués au Royaume-Uni.

Évolution constitutionnelle

En 1900, l'administration de toutes les zones réservées au Royaume-Uni a étéofficiellement prise en charge parle gouvernement britannique, après la révo-cation de la charte de la Compagnie royale du Niger. En 1906, la colonie etprotectorat de Lagos a été incorporée au Nigeria méridional, tandis que lesprovinces du nord étaient placées sous protectorat. Le 1er janvier 1914, lesdeux protectorats ont fusionné avec Lagos pour former la colonie et pro-tectorat du Nigeria. Un conseil législatif a été constitué pour assister legouverneur en ce qui concerne Lagos et les provinces du sud, mais l'adminis-tration des provinces du nord est restée du ressort exclusif du gouverneur.

Une nouvelle constitution a été promulguée en 1946, portant créationd'un conseil législatif central chargé de l'administration du pays tout entier.On a également constitué des assemblées régionales qui fonctionneraientcomme organes consultatifs de la législature centrale pour les questionsd'ordre régional. La constitution a ensuite été révisée en 1951 et en 1954,en vue de donner aux régions une certaine autonomie et des pouvoirs consi-dérablement élargis. Lagos a été déclaré territoire fédéral et disjoint de larégion occidentale. Après de nouvelles tractations constitutionnelles, l'auto-

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La culture nigériane sous la domination coloniale

détermination régionale a été accordée aux régions orientale et occidentaleen 1957, et à la région septentrionale en 1959. Le pays a accédé à l'indépen-dance le 1er octobre 1960.

Effets de la colonisation sur la culture traditionnelle

Avec l'effondrement des anciens empires et l'expansion de la dominationbritannique, l'autorité et l'influence des dirigeants traditionnels furentdétruites. Ils durent faire serment d'allégeance à la Couronne d'Angleterreet signer des traités de fidélité et obéissance.

Dans la plupart des grandes villes, les activités culturelles jadis encou-ragées par les dirigeants traditionnels devinrent (juasi inexistantes. Cepen-dant, dans les petits bourgs et les villages, où la population avait encore unepart de contrôle sur ses propres affaires, elle a continué d'exercer ses occupa-tions culturelles traditionnelles.

Le statut traditionnel et les importantes fonctions sociales des artistes sesont trouvés fortement réduits. La qualité et la quantité de l'expressionartistique s'en trouvèrent affectées.

Les premiers missionnaires vinrent introduire une nouvelle religion ; tousles anciens rites religieux (y compris la danse et la musique) furent bannis etles nouveaux convertis furent encouragés à se défaire de toute œuvre d'artayant servi à des rites religieux.

Le système d'éducation occidental européen remplaça le système tradi-tionnel non codifié. Le nouveau système était adapté aux besoins de l'admi-nistration coloniale.

Cet objectif a été exposé dans un discours prononcé en 1921 par LadLugard, premier gouverneur du Nigeria : « La fonction principale des écolesprimaires et secondaires du gouvernement dans les collectivités primitivesest de former les élèves les plus doués des écoles de village comme maîtrespour ces écoles, comme employés des tribunaux indigènes, et commeinterprètes...1 »

L'éducation officielle a d'abord été instaurée dans les villes et dans lesprincipaux villages par les missionnaires. Pour passer les examens obliga-toires établis et notés en Angleterre, les étudiants devaient apprendre unefoule de choses qui n'avaient presque rien à voir avec leur propre mode devie, comme la géographie et l'histoire politique, sociale et économique del'empire Britannique. La littérature étrangère était étudiée. L'anglais devintla langue officielle dans laquelle devaient s'effectuer toutes les transactions.Les langues indigènes furent négligées ; la poésie orale traditionnelle a faitplace à Shakespeare et à la littérature anglaise. Ceux qui parvenaient àétudier à l'étranger revenaient souvent détachés de leur propre société.

1. Otinti NDUKA, « Western éducation and thé Nigérian Cultural Background », Nigeria,1965.

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La culture nigériane sous la domination coloniale

Les danses européennes remplacèrent les danses traditionnelles. Lamusique occidentale fut importée par les disques pour accompagner les nou-velles danses ; les films, la photographie et les autres arts visuels furent aussiintroduits. Toutes ces nouvelles formes culturelles, qui sont le plus souventétranges et intéressantes, se développèrent au détriment de la culture et del'art traditionnels.

Une nouvelle sensibilité et une nouvelle échelle de valeurs commencèrentà s'implanter. Il n'était guère aisé pour les Nigérians de se rendre comptedes dangers possibles de cette évolution, mais quelques étrangers expatriésl'ont néanmoins fait. Commentant la situation en 1938, M. Duckworth,rédacteur en chef de la publication gouvernementale Nigeria, écrivait :

« Nombre d'anciens métiers, et surtout la sculpture sur bois et le coulagedu cuivre, sont en grand danger de disparaître faute d'encouragement.

» Par le passé, de nombreux chefs et autres personnalités importantess'adressaient à des sculpteurs pour façonner des tabourets de toute beauté,des portes, des panneaux et des piliers sculptés. La ville de Bénin s'étaitacquis une renommée mondiale en raison de la très haute compétence dontavaient jadis fait preuve ses artisans pour le travail sur métal et la gravure.Aujourd'hui, quand on parcourt le pays, on peut voir des portes et despiliers sculptés qui pourrissent et sont laissés à l'abandon et, d'autre part,des églises équipées de prie-dieu bon marché d'importation et de lutrinsrococo en cuivre, et aussi des salles de conseils administratifs indigènes, parexemple à Ibadan et à Ilesha, qui ne contiennent absolument rien d'africain.

» Dans la ville de Bénin on aurait pu tout au moins espérer voir desdécorations de bois ou de cuivre au tribunal, à la poste, à la station de policeet dans d'autres édifices publics, mais on les chercherait en vain ; même lanouvelle école moyenne présente le même dénuement. Les remarquablessculpteurs sur cuivre du Bénin ont reçu tellement peu d'encouragements aucours des dernières années que la plupart d'entre eux ont abandonné lemétier pour d'autres emplois. Il y a deux ans, il était impossible d'obtenirdes bronzes de bonne qualité.

» Prenons maintenant Awka, sur l'autre rive du Niger. A coup sûr yaura-t-on fait appel aux sculpteurs locaux pour décorer les portes de cer-tains bâtiments publics ? Nous voici encore déçus : on ne trouve que desportes lamentables en style "travaux publics". En vérité, il paraît biendifficile de trouver de l'art africain dans les édifices publics, à moins qu'onne veuille bien nous dire où les dénicher...

» L'art des populations du Nigeria est quelque chose dont elles ont ledroit d'être fières. Il est facile de l'adapter aux conditions modernes : c'estun des apports qu'elles peuvent fournir à la civilisation, et qui est tout àl'honneur de la race africaine. Mais nombre de nos concitoyens, tant afri-cains qu'européens, qui occupent des situations élevées semblent totalementignorer cette réalité. »

Critiquant l'usage du vêtement européen peu adapté au climat tropical,il poursuit :

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La culture nigériane sous la domination coloniale

« Ce tissu fait à la main est un peu plus cher que le tissu fait à la machine,mais il dure des années, et en l'achetant nous encouragerions l'une de nosprincipales industries rurales. A considérer sans cesse les statistiques desexportations et importations, nous avons tendance à perdre de vue la valeurde notre commerce national, notamment pour la santé et le bien-être de nospopulations.

» Certaines de nos industries rurales fournissent dans leur ensemble dutravail à une foule de gens. On estime qu'au moins 60 000 personnes sontemployées rien que dans la manufacture des nattes.

» Nous ne pouvons pas négliger l'expansion et le développement de nosindustries familiales.

» Nos tisserands, teinturiers et sculpteurs ont spécialement besoin denotre clientèle pour pouvoir résister à la concurrence des articles de pacotilleproduits à la machine. D'aucuns disent : "Pourquoi ne pas installer desmanufactures mécaniques au Nigeria ?" Nous doutons fort que de tellesusines puissent nous apporter le bonheur ; par contre, nous sommesconvaincus qu'en accordant plus d'attention à notre artisanat rural et auxformes pratiques d'éducation, ainsi qu'à l'éducation de nos jeunes filles,nous pourrions faire de nos villages des lieux salubres, des centres animéspar de petites industries familiales aux mains de personnes aimant le travailmanuel et disposées de temps à autre à entreprendre des activités au servicede la communauté... »

Voilà ce qu'écrivait un observateur expatrié ; il s'agissait là d'une des-cription véridique et objective de la situation culturelle du pays. Ses idéesont été reprises et confirmées dans un autre article publié dans la mêmerevue par M. K. G. Murray, qui s'exprimait en ces termes :

« L'art africain, cependant, passe actuellement par une phase de tran-sition, et il est encore trop tôt pour dire s'il va graduellement disparaître ous'il s'avérera capable d'assimiler les idées venues d'Europe sans perdre pourautant son caractère propre.

» Dans les conditions modernes, il ne doit pas se figer dans l'immobi-lisme, mais, pour se développer et survivre en tant qu'art tout en conservantce qu'il a de valable, il doit être solidement fondé sur le travail traditionnel.

» II est regrettable que, trop souvent, la jeune génération scolariséeignore les traditions et l'histoire locale et n'apprécie pas l'art africain, ou,même, le méprise. Les antiques sculptures religieuses ont disparu ou sont envoie de disparition. Aucune étude n'est en cours sur la musique nigériane etelle est négligée dans les écoles.

» Dans l'artisanat, les améliorations techniques sont adoptées par desnouveaux venus, de sorte que les artisans traditionnels, qui ne sont pasaides, tendent à disparaître progressivement, ainsi que les connaissancesdes matériaux et des formes dont ils ont hérité.

» Les Européens, dont beaucoup ont un grand respect pour l'art nigé-rian, pourraient contribuer à créer des circonstances favorables à sa préser-vation mais, officiellement, presque rien n'a été fait pour le maintenir en

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La culture nigériane sous la domination coloniale

vie. Dans les rares cas où des édifices ont été décorés d'œuvres africaines,cela a été le résultat d'initiatives privées et non de la politique officielle.

» Toutefois l'action et l'admiration des Européens ne réussiront pas àsauver l'art africain ; son existence dépend en dernière analyse du respect,de l'admiration et de l'appui que lui accordent les Africains eux-mêmes. »

Réalisations culturelles pendant cette période

L'ère coloniale a vu cependant certains progrès ou certaines améliorationsdans le domaine artistique ou culturel ; il y a eu certaines initiatives quipeuvent être considérées comme des réalisations notables de cette époque.En particulier : a) la fondation du périodique Nigeria ; b) la création demusées des antiquités ; c) la création du poste de conseiller artistique fédéral;d) la création de départements artistiques dans les établissements d'ensei-gnement supérieur.

Certaines de ces initiatives ont été reprises et poursuivies par le gouver-nement du Nigeria indépendant. Leur histoire ultérieure est considérée dansles chapitres qui suivent, mais on pourrait brièvement retracer ici leursdébuts.

« NIGERIA MAGAZINE »

Le Nigeria magazine a été publié dès 1923 sous le titre de Nigérian teacher,publication gouvernementale consacrée aux questions d'éducation et deculture. Ce titre a été changé en Nigeria en 1927, pour devenir ensuite lejournal d'information culturelle du gouvernement fédéral. Depuis lors, il arégulièrement présenté des commentaires et des articles sur les activitésculturelles dans toutes les régions du pays. 11 a lancé un supplément litté-raire, il y a environ quatre ans. Celui-ci contient des articles littéraires etd'érudition, ainsi que des comptes rendus des travaux de recherche effectuéspar d'éminents spécialistes nigérians sur l'art et la culture. Des photo-graphies de danses et d'autres représentations paraissent régulièrement dansle journal. Parmi les anciens rédacteurs en chef, il convient de citerMM. Duckworth et Michael Crowder, qui ont tous deux tiré parti du pério-dique pour faire connaître et promouvoir l'art et la culture du Nigeria.

MUSEES

Après l'expédition punitive de 1897 au Bénin, un grand nombre de bronzescapturés ont été vendus comme ferraille. C'est surtout grâce à l'initiativedes Allemands, qui ont préservé la majorité des œuvres dans leurs musées,que le Bénin est devenu célèbre. En 1911, un professeur allemand étaitvenu au Bénin, avait découvert les trésors d'Ife et avait réussi à ramener

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La culture nigériane sous la domination coloniale

certaines des plus belles pièces ; elles se trouvent aujourd'hui au Musée deFrancfort1.

Certains administrateurs britanniques se sont rendu compte que la dis-parition de telles œuvres représenterait une grande perte, tant pour le peuplebritannique que pour le peuple nigérian2. Ils ont donc fait campagne pour lacréation de musées locaux où les objets restants pourraient être préservéset exposés. Parmi les principaux promoteurs de cette politique figuraientS. Milburn et E. H. Duckworth (tous deux anciens rédacteurs du Nigeriamagazine). Ils ont utilisé le périodique non seulement pour faire connaîtred'autres aspects de la culture et de l'art nigérians, mais aussi pour inciterle gouvernement à construire des musées pour y conserver les meilleuresœuvres d'art nigérianes. M. Duckworth écrivait ceci dans un éditorial parudans le journal en 1937 :

« Art et culture du Nigeria. En étudiant et en décrivant les antiquités,l'artisanat et les coutumes du pays, nos collaborateurs africains peuventcontribuer à créer dans la masse de la population une appréciation dela culture et de l'art du Nigeria. Les musées d'Europe et d'Amériquecontiennent d'importantes et précieuses collections de productions artisa-nales nigérianes. Certains de ces trésors artistiques avaient été vendus parleurs premiers propriétaires à des étrangers pour une bouchée de pain...Aidez-nous à faire comprendre la valeur des choses anciennes ; elles nedoivent pas susciter l'effroi. Respectez le passé, retracez-en l'histoire, ché-rissez ces hauts lieux, aidez à faire construire des musées au Nigeria. Le jourviendra peut-être lorsque des gens viendront de toutes les parties du mondevoir les musées et salles d'exposition de Lagos, Abeokouta, Ife et de la villede Bénin. »

Le Musée de Jos a été le premier musée bâti au Nigeria : il a été ouvertau public en 1952. Il a contenu le Département des antiquités jusqu'en 1963,année où celui-ci a été transféré au Musée national du Nigeria à Lagos.

CONSEILLER ARTISTIQUE FEDERAL

Un autre fait important a été la création, en 1947, du poste de surveillantdes arts. Un artiste nigérian, M. Ben Enwonwu, qui avait enseigné l'art dansun collège gouvernemental et reçu une formation académique dans uneécole d'art de Londres, a été nommé à ce poste. Il était chargé notammentd'organiser la promotion de l'art nigérian, dans le pays et à l'étranger, aumoyen d'expositions et de conférences. En 1955, le poste a été rebaptisé« conseiller artistique fédéral ». En 1957, M. Ben Enwonwu a été transféréau Ministère de l'éducation et ses fonctions ont été élargies pour inclureaussi l'inspection et l'enseignement des arts dans les écoles. Il était égale-

1. K. C. MDRHAY, « Musées », Nigeria, 14,1938.2. Discours de lord Harlech, publié dans Nigeria, 14, 1938.

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La culture nigériane sous la domination coloniale

ment chargé de conseiller le gouvernement sur des questions présentant uneimportance culturelle.

Il s'est trouvé gêné dans sa tâche du fait d'être placé sous le contrôlede la fonction publique. La procédure, généralement longue, qui était néces-saire pour obtenir un appui financier ou officiel pour la réalisation de sesidées était décourageante. Il a cependant poursuivi ses travaux d'artisteprofessionnel et a exposé plusieurs fois au Nigeria et à l'étranger. Parmi sesnombreuses sculptures notables, citons la statue de la reine d'Angleterredestinée à commémorer l'indépendance du Nigeria, actuellement érigéedevant le Parlement nigérian à Lagos.

DEPARTEMENT DES BEAUX-ARTS

La création d'un Département des beaux-arts dans le cadre de l'Institutnigérian des arts, des sciences et de la technologie mérite d'être mentionnéeparmi les mesures prises pour le développement de l'éducation artistiquependant la période coloniale. Le département a commencé ses travauxen 1953 à la section d'Ibadan de l'institut avec un petit nombre de confé-renciers européens et quelques étudiants nigérians qui s'intéressaient à ceprojet. Le Département des beaux-arts a ensuite été transféré à la sectionde Zaria, où il a été renforcé afin de lui permettre d'organiser un cycle dequatre années d'études consacrées par un diplôme.

Depuis 1959, les diplômés se sont mis à enseigner dans les écoles et lescollèges. Certains ont trouvé du travail dans la publicité, le journalisme etla télévision. Malheureusement, l'enseignement prodigué par les professeurseuropéens était fondé essentiellement sur les normes et valeurs artistiqueseuropéennes.

Avant la fondation de l'Institut de Zaria, quelques cours d'art avaientété inclus dans le programme de l'Institut technique de Yaba, créé en 1948.Les cours d'art organisés là en 1952 étaient destinés à fournir une formationen cours d'emploi pour les spécialistes des arts graphiques des différentsservices gouvernementaux.

Les deux départements artistiques sont analysés plus en détail dans unchapitre ultérieur.

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Administration etfinancement actuels de la culture

En vertu de la Constitution nigériane, les Etats disposent de pouvoirs consi-dérables en ce qui concerne leurs propres politique et administration enmatière culturelle. Chaque État peut prendre l'initiative d'organiser desprogrammes culturels, de construire et gérer des centres culturels et dedécider du genre d'éducation culturelle qui lui paraît convenir le mieux àses concitoyens. Si les États jouissent donc de l'autonomie pour ce quiest de leurs activités culturelles, le gouvernement fédéral met sur pied desprogrammes nationaux en vue de promouvoir l'unité culturelle nationale.Les programmes et les échanges culturels internationaux sont du ressortexclusif du gouvernement fédéral.

Organisation fédérale

II n'y a pas de ministère distinct de la culture, le Nigeria différant en cela denombreux pays européens et africains dont les programmes artistiques etculturels sont conçus et mis en œuvre par un ministère unique. La politiqueculturelle n'est pas définie dans un document unique. Chacun des ministèresintéressés formule ses propres politiques et les responsabilités fédérales enmatière d'art et de culture se répartissent comme suit.Ministère fédéral de l'information, a) Promotion culturelle ; 6) Échangés

culturels internationaux ; c) Information culturelle et publications ;d) Moyens d'information de masse.

Ministère fédéral de l'éducation, a) Éducation artistique et culturelle ;6) Expositions d'art et sociétés artistiques ; c) Musées et monuments ;d) Activités culturelles patronnées par l'Unesco.

Ministère fédéral des affaires extérieures, a) Échanges culturels interna-tionaux (voir : Ministère fédéral de l'information) ; b) Expositions indus-trielles et culturelles.

Ministère fédéral du commerce et de l'industrie, a) Foire commerciale inter-nationale et exposition culturelle ; 6) Promotion des arts et métiers.

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Administration et financement actuels de la culture

MINISTÈRE FÉDÉRAL DE L ' INFORMATION

Programmes culturels gouvernementaux

La Division culturelle du ministère s'occupe de la planification et de l'exé-cution des principaux programmes culturels du gouvernement (par exemple,la célébration annuelle de l'indépendance, le festival artistique national etinternational, les échanges culturels internationaux) et possède un centred'expositions où sont présentées les œuvres d'artistes nationaux ou étran-gers. Jusqu'en 1968, la division a été dirigée par le rédacteur en clief duNigeria magazine, assisté de quelques fonctionnaires. Cette année-là, le nou-veau poste de conseiller culturel fédéral a été créé afin de renforcer le serviceen fait de conseils professionnels. C'est l'ancien conseiller artistique fédéral,un artiste nigérian renommé et de grande expérience, qui a été nommé à ceposte. Comme la division ne dispose pas d'un personnel suffisant de spé-cialistes ayant reçu une formation professionnelle, elle établit souvent descommissions ad hoc ou fait appel à l'assistance du Conseil artistique nigérian.

Échanges culturels internationaux

Divers accords culturels avec d'autres pays sont établis et mis en œuvre parle ministère après consultations dans des réunions ad hoc (d'ordinaire avecla participation des ministères des affaires extérieures, de l'éducation, ducommerce et de l'industrie).

Information culturelle

La Division de l'information du ministère publie régulièrement des livres,des brocbures, des périodiques et de la documentation sur les activités, pro-grammes et politiques du gouvernement (par exemple, informations etphotographies relatives à des manifestations officielles, sociales et cultu-relles, articles sur la participation du Nigeria à des festivals internationaux,brochures intitulées Notre héritage culturel, La musique nigériane, Le tJiêâtrenigérian).

La section photographique de la division organise régulièrement desexpositions de films et de photos consacrées à des événements importants ;son équipe cinématographique a produit un certain nombre de filmsdocumentaires et de longs métrages. Le chef administratif de la Division del'information est un fonctionnaire, mais son personnel a reçu une formationprofessionnelle dans ses divers domaines.

Moyens d'information de masse

Les moyens d'information de masse (radio, télévision, films, photographie,bibliothèques, presse) sont dirigés ou supervisés par le ministère, les dif-

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Administration et financement actuels de la culture

férents services étant attribués soit à des départements du ministère, soit àdes organismes autonomes créés et financés par le gouvernement par l'inter-médiaire du ministère (la radio et la télévision dépendent de l'Office deradio-télévision nigérian, les services de bibliothèque du Conseil nigériandes bibliothèques, les publications gouvernementales de l'Office de la pressenigériane, le Département de cinéma et de photographie fait partie de laDivision de l'information du ministère). Les structures financières et admi-nistratives sont expliquées ci-après.

Nigérian Broadcasting Corporation (NEC) [Office de radio-télévision nigé-rian]. Cet office a été constitué en organisme corporatif par une décisionparlementaire de 1956 pour prendre la succession de l'ancien Service nigé-rian de radio-télévision (qui était un département du Ministère fédéra] del'information) et « pour faire connaître les richesses culturelles du pays etpour renforcer l'unité de la fédération ». La NBC est placée sous l'autoritéd'un directeur général. Elle a quatre directeurs, dont un est chargé desservices de télévision.

La diffusion a tout d'abord été centralisée à Lagos, les émissions étantprises en relais par les autres stations. Plus tard, le système a été décen-tralisé pour donner à chacune des trois anciennes régions une occasiond'écouter des programmes locaux, souvent diffusés dans les langues locales.

La NBC dispose aujourd'hui d'un réseau de stations au moyen duquelelle diffuse ses programmes à tous les États de la fédération. Les centresde radiodiffusion des États peuvent organiser et diffuser leurs propresprogrammes culturels, lesquels peuvent aussi être incorporés dans les pro-grammes nationaux. Les services de radiodiffusion des États et des pro-vinces reflètent les cultures locales et retransmettent les programmes de laNBC aux Nigérians qui habitent les villages et les hameaux.

Les programmes de télévision de la NBC sont diffusés sur la chaîne 10à Lagos et atteignent les régions de l'État occidental qui se trouvent àproximité de Lagos. On estime qu'il y a 25 000 postes de télévision dans lazone de Lagos et 50 000 dans tout le pays. A raison d'une moyenne de 7 spec-tateurs par poste, quelque 250 000 personnes suivent les programmes detélévision de la NBC dans un rayon de 65 kilomètres à partir de Lagos. L'undes objectifs du service de télévision est de faire mieux connaître le patri-moine culturel nigérian.

Conseil national des bibliothèques. Le ministère se charge également des ser-vices nationaux de bibliothèque par l'intermédiaire de son Conseil nationaldes bibliothèques, qui comprend des éducateurs, des citoyens éminents etdes fonctionnaires.

Un directeur est chargé de l'organisation administrative et profession-nelle générale des bibliothèques. Le conseil coordonne les activités des biblio-thèques régionales et des autres bibliothèques officielles.

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Administration et financement actuels de la culture

Commission de censure cinématographique. Les nouveaux filins arrivant auNigeria sont d'abord visionnés, pour examiner s'ils peuvent être montrésaux adultes ou aux enfants, par la commission de censure cinématogra-phique constituée par le ministère fédéral. La commission comprend desreprésentants du Ministère de l'éducation, de la police, et du Départementdes services sociaux. Le conseil peut imposer des sanctions disciplinaires àtout cinéma qui ne respecte pas ses directives.

Conseil fédéral de la presse nigériane. Le conseil fédéral chargé des journauxet autres publications a à sa tête un président qui est responsable devant lecommissaire ou le ministre de l'information. Le conseil collabore avec laDivision de l'information du Ministère fédéral de l'information pour faireconnaître les activités du gouvernement et pour transmettre des informa-tions au public.

MINISTÈRE FÉDÉRAL DE L 'ÉDUCATION

La section du ministère qui s'occupe des programmes artistiques et culturelsest dirigée par le Conseil artistique fédéral.

Éducation artistique

Le ministère joue un rôle prépondérant dans la promotion de l'enseignementartistique et culturel dans les écoles et instituts. Il aide les États à considérerles programmes et à établir le plan des cours et, si un Etat en exprime ledésir, il fournit une assistance pour l'inspection des écoles d'art de cet État.Il envoie des auxiliaires visuels aux écoles et aux instituts et, notamment,des diapositives d'art de l'Unesco. Le chef de la section artistique est éga-lement membre de commissions d'examens, ce qui assure une certaine nor-malisation des examens de l'enseignement artistique.

Bourses pour études artistiques. Le gouvernement n'accorde chaque annéeque très peu de bourses d'études à des étudiants es arts, priorité étantdonnée aux bourses décernées dans des domaines scientifiques et techniques.Cette tendance regrettable qui se manifeste dans la plupart des pays envoie de développement ne se justifie que par l'urgente nécessité d'avoir plusde personnel technique pour le développement économique général ; mais ilne faut pas oublier que l'éducation artistique et culturelle est non moinsindispensable pour imprimer à l'éducation scientifique et technique la tona-lité spirituelle et esthétique qui convient.

En ce qui concerne la formation des enseignants, l'attitude du gouver-nement est plus positive. En 1968, il a lancé un « programme d'urgence pourla formation des enseignants ». Les boiirses d'études sont accordées selon despourcentages établis : 60 % pour les sciences, 30 % pour les humanités,10 % pour les activités culturelles et créatrices. Plus d'une centaine d'étu-

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Administration et financement actuels de la culture

diants dans les domaines de l'art, de la musique et du théâtre ont obtenu des« bourses d'études d'urgence » au cours des deux dernières années. Une foisqu'ils auront achevé leurs cours, un bien plus grand nombre de professeursd'art spécialisés seront à la disposition des écoles et instituts.

Exposition d'art scolaire. Le ministère organise une exposition-concours àl'intention de toutes les écoles du Nigeria :« a) Pour favoriser les contacts culturels et le sens de la culture chez les

enfants de tous les États de la fédération, en vue de constituer unpatrimoine artistique national commun ;

» 6) Pour permettre aux enfants de voir comment leurs contemporains dansd'autres États résolvent leurs problèmes esthétiques (quelles sont leursméthodes et techniques, quels sont leurs matériaux et leurs modesd'improvisation) ;

» c) Pour donner aux professeurs d'art l'occasion d'observer la qualité dutravail dans d'autres écoles, afin d'améliorer et d'orienter l'enseigne-ment de l'art dans les écoles. »

Les ministères de l'éducation des États participent au rassemblement et àla sélection des œuvres. Le premier programme a été inauguré à temps pourcoïncider avec le dixième anniversaire de l'indépendance du Nigeria. Aprèssa session initiale à Lagos, l'exposition aura lieu successivement dans toutesles capitales des États. Des prix, sous forme de matériaux d'art, récom-pensent les élèves qui ont produit des travaux d'une qualité exceptionnelle.

Exposition internationale d'art enfantin. Le ministère organise la participa-tion nigériane aux expositions internationales d'art enfantin ; il conservedes archives parmi lesquelles on sélectionne les œuvres qui seront envoyéesà ces expositions. Au cours de ces dernières années, les enfants nigérians ontsystématiquement gagné des prix importants dans ces expositions : rienqu'en 1970, 17 enfants nigérians ont remporté des prix à des expositionsd'art internationales au Venezuela, en Tanzanie, au Japon et en Inde. Celaconstitue évidemment un motif de fierté et d'encouragement tant pour lesfonctionnaires que pour les écoles.

Sociétés artistiques

Le ministère s'occupe aussi de questions relatives aux organisations artis-tiques. Certaines d'entre elles sollicitent soit leur reconnaissance officiellepar le gouvernement, soit des subsides, ou encore les deux. Certaines ont étéagréées et se sont vu accorder des subventions. La Société des arts et deshumanités (qui se propose essentiellement d'acquérir des œuvres d'art pourle futur musée d'art moderne) a reçu du ministère, en quatre ans de temps,des subsides totalisant plus de 30 000 livres. L'Institut international deslangues et de la culture africaines reçoit une subvention annuelle de500 livres. Parmi les autres sociétés qui ont été agréées ou assistées, on peut

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Administration et financement actuels de la culture

citer : la Société des artistes nigérians ; la Société de l'éducation par l'art ;la Société des musées nigérians ; l'Association des professeurs d'art.

Musées et monuments

Les dons du gouvernement aux musées nationaux sont fournis par l'inter-médiaire du Ministère de l'éducation, qui est également responsable de lagestion de ces dons. La commissaire fédéral ou le ministre de l'éducationest chargé de la désignation des membres de la Commission nationale desantiquités, qui se compose d'éminents érudits et de spécialistes renommésdes arts et des humanités. La commission est chargée de la création et del'entretien de musées, ainsi que de la recherche, de la conservation et del'étude de la culture et des arts traditionnels ; elle est aussi habilitée à classerles monuments et les antiquités, et à surveiller les fouilles archéologiques etl'exportation des antiquités.

Le directeur des antiquités est professionnellement et administrative-ment responsable de tous les musées du pays ; il est assisté par le directeuradjoint et par les conservateurs des différents musées. D'autres fonction-naires s'occupent surtout de la recherche archéologique, iconographique etarchitecturale. Les crédits accordés par le gouvernement au Départementdes antiquités au cours des dix dernières années ont été les suivants :1960/61, 47 190 livres ; 1961/62, 54 240 ; 1962/63, 98 790 ; 1963/64, 87 100 ;1964/65, 87500; 1965/66, 83870; 1966/67, 91340; 1967/68, 92650;1968/69, 81 250 ; 1969/70, 79 610.

Programmes culturels de l'Unesco

La section artistique du ministère collabore avec la commission nationalepour l'Unesco en vue de planifier et d'organiser la participation du Nigeriaaux programmes culturels spéciaux patronnés par l'Unesco, tels que larécente célébration de l'Année de l'éducation, à l'occasion de laquelle lasection artistique, en collaboration avec les ministères de l'éducation desÉtats, a organisé des expositions d'art et des manifestations culturelles. Lasection rassemble des documents pour publication par l'Unesco et s'occupede diffuser des textes, des publications, des auxiliaires visuels, etc., fournispar l'Unesco.

MINISTÈRE FÉDÉRALDES AFFAIRES EXTÉRIEURES

Ce ministère comprend un Département de l'information qui s'occupe ausside questions culturelles et, notamment, de la publicité et de l'informationpar l'intermédiaire des ambassades du Nigeria. Les chargés d'information enposte dans les ambassades remplissent les fonctions généralement impartiesaux attachés culturels.

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Centre culturel traditionnel nigérian,région septentrionale du Nigeria.

Centre culturel traditionnel nigérian,région méridionale du Nigeria.

Architecture typique de la région septentrionale du Nigeria.

Deux artistes nigérians exécutant une peinture muralecommandée par une société commerciale de Lagos.

Administration et financement actuels de la culture

Le ministère reçoit une allocation pour les expositions culturelles etindustrielles et participe à la rédaction et à l'application des accordsculturels.

Le ministère détermine la politique étrangère du Nigeria dans le domaineculturel ; à l'issue des considérations politiques nécessaires, il formule desrecommandations concernant les pays avec lesquels il serait souhaitable quele Nigeria entretînt des relations culturelles.

MINISTERE FEDERALDU COMMERCE ET DE L'INDUSTRIE

Les rapports de ce ministère avec les affaires culturelles concernent la pro-motion des arts et métiers autochtones. En collaboration avec les minis-tères du commerce et de l'industrie des États, il encourage la production deproduits locaux, entre autres de caractère artisanal, et encourage les asso-ciations corporatives. Les produits en question sont régulièrement rassem-blés et exposés dans les foires commerciales nationales et internationales.De temps à autre, d'autres manifestations artistiques sont également orga-nisées dans le cadre de ces foires commerciales. Le ministère a l'initiativedes programmes ; les coûts sont pris en charge par le Ministère fédéral del'information.

DÉPENSES GOUVERNEMENTALES FÉDÉRALESCONSACRÉES A L5ART ET A LA CULTURE

II est très difficile de savoir exactement ce que le gouvernement fédéraldébourse pour les arts et la culture. Comme il a déjà été dit, quatreministères interviennent ici et, même au sein de chacun d'eux, il peuty avoir plus d'une division s'occupant de questions culturelles (parexemple, voir plus haut les paragraphes relatifs au Ministère de l'infor-mation).

Les chiffres figurant dans les tableaux 1 et 2 ci-après sont tirés des pré-visions budgétaires annuelles et ne correspondent pas nécessairement auxmontants effectivement dépensés. En réalité, le gouvernement dépenseinvariablement plus que les sommes indiquées dans les prévisions budgé-taires annuelles. Cela est dû au fait que certains programmes sont organisésaprès l'établissement des prévisions budgétaires et qu'il faut trouver del'argent pour les payer.

C'est ce qui est arrivé en 1970/71 par exemple. A la fin de 1970, troismois avant la fin de l'exercice financier, le gouvernement avait dépenséenviron 100 000 livres pour différents programmes culturels, comprenant :30 000 livres pour un groupe nigérian envoyé à l'Expo 70 au Japon ;30 000 livres pour le Festival artistique pannigérian de 1970 ; 10 000 livrespour la participation à une foire commerciale au Dahomey ; 16 000 livres au

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Division culturelleConseil artistique nigériaFestivals d'art au NigériFestivals internationaux

et échanges culturelsAutres subventions.

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Administration et financement actuels de la culture

titre des programmes d'échanges culturels. On voit donc que des ressourcesfinancières sont allouées de temps à autre pour des programmes culturelsapprouvés, quel que soit le montant des prévisions budgétaires.

Les États

O R G A N I S A T I O N ADMINISTRATIVE

Après la fusion des territoires du nord et du sud, en 1914, le Nigeria a étégouverné de façon centralisée par un gouvernement fédéral colonial siégeantà Lagos, par le truchement d'une série de centres administratifs provinciaux.

Comme suite à une réforme constitutionnelle, le Nigeria a été diviséen trois régions en 1952. Lagos, la capitale fédérale, est demeuré un terri-toire distinct administré par le gouvernement fédéral par l'intermédiaire duconseil local. Chaque gouvernement régional était autonome et avait despouvoirs dans de nombreux domaines constitutionnels, y compris l'éduca-tion et la culture. Les questions artistiques et culturelles ont été confiéesdans chaque région à des ministères différents : dans la région orientale, leMinistère des affaires intérieures ; dans la région occidentale, les affairesinternes ; dans la région septentrionale, l'administration locale et le tou-risme. La région occidentale a été ensuite subdivisée, ce qui a porté à quatrele nombre des régions. Le Ministère du développement communautaire a étéchargé du festival dans la région ouest-centre.

En 1967, le pays a été fragmenté à nouveau en douze États distincts(parmi lesquels l'État de Lagos), qui ont hérité des responsabilités relativesaux affaires culturelles locales. Tout comme le gouvernement fédéral lui-même, ils n'ont pas de politique codifiée en matière culturelle et ne concen-trent pas toutes les questions culturelles sous l'autorité d'un seul ministère.Les conseils provinciaux et locaux jouent un rôle important dans la plani-fication et la mise en œuvre déprogrammes culturels locaux, qu'ils financentaussi pour la plupart. Le rôle des gouvernements des États dans le domaineculturel porte sur : la promotion culturelle et les festivals artistiques ; l'édu-cation artistique et culturelle ; les centres culturels et communautaires ;musées et bibliothèques ; les moyens d'information de masse et l'infor-mation culturelle ; les dépenses culturelles.

Festivals artistiques organisés par les États

Chaque autorité provinciale est chargée d'organiser les festivals locauxet de désigner le meilleur groupe pour participer au festival de l'État, qui setient généralement dans la capitale de l'État. Les autorités provincialessont responsables de l'organisation pratique et financière des festivalslocaux et des arrangements pour la participation aux festivals de l'État.

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Administration et financement actuels de la culture

Éducation artistique et culturelle (écoles primaires et secondaires)

Indépendamment des changements politiques ou administratifs, l'éducationartistique officielle a toujours été du ressort des ministères de l'éducation dela fédération et des États. Comme il a déjà été signalé, l'éducation est undomaine où, en vertu de la Constitution, aussi bien le gouvernement fédéralque les gouvernements des États possèdent des pouvoirs en fait de politiquegénérale de planification et d'administration. Les écoles et collèges pri-maires et secondaires relèvent des États (le gouvernement fédéral admi-nistre cependant quelques écoles secondaires inter-États, appelées collègesgouvernementaux fédéraux). Les ministères des États sont aujourd'huicompétents pour la politique générale, l'administration et l'inspection deleurs propres systèmes d'éducation.

Certains ministères d'État ont créé des comités scolaires locaux aux-quels ils délèguent une part de leurs pouvoirs ; d'autres administrentl'éducation sur une base centralisée. Certains ministères d'État ont desdépartements artistiques pour la planification et l'inspection des matièresculturelles ; d'autres ont aussi des inspecteurs locaux, rattachés aux dif-férents conseils locaux par l'intermédiaire desquels les inspecteurs d'Étatremplissent leurs fonctions. Bien que l'art, la musique et le théâtre soientcompris dans la planification de l'État en matière d'éducation, de nom-breuses écoles primaires et secondaires n'enseignent pas ces matières, prin-cipalement faute de professeurs et de matériaux. Cependant, au cours de ladernière décennie, la situation s'est améliorée au fur et à mesure qu'on dis-posait de plus d'enseignants qualifiés.

Certains États chargent des spécialistes de sujets culturels de faire destournées dans leurs écoles pour y faire des démonstrations et y organiserdes expositions afin d'améliorer la qualité du travail. Certains incluentaussi les arts dans leurs programmes d'éducation des adultes ; c'est ainsique l'État de Lagos, par exemple, utilise une école d'arts et métiers commeun centre où sont organisés des cours du soir pour adultes. De nombreuxÉtats accordent chaque année des bourses d'études pour la formation desenseignants, y compris de ceux qui sont spécialisés dans les sujets artis-tiques et culturels.

Musées et centres culturels

Un ou deux États accordent des subsides pour l'entretien et la gestion demusées. Cependant, la plupart des musées, même s'ils sont situés dans telou tel État, sont pris en charge par le gouvernement fédéral. D'autre part,il existe très peu de centres culturels dépendant des États, quoique quelquesconseils locaux aient des centres communautaires et de jeunesse. Il a tou-jours été difficile de préciser séparément le montant consacré en tels cas àdes activités spécifiquement culturelles.

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Administration et financement actuels de la culture

Services de bibliothèque

Chaque État est maintenant responsable de ses propres services de biblio-thèque. Les anciennes régions avaient créé des conseils distincts de biblio-thèque qui assuraient des services de bibliothèque dans tous les districts dela région. Les conseils locaux et de district ont des bibliothèques locales.Les ambassades étrangères ont régulièrement fait don de livres. D'autresdonateurs importants sont le British Council et le Service de bibliothèquedes États-Unis d'Amérique.

Moyens d'information de niasse

Les anciens gouvernements régionaux avaient leurs propres services deradiodiffusion et de télévision, avec des programmes culturels locaux (endiverses langues nigérianes), qui pouvaient aussi être retransmis à l'échelonnational. Ici encore il est difficile de savoir exactement combien chaquestation dépense pour les programmes culturels. Depuis la création des douzeÉtats, il sera peut-être nécessaire de réviser le statut et le fonctionnementdes services régionaux.

Dépenses des États pour la culture

Les gouvernements des États accordent des subsides annuels à chaqueconseil provincial ou local pour financer les activités et les programmeslocaux, y compris les activités culturelles et les festivals. Il est difficile depréciser quelles sont les sommes consacrées à des programmes purementculturels.

Les subventions accordées par les gouvernements régionaux pour lesfestivals d'art depuis l'indépendance sont indiquées dans le tableau 3.

TABLEAU 3 Subventions accordées par les gouvernements régionaux pourles festivals d'art de 1960/61 à 1967/68 (en livres)

Région 1960/61 1961/62 1962/63 1963/64 1964/65 1965/66 1966/67 1967/68

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Ces subventions sont faibles par comparaison avec les dépenses et lessubsides consentis pour d'autres programmes. Mais il s'agit ici des montantsconsacrés spécifiquement à l'art et à la culture. Par exemple, ils ne com-prennent pas les frais de transport, de subsistance et de logement desquelque trois cents personnes, ou plus, qui collaborent à un festival typique,

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Administration et financement actuels de la culture

ni les subventions accordées par les gouvernements des États aux atelierset aux manufactures artisanales. Néanmoins, il faut bien reconnaître queles crédits consacrés à la culture sont extrêmement faibles, si on les compareaux sommes allouées dans les domaines éeonomi<jue et politique. Toutefois,les subventions se sont graduellement accrues depuis l'indépendance et,avec le regain de la stabilité politique, on peut espérer que les gouver-nements des États augmenteront sensiblement les subventions et donsqu'ils accordent aux programmes culturels.

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Organisations culturelleset associations artistiques

Les organisations culturelles et les associations artistiques ont grandementcontribué à promouvoir la conscience culturelle générale et le dévelop-pement artistique au Nigeria. Elles représentent les forces vives qui sous-tendent toutes les activités culturelles et compensent dans une certainemesure l'apparente indifférence officielle. En gros, ces organisations peuventêtre réparties en trois groupes : organismes pour le développement des arts ;associations d'artistes professionnels ; groupes culturels institutionnels outribaux (ceux-ci existent dans tout le pays).

Organismes pour le développement des arts

Des organismes artistiques sont créés de temps à autre sur l'initiative degens qui ne sont pas forcément des artistes, mais qui s'intéressent aux arts.Ils comprennent des Nigérians et des non-Nigérians appartenant à diversescouches sociales. Les membres de l'association versent généralement unecotisation. Si ces associations ont assez d'influence ou si leurs membresexercent des activités qui sont considérées comme importantes par le gou-vernement, il arrive qu'elles réussissent à être agréées officiellement ou àobtenir une subvention, comme c'est le cas par exemple pour la Société desarts et des humanités et le Conseil artistique nigérian.

LA SOCIÉTÉ DES ARTS ET DES HUMANITÉS

Cette société a été fondée en 1963 par un groupe de Nigérians et d'expatriésqui collaboraient à des programmes culturels généraux à Lagos. L'objectifprincipal de la société est de créer un musée d'art moderne. Une fondationétrangère s'était déclarée disposée à accorder des dons pour la constructiondu musée, mais la guerre de sécession est intervenue entre-temps. En atten-

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Organisations culturelles et associations artistiques

dant, le Ministère fédéral de l'éducation fournit à la société une subventionannuelle pour financer l'acquisition d'œuvres d'art.

CONSEIL ARTISTIQUE NIGÉRIAN

Le conseil a été fondé en 1959, à la veille de l'indépendance, par le ministrede l'information et des services sociaux de l'époque et par un groupe deNigérians et d'expatriés, à titre d'organisation privée ayant pour but depromouvoir les arts au Nigeria. Les objectifs du conseil avaient été définiscomme suit (voir aussi l'organigramme ci-après) :

« Le conseil œuvrera pour la promotion, le renouveau, le développementet l'encouragement des arts littéraires, théâtraux et plastiques du Nigeria :a) en aidant et en encourageant les artistes et les artisans nigérians ; 6) enproposant et en soutenant la relance et l'organisation de festivals culturels,d'expositions, de concerts et de manifestations ; c) en encourageant et enfaisant connaître les arts nigérians dans le pays et à l'étranger ; d) endonnant des conseils sur l'acquisition et la conservation des monumentsartistiques et culturels ; e) en faisant connaître et aimer la tradition et laculture locales, en encourageant la compilation de publications sur l'histoireet les monuments nationaux, en donnant des conférences sur l'histoire natio-nale et en faisant comprendre la valeur du patrimoine artistique nigérian ;/) en encourageant l'exécution et la présentation au Nigeria d'activitésculturelles de style non nigérian en vue de favoriser le développement desarts autochtones grâce aux contacts avec la culture internationale. »

Le conseil a rapidement été reconnu par le gouvernement et par lepublic et une subvention annuelle de 5 000 livres lui a été accordée par leParlement en 1961. C'est la première organisation nigériane qui ait obtenul'appui financier et moral du gouvernement. Le conseil a bientôt cooptédans ses rangs d'éminents artistes et érudits.

Dans le cadre de la célébration de l'indépendance, en 1960, le conseil amis sur pied une exposition d'œuvres d'art nigérianes anciennes et contem-poraines et a organisé des danses et des manifestations culturelles. En 1961,sa section de Lagos a fondé la galerie Labac pour présenter et vendre desobjets artistiques et artisanaux nigérians. Le conseil est graduellementdevenu le principal exécutant des activités culturelles gouvernementales. Ila été réorganisé en 1964 afin d'inclure des représentants de tous les gouver-nements régionaux.

En collaboration avec le Ministère fédéral de l'information, il a organiséla participation du Nigeria au festival artistique du Commonwealth britan-nique de 1965, ainsi qu'au premier festival d'art noir, tenu à Dakar ; leconseil a également organisé la participation nigériane à d'autres manifes-tations internationales, y compris les Jeux olympiques.

En 1968, le conseil a été réorganisé et sa constitution a été révisée pourrefléter les récents changements politiques et l'évolution culturelle. La

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Organisations culturelles et associations artistiques

Conseil artistique nigérianConseille le gouvernement fédéral en matière culturelle ;planifie et organise les programmes culturels nationauxet internationaux ; encourage les arts et la culture ;recherche des assistances pour les programmes culturelsCompositionFonctionnaires du gouvernement fédéral ; représentantsdes gouvernements des Etats î représentants (Tes conseilsartistiques tics États ; représentants des universitéset artistes cooptés

Comité executifPlanifie et réalisetous les programmes culturelsMembresMembres élus du conseil ;fonctionnaires du gouvernement fédéral

1 1 1 1Comité des arts etdes galcrïea . ,Planifie et organiseles activités relativesaux arts plastiques ;musées ; galeries ;associations artistiquesMembresArtistes peintres ;sculpteurs ; créateursconceptuels et architectesprofessionnels sélectionnés

Comité musicalPlanifie et organisetoutes les activitésmusicalesMembresExécutants ; musiciens ;musicologues ; directeursprofessionnelssélectionnés

Galerie du conseilConservateur

Comité des festivals.Planifie et organisetoutes les activitésrelatives aux festivalsMembresReprésentants dugouvernement, des Étatset des universités ;membres du conseil ;autres membres cooptés

Danse et théâtrePlanifie et organisetontes les activitésdramatisesMembres .Artistes de variétés ;poètes ; auteurs ;auteurs dramatiques ;acteurs professionnelssélectionnés ; autresmembres cooptés

Comité généralPrend les décisions urgentes au nomdu conseil ; supervise le secrétariatet la galerie5 membres du conseil résidant à Lagos

Comité t!e la rechercheRecherches et étudessur la culture,l'éducation artistique,les films, les diapositives,les reproductions•MembresReprésentants desuniversités ; professeursd'art ; écrivains ;producteurs de films ;autres membres cooptés

.SecrétariatSecrétaire organisateur ;autre personnel dosecrétariat

Organigramme du Conseil artistique nigérian.

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Organisations culturelles et associations artistiques

composition du conseil a été élargie pour inclure des représentants des douzeÉtats de la fédération qui venaient d'être créés ; en outre, tous les fonction-naires du gouvernement fédéral s'occupant d'art et de culture ont étécooptés au conseil. Le conseil comprend aussi des représentants des cinquniversités.

Le comité exécutif du conseil se compose des membres élus suivants : leprésident, trois vice-présidents, le secrétaire, le trésorier, le secrétaire finan-cier, le secrétaire à l'information et quatre membres cooptés.

Le comité exécutif se réunit une ou deux fois par an pour examiner lesrapports et recommandations des différents comités, dont les membres sontégalement élus sur une base annuelle.

Des comités permanents s'occupent des questions suivantes : arts etgaleries d'art ; danse et théâtre ; musique ; festivals ; recherche.

Les cinq ou six membres qui composent chaque comité sont des artistesnigérians professionnellement qualifiés ou expérimentés, qui se réunissentde temps à autre et présentent des recommandations.

Le conseil dispose d'un secrétariat et d'une galerie situés tous deux dansle même bâtiment à Lagos. Ses fonctionnaires permanents comprennentdeux secrétaires d'organisation et un conservateur de galerie d'art. La ges-tion courante du conseil est confiée au secrétaire honoraire, qui est assistépar un comité général.

Les nouveaux statuts du conseil prévoient la création de conseils artistiquesdes États, c'est-à-dire qu'il y a dans chaque État une section du Conseilartistique nigérian chargée des activités culturelles locales et de leurcoordination.

La société culturelle du Nigeria a été fondée à Kadouna dans l'anciennerégion du nord pour servir les mêmes objectifs que le Conseil artistiquenigérian qui, à l'origine, était surtout actif dans le sud. La société a étéreconnue et financée par le gouvernement régional de l'époque, qui l'achargée de planifier et de mettre en œuvre ses programmes culturels. Lasociété avait un secrétariat à Kadouna et s'est occupée d'organiser le festivalartistique annuel. Ses membres comprenaient des artistes professionnels,des fonctionnaires et des hommes d'État. La société a été touchée aussi parla subdivision de la région en six nouveaux États en 1968. Elle fonctionnaitdans le cadre de la fonction publique conjointe intérimaire des nouveauxÉtats, dont elle a obtenu un soutien financier pour organiser un festivalen 1963. Ce dernier a été minutieusement préparé et d'autres États y ontété invités. Après consultations, la société a consenti à fusionner avec leConseil artistique nigérian, qui a pris en charge ses responsabilités. Le pré-sident de la société est devenu le premier vice-président du conseil.

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Organisations culturelles et associations artistiques

Associations d'artistes professionnels

Des peintres, des musiciens, des écrivains et d'autres artistes se réunissentet s'associent pour planifier leurs activités et tenter de trouver des solutionsà leurs problèmes communs. Certaines des activités de telles associationspeuvent bénéficier de subventions gouvernementales. Il convient de signaleren particulier la Société des artistes nigérians, l'Union des musiciens nigé-rians, la Société culturelle musicale, le Club Mbari. La Société des altistesnigérians est invitée chaque année à organiser des expositions d'art dansle cadre de la commémoration de l'indépendance. Le Club Mbari a été trèsactif vers le début des années soixante, époque à laquelle il a organisé denombreuses activités culturelles dans les villes qui étaient alors capitalesrégionales.

Groupes culturels

II existe des organisations culturelles dans la plupart des bourgs et villages :elles ont pour objet de développer leurs propres culture et traditionsethniques ou tribales. Les membres paient une cotisation pour les activitésrégulières, dont certaines commémorent des événements importants dansl'histoire ou la culture locales. Dans les cités et les villes les gens originairesdu même clan ou du même village se réunissent et forment des groupesculturels qui préservent les traditions dont ils pourraient se trouver séparésdans leur nouvelle résidence ; ces groupes ont quelquefois pour but de ras-sembler des fonds pour soutenir le développement éducatif et social de leursvillages d'origine.

Les sociétés fondées sur une formation commune d'ordre religieux ouéducatif sont assez proches des groupes tribaux. Elles organisent aussi desprogrammes artistiques et culturels pour leurs membres et convient lepublic à y assister.

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La transmission de la culture

Centres culturels

Les centres culturels peuvent être soit des locaux permanents spécialementconçus, soit des bâtiments existants adaptés ou utilisés à des fins culturelles.Pendant l'ère précoloniale les centres culturels spécialisés étaient peu nom-breux, pour la simple raison que la plupart des activités et manifestationstraditionnelles ne nécessitaient pas de tels centres puisqu'elles avaient lieuprincipalement en plein air à des endroits appropriés dans les villes et lesvillages. Les rites du culte des ancêtres, la célébration de l'igname nouveau,les cérémonies de mariage et les initiations culturelles se passaient dans lesvilles ou parfois en brousse. Certaines manifestations traditionnelles tellesque les durbars, dans le nord, ne pouvaient être exécutées qu'en plein air.Les quelques édifices culturels qui existaient étaient surtout religieux, telsque les sanctuaires (par exemple, les sanctuaires d'Ibo Mbari) et les mos-quées islamiques.

Lorsque de nouvelles formes d'art ont été importées et assimilées, il estdevenu nécessaire de prévoir des locaux aménagés de façon plus complexe.On peut en distinguer quatre espèces : a) les centres culturels dont le per-sonnel et l'équipement sont fournis par les autorités publiques ; b) les édi-fices publics disponibles à temps partiel (par exemple les bôtels de ville,centres communautaires, écoles) ; c) les centres spécialement fournis parles organisations artistiques et les associations d'artistes ; d) les centresfournis par les ambassades étrangères, surtout pour les échanges culturelsinternationaux.

MUSÉES1

Parmi les centres fournis par les autorités publiques, il importe de men-tionner les six musées, situés dans différentes parties du pays, qui contien-nent surtout des antiquités nigérianes.

1. Rédigé en consultation avec M. Ekpo Kyo, conservateur en chef des musées.

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La transmission de la culture

Musée de Jos. Ce musée présente les terres cuites de Nok, des bronzes d'Ifeet du Bénin, des sculptures sur bois et autres provenant de différentes partiesdu pays, les extraordinaires poteries d'Abouja, et des livres écrits par dessavants du Nord. Les autres objets exposés comprennent des masques etdes outils de pierre et de fer des populations préhistoriques.

Une part des activités du musée consiste à faire revivre l'artisanat clas-sique. On y trouve deux forgerons boudji, une femme potier du village deJawara, un sculpteur sur bois d'Igala et un artisan du cuivre, qui travaillenttous avec l'outillage traditionnel dans le parc du musée.

Un jardin zoologique a été inauguré dans le parc du musée en 1955.Parmi les animaux figurent diverses espèces de singes et une tortue âgéede deux cent cinquante ans.

Musée d'Ife. Ouvert en novembre 1954, ce musée contient les têtes debronze d'Ife, de réputation mondiale, considérées par les experts commefigurant parmi les plus beaux moulages de bronze qui soient au monde. Lemusée contient aussi des têtes en terre cuite, des sculptures sur pierre d'Ifeet des vestiges mis au jour par le Département des antiquités.

Musée de Bénin. Inauguré en 1960, ce musée contient certains des bronzesdu Bénin les plus anciens et les plus beaux, dont quelques-uns ont étédécouverts fortuitement lors de la construction de la ville moderne deBénin. Le Bénin a produit certaines des plus belles têtes et statues de bronzedu monde, qui sont les œuvres d'art nigérianes les mieux connues àl'étranger; Outre les bronzes, le Musée de Bénin contient aussi des sculp-tures et des cuivres, commémorant des oba et des princesses, ainsi quel'histoire du peuple edo.

Musée national du Nigeria. Ce musée, qui est le plus important du Nigeria,a été ouvert au public en 1957. Il est situé près du parc George-V, à Lagos.Il comprend trois galeries principales.

La première contient des objets d'intérêt ethnographique, parmi lesquelscertains spécimens extrêmement rares : des sculptures sur bois, comprenantdes représentations d'ancêtres d'Oron (qui sont considérées comme les plusanciennes sculptures sur bois d'Afrique) et des sculptures yorouba — bols etplanchettes servant à la divination, figurines représentant des jumeauxmorts, masques « gélédé », panneaux de portes et outils sculptés ; desmasques des esprits des eaux provenant des régions des Ibo et des Ibibio ;des têtes sculptées recouvertes de peaux, rendues plus impressionnantesencore par les cornes recourbées, les perles et les plumes dont elles sontdécorées (forme d'art unique qui ne se rencontre nulle part ailleurs enAfrique occidentale) ; des calebasses et des poteries.

La seconde galerie du rez-de-chaussée, qui est plus petite, contient laplus grande des têtes en terre cuite de Nok, provenant d'une des culturesspécialisées qui sont apparues au Nigeria il y a quelque deux mille ans ; des

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La transmission de la culture

terres cuites d'Ife ; des têtes en bronze d'Ife ; une très belle statue en bronzed'Ogboni d'un mètre de haut ; des lampes en fer du territoire Yorouba ; desbols en cuivre de Bida et des outils archéologiques en pierre (grattoirs,rasoirs, meules, haches et autres instruments d'usage courant). Dans la cour,des dalles de l'âge de la pierre montrent comment l'on produisait des sculp-tures de pierre.

La troisième galerie, la galerie du Bénin située au premier étage, contientcertaines œuvres de renommée mondiale : des plaques de bronze provenantdes parois du palais de l'oba et représentant certains événements et le modede vie à la cour du Bénin, une tête en bronze unique représentant une reinemère, d'admirables léopards de bronze, des têtes d'ancêtres représentant desoba défunts, des défenses taillées et d'autres sculptures sur ivoire. Un grandnombre de ces objets ont été récupérés d'Europe où ils avaient été emportésaprès l'expédition britannique de 1897 au Bénin.

Les différents articles sont disposés esthétiquement de façon à fournir unevue d'ensemble de la communauté nigériane et de ses traditions particulières.

Autres musées. Il existe de petits musées à Oron, Esié, Kano et Owo, ainsique dans des locaux du Club Mbari à Ibadan, à Bénin et à Oshogbo.

Les musées sont ouverts au public tous les jours depuis le lever du soleiljusqu'au crépuscule. Les musées et monuments du Nigeria élargissent lesconnaissances humaines concernant les peuples qui ont habité l'Afrique ; ilsoffrent une clef du passé de l'humanité et contribuent à renforcer le respectqu'on éprouve dans le monde à l'égard de la race africaine.

MONUMENTS1

Les monuments classés du Nigeria comprennent des sites de peinturesrupestres préhistoriques, d'anciennes murailles de villes, des bâtimentstraditionnels présentant un intérêt architectural, les tombes de Nigériansillustres dans l'histoire, des monolithes, des personnages sculptés dans lapierre et des tam-tams. Ces monuments sont légalement protégés en vertude la loi sur les antiquités de 1963. Dans certains cas, ils se trouvent dans lesvilles, comme c'est le cas pour l'antique Iga Idounganran à Lagos qui pré-sente un intérêt aussi bien architectural qu'historique. Dans maints autrescas, le touriste devra se rendre en dehors de la ville pour les voir.

Nous énumérons ci-après certains des monuments les plus remarquables.

Peintures rupestres : Birnin Koudou et Gedji. Ces peintures rupestres, qui setrouvent respectivement dans les provinces de Kano et de Bauchi, sont lés

1. Adapté de : Paul COREMANS, « La préservation de l'héritage culturel de l'Afrique tro-picale », Muséum, vol. XVIII (1965), n° 3, Paris, Unesco.

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La transmission de la culture

plus importantes qu'on ait découvertes jusqu'ici au Nigeria. Les représenta-tions de bétail et les dessins symboliques de Birnin Koudou ont des affinitésavec certaines des peintures du Sahara. Les deux sites sont accessibles parla route.

Minarets du Gobira à Katsina. C'est une tour de 15 mètres construite enbois de palmier et en pisé. Il s'agit des vestiges de la mosquée édifiée pen-dant la période nabé, avant les guerres saintes du cheik Ousman DanFodio. On pense que certaines parties de la tour datent d'il y a deux centcinquante ans.

Monolithes gravés d'Ikom. Les plus accessibles de ces monolithes se trouventdans un bosquet près de Maghabé, le long de la route Enougou-Ogoja-Gboko. Ils portent de nombreux cercles avec des entailles représentant desêtres humains ; certaines d'entre elles présentent des affinités avec les gra-vures sur bois du clan Oran. Ces sculptures sont sacrées et un festival annuelse tient là à la fin de la saison sèche.

La maison de Makama à Kano. C'est une des plus anciennes maisons deKano. Elle a été déclarée monument historique et transformée en un muséecontenant des antiquités ainsi que des objets historiques et artisanaux desHaoussa et des Foulani de la région de Kano.

Tam-tams à fentes d'Ikot Ektene. Ces tam-tams sont taillés dans un bois duret mesurent environ 3 mètres de longueur et 1 mètre de diamètre. Ces tam-bours ikourouk sont conservés avec dévotion dans de nombreux villages desclans Oron, Afaha et Otoro de la province d'Oyo.

Bronzes de Djebba et de Tada. Il s'agit de neuf extraordinaires statues debronze associées à Tsédé, fondateur du royaume de Noupé au XVe siècle.Six d'entre elles sont les plus grands bronzes moulés d'Afrique. Ils ont desaffinités avec les premières œuvres d'Ife et du Bénin.

A part leur valeur esthétique, chacune de ces pièces a son histoire. Cesmonuments sont intéressants à des fins pédagogiques et attirent aussi lestouristes. Leur emplacement est bien marqué au moyen de panneaux indi-cateurs placés à divers endroits le long de la route.

SALLES PUBLIQUESET CENTRES COMMUNAUTAIRES

Dans la plupart des villes et des grands villages, il existe des salles publiqueset des centres communautaires qui peuvent servir pour les activités cultu-relles locales quotidiennes. Ces bâtiments sont construits et entretenus parles autorités locales. Certains sont conçus pour des pièces de théâtre

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e'v ' 'Potiers à l'œuvre à Aboudja.

Musiciens de style traditionnelde la région septentrionaledu Nigeria.

Un musicien nigérianapprend à son filsles finessesdu métier.

Un souverain traditionnelan festival cultureld'Odjofa entouréde ses chefs odi.

Photos :Ministère fédéral

de l'informationdu Nigeria

La transmission de la culture

modernes, des représentations musicales, des danses, des conférences, desexpositions et parfois pour la projection de films. Le personnel n'est généra-lement pas composé d'artistes, mais il s'occupe des réservations et desarrangements pratiques. Ces salles varient en conception et en volume,allant de l'hôtel de ville qui peut recevoir mille personnes jusqu'au centrecommunautaire local qui peut en contenir moins de cent. Les organisationssont autorisées à y apporter leur propre équipement pour les représenta-tions. Des droits de location peuvent être exigés ou non.

Salles de théâtre. Les écoles et les collèges ont parfois des salles conçues etéquipées pour des représentations. Mais elles ne sont généralement pasmises à la disposition de tiers, sauf peut-être pendant les vacances scolaires.

Salles de cinéma. En dehors des projections normales de films, les salles decinéma sont parfois disponibles pour d'autres spectacles et pour des répé-titions musicales et théâtrales.

Clubs. Certaines organisations louent des immeubles ou des locaux où ellesfournissent le personnel et l'équipement nécessaires pour les utiliser commecentres culturels, essentiellement à l'intention des membres du club. C'estle cas des maisons mbari qui ont été créées à divers endroits du pays audébut des années soixante, et où l'on organise des pièces de théâtre, desspectacles de musique et de danse, des expositions d'art, des séminaires etdes conférences. Le public est généralement admis moyennant le paiementd'un droit d'entrée. Les maisons mbari publient aussi des journaux et despériodiques qui peuvent être vendus au public. Le Conseil artistiquenigérian a toujours possédé un centre (au siège du secrétariat) pour les acti-vités culturelles et, notamment, pour les expositions d'art, les conférenceset les séminaires.

CENTRES CULTURELS DES AMBASSADES

Certaines ambassades étrangères organisent des centres en vue de pro-mouvoir les relations et la compréhension internationales et y présententrégulièrement des expositions d'art, des projections de films, des concerts etdes pièces. Elles patronnent des expositions d'œuvres d'artistes locaux etprésentent les œuvres d'artistes étrangers. Les activités de ces centres sontordinairement filmées par les ambassades et les films sont envoyés dans lepays d'origine et parfois projetés au Nigeria. Le Service d'information desÉtats-Unis d'Amérique, le British Council et l'Institut culturel allemandont tous trois des centres tant à Lagos que dans les anciennes capitalesprovinciales.

De nombreuses nouvelles formes et valeurs culturelles occidentales ontété assimilées, mais manquent d'infrastructures ; en particulier, il seraittrès important d'avoir plus de centres culturels. Quelques organisations

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font de leur mieux, mais l'ordre de grandeur des services de base requis pourl'organisation de festivals culturels nationaux et internationaux n'est cer-tainement pas à la portée d'organisations privées ; seuls le gouvernement oules plus puissantes des compagnies commerciales auraient les moyens de seprocurer ces services.

La mesure positive qu'a prise le gouvernement fédéral en réservant500 000 livres pour la construction d'un théâtre national dans son « pro-gramme quadriennal de développement » est très encourageante. Cet argentsera probablement utilisé pour construire à Lagos un théâtre où l'on pourraorganiser différents festivals. On espère que chaque gouvernement d'Étatbâtira des théâtres dans sa capitale et d'autres villes. Entre-temps, ilconviendrait d'équiper les salles existantes pour qu'on puisse y organiserdes projections de films, des conférences, des séminaires, etc.

Il n'y a pas de raison que les États n'aient pas leurs propres musées,avec les services nécessaires, pour rassembler et exposer des objets locauxd'intérêt artistique et historique. Cela attirerait plus de touristes et per-mettrait à plus de gens d'entrer en contact avec l'art. Dans le cadre desactivités du musée, les États pourraient rassembler et exposer des œuvresartistiques et artisanales contemporaines. Mais il importe d'éviter les riva-lités entre États. Chacun d'eux pourrait avoir son propre musée, maisles œuvres d'art découvertes ou produites localement devraient aussipouvoir être présentées dans d'autres musées, ainsi que dans les muséesnationaux. Comme les services de formation de personnel de musée sontinsuffisants, le mieux serait' sans doute d'organiser un service de forma-tion central.

L'agrandissement proposé du Musée national de Lagos devrait êtreréalisé rapidement et il conviendrait de mettre en place les services locauxnécessaires pour permettre au Nigeria de montrer au monde entier larichesse de son patrimoine artistique.

Il faut aussi des galeries d'art pour les œuvres contemporaines — lesgaleries existantes ne peuvent généralement plus répondre à la demande.Enfin, il faudrait créer un musée national d'art moderne, où seraientexposées en permanence les œuvres contemporaines les plus remarquables.

Moyens d'information de masse

Radio et télévision. La radio et la télévision ont joué un rôle très importanten répandant l'art et la culture et en favorisant la diffusion et la connais-sance de la musique et des arts. C'est la télévision qui semble avoir produitl'effet le plus profond et le plus durable, surtout en raison de son caractèrev'suel (ce qui est particulièrement important, évidemment, entre autres,pour les danses et les performances acrobatiques).

La radiodiffusion est limitée essentiellement à la musique et au théâtre.Quelque 3,5 millions de postes de radio sont écoutés, estime-t-on, par 20

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à 25 millions d'auditeurs. Le réseau radio couvre l'ensemble du payset atteint donc un public plus nombreux que la télévision. Des programmesréguliers et des causeries par des artistes professionnels, des savants et desspécialistes ont contribué à mieux faire comprendre et apprécier les arts.Il arrive aussi que les animateurs interviewent des artistes.

Des équipes scolaires produisent des programmes éducatifs et culturels,en coopération avec les ministères de l'éducation ; ces programmes sontdiffusés dans les écoles et les collèges, généralement pendant les heuresde classe. Des spécialistes de l'art, de la musique et du théâtre sont recru-tés pour préparer des leçons convenant aux diverses catégories d'élèves.Des programmes et des auxiliaires visuels sont fournis à l'avance afinque les élèves puissent suivre intelligemment les leçons ou les causeries.D'autres programmes scolaires comprennent des représentations d'artvivant, la radiodiffusion d'œuvres musicales et théâtrales, la confection demaquettes pour les jeunes adolescents et des démonstrations de travauxartistique et artisanal.

Arts plastiques. La télévision présente régulièrement des interviews avec desartistes locaux ou étrangers, souvent à l'occasion d'expositions. La plupartdes artistes nigérians ont reçu leur formation académique dans les univer-sités nationales ou étrangères et utilisent des moyens qui sont nouveauxpour le public nigérian. Au cours de ces programmes, les artistes peuventexpliquer quels sont leurs matériaux, leurs méthodes et techniques et leursconceptions du travail créateur ; d'autre part, le public a l'occasion d'en-tendre des artistes contemporains exposer eux-mêmes leurs vues. La télé-vision nigériane, qui est surtout en noir et blanc, a assez bien réussi àrapprocher les arts modernes du peuple, augmentant par là la créanceaccordée aux artistes et leur fournissant de la publicité (il n'est pas rare quedes artistes obtiennent de nouvelles commandes après être passés à la télé-vision). La présentation d'oeuvres étrangères permet au public de comparerles talents locaux et étrangers, montre aux artistes locaux comment leurscollègues étrangers résolvent des problèmes analogues aux leurs et est éga-lement très utile aux professeurs d'art et à leurs élèves.

Musique. Les programmes musicaux ont également une valeur éducativepour le public, les musiciens et musicologues nationaux, les étudiants et lesprofesseurs de musique.

Théâtre. Les programmes de théâtre sont très appréciés du public. Ilsvarient du point de vue du genre et du mode de production. Certaines piècestraditionnelles sont souvent jouées par des acteurs amateurs en languesnigérianes ; d'autres pièces sont jouées en anglais par des acteurs profes-sionnels. Certaines pièces commentent ou reflètent des événements locauxd'ordre social, religieux ou politique.

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Danse. Les danses traditionnelles des diverses parties du pays fournissentdes programmes de télévision très vivants et montrent non seulement ladiversité, mais aussi la complexité de la chorégraphie traditionnelle.Contrairement aux programmes hebdomadaires, aux films étrangers et auxoccasionnels documentaires, les importants festivals et les cérémonies cultu-relles sont transmis en direct.

Cinéma. L'industrie du film est relativement nouvelle au Nigeria, mais leGroupe cinématographique fédéral a produit quelques bons documentaireset films. Ces productions sont rarement projetées dans les salles commer-ciales, qui préfèrent présenter des films étrangers. Jusqu'ici, on n'a produitaucun film ayant une véritable signification culturelle.

Comme il a été dit plus haut, une commission fédérale de censure ciné-matographique trie les films avant qu'ils ne soient présentés au public. Dansbien des villes et villages, le cinéma attire les jeunes gens et les adultes,dont la plupart n'ont aucun autre moyen de passer leurs soirées. Les filmssont surtout étrangers, en provenance de l'Amérique, de l'Inde et duRoyaume-Uni.

Les films étrangers montrent les subtilités des cultures étrangères, maismalheureusement aussi leurs aspects violents. Leurs effets ne sont pas tou-jours sains sur la société. On constate aujourd'hui que les gens ont de plusen plus tendance à rester à la maison et à regarder la télévision plutôt qued'aller au cinéma.

Bibliothèques. Le rôle des bibliothèques en fait de diffusion culturelle croîtsans cesse à mesure que des bibliothèques de plus en plus nombreuses appa-raissent dans les villes et villages. Malheureusement, la plupart de leurslivres (tout comme les films au cinéma) sont étrangers, étant écrits etpubliés à l'étranger. S'il y a peu d'auteurs nigérians (et moins encore quitraitent de sujets culturels), certains livres ou romans d'auteurs nigériansreflètent bien la vie et la culture du Nigeria. La Bibliothèque nationale etcertaines autres bibliothèques importantes organisent périodiquement desprogrammes avec projections de films et de diapositives. Quelques biblio-thèques ont orné leurs locaux de peintures et de sculptures nigérianes.

Critiques de presse. Il y a très peu de critiques d'art qualifiés au Nigeria,mais des articles sur l'art ou sur des artistes paraissent néanmoins dans lesdifférents journaux. Quelles que soient leurs lacunes, ces critiques jouentun rôle utile en faisant connaître les artistes, les expositions d'art et lesautres programmes. On trouve aussi des articles sur des conférences donnéespar des spécialistes sur l'art et aussi, parfois, des photos d'oeuvres d'art etde diverses activités culturelles.

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Festivals artistiques

L'origine de ces festivals remonte à 1938, année où le Nigeria a participéà l'Exposition de l'empire Britannique tenue à Glasgow ; des productionsartistiques et artisanales du Nigeria y ont été exposées à côté d'oeuvresd'artistes d'autres pays. La participation du Nigeria n'a pas remporté beau-coup de succès. Après l'exposition, un groupe de fonctionnaires expatriésont été invités à organiser des festivals locaux en vue de préparer de tellesexpositions internationales. Plus tard, le gouvernement a fourni quelquessubsides. Cependant, ces festivals étaient très différents des festivals locauxtraditionnels qui ont lieu de nos jours dans les villes et villages.

L'administration des festivals avait d'abord été confiée au Bureau desrelations publiques de Lagos ; elle a été transférée plus tard au Ministèredes ressources naturelles et des services sociaux et, enfin, au Ministèrefédéral de l'information.

Pendant de nombreuses années, les festivals étaient organisés à partirdu centre, c'est-à-dire de Lagos, mais des artistes de toutes les parties dupays y participaient. Les activités principales portaient sur le théâtre tra-ditionnel et moderne, la musique instrumentale et chorale, le folklore tra-ditionnel, la danse, la composition et la lecture de poèmes, les arts et métiers.Il y avait des concoiirs « juniors » pour les écoles et des concours « seniors »ouverts à tous les artistes professionnels.

Après la création des régions et, plus tard, des États, des changementsont été apportés à l'administration et à l'organisation des festivals. Chaqueconseil local est maintenant chargé de la sélection des groupes ou des troupesthéâtrales qui participeront au festival provincial ou d'État. Au niveau dufestival de l'État, les meilleurs groupes sont sélectionnés en vue de leurparticipation au festival artistique national. L'organisation pratique etfinancière est prise en charge, tout d'abord, par les conseils locaux et,ensuite, par les conseils artistiques des États. Par le passé, des comités ad hocorganisaient le festival national, mais c'est maintenant le Conseil artistiquenigérian qui s'en charge, sous les auspices du Ministère fédéral de l'infor-mation. Le gouvernement fédéral supporte la majeure partie des coûts. (Descrédits de plus de 30 000 livres avaient été alloués au conseil pour organiserle festival de 1970.)

Le conseil a l'intention d'organiser le festival national successivementdans les différentes capitales d'États, en vue d'encourager la diffusion de laculture et de renforcer l'unité nationale. Des compagnies et des organisa-tions privées ont fait des dons qui serviront à couvrir une partie des coûtsdu festival national de 1970. Des sections choisies du festival nationalpeuvent aussi représenter le Nigeria dans des festivals internationaux ouautres — au cours des récentes années, cela a été le cas notamment auFestival artistique du Commonwealth, au Festival mondial des arts noirs,au Festival culturel panafricain patronné par l'Organisation de l'unité afri-caine, à l'Expo 67 au Canada et à l'Expo 70 au Japon.

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La question des locaux constitue un problème majeur. A l'heure actuelle,il n'existe pas un seul théâtre au Nigeria qui puisse recevoir le festivalnational. Ceux qui existent sont insuffisants. Le Nigeria a grand besoin d'unthéâtre national adéquat. Comme il a été dit plus haut, le programme qua-driennal de développement adopté par le gouvernement prévoit des créditsd'un montant de 500 000 livres à cette fin.

Le financement pose un autre problème. Les dépenses de logement,d'hôtel et de voyage sont si élevées qu'elles ne sauraient être couvertes quepar le gouvernement. Sans la participation financière de celui-ci et des États,il sera peut-être difficile d'organiser des festivals à l'avenir (surtout dans lesÉtats).

Le caractère de concours que revêt le festival pose un autre problème.Que faut-il juger dans les danses traditionnelles d'un État ou d'un groupeethnique, et qui est qualifié pour les juger ? D'autre part, un jugement neprésuppose-t-il pas que certaines cultures sont supérieures à d'autres ?

Il y a aussi une possibilité de pénurie de personnel capable d'assurerl'organisation matérielle. Quand le festival national sera organisé dans undes États nouvellement créés, il sera peut-être difficile d'obtenir un per-sonnel suffisant. Il y a à Lagos un nombre important de spécialistes desarts, dont beaucoup travaillent dans différents ministères fédéraux et orga-nisations. Une solution possible serait de donner suffisamment de fonds auConseil artistique nigérian pour lui permettre d'avoir un personnel per-manent plus nombreux qui pourrait être détaché temporairement pour lesfestivals.

Éducation artistique et formation de personnel

ENSEIGNEMENT SYSTÉMATIQUE

L'enseignement systématique de matières culturelles n'a été introduit dansles écoles nigérianes qu'à une date relativement tardive.

Le premier Nigérian qui reçut une formation artistique fut le chef AinaOnabolu, maintenant décédé, qui a étudié l'art à Londres et à Paris, avantde revenir en 1923 enseigner l'art dans les écoles de Lagos. Il avait aussicontinué à peindre — surtout des portraits d'administrateurs et de per-sonnalités éminentes.

Le chef Onabolu aurait persuadé le gouvernement d'inviter des pro-fesseurs étrangers à venir enseigner l'art au Nigeria1. Le premier qui acceptacette invitation a été M. K. C. Murray, un Anglais, qui est arrivé au Nigeriaen 1927 et a officiellement introduit l'enseignement de l'art dans les collègesdu gouvernement à Lagos et à Oumouahi.

Toutefois, il n'y avait pas encore de politique gouvernementale établiepour ce qui était de l'enseignement de l'art ou d'autres sujets culturels. Les

1. Nigeria magazine (Lagos), 79.

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professeurs étaient laissés libres d'enseigner comme ils l'entendaient et dechoisir eux-mêmes le contenu de leurs cours. La plupart des enseignantseuropéens ont utilisé des matériaux importés qui leur étaient familiers etexhibaient les résultats de temps à autre aux inspecteurs qui passaient pourles encourager. Mais tous leurs efforts n'ont pas réussi à inciter les ins-pecteurs à insister pour qu'on accorde plus d'attention aux sujets liés à lacréation artistique ; ces sujets ont continué à être peu considérés et parmiles moins suivis dans les écoles et collèges.

La situation n'est pas beaucoup plus brillante aujourd'hui. Aucunematière de culture et de création n'est obligatoire dans les écoles primaireset secondaires du Nigeria. Même dans les écoles normales, l'art et la musiquesont des matières facultatives ou non existantes. En conséquence, plus de80 % des instituteurs n'ont reçu aucune formation méthodique en ce quiconcerne les arts. D'autre part, il est difficile de se procurer des matériauxd'art. Ce n'est que dans les écoles où enseignent des professeurs qualifiés ouintéressés par ce sujet et où le directeur alloue des fonds suffisants pourl'achat de matériaux qu'on enseigne ces sujets. De telles écoles ne repré-sentent qu'un très faible pourcentage des écoles primaires.

La situation est meilleure dans les écoles secondaires, où les matièresartistiques et culturelles ont progressivement acquis droit de cité dans leprogramme. Des professeurs d'art obtiennent leur diplôme chaque année,ce qui augmente proportionnellement le nombre d'écoles secondaires quipeuvent donner un enseignement artistique. Le prestige de ce sujet a étébeaucoup rehaussé par les succès remportés par les élèves aux examenslocaux sur l'art et aux expositions internationales. L'enseignement de lamusique a aussi été officiellement introduit dans de nombreuses écoles,surtout dans celles qui sont directement administrées par les ministères del'éducation de la fédération ou des États. Mais, en comparaison avecd'autres pays, on peut dire que la situation laisse encore beaucoup à désirer.Un ancien examinateur principal pour les arts, M. R. Carline, écrivait dansun récent aperçu sur l'éducation artistique au Nigeria :

« II n'est peut-être pas sans intérêt de faire observer qu'en Grande-Bretagne, pays ayant une population comparable à celle du Nigeria, il seraitdifficile de trouver une école où l'enseignement de l'art n'est pas au pro-gramme. Malgré cela, une pression constante s'exerce sur les écoles pourqu'elles accordent plus d'attention encore à ce sujet. Quoi qu'il en soit, lenombre de candidats es arts au "niveau ordinaire" en Grande-Bretagne estsans doute cent fois plus élevé qu'au Nigeria. Il serait peut-être utile defaire la comparaison avec des pays dans une phase de développement ana-logue. Par exemple, en Ouganda, 80 % des 52 écoles agréées pour le certi-ficat scolaire présentent des candidats es arts, et le nombre de ceux-ci (I 300) est bien supérieur à ce qu'il est au Nigeria, quoique la populationde l'Ouganda soit infiniment plus faible. Il en va de même, dans une mesurelégèrement moindre, pour les autres pays est-africains (Kenya, Tanzanie,Zambie). L'île Maurice présente autant de candidats es arts que le Nigeria,

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et la Malaisie trente fois plus. Dans ces deux pays, presque toutes les écolessecondaires — c'est-à-dire celles qui vont jusqu'au niveau du certificatscolaire — ont à leur programme l'enseignement de l'art1. »

En ce qui concerne la formation artistique dans les établissements d'en-seignement supérieur qui couvre les arts plastiques, la musique, le théâtre,l'architecture, etc., nous donnons ci-après les différents programmes pro-posés par les principales universités et instituts.

Université Ahmadu Bello, de Zaria. C'est la première université qui aitorganisé un cycle académique es arts de quatre années, aboutissant à undiplôme ou au titre de « gradué ». Les spécialisations comprennent : pein-ture, sculpture, création plastique, textiles, céramique, avec cours subsi-diaires d'imprimerie, photographie et histoire de l'art. Depuis la récenteréorganisation des programmes, l'université offre maintenant les cours sui-vants, qui diffèrent par la durée, les conditions d'entrée requises et le niveauacadémique.B.A. (arts). Trois années. Conditions d'entrée : certificat général d'éduca-

tion, niveau supérieur (GCE « A » level) en art et un autre sujet.M.A./Ph.D. Les gradués B.A. es arts peuvent suivre deux ou trois ans de

cours de beaux-arts, aboutissant au M.A. ou au Ph.D.Cours de quatre années consacré par un diplôme. Conditions d'entrée :

GCE, niveau normal, ou le certificat nigérian d'enseignement, échelon 2.Cours de capacité. Une année. Cours de spécialisation pour les artistes pra-

tiquants et professionnels.Cours de professeur d'art. Ce cours d'une année, s'adressant aux gradués, orga-

nisé conjointement parles facultés d'éducation et des beaux-arts, fournitaux artistes désireux d'enseigner une occasion d'apprendre les principes,les matériaux et les méthodes de l'enseignement de l'art.

En ce qui concerne l'architecture, un cours de quatre années sanctionnépar un B.A. (Arch.) est accessible aux étudiants qui ont passé le GCE(niveau « A ») dans des sujets pertinents. Les examens professionnelsultérieurs sont organisés par l'Institut nigérian d'architecture en collabo-ration avec l'université.

Université de Nsukka. Cette université propose aussi un cycle aboutissantau B.A. (arts). Spécialisations : peinture, sculpture, création plastique,avec l'archéologie, l'imprimerie, la photographie et le journalisme commematières subsidiaires. Il y a aussi un cours de trois années pour les profes-seurs de l'enseignement technique, menant à un diplôme (mais non au titrede gradué). Le Collège de musique Showandé de l'université offre un coursde quatre années (niveau B.A.) et un cours de trois années sanctionné parun diplôme en musique.

1. H. CARLINE, Art éducation survey, Lagos, 1967.

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Université d'Ife. Le département d'art qui vient d'être créé dans le cadre dela Faculté d'éducation offre un cours de trois années menant au titre deB.Ed. (arts), destiné essentiellement à former des éducateurs et des profes-seurs d'art ; les étudiants suivent des cours de pédagogie et reçoivent uneformation pédagogique pratique.

Le département de musique de l'université fait toujours partie de l'Ins-titut des études africaines. Les étudiants peuvent suivre les cours de musiqueà titre de sujet complémentaire pour l'obtention d'un diplôme. Des étu-diants doués d'autres départements ont également suivi les cours pratiquesavec d'excellents résultats.

Institut de technologie de Yaba. Un programme de deux années destiné aupersonnel requis dans la fonction publique, les compagnies commerciales etle secteur privé comprend les cours suivants : art en général, imprimerie,conception commerciale, sculpture, poterie et création de mode. Un coursde quatre années menant au diplôme supérieur, qui doit être organisébientôt, fournira une formation plus approfondie. L'institut offre aussi descours du soir à temps partiel.

Formation des professeurs d'art. A part les cours universitaires, les coursdonnés dans quelque six collèges d'enseignement normal supérieur compren-nent l'art comme matière à présenter pour le certificat d'éducation nigérian.

Université d'Ibadan. L'École d'art dramatique propose un cours sur lethéâtre (combiné avec un autre sujet) et des matières connexes. L'écolepossède un théâtre itinérant qui lui permet de monter des pièces dans toutesles régions du pays.

Outre les écoles d'art déjà mentionnées, toutes les universités ont desinstituts d'études africaines où se donnent des cours de littérature, langues,anthropologie, archéologie, histoire et sociologie africaines.

FORMATION PRATIQUE

Les artistes et artisans qui travaillent au Nigeria n'ont pas tous reçu uneformation académique et il n'est même pas dit qu'ils le souhaiteraient. Lesexigences académiques et financières dépassent les moyens de certains, quiapprennent leur métier surtout par le système de l'apprentissage. Pendantla première partie de sa formation, l'apprenti est nourri par son maître pourqui il fait toutes sortes de commissions diverses. Après un certain temps (quidépendra de ses capacités), l'apprenti va pouvoir vendre à un prix modiqueune partie de sa production. Lorsqu'il a acquis suffisamment de compétenceil s'installe à son compte et d'autres apprentis viennent à leur tour luidemander de leur donner une formation. Ce système est peut-être moinsstrict, mais il a produit nombre d'artisans remarquables.

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La durée de l'apprentissage dépend du métier. Pour la sculpture, letissage, le moulage des métaux et la ferronnerie il faut environ trois ans ;pour la décoration de calebasses, la teinturerie et la broderie, environ deux.Parmi les autres nouveaux métiers dans lesquels les Nigérians peuvent rece-voir une formation purement pratique, on peut citer l'imprimerie, la photo-graphie et l'écriture sur enseignes.

Artisanat coopératif. Le système de l'apprentissage pratique, de mêmeque les ministères du commerce et de l'industrie encouragent les artisans àse grouper et à former des ateliers artisanaux coopératifs. Ceux-ci bénéfi-cient de subventions gouvernementales, ce qui a assuré l'essor de nombreuxmétiers locaux dans les villes et villages où l'on peut trouver les matièrespremières nécessaires. Ces ateliers ne sont pas directement contrôlés par leministère, mais celui-ci se charge cependant d'organiser des expositions et lapublicité, notamment aux foires commerciales nationales et internationales.Voici quelques exemples d'industries artisanales locales : sculpture (Bénin),poterie (Ado-Ekiti), tissage (Iseyin et Okenne), atelier de calebasses (Oyo),travail du cuir (Kano et Kaduna), tissage (Akwete), teinturerie (Ilorin etAbeokuta), poterie (Abujah), céramique (Ikorodu).

Autres ateliers. A part les industries coopératives permanentes, des ate-liers temporaires sont organisés par les associations artistiques à l'intentionde ceux qui n'ont pas pu suivre les cours d'établissements officiels. Le ClubMbari avait mis sur pied une série d'ateliers d'art, de musique et de théâtreavant que n'éclate la guerre de sécession. Cette initiative a attiré des artistesindépendants illettrés et des maîtres d'école désireux d'apprendre de nou-velles techniques artistiques. Les cours portaient notamment sur la peintureau moyen de divers agents, la gravure sur bois, la gravure à l'eau-forte et laterre cuite traditionnelle.

Le centre artistique d'Ori-Olokun de l'Université d'Ife organise main-tenant des cours analogues, dont les productions sont régulièrement expo-sées à Ibadan et à Lagos.

Centres commerciaux d'arts et métiers. Des centres d'enseignement demétiers au stade postprimaire ont été créés récemment dans certains Étatsdu nord. On y enseigne la peinture et la décoration et les métiers tradi-tionnels (cuir, tissage, poterie, décoration de calebasses). Le cours principaldure environ trois ans, après quoi les élèves vont s'établir à leur compte outravailler dans des entreprises qui ont besoin de leurs talents. La formationest donnée par des moniteurs spécialisés et qualifiés ; contrairement auxateliers coopératifs, les centres d'enseignement de métiers n'acceptent quedes candidats âgés de douze à dix-huit ans.

Le gouvernement fédéral a créé un centre professionnel à Lagos ; la for-mation qui y est donnée est plus technique qu'artistique et est sanctionnéepar des examens.

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PROBLÈMES QUE POSE L 'ENSEIGNEMENTDE L'ART

Niveaux primaire et secondaire. Les problèmes principaux sont la pénurie deprofesseurs qualifiés, d'ateliers et de matériaux d'art et d'auxiliaires visuelset de manuels.

Le premier problème est en voie d'être progressivement résolu grâce aunombre considérable de professeurs d'art qui sortent chaque année d'éta-blissements d'enseignement supérieur et grâce aux efforts concertés du gou-vernement visant à former plus de professeurs dans le cadre d'un programmed'urgence. Malheureusement, ces professeurs ont tendance à enseigner uni-quement dans les écoles secondaires, où ils jouissent d'un statut plus élevé ;le problème reste entier pour les écoles primaires. Seul un petit nombred'écoles normales se sont donné la peine d'inclure dans leurs programmesl'enseignement de l'art. Les maîtres qui enseignent dans les écoles primairesn'ont aucune occasion d'apprendre ce sujet, vu qu'aucune formation artis-tique ne leur est offerte en cours d'emploi et que cette situation ne changerapas, à moins que le gouvernement ne prenne des mesures énergiques pour yremédier. Les ministères de l'éducation des États pourraient organiser descours du soir à temps partiel en arts et métiers pour ces instituteurs, ou descours de perfectionnement pendant les vacances. Ils pourraient aussi rendreobligatoire l'enseignement des arts et de la musique dans les écoles normalespour instituteurs.

La plupart des directeurs d'école et des autorités scolaires considèrent tou-jours l'art et la musique comme des sujets « somptuaires » qui ne méritentpas qu'on leur alloue des fonds pour l'achat de matériaux et d'équipement.Rares sont les écoles qui possèdent un atelier, les locaux disponibles ayantété réservés à d'autres fins bien avant que l'art et la musique ne soientinscrits au programme. Or, sans atelier ni matériaux, le professeur d'art nepeut pratiquement pas travailler. Même quand les crédits sont disponibles,les matériaux ne le sont pas, car ils doivent presque tous être importés. Lesexamens exigent l'emploi de plus de matériaux importés que de matériauxlocaux — sur les six parties que comporte l'examen du certificat scolaire(section arts), une seule (artisanat) permet l'emploi de matériaux locaux.Un embargo gouvernemental sur l'importation de certaines matières a égale-ment affecté l'enseignement de l'impression sur textiles et de la broderie.

Fort peu de livres sur l'art, d'auxiliaires visuels ou de reproductions d'artsont disponibles ; les diapositives sont plus rares encore. Vu la situationfinancière actuelle des écoles, seuls les ministères et les autorités scolairespeuvent fournir des crédits pour l'achat de ce matériel et organiser des coursde perfectionnement réguliers pour les enseignants du primaire et du secon-daire. La plupart de ceux-ci sont contraints de travailler dans l'isolement

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dans des bourgades ou des villages, souvent à plusieurs kilomètres deleurs collègues les plus proches, sans pouvoir bénéficier des contacts etéchanges réguliers que des cours de perfectionnement pourraient leurprocurer.

Universités. Quoique le système d'éducation ait été hérité du Royaume-Uni,il n'y a pas d'écoles d'art indépendantes. Les départements artistiques fontpartie des universités et sont dirigés par elles. Beaucoup d'administrateursde l'enseignement ignorent presque tout des arts et n'ont que peu de tempsà consacrer aux sujets culturels ; ils conviennent parfois du bout des lèvresque ces matières méritent d'être encouragées tout comme les autres, mais,en pratique, ils estiment difficile de leur reconnaître la même importancequ'aux autres disciplines.

Les avis varient et d'aucuns doutent que les arts puissent être classésacadémiquement au même rang que les sciences et d'autres matières. (Sicette opinion est correcte, on peut se demander pourquoi on exige des étu-diants es arts les mêmes conditions académiques d'entrée, sans nulle consi-dération pour leurs talents artistiques.) Mais alors, les étudiants qui n'ontpour eux qu'une remarquable compétence dans les arts doivent-ils se voirinterdire l'accès à l'université ? Quel rôle les diplômés es arts sont-ilsappelés à jouer dans la société ? Faut-il les considérer comme des gens douésde talents particuliers, ou comme des diplômés comme les autres, destinés àdes emplois administratifs ou exécutifs ? D'autre part, les diplômés es artsseront-ils capables de remplir des fonctions administratives ou d'occuperd'autres postes entraînant des responsabilités, s'ils ont reçu une formationexclusivement artistique ?

Telles sont quelques-unes des questions qui se sont posées aux respon-sables de la planification de l'enseignement.

Contenu de l'enseignement. La question du contenu des matières enseignéespose d'autres problèmes aux planificateurs de l'éducation artistique. Vu larenommée du Nigeria dans les arts, on affirme souvent que l'enseignementde l'art devrait être fondé sans équivoque sur les formes traditionnelles.D'autres pensent qu'il devrait évoluer selon les mêmes lignes que dans lesautres pays. D'autres encore se prononcent en faveur d'un compromis entreces deux extrêmes. Si la solution doit être un compromis, quelle est la justeproportion entre l'apport étranger et l'art traditionnel ?

D'autre part, quels sont les emplois que peuvent espérer les artistes ?A l'heure actuelle, plus de 90 % d'entre eux sont dans l'enseignement. Ilsont peu de débouchés dans la fonction publique, l'industrie ou le commerce.Comme les écoles ont besoin de plus de professeurs d'art encore, il a étésuggéré que le programme d'art comprenne des cours de pédagogie. C'estpeut-être là une des raisons pour lesquelles l'art est enseigné à l'Universitéd'Ife dans le cadre d'un cours menant à unB.Ed. (licence d'enseignement) etqui explique pourquoi la pédagogie constitue une matière subsidiaire pour

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les étudiants es arts à l'Université Ahmadu Belle de Zaria et à l'Universitéde Nsukka. Par contre, le temps consacré à la pédagogie risque d'affecterl'enseignement de l'art et de distraire l'attention des étudiants es arts. Al'heure actuelle, la seule solution pratique qu'on puisse concevoir est deformer les artistes en supposant qu'ils sont destinés à l'enseignement.L'expansion de l'industrie et de la publicité offrira peut-être un marché plusfavorable aux artistes indépendants et justifiera un changement d'orienta-tion en fait d'enseignement de l'art.

Financement. A part les matériaux, il faut aussi avoir l'équipement néces-saire tel que l'éclairage et les costumes pour une pièce ou un concert. Lesautoiités d'un collège comprennent d'ordinaire difficilement pourquoi ilfaudrait consacrer tant d'argent aux départements artistiques pour desrésultats qui ne sont ni tangibles ni économiquement évidents, et la pénuriede fonds qui en résulte cause bien des soucis à ceux qui étudient ouenseignent les arts. Des départements d'art ont dû supprimer ou ajournerdes cours, enseigner sans les auxiliaires visuels indispensables (tels que dia-positives de reproductions d'art) et sans avoir les références et les manuelsvoulus.

Corps enseignant. Depuis la création du premier département d'art auNigeria, le personnel a été composé surtout d'expatriés puisqu'il y avait peude Nigérians qualifiés, et ils ont introduit les systèmes et les modes d'édu-cation qui leur étaient familiers. Les conséquences en ont été bien décritespar M. Demas Nwoko, chargé de cours sur l'art dramatique dans une desuniversités nigérianes, dans un commentaire qu'il a présenté lors d'un col-loque africain :

« Nombre de nos étudiants travaillent aujourd'hui pour la radio et latélévision, et bien d'autres enseignent dans des écoles secondaires (grammarschools), mais j'ai le regret de constater qu'apparemment nous n'avons pasréussi à en faire des artistes africains. Comme je l'ai dit précédemment,le système même que nous appliquons, qui est un amalgame des sys-tèmes universitaires américain et européen, a aggravé une situation où lesmoyens d'enseignement disponibles s'inspiraient presque entièrement deformes propres au théâtre occidental, de sorte que nos étudiants sontsortis de notre école exactement comme s'ils avaient été formés dans uneécole d'art dramatique de Londres. Nous ne pouvons pas faire grand-chosepour modifier l'orientation de l'école, puisque notre université est decaractère international et que notre corps enseignant vient du mondeentier. »

La situation n'est pas différente dans les autres domaines artistiques etil convient de prendre des mesures pour l'améliorer. Une solution consis-terait à recruter plus de Nigérians qualifiés et expérimentés dans les dépar-tements qui enseignent l'art et la culture, c'est-à-dire à recruter des gensqui connaissent et sentent les valeurs culturelles nigérianes et à les aider à

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progressivement en imprégner notre éducation culturelle ; cela transfor-merait le système actuel en lui permettant de traduire vraiment les tra-ditions et les aspirations de notre peuple.

FORMATION DU P E R S O N N E L

II y a peu de directeurs de théâtre, de conservateurs de musées ou degaleries d'art, ou d'autres cadres de cet ordre au Nigeria, pour la simpleraison que le Nigeria possède peu d'institutions de ce genre. Celles quiexistent ont un personnel formé localement, dont elles envoient un petitnombre d'agents à l'étranger pour y acquérir une formation plus poussée.

Personnel de musée. A part la formation prodiguée dans les départe-ments universitaires ou reçue à l'étranger, il existe un centre internationalbilingue à Jos, qui fonctionne grâce à une assistance et à des experts del'Unesco et qui forme des techniciens de musée de nationalité nigériane ouressortissants d'autres pays tropicaux. Le directeur et les enseignantssont bilingues. Les cours durent environ neuf mois. Conditions d'entrée :GCE, niveau « 0 ». La formation pratique porte sur les techniques deconservation, les principes de présentation, le moulage de répliques,la production d'auxiliaires audio-visuels.

Services d'éducation des musées. Le Département des antiquités de Lagosvient de lancer un programme à l'intention des écoles et collèges. Desexperts ont été invités à venir de l'étranger pour organiser des cours debrève durée et des séminaires pour les fonctionnaires des musées et lesenseignants. Des ateliers permanents contribuent à faire revivre les arts etmétiers traditionnels et à les faire connaître dans les écoles.

Formation de personnel de télévision. Les services de télévision delà NBC[Office de radio-télévision nigérian] possèdent une école de formation pourleur personnel et organisent aussi des stages de formation approfondie etdes périodes d'emploi à l'étranger.

Formation de fonctionnaires des administrations locales. L'État occidentalet quelques autres organisent des classes de formation en cours d'emploipour les fonctionnaires de l'administration locale, notamment ceux qui sontchargés des centres communautaires et des bibliothèques locales. Cette for-mation porte rarement sur l'administration en matière d'art, mais renforcecertainement les compétences et la confiance en soi des fonctionnaireslocaux.

Formation civique et formation d'animateurs. Le gouvernement fédéral apatronné des cours dans diverses régions du pays en vue de former des genscapables d'assumer des fonctions de direction dans les activités locales decaractère social, sportif et culturel. Une formation plus systématique et plusspécialisée sera nécessaire pour le personnel du futur théâtre national duMusée d'art moderne et des autres institutions qui pourraient être crééesd'ici à quelques années.

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INTENSIFICATION DE LA PRISE

DE C O N S C I E N C E CULTURELLE

L'éducation culturelle a un rôle capital à jouer pour combler le fossé quiexiste entre la majorité illettrée et la minorité instruite. Elle assure latransmission et la conservation des traditions culturelles tout en servant devéhicule à l'unité nationale, au développement et à la préparation del'avenir. Académique ou pratique, pour être valable, le système d'éducationculturel devrait englober tout le monde, sans considération d'âge, de sexe,de religion, d'origine ethnique ou de langue. Un tel système assure la trans-mission efficace de la culture d'un peuple et c'est avec son aide qu'on peutenvisager avec confiance le défi spirituel que nous adressele monde moderne.Le régime d'enseignement du Nigeria devrait accorder plus d'attention auxquestions culturelles, ce qui serait indubitablement de nature à promouvoirla compréhension intertribale et l'unité nationale.

L'éducation culturelle pourrait être rendue plus efficace encore si l'onmultipliait les échanges de jeunes, en organisant des festivals, des expo-sitions et des séminaires littéraires et culturels. Or ces activités supposentà leur tour qu'on dispose dans tout le pays de centres culturels et sportifset qu'on constitue des clubs et des associations artistiques. Il conviendraitd'accorder des prix et des bourses d'études à ceux qui ont fait preuve decompétences artistiques ou créatrices exceptionnelles.

Des publications pour enfants aideraient sans doute à contrebalancerl'influence peut-être excessive des journaux et périodiques étrangers et ilfaudrait mettre à leur disposition des ouvrages sur l'art, la musique, lefolklore et la poésie traditionnelle du Nigeria en quantité suffisante pouroccuper une grande partie de leurs heures de lecture.

Il faudrait aussi s'efforcer d'inclure dans les programmes scolaires lesprincipales langues du Nigeria, ce qui aurait pour effet de donner aux chosesleur juste poids, et envisager des études locales comparatives en vue d'abolirles préjugés et d'encourager l'harmonie culturelle. C'est lorsque, par l'édu-cation culturelle, on a réussi à inculquer la notion d'idée nationale qu'unepolitique nationale devient une possibilité réelle ; l'éducation culturelle estun instrument de paix potentiel dont on n'a jamais suffisamment tiré partiet, en cette époque de reconstruction et de réconciliation nationale, il nefaudrait pas le négliger. Il faut l'utiliser pour réduire les antagonismes quiexistent entre les groupes tribaux, religieux, sociaux et politiques, pourdévelopper la compréhension intertribale qui, seule, peut aboutir à unecollaboration culturelle active inspirée par une compréhension nouvelle dupatrimoine culturel commun.

Protection des arts et problèmes de l'artiste

Par suite de l'apparition d'un nouveau type de mécénat et des nouvellesfonctions sociales des arts, certains modes d'assistance traditionnels ont

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dans une large mesure disparu. De nouvelles formes d'aide financière etd'encouragement sont accordées par ceux qui sont aujourd'hui en mesure deprotéger les arts, à savoir les autorités publiques, les compagnies commer-ciales, les fondations et les organisations artistiques locales.

Aide du gouvernement. L'aide du gouvernement se présente généralementsous forme de subsides peu abondants pour la production ou l'achat detravaux dont il a spécialement besoin. C'est ainsi que le gouvernementfédéral a passé certaines commandes pour commémorer des événementshistoriques qui concernent le Nigeria ou pour rendre hommage, dans desoccasions analogues, à des pays étrangers ou à des organisations mondiales(par exemple, lors de l'indépendance, le gouvernement a commandé lastatue de bronze de la reine d'Angleterre, qui se trouve aujourd'hui devantle Parlement). Les gouvernements des régions ou des États ont aussi com-mandé des statues et des tableaux pour célébrer des événements marquantsou pour honorer des héros ou des hommes d'État.

Le Ministère fédéral de l'éducation accorde une subvention annuellepour l'acquisition d'œuvres d'art destinées au futur musée d'art moderne(soit un montant total de plus de 30 000 livres au cours des six dernièresannées). Ces sommes ont permis d'acheter plus de cent œuvres d'éminentsartistes nigérians. Le Ministère fédéral de l'information subventionne aussil'achat d'œuvres d'art pour les ambassades à l'étranger, ainsi que pour lesbureaux du gouvernement et les édifices publics de Lagos.

Distinctions accordées aux artistes par le gouvernement. Les artistes n'ont pasété oubliés dans les listes des ordres nationaux. Le défunt chef Aina Onabolu,qui peut être considéré comme l'un des pères de l'art nigérian moderne, futaussi le premier artiste à être honoré d'une distinction nationale, le gouver-nement colonial lui ayant décerné l'Ordre de l'empire Britannique. Deuxautres artistes (dont un musicien) ont été faits membres de l'Ordre de l'em-pire Britannique, avant qu'on renonce aux décorations britanniques peu detemps après l'indépendance. Un architecte nigérian et une femme potier ontété décorés plus tard de l'Ordre du Niger. Le conseiller culturel fédéral a éténommé docteur es lettres honoris causa par une université nigériane. Cesdistinctions ne sont accompagnées d'aucun avantage pécuniaire, mais sontestimées et appréciées par les artistes récompensés de la sorte, et elles enencouragent d'autres qui peuvent également espérer s'en montrer dignes.

Compagnies commerciales. Les compagnies commerciales, y compris lesbanques et les hôtels, ont été les principaux mécènes : elles ont commandéou acheté des peintures murales, des tableaux et des sculptures pour décorerleurs bureaux et résidences. Presque tous les grands hôtels et banques pos-sèdent des peintures murales ou d'autres œuvres d'artistes nigérians et denombreux artistes indépendants comptent sur leur protection. Quelquessociétés accordent chaque année des prix ou des bourses d'études à desétudiants en art et en architecture d'universités nigérianes.

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Associations artistiques. Le Conseil artistique nigérian offre des prix annuelsen espèces à l'occasion de divers concours organisés dans le cadre du festivalnational. La Société des artistes nigérians offre des prix en espèces auxélèves des écoles et collèges particulièrement brillants dans les études artis-tiques. Certains mécènes privés (pour la plupart des collectionneurs euro-péens) fournissent aux artistes une aide financière ou autre, mais il estdifficile de la chiffrer.

Problèmes de l'artiste. L'artiste a des problèmes qui concernent à la fois sonart et la société. Il existe deux catégories principales d'artistes au Nigeria :les artistes traditionnels et les « modernes ».

Les artistes traditionnels sont pour la plupait illettrés. Ils n'ont pas reçud'éducation académique, mais ont hérité d'une tradition familiale. Us serencontrent surtout dans les bourgs et les villages, mais ceux qui ont lemieux réussi habitent les villes. Ils perpétuent simplement des techniquestraditionnelles et n'ont guère de problèmes. Après une période d'appren-tissage, ils se bornent à reproduire en grande quantité ce qu'ils ont appris àfaiie et vendent facilement leurs œuvres aux touristes et aux collectionneursétrangers.

Les autres, qui ont reçu une formation académique dans le pays ou àl'étranger, ont assimilé les techniques et les attitudes étrangères. Certainsprennent des emplois permanents, surtout dans l'enseignement. D'inspi-ration moderne, leur art n'est compris et apprécié que par les étrangers etles Nigérians les plus évolués. Très souvent ils ne sont compris ni par leurpropre famille ni par le grand public. Leur production, qui est analogue àcelle de l'Europe (ou aux œuvres produites au Nigeria par des Européens)ne trouve pas facilement un marché. Les touristes et les collectionneursétrangers ne s'intéressent guère à une forme d'art qu'ils peuvent facilementtrouver n'importe où en Europe ou en Amérique.

Dans l'espoir de trouver un marché, certains de ces artistes se remettentà copier les formes traditionnelles ou à travailler des matériaux locauxselon des techniques occidentales. Malheureusement, beaucoup d'entre euxmanquent de conviction dans l'emploi des techniques qu'ils ont récemmentacquises et demeurent indécis quant à la voie qu'il leur convient de suivre.Certains ont entièrement renoncé à l'art et ont jeté chevalet et ciseau. Ceproblème n'affecte pas seulement les praticiens des arts plastiques, maiségalement les musiciens et les auteurs dramatiques.

L'artiste académique ne peut guère survivre en tant qu'artiste indé-pendant, car ses œuvres n'ont que des débouchés très limités. H n'y a quepeu de possibilités d'emploi pour lui dans la fonction publique ou dans dessociétés commerciales. Certains d'entre eux sont donc contraints de devenirenseignants dans les bourgs et villages et n'exercent leur art que pendantleurs loisirs. Vu le manque de services de base, de publicité et de clientèle,ces artistes sont généralement moins favorisés que leurs homologues quihabitent la ville. Même dans certaines localités importantes, les matériaux

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d'art n'arrivent qu'au compte-gouttes et l'artiste perd beaucoup de temps àles obtenir, et, même quand il en trouve, il n'est pas sûr d'en obtenir régu-lièrement. Il n'est guère connu du public, car la presse s'intéresse surtout àce qui se passe dans les villes. Ses œuvres sont rarement présentées à latélévision. Quand il réussit à vendre quelque chose, il doit se contenter d'unprix modique. La population locale ne comprend pas beaucoup les œuvres« modernes » ou académiques. Il ne peut donc compter que sur les visitesoccasionnelles de collectionneurs étrangers.

Même dans son école, l'artiste qui habite un village se trouve le plussouvent isolé. Le directeur de l'école et les autres enseignants n'attachentque peu d'importance à son sujet ou à sa production éventuelle. C'est unincompiis, surtout s'il affiche sa vocation d'artiste. Un milieu aussi hostilene saurait guère être qualifié d'encourageant.

Les écrivains ont un problème particulier, celui de la langue. L'anglaisest devenu la langue officielle et la langue reçue pour la communication desidées. Mais le Nigeria a plus de dix langues et quelque deux cents dialectes.Pour le poète ou l'auteur dramatique, ce problème de langue crée des dif-ficultés de communication. S'il utilise une langue locale quelconque, sesécrits n'intéresseront probablement pas les éditeurs étrangers, pour lesquelsla condition première est qu'on leur présente une langue qu'ils comprennentet qui peut s'imprimer avec des caractères faciles à obtenir. En conséquence,l'auteur peut soit écrire en anglais, soit tenter sa chance et essayer detrouver un éditeur local. Comme les frais d'édition locaux et, partant, leslivres publiés localement sont généralement plus chers, le lecteur indigène atendance à préférer les ouvrages étrangers, qui sont meilleur marché.

Quand l'écrivain utilise l'anglais, il éprouve évidemment une certainedifficulté à traduire des conceptions et des idées locales dans une langueétrangère. Mais s'il réussit à se faire publier, il peut compter sur une grandepublicité et de longs articles dans la presse locale et il peut acquérir rapi-dement une réputation nationale. D'excellents écrivains qui utilisent unelangue locale seront donc moins connus qu'un auteur médiocre qui écrit enanglais, parce que toute diffusion littéraire est généralement restreinte à larégion où la langue employée est comprise.

Les musiciens se trouvent devant un problème du même genre. Leur forma-tion académique s'est faite sur des instruments étrangers et peu de musiciensauront étudié les possibilités des instruments locaux, qui ne conviennentd'ailleurs pas à des compositions qui s'adressent le plus souvent à des audi-teurs étrangers. Les musiciens nigérians qui ont acquis une renommée inter-nationale sont mal connus et peu appréciés dans leur pays où, comme dans lecas des autres artistes, ils ne seront appréciés que par des connaisseurs éduqués.

Tels sont donc les problèmes qui se posent aux artistes et aux écrivainsau Nigeria. Certains de ces problèmes ne peuvent être résolus que par lesartistes eux-mêmes, tandis que les autres pourraient l'être grâce à un nou-veau type d'éducation culturelle susceptible de rapprocher les artistes deleur milieu d'origine et de leurs traditions.

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L'avenir

Le Nigeria n'a pas eu de politique culturelle gouvernementale écrite etprécise depuis son accès à l'indépendance. Le gouvernement colonial nes'était pas soucié de définir une politique culturelle. Vers la fin de lapériode coloniale, les politiciens nigérians qui dirigeaient l'organisationadministrative ont consacré tous leurs efforts et toute leur attention auxprogrammes politiques et économiques, ce qui était compréhensible dansun pays nouvellement indépendant, luttant encore pour se dégager des liensde la pauvreté et du sous-développement.

Cette indifférence était due aussi à l'idée erronée que, la culture étantintimement liée à la vie sociale du Nigeria, elle n'appelait aucune mesurespéciale de développement. Cependant, maintenant que la situation poli-tique et économique est devenue plus stable, le gouvernement et le peuplese rendent de plus en plus clairement compte que la culture est l'essencemême de la civilisation et les gouvernements de la fédération et des Étatss'occupent de plus en plus non seulement de développement culturel, maisaussi d'éducation culturelle et de préservation du patrimoine culturelnational.

En ce qui concerne les antiquités, le goiivernement fédéral a poursuivila politique qu'il a héritée de l'administration coloniale. Des subsidesannuels sont accordés aux musées dans tout le pays et les mesures prévuespour les agrandir et pour construire un théâtre national sont en bonne voie.

Les artistes, les écrivains, les éducateurs et les gens cultivés de tous lesmilieux insistent de plus en plus pour qu'il y ait une politique culturellegouvernementale et pour que soit créé un ministère ou un départementunifié de la culture en remplacement du système actuel consistant à confierles questions culturelles à toute une série de ministères différents. Lesfonctionnaires qui s'occupent d'art et de culture ont. également essayé decoordonner leurs efforts et ont unanimement recommandé la création d'unconseil culturel gouvernemental fédéral comme prélude à la création d'undépartement de la culture.

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L'avenir

Six hauts fonctionnaires de différents ministères pourraient constituerle noyau d'un tel département, à savoir : a) le conseiller culturel fédéral duMinistère de l'information ; b) le conseiller artistique fédéral du Ministère del'éducation ; c) le directeur des musées (Ministère de l'éducation) ; d) lecontrôleur des archives (Ministère de l'éducation) ; e) le chef de la divisionculturelle du Ministère des affaires étrangères ; f) le fonctionnaire chargédes foires commerciales au Ministère du commerce et de l'industrie.

Us pourraient être groupés sous l'autorité du conseiller culturel fédéralet, avec une certaine assistance administrative, ils pourraient constituer unMinistère de la culture. L'éducation culturelle, le développement culturel etla préservation de l'art et de la culture pourraient ainsi être dirigés d'unefaçon centralisée et organisés plus efficacement. Après des consultationsappropriées, ces fonctionnaires pourraient mettre au point une politiqueculturelle qui serait soumise au gouvernement.

Toutefois, dans l'élaboration d'une politique culturelle nationale, ilconviendra de tenir compte des structures complexes du pays dans lesdomaines géographique, social et culturel. Toute politique nationale devraitéviter une centralisation abusive des programmes. On se doit de consulterles gouvernements des États et les autorités locales afin de s'assurer que lapolitique culturelle fédérale répond aux aspirations des populations desbourgs et des villages et n'est pas réservée uniquement à une élite urbaineprivilégiée et déjà cultivée. Elle doit respecter les coutumes et traditionsauxquelles on attache grand prix et viser à améliorer la vie de tous, qiielsque soient leur sexe, leur âge ou leur religion.

La nécessité d'une telle participation étant reconnue, il est en mêmetemps très nécessaire d'avoir un organe central chargé de définir une poli-tique et d'assurer la coordination. Un tel organe pourrait : contribuer àforger une identité nationale et une image culturelle communes ; favoriserla coopération et la compréhension culturelles entre les États ; organiser desfestivals nationaux et d'autres programmes propres à renforcer un senti-ment de solidarité culturelle nationale ; prendre les mesures voulues pour laparticipation du Nigeria aux festivals internationaux et à d'autres activitésculturelles.

Bien des gens estiment qrie l'actuel Conseil artistique nigérian devraitêtre reconstitué sur d'autres bases et recevoir pour les questions culturellesun statut analogue à celui du Conseil sportif nigérian pour les sports,c'est-à-dire devenir un organisme subventionné et semi-autonome agissantpour le gouvernement, mais avec un minimum d'interventioa de la part decelui-ci. A l'heure actuelle le conseil est paralysé par le caractère minime desa subvention, par les délais qui s'écoulent avant qu'elle soit effectivementversée et par l'absence d'autorité officiellement reconnue.

On s'attend que le gouvernement fédéral prendra des mesures sérieusesen vue de définir une politique culturelle, tant sur le plan internationalque sur le plan national. Les plans culturels devraient être coordonnésavec les programmes politiques et économiques du plan quadriennal de

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L'avenir

développement. Cela éviterait, entre autres, la confusion qui survient sou-vent lors des festivals internationaux.

Ce qui précède reflète certaines des propositions qui ont été avancées cestemps-ci. Le gouvernement n'a encore pris aucune décision à leur sujet.

L'atmosphère actuelle de reconstruction et de réconciliation est propiceà une politique de développement culturel coordonnée par le gouvernement.Dans une société multitribale telle que le Nigeria, des programmes cultu-rels pourraient être très efficaces pour assurer la compréhension mutuelleet l'unité nationale, car il est certain que les programmes et les échangesculturels créent une meilleure compréhension et une plus juste appréciationde la façon de vivre d'autrui. Mieux les gens se connaissent les uns les autres,moins ils ont de motifs d'entretenir des soupçons irrationnels.

Un pays ne se juge pas uniquement d'après son développement politiqueet économique — ses arts, sa littérature, sa musique comptent aussi. LeNigeria possède, sur le plan culturel, de grandes richesses potentielles qui,mises en œuvre et bien organisées, pourraient renforcer son rôle en Afrique.Des pays relativement moins favorisés ont chéri leurs arts et acquis unerenommée mondiale. Les réalisations du Nigeria dans les festivals inter-nationaux laissent encore beaucoup à désirer ; or toute amélioration supposeune meilleure organisation. Seule une politique gouvernementale cohérentepeut assurer le plein épanouissement du potentiel culturel du Nigeria.

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ISBN 92-3-201029-1