la messe – conférence de carême 15.03.2 013

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La Messe – Conférence de Carême 15.03.2013 Chanoine Georges Athanasiadès, cr Salle bourgeoisiale de Lens / VS “La messe de toujours” Introduction Je reviendrai dans un instant sur les guillemets que j'ai placés au titre de cette conférence. L'idée du document distribué la dernière fois concernant les psaumes m’est venue lors d'un remplacement de mon confrère, le chanoine Isperian, à Paris. Pour connaître Paris, je suis monté à la Tour Eiffel, avec un plan de Paris. De là j'ai vraiment vu Paris. Depuis lors, ayant rodé dans le monde entier, je monte toujours sur le plus haut édifice de la ville que je visite pour avoir la ville en question dans l'oeil. Cela m'a donné l'idée de survoler tout le psautier avec une vue expressive. En prenant le métro, il m'a semblé aussi qu'on peut creuser davantage, approfondir les psaumes par exemple. Mais rien ne remplace non plus, pour connaître une ville, de se farcir les pavés... Ce soir, je vous propose un autre parcours, à la fois difficile et long de deux mille ans. La feuille que nous avons sous les yeux commence au jeudi saint et se termine à la fin du concile. > Voir document distribué, ci-dessous en dernière page "La messe de toujours" Les guillemets que j'ai placés au titre de ce soir signifient que cette expression se trouve aussi dans la bouche de personnes qui parlent, ce faisant, de la messe de ma grand-mère... Pour moi, la messe de toujours commence au Jeudi Saint. Après le Concile, ayant été traducteur des psaumes et de la messe (ordinaire et prières eucharistiques), la rédaction des bulletins paroissiaux de Suisse Romande m'avait demandé de rédiger quelques articles et un petit opuscule "Vous ferez cela en mémoire de moi" (où vous ne trouverez pas mon nom... je n'allais tout de même pas le placer au-dessus de cette phrase !). Un autre livre reprenant plusieurs de mes articles, "Wer singt betet doppelt", regroupe aussi ce qui a été publié dans « Vous ferez cela en mémoire de moi ». J'avais demandé que soit écrit dans les missels "Vous ferez cela - virgule à la ligne - en mémoire de moi". Si on lie trop ces deux parties de la phrase, on comprend mal ou faux. Dans le texte grec de l'Evangile, la seconde partie de la phrase est eis tèn anamnêsin. Ici je suis à Lens, et dans une heure je vais à Sierre. En français, nous avons la même préposition pour dire deux choses différentes : le lieu où l’on est et celui vers lequel on va. En latin et en grec, comme dans de nombreuses langues, il existe différentes prépositions pour dire cela, ou des cas différents. Lorsqu'il y a un déplacement, par exemple, on utilise l'accusatif. Dans le cas de notre phrase, le « virgule à la ligne » ne se prononce pas mais se voit... On doit l’entendre, le sentir dans ce que le célébrant fait et dit.

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La Messe – Conférence de Carême 15.03.2 013 Chanoine Georges Athanasiadès, cr Salle bourgeoi siale de Lens / VS

“La messe de toujours” Introduction Je reviendrai dans un instant sur les guillemets que j'ai placés au titre de cette conférence. L'idée du document distribué la dernière fois concernant les psaumes m’est venue lors d'un remplacement de mon confrère, le chanoine Isperian, à Paris. Pour connaître Paris, je suis monté à la Tour Eiffel, avec un plan de Paris. De là j'ai vraiment vu Paris. Depuis lors, ayant rodé dans le monde entier, je monte toujours sur le plus haut édifice de la ville que je visite pour avoir la ville en question dans l'œil. Cela m'a donné l'idée de survoler tout le psautier avec une vue expressive. En prenant le métro, il m'a semblé aussi qu'on peut creuser davantage, approfondir les psaumes par exemple. Mais rien ne remplace non plus, pour connaître une ville, de se farcir les pavés... Ce soir, je vous propose un autre parcours, à la fois difficile et long de deux mille ans. La feuille que nous avons sous les yeux commence au jeudi saint et se termine à la fin du concile. > Voir document distribué, ci-dessous en dernière page "La messe de toujours" Les guillemets que j'ai placés au titre de ce soir signifient que cette expression se trouve aussi dans la bouche de personnes qui parlent, ce faisant, de la messe de ma grand-mère... Pour moi, la messe de toujours commence au Jeudi Saint. Après le Concile, ayant été traducteur des psaumes et de la messe (ordinaire et prières eucharistiques), la rédaction des bulletins paroissiaux de Suisse Romande m'avait demandé de rédiger quelques articles et un petit opuscule "Vous ferez cela en mémoire de moi" (où vous ne trouverez pas mon nom... je n'allais tout de même pas le placer au-dessus de cette phrase !). Un autre livre reprenant plusieurs de mes articles, "Wer singt betet doppelt", regroupe aussi ce qui a été publié dans « Vous ferez cela en mémoire de moi ». J'avais demandé que soit écrit dans les missels "Vous ferez cela - virgule à la ligne - en mémoire de moi". Si on lie trop ces deux parties de la phrase, on comprend mal ou faux. Dans le texte grec de l'Evangile, la seconde partie de la phrase est eis tèn anamnêsin. Ici je suis à Lens, et dans une heure je vais à Sierre. En français, nous avons la même préposition pour dire deux choses différentes : le lieu où l’on est et celui vers lequel on va. En latin et en grec, comme dans de nombreuses langues, il existe différentes prépositions pour dire cela, ou des cas différents. Lorsqu'il y a un déplacement, par exemple, on utilise l'accusatif. Dans le cas de notre phrase, le « virgule à la ligne » ne se prononce pas mais se voit... On doit l’entendre, le sentir dans ce que le célébrant fait et dit.

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C'est comme à la fin du Notre Père, personne ne peut dire si c'est « délivre-nous du Mal » ou « du Malin ». Le texte ne le dit pas. J'ai proposé le "M" majuscule. Cela ne se voit pas mais cela donne matière à explication. Encore faut-il l’expliquer, bien entendu ! Si, en lieu et place de « Vous ferez cela en mémoire de moi », je vous dis "Vous boirez un verre à ma santé" cela ne correspond pas à ce que Jésus a dit. Ce serait une autre préposition, ce serait local (comme "je suis à Lens"). Ce n’est pas un MEMORIAL . Le 1er août, on fait des feux sur les montagnes - c'était le téléphone de 1291, les signaux que l'on pouvait faire à l'époque - pour se souvenir de ce qui s'est passé il y a 700 ans. Si le 1er août on faisait un mémorial, on irait tout brûler à l'ambassade d'Autriche... Or ce que le Christ a dit, c'est de faire un mémorial. « Chaque fois que vous ferez cela, vous le ferez en mémoire de moi », en somme. Une belle prière du jeudi saint dit : Seigneur, accorde-nous la grâce de vraiment participer à cette eucharistie, car chaque fois qu'est célébré ce sacrifice en mémorial c'est l'œuvre de notre rédemption qui s'accomplit. La messe est un mémorial J'ose vous dire que la messe, c'est cela. C'est un mémorial. Jésus nous a dit que ce pain était son corps livré pour nous, et que ce vin était son sang, le sang de l'Alliance nouvelle et éternelle qui sera versé pour nous. Les Apôtres ne l'ont pas traité de fou. Ils ont peut-être compris que c'était maintenant... Il y avait eu de nombreuses annonces de cela depuis Moïse. On savait depuis Jérémie 31,31 ce qu'est l'Alliance nouvelle... Mais Jésus parle d'Alliance nouvelle et éternelle... N'oublions pas que c'est ce que nous faisons à chaque messe. Le repas juif est LA source de notre eucharistie. Pendant des siècles il y a eu des kilos d'antisémitisme, et tant de gens qui prétendaient qu'il s'agissait d'une allusion au mystère grec, personne ne voulait admettre que c'était la liturgie juive qui en était l'origine. Un repas juif pascal avait un rituel bien précis. Un agneau, des herbes amères, le plus petit de la famille posait des questions au père de famille qui expliquait le pourquoi de tous ces rites : le Seigneur qui a délivré non seulement nos ancêtres d'Egypte, mais nous aussi, ce jour-ci. Jésus a fait ce mémorial. A la fin du repas juif, le président de l’assemblée bénissait une 4ème coupe (après la coupe d'apéritif où l'on disait "tu es béni toi qui nous donnes ce fruit de la vigne") et à la fin du repas il y avait la prière que j'ai placée au sommet de notre document. On y retrouve les mots essentiels des psaumes, vus l'autre soir. Cette prière nous rappelle, bien sûr, l'offertoire (tu es béni...), l'action de grâce puis l'anamnèse de notre eucharistie. Nous avons ici l'ossature de notre prière eucharistique. C'est ce que Jésus a fait.

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Les mots à travers l’histoire Très tôt, les premiers fidèles se réunissaient pour ce que les Actes appellent la fraction du pain. A la fin du premier siècle, un témoignage - la Didachè - nous demandait de nous réunir le jour du Seigneur, de rompre le pain, de rendre grâce... Jour du Seigneur, au passage, est une expression grecque - è kuriakè hemera - qui a donné Kirche en allemand, l'Église… Au deuxième siècle, St Justin, un palestinien qui enseigne à Rome, a d'excellentes relations avec l'empereur Antonin - surnommé le pieux. St Justin est chargé de renseigner l'Empereur sur les Chrétiens. Il écrit le texte que nous avons sur notre document. Ce texte nous décrit précisément ce qu'est encore aujourd'hui notre célébration eucharistique ! Au troisième siècle, St Hippolyte de Rome écrit un texte très important, la "Tradition Apostolique". Il a fait une prière eucharistique qui est la source de notre prière eucharistique n°2. Puis, les liturgies orientales et occidentales ont commencé à se distinguer, il a donc fallu faire quelques adaptations. En Orient, une prolifération d'images et de textes donnent naissance à des quantités de prières reflétant la sensibilité de l'Asie mineure, de la Grèce, etc. Puis, on commence à traduire en latin - puisque cette langue devient celle du peuple. Au quatrième siècle, on structure un peu la messe. St Ambroise de Milan commente la prière eucharistique et l'on reconnaît le premier état du canon romain, aujourd’hui notre prière eucharistique n°1, dans les missels. Au cinquième siècle, le rite d'entrée s'amplifie. L'empereur demande que des processions solennelles soient organisées pour le Pape comme pour lui. Le chant se spécialise, avec Grégoire et le chant appelé plus tard grégorien - venant lui aussi de certaines mélodies juives. Le canon romain se fixe pour les quinze siècles à venir... là où l'Orient connaissait des dizaines de variations. Pendant les mille ans du Moyen Âge, d'autres choses apparaissent. Les prières se multiplient puis une vive réaction se fait contre la multiplication des prières privées. Tout le monde a son propre missel et ses propres rites... C'est beau l'unité ! Arrive le 16e siècle et le missel de St Pie V, en 1570. Donc 1500 après Jésus... on peut difficilement parler de la messe de toujours concernant ceci ! Le Concile de Trente, à l'époque, a été très marqué par la Réforme. On a confié le travail du missel au Pape, d'où son nom. Assez rapidement pourtant, on s'aperçoit des imperfections de ce missel. "Comme le Père et moi nous sommes Un", disait Jésus... L'unité est sur le modèle de la Trinité... Quand nous parlons d'unité, n'oublions jamais qu'il ne s'agit pas d'uniformité! En liturgie, il ne faut donc pas une seule prière eucharistique en gage d'unité ! On arrive au 20ème siècle avec Pie X, pape qui effectue les premiers pas de la réforme liturgique. Pie XII, ensuite, réformera la Vigile Pascale et la liturgie de la Semaine Sainte. En 1960, Jean XXIII donne un nouveau texte des rubriques de la messe. Puis vint Vatican II , et sa constitution sur la sainte liturgie (Sacrosanctum Concilium).

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Retrouver l’original Une image m'est venue en voyant la statue du Christ-Roi de Lens. Imaginons une statue que l'on trouve belle, mais à laquelle on va mettre un manteau pour l'hiver, puis des couleurs selon les saisons, puis une couronne sur la tête. Puis on ajoute des perles autour de la couronne, puis des diamants autour des perles... Et vient un moment où l'on se rappelle qu'il s'agissait d'une statue, et qu'on aimerait bien retrouver ce qu'elle était au départ. La liturgie - la messe de toujours - c'est la statue telle qu'elle est sortie des mains de son "créateur". On aimerait retrouver la statue, c'est ce que le Concile a fait. On a enlevé un certain nombre de manteaux, des perles, etc... Des mots pour la vie Dans la liturgie d'aujourd'hui, j'aimerais attirer votre attention votre réflexion, votre prière, sur quelques mots importants que j'appellerais des mots pour la vie, dont certains remontent au premier siècle. AMEN Quand nous récitons le Credo, si nous disons "ainsi soit-il" avec lassitude, c'est pauvre! On a remis le mot "Amen" qui est biblique. On dit de Jésus qu'il est l'Amen ! C'est un mot hébreu que Jésus a employé souvent. Chez Jean, il le dit toujours deux fois, d’ailleurs. La racine hébraïque de ce mot exprime la solidité dans un pays où le sable ne la permet pas toujours. Dans le livre des Nombres, après la sortie d'Egypte, le peuple rouspète auprès de Moïse. Et Moïse demande alors à Dieu si c'est lui, Moïse, le concepteur de ce peuple. Il demande à Dieu si c’est à lui, Moise, de porter ce peuple comme une nourrice son petit enfant. L'hébreu oMeN, participe passé du verbe aMaN, est ici le mot pour dire nourrice. Autrement dit, les mots que Mr Moïse utilise sont empruntés à la physionomie féminine. Le mot AMEN c'est aussi la solidité d'un sein maternel féminin où l'enfant est en sûreté. Ce n'est donc pas seulement de la solidité de type roc, mais aussi une sûreté de type maternel. En disant Amen, rappelons-nous cela... LE SEIGNEUR SOIT AVEC VOUS A la messe du dimanche, avant 1960, le prêtre saluait l'assemblée à 10.15, si la messe avait commencé à 10.00, après processions, orgue, prières personnelles du prêtre au bas de l'autel... Actuellement, le prêtre salue immédiatement au début de la messe. Cette salutation a trois formes (la bénédiction de la seconde épître aux Corinthiens, la troisième formule, ou cette ancienne formule Dominus vobiscum, le Seigneur soit avec vous). Problème : dans la formule ancienne il n'y a pas de verbe ! Faut-il dire « est avec vous » ou « soit avec vous » ? Nous avons choisi "soit" pour être plus humbles. La réponse « et avec votre esprit » peut paraître étonnante en français dit « moderne ». Elle vient de l’épître à Timothée. L'Apôtre Paul y écrit à Timothée, son fidèle élève, prêtre qu'il a consacré : "Le Seigneur soit avec ton Esprit, et la grâce avec vous tous". En ce sens, le premier geste de notre nouveau Pape François est magnifique : avant de bénir la foule il a demandé à la foule de prier Dieu pour lui. Lorsque le prêtre nous dit "Le Seigneur soit avec vous", il nous dit : « Vous avez l'esprit saint. Lors de votre réponse, cet esprit rejoint celui qui est en moi - pour faire d'autres choses. » Comme Paul le disait à Timothée.

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Nous avons ici comme une rencontre au sommet, en parallèle avec la scène de la Visitation. Deux femmes se rencontrent. Mais deux bébés se rencontrent aussi. Tous deux fruits de l'Esprit Saint. C'est une rencontre au sommet, là encore. Et Elisabeth le dit bien dans son cantique, elle reconnaît ce qui s'est passé. Lors de la salutation liturgique du début de la messe, c'est l'Esprit qui est en chacun qui rencontre l'Esprit qui se trouve dans le célébrant. GLORIA Au Gloria de la messe on nous a reproché de ne pas traduire paix sur la terre aux hommes de bonne volonté... Or c'est du latin, qui a interprété le grec, lui-même interprétant l'hébreu. Maintenant, faut-il comprendre « Aux hommes qu'il aime » ou « aux hommes qui l'aiment » ? …Disons-le, ne l'écrivons pas... Le sens est profondément le même, finalement... Différentes prières eucharistiques Le prêtre doit enseigner aux fidèles un certain nombre de choses qui se trouvent dans la prière eucharistique, demandait Vatican II. C'est à nous d'employer les différentes prières et d'expliquer les richesses de ces prières, d'abord les quatre classiques (canon romain, tradition apostolique, la 3ème d'un traducteur du concile, la 4ème venue de la liturgie orientale), puis les prières venues ensuite pour la réconciliation et les enfants, puis celle du synode suisse et ses quatre variantes, tellement riches...

Notes prises par l’abbé Vincent Lafargue

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