la peyra escrita : traces, lieux et mémoires de gravures rupestres

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Traces, lieux et mémoires de gravures rupestres La Peyra Escrita de Formigueres dans les Pyrénées Orientales Pauline Touranche 07080 Pôle Art, Scénographie et Architecture : Mahtab MAZLOUMAN, Jakob GAUTEL, Jacqueline ANCELOT Mémoire de Master - Mars 2012 École Naonale Supérieure d’Architecture de Paris la Villee

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Mémoire de Master 2 sur le site de la Peyra Escrita à Formiguères dans les Pyrénées Orientales

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Page 1: La Peyra Escrita : traces, lieux et mémoires de gravures rupestres

Traces, lieux et mémoires de gravures rupestresLa Peyra Escrita de Formigueres dans les Pyrénées Orientales

Pauline Touranche07080

Pôle Art, Scénographie et Architecture : Mahtab MAZLOUMAN, Jakob GAUTEL, Jacqueline ANCELOTMémoire de Master - Mars 2012

École Nationale Supérieure d’Architecture de Paris la Villette

Page 2: La Peyra Escrita : traces, lieux et mémoires de gravures rupestres

Traces, lieux et mémoires de gravures rupestres 2

Mémoire de master

Page 3: La Peyra Escrita : traces, lieux et mémoires de gravures rupestres

La Peyra Escrita 3

Sommaire

Avant-propos

Introduction

1. Une strate d’incisions1.1 - Les différents registres et typologies de gravure a - Tracés, outils et techniques b - Les thèmes iconographiques majeurs

1.2 - Des signes et des sens a - De l’observation à la description b - De multiples Interprétations c - Des signes entre art et écriture

1.3 - Vers une diversification des graveurs a - Du graveur initié au commun des mortels

b - Qui viendra graver la Peyra demain ?

2. Marquages de l’espace2.1 - État des lieux de la Peyra Escrita a - Environnement proche et accès au site

b - Architecture et dynamiques spatiales

2.2 - Schiste et Eau : les conditions réunies d’un lieu à graver a - Le schiste, une roche qui appelle à la gravure b - L’importance de la présence de l’eau c - Récurrence de la combinaison : les autres sites gravés

2.3 - Rituels de gravure et appropriations de l’espace a - Cérémonie, coutume et événement b - Vers l’éloignement du lieu c - La persistance d’un rituel de passage ?

3. Filtres du temps3.1 - Un lieu chargé de mémoire a - Un support pérennisant b - Une mémoire imparfaite

3.2 - De l’appréciation des choses du passé a - Le concept de patrimoine ou le culte du passé b - L’héritage de la Peyra Escrita et ses enjeux

Conclusion

AnnexesChronologie des gravuresTableau comparatif des motifs gravésPlan du site de la Peyra Escrita (relevé archéologique)Carte des sites de gravures rupestres schématique linéaires CatalansCartes des Pyrénées Orientales (géologie et hydrographie)Carte du site classé du Cirque des Etangs de Camporeills

BibliographieRecherches archéologiques sur ce site et des sites similaires La gravure et l’écriture ; les signes et leur sensConsidérations sur l’espace et le tempsLe concept de patrimoine en question

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Crédits photographiquesPauline Touranche : Couverture, p. 6, 7, 8, 12, 13, 22, 23, 25, 26, 28, 33, 36, 37, dessins p. 24 et 25

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4 Traces, lieux et mémoires de gravures rupestres

Mémoire de Master Avant-propos

TERRAINLa Peyra Escrita, un lieu dit à prés de 2230 m d’altitude, sur la commune de Formiguères, dans les Pyrénées catalanes, constitué des plaques de schiste, ça et là d’un petit ruisseau, qui reçoivent des incisions de la main de l’homme depuis l’âge protohistorique jusqu’à nos jours.

OBJET DE L’ÉTUDEÉtudier un lieu remarquable à travers les manifestations qu’il génère et qui le génère : de l’événement au lieu.Interroger le phénomène de gravure sur roche perpétuer par l’homme de-puis la fin de l’âge préhistorique jusqu’à nos jours dans le lieu dit de la Peyra Escrita à Formiguères.-> Graver = l’intervention, Peyra Escrita = le lieu, l’espace, Protohistorique à aujourd’hui = le temps

PROBLÉMATIQUES⇒ Que nous disent ces gravures, et plus largement que nous ap-prennent elles de leur auteurs, des sociétés qui les produisent, mais aussi sur le lieu lui même ?⇒ Pourquoi graver dans ces roches ? Peut on parler d’un acte unique, fondamentalement humain qui se perpétue? Comment est ce que ces mani-festations créent le lieu de la PE ?⇒ Comment évoluent le sens et la perception de ces signes et de ce lieu à travers le temps ?

DÉMARCHEConfronter l’expérience du lieu (et du parcours qui y conduit), à la documen-tation disponible à son sujet. Considérer et confronter toutes les gravures présentes sur le site comme des traces valables, vecteurs de sens autant les unes que les autres. Tenter de faire preuve d’objectivité afin d’appréhender de manière globale le rapport que l’homme entretient avec l’espace à travers la gravure de traces, signes, symboles, ou de mots.

AXES DE RÉFLEXION

a. Gravures et graveurs- Que savons nous de ces traces, quel message pouvons nous en tirer, au-jourd’hui ? (Observations, témoignages, littérature). - Malgré leur divergences temporelles (date de réalisation supposée), maté-rielles (outils utilisés), stylistiques (épaisseur du trait, répertoire) et inten-tionnelles (motifs de la gravure), les différentes gravures de la Peyra Escrita attestent t’elles d’un besoin commun et fondamentalement humain ? - Des signes chargés sens, manifestation artistique ou écriture ?

b. Le lieu- Pourquoi graver en ces lieux d’altitude, et sur ces roches là ? Les raisons pour lesquelles les passants laissent leur noms sur ces roches aujourd’hui sont elles les mêmes que celles des bergers qui depuis le XVI° siècles y gravent le signe de leur troupeau ? - Rapport entretenu entre les graveurs et ce lieu ?

c. Le tempsParce qu’elles posent la question du temps par leur pérennité, ces gravures m’amènent à m’interroger sur la mémoire liée au lieu, à l’espace. Que nous a t’il été transmit et que transmettons nous aux générations fu-tures à travers ces gravures? Quelle perception avons nous de cet héritage et qu’est t’il fait pour assurer sa transmission?

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La Peyra Escrita 5

Introduction

J’ai connu le site de la Peyra Escrita à travers un stage avec le Parc Naturel Régional des Pyrénées Catalanes sur la commune de Formiguères, où se trouve le site en question.

Ce qui m’a tout de suite interpellé au sujet de ce site, où se trouvent stratifiés des signes gravés de main d’homme depuis la fin de l’ère préhistorique à aujourd’hui, c’est justement l’«épaisseur temporelle» qu’il renferme. Marc Augé l’aurait appelé «le temps vrai». On peut éprouver devant une belle ruine, ce sentiment qui naît «du contraste entre l’actualité du moment qu’on vit du lieu et l’évidence incertaine du passé».1

En voyant ces gravures, c’est, pour moi, une fascination que d’être propul-sée, par des éléments tangibles et palpables (par la vue et le toucher), à des temps lointains.

Ainsi, au delà d’une appréciation graphique des signes gravées, il est, en effet, fascinant de voir une chose (les gravures), d’en avoir la connaissance immédiate, mais de n’en savoir rien, de ne pouvoir la saisir, car les circons-tances dans lesquelles ces gravures ont été réalisées, les motifs pour lesquels elles ont été faites, et surtout les raisons pour lesquelles elles ont été gravées en ces lieux là, sont autant d’interrogations qui s’imposent alors à nos esprits rationnels.

Le mystère pourrait être figé et le questionnement resterait vain, car il est certain que nous ne sommes pas en mesure de répondre à la place des gra-veurs disparus depuis prés de 5 milliers d’années. Ce n’est pourtant pas le cas, car la Peyra Escrita est encore gravée.Certes, les motifs, les outils, les manières et les volontés de gravures sont vraisemblablement diverses, mais l’acte de graver, la volonté d’inciser la roche de ce lieu demeure, ce qui crée une dialectique entre les gravures passées et présentes.

C’est cette permanence au delà de l’immensité du temps, d’un acte créa-tif, d’un geste presque minimal de transformation et d’appropriation de l’espace, qui m’a donné envie d’aller plus loin dans le questionnement de la Peyra Escrita.

AUGE, Marc, Le temps en ruine, Galilée (coll. Lignes fictives), 2003, 135p.

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6 Traces, lieux et mémoires de gravures rupestres

Mémoire de Master Partie 1 - Une strate d'incisions

Partie 1 - Une strate d'incisions A prés de 2230 mètres d’altitude, sur la commune de Formiguères, dans les Pyrénées Orientales, se trouve le site de la Peyra Escrita : de grandes dalles de schiste, détachées de parois rocheuses voisines, gisent ca et là, par-mi des rhododendrons, de part et d’autre d’un petit ruisseau qui, né d’une cascade toute proche, déroule ses méandres, à travers la petite cuvette, cou-verte d’une herbe drue.

Les dalles de la Peyra Escrita sont marquées de plusieurs centaines de gravures qui se côtoient, ou plutôt se superposent et se confondent. D’au-tant plus qu’une patine rouge ocre se forme rapidement sur ces incisions, gommant ainsi toutes possibilité de distinction par rapport à la fraîcheur ou à l’ancienneté apparente des gravures; ces dernières semblent ainsi presque toutes contemporaines les unes des autres. C’est un aspect intéressant que nous approfondirons plus loin dans cette étude, car cette apparente homogénéité cache de nombreuses différences ; toutes les gravures n’ont pas été effectuées en même temps, elle ne sont pas non plus le fruit des mêmes techniques et outils, de même, les styles et les registres qu’elles abordent permettent une lecture distinguée, et la considé-ration d’une variété d’auteurs que nous tenterons de mettre en avant dans cette première partie du mémoire.

Parmi les gravures présentent à La Peyra Escrita, celles qui nous sont le plus familières, parce que les caractères qu’elles utilisent nous sont facile-ment identifiables (des lettres de l’alphabet par exemple, formant des noms propres, ou encore des dates chiffrées), sont des écritures contemporaines, souvent désignées sous le nom de «graffitis». Une autre famille de gravures regroupe les signes pastoraux relatifs aux troupeaux de moutons autorisés à pâturer sur les montagnes environnantes du site de la Peyra Escrita. Se distinguent enfin des figures géométriques, humaines ou animales d’un style « enfantin », que les archéologues qualifient « d’art schématique linéaire ».

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La Peyra Escrita 7

1.1 Les différents registres et typologies de gravure

d’après les recherches menées par l’archéologue Jean Abelanet, dans les années 1980. Très fines et « épaisses de quelques dixièmes de millimètres» 3, ces traces sont presque imperceptibles à l’œil nu. Elles sont le fruit d’un geste peu appuyé, et continu de l’outil sur la roche, qui entame tout juste la couche de patine ou se trouve rapidement recouverte par cette dernière. Il semble que l’auteur de telles gravures soit familier du motif qu’il a l’inten-tion de graver et le grave ainsi de manière machinale, (cf. la gravure de son prénom), ou bien au contraire, qu’il agit par fantaisie et laisse sa main guidée par l’outil presque inconsciemment (cf. les zigzags, et divers traits griffés).- Les traces fines, moyennement profondes, de geste coupé sont assez peu représentées sur le site de la Peyra Escrita. Les études archéolo-giques de Jean Abelanet, comme nous le verrons dans le paragraphe suivant (1.1.b. Les répertoires), ont estimé la majorité de ces incisons à l’art schéma-tique linéaire (se sont les formes géométriques simples) et aux signes pas-toraux (photo 2). Plus proches de nous dans le temps, de nombreux graffitis laissent aussi sur le site des traces aux empreintes semblables (se sont des écritures lisibles). Ces incisions renvoient à une gravure plus attentive que la précédente qui traduit des gestes courts et répétés. Il est aussi probable que les incisions fines de la première catégorie, citée juste avant, étaient à l’origine plus épaisses, et appartenaient ainsi à cette catégorie de gravures, plus épaisses mais qui avec le temps, ayant tendance à s’effacer, s’affinent. Il semble que les outils qui les génèrent soient relativement fins. Probablement de nature métallique pour la plupart, on citera pour exemple des pointes de flèches, des clous ou tout simplement des pierres taillées.

1.1. a - Tracés, outils et techniques

1. Titre de la seconde partie de l’étude archéologique publiée par Jean Abelanet en 1989, sur le site de la Peyra Escrita de Formiguères, in « Revista Terra Nostra Prada n°5 », Les roches gravées nord catalanes, Centre de Recherches et d’Etudes Catalanes de Perpignan et le Centre d’Etudes Préhistoriques Catalanes, ABELANET, Jean, Prades, 1989, page 100. 2 et 3 Termes empruntés dans la partie sur « l’art schématique linéaire », paragraphe « Tech-niques » de la même étude archéologique, in « Revista Terra Nostra Prada n°5 », page 101. Photo 1 Photo 2

Grâce à des témoignages recueillis ou aux fouilles archéologiques menées dans le site de la Peyra Escrita, ils nous est possible de connaître, ou du moins de supposer, la nature des outils qui ont servis à réaliser les gravures que l’on y peut observer.La plupart de ces outils nous sont familiers et nous pouvons aisément nous les représenter, comme un clou, une clé, ou une épée. Mais il est vrai qu’au-cune trace matérielle tangible ne nous permet de connaître avec exactitude les outils qui ont servit à effectuer les gravures à l’âge protohistorique. C’est alors la lecture même de l’incision dans la roche (son épaisseur par exemple), qui aide à interpréter les outils qui ne nous sont pas parvenus. Si la gravure trahit l’outil, nous verrons ensuite, qu’elle exprime aussi le geste de sa réalisation. Traits gribouillés, ou lignes peu appuyées et continues, dif-férentes attitudes face à la roche et à l’acte d’y inciser des motifs.L’intérêt de connaître les outils qui produisent les différentes gravures ap-portent aussi des informations bien au delà de la personne qui le tient en main, c’est toute la société qui le produit qui s’exprime alors. En effet, l’usage de l’épée, et celui d’une clé de serrure, ont des connotations socio-écono-miques bien différentes que nous tenterons enfin de mettre en évidence.Notre présentation des outils et des techniques manifestes de la Peyra Escri-ta, suivra la méthode la l’observation confrontée ensuite à la documentation scientifique disponible au sujet de ce site.

Épaisseur, dimension, geste de traçage- Les traces fines, peu profondes, effectuées d’un geste continu, sont les plus fréquemment rencontrées sur le site de la Peyra Escrita. Ces inci-sions sont caractéristiques du type de gravures dites « d’art schématique linéaire»1, mais aussi des graffitis contemporains (photo 1). Elles semblent avoir été faites à l’aide d’une « pointe fine, probablement métallique» 2,

Tracés, outils et techniques

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8 Traces, lieux et mémoires de gravures rupestres

Mémoire de Master

Photo 3 Photo 4 Photo 5 Photo 6

1 On trouve des restitutions graphiques des gravures d’art schématique linéaire » présentes à la Peyra Escrita, grâce aux relevés archéologiques effectués par Jean Abelanet et publié in :- Les roches gravées nord catalanes, IN Revista Terra Nostra Prada n°5, Centre de Recherches et d’Etudes Catalanes de Perpignan et le Centre d’Etudes Préhistoriques Catalanes, ABELANET, Jean, Prades, 1989, 210 pages ; - Signes sans paroles, Cent siècles d’art rupestre en Europe Occidentale, ABELANET, Jean, Poitiers, Hachette (coll. La Mémoire du Temps), 1986, 345 p. (relevés, photographies)- Lieux et légendes du Roussillon et des Pyrénées catalanes, ABELANET, Jean, Espagne, 1999, Libres del Trabucaire (coll. Assaig), 202 p. (illustrations)- Charte des Sentiers d’interprétation des patrimoines du Parc Naturel des Pyrénées Catalanes (P.N.R.P.O), Mont Louis, 9 p.- Ecritures ordinaires, COLLECTIF Centre George Pompidou Bibliothèque publique d’information, dir. FABRE, Daniel, Lonrai, P.O.L, 1993, 374 p.

- Les traces épaisses, profondes, de geste répété sont les deuxièmes traces les plus représentées du site. Elles renvoient à des interventions relativement récentes et sont caractéristiques des écritures et des graffitis contemporains (photo 3). Ces incisions ont vraisemblablement recours à des outils plus grossiers que les précédentes, à des objets métalliques à pointe large comme des clés de serrures ou des clou de grande taille. Ces outils sont maniés d’un geste qui creuse davantage la roche que les précédentes, les traces qu’ils dessinent sont bien souvent plus arrondis, les angles sont lissés. Ces gravures inscrivent l’acte de graver dans une dimension temporelle plus importante que les types de traces précédemment citées qui relèvent, quant à elles, davantage de l’instant. On a l’image du graveur, assis, ou appuyé à la roche pour un instant, qui s’applique à creuser et à repasser plusieurs fois dans le sillon de la trace qu’il grave sur une des roches de la Peyra Escrita. Trace que le graveur connaît certainement bien, par habitude de l’écrire (comme son nom ou le signe de distinction de son troupeau).- Les traces profondes, piquetées/martelées sont les plus rarement pratiquées sur le site de la Peyra Escrita, on n’en compte pas plus de cinq. Se sont uniquement des écritures contemporaines (photo 4), appliquées, de taille importante. Ces incisons sont réalisées à l’aide de deux outils ; proba-blement d’une pointe métallique et d’une masse (marteau ou pierre).

- Quelques traces de sur-gravure sont visibles, réalisées à l’aide de crayon gris ou de fusain, elles viennent accentuer ou se superposer aux gra-vures existantes (photo 5). De ces pratiques davantage effaçables que les incisions dans la roche, on ne peut aujourd’hui observer que des manifesta-tions récentes.- Le pillage, bien plus ravageur que les pratiques précédentes, et parfois aidé par la dégradation naturelle des roches (érosion, éclatement due au dégel), sévit aussi à la Peyra Escrita (photo 6). Certainement à l’aide d’outils métalliques de maçonnerie (burin, marteau, ciseau), des personnes ont prélever des parties des roches porteuses de gravures publiées dans des ouvrages archéologiques 1. Il est à noter que ces pratiques sont relativement récentes, et datent tout au plus des deux derniers siècles.

Partie 1 - Une strate d'incisions

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La Peyra Escrita 9

Tracés, outils et techniques

Remarques générales sur les techniques et outils

Le listage des gravures par les caractéristiques de l’empreinte qu’elles laissent sur les roches de la Peyra Escrita a permit de mettre en évi-dence quatre tendances principales, allant des incisions furtives, très fines, aux gravures appuyées et profondes. Cette lecture ainsi permis d’induire les gestes, soit les techniques (griffage, creusage, piquetage) mais aussi les ou-tils (pierre, pointe métallique, masse) qui ont pu les produire.

Un tableau récapitulatif de cet inventaire (tableau 1, p.9), replacé dans un contexte chronologique et social, qui permet maintenant d’envisa-ger des tendances graphiques, techniques relatives aux incisions.

- Progrès techniques et multiplications des outils :L’on voit clairement que les outils utilisés à des fins de gravure se multiplient avec le temps. La maîtrise du feu et l’exploitation du fer est évidement un facteur de changements considérables à la fin de l’âge préhistorique , tout comme la découverte de nouveau alliages et l’industrialisation des métaux qui bouleversera l’époque moderne. Alors que la flèche, puis l’épée semblent êtres les uniques objets disponibles pour graver dans la roche aux périodes les plus antérieures manifestes de gravure à la Peyra Escrita (se sont du moins les seuls outils qui nous soient parvenus à ce jour), on voit qu’aux époques contemporaines, grâce aux avancées technologiques des sociétés modernes, une multitude d’objets se présentent comment potentiels objets de gravure (clé, outils divers).Serait ce parce que la période contemporaine est la plus pourvue en outils qu’elle est celle qui couvre la plus grande diversité de gravures ? Elle invente même des procédés de sur-gravure et de pillage...Quoi qu’il en soit, elle domine largement les surfaces gravées du site de la Peyra Escrita, allant même jusqu’à effacer les traces qui la précède.

- Outils et moteurs :La nature de ces objets montre aussi la tendance générale en termes d’usage d’une société entière. En effet les outils de gravures anciens sont de nature militaire, car l’enjeu essentiel de ces époques est bien celui de se protéger pour survivre. Petit à petit c’est la construction et l’agriculture qui priment (couteau, clous, visses), et aujourd’hui on utilise des objets de la vie domes-tique, probablement le reflet de l’accent qui est mis sur confort matériel dans nos sociétés contemporaines.Une tendance commune à toutes ces périodes de gravure à la Peyra Escrita, c’est le fait que les outils utilisés, quels qu’ils soient, sont des objets détour-nés de leur usage premier, la flèche qui sert à tuer le gibier devient une pointe fine de gravure, tout comme la clé qui sert à ouvrir une porte.

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10 Traces, lieux et mémoires de gravures rupestres

Mémoire de Master

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Type de gravures / outils peu fréquents

Type de gravures / outils fréquents

Type de gravures / outils trés fréquents

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Tableau chronologique des outils et techniques de gravure pratiqués à la Peyra Escrita

D’aprés la chronologie proposée par l’Encyclopédie Universalis

Partie 1 - Une strate d'incisions

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La Peyra Escrita 11

Themes iconographiques

1.1. b - Thèmes iconographiques majeurs

1. Se référer à la liste bibliographique p.9.2. Citations extraites de Signes sans paroles, Cent siècles d’art rupestre en Europe Occidentale, ABELANET, Jean, Poitiers, Hachette (coll. La Mémoire du Temps), 1986, p.285-286.3. Annexe 4. D’après Jean Abelanet dans Signes sans paroles, Cent siècles d’art rupestre en Europe Occidentale, ABELANET, Jean, Poitiers, Hachette (coll. La Mémoire du Temps), 1986, p.287.

Arboriformes, scalariformes Méandres, zig-zags, flèches PentaclesSoleiformes Marelles, réticulés, grilles

Les gravures, de par leur réalités physiques et graphiques, comme nous venons de le voir, se déclinent en au moins cinq registres différents. En revanche, elles n’en représentent plus que trois d’un point de vue thé-matique. Par ordre chronologique de leur réalisation on trouve d’abord les gravures relevant de «l’art schématique linéaire», puis dès la fin du XV° siècle apparaissent des signes pastoraux, et enfin les «graffitis» depuis le début du XVII° siècle à nos jours.

L’Art schématique linéaire est l’expression que l’on utilise pour qualifier des gravures qui se distinguent, non seulement par un tracé fin et continu (caté-gories 1 et 2 de tracé), mais aussi par leur datation estimée par des archéolo-gues ayant réalisé une étude du site à partir de 1958 1. Les archéologues ont, en effet, attester que certaines gravures auraient été réalisées par la main de l’homme protohistorique pour les plus anciennes.Il est aujourd’hui assez délicat d’identifier ces gravures sur le site, néanmoins elles ont fait l’objet de relevés publiés dans deux ouvrages archéologiques réalisés par l’archéologue Jean Abelanet, spécialiste de l’art rupestre. Il est en effet, plus facile de se procurer ses ouvrages pour observer les motifs gravés issu de l’art schématique linéaire. Paradoxalement, cette catégorie de gravure qui nous est la plus lointaine des trois « familles » ici décrites, est aussi celle qui se trouve la plus documentée 2.Que signifie tout d’abord l’expression «art schématique linéaire»?Dans un ouvrage exhaustif sur l’art rupestre en Europe 2, Jean Abelanet ex-plique que l’apparition de cet art, vers l’âge de Bronze, est permis par le « déclin d’un art symbolique d’origine mégalithique au profit d’un art réaliste, volontiers héroïque qui fait apparaître un profond changement de mentalité

et la mise en place de structures sociales nouvelles. » Ce qui a réellement permis la mise en évidence de cet art, c’est la multipli-cation de ses manifestations, notamment dans l’arc méditerranéen, depuis la péninsule ibérique aux Alpes italiennes, convainquant ainsi Jean Abela-net « qu’il s’agissait là d’une sorte de code stéréotypé, aux thèmes précis et conventionnels, donc d’une sorte d’écriture symbolique. » On reconnaît «l’art schématique linéaire» par «des signes simples, de géométrie élémen-taire, dont certains peuvent certes se rencontrer à toutes les époques, dans toutes les civilisations, voire même dans les dessins d’enfants, mais dont l’association répétitive sur les rochers du Bego ou des autres sites concernés démontre le caractère particulier. »

Les thèmes iconographiques de l’art schématique linéaire :

- Les figures géométriques sont certainement les plus nombreuses, allant du simple cruciforme au pentacle, en passant par des flèches, à des formes schématiques d’arbres ou encore de soleil. Et le site de la Peyra Escrita offre un bel échantillon de toutes les formes géométriques qu’il est possible de rencontrer dans les autres sites rupestres de l’arc méditerranéen comme le montre le tableau ci-contre 3. Jean Abelanet écrit au sujet de ce thème iconographique qu’il «accompagne souvent des figures anthropomorphes ou zoomorphes à tous les degrés de schématisation. Véritable récapitulatif de toute la symbolique préhistorique, cette thématique semble faire la somme de toutes les combinaisons pos-sibles de lignes droites et de cercles» 4.

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12 Traces, lieux et mémoires de gravures rupestres

Mémoire de Master

- Les figures anthropomorphes et zoomorphes, sont très nombreuses sur le site de la Peyra Escrita. Lors de son relevé archéologique, Jean Abelanet, compta une trentaine de formes humaines, «d’un style très schématisé mais suffisamment réaliste».Voici la description qu’il en dresse plus loin :«D’un style apparemment enfantin ; elles (les formes humaines) procèdent pourtant d’une stylisation consciente. Le corps, la tête et les jambes sont formés d’un seul tracé linéaire, auquel s’ajoute des bras également linéaires ; quelquefois le volume des bras est rendu par une double incision ; les doigts des pieds et des mains sont figurés par des hachures parallèles ou en éven-tail, en « pattes de mouche » ; la ligne des sourcils, les yeux, le nez (parfois deux petits points indiquent les trous des narines), la bouche, les oreilles sont indiquées, également le sexe, et, pour les femmes, les seins. »Parmi ces figures, on voit des guerriers barbus et nus. (...) Trois femmes, dont le mouvements des bras et le port de la tête semblent montrer qu’elles dansent (figure 1). Il est intéressant de noter que plusieurs personnages semblent tenir de longues baguettes, d’aspect parfois cruciforme (figure 2).«Certaines de ces figures humaines démontrent une extraordinaire habileté dans la stylisation, digne des meilleurs artistes « cubistes (figure 3).Les formes animales, plus rares, sont aussi visibles sur le site de la Peyra Escrita, évoquant des oiseaux (figure 4), ou encore des cervidés comme les cerfs (figure 5).

Illustration issues des relevés archéologiques publiés dans - « Revista Terra Nostra Prada n°5 », Les roches gravées nord catalanes, Centre de Recherches et d’Etudes Catalanes de Perpignan et le Centre d’Etudes Préhistoriques Catalanes, ABELANET, Jean, Prades, 1989, p.106 à 134.

Figure 4 Figure 5

Figure 1 Figure 2

Figure 3

Partie 1 - Une strate d'incisions

«Le sorcier», photographie d’une figure anthropomorphe

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Mars 2012

La Peyra Escrita 131 et 3. D’après Jean Abelanet dans Signes sans paroles, Cent siècles d’art rupestre en Europe Occidentale, ABELANET, Jean, Poitiers, Hachette (coll. La Mémoire du Temps), 1986, p.287.2. Figures présentées dans un ouvrage collectif du Centre George Pompidou Bibliothèque publique d’information, dir. FABRE, Daniel, Ecritures ordinaires, Lonrai, P.O.L, 1993, p.283.

Des marques de troupeaux présents à la Peyra Escrita2.

Les signes pastoraux ou les marques de troupeaux de bergers fréquen-tant les lieux sont fortement présents sur les dalles de la Peyra Escrita (on y compte une soixantaine de marques différentes). Ces dernières sont le ré-sultat d’une combinaison des initiales du propriétaire, souvent avec la croix chrétienne, mais aussi avec de formes géométriques surmontés également, presque toujours, de la croix.

Les graffitis contemporains constituent la large majorité des gravures pré-sentent à la Peyra Escrita. Ce qui les distingue fondamentalement des figures de l’art schématique linéaire et des signes pastoraux, c’est qu’ils relèvent essentiellement de l’écriture lettrée (noms, prénoms, phrases courtes plus rares), ou numérique (dates).

Les noms de personnes sont, en effet, souvent accompagnés de dates des XIX°, XVIII et XVII° siècles (la plus ancienne étant 1906). D’après Jean Abela-net, deux inscriptions semblent, par leur graphie, antérieures au XVII° siècle : ab lo vaquer jen vila assi es estat lo climent de corsavy (« Avec le vacher Jean Vila, ici a été Clément de Corsavy »)»2.

«Ces gravures reproduisent les marques qui étaient apposées au fer enduit de poix (empagador) sur le dos des brebis pour les reconnaître. La majorité de ces marques de la Peyra Escrita figurent dans le Llibre de conllochs de Prats-de-Mollo, daté du XVIII° siècle, qui donne la liste des marques de trou-peaux (5 200 marques) ayant droit de pacage sur le territoire communal»1.

Themes iconographiques

Photographie de signes pastoraux

Photographie d’une dalle gravée Photographie de la dalle «pichadou»

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14 Traces, lieux et mémoires de gravures rupestres

Mémoire de Master

-bolique paléo-chrétienne, «la palme du martyr», signe de la victoire sur la mort, mais aussi de fécondité spirituelle...»2.Quant aux scalariformes, elles pourraient avoir la même signification qu’on leur connaît dans la symbolique chrétienne, c’est à dire, «figurer l’image de l’ascension de l’âme vers des réalités spirituelles» 3.Sur la seconde figure, on aperçoit des marelles (lignes rayonnantes inscrites dans un rectangle), ce qui conduit les archéologues à les soupçonner d’être un symbole solaire, tandis que le sens des damiers, grilles et réticulés leur échappe complètement. Les zig-zags sont sujets à une double interprétation : symbole de l’eau d’une part et de la foudre ou de l’orage d’autre part. Or «dans les civilisations médi-terranéennes, l’orage est accepté comme un phénomène bienfaisant, car il apporte l’eau qui fertilise la terre» 4. Ainsi, que le zig-zag symbolise l’eau ou l’orage, il évoque bien une idée de fertilité.Le sens des figures soleiformes (rouelles ou cercles radiés) apparaît avec plus d’évidence, bien que les spécialistes ignorent les nuances qui résident sous les différentes formes iconographique relevées. La référence solaire «ne fait nul doute» pour Jean Abelanet qui souligne la proximité récurrentes de ces signes à des figures animales, visiblement, des schématisations du cerf.Le pentacle, quant à lui est un signe sacré très répandue, jusque dans les sectes ésotériques modernes. Pourtant plusieurs significations planent sur son sens originel. «Les pythagoriciens en ont fait le symbole de la perfection divine, d’autres lui attribuent une signification cosmogonique, d’autres en-core l’image de l’homme, bras et jambes écartées. Schématisation humaine ou divine, sa vertu, du moins, ne fait pas problème, c’est un signe au pouvoir exorcisant particulièrement bénéfique» 5.

Figuration des formes géométriques

1.2 Signes et sens

1.2. a - De l’observation à la description

F1. Arboriformes, scalariformes

1, 2, 3, 4, 5. Essai d’interprétation dans « Revista Terra Nostra Prada n°5 », Les roches gravées nord catalanes, Centre de Recherches et d’Etudes Catalanes de Perpignan et le Centre d’Etudes Préhistoriques Catalanes, ABELANET, Jean, Prades, 1989, p.175-76

F2. Marelles, réticulés, grilles F3. zig-zags F4. Soleiliformes, rouelles F5. Pentacles

Le propre d’un signe, comme son nom l’indique est bien de «signifier»; porteur de sens, c’est un dessin qui dit quelque chose. Nous allons ainsi tout d’abord nous attacher à l’observation même de ces signes avant d’en appréhender le(s) sens.

Nous allons ici reprendre les gravures par thème iconographiques comme présentées ci-haut (1.1.b) et exposer les descriptions qu’en propose les pro-fessionnels qui en ont fait la lecture. Il est intéressant de noter que seules les gravures relatives à l’art schématique linéaire sont sujettes à ce genre d’exercice.

La figure 1 présente 11 arboriformes fermés dans un rectangle, 7 scalari-formes simples, 3 scalariformes doubles et 3 réticulés.D’après l’archéologue Jean Abelanet, il faut reconnaître dans ces formes «une schématisation poussée de la silhouette humaine : tête, bras, jambes, ornements corporels, devenus autant de branches de l’arboriforme » 1. Jean Abelanet se demande ensuite si la gravure d’un arboriforme est la simple «signature» d’un fidèle, ou si elle est chargée d’une signification plus riche? Il penche pour la seconde hypothèse, car ses figures accompagnent souvent des représentations plus stylisées de figures humaines, elles semblent ainsi les compléter. «Nous y lisons volontiers, exprimée par la multiplicité des branches, une idée de fécondité, de fertilité, d’abondance. L’aboriforme se-rait alors à rapprocher de la «palme» qui apparaît sur les monuments grecs et romains, symbole de victoire et de triomphe, qui deviendra dans la sym-

Partie 1 - Une strate d'incisions

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Signes et sensFig. 1 Fig. 2 Fig. 3 Fig. 4 Fig. 5 Fig. 6

face à leur ancienneté et au caractère discret et révolu de leurs pratique, mais nous nous attacherons à ce phénomène plus loin. Si l’archéologie, qui est pourtant portée à «étudier l’histoire depuis la préhistoire jusqu’à l’époque contemporaine» 2, ne s’est pas attardée sur les signes pastoraux, l’ethnologie l’a fait, reconnaissant leurs auteurs comme des «maîtres des marques», parlant même d’une «science des bergers»3 qui s’exprime dans leurs calendriers ou almanachs dès le XVI° siècles, et jusqu’au XX° siècle, marqués uniquement d’idéogrammes gravés dans le bois (Figure 7). En effet, si «dès le XV°, « c’est le clerc qui détient l’écriture alphabétique linéaire, le berger, lui, possède d’abord le savoir des marques, des tracés synthétiques, des figures qui signent une identité et affirment une propriété »4. On peut voir une forte parenté entre ces idéogrammes et les signes de pastoraux de la Peyra Escrita.

Figuration des formes humaines

Fig. 7 - Le calendrier des Bergers 5

Particulièrement abondantes sur le site de la Peyra Escrita, les figures an-thropomorphiques semblent toutes se référer à un culte ou une cérémonie religieuse dont le sens exact nous échappe. Les personnages présents sur la figure 2, semblent danser, et malgré la «pauvreté» de leur représentation, leur visage donnent une impression d’allégresse, de même que leur bras, grands ouverts, traduisent une attitude extatique. Les schématisations hu-maines de la figure 3, munis d’une baguette, (Analogues aux thyrses brandies par les participants aux cérémonies en l’honneur de Bacchus), confortent elles aussi la supposition de culte. Les figures suivantes (4, 5 et 6), témoignent d’une stylisation remarquable, presque «surréaliste», dont l’exemple le plus notable est le couple en haut à gauche de la figure 4.La figure 5 montre vraisemblablement une personnification du soleil avec son corps humain (comme dans les figures précédentes) et sa tête en rouelle, remplie de traits rayonnants, comme nous l’avons vu plus haut, sym-bole solaire. La figure 6 (une des rares encore visible aujourd’hui sur le site, voire photo page 11), est une figuration humaine «extraordinaire», pour reprendre les mots employés par Jean Abelanet, qui représente un «masque ou un totem», «il s’agit peut être de l’évocation de la divinité adorée en ce lieu, et l’usage de la rouelle pour signifier les yeux, pourrait être le signe d’une divinité du soleil» 1.

Tout ce qui nous est dit au sujet des signes pastoraux est qu’ils marquent le nom du berger qui mène à la Peyra Escrita paître ses brebis. Du moins les archéologues ne leur accordent pas plus d’intérêt qu’une touche de respect

1. Essai d’interprétation dans « Revista Terra Nostra Prada n°5 », Les roches gravées nord catalanes, Centre de Recherches et d’Etudes Catalanes de Perpignan et le Centre d’Etudes Préhisto-riques Catalanes, ABELANET, Jean, Prades, 1989, p.1132. Wikipedia, Article «Archéologie»3, 4, 5. COLLECTIF Centre George Pompidou Bibliothèque publique d’information, dir. FABRE, Daniel, Ecritures ordinaires, Lonrai, P.O.L, 1993, p. 269, 272, 275.

Calendriers sculptés dans le bois - un trimestre sur chaque face - qui impliquent la représentation abrégée de tout ce qu’un calendrier comporte. C’est ainsi qu’apparaissent des «mar-mousets», ces petites figures qui, en langage imagé, ne sont autres que des idéogrammes.

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Mémoire de Master

Comme nous l’avons vu précédemment, il est assez délicat de déceler le sens de l’art schématique linéaire, tant il nous est lointain, et car il ne nous ait parvenu aucune «explication» explicite de la part de ses auteurs. Toutefois, grâce à leurs recherches et connaissances historiques, les archéologues sont en mesure de proposer des «essais d’interprétations» qui tentent d’induire le sens originel de ces gravures. L’option la plus vraisemblable établie un lien entre l’acte religieux et ce mode d’expression «artistique».Pour interpréter les gravures schématiques de la Peyra Escrita, l’archéologue Jean Abelanet s’est référé aux manifestations faisant usages d’un répertoire iconographique semblable en Europe Occidentale. De la péninsule Ibérique aux Alpes Maritimes, des manifestation d’art schématiques coïncident en ef-fet, invitant les chercheurs à penser à un courant artistique, lier à une même croyance.

« On connaît assez mal la religion ibère. Si l’on fait abstraction des emprunts aux mythologies de leurs contemporains phéniciens (culte de Tanit, de Mel-kart) ou grecs (Héra, Aphrodite ou Héraclès), emprunts attestés surtout dans le sud et la côte orientale de la péninsule, il semble qu’ils aient pratiqué les vieux cultes chtoniens de mort et de fertilité : chez eux, la grotte, le bois étaient des lieux sacrés et ils honoraient les sources, les rochers et les som-mets. Ces cultes naturalistes, qui ne leur étaient pas propres, car les autres peuples de l’Europe occidentale les pratiquaient aussi, ont connu de fortes survivances au-delà même de l’avènement du christianisme et de la christia-nisation des campagnes» 1.

«Il est intéressant de noter que la Peyra Escrita de Formiguères se situe au voisinage d’un lac du Diable, tout comme «la Peyro Escrito d’Olargues, est à l’entrée d’un val d’Enfer. Au mont Bego, toute une région est vouée aux puissances infernales : cime et lac du Diable, val de l’Enfer, etc, auxquelles s’opposent, à l’est, toute une série de pieux toponymes : mont Sainte-Ma-rie, lac Sainte-Marie, rochers Sainte-Marie. Toutes ces dénominations, qui laissent entendre que des pratiques superstitieuses se sont perpétuées en ces sites, s’expliquent par les méthodes de christianisation employées sou-vent par l’Eglise. Pour discréditer les vieilles divinités et détourner les âmes

de leur culte, on les présenta comme des émanations de l’Esprit du mal, qui ne pouvaient inspirer au chrétien que crainte et répulsion. C’est l’époque où les solennités païennes sont remplacées par des fêtes chrétiennes et où l’on dresse des sanctuaires sur les lieux consacrés aux anciens dieux» 2.Ainsi, « on peut légitimement penser que les gravures et symboles linéaires qui apparaissent dans les grottes (Ariège, Pardailhan), auprès des lacs et des sources (Peyra Escrita, Mont Bégo), sur de simples rochers, sont des manifes-tations de ces cultes naturalistes. On imagine très bien le fidèle laissant sur le rocher, pour se recommander aux puissances tutélaires du lieu, une image stylisée de lui même (guerriers, personnages masculins ou féminins), de son couple (Peyra Escrita, pont de les Cabres), ou un motif anthropomorphe suf-fisant à rappeler sa démarche ; ou bien alors, il trace des symboles sacrés qui sont autant de prières, d’appels à la protection du dieu, de formules de reconnaissance pour des bienfaits reçus» 3.

Le sens des signes pastoraux, c’est la marque de propriété, de reconnais-sance d’un troupeau à l’autre, d’un berger à l’autre, de même que les graffitis contemporains sont la marque de l’identité d’une personne, son nom. Peu de professionnels se sont penchés sur le sens de ces traces gravées. Tout ce que l’on peu dire, c’est qu’elle témoignent d’une volonté de reconnais-sance, de laisser une trace de son passage en ces lieux, comme une fierté. C’est un sentiment individuel qui s’inscrit dans la collectivité des autres au-teurs de gravures sur le site, un acte personnel, de reconnaissance collective qui se perpétue encore aujourd’hui.Nous tenterons d’approcher cette pratique plus en détail dans le second vo-let de cette étude, dans une partie réservée au rituel de passage, puis dans le troisième volet, au sujet du patrimoine, dans un sens large.

Quel sens donner à l’art schématique linéaire?

Quel sens donner aux signes pastoraux et autres graffitis?

1, 2, 3. «Signification de l’art linéaire» dans Signes sans paroles, Cent siècles d’art rupestre en Europe Occidentale, ABELANET, Jean, Poitiers, Hachette (coll. La Mémoire du Temps), 1986, p. 299-301

1.2. b - De multiples interprétations

Partie 1 - Une strate d'incisions

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Signes et sens

« L’art, comme la religion (deux activités humaines proprement « métaphy-siques », c’est à dire dépassant le simple souci de la survie quotidienne), est né aussi de la douleur et de la souffrance de l’homme. Devant l’arrêt brutal de la vie et du mouvement, suivi de l’inéluctable décomposition de ce que fut un être cher, l’homme réagit par le sentiment instinctif d’un au delà de la mort ; des gestes, des rites se manifestent, qui permettent à la fois d’aider le défunt dans son « passage », mais aussi qui protège les vivants de l’obscure puissance que l’on soupçonne continuer à résider dans ce qui fut un être humain, mais qui semble être devenu, par la mort, tellement autre» 4.Les manifestation rupestres d’art schématique linéaire présentent à la Peyra Escrita seraient ainsi des prémices artistiques, exprimés lors de cérémonies religieuses en l’honneur du soleil, mais aussi certainement de l’eau (proxi-mité d’une source et d’un étang).

Qu’est ce que l’art?

Du besoin d’exprimer émotions et croyances : la naissance de l’art

1. Article sur «l’Art» dans Wikipédia2, 3, 4. «La naissance de l’art» dans Signes sans paroles, Cent siècles d’art rupestre en Europe Occidentale, ABELANET, Jean, Poitiers, Hachette (coll. La Mémoire du Temps), 1986, p. 9, 10, 11.

1.2. c - Des signes entre Art et Écriture

La lecture des strates de gravures présentes sur le site de la Peyra Escrita nous a ainsi mené à considérer les réalités physiques, graphiques et significatives des différents groupes d’incisions distinguables. Chronologiquement nous sommes passés de dessins géométriques et de schématisation de formes humaines et animales à des symboles d’appartenance contemporainement à l’apparition d’écriture lettrées qui continue d’être réalisées sur le site encore aujourd’hui. A tel point qu’il apparaît que l’art schématique linéaire comme l’appelle les archéologues, ait laissé place à l’Écriture. Que signifie l’art, et l’écriture, l’un est-il la continuité de l’autre ou sont ce deux modes d’expres-sion totalement différents. Est ce possible de considérer l’écriture comme un art? Notamment dans le cas des graffitis contemporains comme ceux pré-sents à la Peyra Escrita.

de sa propre vie. Émerveillé, le voilà qui recommence ses gestes, avec émo-tion, avec plus d’application cette fois, s’attendant à voir renaître, sous ses doigts, la silhouette désirée, évocatrice de l’animal familier. Ce monde ani-mal dont il se sent si proche, il le devine dans un caillou qu’il a ramassé, dans le découpage d’une draperie stalagmitique, dans un relief du rocher. Il suffira de peu de chose, l’ajout d’un œil ou d’un trait de couleur, pour compléter la ressemblance. Ainsi peut on imaginer, sans trop de risque, d’erreur, la nais-sance de l’art, les premières émotions de l’homme devant la création née de ses mains» 2.Selon Jean Abelanet, « on a trop souvent dénié à l’homme dit « primitif » l’accès à l’émotion artistique. Sans doute ne faut il pas projeter nos concep-tions modernes, nos propres préoccupations, dans l’interprétation des mani-festations artistiques de l’homme ancien. On a cru pouvoir d’abord expliquer le grand art animalier quaternaire par une volonté d’emprise magique sur le gibier ; puis soupçonner, au contraire, un système cohérent de concepts reli-gieux, faisant des grottes ornées de véritables sanctuaires, organisés selon une logique qui nous dépasse mais que l’étude statistique a pu mettre en évidence. Certes, on parle là d’un art parvenu à la plénitude de ses moyens. En remontant aux origines, on est obligé d’admettre que l’éveil à la création artistique, la découverte de la possibilité offerte à l’homme de reproduire la réalité par le trait ou la gravure, n’a pu être que de la réussite d’un geste for-tuit, d’une coïncidence heureuse entre des formes accidentelles et les rêves profonds du chasseur» 3.

Les définitions de l’art varient largement selon les époques et les lieux, et aucune d’entre elles n’est universellement acceptée. Le dictionnaire Robert, ne lui consacre pas moins de deux sens principaux et 8 nuances de sens, allant de «l’ensemble des activités humaines créatrices visant à l’expression d’un idéal esthétique» (le Beau), à «ce que l’homme ajoute à la nature (arte-fact)». Pour l’anthropologue Marcel Mauss, «un objet d’art, par définition, est l’objet reconnu comme tel par un groupe» 1. Est jugé du ressort de l’art, en effet, ce qui est considéré comme tel par une population.Pour l’archéologue Jean Abelanet, la «naissance de l’art» est un pas fonda-mental dans l’évolution de l’humanité. L’homme primitif l’aurait développé, en même temps que ses facultés proprement humaines (la pensée et son expression donc), des lors qui est pris d’émotions. « L’art, c’est la trace, vo-lontaire et consciente, que l’homme laisse de son court passage sur la terre. Le primitif, comme l’enfant, s’étonne de l’empreinte que ses pas ont laissée sur le sable humide de la plage ou le sol argileux de la grotte, de la marque inattendue de ses mains souillées sur la paroi rocheuse. Cela devient un jeu pour lui de laisser ses doigts courir sur l’argile, un plaisir véritablement phy-sique de voir se matérialiser les mouvements de sa main. Mais voici que son imagination en éveil vient de reconnaître, dans les lignes tracées par hasard, dans les entrelacs nés de sa fantaisie, un profil familier, la ligne dorsale d’un animal, bison, cheval ou mammouth. Ces animaux, il les connaît bien, ils font partie de sa vie quotidienne ; c’est d’eux qu’il tire, par la chasse, l’essentiel

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18 Traces, lieux et mémoires de gravures rupestres

Mémoire de Master

L’art linéaire est donc, aux veilles de l’histoire, l’héritier d’une longue éla-boration symbolique. Née des besoins religieux de l’homme, cette tradition rupestre est une intéressante tentative de l’homme vers l’expression maté-rielle de sa pensée. « Au terme de son enquête sur l’art schématique de la péninsule ibérique Ibérique, l’abbé Breuil concluait : «ces signes ne sont pas encore de l’écriture mais y conduisent. »D’ailleurs la toponymie même du site nous invite à le penser, « nos ancêtres ne se sont pas trompé qui ont qualifié ces roches de Petra Scipta, Peyra Es-crita, Peyro Escrito, Piedra Escrita, Pietra Scritta...» 1.D’après Jean Abelanet, «ce mode d’expression ne pouvait guère aboutir à la véritable écriture, qui est essentiellement communication sociale car l’art schématique étant un art religieux, donc figé, car c’est à la divinité que s’adressait le fidèle, non à ses semblables, et une douzaine de signes élé-mentaires lui suffisaient pour matérialiser ses désirs ou exprimer sa piété. L’écriture devait naître dans les civilisations urbaines du Proche-Orient, sous la pression de besoins plus matériels : la nécessité de comptabiliser les ri-chesses produites, l’enregistrement des récoltes, des impositions royales, des offrandes aux temples. Désormais, l’art se détache de l’écriture, jusqu’ici moyen d’expression symbolique plutôt que recherche esthétique, l’art re-prend sa liberté ; il pourra dés lors suivre sa voie propre et redécouvrir le jeu des volumes et la jouissance des forme. Il est d’ailleurs significatif que l’avènement de l’art réaliste et l’usage de l’écriture soient des faits purement urbains. Quant aux populations rurales de notre Europe occidentale, tant qu’elles ignoreront le maniement de l’écriture, elles vont perpétuer, jusqu’enplein XIX° siècle, une forme d’expression traditionnelle qui fut pendant des millénaires l’écriture des peuples sans histoire» 2.

On a ainsi l’habitude de dire que la Préhistoire se termine avec la naissance de l’écriture. C’est effectivement avec ce changement culturel que l’homme va rentrer dans l’histoire et commencer à laisser des traces écrites. Les pre-miers écrits servaient surtout de livres de comptabilité ou d’inventaires comme le disait plus haut Jean Abelanet. Mais l’homme va rapidement uti-liser ce nouveau moyen de communication pour raconter des histoires... et surtout son histoire !

L’écriture est devenue un véritable «besoin» avec le développement d’un système de société hiérarchisée, l’existence d’un pouvoir centralisé, l’émer-gence des religions. Les temples, centres de pouvoir religieux mais aussi administratif, vont de-voir s’organiser, comptabiliser et mesurer. Les échanges commerciaux entre villes et contrées se multipliant, il faudra formaliser les actes de ventes. Les «calculis», ancêtres de nos factures, vont assez vite être remplacés par des tablettes d’argile dont le format va permettre d’indiquer le propriétaire d’un bien, et d’inventorier la totalité des marchandises. On estime que l’écriture est née il y a 6000 ans dans deux contrées voisines, la Mésopotamie et l’Egypte, de manière presque simultanée mais différen-ciée. L’art, qui a pour prémices les manifestations rupestres, témoigne d’un besoin fondamentalement humain d’expression émotionnelle de craintes, de joies, d’interrogations, de dévotions (notamment envers les forces de la nature), tandis que l’écriture est apparue dès lors que les hommes ont eut le besoin d’établir une communication codifiée reconnue entre eux. Exprimer et communiquer, c’est peut être bien là la différence entre art et écriture.

L’art schématique linéaire, aux veilles de l’écriture

Une écriture devenue indispensable comme moyen de communication

1, 2. «La naissance de l’art» dans Signes sans paroles, Cent siècles d’art rupestre en Europe Occidentale, ABELANET, Jean, Poitiers, Hachette (coll. La Mémoire du Temps), 1986, p. 11.Fig. 1 à 4 - Images issuent du site internet http://www.hominides.com/html/dossiers/ecriture-origine-naissance-premieres-ecritures.php.

Fig. 1 - Idéogrammes chinois sur carapace de tortue datant du XII siècle av. J.-C

Fig. 2 - Pictogrammes sur une tablette de pierre, 3300 av J-C

Fig. 3 - Premières écritures Crétoise, Grèce, vers - 1750 à - 1450 ans avant J-C.

Fig. 4 - Cunéiformes sur une tablette, Fara, Mésopotamie, 2500 av J-C

Partie 1 - Une strate d'incisions

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La Peyra Escrita 19

Art ou Ecriture ?

Des écritures ordinaires vues d’un oeil d’artiste ou « l’esthétique brute »

«Du mur des cavernes au mur des usines» 2

Les graffitis contemporains, telles les gravures récentes de la Peyra Escrita, n’ont pas coutume d’être qualifiés d’oeuvre d’art, pourtant, à la fin des an-nées 20, le photographe Brassaï, se laisse fasciner par ces derniers et en en-tame une sorte de collection. Pendant prés de 30 ans il va les photographier, les reproduisant parfois même dans des carnets, accompagnés de l’adresse où il les avait découverts, pour revenir voir leur évolution ou constater leur disparition. Les photographies qu’il en fait les donnent à voir sous un jour nouveau, mais au delà de la sublimation que la photo offre de ces Graffiti, Brassaï dira que « ces signes succincts ne sont rien moins que l’origine de l’écriture, ces ani-maux, ces monstres, ces démons, ces héros, ces dieux phalliques, rien que les éléments de la mythologie. S’élever à la poésie ou s’engouffrer dans la trivialité n’a plus de sens en cette

région où les lois de la gravitation ne sont plus en vigueur. Étrange région des « mères » chère à Faust, où tout est en formation, en transformation, défor-mation tout en restant immobile, où les créatures existantes et possibles contiennent, inertes, toute l’énergie subversive de l’atome. Et c’est parce qu’il est projeté à la surface par une violente lame de fond que le graffite devient en matière d’art un précieux outil d’investigation» 1.

Si, comme l’affirme Picasso, les adultes « imposent aux enfants de faire des dessins d’enfants » , de telle sorte que leurs images n’ont plus rien de natu-rel, Brassaï assure que ce n’est pas le cas de ces graffiti, où ne figure jamais le baroque qui caractérise les dessins dénaturés dont parle Picasso. Brassai est persuadé que la mentalité des enfants qui ont réalisé ces graffiti n’a pas encore été dévoyée par la raison des adultes, ce qui permet de reconnaître dans leurs dessins des signes semblables aux gravures découvertes dans les grottes de Dordogne, de la vallée du Nil ou encore de l’Euphrate» 3.Brassaï avait-il raison, les graffitis contemporains ne seraient-ils pas si loin-tains des gravures proto-historiques? Toutes ces gravures présentent à la Peyra Escrita sont elles le fruit d’un acte unique, purement humain? L’homme crée, spontanément, c’est au moins ce que l’on peut affirmer.1, 2, 3. Du mur des cavernes au mur d’usine, in «Brassaï» par Alain Sayag et Annick Lionel-Marie, éd. Seuil/ Centre Pompidou, 2000. Propos écrits par Brassaï en 1933 dans la revue Minotaure, où il publie ses photographies de Grafitti.Fig. 1. Brassaï, Graffiti; Fig. 2. Brassaï, Graffiti, Enfant à la sauvette, 1931; Fig. 3. Brassaï, Graffiti de la série VIII La Magie. Tête Aztèque ; Fig 4. Brassaï, Graffiti de la série VIII, « La Magie », vers 1933, épreuve gélatino-argentique, tirage d’époque, 49,1 x 39,6 cm, Centre Pompidou, Paris.

Fig. 1 Fig. 2 Fig. 3 Fig. 4

Signe, symbole et lettre : traces d’un être pensantForce est de constater la visible parenté qu’entretiennent les premières formes d’écriture avec les motifs de l’art schématique linéaire (cf photos ci dessous).Il semble en effet que les hiéroglyphes, les idéogrammes et pictogrammes, soient la continuité d’une symbolisation picturale de la réalité, d’une re-cherche d’écriture codifiée propre à la communication. Toutes ces écritures sont autant de traces de l’esprit humain, capable justement de donner forme à sa pensée, et ce depuis la fin de l’ère préhistorique.

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20 Traces, lieux et mémoires de gravures rupestres

Mémoire de Master

1.3 Vers une diversification des graveurs

La partie précédente montre bien une évolution dans la fréquentation, l’in-tention et le statut des graveurs de la Peyra Escrita. A l’origine des gravures, certainement réservé à une élite, cet acte s’est ensuite vu pratiqué unique-ment par des hommes fréquentant la montagne par nécessité (bergers et vachers), puis la situation se renversa et le fait de graver en ces lieux se vit pratiqué de nouveau par une élite, avertie, curieuse, érudite, avant d’être à la portée de tout un chacun, homme comme femme, ayant accès au site.Mais qui gravera alors la Peyra Escrita demain? La tendance va t’elle à nou-veau s’inverser? Ou la sur-fréquentation que connaissent les lieux à l’heure actuelle va t’elle mettre fin à une pratique perpétuée depuis la fin de l’ère préhistorique? Seul le temps nous le dira.

1.3. a - Du graveur initié au commun des mortels

1.3. b - Qui viendra graver la Peyra demain?

Qui sont enfin les personnes qui ont réalisés les différentes gravures de la Peyra Escrita? Que savons nous d’elles? Quelle(s) évolution(s) connaissent ces graveurs au fil du temps?

Nous n’avons évidemment pas d’informations précises sur la nature du sta-tut des graveurs protohistoriques. On peut supposer qu’ils étaient plus d’une personne isolée, les figurations humaines, souvent évoquant des cérémo-nies comme nous l’avons vu plus haut, invitent même à penser à un acte collectif, non pas qu’une gravure soit réalisée par plusieurs mains, son style est trop rapide, mais on peut facilement imaginer plusieurs graveurs proto-historiques. Le nombre de gravures de cette époque ne cesse de s’amoindrir, mais néan-moins à jugé de leur rareté, on peut aussi induire que graver dans la roche pour les auteurs de l’époque était une manifestation exceptionnelle, non quotidienne, mais relatée à un événement particulier, qui touchait certaine-ment une communauté de personnes, probablement toutes présentes lors de la réalisation de la gravure.

Par leur proximité chronologique, il nous est plus évident de connaître les graveurs contemporains.Les écritures lettrées, dont le contenu est presque toujours le nom, le pré-nom du graveur et la date de la gravure. La plus ancienne d’entres elles, lisible encore aujourd’hui, date de 1096, dit « ab lo vaquer jen vila assi es estat lo climent de corsavy », soit « avec le vacher Jean Vila, ici a été Clé-ment de Corsavy », ce qui donne à penser que Clément de Corsavy soit venu, accompagné d’un vacher, en ces lieux, certainement par curiosité et déjà avec l’intention d’y graver son nom. En effet, venir à la Peyra Escrita devient une sorte d’expédition, ponctuelle, et parfois répétée à en juger par la récur-rence de certains noms (une dalle est même entièrement recouverte d’un même nom : «Tichadou»). Seuls les prénoms qui accompagnent ces noms répétés varient, laissant penser aux différents membres d’une même famille. Les gravures qui apparaissent une unique fois laissent en revanche penser à une expédition personnelle, probablement programmée (il arrive aussi que des promeneurs arrivent sur le site au hasard d’un chemin, et y gravent de même leur nom), de la même manière que Clément Corsavy, quelques 400 ans plus tôt.

Les bergers en transhumance d’été, pendant des moins durant, se retrou-vaient sur les hauteurs pyrénéennes, comme ici à la Peyra Escrita, un site d’altitude. D’après ce que d’anciens bergers ont raconté, notamment à l’ar-chéologue Jean Abelanet qui mena un travail considérable de collecte de récits populaires dans la région, le site de la Peyra était fréquemment occupé par les bergers qui trouvaient là de l’eau pour leurs bêtes. Pendant quelques heures ils se posés là sur les blocs de pierre et pour tuer le temps inscrivaient le sigle de leur troupeau, leur marque personnelle. Pas un berger qui aurait amené son troupeau à la Peyra Escrita n’aurait oublié d’y inscrire, au moins une fois, son signe (en effet, on comte de nombreux signes identiques), comme un rituel partagé par les bergers locaux.

Des générations de graveurs

L’événement collectif

La fréquence partagée

L’expédition personnelle ponctuelle ou familiale et répétée

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La Peyra Escrita 21

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22 Traces, lieux et mémoires de gravures rupestres

Mémoire de Master Partie 2 - Marquages de l'espace

Partie 2 - Marquages de l'espace Dans cette seconde partie du mémoire, nous allons nous intéresser aux lieux qui viennent êtres marqués des gravures que nous venons d’appré-hender en première partie.Où plus exactement se trouve la Peyra Escrita? Dans quel type d’environne-ment s’inscrit-elle? Comment y accède t’on? Comment est constitué le site en question? A t’il subit des transformations au cours du temps?

Puis nous nous intéresserons aux raisons qui ont amené des populations diverses (cf 1.3 - Les graveurs), à travers l’histoire, à venir graver en ces lieux mêmes.Il est assez improbable et surprenant de trouver de telles gravures au beau milieu d’un massif montagneux, au hasard d’un sentier. Pour quelles rai-sons des lieux inhabités se trouvent peuplés de gravures faites par main d’homme?

Pour quels motifs des personnes, depuis la fin de l’âge préhistorique, viennent-elles graver sur en ces lieux là en particulier ?Qu’est ce qui a bien pu attirer les premiers graveurs? Et ceux qui leur suc-cèdent, ont ils les mêmes raisons de venir graver en ces lieux? Autant de questions que nous approcherons dans un dernier volet.

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La Peyra Escrita 23

État des Lieux

2.1. État des lieux de la Peyra Escrita

2.1.a. Environnement proche et accès au site

Sentier peu marqué le long d’un ruisseau, à 300 m du site. Accès «marquée» depuis l’Est, à 10 m du site.

Sentier peu marqué vers l’ouest, conduisant au lac du Diable. Point de vue dominant sur le site. Le lac du Diable, à 2332 m d’altitude et à 3 km du site de la Peyra Escrita.

Le site de la Peyra Escrita se situe sur le sol communal de Formiguères, un village des Pyrénées Orientales, aux confins avec le département de l’Aude. Le territoire de Formiguères s’étend du plateau (où se situe le village), à 1400 m d’alti-tude, jusqu’à des cimes montagneuses culminant à prés de 1700 m.La Peyra Escrita est précisément localisée dans cette montagne, à prés de 2230 m d’alti-tude.L’unique moyen d’y parvenir est à pied. Depuis le chemin forestier de Formiguères qui mène aux étangs de Camporells (un site naturel classé), puis il faut remonter par le Pic

de Mortiès (2605 m), puis suivre sa crête pour venir en surplomb du lac du Diable. Une autre possibilité d’accéder à le Peyra Escrita est depuis le hameau d’Espousouille, par un chemin forestier qui s’enfonce de la vallée du Galbe jusqu’au refuge du Pla de la Llosa. Il faut ensuite trouver le chemin des anciens ardoisiers qui rejoint le Rec de la Peyra Escrita (ruisseau de la Pierre Écrite) dont on re-monte le cours jusqu’aux roches gravées.Le premier itinéraire demande 6 bonnes heures de marche, et 5 heures pour le second.Mais attention, le site de la Peyra Escrita n’est nullement indiqué, si sur les panneaux d’orientations, ni par balisage de randonnée. Pour y accéder, il faut, soit connaître, soit être accompagné, soit y arriver par bonne fortune!Lorsque je me suis rendue moi même sur le site, ce fut grâce à des personnes ayant une résidence secondaire à Formiguères qui depuis une dizaine d’année passant leurs étés dans le coin, ont cherché en vain pendant des années le fameux site, et n’y sont par-venu que grâce à un ami de Formiguères. Une fois sur le site, des personnes, comme sorties de nulle part (elles venaient du lac du Diable et avant du site des Camporells), sont arrivées là, ne sachant pas où elles entraient.

1. «Le cadre physique» dans « Revista Terra Nostra Prada n°5 », Les roches gravées nord catalanes, Centre de Recherches et d’Etudes Catalanes de Perpignan et le Centre d’Etudes Préhisto-riques Catalanes, ABELANET, Jean, Prades, 1989, p.7 - 8

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24 Traces, lieux et mémoires de gravures rupestres

Mémoire de Master

2.1.b. Architecture et dynamiques spatiales

La configuration spatiale du site de la Peyra Escrita le distingue de son envi-ronnement. Formant une dépression aux parois abruptes (comparables à des murs), ce lieu constitue un espace presque clos, en tout cas, encaissé, et introverti, comme une arène.Une arène, oui, qui offre pour spectacle les méandres d’un ruisseau et le gisement de blocs de schiste.

Le spectacle qu’offre ce lieu, l’invitation donnée par sa forme protectrice font ainsi du site de la Peyra Escrita un lieu à part, attirant et spectaculaire.

La première chose frappante de ce lieu est ce sentiment de richesse donné par l’abondance de l’eau en présence. Cette profusion donne l’impression d’avoir pénétré dans un lieu d’importance, certainement considéré comme remarquable, que l’on imagine fort bien vénéré par des populations anté-rieures, dévouant leur culte aux divinités de la Nature.

Partie 2 - Marquages de l'espace

Un cirque glaciaire - Une arène naturelle en altitudeProfusion et importance - un espace naturel riche

Coupe Longitudinale du site de la Peyra Escrita

Plan de la cuvette glacière de la Peyra Escrita

N

S

O E

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La Peyra Escrita 25

État des Lieux

Au mouvement en zigzag des bras du ruisseau de la Peyra Escrita s’ajoute le dispersement de blocs de roche de dimensions relativement importantes (2m par 2m environ), et de forme presque carrée.Entre eau et roche, le passant n’a d’autre alternative que celle de sautiller d’une rive à l’autre, d’une roche à l’autre. Ce rythme scandé crée une dynamique de parcours ludique, envoûtante, particulière à ce lieu qui une fois de plus se distingue de son environnement. Par cette manière dont la Peyra Escrita se donne à parcourir on a le senti-ment d’être arrivé, d’avoir atteint un lieu clé, comme le sommet d’une mon-tagne (alors qu’il n’en est pas le cas).

Chorégraphie d’arrivée à la Peyra Escrita : jouissance de l’eau, observation des largues plaques de roche gravées.

Relevés des roches gravées (en rouge, l’intensité des gravures)

Lecture des gravures sur la roche «E» La plus ancienne date lisible à ce jour (1609), mêlée à d’autres gravures d’époques différentes (roche E).

mais pourtant déserts! Cette dichotomie entre présence et absence est don-née notamment par la multitude d’inscriptions sur les roches qui jonchent le sol. L’on ne peut nier qu’un nombre considérable de graveurs est forcément venu ici même, or à l’heure où l’on s’y trouve ils n’y sont pas. Les traces qu’ils ont laissé font acte de leur présence, pourtant les personnes physiques les ayant réalisées sont belle et bien absentes!

Nous en arrivons ici à des observations de l’ordre du ressenti que procure ce lieu à qui cherche à l’exprimer. Il y a comme une contradiction dans l’air, un quelque chose qui vous fait drôle : l’impression d’être dans des lieux occupés

Le paragraphe précédent annonce ce thème. Si les gravures confèrent au lieu une certaine présence, elles renvoient aussi à un passé plus ou moins lointain. Nous l’avons vu dans la partie 1 de ce mémoire, les gravures pré-sentes sur le site de la Peyra Escrita datent pour les plus anciennes de l’âge protohistorique. C’est bien l’épaisseur du temps qui plane dans l’atmosphère de ce lieu. Beaucoup de dates sont écrites en chiffres, ainsi parcourir toutes ces gra-vures à l’instant présent, constitue un réel voyage dans le temps.

Rythme scandé - Entre ruisseau et blocs de roche

Présence / absence

Présent / Passé

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26 Traces, lieux et mémoires de gravures rupestres

Mémoire de Master

2.2.a. Le schiste, une roche qui appelle à la gravure

2.2. Schiste et Eau: les conditions réunies d’un lieu à graver

La «Peyra Escrita», la toponymie même du site spécifie la nature du support qui est «écrit» : la «pierre». Et si s’était la nature de la roche qui avait conduit à sa gravure?

Une roche propice à la gravure serait une roche qui soit tendre, c’est à dire qui se laisse pénétrer assez facilement, et idéalement, qui soit plane, comme une feuille.

La nature rocheuse du site de la Peyra Escrita est le schiste, une roche méta-morphique argileuse, feuilletée. Le terme «schiste», du grec «skhistos» signi-fie d’ailleurs «qu’on peut fendre», faisant référence au débitage en plaques que l’on peut aisément en faire (l’ardoise dont on se sert pour faire des tuiles plates est une roche schisteuse par exemple).

Le schiste est une roche formée d’argile s’étant formé de sédiments déposés au fond d’une eau calme par couches fines et successives.

Selon les archéologues ayant étudier les manifestations rupestres il n’y a pas de doute « les régions les plus propices à l’art rupestre sont évidemment celles où abonde le schiste, roche offrant un faible indice de dureté et pré-sentant des surfaces planes utilisables.»1

Remarque : si le schiste permet la gravure, il rend aussi aisée sa disparition. La roche se détachant par plaque, lorsque les dalles s’altèrent, se sont des surfaces gravées qui disparaissent (cf photo ci-dessous à gauche).

Dalle Schisteuse offrant une surface plane et lisse, juillet 2011, Pauline Touranche Feuilletage des plaques, juillet 2011, Pauline Touranche

1. «Le cadre physique» dans « Revista Terra Nostra Prada n°5 », Les roches gravées nord catalanes, Centre de Recherches et d’Etudes Catalanes de Perpignan et le Centre d’Etudes Préhisto-riques Catalanes, ABELANET, Jean, Prades, 1989, p.7 - 8

« La présence ou l’absence de manifestations d’art rupestre ne dépend pas tellement de facteurs géographiques favo-rables ou non à un habitat hu-main, mais bien de la présence ou non de roches géologique-ment propices à la gravure. »

Partie 2 - Marquages de l'espace

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La Peyra Escrita 27

Peyra Escrita

Autres sites rupestres

Géologie et sites de gravure rupestre dans les Pyrénées Orientales

Capcir

Conflent

Carlit

Fond de carte «Les paysages et la géologie», http://atlas.dreal-languedoc-roussillon.fr/pyrenees-orientales/fondements12.asp1, 2. «Le cadre physique» dans « Revista Terra Nostra Prada n°5 », Les roches gravées nord catalanes, CREC de Perpignan et le CEP Catalanes, ABELANET, Jean, Prades, 1989, p.7 - 8

«Il est de toute évidence que la répartition des sites à gravure est en dépen-dance étroite de la nature géologique des rochers»1 réaffirme Jean Abelanet dans le même ouvrage sur les manifestations rupestres dans les Pyrénées catalanes. Il précise bien que «ce type de gravures est localisé uniquement

sur les affleurements de schiste primaire qui forment une auréole autour des hauts massifs cristallins : schistes du haut Conflent et du Capcir autour du massif du Carlit ; schistes de la Cerdanya et des Aspres, autour du massif du Canigo.»2

Une nature attractive

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28 Traces, lieux et mémoires de gravures rupestres

Mémoire de Master

1, 2. ABELANET, Jean, Lieux et légendes du Roussillon et des Pyrénées catalanes, Espagne, 1999, Libres del Trabucaire (coll. Assaig), p. 104.

2.2.b. L’importance de la présence de l’eau

Partie 2 - Marquages de l'espace

Un lieu sourcier

Un lien évident avec «le lac du Diable»

Comme nous l’avons vu précédemment le site de la Peyra Escrita est traversé par un ruisseau qui naît d’une cascade à quelques mètres des dalles gra-vées. Ce n’est certainement pas un hasard, si les premiers graveurs ont choisi de graver en ces lieux des symboles se référant aux éléments de la nature comme le soleil (rouelles, figures anthropomorphes, etc...), l’eau (zig-zag), ou encore la végétation (arboriformes).

La Peyra Escrita est aussi voisine d’un petit lac au nom évocateur : l’Estany del Dimoni (le lac du Diable). On disait autrefois que ce lac était ensorcelé : les bêtes qui s’aventuraient sur ses rives ne pouvaient plus s’en écarter et finiraient par s’y noyer. A l’examen des lieux, cette sinistre réputation ne pa-raît pas usurpée : malgré la beauté de son ovale parfait, installé à mi-pente entre le Pic de Morters et le Puig de Terrers, le lac du Diable représente un vrai piège naturel pour les animaux ; des pentes très raides, comme celles d’un cratère, des éboulis instables qui se prolongent sous le miroir d’une eau sombre. Terrifiant, le lac du Diable n’offre aucun déversoir apparent et sa profondeur paraît insondable.Le rapport entre la Peyra Escrita et l’Estany del Dimoni n’est certes pas le fruit du hasard. L’archéologue Jean Abelanet fait d’ailleurs remarquer qu’à «Olar-gues (Hérault), une Peyro Escrito, aux thèmes gravés proches de ceux des montagnes catalanes, marque l’entrée d’un Val d’Enfer. Sur le célèbre site du Mont Bégo (Alpes-Maritimes), où l’on trouve un ensemble de gravures linéaires de même technique et de même inspiration symbolique, toute une région de la montagne est vouée aux puissances infernales : Val de l’Enfer, Cime du Diable, Cime du Trem (Tremblement), Valmasque (masca : sorcière), auxquelles s’opposent à l’est, en manière de conjuration, une série de topo-nymes : Mont Sainte –Marie, deux lacs de Sainte-Marie.»1 Selon lui nous rencontrons un exemple évident de «christianisation d’un haut lieu où ont dû se perpétuer des croyances et des pratiques venues du fond des âges, que l’Eglise, pour s’y opposer efficacement et en détourner les fidèles, a condam-nées comme étant une émanation de l’esprit du mal.»2

Ainsi les gravures les plus anciennes seraient directement liées au lac du Diable, et il pourrait s’agir d’une sorte de rite de conjuration contre les forces maléfiques qu’on imaginait régner en ces lieux. Lac du Diable à Formiguères (2332 m d’altitude).

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La Peyra Escrita 29

Peyra Escrita

Autres sites rupestres

Une nature attractiveHydrographie et sites de gravure rupestre dans les Pyrénées Orientales

Comme nous pouvons le constater sur cette carte, non seulement les sites à gra-vures rupestre sont localisés dans des régions schisteuses des Pyrénées Orientales, mais ils sont aussi immanquablement situés à proximité d’un point d’eau : source, rivière, lac ou encore étang.Le site de la Peyra Escrita, non loin des étangs de Camporells qui tombent en cascade les uns dans les autres, mais surtout prés d’un certain lac du Diable et à proximité

directe de la source d’un ruisseau qui se jette dans le Galbe, est définitivement lié à la présence de l’eau, richesse naturelle fondamentale à la survie de l’homme. C’est certainement pour ces raisons que les premières manifestations rupestres ont trou-vé place en ces lieux précisément. A noter que le site de gravures rupestre de la Val-lée des Merveilles dans les Alpes Maritimes, offrant des gravures similaires à celles de la Peyra Escrita, se trouve dans le même cadre géologique et hydrographique.

Fond de carte «Les Pyrénées Orientales : Les paysages et l’eau», http://atlas.dreal-languedoc-roussillon.fr/pyrenees-orientales/fondements12.asp

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30 Traces, lieux et mémoires de gravures rupestres

Mémoire de Master

2.2.c. Récurrence de la combinaison Schiste/Eau : les autres sites gravés

Le site de la Peyra Esrita et plus largement tous les sites de gravures sur roche des Pyrénées Orientales ne sont pas des cas isolés où la nature géologique et hydrologique du terrain a conduit à des manifestations rupestres.A l’échelle de l’Europe Occidentale, comme le montre la carte ci-contre, montre que des gravures sur roche, depuis la fin de l’âge préhistorique à aujourd’hui, ont lieu dans des zones schisteuses et alimentées d’eau.Un cas remarquable est fortement similaire à la Peyra Escrita est situé dans les Alpes Maritimes, tout prés du Mont Bégo (2872 m d’altitude), dans la vallée des Merveilles. Des lacs en cascade (lac des Merveilles, lac grand Su-périeur, lac de Fourca, lac de Trem, lac de la Moute), liés par un torrent, qui prend source prés des gravures, et une toponymie démoniaque environ-nante (Lac du Diable, Cime du Diable, lac de Trem) sont autant de points en communs avec la Peyra Escrita (page d’à coté).

1. COLLECTIF Guides archéologiques de la France, Le mont Bego, vallées des Merveilles et de Fontanalba, Besançon, Monum, Editions du patrimoine, 2003, p. 20.2. ABELANET, Jean, Signes sans paroles, Cent siècles d’art rupestre en Europe Occidentale, Poitiers, Hachette (coll. La Mémoire du Temps), 1986, p.

Roche gravée à patine orangé dans la région des Merveilles, vers le pas de l’Arpette1. Carte des principales régions d’art rupestre en Europe Occidentale2.

Partie 2 - Marquages de l'espace

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La Peyra Escrita 31

Le tableau ci-contre est le fruit d’une recherche archéologique sur les gra-vures rupestres d’art schématique linéaire dont nous avons parlé dans la pre-mière partie de ce mémoire.On voit bien sur ce tableau, la répétition des mêmes thèmes et la récurrence des formes gravées, dans les Pyrénées Orientales tout comme en Ariège et dans les Alpes Maritime.On assiste bien là à des manifestations très semblables ayant été appelées par des régions géographique présentant des situations similaires.

La géologie et l’hydrographie sont elles les uniques moteurs à gravure ru-pestre? Nous allons maintenant chercher à comprendre ce qui a motivé les gravures successives aux toutes premières.

1. ABELANET, Jean, Signes sans paroles, Cent siècles d’art rupestre en Europe Occidentale, Poitiers, Hachette (coll. La Mémoire du Temps), 1986, p. 254.2. MAGNARDI, Nathalie, Roches confidentes, dessins et témoignages de la vallée des merveilles : du moyen âge à nos jours, Marseille, En Manœuvres Editions, 2005, p. 17.

Carte de la région du Mont Bégo2.Tableau de classification des types de gravures rupestres répartis sur différents sites1.

Une nature attractive

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32 Traces, lieux et mémoires de gravures rupestres

Mémoire de Master

2.3.a. Cérémonies, coutume et événement

2.3. Rituels de gravure et appropriations de l’espace

Nous venons de voir le rôle majeur jouait par la nature schisteuse de cer-taines roches ainsi que l’importance de l’eau pour attiré les premiers gra-veurs rupestres, non seulement pour le cas précis de la Peyra Escrita, puis plus largement dans les Pyrénées Orientales jusqu’à l’Europe Occidentale.

Il est maintenant évident que le schiste et l’eau aient attiré les premières personnes ayant gravé ces lieux. Il ne faut pas non plus négliger l’importance des lieux en eux-mêmes, souvent à la toponymie évocatrice, tel que le lac du Diable, comme moteur des premières manifestations rupestres. Comme nous l’avons vu dans la première partie du mémoire (interprétation des gravures), et dans les pages précédentes, les premières gravures étaient certainement réalisées lors de cérémonies de conjuration envers des forces du mal (ou envers les forces de la nature), personnifiées par des lieux comme le lac du diable aux pentes ayant englouti plus d’une brebis aventureuse.

Une autre manière d’investir la Peyra Escrita peut être associée aux signes gravés par les bergers portant à pâture leurs bêtes en ces lieux. Comme nous l’avons vu dans la première partie de ce mémoire (p. 13), leurs gra-vures étaient principalement composées d’initiales modernes ou de signes géométriques (cercle, losange, triangle) combinés avec une croix chrétienne. Ces motifs reproduisent exactement les marques de troupeaux qui étaient imprimées au fer enduit de poix (empagador) sur le dos des brebis pour en identifier le propriétaire.

Ces bergers avaient-ils peut êtres en tête le «pouvoir» maléfique détenu par le lac du diable, dont les pentes faisaient périr la moindre brebis qui s’y aventuré? Le fait de graver le signe de son troupeau sur dans les dalles schisteuses de la Peyra Escrita signifiait peut être qu’ils se trouvaient ainsi protéger des maux encouru en ces lieux? Même au sujet des bergers, dont les derniers sont pourtant encore vivants, nous ne pouvons faire que des suppositions. L’archéologue Jean Abelanet, s’étant intéresser à la Peyra Escrita à la fin des années 1980, mena son inves-tigation au sujet des signes pastoraux et demanda au berger de Formiguères «pour quelle raison les bergers les avaient gravées sur cette pierre? Sa ré-ponse fut évasive : « ça s’est toujours fait ainsi, m’a t-il répondu. Tandis que les bêtes pâturent, c’est tout naturellement que le berger s’amuse à graver sa marque à coté de celles qui y sont déjà ».1 Mais pour sa part, l’archéologue confie plus loin « je suis persuadé qu’il continue, peut être à son insu, une tradition locale fondée sur des pratiques superstitieuses. »Les bergers, au fur et à mesure des générations, qui se succèdent sur la mon-tagne de Formiguères, depuis au moins le XV° siècle, auraient ils perdus le sens de leur gravure ? Il semble que, en effet, que plus qu’une cérémonie religieuse, le fait de gra-ver la Peyra Escrita soit devenu, tout d’abord, un acte personnel où le ber-ger grave ce qui le distingue, lui et ses bêtes, des autres, en quelque sorte son identité, sa marque, un acte personnel deuxièmement, qui soit devenu une habitude, un acte répété par mécanisme, une coutume, partagée par les bergers locaux.

Lors de la réalisation des gravures rupestres protohistoriques, sur le site de la Peyra Escrita comme, on le suppose, dans la Vallée des Merveilles, par exemple, des communautés de personnes se réunissaient dans le but de donner lieu à un culte envers des croyances en les forces de la nature.

Si toutes les personnes présentes lors de ces cérémonies n’avaient pas accès à l’acte de gravure, toutes étaient là (du moins on le suppose) motivées par un même mouvement d’âme, pour le bien de tous. Les craintes (mauvaise augure) ou les reconnaissances (bonne augure) se trouvaient manifestées dans un lieu particulier, un lieu de culte religieux : le site de la Peyra Escrita. C’est en effet de cette manière que le site de la Peyra Escrita était certaine-ment pratiqué par les premiers hommes y ayant mis les pieds.Il est aussi envisageable que ces croyances se soient perpétuées dans l’esprit des générations humaines successives, notamment avant l’expansion du christianisme.La toponymie permet de saisir des réminiscences de ces croyances popu-

-laires locales, qui dans l’inconscient collectif ont pu se perpétuer, à travers, par exemple, les «légendes» relatives à un lieu obscur comme le lac du Diable décrit plus haut.

Partie 2 - Marquages de l'espace

Les cérémonies et superstitions

Superstitions et coutume

1. ABELANET, Jean, Lieux et légendes du Roussillon et des Pyrénées catalanes, Espagne, 1999, Libres del Trabucaire (coll. Assaig), p. 103.

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La Peyra Escrita 33

Rituels d'appropriation spatialePetit à petit, le site de la Peyra Escrita devient «familier» de ces bergers «ha-bitués» à y venir, et revenir chaque été, lorsque leur bêtes y trouvent l’eau et la fraîcheur qui en bas, dans la plaine fait défaut.

La coutume pastorale, succédant aux cérémonies superstitieuses du Proto-historique, pourtant toutes deux liées à une volonté de se protéger du mal inspiré par un certain lieu au nom évocateur : le lac du Diable, ne tarda pas à attirer un public toujours plus large (partie 1 : p. 20).

En même temps qu’apparaît la troisième génération de type de gravure, celle manuscrite et datée, le site de la Peyra Escrita, se voit pratiqué de deux ma-nières différentes.La première relève de la coutume qui passe peu à peu des mains des bergers à celles des autochtones de Formiguères. Une des dalles gravées du site est particulièrement parlante à ce sujet. On pourrait l’appeler la roche «Ticha-dou» car elle est presque uniquement gravée de ce nom, seuls les prénoms qui le succèdent et les dates que l’accompagnent varient. On y trouve une majorité de prénoms masculins (deux Pierre, Robert, Jacques, Blaise, Claude, Paul, Arthur, et André), et les deux seuls prénoms féminins qui apparaissent sont associés à des prénoms masculins (Lucienne et Pierre, puis Christine et Arthur). Comparable à un arbre généalogique, cette roche permet d’in-duire que plusieurs membres de la famille Tichadou soient venues graver sur cette roche depuis au moins 1958 (date la plus ancienne clairement lisible aujourd’hui). Venir graver son identité à la Peyra Escrita devient un rituel partagé au sein de la famille, (surtout par ses membres masculins), répété au fil des années. Certains noms et prénoms sont en effet accompagnés de plusieurs dates («Tichadou Pierre, 1974, 1981, 1983, 1987, 1991») ce qui montre que l’au-teur de la gravure revient sur le site dans l’intention d’y renouveler sa trace.Il semble que dans ce cas le fait de graver son nom à la Peyra Escrita soit une devenu une tradition au sein du noyau familial, et plus largement à l’échelle du village où se trouve le site (un nombre important de noms de familles, comme «Tichadou», sont en effet portés par des résidents de la commune). Mais l’on peut s’interroger sur la motivation profonde de ces gravures? Gra-ver son nom en ces lieux, devenus toujours plus mystérieux que le temps passe, est certainement un moyen de leur apporter protection et fortune, mais la crainte envers le Lac du Diable aurait elle disparue?Le lien entre la Peyra Escrita et le lac du Diable s’appauvrie certainement, et

le site de la Peyra est aujourd’hui pratiqué comme une fin en soi, y parvenirest déjà un succès, y graver son nom la médaille.Une seconde manière de pratiquer le site de la Peyra Escrita apparaît à tra-vers le reste des gravures contemporaines manuscrites : celles qui n’appa-raissant qu’une seule fois. Cela signifie que leurs auteurs ne sont probable-ment venus qu’une seule fois en ces lieux, certainement car il n’y sont que de passage. Pour ce dernier mode d’investir le site de la Peyra Escrita, plus que de la tradition, l’intervention des graveurs relève de l’événement, de l’occasion.Dans ce cas précis, leur démarche de gravure n’est point religieuse, et ne vise pas à se conjurer de mauvais sort, ou porter fortune mais plus une manière de s’inscrire dans l’espace d’un lieu, vraisemblablement important.

Coutume et événement

La roche «Tichadou»

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34 Traces, lieux et mémoires de gravures rupestres

Mémoire de Master

2.3.b. Vers l’éloignement du lieu

Comme nous venons de le voir, le site de la Peyra Escrita a été pratiqué de manières diverses au cours de l’histoire, selon les époques, les outils alors disponibles mais surtout selon la nature des graveurs et de leurs intentions.

Trois types d’usages ont alors étés soulignés : la cérémonie, la coutume puis l’événement. Bien que ces pratiques soient différentes les unes des autres, nous avons vu qu’elles sont interdépendantes, car la première conduisit à la seconde qui elle même mena à la troisième. Les cérémonies superstitieuses ont peu à peu disparu mais les croyances qui y sont relatives ont persisté dans la conscience puis certainement dans l’inconscient contemporain des personnes du lieux, notamment les bergers. Puis c’est le rituel identitaire de ces derniers qui se transmit aux autochtones et enfin aussi aux allochtones.

Cette dernière évolution montre clairement la disparition des limites qui liaient un lieu et un usage réservé à des personnes du lieu justement. L’ou-verture à des graveurs venus de l’extérieur a entraîné un appauvrissement significatif des croyances superstitieuses. Certes elles n’ont point disparu, car elles sont relatées dans des livres et présentes à l’esprit d’un nombre important de personnes, mais elles demeurent lointaines de l’esprit étranger qui n’ira pas à leur recherche.

Les pratiques ayant cours à la Peyra Escrita ont ainsi connu une évolution qui peut être traduite par un éloignement au lieu de la Peyra Escrita en lui même. En effet, les cérémonies, nous l’avons vu, avaient cours dans une conscience profonde des lieux environnants. Et c’est bien la menace qu’ils exprimaient (surtout le Lac du Diable) qui a conduit aux premières cérémo-nies. Les bergers, dont l’action était par force liée à l’espace, à la nature, à l’eau, et à la végétation, n’ont pu nier la force de certains lieux comme le lac du diable et la Peyra Escrita.

Mais peu à peu le christianisme à tenter de lutter contre les croyances su-perstitieuses populaires, d’ailleurs n’oublions pas que les signes pastoraux

gravés contiennent la croix chrétienne, qui sont devenues plus des légendes que des créances. Et les graffitis contemporains qui succédèrent se sont trouvés toujours plus éloignés de ces croyances.

Il semble que les graveurs d’aujourd’hui incisent la roche de la Peyra Escrita comme par imitation de ce qui leur ait donner de saisir de ce lieu.

Évolution d’un usage

Un rapport aux lieux de moins en moins lisible

Partie 2 - Marquages de l'espace

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La Peyra Escrita 35

2.3.c. La persistance d’un rituel de passage ?

1. «Écritures ordinaires : signatures discrètes ou volubiles qui marquent un passage, la visite d’un monument ou la prise de possession nocturne d’une rue. Elles s’opposent nettement à l’univers prestigieux des écrits qui distinguent la volonté de faire œuvre.» Expression empruntée dans l’ouvrage référencé en 2.2. COLLECTIF Centre George Pompidou Bibliothèque publique d’information, dir. FABRE, Daniel, Ecritures ordinaires, Lonrai, P.O.L, 1993, p.11.

Cette dernière réflexion nous amène à nous interroger sur l’influence que les gravures déjà présentes peuvent avoir sur des groupes de personnes ou sur l’individu novices.

En effet, l’on peut se demander si les signes pastoraux auraient existé si les gravures protohistoriques n’avaient pas été réalisées ? Et de même pour les graffitis contemporains, auraient ils été gravés à la Peyra Escrita si les signes qui les précédent n’avaient pas existé?

Il ne nous ait pas possible de donner de réponse, et ce n’est d’ailleurs pas l’objet de cette question. Elle prétend juste mettre en évidence le facteur imitatif de l’acte de graver. Nous parlons bien du fait de graver et non de la gravure car elles sont toutes différentes et propre à la personne qui les produit.

Ce qui ressort de cette considération est donc bien le fait que, malgré les différences de gravures, d’outils, de contexte, de considérations envers les lieux, et les différences d’intentions, tous perpétuent un même geste : graver sur les roches de la Peyra Escrita.

Certes l’influence des gravures est un facteur à prendre en compte, mais au delà de celui ci, pouvons nous dire que nous sommes face à un rituel unique qui est de laisser trace dans un lieu qui, visiblement, est important, car d’autres l’ont fait avant eux ?C’est du moins ce que pense l’ethnologue ..., en parlant de «la plupart des écritures ordinaires 1, associées à des moments collectifs ou personnels in-tenses ou bien à la routine des occupations quotidiennes, semblent vouées à une unique fonction qui les absorbe et les uniformise : laisser trace. » 2

Rituels d'appropriation spatiale

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36 Traces, lieux et mémoires de gravures rupestres

Mémoire de Master Partie 3 - Filtres du temps

Partie 3 - Filtres du temps Dans les parties précédentes, nous n’avons pu faire l’économie de consi-dérer le facteur «temps». Parce qu’à travers lui, par le recul que nous avons au-jourd’hui, nous sommes en mesure de considérer différentes intentions et manières de graver sur les roches d’un unique site.

Cette troisième partie vient souligner une des particularités de la Peyra Escrita qui est la pérennité des gravures réalisées dans la roche. Car si les graveurs disparaissent, leurs traces, elles, demeurent...En considérant le facteur temps, nous allons ainsi pouvoir appréhender une dimen-sion fondamentale, attachée au site de la Peyra Escrita, qui est la «mémoire».Que se transmet-il de la Peyra Escrita? Et comment?

En parlant de transmission de la mémoire des choses du passé, l’on ne peut faire l’économie de parler du Patrimoine. Un concept occidentale et relativement récent qui attribue une certaine valeur aux «héritages» du passé, en passant «de la cathé-drale à la petite cuillère» pour reprendre le titre d’un ouvrage de Nous nous intéresserons ainsi aux jugements de valeurs qui sont portés envers la Peyra Escrita, au sujet de ses gravures les plus anciennes aux plus récentes.Comment sont elles perçues? Certaines font-elles l’objet de mesures de valorisation, voire de protection?

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La Peyra Escrita 37

Non seulement les roches de la Peyra Escrita résument des milliers d’années de distances en un lieu unique, mais elles confondent aussi l’esprit, en les donnant à voir sous un aspect égal. Cette dernière perception est provo-qué par la patine rougeâtre qui se produit sur les roches de la Peyra Escrita. Cette dernière se forme une dizaine d’années après l’incision de la gravure. La patine est pour le reste réellement confondante, et rend imperceptible à l’oeil nu les différences d’ancienneté entre les gravure les plus anciennes et celle du début du XXI° siècle. La photographie ci-dessous montre en effet la gravure récente, encore «blanchâtre», et toutes les autres gravures confondues du même noir foncé.

Comme le montre la photographie ci-dessous, sur les roches de la Peyra Es-crita, se trouvent accumulées des traces d’incisions qui ont été gravées de main d’hommes à des distances de temps parfois pharamineuses, allant de prés de 10 ans à 4 000 ans, de distance de nous.

3.1. Un lieu chargé de mémoireUn lieu de mémoire

3.1.a. Un support pérennisant

1. Citation exacte : « le rite d’écriture induit le temps et l’espace. Le rite est lieu et source de mémoire. » COLLECTIF Centre George Pompidou Bibliothèque publique d’information, dir. FABRE, Daniel, Ecritures ordinaires, Lonrai, P.O.L, 1993, p.23.

Dans le nom même de la Peyra Escrita apparaît la nature du support qui est gravé : la pierre. Laisser une trace dans la roche, nous venons de le voir dans cette étude, laisse une marque qui traverse les âges. C’est ainsi qu’il nous est encore possible aujourd’hui d’y observer des gravures que des archéologues spécialistes dans le domaine des gravures rupestres, ont estimé datés de la fin de l’ère préhistorique.

La roche, et particulièrement le schiste qui est «dur», présente la faculté de conserver des informations écrites. Le rite d’écriture à la Peyra Escrita induit ainsi le temps et l’espace dans lequel il se déroule. L’on peut aussi dire que dans ces circonstances, le rite, inscrit dans un lieu comme la Peyra Escrita, est source de mémoire 1; il génère des souvenirs.

Une roche dure

A la patine confondante

Écriture catalane antérieure au XVII° siècle

(+ de 400 ans)

Gravure schématique linéaire(Prés de 5 000 ans)

Pentacle(Prés de 4 000 ans)

Signe pastoral postérieur au XVIII° siècle.(+ de 300 ans) Gravure d’un nom propre récente

(- de 10 ans)

Photographie d’une dalle gravée, juillet 2011, Pauline Touranche

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38 Traces, lieux et mémoires de gravures rupestres

Mémoire de Master

3.1.b. Une mémoire imparfaite

Un autre facteur de dégradation des plaques gravées est les pillage, bien moins naturel que le gel... Il arrive en effet, que certains amateurs peu scru-puleux essaient de s’emparer de certaines gravures en détachant la plaque superficielle de la roche.

Les tentatives de découpage des roches gravées sont devenues fréquentes dans les sites de gravures rupestres comme la Peyra Escrita. Sur la photogra-phie ci-dessous on peut voir un exemple d’essai d’enlèvement au burin sans succès car la roche est dure et s’écaille sous le choc du burin.

La disparition de certaines gravures, soit par causes na-turelles ou provoquées par l’homme, amène à considé-rer leur relative fragilité.

Devons nous protéger ces gravures ? Pourquoi ? Com-ment ? Sont autant de ques-tion que nous allons mainte-nant appréhender.

Tentative d’enlèvement au marteau et au burin d’une gra-vure corniforme, Vallée des Merveilles, Alpes Maritimes. 1

Nous l’avons vu, les dalles rocheuses de la Peyra Escrita, non seulement at-tirent les gravures, mais les conservent sur des durées presque infinies.

Si ces traces demeurent, le message qu’elle contiennent, c’est à dire, pour certaines, l’identité du graveur et l’intention de sa gravure, disparaissent presque aussitôt après avoir été réalisées.C’est, en effet, paradoxal de pouvoir continuer à observer ces gravures, tou-jours plus muettes, au fur et à mesure que le temps passe.Elles semblent alors figées dans leur instant de gravure alors même qu’elles voyagent dans le temps.

Cette étrangeté de la mémoire de la Peyra Escrita s’intensifie au fil des an-nées. Si aujourd’hui il nous est encore possible d’entrer en contact avec les derniers bergers ou des membres de la famille Tichadou par exemple, il ne le sera plus d’ici quelques dizaines d’années, et la Peyra Escrita gardera pour elle le secret de ces gravures, tout en nous les laissant entrevoir.

Une autre entrave à la mémoire de la Peyra Escrita est l’effacement ou la disparition de certaines traces gravées.

L’on appellera «sélection naturelle des informations» la disparition des gra-vures, par le biais des forces de la nature. Nous l’avons vu dans la partie précédente au sujet de la nature schisteuse des roches, leur particularité à s’effeuiller. De plus, nous savons que le site est localisé à une forte altitude (1 750 m), ce qui signifie aussi qu’il est occupé par les glaces 5 mois par an. C’est bien lors du dégel qu’il arrive que des blocs de roches gravés éclatent et que, par feuilles, des parties en surface des dalles soient détachées du reste.

Ce déplacement des gravures, ou du moins, cette atrophie (pour celle qui restent en partie visibles sur le bloc de roche, endommagent la mémoire du lieu (Cf. photografie en fond de la p.38).

Le paradoxe de la pérennité ou la perte de sens

La sélection naturelle des informations

La sélection non-naturelle des informations

Partie 3 - Filtres du temps

1. COLLECTIF Guides archéologiques de la France, Le mont Bego, vallées des Merveilles et de Fontanalba, Besançon, Monum, Editions du patrimoine, 2003, p. 153.

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La Peyra Escrita 39

Nous venons de voir que le temps et l’homme sont deux facteurs de dispa-rition des gravures de la Peyra Escrita, comme dans tous les autres sites de gravures rupestres existants sur la face du globe.La conscience de la fragilité des gravures implique une considération de ces dernières. Le sentiment de désolation face à leur perte signifie bien qu’elles

Comme l’explique Françoise Choay en introduction de son ouvrage qui est devenu une référence sur la naissance et le développement de la reconnais-sance du patrimoine, ses premières législations, et les premiers penseurs de la restauration, si «le patrimoine historique renvoie à une institution, il correspond surtout à une mentalité».1 L’attachement aux choses du passé et la conscience de leur nécessaire transmission n’a pas toujours été d’actualité (il suffit de penser que les maisons du moyen âge étaient faites à partir des restes de temples romains).

Le terme patrimoine renvoie tout d’abord «aux biens que l’on a hérités de ces ascendants.»2 Aujourd’hui, le président du conseil d’administration de l’Ecole Nationale du Patrimoine, et ancien ministre de la culture et de la com-munication, Jean-Pierre Lecat, le définie comme « l’ensemble des héritages matériels et immatériels reçus par une génération qui devra, à son tour, en assurer la transmission.»3

Cette vaste portée du Patrimoine est venue remplacée celle des Monuments Historiques, qui dès «la création de la première Commission des Monuments Historiques en 1837 ne comptent alors que 3 catégories de monuments his-toriques : les restes de l’antiquité, les édifices religieux du Moyen Age et quelques châteaux.»4 De nos jours, les monuments historiques ne sont plus qu’une part du Patrimoine.Le monument provient du latin monumentum, de morere (avertir, rappeler) et désigne ce qui rappelle à la mémoire. En effet, tout artefact édifié par une communauté d’individus pour se remémorer ou faire remémorer des événe-ments, des sacrifices, des rites ou des croyances est un monument.

La spécificité du monument tient alors précisément à son mode d’action sur la mémoire et à sa capacité à rappeler le Passé en le faisant vibrer à travers le présent. On voit bien que la dimension affective est fondamentale dans le monument et la Patrimoine de manière plus générale. Il est en effet «né-cessaire, que la collectivité ou la communauté soit unie d’une même forme d’attachement pour caractériser la notion de Patrimoine.»5

Plus loin dans son ouvrage 6, Françoise Choay expose les trois valeurs fonda-mentales du Patrimoine :- La valeur archéologique : au détriment de la valeur mémorielle, ren-voie aux témoignages qu’il nous reste de quelque grande puissance ou gran-deur des siècles passés.- La valeur esthétique et prestigieuse : d’un monument illustre, su-perbe, magnifique, durable, glorieux. C’est le cas des édifices publics d’après la révolution de 1789, capables d’affirmer la nouvelles identité de la France.- La valeur artistique : qui procure un émerveillement face à un tour de force technique. Ce type de « patrimoine » contribue à l’effacement pro-gressif de la fonction mémoriale du monument au profit de la notion d’art. C’est la substitution de l’idéal de Beauté à celui de la mémoire.

Si au début du XIX° siècles les monuments historiques se limitaient à trois types de biens, le titre de l’ouvrage de la sociologue française et spécialiste en art, Nathalie Heinich, reflète bien la tendance actuelle où l’on est passé «(...) de la cathédrale à la petite cuillère. Notre patrimoine serait il alors en pleine inflation ?

sont appréciées. D’où vient ce sentiment d’attachement envers les manifestations issues du passé ? Est-ce un phénomène universel ou localisé ? Ce sentiment est-il égal envers tous les types de gravures que nous avons distinguez sur le site de la Peyra Escrita ?

3.2. De l’appréciation des choses du passé

3.2.a. Le concept de patrimoine ou le culte du passé

Du monument historique au patrimoine

1.4, 6. L’allégorie du patrimoine, CHOAY, Françoise, Paris, Editions du Seuil (coll. La couleur des idées), 1992, -96, -99, p. 9, 14,162. Dictionnaire le Robert, définition du terme Patrimoine.3, 5. Patrimoine culturel, Patrimoine naturel, colloque 12 et 13 décembre 1994, COLLECTIF Ecole Nationale du Patrimoine, Paris, Documentation Française, 1995, p.11, 12

Appréciations du passé

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40 Traces, lieux et mémoires de gravures rupestres

Mémoire de Master

Le sentiment d’attachement au passé, nous venons de le voir joue un rôle fondamentale dans la mentalité patrimoniale, et dans des circonstances dif-ficiles, comme suite à une guerre, se sentiment a tendance à s’accroître.Ainsi «au lendemain de la Seconde Guerre Mondiale, la nature des biens répertoriés comme Monuments Historiques reste peu changée mais l’inven-taire se voit multiplié par 10.» 1

En effet, «pour ceux qui l’édifient comme pour ceux qui en reçoivent les agis-sements, le monument est une défense contre le traumatisme de l’existence, un dispositif de sécurité. Le monument assure, rassure et tranquillise en conjurant l’être du temps. Il est garant d’origines et calme l’inquiétude que génère l’incertitude des commencements.» 2 D’où l’accroissement des pré-occupations patrimoniales suite à des périodes de trouble pour une nation, une région, voire une commune.Comme le disait Viollet-le-Duc, architecte français, connu auprès du grand public pour ses restaurations de constructions médiévales, «un pays qui ne maîtrise pas son passé n’a pas d’avenir.» 3

Jérome Fromageau, Maître de conférences à l’université Paris XI et spécia-liste du droit de l’environnement et du droit du patrimoine culturel, reprend cette idée et affirme que «les préoccupations patrimoniales se sont consi-dérablement développées, afin de répondre au besoin d’enracinement, de préservation d’identité dans un monde en profonde mutation.» 4 Pourtant selon l’historien de l’art Jean Michel Leniaud, l’élargissement du champ du patrimoine «n’est rien d’autre que la traduction de la démocratisation des valeurs républicaines appliquées aux œuvres du passé.» 5

L’anxiété face à l’avenir e la démocratisation culturelle contribuent ainsi à l’accroissement du Patrimoine qui, depuis le milieu du XX° siècle, englobe «toutes les formes de l’art de bâtir, savantes, populaires, urbaines, rurales, toutes les catégories d’édifices (publics, privés), somptuaires et utilitaires ont été annexées sous des dénominations nouvelles au Patrimoine National.» 6

De plus, «le domaine patrimonial n’est plus limité aux édifices individuels, il comprend désormais les ensembles bâtis et le tissu urbain (ïlots et quartiers urbains, villages, voire villes entières).» 7

Ainsi le Patrimoine ne cesse de s’accroître par l’annexion de nouveau types de biens et par l’élargissement du cadre chronologique et des aires géogra-phiques à l’intérieur desquelles ces biens s’inscrivent. Mais cette «triple ex-tension typologique, chronologique et géographique des biens patrimoniaux est aussi accompagnée par la croissance exponentielle de leur public» 8, qui n’est plus seulement national mais mondial. Depuis les années 30, des confé-rences internationales pour la conservation des Monuments historiques ont eut lieu, à Athènes en 1931, à Venise en 1964, pour aboutir en 1972 à la rédaction d’une Convention concernant la protection du patrimoine mon-dial, culturel et naturel procède de la fusion de deux mouvements distincts : le premier, centré sur les dangers menaçant les sites culturels et le second, axé sur la préservation de la nature.Aujourd’hui, le concept de patrimoine mondial est bien compris, au point que les sites inscrits sur la Liste sont un véritable aimant pour la coopéra-tion internationale et qu’ils peuvent recevoir une aide financière de diverses sources pour des projets de conservation du patrimoine.Ainsi, l’échelle mondiale comme nationale, le types et le nombre de biens inscrits sur la Liste, augmente tout autant que le nombre de pays répertoriés.

L’’inflation patrimoniale que nous venons de décrire, en plus de nous éloi-gner du sens même du Patrimoine, est également «dénoncée et combattue au sujet du coût de l’entretien, de l’inadaptation aux usages actuels, et de son action paralysante sur les grands projets d’aménagement». 9 12

Les enjeux financiers :Ainsi le Patrimoine coûte, à l’État, aux Régions, aux Départements, aux com-munes et donc aux particuliers. On est comme pris dans une spirale infernale car plus on valorise le patrimoine, plus il va attirer de monde et plus il va demander d’entretient. Le problème financier du Patrimoine a été abordé du colloque des 12 et 13 décembre 1994, qui a réuni des conservateurs de biens culturels et des spécialistes en charge du patrimoine naturel, en France autour du thème «Patrimoine Culturel, Patrimoine Naturel. Voici les pistes qui ont été lancées :- un monument ne pourrait-il pas gagner sa vie? et un paysage aussi ?Seulement l’esprit français s’oppose à la notion de péage dans les espaces naturels, contrairement aux USA et au Canada.

Vers l’inflation patrimoniale ?

Limites et enjeux patrimoniaux

1, 2, 3, 6, 7, 8. L’allégorie du patrimoine, CHOAY, Françoise, Paris, Editions du Seuil (coll. La couleur des idées), 1992, -96, -99, p. 10, 15, 3, 11, 9, 9.4, 5. Patrimoine culturel, Patrimoine naturel, colloque 12 et 13 décembre 1994, COLLECTIF Ecole Nationale du Patrimoine, Paris, Documentation Française, 1995, p. 39, 64.

Partie 3 - Filtres du temps

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Mars 2012

La Peyra Escrita 41

peuvent contribuer à l’application de dispositions issues d’autres réglemen-tation, et permettent de toucher au plus prés les populations locales. Ainsi les parcs nationaux et régionaux sont amenés à s’impliquer dans la conservation et la restauration de l’habitat rural, des arts et des traditions populaires, au delà de la stricte conservation de la nature.En relation avec des associations, les Parcs développent des outils de sensibi-lisation nouveaux comme les chantiers de bénévoles pour la restauration du patrimoine, qui permettent un entretient actif et régulier (exemple: l’Asso-ciation pour la Participation à l’Action Régionale en PACA, qui propose des missions de volontariat international axées sur des actions d’intérêt public liées à la valorisation du patrimoine naturel et culturel. Elle intervient au travers de chantiers internationaux de volontaires, de campus d’études de terrain, de stages de découverte du patrimoine, en particulier de l’architec-ture en pierre sèche et d’actions de coopération internationale).Les Parcs permettent aussi la mise en place d’outils pédagogiques de terrain comme les parcours d’interprétation, selon le modèle anglo-américain, à tra-vers des animations, la scénographie, ou encore le balisage.Dans la Vallée des Merveilles un circuit a été installé afin de donner les clés principales de la lecture archéologique et d’expliquer les mesures spéci-fiques de contrôle des visites qui y ont cours.Mais encore une fois, chaque solution apporte ses détracteurs, et le pro-blème auquel font face ces types de dispositifs, dénoncé par plusieurs asso-ciations où beaucoup d’usagers de la nature, est de «garder une nature la plus naturelle possible. (...) Ainsi la nouvelle tendance serait de proposer des parcours commentés sur des livrets que les visiteurs se procurent.» 5

- sa gestion doit elle rester publique ou pourrait elle être gérée par des opérateurs privés ?- on peut aussi essayer de financer le principale par l’accessoire, en créant des parcs de loisirs autour d’un monument par exemple.- et si on mettait la main à la patte? Le rôle des associations et des citoyens a alors été abordé.- et enfin la solidarité intercommunale dans tout ca? Pourrait elle être davantage solliciter pour permettre notamment aux petites communes de ne pas être paralyser sous le poids de leur Patrimoine? 1

Les enjeux législatifs :En plus des questions de coût et de financement, un certain nombre de pro-blèmes autour du Patrimoine sont récurrents : l’organisation des flux de visi-teurs, la protection rapprochée du patrimoine visité, ou encore l’équipement en services variés (information, affichage, restauration, toilettes, etc...) qu’il s’agisse du Mont Saint Michel comme de la Vallée des Merveilles.En effet, «l’intérêt croissant pour le patrimoine s’exprime aussi par une exi-gence nouvelle en terme d’accueil, de pédagogie et de services.» 2

L’écrivaine, Françoise Dubost et Directrice de la collection Patrimoines et Sociétés, souligne l’inadéquation de la conservation muséale au Patrimoine naturel. Le problème des créations de réserves d’espaces protégés, et une nature pouvant être abandonnée à l’appétit des hommes. Elle prône une «conservation dynamique plutôt qu’une préservation (figée), et la nécessité d’une gestion, régulière et pluridisciplinaire, sur le long terme pour concilier développement et protection de la Nature.» 3

Il faut savoir qu’aujourd’hui, les débats sur la nature de l’intervention et sur sa légitimité sont toujours d’actualité : restauration conservative ou inter-ventionniste ?Ces «compromis devraient négociables dans chaque cas particulier, en fonc-tion de l’état du monument et du contexte social et culturel dans lequel il se présente»,4 selon Alois Riegl, historien de l’art autrichien, mort en 1905, un précurseur, ayant eut une conception non dogmatique et relativiste du monument historique !D’une manière générale, les services de protection implantés localement

Les enjeux de développement :Face à la conservation ou la restauration du Patrimoine, se pose aussi la question du droit de la création actuelle, de la part des artiste, ou encore des architectes.La Pyramide du Louvre est le parfait exemple d’une situation dans laquelle nous avons su nous affranchir d’une conservation intransigeante et opter pour une proposition de continuité, de dialogue entre passé et présent.Les idées de développement durable, plus que d’actualité de nos jours, nous poussent en effet, vers une «protection et une transmission des patrimoines étroitement associées au développement de nos sociétés.»6

1, 2, 3, 5, 6. Patrimoine culturel, Patrimoine naturel, colloque 12 et 13 déc. 1994, COLLECTIF Ecole Nationale du Patrimoine, Paris, Documentation Française, 1995, p. 67, 64, 20, 127, 49 4. L’allégorie du patrimoine, CHOAY, Françoise, Paris, Editions du Seuil (coll. La couleur des idées), 1992, -96, -99, p. 126.

Appréciations du passé

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42 Traces, lieux et mémoires de gravures rupestres

Mémoire de Master

3.2.b. L’héritage de la Peyra Escrita et ses enjeux

La Peyra Escrita : un patrimoine culturel, naturel ou familial?

De discrètes mesures de sauvegarde en cours

1. Patrimoine culturel, Patrimoine naturel, colloque 12 et 13 décembre 1994, COLLECTIF Ecole Nationale du Patrimoine, Paris, Documentation Française, 1995, p.20.2. http://www.parc-pyrenees-catalanes.fr/

Comment caractériser le site de la Peyra Escrita du point de vue Patrimonial, puisque nous l’avons vu dans les précédentes, il présente la faculté de convo-quer le temps et de faire appel à la mémoire ?Comme le souligne justement, Françoise Dubost, «le patrimoine est toujours de quelqu’un»1 (l’humanité, une nation, une région, une commune, une per-sonne). De ce fait nous pouvons tout d’abord nous interroger sur les «héri-tiers» de la Peyra Escrita, qui sont ils?

Tout dépend de quelles gravures parlons nous ! Les héritiers des gravures d’art schématiques linéaires sont certainement plus «universaux» que ces des gravures de signes pastoraux ou encore de noms propres, et encore, si l’on y pense, l’acte de laisser trace, même en inscrivant son nom personnel, est un acte universel. Pourtant ces graffitis contemporains, font en même temps, partie d’un patrimoine beaucoup plus intime et étroit, limité au cercle de la famille. La roche «Tichadou» exposée dans les pages précédents (Par-tie 2, Les rituels, p.35), est tellement chargée de l’identité de cette famille, qu’elle se l’est complètement appropriée, et fait partie de l’héritage familial.Ceci sans compter le cadre naturel remarquable de la Peyra Escrita, par le grandiose des lieux qui l’entourent (les Etangs de Camporells, et le Lac du Diable), la source du ruisseau qui traverse le site et ses blocs de schistes aux dimensions spectaculaires.

Ainsi pourrait-on dire que la Peyra Escrita réuni une diversité de Patrimoines.Nous pouvons y reconnaître, tout d’abord, un Patrimoine Naturel pour sa valeur esthétique et la puissance de son état «brut», sans intervention hu-maine, exposé aux seules forces de la nature, puis l’aspect Culturel, à l’échelle des Pyrénées Orientales, au sujet des gravures les plus anciennes, car c’est le site où l’on trouve la plus forte concentration de gravures d’art schéma-tique linéaire. Bien que ces gravures renvoient certainement à un patrimoine religieux, qui aujourd’hui nous échappe, nous retiendrons plutôt la valeur esthétique de ces gravures, fines, au style naïf, mais surtout la valeur histo-rique qui renvoie à un passage fondamental dans l’évolution de l’homme, de sa capacité à représenter ce qui l’entoure, ce qu’il réalise, d’une manière symbolique et schématique, comme un pas vers l’écriture.

Enfin, beaucoup moins officiel, car beaucoup plus intime, nous pouvons re-connaître dans le site de la Peyra Escrita deux formes d’héritages, un culturel et universel, qui renvoie aux graffitis contemporains, et un autre strictement familial, qui renvoie aux même graffitis mais uniquement ceux à forte récur-rence (pour les noms répétés de manière systématique).

Qu’en est t’il de la reconnaissance officielle du Patrimoine de la Peyra Escrita, d’un point de vue officiel? Le site fait il l’objet de mesures de conservation ou de protections? Quelles sont elles?

A l’heure actuelle, le site de la Peyra Escrita ne fait l’objet d’aucun classement direct au sein des biens Patrimoniaux français. Cependant il se trouve dans le périmètre du site classé du «cirque des étangs de Camporeills» depuis sa création le 12 septembre 1984 (cf carte ci-contre).

Les sites classés, font partie du patrimoine naturel et caractérise des lieux dont le caractère excep tionnel justifie une protection de niveau national. L’objectif de ce classement est de conserver les caractéristiques du site en le préservant de toutes atteintes à l’esprit des lieux, à travers un «plan de protection et de mise en valeur».

Il s’avère cependant que le Parc Naturel Régional des Pyrénées Catalanes 2, qui englobe la commune de Formiguères où se trouve la Peyra Escrita, men-tionne le site de la Peyra Escrita dans un inventaire de son «patrimoine bâti», par opposition au «patrimoine immatériel» (théâtre, chants, musique,...).Afin de préserver son patrimoine, le Parc rédige une charte de paysage et d’urbanise (en l’occurrence pour la Peyra Escrita, c’est la charte du Capcir).

La charte de paysage et d’urbanisme propose un diagnostic du territoire à l’échelle d’une communauté de communes, qui permet de mettre en valeur les enjeux de son développement afin de proposer des orientations d’actions à destination des acteurs locaux lors de décisions de planification. Une politique de pédagogie est aussi définie par la Charte, selon laquelle le Parc pourra sensibiliser la population locale.

Partie 3 - Filtres du temps

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Mars 2012

La Peyra Escrita 431. http://irlr-app.dreal-languedoc-roussillon.fr/~addsd/SITES/FICHES/SI00000513.pdf, p. 1

Le Parc a développé un système d’information territoriale, accessible de-puis internet, qui rescence le «petit» patrimoine local, et informe sur son état de conservation.Enfin, une «charte des sentiers d’interprétation des Patrimoines» est aussi proposée par le Parc des Pyrénées Orientales, qui a pour objectif d’organiser et structurer la découverte du territoire et de sensibiliser le public à travers des activités de découvertes en partenariat avec les professionnels locaux (guides de randonnée ou associations).

Au jour d’aujourd’hui, aucune excursion organisée par le Parc avec des classes scolaires n’a été organisé. La commune de Formiguères partagée de crainte qu’en valorisant le site de la Peyra Escrita, un flux incontrôlé de visiteur ne l’endommage que plus, se trouve contrainte de mettre en place aucune indication qui aiderait les ran-donneurs à atteindre le site. Sur son site internet et à l’office de Tourisme, on parle de la Peyra Escrita, et pour les plus curieux, un guide de haute mon-tagne est prêt à les accompagner.

Motivations du classe-ment :

«Le classement du cirque des étangs de Cam-poreills a été motivé par son caractère paysager remarquable et son état de conservation excellent. Cette unité paysagère gla-ciaire constituée de pics rocheux, pelouses alpines, lacs et forêts, représente un ensemble de grande valeur, harmonieux et pit-toresque.» 1

Les héritages de la Peyra Escrita

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44 Traces, lieux et mémoires de gravures rupestres

Mémoire de Master

1. Patrimoine culturel, Patrimoine naturel, colloque 12 et 13 décembre 1994, COLLECTIF Ecole Nationale du Patrimoine, Paris, Documentation Française, 1995, p.1102. Risques naturels, risques provoqués : la sur-fréquentation, in Encyclopédie du patrimoine, DINKEL, René, Paris, Les Encyclopédies du Patrimoine, 1997, p.109

L’exemple de la Vallée des Merveilles : périmètres protégés, balisage et musée. «Depuis l’été 1989, le Parc National du Mercantour a, fort heureusement, limité la liberté d’accès dans le secteur de Fontanalbe à des itinéraires pré-cis (cf. carte ci-dessous 2). Les visiteurs peuvent toutefois s’écarter des par-cours autorisés à condition d’être guidés par des accompagnateurs agréés. En 1990, ce dispositif a été étendu pour partie à la Vallée des Merveilles, en réglementant l’accès à la zone située à l’est du Pas de l’Arpette.

Parallèlement, l’un des monuments essentiels de cette zone, la fameuse dalle du chef de tribu, a été enlevé par héliportage, soigneusement mis à l’abri dans un musée et remplacée par un moulage. On peut encore décou-vrir in situ la dalle de l’Autel et le Christ. Par contre le Sorcier et la stèle du Couple Primordial sont désormais situés dans la zone réglementée de la Val-lée des Merveilles. »

Les mesures actuelles de protection de la Peyra Escrita sont elles suffisantes pour assurer la transmission de leur patrimoine aux générations futures?Il n’est pas de mon ressort de répondre à cette question, mais la poser per-met d’ouvrir cet ultime volet du mémoire vers des expériences similaires qui pourraient apporter des perspectives à la Peyra Escrita.

Comment transmettre ce que l’on sait (encore) aujourd’hui du site de la Pey-ra Escrita et de ses gravures, autrement qu’à travers des ouvrages archéolo-giques ou folkloriques? A part, pour un public averti, ou pour les résidents qui, de famille, pratiquent le site régulièrement, les traces de la Peyra Escita demeurent un mystère. En 1986, la ministre chargé de la Culture, François Léotard, a lancé la « mis-sion Patrimoine 2000 » 1 dont le but était justement de valoriser le capital monumental en créant des animations, des parcours spectacles, des infras-tructures d’accueil (librairies, restaurants, boutiques, expositions tempo-raires, théâtres, concerts...). Ce type d’événements ludiques est un moyen tout à fait intéressant qui pourrait être mis en place par la commune de Formiguères, ou encore le Parc, visant un public large.

Comment gérer les usures occasionnées par l’usure du temps et de la sur-fréquentation est le second, mais pas des moindre, enjeu de la Peyra Escrita. Comme nous l’avons vu chaque année des gravures disparaissent, bien sou-vent sous de nouvelles, ne faisant qu’augmenter l’épaisseur d’une stratte de gravures qui bientôt ne ressemblera qu’à un imbroglio de lignes gravées dans la roche.

La solution serait de limiter, de filtrer le flux de visiteur pour contrôler leurs agissements sur le site et éviter qu’ils ne grave sur des gravures, tout du moins, existantes.

Les interventions réalisées sur les sites de Fontanable et de la Vallée des Merveilles, dans les Alpes Maritimes, bien que de dimension bien plus im-portante et présentant une concentration de gravures supérieure que la Peyra Escrita, peut être un exemple à suivre, qui dans ce cas précis a aussi permis de créer de nouveaux emplois (guides labélisés formés par le Parc).

Allez plus loin dans la sauvegarde de la Peyra Escrita ?

Les héritages de la Peyra Escrita

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Conclusion

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Mémoire de Master Conclusion

Les traces gravées dans les roches de la Peyra Escrita se suivent, se juxtaposent mais ne se ressemblent pas. Nous l’avons vu, en effet, à l’heure actuelle, nous sommes en mesure de distinguer trois grandes familles de gravures rupestres : les motifs d’art schématique linéaire, les signes pasto-raux et les graffitis. En m’attachant uniquement à leurs réalités physiques, j’ai cherché, dans la première partie de ce mémoire, à faire parler ces trois familles d’incisions. Que nous révèlent leurs épaisseurs, le style de leur trait, les motifs qu’elles dessinent ? Des hypothèses, voire des réponses ont pu être ainsi apportées, tant au sujet des outils utilisés, que de l’intention, à la nature même du graveur qui a pu les réaliser. Mécanique rituelle, impulsion créatrice, passe temps, ces signes oscillent entre l’art et l’écriture et reflètent profondément le contexte social et historique qui les porte.

Si les signes gravés avaient des choses à nous dire, j’ai cherché, dans une seconde partie, à faire parler leur support, et son environnement. Pour-quoi ont elles été réalisées dans de tels lieux, à 2230 m d’altitude, dans un espace occupé 5 mois sur 12 par des glaciers ? Qu’est ce qui a bien pu attirer les premiers graveurs, puis le second, ceux encore d’après et qui sait, les prochains? Il semblerait que la géologie et la présence de l’eau soient des conditions favorables à la gravure. La configuration spatiale du site forte-ment accueillante, en forme d’arène naturelle, expliquerait aussi de telles manifestations rupestres. Ce qui est étonnant, c’est que si les lieux appellent, dans un premier temps, à la gravure, il semblerait que se soient les gravures elle mêmes qui, dans un second temps, incitent à davantage de lithographie. Nous avons ensuite abordé les mécanismes d’appropriation de l’espace, rela-tifs aux différents courants de gravures de la Peyra Escrita. De cérémonies religieuses, sans doute vouées aux les forces de la nature, nous sommes passés à l’événement d’une ascension personnelle, en montagne, et à l’acte d’y laisser sa trace. Reflet de l’individualisme de nos sociétés modernes, en quêtes de «marques», mais aussi en manque de spiritualité et de moins en moins «connecter» aux lieux qui l’entourent ? Le Beau de la Peyra Escrita est aussi là, c’est un lieu qui suggère, chacun reste libre de penser.

Plus que des traces, la Peyra Escrita nous offre des témoignages de l’Homme, que son support (la roche) lui permet de garder en mémoire. Mais l’inexorable fuite du temps, presque palpable, dans ce lieu singulier où la patine et l’érosion auxquelles s’ajoutent le vandalisme, filtrent les gravures, et menacent même de les faire disparaître.

Tout se passe comme si l’attachement que l’on porte aux gravures était pro-portionnel au temps qui nous en sépare; plus les gravures sont anciennes, plus elles sont appréciées! C’est alors le concept de Patrimoine qui sera mis en question, avant d’abordé, à sa lumière, les héritages de la Peyra Escrita, tantôt naturel, culturel voire familier. Qu’est t’il légitime et possible de faire, pour que les générations futures sachent de ces lieux, de ces gravures, au moins ce que nous en savons, avant que toute connaissance soie absorbée par les gravures? La réponse est loin d’être évidente, mais des pistes existent, notamment grâce à l’expérience de sites similaires comme dans la Vallée des Merveilles.

Du début à la fin, cela aura été une chance pour moi d’étudier le site de la Peyra Escrita. Une chance d’avoir connu ce site, une chance d’avoir rêvé face à ses signes mystérieux, une chance de les avoir questionné et appro-ché. Que voulaient ils bien dire? Qui avait bien pu les réaliser, pourquoi? Et pourquoi là? Lorsqu’on accède pourtant à la Peyra Escrita, on ne se pose plus la question, on est dans un site de gravures rupestres, un lieu où un jour, on a laisser des traces, et depuis ce jour, on a continuer.L’homme interagis avec l’espace, même le plus haut perché, c’est la chose essentielle que je retiendrais de cette expérience, au delà des variations d’intensité que ce phénomène connaît, l’homme crée, l’homme s’exprime et transforme l’espace.C’est pourtant si simple, mais cette seule constatation a ouvert des portes dans mon esprit. Ayant toujours aimé l’architecture pour sa capacité à «faire se sentir bien quelque part», c’est vers le paysage naturel que je me tourne aujourd’hui, avec l’idée que des gestes minimes, simples, suffisent à créer un lieu : un endroit où l’on se sent bien, où il se passe quelque chose.

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Annexes

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Mémoire de Master

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Type de gravures / outils peu fréquents

Type de gravures / outils fréquents

Type de gravures / outils trés fréquents

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Annexe 1 - Chronologie des gravures

Pauline Touranche, d’aprés la chronologie proposée par l’Encyclopédie Universalis

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Annexe 2 - Tableau comparatif des motifs gravés

Tableau de gauche : ABELANET, Jean, in Revista Terra Nostra Prada n°5 : Les roches gravées nord catalanes, Centre de Recherches et d’Etudes Catalanes de Perpignan et le Centre d’Etudes Préhistoriques Catalanes, Prades, 1989, p. 169.Tableau de droite. ABELANET, Jean, Signes sans paroles, Cent siècles d’art rupestre en Europe Occidentale, Poitiers, Hachette (coll. La Mémoire du Temps), 1986, p. 254.

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50 Traces, lieux et mémoires de gravures rupestres

Mémoire de Master Annexe 3 - Relevé archéologique du site de la Peyra Escrita

Plan du site de la Peyra Escrita par ABELANET, Jean, in Revista Terra Nostra Prada n°5 : Les roches gravées nord catalanes, Centre de Recherches et d’Etudes Catalanes de Per-pignan et le Centre d’Etudes Préhistoriques Catalanes, Prades, 1989, p. 106.

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Annexe 4 - Sites rupestres d'art schématique linéaire Nord Catalans

ABELANET, Jean, in Revista Terra Nostra Prada n°5 : Les roches gravées nord catalanes, Centre de Recherches et d’Etudes Catalanes de Perpignan et le Centre d’Etudes Préhis-toriques Catalanes, Prades, 1989, p. 109.

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52 Traces, lieux et mémoires de gravures rupestres

Mémoire de Master Annexe 5 - Géologie des Pyrénées Orientales

Fond de carte «Les paysages et la géologie», http://atlas.dreal-languedoc-roussillon.fr/pyrenees-orientales/fondements12.asp

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Annexe 6 - Hydrographie des Pyrénées Orientales

Fond de carte «Les Pyrénées Orientales : Les paysages et l’eau», http://atlas.dreal-languedoc-roussillon.fr/pyrenees-orientales/fondements12.asp

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54 Traces, lieux et mémoires de gravures rupestres

Mémoire de Master Annexe 7 - Le site classé des Camporeills

1. http://irlr-app.dreal-languedoc-roussillon.fr/~addsd/SITES/FICHES/SI00000513.pdf, p. 1

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Bibliographie

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56 Traces, lieux et mémoires de gravures rupestres

Mémoire de Master

Ouvrages

ABELANET, Jean, Signes sans paroles, Cent siècles d’art rupestre en Europe Occidentale, Poitiers, Hachette (coll. La Mémoire du Temps), 1986, 345 p. (relevés, photographies)

ABELANET, Jean, Lieux et légendes du Roussillon et des Pyrénées catalanes, Espagne, 1999, Libres del Trabucaire (coll. Assaig), 202 p. (illustrations)

AUGE, Marc, Le temps en ruine, Galilée (coll. Lignes fictives), 2003, 135p.

BACHOUD, Louis, JACOB, Philippe et TOULIER, Bernard, Patrimoine culturel bâti et paysager, classement, conservation et valorisation, Paris, Delmas (coll. Encyclopédie Delmas pour la vie des affaires), 2002, 280 p.

BOIVIN, Jean-Pierre, PENNAFORTE, Manuel et VEROT, Yvan, La réglementation des installations classées, guide méthodologique, Paris, Le Moniteur (coll. Guides juridiques), 2002, 234 p.

BRASSAÏ, Graffiti/Brassaï, 2002, Paris, Flammarion, 156p.

CHOAY, Françoise, L’allégorie du patrimoine, Paris, Editions du Seuil (coll. La couleur des idées), 1992, -96, -99, 271 p.

CHOAY, Françoise, Le patrimoine en question, anthologie pour un combat, Paris, Editions du Seuil (coll. La couleur des idées), 2009, 215 p.

COLLECTIF Ecole Nationale du Patrimoine, Patrimoine culturel, Patrimoine naturel, colloque 12 et 13 décembre 1994, Paris, Documentation Française, 1995, 311 p.

COLLECTIF FFRandonnées, Les Pyrénées Orientales à pied, Paris, Broché (coll. Topoguides), 2008, 64 p. (cartes, photographies)

COLLECTIF Centre George Pompidou Bibliothèque publique d’information, dir. FABRE, Daniel, Ecritures ordinaires, Lonrai, P.O.L, 1993, 374 p.

COLLECTIF Guides archéologiques de la France, Le mont Bego, vallées des Merveilles et de Fontanalba, Besançon, Monum, Editions du patrimoine, 2003, 166 p.

DINKEL, René, Encyclopédie du patrimoine : monuments historiques, patrimoine bâti et naturel, protection, restauration, réglementation, doctrines, techniques, pratiques, Paris, Les Encyclopédies du Patrimoine, 1997, 1512 p. (illustrations)

HEINICH, Nathalie, La fabrique du patrimoine : de la cathédrale à la petite cuillère, Paris, Editions de la Maison des sciences de l’homme (coll. Ethnologie de la France), 2009, 286 p.

MAGNARDI, Nathalie, Roches confidentes, dessins et témoignages de la vallée des merveilles : du moyen âge à nos jours, Marseille, Images En Manœuvres Editions, 2005, 119 p. photographies Breteau, Emmanuel.

PATRICIO, Teresa, VAN BALEN, Koen, DE JONGE, Krista, Conservation et sociétés en transformation. Patrimoine et développement, Leuven,

Bibliographie

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Bibliographie

Revues

Revista Terra Nostra Prada n°5 : Les roches gravées nord catalanes, Centre de Recherches et d’Etudes Catalanes de Perpignan et le Centre d’Etudes Préhistoriques Catalanes, ABELANET, Jean, Prades, 1989, 210 p.

Préhistoire, Art et Sociétés, L’espace et le discours dans la signification de l’art rupestre : un exemple de Namibie, Bulletin de la Société Préhistorique Ariège - Pyrénées, tome LXIII, LENSSEN-ERZ Tilman, 2008, 169 p.

Rapports, Articles

LOEILLET Robert et MARTINEZ Pierre, RAPP Sylvie (assistante), architectes dplg, Commune de Formiguères : étude pour le plan d’aménagement global du village, Juin 2000, Prades, 110 p. (plans, cartes, illustrations, photos)

DUMONT FILLON, Nathalie et DAURES, Xavier, Charte de paysage et d’urbanisme de la vallée de la Têt et de ses affluents, 2007, Parc Naturel des Pyrénées Catalanes (P.N.R.P.O), Mont Louis, 72 p.

Parc Naturel des Pyrénées Catalanes (P.N.R.P.O), Charte des « sentiers d’interprétation des patrimoines du Parc, Mont Louis, 9 p.

Parc Naturel des Pyrénées Catalanes (P.N.R.P.O), Natura 2000

RICOEUR Paul, Signes et Sens, Encyclopédie Universalis

Sites internet

Parc Naturel Régional des Pyrénées Catalanes :http://www.parc-pyrenees-catalanes.fr/

Direction Régionale des Affaires Culturelles (D.R.A.C) du Languedoc Roussillon :http://www.languedoc-roussillon.culture.gouv.fr/

Direction Régionale de l’Environnement, de l’Aménagement et du Logement (D.R.E.A.L) Languedoc Roussillon :http://www.languedoc-roussillon.developpement-durable.gouv.fr/

Ministère de la Culture et de la Communication :http://www.culture.gouv.fr/

Ministère de l’écologie, du développement durable, des transports et du logement :http://www.developpement-durable.gouv.fr/