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La philosophie du bovarysme, Jules de Gaultier / par Georges Palante,... Source gallica.bnf.fr / Bibliothèque nationale de France

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La philosophie dubovarysme, Jules de

Gaultier / par GeorgesPalante,...

Source gallica.bnf.fr / Bibliothèque nationale de France

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Palante, Georges (1862-1925). La philosophie du bovarysme, Jules de Gaultier / par Georges Palante,.... 1912.

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La philosophie du bovarysme, Jules deGaultier

8"Z 17305 (23)

Paris1912

Palante, Georges

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Symbole applicablepour tout, ou partie

des documents microfilmés

Original illisible

NF Z 43-120-10

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Texte détérioré – reliure défectueuse

NFZ 43-120-111

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t <t! ).t~ .!V-T 1TM~$––<–––––La Phnbsopjn~

du Hovarysme

Jutes de Gaultier

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GEORGES PAYANTE

AV~C UN PORTRAtT ET UN AUTOGRAPHE

PARÏSMERCVBE DE FRANCE

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LA PHILOSOPHIE

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HEmu DE REGNtBR ET SON ŒuvME, par Jean de Gourmont, avec unportrait et un au)o~raphn. )vo).

LA NAISSANCE ET L'ÉVAffOUÏSSHMENTf)E LA MATURE, par !e D' GustaveLeBon. jvut.

OANTS, BEATtt!CH ET LA FOKS)K AMOUREUSE. /?MfJH Sur /'7d~a/ /C/~t-nin en 7/a~e à ~< ~M .Y7/~ s;e< par Hcmy de Gourmont,nv<:cp!nsic(irsgrf]vurosstn'!)u!s. ) \()j.

FnANçois corrKE K'r SON f~:t.'vnE, par Gaut.hier t''crricrcs, avfc uiiportrait et un autographe. ) yo).

LES HARMONIES DE L'EVOLUTION TEKHESTHE, par Stanislas Meunier,professeur au Muséum. i vo).

LARKvoLO'noNRUKSt:ET st.SRKsuj.TATS,par P.-G. La Chesnais. t vo).MAGM~ïtSME ET 8t'<mT!SME, par Gaston DanviHe. 1 vol.MAKC!S JAMMES KT LR S)!NTtMt:r<T DE LA NATURE, par Edmond Ptton,

avec uu portrait et un autographe. t vol.LE HÉNtE ET LES TtiiotUM DE M. LOMBMto,par H! icnne Habaud. 1 vol.LA OUESTtOK n'UOMNKE. Les /~e~ifS /tO~<<yH< /'<C/te(~ny;t' et la

~Ot~tc~opH/a<rc,parA. van Geunpp, suivi d'une bibliographiecritique par A. J.-heinach. tvoL j

LA t'EKSEK na MAUMCE nAR«ES. par Henri Massis, avec un portraitet un autographe. t~'oi.

L'tNTKLLM.EKCK Ern'; (;t:!tVEAu, par Georges Matissc. t vo!.HEMT DE HouMMONT Kr snK ŒuvMn, par !'aut UeHor, avec ut) portrait

et un autographe. 1 vol.ousTAVB LE oos Mt so~ (Kuvnn, par Edmond Picard, avec un portratt

et un autographe. !vo).CUVIER ET CttOFmOY SA)KT.))H.A!)U! !A)'!t! ).t<:S KATUnAUSTES ADK-

MAKOs.par K.-j,. TrouesSMr!, professeur au Muséum. t vot.LE SALAUU!, SKS t'OKME.s, siM Lois, par ChristianCoraé!isscn. î vol.!RVOnnn.)!< u)M't.uu!pu): n'):M)Ht Yt:n)tAE~<N, par Georges Huïsserct,

avec uu portrait et unnutt~t'aphe. !vo!.~tvtrT·,ra t=IArarn cs'r 9r> u;c~ral· l~ar Üecar~;es l3c,illrr, tzver, Ilrl lr(artrait ctALt'KEnc)A)<t'MTS<)<<():[.'vnR.par Geor~<'sBohn, avec un portrait et

un autographe et !a Bibtio~raphic complètede sou œuvre, t vo).RKNE OUt~TON. O/tfMS M!fir~S fïe la L' Lois ~6 constance

originelles. ~'S)!f;< .<.Hr /spr<~ sc/M/~ac,par Lucica Corpechot,avec un portrait et un autographe.

MEKR! fOtr<CA!u;, p.)r Sagpret. avec un portrait et un auto~ra-phe. ,yo)La vl~trb°rAnrsera, 1)trr fta~rraarztl i4it~unier, rixe~'

dc''I'rt~vauxzr l'I~:c°cal(~LB VKGHTAntSME, par Raytnood Meunier, chef de Travaux à i'KcoJe

des Hautes-Etudes. !vo!.

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La Philosophie

ovarysme."¡. de

PAR

Gaultîer~ules de Gaultier.°'

PAR

GEORGES PALANTE

AVEC UN PORTRAIT ET UN AUTOGRAPHE

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7'oM ~rot/a de <re~He<<on e< efe r~ro~HC~'on r~~r~e'<

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LHrEN~HUnETL'ŒUVBE

M. J. de Gaultier a écrit quelque part: « On n'ensei-fne pas l'intellectualisme en une école(ï). » – Il estimed'aiiteurs avec Nietzsche que « toute vraie philosophieest le récit d'une aventure personnelle ». Nulle philoso-phie ne répond mieux que ta sienne à ce signalement.La spontanéité de cette pensée est entière. Aucun Im-!rpératif scolaire ou professionnel n'est intervenu dansson orientation initiale ni dans son développement.M. Jules de Gaultier est un philosophe de race; non un

philosophe de carrière. On sait que les deux ne coïnci-dent pas toujours. Sa conception du monde est l'expres-sion directe de sa sensibilité.

Comment cette sensibilité se révéla à elle-mêmecomment elle perçut d'abord le monde comment, enfonction de quelles expériences elle évolua commentolle en vint à s'objectiver sous !a forme que nous con-naissons, ce sont des questions sur lesquelles M. J. deGaultier ne nous fournit pas de renseignements. La ré-serve un peu hautaine de sa pensée le détourne desconfidences sur l'intimité de son moi, sur les sourcespremières et profondes de sa personnelle sensation devie. J'ai pu deviner seulement par quelques mots de

lui que cette sensibilité phitosophique~à la fois passion-née et contenue, qui est la sienne, s'éveilla de bonneheure. Je sais de lui telle notation psychologique d'une

1(t) /n~'f~Mc~o/tà la vie <n~c<Mc/

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extrême finesse, qui remonte à une période de sa viebien antérieure aux années d'apprentissage phiiosophi-que et où s'avère une rare précocité du sens intérieur.L'oeuvre d'ailleurs parle pour l'homme. La sensibilitéphilosophique de M. Jules de Gaultier s'exprime déjàintégralement dans cette série d'articles publiés dans laRevue ~/anc/<c, de décembre ï8g5 à janvier 1897, sousce titre: /~ro(/MC~'o/tà la vie ~~<?~ct?~e~c; premièreœuvre qui s'adressait, selon le voeu aristocratique deStendhal, ~o /A~ A~/)y ~<?M~, à ces intelligences dissé-minées à travers le monde qu'il voulait de sa familleintellectuelle. Cette /~roe~c~o~ fut écrite presque enentier avant le premier contact de M. de Gaultier avecNietzsche. Ce contact, on en trouve la première trace dansun article de la /~M<? Blanche intitulé Frédéric-/Wc~McAc (ï~ décembre t8o8), publié à l'occasion duZara<AoH~<rct traduit par M. H. Albert et du Par de-là le ~/e~ et le Mal, qui venaient de paraître au ~er-cure. En !goo paraît le De Kant ô ~Y~~f~cAe, bientôtsuivi du jSouar~s~t?, de ~t'c~OM «/?t~~rse~, deNietzsche e~ la re/by~n* ~A~o~o~'A/~Me, des /i!<ï~on~de /afea~~ï~, de la Dépendance de ta mOl'ale c<r~-dépendance des yMCPHr~. Il est inutile de rappeler icil'impression que produisit l'apparition de cet ImpérieuxDe Kant à Nietzsche et comment la. série des œuvressuivantes grossit d'année en année la première levéed'admirateurs et de disciples qu'avait suscitée cetteœuvre magistrale. Un parti-pris de constante clarté,une impeccable tenue littéraire, une logique inflexibleunie à un vif sentiment de ce qu'il y a d'arbitraire, d'il-logique et d'irrationnel dans l'ensemble comme dans ledétail des choses, l'ingéniosité d'une pensée rompueaux exégèses les plus subtiles, aux passes les plus sa-vantes de l'escrime dialectique, un détachement un peu

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hautain de contemplateur, une imagination d'artiste qui i

anime d'une vie ardente les personnages du drame mé-taphysique telles sont quelques-unes des raisons quiexpliquent la séduction exercée par l'oRuvre de M. J. deGaultier sur les esprits réfléchis et indépendants, parti-culièrement sur ceux de la génération intellectuellemontante. Combien, parmi ces derniers, au sortir desphilosophies universitaires restées un peu lourdes, unpeu scolastiques, un peu trop imprégnées encore de cetinexpugnable esprit judéo-chrétien~ combien ont étésaisis, A la lecture de M. Jutes de Gaultier, d'un frissonnouveau, de ce frisson que donne l'air lé~er et puis-samment oxygéné des hauteurs; combien ont embrasséd'un regard avide ces perspectives nouvelles, cesré~ionssolitaires où ne retentit!a parole d'aucun pasteur Brandtet ou ne se dresse aucun temple, ancien ou nouveau.Et, la place de ces temples, qu'ils ne souhaitaientplus, ils ont vu s'érig'er un palais merveilleux, à l'ordon-nance logique et aux proportions harmonieuses, quisemble i'œuvre de quelque Prospère ou de quelqueMerlin initié aux secrets du génie de la Vie et du géniede la Connaissance.

LA SBNS!B!HTÉ ESTHÉTIQUE. L'OPTIQUE DE L'ARTISTE

La sensibilité qui met en mouvement la pensée phi-losophique semble dominée, suivant les hommes et lesépoques, par deux aspirations rarement unies, le plussouvent dissociées et ennemies la passion de croire etla passion de contempler, le besoin de foi et l'amourde la beauté. La passion de connaître se résout à l'a-

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nalyse en l'une ou l'autre de ces deux passions maî-tresses.

Le philosophe, le chercheur de connaissance se pro-pose au fond l'un de ces deux buts atteindre & tra-vers ta recherche des causes un principe premier où as-seoir ta foi à laquelle il aspire – assouvir et exaltertout à ta fois sa passion de !a beauté par révocation desperspectives sombresou sorutues, enchanteresses ou for-midables, de la vie. Croire contemplerce doublevoeu a hanté de tout temps les cervelles philosophiquesU a partagé le monde des philosophes en deux typesrivaux et ennemis lo sacerdote et l'artiste. Le pre-mier type est infiniment plus répandu que le second. Laphilosophie, chez la plupart de ses représentants, estune incarnation de l'esprit prôtre. Elle veut être, pourses Ëdèles, un refuse, un port, une sauvegarde, uneconsolation, une promesse et une espérance. Ceux quiont voulu satisfaire à la fois ces deux aspirations, lapassion de croire et la passion de contempler, le besoinde foi et le besoin de beauté, ceux qui ont voulu être àla fois prêtres et artistes, un Platon par exemple, n'onttiré de leur pensée, si géniale qu'elle ait été, qu'un pro-duit hybride ils n'ont pu mener a bien ces deux tâ-ches incompatibles l'une utilitaire, l'autredcsintéressée;l'une éthique, l'autre esthétique l'une destinée à pro-curer le salut; 1 autre à dispenser la pure joie de labeauté. Rares sont les penseurs qui se sont pleinementaffranchis de la manie croyante et de sa compagne na-turelle, la manie respectante, ceux qui ont contempléd'un oeil clair le monde sous le seul aspect de la beauté,~M& ~Cïe /br~<

La philosophie comme vision d'artiste L'éclosiond'une métaphysique d'artiste Tel est le phénomènenouveau que Schopenhauer appelait de ses voeux que

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Nietzsche, après lui, opposait à l'ancien mode de philo-sopher et qu'il se flattait d'avoir inauguré dans sonpremier livre /«~'ne ~'a~c (ï). C'est éga-lement sous ce signe esthétique que se présente à nousla philosophie de M. J. de Gaultier. C'est sous l'optiquede l'artiste que le monde et la vie vont nous apparaître.

Sensibilité esthétique ou spectaculaire ou intellectuel-le peu importe le nom que l'on donne à cette sensibi-lité philosophique. L'auteur la décrit dans cette //ï<ro-ofuc~OM la vie !a~c~e//e, véritable monographied'un type intellectuel sorte de signalement auquel sereconnaîtront les intelligences apparentées a la sienne.« Ces esprits qu'il faut décrire sont les /~e~c<Me~.« Terme séduisant dont on mésuse déjà, mais qu'il faut« retenir, malgré les intonations prétentieuses dontl'af-« fectahon le gonfla. Etre intellectuel n'est pas être« doué d'une faculté de comprendre plus aiguë, d'une« imagination plus vive, ni ne correspond à une vivacité« ou à un pouvoir plus grand de l'intelligence. Mais« c'est considérer toutes choses du seul point de vue de« l'intelligence dans sa pureté, de FinteUigonco sous-« traite à toute influence du désir, libérée, selon l'ex-« pression de Schopenhauer, du service de la volonté.« L'intellectualisme est un état de dissociation des prin-« cipes de l'être. ~OH/otr et co~ore/K~e se posent en« antagonistes. L'intellectuel se désintéressedu fOH/oj:y

« et se réfugie tout entier dans le co~or~~re. ?L'intellectualisme est un principe d'indifférence en

matière d'opinion et d'inertie en matière d'activité pra-tique. « A la vue intellectuelle, les questions restent« toujours ouvertes. Aucune certitude ne les enclot ja-(<mais.JDu point suprême d'où l'intellectuel contemple

(~Voir Essai d'une C/'t~yue desot-Me, post.face à /'0/y<Ht'de la Tragédie.

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« les acteurs de la Vie, il n'est plus dupe des conclusions«auxquelles ceux-ci se tixent avec sécurité. Car, par« delà chaque horizon borné que tracent autour d'eux,« ainsiqu'un cirque infranchissable de montagnes, leur« présomption, leurs intérêts, leurs passions, il perçoit<t d'autres horizons s'élargissant à i'innni, découvrant« des paysages nouveaux, et des flores et des faunes« nouveUûs, et des formes nouvelles de la vie. 11 sait que« le bilan de la connaissance ne peut jamais être établi;« il sait qu'il n'est point de science dénnitive et« yM't7 M /OH< /aw<'<~ ~!<'pr~~ de co~c/Hrc. Cette« connaissance négative est la base de tout intellectua-« lisme. Pour qui considère toutes choses du point de« vue de l'mteHect, conclure est l'unique crime, crime« définitif d'aiUeurs, qui exclut de la cite. Flaubert,« que hanta, qu'obséda l'apparition a tous tes tournants« de la vie de la bêtise aux mille visages, n'en a-t-ii pas« donné cette dénnition philosophique, qui la perce sous« tous ses masques M La bêtise consiste à vouloir con"M c!ure. »

« L'intellectuel a donc pour son contraire tout ce quit< a une opinion sociale, relieuse, politique ou phiioso-« phique, tout ce qui a une opinion.

« Avoir une opinion, c'est avoir un intérêt à croire« quelquechose. Co~~r~/ï~rcfïonc s'oppose à croire,« ~H~M~ Cr<9f'r<' C'<?~ UOH/O~, et tout Jt'/t~~<?C<MC~ a« pour contraire ~OM/ cro</a~.

« L'intellectuel a saisi le rapport normal qui seul« existe entre un inteH~ct et une œuvre que!conque de« !avo!ontc: celui de spectateur à représentation. L'm-« <<ec/Mf< cow~or~ ~~<? M~/ty~ r«/OMreH.s<« ~a!'s ne comporte pas d'éthique. Cela signifieK que toutes choses ne sont considérées par l'intellectuel« qu'au point de vue de leur beauté, qui est celui de

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« !cur existence, abstraction faite de leur utilité ou de« leurnocuité pour le contemplateur.

« De ce quel'intellectualismeexclut toute opinion, suit« encore cette conséquence qu'aucune idée ~'c/~g/ï~e

MMCM/t acte. Cette conséquence suit nécessairement,« une idée n'étant autre chose qu'une vue intellectuelle,« tout acte ayant pour cause précisément une opinion,« soit, plus directement, un instinct ou un intérêt, qui« sont la trame de toute opinion. Aussi n'est-ce pas agir« qui constitue en soi-même un crime contre l'intellect« un acte ne peut être en réalité autre chose que ce qu'il« est et ne peut avoir d'autre origine que la volonté

« exprimée par le tempérament.Mais la croyance qu'un« acte procède d'une idée etestjustihé par elle est un« crime contre l'intellect et constitue au sens propre une« perversion mentale et une folie, cette folie qui d'ail-« leurs est l'essence môme et la mère de la vie.

« Une dernière remarque s'impose; celle-ci l'intel-<( lectuel appartient encore au monde (le la volonté, l'in-« tellectualisme étant une manière d'être d'un tempéra-« ment, l'acte de reg'arder étant encore un acte. C'est« par une évolution de la volonté elle-même que celle-ci

parvient & se désintéresser d'ag'ir pour ne s'intéresser« plus qu'à se regarder agir. »

C'est dire que l'intellectualisme est un mode de re-noncement. De ce renoncement!attitude exprimée dansl'7//u~«m de y<M~-C7(r~ est un autre mode. Aumode religieux du renoncement, M. J. de Gaultieroppose le renoncement intellectuel dont Erasme, dansson Eloge de la Folie, est le protagoniste génial.

« A une date proche de 17~~a//o/ par des voies dif-« fércntos et à l'exclusion de tout mysticisme, un grand« esprit a su occuper ce poste contemplatifet considérer« l'univers moral de l'œil désintéressé d'un peintre.

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« Avec cette clarté lumineuse d'un esprit qu'aitaitèrent« Rome et la Grèce, Erasme s'est complu,en son Eloge« de la Fo~'f, & montrer le jeu des rouages de la vie<( sans nu! souci d'y rien modifier et pour les seuls plai-« sirs de l'analyse.

« Cette sérénité calme confère au livre une beauté« plus haute que ta satire. Elle ne témoigne pas toute-« fois d'une moindre lassitude de l'acte que celle qui« s'est abattue dans le refuge des versets de l'/w~a-« ~o/t/mais elle diffère de celle-ci en ce qu'Erasme n'a« recours, pour se fortifier, à aucune vaine hypothèse.« Désabusé de vivre, il perçoit nettement le caractère il-« lusoire des motifs pour lesquels on vit. Mais il admire« d'autant plus la force qui transforme ces motifs ina-« nimés; semblables & des masques vides, en la diver-« sité des ~outs, en la violence des passions, d'où tout« armés jaillissent les actes. Cette force que nous nom-w mons la no~o~~ en acte, et qu'on a coutume de nom-« mer la vie, entendre le pouvoir d'i!!usion par lequel« toute activité intense se constitue un univers précis en« harmonie avec ses désirs. Cette force, pour Erasme,? est la Fotie. Aussi est-ce à juste titre,et dans un sense profond, que la FoUû proc!ame au cours de son pro-? pré é)og'e <' A mesure que tes hommes s'éteignent de« moi, la Vie se retire d'eux. » Voi!à qui retranche lesa intellectuels en une catégorie its sont ceux-là dont la« Vie se retire. ?

Décourag-ement de vivre, aspiration au néant? Est-celà te dernier mot de cette philosophie d'artiste quenous avons annoncée? L'optique spectncutaire va-t-ellese terminer par ces horizons g-tacés et ces pentes déso-Ïées qui conduisent au néant? Le philosophe artisteva-t-it dire avec un grand contemplateur

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Et toi, divine Mort, où tout rentre et s'efîace~Accueille tes enfants dans ton sein étoilé;Affranchis-nousdu temps, du 'nombre et de t'espaceEt rends-nous le repos que la vie a troublé?̀?

Non; car nous allons vérIHer sur M.Jules de Gaultier

une loi qui semble s'appliquer & tous les grands repré-sentants de la sensibilité spectaculaire en notre siècle.Cette loi veut que, dans ces âmes artistes, le pessimis-

me s'allie à un étrange et invincible amour de la vie

que la lassitude de vivre s'accompagne du sentimentintense, profond, indestructible, de ce qu'il y a malgrétout d'éternellementjeune, d'éternellement bcau,triom-phant et adorable dans la vie.

Ils ressemblent à ces amoureux trains, qui aimenttoujours. Odi et a/no. Un Gobineau exprime un pessi-mismesans remède; il désespère d'une humanité déchue,abâtardie et déclinante. Dédaigneusement, il se sépared'elle et va désormais contempler la vie du haut do sonbelvédère spéculatif. Retiré dans sa tour d'ivoire, cetaristocrate meurtri ne jettera plus sur les hommes qu'unfroid et Impassible regard. Détrompons-nous pourtant.Ce contemplateur désabusé ~arde à la vie une sympathiesecrète. Le même écrivain qui vient de tracer les lignesdésespérées qui clôturent le D/sco~s SM/' /'</t<a~~des races va,quelques années plus tard, écrire ces Nou-velles ./l~a~yMM, si débordantes de jeunesse, d'amourde la vie, d'amour du pittoresque à travers les racesbigarrées de la changeante humanité. Leconte deLi~Io contemple, lui aussi, du haut d'un Hymalaya dé-solé, l'absurde et ma~niRque spectacle des choses. Maisau fond il pardonne it la vie son mensonge et sa cruau-té il l'adore quand même, parce qu'elle est belle de sonmensonge ~et do son mystère, parce qu'elle reste l'en-

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chanteresse et voluptueuse Maya. – Flaubert exprimeainsi son pessimisme spectaculaire « La vie est chosetellement hideuse que le seul moyen de la supporter,c'est de l'éviter. Et on l'évite en vivant dans l'art, dansla recherche incessante du vrai rendu par !c beau. » –Ailleurs « Voussercxa la comédie de I'immanité;et ilvous semblera que l'Histoire a passé sur le monde pourvous seul.)) Mais à quelques lignes de là, dans cettemême correspondance, Flaubert va exprimer son amourexalté de la vie et de la grandeur de la vie. « Nous neprônions de rien nous sommes seuls. ~M~ comme le )

Bédouin dans le désert. Il faut nous couvrir la ngure,nous serrer dans nos manteaux et donner tête baisséedans l'ouragan et toujours – incessamment, jusqu'ànotre dernière goutte d'eau, jusqu'à !a dernière palpita-tion de notre coeur. Quand nous mourrons, nous auronscette consolation d'avoir fait du chemin et d'avoir navi-gué dans le grand (t).))LedilettantismecontemplatifdeM. A.France recouvre un fond indéniable de pessimis-me. Ce pessimisme s'exprime le plus nettement dansl'apologue ou la vie est comparée à un vaste atelier depoterie. On y fabrique toutes sortes de vases pour desdestinations inconnues et dont plusieurs, rompus dansle moule, sont rejetés comme de vils tessons, sans avoirjamais servi. Ce sont les enfants qui meurent. Les au-tres ne sont employés qu'à des usages absurdes ou dé-goûtants. Ces pots, nous en~ei~ne M. A. France, c'estnous. Mais M. A. France est trop artiste pour rester surcette impression assombrissante. Il aime trop cette viemouvante dont les Mots s'élèvent et s'abaissent commeceux de la mer Hadria et multiplient a l'inHui les sou-rires de la lumière comme le pauvre moine Giovanni

(t) Ftauber~ 6'f'r<on<~Mc< 3* série, pp. 86-87.

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désabusé par le Docteur Subtil (ï), il goûte trop « l'illu-sion délicieuse des choses » et la douloureuse voluptéde vivre.

En tout spectaculaire il y a un artiste et en tout artisteil y a un amant de la vie. Jules de Gaultier ne faitpas exception à cette loi. Il exprime, lui aussi, la fidélitédu contemplateur et de l'artiste à la vie décevante

«L'activité esthétique débute avec le fait de conscience

« pur et simple; elle accompagne, chez l'homme et sous« cette forme élémentaire, presque tous les actes qu'il« accomplit. Mais nous ne la distinguons expressément« que lorsqu'elle commence à se développer au détriment« de l'acte utilitaire qui la supporte, que lorsqu'elle s'en(( détache et conquiert son entière indépendance.S'étant« formé, dans l'individu, d'une dissociation des éléments« de l'activité individuelle, le sens esthétique s'élargit à« la contemplation de toute action exprimée dans l'uni-« vers. Parvenu à sa parfaite autonomie, il devient in-« dIB'érent au succès ou à l'insuccès des processus uti-«litairesqui lui sont un spectacle. Il semble donc qu'il« implique, ainsi que le veutSchopenhaucr, un état de

« désintéressement, un renoncement de la volonté aux(( fins qu'elle s'était proposées. C'est ce qu'il faut accor-« der, mais il faut constater aussitôt que si la volonté« renonce aux premières formes de son désir, c'est parce(< qu'elle a gretTé sur celles-ci des formes plus rafHnées.« Le renoncement a donc ici une contre-partie; il n'est« qu'apparent et marque une simple transposition du« désir. Si la volonté se supprime sous son premier aa-« pect, c'est pour ressusciter sous un aspect rénové aussi« ardente que jadis, aussi fidèle à elle-même.

« Cette genèse du sens esthé~ue ne semble en désac-

(t) Dans rz/HMatM ?Vay~tC.Jr

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« cord avec aucune des thèses essentielles de ta Volonté« de Puissance. Le sens esthétique s'y montre condi-« tienne par l'existence antécédente d'un surcroît deH force, ileurit sur la force et apparaît ainsi qu'une« attitude luxueuse de l'activité (i). »

Et un peu plus loin, rappelant un symbole de Nietz-sche qu'il interprèteun peu autrement que l'auteur de~o/o~~ ofe /)~~s<7/~e

« A appliquer) ditM..1. de Gaultier, les images crééespar Nietzsche A cette conception qui, semble-t-il, eût

t< pu être la sienne, à considérer les idées joie et peine« sous le jour do leur rapport avec le sentiment do puis-« sance, on pourrait voir, en cet excédent de force par« lequel la volonté l'emporte sur les fatalités qui la« pressent, et sourit au-dessus de sa tâche~ en ce sens«contemplatif, où ce surcroît de puissance éclate, cette« joie plus profonde que la peine, qui aux douze coupsM de l'heure détermine le oui nuptial par lequel la Vie« se jure à elle-même la fidélité de l'anneau (2). »

On notera Ici l'évolution de !a sensibilité esthétiqueen vertu de laquelle l'attitude do renoncement décritedans f/~roe~HC~'o/t ~a t'/c ~c/M~e se mue,dansrame de l'artiste, en amour de la vie, en l'apothéose dela vie célébrée en /~e A' A .V/e~s-tcAe et dans A~~cAc~jf~ ~/orM!ep/i!7oM/)/i'/yHC.Lav!e, d'abord mau-dite pour sa cruauté, est maintenant adorée et célébréepour sa beauté (3). H y a ici une conversion du vouloirorientée en sens inverse de celle que souhaitait Scho-penhauer. Pour l'artiste épris de la vie, le pessimismelui-même n'est qu'un des aspects de la plénitude de lavie, de même que la maladie n'est qu'un des aspects des

(<) ~Vie<ESC/<e e~ /u /br'~)f ~/t!~os<A~uf, p. ~5.(a)~Vte<fsc~e e< ~a /~<brHMcA<~<M<tpA«y<M,p. 78.(3) /~e A'a/ f'< .V«'S(.«\ p. Jo~.

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forces biologiques (t). Plus d'un artiste ressemble &

Beethoven qui, nous (Ht M. Fierons Gevacrt, s'ingéniaita accentuer la tristesse de sa vie. « KUc était, dit-il,nécessaire à son art. »

Le sens esthétique, ce n'est plus la vie se renonçantcHc-mcmo; c'est au contraire )a vie intensifiée et appro-fondie, la vie « doublée et redoublée)), selon une expres-sion du Comte de Gobineau. C'est dans ce sens qu'ilfaut entendre désormais le précepte formule par M. J.de Gaultier: 7'ra~w~r M~.s'a~/o~<?~ perception,L'attitude esthétique n'est plus pour lui ce qu'elle futpour Schopcnhaucr, un avant-g'oût du néant, une mé-ditation de la mort, une attitude pour mourir. Elle estce qu'elle fut pour Nietzsche, du moins pour le premierNietzsche, le Nietzsche de /'0~ï0 de la <e(carie Nietzsche de plus tard, le Nietzsche de 2~a-~OM~a et surtout celui de la Volonté de j~H~a/tcen'attribua plus au phénomène esthétique qu'un rôle desecond plan) elle est, dia-je, pour M. J. de Gaultier,l'attitude explicative parexceHcnce etrévélatriccdusensde l'univers. La phrase de Nietzsche dans <~H/«?critique de ~ow?~/nc pourrait servir d'épigrapheà l'oeu-vre entière de M. J. de~Gaultier « L'existence du mondene peut se justincr que comme phénomène esthétique. »

A chaque sorte desensibilitécorrespond une sorte d'i-magination. Il y a rapport étroit entre la sensibilité etl'imagination esthétiques. Des yeux de peintre et desculpteur ouverts sur des perspectives métaphysiques,c'est presque la genèse entière do l'œuvi'c do M. deGaultier. L'auteur de /~? 7)T<~M A~~cA~ et du Z~ua-~y.'</Mg est certainement un visuel je dirais presque unvisionnaire, si ce mot n'avait parfois un sens péjoratif

(t) Voir sur ce point Esteve et Gaudion, les ~rt's du ro-/?!cn<'tMte, p. Co.

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qui trahirn! ma pensée. – Visue!, visionnaire, dans lebonscnsdumot~M.J.deGautticr l'est par l'intensifdestabh.'aux qu'it évoque, put' te don de transfigurerles idées at)straites en formes vivantes. Qu'on !isecnDe A~

M /V<e~~c/i!e!a description dct'iHusion pano-ramique qui figure !'iuusion phénoménale (p. 8~) oucn''orc !a pit!.orcs<}uc comparaison que voici

<( !~cs«idées de Vérité et de Lit'erté sont des notions, mais« des fictions naturcHes, engendrées par !a Vie qui ment« des qu'ciïe se meut. La toufïe d'herbes fraîc!)es atta-« chec, ])our !e dresser, devant les naseaux du chevaî«qui, dans un manche forain, fait tourner !e cirque« des chevaux de hois, n'a par cité-même aucune vertu« pour faire mouvoir t'appareit, mais le cheva), attelé et« harnache, s'eiance vers t'herbc fratchcqui fuit<!evant« lui d'une vitesse c~ate a celle qu'il déploie pour l'at-« teindre. Ainsi il entraîne de son elt'ort tout le cirque« des chevaux de bois, avec ses cavaHer.s enfantins, ses« écuyèrcs en fête, parmi le bruit des propos et des« chants, dans un fracas d'orgues et de cymbales, sous«la lumière des quinquets multicolores. La Vérité, !a« Libertc sont pour l'homme ces bouquets d'herbes« fraîches l'homme croit qu'une Vérité fixe est assi-« ~née comme un but à i'en'ort intcHcctue!; i) croit«qu'it dispose d'un libre arbitre, c'est-à-dire du pou-« voir de se modifier lui-même, dans le sens de ia Vérité

qu'U aura trouvée. Et l'homme aussi prend sa course« vers ces promesses ncuries qui retient ta vitesse de« leur fuite sur l'énergie de son éian. De ta sorte estamis en brunie te diorama infiniment complexe du«monde mora), pamn te cortège des civilisations, !a

c!ameurdes pri<')'cs, !a frénésie des nctc-s cttamédi-<( tation des phitosophes (!). ))

<'t) Df A~n~ « A~s.s't'p. j). ny.

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LA PHILOSOPHIE COMME ŒUVRE DE SCtHNCE ET COMME

ŒUVRE D'ART

Le monde vu sous l\)ptiqucdel'arUsf('!L:iphHusophiecomme vision d'artiste! Ces expressions sct'aient-cttesncccptées de tout point par AL J. de Gaultier pour dési-gner sa phitosophic ? Cela n'est pas sur. M. de Gaul-Ucrnous dit à plusieurs reprises qu'il traite la philoso-phie comme uncscience. Bien plus,il la regarde commeune science exacte et môme comme une science achevée.KUc est la science du savoir, la science de la connais-sance telle que l'a formulé Kant;teUe que Schopenhauerl'a reprise et mise au point. Elle se présente ainsi avecun caractère d'impersonnaHté et d'universalité auqueln'atteignent pas les intuitions du sens esthétique. –Y a-t-il antinomie entre ces deux conceptionsde la phi-losophie la philosophie comme oeuvre de science, et laphilosophie comme œuvre d'art? La question vaut lapeine d'être posée, car l'antithèse est classique entre lascience et l'art, Mais elle est peut-être moins difficile àrésoudre qu'elle ne paraît au premier abord. L'idée queM.J.de Gaultier se fait de la philosophie comme scienceest assez large pour admettre l'introduction dans la phi-losophie du point de vue esthétique et d'autre part l'idéequ'il se fait de l'activité esthétique est également assezvaste pour envelopper tous les modes delà connaissance,depuis le plus élémentaire qui est la perception, jusqu'auplus raffiné et au plussavant la théoriede la connaissanceelle-même. D'un côté la philosophieentendue comme l'en-tend M. de Gaultier,c'est-à-dire comme moyen etcommescience du savoir (par opposition à l'ancienne philoso-

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phiedénnie comme moyen et comme science du bon-heur), la philosophie, dis-je, dénnie comme la sciencedelà connaissance, suppose et détermine a !a fois chexle philosophe une attitude purement esthétique: M A

«l'égard d'un jeu d'apparences dont !e caractère iïïu-« soirc est dénonce, s'i! n'est p!us possible d'adopter« l'attitude du moraliste aspirant à la vérité, il est pos-« sib!e encore d'adopter ce)!e du spectateur épris de la

M beauté d'un spectacle,l'attitude esthétique. Kant a-t-ila eu conscience de cette posture que pouvait su~ércr a

« l'esprit ta vision (le l'existence phénoménale suscitée« par sa doctrine ?. Ce n'est pas sans intention, sans«doute, qu'il a nommé ~s/Ac~He ~'a~cc~c~f!~ 1

« cette première partie de la Cr/Hcct la plus impor- 1

« tante aussi, au cours de laquelle il donne le temps et 1

« l'espace comme des propriétés de l'esprit et non de 1

a l'objet. Ce n'est pas sans intention, sans doute, qu'il a« compris dans la catég'orie de ~.9//t<yM6 l'étudede ces«moyens de représentation, à travers lesquels nous n'at-« teindnonsqu'unjeu d'apparences, les opposant à /'<« <~Me qui seule nous mettrait en rapport avec la réalité« véritable. Si, selon l'indicatton de Kant, l'idéalisme« détermine dans les domaines où il estappliqué la. sub-«titution d'une conséquence et d'un but esthétiques à« des conséquences et à un but éthiques, il y aura donc« lieu, d'un point de vue d'idéalisme universel, d'at-{t

tribuer à l'existence des 6ns strictement esthétiques& et non plus éthiques (!). »

D'autre part, l'esthétique s'insinue dans tout acte deconnaissance.

((L'état spectaculaire qui trouve sa réalisation plé-

(t)J. de Ganittcr.~Deu.r~~Hrs de ~a~/t~ïpAy~ac. Revuephilosophiquede février '~og, p.tsg.

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«nière dans le sentiment esthétique et y montre son

« excellence, est mèté, sous sa forme élémentaire de per-<( ception, puis sous les formes de la curiosité, depuis<( les plus vulp'aires jusqu'aux plus nobles, à toutes les

« modalités de l'existence (i). »La philosophie, ftoralson ultime de l'tnstinct de con-

naissance, est à la fois œuvre de science et œuvre d~art.Comme science, elle est la science de la connaissance,comme art, cUe est la vision panoramique du mondeque soutient la science de la connaissance e)!o est, se!onune formule de Carlylo, une « peinture spirituelle ? del'univers.

Ainsi semble se réaliser dans l'œuvre de M. J. deGaultier, le mariage de la philosophie et de l'art sou-haita par Schopenhauer et célèbre par lui dans un cha-pitre capital des Parera la JPA(7o.s'o/)/ la ~e,l'Art ej! <yc/<?nce. La philosophie, d'après Schopen-hauer, se distingue des sciences positives particulièreset se rapproche de l'art., à la fois par son objet, par sesprocédés et par ses caractères essentiels. Par son objetd'abord car ~andis que les sciences s'attachent au DOHr-quoi, la philosophie s'attache au co~:MM~. Les sciencesne font que dévider, conformément au principe de rai-son suffisante, l'interminable écheveau des phénomènes,toujours en quet.e d'une réponse aux pourquoi sans cesserenaissants que suscite chacun d'eux; la philosophiearrête au passade les formes mouvantes de la vie et lesfixe en une fresque ou en un bas-reticf où leur imagesoudain Immobilisée apparatt au contemplateur sous lepur aspect de la beauté « Le principe de raison suffi-sante, sous ses quatre formes, ressemble à une tempête

(ï) J. de GsmUicr, Proy~a~MC. ~'rcHre f~ F/*<!Mce du t" fé-vrier )go<), p. 4a5. – Voir, pour le développement de la même pen-sée les /<sonx~e /'7r~fnf, pp. "a-93.

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sans commencement ni en, qui entraîne tout dans son 1

tourbillon. La science se perd dans cette recherche indé-finie, emportée par le tourbillon de la causalité. Maisl'art ressemble à la tranquille lumière du soleil quen'ébranle aucune tempête et qui brille à travers celle-ci. Le philosophe n'a pas à s'occuper du « pourquoi »,comme le physicien ou l'historien, il n'a qu'à considérerle « comment )),à le consia'ncr en notions qui sont pourlui ce que le marbre est pour le sculpteur (t). » )

Cen'est pas seulement par son objetque la philosophies'apparente à l'art. C'est aussi :par son procède l'intui-tion (ce que Schopenhauer appelle la contemplation del'idée) c'est aussi par son caractère de plénitude etd'achèvement. Comme l'art en effet et surtout commela musique que Schopenhaucr appelle l'art royal parexcellence, la philosophie donne à chaque iostant une i

satisfaction complète à l'esprit « Elle a, à chaque ins-tant, touché son but qui est de reproduire et d'exprimerle monde (a). »

Comme l'art ennn, la philosophie est une activitéréservée à une élite. Elle est d'essence noble. Elle estchose /?aMCo~H~ Aow~MM. « Comme toute véritableœuvre d'art, la philosophie est la mesure à laquelle cha-cun peutjug'er sa propre taille. Elle n'est pas accessi-ble sans distinction de personne. Elle est comme laMadone de Raphaël, le D<?~ ~Ha~ de Mozart, l'N~/M~de Shakespeare et le FaM/ de Gœthe, qui n'existenttque selon la mesure de la valeur de chacun, c'est-à-direqu'ils n'existent à peu près pas pour la plupart desgens (3).

}I

(t Schopenhauer, Parerya, Philosophie et philosophes, trad. DIe-trich (Alcan), p. ta6.

(a) Schopenhauer, loc. c~ p. t3o.(3) Schopenhauer, ~oc.ct~p. !9!.

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La conception que M. J. de Gautier se fait de la phi-losophie répond trait pour trait a ce signalement. Laphilosophie, d'après lui, s'attache non au pourquoi,mais au comment elle est une simple description del'intelligence humaine en tant qu'appareil générateurde l'illusion cosmique et elle est aussi une descriptionde cette illusion eUc-même. t~lte est le )ivret de la féeriequi se joue sous nos yeux.

Pour M. J. de Gaultier comme pour Schopenhauer,la philosophie est a tout moment achevée; puisqu'ellenous présente l'image d'un monde qui atteint a chaqueinstant toute sa fin (t), en se contemplant lui-même eten jouissant de sa propre beauté par une sorte de nar-cissisme métaphysique. La philosophie enfin, selonM. J. de Gaultier, est, comme l'art, le privilège d'uneélite. Si Fêtât spectaculaire se trouve en g'erme dansl'acte élémentaire de la pensée la perception, et celachez n'importe quel homme, cet état ne prend pourtanttout son développement et sa nature pléniere qu'enquelquesesprits qui mettent leur joie suprême dans Factocontemplatif.

Non seulement M. J. de Gauttier proclame commeSchopenhauerl'orig'inalitéde la phitosophie vis-à-vis dessciences, mais il met les sciences sous la dépendance dela philosophie; il fait d'elles, à quelque ég'ard, Ies«ser-vantes de la philosophie » non dans le sens ancien etpérimé de cette expression,mais dans le sens nouveau etsubtil qu'autorise l'optique de l'artiste. Cela signifie queles sciences servent, comme la philosophie elle-même,à la satisfaction du sens spectaculaire.

« La philosophie répond à la question que son objet

(t) Voir, aur te caractère complet et achevé de ta philosophiecomme représentation esthétique du monde la D~en~n~co de la~ora~ e< ~/n~<~cnd<!f!f<*~M wo'Mrs, p. 338.

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« comporte en assignant pour but à l'existence i'appa-« rition d'elle-même a sa propre vue, en montrant que« toute l'activité de l'existence, en tant, que fait de pen-« sée, se dépense en la production du phénomène et se« récupère en sa contemplation. Dès lors, la science qui

« a pour objet de faire apparaître des aspects nouveaux« et plus précis du phénomène, la science assume une« valeur indiscutable, dès qu'elle réussit dans cette« tAche (t). ? « II semble ainsi qu'en vue de la nn<![ spectaculaire ou clic a reconnu la Hn de l'existence, la« philosophie ait passé !a main à la science seule qua!i-< née désormais pour assouvir sa passion de connaître« dans le domaine de la relation où se rencontrent ses« objets (a), o

Ainsi la science, comme ta philosophie, ne reçoit Mpleine si~nincation que sous l'optique de l'artiste.

!MS GKNÉRALt! QUt DOMtNJE LA fmLOSOPH!E M M. J. MGAULTtKR ANTi-mÈSH DE L'!NST!NCT VITAL ST nE t/tNS-TtHCT nE CONKAtSSANCB

Dès son 7/~ro~Mc~o~ a vie ~<ifp//cc~H<c, M. J.de Gaultier se montre frappé par une antithèse qui vitdominer toute sa philosophie celle de l'instinct vital etde l'instinct de connaissance.

Ces instincts sont les deux grands prot.ag'onistes dudrame vital ils se disputent l'univers et chaque indivi-du pensant ils inspirent les deux grandes philosophics

~t) J. de Gau!(ier, ~M DeM.eefreH~ <~ ~t AM~Af/st'yHe. Rev.phtiosoph. de féTrier 'gog, p. !3g.

(a) Z..oe. Ct< p. !~o.

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rivales; la philosophie de l'instinct vital et la philoso-phie de l'instinct de connaissance.

La distinction de ces deux instincts exprime les deuxaspects du phénomène humain. L'homme est à la fois

un être vivant et un sujet de connaissance. Sans doutel'homme vit avant de connaître; mais il n'importe. Laconnaissance s'éveille en lui a un certain moment etdésormais le désir de vivre et le désir de connaître vontcohabiter en luii sous la double loi d'une indissolublesolidarité et d'un perpftnci antagonisme. L'Instinct vitalsin~cnie simptcmcnt ri vivre il s'adapte, il surmontetes obstacles, tourne les dit'ricultcs, trompe l'adversaire,se plie au milieu ou s'insurge contre lui. L'Instinct deconnaissance analyse, médite, rénechit, raisonne, appré-cie, édifie des systèmes. Penche sur la vie, il la contem-ple. Il est le spectateur du drame où il se trouve parfoismc]e comme acteur car, rive à son frère ennemi il lesuit bon gré mal g'ré dans les entreprises où ce dernierl'entraîne. Il le suit et il le sert, Ariel enchaîné par Cali-ban. Car l'Instinct vital prime et opprime l'Instinct deconnaissance; il l'utilise pour ses fins; profite de saclairvoyance dans les cas difficiles, mais refuse jusqu'aubout de l'emanciper. Ce n'est qu'exceptionnellement quel'Instinct de connaissance secoue le joug, s'enfuit dansl'air libre et contemple pour son propre compte. C'estalors qu'éclate l'antagonisme de la vie et de la connais-sance.

Emancipe du service de la vie, l'Instinct de connais-sance se retourna contre elle il va détruire la vie. Ildissocle tes croyances utiles a !a vie. Il est l'Esprit quitoujours nie.

L'instmct vital est un esprit d'incuriosité voulue àl'endroit d'un certain nombre de principes philosophi-ques et moraux posés de parti-pris comme des éléments

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tnanalysabtes, comme des blocs où la critique ne sau-rait mordre. – L'Instinct de connaissance est l'espritd'incroyance et d'athéisme à l'endroit de toute ido!e.C'est le refua de l'arrêt dans l'analyse.

L'Instinct vital est Intéressé, pratique, cupide, retorscomme un homme d'à Maires sans scrupules; il nerecutedevant rien pour arriver a ses tins et route toujoursson adversaire.– L'Instinct de connaissance, purementcontemplatif, est désintéressé, sincère et véridique. lisedonne pour ce qu'il est et pour ce qu'il veut être unpur miroir de l'univers. H nous fait voir Icschoscs tellesqu'il tes voit lui-même.

L'Instinct vital, passionne, ardemment épris de sonobjet, esclave de ses amours et de ses haines, ne peutjeter sur le monde un regard clairvoyant. – L'Instinctde connaissance est serein, Impassible, inexorablementlucide.

L'Instinct vitat se rencontre en tout être humain, chexle plus vulgaire comme chez le plus raffine. Mais l'Ins-tinct de connaissancesoussa forme ta plus haute~ celle oùil s'affranchitdes suggestions de l'instinct vital, supposede particulières qualités de clairvoyance.La pure contem-plation est une attitude du !uxe et de loisir. Los adeptesde l'instinct do connaissance sont les aristocrates de lapensée.

L'Instinct vital s'incarne sous sa forme la plus frap-pante, la plus grandiose, la plus puissante et tyranniquedans les collectivités et tes institutionssociales. L'Ins-tinct de connaissance, sous ses formes les plus pures,les plus deg-ag-ées de l'emprise de l'instinct vital notrouve un refuse que dans l'asile de quelques raresconsciences individuelles. Il favorise de ses révélations 1

le solitaire, le spéculatif retiré de la foule et qui planequelques instants tout au moins au-dessus des appétits,

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~intrigues et des luttes. L'instint vital s'idcntineicil'instinct social ce dernier voit dans te solitaire spé-

ru)atifun ennemi; ennemi méprise et haï; méprise par-ce que faible; haï parceque clairvoyant et Indompté.

Chacun de ces deux instincts va jusqu'au bout danssa direction. 1/Instinct de connaissance, ci~ex ses plusitaut-s adeptes, cng-cndre une absolue bravoure Intellec"il a toutes tes intrépidités; H veut voir jus-bout dans sa propre pensée, il veut coûter a fondtoutes ses idées. !1 est sansscrupulesdansses exigencescomme l'Instinct vital t'est dans les siennes.

Mais cette hostilité des deux principes no doit pasnous faire perdre de vue leur solidarité. On ne conçoitpas les deux instincts dissociés d'nno façon absolue. Lasensation (plaisir, douleur, désir, impulsion vitale) etla perception (fait élémentaire de la connaissance) sontdans toute conscience Inséparables l'un de l'autre. –Sans doute ces deux faits ne sont pas toujours propor-tionnels l'un à l'autre et l'on a môme pu poser cette loide psychologie élémentaire la sensation est en raisoninverse de la perception. Mais l'énoncé même de cetteloi indique qu'il n'y a jamais de sensation sans quel-que mélang'e do connaissance, non plus qu'il n'y a deperception absolument pure de toute émotion et de toutdésir.

L'Instinct vital est le substratum nécessaire de lins-tinct de connaissance. Sans vie, sans quelque obscurdésir de vivre, sans quelque tendance de l'être à persé-vérer dans l'être, il n'y a pas de contemplation possible;pas même cette contemplation éthérée, falote et fan-tomatique, ce clair de lune contemplatif que railleNietzsche dans son Za/Y~AoH-~ra, rayon lunaire frôlantmélancoliquement les réalités de la vie sans les possé-der jamais ni en jouir.

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L'attitude contemplative, te p!ais!r de comprendreémergent pc:' peu (te l'action et de t'exp~'ricnce de !avie. Ce. n'est qu'après avoir souffert, après s'être indiq'néet révolté, qu'on arrive a !a sérénité ('ontempi~tivo,quand ou y arrive. tMen souvent, l'attitude spectncutau'eest, pour l'être qui a soutTcrt, uu pis-aDcr, une attitudede résignation. Avant (t'y parvenir, H a longtemps fré-mi quelquefois môme il frémit encore de l'injure reçue,de l'injustice subie. « ï! y a du trouble dans nos séréni-tés, dit M. Paul Bourg'ct, comme H y a de !a révoltedans nos soumissions (t).

')

1,'Insti,net de connaissance est peut-être une formeultime, !a plus rafnnce dei'histinct vital. – Mais d'au-tre part que serait rinstinct vital isoté de l'instinct deconnaissance? L'être en qui l'instinct vita! régnerait seulserait voué & l'cmportcmentdu désir inassouvi et furieuxau point de s'ignorer lui-même, à !a fo!ie du mouve-ment, à ta frénésie de faction trépidante et épitoptique,insaisissable pour eUc-metnc, Inscnsibte à ta joie et à !adouleur de vivre~ puisqu'it est impossible de concevoirla joie et ia douleur étrangères a toute conscience, lasensation pure de toute perception.

S'it en est ainsi, dira-t-on, t'antithese que vous venezde poser entre l'instinct vital et l'instinct de connais-sance n'est-etle pas artiHcie!!c ? N'est-eHe pas un sim-ple jeu de philosophe qui consiste à opposer deux termespour avoir ensuite le plaisir de les rapprocher et de lesréconcilier ?

Nullement, répondrons-nous. Car si ces deuxéiémcntssont toujours donnés ensemble, H faut aussi considérerla proportion ou ils sont donnés. Or, cette proportion,comme l'exprime la loi de psychologie élémentaire que

(1) ~'i;-«ït'$ (~ P~eÂo~tc CM~~waf'ne, p. 9.

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nous citions plus haut, cette proportion est telle que l'undes étéments y est en raison inverse de l'autre. Cettetoi se vérinc à travers toute l'évolution atYective et in-t<cctueHe. La passion exclut l'analyse l'aveuglementdp; amants, thème (les romanciers et des drama-turges, illustre mieux que tout autre exemple la contra-diction qui existe entre l'instinct vital et l'instinct deconnaissance.

La rivalité des deux instincts alimente le drame hu-main. L'instinct vital jalouse l'instinct de connaissancecomme Catiban jalouse Ariel. M lui en veut secrètementde son attitude d'aristocrate. Surtout il voit en lui unennemi il redoute sa clairvoyance antivitale. Il crainttoujours de voir son captif lui échapper et tente do lecompromettre dans ses propres sottises. Il voudrait l'é-galer en lucidité, en détachement aristocratique il vajusqu'à imiter gauchement ses gestes et ses attitudespour faire tl~ure dans le monde. Peine perdueL'ins-tinct, de connaissance ~arde ses avantages sans conqué-rir son indépendance. Captif du maître grossier dont!a sottise ne l'abuse pas, II lui joue de mauvais tours,les masques piteux dont il s'affuble, les armesvulgaires dont il se sert, les prétentions qu'il affiche,les manières autoritaires qu'il afFcctc, les gaffes qu'ilcommet, il le convainc à chaque pas de mauvaise foi,de crédulité, de bassesse et do bêtise.

L'antithèse entre l'instinct vital et l'instinct de con-naissance n'est pas neuve dans l'histoire des Idées. L'an-tique légende 'lu voile d'îsis qu'on ne soulève pas sansmourir en est t'expres.sion classique. Schopenhaucr aaussi tr~té ce !hcmc II a montré l'instinct vital nna-tcmcnt vaincu par l'instinct de connaissance. M. Julesde Gaultier n'accepte pas l'Idée d'une défaite définitivede l'instinct vital par l'Instinct de connaissance so!u-

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tion qui couperait court au drame de l'univers et à lacuriosité philosophique. Pour lui, la lutte entre les deuxprincipes est éternelle, éterneUemcntt féconde et créa-trice de réalité.

Quel est, dans cette lutte, celui des deux adversairesauquel vont les sympathies de M. Jules de Gautticr? Laréponse ne peut être dout.eusc. Ltjes vont. à rinstinct deconnaissance. Comment pourrait-i) en ôtrc autrement?M~J.deGauitier n'a-t-it pas défini }a philosophie tascience de la connaissance et la vision panoramique det'uni vers en harmonie a vecles lois essentieHes de tin-teHect? La phHosopInc ainsi com;)rlsc n'est-c!!e pas finede t'instinct de connaissance ?

M. J. de Gaultier cède évidemment à une préférencede tempérament inteHectue!, quand il célèbre les atti-tudes dédaigneuses de l'Instinct de connaissance à l'en-droit de son riva!, quand il souligne la vu!g-arité desattitudes de ce dernier, ta bassesse de ses démarches etFimprobité de ses moyens. faut. Hrc !es pa~es étince-tautes où il trahit son parti pris d'aristocrate de la pen-sée en faveur de !nstinctde connaissance et où H fus-ti~e, d'une main !ég-ère eldédai~ncose, sur !c dos deM. Cousin ctautt-es pontifes du cu!te de rïnstinctvita!,la présomption et l'infatuation aristocratiques de cesptébéicns de l'intc!!i~pnce.

« Le grand t-irc, te rire abstrait, qui est !e propre de« Hnstinctdc connaissance quand il a pris conscience« de lui-même et que, sachant son rote, ayant abdique« toute prétention à organiser ta vie, H ~oiltc

en specta-« leur !es péripéties de la représentation phénoméaa!e,« ce rire sHencieux parmi i'atbniratdc surdité des vi-« vants retentit durant tout !c cours de la parade méta-« physique. L'instinct vital, enfoncé en des hauts.de-« chausses phitosophiques, cherchant à se parer de la

j

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«noblesse et de la froideur hautaine de la connaissance,

« est un Bourgeois gentilhomme non moins comique« que l'autre pour qui sait le voir évoluer. Mais le co-« mique s'idéalise si on le voit accompag'né par quelque« vieux serviteur,dupe lui-même de ses belles manières,« signalant par un redoublement de respect les faux pas« où il trébuche.M. Cousin tient à la perfection le rôle de« ce vieux serviteur et c'est merveille de le voir, au cours« deson/Y~ot/'c c/e~A/<~o/)A/e, gardien du pro-« tocole monothéiste, repousser d'un ~cste sobre les sys-tèmes métaphysiques qui blessent l'étiquette. (t).))

Est-ce à dire que M. J. de Gaultier va prendre partidéfinitivement pour l'instinct de connaissance et luisacrifier son rival ? Nullement. Ce serait du même coupcondamner à mort l'instinct de connaissance qui sup-pose comme substratum l'instinct vital.

M Jules de Gaultier nous a fait l'aveu d'une préfé-rence de tempérament pour l'instinct de connaissance.Mais ce même tempérament spectaculaire va maintenantl'inviter à rendre justice à l'instinct vital, a reconnaîtreson importance et sa pérennité en face de l'instinct deconnaissance. II nous montrera dans l'instinct vital lepourvoyeur inlassable de l'instinct de connaissance, lecréateur éternel du drame humain. Et même l'instinctde connaissance n'a ses sympathies que pour autantqu'il ne s'Insurge pas désespérément, contre l'instinctvital et qu'il ne va pas jusqu'à le mettre & mal. Car laplus haute attitude du connaisseur ne consiste-t-eUe pasà reconnaître les fatalités de l'existence, à donner acesfatalités un acquiescement clairvoyant et joyeux; amor/<~ ? – M. J. de Gaultier fera donc abstraction de sessympathies personnelles et occasionnelles à l'endroit de

(t) De Kant a A~fscAe, ~p. ~34).

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!'inatinct de connaissance. Bien que phUosophc de laconnaissance ou p!utôt parce que phi!osop!tc de }a con-naissance, ii fera à l'instinct vita! !a part qui lui revient,la part !éonine. L'instinct vi<a! est destine a triompher.C'est en vain que t'instinct de connaissance voudra!! semettre en travers de la vie et dénoncer les ruses du(j!6nie de l'espèce. La nature, comme dit Renan, a tropbien pipe les des. L'humanité se laissera toujours pren-dre à ses promesses. Ette n'est pas découragée par lesépreuves les pins décourageantes; elle n'est, pas démora-Hsee par les faits les ptus demoratisants. EHe est, danssa foi en la vie, d'une jeunesse cternette.

LA PM!LOSOPHtE nE L'tNStïNCT VJTAL ET LA PIHLOSOPHÏE

DE L'msTtNCT DE CONNAÏSSANCE

Les deux instincts rivaux donnent lieu à deux phi!o-soplues antag-onistes. Dans les philosophies de l'instinctvital, l'intellect n'est pas sa En à iui-mcnio; il est unmoyen au service du vouloir. Toute philosophie dormsttact vital est une philosophie de croyant, d'hommequi veut croire parce qn'H a Intérct & croire. L'intérêtqui ie porto à croire est )c souci du bonheur. La phiio-sophie de l'instinct vital sera donc cudctnomste.CommeÏodcsir du bonheur tend, dans tout groupe org-anisé, àprendre une forme collective et Impérative, !aphi}oso-phi~ de Hnstmct vitat prendra l'aspect d'une éthique.Cette éthique, pour s'imposer a ses adeptes, devra édic-ter des principes absolus. EHc pariera au nom du Dog'meou de la Raison eMe sera reUg'icusc ou rationaliste.Sous ces deux formes, eUe devra élever une barrière

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infranchissable entre l'absolu et le relatif, entre l'Etreen soi, principe de toute vérité et do (oui bien, et tacréature imparfaite ot dépendante. C'est dire qu'cticsera dualiste. Le duati'mc a so!! tour implique la réalitéémincnte, première, in<'untcstnb!c de t'Etre en soi; taphilosophie de l'Instinct vit:d sera donc réaliste. – Ré-sumons les cat'nctcrcs de cène pl~tosophic. Dogmati-que, eud6monistc et éthiquc, rationaliste et Hnatistc,duaUste et réaliste: tcnc devra ctrc toute pinlosophiedet'ïnstinctvitaL

La phibsop!)ic de t'instinct de connaissance présentedes caractères antittieti(}ucs a ceux I.'t. Ici, t'inte!!cct està lui-même sa propre fin. n ne poursuit d'autre butque la pure satisfaction logique et esthétique; la joietout intellectuelle d'être un pur miroir do l'univers.Comme te phiiosophe de la connaissance s'est renducompte de rantinomic qu'il y a entre croire et contem-pler, il oppose aux dogmatiques de toute espèce unagnosticisme ou se compîatt son détachetnent à l'endroitdes fins cudémonistcs et éthiques, des mensonges dua-listes etréaMstes trop visihtement Inspirés par des préoc-cupations étrang'cres a ta connaissance. Uniquementsoucieux de contempler, !c philosophe de la connais-sance n'a cure des soucis qui hantent te philosophe del'Instinct vital. La phi!osophie n'est pas pour lui aO'aIrede propagande et objet de prosélytisme elle est thèmea. spéculation solitaire et désintéressée. A qui lui deman-derait quelle est sa raison de vivre, le connaisseur feraitsans doute la réponse de I'Ang'e!y: Pourquoi je vis? parcuriosité.

Agnosticisme, nihilisme, athéisme et amoralismc,dilettantisme, tel est A peu près le signalement de laphilosophie de rtnstinct de connaissance.

Entre la philosophie de l'instinct vital et la philoso-

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phie de l'instinct de connaissance,tout compromis sem-ble interdit. Et pourtant, ne résultc-t-il pas des rapportsdes deux instincts, tels qu'on les a vus plus haut,qu'unephilosophie de l'Instinct de connaissance ne peut pasne pas être, jusqu'à un certain point, une philosophiede l'instinct vital ?̀? Le véritable connaisseur, j'entendscelui qui veut aller jusqu'au bout de !a connaissance,jusqu'au point ou !a connaissance vient se souder autronc de l'arbre de Vie, te véritable connaisseur ne peuts'empêcher de reconnaître l'impossibilité de l'attitudeintellectuelle exclusivement négative, de l'attitude quiconsiste à dire non a la vie.

Il reconnaîtra le droit de la Vie à sa propre affirma-tion le droit de la vie a l'imposture qui est son essenceet sa loi et il ne reprochera aux mensonges qu'il a per-ces à jour que leur impuissance à tromper désormais leshommes.

Les maladroits défenseurs de la vie ne le dégoûte-ront pas de la vie, comme il arrive qu'un commentateurpédant nous g'âte un beau morceau de poésie et nousinocule en ennui sa lourde admiration. Le philosophede la connaissance appcitera nx~ntc de ses vo'ux de nou-veaux mensonges en )'ctnplaccut'')tt dt-s tn~n.scnges pé-rimes <'t il mesure) a la réalité des formes de la vie àleur puissance d'illusion. Ou plutôt, pourquoi parlerdésormais de mensonge et d'illusion? Peut-il en êtrequestion dans un monde qui est a chaque instant toutce qu'il peut être, dans un monde qui ne cache aucunp/! soi, que rie soutient aucun double et que ne prolongeaucun au-delà? Dans un tel monde, toute distinctions'évanouit entre ce qui est et ce qui doit ou devrait êtreentre le modèle et la copie, entre r<ï-.so<! et le phéno-mène, entre la réalité et le symbole. Tout ici est méta-phore, façon de voir et façon de dire et par là môme

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tout est réel; tout le donné,c'est-à-diretout le pense, esta chaque instant la seule réalité. De ce point de vue dupanphénoménalisme, le monde-vérité ne fait qu'un avecle monde des apparences.Ou plutôt on ne peut plus par-ler de monde d'apparences. « Le monde-vérité, nousl'avons aboli, dit Nietzsche; quel monde nous est-ilresté ? Le monde des apparences peut-être. Mais non!avec le monde-vérité nous avons aussi aboli le mondedes apparences.(i). ? Ici, la connaissance et la viecélèbrent leur réconciliation. Le connaisseur savoure« la sereine gaieté des paysages terrestres )). Le senscontemplatif s'absorbe dans le sens de la Terre et par-ticipe à son Immortalité.

PLAN GÉNKRAL UK LA PiULOSOPmE DE M. J. M: GAUL't'nîn

La philosophie de M. J. de Gaultier est profondémentM/tf. Toutes les perspectives qu'elle ouvre se rangentrigoureusement sous l'optique du connaisseur et del'artiste. Mais elles se distribuent sur des plans diH'ë-

rents.Nous distinguerons deux stades dans le développe-

ment de cette philosophie.Le second stade comporteralui-même deux moments l'un caractérisé par un mou-vement de dialectique ascendante, l'autre par un mou-vement de dialectique descendante.

Entre la philosophie du premier stade et celle dusecond, on peut noter !° une dilt'érence de point devue; 2° une din'érence de méthode 3~ une différencede conclusions.

(t) Ntetzsche, le C/'e~MSCM~e des ~o/es. Edition du Mercure,p. t3i.

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Dans sa première philosophie, M. J de Gaultieradopte un peu le point de vue des géomètres quand ilsfont une réduction à l'absurde. H se place momentané-ment dans l'hypothèse qu'il <'onitbatf'{,i! en montre. !'in-sufBsancc. PhUosophc de la connaissance, il continue àparterie )an~a~e des philosophes de t'instinct vital; U~arde l'hypothèse de rcxistoncc de la chose en soi (réa-lisme et dua!ismo), an moins comme ardnco d'exposi-tion et de discussion.

L'adoption d'un te! point de vue entraîne une méthodepurement analytique, négative et critique. M. J. deGaultier n'expose pas encf're sa propre synthèse dumonde, quoiqu'il ia iaissc entrevoir.

Ennn les conc!unions (le cette première philosophiesont aussi purement, neg'atives. EHes se résument, ences deux mots agnosticisme et mnsioni.smc. A~'nost!-Ctsme en ce qui concerne ta chose en soi Hiusionismeen ce qui concerne !e monde ph(''notn<nn). !/i!)u.sioni.smedécoute de ragnost.icistne. Comme H y a toujours unécart entre ~M-o/ des choses et ta représentation quenous nous en formons à Paidc de cet appared de défor-mation qu'est notre iint,o!H~cnce, H.s'ensuit que noireunivers phenomenid esL une ifiu.s~on. i)!)).si')t)i.smc se-reni, d'a!Hcurs, agnosticisme joyeux, san'; aucun la-mento pessimiste cet ag'nosticismo a !'a\'anta~e dedéUvrer le penseur de la hantise de cet !-j).s<u que Kantne peut se résoudre à ig-norcr et ou i! prétendra attein-dre par !a voie détournée de ia Raison Pratique. –Chose curieuse La philosophie de !!nstlnc{ vital, oudc-momste et éthique, en dépit de ses prétentions au Hon*heur, ou p!utôt en raison même de ces prétentions,aboutit au pessimisme. Car cette phiio.sophio est conçue«comme une technique, comme un moyen propre àprocurer un bien dont on <?~/)r~. Aussi !a seasihiHt~

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morale est-eUe, en son principe, une sensibdiLé doulou-reuse (i)

»Par contre Ja phtbsophie de l'instinct de

connaissance, agnostique et itiusionisto, est une phdo-sophiede sérénité. Car le philosophe de !a connaissances'est rendu compte de t'antinomio qui existe entre exis*~ence en soi et connaissance. Le monde des apparencessut'Mt d'aiHeurs pour lui procurer la joie spectaculaire; ilhti ouvre des perspectives Uiirnit.ees (jue ne barre aucunhorizon mythique, que ne déshonora aucune idote theo-!o~ique, logique ou 6thique.Teh'straj~nosticismejoyeuxqui se dé~'a~e du /)c A<7/~ M A7<~s'c/<c.

Dans sa seconde phiiosophic, M. Jules de Gauhierrenonce au symhoHsme mythologique de chose M~'~ardé jusqu'ici comme artinco d exposition et de discus"sion. H va se ptaccr de pius en ptus décidément dansl'hypothèse moniste et ideatiste qui s'oppose terme pourterme au duaHsmcet au rcaiisme citers aux phHosophesde l'instinct vital.

Ici la méthode d'exposition n'est plus critique et n6-'g'ative, mais positive et constructive.

Enfin !esconc)us!onsvontsemodiner.De i'a~nosticis-me et de t'IHusionismc auxquels concluait le De A

A~iff.<fcA<ncns ations passer, paruncévotutionlogique,à un panphénomcnaiismc idéanste sous !e jour duquelle monde donné s avère sincère et vcridiquc. Car lachose en soi supprimée, t'antinomic entre existence etconnaissance s'évanouit elle est remptacccpar cette évi-dence contraire ce qui est représente est seul réc!.4~yM~/<or~cc<dit Spinoxa. A'Me est/)e/'c//)/, dit Berketey.

Cette seconde phi{osophic se constitue, avons-nous

(!) Voir: ~S/)CH.r~H/'S ~t~ttp~y.tt~H~ p. n?.

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dit, selon un douh!e mouvement l'un de dialectiqueascendante, l'autre de dialectique descendante.

Le dialectique ascendante comprend une série de no-tions ou de théories qui s'ajoutent et se superposent demanière à atteindre !e point culminant ou centre deperspective du système représente par !a théorie de !aconnaissance exposée dans /c.s 7~<n~ e~ /a~/M<Ces notions ou théories qui s'étaient selon une diatecti-que ascendante sont !a notion du Bovarysme, ta théo-rie du rée! en fonction du bovarysme le déterminismede !a force et de !a théorie de ro'/cM en fonction du dé-terminisme de ta force.

Ces étapes parcourues nous voici au point cuiminant,au centre de perspective idéaliste. « L'univers est pensée!e monde est le développement soit d'une pensée indi-vidue!Ie, soit d'une pensée impcrsonneUe », telle estl'énonciation, on pourrait dire l'évidence à laque!!enous sommes parvenus et d'où nous aiions main-tenant redescendre. Do cette énonciation décou!e, ene0*ct, selon une double hypothèse idéaliste entre lesdeux branches de iaqueUc it nous est loisibled'opter – ceUe de l'idéalisme absotu ou subjectifqui représente la Ionique extrême de l'idéalisme –celle d'un idéa!Isme ro!atif et mitigé, moins paradoxatet moins tonique queet se!on Icque! )e monde est!e déve!oppen)ent d'une pensée ImpersonneHe;seion,dis-je, cette douide hypothèse,découicnt de i'énonciationprimordiate qu'on vient de dire tes dinérentes notionsou théories parcourues prt'ccdemment dans l'ordre deieur hiérarchie ascendante et qu'on va maintenant par-courir en sens inverse acte p: imordia! de division dela pensée en sujet et en objet, donnant lieu aux loisintellectuelles fondamentales (temps, espace, causalité);puis au.~ propriétés essenticUes de !a matière, puis à

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i'incpuisabie diversité. phénoménale; ces din'erentes for-mes (Je ta pensée.sortant !es unes des autres scton unettecessité où toutefois préexiste vh'tucHement et où semanife.ste empiriquement dans i'cvotution des chosesunn. ou spontancit.e primordiale, antérieure il toutetonique i~nfin~au demie!' de~'re de ceUe diatectiquedescendante, nous retrouvons, déduit maintenant Jet'hypo!h('seideatis!c~ !efa)t~'en~rateurdetoutle(tonn6:le Hovarysmc, principe de di~'ercneiation~ de monvc-ment et (!e vie, principe créateur et ora~.misat.eur detoute réalité.

îci !e cvcie di.dectiqneest ferme. Le monde est cons-trutt. Nous voyons !es formen du devenir se mouvoirrythmiqnement,comme un Flux et un retlux, se!on !adoubie dialectique ascendante et descendante que leur aimposée la pensée du phiiosophc.

Lu dudechque ascendante est représentée dans )'œu-vre de M. J. de Gaultier, par /f~'y~<?, ~<o~H/<r.se//('( /?~/o/<" /~<s'A'y~e (ce dernier ou-vraa'c consacra ptus particutièremcntà la notion du dé-tcrmintsmedeia force); le point cutminant de iadiaiec-tique est représente par les /M~s ~<? ~<<'a/?t~.Avec /?/c<? (/<' ~or< se développe )a dia-tectiquettc.scerxiantcqnl se poursuit dans l'importantarticle de !a /f' /)/<o.x~/<HC intitute les DeM~r

crreM/'s ~p /« ~/<f/x~/Mp; article qui inaugure sansdoute une série do déductions par où se compieteral'interprétation de !'uni\'erscnfo)!ction de la métaphysi-que bovaryque et sous te jour de ~optique spectacuiaire.

Passons hriëvcment en revue !es étapes ({ue nous ve-nons d'indiquer.

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LA PMMtHUB t'n:LOKH')nn. LK K DE KANTA NtKTXSCHE))

Nous avons d)<,que !a philosophie de M. J. de Gaultier,Atravers le périple qu'elle accompiit, s avère profondé-ment une. On y retrouve sur des pians dinoents les

mêmes personnages metaphysi'jucs occupes a tisser !a

trame de Fintri~ue phenomcnaie. Voici,des !es premièrespn~es dcZ)(?/f~ A7<?~f.sc/i<?,s'avanccrsurla sc~ue lesdeux protagonistes du drame l'Instinct vital et i'Ins-tinct de connaissance. lis n~ureut ici sous des traitsconcretset vivants ils s'incarnent dans !a réalité histo-rique, dans ies phi!osophes anciens ou modernes qui ont!ivr6 en t'ait la hatadie des idées et dan.s!e~enic des deuxraces qui ont exprime dansteursphUosophiesrespccti-vcsleurs âmes si profondémentdiHerentes !a race juive etja race hindoue.

La peuple juif, le peuple c!u de Dieu, est!echam-pton de rinstinctvitaL La race hindoue symbuUse Fins-tinct né~'ateur de la vie,! instinct de connaissance.Dansnotre Occident, Platon et Kant h~nt't.nt la môme oppo-sition (H s'agit bien entendu du Kant de C~Me <~c

/so~ ~~re idéalise et conçu comme a\nnt poursuivi ses thèses jusque dans !eurs extrêmes conséquen-ces.) La philosophie platonicienne, ration.dtstc, dogma-tique et éthique est une phi!us;)phif de ftustinct \itaLLe Kantisme de C/<" (~ ~< /s~/< ~<' est unephdosophic de rtnstinct de Connaissance.

Le 7~ A'~n~ jV~s'r/«' )~t onc attaque contre lesphitosophies de t'instinct vitai. – !.c contcmptateur,!'artistequi veut etnhras$''r )o monde de son !ihre regardtrouve devant lui, I~iratit son horizon, la cité mons-

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trueuse, & la fois hiératique et guerrière & la fois for-Leresse, couvent et temple, où l'Instinct vital s'est retran-cha. Les ouvrages avancés de cette citadelle sont le ra-tionalisme ontologique et ic fanatisme moral. Les idolesqu'on vénère dans ce temple sont les« Idoles du ciel lo-gique »,l'Idole Vérité et l'Idole Liberté (î). Mais au plusprofond du temple,dansle sanctuaire le plus secret,trônele maître de cet empire l'Instinct vital, pape des reli-gions, gardien des Hites, défenseur des sociétés humai-nes, que menace l'Archange de Lumière, Lucifer, l'Ins-tinct de connaissance.

Avec queUes ressources dialectiques M.J. de Gaultierva-t-il attaquer le rationalisme ontologique et le fanatis-me moral ?

En D<? 7~~ Nietzsche, M. J. de Gaultier utilisepour cette attaque les armes que lui fournit Kant. IIadopte, tout nu moins provisoirement, les hypothèsesessentielles du kantisme,telles que Kant les a formuléesdans ~a Cr~t~MS </e /?o<.s<')~ P~re hypothèses qui, àvrai dire, n'excluaient pas, dans la pensée de Kant, lapossibilité d'un absolu moral que ce philosophe se char-

(t~ On peut se demander pourquoi M. J. de Gaultier n'a pointn!ace ici, a côte de Cf's deux idf'tcs, t'fdotR /H<< qui fait pourtantpartie dota trinitt' cousiniennc <)c Vrai, !c Hcau, !e Bien). M. J.de Gauhier cxpiiquc, dans .V~f.e <?/ At /<i!' /)/«7~.MpA!~M<que rido!a Dcautc n'a pas <)c de ta pu)t des phiiosopiics de HnsttnctvitaH'objet. d'un cu)!o aussi ('rtvrn) que )ps deux autres idotes.L'idée dp Heat){e<t en effet tim'. !(i(''c {;'t''n(''r!<!c!nent suspecte auxyeuxdes n'iorfdistps H f!U)s" df )'t''i'nc!)t ;<ns'h)c et. charuc) qu'eUc con-tient si bien qu'\p~u!' Ira jn~ct* d)L!;nt' de v-'n~i-atjon, i)s )a raïncncntil l'une des deux ~ntn's id~M, !c Vrni o'i t!)<'n.

Remarquons qu'on oe p'-ut soupçonner ifi J. de Gautticr d'tUrch]i-nt'nK' un f)d<)r:'(f'ut' df t'i.toh' n":u)t' a );t façon de Ptnton, <'tde r:)v<M!* ex<'eph''<'p(!Ui'cette rnison de sa critique. L'idée que M. J.de GautU<'r se fait de ta bc;')!U'' n'es! en e~ nuttenxmt ridée piato"ntcicnnf ni cousinicnnc.Lu beauté, )e!!e qu'ii t'entend, est une beautéen mouvement et en devfnir cotUtne fe monde phenomena) dont e!teest. l'aspect élu pour les sensibiiites d'un certain ordre.

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~ea en effet de restaurer dans la Crj'yM<? de la /~<~o~/<'ï~<7H~. Ces hypothèses sont celles de l'existence d'unEtre en soi distinct du monde phcnomena!,ccHe de l'exis-tence d'un Etre universel distinct de la multiplicité etdelà diversitédonnées (deux hypothèsesnui au fond n'enforment qu'une) celle enfin de l'apriorismo des loisconstitutives de l'esprit Immain (temps, espace, cause).C'est sous le jour de ces trois hypothèses, dont il s'abs-traira plus tard quand il instituera sa propre symboli-que, que M. J. de Gaultier poursuit le but qu'il se pro-pose en A~/t/ M /V/p/M(; ta rcfutation de l'objec-tivité du monde mora). ~cbut, H l'atteint pleinement entirant des hypothèses kantiennes fidè!ement suiviesjusqu'au bout les conséquences ioniques qu'elles com-portent.

M.J. de Gaultier montre en effet que la double hypo-thèse kantienne d'un Etre en soi et d'un être universel,confrontée avec les lois de !a connaissance,en~'endre avecrigueur une conception d'illusionisme absotuàiaqucHeKant a voulu vainement échapper plus tard,en recourantà un moyen détourne et extra ionique d'atteindre ia choseen soi.je veux dire a la voie tortueuse et sans issue de laRaison Pratique. L'être en soi, a. supposer qu'il existe,ne peut prendre connaissance de lui-même qu'en se dé-formantà ses propres yeux, en devenant pour lui-mêmephénomène. De metnc, rEtre universel se conçoitnécessairement autre qu'il n'est. Un, il se conçoitmultiple. Cela revient a dire qu'il y a antinomieentre existence en soi et connaissance. Il y a dans touteconnaissance un fait d'iUusionisme essentiel eu consé-quence duquel 1 être véritable ou en soi échappe à laconnaissance. Dès lors, !es lois essentielles de la con-naissance, temps, espace, cause, dont M. J. de Gaultieradmet ici avec Kaut le caractère d priori, ces lois qui

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st!pu!ent d'ailleurs l'impossibilité d'un commencement,premier et d'une fin dernière, ces lois, dis-je, ne peu-ventplus être tenues pour des entités,ni pour des moyensde s'emparer de la vérité, mais pour « des moyenspurs et simples de connaissance,c'est-à-dire des artincespropres en même temps à composer le spectacle et à lefaire voir (t) ».

Dès lors l'hypothèse kantienne de l'apriorisme deslois de la connaissance(temps, espace, cause) s'harmo-nise merveilleusement avec la conception spectaculaireselon laquelle « l'existence est, en sa réalité essentielle,un spectacle à regarder et non un problèmeà résoudre )).–C'est ainsi que la dialectique de M. de Gaultier,s'appliquant aux hypothèses kantiennes, fait sortir de

ces hypothèses, en toute rigueur, un véritable « dog-matisme de l'incertitude)), un illusionisme exclusif detoute finalité morale illusionisme incompatible avecune interprétation éthique de l'univers et compatibleseulement avec une interprétation esthétique et specta-culaire. C'est en efTet à cette interprétation que conclutle De 7if<x/ï< A Nietzsche en ces lignes ou est magnifi-quement célébrée l'apothéose del'Ulusion et la Rédemp-tion de la Vie par la Beauté

« Avec le Crée, tel que Nietzsche l'a imag'mé~ ann de

« l'instituer le protagoniste de sa propre pensée, l'intel-« ligence libérée de sa servitude à l'ég'ard de la vanité« du but, des mirages de l'espace et du temps, de l'il-« lusion de la diversité, manifeste, par la production

« de l'oeuvre d'art, qu'elle a pris possession du sens de

« la Vie comme phénomène esthétique. Par la produc-« tion de l'oeuvre d'art, e!te annonce qu'pHe s'est retirée

« de la scène ou elle agissait sous l'empire de l'illusion

(t) Raisons de /(~o~sMe, p. n?.

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« et qu'elle s'est nxce en spectatrice sur te~ rives du

« devenir, au bord du neuve ou les barques, chargées do

« masques et de valeurs inventées par la folie de Maîa,e continuent de descendre ie courant, parmi tous !es

« bruits de la Vie. A insulte de cette initiationesthétique instituée par Nietzsche et à laqucite nousconvie M. J. de Uatdticr, )a sensation de ce que la vie ade douloureux se transformeen « une sonsibUitc csthé-« tique, avide de perpétuer !e spectacle, de !c décrire,« de t'évoquer et qui, avec !a même ardeur dont, avou-« g'ie, eHe maudissait ta Vie pour sa cruauté, avertie« maintenant et reçue dans !a conndence, adore et cc!e-

« bre !& vie pour sa beauté (t) ?.

LA SECONDE PlULOSOPHtE 1. DIALECTIOUE ASCENDANTE

Nous avons dit que cette philosophie, qui va se cons-tituer sous ie jour de la symboliquemonistc etidéaliste,comporte deux phases une dialectique ascendante etune dialectique descendante.

La dialectique ascendante va nous faire parcourir unesérie de notions qui se superposent et s'ordonnenten unsystème au-dessus duquel se dresse l'axiome idéalistel'Univers est Pensée.

LE BOVARTSMB

La première de ces notions est le Bovarysme. Ce motest passé dans le domaine public, il a conquis droit de

{))De~an<aMe~cAc,p. 3~3..

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cite non seulement dans le vocabulaire philosophique,mais dans la langue courante. Mais il importe de dis-tinguer deux acceptions du mot Bovarysme !'uneempirique, concrète, exotérique, si l'on peut dire l'au-tre métaphysique, abstraite, ésotériquc. Dans !e premier'~cns, le mot bovarysme un fait de psychologiecourante que tout homme a pu observer sur !ui-m6meet dont Flaubert a montré révolution et décrit tes effetsdans l'âme de ses principaux pcrsonnag'os. Ce fait estlepouvoir qu'a l'homme se eo~c<?uot'r ~H~ qu'il n'est.Co fait est très simple et aussi très général. Nul n'é-chappe au bovarysmc. Tout homme en subit ta loi à desdegrés divers et suivant des modes particuliers. Lebovarysme est le père de l'illusion sur soi qui précèdeet accompagne l'illusion sur autrui et sur le monde. tlest l'évocateur des paysages psychologiques par lesquelst'homme est induit en tentation pour sa joie ou pour sonmalheur.

Le bovarysme n~ure, en en'ct,,au nombre de ces cho-ses « ambiguës et à double usage » dont parle Platon.11 peut promouvoir le mal comme le bien; il peut êtrepour les individus et pour les collectivités un principed'exhaussement et de progrès comme un principe d'à"baissement, de misère ctdo ruine. Tout manuel de phi-losophie élémentaire contient un chapitre sur !es bien-faits et les méfaits deFim.tgination. M. J. de Gaultierreprend ce thème banalisé; maisil l'ori~inalise singuliè-rement par l'ing'éniosité et l'ampleur des déductionscommandées par l'optique spectaculaire.

Ce qui caractérise le bovarysmc, c'est l'inconsciencede l'hypnosetC'est la sincéritédu revequol'on vit éveillé.Dans le véritable bovarysme, aucun calcul égoïsten'entre enjeu. tl faut bien distinguer ce cas de celuioùl'homme se conçoit autre qu'il n'est, en vue d'utiliser

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cette fausse conception de tui-méme comme un moyende donner le change a autrui et de l'amener a ses nns.Je IT1C':

souviens t, 1Je me souviens qu'assistant à une représentation du/~o~cAedcM. ïï. BataiUe j'entendis un de mes voisinsdire à l'autre « Voii<\ un curieux cas de iiovarysme. ))

Je n~e demandai si ce spectateur ne commettait pas uneméprise. On connaît la donnée de Po//cA<?. Poliche estun scntimcntat, un tendre qui se ~rime en viveurbruyant et amusant, en pitre mondain, boute-en-traind'une société de fêtards, parce qu'it ju~c ce moyen leseul bon pour se concilier et garder les bonnes grâcesd'une aimable gourgandine dont il est épris.

Est-!à du véritabh bovarysme ? Je ne le crois pas.C'est du pseudo-bovarysme. Le bovarysme ou fait de seconcevoir etde sevoutoir autre qu'on n'est,le bovarysmeest mis ici au service d'un calcul amoureux it est unetactique, une ruse de guerre dans t"éterne!!e lutte dessexes. Poiiche n'est pas dupe de son personnas'e i! sedédouble d'une façon très )uc!de « Ayant senti te seidcôté Je seul par icquet je pouvais plaire à cette fcmme,jerexp!oitai. Quel est celui qui ne devine pas le pointsensib!eparoù il atteintta sympathie de t'être chéri? Quipeut se vanter d'être vraiment soi en amour? Suivantl'idée que l'autre se forme de vous, suivant ce qu'il dé-sire que vous lui apportiez dans sa vie, on se diminue~on s'augmente, on fait le beau ou !c vilain, selon t:achance (t). )) Au fond, PuHche est un comédien, un sv-cophante sympathique se donne délibérément pource qu'il n'est pas mais pas un instant il ne se dupelui-mcmc. Or le véritable bovarysme consiste à se du-per soi-même pleinement, heureusement, de tout cœur

( t ) /<cA< acte !).

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et sans arrière-pensée, dût cette illusion nous meneraux pires catastrophes.

Tel est le bovarysme à travers les applicationsinfiniesqu'il comporte. Il y a le bovarysme sentimental dont,sans parler d'Emma Bovary, le Frédéric Moreau deFlaubert et le Jean Servien de M. A. Franco sont destypes accomplis. L'hypnose bovaryquc peut diftérer iciselon que l'amant se conçoit à l'imago d'un modèle an-cien ou d'un idéal nouveau. Dans le Rouge et Noir,Mathilde de La Môle, dans son amour pour Julien, seveut semblable à son aïeule trafique et passionnée, cetteLa Môle que la légende représente embrassant la tètede son amant décapité. Frédéric Moreau, Jean Serviens'hypnotisent sur l'idéal romantique qui leur vient del'éducation et de la lecture des poètes contemporains. –II y a un bovarysme moral qui consiste à se croire plusvertueux, plus moral, plus fort, plus héroïque qu'onn'est. Ce bovarysme agit surtout dans les races où pré-dominent le souci moral, l'esprit protestant et puritain.L'oeuvre d'Ibsen en présente des exemples. Le pasteurBrandt se veut un Christ nouveau. Peer Gynt se veuthéroïque dans l'originalité et l'indépendance. « Etresoi-même ?, telle estsa devise. Mais il n'y réussit guère.A travers les avatars qu'on lui voit traverser, il faitplus d'une concession aux conventions et à l'hypocrisiesociale symbolisées par le Vieux de Dovre et le GrandCourbe. Dans le Canard 6'aH~a~, le piteux Hialmarse conçoit héroïque et loyal, sauveur des siens aux cro-chets desquels il vit. Un très beau roman norvégiencontemporain, la PM~a~c~ du ~/ïM~<?,de Bojer,est un commentaire perpétuel du bovarysme moraltous les personnages y bovarysent à l'envi et excellentdans l'art amusantde se fabriquer une bonne conscienceartificielle.

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II y a un bovarysmc intellectuel à l'usage des sots etdes philistins. Le sno! le « phitistin de la culture ? seveulent artistes ou penseurs originaux. – Inutile d'al-longer l'inépuisable liste des types bovaryques. Nonmoins longue serait l'cnumération des hovarysmes so-ciaux dont l'cxcg'cse f'empiirait i'hi.st.oire.

Pasaona au sens at'strait, métaphysique, ésot.ériquedu mot Bovarysme. Ici le bovarysme n'est plus une loipsychotonique de~ indtVtdus ou des coUectivités hu-maines dup~ par leur imagination pour teur joie ouleur malheur. 1! devient un principe métaphysique, unemôdaHté eaaentteUe de cet Etre universel dont M< J. deGaultier, en D6A<ïn~A~0~c/«?,a posé le concept à i'o-rig'ine de sa symbolique iUuaioniate. – Rappelons'nous~a formule ~rf H~sr~ se co/~o~ /~cg.Mfn'jr'<?-Më~~ a:~r<* qu'il ~'M~. Un~ ii se conçoit multiple,scindé en sujet et objet. Te!!e est ta première démarchemétaphysique sans taqua~e ta g-énëato~ie du monde nese conçoit pas. C'est h\ ie fait de bovarysme essentielmétaphyaique, dont tout ie reste dérive.

Le bovarysme empirique et }e bovarysme essentie!ou métaphysique assument, deux fonctions di~'érenteadans la phibsophie de M. J. de GauiUer. – Dans sonusage empirique, !e bovaryame est un appareil de pen-sée dont !e mécanisme aisément saiaissabte peut êtreappHqué par chacun a des faits d'observation person-neUe. U remplit i'ofticc d'une j~riHe pour dûchiftrer lesévéuements particuliers qui composent la trame del'existence concrète, individueUe ou coHective H four-nit un critérium pour apprécier ia valeur vitale deshommes, des institutions, des évolutions, et des révolu-tions, pour les interpréter comme indices de vie ascen-dante ou déclinante.

Dans son usage métaphysique, le bovarysme est un

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pnncipcd'explicationuniverselle; il est!e~p(!)To\e53o~,ta convention fondamentale qu'il faut accorder au dra-maturge métaphysicien,a l'imprésario de !a trag'1-comé-die cosmique.

te!, on pourra trouver qu'il y a quelque subtilité à.

prendre h* ox't bovarysme en deux sens aussi différent'et que le saut est ~rand « d'Emma Hovary au GrandTout(!) )). –M. J. de Gaultier sera en droit de répondreque ta subtilité est une des vertus théologales du méta-physicien, que !a faculté métaphysique se mesure,comme la faculté poétique, au pouvoir de rapprocherles choses les plus lointaines et d'Identifier les choses enapparence les plus diH'erentes; cnHn, que te métaphysi-cien comme !e poëtc dramatique ont !c!ihrc choix deleur convention initiale,quitte à bâtir sur cette premièredonnée un scénario bien suivi et intéressant. – JN'ou-huons pas, d'atHeurs, que !e concept de l'Etre universeîn'est, dans ta métaphysique bovaryque, qu'un artinced'exposition, une nction commode, une sorte d'cchafau-daa'e provisoire qui sera rcjetc ptus tard quand it auraépuisé son usage.

Laissons là pour le moment le bovarysmeessentiel oubovarysme considèrecomme modaMté de l'Etre universelet revenons au bovarysme comme phénomène humain.

Le bovarysme humain peut être considéré au doublepoint de vue de sa nature psychoiog'iquc et de son rôlevital.

Au point de vue psychologique, le bovarysme est sus-ceptible d'une double interprétation l'une plus gros-sière, l'autre plus rafnnée; l'une objective et réaliste,l'autre subjective,, idéaliste.

La formule M co~c~o~ ~<? ~M'M suppose,

(t) Titre d'un arlicle de M. Cbarics ~taurras (Cace~e efe 7'a/tc<?s& août tQoa).

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dans la personne qui prend le change sur elle-même,une personnage réelle, véritable, et une personnalitéfictive, illusoire, avec un écart, plus ou moins grandentre ces deux personnalités. Telle est la première inter-prétation. Mais pénétrons un peu plus en avant dans leproblème. Voici !a question qui se pose Y-a-t-il uneligne de démarcation ncttecntre la personnalité réctic etla personnalité bovaryquc? I~videmment non. La per-sonnalité bovaryquc n'est que le prolongement de lapersonnalité réelle ou prétendue tc!te; ene ne fait qu'enexprimer certaines virtualités et certaines tendancesrefoulées par les circonstances. Prenons le cas typiquede Tartarin. Le non-vrai, qu?i! étale si comptai.sammentdevant nous et auque) il nnit parfois par croire !ui-même, n'est pas entièrement Loin de !à; toute tavérité de Tartarin réside dans ses tartarinades. Car ellesnous décètent le vrai Tartarin, tel qu'il aurait dl1 être,les circonstances s'y prûtant. Et qui sait jamais si eiiesne s'y prêteront pas? si !a pcrsonnalité bovaryque ne serevotera pas dans quelque mesure? M. J. de Gaultiersuppose ingénieusement l'action du ~c'H/'</eo~! ~<f7-Ao~t~e se prolong'eant par delà la rampe ( i) et M. Jour-dain finissant par devenir un gentilhomme assez pré-sentable, a peu près comme le Caliban de Renan,devenu possesseur du palais et du pouvoir de Prospéro,devient un prince fort passable. – Cela revient à direque les états bovaryques appartiennentà la personnalitétout comme les états non bovaryques; ils s'inscriventsur la môme ligne; le bovarysme est moins une dévia-tion qu'une anticipation de !a personnalité. Il est la loide diU'érenciation et d'évolution de la personnalité évo-lution tantôt harmonique et heureuse, tantôt dèsbarmo-nique et malchanceuse.Le bovarysmeapparaît ici comme

(t) Voir la D~M~aMM de la morale, p,a~8.

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un aspect de la notion psychotonique fondamentalela action de l'identité du moi, ia Bction d'un moi dis-tinct de la suite des changements où il évolue(t); ilrentre dans cette loi pins générale, déjà formulée enD~ ~fa~i! à A~MC/<e, d'âpres laquelle le moi sujet, pourprendre connaissance de lui-même, se situe en objetpour un sujet dans le temps et éri~e une part de lui-même sur le socle du passé et aussi de l'avenir, pour sevoir lui-même comme du dehors et à distance (2).

LE BOVARYSME COMMK MOYEN DE PRODUCTION BU RÉEL

Toutefois, il nous faut faire abstraction de cetteinterprétation rafnnée et idéaliste, il nous faut oublierle caractère tout métaphorique et symbolique du bova-

rysme si nous voulons étudier ce dernier dans sa fonc-tion vitale et créatrice de réalité. Ici l'illusion vitaledoit reprendre tous ses droits. L'être, individu, peupleou race, qui agit sous l'empire de la fascination bova-ryque, doit croire à la réalité, à l'en-soi du modèle surlequel il s'hypnotise. Sinon, la suggestion rate et le jeude la vie est arrêté. Heureusement il n'en est pas ainsi.Douée de son plein pouvoir d'illusion, la Fiction bova-ryque va agir dans l'éducation, dans l'imitation, danstoute la série des actions et réactions sociales. Elle s'avèrela Force vitale par excellence, l'idée créatrice de réalité,l'Idée-Force.

Il serait plus exact de dire la double Idée-Force; carici intervient la loi selon laquelle la réalité s'informeen fonction du bovarysme. Cette loi est celle du con-

(t)~*te~on universelle, p. 4o4.La métaphore univcrsetie.(a) D< Kant à Me~c~. p. 99.

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traste qui se pose entre deux aspects contraires de !a.

personnatité humaine ou de Ja vie sociade,etdu com-promis qui s'institue entre eux. – Le synthétismc, !aconcHiation des conLraires est la loi de toute ~encsepsychologique, monde et sociale. La réalité psycho!o~'i<

que ou !e moi, !a rea!itc sociale naissenL au point d'in-tersection de deux tendances contraires dont chacuneva à annihi!er l'autre sans se rendre compte que si elleréussissait dans son vœu, cUe se détruirait ette-mcme.La réalité psychologique est conditionnée par un com-promis entre !e et l'objet~ l'attitude subjective etl'attitude objective, !a passion ctFanatyse, Faction et !aconnaissance, la vie et !a contemptation de ia vie. –La réalité sociale est conditionnée de même par un com-promis entre deux principes contraires un principe do

mouvement et un principe d'arrêt, un principe de disso-ciation et un principe d'association, uni d'indi-vidualisme et un principe de cohésion sociale. Ainsi lavie se rcsoud en unesôric d'antinomiesbovaryques solu-tionnées par une série de compromis. Le point d'inter-section de ces forces adverses, qui est ic point d'émer-gence de ta résdité concrète, n'est d'aUieurs pas déter-minéselon une mesure nxe et logiquement formutab!e;i! est déterminé par Futilité humaine sous son doub!easpect, utilité vitaie et utilité de connaissance.Et commecette utIHtéchang'e selon )e!ieu, te moment, les forcesvita!es en présence, !a vérité humaine qui, sous Fopti-que bovaryque, s'exprime en fonction de rutUitc estvariaMeet mouvante comme cette utitité même (:).

D'aincurs, !cs rcatiic~ et les v<itcs qui les exprimentdans ta conscience humaine ne sont pas ImmortcUcs.Après avoir épuisé leur pouvoir bovaryque, leur puis-

(t) Voir diitts /<t 7''tC~fUf! Mn<f<?7'<;f~<} te c!)!<piirc intituie De !anature des vérités,

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sance d'illusion et de création, elles cèdent d'elles-mêmes ta place à un neuve! appareil de mouvement oùs'articule !a vie, à un nouveau bovarysme elles dispa-raissent selon ia loi d~<MC<?/K'c ou d'~M!!o-.SM/)~~<

~o~.Au bovarysme en tant que moyen de production et

d'évolution du réel se rattache une autre loi ~a loiJV/'o~ Cette ici, formutéc déjà par J. de Maistre,Amiel, Proudhon, porte que le but atteint n'est jamaiscelui visé par le tireur, que les buts se déplacent et setransforment sous notre regard que notre nnalismeest une perpétuetle duperie.

LE !)~TERM!K!SME DK LA FOnCE

H est impossible de rendre compte de ta genèse duréel sans faire it~ervenir une notion nouvelle ceUo dudéterminisme de la force. Le réel a pour attribut ladurée. Et même, en termes de bovarysme qui excluenttoute objectivité au sens fort du mot ou tout en-soi, la<~M~<?, au moins relative, est !e seul critérium qui dé8-nissele réel et te distinguede l'insaisissableet de l'Irréel.La réalisé est un fait de constance relative au sein del'écoulement desapp:irences.}Ce fait de constance est duà un fait do répétition qui s'explique lui-même par unfait de force, de prédominance de certains étéments surd'autres et de certaines combinaisons sur d'autres. C'estdans ~W~Mc/~ c~ ffï /'f*/br/<? /)/«7o~o/)A/yMe queM. J. de Gaultier expose le fonctionnement du déter"minisme de la force, bien qu'on en trouve déjà la for-mule en .Alan~ à A~~McAe (t).

(t) Dans le passage suivant <[ Ceux-ci les dt~ërents Mût qui

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On peut regretter que M. J. de Gautier adopte cetteexpression déterminisme e~ /a/brc<?, et qu'il ne disepas simplement déterminisme. On ne peut s'empêcher,en en'et, de trouver obscure cette notion de/orc<? dontle caractère anthropomorphiqnc met en dénance à bondroit les philosophes. On peut en dire autant de l'ex-pression nietzschéenne de « volonté de puissance », dontM. J. de Gaultier rapproche son concept du détermi-nisme de la force. Nous préférerions donc déterminismetout court, déterminisme au sens scientinque, c'est-à-dire causalité mécanique expurgée de tout semblant decausalité psychologique. Je sais bien que la causalitémécanique n'est elle-même qu'un symbolisme humaintout comme la causalité psychologique et anthropomor-phique que semblent su~g-érer les expressions de /orc<?et de <~o/ <A'/)H~<'mce. Mais, à tout prendre, c'estun symbolisme plus clair que l'autre. Il faut reconnaî-tre, d'ailleurs, pour être juste, que le déterminisme de laforce tel que M. J.de Gaultier en expose le fonctionne-ment est parfaitement formulable en termes purementmécaniques. Le déterminisme de la force revient alors& dire que certaines combinaisons d'éléments ou dephénomènes réussissent, tandis que d'autres avortentque les premières se répètent~ et par là donnent lieu aun fait de constance et à une réalité; que les autres neparviennent pas à la stabilité et à la durée qui les rendsaisissables à l'observateur ce qui revient à dire queles premières existent et les autres non.

Cette querelle de mots vidée, passons. Le rôle du

composent notre moi'.comme toutes les choses de ianntarcqniviennent en concurrence, se combattent, [uttcnt entre eux pour !asuprématie, en sorte nn'))s sont tour & tour. !es uns vis-a-vis desautres, Ubre: ou opprun~a. a)) sens relatif et parfaitement clair queces mots comportent. M (D<- A'ay~t A'!S<f~c~< p. t6-y.)

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déterminisme apparaît nettement comme générateur duœe!. C'est lui qui assure ta répétition des sénés de phé-nomènes dans !c même sens, c'est-à-dire ce que nousappelons des lois. La réaHté socia)e, qui est !a plusrécente dans l'ordre de !'évo)ution des êtres et que rendsi complexe !e jeu des forces intcHI~entcs qui in modi-nent à toute heure, n'échappe pas à ce déterminisme.C'est pourquoi M. J. de Gaultier se montre particuliè-rement préoccupé dans /<)[ /brw<? /)/«7o~o/?A«yH<?,d'opposer !a conception positive et réaliste du mécanis-me causal dans !e monde moral et socia! aux tétéo!o~iesplatoniciennes et autres qui ont ta prétention de substi-tuer au mètre de ta force(Usez mètredu détermina: '.ne mé-canique), je ne sais que! mètre idéoto~iquc transcendantet supérieur .'t l'ordre des faits tdéa~ Bien, Justice.

UN PHtNC!pE D'ALEA UU DE !!ASARH KST ANTÉRIEUR AU

DÉTERMÏNtSMR ET hKSTK IMMANENT AU DÉTERMINISME

Ici se p!ace une des théories les plus ori~inaies deM. J. de Gauttier celle de t'atéa dans ses rapportsavec te déterminisme. Pour exptiqucr ~existence d'unprincipe d'aîéa à !'ori~ine comme sein même du dé-terminisme, M. J. do Gaultier nous propose addeux hypothèses l'une, ta plus favorable possible a!'afnrmation fie !'a!éa; c'est i'hypot.hesc de Humet'autt'e,mo:n.s favorabic en apparence À cette concep-tion c'est l'hypothèse de Kant sur )a nature de iacausalité.

Dans l'hypothèse de Hume, !a cansaiité est une rela-tion toute empirique et contingente. Le mot détermi-

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nisme exprime simplement ce fait que du nettementhasardeux ou plutôt abao!ument quetconque des été-

ments et des phénomènes, un fait de répétition et de

constance rotative est sorti et continue à se manifester,C'est la constatation d'un fait, et rien de ptus. Le déter-minisme, ou ptutôt les dctermmismes que nous con-naissons ne sont que des îtot* qui émergent ça et ta surun océan d'indétermination. Le déterminisme n'est quedu hasard momentanément fixé.

tl semble p!us difficile d'expliquer l'atéa dans l'hypo-thèso kantienne de t'apriorisme de ta causalité commeloi nécessaire de !a pensée. Pourtant, it n'en est rien. H

ne faut pas oublier, en eHet, que t'bvpothèse kantienneconfère ~a causuiit~ un caractère absuiument indéS-ni, sans commencement premier ni terme dernier. t!n'existe dans te monde que des séries causâtes ouvertesa parte po~et ~/)~t/e ~?!<< Des !ors, a l'extrémitédu phénomène en mouvement qu'est l'existence, it yaura toujours des séries de faits en voie de formationdont nous ne pourrons ctab!ir !e déterminisme précis,puisque nous ne posséderons pas !a totaiite de leurscauses ant.éccdentes et qu'eUes ne seront pas immobUi-sées entre tours antécédents immédiats et !c faisceau deleur conséquences, ces conséquences n'ûtantpas encoreBorties d'eHes ctctant. précisément en voie de se formu-ler. D'après M. J. do Gauttict, c(") séries de faits lesplus complexes et logiquement, comme chronoiog'ique-ment les dernières venues dans le mouvement de l'exis-tence sont précisément !es phéno!n<'t)es ntOt'aux et so-ciaux. Ces phénomènes cvohtent donc sous nos yeuxd'une façon relativement impt'evisibte et constituentproprement ie domaine de Fatéa.

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Iv

t'iUMAT DM L'ILLOUtQUË KT UE L'JtUtATION~EL SVH LELOUEUR

<Jue!!e que soit l'hypothèse adoptée, celle de Hume;m celle deKant, un élément irrationnel se trouve a laracine (te !'existenco et intervient, dans son développe-;nc!)tco!ntne on vient de le dire. L'idée d'indeHni, celleo l'indétermination et de i'impt'évistbiUtedes phéno-mènes, du moins dans l'ordre humain, le dernier venuet le ptus ('omp)e'<e,jone un s;'rand i'ô]o dans !a phUoso-'hie de M. J. de G'auitier. Etie y satisfait ce besoin'imprévu, cette curiosité passionnée du spectateur pen-che sur le spectacle du monde pour y surprendre desiuts nouveaux et mstauror des exégèses inédites de'univers.

LE I'0!NT CULMfNANT t)H LA UtALECTtQUE BOVARYOUE

LE MONtSMË tMAUSTE

Nous sommes arrivés au faîte de cette hiérarchie (lenotions qui s'ctagent sous l'optique de l'artiste. Elles sesubordonnent & une notion suprême, celle de t'idëa-iisme.

Rncn'ctte bovarysme entendu dans sonscn~ pro-tond, comme principe subjectif de contradiction de soi-même et de dinferenciation d'avec soi-même, impHquenécessairement t'idéatisme (t). Le bovarysme est une

(s) Voir ~ta«ona~e/<i~a~wM<, [h ~3a.

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loi de la pensée avant d'être une loi (le l'existence. ()[ ll,

peutendireautantdudétcf'rninismedclaforccetdetaupart d'aléa qu'il implique. Ainsi, au faîte de la dialecti.ilque ascendante que nous venons de parcourir, se prononce

raxiome idéaliste l'univers est une pensée. /~s.ff est)(~rerc,ipi. 'i'w~~év ~o~t: vo:v z~ xai aûv~v ~QZC 6 a1/rC~. ÏM'JT~V ETH ~OS.~ T2 X<X~ CU~ST. SOU v6~;Jt.

D!AH!CTIQUE UHSCENDANTK.–JU.STÏFÎCATK'NMÉTAPHYStQUt!

C'UN ÉLÉMENT tRRA')tUNNEL AU SN~ DE LA PENSÉE.

Arm'és à ce faîte du procès diatectiquc, nous aHonsredescendre les pentes gravies et retrouver les notiousprécédentespleinement éclairées sous le jour idéaHstc.

C'est dans les /so/M de r/t/< que M. J. deGaultier expose ses motifs de préférer l'idéalisme ainsique les deux façons possibles d'interpréter cette philo-sophie, compatibles toutes deux d'ailk~rs avec la sym-bolique bovaryquc.

Le grand motif de préférerou monisme dela pensée, c'est qu'il rend seul possible une représenta-tion cohérente du monde. Nous avons vn plus haut quela conclusion nécessaire du dualisme est l'agnosticisme;car ledualisme scinde le monde en deux principes étran-g-ers et Irréductibles l'un à l'autre sujet et objet, pen-sée et existence. Dans cette hypothèse il y a hétéroe-é-néité nécessaire entre l'objet et la représentation ques'en fait le sujet, entre l'existence et la connaissance.Cette conclusion ag-nostiquc a été dégagée pleinement,sans arrière-pensée et même avec une sorte d'enthou-siasme négatif dans les dernières pa~es de Kant a

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n~ M~s du point de vue Idéaliste, tout chane-e.dejF P~s antinomie entre existence et connaissance,p~ iciii ne faut pas entendre une existence en soi in-

~pahie de se connaître eHe-mcme telle qu'elle est, uneua cel,stcnce étrang'ére a ta pensée humaine et môme a toutecensée. L'existence ici est chose connaissab!e et même

mhose à font morne: connue car a tout moment nous~n avons toute la connaissance que nous pouvons avoir.m,'iHus!onisme et Fa~uosticisme de tout à l'heure font~))ace à un panphénoménaHsme qui n'admet pas d'ar-

ut~icre-monde qui est à ce titre la seule r6aHt6 que nouspuissions raisonnablement ambitionner do connaître et.~jui doit pleinement nous sufHrc.

Une autre raison de préférer l'idéalisme est que cettej~pt'Hosophie permet seu)e de solutionner les antinomies~fondamentales reievëes par le Criticisme et les autres

~antitiomies secondaires qui dépendent de ceUestà._g

~Placez-vous donc dans t'hypothese du réalisme mctaphy-~siquc faites des notions antithétiques do l'infini et du~{ini, du continu et (tu discontinu, de t'homogène et de~)'hetéro~ëne, du continrent et du nécessaire, du devc-~nir et de t'être, faites, dis-je~dc ces notions antithétiques~(ies réalités en soi et vous tombez dans des contradic-~tions insotubles. Au contraire, piaccz-vous dans l'hvpo-

d)cseidcaMste;rcgardcxces notions antithétiques commede simptes modes de ta pensée, chaque couple de ces no-tions représentant deux moments contraires et pourtantsolidaires et complémentaires l'un de l'autre dans lemouvement de la pensée s'ingéniant à créer ta réaMté etsuscitant précisément cette réalité au point d'intersec-tion ou se rejoignent idéalement la thèse et l'antithèsevous retrouvez, justdiée logiquement du point de vueidéaliste, la loi mentalevérinée empiriquementplus hauta propos de la g-cnèse du réct et qui porte que toute

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réalitéest un compromis entre deux forces contraires o~entre deux états contraires d'une môme force. d

L'idéalisme, une fois adopte pour des raisons de tot'~ '1

g'ique, va pouvoir être indifl'éremmentl'Idéansmc sub~gique, va pouvoir ulre lB( Icr0mmen l'i<.ic'a,aLisruc~ :~ob st'

jectif de Bcrkeley ou l'idéfdi.sme universaliste des Hin~dous. M. J. de Gaultier nous laisse )c choix entre cc~cc

deux hypothèses. Dans l'une et dans t'autre~ il va et.r~~oralement facile de rctracerla genèse de t'cxistenceph~~1s

noménale comme création soit de/ pensée soit d'un~~ tl

pensée impersonnelle.Le mode de filiation du rcctcst iememc dans tes deu~' ('

cas. Au début se pose la pensée pure, la pensée imic~r

finie, Indéterminée. Cette pensée ne peut se connaître)~ 1

elle-même qu'à la condition de devenir autre, c'cst-a-due~de se déterminer par la division d'eMe-mcmc en sujet et

en objet.Arrivés à ce point dialectique où se formute!a nécM-<

site logique initiale et dont tout le reste dépend, nout~voyons aussitôt le principe d'aiéa et d'irrationnalismezfaire sa première apparition sous la forme d'un choixpossible entre deux hypothèses selon l'une desquelles vase poursuivre la genèse de l'univers. L'une de ces hy-tpothèses consiste à se représenter le temps, l'espace et

la cause, selon le Criticisme Kantien, comme dos loisapriori et nécessaires de la pensée,fo~iqucment commau-

déespar l'acte de division en sujet et en objet l'autrehypothèse consiste à regarder le temps.l'espace etia cau-salité comme des déterminations relativement arbitrai-res de la pensée; arbitraires en ce sens qu'eiles seraientpossibles parmi beaucoup d'autres ctqu'eHes ne seraientpas commandées d'une façon exclusive et absolue parl'acte de division en sujet et objet, îl est clair que tupremière hypothèse accorde davantag-e que la seconde ala nécessité logique, tandis que la seconde ouvre plus

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vite que ta premiëre les écluses de la vie au courant dei'aica. Car, dans la première hypothèse, les lois de temps,d'espace, de cause sont absolument immuables. Dans laseconde on tes regardera comme les résultats d'un pré.mier acte d'arbitraire montât on les dotera d'une né'ccssité purement empirique et rotative, nxce à ta lon-gue, comme celle des autres lois do ta nature, selon lesfois du déterminisme de ta force on les concevra commedépendant d'une utitité humaine très ancienne sans dou"te, mais non peut-être absolument immuable on toNconcevra cités-mêmes comme muabtes à ta rigueur et onno se refusera pas absolument, à ta perspective d'un bou-ieversement possible dans les profondeurs de ta raisonpure (t). Quel que soit te choix que l'on fasse, à partirde ce point, l'intervention d'un élément d'atéa dans taproduction des modes uttéricurs de !a pensée se trouveassurée de toute façon dans ta première hypothèse, depar te caractère indcnm de ta loi de causalité dont nousavons montre plus haut comment elle impliquait tou-jours la possibilité !d'un arbitraire mental à l'extrémitédes séries de phénomènes en mouvement dans ta secon-de hypothèse, de par le caractère tout relatif et précatredu déterminisme de ta selon ta conception hu-miste du monde, te ou les déterminismes de la forceque nous constatons dans ce monde émergeant ça et ta,au cours de l'évolution, comme des itots sur un océan([indétermination et de hasard.

De toute façon, soit dans l'hypothèse do Kant, soitdans celle de Hume, l'irrationne! a sa place marquée àiori~'ine et dans te développement de ta pensée et det'existence. C'est en termes enthousiastes qui rappellentceux de Nietzsche saluant le Ciel Haaard, le Ciel Pétu-

(t) ~(t F<cho~ Mnn.'e~f~t', p. 377. La nature des vct'ités.

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lance, que M. J. do Gautier célèbre !'îrrationne! pèredes choses, principe de vie et d'ardeur de ta vie –Fabsotuc Ionique, Fabsotu détermi.iismc, t'absoiue sys-tématisation étant, pour ta pensée c.~mmc pour l'exis-tence, synonymes d~ torpeur, de néant et, (le mort.« S'it faut encore, pour satisfaire des habitudes an-ciennes de vénération, adorer quetquc chose au-dessusdo nous-mêmes, et, a défaut d'un être, un principe créa-teur où ~'existence consciente d'eile-mcmo se s'tontie etse bénisse, rirrationnct sera ce principe. (:) ))

CONCn.)AT)0,\ hK Î/AL)' t'.T OU OK'R!<MtK)SMEt'f)S.S!HTK nt: J,A S(:t!:N(:K

Est-ce à dire que M. J.de Gautticr renonce à lascience ?– Nuttetnent. Le ou !es determinismes ne sont,au sein des choses, qu'une réussite. Mais cette réussiteexiste nous faisons partie de cette réussite et nousdevons en tenir compte dans nos raisonnements et dansnotre action. « Le paysage spécu!atif dont nous consi-dérons ici Fhorixon est le seul qui convienne à Fêtât defragmentation de la pensée au .sein duque! nous sommesn!ong'és et cet état de fragmentation entendre néces-sairement ce paYsa~c (2). ')

A cette question )a science est-eUe possible ? nousrépondrons Oui, évidemment pour !cs ordres de phé-nomènes des longtemps nxés (phénomènes physiques,chimiques, bioto~iques). Mais enest-U de même pou:'!es manifestations moins coordonnées du mouvement de

(t) D<).(/n~C(' '<' /n ;<< j). [g.(a) /~(ti:o~t~</<fn~'SM!f!, p. 18r.

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la pensée, où éclate encore la fantaisie de l'improvisa-tion et par où l'univers échappe a une systématisationdéfinitive et mortelle?Ces manifestations moins coor-données du mouvement de la pensée sont, on le sait,d'après M. J. de Gaultier, les phénomènes moraux etsociaux, les plus comptcxes et les derniers venus dansl'évolution de la pensée et de l'existence.

La réponse A cette question est encore Ici affirmative.La mouvance du monde moral et social, l'incertitude dosconHits en voie de so solutionner dans le domaine desinœut's,des désirs, des opinions et des croyances humai-nes n'exclut pas la possibilité d'une systématisationscientifique au moins partielle et justifie la tentatived'une sociologie a la façon de M. Duridicim, d'uneScience des mœurs à la façon de M. Lévy-Hruhl.

Il faut bien entendre ce point particulièrementdélicatde la philosophie de M. J. de Gaultier. Je veux dire ladouble identification établie d'une part entre le domainedes faits physiques et celui de la nécessité d'autre part,entre le domaine des faits moraux et le domaine de l'a-!t''a. Prise au pied de la lettre et dans un sens absolu,cette double identification conduirait~ un dualisme inin-t< Nig'ible et scinderait te monde en deux parts l'unesusceptible de systématisation scientifiqueet l'autre non.Mais telle n'est pas ta pensée de M. J. de Gaultier. « Dece qu'il n'existe qu'une seule nature, une seule M?:~il suit que tes phénomènes de l'une et de l'autre caté-gorie participent d'une commune origine, qu'ils sonttous, en ce sens, physiques (!). » (Jeta revient à dire<jue les phénomènes moraux et sociaux ne sont qu'unprolongement des phénomènes physiques et que l'aléaqui s'y manifeste n'est pas d'une autre nature que l'aléa

~t) Oe~n~aneede /a ~oro/f, p. g8.

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qui s'est manifesta aux étapes antérieurs du dévc!oppe-mentdu monde. Il faut, pour bien saisir !a pensée deM. J. de Gautier, se rappetcr .sans cesse l'hypothèseidéaliste où nous sommes ptacé.s. C'est. M~~c/e~'qu'il faut regarder comme lacréatricc unique, aussibien des faits physiques que des fa)ts moraux et sociaux.Et, ici comme ta cHc a traversa, cHc traverse et traver-sera sans doute éternellement deux stades le stade dei'atéaet le stade de la nécessité – nu moins de la néces-site empirique et relative que nous avons dite. Au /)o~/oû~oH.s <? ~ow~M r~c/H~o/~ c'est dans l'ordredes faits moraux dans l'ordre des mœurs, des désirsdes opinions et des croyances que se manifeste !'a!éa in.séparab!e du jeu de lit pcnsfe et de i'cxistencc. Mais lesphénomènes moraux entreront de ptuscn p!uset en-trent déjà en partie sous la H~-nc de la nécessité. Au furet à mesurp qu'ils franchissent cetioii~-ne, l'atéa inhé-rent a la spontanéité de ht pensée et de la vie improvi-satrices se déphtcc lui aussi, laissant derrière hu !e passeHg'é et cristallisé sous t'emprisc de la nécessité. Têt unebarque s'avançant sur un neuve qui se con~ctcrait pres-que aussitôt sous ic siHag-c hdssé par eUe. Si Fon veutun autre symhoh' p!us cxp!icite et p!us détai!ié de cetteidée, 0!! peut se référer à celui qu'adopte M. J. de Gaui-tier. L'évolution de la pensée et de la vie y est ng-urcesous l'Image d'une chaîne dont les anneaux successifreprésentent les diu'érents degrés de la pensée et do ré-trc dans son progrès dia)''ctiq!:c vers des formes de plusen p)uscomp!cxcs. Chaipte anneau d'ai~ord ouvert (sym-bole de contingence) se rcfot-mo par !a stnte sur te non-vc! anneau qui est venu s'y insérer et qui représentela combinaison heureuse (pu a triomphé parnu unemuhitudo d'antres possibles. Ce second anneau à sontour, d'attord ouvert, se referme sur un troisième, et

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ainsi do suite le demie!' anneau ouvert symbolisant)a forme ta dernière venue, forme encore partiellementindéterminée en ce sens du moins qu'eue laisse placea unecer'aine indéterminittion dans te jeu de la combi-naison nouvelle en voie de s'élaborer. (Jette concaténa-uon jamais close, cette concaténation qui /)~r/e /?o~pton~'c dans la spontanéité de la pensée improvisatriceet qui /)f< ~/</c reste toujours ouverte à l'inconnu,cette concaténation qui rappeUe a ta fois ics /<M~ de\L Bou<ronx et )a de i!crke1cv (abstraction faite,bien entendu, du nn.dismc théoto~ique ou éthique Inhé-rent à ta conception de ces deux dernierspenseurs), cetteconcaténation supprime le dualisme de l'aléa et de lanécessité en les ramenant à deux moments d'un mêmeprocessus et constitue une solution profonde et orig'inatedu problème du hasard.

Avec le dualisme de t'a!ea et de la nécessité disparaîtle dualisme de la pensée improvisatrice et de la pensées ientIHque. La première qui implique aléa et la secondequi implique déterminisme ne sont également que deuxmoments d'un même processus. K L'activité spontanéequi se déploie dans Funivers pour en créer les diversesmanifestations et l'activité scientifiquequi étudie rétros-pectivement ces démarches ne sont que deux états suc-cessifs d'une môme activité; )a seconde n'est que latransformation de ta première, en sorte que t'activitéscientifique de l'existence ne peut jamais anticiper tesmodes de son activité spontanée (ï). »

La pensée scientinque est, comme nous l'avons vu audébut de ce travail un des modes de !a pensée specta-culaire car la science est une p.c<' du genre contem-plation.

(!) /)<~<'nfA)Hce (~ ;/w~, p. Q8.

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Nous pouvons donc admettre comme dernière consé-quence du monisme idéaliste t'identité foncière de !apensée improvisatrice et de ta pensée spectaculaire. Lapremière devance ta seconde et opère avant elle sur lascène du monde. Mais !a pensée spectaculaire a oubliéce qu'a fait !a pensée improvisatrice ainsi que M. J. deGauitier l'explique dans !e mythe du Lethé. D'après cemythe, !a pensée improvisatrice, après qu'elle a créé !edécor du monde et !a Ëction de l'intrigue phénoména!e,se jure à eHe-meme sur les rives d'un Léthé métaphysi-que « do ne jamais se reconnaître eUc-meme sous cesmasques où elle s'est eMe-méme représentée, ann de seréserver ta joie de l'imprévu et du jeu (t) )).

Pour comprendre ce rapport de la double activité de!a pensée,activité improvisatrice et activité spectaculaire;qu'on imagine un poète dramatique qui, après avoircomposé son scénario, l'oublierait entièrement et àjamais, en sorte qu'H pourrait assister à la représenta-tion sans reconnaître !e drame et sans savoir qu'il enest Fauteur.

Ce qui atteste d'aiUcurs l'identitéde ces deux pensées,ce sont certains phénomènes mystérieux tels que lespressentiments, !a divination, )a seconde vue, le~'éuiequi est une snrtc d'irmptiot) de ta pensée improvisât: ict!dans ta pensée rcHcchic, spectacuhure ou scientinquc.n semb!cqu'i! y ait ces états une mystérieuse com-munication entre notre moi conscient, réuéchi, et notregrand Moi profond et oublié, fantôme omniprésent quinous enveloppe et nous accompagne de son ombre (a).

Parvenus a ce point, nous pouvons voir que )a con-vention monistc sous !aqucHe a été instituée la phi!o-

(<) /~(sons fA'i'6~o/t.<i<?, p. t5C.(a) Voir sur ceUe idcc Schopenhauer,<<ry<y. ~Hr ~'M/~H<t'H~

/)r('m<M<<a/{'oft ?Ut~r~<cf~<!M~</M~H~s<ndi{;~ue~

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sophie spectaculaire a été rigoureusement respectée.La métaphysique du spectacle et la métaphysique du

spectateur n'en font plus qu'une. La philosophie de laconnaissance et la philosophie de l'Instinct vital se ré-concilient. Ce dernier Instinct a pour fonction de pro-duire un spectacle intéressant pourleconnaisseur. L'ins-tinct de connaissance, & son tour, devra s'astreindre,dans l'intérêt même de la perpétuité du spectacle, à res-pecter les droits de la vie, les conventions fondamen-tales du jeu de la Vie,stipu!ées par la loi du Bovarysmevital, de ce que Relling' appellerait le Mensong'e vital.

LES APPLICATIONS DE LA PinLOSOPHHS BOVAnYQUR

îl resterait à passer en revue les applications de lamétaphysique bovaryquc dans les différents domainesde la pensée sociologie, morale, philosophie des scien-

ces, critique d'art. Nous allons voir ici le bovarysmefaire l'ofnce d'un instrument méthodolog-ique, d'unesorte de cadre de vision analogue à celui dont les pein-tres se servent pou:' enclore le paysage qu'ils veulentj'cindrc et y fixer des points de repère.

La sociologie. Ce qui a été dit de l'irrationaHsmede M. J. de Gaultier et de sa théorie g'enéra)e de lascience nous explique sa conception do la sociologie.L'aléa foncier qui a son point d'émergence dans les phé-nomènes moraux et sociaux n'exclut pas, avons-nousvu, la possibilité d'une science sociale. Il y a lieu dedéterminer dans la vie des sociétés des lois de coexis-tence et des lois de succession. Mais ces lois sont frag-mentaires, incomplètement systématisées.

Les déductions et les prévisions fondées sur elles ne

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peuvent être que probabtes jamais certaines.Teie~tsansaucun doute le caractère que M. J. (Je Gauttier confèreà ses propres vuessocioion-iqucs qu'on peut résumerainsi loi de Dovary~me apptiqncc a t'histoirc, à la cul-ture, à t'évoiution des sociétés, des races et des peuptes;indication des conditions d'â~e.dc durée, de stabilitééthique et sociale sousIesqueHcs le bovarysme des col-lectivités est heureux ou néfaste; théorie de la réalitésocla!econsid<~réccomme un compromi.s entre deuxprin*cipes contraires entre un pouvoir d'accéiération et unpouvoir d'arrêt, entre un pouvoir de(!issociation et unpouvoir d'intégration, entre !c dionysisme et i'apoHinis-rnG(!), entre rindividufdisme et te conscrvatismesocia!;théorie du poison chrétien virulent dans te protestantis-me, atténue dans !e catholicisme interprétation desidées cosmopotites et. humanitaires comme un moyen auservice des Itors-venus dans notre paya pourbovaryser

L~

ce pays dans un sens conforme à ieur intérêt; sur laquestion sociale envisagée comme la question de savoir« si nous trouverons désormaisnotre cquiMhre au moyende prmctpes d'arrêt, de freins que nous aurons nous-mêmes fabriqués et qui s'adapteront a nos besoins ou sinous continuerons d'avoir recours à un frein étrang'eret qui menace de nous désarticuler.)) (A~cAc contrele 6'Mr/~M~g. ~erc~rcdu 6 août igo8, p. 5~6.)

Toutes ces questions ne sont pas d'aitleurs, d'après

(<) Ces tnots ont rc<:)t <!os sens bien ditTerents. En dehors dn senspurement es.tht'titjucdont noos ne parions pas ici, on pourrait dis-tutg'ucr un sr'ns ctt)i<)ue et. un st'ns .socioio~tque des inots dumysts-tnc et apotiirtisuie. Le dionysismc <H!)ique serait te dt~'cu,enK'nt dei'inshtict. et de )n pnssi!)n opposé à !a mesure et!a rès'Tc symboli-sées par rapnttinisuie (voir sur ce point Sctttic.re.~o~'M @< D<[o~f/-sps). Kn sociologie, }e dionysistne rep)'cscn!c !c pouvoir d'accct~ra-tion,i'c!and~!a vie vers d<'nunv<e6 t'~dtsations~'opoitinismcsymbotise te pouvoir d'arrêt et de Hxation, la cuiturc passive paropposittcn à cutture active.

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M. J. de Gaultier, susceptibles d'une solution objective,impersonnelle, mathématique en quoique sorte. Ce sontdes problèmes à solution Indéterminée. I! Y entre,comme en toutproblème socio!o~'Iquc, un facteur per-sonnel le ~'o'.itt, le je suis cela » physiologique; leparti-pris qui détermine l'attitude du sociologue en face<!e ta question posée. Observation parfaitement juste;fatalité a !aqucHc n'ecnappcnt pas, croyons-nous, lessociologues soi-disant objectifs; ils ont, eux aussi, leurpensée de derrière la tête, je veux dire leur ~'oût, leurparti-pris de sensibilité dissimule derrière l'objectivitédes méthodes et des doctrines.

La ~o/e. – Une morale est-elle possible dans laphilosophie spectaculaire? M.J. de Gaultier pose ce pro-blème dans les dernières pa~'es de Dt? A*(ï/~ A'/c/c/ Il y répond afnrmativemcnt et la morale qu'il yformule repond à la sociologie qui vient d'être esquissée.Cette moraie s'adresse aux esprits dc~a~'cs du préjugéreligieux de la Vérité, qui considèrent la morale commeune science d'observation et le phénomène moral commeun phénomène d'utilité. C'est précisément à ces espritslibres, à ces « intellectuels » au sens où M. de Gaultierprend ce mot et qui n'est pas le sons qu'on lui a par-fois attaché, c'est ces intellectuels, dis je, qu'il appar-tient d'être jug'cs de ce qui répond et de ce qui convientau K type normal » d'un groupe ethnique et à l'utiliténationale de ce groupe, surtout quand ce groupe a~

comme la France, un passe, une culture, un style. « L'in-tervention de ces esprits libres est seule capable deretirer des iictions anciennes prêtes à sombrer tout cequ'elles contenaient d'utile et d'essentiel (i) H. M. deGaultier conclut à un conservatisme éclaire, fonde surdes raisons de physiologie ethnique.

()) De Kant à A~<?<fsc/t< p. 347

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On ne peut s'empocher de noter ici quelque contrasteentre ce conservatisme social et la critique destructivequittent de pulvériser tant d'idoles. Mais H faut bienvoir la signification que prend ce conservatisme sous lejour de l'optique spcct-icutairc. Il se justice de ce pointde vue comme le moyen de sauvegarder ce qu'il y a defort, de précieux et de vivace dans une noble culturehumaine et d'en faire surgir de nouvelles réalisationscurieuses et rafnnées.

La morale n'est, pour M. J. de Gaultier, qu'un moyenen vue de l'esthétique. C'est à cette place subordonnéequ'elle peut être admise. Son rôie ainsi compris estplus intéressant que celui duCroquemitaine légendaire.Sous l'optique de l'artiste, la morale vaudra par savertu d'affinementpsychologique,par sa puissance d'in-tensincation et de complication sentimentales,d'appro-fondissement des passions, des douleurs et des joieselle vaudra comme principe d'illusion et de bovarysmesusceptible de dramatiser, d'esthétiscr et de styliserl'existence.

La philosophie des se«?/trM. – La notion du bova-rysme s'app!ique ici encore sous ta forme de ce queM. de Gauttier appeHc le bovarysme du phénomène ouillusion de !a fausse causalité. Dans ce rô!e, !e bova-rysme nous apparaît comme !c moteur de la. science, demême qu'il nous est apparu ailleurs commo le moteurde l'histoire. Rappelons au'<si l'ingénieuse exégèse queM. de Gaultier a donnée des théories quintoniennescomme confirmation de l'interprétation bovaryque etesthétique de l'existence.

Zacr~~e d'art. La notion du bovarysme appji-quée à la critique d'art n'est pas moins féconde. Enappliquant cette notion à l'étude de quelques grandesœuvres modernes, celles de Flaubert, des Goncourt,

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d'Ibsen, de Tolstoï, de M. Barrés, M. de Gaultier a inau-g'uré un genre de critique d'une rare originalité et nousa fait voir ces œuvres sous un jour tout nouveau.

LES CARACTÈRES ESSBNTIHLS DE LA PHILOSOPHIE

DE M. DE GAULTIER

Au terme de notre étude, résumons les caractères es-sentiels de cette philosophie.

Son premier trait nous semble être l'irrationalisme.Tandis que le rationaliste se représente le monde commeun système fermé, un système clos, calculable par con-séquent et formulable dans toutes ses parties et à tousles moments de son développement,l'irrationaliste se re-présente l'univers comme un devenir sans commence-ment ni terme; un devenirqui laisse place à tout momenta un élément d'aléa. Le rationalisme et l'irrationalismenous semblent correspondre à deux sensibilités opposées.La sensibilité rationaliste est celle de ceux qui aimenta vivre tranquillement en une propriété bien close, dansdes horizons connus, au milieu de jardins tirés au cor-deau. La sensibilité irrationaliste est celle des amantsde l'inconnu, de l'imprévu, du divin hasard. L'irratio-naliste se complaît dans le sentiment de ce qu'il y ad'incertain, d'obscur et de trouble dans nos destinées.II dirait volontiers avec un personnage de M. Maeter-linck « Ne faisons pas de lois avec quelques débrisramassés dans la nuit qui entoure nos pensées (i). ?

L'irrationaUsmedeM.J. de Gaultier doit-il le faireranger parmi les pragmatistes?– Il s'agit ici de s'en-

(t)Joy?e~c,actcV sc~nen.

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tendre. Le pragmatisme répond à un double problèmecelui de!a genèse et celui de la hn de ta connaissance.Sur ia première question, ia soiution du pragmatismese confond avec ta solution irrationaliste. Pour tes pra~-matistes, ta connaissance n'est pas t'intuiiion d'unevérité absolue et a /o/ ni )c dcve)oppeme:tt ncces-saire d'une diatec!ique abstraite; rinteiii~'ence est (juct-que chose de vivant et d'agissant, de mouvant et dehasardeux. EHe est une réussite. En ce sens, on peutdire que M. de Cauhicr est pra~matistc. – Sur !aseconde question, cette de !ann de !a connaissance, lepragmatisme n'a pas une réponse unique. Scion cer-tains pra~matistes, )ann de ia connaissance est i/utiiite,le succès dans les entreprises. C'e't là un prag'matisfned'hommes d'affaires. Selon d'autres prag'matistcs qui, àla vérité, sont parfois les mêmes que !cs précédents, !ebut à poursuivre est rametioration monde des contem-porains. Philosophie de j~'ens moraux (t pratiqncs, dei'espccc de ces financiers new-yorkais qui, ayant cruobserver une innuencc du sentiment re)i~icux sur iabonne tenue des cours à la Bourse, font ce!cbrcr, dansles environs de WaH-Street, des ofnces rapides pourhommes d'affaires.

Je n'ai pas besoin do dire que M. de Gaultier n'est pasprag'matiste de cette façon. La nn qu'it assigne à !aconnaissance n'est ni !'uti)it6,ni le succès, ni ta moratiiepublique; c'est tout uniment ht joic<!e la contempla-tion. Son pragmatisme n'est pas nn pragmatisme utHI-tane ni éthique, c'est un pragmatisme esthétique.

ïnte!!ectua!isme, estheticismc, voiia, en cn'et, !e traitdominant de sa phitosophie. Certains critiques ont re-levé une contradiction entre le pragmatisme de M. deGaultier et son intellectualismeesthétique, t) y a anti-thèse, ont-ils dit, entre le prag'matismc, qui est une

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philosophie de faction, et l'intellectualisme, qui est unenttitude contcmj))ativc. Nous examinerons un peu plus!oin ce débat capital et la façon dont M. de Gaultier lesoluttonne a l'aide de son principe de la concinationdes contraires ou (!u synthctismc universel. Pour lemoment~ signalons seulement ce principe du synthétis-rne comme uno nouvelle caractéristique de cette phitoso-pitie. Compromis entre !c dinnysisme et rapoUinisme,ottrc r!«'t.ion et la contemplation, entre !a vie et laconnaissance, ce synthctisme so retrouve partout dans!adia!ectiquei)ovary(tuc.

Ce 8ynthct~ismc!ni-mcmcn'est possible qu'à une con-dition c'est que les thcseset tcsantitttësesde cette mou-vante diatectiquenesoientpointposcescommedes véritésabsotues car deuxabso!us contrairessont inconcinaldes.A travers toute !a série des antinomies bovaryqucs, lathèse, t'antithcse et !a synthèse n'ont que ht valeur defictions, de .symboies psychologiques ou métaphysiquesque le philosophe se propose de faire rentrer dans dessymbolismesaussi cohérents que possible. Tout n'est quenotion et symbole. Nous arrivons ainsi à un nouveaucaractère de ta phitosophie de M. de Gauttier le nctio-nisme ou le symbolisme universel. On pourrait mêmedire le /)o/~y~o~t<?;car M. de Gaultier nous laissegénéralement le choix entre plusieurs symboMsmesplusou moins commodes selon le point de vue du philoso-phe. Ainsi la première et la seconde philosophie quenous avons distinguées dans le développement do sapensée sont deux symbolismes vrais, c'est-à-dire cohé-rents sur des pians déférents. Un autre couple de sym-bolismes interchangeables et susceptibles d'être adoptésad ~'&~M~, selon le point de vue et leur commoditépour l'esprit, c'est la double interprétation psychologi-que et mécaniste du hovarysmc. Un autre est la double

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interprétation de l'idéalisme idéalisme subjectif ouberkeleycn; idéalisme universalistc ou hindouiste. Par-mi ces symbolismes,aucun n'est plus vrai que les autres.Ils s'entrevatent, interchangeables, superposes sur desplans différents, comme des séries d'arcs en ciel diapha-nes, lumineux, irréels, suspendus dans !o Ciel Hasard,le Ciel Pétulance de Nietzsche.

Si ce symbolisme se prête si bien aux jeux de la pen-sée, c'est que la pensée, et même la pensée individuelle,la sensibilité individuelle,est, au fond,la mesure detout.Notons donc encore ce trait le subjectivisme de cettephilosophie. Ce subjectivisme s'avère partout dans lathéorie du parti-prisphi Josophiqueetsociolo~ique,chaqueindividualité se créant sa philosophie et son échelle desvaleurs en vertu d'un « je suis cela » personnel; chaquephilosophie n'étant, au fond, que la révélation d'un tem-pérament, qu'une méthode d'hygiène morale ou de psy-chiatrie appropriée à une individualité.

Ce subjectivisme est d'ailleurs commandé par le pointde vue spectaculaire. Au fond, tout le drame humainn'a d'autre fin que d'assouvir la curiosité d'un spectateurqui est moi.

Subjectivisme cnnn implique aristocratisme. L'œuvrcde M. de Gaultier est une philosophie d'initiés, bannièrede ralliement pour des frères de môme sang en philoso-phie.

Résumons ces quelques indications irrationalisme,esthéticisme, fictionisme ou symbolisme universel, sub-jectivisme, aristocratisme, tels sont les traits les plusmarquants de cette philosophie.

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LES ANTÉCÉDENTS DE CETTE PHILOSOPHIE. –SON ORIGINALITÉ

M. J. de Gaultier s'apparente à Erasme, à Spinoza, àSchopenhaucr et à Nietzsche pour l'attitude spectacu-laire à Hume et à Nietzsche pour l'irrationalisme àLeibnitz et à Hegel pour le synthétisme et le polysym-bolisme.

Mais il y a de grandes différencesentre ces penseurs etlui. Le rapport de lui à eux n'est pas un rapport d'imi-tation, mais un simple rapport d'afnnité. Aucun desphilosophes cités plus haut n'a adopté complètementl'optique de l'artiste. Aucun ne s'est tenu jusqu'au boutau point de vue spectaculaire.

Le pessimisme hindouiste de Schopenhauer se rangeau fond sous l'optique eudemoniste et éthique, non sousl'optique esthétique. Le pessimiste schopenhauérien n'estpas détachédu souci du bonheur et de la moralité. L'art,la contemplation esthétique ne sont pour lui qu'un moyende délivrance; un acheminement au salut, à la sainteténu nirvana bouddhique.

Nietzsche a nettement adopte a un certain momentl'optique de l'artiste (O/y/~c f~ 7~y~'c); maisil ne s'y est pas tenu. Il a subordonné l'amour de lacontemplation à la hantise de la volonté de puissancea l'ascétisme héroïque, à la théorie du Surhomme ena Hscetlsme lCl'Oique, a la leor'lO dit GUI' IOrm.11e; enun mot, si paradoxal que cela puisse sembler chez ceti m moraliste, a l'éthique.

Spinoza est peut-être celui qui incarne le mieux l'at-titude du contemplateur par son pur détachement intel-lectuel, c~or !c//ec/M~s /)< Mais il ne s'est pas

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aHranchi complètement peut-être du souci eudémoniste. l'

ï! aspire, comme lesto't'cicn, à la sagesse et à la félicité

par le règ'ne do la Raison. Seul M. J. de Gaultier épure l

1, 1 1, 1 tu~zt,c~.1" .1 t.l'optique de l'artiste de toute considération eudémoniste,l ou a~,c,ét.icylc. })'" 1 1l ,1éthique ou ascétique. Pour Nietzsche, demeure unmoyen et un stimulant de !a vie. M. J. de Gaultier nesubordonne pas l'art à la vie. La vie serait plutôt, selonlui, un moyen pour la satisfaction du sens artiste. Chezlui s'afnrmc la pleine indépendance du point de vueesthétique.

Les facultés maîtresses de M. J. de Gaultier s'harmo-nisent avec cette conception de la philosophie. Elles seramènent à deux la faculté systématique et la facultépoétique, le don de la vie, le don d'exprimer en phrasesnombreuses, frémissantes de passion contenue, lerythme large, la beauté sereine et triomphante de la vie.

QUELQUES POINTS D'tNTSRROGATtON OU DIFFICULTES

Une première question est celle'ci pourquoi M. Julesde Gaultier, parti des conclusions de ~f C' ~c~a~M /~re, ne s'en est-il pas tenu a l'attitude agnos-tique formulée en De A«~/ A~o~~c/<(~fi

Cela n'eut-il pas été plus logique que d'instituer unenouvelle métaphysique, la métaphysique spectaculaire,cette métaphysique étant, au fond, comme les autres,une façon de pénétrer les intentions secrètes de la na-ture et l'f~o/ des choses, ah-.ohtment comme si /<:t C~-~'<yHC ef<? /M /sc'~ ~M~' n'avait pas été écrite? – Ré-ponse à l'objection M. J. de Gaultier ne prétend pasatteindre l'absolu, mais seulement instituer un symbo-

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iisme ou plutôt une série de symbolismes ou représen-tations figuratives du monde sous l'optique d'une sensi-bilité particulière. n ne faut pas oublier que Kaut lui-m6me a fait une hypothèse métaphysique pour cons-truire /a C/yHe /o/ï /?H~ et justinerl'agnosticisme (hypothèse de la chose en soi distincte duphénomène). M. J. de Gaultier, dans sa seconde philo-sophie, fait l'hypothèse inverse (négation de la chose en.soi) et édine logiquement sur cette hypothèse ses con-clusions monistes, pbenomenistes et spectaculaires.

2° Une autre difMculté est relative au postulat fonda-mental implique dans la notion du bovarysme. Ce pos-tulat n'est autre que la foi au pouvoir de l'idée, de lanotion inculquée, de l'éducation et de la morale en unmot, la foi au pouvoir delà suggestion bovaryque sur!a pensée et la conduite des hommes. Or,on sait que cepouvoir a été ni6 ou contesté ou, en tous cas, considéra-Hement réduit par beaucoup do bons esprits. Un Sten-dhal, un Fourier, un Gobineau croient qu'en nous letempérament, la physiologie, la race font tout que lesnotions inculquées du dehors, les idéaux que font miroi-ter devant nous les éducateurs et les moralistes n'ontjamais modiné sérieusement notre nature orig'incllo nichangé le cours de nos désirs, de nos résolutions et denos destinées. M. Remy de Gourmont professe nette-ment cette opinion. D'autres écrivains ont une attitudemoins nette et même quelque peu contradictoire. TelM. Barrés. Voici, en cfl'et, dans .r~ <c j9c/'<ceics idéologies pédantocratiquesquercprésentel'ing'énieurCharles Martin convainctips de pauvreté et d'impuis-sance; les voici représentéescomme dépourvues de touteportée, de toute force do pénétration dans les âmes. Etvoici d'autre part M. Barres, dans~<xc<n<M, attri-buant au professeur Boutcillcr une Inuuence étonnante

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et, à mon avis, infinimentexagérée sur l'avenir de sesélèves nancéens.

Comment M. J. de Gaultier solutionne-t-il cette diffi-cu!té? Afnrme-t-il,contrairementàStendhal,à Gobineau,aM.RemydeGourmont.l'innuencedécisive des idéauxinculqués sur la conduite des individus ou des peuples ?̀?

Il affirme sans doute cette influence cette affirmation,nous l'avons dit, se trouve impliquée dans l'énoncemême du bovarysme. Toutefois, il ne croit pas cetteinfluence également puissante sur tous les hommes.Il distingue deux types d'hommes, qu'il appelle le typephysiologique et le type social. Le premier type, plus oumoins réfractaire au bovarysmc, renferme les naturesoriginales dans le mal ou dans le bien; le secondtype comprend les natures aisément bovarysables ettoutes prêtes à subir le prestige de l'éducation. Celarevient à dire que les natures moyennes sont aisémentsuggestibles; les autres non.

Cette solution pourrait su ffire mais M. J. de Gaultier,fidèle la discipline de pensée qui le porte A donner d'unfait plusieurs interprétations sur des plans différentsentre lesquels il laisse le choix au lecteur, va superpo-ser à cette solution psychologique du problème unesolution métaphysique. Celle-ci consiste a traduire lefait du bovarysme en deux langages interchangeables:le langage psychologique et le langage physiologiqueou mécaniste. Dans le premier langage, ie bovarysmeest, pour un individu, ou pour un peuple, le fait de seconcevoir et de se vouloir autre sous l'influence d'unidéal qu'on lui propose. Dans le second langage, le ho-

varysme exprime la rencontre, le conflit et les réactionsmutuelles de deux physiologies dont la plus forte asser-vit la plus faible conformément au déterminisme de laforce.

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3° Voici maintenant une objection possible contre l'es-théticisme spectaculaire: comment la Pensée universelle,guidée par un souci de contemplation et de beauté, a-t-ellepu créer un monde si franchement laid en quelques-unes de ses parties laid d'une laideur non tragique, nigrandiose, ni effrayante, mais simplement plate, vul-gaire, mesquine, hideuse et déboutante ? Cette platitudedu spectacle à de certains moments ne justifie-t-elle pasla sensation d'ennui symbolisée par Nietzsche dans lemythe du Retour éternel, le Retour éternel de l'hommepetit? M. J. de Gaultier répondrait peut-être quel'Artiste universel a sans doute obéi ici à la loi scéniquedu contraste que, d'ailleurs, pour qui sait bien voir,il n'y a rien de vil dans la maison de Jupiter. Cetteréponse ne satisfera peut-être pas les pessimistes impé-nitents qui trouvent la pièce décidément plate et maus-sade.

4" Nous arrivons à une dernière et capitale difncultécelle qui concerne les rapports de la pensée et de l'action,dans la philosophie spectaculaire. L'attitude spectacu-laire, ont dit certains critique s'implique une dissociationde la pensée et de l'action, de la connaissance et de lavie. Cette dissociation aboutit logiquement elle-même àun absolu détachement de l'action et de la vie, à un ni-hilisme de rêveur apollinien, à un dilettantisme abouli-que, indifférent et impassible. Ce n'est qu'au prix d'unecontradiction que M. J. de Gaultier s'efforce de sauve-garder dans sa conception du monde les Intérêts de la vieet les droits de l'action.

La contradiction reprochée à M. J. de Gaultier existe-t-elle ? Elle existerait si M. de Gaultier avait admis lapossibilité d'une dissociation véritable, complète, abso-lue, entre la pensée et l'action, entre la connaissance etla vie. Mais il n'en est pas ainsi. Fidèle & son principe

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d'universel synthet'~me, M. J. de Gauler insiste surcette idée que t'amnur de )a vie et le ~out, du spectacle,quota sensibilité instinctive et!a sensibilité spcctacu-ta)re, que la joie de vivre et ce!tc de se re~ard~r vivres'imphquent, s'envetoppent. s'excitent mutxettement,comme rétémcnt mate et t'ejonent femelle, à ta com-mune ardeur de l'acte et de la jouissance. Porté à !'ab-so!u et isolé de son contraire, chacun de ces deux e!é-ments fondamentaux de notre nature s'abolirait lui.môme. L'absolue impassibilité spectaculaire, telle qu'onl'a prêtée quelquefois à un Flaubert ou à un Leconte deListe, est irréaHsabh;.

« Les contemplatifs, dit M. J. de Gaultier, risquent,« par l'exagérationde leur passion, d'en voir disparaître« !'objet. !ts n'entrent en e~'et en relation avec tous cesa objets du monde extérieur qu'autant que leur sensibi-« lite est encore af!<tcc par eux quelque joie à consi-e dérer les formes et !es cou!eurs leur rend seule per-« ceptib)estesformeset!escou!eurs; quetqueémotionau« contact des passions humaines leur permet seu!e de« connaître les passions humaines. Cette joie de curiosité«affirme encore et maintient existence du sujet. Elle& joue te rôle de la couche !e~ère de gc!atine qui, au« fond de la chambre noire, se montre sensible à l'action« de la lumière et s'empare, pour le tixer, du reHet des«objets. Si l'on retranche cette joie, comme étrangère« à l'acte même de la connaissance,voici le pur contem-« platif privé de toute communication avec les objets« de sa contemplation (i). ? L'utat purement contem-platif serait une monstruosité,un ~ïo~s/rMMper e.rcM-~MM il supposerait des êtres tout en cerveau, commeces Ases qu'imaginait Renan dans un avenir lointain de

~<) L< ~OM~y~n<, p. <65.

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l'humanité. Pour que le spectateur s'intéresse au jeu del'acteur, il faut qu'il y ait en lui quelque chose de lanature de l'acteur, un retentissement des passions de cedernier, un écho de ses cris, une ébauche de ses postes.

Ainsi le principe: du synthétismebovaryques'appliqueici une fois de plus et permet au philosophe de solution-ner l'antinomie de la pensée et de l'action. La passionde contempter et la passion do vivre « puisent le prin-cipe de leur existence a la même source (i) ».

Est-ce à dire maintenantque cette conciliation des exi-gences de notre nature active et de notre nature contem-plative écarte tout conflit entre ces deux parties de notreêtre toujours en délicatesse l'une avec l'autre ? Est-ce àdirequelesdeux natures,unies dans leur principe,ne vont

pas diverger dans leur développementet s'opposer plusd'une fois l'une à l'autre dans les diverses combinaisonsoù elles entreront chez les dilîérents individus humains?Evidemment non.–La solidarité originelle de ces deuxnatures ne les empêche pas de se mêler en proportionsfort inég'&les chez les di~érents individus. La parfaiteharmonie, la proportion idéale entre elles se trouve réa"!!sée peut-être à de lointains intervalles en quelquesindividualités d'élite, rares exemplaires d'humanitésupérieure dont un Léonard de Vinci ou un Stendhalpeuvent donner une idée, âmes privilégiées chez les-quelles la jouissance de l'action se double de la jouis-sance de l'analyse, de la contemplation et du rêve. –Mais en dehors de ces cas exceptionnels et, pour ainsiparler, de ces réussites humaines, l'antithèse de la con-templation et de Faction reprend ses droits et aboutitfacilement à leur divorce. En généra!, les contemplatifsont conscience de leur inaptitude à l'action témoin

(t) ~NMo/tt dd ~f~<snM.

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Amiel. Et ceux d'entre eux qui ont voulu être des hom-mes d'action ont peu réussi dans ce dernier rote.Témoin: Benjamin Constant. Le spectaculaire et l'hom-me ~'action resteront toujours deux types antithétiques. Le spectaculaire n'est pas un homme d'action;l'homme d'action n'est pas un spectaculaire. L'hommed'action demande à la vie autre chose que ce que luidemande le spectaculaire.

Tous deux aiment la vie à leur façon et, comme le

remarque justement M. J. de Gaultier, le spectaculairen'est pas forcément hindouiste, schopenhauérien, pessi-miste et déprédateur de la vie. Mais tons deux aimentla vie pour des motifs différents: l'un aime la vie pourles thèmes de contemplation qu'elle lui offre; l'autrepour les occasions d'agir qu'elle lui fournit.

C'est pourquoi l'attitude spectaculaire, qu'elle se for-mule dans l'ordre poétique, dans l'ordre littéraire oudans l'ordre philosophique, inspirera toujours une se-crète antipathie et une obligatoire défiance aux hommesd'action qui sont des hommes de foi, qui veulent con-c~r~ pour eux-mêmes et pour les autres, ce qu'interdit,nous l'avons vu, l'attitude proprement Intellectuelle.

L'instinct des hommes d'action ne les trompe pas.Ce n'est pas de l'inteUectuel spectaculaire qu'il fautattendre le coup de clairon vers l'action. L'homme quine voit dans la vie qu'une fiction et un spectacle nepeut, quand il le voudrait, prendre la vie au sérieux dela même façon et au même degré que celui qui croit àla réalité des choses, à la réalité de son action et de sonoeuvre.

Cette antithèse de l'homme d'action et du contemplatiffest-elle une objection valable contre la philosophie bo-varyque ? Non car cette antithèse même des deux na-tures psychologiques entre lesquelles se partage, selon

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des modes infiniment variés, l'espèce humaine, cet.teantithèse est précisément une condition qui assure ladiversité du drame humain et l'inépuisable variété des

personnages qui figurent sur la scène du monde.La philosophie bovaryque justifie ainsi du point de

vue spectaculaire les modes infinis selon lesquels, chezies individus humains, l'élément actif se combine à.

Fétément contemplatif. Il reste toutefois que la visionde l'univers que nous propose M. J. de Gaultier n'estpas celle que s'en feront volontiers les hommes d'action.L'univers bovaryque n'a pas pour eux une réalité etune consistance suffisantes. Get univers scénique, si in-génieusement disposés que soient les portants du décor,si bien réglés que soient les jeux de scène, si régulièresque soient les évolutions des personnages métaphysiquesqui s'y donnent la réplique selon le mouvement alternédes strophes et des antistrophes, cet univers si habile-ment construit qu'il donne à de certains moments l'illu-sion d'un univers réel, cet univers, dis-je, n'en gardepas moins un caractère fictif et irréel, une inconsistancede rêve bouddhique, qui doit le rendre antipathique àl'homme d'action, inhabitable pour l'homme d'action,lequel est toujours un peu un philistin, un homme qui« croit comme une brute à la réalité des choses )).

Par contre, l'univers bovaryque plaira sans réservesau pur spectaculaire, au dilettante social. – Nousacceptons pleinement, pour notre compte, cette visionfantastique et shakespearienne du drame vital, sanséprouver le désir de voir se durcir les contours fanto-matiques des apparences qui la composent. Nous admi-rons dans la philosophie bovaryque la mise en théorielucide, ingénieuse et profonde d'une attitude chère, àquelques-uns de nos plus grands penseurs et artistes,un Flaubert, un Leconte de Lisle, un Anatole France

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et, du haut du belvédère spéculatif où nous a conduitsM. de Gaultier, nous conte~ptons les perspectives pa-noramiques que fait surgir, ttevant'nous ce prestigieuxévocateur de la vie, cet ittcompapabt~ impresario metaphysique.

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Le Bovarysme. La psychologie dans l'oeuvre deFlaubert. Brochure. Paris, Léopold Cerf, t8aa. in-8. De Kantà Nietzsche. Paris, Société du Mercure de France, tooo, in-t8.

Le Bovarysme. Paris, Société du Mercure de France, !goa,in-i8. – La Fiction universelle. Paris, Société du Mercure deFrance, ioo3, in-i8. Nietzsche et la Réiorme philoso-phique. Paris, Société du Mercure de France, too4) in-i8. – LesRaisons de l'Idéalisme. Paris, Société du Mercure de France,)~6, in-!8. La dépendance de la Morale et l'Indé-pendance des moeurs. Paris, Société du Mercure de France,)QO?, in-18. – Entretiens avec ceux d'hier et d'aujour-d'hui. Comment naissent les dogmes. Paris, Société duMercure de France, tQ'a, in-t8.

La Revue indépendante, décembre 189!. propos de/nye/us. tl s'agit de t'An~eius de Millet et cet article forme unessai sur le consentement universel proposé comme Critérium à re-bours. Revue de la France moderne. 5 numéros, avril àaoût t8Qa.Ze~oM!r~m<' ou la Psychologie <ïaHS /'nHfrede F/OM-~e~. La Revue blanche. Essai de physiologie poétique àpropos des joo~mea de ~f. ~mt/ fe/ct'ne, mai, juin et juillet !8o4. –Sous cette rubrique Feuilleton philosophique. Une Introduction àla vie intellectuelle, n<" des i< déc. 1896, t5 janvier, t& mars, t"mai et août 1896 et i"' janvier t8o7. Les Goncourt et ~Tis~ed'ar~. ï~f mai t897.– Ibsen, t5 mars et t"' avril tS~S.– Fr~d~tc

~0~/MP~ ,) )/LES ŒUVRES

PÉRIODIQUES

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ATeffftc~e, ~décembre !8o8. – 7'o/xM, t5 septembre t8g8. –Revue pour les jeunes imes.Lcsen~~tcn~de/ana~re~/es~oyayM,5sept. tS~C.– Mercure de France: Df /n~~ec~ta-/t<mf, a~ri) )8g8. – Ae 7]foMdd/«'sM<' en Occ'd<°n/. février t8a8. –De A'an~ A A~«'~sc/i< avri), juin, juH)ct, août, octobre, décembre1800~ janvier, février, mars )<)oo. (Cotte sp.rie comprend ]cs neuf cba-pitres qui, à ta suite de quetques remaniements, composèrent te vo'tume).–e ~o:r;/s~tc des D~rae~jui!tct ~900. –/)e la na/tt~~M~rt/ej!, septembre 'QOt.– /<a/)~~r<!un<ue/mai !Qo3.–Zfa /Ï0a/;<<" t!OH~M.!t', septembre )go3.– /Vf<c/t<! < /a Pf'ns~~/ran~a<s< septembre )go~. – ~yteafy~(/<ca<<OM rto;~t*/<fe /'<nfJe(/o~H<tont, f'' et tujuin !~oj. – ~<t MK~t~/t'/x~ue ~u.~cc~tc/e,)"'mars t()o6. –Z~ Ff/M ~s /<t< t"'d~c. '907. – Boua-y'~SMe ~e /<.)tr'6avrit )~o8.– A~e/csc/te con~'e/e ~H~oM~ts,t6août tQoS. – 6~!<!p~<7oMpA!e~!<-e//e<'RMre/)os$!&/e!' t6 sept.tgoS. – /'rrty~m/~Me, t" fcv. !()o~. – ~Vo<<*s s<tr /s 6'<<tme,t*' sept. tgOQ.–Zft ~tfora/c et ~'<M/'7ns~~n/ /<t //tora~, t'juin)H<o. – </M cr~t~Hc~e ~e /'ro<y~, faoùt tgto. – Co/M-Men~ /!a!SMn~~N~o~tM, f~ septembre !9< – (Rubrique phito-'ophiquedu )'octobre !go6 au i~~ décetabre !gto). – Flegrea.~(~o~~<*co/M~te c/'pa/6Hi"~e Va~urs. aojuin !got. –<t'e~<)/t<7os<v~'ts< Fr~nc~. ao nov. too!.–Revue hebdoïnad&irw. Le <ens de ~a /!tefftrc/tfe c~M ~Vfe~scAe, a3 mars t~O!. –Action française. T~o~s a /'cn~c sttr /e Pro~~M~me,t5 mai ipoo. – Ermitage. .~en~~ten~ de la Ma/nrc so~ a~./Mrt~fon ~r<<<p<?, t5 oet. !go5. – Revue philoaophique. La/)~endanc<! de /<ï Mora~' e/ /nc<)<'ndanc<* dM fncfM~s, octobretgo~. – Les d<'M.~c fr/'ears de /a ~/<f/<yH< février tQOQ.– Ls/Ma/tS~<' du c~n<tnu, janvier !g!0. PrayMm~~e e< sc~n~s/MC,juin !9!t. – Anterieurf'mcnt quctques ana!yses d'ouvrn~es.– Revue des Idées, .S'(;o~en/!naer et A~~fsc~c, ]5 féy. ett5 mars )go4. – A~~rsc~e et ~a croya~M !dco/oy«yuc, !& sept.)()0~. – Z,<o6~~e de DMca~cs, )5 fëv. igoj. –- ~M d~n~<o~da ~mo!f, !5juin !oo5. – /~nf't /7c<ne <*< /e~o~ta~{j!yK<! de la~atton, !5 août !goS. – Z.~ds~e SM coM~~ncncM, !5 dec.t9o5 et 13 janvier 1906. –<J'o)7tMen/t:~d~<~a<son<d<Yd<'et/t's~c,)5déc. !oo6. – Z,<t 7's~c~o<!oy;6dftn< /'<jfaufa de ~an~?'i', juit!et,août, septembre )ao8. – ~w/tt~on &!o/o~tyue ~e~ott~Otr in-~~c~M/. octobre 1908.– ~ot~'f/s~te~d~er~«nt'sM< ïSjuin tgoo.– Za ~ot' de con~~ancc rtnca/cH~/e, décembre tgog et janviertQtO. – ~ya~Ma~Me. /<?c<u~/<sme,t&octobre tgf!. – tadé.pendamment des articles cites ci-dsssus, M. de Gaultier a donné

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a!a Revue <<M Idée, depuis l'année de sa fondation (igo4) nombrede notes et d'analyses.

Coenoblum Le point d< vue spectaculaire et le Point de vueMore/,avn! 1909. La Société nouvelle.Une métaphysiquedu

~A~no/n~e, mai tgog.

A CONSULTER

7. LES LIVRES

V. Cornetz Un des aspects de l'illusion f/H /~HeMr d'échecs.Paris, NumaPrcti, ngo?, in-!6. – Arnold van Gennep jRe~gions, MCBftrt et /e~(~. Paris, Société du Mercure de France,!9o~. in-!8. Remy de Gourmont Prowena~es~~eratr~.Paris, Société du Mercure de France, tgoS, in-18. –Arthur Hu-ghes Atheism and /tMor<a~ Norwich, tgo8. HenriMazol Ce qu'il faut lire dans sa vie. Paris, Société du Mercurede France, !go*}.– Th. Ribot P/'oA/c~es ~e ~c/:o~oy:'ea~c-<~e. Alcan, igto, in-t6. – Louis Thomas Wfty~ ~or~a~s.Paris, Albert Messcin. Algar Thorold ~Vo~< on the philoso-

of disillusion London, Archibatd ConstableandC", tgog.in-tô,– Giovanni Vidari ~n ~u~ua~smo /tf~e dottrine morali~t* <eco~o MUano. Map)) fgog. – Paul Wiegler ~'an-t<r«c/t<~e&e/~n. Berlin, Gose et TetxtafF, tgoS, in-)6.

II. VOM~/i~YErP~/OD~f/F~Lucien Corpechot jSo~ary~nt<* des Japonais, Le Soleil.Médéric Dufour A~c< da ~<a~ Le j8oM/$~

Le Progrès du Nord du tg septembre tgoS. HavelockEllia Bof<y<nt. Tlze Weekiy critica! rcview, t'~ octobre )go3.

Arnold van Gennep De quelques ca< de Bot'~r~M~collectif. Mercure de France du !6 mai !oo8. Remy deGourmont T'ariser &<c/ Wiener Rundschau du mai t8gQ.L'rt nouveau jsA~oso/ie, Jules de Gaultier. The Weck)y cri!.icat re-vicw 25 juin tf)')3. – J. Haas JM/cs de Gf!tt~<e' Le Buuar~s~teZeitschrififur franzœsische Sprache und Litteratur,XXVf,3.–Har-lor ~ouar~SMe collectif. La Fronde, B5 juillet K)û~. – T.-E.Hulme ~<?a?/te''< o/~er rea~<y. Jules de Gaultier. The Newage, a décembre t90{). Henri Lichtenber~er 7V<e<«cAe!ranA're<cA. (Wien). DioZeit. septembre tgoo.;– RudolphLothM* J3oMrysMK<. Die Zeit, Vienne, Charles Maur.

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ras D'Emma Bovary an Grand Tout Gazette de France, 9& ao~ttgoa. -– Francis de Mioïnandre pA~oaoy~te~'rot~aMM. Jules de OauV~er. L'Art moderne du !6 février t~. –Lucien Moroau C<* A'aM/ à Nietzsche. Revue encyc)op~diqnf.Larousse, a juin )~oo. –Natanio il Savio (Ginseppe Rensi

~o~orys~to Mte~~stco. Ca'nobium, novembrf tgo6. – LouisPagHat ~E'<~H~~<ur /our. Cages nto<!crncs, novct!)!).tqo'y.– Geor~ea Palante Z.< ~oMarysm~. 6~e /)!o~erM pliiloso-/!Ate de /7//M</o~. Mercure de France, t' avril igo3. – jH~es deGaultier Nietzsche et la ~~r~e jD~o~o/~t~He. Revue ptu!o6o.phique, décembre <~of). – Fr. Paulhan ~M/M CetH~

jCoM~a~~ t~vuc phttosophique, septctnbre t~o3. – ~H/MGaultier. Ira ~<'<<o~ tt~tt'se~/f. Revue phiiosophique, [&&rs t~o/j.

– Jules ~c (t'a~/w. Les /~tso/!S de ~(~<'a~sMM. Revue phi!oso-phique, décembre i~o6. – Jules (~ CaH/i'~r. La t/n~cftce de la/MO~a~e et /n(~e~~<~t<<' (les ~!M't<rs. Hevue phiiusopbi'juc, juint§o8. – Th. Ribot Sur unc~r/~N J'tSt~n ~fo'n'c. Revu<;philosophique, mai tgo?. – Prof. Raoul Richter A~f~rscAt'.<Urteile u~w tifte ~'oHf<~p/t und ~A'/ct/e der Fran:fh~'ft M&e/' A~e~-~C/ DerCout.iucut. Jahr~ar~, t, ~07. Hcit t3. – Ste-Claite

JM~M de 6'HM~«?f. Gi) B!as, 3ojuirt tgoa.– Albert SchiazVM/M d~G~ft/~o~ r~o~! the .<ct~<; Pr'tnc.<'s q/tt'cx.TheJourna! ofPhitnsophy, (sychoto-~yand scientinc Mcthods.atma'!9o8. – Victor Segalen Les /AM' la /o< le f~H&/< /f<&MH~,!& avri! tgo6. – Louis Thomas .V. JM~s de ûMM/~cr LaPha!an~c, t5 novembre tQo8. Léon Wéry ~u~~ < ~?a't/-

La Dt~cndonce de la ~(xu~ et ~nd~tn< des //i<j!'M/t.LeThyrsc, décembre tgo8.

/coM~.ipm~Comte André Mniszech: Portrait & t'huitc. t~; appartient

& M"L. et M. de Laguionie. – André Rouveyre r/My~Jules d<?G'~u~«'r. Mercurede France du )6juii!et t()t!.– Alcinade Sainta-Luce Portrait à l'huile, tgoS (appartient & M'"c Jutesde Gaultier). Portrait &huiie, !Qtt (appartient, à M' Jules deGaultier).0

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y~z~

Le penseur et l'oeuvre. 7

La scnsibiHté esthétique. L'optique de l'artiste, 9

La phitosophie comme œuvre de science et comme oeu-vred'art. ~1

Idée générale qui domine la philosophie de M. J. deGaultier antithèse de i'tnstinct vital et de l'Instinctde connaissance. S6

La phitosophiede l'Instinctvital et la philosophiede l'Ins-tinct de connaissance. 34

Plan généra! de la philosophiede M. J. de Gaultier. 37

La première philosophie le « De Kant à Nietzsche ?.. 42

La seconde philosophie. Dialectique ascendante. 46

Le Bovarysme. 46'~Le Bovarysme comme moyen de production du réeL 53

Le déterminisme de la force. 55

Un principe d'aléa ou de hasard est antérieur au déter-minisme et reste immanent au déterminisme. 57

Primat de t'inogiqueet de l'irrationnel sur le logique.. 59

Le point cuhninant da la dialectique bovaryque Le mo-nismeïdéaUste. 59

Dialectique descendante. Justification métaphysi-que d'un élément irrationnel au sein de la Pensée. 6Q

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Coacitiation de Fatea et du déterminisme possibilité dela science – Rapports de la Pensée improvisatrice etde la Pensée spectacu!aire. 64

Les app!icat!ons de la métaphysique bovaryqxe. 69Les caractères essentiel de la phitosophic de M. J. deGaultier. 73Les antécédents de cette p!)t!osophie. – Son originalité. 77Quelques points d'interruption, o~t difficultés. 78

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Cette nouvelle Cottection: Les //o~~M <~ les /d~M, est une œuvre de vu!g'ar!Mtion, dmoas-nous, sr ce mot, dont on a tantabusé, u't'tait suspect. Cependant, it n'fn est pas d'autre, peut-être,qui ta quaHHe exactement, pourvu qu'on !c prenne dans son sens !cplus ëievc et te plus ~ëucrat.

McUrc & !a portée de tous, dans uu format commode et à an prixmintatc, !<iL connaissance pMcise des hommes et des id~M d'aujour-d'hni, et même d'hier, tel est en effet nott-c but.

Sans prctendre à t'un!versa!)t~, notre dutnaiae sera des p!u!) <'t<;n-

dus! ks !ettt'<'s, les scteuces. {'histoire, ta phi!Mophic et t~ut<lesétudes var!ees leur st'rvaot de base, enfin tout ce qu) pfut intcics-scr ccïui qui cutttve son tuicUi~eace et veut se teutr au courant du ¡

mouvement iateitectud. j

Le lecteur, suquei nous fatS~us appe!~ se fomcea pn ta$tM temps 1

et à peu de M~ MM petite btbiiotbequc uti!c et d'tat~r~ durab!e.

Pet<$ant que beaucoup de personnes dèstret'unt rccevûtf, au tHf età mesure de leur pubHcattOo et sans avoir a Ms comtMpder, ~'s(~uw~<M de !& (:j[)!!ct'tioH Les J~oMtmfs <i!f les ~<-<<<, nous atoos~tobî! uu aboanempat par Kerics de douxe (de i Q ta, de 13 à a~etc.), aux prix suçants

Franoe. 7 fr.&O Etranger. S fr. j

LES ~o~~y 2?r L~.s' /D~'F~