la meute un devenir du corps collectif (extrait)

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LA   MEUTE Un devenir du Corps collectif LA   MEUTE UN    DEVENIR    DU    CORPS    COLLECTIF

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La Meute est un manifeste, une (é)meute. Attentat poétique, acte de résistance, elle explore et propose in fine d’autres modes d’être et de vivre ensemble. La Meute est une recherche qui pense et qui parle. Fruit d’une longue exploration, le protocole de la Meute a été élaboré par Nadia Vadori-Gauthier à partir de 2007. Aujourd’hui, c’est une performance du Corps collectif. Cette performance est un rituel de métamorphose, de résonance et d’initiation. Ce livre comprend des articles théoriques, le processus de création de la meute, des textes poétiques, des rapports d'expériences et de nombreuses photographies. Livre broché 27 x 20 cm / 160 pages / 130 photos / 25 € France TTC / ISBN 9782746655607 / Renseignements et commandes : Jeanne AlechinskyTél. : 06 74 83 40 75 / [email protected] / www.lecorpscollectif.com

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la   meute  Un devenir du Corps collectif

la   meute  un    devenir    du    corps    collectif

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Le Corps collectif est un laboratoire de recherche et un groupe de performance.Il est composé de douze chercheurs/performeurs, mixtes en âges, en sexes, en expériences, en pratiques. Le mouvement est son socle commun. À travers lui, il questionne la nature fluide du réel, le corps, ses perceptions, ses représentations.Son horizon éthique est de produire un art qui puisse offrir à l’expérience collective les fruits de ses individuations.

Direction des recherches Nadia Vadori-Gauthier

Le Corps collectif Jeanne Alechinsky, Isabelle Chemin, Stéphanie Dufour, Véronique Dréau, Christophe Gaussent, Gaël Giraud, Lucas Hérault, Arthur Navellou, David di Paolo, Damien dos Santos, David Sire, Nadia Vadori-Gauthier

Membres fondateurs Margaux Amoros, Solofoery Andriamasy, Cécile Brousse, Stéphanie Dufour, Véronique Dréau, Christophe Gaussent, Gaël Giraud, Lucas Hérault, David di Paolo, David Sire, Nadia Vadori-Gauthier

Le Corps collectif souhaite remercier tous les lieux et festivals qui ont accueilli la Meute à ce jour1Shot, ParisAnimal Productions, MontreuilAuteurs de Troubles, LyonBurning Man FranceConfluences, ParisDésordre urbainDimanche RougeFriche Belle de Mai, MarseilleFriterie Werner & Co, MarseilleLe Divan du monde, ParisLe Langage des viscèresLes Grandes Tables, MarseilleLes Uns chez les AutresMusée des Moulages, LyonMusée du Quai Branly, ParisPalais de Tokyo, ParisSt. Christopher Inn, ParisStudio DTM, ParisToï Toï, le Zinc, LyonTraces, Belleville

Nous tenons également à remercier tout particulièrement Margaux AmorosDominique AudinÉric BonnetJean-Benoît BirckBernard BrechenmacherCécile BrousseJérémy DamianLaurence GaignaireIsabelle KleinKatia LégeretPauline PelloJulie RousseauJulien SalaudTableau Vivant, ParisYves TenretEt à tous les souscripteurs qui ont rendu possible cette publication

Ainsi que les photographes sans qui cet ouvrage n’aurait pas vu le jourGilles AguilarYves BouyxLaurent ChampoussinLaurent FouchetGilles GalloisMarianna GelussiHillary Goidell Nadia GricCédric MatetPier RobertDominique SécherMathieu SoleilBlandine SoulageMaria SperaAymeric Warmé-Janville

Sans oublier l’imprimerie EMD (Europe Média Duplication) à Lassay-les-Châteaux pour leur soutien amicalGuillaume BuiBertrand Brugnaux Et toute leur équipe

OuvrageDirection artistique Isabelle Chemin et Nadia Vadori-GauthierDesign graphiqueIsabelle CheminChargée d’édition et iconographieJeanne AlechinskyAvec la collaboration deDavid Sire et Arthur Navellou

Protocole de la MeuteLe protocole de la Meute a été élaboré par Nadia Vadori-Gauthier en 2010. Il comporte cinq étapes : · Information · Préparation physique · Maquillage · Meute · Partage d’expérienceDans la perspective de partage et de contagion de la Meute, ce protocole est libre de droits à certaines conditions pour les personnes certifiées en Body-Mind Centering®. Merci de vous référer au site www.lecorpscollectif.com pour plus d’informations

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une meute dans un livre ? Une Meute, on y plonge, on la traverse, on est traversé par elle. Est-il seulement possible d’en écrire le feu ? Par quels mots ? Avec quelles images ? Et pourtant oui : un livre. Car la Meute est aussi un manifeste, une (é)meute. Attentat poétique, acte de résistance, elle explore et propose in fine d’autres modes d’être et de vivre ensemble. La Meute est une recherche qui pense et qui parle.Fruit d’une longue exploration, le protocole de la Meute a été élaboré par Nadia Vadori-Gauthier à partir de 2007. Aujourd’hui, c’est une performance du Corps collectif. Cette performance est un rituel de métamorphose, de résonance et d’initiation.

Un rituel de métamorphoseDans la Meute, les corps sont nus et monochromes. La couleur est à la fois le foyer de la Meute (son origine) et le feu qu’elle propage (son incendie). Elle permet de déterritorialiser les corps et la nudité en en débordant complètement les représentations dominantes (corps-objet, nudité sexuée).En surface, il y a donc cette vibration de la couleur. En dessous, dans les profondeurs du corps et des perceptions, l’incorporation hyperphysique du

rythme animal opère une seconde métamorphose. Chasser, courir, jouer, bondir, attaquer, se reposer. Le corps de la Meute est une variation de vitesses et de lenteurs. Comme préparation, le devenir-animal exige un long chemin d’exploration somatique. Comme action, au moment de la performance, il implique une véritable bascule de la conscience.

Un rituel de résonanceLa Meute n’a pas d’espace de prédilection. Elle peut avoir lieu en extérieur (milieu naturel, espace urbain) ou en intérieur. Sa durée est, elle aussi, variable : de vingt minutes à plusieurs heures. Pour la Meute, contexte et environnement sont des éléments avec lesquels elle se conjugue. Mais son véritable espace-temps est celui des intervalles, son véritable milieu est précisément au milieu, là où danse la matière non encore individuée.Deux diapasons qui vibrent ensemble partagent une note commune. De la même façon, deux corps entrent en résonance par le substrat commun de leur matière. Les explorations somatiques qui fondent et préparent le travail de la Meute consistent en une écoute de cette matière et de ses infinis agencements. Écouter, entendre, entrer en résonance : chaque participant engage ainsi l’intégralité de son être, vivant et intense, bien avant l’accomplissement de la performance. La Meute active, partage et amplifie cette qualité d’écoute et de sensation.

La Meute se situe en permanence sur les frontières entre le visible et l’invisible, l’humain et l’animal, l’individuel et le collectif. Étant à la fois l’un et l’autre, elle agit comme un révélateur des milieux qu’elle traverse. Le choc physique, esthétique, quasi pictural, que l’on peut éprouver en sa présence naît de cette occupation des limites. La Meute est un habitant du seuil. Elle est elle-même une frontière mobile.

Un rituel d’initiationLa Meute entre en relation naturellement, par une sorte d’apprivoisement mutuel qui dissout les représentations de façade et abolit la distance des convenances. Mue par une attention bienveillante, sans jugement ni hiérarchie, la Meute vient à notre rencontre en deçà des filtres de la surface sociale. Cette façon de se connecter aux autres est douce, apaisante. Elle inquiète ou impressionne parfois car sa charge énergétique peut se révéler explosive, mais son flux qui s’agence au vivant et à la matière apaise et parfois bouleverse. La Meute est un acte de résistance. Elle résiste à sa façon, en abreuvant les terres abandonnées, en réactivant des connexions qui ne sont plus vivantes et qui, pourtant, sont vitales. En ce sens, par delà le devenir-animal qu’elle explore, le rituel de la Meute est un devenir-humain collectif. Beaucoup de personnes ayant rencontré la Meute disent avoir éprouvé l’envie brûlante de la rejoindre. La Meute est un appel.

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« Tout serait-il vain parce que la souffrance est éternelle, et que les révolutions ne 

survivent pas à leur victoire ? Mais le succès d’une révolution ne réside qu’en elle-même, 

précisément dans les vibrations, les étreintes, les ouvertures qu’elle a données aux hommes au moment où elle se faisait, 

et qui composent en soi, un monument toujours en devenir, comme ces tumulus 

auxquels chaque nouveau voyageur apporte une pierre. La victoire d’une 

révolution est immanente, et consiste dans les nouveaux liens qu’elle instaure entre les 

hommes, même si ceux-ci ne durent pas plus que sa matière en fusion et font vite 

place à la division, à la trahison. »

Gilles Deleuze, Félix Guattari, Qu’est-ce que la philosophie ?, Paris, Les Éditions de Minuit, 1991, p. 167.

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Glisser dans la sensation pure, 

devenir épiderme, avoir des 

organes mouvants. devenir un 

assemblage vivant, un corps 

collectif, être renouvelé sans 

cesse, être infinitif, être 

moléculaire. devenir animal, 

changer de plan, de peau, 

de corps, de vitesse, faire 

en sorte que notre envers 

soit notre véritable endroit. 

devenir multiple, s’articuler 

aux autres, s’associer avec ses 

semblables, faire meute.

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7. Guy Debord, La Société du spectacle [1967], Paris, Gallimard, coll. « Folio », 1992.

8. Ibid.

La Meute est un protocole de performance. C’est une performance du Corps collectif. Depuis décembre 2010, date de la première Meute en public, il y a eu une trentaine de Meutes monochromes. Le processus, depuis l’élaboration du protocole, a suivi diverses évolutions. Il trouve tout d’abord son origine entre 2006 et 2009, dans une recherche personnelle d’exploration somatique. Puis, cette pratique est devenue collective. La Meute est née de la joie partagée, de la liberté vitale trouvée au sein de l’expérience. Aujourd’hui, elle continue de générer ses métamorphoses. L’expérience individuelle a fondé l’expérience collective, et le collectif qui en est issu continue de fonder une part de nos individuations particulières. Nous n’avons pas créé la Meute, la Meute s’est créée d’elle-même, la Meute nous crée chaque jour.

Nous présentons ici son processus sous l’angle de thématiques : représentation, couleur, nudité, intervalle, rituels, vibration, corps collectifs, conscience. Les questions qu’elles soulèvent sont le champ évolutif de la Meute. Elles nourrissent notre recherche.Nous déroulerons ensuite ce qui a précédé la Meute, ce qui l’a générée : le travail d’exploration somatique, les influences artistiques et philosophiques, ainsi que la façon dont s’est transmise l’expérience, par contagion.

Processus

ReprésentationArtaud écrit : « Il n’y a rien que j’abomine et que j’exècre autant que cette idée de spectacle, de représentation1 ». Il exhorte à se reconnecter aux forces plutôt qu’aux formes, aux puis-sances de la nature plutôt qu’à leur organisation. Pour cela, il faut devenir-intense, devenir que Deleuze et Guattari énon-cent comme étant le premier des devenirs2. Ensuite, dans l’ordre, se succèdent : devenir-femme, devenir-enfant, devenir-animal, devenir-végétal ou minéral, devenir-moléculaire, devenir- imperceptible3 – autant de plateaux d’intensités que ne cesse de traverser la Meute. Pour cela, encore, il faut se faire un corps sans organes4, un corps-esprit qui n’est pas l’organisme, qui le déborde par-delà et en deçà. C’est en se faisant soi-même ce corps, corps de désir, corps poétique, corps d’alliance avec différents devenirs, corps qui n’est pas astreint à l’organisation imposée de l’organisme, qui la déplace, la recompose ; c’est

la meute processus et Genèse

Nadia Vadori-Gauthier

en se faisant ce corps qu’on construit le plan d’immanence qui est le territoire ouvert de la Meute. Le devenir-animal de la Meute, n’est en aucune façon la représentation ou l’imitation d’un animal. Nous ne pensons pas non plus que nous nous transformons en animal. La forme de l’animal est indéfinis-sable. Devenir-animal, c’est mélanger ses molécules de corps à des molécules d’océan, de loup, de fougère, de cerf, de pluie, de braise, de jaune ; c’est investir l’espace entre les particules. L’animal dans la Meute n’a pas d’image, il ne peut que se vivre. Ce mode opératoire engage à vivre le corps, non comme une forme, mais comme un flux qui contient des puissances poten-tielles. De cette façon, il n’a pas d’image stable ou d’identité fixe, il se soustrait à sa représentation. Le théâtre du visage et celui de l’apparence font place à leur double. L’envers s’entre-lace à l’endroit, l’envers devient le véritable endroit5. C’est le corps entier, dans son mouvement, qui prend le relais ; car chez l’animal, pas de visage, mais une tête qui fait partie intégrante du corps6. Ces corps non objectivés, et même non subjectivés,

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49. Nous renvoyons à nouveau ici le lecteur à la lecture de Bergson (Matière et mémoire) et de Simondon (L’Individuation psychique et collective).

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Becoming earth.  

Becoming animal. Becoming,  

in this manner, fully human.David Abram, Becoming animal.An earthly cosmology, 2011

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5. Philippe Descola, « Un monde animé », La Fabrique des images, op. cit., p. 36.

la perspective  animaleJérémy Damian, anthropologue et danseur

Les lecteurs de Deleuze connaissent Jakob Von Uexküll pour leur avoir procuré une expérience unique : s’inter-roger, ne serait-ce qu’une fois, sur ce que cela ferait que d’être une tique, une poule, une méduse, un phoque, d’être un animal… La lecture de Milieu animal et milieu humain (1956) propose une véritable « expérience de pensée », au sens où l’entend l’anthropologue brésilien

Eduardo Viveiros de Castro, c’est-à-dire moins une entrée imaginaire dans l’expérience par la pensée, qu’une entrée dans la pensée par l’expérience : il ne s’agit donc pas « d’ima-giner une expérience, mais d’expérimenter une imagination1 ». Von Uexküll expérimente une imagination lorsqu’il tente, aux moyens des perceptions animales, de rendre sensibles les mondes qui leur sont associés. Ainsi, sur une double page, il reproduit plusieurs fois une même rue de village, d’abord vue par l’œil humain (l’œil photographique, ce qui n’est déjà pas la même chose), puis « la même rue de village pour l’œil d’une mouche », et enfin la même rue du point de vue d’un mol-lusque2. À chaque corps ses affects spécifiques, à chaque corps son monde propre – Umwelt. On n’écrit pas une chose pareille sans que les mots se mettent à tourner, les corps et

le monde. Le vertige commence lorsque l’on accepte que des mondes existent ensemble au même moment, presque au même endroit. Chaque lieu, chaque endroit, chaque parcelle du monde est susceptible de devenir autre du fait de la pers-pective de celui qui l’occupe, l’habite, le pratique. La différence creuse nos mondes, qui coïncident pourtant…

Dire « expérimenter une imagination », comme celle d’avoir un autre corps, de percevoir, sentir et agir à partir de celui-ci, c’est également insister sur le fait que « l’imagination, ici, n’ex-plique rien, c’est elle qui doit être rendue concevable3 ». J’ai choisi de m’adresser à la Meute en lui demandant qu’elle rende concevable – c’est-à-dire concrète ou somatique – l’expérience d’être, de voir, de sentir, d’agir et de se relier comme un autre.

L’anthropologie s’est depuis longtemps intéressée à tous les peuples qui ont cultivé un art que nous avons, pour notre part, pour l’essentiel perdu : l’art de faire l’expérience de la pers-pective d’un autre et donc d’en habiter le monde spécifique. « Voir comme un autre »… Ce dont Jakob Von Uexküll cherchait à rendre compte, certains Indiens d’Amazonie le pratiquent communément en s’offrant l’opportunité de faire une expé-rience extra-ordinaire de commutation de perspectives.

Les peuples indigènes des basses terres d’Amérique du Sud qu’ont étudiées Philippe Descola, Anne-Christine Taylor ou encore Eduardo Viveiros de Castro, poussent très loin « le souci d’expérimenter et d’exploiter l’altérité associée à des corpora-lités non-humaines4 ». Qu’est-ce qu’avoir un corps de jaguar, d’anaconda, d’ara ? Non seulement ils se le demandent sans cesse, mais ils cultivent l’art d’en expérimenter des réponses possibles. Comment s’approprier les capacités d’autres corps et les perspectives qu’ils induisent ? Pour les indiens Achuar, cela passe par un régime alimentaire spécifique, comme par

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exemple de manger de la viande crue ou de la chair humaine pour susciter une corporéité de jaguar. Ou encore, par le recours à de puissants psychotropes qui convulsent les corps, altèrent le ressenti et la perception de l’environnement et dont on espère qu’ils rendent ceux qui les ont absorbés à leur ani-malité. Ou enfin par l’entremise d’un chaman dont le savoir et la pratique lui autorisent à voyager d’une perspective à une autre (lui seul sait comment les animaux nous voient). Autrement dit, les Indiens cherchent par l’absorption de substances, par l’ornementation du corps et l’entremise d’un chaman, à « cap-ter à leur profit une parcelle de l’expérience du monde que d’autres espèces mettent en œuvre grâce à leur physicalité particulière5 ».

Von Uexküll et les Indiens tentent une même chose diffé-remment : se rendre sensibles à des expériences parfois sub-tilement autres. Dans les deux cas, ce qui détonne (au sens d’une détonation), c’est l’effort produit pour restituer à la per-ception humaine une perception qui lui est autre, la tentative de déshumaniser le rapport au monde. Où « déshumaniser » ne rimerait pas avec « barbarie » mais au contraire avec la culture des facteurs d’animalisation de notre expérience, c’est-à-dire de toutes les forces qui lui rendent cette propriété intrinsèque : la capacité à se laisser déborder, à vivre un dépaysement perceptif.

La question qui se pose est pourtant la suivante : faut-il être indien ou savant pour faire de telles expériences ? Si l’on posait la question à un enfant, il nous répondrait d’un regard surpris ou il nous prendrait par la main en nous disant « viens, on va jouer ».

Le Corps collectif répond encore autrement, sans quitter le jeu, et surtout sans quitter l’exigence d’expérimenter une ima-gination, c’est-à-dire en la portant sur le terrain du réel pour trouver ce qui en nourrit les possibles. Habiter le corps animal, sa perspective, son monde, ce n’est pas jouer à l’animal ou à être un animal. Bien entendu, que tout cela soit une affaire de « jeu » permet de s’assurer d’une chose essentielle : passée la prétention d’être sérieux, on va pouvoir l’être d’une autre

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3. Le mouvement authentique consiste à se mettre en mouvement à partir d’une impulsion intérieure, en présence d’un témoin. Il s’agit d’un processus très profond invitant notre univers inconscient à se révéler au fur et à mesure que cela prend forme à travers notre mouvement.

trouBler le Genrepar inadvertanceIsabelle Klein, chercheuse en études de genre

La Meute est une performance qui se situe au confluent de plusieurs disciplines artistiques : elle fait se rencon-trer les arts plastiques, la danse et le théâtre. Il y a en effet à la fois un travail sur le mouvement, sur un « deve-nir autre », traditionnellement accolé au théâtre, et sur certains codes de la peinture (le monochrome notam-ment). La performance est une forme d’art développée

dans les années 1960, basée avant tout sur la contestation, souvent violente, des cadres artistiques et sociaux habituels. De nombreuses artistes féministes ont utilisé cet outil pour défendre la place des femmes dans l’art et dans la société, et ont opéré diverses actions sur leur corps pour se le réappro-prier et faire passer des messages politiques. Le mouvement queer et les gender studies ont apporté une assise politique et théorique plus forte à ce mouvement mais également sus-cité une confusion, notamment par l’introduction du terme « performance ». En effet, il est généralement injustement simplifié et trop souvent utilisé de façon approximative, ce qui nuit encore à la réception de la pensée de Judith Butler1. La Meute opère avec l’héritage de la performance : elle interroge la norme, en même temps qu’elle l’expérimente et la modifie, brouille les limites, entend montrer la part d’arbitraire des fron-tières qui structurent le monde social et artistique. Elle y inscrit

néanmoins une marque particulière, davantage basée sur l’ex-ploration que sur la transgression, et dans laquelle la violence et la sexualisation ne sont pas ou peu présentes. La Meute ne se focalise pas spécifiquement sur le genre, il est d’ailleurs pos-sible que Nadia Vadori-Gauthier n’y ait pas réellement pensé en ces termes. Néanmoins, l’approche est intéressante car elle ne reflète pas les stéréotypes habituels des hommes et des femmes. En cela, la Meute dessine une possibilité de penser le corps comme un sujet d’expérimentation avant tout, un « en dehors » des traditionnelles représentations qui lui sont acco-lées et notamment celles du genre et de la sexualité.

Une gestuelle non genrée. Le devenir-animal, une alternative aux normes de genre

Devenir-animal, selon Deleuze, philosophe duquel s’est inspiré Nadia Vadori-Gauthier pour élaborer cette performance, ce n’est « jamais imiter, ni se conformer à un modèle », ce n’est pas non plus « abandonner ce qu’on est pour devenir autre chose mais une autre façon de vivre et de sentir, hante ou s’enveloppe dans la nôtre et la fait fuir2 ». La Meute, donc, n’imite pas un animal particulier, et encore moins un animal domestique ; elle convoque un animal non identifié, mouvant, protéiforme. Sous une même couche de peinture, la performance réunit des corps, leurs disparités physiques (âges, sexes…) et sociales (genres, classes...). Elle affirme ainsi la possibilité de concevoir son corps en dehors des déterminants sociaux, en mettant en avant « la dimension poétique » de l’existence et sa variabilité. Insister sur le devenir, c’est insister sur la variation du corps et des identités, leur friabilité et leur condition éphémère. L’animal est une altérité radicale, ce contre quoi se définit l’être humain.

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Il s’agit donc dans cette expérimentation de délaisser (ou au moins de tenter de le faire), nos habituels comportements et représentations humains. Bien sûr, tout cela reste nécessai-rement incomplet. Il est difficile de reconstruire un vécu sur rien, en ne se basant sur aucun modèle existant. Ainsi la façon de devenir-animal de la Meute se base sur une certaine vision de l’animal que l’on peut remettre en cause et qui comporte nécessairement une part de stéréotypes humains. La Meute est une tentative de représenter une forme d’irreprésentable, avec ce que cela comporte comme failles et contradictions. Elle ne prétend pas donner une représentation de l’animal mais montrer ce que produit chez l’être humain la tentative du « devenir-autre que l’humain ». Dans cette tentative, une chose m’apparaît manifeste : les codes du masculin et du féminin sont peu visibles voire absents. Peu de traces dans ce devenir-animal de mâle ou de femelle. Cela est dû notamment au refus d’adopter des modèles préétablis et donc notamment les codes sociaux et artistiques.

Des codes artistiques et sociaux abolisL’actionniste Otto Muehl envisageait l’acte artistique comme « un moyen de transgresser les formes de répression politique sociales et sexuelles qui pèsent sur l’histoire de la culture occi-dentale », la Meute ne prétend pas tant transgresser qu’explo-rer l’interstice (l’animal, donc) dans lequel les codes sociaux ne sont pas encore formés. Et les normes de genre, même s’il n’en est pas fait mention explicitement, en font partie. Cela pour une première raison très simple, il n’en est jamais ques-tion : il n’y a pas de rôles masculins ou féminins, il n’y a pas de mouvements préconisés pour les filles et d’autres préconisés pour les garçons. L’animal qu’il est question de devenir n’a pas de sexe, et encore moins de genre. Cela est rendu possible notamment par l’abolition d’un certain nombre de normes sociales très imprégnées de la notion de genre, comme les distances que l’on doit respecter, la façon de se toucher ou encore les disparités hiérarchiques qui existent entre les indi-

vidus. Dans la Meute, les hommes et les femmes occupent le même espace et l’investissent de façon égale. Pour une fois, ce n’est pas aux hommes seulement qu’il appartient de parcourir de grands espaces et aux femmes de se contenter des petits. De la même façon, les hommes n’apparaissent pas nécessaire-ment comme plus énergiques ou plus forts. Dans la Meute, il n’y a pas de leader, ou alors de façon temporaire. Pas d’obligation, si ce n’est de faire ce qui procure le plus de confort ou ce qui est nécessaire. Or, personne ne semble avoir envie d’investir les normes de genre, de jouer au mâle ou à la femelle. On pourrait donc en conclure que ces normes ne sont ni nécessaires ni confortables. On trouvera également peu de traces des rôles qui sont traditionnellement associés à la femme ou à l’homme. Dans la Meute, aucune femme ne joue le petit animal fragile dans une ultime redite de la vierge effarouchée, aucun grand mâle protecteur et viril ne rejoue le mythe de King Kong. Les rôles tournent en permanence et il est impossible de savoir s’ils sont plus ou moins épousés par des femmes ou des hommes.

Par ailleurs, si la performance est principalement constituée de mouvement, il s’agit bien d’une performance et non d’une pièce chorégraphique. Ainsi, les codes habituels de la danse classique ou même moderne, parfois lourdement chargés de convention de genre, n’imprègnent pas les mouvements des performeurs. Et s’il se trouve que certains les aient appris par ailleurs, la Meute leur impose de les désapprendre. Nadia Vadori-Gauthier propose un enseignement composé de Body-Mind Centering®, de mouvement authentique3 et de yoga. Il s’agit de pratiques somatiques qui font peu de cas des sexes et des genres et la part belle à l’interprétation personnelle. Cette méthode, si elle ne se base pas sur une forme figée par avance, finit par générer un mouvement commun à tous ceux qui en font l’expérience. Et cette façon de bouger efface à mon sens bien des particularismes de genre. La qualité de mouvement qui est transmise est une forme souple qui, si elle est commune à tous les performeurs, permet également une forte réappropriation et donc l’émergence de son propre « style ». Le genre n’a plus

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Prendre le temps de la porosité Le temps de traverser les membranes De se glisser entre les déterminations potentielles Refuser d’être Différer de soi-même Accorder ce même droit à tous Être outre-humain, outre-animal Considérer les fixités avec tendresse, Celle que l’on peut avoir pour la fragilité ou la faiblesse Immobilités nourries de la peur, conjurant l’entropieAccepter, dans la joie, de se défaire De ne pas aboutir De se soustraire à la nomenclature Laisser consciemment s’échapper ce dont nous n’avons pas idée Danser comme le feu, changer continuellement de formeNuage-dragon-fumée-infra minceInterstitiel

Se tenir debout parfois, nusAffirmer comme la montagne ou le vent Un rythme, un espace, une vitesse et puis Devenir vague-océan de pierres liquides, sang d’écume

Être flux d’un tambour traversé de vivants Rire d’être plusieurs, en être soulagé Multiplicités calmes, repos des indistinctions Oppositions tenues tendrement ensemble Se changeant l’une dans l’autreAimer les différencesFaire meutes, émeutes, se composer ensemble, contagier Musiques, feulements, bleu, indigo, orange, or, vert Rugir, laisser la peau être nos territoires Vulnérables à l’aube Nudités ardentes, lentes, imperceptibles, merveilles Glissements du réel

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Se déshabiller, se rhabiller ensemble, à rebours Apparaître sur la lisière Déboutonner les habitudes Vibrer dans l’enfance de nos présences, Incandescents, dézippés,Féroces et doux

Non à la sublimation volontaire Non à la beauté obligatoire Non à l’élévation transcendante Non à la soustraction des corps Non à l’éternité post-mortem

Oui au sublime accidentel, orage, éclat de lumière, foudre, douceur du matériau Oui à la beauté hétérogène née de la nécessité Oui à l’élévation immanente, plongée au sein des corps, perception élargie,État modifié de conscience qui investit les sonorités de la matière,Contagions des vibrations du réel qui se propagent en cascade Oui à l’éternité de nos présences vives, ici, au seuil de nos métamorphoses Oui à la soustraction des corps sans chair, images mortuaires d’un monde Dépossédé du droit à l’indéfinissableDéserter les scènes frontales de nos oppositions binaires Patiemment, amoureusement, défaire, Fermer les yeux pour mieux entendrePorter des visions enlacées et danser la plasticité de nos pensées Étendues de surfaces monochromes

Oui à la couleurVibration, témoignage d’invisible, d’indicible, d’inouï, d’illimité, poésie directe Oui à la manifestation des phénomènes sans justification Pulsation, foisonnement abrupt des images sans concession au sensScander notre humanité d’animal rythmique s’animer de la joie de s’affranchir du fixeInformer le devenir continuel des formes

N.V.-G.

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Je sens qu’il y a un état commun qui fait grossir le monde

avec une puissance incroyable, je le vois dans le regard des gens.

Je le sens.

Nous descendons dans la rivière en dessous de la rivière. Nous sommes un seul animal en ébullition, une unité aux mille membres.

I.C. - J.A.

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Crédits photoGilles Aguilar 53

Eliane Aki / Dimanche Rouge, Divan du Monde, Paris 130

Archives Yves Klein, Paris 28, 40 (droite)

Yves Bouyx 95

Laurent Champoussin / Dimanche Rouge, Divan du Monde, Paris 12, 16, 34 (milieu gauche), 58-59, 74, 81, 122, 125

Isabelle Chemin 36 (gauche), 37 (gauche et droite), 41

Emilienne Flagothier 92

Laurent Fouchet / Palais de Tokyo, Paris 24, 30, 85, 100, 103, 108, 114

René Fuerst 54

Gagosian Gallery, Londres. Photo DR 27

Laurence Gaignaire 43 (droite)

Gilles Gallois / Dimanche Rouge, Divan du Monde, Paris 131

Hillary Goidell / Palais de Tokyo, Paris 13, 15, 20, 21, 126

Nadia Gric / St. Christopher Inn, Paris 115, 154-155

Musée d’art et d’histoire, Ashiya. Photo DR 40 (gauche)

Pauline Pello 10, 34 (droite), 111, 140-141

Dominique Sécher 9, 11, 17, 19, 22-23, 38, 39, 43 (gauche), 46-47, 48-49, 78, 87, 88, 89, 93, 101, 102, 106-107, 132, 136, 137, 138, 142-143, 148, 158-159 / Dimanche Rouge, Divan du Monde, Paris 120-121

Mathieu Soleil 4-5, 18, 42, 67, 90, 91, 105, 116-117, 124, 128-129, 146-147

Blandine Soulage / Musée des Moulages, Lyon 50, 80, 110

Maria Spera / Palais de Tokyo, Paris 76, 77

Nadia Vadori-Gauthier 34 (gauche), 36, 37 (milieu), 43 (milieu), 44, 60, 64, 69, 70-71, 72-73, 79, 86, 94, 104, 127, 160

Aymeric Warmé-Janville 136-137, 138 / Palais de Tokyo, Paris 14, 29, 34 (milieu droit), 35, 56-57, 84, 98-99, 112, 113, 133, 134-135, 144 / St. Christopher Inn, Paris 75, 82, 83, 118-119

Andy Abraham Wilson 40 (milieu)

Couverture : Aymeric Warmé-Janville / Dominique Sécher (recto) Nadia Vadori-Gauthier / Marianna Gelussi (verso)

Meutes2012• Festival les Uns chez les Autres, Paris. Meute bleu ciel• Palais de Tokyo, Paris. Meute monochrome or• Sans titre – Ardèche. Meute monochrome vert (film)• Mémoire de l’eau – Ardèche. Meute (film)• Préavis d’insomnie, Confluences, Paris. Meute monochrome lilas• Musée du Quai Branly, Paris. Before des Maîtres du Désordre. Meute/

Partition ouverte• Dimanche Rouge #15, Divan du Monde, Paris. Meute monochrome rose

métallisé• Palais de Tokyo, Paris, (Entr’)ouverture. Meute monochrome violet

métallisé• Musée des Moulages, Lyon. Festival Auteurs de Troubles. Meute

monochrome blanche• Dimanche Rouge #14, Divan du Monde, Paris. Meute monochrome vert

métallisé.• Langage des viscères, Paris. Meute monochrome rose vif• Burning Night, Machine du Moulin Rouge, Paris. Meute monochrome

à pois, vert métallisé (hommage à Yayoi Kusama)

2011• Préavis d’insomnie, Théâtre des bernardines, Marseille. Meute

monochrome argent• Festival Préavis de Désordre Urbain, Marseille. Meute monochrome rose• Friche de la Belle de Mai, Marseille. Meute monochrome indigo• Vibration, Ardèche. Meute monochrome cuivre (film)• Soirée Eat it or Love it, Traces, Paris. Meute monochrome vert métallisé• Maquette d’insomnie, Confluences, Paris. Meute monochrome or• Festival Désordre Urbain, Paris. Meute monochrome rose fluo• Festival Auteurs de Troubles, Lyon. Meute monochrome mauve• Festival Désordre Urbain, Paris. Meute monochrome bleu métallisé• Animal production, Montreuil. Meute monochrome bleu poudre

2010• Burning Night, Machine du Moulin Rouge, Paris. Meute monochrome

turquoise.• 1Shot, Paris. Meute monochrome vert• 1Shot, Paris. Meute monochrome orange• 7Vert Véronèse/veronese green – Ardèche (film)• 6Blanc/white – Bois de Vincennes (film)• 5Violet/purple – Forêt de Rambouillet (film)• 4Jaune/yellow – Plage de Pampelonne (film)• 3Noir/black – Rochers du bord de mer à Ramatuelle (film)• 2Bleu/blue – Mer de sable de la forêt de Fontainebleau (film) • 1Rouge/red – Rouge animal du lisse dans le strié des villes, Paris 7e (film)

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la meute est monochromela meute est un processus de réalité

la meute affirme la réalité de la dimension poétique de l’existencela meute acte son appartenance au vivant

la meute est un corps poétiquela meute est un corps rythmique

la meute est un corps ouvert à vitesses et identités variablesla meute explore les intervalles

la meute glisse vers l’autre sens du sensla meute est un entrelacs de visible et d’invisible

la meute est un phénomène ondulatoire qui se propage par contagion la meute est un devenir

25 € France TTC / ISBN 978-2-7466-5560-7 / www.lecorpscollectif.com

Renseignements et commandesJeanne Alechinsky

Tél. : 06 74 83 40 [email protected]

www.lecorpscollectif.com

La MeuteUn devenir du Corps collectif

27 x 20 cm160 pages

Broché130 photographies couleur

9 782746 655607