la place du jeu dans la rééducation psychomotrice d'enfants avec autisme
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Universit Paul Sabatier
Facult de Mdecine Toulouse Rangueil
Institut de formation en psychomotricit
l' Homme n'est complet que l o il joue Schiller
Mmoire en vue de l'obtention du diplme d'Etat de Psychomotricienne
HARBELOT Ingrid Juin 2011
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La place du jeu dans la rducation
psychomotrice d'enfants avec autisme :
Jouer apprendre ou apprendre jouer ?
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Remerciements
Je tiens remercier Julien Perrin , pour son soutien, sa disponibilit et lintrt qu'il a port
l'volution de mon travail.
Je remercie galement Elise Grenier, qui a supervis et orient la mise en place de ma partie
pratique par ses prcieux conseils. J'adresse par ailleurs mes remerciements l'ensemble de l'quipe
du Sessad Acces pour leur accueil chaleureux et tout particulirement Marie Hlne De Russee
(ducatrice) qui a bien voulu prendre le temps de remplir mes grilles d'observation.
Je remercie les familles de Sofian et Malika qui ont accept que j'illustre mes propos par la prise en
charge de leur enfant et de consacrer de leur temps pour rpondre mes entretiens.
Je remercie enfin toute ma famille et mes amis pour leur soutien, leur aide et leur affection.
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Ce mmoire a t supervis par :
Julien PERRIN
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PLAN
Introduction p1
Partie thorique : Autisme et jeu p2
I L'autisme.p2
A. Dfinition et critres diagnostiques p21.bref historique p22.critres diagnostiques : CIM 10 p3
B. Dficits les plus frquemment retrouvs dans l'autisme p41. Retard et htrognit de dveloppement p42. troubles moteurs (ex : motricit manuelle) p43. Particularits cognitives (Retard mental, trouble de l'attention...) p54. troubles sensoriels p75. troubles du sommeil et de l'alimentation p76. troubles psychiatriques p77. troubles neurologiques associs : pilepsie p8
C. Hypothses explicatives p81. Primaut d'un dficit en thorie de l'esprit (Baron Cohen) p82. Primaut d'un dficit dans le traitement de l'information sociale et motionnelle (Hobson et col.) p93. Primaut d'un dficit dans le traitement de l'information sensorielle p104. Primaut d'un dficit dans les FE p11
D. Prises en charges p131. Prise en charge pluridisciplinaire p132. Les mthodes p13
II Le jeu p15
A. Le jeu, un concept htrogne p15B. dfinitions p15
1. Dfinition de Reynolds p162. Dfinition de Brouguere en 5 caractristiques p163. Dfinition courante et notion de plaisir p17
C. Les pr-requis du jeu p18
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D. Le dveloppement du jeu chez l'enfant ordinaire p191. Stades de PIAGET p19
a. stade de l'intelligence sensorimotrice : le jeu sensori-moteur (0-2 ans) p19b. stade de l'intelligence propratoire : le jeu symbolique (2-6 ans) p19c. stade de l'intelligence opratoire : le jeu de construction (6-10 ans) p20d. stade de l'intelligence formelle : le jeu de rgle (10-16 ans) p20
2. Classification en rfrence la littrature actuelle p20a. jeu sensorimoteur p21b. jeu fonctionnel p21c. jeu fictionnel p21d. jeu symbolique p21
E. fonctions du jeu p221. caractristiques communes entre jeu et apprentissage p222. Le jeu soutient le dveloppement psychomoteur p23
a. Dveloppement cognitif et langage p24b. Dveloppement physique p25c. Dveloppement motionnel. p26d. Dveloppement social p26
III L'autisme et le jeu p27
A. Particularits de jeu chez l'enfant avec autisme p271.l'enfant avec autisme ne joue pas comme les autres p27
a. premiers stades acquis et caractristiques p29b. faire semblant : une tape difficile p30
2. importance du contexte et difficults de gnralisation (cole, SESSAD, domicile...) p32
B. Hypothses explicatives p321. Dficit en mta reprsentation : attention conjointe et TOM. p322. Trouble de l'interaction sociale, ccit contextuelle et imitation p343. Dficits moteurs et psychomoteurs p344. troubles des FE et difficults d'imagination p355. problme de traitement de l'information et cohrence centrale p36
C. Retentissements des difficults de jeu chez les enfants avec autisme p371. au niveau du dveloppement de l'enfant p372. au niveau de la famille p373. intrt de travailler le jeu avec un enfant porteur d'autisme p38
D. valuation du jeu p391.valuation formelle p392.valuation informelle p40
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Partie pratique : jeu dans le cadre d'une prise en charge psychomotrice auprs de deux enfants avec autisme. p41
I La problmatique p42A. Quelle est la place du jeu dans la prise en charge psychomotrice ? p42B. Comment valuer les capacits de jeu ? p43C. Comment adapter les activits de rducation pour les rendre ludiques ? p43
II prsentation des prises en charge p43A. Prsentation de la structure p44
B. Prsentation de Sofian et Malika p441.Sofian p452.Malika p47
C. PEI et axes de PEC psychomotrice p491.Sofian p492.Malika p503. points communs : jeu, attention et motricit manuelle p51
D. valuations p521. valuation des fonctions psychomotrices . p52
a. attention p52b. motricit manuelle p54
2. valuation du jeu.. p55a. prsentation de la grille d'observation p56b. rsultats : mise en parallle et exploitation p57
E. La prise en charge p611. Construction d'un projet de prise en charge en fonction du niveau de jeu de chacun mais aussi de leur profil global (prrequis) p612. les adaptations p633. la cotation des sances. p644. La mise en place, les observations et les rajustements p655. les difficults rencontres. p66
II rsultats p68
A. Rvaluation p681. des domaines psychomoteurs p68
a. attention p68b. motricit manuelle p70
2 . comparaison test-retest p71a. Sofian p71b. Malika p72
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III discussion p72
A. Peut on parler de progrs chez Sofian et Malika ? p73B. Le jeu a t-il donc t un mdiateur pertinent ? P76C. Comment valuer les capacits de jeu ? p77D. Comment adapter les activits de rducation pour les rendre ludiques ? p77E. Quelles sont les limites de la prises en charge par le jeu de Sofian et Malika ? p78
Conclusion. p80
Bibliographie p81
Annexe I : critres diagnostic autisme CIM 10 p IAnnexe II : Grille d'observation du jeu Malika p IIIAnnexe III : Grille d'observation du jeu Sofian p VIIIAnnexe IV : trame de prise en charge p XIIAnnexe V : quelques exemples de sances Sofian p XXAnnexe VI : quelques exemples de sances Malika p XXIII
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Sigles utiliss
ABA : Applied Behavior AnalysisACCES : ACCompagnemnt par l'Education SpcialiseADI-R : Autism Diagnostic Interview RevisedADOS : Autism Diagnostic Observation ScheduleAPA : American Psychiatric AssociationAVS : Auxilliaire de vie scolaireCERESA : CEntre Regional d'Education et de Services pour l'Autisme en midi PyrnesCIM 10 : Classification Internationale des Maladies version 10DIR : Developmental, Individualised and relation based programDS : Dviation StandartECSP : Evaluation de la communication Sociale PrcoceFE : Fonctions ExcutivesHAS : Haute Autorit de la SantK ABC : Kauffamn Assessment Battery for ChildrenM ABC : Movment ABC (Battrerie d'Evaluation du mouvement chez l'enfant)OMS : Organisation Mondiale de la SantPECS : Pictures Exchange Communication SystemPEI : Projet Educatif IndividualisPEP (R) : Psycho Educatif Profil (Revised)PPS : Pretend Play Scale RDEG : Regulation Disorders Evaluation Grid RM : Retard MentalSA : Syndrome d'AspergerSESSAD : Service d'Education Spcialise et de soins A DomicileT2B : Test des 2 Barrages de ZazzoTEACCH : Treatment ans Education of Autism and Related Communication handicaped ChildrenTED : Trouble envahissant du dveloppementTMT : Trail Making Test TOM : Theory Of Mind = Thorie de l'EspritTSA : Trouble du Spectre AutistiqueVABS : Vineland Adaptativ Behavior ScaleWCST : Wisconsin Card Sorting Test
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On dit souvent que La psychomotricit c'est rduquer par le jeu ! mais qu' un enfant avec
autisme ne joue pas de faon ordinaire . Comment envisager la prise en charge psychomotrice d'un
enfant porteur d'autisme ? L tait la question trs brute de dpart.
Le jeu est une mdiation cl dans une prise en charge auprs d'enfants et notamment dans une prise
en charge psychomotrice. L'enfant vient en psychomotricit afin que l'on rduque des domaines
dficitaires ce qui, en soi, n'est pas toujours source de motivation. Deux choses sont donc
ncessaires : rendre l'exercice attrayant et faire comprendre l'enfant ce qu'on attend de lui. Le jeu
est souvent le moyen privilgi d'y parvenir. De ce fait avec un enfant ordinaire on apprend en
jouant !
Cependant un enfant avec autisme a des caractristiques de dveloppement bien particulires. Ce
syndrome, en tant que trouble envahissant du dveloppement entrave l'ensemble des comptences
de l'enfant et notamment celles du jeu.
De ce fait, un enfant avec autisme aura bien souvent d'une part un niveau de jeu infrieur au niveau
attendu son ge et d'autre part ne prendra pas forcement plaisir jouer avec les mmes jeux. Il
semblait important de s'arrter quelques instants sur ces questions afin de proposer une prise en
charge des plus adaptes ces enfants.
Mais pour commencer, qu'est ce que jouer ? Quelles sont les particularits du dveloppement
autistique et ses rpercussions sur son niveau de jeu ? Quels sont les intrts et les moyens dont
nous disposons pour essayer d'en faire une valuation la plus objective possible ?
Quelles consquences cela peut-il avoir sur la prise en charge psychomotrice que l'on va leurs
proposer ? Quel est la place du psychomotricien dans tout cela ?
On se propose ici d'essayer d'claircir ces questions en prsentant brivement les grandes
caractristiques de la pathologie autistique puis en essayant d'claircir ce que recouvre le terme de
jeu . Par la suite seront mis en parallle ces deux grands concepts afin de tenter de comprendre
quelles sont les particularits du jeu chez l'enfant avec autisme.
Pour finir, dans une partie pratique seront prsents deux exemples de prises en charge
psychomotrices auprs d'enfants avec autisme. L'accent sera mis sur l'valuation et sur l'adaptation
leur niveau de jeu afin d'essayer de mettre en lumire les difficults et les possibilits quant
l'utilisation du jeu dans une prise en charge psychomotrice d'enfants avec autisme.
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Partie thorique : Autisme et jeu
I L'autisme
A. Dfinition et critres diagnostic
L'autisme est un trouble neuro-dveloppemental touchant 6,3 naissances sur 1000 environ selon les
dernires tudes (mta-analyse Fombonne 2009) et plus frquemment les garons (sex ratio : 1/4).
1.bref historique
L'autisme est une pathologie qui a t dcrite pour la premire fois par Lo Kanner en 1943. La
plupart des signes qu'il a dcrits l'poque sont encore valables aujourd'hui dans la forme classique
d'autisme (incapacit dvelopper des relations, difficults d'interactions avec les personnes,
intrt plus grand pour les objets que pour les personnes, retard et mauvaise utilisation du langage,
jeux rptitifs et strotyps, grande rsistance au changement, apparence physique normale et
intelligence normale)
Par la suite il rsumera le syndrome deux lments prsents avant 2 ans :
- recherche d'immuabilit au travers de routines rptitives
isolement extrme
Bien que de faon gnrale les observations de Kanner soient vraies, certaines donnes ont t
remises en cause par la suite :
-Kanner associait l'absence de stigmates physiques l'absence de troubles organiques, or on
sait aujourd'hui qu'il y a de nombreux troubles organiques associs.
- Il pensait que l'enfant autiste ne pouvait pas avoir de retard mental, or il est couramment
admis aujourd'hui qu'un dficit intellectuel est associ dans 70% des cas.
-Bien que Kanner ait remarqu que ce trouble affectait les enfants ds la naissance, il avait
aussi relev qu'ils venaient tous d'un milieu assez ais avec des parents qui se comportaient de
manire froide l'gard de leurs enfants . Cela a par la suite engendr de nombreuses hypothses
explicatives alors que cela venait en ralit d'un biais de l'chantillon (seuls les plus aiss pouvaient
le consulter).
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Aujourd'hui encore, certains parlent d'autisme de Kanner pour parler de la forme pure donc non
associe une pathologie neurologique (telle que la sclrose tubreuse de Bourneville) mais il faut
rester prudent car cela ne signifie pas, sans base biologique (on sait en effet aujourd'hui que les
facteurs gntiques sont prpondrants).
2.Critres diagnostics : CIM 10
La ralisation d'un diagnostic d'autisme et son valuation est dfinie selon les recommandations
nonces par la Haute Autorit de la Sant (Recommandation pour la Pratique Professionnelle du
diagnostic d'Autisme, HAS 2010). La classification de rfrence est la CIM 10 (Classification
internationale des maladies version 10) de l'OMS (Organisation Mondiale de la Sant).
Selon la CIM 10, l'autisme infantile appartient la catgorie des TED (Troubles envahissants du
Dveloppement). Pour pouvoir porter le diagnostic d'autisme infantile il faut :
-prsence avant l'ge de trois ans d'anomalies ou d'altrations du dveloppement dans au
moins un des domaines suivants :
-langage
-dveloppement des attachements sociaux ou interactions sociales
-jeu fonctionnel ou symbolique
-au moins six items dont :
-au moins deux concernant les anomalies qualitatives des interactions sociales
rciproques
-au moins un concernant les anomalies qualitatives de la communication
-au moins un concernant les intrts restreints et les comportements rptitifs et
strotyps (cf annexes pour l'intgralit des items).
Ces trois catgories de symptmes sont souvent regroups sous le terme de triade autistique
L'autisme est donc un trouble neuro-dveloppemental qui affecte de faon svre les interactions et
la communication mais aussi bien d'autres aspects du dveloppement des enfants qui en sont
porteurs. De plus, bien souvent, d'autres difficults sont associes.
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B. Dficits associs les plus frquemment retrouvs dans l'autisme
1. Retard et htrognit de dveloppement
Dans l'enfance, avant que le diagnostic d'autisme ne soit pos, il est trs frquemment not un retard
de dveloppement (psychomoteur, langage, veil l'environnement....). On constate le plus souvent
que ce retard ne concerne pas de faon identique tous les pans du dveloppement : on parle
d'htrognit du dveloppement. L'enfant peut mme, dans certains domaines, avoir des capacits
suprieures au niveau attendu pour son ge alors que dans d'autres un grand retard sera prsent.
Bien que ce phnomne dit de l'idiot savant ne soit pas spcifique l'autisme (Rog 2008) ces
lots de comptences sont tout de mme caractristiques du fonctionnement autistique et bien plus
frquents dans ce syndrome que dans les autres troubles du dveloppement. Bien souvent ces lots
de comptences sont en lien troit avec les intrts de lenfant.
2. troubles moteurs : ex de la motricit manuelle
De nombreuses tudes ont mis en vidence que les anomalies du mouvements taient trs
frquentes chez les enfants porteurs d'autisme. Par exemple, Green et son quipe (2009) ont fait
passer le M ABC 101 enfants porteurs d'autisme,ils ont trouv que 79,2% d'entre eux se trouvaient
trs en difficults (infrieur au cinquime percentile). Cependant, si ces anomalies font quasiment
partie intgrante du syndrome, elles sont nanmoins non spcifiques et extrmement variables
d'un individu l'autre tant dans leur frquence que leur intensit (Perrin et col. 2009)
Dans le dveloppement prcoce, le bb porteur d'autisme peut prsenter des particularits motrices
(hypo ou hypertonie, anomalies posturales, difficults de coordination....). Ces anomalies peuvent
affecter aussi bien la motricit globale que fine et aussi bien la motricit instrumentale (adaptation
l'environnement) que de relation (communication non verbales) (Rog, 1991).
Concernant la motricit gnrale, les problmes d'initiative, la marche sur la pointe des pieds ou les
mouvements strotyps parasitant le mouvement global sont trs frquents.
Au niveau facial, la mobilit est souvent rduite (mimiques pauvres...).
Concernant la motricit manuelle, comme cela sera illustr en partie pratique, les difficults sont
galement souvent importantes. On constate des particularits lies au retard de dveloppement
(prhension archaque, grasping persistant, dfaut de croisement de l'axe du corps, dfaut de
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latralisation) (Hauck et Dewey 2001). On peut constater galement des dfauts de coordinations
oculomanuelles : l'enfant porteur d'autisme soutient rarement son action par le regard focalisant ce
dernier le plus souvent sur un dtail de l'environnement.
Par ailleurs, les rsultats de l'tude de Green cite prcdemment tendent montrer que parmi les
trois preuves du M ABC, les enfants porteurs d'autisme les chouaient tous mais obtenaient les
scores (de dgradation ) les plus haut au niveau de l'preuve des coordinations oculomanuelle
(pegboard, note standard moyenne : 3,5 ).
3. particularits cognitives (RM, attention...)
Retard Mental (RM)
Le RM est trs frquemment associ l'autisme. On estime que ce serait le cas dans environ 70 %
des cas. Le quotient intellectuel d'un enfant porteur d'autisme se trouverait dans la majorit des cas
entre 35 et 50 (Rog 2008).
De plus, comme cela a t dit prcdemment, le syndrome autistique est caractris par une
htrognit de dveloppement qui peut se retrouver galement au niveau cognitif. Il a t montr
par exemple chez les enfants porteurs d'autisme qu'on retrouvait frquemment un QI performance
plus lev que le QI verbal. Ce serait la plupart du temps l'inverse chez les personnes atteintes du
syndrome d'Asperger.
Par ailleurs, les personnes avec autisme prsentent des modes de fonctionnement cognitif
particulier. Ainsi, Mottron (2004) prcise ainsi que les autistes utilisent la perception autrement
que ne le font les personnes ordinaires pour rsoudre des tches censes faire appel
l'intelligence . En effet, de nombreuses tudes ont pris comme chantillon de rfrence des enfants
apparis en QI et ont montr des particularits cognitives des enfants avec autisme. Des lots de
comptences sont frquemment dcrits (mmoire par cur, discrimination ...) alors que d'autres
domaines, notamment ceux ayant attrait au symbolisme, sont trs largement dficitaires.
Trouble de l'attention :
Comme cela illustr en partie pratique, les personnes avec TED prsentent souvent des difficults
attentionnelles. Cependant, il est parfois difficile de faire la part des choses entre Trouble
Attentionnel avr (rsultats aux preuves caractristiques) et difficults attentionnelles lies des
difficults de comprhension, distractibilit sensorielle, problme de hirarchisation des
informations...
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Diverses tudes se sont intresses au sujet et ont montr que les diffrents paramtres de
l'attention (recherche, orientation de l'attention, filtrage attentionnel) n'taient pas affects de la
mme manire.
Concernant les stimuli non sociaux, la recherche attentionnelle visuelle serait prserve voire
suprieure chez ces enfants. Cela s'expliquerait plus par des capacits perceptives importantes que
par une relle supriorit attentionnelle. (Baron Cohen 2001).Cela a notamment t mis en
vidence par une tude rcente en IRM fonctionnelle (Belmonte et Yurgelun-Todd 2003) qui montre
que la perception et l'attention n'ont pas les mmes relations chez les personnes avec autisme, la
perception semblant avoir un rle prdominant. En effet, on constate une plus grande activation des
aires perceptives visuelles que des aires responsables de l'attention lors des tches de recherche
visuelle chez les personnes avec autisme.
A l'inverse, l'orientation attentive serait trs souvent dficitaire. La capacit s'orienter vers une
cible visuelle priphrique serait en effet ralentie dans l'autisme (Wainwright et Bryson 1996).
Pour finir, le filtrage attentionnel serait galement atteint. De ce fait, la prsence de distracteurs
gnerait d'avantage les personnes avec autisme que les autres (Burack 1994).
Concernant les stimuli sociaux, l'orientation de l'attention est diffrente chez les personnes avec
autisme. En effet, les saccades oculaires de ces personnes vers des cibles sociales sont plus rares,
moins longues et orientes sur des lments peu pertinent (bouche, front, menton...).
Ainsi, chez les enfants porteurs d'autisme , des performances attentionnelles intactes voire
suprieurs peuvent se retrouver avant tout pour du matriel non social (recherche visuelle..) alors
que des dficits ou anomalies importantes sont dcrites lorsque le matriel est social.
Par ailleurs la comorbidit entre TED et TDA/H est importante.
Autres troubles d'ordre cognitif :
De nombreuses autres particularits cognitives peuvent tre dcrites et plusieurs d'entre elles ont fait
l'objet d'hypothses explicatives (cf paragraphe hypothses explicatives).
Elles concernent :
- Le problme de traitement de l'information (sociale, motionnelle et sensorielle)
- Le dficit en thorie de l'esprit
- Les troubles des fonctions excutives
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4. troubles sensoriels
La sensorialit comporte, elle aussi, de multiples anomalies d'apparition prcoce. Cela peut toucher
tous les sens et se manifester par une hypo ou une hyper-ractivit. Bien souvent le sujet prsente
une alternance entre une sensibilit trop rduite certains moments et exagre d'autres.
Les particularits sensorielles se situent au niveau de la perception (seuils de perception variable),
du traitement de l'information sensorielle et des rponses comportementales (recherche de
stimulation, conduites d'vitement).
5. troubles du sommeil et de l'alimentation
Les troubles du sommeil sont quasiment la rgle (45 86 % de cas selon le corpus de connaissances
partages sur l'autisme et les autres TED, HAS 2010). Les insomnies peuvent concerner
l'endormissement ou les rveils nocturnes. Elles peuvent s'accompagner de strotypies motrices
(balancements...). Les perturbations de l'alimentation sont galement rpandues : ds la naissance le
bb peut ne pas prsenter de rflexe de succion. Par la suite on constate frquemment une hyper
slectivit alimentaire.
6. troubles psychiatriques
De nombreux dsordres psychiatriques peuvent tre retrouvs chez les enfants porteurs d'autisme
tels que l'anxit, la dpression, les phobies, le mutisme lectif, les dsordres d'attention avec
hyperactivit, les troubles bipolaires, comportements d'opposition...
La frquence de ces troubles varie selon les auteurs (de 10 % pour Ghaziuddin et col. (1992), 70
% pour Simonoff et col. (2008)). Quoi qu'il en soi, il est consenti que ces troubles sont frquents (50
70 % selon l'HAS) et souvent associs (Siminoff et col. 2008).
Certains pensent que ces troubles psychiatriques pourraient expliquer parfois les troubles du
comportement des personnes autistes les plus dficitaires qui n'ont pas d'autres moyens de
communiquer leurs dsirs (Ghaziuddin et col. 2005).
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7. troubles neurologiques associs : pilepsie.....
L'pilepsie serait retrouve dans environ 20 25 % des cas et serait d'autant plus frquente chez les
TED avec retard mental et de sexe fminin (socle de connaissance de l'HAS 2010)
L'autisme est donc un trouble grave touchant prioritairement les interactions, la communication, et
les centres d'intrts de l'enfant. Cependant, il semble important de garder lesprit que bien
dautres aspects du dveloppement de l'enfant sont galement affects (fonctions sensorielles,
fonctions excutives, fonctions psychomotrices) et peuvent venir compliquer, parfois de faon
importante, le prise en charge propose (cf partie pratique). Mais comment expliquer ces modes de
fonctionnement si particulier ?
C. Hypothses explicatives
Il est aujourd'hui globalement admis que les causes purement psychologiques (mres trop froides et
distantes de Bettelheim ....) ne peuvent tre retenues et que l'autisme est un trouble
neurodveloppemental. C'est notamment ce qu'nonce le socle commun de connaissances de
l'HAS : Les facteurs psychologiques parentaux, en particulier maternels, et les modalits
d'interactions prcoces n'expliquent en aucune faon la survenue de TED. Il existe un consensus de
plus en plus large sur la nature neuro-dveloppementale Ce sont donc prsent les causes
gntiques et neurologiques qui sont explores. Concernant les hypothses explicatives, il en existe
de nombreuses qui ont tent d'expliquer le fonctionnement de cette intelligence diffrente mais
aucune ne fait consensus. Cela tient notamment au fait que chacune d'entre elle l'avantage
d'expliquer une partie du fonctionnement de l'autisme mais aucune d'elle n'arrive expliciter
l'intgralit des symptmes. Ces modles sont donc incomplets et complmentaires et c'est
probablement un ensemble de dysfonctionnements qui pourrait expliquer le syndrome au complet.
1. Primaut d'un dficit en thorie de l'esprit (Baron Cohen 1985, 1993) : le modle
mta-reprsentationel
La thorie de l'esprit est la capacit attribuer des tats mentaux autrui. Cela implique deux
tapes :- Dduire les souhaits de son interlocuteur partir de la prise en compte du discours et des
comportements de la personne
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- Dduire ltat mental de son interlocuteur compte tenu de la satisfaction ou non de ses
souhaits.
Pour un enfant avec autisme, ces oprations cognitives sont trs complexes, et ce, indpendamment
de son niveau intellectuel.
Pour Baron Cohen ce dficit en Thorie de l'esprit serait la base du syndrome autistique (concept
de ccit mentale). Il a notamment dmontr que les personnes avec autisme ont un dficit en
Thorie de l'esprit grce la tache de Sally et Ann qu'il a fait passer des enfants porteur, d'un
cot d'autisme, et de l'autre du syndrome de Down (donc avec retard mental) qui avaient tous bien
plus que 4 ans (ge auquel la thorie de l'esprit est habituellement en place). Il a obtenu 20 % de
russite pour les enfants porteurs d'autisme versus 86% pour les enfants porteurs du trisomie 21.
Baron Cohen en a conclu que le dficit en thorie de l'esprit tait bien une caractristique spcifique
des personnes avec autisme (Baron Cohen et col. 1985).
Par la suite une autre tude prcisera que seuls certains aspects de la thorie de l'esprit seraient
dfaillants chez ces enfants (les croyances, ce que l'autre sait, les motions lies la cognition, et
les relations entre le fait de voir et le fait de savoir) (Baron Cohen et col. 1993).
Cette hypothse permettrait d'expliquer notamment les difficults relationnelles (communication et
interactions sociales) et d'imagination des enfants avec autisme. En effet, comment ragir de faon
adapte lorsque lon est incapable de se mettre la place de l'autre et dimaginer ce qu'il ressent ?
Ce modle justifierait galement la raret de jeu symbolique, l'utilisation limite de gestes
expressifs... Cependant ce modle peine expliquer l'intolrance aux changements et les
strotypies motrices.
2. Primaut d'un dficit dans le traitement de l'information sociale et motionnelle
(Hobson et col. 1986, 1993) : le modle motionnel
Pour d'autres auteurs tels qu'Hobson, le syndrome autistique s'expliquerait par des difficults dans le
traitement de l'information sociale, motionnelle et affective des stimuli. De ce fait, les enfants
porteurs d'autisme ne parviendraient pas dcoder de faon efficace les communications non
verbales et les codes sociaux. En effet les enfants avec autisme se montrent trs dficitaires dans les
tches de dcodage des communications non verbales, d'appariement d'une motion un contexte.
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Par ailleurs, il leur est galement difficile d'exprimer leurs propres motions. Ce serait donc le
partage motionnel qui constituerait le problme principal de l'autisme. Cette incapacit inne
rentrer en contact motionnel avec autrui entranerait des difficults de reconnaissance des tats
mentaux, d'abstraction, de symbolisation,et de langage.
Nanmoins, comme le prcdent, ce modle ne permet pas d'expliquer les strotypies motrices et
les intrts restreints.
3. Primaut d'un dficit dans le traitement de l'information sensorielle : le modle de
la cohrence centrale ( Frith 1989)
Des difficults au niveau du traitement de l'information sont retrouves chez les personnes avec
autisme. Ces difficults pourraient s'expliquer par un dficit 2 niveaux :
-problme de saisie de l'information d notamment aux troubles sensoriels dcrits
prcdemment (cf seuils de perceptions variables). Par ailleurs, les enfants avec autisme
prsenteraient des difficults pour se dtacher dune modalit sensorielle initiale et ne
parviendraient pas recoder une information sur une autre modalit. Autrement dit, ces
enfants seraient capables de reproduire de faon brute linformation perue (restitution
de passages entiers de dessins anims, de mlodies, de slogans publicitaires) mais
prouveraient des difficults pour leur donner du sens.
-problme d'intgration des informations Uta Frith a mis l'hypothse selon laquelle dans
l'autisme la faiblesse de la cohrence centrale (difficult faire d'un ensemble de dtails un
tout cohrent) pouvait rendre compte de difficults d'intgration fonctionnelle de
l'information .
Ces enfants ont donc une faon particulire d'explorer leur environnement et de slectionner les
informations pertinentes. Ainsi, ils ont prfrentiellement une intgration monomodale, cest dire
quils privilgient le traitement dun canal sensoriel. Les personnes avec autisme disent ainsi que
lorsquelles regardent leur interlocuteur, elles ont des difficults pour intgrer le message verbal.
Cette hypothse permettrait notamment d'expliquer les comportements restreints et lattachement
aux dtails (ex ; ne s'intresse qu'aux petites roues de la voiture...) mais galement les difficults de
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thorie de l'esprit (ne s'attache qu' une partie de la dclaration d'autrui et en conclut donc de faon
errone son tat mental). En revanche ce modle peine expliquer les difficults de communication
et le retard de langage.
4. Primaut d'un dficit dans les Fonctions Excutives (FE) : le modle frontal
L'hypothse d'un dficit des FE chez les enfants avec autisme a fait suite l'observation des
difficults mais aussi de points communs au niveau moteur, cognitif et comportemental entre les
patients autistes et fronto-lss. Ainsi, comme dans les tableaux frontaux il a t mis en vidence
par diffrentes tudes que les enfants prsenteraient des difficults dans lensemble des
composantes des fonctions excutives. Ce serait ces difficults qui expliqueraient en partie la
symptomatologie autistique (comportements restreints et strotyps, difficults de rgulation
motrice, etc...)
Concernant la flexibilit, il a t montr par exemple d'importantes erreurs de persvrations et des
difficults de changements de stratgies dans les tches type WCST (Wisconsin Card Sorting Test)
ainsi que des difficults de planification dans les preuves de tours de Londres ou Hanoi (Ozenoff et
Jensen 1999).
Concernant l'inhibition, les rsultats des tudes diffrent selon le test utilis : alors que des
difficults sont retrouves au Trail Making Test (Goldstein et al. 2001), il semblerait que le Stroop
(Ozenoff et Jensen 1999) ou le go/no go (Happ et al. 2006) ne pose pas de soucis particuliers aux
enfants porteurs d'autisme. Il serait donc probable que seule une partie des mcanismes d'inhibition
soit altre dans l'autisme.
Par ailleurs, les personnes porteuses d'un Trouble du spectre Autistique (TSA) prsenteraient un
grand dficit en attention slective et en attention soutenue (Nyden et col. 1999).
Pour finir un dficit en mmoire de travail serait galement retrouv dans l'autisme. Pour
Pennington (1996), il serait mme l'origine de toutes les autres difficults en FE. Il y aurait
cependant une amlioration avec l'ge des capacits de FE chez les personnes TED (Happ et col.
2006).
Selon une tude de Blanc et col (2005) qui sera redveloppe ultrieurement, ces difficults au
niveau des fonctions excutives (rgulation) auraient des rpercussions sur cinq domaines
dficitaires dans l'autisme :
le dveloppement de la communication et du langage (les enfants ayant les activits les plus
dsorganises et les plus inconsistantes tant ceux qui dveloppent des interactions sociales le plus
11
-
tardivement (Adrien 2001). Les retards de rgulation appauvriraient en fait les processus de
mentalisation ncessaires dans la communication.
L'imitation
le dessin
l'image mentale : les enfants avec autisme auraient plus de difficults que les autres comprendre
le concept de rve, parler des leurs ainsi que de leurs tats mentaux (Baron Cohen 1989)
le jeu de faire semblant
Les outils dimagerie mdicale actuelle (ex : IRM fonctionnelle) permettent dtayer ces
observations et tendent montrer d'une part un retard de maturation du cortex frontal et d'autre part
des activations crbrales diffrant de la normale lors de taches de FE chez les enfants porteurs
d'autisme..
Pour les adeptes de ce modle, ce serait donc ces difficults qui seraient primaires dans le syndrome
autistique. Contrairement aux modles prcdents, celui-ci a le mrite d'expliquer un grand nombre
de symptmes autistiques. Alors qu'il justifie trs bien les comportements restreints et strotyps, il
permettrait galement d'expliquer le manque de cohrence centrale. En effet ce serait une incapacit
passer d'une information une autre (flexibilit) et notamment d'un niveau focal un niveau
global qui pousserait l'enfant avec autisme se focaliser sur un dtail. De mme le dficit en
mmoire de travail engendrerait une focalisation sur une information plus restreinte (dtail). Ce
modle permettrait galement d'apporter une explication quant aux troubles des interactions sociales
dans le sens o il y aurait une forte corrlation entre attention conjointe et flexibilit cognitive. De
mme les cholalies seraient rattaches un manque de flexibilit ....
L'autisme est donc un trouble neurodeveloppemental grave, qui ne se gurit pas (en l'tat actuel des
connaissances mdicales) et qui entrave l'ensemble du dveloppement de l'enfant. Malgr de
grandes dissonances concernant l'tiologie prcise de ce trouble, il y a un consensus concernant les
consquences : une entrave au dveloppement global de l'enfant. Il parat donc important de
garder lesprit tous les traits du fonctionnement autistique voqus prcdemment car l encore
cela permet souvent de comprendre certaines ractions de nos patients premire vue bien
tranges et justifie la mise en place de prise en charge spcifiques.
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-
D. les prises en charges
L'enfant avec autisme prsente des particularits de fonctionnement. Face cela, il convient de
proposer des prises en charge adaptes.
1. prise en charge pluridisciplinaire, prcoce et structure
Lhtrognit des dveloppement des personnes TED implique la mise en place de prises en
charges multidisciplinaires. De plus, la spcificit des troubles autistiques implique, comme le
prcise le socle commun des connaissance de lHAS (2010), une connaissance des pratiques
actuelles et des ressources disponibles sur le territoire . Enfin, les particularits de fonctionnement
de ces patients (difficult de gnralisation, trouble de la communication) demande de la part des
professionnels engags dans le suivi une coordination importante.
Par ailleurs un autre rapport de l'HAS spcifiques aux mthodes d'interventions auprs de ce public
prcise qu'il est aujourd'hui couramment admis que l'efficacit de la prise en charge est largement
conditionne par la prcocit des interventions,de leur caractre individualis et structur mais
aussi de leur construction sur des objectifs hirarchiss et spcifiques reposant sur une valuation
fonctionnelle et enfin sur des actions tendues aux diffrents milieu de vie des personnes pour
favoriser la gnralisation de leurs acquisitions (Interventions ducatives, pdagogiques et
thrapeutiques proposes dans l'autisme, HAS 2007).
2. Les mthodes
Il existe diffrents types d'interventions ducatives, pdagogiques et thrapeutique actuellement
utilises dans la rducation de l'enfant porteur d'autisme : programme rfrence
comportementale, dveloppementale ou encore psychanalytique.
Programme d'intervention rfrence comportementale : ex : ABA (Applied Behavior
Analysis)
Cette mthode est base sur les principes de l'apprentissage et du conditionnement. Lhypothse est
qu'un comportement est issu d'vnements antcdents et qu'il a des consquences (positives ou
ngatives) qui modifient sa probabilit d'apparition ultrieure. La mthode ABA consiste analyser
les conditions d'apparition d'un comportement et d'essayer de les modifier pour faire voluer le
comportement (analyse fonctionnelle).Par ailleurs, elle agit sur les consquences grce l'utilisation
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de renforcements extrinsques (sans rapport avec la tche). Les renforcements positifs sont censs
augmenter la probabilit du comportement positif cible (sociaux) alors que les renforcements
ngatifs ou l'absence de renforcements visent faire disparatre les comportements problmes.
Le programme Lovaas est le plus connu des programmes ABA. C'est un programme de stimulation
intensif (40 heures par semaines) qui fonctionne essentiellement sur le principe des essais distincts
multiples : l'intervenant donne un ordre simple (stimulus), l'enfant y rpond, l'intervenant renforce
positivement les bonnes rponses (ou s'en approchant) afin d'augmenter la probabilit de
rapparition, et ignore ou corrige les mauvaises afin d'en diminuer la probabilit de rapparition.
Puis la consigne est de nouveau nonce (1 10 fois). La cotation rigoureuse de chacun des essais
permet de traduire la progression de l'enfant de faon trs prcise.
Programme d'intervention rfrence dveloppementale : ex : TEACCH
(Treatment ans Education of Autism and Related Communication handicaped Children)
Les interventions dveloppementales sont bases sur l'utilisation des intrts de l'enfant pour
stimuler le dveloppement de la communication et des interactions sociales. TEACCH n'est pas un
programme d'intervention mais plutt un ensemble de services permettant la prise en charge de
l'enfant TED. La philosophie TEACCH se fonde sur diffrents principes :
- Le partenariat avec les parents : expert de leur enfant
- L'valuation prcise du profil de l'enfant via le PEP-R et l'observation clinique de l'enfant
avant et aprs (pour objectiver l'efficacit de la prise en charge)
- La constitution d'un PEI dtaill prenant comme objectifs les domaines valus en
mergence et les intrts de l'enfant. Chaque objectif se doit d'tre oprationnel ( court
terme et port sur une action prcise) On parle d'approche positive car cela met l'enfant en
situation de russite.
- L'adaptation rciproque : de l'enfant aux exigences de l'adulte et de la socit dans laquelle
il vit mais aussi de l'adulte aux capacits, besoins de l'enfant (lutte contre
l'institutionnalisation)
- La structuration spatio-temporelle
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- L'approche est dites gnraliste c'est dire que chaque professionnel doit avoir une
connaissance globale de l'autisme et de tous les dficits que cela engendre et s'occuper des
difficults de l'enfant dans sa globalit.
Approche psychanalytique :
On peut aussi trouver des mthodes d'obdience psychanalytiques. Cependant nous ne les
dvelopperons car le SESSAD dans lequel se droulera toute la partie pratique utilise des mthodes
d'obdience comportementale et dveloppementale et il semblait donc plus pertinent de dvelopper
particulirement ces mthodes dans un souci de meilleure comprhension de la partie pratique.
II Le jeu
Avant de voir les particularits du jeu chez l'enfant avec autisme, il convient tout d'abord de dfinir
le concept de jeu .
A. Le jeu : un concept htrogne
Le jeu recouvre un champ trs vaste d'activits. En effet il est possible aussi bien de jouer la
marelle que de jouer un jeu de hasard, un jeu vido, ou encore au football. Mais qu'y a t-il de
commun tous ces actes ? Peu de choses. Il relve quasiment de l'impossible d'numrer une liste
de caractristiques communes et propres au jeu. Comme le soulignait Wittgenstein (1961) il n'y a
pas forcement quelques chose de commun sous tout ce qui porte le mme nom . Il suffirait donc
qu'il y est un point commun entre quelques jeux qui eux mmes auraient des caractristiques
semblables quelques autres pour que tous soient appels jeu.
Le jeu peut tre un objet (jeu de cartes), un ensemble de rgles et de principes (les checs en dehors
des pions et du plateau) ou encore une activit lie au fait de jouer, ne sera dvelopp ici que le
dernier aspect qui correspond en ralit au verbe jouer. Malgr cela, il n'en reste pas moins une trs
grande diversit et donc une difficult de dfinition.
B. Dfinitions
Il n'est pas possible de trouver des caractristiques attribuables tous les jeux et propres seulement
ceux ci. Cependant il semble tout de mme primordial de parvenir baucher une dfinition de ce
que l'on peut mettre sous ce terme. Certains auteurs s'y sont essays. Aucune de ces dfinitions n'est
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donc ni exacte ni parfaite mais elles ont le mrite d'essayer de dessiner les contours trs flous de
cette notion complexe et de la diffrencier de ce que n'est pas le jeu (souvent regroup sous le terme
de travail). Il convient d'accepter que les diffrentes caractristiques des dfinitions suivantes soient
plus ou moins prsentes en fonction du type de jeu auquel on fait rfrence.
1.Dfinition de Reynolds
Reynolds (cit par Bruner 1983), dit que Le caractre ludique d'un acte ne provient pas de la
nature de ce qui est fait mais de la manire dont cela est fait...Le jeu ne comporte aucune activit
instrumentale qui lui soit propre .
Deux caractristiques sont mises en vidence dans cette dfinition : D'une part, le jeu dpend donc,
non pas de l'acte du joueur, mais de son ressenti de joueur : ce que quelqu'un considre comme un
jeu peut ne pas l'tre du tout pour une autre personne. Cet aspect sera approfondi en partie pratique
car c'est ce qui rend complique toute prise en charge base sur le jeu : ce qui est considr comme
jeu par le thrapeute peut ne pas l'tre du tout pour le patient. Dautre part, le jeu fait appel des
comptences relatives dautres domaines, qui ne lui sont pas spcifique (ex : capacits cognitive,
capacits de reprsentation, etc)
2.dfinition de G. BROUGERE en 5 caractristiques :
Brougre dans son ouvrage jouer/apprendre (2005) nous propose, partir de la synthse de
plusieurs auteurs, une dfinition du jeu en 5 caractristiques classs par ordre d'importance.
- Le second degr : Le jeu rutilise des comportements ou actes moteurs appartenant d'autres
activits dont il modifie le sens. Bateson (1977) dit ce propos que le jeu n'est possible que si les
organismes sont capables d'changer des signaux vhiculant le message ceci est un jeu (ex : on
dirai que ). Ce qui caractrise le jeu c'est donc son caractre non rel, faux . C est une
modlisation dune activit ordinaire qui implique diverses modifications. La fonction normale de
laction nest pas vise, les actes sont exagrs, la squence nest pas suivie fidlement (rptition,
coupures, insertion), et il y a des signaux pour indiquer le dbut et la fin (Goffman )
- La dcision : On choisit de jouer, cela ne doit pas tre une contrainte. Selon Duflo (1997),
l'Homme doit avoir au moins l'impression d'tre libre de jouer ou de ne pas jouer . Bien
videmment se pose ici des questions d'ordre philosophique sur ce qu'est la libert. D'autre part pour
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-
beaucoup d'auteurs (cf fonctions du jeu), le jeu est indispensable au bon dveloppement de l'enfant :
de ce point de vue il ne serait pas libre de jouer puisque cela serait ncessaire au niveau biologique.
Face ce problme, Brougure utilise donc plus volontiers le terme de dcision. Le jeu peut donc
tre dfini comme une succession de dcisions dans un univers o le second degr confre une
puissance exceptionnelle celles-ci .
-La rgle : Ce qui organise la dcision c'est la rgle. La rgle c'est ce qui est impos ou adopt
comme ligne de conduite (le petit Robert). Jouer c'est donc dcider d'accepter la rgle comme
support de mon action . Quand la loi remplace la rgle on sort du cadre du jeu (ex : dans le sport
de haut niveau).
-la frivolit : Le jeu est une activit gratuite, sans consquence. Ainsi, le jeu fournit l'occasion
d'essayer des combinaisons de conduites qui sous des pressions fonctionnelles ne seraient pas
tentes ( Bruner 1983). Le jeu permet donc de faire semblant d'agir alors que dans la ralit, cette
action ne serait pas admissible (se battre), possible (faire semblant de voler, d'tre la maman) ou
trop dangereuse. De plus le rsultat est sans consquence : si on perd ce n'est pas grave, ce n'est
qu'un jeu ... .
-l'incertitude : on ne sait pas comment va se terminer le jeu (si lon va gagner ou perdre, quand le
jeu de papa/ maman va s'arrter, etc...).
Bien qu'il faille en thorie les cinq caractristiques pour pouvoir parler de jeu, elles peuvent tre
plus ou moins prsentes et il existe certaines exceptions. Par exemple s'il n'y a plus d'incertitude
c'est la triche mais cela peut parfois tre tolr. De mme, si on enlve la dcision cela devient un
exercice mais au final l'individu peut se prendre au jeu et passer du statut de l'lve celui de
joueur...
3. dfinition courante et notion de plaisir
En synthse, le jeu peut tre dfini comme une activit de loisirs d'ordre physique ou bien
psychique, soumise des rgles conventionnelles laquelle on s'adonne pour se divertir, tirer du
plaisir et de l'amusement (Wikipdia). Ainsi l'on retrouve globalement les caractristiques
prcdentes du jeu. Cependant, ici transparat une notion supplmentaire fondamentale : la notion
de plaisir.
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C'est pourtant le critre qui semble le plus vident aux experts du jeu : les enfants. Ainsi M.R Moro
(2006) dans le cadre d'un colloque interview deux enfants (de neuf et douze ans) sur la dfinition
qu'ils ont du jeu. Pour Pablo, 9 ans, le jeu c'est quelques chose de bien... si un enfant ne joue pas
du tout il sera trs triste...jouer c'est s'amuser, ne pas passer tout son temps travailler Lola,12
ans, place elle aussi le plaisir en premire ligne jouer, c'est faire un truc qui fait passer le temps
avec plaisir .
Ainsi le jeu est une notion complexe dfinir. Bien quon ne puisse en donner une dfinition
exhaustive, ses caractristiques principales doivent guider notre rflexion.. Il sera illustr en partie
pratique ltroitesse de la frontire entre jeu et travail en situation de prise en charge et comment
ces caractristiques principales ont guid la mise en place de la prise en charge afin de sassurer
de rester dans le cadre du jeu.
C. Les pr-requis du jeu
Le jeu est une activit que l'enfant ordinaire investit de faon spontane quasiment depuis les
premiers jours de vie. Cela pourrait laisser penser que c'est une activit d'une certaine simplicit. En
ralit ce n'est pas du tout le cas. Le jeu implique la manipulation d'un grand nombre de
comptences de faon simultane qui se complexifient au cours du dveloppement de lenfant. C'est
notamment des difficults concernant ces pr-requis qui pourraient expliquer les altrations quant
aux capacits de jeu chez les enfants porteurs d'autisme. Ils ne seront ici que lists et dtaills dans
la partie Autisme et jeu, hypothses explicatives. On peut rpertorier :
- La capacit de mta reprsentation : attention conjointe et TOM.
- La capacit d'interaction sociale, adaptation contextuelle et imitation
- Les capacits motrices et psychomotrices
- les capacits en FE et imagination
- Le traitement de l'information correct et cohrence centrale
Le jeu est donc une notion complexe faisant appel un grand nombre de pr-requis. Au fur et
mesure du dveloppement, l'enfant acquiert de plus en plus de comptences lui permettant de faire
voluer son niveau de jeu. Comment se droule la mise en place de ces capacits de jeu chez
l'enfant ordinaire ?
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D. Le dveloppement du jeu chez l'enfant ordinaire
1.Stades de PIAGET
En terme de jeu, il est souvent admis par l'ensemble des auteurs que Piaget, psychologue Suisse, est
l'un des auteurs incontournables. Il a en effet consacr une grande partie de son uvre la
description du dveloppement de l'intelligence et fait un parallle avec le jeu chez l'enfant. Pour cet
auteur, tout le dveloppement de l'enfant s'effectuerait par stade : il a donc dcrit les diffrents
stades de l'intelligence dans l'enfance puis il a dcrit paralllement des stades de jeu associs.
Certains d'entre eux restent encore aujourd'hui la rfrence en la matire. Il a dcrit quatre stades.
a. stade de l'intelligence sensori motrice : le jeu sensori-moteur (0-2 ans)
Dans cette phase, le dveloppement de l'intelligence est fond sur l'action, le mouvement et les sens
du bb d'une part et sur l'interaction physique qu'il a avec l'environnement d'autre part. C'est
travers ces interactions que le petit enfant commence comprendre les proprits du monde qui
l'entoure. Une des acquisitions importantes de ce stade est la permanence de l'objet (comprendre
que ce qui n'est plus directement visible existe toujours).
Le jeu qui caractrise cette phase est essentiellement le jeu sensori-moteur : l'enfant explore tout son
environnement l'aide de ses sens et de ses mouvements. Il prouve du plaisir exercer du pouvoir
sur son corps et en explorer les limites.
La fin de ce stade et le passage au suivant est caractris par l'accs au symbolisme. Pour Piaget, un
enfant a accs au symbolisme ( fonction smiotique ) quand il peut raliser cinq types de
conduites : l'imitation diffre, le jeu symbolique, le dessin, l'image mentale et le langage.
b. stade de l'intelligence pr-opratoire : le jeu symbolique (2-6 ans)
L'enfant rentre dans ce stade quand il dcouvre le symbolisme. Durant toute cette phase il va
perfectionner cette notion avec le dveloppement du langage, du dessin et de l'criture notamment :
il peut prsent utiliser des signes ou symboles pour voquer quelque chose d'absent.
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Le type de jeu qui caractrise cette phase est le jeu symbolique ou jeu de faire semblant :
l'enfant utilise des objets, scnarios ou mots pour voquer des situations qui ne sont pas
actuellement en train de se raliser. Il fait comme si c'tait son anniversaire, comme si ce livre tait
une voiture, comme si il tait un papa, etc... Ce jeu fait intervenir l'imagination et la reprsentation
mentale.
c. stade de l'intelligence opratoire : le jeu de construction (6-10 ans)
Les grandes notions nouvelles acquises dans ce stade sont la rversibilit et la dduction. L'enfant
devient capable de faire des oprations et d'analyser de manire logique les liens entre les choses. Il
comprend de mieux en mieux l'espace, le temps, et les permanences physiques (matires, poids,
volume...) et devient capable de faire des classifications.
Le type de jeu correspondant cette phase est le jeu de construction dans lequel il exprimente les
lois physiques et les liens logiques.
d. stade des oprations formelles : le jeu de rgle (10-16 ans)
L'adolescent peut prsent raisonner sur des noncs abstraits. C'est le dbut des raisonnements
hypothtico-dductifs (si... alors). Il peut utiliser le second degr.
Les jeux qui caractrisent ce stade sont les jeux de rgles. La rgle constitue un principe
d'organisation des conduites et un impratif accept par tous les membres du groupe. L'enfant a
codifi toutes les rgles et prouve du plaisir prvoir tous les cas possibles.
2. classification en rfrence la littrature actuelle
Piaget distinguait donc quatre types de jeux sur des bases
thoriques. En pratique, si l'on observe le dveloppement
de l'enfant, il est souvent admis que l'on peut diffrencier
quatre stades successifs pas exactement superposables
ceux voqus il y a quasiment un sicle par ce
psychologue.La pyramide ci-contre les reprsente mais
que recouvrent t-ils ? L'utilisation d'une petite voiture sera
prise en exemple pour les illustrer.
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Stades du jeu chez l'enfant ordinaire
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a. jeu sensorimoteur
Il correspond au premier stade dcrit par Piaget. L'enfant fera tourner les roues de la petite voiture
pour entendre le bruit (stimulation auditive), voir les roues tourner (stimulation visuelle) ou encore
ressentir les vibrations (stimulation tactile)....
b. jeu fonctionnel
Le jeu fonctionnel est l'utilisation de l'objet et donc du jouet de la manire pour laquelle il a t
conu. C'est l'utiliser pour sa fonction premire. Si l'on reprend notre exemple de petite voiture, cela
consiste la faire rouler au sol. Les voitures miniatures ont t inventes pour que les enfants jouent
les faire rouler.
c. jeu fictionnel
Ce stade constitue avec le suivant ce que l'on peut appeler le jeu de faire semblant ( pretend play )
particulirement affect chez l'enfant avec autisme comme cela sera dtaill ultrieurement. Le jeu
fictionnel consiste en l'tape la plus basique du faire semblant dans le sens o l'enfant parvient se
dtacher de la fonction premire de l'objet et de la situation, pour reproduire un scnario non rel
sur le moment. Cependant ce scnario reste connu et dj vcu par l'enfant. Dans notre exemple, on
pourrait imaginer que l'enfant fait comme si papa l'emmenait avec sa voiture l'cole. La situation
est fausse car la voiture ne l'emmne pas tout de suite l'cole mais il ne l'a pas invente car il l'a
vcue de nombreuses reprises.
Ce stade comprends galement les jeux dimitation (ex : dinette), la capacit attribuer des
proprits symboliques un objet (la poupe est sale, il faut la laver) et tats mentaux personnage
(poupe est triste), faire semblant dutiliser un objet imaginaire.
d. jeu symbolique
Le jeu symbolique proprement parler est une tape plus labore du jeu de faire semblant.
L'enfant cr des scnarios qu'il n'a jamais vcus faisant appel son pouvoir imaginatif et de
cration. Il peut dtourner les objets de leur fonction et mme leur attribuer des fonctions irralistes.
Pour terminer avec notre exemple, l'enfant peut faire comme si la petite voiture tait un vaisseau
spatial qui allait sur la lune....
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-
Quand ce stade est compltement acquis l'enfant peut laborer ses scnarios en n'ayant plus besoin
d'aucun objet : il peut faire comme s'il avait la voiture (mime). On passe dans le jeu symbolique
partir du moment o il y a invention, o l'on dpasse la perception. On note que le stade jeu
symbolique de Piaget correspondrait plus au jeu de faire semblant et donc la runion des deux
derniers stades dcrits ici.
E. fonctions du jeu
Le jeu existe depuis des millnaires : on a retrouv des traces de jeux (toupie, balles) dans les
vestiges de civilisations datant de -4000 ans avant JC. Si 6000 ans d'volution ont prserv cette
comptence chez l'Homme tout comme chez l'animal, c'est, selon les concepts phares de Darwin,
qu'elle a indniablement une utilit et donc que les individus qui sont capables de jouer sont plus
adapts que les autres. La constitution des droits de l'enfant (1889) elle-mme reconnat lintrt du
jeu pour l'enfant : les tats parties reconnaissent l'enfant le droit au repos et aux loisirs, de se
livrer au jeu et des activits rcratives propres son ge... . Lintrt majeur du jeu est qu'il
permet l'enfant d'apprendre et de grandir, et quil soutient tous les aspects de son dveloppement.
1.caractristiques communes entre jeu et apprentissage
Tout comme le jeu, l'apprentissage est une notion complexe et difficile dfinir. Elle regroupe elle
aussi de nombreuses formes inclues sous un terme identique. On peut dfinir l'apprentissage comme
l'acquisition de savoirs faire, c'est dire le processus d'acquisition des pratiques, de
connaissances, comptences, d'attitudes ou valeurs culturelles par l'observation, l'imitation, l'essai,
la rptition, la prsentation... (Wikipdia).
Cependant, tout comme pour le jeu, certains auteurs tels que Perrenoud (2003) ont tents d'en
extraire les caractristiques :
- dsirer : dsirer savoir ou dsirer obtenir ce que le savoir garantit : pouvoir, respect,
reconnaissance.
- persvrer : tout apprentissage exige un travail du corps et/ou de l'esprit long et coteux.
- construire : le savoir ne peut pas se transmettre, l'apprenant lui mme est oblig de
participer l'organisation de la connaissance.
- interagir : souvent avec son matre et au moins en se confrontant la ralit.
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-
- prendre des risques : essayer, chouer, recommencer, analyser ses erreurs est sans doute
la seule faon d'apprendre durablement.
- changer : plus on sait de choses et plus on volue, on devient quelqu'un d'autre.
- faire voluer un rapport au savoir : ce sont les relations affectives qui se dveloppent
autour du savoir.
En reprenant une une ces caractristiques de l'apprentissage, on s'aperoit qu'elles peuvent toutes
s'appliquer au monde du jeu. Cependant, en observant une classe de maternelle on constate bien
souvent que l'on ne fait pas qu'y jouer. Ainsi si le jeu semble pouvoir rentrer dans le monde de
l'apprentissage, l'apprentissage lui ne semble pas toujours appartenir au monde du jeu. En effet,
gnralement, en voulant rendre une situation de jeu pdagogique on lui retire trois de ses
caractristiques :
- l'incertitude car l'enseignant met un but
- la frivolit qui est incompatible avec le srieux scolaire
- la dcision bien souvent trs conditionne par l'adulte.
Ici se dessine tout le paradoxe: jouer et apprendre sont deux activits intimement lies mais en
mme temps ds lors qu'on veut utiliser le jeu pour apprendre on est vite tent d'en ter les aspects
qui le caractrisent.
2. Le jeu soutient le dveloppement psychomoteur
La croissance de chaque enfant est l'histoire de la belle au bois dormant dans laquelle le jeu tient
la place du prince charmant. Un corps virtuel existe mais son existence en acte dpend de son
usage et son usage est prescrit dans l'instinct de jeu (J. Lee, 1915).
Le jeu est donc une activit utilise de faon assez unanime, au moins dans la thorie, pour
apprendre aux enfants les plus jeunes. Mais la gamme de ce que le jeu permet d'apprendre est large :
Vigotsky (1966) mettait le jeu au cur du dveloppement en disant que celui ci permettait de
soutenir de nombreux aspects du dveloppement : cognitif, social, motionnel et culturel.
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-
a. Dveloppement cognitif et langage
Un enfant qui ne sait pas jouer est un enfant qui ne saura pas penser (chteau 1954).Le jeu
permet tout d'abord de soutenir le dveloppement cognitif de l'enfant.
-Comprhension des rgles du monde : Dj le jeu sensori-moteur et le jeu rptitif avec les objets
permet pour Piaget et ceux qui l'ont suivi de soutenir et dvelopper l'intelligence (sensori-motrice)
du tout petit. En effet selon ce courant de pense, ce serait l'action, le mouvement, l'exploration des
objets et l'interaction avec l'environnement (jeu sensori-moteur) qui permettrait au bb de
comprendre les rgles d'organisation du monde (gravit, rgles temporelles, proprits des objets...).
Peu peu, force de jouer, l'enfant reconnatrait les objets puis leur attribuerait leur fonction. Le
stade cognitif ultime permis par le jeu serait l'attribution volontaire d'une fonction diffrente de la
fonction habituelle de l'objet (jeu symbolique).
- Reprage spatio-temporel : A travers le jeu, l'enfant s'approprie galement les notions spatiales et
temporelles. En effet la premire relation temporelle faite par le bb est la relation causale. Le bb
joue appuyer sur le bouton et comprend que suite cela il va y avoir un bruit. Ensuite la
comprhension du tour de rle commence structurer le temps. Par la suite, avec la
complexification des jeux et notamment la cration de scnarios, l'enfant exprimente le squenage
temporel, joue les diffrentes parties de la journe... Au niveau spatial, de nombreux jeux
fonctionnent sur des territoires (plateaux de jeu, camps..).
- Schma corporel : A travers les jeux avec son corps l'enfant dcouvre ses limites corporelles,
l'agencement de son corps et dveloppe son schma corporel.
- Fonctions excutives : Dans les jeux un peu plus complexes, l'enfant va trs vite devoir utiliser des
capacits faisant appel aux fonctions excutives afin de planifier des stratgies et des mouvements,
les raliser, les valuer et les rajuster.
- Langage : Pour finir, le jeu permet de dvelopper le langage de l'enfant. Trs vite, l'enfant va
devoir communiquer ses ides, laborer des dialogues avec ses personnages, communiquer ses
stratgies, etc... Certains auteurs ont dailleurs dmontrs grce diffrentes tudes le lien entre jeu
symbolique et capacits langagires (Leslie 1984) .
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b. Dveloppement physique et moteur
C'est bien souvent le premier rle que l'on attribue au jeu : en effet le temps de rcration (associs
au jeu) est souvent considr comme le moment idal pour faire une pause dans le travail cognitif
mais surtout pour se dfouler . Au travers du jeu, l'enfant dpense de lnergie mais dveloppe
aussi ses habilets motrices :
- quilibre, tonus : ds les premiers mois de vie, l'enfant va, avec ses mouvements initiaux, ressentir
ces premires sensations proprioceptives et kinsthsiques, ces premiers dsquilibres et
exprimenter les ajustements posturaux qu'il est ncessaire de mettre en place. Par la suite, avec
lacquisition de la station debout, de la marche et des diffrents moyens de locomotion, l'enfant va
jouer avec son corps, s'amuser de ses dsquilibres. A travers diffrents jeux, il va perfectionner ses
capacits d'quilibre et d'adaptation tonique (ex : Twister...)
- Coordinations, prcision du mouvement : Par ailleurs, trs vite, l'enfant va dvelopper au travers
du jeu ses capacits de coordinations. Dans le dveloppement prcoce, l'accent sera mis sur les
coordinations oculo-manuelles quand le bb joue attraper les mains de maman, ses propres pieds,
des objets attrayants. Puis, peu peu, avec la diversification des jeux, d'autres types de
coordinations (bimanuelles, inter-segmentaires...) vont tre trs souvent sollicits. Nombres de jeux
sont bass sur des contraintes d'agilit faisant intervenir des coordinations complexes mettant en jeu
le corps dans son entier (basket..) ou simplement certaines parties (billes...)
-Vitesse de mouvement : De plus, frquemment, les jeux vont imposer des contraintes de vitesse
(toutes les courses...). L'enfant va donc travers ce type de jeux, automatiser ses mouvements pour
les rendre plus rapides. Le jeu permet donc de perfectionner les mouvements acquis.
- Dveloppement musculaire : pour finir, le jeu implique la plupart du temps d'utiliser son corps, il
permet donc naturellement de dvelopper les masses musculaires de l'enfant.
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-
c. Dveloppement motionnel
A travers le jeu, l'enfant explore ses propres ractions motionnelles mais aussi celles d'autrui et
apprend contrler ses tats mentaux : au travers du jeu, l'enfant construit sa personnalit. Mais
cela lui permet galement d'apprendre prdire les tats mentaux d'autrui (thorie de l'esprit).
Sherrat (1999) souligne que c'est en particulier le jeu de faire semblant (symbolique) qui permet
l'enfant d'exprimenter les diffrents tats mentaux.
d. Dveloppement social
- Apprentissage des codes sociaux et normes culturelles
A travers le jeu, l'enfant apprend les codes sociaux et culturels. Cela lui permet d'apprhender les
activits importantes de sa propre culture et de s'y entraner. C'est travers les scnarios que les
enfants inventent entre eux que ces normes sont intgres.
D'autre part, le jeu apprend comprendre, appliquer des rgles et les consquences du non respect
de celles ci.
- Apprendre jouer avec autrui
Par ailleurs, le jeu permet de dvelopper la capacit crer des liens qui nous sera utile toute la vie
(Parker et Gottman 1989). A travers les jeux symboliques l'enfant se familiarise avec des notions
telles que l'intimit, la vrit, la ngociation et le compromis qui lui seront utiles pour crer et
maintenir des relations sociales jusqu' l'ge adulte. Ils entranent galement son langage et ses
communications non verbales (distance interpersonnelle..). Le jeu permet pour finir de comprendre
que la coopration est parfois ncessaire.
- Intrt de la socialisation pour l'enrichissement du jeu
Wolfberg (1999) souligne une question cruciale ce propos : est ce que l'enfant doit apprendre
jouer pour se socialiser ou se socialiser pour apprendre jouer ?
Une tude de Zercher et col (2001) a mis en vidence l'intrt de mettre des enfants avec autisme
dans un groupe de socialisation pour dvelopper leurs aptitudes de jeu symbolique (ainsi que
d'attention conjointe et de langage). Ils ont notamment montr que des jeunes enfants ordinaires (5
11 ans) pouvaient, aprs une phase de guidance par l'adulte, mener seuls des sances de jeu auprs
d'enfants avec autisme de faon trs satisfaisante. L'enfant auraient donc de faon inne des
capacits de jeu trs prcoces et serait capable d'ajuster son niveau de jeu son interlocuteur. Il
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-
serait bien dommage de ne pas s'appuyer sur cela.
Dveloppement du jeu et dveloppement de la socialisation s'auto-renforceraient donc
mutuellement: La socialisation (fratrie, mode de garde collectif...) serait un facteur de
dveloppement du jeu mais le jeu serait galement un facteur de socialisation important. On voit ici
se dessiner les difficults des enfants porteurs d'autisme chez qui ces deux dimensions sont
perturbes.
III L'autisme et le jeu
Comme dit prcdemment, lautisme de lenfant induit une altration htrogne de lensemble des
comptences de lenfant et notamment celle du jeu. Mais peut-on aller jusqu' dire que l'enfant avec
autisme ne joue pas ?
A. Particularits de jeu chez l'enfant avec autisme
1.l'enfant avec autisme ne joue pas comme les autres
L'enfant avec autisme peut dvelopper un certain type de jeu mais reste dficitaire dans ce domaine
notamment au niveau du jeu de faire semblant (Wing et Gould 1979).
Diffrentes tudes ont montr que les enfants avec autisme avaient tendance ne pas investir les
mmes types de jeu que les enfants ordinaires. Par exemple, une tude importante de Blanc, Adrien
et col. (2005) que nous reverrons ultrieurement s'est intresse aux types de jeux que les enfants
neurotypiques, avec autisme et avec RM investissaient prfrentiellement en situation de jeu
spontan et de jeu semi structur. Le jeu semi structur comprend une aide de la part de
l'examinateur pour aider l'enfant structurer son jeu. On distingue quatre niveaux d'aide croissants :
encouragements, commentaires mettant l'enfant sur la piste ( la poupe a faim! ), consigne
verbale, et dmonstration.
Comme on peut le voir sur les graphiques suivants, les rsultats montrent que les enfants porteurs
d'autisme et de RM n'ont pas des profils superposables. Ceci va dans le sens d'un rel trouble de
l'investissement du jeu chez l'enfant avec autisme et non un simple retard.
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-
- En situation de jeu spontan, alors que les enfants ordinaires et avec RM jouent prfrentiellement
du jeu fonctionnel (60 75% du temps), les enfants avec autisme passent beaucoup plus de temps
dans du jeu sensorimoteur (environ 60% du temps).Par ailleurs, les enfants avec autisme n'ont
quasiment pas de jeu symbolique (alors que les deux autres groupes l'investissent 10 15% du
temps).
- En situation de jeu semi structur, les enfants ordinaires et avec RM passent encore une part
importante de leur temps dans du jeu fonctionnel (environ 50% du temps) mais jouent galement
beaucoup du jeu symbolique (35 45 %). Les enfants avec autisme, eux, investissent un peu plus
le jeu symbolique qu'en situation de jeu spontan mais dpense encore 30% de leur temps dans du
jeu sensorimoteur.
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Dysregulation of pretend play and communication
development in children with autism, Blanc et col. 2005
Dysregulation of pretend play and communication development in children with autism, Blanc et col. 2005
-
Ainsi, lensemble des enfants profitent du guidage de ladulte pour lev leur niveaux de jeu
(Typiques, RM et Autistes) par rapport la situation de jeu spontan. Cependant le jeu symbolique
reste infrieur chez les enfants porteurs d'autisme et de RM et le jeu sensori-moteur reste
prpondrant chez les enfants porteurs d'autisme.
Par ailleurs, on peut constater galement des diffrences quand la chronologie des types de jeu.
Ainsi J.M. Cantau, lors d'une confrence rappelait que l'enfant ordinaire joue initialement des jeux
sans rgle. Puis, peu peu avec l'volution de ses capacits, il peut comprendre et intgrer des
rgles de plus en plus compliques. Cette volution est guide par le plaisir. Chez l'enfant avec
autisme on a tendance constater le contraire, le plaisir du jeu n'est pas inn et le jeu peut mme
constituer un facteur angoissant. De ce fait, pour apprendre jouer un enfant porteur d'autisme, il
est bien souvent ncessaire de commencer avec des jeux trs ritualiss, avec beaucoup de rgles.
Cela va diminuer l'angoisse de l'enfant avec autisme et amorcer la notion de plaisir. Ce n'est qu' ce
moment qu'il pourra rentrer dans du jeu plus spontan. Il conclut donc en faisant cho Pascal
( pour trouver la foi, pratiquer les rituels, la foi viendra ) en disant pour faire jouer un autiste,
pratiquer les rituels, l'invention viendra (Cantau L'aire du jeu dans l'air du temps Tarbes 2010).
a. premiers stades acquis et caractristiques
jeu sensori-moteur
Les avis restent partags sur la question du jeu sensori-moteur chez l'enfant avec autisme. Certaines
tudes tendent montrer que ce type de jeu serait sur-investi par les enfants avec autisme (DeMyer
1967, Blanc et col. 2005), cependant d'autres tudes ne retrouvent pas cette tendance qu'elles
attribuent des lacunes mthodologiques (Stone 1990).
Cette prdominance du jeu sensori-moteur si elle s'avrait vraie pourrait tre explique soit par un
retard de dveloppement (et de ce fait ils resteraient pendant plus longtemps aux premires tapes
du jeu) soit par une difficult d'installation du jeu symbolique (Libby 1998).
Jeu fonctionnel
L encore, les avis sont partags. Baron-Cohen (1987) et Libby (1998) s'accordent sur le fait qu'on
ne retrouverait pas de diffrence quantitative significative entre le jeu fonctionnel de l'enfant avec
ou sans autisme. A l'inverse, d'autres tudes telles que celle de Blanc cite prcdemment retrouve
une diffrence. Par ailleurs, d'autres auteurs tels que Williams (2001) prcisent que si l'on divise le
jeu fonctionnel en plusieurs sous catgories on peut, en ralit, observer des diffrences plutt
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-
sur le versant qualitatif (les enfants avec autisme utilisent des actions de jeux plus simples, plus
rptitives et moins intgres dans des squences de jeu).
b. Le jeu de faire semblant : une tape difficile
retard global au niveau du pretend play
De nombreux auteurs tels que Wing (1977) ont compars le jeu de faire semblant ( pretend play
qui regroupe le jeu fictionnel et le jeu symbolique) des enfants porteurs d'autisme avec d'autres
groupes et tous s'accordent sur le fait que l'enfant avec autisme joue moins spontanment faire
semblant que les autres enfants (apparis en QI ou en niveau de langage rceptif ) aussi bien au
niveau qualitatif que quantitatif. Pour Wing et Gould (1979) ce ne serait donc pas le jeu en soi mais
vraiment le jeu de faire semblant spcifiquement qui poserait soucis ces enfants.
Retard au niveau qualitatif et quantitatif
D'un point de vu qualitatif, Wing (1977) montre par exemple dans son tude que sur dix enfants
avec autisme, seulement quatre peuvent jouer faire semblant mais de faon strotype et
rptitive, aucun n'tant capable de faire semblant de faon crative et flexible alors que des enfants
apparis en QI (RM) en sont tout fait capables.
Ainsi, Atlas (1990) dcrit le jeu symbolique de l'enfant avec autisme comme strotyp et rigide
mais il rappelle bien que ce sont des caractristiques retrouves dans tout le fonctionnement de
l'autisme et non pas propre au jeu.
Au niveau quantitatif, Jarrold (1996) a montr que les enfants avec autisme jouaient faire
semblant moins frquemment et pendant moins longtemps que les populations contrles.
Meilleures capacits dans le jeu structur
Nanmoins, il semblerait que les enfants avec autisme soient capables de jouer faire semblant
dans des situations plus structures (Charman, Baron Cohen, 1997) et que leur jeu serait alors moins
rigide. Comme on l'a vu, l'incitation de l'adulte faciliterait le jeu symbolique pour l'enfant porteur
d'autisme indpendamment de son niveau de dveloppement (Blanc et al. 2005). Cela tend
montrer que l'enfant avec autisme ne serait pas incapable de faire semblant mais rencontrerait des
difficults le faire de faon spontane (Riguet 1981). L'enfant avec autisme pourrait notamment
faire semblant partir du moment o on lui donne une consigne verbale ( montre moi comment on
donne manger la poupe ) de faon aussi efficace que les contrles (Charman et Baron-Cohen
1997).
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-
Le problme viendrait donc plutt d'une difficult gnrer des ides dans le jeu de faire semblant
que de raliser les actes en eux mmes (Jarrold et col.1996).
Cependant est-ce que cela reste du jeu de faire semblant ? Sachant que faire semblant consiste
prendre conscience que l'on peut reprsenter les proprits d'un objet absent (Leslie 1987), lorsque
l'enfant donne manger la poupe sur ordre verbal ou dmonstration est-ce encore le cas ?
L'enfant n'a t-il pas simplement apprit comment la nourrir (dans ce cas on resterait dans le jeu
fonctionnel) ? Copier un jeu de faire semblant ncessite t-il une reprsentation mentale ?
Certains se sont accords sur le fait que l'on peut dterminer la capacit de faire semblant en
fonction de la qualit et de la nouveaut des actions.
Or, les enfants avec autisme prsentent significativement moins d'actes de faire semblant nouveaux
que les enfants contrles (Jarrold 1996) (mme si cela varie selon les objets). Pour ces auteurs on ne
pourrait donc pas toujours parler de pretend play chez ces enfants.
Comprhension et valuation du jeu de faire semblant
D'autre part, les enfants avec autisme se montrent aussi performants que les autres pour comprendre
les jeux de faire semblant d'autrui (Jarrold 1994). La difficult ne serait donc pas de mettre du sens
sur des comportements non littraux mais plutt de raliser l'acte de faire semblant.
Mais comment mesurer si l'enfant conscience de faire semblant ? Le seul moyen notre
disposition est l'valuation des actions (faute de pouvoir valuer les processus cognitifs) mais
lorsque l'on dtourne l'objet de sa fonction, il y a en ralit deux tapes conscutives. Par exemple
pour faire semblant que ce livre est une voiture, il faut :
-russir se dtacher de la fonction premire du livre et envisager une nouvelle fonction.
Pour certains c'est cette premire tape qui est difficile pour l'enfant avec autisme car il
n'arriverait pas envisager deux visions d'un lment simultanment comme cela est
retrouv dans les taches de thorie de l'esprit, c'est le problme de mta-reprsentation dont
parle Leslie (1987).
-traduire cette seconde fonction du livre en une action (en faisant semblant qu'il transporte
un personnage). Pour d'autres auteurs, c'est ce qui est difficile pour les enfants avec autisme.
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-
Une troisime alternative est envisageable : les personnes avec autisme sont capables de faire
semblant mais ne le font pas car ils n'en voient pas l'intrt. Les difficults de socialisation
rduiraient les occasions de faire semblant (Harris, 1993). De ce fait, les enfants porteurs d'autisme
ne retireraient pas la mme rcompense de ce type de jeu, et ne verraient pas le caractre
autotlique du jeu (le comportement de jeu de faire semblant ne serait pas intrinsquement
motiv).
Ainsi, l'enfant avec autisme peut jouer mais rencontre d'importantes difficults dans les jeux de
faire semblant et plus particulirement lorsquil s'agit d'inventer des scnarios indits.
2. Importance du contexte et difficults de gnralisation (cole, SESSAD,
domicile...)
D'autre part, on le sait, une des caractristiques de l'autisme est la difficult de gnralisation. De ce
fait, certains actes de faire semblant pourront tre acquis dans certains contextes, avec certaines
personnes mais l'enfant pourra tre incapable de les rinvestir ailleurs. Ce problme sera illustr
dans la partie pratique.
B. Hypothses explicatives
On t cit prcdemment les diffrents pr-requis du jeu. A prsent il convient de les dvelopper
quelque peu et de comprendre en quoi cela peut expliquer les comportements dviants de jeux chez
l'enfant avec autisme.
Pour Beyer et Gammeltoft (2000), les interactions sociales, la communication et l'imagination
seraient les trois lments cls du jeu des enfants pr-scolaires, mais ce serait galement l la triade
de symptmes des enfants porteur d'autisme : on comprend donc aisment que le jeu ne se
dveloppe pas de manire classique chez ces enfants. Cependant bien d'autres pr-requis doivent
tre pris en compte.
1. Dficit en mta reprsentation : attention conjointe et TOM
Une importante tude longitudinale a t mene en 2006 par Rutherford et col. Celle ci avait
notamment pour ambition de mettre en vidence les lments prdictifs d'un dficit ultrieur en jeu
(de faire semblant) chez des enfants de deux ans d'ge de dveloppement. Cela devait permettre de
comprendre les processus sous-jacents dficitaires chez les enfants porteurs d'autisme qui pourraient
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expliquer le dficit en jeu.
Ils ont donc compar des enfants typiques , avec un retard de dveloppement et des enfants
porteurs d'autisme apparis en ge de dveloppement cognitif. Ils ont alors test le lien entre le
niveau de diffrents domaines (qu'ils considraient comme lments prdictifs possibles) et
l'volution du niveau de jeu sur un an de dveloppement cognitif (en un an rel pour les contrles et
deux pour les autres).
Les rsultats obtenus montrent qu'en ralit un seul des domaines valus pouvait tre considr
comme un lment prdictif du niveau de jeu : le niveau d'attention conjointe.
Cela peut s'interprter de deux faons (non contradictoires) :
-Soit selon le modle de l'orientation sociale (Dawson et col. 2001), le dficit d'attention
conjointe mnerait un temps plus limit que la normale pass observer et analyser les stimuli
sociaux et donc la motivation et le renforcement obtenu en jouant faire semblant serait rduit.
-Soit le dficit d'attention conjointe ne serait qu'une rvlation d'un trouble plus profond : le
trouble en mta-reprsentation. Ce serait le dficit de mta-reprsentation qui expliquerait les
lacunes au niveau du jeu chez les enfants porteurs d'autisme.
En effet, pour Leslie (1987), les comptences de thorie de l'esprit et de jeu de faire semblant
feraient appel la mme capacit de mta-reprsentation : il faudrait dans les deux cas arriver
envisager une autre reprsentation de la situation que celle qui est relle et s'impose nous (notre
propre croyance dans le cas de la TE et la vraie fonction de l'objet dans le cas du jeu de faire
semblant). Donc l'attention conjointe reflterait directement le niveau de mta-reprsentation
(Baron Cohen 1989). De ce fait, si le niveau d'attention conjointe d'un enfant avec autisme de deux
ans est le seul lment prdictif d'un dficit ultrieur en jeu de faire semblant on peut penser que les
lacunes en jeu sexpliqueraient par un dficit en mta-reprsentation.
Pour finir, est noter que la corrlation entre le dficit en attention conjointe et en jeu de faire
semblant est retrouv de faon identique chez les trois populations de l'tude ce qui irait plus en
faveur d'un retard d'un dveloppement du jeu chez l'enfant avec autisme que d'un dveloppement
dviant.
Il n'a pas t retrouv de corrlation significative avec les autres domaines tests (imitation,
fonctions excutives et niveau de dveloppement) ce qui n'tait pas forcement attendu par les
auteurs qui reconnaissent certains biais mthodologiques qui pourraient en tre l'origine. D'autres
auteurs ont, eux, labor des hypothses bases sur ces domaines.
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2. Trouble de l'interaction sociale, ccit contextuelle et imitation
Le trouble de l'interaction sociale peut expliquer les difficults des personnes porteuses d'autisme au
niveau du jeu social: comment prendre plaisir jouer avec autrui si l'on ne peux pas
communiquer de faon aise et si l'interaction et la prsence d'autrui est un facteur angoissant ? .
Mais cela peut galement handicaper le jeu solitaire au niveau du choix : si l'enfant n'arrive pas
communiquer ce qu'il souhaite ou sait faire l'adulte ou enfant qui peut le lui procurer il va, par
voie de consquence, prouver des difficults aller jouer.
Pour Stahmer (1995) par exemple, ce serait le nombre rduit d'occasions de jeu avec les pairs qui
expliquerait en partie ces difficults. Ce serait les tentatives choues de jeu avec autrui qui
dcourageraient l'enfant. Cette absence de jeu avec l'autre engendrerait un dficit au niveau du jeu
(symbolique). Le jeu de l'enfant avec autisme a tendance moins intresser autrui que celui des
autres enfants dans le sens o il est moins spontan et plus passif.
En ralit, d'autres auteurs comme Wolfberg (1999) pensent que ce ne serait pas le jeu symbolique
en lui mme qui serait dficitaire mais l'aspect social de celui ci. Ce serait le fait de jouer avec
l'autre et de prendre en compte ses propositions qui apporterait au scnario sa variabilit et
flexibilit. Or, c'est justement cette prise en compte de l'autre qui serait compliqu pour l'enfant
avec autisme.
Pour Rogers et Pennington (1991), c'est le dficit d'imitation qui serait central dans les difficults de
jeu chez l'enfant avec autisme. Cette comptence serait vitale dans l'tablissement de relations
sociales avec les pairs et le dveloppement du jeu social.
Pour de nombreux auteurs, ce serait par l'observation et l'imitation de notre environnement social
que l'on apprendrait jouer.
3. Dficits moteurs et psychomoteurs
Jouer, c'est impliquer son corps (Grison, La fonction du jeu dans le dveloppement de la
personne Tarbes 2010). Or, on l'a dit, les enfants porteurs d'autisme ont bien souvent des
problmes moteurs associs. Que ce soit des problmes de motricit gnrale, de dextrit manuelle
ou encore de tonus, ces aspects peuvent entraver le comportement de l'enfant dans de nombreux
jeux. Ainsi viennent immdiatement en tte les jeux de cours de rcration o il s'agit d'tre rapide
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(trape trape, foot....), habile (bille