la place du jeu dans la rééducation psychomotrice d'enfants avec autisme

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Université Paul Sabatier Faculté de Médecine Toulouse Rangueil Institut de formation en psychomotricité « l' Homme n'est complet que là où il joue » Schiller Mémoire en vue de l'obtention du diplôme d'Etat de Psychomotricienne HARBELOT Ingrid Juin 2011 i La place du jeu dans la rééducation psychomotrice d'enfants avec autisme : Jouer à apprendre ou apprendre à jouer ?

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  • Universit Paul Sabatier

    Facult de Mdecine Toulouse Rangueil

    Institut de formation en psychomotricit

    l' Homme n'est complet que l o il joue Schiller

    Mmoire en vue de l'obtention du diplme d'Etat de Psychomotricienne

    HARBELOT Ingrid Juin 2011

    i

    La place du jeu dans la rducation

    psychomotrice d'enfants avec autisme :

    Jouer apprendre ou apprendre jouer ?

  • Remerciements

    Je tiens remercier Julien Perrin , pour son soutien, sa disponibilit et lintrt qu'il a port

    l'volution de mon travail.

    Je remercie galement Elise Grenier, qui a supervis et orient la mise en place de ma partie

    pratique par ses prcieux conseils. J'adresse par ailleurs mes remerciements l'ensemble de l'quipe

    du Sessad Acces pour leur accueil chaleureux et tout particulirement Marie Hlne De Russee

    (ducatrice) qui a bien voulu prendre le temps de remplir mes grilles d'observation.

    Je remercie les familles de Sofian et Malika qui ont accept que j'illustre mes propos par la prise en

    charge de leur enfant et de consacrer de leur temps pour rpondre mes entretiens.

    Je remercie enfin toute ma famille et mes amis pour leur soutien, leur aide et leur affection.

    ii

  • Ce mmoire a t supervis par :

    Julien PERRIN

    iii

  • PLAN

    Introduction p1

    Partie thorique : Autisme et jeu p2

    I L'autisme.p2

    A. Dfinition et critres diagnostiques p21.bref historique p22.critres diagnostiques : CIM 10 p3

    B. Dficits les plus frquemment retrouvs dans l'autisme p41. Retard et htrognit de dveloppement p42. troubles moteurs (ex : motricit manuelle) p43. Particularits cognitives (Retard mental, trouble de l'attention...) p54. troubles sensoriels p75. troubles du sommeil et de l'alimentation p76. troubles psychiatriques p77. troubles neurologiques associs : pilepsie p8

    C. Hypothses explicatives p81. Primaut d'un dficit en thorie de l'esprit (Baron Cohen) p82. Primaut d'un dficit dans le traitement de l'information sociale et motionnelle (Hobson et col.) p93. Primaut d'un dficit dans le traitement de l'information sensorielle p104. Primaut d'un dficit dans les FE p11

    D. Prises en charges p131. Prise en charge pluridisciplinaire p132. Les mthodes p13

    II Le jeu p15

    A. Le jeu, un concept htrogne p15B. dfinitions p15

    1. Dfinition de Reynolds p162. Dfinition de Brouguere en 5 caractristiques p163. Dfinition courante et notion de plaisir p17

    C. Les pr-requis du jeu p18

    iv

  • D. Le dveloppement du jeu chez l'enfant ordinaire p191. Stades de PIAGET p19

    a. stade de l'intelligence sensorimotrice : le jeu sensori-moteur (0-2 ans) p19b. stade de l'intelligence propratoire : le jeu symbolique (2-6 ans) p19c. stade de l'intelligence opratoire : le jeu de construction (6-10 ans) p20d. stade de l'intelligence formelle : le jeu de rgle (10-16 ans) p20

    2. Classification en rfrence la littrature actuelle p20a. jeu sensorimoteur p21b. jeu fonctionnel p21c. jeu fictionnel p21d. jeu symbolique p21

    E. fonctions du jeu p221. caractristiques communes entre jeu et apprentissage p222. Le jeu soutient le dveloppement psychomoteur p23

    a. Dveloppement cognitif et langage p24b. Dveloppement physique p25c. Dveloppement motionnel. p26d. Dveloppement social p26

    III L'autisme et le jeu p27

    A. Particularits de jeu chez l'enfant avec autisme p271.l'enfant avec autisme ne joue pas comme les autres p27

    a. premiers stades acquis et caractristiques p29b. faire semblant : une tape difficile p30

    2. importance du contexte et difficults de gnralisation (cole, SESSAD, domicile...) p32

    B. Hypothses explicatives p321. Dficit en mta reprsentation : attention conjointe et TOM. p322. Trouble de l'interaction sociale, ccit contextuelle et imitation p343. Dficits moteurs et psychomoteurs p344. troubles des FE et difficults d'imagination p355. problme de traitement de l'information et cohrence centrale p36

    C. Retentissements des difficults de jeu chez les enfants avec autisme p371. au niveau du dveloppement de l'enfant p372. au niveau de la famille p373. intrt de travailler le jeu avec un enfant porteur d'autisme p38

    D. valuation du jeu p391.valuation formelle p392.valuation informelle p40

    v

  • Partie pratique : jeu dans le cadre d'une prise en charge psychomotrice auprs de deux enfants avec autisme. p41

    I La problmatique p42A. Quelle est la place du jeu dans la prise en charge psychomotrice ? p42B. Comment valuer les capacits de jeu ? p43C. Comment adapter les activits de rducation pour les rendre ludiques ? p43

    II prsentation des prises en charge p43A. Prsentation de la structure p44

    B. Prsentation de Sofian et Malika p441.Sofian p452.Malika p47

    C. PEI et axes de PEC psychomotrice p491.Sofian p492.Malika p503. points communs : jeu, attention et motricit manuelle p51

    D. valuations p521. valuation des fonctions psychomotrices . p52

    a. attention p52b. motricit manuelle p54

    2. valuation du jeu.. p55a. prsentation de la grille d'observation p56b. rsultats : mise en parallle et exploitation p57

    E. La prise en charge p611. Construction d'un projet de prise en charge en fonction du niveau de jeu de chacun mais aussi de leur profil global (prrequis) p612. les adaptations p633. la cotation des sances. p644. La mise en place, les observations et les rajustements p655. les difficults rencontres. p66

    II rsultats p68

    A. Rvaluation p681. des domaines psychomoteurs p68

    a. attention p68b. motricit manuelle p70

    2 . comparaison test-retest p71a. Sofian p71b. Malika p72

    vi

  • III discussion p72

    A. Peut on parler de progrs chez Sofian et Malika ? p73B. Le jeu a t-il donc t un mdiateur pertinent ? P76C. Comment valuer les capacits de jeu ? p77D. Comment adapter les activits de rducation pour les rendre ludiques ? p77E. Quelles sont les limites de la prises en charge par le jeu de Sofian et Malika ? p78

    Conclusion. p80

    Bibliographie p81

    Annexe I : critres diagnostic autisme CIM 10 p IAnnexe II : Grille d'observation du jeu Malika p IIIAnnexe III : Grille d'observation du jeu Sofian p VIIIAnnexe IV : trame de prise en charge p XIIAnnexe V : quelques exemples de sances Sofian p XXAnnexe VI : quelques exemples de sances Malika p XXIII

    vii

  • Sigles utiliss

    ABA : Applied Behavior AnalysisACCES : ACCompagnemnt par l'Education SpcialiseADI-R : Autism Diagnostic Interview RevisedADOS : Autism Diagnostic Observation ScheduleAPA : American Psychiatric AssociationAVS : Auxilliaire de vie scolaireCERESA : CEntre Regional d'Education et de Services pour l'Autisme en midi PyrnesCIM 10 : Classification Internationale des Maladies version 10DIR : Developmental, Individualised and relation based programDS : Dviation StandartECSP : Evaluation de la communication Sociale PrcoceFE : Fonctions ExcutivesHAS : Haute Autorit de la SantK ABC : Kauffamn Assessment Battery for ChildrenM ABC : Movment ABC (Battrerie d'Evaluation du mouvement chez l'enfant)OMS : Organisation Mondiale de la SantPECS : Pictures Exchange Communication SystemPEI : Projet Educatif IndividualisPEP (R) : Psycho Educatif Profil (Revised)PPS : Pretend Play Scale RDEG : Regulation Disorders Evaluation Grid RM : Retard MentalSA : Syndrome d'AspergerSESSAD : Service d'Education Spcialise et de soins A DomicileT2B : Test des 2 Barrages de ZazzoTEACCH : Treatment ans Education of Autism and Related Communication handicaped ChildrenTED : Trouble envahissant du dveloppementTMT : Trail Making Test TOM : Theory Of Mind = Thorie de l'EspritTSA : Trouble du Spectre AutistiqueVABS : Vineland Adaptativ Behavior ScaleWCST : Wisconsin Card Sorting Test

    viii

  • On dit souvent que La psychomotricit c'est rduquer par le jeu ! mais qu' un enfant avec

    autisme ne joue pas de faon ordinaire . Comment envisager la prise en charge psychomotrice d'un

    enfant porteur d'autisme ? L tait la question trs brute de dpart.

    Le jeu est une mdiation cl dans une prise en charge auprs d'enfants et notamment dans une prise

    en charge psychomotrice. L'enfant vient en psychomotricit afin que l'on rduque des domaines

    dficitaires ce qui, en soi, n'est pas toujours source de motivation. Deux choses sont donc

    ncessaires : rendre l'exercice attrayant et faire comprendre l'enfant ce qu'on attend de lui. Le jeu

    est souvent le moyen privilgi d'y parvenir. De ce fait avec un enfant ordinaire on apprend en

    jouant !

    Cependant un enfant avec autisme a des caractristiques de dveloppement bien particulires. Ce

    syndrome, en tant que trouble envahissant du dveloppement entrave l'ensemble des comptences

    de l'enfant et notamment celles du jeu.

    De ce fait, un enfant avec autisme aura bien souvent d'une part un niveau de jeu infrieur au niveau

    attendu son ge et d'autre part ne prendra pas forcement plaisir jouer avec les mmes jeux. Il

    semblait important de s'arrter quelques instants sur ces questions afin de proposer une prise en

    charge des plus adaptes ces enfants.

    Mais pour commencer, qu'est ce que jouer ? Quelles sont les particularits du dveloppement

    autistique et ses rpercussions sur son niveau de jeu ? Quels sont les intrts et les moyens dont

    nous disposons pour essayer d'en faire une valuation la plus objective possible ?

    Quelles consquences cela peut-il avoir sur la prise en charge psychomotrice que l'on va leurs

    proposer ? Quel est la place du psychomotricien dans tout cela ?

    On se propose ici d'essayer d'claircir ces questions en prsentant brivement les grandes

    caractristiques de la pathologie autistique puis en essayant d'claircir ce que recouvre le terme de

    jeu . Par la suite seront mis en parallle ces deux grands concepts afin de tenter de comprendre

    quelles sont les particularits du jeu chez l'enfant avec autisme.

    Pour finir, dans une partie pratique seront prsents deux exemples de prises en charge

    psychomotrices auprs d'enfants avec autisme. L'accent sera mis sur l'valuation et sur l'adaptation

    leur niveau de jeu afin d'essayer de mettre en lumire les difficults et les possibilits quant

    l'utilisation du jeu dans une prise en charge psychomotrice d'enfants avec autisme.

    1

  • Partie thorique : Autisme et jeu

    I L'autisme

    A. Dfinition et critres diagnostic

    L'autisme est un trouble neuro-dveloppemental touchant 6,3 naissances sur 1000 environ selon les

    dernires tudes (mta-analyse Fombonne 2009) et plus frquemment les garons (sex ratio : 1/4).

    1.bref historique

    L'autisme est une pathologie qui a t dcrite pour la premire fois par Lo Kanner en 1943. La

    plupart des signes qu'il a dcrits l'poque sont encore valables aujourd'hui dans la forme classique

    d'autisme (incapacit dvelopper des relations, difficults d'interactions avec les personnes,

    intrt plus grand pour les objets que pour les personnes, retard et mauvaise utilisation du langage,

    jeux rptitifs et strotyps, grande rsistance au changement, apparence physique normale et

    intelligence normale)

    Par la suite il rsumera le syndrome deux lments prsents avant 2 ans :

    - recherche d'immuabilit au travers de routines rptitives

    isolement extrme

    Bien que de faon gnrale les observations de Kanner soient vraies, certaines donnes ont t

    remises en cause par la suite :

    -Kanner associait l'absence de stigmates physiques l'absence de troubles organiques, or on

    sait aujourd'hui qu'il y a de nombreux troubles organiques associs.

    - Il pensait que l'enfant autiste ne pouvait pas avoir de retard mental, or il est couramment

    admis aujourd'hui qu'un dficit intellectuel est associ dans 70% des cas.

    -Bien que Kanner ait remarqu que ce trouble affectait les enfants ds la naissance, il avait

    aussi relev qu'ils venaient tous d'un milieu assez ais avec des parents qui se comportaient de

    manire froide l'gard de leurs enfants . Cela a par la suite engendr de nombreuses hypothses

    explicatives alors que cela venait en ralit d'un biais de l'chantillon (seuls les plus aiss pouvaient

    le consulter).

    2

  • Aujourd'hui encore, certains parlent d'autisme de Kanner pour parler de la forme pure donc non

    associe une pathologie neurologique (telle que la sclrose tubreuse de Bourneville) mais il faut

    rester prudent car cela ne signifie pas, sans base biologique (on sait en effet aujourd'hui que les

    facteurs gntiques sont prpondrants).

    2.Critres diagnostics : CIM 10

    La ralisation d'un diagnostic d'autisme et son valuation est dfinie selon les recommandations

    nonces par la Haute Autorit de la Sant (Recommandation pour la Pratique Professionnelle du

    diagnostic d'Autisme, HAS 2010). La classification de rfrence est la CIM 10 (Classification

    internationale des maladies version 10) de l'OMS (Organisation Mondiale de la Sant).

    Selon la CIM 10, l'autisme infantile appartient la catgorie des TED (Troubles envahissants du

    Dveloppement). Pour pouvoir porter le diagnostic d'autisme infantile il faut :

    -prsence avant l'ge de trois ans d'anomalies ou d'altrations du dveloppement dans au

    moins un des domaines suivants :

    -langage

    -dveloppement des attachements sociaux ou interactions sociales

    -jeu fonctionnel ou symbolique

    -au moins six items dont :

    -au moins deux concernant les anomalies qualitatives des interactions sociales

    rciproques

    -au moins un concernant les anomalies qualitatives de la communication

    -au moins un concernant les intrts restreints et les comportements rptitifs et

    strotyps (cf annexes pour l'intgralit des items).

    Ces trois catgories de symptmes sont souvent regroups sous le terme de triade autistique

    L'autisme est donc un trouble neuro-dveloppemental qui affecte de faon svre les interactions et

    la communication mais aussi bien d'autres aspects du dveloppement des enfants qui en sont

    porteurs. De plus, bien souvent, d'autres difficults sont associes.

    3

  • B. Dficits associs les plus frquemment retrouvs dans l'autisme

    1. Retard et htrognit de dveloppement

    Dans l'enfance, avant que le diagnostic d'autisme ne soit pos, il est trs frquemment not un retard

    de dveloppement (psychomoteur, langage, veil l'environnement....). On constate le plus souvent

    que ce retard ne concerne pas de faon identique tous les pans du dveloppement : on parle

    d'htrognit du dveloppement. L'enfant peut mme, dans certains domaines, avoir des capacits

    suprieures au niveau attendu pour son ge alors que dans d'autres un grand retard sera prsent.

    Bien que ce phnomne dit de l'idiot savant ne soit pas spcifique l'autisme (Rog 2008) ces

    lots de comptences sont tout de mme caractristiques du fonctionnement autistique et bien plus

    frquents dans ce syndrome que dans les autres troubles du dveloppement. Bien souvent ces lots

    de comptences sont en lien troit avec les intrts de lenfant.

    2. troubles moteurs : ex de la motricit manuelle

    De nombreuses tudes ont mis en vidence que les anomalies du mouvements taient trs

    frquentes chez les enfants porteurs d'autisme. Par exemple, Green et son quipe (2009) ont fait

    passer le M ABC 101 enfants porteurs d'autisme,ils ont trouv que 79,2% d'entre eux se trouvaient

    trs en difficults (infrieur au cinquime percentile). Cependant, si ces anomalies font quasiment

    partie intgrante du syndrome, elles sont nanmoins non spcifiques et extrmement variables

    d'un individu l'autre tant dans leur frquence que leur intensit (Perrin et col. 2009)

    Dans le dveloppement prcoce, le bb porteur d'autisme peut prsenter des particularits motrices

    (hypo ou hypertonie, anomalies posturales, difficults de coordination....). Ces anomalies peuvent

    affecter aussi bien la motricit globale que fine et aussi bien la motricit instrumentale (adaptation

    l'environnement) que de relation (communication non verbales) (Rog, 1991).

    Concernant la motricit gnrale, les problmes d'initiative, la marche sur la pointe des pieds ou les

    mouvements strotyps parasitant le mouvement global sont trs frquents.

    Au niveau facial, la mobilit est souvent rduite (mimiques pauvres...).

    Concernant la motricit manuelle, comme cela sera illustr en partie pratique, les difficults sont

    galement souvent importantes. On constate des particularits lies au retard de dveloppement

    (prhension archaque, grasping persistant, dfaut de croisement de l'axe du corps, dfaut de

    4

  • latralisation) (Hauck et Dewey 2001). On peut constater galement des dfauts de coordinations

    oculomanuelles : l'enfant porteur d'autisme soutient rarement son action par le regard focalisant ce

    dernier le plus souvent sur un dtail de l'environnement.

    Par ailleurs, les rsultats de l'tude de Green cite prcdemment tendent montrer que parmi les

    trois preuves du M ABC, les enfants porteurs d'autisme les chouaient tous mais obtenaient les

    scores (de dgradation ) les plus haut au niveau de l'preuve des coordinations oculomanuelle

    (pegboard, note standard moyenne : 3,5 ).

    3. particularits cognitives (RM, attention...)

    Retard Mental (RM)

    Le RM est trs frquemment associ l'autisme. On estime que ce serait le cas dans environ 70 %

    des cas. Le quotient intellectuel d'un enfant porteur d'autisme se trouverait dans la majorit des cas

    entre 35 et 50 (Rog 2008).

    De plus, comme cela a t dit prcdemment, le syndrome autistique est caractris par une

    htrognit de dveloppement qui peut se retrouver galement au niveau cognitif. Il a t montr

    par exemple chez les enfants porteurs d'autisme qu'on retrouvait frquemment un QI performance

    plus lev que le QI verbal. Ce serait la plupart du temps l'inverse chez les personnes atteintes du

    syndrome d'Asperger.

    Par ailleurs, les personnes avec autisme prsentent des modes de fonctionnement cognitif

    particulier. Ainsi, Mottron (2004) prcise ainsi que les autistes utilisent la perception autrement

    que ne le font les personnes ordinaires pour rsoudre des tches censes faire appel

    l'intelligence . En effet, de nombreuses tudes ont pris comme chantillon de rfrence des enfants

    apparis en QI et ont montr des particularits cognitives des enfants avec autisme. Des lots de

    comptences sont frquemment dcrits (mmoire par cur, discrimination ...) alors que d'autres

    domaines, notamment ceux ayant attrait au symbolisme, sont trs largement dficitaires.

    Trouble de l'attention :

    Comme cela illustr en partie pratique, les personnes avec TED prsentent souvent des difficults

    attentionnelles. Cependant, il est parfois difficile de faire la part des choses entre Trouble

    Attentionnel avr (rsultats aux preuves caractristiques) et difficults attentionnelles lies des

    difficults de comprhension, distractibilit sensorielle, problme de hirarchisation des

    informations...

    5

  • Diverses tudes se sont intresses au sujet et ont montr que les diffrents paramtres de

    l'attention (recherche, orientation de l'attention, filtrage attentionnel) n'taient pas affects de la

    mme manire.

    Concernant les stimuli non sociaux, la recherche attentionnelle visuelle serait prserve voire

    suprieure chez ces enfants. Cela s'expliquerait plus par des capacits perceptives importantes que

    par une relle supriorit attentionnelle. (Baron Cohen 2001).Cela a notamment t mis en

    vidence par une tude rcente en IRM fonctionnelle (Belmonte et Yurgelun-Todd 2003) qui montre

    que la perception et l'attention n'ont pas les mmes relations chez les personnes avec autisme, la

    perception semblant avoir un rle prdominant. En effet, on constate une plus grande activation des

    aires perceptives visuelles que des aires responsables de l'attention lors des tches de recherche

    visuelle chez les personnes avec autisme.

    A l'inverse, l'orientation attentive serait trs souvent dficitaire. La capacit s'orienter vers une

    cible visuelle priphrique serait en effet ralentie dans l'autisme (Wainwright et Bryson 1996).

    Pour finir, le filtrage attentionnel serait galement atteint. De ce fait, la prsence de distracteurs

    gnerait d'avantage les personnes avec autisme que les autres (Burack 1994).

    Concernant les stimuli sociaux, l'orientation de l'attention est diffrente chez les personnes avec

    autisme. En effet, les saccades oculaires de ces personnes vers des cibles sociales sont plus rares,

    moins longues et orientes sur des lments peu pertinent (bouche, front, menton...).

    Ainsi, chez les enfants porteurs d'autisme , des performances attentionnelles intactes voire

    suprieurs peuvent se retrouver avant tout pour du matriel non social (recherche visuelle..) alors

    que des dficits ou anomalies importantes sont dcrites lorsque le matriel est social.

    Par ailleurs la comorbidit entre TED et TDA/H est importante.

    Autres troubles d'ordre cognitif :

    De nombreuses autres particularits cognitives peuvent tre dcrites et plusieurs d'entre elles ont fait

    l'objet d'hypothses explicatives (cf paragraphe hypothses explicatives).

    Elles concernent :

    - Le problme de traitement de l'information (sociale, motionnelle et sensorielle)

    - Le dficit en thorie de l'esprit

    - Les troubles des fonctions excutives

    6

  • 4. troubles sensoriels

    La sensorialit comporte, elle aussi, de multiples anomalies d'apparition prcoce. Cela peut toucher

    tous les sens et se manifester par une hypo ou une hyper-ractivit. Bien souvent le sujet prsente

    une alternance entre une sensibilit trop rduite certains moments et exagre d'autres.

    Les particularits sensorielles se situent au niveau de la perception (seuils de perception variable),

    du traitement de l'information sensorielle et des rponses comportementales (recherche de

    stimulation, conduites d'vitement).

    5. troubles du sommeil et de l'alimentation

    Les troubles du sommeil sont quasiment la rgle (45 86 % de cas selon le corpus de connaissances

    partages sur l'autisme et les autres TED, HAS 2010). Les insomnies peuvent concerner

    l'endormissement ou les rveils nocturnes. Elles peuvent s'accompagner de strotypies motrices

    (balancements...). Les perturbations de l'alimentation sont galement rpandues : ds la naissance le

    bb peut ne pas prsenter de rflexe de succion. Par la suite on constate frquemment une hyper

    slectivit alimentaire.

    6. troubles psychiatriques

    De nombreux dsordres psychiatriques peuvent tre retrouvs chez les enfants porteurs d'autisme

    tels que l'anxit, la dpression, les phobies, le mutisme lectif, les dsordres d'attention avec

    hyperactivit, les troubles bipolaires, comportements d'opposition...

    La frquence de ces troubles varie selon les auteurs (de 10 % pour Ghaziuddin et col. (1992), 70

    % pour Simonoff et col. (2008)). Quoi qu'il en soi, il est consenti que ces troubles sont frquents (50

    70 % selon l'HAS) et souvent associs (Siminoff et col. 2008).

    Certains pensent que ces troubles psychiatriques pourraient expliquer parfois les troubles du

    comportement des personnes autistes les plus dficitaires qui n'ont pas d'autres moyens de

    communiquer leurs dsirs (Ghaziuddin et col. 2005).

    7

  • 7. troubles neurologiques associs : pilepsie.....

    L'pilepsie serait retrouve dans environ 20 25 % des cas et serait d'autant plus frquente chez les

    TED avec retard mental et de sexe fminin (socle de connaissance de l'HAS 2010)

    L'autisme est donc un trouble grave touchant prioritairement les interactions, la communication, et

    les centres d'intrts de l'enfant. Cependant, il semble important de garder lesprit que bien

    dautres aspects du dveloppement de l'enfant sont galement affects (fonctions sensorielles,

    fonctions excutives, fonctions psychomotrices) et peuvent venir compliquer, parfois de faon

    importante, le prise en charge propose (cf partie pratique). Mais comment expliquer ces modes de

    fonctionnement si particulier ?

    C. Hypothses explicatives

    Il est aujourd'hui globalement admis que les causes purement psychologiques (mres trop froides et

    distantes de Bettelheim ....) ne peuvent tre retenues et que l'autisme est un trouble

    neurodveloppemental. C'est notamment ce qu'nonce le socle commun de connaissances de

    l'HAS : Les facteurs psychologiques parentaux, en particulier maternels, et les modalits

    d'interactions prcoces n'expliquent en aucune faon la survenue de TED. Il existe un consensus de

    plus en plus large sur la nature neuro-dveloppementale Ce sont donc prsent les causes

    gntiques et neurologiques qui sont explores. Concernant les hypothses explicatives, il en existe

    de nombreuses qui ont tent d'expliquer le fonctionnement de cette intelligence diffrente mais

    aucune ne fait consensus. Cela tient notamment au fait que chacune d'entre elle l'avantage

    d'expliquer une partie du fonctionnement de l'autisme mais aucune d'elle n'arrive expliciter

    l'intgralit des symptmes. Ces modles sont donc incomplets et complmentaires et c'est

    probablement un ensemble de dysfonctionnements qui pourrait expliquer le syndrome au complet.

    1. Primaut d'un dficit en thorie de l'esprit (Baron Cohen 1985, 1993) : le modle

    mta-reprsentationel

    La thorie de l'esprit est la capacit attribuer des tats mentaux autrui. Cela implique deux

    tapes :- Dduire les souhaits de son interlocuteur partir de la prise en compte du discours et des

    comportements de la personne

    8

  • - Dduire ltat mental de son interlocuteur compte tenu de la satisfaction ou non de ses

    souhaits.

    Pour un enfant avec autisme, ces oprations cognitives sont trs complexes, et ce, indpendamment

    de son niveau intellectuel.

    Pour Baron Cohen ce dficit en Thorie de l'esprit serait la base du syndrome autistique (concept

    de ccit mentale). Il a notamment dmontr que les personnes avec autisme ont un dficit en

    Thorie de l'esprit grce la tache de Sally et Ann qu'il a fait passer des enfants porteur, d'un

    cot d'autisme, et de l'autre du syndrome de Down (donc avec retard mental) qui avaient tous bien

    plus que 4 ans (ge auquel la thorie de l'esprit est habituellement en place). Il a obtenu 20 % de

    russite pour les enfants porteurs d'autisme versus 86% pour les enfants porteurs du trisomie 21.

    Baron Cohen en a conclu que le dficit en thorie de l'esprit tait bien une caractristique spcifique

    des personnes avec autisme (Baron Cohen et col. 1985).

    Par la suite une autre tude prcisera que seuls certains aspects de la thorie de l'esprit seraient

    dfaillants chez ces enfants (les croyances, ce que l'autre sait, les motions lies la cognition, et

    les relations entre le fait de voir et le fait de savoir) (Baron Cohen et col. 1993).

    Cette hypothse permettrait d'expliquer notamment les difficults relationnelles (communication et

    interactions sociales) et d'imagination des enfants avec autisme. En effet, comment ragir de faon

    adapte lorsque lon est incapable de se mettre la place de l'autre et dimaginer ce qu'il ressent ?

    Ce modle justifierait galement la raret de jeu symbolique, l'utilisation limite de gestes

    expressifs... Cependant ce modle peine expliquer l'intolrance aux changements et les

    strotypies motrices.

    2. Primaut d'un dficit dans le traitement de l'information sociale et motionnelle

    (Hobson et col. 1986, 1993) : le modle motionnel

    Pour d'autres auteurs tels qu'Hobson, le syndrome autistique s'expliquerait par des difficults dans le

    traitement de l'information sociale, motionnelle et affective des stimuli. De ce fait, les enfants

    porteurs d'autisme ne parviendraient pas dcoder de faon efficace les communications non

    verbales et les codes sociaux. En effet les enfants avec autisme se montrent trs dficitaires dans les

    tches de dcodage des communications non verbales, d'appariement d'une motion un contexte.

    9

  • Par ailleurs, il leur est galement difficile d'exprimer leurs propres motions. Ce serait donc le

    partage motionnel qui constituerait le problme principal de l'autisme. Cette incapacit inne

    rentrer en contact motionnel avec autrui entranerait des difficults de reconnaissance des tats

    mentaux, d'abstraction, de symbolisation,et de langage.

    Nanmoins, comme le prcdent, ce modle ne permet pas d'expliquer les strotypies motrices et

    les intrts restreints.

    3. Primaut d'un dficit dans le traitement de l'information sensorielle : le modle de

    la cohrence centrale ( Frith 1989)

    Des difficults au niveau du traitement de l'information sont retrouves chez les personnes avec

    autisme. Ces difficults pourraient s'expliquer par un dficit 2 niveaux :

    -problme de saisie de l'information d notamment aux troubles sensoriels dcrits

    prcdemment (cf seuils de perceptions variables). Par ailleurs, les enfants avec autisme

    prsenteraient des difficults pour se dtacher dune modalit sensorielle initiale et ne

    parviendraient pas recoder une information sur une autre modalit. Autrement dit, ces

    enfants seraient capables de reproduire de faon brute linformation perue (restitution

    de passages entiers de dessins anims, de mlodies, de slogans publicitaires) mais

    prouveraient des difficults pour leur donner du sens.

    -problme d'intgration des informations Uta Frith a mis l'hypothse selon laquelle dans

    l'autisme la faiblesse de la cohrence centrale (difficult faire d'un ensemble de dtails un

    tout cohrent) pouvait rendre compte de difficults d'intgration fonctionnelle de

    l'information .

    Ces enfants ont donc une faon particulire d'explorer leur environnement et de slectionner les

    informations pertinentes. Ainsi, ils ont prfrentiellement une intgration monomodale, cest dire

    quils privilgient le traitement dun canal sensoriel. Les personnes avec autisme disent ainsi que

    lorsquelles regardent leur interlocuteur, elles ont des difficults pour intgrer le message verbal.

    Cette hypothse permettrait notamment d'expliquer les comportements restreints et lattachement

    aux dtails (ex ; ne s'intresse qu'aux petites roues de la voiture...) mais galement les difficults de

    10

  • thorie de l'esprit (ne s'attache qu' une partie de la dclaration d'autrui et en conclut donc de faon

    errone son tat mental). En revanche ce modle peine expliquer les difficults de communication

    et le retard de langage.

    4. Primaut d'un dficit dans les Fonctions Excutives (FE) : le modle frontal

    L'hypothse d'un dficit des FE chez les enfants avec autisme a fait suite l'observation des

    difficults mais aussi de points communs au niveau moteur, cognitif et comportemental entre les

    patients autistes et fronto-lss. Ainsi, comme dans les tableaux frontaux il a t mis en vidence

    par diffrentes tudes que les enfants prsenteraient des difficults dans lensemble des

    composantes des fonctions excutives. Ce serait ces difficults qui expliqueraient en partie la

    symptomatologie autistique (comportements restreints et strotyps, difficults de rgulation

    motrice, etc...)

    Concernant la flexibilit, il a t montr par exemple d'importantes erreurs de persvrations et des

    difficults de changements de stratgies dans les tches type WCST (Wisconsin Card Sorting Test)

    ainsi que des difficults de planification dans les preuves de tours de Londres ou Hanoi (Ozenoff et

    Jensen 1999).

    Concernant l'inhibition, les rsultats des tudes diffrent selon le test utilis : alors que des

    difficults sont retrouves au Trail Making Test (Goldstein et al. 2001), il semblerait que le Stroop

    (Ozenoff et Jensen 1999) ou le go/no go (Happ et al. 2006) ne pose pas de soucis particuliers aux

    enfants porteurs d'autisme. Il serait donc probable que seule une partie des mcanismes d'inhibition

    soit altre dans l'autisme.

    Par ailleurs, les personnes porteuses d'un Trouble du spectre Autistique (TSA) prsenteraient un

    grand dficit en attention slective et en attention soutenue (Nyden et col. 1999).

    Pour finir un dficit en mmoire de travail serait galement retrouv dans l'autisme. Pour

    Pennington (1996), il serait mme l'origine de toutes les autres difficults en FE. Il y aurait

    cependant une amlioration avec l'ge des capacits de FE chez les personnes TED (Happ et col.

    2006).

    Selon une tude de Blanc et col (2005) qui sera redveloppe ultrieurement, ces difficults au

    niveau des fonctions excutives (rgulation) auraient des rpercussions sur cinq domaines

    dficitaires dans l'autisme :

    le dveloppement de la communication et du langage (les enfants ayant les activits les plus

    dsorganises et les plus inconsistantes tant ceux qui dveloppent des interactions sociales le plus

    11

  • tardivement (Adrien 2001). Les retards de rgulation appauvriraient en fait les processus de

    mentalisation ncessaires dans la communication.

    L'imitation

    le dessin

    l'image mentale : les enfants avec autisme auraient plus de difficults que les autres comprendre

    le concept de rve, parler des leurs ainsi que de leurs tats mentaux (Baron Cohen 1989)

    le jeu de faire semblant

    Les outils dimagerie mdicale actuelle (ex : IRM fonctionnelle) permettent dtayer ces

    observations et tendent montrer d'une part un retard de maturation du cortex frontal et d'autre part

    des activations crbrales diffrant de la normale lors de taches de FE chez les enfants porteurs

    d'autisme..

    Pour les adeptes de ce modle, ce serait donc ces difficults qui seraient primaires dans le syndrome

    autistique. Contrairement aux modles prcdents, celui-ci a le mrite d'expliquer un grand nombre

    de symptmes autistiques. Alors qu'il justifie trs bien les comportements restreints et strotyps, il

    permettrait galement d'expliquer le manque de cohrence centrale. En effet ce serait une incapacit

    passer d'une information une autre (flexibilit) et notamment d'un niveau focal un niveau

    global qui pousserait l'enfant avec autisme se focaliser sur un dtail. De mme le dficit en

    mmoire de travail engendrerait une focalisation sur une information plus restreinte (dtail). Ce

    modle permettrait galement d'apporter une explication quant aux troubles des interactions sociales

    dans le sens o il y aurait une forte corrlation entre attention conjointe et flexibilit cognitive. De

    mme les cholalies seraient rattaches un manque de flexibilit ....

    L'autisme est donc un trouble neurodeveloppemental grave, qui ne se gurit pas (en l'tat actuel des

    connaissances mdicales) et qui entrave l'ensemble du dveloppement de l'enfant. Malgr de

    grandes dissonances concernant l'tiologie prcise de ce trouble, il y a un consensus concernant les

    consquences : une entrave au dveloppement global de l'enfant. Il parat donc important de

    garder lesprit tous les traits du fonctionnement autistique voqus prcdemment car l encore

    cela permet souvent de comprendre certaines ractions de nos patients premire vue bien

    tranges et justifie la mise en place de prise en charge spcifiques.

    12

  • D. les prises en charges

    L'enfant avec autisme prsente des particularits de fonctionnement. Face cela, il convient de

    proposer des prises en charge adaptes.

    1. prise en charge pluridisciplinaire, prcoce et structure

    Lhtrognit des dveloppement des personnes TED implique la mise en place de prises en

    charges multidisciplinaires. De plus, la spcificit des troubles autistiques implique, comme le

    prcise le socle commun des connaissance de lHAS (2010), une connaissance des pratiques

    actuelles et des ressources disponibles sur le territoire . Enfin, les particularits de fonctionnement

    de ces patients (difficult de gnralisation, trouble de la communication) demande de la part des

    professionnels engags dans le suivi une coordination importante.

    Par ailleurs un autre rapport de l'HAS spcifiques aux mthodes d'interventions auprs de ce public

    prcise qu'il est aujourd'hui couramment admis que l'efficacit de la prise en charge est largement

    conditionne par la prcocit des interventions,de leur caractre individualis et structur mais

    aussi de leur construction sur des objectifs hirarchiss et spcifiques reposant sur une valuation

    fonctionnelle et enfin sur des actions tendues aux diffrents milieu de vie des personnes pour

    favoriser la gnralisation de leurs acquisitions (Interventions ducatives, pdagogiques et

    thrapeutiques proposes dans l'autisme, HAS 2007).

    2. Les mthodes

    Il existe diffrents types d'interventions ducatives, pdagogiques et thrapeutique actuellement

    utilises dans la rducation de l'enfant porteur d'autisme : programme rfrence

    comportementale, dveloppementale ou encore psychanalytique.

    Programme d'intervention rfrence comportementale : ex : ABA (Applied Behavior

    Analysis)

    Cette mthode est base sur les principes de l'apprentissage et du conditionnement. Lhypothse est

    qu'un comportement est issu d'vnements antcdents et qu'il a des consquences (positives ou

    ngatives) qui modifient sa probabilit d'apparition ultrieure. La mthode ABA consiste analyser

    les conditions d'apparition d'un comportement et d'essayer de les modifier pour faire voluer le

    comportement (analyse fonctionnelle).Par ailleurs, elle agit sur les consquences grce l'utilisation

    13

  • de renforcements extrinsques (sans rapport avec la tche). Les renforcements positifs sont censs

    augmenter la probabilit du comportement positif cible (sociaux) alors que les renforcements

    ngatifs ou l'absence de renforcements visent faire disparatre les comportements problmes.

    Le programme Lovaas est le plus connu des programmes ABA. C'est un programme de stimulation

    intensif (40 heures par semaines) qui fonctionne essentiellement sur le principe des essais distincts

    multiples : l'intervenant donne un ordre simple (stimulus), l'enfant y rpond, l'intervenant renforce

    positivement les bonnes rponses (ou s'en approchant) afin d'augmenter la probabilit de

    rapparition, et ignore ou corrige les mauvaises afin d'en diminuer la probabilit de rapparition.

    Puis la consigne est de nouveau nonce (1 10 fois). La cotation rigoureuse de chacun des essais

    permet de traduire la progression de l'enfant de faon trs prcise.

    Programme d'intervention rfrence dveloppementale : ex : TEACCH

    (Treatment ans Education of Autism and Related Communication handicaped Children)

    Les interventions dveloppementales sont bases sur l'utilisation des intrts de l'enfant pour

    stimuler le dveloppement de la communication et des interactions sociales. TEACCH n'est pas un

    programme d'intervention mais plutt un ensemble de services permettant la prise en charge de

    l'enfant TED. La philosophie TEACCH se fonde sur diffrents principes :

    - Le partenariat avec les parents : expert de leur enfant

    - L'valuation prcise du profil de l'enfant via le PEP-R et l'observation clinique de l'enfant

    avant et aprs (pour objectiver l'efficacit de la prise en charge)

    - La constitution d'un PEI dtaill prenant comme objectifs les domaines valus en

    mergence et les intrts de l'enfant. Chaque objectif se doit d'tre oprationnel ( court

    terme et port sur une action prcise) On parle d'approche positive car cela met l'enfant en

    situation de russite.

    - L'adaptation rciproque : de l'enfant aux exigences de l'adulte et de la socit dans laquelle

    il vit mais aussi de l'adulte aux capacits, besoins de l'enfant (lutte contre

    l'institutionnalisation)

    - La structuration spatio-temporelle

    14

  • - L'approche est dites gnraliste c'est dire que chaque professionnel doit avoir une

    connaissance globale de l'autisme et de tous les dficits que cela engendre et s'occuper des

    difficults de l'enfant dans sa globalit.

    Approche psychanalytique :

    On peut aussi trouver des mthodes d'obdience psychanalytiques. Cependant nous ne les

    dvelopperons car le SESSAD dans lequel se droulera toute la partie pratique utilise des mthodes

    d'obdience comportementale et dveloppementale et il semblait donc plus pertinent de dvelopper

    particulirement ces mthodes dans un souci de meilleure comprhension de la partie pratique.

    II Le jeu

    Avant de voir les particularits du jeu chez l'enfant avec autisme, il convient tout d'abord de dfinir

    le concept de jeu .

    A. Le jeu : un concept htrogne

    Le jeu recouvre un champ trs vaste d'activits. En effet il est possible aussi bien de jouer la

    marelle que de jouer un jeu de hasard, un jeu vido, ou encore au football. Mais qu'y a t-il de

    commun tous ces actes ? Peu de choses. Il relve quasiment de l'impossible d'numrer une liste

    de caractristiques communes et propres au jeu. Comme le soulignait Wittgenstein (1961) il n'y a

    pas forcement quelques chose de commun sous tout ce qui porte le mme nom . Il suffirait donc

    qu'il y est un point commun entre quelques jeux qui eux mmes auraient des caractristiques

    semblables quelques autres pour que tous soient appels jeu.

    Le jeu peut tre un objet (jeu de cartes), un ensemble de rgles et de principes (les checs en dehors

    des pions et du plateau) ou encore une activit lie au fait de jouer, ne sera dvelopp ici que le

    dernier aspect qui correspond en ralit au verbe jouer. Malgr cela, il n'en reste pas moins une trs

    grande diversit et donc une difficult de dfinition.

    B. Dfinitions

    Il n'est pas possible de trouver des caractristiques attribuables tous les jeux et propres seulement

    ceux ci. Cependant il semble tout de mme primordial de parvenir baucher une dfinition de ce

    que l'on peut mettre sous ce terme. Certains auteurs s'y sont essays. Aucune de ces dfinitions n'est

    15

  • donc ni exacte ni parfaite mais elles ont le mrite d'essayer de dessiner les contours trs flous de

    cette notion complexe et de la diffrencier de ce que n'est pas le jeu (souvent regroup sous le terme

    de travail). Il convient d'accepter que les diffrentes caractristiques des dfinitions suivantes soient

    plus ou moins prsentes en fonction du type de jeu auquel on fait rfrence.

    1.Dfinition de Reynolds

    Reynolds (cit par Bruner 1983), dit que Le caractre ludique d'un acte ne provient pas de la

    nature de ce qui est fait mais de la manire dont cela est fait...Le jeu ne comporte aucune activit

    instrumentale qui lui soit propre .

    Deux caractristiques sont mises en vidence dans cette dfinition : D'une part, le jeu dpend donc,

    non pas de l'acte du joueur, mais de son ressenti de joueur : ce que quelqu'un considre comme un

    jeu peut ne pas l'tre du tout pour une autre personne. Cet aspect sera approfondi en partie pratique

    car c'est ce qui rend complique toute prise en charge base sur le jeu : ce qui est considr comme

    jeu par le thrapeute peut ne pas l'tre du tout pour le patient. Dautre part, le jeu fait appel des

    comptences relatives dautres domaines, qui ne lui sont pas spcifique (ex : capacits cognitive,

    capacits de reprsentation, etc)

    2.dfinition de G. BROUGERE en 5 caractristiques :

    Brougre dans son ouvrage jouer/apprendre (2005) nous propose, partir de la synthse de

    plusieurs auteurs, une dfinition du jeu en 5 caractristiques classs par ordre d'importance.

    - Le second degr : Le jeu rutilise des comportements ou actes moteurs appartenant d'autres

    activits dont il modifie le sens. Bateson (1977) dit ce propos que le jeu n'est possible que si les

    organismes sont capables d'changer des signaux vhiculant le message ceci est un jeu (ex : on

    dirai que ). Ce qui caractrise le jeu c'est donc son caractre non rel, faux . C est une

    modlisation dune activit ordinaire qui implique diverses modifications. La fonction normale de

    laction nest pas vise, les actes sont exagrs, la squence nest pas suivie fidlement (rptition,

    coupures, insertion), et il y a des signaux pour indiquer le dbut et la fin (Goffman )

    - La dcision : On choisit de jouer, cela ne doit pas tre une contrainte. Selon Duflo (1997),

    l'Homme doit avoir au moins l'impression d'tre libre de jouer ou de ne pas jouer . Bien

    videmment se pose ici des questions d'ordre philosophique sur ce qu'est la libert. D'autre part pour

    16

  • beaucoup d'auteurs (cf fonctions du jeu), le jeu est indispensable au bon dveloppement de l'enfant :

    de ce point de vue il ne serait pas libre de jouer puisque cela serait ncessaire au niveau biologique.

    Face ce problme, Brougure utilise donc plus volontiers le terme de dcision. Le jeu peut donc

    tre dfini comme une succession de dcisions dans un univers o le second degr confre une

    puissance exceptionnelle celles-ci .

    -La rgle : Ce qui organise la dcision c'est la rgle. La rgle c'est ce qui est impos ou adopt

    comme ligne de conduite (le petit Robert). Jouer c'est donc dcider d'accepter la rgle comme

    support de mon action . Quand la loi remplace la rgle on sort du cadre du jeu (ex : dans le sport

    de haut niveau).

    -la frivolit : Le jeu est une activit gratuite, sans consquence. Ainsi, le jeu fournit l'occasion

    d'essayer des combinaisons de conduites qui sous des pressions fonctionnelles ne seraient pas

    tentes ( Bruner 1983). Le jeu permet donc de faire semblant d'agir alors que dans la ralit, cette

    action ne serait pas admissible (se battre), possible (faire semblant de voler, d'tre la maman) ou

    trop dangereuse. De plus le rsultat est sans consquence : si on perd ce n'est pas grave, ce n'est

    qu'un jeu ... .

    -l'incertitude : on ne sait pas comment va se terminer le jeu (si lon va gagner ou perdre, quand le

    jeu de papa/ maman va s'arrter, etc...).

    Bien qu'il faille en thorie les cinq caractristiques pour pouvoir parler de jeu, elles peuvent tre

    plus ou moins prsentes et il existe certaines exceptions. Par exemple s'il n'y a plus d'incertitude

    c'est la triche mais cela peut parfois tre tolr. De mme, si on enlve la dcision cela devient un

    exercice mais au final l'individu peut se prendre au jeu et passer du statut de l'lve celui de

    joueur...

    3. dfinition courante et notion de plaisir

    En synthse, le jeu peut tre dfini comme une activit de loisirs d'ordre physique ou bien

    psychique, soumise des rgles conventionnelles laquelle on s'adonne pour se divertir, tirer du

    plaisir et de l'amusement (Wikipdia). Ainsi l'on retrouve globalement les caractristiques

    prcdentes du jeu. Cependant, ici transparat une notion supplmentaire fondamentale : la notion

    de plaisir.

    17

  • C'est pourtant le critre qui semble le plus vident aux experts du jeu : les enfants. Ainsi M.R Moro

    (2006) dans le cadre d'un colloque interview deux enfants (de neuf et douze ans) sur la dfinition

    qu'ils ont du jeu. Pour Pablo, 9 ans, le jeu c'est quelques chose de bien... si un enfant ne joue pas

    du tout il sera trs triste...jouer c'est s'amuser, ne pas passer tout son temps travailler Lola,12

    ans, place elle aussi le plaisir en premire ligne jouer, c'est faire un truc qui fait passer le temps

    avec plaisir .

    Ainsi le jeu est une notion complexe dfinir. Bien quon ne puisse en donner une dfinition

    exhaustive, ses caractristiques principales doivent guider notre rflexion.. Il sera illustr en partie

    pratique ltroitesse de la frontire entre jeu et travail en situation de prise en charge et comment

    ces caractristiques principales ont guid la mise en place de la prise en charge afin de sassurer

    de rester dans le cadre du jeu.

    C. Les pr-requis du jeu

    Le jeu est une activit que l'enfant ordinaire investit de faon spontane quasiment depuis les

    premiers jours de vie. Cela pourrait laisser penser que c'est une activit d'une certaine simplicit. En

    ralit ce n'est pas du tout le cas. Le jeu implique la manipulation d'un grand nombre de

    comptences de faon simultane qui se complexifient au cours du dveloppement de lenfant. C'est

    notamment des difficults concernant ces pr-requis qui pourraient expliquer les altrations quant

    aux capacits de jeu chez les enfants porteurs d'autisme. Ils ne seront ici que lists et dtaills dans

    la partie Autisme et jeu, hypothses explicatives. On peut rpertorier :

    - La capacit de mta reprsentation : attention conjointe et TOM.

    - La capacit d'interaction sociale, adaptation contextuelle et imitation

    - Les capacits motrices et psychomotrices

    - les capacits en FE et imagination

    - Le traitement de l'information correct et cohrence centrale

    Le jeu est donc une notion complexe faisant appel un grand nombre de pr-requis. Au fur et

    mesure du dveloppement, l'enfant acquiert de plus en plus de comptences lui permettant de faire

    voluer son niveau de jeu. Comment se droule la mise en place de ces capacits de jeu chez

    l'enfant ordinaire ?

    18

  • D. Le dveloppement du jeu chez l'enfant ordinaire

    1.Stades de PIAGET

    En terme de jeu, il est souvent admis par l'ensemble des auteurs que Piaget, psychologue Suisse, est

    l'un des auteurs incontournables. Il a en effet consacr une grande partie de son uvre la

    description du dveloppement de l'intelligence et fait un parallle avec le jeu chez l'enfant. Pour cet

    auteur, tout le dveloppement de l'enfant s'effectuerait par stade : il a donc dcrit les diffrents

    stades de l'intelligence dans l'enfance puis il a dcrit paralllement des stades de jeu associs.

    Certains d'entre eux restent encore aujourd'hui la rfrence en la matire. Il a dcrit quatre stades.

    a. stade de l'intelligence sensori motrice : le jeu sensori-moteur (0-2 ans)

    Dans cette phase, le dveloppement de l'intelligence est fond sur l'action, le mouvement et les sens

    du bb d'une part et sur l'interaction physique qu'il a avec l'environnement d'autre part. C'est

    travers ces interactions que le petit enfant commence comprendre les proprits du monde qui

    l'entoure. Une des acquisitions importantes de ce stade est la permanence de l'objet (comprendre

    que ce qui n'est plus directement visible existe toujours).

    Le jeu qui caractrise cette phase est essentiellement le jeu sensori-moteur : l'enfant explore tout son

    environnement l'aide de ses sens et de ses mouvements. Il prouve du plaisir exercer du pouvoir

    sur son corps et en explorer les limites.

    La fin de ce stade et le passage au suivant est caractris par l'accs au symbolisme. Pour Piaget, un

    enfant a accs au symbolisme ( fonction smiotique ) quand il peut raliser cinq types de

    conduites : l'imitation diffre, le jeu symbolique, le dessin, l'image mentale et le langage.

    b. stade de l'intelligence pr-opratoire : le jeu symbolique (2-6 ans)

    L'enfant rentre dans ce stade quand il dcouvre le symbolisme. Durant toute cette phase il va

    perfectionner cette notion avec le dveloppement du langage, du dessin et de l'criture notamment :

    il peut prsent utiliser des signes ou symboles pour voquer quelque chose d'absent.

    19

  • Le type de jeu qui caractrise cette phase est le jeu symbolique ou jeu de faire semblant :

    l'enfant utilise des objets, scnarios ou mots pour voquer des situations qui ne sont pas

    actuellement en train de se raliser. Il fait comme si c'tait son anniversaire, comme si ce livre tait

    une voiture, comme si il tait un papa, etc... Ce jeu fait intervenir l'imagination et la reprsentation

    mentale.

    c. stade de l'intelligence opratoire : le jeu de construction (6-10 ans)

    Les grandes notions nouvelles acquises dans ce stade sont la rversibilit et la dduction. L'enfant

    devient capable de faire des oprations et d'analyser de manire logique les liens entre les choses. Il

    comprend de mieux en mieux l'espace, le temps, et les permanences physiques (matires, poids,

    volume...) et devient capable de faire des classifications.

    Le type de jeu correspondant cette phase est le jeu de construction dans lequel il exprimente les

    lois physiques et les liens logiques.

    d. stade des oprations formelles : le jeu de rgle (10-16 ans)

    L'adolescent peut prsent raisonner sur des noncs abstraits. C'est le dbut des raisonnements

    hypothtico-dductifs (si... alors). Il peut utiliser le second degr.

    Les jeux qui caractrisent ce stade sont les jeux de rgles. La rgle constitue un principe

    d'organisation des conduites et un impratif accept par tous les membres du groupe. L'enfant a

    codifi toutes les rgles et prouve du plaisir prvoir tous les cas possibles.

    2. classification en rfrence la littrature actuelle

    Piaget distinguait donc quatre types de jeux sur des bases

    thoriques. En pratique, si l'on observe le dveloppement

    de l'enfant, il est souvent admis que l'on peut diffrencier

    quatre stades successifs pas exactement superposables

    ceux voqus il y a quasiment un sicle par ce

    psychologue.La pyramide ci-contre les reprsente mais

    que recouvrent t-ils ? L'utilisation d'une petite voiture sera

    prise en exemple pour les illustrer.

    20

    Stades du jeu chez l'enfant ordinaire

  • a. jeu sensorimoteur

    Il correspond au premier stade dcrit par Piaget. L'enfant fera tourner les roues de la petite voiture

    pour entendre le bruit (stimulation auditive), voir les roues tourner (stimulation visuelle) ou encore

    ressentir les vibrations (stimulation tactile)....

    b. jeu fonctionnel

    Le jeu fonctionnel est l'utilisation de l'objet et donc du jouet de la manire pour laquelle il a t

    conu. C'est l'utiliser pour sa fonction premire. Si l'on reprend notre exemple de petite voiture, cela

    consiste la faire rouler au sol. Les voitures miniatures ont t inventes pour que les enfants jouent

    les faire rouler.

    c. jeu fictionnel

    Ce stade constitue avec le suivant ce que l'on peut appeler le jeu de faire semblant ( pretend play )

    particulirement affect chez l'enfant avec autisme comme cela sera dtaill ultrieurement. Le jeu

    fictionnel consiste en l'tape la plus basique du faire semblant dans le sens o l'enfant parvient se

    dtacher de la fonction premire de l'objet et de la situation, pour reproduire un scnario non rel

    sur le moment. Cependant ce scnario reste connu et dj vcu par l'enfant. Dans notre exemple, on

    pourrait imaginer que l'enfant fait comme si papa l'emmenait avec sa voiture l'cole. La situation

    est fausse car la voiture ne l'emmne pas tout de suite l'cole mais il ne l'a pas invente car il l'a

    vcue de nombreuses reprises.

    Ce stade comprends galement les jeux dimitation (ex : dinette), la capacit attribuer des

    proprits symboliques un objet (la poupe est sale, il faut la laver) et tats mentaux personnage

    (poupe est triste), faire semblant dutiliser un objet imaginaire.

    d. jeu symbolique

    Le jeu symbolique proprement parler est une tape plus labore du jeu de faire semblant.

    L'enfant cr des scnarios qu'il n'a jamais vcus faisant appel son pouvoir imaginatif et de

    cration. Il peut dtourner les objets de leur fonction et mme leur attribuer des fonctions irralistes.

    Pour terminer avec notre exemple, l'enfant peut faire comme si la petite voiture tait un vaisseau

    spatial qui allait sur la lune....

    21

  • Quand ce stade est compltement acquis l'enfant peut laborer ses scnarios en n'ayant plus besoin

    d'aucun objet : il peut faire comme s'il avait la voiture (mime). On passe dans le jeu symbolique

    partir du moment o il y a invention, o l'on dpasse la perception. On note que le stade jeu

    symbolique de Piaget correspondrait plus au jeu de faire semblant et donc la runion des deux

    derniers stades dcrits ici.

    E. fonctions du jeu

    Le jeu existe depuis des millnaires : on a retrouv des traces de jeux (toupie, balles) dans les

    vestiges de civilisations datant de -4000 ans avant JC. Si 6000 ans d'volution ont prserv cette

    comptence chez l'Homme tout comme chez l'animal, c'est, selon les concepts phares de Darwin,

    qu'elle a indniablement une utilit et donc que les individus qui sont capables de jouer sont plus

    adapts que les autres. La constitution des droits de l'enfant (1889) elle-mme reconnat lintrt du

    jeu pour l'enfant : les tats parties reconnaissent l'enfant le droit au repos et aux loisirs, de se

    livrer au jeu et des activits rcratives propres son ge... . Lintrt majeur du jeu est qu'il

    permet l'enfant d'apprendre et de grandir, et quil soutient tous les aspects de son dveloppement.

    1.caractristiques communes entre jeu et apprentissage

    Tout comme le jeu, l'apprentissage est une notion complexe et difficile dfinir. Elle regroupe elle

    aussi de nombreuses formes inclues sous un terme identique. On peut dfinir l'apprentissage comme

    l'acquisition de savoirs faire, c'est dire le processus d'acquisition des pratiques, de

    connaissances, comptences, d'attitudes ou valeurs culturelles par l'observation, l'imitation, l'essai,

    la rptition, la prsentation... (Wikipdia).

    Cependant, tout comme pour le jeu, certains auteurs tels que Perrenoud (2003) ont tents d'en

    extraire les caractristiques :

    - dsirer : dsirer savoir ou dsirer obtenir ce que le savoir garantit : pouvoir, respect,

    reconnaissance.

    - persvrer : tout apprentissage exige un travail du corps et/ou de l'esprit long et coteux.

    - construire : le savoir ne peut pas se transmettre, l'apprenant lui mme est oblig de

    participer l'organisation de la connaissance.

    - interagir : souvent avec son matre et au moins en se confrontant la ralit.

    22

  • - prendre des risques : essayer, chouer, recommencer, analyser ses erreurs est sans doute

    la seule faon d'apprendre durablement.

    - changer : plus on sait de choses et plus on volue, on devient quelqu'un d'autre.

    - faire voluer un rapport au savoir : ce sont les relations affectives qui se dveloppent

    autour du savoir.

    En reprenant une une ces caractristiques de l'apprentissage, on s'aperoit qu'elles peuvent toutes

    s'appliquer au monde du jeu. Cependant, en observant une classe de maternelle on constate bien

    souvent que l'on ne fait pas qu'y jouer. Ainsi si le jeu semble pouvoir rentrer dans le monde de

    l'apprentissage, l'apprentissage lui ne semble pas toujours appartenir au monde du jeu. En effet,

    gnralement, en voulant rendre une situation de jeu pdagogique on lui retire trois de ses

    caractristiques :

    - l'incertitude car l'enseignant met un but

    - la frivolit qui est incompatible avec le srieux scolaire

    - la dcision bien souvent trs conditionne par l'adulte.

    Ici se dessine tout le paradoxe: jouer et apprendre sont deux activits intimement lies mais en

    mme temps ds lors qu'on veut utiliser le jeu pour apprendre on est vite tent d'en ter les aspects

    qui le caractrisent.

    2. Le jeu soutient le dveloppement psychomoteur

    La croissance de chaque enfant est l'histoire de la belle au bois dormant dans laquelle le jeu tient

    la place du prince charmant. Un corps virtuel existe mais son existence en acte dpend de son

    usage et son usage est prescrit dans l'instinct de jeu (J. Lee, 1915).

    Le jeu est donc une activit utilise de faon assez unanime, au moins dans la thorie, pour

    apprendre aux enfants les plus jeunes. Mais la gamme de ce que le jeu permet d'apprendre est large :

    Vigotsky (1966) mettait le jeu au cur du dveloppement en disant que celui ci permettait de

    soutenir de nombreux aspects du dveloppement : cognitif, social, motionnel et culturel.

    23

  • a. Dveloppement cognitif et langage

    Un enfant qui ne sait pas jouer est un enfant qui ne saura pas penser (chteau 1954).Le jeu

    permet tout d'abord de soutenir le dveloppement cognitif de l'enfant.

    -Comprhension des rgles du monde : Dj le jeu sensori-moteur et le jeu rptitif avec les objets

    permet pour Piaget et ceux qui l'ont suivi de soutenir et dvelopper l'intelligence (sensori-motrice)

    du tout petit. En effet selon ce courant de pense, ce serait l'action, le mouvement, l'exploration des

    objets et l'interaction avec l'environnement (jeu sensori-moteur) qui permettrait au bb de

    comprendre les rgles d'organisation du monde (gravit, rgles temporelles, proprits des objets...).

    Peu peu, force de jouer, l'enfant reconnatrait les objets puis leur attribuerait leur fonction. Le

    stade cognitif ultime permis par le jeu serait l'attribution volontaire d'une fonction diffrente de la

    fonction habituelle de l'objet (jeu symbolique).

    - Reprage spatio-temporel : A travers le jeu, l'enfant s'approprie galement les notions spatiales et

    temporelles. En effet la premire relation temporelle faite par le bb est la relation causale. Le bb

    joue appuyer sur le bouton et comprend que suite cela il va y avoir un bruit. Ensuite la

    comprhension du tour de rle commence structurer le temps. Par la suite, avec la

    complexification des jeux et notamment la cration de scnarios, l'enfant exprimente le squenage

    temporel, joue les diffrentes parties de la journe... Au niveau spatial, de nombreux jeux

    fonctionnent sur des territoires (plateaux de jeu, camps..).

    - Schma corporel : A travers les jeux avec son corps l'enfant dcouvre ses limites corporelles,

    l'agencement de son corps et dveloppe son schma corporel.

    - Fonctions excutives : Dans les jeux un peu plus complexes, l'enfant va trs vite devoir utiliser des

    capacits faisant appel aux fonctions excutives afin de planifier des stratgies et des mouvements,

    les raliser, les valuer et les rajuster.

    - Langage : Pour finir, le jeu permet de dvelopper le langage de l'enfant. Trs vite, l'enfant va

    devoir communiquer ses ides, laborer des dialogues avec ses personnages, communiquer ses

    stratgies, etc... Certains auteurs ont dailleurs dmontrs grce diffrentes tudes le lien entre jeu

    symbolique et capacits langagires (Leslie 1984) .

    24

  • b. Dveloppement physique et moteur

    C'est bien souvent le premier rle que l'on attribue au jeu : en effet le temps de rcration (associs

    au jeu) est souvent considr comme le moment idal pour faire une pause dans le travail cognitif

    mais surtout pour se dfouler . Au travers du jeu, l'enfant dpense de lnergie mais dveloppe

    aussi ses habilets motrices :

    - quilibre, tonus : ds les premiers mois de vie, l'enfant va, avec ses mouvements initiaux, ressentir

    ces premires sensations proprioceptives et kinsthsiques, ces premiers dsquilibres et

    exprimenter les ajustements posturaux qu'il est ncessaire de mettre en place. Par la suite, avec

    lacquisition de la station debout, de la marche et des diffrents moyens de locomotion, l'enfant va

    jouer avec son corps, s'amuser de ses dsquilibres. A travers diffrents jeux, il va perfectionner ses

    capacits d'quilibre et d'adaptation tonique (ex : Twister...)

    - Coordinations, prcision du mouvement : Par ailleurs, trs vite, l'enfant va dvelopper au travers

    du jeu ses capacits de coordinations. Dans le dveloppement prcoce, l'accent sera mis sur les

    coordinations oculo-manuelles quand le bb joue attraper les mains de maman, ses propres pieds,

    des objets attrayants. Puis, peu peu, avec la diversification des jeux, d'autres types de

    coordinations (bimanuelles, inter-segmentaires...) vont tre trs souvent sollicits. Nombres de jeux

    sont bass sur des contraintes d'agilit faisant intervenir des coordinations complexes mettant en jeu

    le corps dans son entier (basket..) ou simplement certaines parties (billes...)

    -Vitesse de mouvement : De plus, frquemment, les jeux vont imposer des contraintes de vitesse

    (toutes les courses...). L'enfant va donc travers ce type de jeux, automatiser ses mouvements pour

    les rendre plus rapides. Le jeu permet donc de perfectionner les mouvements acquis.

    - Dveloppement musculaire : pour finir, le jeu implique la plupart du temps d'utiliser son corps, il

    permet donc naturellement de dvelopper les masses musculaires de l'enfant.

    25

  • c. Dveloppement motionnel

    A travers le jeu, l'enfant explore ses propres ractions motionnelles mais aussi celles d'autrui et

    apprend contrler ses tats mentaux : au travers du jeu, l'enfant construit sa personnalit. Mais

    cela lui permet galement d'apprendre prdire les tats mentaux d'autrui (thorie de l'esprit).

    Sherrat (1999) souligne que c'est en particulier le jeu de faire semblant (symbolique) qui permet

    l'enfant d'exprimenter les diffrents tats mentaux.

    d. Dveloppement social

    - Apprentissage des codes sociaux et normes culturelles

    A travers le jeu, l'enfant apprend les codes sociaux et culturels. Cela lui permet d'apprhender les

    activits importantes de sa propre culture et de s'y entraner. C'est travers les scnarios que les

    enfants inventent entre eux que ces normes sont intgres.

    D'autre part, le jeu apprend comprendre, appliquer des rgles et les consquences du non respect

    de celles ci.

    - Apprendre jouer avec autrui

    Par ailleurs, le jeu permet de dvelopper la capacit crer des liens qui nous sera utile toute la vie

    (Parker et Gottman 1989). A travers les jeux symboliques l'enfant se familiarise avec des notions

    telles que l'intimit, la vrit, la ngociation et le compromis qui lui seront utiles pour crer et

    maintenir des relations sociales jusqu' l'ge adulte. Ils entranent galement son langage et ses

    communications non verbales (distance interpersonnelle..). Le jeu permet pour finir de comprendre

    que la coopration est parfois ncessaire.

    - Intrt de la socialisation pour l'enrichissement du jeu

    Wolfberg (1999) souligne une question cruciale ce propos : est ce que l'enfant doit apprendre

    jouer pour se socialiser ou se socialiser pour apprendre jouer ?

    Une tude de Zercher et col (2001) a mis en vidence l'intrt de mettre des enfants avec autisme

    dans un groupe de socialisation pour dvelopper leurs aptitudes de jeu symbolique (ainsi que

    d'attention conjointe et de langage). Ils ont notamment montr que des jeunes enfants ordinaires (5

    11 ans) pouvaient, aprs une phase de guidance par l'adulte, mener seuls des sances de jeu auprs

    d'enfants avec autisme de faon trs satisfaisante. L'enfant auraient donc de faon inne des

    capacits de jeu trs prcoces et serait capable d'ajuster son niveau de jeu son interlocuteur. Il

    26

  • serait bien dommage de ne pas s'appuyer sur cela.

    Dveloppement du jeu et dveloppement de la socialisation s'auto-renforceraient donc

    mutuellement: La socialisation (fratrie, mode de garde collectif...) serait un facteur de

    dveloppement du jeu mais le jeu serait galement un facteur de socialisation important. On voit ici

    se dessiner les difficults des enfants porteurs d'autisme chez qui ces deux dimensions sont

    perturbes.

    III L'autisme et le jeu

    Comme dit prcdemment, lautisme de lenfant induit une altration htrogne de lensemble des

    comptences de lenfant et notamment celle du jeu. Mais peut-on aller jusqu' dire que l'enfant avec

    autisme ne joue pas ?

    A. Particularits de jeu chez l'enfant avec autisme

    1.l'enfant avec autisme ne joue pas comme les autres

    L'enfant avec autisme peut dvelopper un certain type de jeu mais reste dficitaire dans ce domaine

    notamment au niveau du jeu de faire semblant (Wing et Gould 1979).

    Diffrentes tudes ont montr que les enfants avec autisme avaient tendance ne pas investir les

    mmes types de jeu que les enfants ordinaires. Par exemple, une tude importante de Blanc, Adrien

    et col. (2005) que nous reverrons ultrieurement s'est intresse aux types de jeux que les enfants

    neurotypiques, avec autisme et avec RM investissaient prfrentiellement en situation de jeu

    spontan et de jeu semi structur. Le jeu semi structur comprend une aide de la part de

    l'examinateur pour aider l'enfant structurer son jeu. On distingue quatre niveaux d'aide croissants :

    encouragements, commentaires mettant l'enfant sur la piste ( la poupe a faim! ), consigne

    verbale, et dmonstration.

    Comme on peut le voir sur les graphiques suivants, les rsultats montrent que les enfants porteurs

    d'autisme et de RM n'ont pas des profils superposables. Ceci va dans le sens d'un rel trouble de

    l'investissement du jeu chez l'enfant avec autisme et non un simple retard.

    27

  • - En situation de jeu spontan, alors que les enfants ordinaires et avec RM jouent prfrentiellement

    du jeu fonctionnel (60 75% du temps), les enfants avec autisme passent beaucoup plus de temps

    dans du jeu sensorimoteur (environ 60% du temps).Par ailleurs, les enfants avec autisme n'ont

    quasiment pas de jeu symbolique (alors que les deux autres groupes l'investissent 10 15% du

    temps).

    - En situation de jeu semi structur, les enfants ordinaires et avec RM passent encore une part

    importante de leur temps dans du jeu fonctionnel (environ 50% du temps) mais jouent galement

    beaucoup du jeu symbolique (35 45 %). Les enfants avec autisme, eux, investissent un peu plus

    le jeu symbolique qu'en situation de jeu spontan mais dpense encore 30% de leur temps dans du

    jeu sensorimoteur.

    28

    Dysregulation of pretend play and communication

    development in children with autism, Blanc et col. 2005

    Dysregulation of pretend play and communication development in children with autism, Blanc et col. 2005

  • Ainsi, lensemble des enfants profitent du guidage de ladulte pour lev leur niveaux de jeu

    (Typiques, RM et Autistes) par rapport la situation de jeu spontan. Cependant le jeu symbolique

    reste infrieur chez les enfants porteurs d'autisme et de RM et le jeu sensori-moteur reste

    prpondrant chez les enfants porteurs d'autisme.

    Par ailleurs, on peut constater galement des diffrences quand la chronologie des types de jeu.

    Ainsi J.M. Cantau, lors d'une confrence rappelait que l'enfant ordinaire joue initialement des jeux

    sans rgle. Puis, peu peu avec l'volution de ses capacits, il peut comprendre et intgrer des

    rgles de plus en plus compliques. Cette volution est guide par le plaisir. Chez l'enfant avec

    autisme on a tendance constater le contraire, le plaisir du jeu n'est pas inn et le jeu peut mme

    constituer un facteur angoissant. De ce fait, pour apprendre jouer un enfant porteur d'autisme, il

    est bien souvent ncessaire de commencer avec des jeux trs ritualiss, avec beaucoup de rgles.

    Cela va diminuer l'angoisse de l'enfant avec autisme et amorcer la notion de plaisir. Ce n'est qu' ce

    moment qu'il pourra rentrer dans du jeu plus spontan. Il conclut donc en faisant cho Pascal

    ( pour trouver la foi, pratiquer les rituels, la foi viendra ) en disant pour faire jouer un autiste,

    pratiquer les rituels, l'invention viendra (Cantau L'aire du jeu dans l'air du temps Tarbes 2010).

    a. premiers stades acquis et caractristiques

    jeu sensori-moteur

    Les avis restent partags sur la question du jeu sensori-moteur chez l'enfant avec autisme. Certaines

    tudes tendent montrer que ce type de jeu serait sur-investi par les enfants avec autisme (DeMyer

    1967, Blanc et col. 2005), cependant d'autres tudes ne retrouvent pas cette tendance qu'elles

    attribuent des lacunes mthodologiques (Stone 1990).

    Cette prdominance du jeu sensori-moteur si elle s'avrait vraie pourrait tre explique soit par un

    retard de dveloppement (et de ce fait ils resteraient pendant plus longtemps aux premires tapes

    du jeu) soit par une difficult d'installation du jeu symbolique (Libby 1998).

    Jeu fonctionnel

    L encore, les avis sont partags. Baron-Cohen (1987) et Libby (1998) s'accordent sur le fait qu'on

    ne retrouverait pas de diffrence quantitative significative entre le jeu fonctionnel de l'enfant avec

    ou sans autisme. A l'inverse, d'autres tudes telles que celle de Blanc cite prcdemment retrouve

    une diffrence. Par ailleurs, d'autres auteurs tels que Williams (2001) prcisent que si l'on divise le

    jeu fonctionnel en plusieurs sous catgories on peut, en ralit, observer des diffrences plutt

    29

  • sur le versant qualitatif (les enfants avec autisme utilisent des actions de jeux plus simples, plus

    rptitives et moins intgres dans des squences de jeu).

    b. Le jeu de faire semblant : une tape difficile

    retard global au niveau du pretend play

    De nombreux auteurs tels que Wing (1977) ont compars le jeu de faire semblant ( pretend play

    qui regroupe le jeu fictionnel et le jeu symbolique) des enfants porteurs d'autisme avec d'autres

    groupes et tous s'accordent sur le fait que l'enfant avec autisme joue moins spontanment faire

    semblant que les autres enfants (apparis en QI ou en niveau de langage rceptif ) aussi bien au

    niveau qualitatif que quantitatif. Pour Wing et Gould (1979) ce ne serait donc pas le jeu en soi mais

    vraiment le jeu de faire semblant spcifiquement qui poserait soucis ces enfants.

    Retard au niveau qualitatif et quantitatif

    D'un point de vu qualitatif, Wing (1977) montre par exemple dans son tude que sur dix enfants

    avec autisme, seulement quatre peuvent jouer faire semblant mais de faon strotype et

    rptitive, aucun n'tant capable de faire semblant de faon crative et flexible alors que des enfants

    apparis en QI (RM) en sont tout fait capables.

    Ainsi, Atlas (1990) dcrit le jeu symbolique de l'enfant avec autisme comme strotyp et rigide

    mais il rappelle bien que ce sont des caractristiques retrouves dans tout le fonctionnement de

    l'autisme et non pas propre au jeu.

    Au niveau quantitatif, Jarrold (1996) a montr que les enfants avec autisme jouaient faire

    semblant moins frquemment et pendant moins longtemps que les populations contrles.

    Meilleures capacits dans le jeu structur

    Nanmoins, il semblerait que les enfants avec autisme soient capables de jouer faire semblant

    dans des situations plus structures (Charman, Baron Cohen, 1997) et que leur jeu serait alors moins

    rigide. Comme on l'a vu, l'incitation de l'adulte faciliterait le jeu symbolique pour l'enfant porteur

    d'autisme indpendamment de son niveau de dveloppement (Blanc et al. 2005). Cela tend

    montrer que l'enfant avec autisme ne serait pas incapable de faire semblant mais rencontrerait des

    difficults le faire de faon spontane (Riguet 1981). L'enfant avec autisme pourrait notamment

    faire semblant partir du moment o on lui donne une consigne verbale ( montre moi comment on

    donne manger la poupe ) de faon aussi efficace que les contrles (Charman et Baron-Cohen

    1997).

    30

  • Le problme viendrait donc plutt d'une difficult gnrer des ides dans le jeu de faire semblant

    que de raliser les actes en eux mmes (Jarrold et col.1996).

    Cependant est-ce que cela reste du jeu de faire semblant ? Sachant que faire semblant consiste

    prendre conscience que l'on peut reprsenter les proprits d'un objet absent (Leslie 1987), lorsque

    l'enfant donne manger la poupe sur ordre verbal ou dmonstration est-ce encore le cas ?

    L'enfant n'a t-il pas simplement apprit comment la nourrir (dans ce cas on resterait dans le jeu

    fonctionnel) ? Copier un jeu de faire semblant ncessite t-il une reprsentation mentale ?

    Certains se sont accords sur le fait que l'on peut dterminer la capacit de faire semblant en

    fonction de la qualit et de la nouveaut des actions.

    Or, les enfants avec autisme prsentent significativement moins d'actes de faire semblant nouveaux

    que les enfants contrles (Jarrold 1996) (mme si cela varie selon les objets). Pour ces auteurs on ne

    pourrait donc pas toujours parler de pretend play chez ces enfants.

    Comprhension et valuation du jeu de faire semblant

    D'autre part, les enfants avec autisme se montrent aussi performants que les autres pour comprendre

    les jeux de faire semblant d'autrui (Jarrold 1994). La difficult ne serait donc pas de mettre du sens

    sur des comportements non littraux mais plutt de raliser l'acte de faire semblant.

    Mais comment mesurer si l'enfant conscience de faire semblant ? Le seul moyen notre

    disposition est l'valuation des actions (faute de pouvoir valuer les processus cognitifs) mais

    lorsque l'on dtourne l'objet de sa fonction, il y a en ralit deux tapes conscutives. Par exemple

    pour faire semblant que ce livre est une voiture, il faut :

    -russir se dtacher de la fonction premire du livre et envisager une nouvelle fonction.

    Pour certains c'est cette premire tape qui est difficile pour l'enfant avec autisme car il

    n'arriverait pas envisager deux visions d'un lment simultanment comme cela est

    retrouv dans les taches de thorie de l'esprit, c'est le problme de mta-reprsentation dont

    parle Leslie (1987).

    -traduire cette seconde fonction du livre en une action (en faisant semblant qu'il transporte

    un personnage). Pour d'autres auteurs, c'est ce qui est difficile pour les enfants avec autisme.

    31

  • Une troisime alternative est envisageable : les personnes avec autisme sont capables de faire

    semblant mais ne le font pas car ils n'en voient pas l'intrt. Les difficults de socialisation

    rduiraient les occasions de faire semblant (Harris, 1993). De ce fait, les enfants porteurs d'autisme

    ne retireraient pas la mme rcompense de ce type de jeu, et ne verraient pas le caractre

    autotlique du jeu (le comportement de jeu de faire semblant ne serait pas intrinsquement

    motiv).

    Ainsi, l'enfant avec autisme peut jouer mais rencontre d'importantes difficults dans les jeux de

    faire semblant et plus particulirement lorsquil s'agit d'inventer des scnarios indits.

    2. Importance du contexte et difficults de gnralisation (cole, SESSAD,

    domicile...)

    D'autre part, on le sait, une des caractristiques de l'autisme est la difficult de gnralisation. De ce

    fait, certains actes de faire semblant pourront tre acquis dans certains contextes, avec certaines

    personnes mais l'enfant pourra tre incapable de les rinvestir ailleurs. Ce problme sera illustr

    dans la partie pratique.

    B. Hypothses explicatives

    On t cit prcdemment les diffrents pr-requis du jeu. A prsent il convient de les dvelopper

    quelque peu et de comprendre en quoi cela peut expliquer les comportements dviants de jeux chez

    l'enfant avec autisme.

    Pour Beyer et Gammeltoft (2000), les interactions sociales, la communication et l'imagination

    seraient les trois lments cls du jeu des enfants pr-scolaires, mais ce serait galement l la triade

    de symptmes des enfants porteur d'autisme : on comprend donc aisment que le jeu ne se

    dveloppe pas de manire classique chez ces enfants. Cependant bien d'autres pr-requis doivent

    tre pris en compte.

    1. Dficit en mta reprsentation : attention conjointe et TOM

    Une importante tude longitudinale a t mene en 2006 par Rutherford et col. Celle ci avait

    notamment pour ambition de mettre en vidence les lments prdictifs d'un dficit ultrieur en jeu

    (de faire semblant) chez des enfants de deux ans d'ge de dveloppement. Cela devait permettre de

    comprendre les processus sous-jacents dficitaires chez les enfants porteurs d'autisme qui pourraient

    32

  • expliquer le dficit en jeu.

    Ils ont donc compar des enfants typiques , avec un retard de dveloppement et des enfants

    porteurs d'autisme apparis en ge de dveloppement cognitif. Ils ont alors test le lien entre le

    niveau de diffrents domaines (qu'ils considraient comme lments prdictifs possibles) et

    l'volution du niveau de jeu sur un an de dveloppement cognitif (en un an rel pour les contrles et

    deux pour les autres).

    Les rsultats obtenus montrent qu'en ralit un seul des domaines valus pouvait tre considr

    comme un lment prdictif du niveau de jeu : le niveau d'attention conjointe.

    Cela peut s'interprter de deux faons (non contradictoires) :

    -Soit selon le modle de l'orientation sociale (Dawson et col. 2001), le dficit d'attention

    conjointe mnerait un temps plus limit que la normale pass observer et analyser les stimuli

    sociaux et donc la motivation et le renforcement obtenu en jouant faire semblant serait rduit.

    -Soit le dficit d'attention conjointe ne serait qu'une rvlation d'un trouble plus profond : le

    trouble en mta-reprsentation. Ce serait le dficit de mta-reprsentation qui expliquerait les

    lacunes au niveau du jeu chez les enfants porteurs d'autisme.

    En effet, pour Leslie (1987), les comptences de thorie de l'esprit et de jeu de faire semblant

    feraient appel la mme capacit de mta-reprsentation : il faudrait dans les deux cas arriver

    envisager une autre reprsentation de la situation que celle qui est relle et s'impose nous (notre

    propre croyance dans le cas de la TE et la vraie fonction de l'objet dans le cas du jeu de faire

    semblant). Donc l'attention conjointe reflterait directement le niveau de mta-reprsentation

    (Baron Cohen 1989). De ce fait, si le niveau d'attention conjointe d'un enfant avec autisme de deux

    ans est le seul lment prdictif d'un dficit ultrieur en jeu de faire semblant on peut penser que les

    lacunes en jeu sexpliqueraient par un dficit en mta-reprsentation.

    Pour finir, est noter que la corrlation entre le dficit en attention conjointe et en jeu de faire

    semblant est retrouv de faon identique chez les trois populations de l'tude ce qui irait plus en

    faveur d'un retard d'un dveloppement du jeu chez l'enfant avec autisme que d'un dveloppement

    dviant.

    Il n'a pas t retrouv de corrlation significative avec les autres domaines tests (imitation,

    fonctions excutives et niveau de dveloppement) ce qui n'tait pas forcement attendu par les

    auteurs qui reconnaissent certains biais mthodologiques qui pourraient en tre l'origine. D'autres

    auteurs ont, eux, labor des hypothses bases sur ces domaines.

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  • 2. Trouble de l'interaction sociale, ccit contextuelle et imitation

    Le trouble de l'interaction sociale peut expliquer les difficults des personnes porteuses d'autisme au

    niveau du jeu social: comment prendre plaisir jouer avec autrui si l'on ne peux pas

    communiquer de faon aise et si l'interaction et la prsence d'autrui est un facteur angoissant ? .

    Mais cela peut galement handicaper le jeu solitaire au niveau du choix : si l'enfant n'arrive pas

    communiquer ce qu'il souhaite ou sait faire l'adulte ou enfant qui peut le lui procurer il va, par

    voie de consquence, prouver des difficults aller jouer.

    Pour Stahmer (1995) par exemple, ce serait le nombre rduit d'occasions de jeu avec les pairs qui

    expliquerait en partie ces difficults. Ce serait les tentatives choues de jeu avec autrui qui

    dcourageraient l'enfant. Cette absence de jeu avec l'autre engendrerait un dficit au niveau du jeu

    (symbolique). Le jeu de l'enfant avec autisme a tendance moins intresser autrui que celui des

    autres enfants dans le sens o il est moins spontan et plus passif.

    En ralit, d'autres auteurs comme Wolfberg (1999) pensent que ce ne serait pas le jeu symbolique

    en lui mme qui serait dficitaire mais l'aspect social de celui ci. Ce serait le fait de jouer avec

    l'autre et de prendre en compte ses propositions qui apporterait au scnario sa variabilit et

    flexibilit. Or, c'est justement cette prise en compte de l'autre qui serait compliqu pour l'enfant

    avec autisme.

    Pour Rogers et Pennington (1991), c'est le dficit d'imitation qui serait central dans les difficults de

    jeu chez l'enfant avec autisme. Cette comptence serait vitale dans l'tablissement de relations

    sociales avec les pairs et le dveloppement du jeu social.

    Pour de nombreux auteurs, ce serait par l'observation et l'imitation de notre environnement social

    que l'on apprendrait jouer.

    3. Dficits moteurs et psychomoteurs

    Jouer, c'est impliquer son corps (Grison, La fonction du jeu dans le dveloppement de la

    personne Tarbes 2010). Or, on l'a dit, les enfants porteurs d'autisme ont bien souvent des

    problmes moteurs associs. Que ce soit des problmes de motricit gnrale, de dextrit manuelle

    ou encore de tonus, ces aspects peuvent entraver le comportement de l'enfant dans de nombreux

    jeux. Ainsi viennent immdiatement en tte les jeux de cours de rcration o il s'agit d'tre rapide

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  • (trape trape, foot....), habile (bille