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LA NUIT ARABE DE MONACO

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Série « Brigade Mondaine »

Je souhaite recevoir : ❒ Le catalogue complet ❒ Les volumes ci-dessous cochés au prix de 5,50 € l'unité, soit :

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CEGEP-ÉDITIONS VAUVENARGUES 15 chemin des Courtilles

92600 ASNIÈRES

DU MÊME AUTEUR CHEZ LE MÊME ÉDITEUR

( Titres épuisés) N° 1 : LE MONSTRE D'ORGEVAL

* N° 2 : LE CARROUSEL DE LA PLEINE LUNE * N° 3: L'ABOMINABLE BLOCKHAUS * N° 4 : LES SÉMINAIRES D'AMOUR * N° 5 : LE MARCHÉ AUX ORPHELINES

* N° 6 : L'HÉROÏNE EN OR MASSIF * N° 7 : UN CHANTAGE TRÈS SPÉCIAL

* N° 8 : LES REQUINS DE L'ÎLE D'AMOUR * N° 9 : LA CITÉ DES DISPARUS

* N° 10 : LE CYGNE DE BANGKOK * N° 11 : LA MANTE RELIGIEUSE * N° 12 : LE JEU DU CAVALIER

N° 13: LA CROISIÈRE INTERDITE N° 14: LE HAREM DE MARRAKECH

N° 15: LA MAISON DES MAUDITES N° 16: LA PERMISSION DE MINUIT N° 17: LES CAPRICES DE VANESSA N° 18: LA VIPÈRE DES CARAÏBES

N° 19: LE VOYOU DE MONTPARNASSE

N° 20: LES FILLES DE MONSEIGNEUR

N° 21: LA NUIT ARABE DE MONACO * N° 22 : LA FERMIÈRE DU VICOMTE

* N° 23 : LA PUNITION DE L'AMBASSADEUR * N° 24 : LA SECTE DES AMAZONES * N° 25 : LES SIRÈNES DE L'AUTOROUTE * N° 26 : LE BOUDDHA VIVANT * N° 27 : LA PLANCHETTE BULGARE * N° 28 : LE PRISONNIER DE BEAUBOURG

* N° 29 : LES ESCLAVES DE LA NUIT * N° 30 : LES POUPÉES CHINOISES * N° 31 : LES SACRIFIÉS DU SOLEIL * N° 32 : L'EXÉCUTRICE * N° 33 : LA PRÊTRESSE DU PHARAON * N° 34 : UN CANAL ROSE POUR CIBISTE

* N° 35 : LES FANATIQUES DE LA VIDÉO * N° 36 : LES ANGES DE PIGALLE * N° 37 : SOSIES SUR MESURE

* N° 38 : LA MARQUE DU TAUREAU * N° 39 : L'ÎLE AUX FEMMES * N° 40 : LA CHÂTELAINE DE L'ORDRE NOIR

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* N° 41: LA PRINCESSE DES CATACOMBES

* N° 42: LA DISPARUE DE SUNSET BOULEVARD

* N° 43: LE PARFUM DE LA DAME EN GRIS * N° 44: LES FEMMES MYGALES DE LA CÔTE D'IVOIRE

* N° 45: LA DANSE DES COUTEAUX * N° 46 : LES AMANTS DE SINGAPOUR

* N° 47: LA VEUVE DU LAC * N° 48 : LES FANTASMES DU NOTABLE * N° 49: LA BÊTE DU LUBÉRON

* N° 50: CARNAVAL À VENISE

* N° 51: LES NUITS BLANCHES DE LA TOUR EIFFEL * N° 52: LOVE TÉLÉPHONE

* N° 53: GOLF-PARTY * N° 54 : L'ENFER DU COLLECTIONNEUR

* N° 55: LES SOMNAMBULES DU DOCTEUR MARLY * N° 56 : LES ENVOÛTÉS DU MARABOUT

* N° 57 : LA TUEUSE D'HOMMES * N° 58 : LA DIVA DU BOIS DE BOULOGNE

* N° 59: LA FOLIE DE BARBE-BLEUE

* N° 60: LE MANIAQUE DU PARKING * N° 61: LE BATEAU DES FILLES PERDUES

* N° 62: LE DÉMON DU PEEP-SHOW

* N° 63: LES CHASSEURS DE MIREILLE * N° 64: LA PLAGE AUX NYMPHES * N° 65: NUITS DE CHINE

* N° 66: LA FILIÈRE MEXICAINE * N° 67: LES SECRETS DE MADAME MAUD

* N° 68: LA FEMME MASQUÉE * N° 69: TRANSPORT DE FILLES

* N° 70 : LA SECRÉTAIRE DU PATRON

* N° 71: LA PANTHÈRE DES PALACES * N° 72: LES PROFANATRICES * N° 73: LA TENTATION DE CAROLINE

* N° 74: LA LOUVE DES BEAUX QUARTIERS * N° 75: LES STRIP-TEASEUSES DU PETIT ÉCRAN

* N° 76: LES MAÎTRESSES FEMMES DE SAINT-TROPEZ

* N° 77: LE RODÉO DU PLAISIR * N° 78: LES PROIES DU COMMANDO

* N° 79 : LA FEMME-FAUCON * N° 80: LA TIREUSE D'ÉLITE * N° 81 : LES VOIX DU DÉSIR

* N° 82 : LES TAXIS DE L'AMOUR

* N° 83: L'ALLUMEUSE

* N° 84: MAÎTRE ET ESCLAVE * N° 85 : GIGOLO STORY * N° 86: LA CAVALIÈRE DE L'APOCALYPSE

* N° 87: LES JEUX DÉFENDUS DE LA PRÉSIDENTE

* N° 88: L'ÉVENTREUR AUX YEUX D'OR * N° 89: JEUNE FILLE AU PAIR

* N° 90: L'INCONNU DU TRAIN BLEU

* N° 91: LA CALL-GIRL DE MONTRÉAL * N° 92: LA GRANDE BOURGEOISE

* N° 93: LE PIÈGE ESPAGNOL * N° 94: CLUB PRIVÉ

* N° 95: LA SORCIÈRE DE POMPÉI * N° 96: VENGEANCE DE FEMME

* N° 97: LA DEMOISELLE DE PETITE VERTU

* N° 98: LE VAMPIRE DE BOURGOGNE

* N° 99: LA CHIENNE DE LUXE * N° 100 : L'ÉTALON DE SAUMUR

* N° 101 : FIANCÉES SUR CATALOGUE * N° 102 : LA SIRÈNE DU LOCH NESS

* N° 103 : L'OGRE DE LA BAIE DES ANGES * N° 104 : LES AMANTS MAUDITS

* N° 105 : LA VÉNUS DE BELLE-ÎLE * N° 106 : LA BELLE DU CAP D'AGDE

* N° 107 : LE JUSTICIER DU BOIS DE BOULOGNE * N° 108 : ÉCHANGE DE FEMMES

* N° 109 : LES NOCES INFERNALES

* N° 110: LA VIE CACHÉE DU BANQUIER * N° 111 : L'APPRENTIE SORCIÈRE

* N° 112 : DERNIER ROUND À MARSEILLE * N° 113 : LES JARDINS DU PLAISIR

* N° 114 : DÉLIT D'INITIÉE

* N° 115: LE GRAND PRÊTRE DES ARDENNES * N° 116 : LES PASSIONS DU COLLECTIONNEUR

* N° 117: LA PAPESSE D'AVIGNON * N° 118 : LES BALLETS ROSES DE SAINT-MALO

* N° 119 : LA LETTRE DE L'ENFER * N° 120 : FANTASIA POUR ROCK STAR

* N° 121 : L'ENRAGÉE DU CERCLE POLAIRE

* N° 122 : LE CLUB DES GIRONDINES * N° 123 : LA POSSÉDÉE DE SÉVILLE

* N° 124 : LA REINE DU SCOOP

* N° 125 : LE TOUR DE FRANCE DU TUEUR DES PLAGES * N° 126 : LAPUCELLE D'ORLÉANS

* N° 127 : LE PARC AUX LOUPS

* N° 128 : LA RELIGIEUSE DE BUDAPEST

* N° 129 : LES DÉLIRES DE L'INSOMNIAQUE * N° 130: LA LOLITA DU TGV * N" 131 : LES CHASSES DE LA GRANDE CHARTREUSE * N° 132 : LA DAME DE SHANGHAI

* N" 133 : LA LOI DU TALION * N° 134 : LEBON PLAISIR DU ROI

* N° 135 : LES NUITS BLANCHES DE SAINT-PÉTERSBOURG

* N° 136 : UN CIRQUE D'ENFER * N° 137 : LES FRASQUES DU NOTAIRE * N" 138 : RÉSEAU EXTRA-CONJUGAL * N° 139 : NOTRE-DAME DE CHARTRES

* N° 140 : LES FAVORITES DU GRAND TURC

* N° 141 : L'ARCHANGE DE FLORENCE * N° 142 : LE FANTÔME DE L'OPÉRA

* N° 143 : LA DAME DE COMPAGNIE * N" 144 : LE CHOUCHOU DE LA PROF

* N° 145 : SIMPLE DAMES À ROLAND-GARROS * N° 146 : PARFUM DE STAR

* N° 147 : DÉRAPAGE EN FORMULE 1 * N° 148 : LES CHARMES DU BIZUTAGE * N° 149; POUPÉES SLAVES SANS VISA

* N° 150 : LES CHAÎNES DE LA PASSION * N° 151 : NOBLESSE OBLIGE * N° 152: L'HOMME EN NOIR

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* N° 153 : PAQUET-CADEAU POUR GENTLEMEN * N° 154 : DANSEUSES À DOMICILE * N° 155 : LE FAUVE DE L'OMBRE

* N° 156 : LA SCANDALEUSE DE LA CROISETTE * N° 157 : LE SAUVAGE DE LA FRANCILIENNE

* N° 158 : BACCHANALES POUR UN MUTANT * N° 159 : LE COUP DU PLAGISTE * N° 160 : LE CALVAIRE DE CHARLES-HENRY

* N° 161 : LA PIEUVRE DE BIARRITZ * N° 162 : LES DÉBORDEMENTS DE M. LE MAIRE

* N° 163 : LE BOUCHER DE LA RUE DES ÉCOLES * N° 164 : LA VIERGE ÉTERNELLE

* N° 165 : LE FEU DES ENCHÈRES * N° 166 : LA NURSE DU PROMOTEUR * N° 167 : LA PETITE REINE DU TOUR

* N° 168 : LE DÉMON DE MINUIT * N° 169 : LA VESTALE DU TEMPLE LUNAIRE

* N° 170 : SECRETS DE FAMILLE

* N° 171 : LA DRAG-QUEEN DE WESTMINSTER * N° 172 : LE COMPLOT DES VEUVES * N° 173 : LE PONT DES SOUPIRS * N° 174 : LE BAL DES SORCIÈRES

* N° 175 : LES SŒURS DIABOLIQUES * N° 176 : BONS BAISERS DE ROISSY

* N° 177 : BAGATELLE POUR PHOTOGRAPHE * N° 178 : LA DÉESSE DE KATMANDOU

* N° 179 : MIRAGE POUR PRIX DE BEAUTÉ * N° 180 : LES AVENTURIÈRES DU TROPHÉE PERDU * N° 181 : LA GRIFFE DE L'ANGE

* N° 182 : CYCLONE À L'ÎLE MAURICE * N° 183 : LA MORSURE DU RENARD * N° 184 : LA PASSE SECRÈTE DU TORERO

* N° 185 : LE PHILTRE D'AMOUR

* N° 186: LE TRAQUENARD INDONÉSIEN * N° 187 : LE SEIGNEUR D'AUDIERNE

* N° 188 : LA CLINIQUE DU DOCTEUR MOREAU * N° 189 : LA MASCOTTE DU MONDIAL

* N° 190 : LA FEMME INTERDITE * N° 191 : LE COUP DE FOLIE D'EMMANUELLE

* N° 192 : LE MUSÉE SECRET * N° 193 : GEISHA SUR CANAPÉS * N° 194 : ESCAPADES PRÉSIDENTIELLES

* N° 195 : LE LOUP DANS LA BERGERIE * N° 196 : LES BICHES DE RAMBOUILLET

* N° 197 : LA PISTE DE LA FÉLINE

* N° 198 : LE FIL DU RASOIR

* N° 199: LE TRAVESTI D'HALLOWEEN

* N° 200 : LES SORTILÈGES DU CASTRAT

* N° 201 : L'ÉNIGME DU GRAND HÔTEL * N° 202 : SECRETS D'ALCÔVE

* N° 203 : UNE CERTAINE MADAME EDWARDA

* N° 204 : LA DIABLESSE DES ALPILLES

* N° 205 : LES FILLES DE FRANKENSTEIN

* N° 206 : LA VILLA DU CAP D'ANTIBES

* N° 207 : LA SÉQUESTRÉE DES FRANCOFOLIES * N° 208 : LA COMPAGNIE DES FILLES SANS VOILE

* N° 209 : LA VIDÉO MAUDITE

* N° 210 : LE FRUIT DÉFENDU

* N° 211 : BACCHANALES AUX BAHAMAS

* N° 212 : L'ENLÈVEMENT DES SABINE

N° 213 : LA NUIT DU TOP MODEL N° 214 : LA MADONE DES CHANTIERS

N° 215 : LES SERVANTES D'APHRODITE

N° 216 : LA SECTE DU CIGARE

N° 217 : LA DOUBLE VIE DU PATRON

N° 218 : LA FORTERESSE DES VOLUPTÉS

N° 219 : L'ALCHIMISTE DU DÉSIR N° 220 : LES TROPHÉES DU GUERRIER

N° 221 : LES VEUVES NOIRES DU GOLF

N° 222 : LE SWING DE LA COMTESSE NOIRE

N° 223 : LA JUSTICIÈRE DE STRASBOURG

N° 224 : LES COULISSES DU POUVOIR

N° 225 : LA MUSE DU PEINTRE FOU

N° 226 : LE FANTASME DU MANNEQUIN N° 227 : LA FÉE DES SANS-LOGIS

N° 228 : LA THALASSO DU PLAISIR

N° 229 : LE PURGATOIRE DES ANGES DÉCHUS

N° 230 : LES GLADIATEURS DE MESSALINE N° 231 : SOURICIÈRE POUR UNE CALL-GIRL

N° 232 : L'AUTOROUTE DU CYBERSEXE

N° 233: PIÈGE À FILLE AU MONT VENTOUX

N° 234 : LE FANTASME DU VIOLONCELLE N° 235 : HÔTESSE SPÉCIALE POUR JET PRIVÉ

N° 236 : LE MAUVAIS ANGE DE SIDNEY

N° 237 : LA FAUSSE PISTE DE COURCHEVEL

N° 238 : LA VIERGE GOTHIQUE

N° 239 : LE CLUB DES ÉNARQUES

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MICHEL BRICE

BRIGADE

MONDAINE

LA NUIT ARABE DE MONACO

VAUVENARGUES

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Les dossiers Brigade Mondaine de cette collection sont fondés sur des éléments absolument authentiques. Toutefois, pour les révéler au public, nous avons dû modifier les notions de temps et de lieu ainsi que les noms des personnages. Par conséquent, toute ressemblance avec des personnes exis- tantes ou ayant existé serait totalement involontaire et ne relèverait que du hasard...

Le Code de la propriété intellectuelle n'autorisant, aux termes de l'article L. 122-5 2° et 3° a), d'une part, que les « copies ou reproductions strictement réservées à l'usage privé du copiste et non destinées à une utilisation collective », et d'autre part, que les analyses et les courtes citations dans un but d'exemple ou d'illustration, « toute repré- sentation ou reproduction intégrale ou partielle, faite sans le consentement de l'auteur ou de ses ayants droit ou ayants cause, est illicite » (article L. 122-4). Cette représentation ou reproduction, par quelque procédé que ce soit, constituerait donc une contrefaçon sanctionnée par les articles L. 335-2 et suivants du Code de la propriété intellectuelle.

© L i b r a i r i e P l o n / C E G E P 1 9 7 8 .

© CEGEP/VAUVENARGUES 2 0 0 3 .

I S B N : 2 - 7 4 4 3 - 0 8 6 5 - X

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CHAPITRE PREMIER

La jupe droite, très serrée malgré son pli creux ménagé sur le devant, se tendait alternativement sur chaque cuisse au rythme de la marche déhanchée de sa propriétaire. Dessous, les jambes allaient et venaient, mollets ronds et chevilles nerveuses dans un collant très fin. Les talons

aiguille des escarpins en veau velours noir claquaient contre le sol. La jeune femme marchait vite au milieu de la foule des vendredis soirs de juillet, classique sur le quai du Train Bleu, gare de Lyon.

Elle était grande, avec une lourde chevelure à boucles rentrées qui battaient le col de sa veste courte cintrée et « épaulée », en grain de poudre noir, comme sa jupe. Gantée de noir aussi, un petit sac noir serré contre elle, elle précédait son porteur, chargé de deux valises de cuir estampillées d'une marque célèbre. Elle avait un visage très régulier de lionne, bouche pulpeuse, narines un peu ouvertes, yeux gris très maquillés sous des sourcils en arc. Le regard loin devant elle, l'air légèrement méprisant, elle s'avançait avec l'assurance de celles qui savent qu'on leur cédera toujours le passage.

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Pour mieux la regarder. Et pour laisser l'imagination courir sur sa silhouette...

D'ailleurs, depuis qu'elle s'était dégagée, d'un air excédé, des maladroits agglutinés autour des machines à composter, à l'entrée des grandes lignes, elle n'avait jamais eu à ralentir le pas. Dans la foule en jeans, chemisettes et tee-shirts, sa tenue, et le feu mouvant de sa chevelure presque cendrée, fai- saient l'effet d'une vision immatérielle, à la fois incongrue et ahurissante.

Un collier de perles à trois rangs brillait dans l'échancrure de sa veste de tailleur, portée à même la peau et laissant deviner le départ d'une combinaison rose pâle, finement brodée. Elle remonta son sac contre son buste d'un geste machinal, faisant un peu trembler la chair très blanche de sa gorge.

- Regarde, Jacky, murmura Georges Delahaye. C'est elle. Celui à qui il parlait était un petit gros transpirant dans son

uniforme marron d'employé des Wagons-Lits. Exactement le contraire de Georges Delahaye, plutôt beau garçon de sa personne. Grand et musclé, avec une tête de « tombeur » aux yeux noirs, bouche gourmande sur une mâchoire puissante. Et une vague ressemblance, surtout à cause du regard gouailleur, avec Jean-Paul Belmondo.

Jacky plissa les yeux. Il se mit à transpirer un peu plus. - Mince, avoua-t-il, elle est vachement classe. La blonde platinée s'avançait à une vingtaine de mètres

d'eux, princière, au milieu des retraités, des colonies convoyées par des monitrices athlétiques et des éternels faux hippies crasseux des quais de gare. Dans la masse de voyageurs en partance, il y en avait sûrement déjà plus d'une dizaine qui rêvaient de se jeter sur elle pour la violer,

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renversée sur les sacs en toile de jute des chariots de la Postale. Au fur et à mesure quelle avançait, il était de plus en plus évident qu'elle jouait, avec ses airs de ne pas y toucher, à provoquer les hommes autour d'elle.

Georges Delahaye se mordit les lèvres : là-bas, la jeune femme accélérait le pas. Dansante, la poitrine sautant sous le mince lainage de sa veste. Quand elle avançait une jambe, la jupe hypertendue dessinait aussitôt un triangle d'ombre entre les aines. Furieusement évocateur d'un autre triangle, de toison celui-là, qui coexistait sous le tissu avec celui qu'il voyait. Puis l'autre jambe avançait. Un nouveau triangle d'ombre se dessinait. Et le ventre de Georges Delahaye, 25 ans, employé des Wagons-Lits comme Jacky et qui ne « pensait qu'à ça », lui faisait de plus en plus mal.

- C'est la quatrième fois en deux mois que je la vois arriver, dit-il d'une voix sourde. Tous les quinze jours, toujours le vendredi, toujours par le Train Bleu.

Il se passa la main sur les lèvres d'un geste avide. - Et chaque fois, après le dîner, elle se tape un voyageur. Jacky s'esclaffa : - Tu en crèves d'envie, hein ? - Sûr, avoua Georges Delahaye. Il se crispa : - Ça ne va pas durer, crois-moi, les allumeuses... Il ne termina pas sa phrase. La voyageuse était arrivée à

sa hauteur, celle des Wagons-Lits de première classe. D'un geste négligent, elle indiqua à son porteur le numéro du wagon. Puis elle daigna se tourner vers Georges Delahaye.

– Bonsoir, fit-elle d'une voix de gorge, étonnamment basse pour une femme.

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En même temps, elle tendait son billet et sa réservation. Georges Delahaye attrapa les titres de transport d'une main qui se contrôlait : il sentait que sa paume devenait déjà moite, comme toujours quand il avait envie d'une femme. Celle-là, il en avait trop rêvé, depuis la première fois qu'il l'avait vue, ici même, toujours vêtue de noir et les cheveux au vent. Avec une violence dont il finissait par se demander pourquoi il se maîtrisait.

- Un problème ? murmura la voix lente de la voyageuse. Georges Delahaye agita son stylo bille. - Absolument pas, fit-il avec effort, tout est normal. Il fronça les sourcils. - Voiture 16, single 1 1 tout est en règle, récita-t-il. En même temps qu'il parlait, le côté déplacé de son

commentaire lui sautait aux yeux. Évident que tout ne pouvait que coller. Pourquoi y aurait-il eu une erreur ? Inimaginable, ou presque. Il s'en voulut, surtout parce qu'il trahissait son émotion devant Jacky, son collègue.

- Vous pouvez monter, fit-il d'une voix sèche. La voyageuse le fixa, subitement figée. - On filtre la clientèle, maintenant ? lâcha-t-elle avec un

éclair dans ses yeux gris. Il s'empressa : - Vous ne m'avez pas compris. Il sourit en essayant de paraître le plus professionnel

possible. - On a des ordres, vous comprenez.

1. Single : compartiment couchette où l'on est seul.

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Il rougit brutalement : une main gantée se tendait vers lui. Agitant un billet de 50 francs.

-Faites en sorte que je ne sois pas enquiquinée d'ici demain matin, ordonna la voyageuse.

Elle posa son escarpin de veau velours sur le marchepied. Georges Delahaye lutta pour ne pas chavirer : un peu plus haut que l'escarpin, une cheville incroyablement cambrée précédait un mollet à la fois dur et doux qui gonflait la trame arachnéenne du collant de nylon. Puis le genou, juste avant la jupe...

- Bien sûr, madame, murmura-t-il, laissez-moi vous aider. Il avançait le bras. Elle s'y appuya pour se hisser jusqu'à

la plate-forme. - Merci, daigna-t-elle prononcer une fois là-haut.

Maintenant, conduisez-moi jusqu'à mon single. Resté sur le quai, Jacky réprima un sourire ravi. La voya-

geuse extra dont Georges lui rebattait les oreilles depuis pas mal de temps était arrivée. Mais qu'est-ce qu'il avalait comme couleuvres, le Georges, pour avoir le droit de la croiser respectueusement dans l'intimité des couloirs du wagon-lit...

Il dut s'arracher vite fait à son rêve mêlé de satisfaction

jalouse : un couple de retraités nerveux glapissait de concert à son oreille. Il lui fallait bien s'occuper d'eux.

Georges Delahaye agita sa liasse de billets sous le nez de Jacky.

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- Regarde, fit-il, c'est son billet Paris-Monaco. Jacky se pencha : - Montre voir, fit-il. Il se concentra sur l'enveloppe fournie par l'agence de

voyages de la jeune femme et où le nom était inscrit. – Isadora Deschamps, articula-t-il, Isadora... Drôle de

prénom. Il se repoussa dans l'encoignure du couloir, l'épaule

heurtant la paroi intérieure. Le Train Bleu venait de démarrer. À 20 heures 45 précises, comme d'habitude. Sous leurs pieds, le cahotement métallique des boggies au passage de chaque intersection de rails. Dans le soleil rasant de ce soir de juillet, les faubourgs commençaient à défiler de l'autre côté des vitres du couloir.

- Elle est où, ta blonde en noir ? questionna Jacky en rendant les billets.

Georges Delahaye haussa les épaules : – Au wagon-restaurant. Elle y file toujours dès ses

bagages posés. Il rangea soigneusement ses billets dans un dossier. - Tout à l'heure, reprit-il, elle reviendra. Pas seule, avec un

type, levé pendant le dîner. Il détourna les yeux, crispant les mâchoires. - Et elle se l'enverra dans son single, murmura-t-il. Jacky lui planta l'index dans le flanc. - Hé, c'est ta femme ? fit-il. Georges Delahaye le fixa, interloqué. - Tu es dingue ? Ou tu veux dire quoi ? L'autre le fixa, goguenard. - Tu as l'air jaloux comme un mari.

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Georges Delahaye plissa les paupières autour de ses petits yeux durs de chien loup.

- Tu me payes une bouteille de champagne demain matin, à l'arrivée à Monaco, si je te prouve que je me la suis envoyée.

L'autre éclata de rire :

- Tu m'amuses, tiens ! Comment tu me le prouveras ? Georges Delahaye le fixa : - Et si elle te le dit, tu le croiras ? Jacky se passa la main sur le visage, insistant du côté des

ailes du nez, là où il transpirait le plus. – Faut reconnaître qu'elle n'est pas du genre à se laisser

forcer à raconter n'importe quoi. Il s'arrêta, tapant du poing droit dans sa paume gauche. -Non mais, c'est une histoire en bois, ton truc? Tu

débloques ou quoi ? Le grand brun prit une inspiration. - Non, Jacky, fit-il doucement, j'ai décidé que, cette nuit,

je me la tapais. Point à la ligne. Il se tourna vers l'extrémité du couloir, où la lumière du

jour tardif commençait à être supplantée par celle des appliques et des tubes. C'était là-bas que, tout à l'heure, Isadora Deschamps allait apparaître, retour du wagon- restaurant. Pour l'instant, il n'y avait dans le couloir que les éternels traînards de seconde classe à l'affût, cigarette aux lèvres, d'une aventure. Ou simplement crapahutant d'un wagon à l'autre pour frimer. Le train avait pris de la vitesse, vibrant de toutes ses vitres dans un accompagnement métal- lique de suspension de rails et d'aiguillages avalés par à-coups. Dehors, la banlieue et ses jardinets mêlés de pota- gers se raréfiaient, faisant place à plus de champs et de

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lisières de bois. De temps à autre, la voie, dans un tintamarre hurlant, suivait un bout d'autoroute, gommant de l'épaule des enseignes lumineuses de stations-service, mangeant des files de voitures mêlées à des poids lourds pour s'engouffrer sous des tunnels dont l'arrivée brutale clouait les tympans, rejaillissait dans les néons d'une ville illuminée par une fête et filait dans une pénombre agitée de signaux. Encore une gare de triage, puis une forêt, avalées très vite, et le calme d'un bord de berge où des barques de pêche se balançaient dans la dernière lueur du jour.

– Bon Dieu, murmura Georges Delahaye en virant du buste. La voilà.

Jacky pointa son museau gras hors de la cahute des employés. À l'autre bout du couloir du wagon-lit de première classe, une longue silhouette noire s'avançait en se tordant un peu les pieds sur ses talons hauts à chaque cahot du train. Quand Isadora Deschamps passait devant une vitre baissée, sa chevelure, sous le vent de la vitesse, lui balayait brutale- ment le visage. Elle laissait faire, attentive seulement à protéger de sa paume, dégantée, la braise de sa cigarette à embout doré. Derrière elle, un homme, la quarantaine, le costume léger classique, dans les tons gris-vert, du cadre supérieur qui descend rejoindre sa famille en vacances sur la Côte pour le week-end. Pas mal, grand, costaud, malgré l'estomac qui tendait sa chemise dans la veste ouverte. Un peu chauve, mais pas trop, le crâne peut-être un peu luisant. Isadora Deschamps jeta un œil distrait aux deux employés qui l'observaient, muets, au bout du couloir. Elle haussa imperceptiblement les épaules et entra dans son comparti- ment. L'homme la suivit. Pour ressortir aussitôt. Avec à la

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main la cigarette qu'elle n'avait fumée qu'à moitié et qu'il jeta dehors par la fenêtre du couloir entrouverte sur la nuit maintenant venue.

Georges Delahaye soupira : - Bon, fit-il, on a tout réglé, non, côté passagers ? Jacky tapota la liasse de billets et de réservations. - Oui, dit-il, j'ai toutes les heures de réveil. Delahaye se pencha sur lui. – Alors tu vas dormir, dit-il sur un ton sans réplique.

Retourne à ton T2.

Jacky l'observa. - Et toi ? hasarda-t-il.

Georges Delahaye haussa les épaules. - T'occupe, j'ai encore du travail. Ciao. Docile, Jacky s'en alla vers le wagon dont il avait la

charge, le deuxième dans le sens de la marche.

Nerveusement, Georges Delahaye observa le cadran de sa Kelton. 23 heures 25. Tout se présentait dans les temps. Pas de chance qu'il y ait foule dans le couloir. Bien sûr, toujours la possibilité d'un insomniaque en mal de promenade. Mais ça n'était pas grave. Il aurait le temps de voir venir. Il alla doucement jusqu'au milieu du wagon. Attiré comme par un aimant par le single numéro 11. Arrivé devant, il se figea : la porte métallique du single n'était pas fermée. Entrebâillée, elle laissait apparaître un étroit rai de lumière. L'employé hésita, puis avança la tête.

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Une onde de chaleur lui parcourut le ventre. L'ouverture était assez large pour qu'il voie le spectacle offert à l'intérieur. Une femme en train de faire l'amour avec un homme.

Georges Delahaye se rejeta aussitôt en arrière, rouge : le regard de la voyageuse avait croisé le sien.

Isadora Deschamps remua les épaules dans un lent rire de gorge.

- Qu'est-ce que ça peut te faire ? dit-elle. C'est juste un employé.

Dans ses bras, l'homme eut un nouveau sursaut. - Quand même, murmura-t-il. C'est un voyeur, non ? Elle planta ses ongles dans son dos. - Je t'ai prévenu. J'aime qu'on me regarde. Si tu ne veux

plus, va-t-en. Elle rit.

- Crois-moi, il te remplacera, et tout de suite. Elle murmura, cruelle : - Il n'est pas mal, je trouve. L'homme réprima un juron. - Ça va, fit-il d'une voix tremblante, je marche. Pour marcher, il marchait. La fille levée au wagon-restaurant

sur invite directe de sa part était quelque chose de proprement génial dans le genre « libéré ». D'abord, elle ne lui faisait pas face. Et c'est elle qui avait exigé la manière, se couchant à plat ventre sur ses bagages.

- Trousse-moi, avait-elle dit.

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Il n'avait pas compris tout de suite. Elle avait éclaté de rire.

- Soulève la jupe, idiot ! avait-elle insisté. Il avait obéi, sidéré : à peine la jupe retroussée, la fille

avait d'elle-même dégagé ses fesses et ses cuisses du collant de nylon qu'elle portait. Après elle avait déboutonné sa veste de tailleur et sorti ses seins, en se soulevant sur les coudes dans le cuir crissant de sa valise. Maintenant, elle était offerte, nuage de cheveux blonds platinés croulant autour d'elle, cuisses ouvertes sur une fourrure incroyablement drue pour une blonde, et seins pesant entre ses coudes. Le visage se tordait vers lui pour chercher ses lèvres. Les yeux le fixaient, presque insultants à force de provocation.

- Comme tu veux, grogna Isadora. Fais réellement comme tu veux.

Elle grimaça, se mordant les lèvres presqu'au sang. – J'en étais sûre... C'est toujours pareil..., murmura-t-elle

quand il eut plongé totalement dans ses reins. L'homme serpenta de la nuque vers la porte. Dans

l'entrebâillement, les yeux avides de l'employé revenu... - Non, geignit-il, je n'ai jamais fait ça devant quelqu'un. Il rit nerveusement.

- Et puis quoi ? Je n'en ai rien à f... après tout. Isadora Deschamps mordit le cuir de sa valise : l'inconnu

rencontré au wagon-restaurant la labourait avec une vigueur de locomotive. Elle lâcha un gémissement heureux.

- Qu'est-ce que c'est bon de faire l'amour ! conclut-elle placidement.

Dans le mouvement qu'elle fit, elle frôla vivement la joue de l'homme avec le dos de sa main. Il poussa un cri

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étouffé en portant la paume à sa joue. Il la retira, tachée d'un peu de sang.

- Tu m'as griffé avec ta bague, fit-il, presque furieux. Elle observa, sourcils froncés. - C'est vrai, et drôlement, constata-t-elle d'un ton

légèrement ironique. Elle examina sa bague sertie de petits diamants, elle était

en or blanc taillée à la forme du signe des Gémeaux du Zodiaque.

Il se tamponnait la joue avec son mouchoir, l'air toujours buté.

– Allez, murmura-t-elle, n'en fais pas une histoire, ça guérira. Viens, on recommence.

Elle s'était complètement retournée, offrant dans l'échan- crure de sa veste sa poitrine jaillie hors de la combinaison de dentelle rose.

- Eh bien, fit-elle, déçue, tu ne continues pas ? L'homme rabaissa son mouchoir. - Mais, fit-il, tout de suite ? Elle s'allongea confortablement sur le dos, cuisses

ouvertes. Les cahots du train la secouaient, faisant vibrer la chair de ses cuisses autant que celle de ses seins.

- Tout de suite, dit-elle, amusée, sinon, il y a un remplaçant. Il se rappela subitement la présence du voyeur en

uniforme de la compagnie des wagons-lits. - Ah non, gémit-il, dessaoulé. C'est trop. Elle battit des cuisses l'une contre l'autre. - O.K., fit-elle, alors, va faire dodo. Il se sentit verdir.

- J'ai horreur des femmes qui commandent, grogna-t-il.

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Elle éclata de rire :

- Tiens donc, le joli monsieur qui se fait lever... Il agita son mouchoir, menaçant : - J'ai horreur qu'on se fiche de moi ! Elle éclata de rire :

- Si tu te voyais, avec ton estafilade ! Tu es réussi... Il leva la main, prêt à gifler. Elle se recroquevilla contre la

paroi, cherchant au jugé la poignée du signal d'alarme. - Je tire si tu ne te tires pas, dit-elle posément. Elle rit encore :

- À moins que tu redeviennes un homme. Il se tortilla, les yeux hors de la tête. – Mince alors, murmura-t-il pour lui-même, elle est

vraiment folle.

Il se passa la main sur le crâne. Avec le sourire en coin de celui qui a trouvé un moyen de s'en sortir.

– D'accord, calme-toi, chuchota-t-il en se rhabillant. Je m'en vais.

Elle le regarda s'éloigner vers la porte sans un mot. - Merci quand même, fit-il. Elle rit :

- Salut. Ton remplaçant s'impatiente. Georges Delahaye s'effaça professionnellement au

passage de l'homme. Celui-ci s'en alla, cahotant dans le

couloir, son mouchoir de nouveau pressé sur sa joue. Le contrôleur réprima un sourire : l'autre était d'un ridicule achevé. Georges Delahaye attendit quinze secondes, le temps de le laisser disparaître au bout du couloir. Ils n'avaient pas échangé un seul regard et pourtant, entre eux deux, vis-à-vis de la fille offerte dans son single, il y avait

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une complicité évidente : Toi, le premier... Moi le deuxième...

Il entra, la gorge un peu serrée malgré tout. – Nous sommes des vieilles connaissances non ? ironisa

Isadora Deschamps en se tortillant sur ses bagages. Georges Delahaye fonça avec un grognement de bête. – Juste une chose, murmura-t-il. Un pari... Si je vous

satisfaits, demain... Elle l'attira, la bouche contre sa gorge. – Tu sens bon, murmura-t-elle. On parlera de ton

problème après. Pour l'instant... Il la contempla, les yeux exorbités. Dépoitraillée, la jupe

relevée jusqu'aux hanches, son collant roulé sur ses chevilles, elle était d'une provocation à hurler. La princesse des quais de gares, hautaine et snob, transformée en femelle offerte qui plante son regard hardi dans celui du mâle.

Dans les lumières brutales d'une gare que le train traver- sait dans un vacarme assourdissant, il aperçut les éclairs multiples de la bague.

Il eut un sourire rapide. - Tu l'as griffé avec ça ! jeta-t-il, la tutoyant avec un natu-

rel qui l'étonna aussitôt. Mais pas longtemps : on ne vouvoie pas une femme dans cette tenue, même celle-là...

– À peu près, fit-elle en avançant les bras. T'occupe. Viens.

Elle lui dit ce qu'elle voulait de lui avec des mots d'une crudité absolue. Il fonça.

Dans le désordre de ses vêtements, la voyageuse offrait de larges plages de chair laiteuse, ronde et douce, que Georges

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Sur un tabouret, de l'autre côté, un sablier de cristal. À la place du sable, des diamants.

- Dès que la centrifugeuse démarre, expliqua Suleïman Al Hassan, je retourne le sablier, les diamants tombent au rythme d'un toutes les minutes. Plus tu tiendras, plus tu auras de diamants, et maintenant, descends.

Il la poussa vers le trou. Puis il se retourna vers les autres et claqua dans ses doigts. Un serviteur apparut, poussant une table roulante chargée de melons, de pommes, de tomates, de bananes, d'oranges. Mais aussi de sachets gonflés à craquer.

- Allez-y, tous, glapit-il en actionnant le moteur électrique. Tirez sur elle. Chaque coup au but, c'est un diamant. Les sachets, c'est de la farine, du lait en poudre, du chocolat en poudre, ou de l'eau. Vous verrez, tout va exploser. Ça fera du béton.

Il se tapa sur les cuisses au-dessus de la centrifugeuse. Déjà, Virginia Cook était plaquée à la paroi, hagarde, grotesquement tordue de côté.

Boris Corentin s'enfonçait les ongles dans les paumes à se blesser. Torturé par un dilemme de plus en plus tragique. Il était évident qu'il avait affaire à un fou. Seulement, le fou était le fils d'Hadj Adel. Fou criminel, auquel (il en était sûr maintenant). Francesca Visconti, traînée un jour ici, devait sa mort atroce. Mais fou hors des lois, d'une certaine façon. Il se recula, cherchant désespérément quoi faire pour arrêter le massacre. Surexcités, ayant définitivement perdu tout contrôle d'eux-mêmes, les « invités » bombardaient la

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malheureuse de toutes leurs forces. Déjà, une seconde table roulante était arrivée. Dans la centrifugeuse lancée à toute vitesse, Virginia Cook, la « tricheuse » était devenue bien incapable de décider l'arrêt de son supplice. Au-dessus d'elle, dans le sablier diabolique, les diamants qu'elle gagnait s'écoulaient un à un, s'amassant dans la partie basse. Elle n'était plus qu'un corps tordu. La bouche grande ouverte, yeux exorbités... Un corps qui disparaissait peu à peu sous un affreux mélange de fruits explosés, de farine, de chocolat, de poudre de lait agglutinés par les « bombes à eau ».

Le jeu de la « bétonneuse ». Corentin cherchait de l'aide, désespéré. Isadora... Elle

s'était affalée par terre et vacillait, les yeux dans le vague. Cécile dévorait une pomme, assoiffée après trop de lou- koums... Il attrapa au vol le regard de François Ibn Yussef. Le seul conscient avec lui et les domestiques. Mais eux, c'était leur place qu'ils auraient risquée en se révoltant. D'ailleurs, ils riaient aussi maintenant, se mettant au jeu avec leur maître.

Ibn Yussef sentit le regard de Corentin. Celui-ci accentua. « On ne peut pas laisser ça continuer », télégraphiaient de nouveau ses yeux noirs.

Il se concentra sur le bouton d'arrêt du cylindre, et se dirigea vers lui. L'Égyptien fut plus rapide que lui. Il plongea vers le bouton et le pressa. La « bétonneuse » couina et commença à ralentir.

Fou de rage, Suleïman Al Hassan se jeta sur le bouton et le remit en action. Son homme de main, alors, le repoussa.

- Ibn el manika, hurla le prince.

1. Fils de pute.

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Il s'arrêta : Ibn Yussef venait de le gifler. Corentin se jeta sur le module de commandes et arracha les fils. La centri-

fugeuse ralentit encore, s'arrêta. Virginia Cook se décolla lentement du magma de « béton » où elle avait été collée, sur la paroi, et s'abattit, inerte, au fond de la centrifugeuse.

- Et voilà, se dit Corentin, blanc. Tout le secret est là... L'année dernière, Francesca Visconti avait sûrement été

« assassinée » de la même manière. Et la loi du silence avait

joué, comme elle s'apprêtait à jouer ce soir si jamais l'Anglaise ne pouvait pas être ranimée.

Il se releva, cherchant le Saoudien des yeux. Il n'eut pas le temps de le localiser. Un feu d'artifice explosa dans ses rétines. Une douleur atroce dans la nuque, puis ce fut le noir.

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CHAPITRE XX

Aimé Brichot écarta les rideaux de sa chambre.

- Nom de Dieu, tempêta-t-il, déjà l'aube et Boris n'est toujours pas rentré.

L'aube, le délai fixé par sa flèche. Tout tournait mal. La veille, il n'avait pas vu revenir

Angela Visconti. Sûrement, elle l'avait remarqué et elle était partie.

Professionnellement, une faute, jugeait-il. Il s'en voulait et s'accusait. Sa nuit passée à attendre avait exacerbé ses réac- tions. Et brouillait son jugement. Boris, toujours absent... Sans nouvelles... Que s'était-il passé ? Il ne comprenait pas. Et les reproches qu'il se faisait reprenaient de plus belle. Il en était presque à se trouver responsable de tout. L'imbroglio de l'enquête, les problèmes où Boris devait se débattre seul.

Il enfila machinalement sa veste. Blanc, épuisé. Il avait passé sa nuit à attendre, sans se coucher, arpentant la chambre, fumant sans arrêt. Il serra les dents :

- Je dois en avoir le cœur net, décida-t-il en sortant dans le couloir.

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Devant l'entrée de la tour de l'avenue La-Costa, il les

reconnut tous qui sortaient dans le petit jour, hagards, vacillants. Les joueurs de la table de chemin de fer du casino, la veille. Le Milanais et sa femme, l'autre Italien et son petit ami. L'Américain géant mâchouillant un bout de cigare comme un gosse tire sur sa tétine. L'Anglaise, yeux cernés, flageolante, effroyablement pâle. Et les deux jumelles, la fausse brune et sa sœur blonde.

Il se précipita sur Isadora. - Où est Boris ? fit-il.

Isadora le regarda avec l'air à la fois attentif et hagard de ceux qui commencent à dessaouler. Comme les autres, elle avait quelques diamants en poche. Perdus au jeu, mais distribués quand même par le prince. Pour prix du silence...

Elle éclata de rire et le repoussa. Sans ménagements, il la retint par le bras. - Boris ? cria-t-il presque. Où est-il ? Elle vacilla, les deux paumes serrées contre ses tempes. - Il est là-haut, balbutia-t-elle. Je ne sais pas, moi...

Assommé, je crois... Elle s'arracha à lui, plongeant dans un taxi en maraude qui

s'était arrêté à sa hauteur. Brichot se jeta sur les autres. En vain. Rien à en tirer. Il fonça vers l'entrée.

Deux gorilles à moustache l'arrêtèrent. - On ne passe pas, prononça l'un deux en mauvais

français.

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- Comment, on passe pas ? fit Brichot pour lui-même. C'est ce qu'on verra !

Il s'éloigna pour se donner un temps de réflexion. Leur mission n'était pas officielle, Charlie Badolini ne les couvri-

rait pas. Aucun espoir de ce côté. Il fallait donc agir comme une barbouze sans souci de la légalité, oubliant la dentelle.

Plus facile à dire qu'à faire.

Le cerveau de l'inspecteur travaillait sous pression. Pour

pénétrer dans l'immeuble, il lui fallait un complice. Où en trouver à cette heure ? Les rues étaient désertes, seules

quelques rares voitures roulaient encore avec des couche-tard

impénitents. Rien à tirer de ces gens-là.

Au loin, il aperçut un taxi libre, une Mercedes diesel

beige. Aussitôt un plan prit forme dans sa tête. Il héla la voi-

ture et, quand elle s'arrêta à sa hauteur, il se pencha vers le

chauffeur, un petit brun aux lèvres minces comme des traits

et exhiba ostensiblement plusieurs gros billets de son

portefeuille.

Les yeux du Monégasque restèrent fixés sur l'argent

pendant que Brichot lui parlait. Quand l'inspecteur se tut, le chauffeur inclina la tête et saisit les deux billets de 100 F

qu'on lui tendait.

- Vous voyez, c'est facile. Il y en aura un de 500 F, conclut Brichot, si vous faites bien ce que j 'a i dit.

Le taxi démarra, tourna à gauche pour faire un crochet

derrière la tour d'Al Hassan. Brichot allait prendre l'avenue

La-Costa dans le sens opposé. Il fit demi-tour, le cœur

battant. À cinquante mètres des deux gorilles du Saoudien, il s'arrêta et chercha refuge dans une encoignure de porte. Il ne

lui restait qu'à attendre l'arrivée du taxi. Enfin la Mercedes

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beige apparut au coin de la rue, roulant lentement comme si le chauffeur cherchait un numéro. Puis le taxi s'arrêta tout à

fait à quelques pas de l'entrée de la tour, recula, avança de nouveau. Méfiants, les deux gorilles suivaient ses manœuvres. Brichot avait déjà quitté sa cachette et s'appro- chait sans bruit. Le chauffeur interpella les deux hommes qui secouèrent la tête. Le petit brun sortit de sa voiture, se mit à gesticuler. Sa voix se fit d'abord insistante, puis de plus en plus forte. Il attendait un client important, pas question qu'il s'en aille. Les gardes se regardèrent : que faire pour s'en débarrasser ?

L'un d'eux s'approcha, menaçant : - Partez, tout le monde dort ici. -Pas question ! J'attends mon client ou je fais un scan-

dale !

Le garde le saisit par l'épaule pour l'obliger à regagner sa voiture. Le chauffeur se débattit, indigné. Le deuxième gorille décida de prêter main-forte à son collègue. Brichot n'était plus qu'à quelques mètres de l'entrée de la tour mais personne ne fit attention à lui. Au moment où la confusion était à son comble, Brichot glissa dans l'immeuble.

Seul le chauffeur l'avait vu. Il s'arrêta net.

- Mon argent ! hurla-t-il, sincère cette fois, et voulut se précipiter après Brichot pour réclamer son dû.

Exaspérés, les gardes le soulevèrent du sol, le portèrent sans ménagement à sa voiture. Quand le Monégasque fut installé, tant bien que mal derrière le volant, ils sortirent chacun leur arme. Des Colt 45. Le chauffeur comprit enfin qu'il avait définitivement perdu l'espoir d'obtenir les

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500 F promis et démarra, quittant les lieux aussi vite que possible.

À l'intérieur de l'immeuble, Brichot se dirigea immédia-

tement vers l'ascenseur et pressa le bouton d'appel. Deux

portes s'ouvrirent aussitôt. Il entra. Il pressa un autre bouton, le dernier en altitude. Boris avait dit en lui montrant la tour :

« Là-haut, on dirait exactement les jardins suspendus de Babylone. »

En se réveillant, Boris Corentin eut une surprise pénible. La réalité était infiniment moins agréable que le rêve auquel elle l'avait arraché : il nageait voluptueusement dans une chaude piscine tropicale, avec des filles faisant des présentations de mode autour de lui sur la margelle...

La réalité, elle, pouvait se décomposer en cinq points. Une nuque douloureuse. Des poignets ligotés dans le dos.

Un ventre aplati sur le sol. Une impression de dégoût violent dans la gorge. Et un personnage hostile, pour ne pas dire plus, en face de lui : Suleïman Al Hassan, assis dans une ber- gère imitation Louis XV, verre de vodka-orange à la main, et le fixant avec une haine franche et massive. Un rayon de soleil l'encadrait, rendant encore plus cruel son visage, bouffi par l'alcool de la nuit, blanc, suintant, avec une barbe dure qui lui mangeait les joues.

- Vous êtes parfait, Monsieur l'inspecteur, fit le Saoudien avec un humour gelé. Puisque vous suivez si bien ma voiture

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conduisant au musée mon collaborateur, vous allez le

rejoindre, et tout de suite...

Corentin occupait une moitié du fond de la « bétonneuse » et François Ibn Yussef, l'autre. À plat ventre tous les deux. Et saucissonnés étroitement.

- Il y a des endroits nettement plus agréables à Monaco, vous ne trouvez pas ? fit aigrement Corentin.

L'Égyptien esquissa un sourire forcé. - Bravo quand même, reprit Corentin d'avoir jeté votre

démission à la tête de ce salaud. Parce que votre geste huma- nitaire avec l'Anglaise, c'était une façon de rendre votre tablier, non ?

L'Égyptien se tortilla pour changer d'épaule. Le contact du fond rugueux de métal, subi depuis longtemps, lui mâchait la chair.

- Qui êtes-vous au juste ? interrogea-t-il. - Un flic, lâcha posément Corentin. L'autre réprima un frémissement. Corentin s'expliqua. Sur tout : les raisons de son enquête,

Francesca...

- J'ai compris cette nuit, corrigea-t-il. Le tueur, ce n'était pas vous. Quoiqu'en ait cru la mère. Le coup classique. Vous avez racolé la fille pour une partie. Dans son esprit, c'est vous qui l'avez tuée.

L'Égyptien transpirait :

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- Je ne me doutais pas de ce qui allait se passer, fit-il d'une voix sourde. La « bétonneuse », c'était la surprise de la soirée. Francesca y est descendue en riant.

Il se détourna.

- Elle a mis longtemps à mourir. La force centrifuge a fait éclater ses organes...

- Elle a dû souffrir atrocement avant de mourir, frémit Corentin.

Il se tordit lui aussi.

- Mais depuis, il a recommencé le supplice avec d'autres ? L'Égyptien secoua la tête. -Non, jamais. Le coup de la «bétonneuse», c'est la

première fois qu'il le recommence. Pourtant, il m'avait juré...

Il essuya contre le métal son front où perlait la sueur. - Le prince me mentait, bien sûr. Il avait condamné cette

pièce, m'avait-il dit... Il se tut. Là-haut, au-dessus du trou, Suleïman Al Hassan

venait d'apparaître. - Vous allez « tourner », dit-il. Ça va faire un beau manège

dans vos viscères. Corentin le fixa :

- Ne faites pas de bêtises. Vous vous condamnez. Réfléchissez !

Le visage aux yeux injectés du Saoudien se pencha et un verre de vodka-orange explosa au ras de la nuque de Corentin, le manquant de justesse.

- Chien infidèle ! cracha Al Hassan. Je suis au-dessus des lois.

Il ricana.

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-Dommage pour toi. Tu ne seras plus là pour vérifier combien je dis vrai.

Aimé Brichot observa le garde lui faisant face, de l'autre côté de la porte de l'ascenseur qui venait de s'ouvrir. Pendant une fraction de seconde, une boule de panique monta dans sa gorge. Il serra les mâchoires à s'en casser les dents.

Il s'approcha doucement, jarrets tendus, bras repliés le long du torse. Sans un mot, il se jeta en avant. Ceux de la Mondaine savaient que le petit chauve aux lunettes cerclées d'or et à la tenue impeccable était beaucoup moins inoffensif qu'il en avait l'air. Souvent ses collègues en imposaient rien qu'avec leur stature et leur mine déterminée. Brichot, lui ne faisait jamais peur à personne. Son arme à lui était la surprise. La surprise et une détente extraordinaire.

Tout se passa très vite. Le garde du corps, énorme, mus- culeux, écarquilla les yeux. Un petit bonhomme, maigre et pas tout jeune, fonçait sur lui. Il ouvrit la bouche pour éclater de rire. La manchette d'Aimé Brichot lui referma la

mâchoire dans un claquement sec. Il se cabra, étonné. Puis se recourba aussitôt en avant, la nuque cinglée d'une seconde manchette en revers. Il s'endormit, le nez écrasé sur le marbre du hall.

Satisfait, Aimé Brichot contemplait le colosse assommé. Son attaque avait été parfaite et il regrettait d'avoir eu à l'exé- cuter sans un public de connaisseurs. En quoi il se trompait lourdement ; la scène avait eu au moins un témoin. Brichot le

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comprit trop tard quand il éprouva un éblouissement douloureux venu de la nuque.

Le deuxième garde, prévenu par la caméra de contrôle et qu'il n'avait pas entendu arriver, se pencha, l'attrapa par le col et se mit à le traîner jusqu'au bord de la centrifugeuse... Suleïman Al Hassan posa son pied sur la nuque d'Aimé Brichot et appuya.

- Descendez-moi ça aussi au trou, fit-il avec une négligence affectée. Jamais deux sans trois, non ?

Il rit, tendant l'index vers le module de commande, bricolé. Mais « opérationnel ».

Boris Corentin avait l'impression que son corps se trans- formait en plomb. Un atroce plomb charnel torturé où le sang cognait lourdement. Dans ses tempes. Dans ses vis- cères. Dans ses poumons. Il était plaqué de dos contre la paroi du cylindre tourbillonnant à pleine vitesse. C'était comme si ses yeux voulaient rentrer dans son crâne. Sa langue s'enfonçait dans sa gorge. Sa salive était devenue brûlante au fond de sa gorge. La puissance de la force centrifuge avait affolé son cœur qui battait dans sa poitrine au rythme d'un moteur en surrégime. Ses idées s'obscurcis- saient, ses rétines n'étaient plus que des champs d'explo- sions lentes et éblouissantes. Une atroce souffrance lui

vrillait chaque fibre de son corps. Il lutta pour tourner la tête vers Brichot. Il aperçut

d'abord une ombre livide, une tête de mort aux joues effroyablement creusées, aux yeux enfoncés dans des cernes noirâtres. François Ibn Yussef, les narines déjà pincées. Derrière, un autre visage monstrueux de supplicié : Aimé Brichot...

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- Mon Dieu, se dit-il, cette fois, c'est la fin... Il hurla. Sans retenue. Secoué de décharges terrifiantes. Le

cylindre freinait. Et la force centrifuge, en s'en allant, en redéclenchant le circuit sanguin, provoquait des douleurs encore plus épouvantables.

Pour la première fois, la bergère Louis XV qu'affection- nait Suleïman Al Hassan supportait un être humain digne de sa beauté. Le vieil Hadj Adel était magnifique, princier. Il avança la main vers Corentin. Celui-ci avait du mal à se tenir debout. Les bras vrillés dans les flancs, il haletait, comme Aimé Brichot et l'Égyptien à côté de lui.

Hadj Adel donna des ordres rapides, on installa Corentin, Brichot et Ibn Yussef dans des fauteuils. Il les laissa reprendre leurs esprits. Corentin se redressa le premier.

- Merci, fit-il avec effort. Que s'est-il passé ? Le vieux cheik sourit :

– Je vais vous expliquer fit-il sombre. Vous allez tout comprendre.

Il avait reçu une première lettre d'Angela Visconti trois mois plus tôt, chez lui, en Arabie. Une lettre qu'il avait cru écrite par une folle, au début. Il y avait de quoi. Avec des phrases rageuses, la vieille monégasque lui racontait une histoire ahurissante : elle avait une fille, aide-laborantine dans un atelier de photos, qui était morte mystérieusement massacrée après avoir été séduite, affirmait-elle, par un

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dénommé François Ibn Yussef. L'homme de main de son fils... D'abord, il n'y avait pas prêté attention, croyant à la démence...

Puis une seconde lettre était arrivée. Avec des photos celle-là. Des photos atroces. Son fils, Suleïman, nu, avec des filles...

- J e vois, murmura Corentin, Francesca avait pris des photos de scènes spéciales. Elle les avait rangées chez elle. La mère a fini par les retrouver...

- Exactement, poursuivit le vieux cheik. Il eut un éclair dans les yeux : - Comprenez, reprit-il, chez nous, nous n'avons pas la vie

dévergondée de l'Europe... J'ai eu peur, j'ai vu mon fils pourri par son secrétaire... Mais j'ai encore cru que ce n'était pas vrai, malgré l'évidence. Il a fallu une deuxième série de photos, cette semaine, pour que je me décide.

Il vacilla.

- Des photos encore plus atroces que les précédentes. Alors j'ai décidé de venir. Mon avion m'a conduit jusqu'à Nice. Et de là, un hélicoptère...

Il eut un bref sourire amer.

- Pour venir chasser François Ibn Yussef, fit-il. Idiot que j'étais. Je croyais que c'était lui, le monstre.

Il tourna la tête vers son fils, effondré dans un coin. - J'ai maintenant compris qui était le vrai monstre. Il se voûta.

- Avant de venir ici, j'ai été trouver cette vieille dame. Je ne sais pas si j'aurai le courage, tout à l'heure, d'aller lui révéler la vérité. Et pourtant, il le faut. Elle a droit à la vérité : l'assassin de sa fille, c'est mon fils...

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Il se prit la tête à deux mains, puis se redressa, tendant le bras vers Corentin et Brichot.

- Messieurs les inspecteurs français, je crois deviner tout ce que vous allez me dire.

- Oui, dit Corentin. Francesca Visconti était française, aussi. Le regard du vieillard se durcit.

- Justice doit être faite et les lois de l'Islam sont justes. Mon fils sera jugé selon les lois qui sont les siennes.

Le vieux cheik se tut un instant puis reprit : - Nous respectons vos autorités. Dites-leur, s'il vous plaît,

que je veux simplement user du seul langage que comprenne mon fils. Le langage du Prophète.

Un long silence accueillit ses paroles. Il fut finalement rompu par Boris qui se levait.

- Je vais téléphoner à Paris et en parler à mes supérieurs. Presque imperceptiblement le vieux Hadj Adel inclina le

buste :

-J'attends votre réponse. Monsieur l'inspecteur.

À l'autre bout du fil, quand il eut tout entendu. Charlie Badolini soupira :

- Corentin, fit-il, laissez tomber. Vous comprenez pour- quoi...

Corentin raccrocha et se tourna vers Hadj Adel. - Tout est réglé, dit-il. Il se fouilla.

- Au fait, j'oubliais, ceci vous appartient.

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Une petite dizaine de diamants atterrirent sur la table. Hadj Adel hocha la tête :

- Éloigne-toi de ton sang, car il finira par te salir. Boris le regarda surpris. - C'est un proverbe arabe, dit le vieux cheik. Quand le fils

a déshonoré son père, il faut s'en éloigner. Cela veut dire aussi, ajouta-t-il après une pause, qu'un étranger peut être meilleur fils...

Tout le monde avait ressenti le courant de respect mutuel qui s'était établi entre le jeune policier de Paris et le vieux sage du désert.

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CHAPITRE XXI

Accablé, Brichot sortit des toilettes de l'aéroport de Nice.

- Non, dit-il dans sa moustache, il y a quelque chose qui ne va pas sur le Riviera.

Dans les toilettes des hommes, il était tombé sur ce spec- tacle inimaginable : une très belle jeune femme blonde accroupie, collier de chien au cou, robe relevée. Un homme, jeune et beau, la tenait en laisse...

Il se heurta à une autre blonde et blêmit. L'Américaine à la bouteille de Dom Pérignon. Celle qu'il avait doucement bercée dans ses bras, la veille, à l'aube.

- Pleased to meet y ou, fit-il avec un petit geste timide. Elle vint tout près de lui.

- J ' a i une dette envers vous. Vous vous êtes comporté en vrai gentleman avec moi. L'avion pour Paris a du retard. Profitons-en...

1. Ravi de vous rencontrer.

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Toujours aussi gentleman, Brichot lui fit observer que le vol pour Paris, précisément, venait d'être annoncé pour embarquement immédiat...

- Boris, fit-il en arrivant devant les guichets d'embarque- ment, l'Américaine me poursuit.

Corentin éclata de rire :

- Mémé, gronda-t-il, et alors ? Ça te gêne ? Brichot se dandina, mangeant sa moustache avec les dents

du bas.

- Non pas vraiment, mais je n'ai pas l'habitude. Corentin le poussa en avant. - T'affole pas. Tu vas retrouver Jeannette, elle mettra bon

ordre à tous tes problèmes.

Georges Delahaye poussa son collègue du coude. - La voilà, fit-il, radieux, je te l'avais bien dit. Sur le quai de la gare de Monaco, Isadora Deschamps

s'avançait devant son porteur, dans son tailleur noir strict. Cheveux au vent, superbe, princière.

Elle tendit sa réservation au contrôleur des Wagons- Lits.

Georges Delahaye s'inclina, très professionnel. - Bonsoir, Madame. Elle le fixa d'un œil lointain, comme s'il n'existait pas. Il sourit intérieurement.

- Fais toujours la fière, pensa-t-il. Et à tout à l'heure, ma belle...

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Il examina avec un petit creux de plaisir à l'estomac le mollet qui s'arrondissait devant lui, sous la jupe, tandis qu'Isadora montait sur le marche-pied.

Charlie Badolini avança doucement vers son bureau Empire l'exemplaire de Paris-Match.

- Ça s'appelle un scoop', non ? En trois photos, artistement mises en pages, on voyait

l'exécution, au sabre, sur une place publique de Riyâd, capi- tale d'Arabie Saoudite, d'un dénommé Suleïman Al Hassan, 30 ans. Le sabre, expliquait la légende-photo, était en or, comme toujours pour les descendants du Prophète. Le supplicié, dont le dernier cliché montrait la tête à deux mètres du corps dans le sable, était le fils d'Hadj Adel, 71 ans, troisième personnage de l'État.

On ne savait pas la raison de l'exécution... Charlie Badolini alluma une Celtique. Il roula des yeux en

se penchant vers Boris Corentin. - Au fait, dit-il, vous avez des nouvelles des jumelles ? Corentin fit non de la tête.

- Moi si, articula doucement le chef de la Brigade mondaine. Si ça peut vous intéresser, pour un prochain week-end. Elles sont retournées à Monte-Carlo.

Corentin sourit :

1. Coup journalistique, exceptionnel de rapidité et de réussite.

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- Patron, vous êtes gentil, mais des jumelles comme ça, c'est trop cher pour moi.

Charlie Badolini s'inonda d'un nuage de fumée grise, en se rejetant dans son fauteuil du Mobilier National.

- Je ne voudrais pas vous accabler, marmonna-t-il, je sais que vous êtes fatigués, tous les deux. Le marché des missiles et le marché pétrolier sont sauvés, grâce à vous. Voilà un premier point. Mais il reste le second : pensez vite à me faire ce blanc, dont nous avons parlé, vous vous rappelez ?

Corentin agita la tête - Bien sûr, Patron. Nous n'avons pas oublié. Vous l'aurez

votre blanc. Et tout à l'heure.

- Croyez-vous qu'il nous soit permis d'y ajouter une conclusion à laquelle nous tenons beaucoup, l'inspecteur Brichot et moi-même ?

- Je vous écoute, articula Charlie Badolini, sur la défensive. Corentin se tourna vers Brichot qui souriait, l'œil allumé

derrière ses verres.

- Vous ne voudrez jamais, Patron, reprit Corentin, et je plaisante, comme vous vous en doutez. Mais, à vous, je peux quand même la donner cette conclusion. Elle est simple.

« Il y a eu une morte de vingt ans. Torturée. La police n'a rien fait pour la venger. D'accord. Francesca Visconti a été la victime de ses propres erreurs, mais à vingt ans, on a quand même le droit au pardon. »

Il planta ses yeux noirs dans ceux de Charlie Badolini. - Rendez-vous compte, il a fallu qu'une petite vieille têtue

joue le rôle du grain de sable dans la complicité générale du silence pour que le coupable soit finalement châtié ! Belle leçon de modestie pour nous tous, vous ne trouvez pas ?

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Le chef de la Brigade mondaine ralluma une Celtique. Contracté.

- Corentin, fit-il doucement, je sais tout cela, croyez-le bien. Il sourit, tristement. - Notre métier n'est pas toujours facile. Boris Corentin ne répondit pas. - E t cette vieille dame, reprit Charlie Badolini, elle sait

tout, bien sûr. - Oui, approuva Corentin. Nous l'avons vue, avant de

partir. Sa réaction a été celle que nous attendions. « Parfait, a-t-elle dit simplement, justice est faite, je n'en souhaitais pas plus. » Nous lui avons demandé si nous pouvions l'aider. Elle a secoué la tête : « Merci, a-t-elle répondu, très droite, je n'ai plus besoin de rien, maintenant. »

Boris Corentin huma l'air chaud de Paris sur le trottoir du

quai des Orfèvres.

- Mémé, fit-il, tu sais ce qui me chagrine le plus dans toute cette affaire ?

Brichot se gratta la moustache.

- De toute façon, tu vas me le dire, remarqua-t-il, ironique. Alors, pourquoi chercher ?

Corentin admit d'un sourire rapide.

- C'est vrai. Alors je vais te le dire : tu te rappelles l'hôtesse de l'avion, au départ, samedi ? Eh bien, j 'a i été un imbécile, j 'a i oublié de conserver son adresse.

Aimé Brichot se fouilla.