la mÉdecine a marseille au xix' siÈcle

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LA MÉDECINE A MARSEILLE AU XIX' SIÈCLE Pendant la Révolution, les institutions médicales furent désorganisées et les difficultés monétaires de l'époque, ainsi que la raréfaction des dons et des donations, rendirent précaire la gestion des hôpita ux, C'est ainsi que Marseille perdit son Collège de médecine, auquel étaient tcnus de s'agréger les docteurs en médecine qui voulaient exercer dans la ville, son Collège de chi rurgie qui regroupait les Maîtres en chirurgie et son Ecole publique et gra- tuite de ch irur gie. Quant aux établissements hospitali ers, alors qu'on en comptait une dizaine sous l'Ancien Régime', ils furent réduits au nombre de trois, sous le Directoire, l 'Administ ration des hospices conservant pour les malades et les blessés, l'Hôtel-Dieu devenu « Hospice d'Humanité» (avec pour les femmes enceintes, son annexe, J'Entrepôt); pour les enfants trouvés, abandonnés ou orphe- lins, ainsi que pour les vieillards indigents, les infirmes et les incurables, la Charité ou « Hospice de la Vieillesse et de l'Adolescence» ; et enfin, pour les malades men- taux, l'Hôpital Saint-Lazare ou « Hospice des insensés » 2. En l'absence de réels contrôles de l'exercice de la médecine, les charlatans de tout genre avaient proliféré, seul l 'Hôtel -Die u maintenait une ossature médicale au centre de la ville 3 1. Hôtel-Dieu; Hôpital Général de la Charité; Hôpital Général de la Miséricorde; Hôpital néral des Enfants abandonnés; Hôpüal de Saint-Jacques des Epées ; Hôpital de Saint-Eutrope; Hôpital de la Marine; HôpÎtal de la Providence; Hôpital de Saint-Lazare (voir Almanach Grosson). 2. V ILLENEUVE, Statistique du département des Bouches-du-Rhône, Marseille, 1826, T. 3, p. 428. 3. « La Société de Médecine [créée en 1800] se prévalait des privilèges de l'ancien Coll ège de Médecine, dom elle se considérait comme l'héritiè re, pour exercer une sur- veillance sur le corps médical de la vÎlI e ou tout au moins sur les nominations médicales aux postes officiel s" [ALEZAIS (H.), Marseille Médical t 936, p. 612]. Provence Historique - Fascicule 172 - 1993

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Page 1: LA MÉDECINE A MARSEILLE AU XIX' SIÈCLE

LA MÉDECINE A MARSEILLE AU XIX' SIÈCLE

Pendant la Révolution, les institutions médicales furent désorganisées et les difficultés monétaires de l' époque, ainsi que la raréfaction des dons et des donations, rendirent précaire la gestion des hôpitaux,

C'est ainsi que Marseille perdit son Collège de médecine, auquel étaient tcnus de s'agréger les docteurs en médecine qui voulaient exercer dans la ville, son Collège de chirurgie qui regroupait les Maîtres en chirurgie et son Ecole publique et gra­tuite de ch irurgie. Quant aux établissements hospitaliers, alors qu'on en comptait une dizaine sous l'Ancien Régime', ils furent réduits au nombre de trois, sous le Directoire, l 'Administration des hospices conservant pour les malades et les blessés, l'Hôtel-Dieu devenu « Hospice d'Humanité» (avec pour les femmes enceintes, son annexe, J'Entrepôt); pour les enfants trouvés, abandonnés ou orphe­lins, ainsi que pour les vieillards indigents, les infirmes et les incurables, la Charité ou « Hospice de la Vieillesse et de l'Adolescence» ; et enfin, pour les malades men­taux, l'H ôpital Saint-Lazare ou « Hospice des insensés » 2.

En l'absence de réels contrôles de l'exercice de la médecine, les charlatans de tout genre avaient proliféré, seu l l'Hôtel-Dieu maintenait une ossature médicale au centre de la ville3

1. Hôtel-Dieu; Hôpital Général de la C harité; Hôpital Général de la Miséricorde; Hôpital Général des Enfants abandonnés; Hôpüal de Saint-Jacques des Epées ; Hôpital de Saint-Eutrope; H ôpital de la Marine; HôpÎtal de la Providence; Hôpital de Saint-Lazare (voir Almanach Grosson).

2. V ILLENEUVE, Statistique du département des Bouches-du-Rhône, Marseille, 1826, T. 3, p. 428.

3. « La Société de Médecine [créée en 1800] se prévalait des privilèges de l 'ancien Coll ège de Médecine , dom elle se considérait comme l 'héritiè re, pour exercer une sur­veillance sur le corps médical de la vÎlI e ou tout au moins sur les nominations médicales aux postes officiel s " [A LEZA IS (H.), Marseille Médical t 936, p. 612].

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Cette situation était devenue préoccupante, non seulement pour Marseille, mais aussi pour l'ensemble de la nation déterminant le Consulat à promulguer deux lois, celle du 19 ventôse an XI (10 mars 1803) qui réorganisait la médecine et celle du 21 germinal an XI (Il avril 1803) qui réglementait l'exercice de la phar­macie. Avec ces textes législatifs disparaissaient les Maîtres en chirurgie et les Maîtres apothicaires du XVIII< siècle, tandis qu'apparaissaient deux nouveaux corps de praticiens. les docteurs en chirurgie et les officiers de sante. Les docteurs en chirurgie, en recevant une formation équivalente à ceBe des méde­cins, seront désormais placés sur le même rang qu'eux. Les officiers de santé exer­ceront leur profession jusqu'en 1892\ leur formation était moins poussée que celles des docteurs. Polyvalents, ils pratiquaient des actes courants de médecine et de chirurgie.

Tous, docteurs en médecine ou en chirurgie, officiers de santé, pharmaciens, sages-femmes et herboristes, après avoir reçu leurs formations prévues par la loi et sacisfait à des examens officiels, devaient pour exercer leur profession faire enregistrer leurs titres au greffe du tribunal civil, à la préfecture ct à la mairie.

On dénombrait ainsi à Marseille, en 1839-1840, parmi les praticiens et auxi­liaires médicaux inscrits sur les listes préfectorales6

: 118 docteurs en médecine (dont trois exerçaient depuis la Révolution), 7 docteurs en chirurgie, 2 maîtres en chirurgie (ayant acquis leur titre l'un en 1778 et l'autre en 1790),42 officiers de santé (dont trois officiers de santé dentistes), 53 pharmaciens (trois d'entre eux ayant exercé pendant la Révolution), 99 sages-femmes (une d 'entre elles exer­çant depuis 1780) et enfin 20 herboristes.

Avec les lois de l'an XI, qui modifient la composition du corps médical, s'ouvre à Marseille une ère de changement qui portera sur l'adaptation des struc­tures hospitalières aux besoins d 'une population qui va quadrupler en 100 ans, sur les mesures de protection sanitaire contre les épidémies qui vont sévir à dif­férentes époques et aussi sur la création d'un enseignement médical qui s'intègrera dans le cadre hospitalier tout en s'ouvrant largement aux disciplines nou­velles.

L ES ÉTABLISSEMENTS HOSPITALIERS

L'augmentation de la population marseillaise et l'évolution de la médecine conduisirent l'Administration hospitalière et les pouvoirs publics à établir selon les besoins et les dispositions financières, des aménagements, des plans d ' urgence ou des programmes de constructions '.

4. Les officiers de santé avait été créés par la loi du 15 frimaire an III (5 décembre 1794). 5. Loi du 30 novembre 1892. 6. Arch. corn. de Marseille, série 1 sous série 4 1 art. 4. 7. FABRE (A.), Histoire des hôpitaux et des institutions de bienfaisance à Marseille

Marseille, 1856, T 2, pp. 462-474.

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1. Première période: Au début du siècle et depuis 1798, l'Hôtel Dieu, la Charité et l'hôpital Saint-Lazare constituaient les seules structures hospitalières ouvertes à la population.

a) L'Hôtel Dieu

Le plus ancien établissement de soins de Marseille, connu autrefois sous le nom d'Hôpital Général du Saint-Esprit, avait été fondé au XII e siècle. Devenu pendant quelques années Hôpital d'Humanité, il reprit son nom en 1805.

Il assurait le traitement des malades atteints de maladies aiguës (les «fiè­vrcux») et de malades ou de blessés relevant de la chirurgie. L'Hôtel-Dieu fai ­sait également fonction de Maternité. Cette section était logée dans les sous combles de l'hôpital 8 avec le Comité de vaccine qui pratiquait la vaccination anti­variolique chez les jeunes enfants. A partir de 1826, les femmes vénériennes furent transférées de l'hôpital Saint-Joseph (où elles étaient soignées depuis 1812) dans l'établissement de l'Hôtel-Dieu 9. L'Hôtel-Dieu faisait également fonction d'hôpital militaire jusqu'en 1850. Pendant les périodes de conflits armés, le nombre des entrées augmentait considérablement. Alors que ce nombre était infé­rieur à mille en temps de paix, il atteindra 4339 en 181l (guerres de l'Empire) et 3146 en 1831 (guerre d'Afrique). Déjà en 1830, les combles de l'Hôtel­Dieu avaient été aménagés pour faire face à l'afflux des militaires malades ou bles­sés venant d'Afrique 10 .

En 1834, l'Hôtel-Dieu comprenait 20 salles, 10 dortoirs 84 chambres contenant 878 lits pour les malades et pour les employés Il . Le service de santé à cette époque se composait de quatre médecins en chef, quatre chirurgiens en chef, trois chirurgiens chefs internes, six élèves en chirurgie de 2 · classe, deux pharmaciens en chef, six élèves cn pharmacie, auxquels il faut ajouter pour les salles des malades trois religieuses Il quatre infirmiers et infirmières, cinquante

Le nombre des malades (civils) hospitalisés augmentera rapidement au cours de la première moitié du siècle. on relève Il, 2540 entrées en 1801,4114 en 1826, 6664 en 1848. Après l'ouverture de l'hôpital de la Conception (1858), le nombre des entrées diminuera: 3283 en 1866 et 3076 en 1896.

8. CM.1AU (E.), Les œ uvres d'assistance. Les Bouches-du-Rhône. Encyclopédie dépar­tementale, 1923, T.X,p.317.

9. ALEZAIS (H.), 0< Les adjoints des Hôpitaux", Marseille médical 1937, p. 175. 10. Documens statistiques sur les hôpitaux et hospices civils et militaires de Marseille. 1825-

1834. Marseille, 1836. Il. Documens, op. cit., (le nombre d'entrées avaÎ( doublé depuis 1821, voir CAMAU (L),

op. cit., p. 349). 12. Sœurs hospitalières appartenant à la Communauté des Religieuses de Saint-Augustin

(fondée en 1804). 13. CM-1AU (E.), op. cit., p. 349.

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Il existait à l'H ôtel- Dieu un tour où devaient être déposés les enfants trou­vés en vertu du décret impérial du 19 janvier 1811. C e tour sera remplacé, après 1872 , par un bureau d'admission.

b) La Charité

Erigée en 1689, par lettre patente de Louis XIV en hôpital général, la C harité a été bâtie sur les pl ans de Puget et achevée au milieu du XVIII " siècle.

Cet établissement recevai t d 'une part des enfants trouvés, abando nnés ou orphelins et d'autre part des vieillards indigents, des infirmes et des incurables.

Les enfants trouvés ou abandonnés u, après avoir reçu un état civil, par un préposé asse rmenté, étaient conduits dans la sect ion Allaitem ent de la C har ité, section détachée de la Maternité depuis le 1'" janvier 1824 ct installée dans » ancien couvent des G randes-Maries. Là, les enfants étaient pris en charge par d es nour­rices sédentaires. Les enfants suspects étaient confiés à des berCeu.5es ct des per­sonnes chargées de leu r do nner les bibero ns au lai t de chèv re. Tous les enfa nts étaient soumis à la vaccine. Dans les années 1833- 1834, il Y avait pour 59 enfants au lait, 40 no urrices sédentaires ainsi que 4 nourrices de Lt campagne l'. Les vieillards indigents de p lus de 70 ans étaient admis sous conditio n (de place en parti culier) tandis que les octogénaires étaient reçus d' office. Les infi rmes ct les incurables représentaient une population de malades, également indi gents, qui ne pouvaient entrer dans les hôpitaux en raison de la chronicité de leu r mala­di e.

I l y avai t dans l'hospice de la Charité, en 1834, out re les 59 enfants de lait, 430 viei llards et incurables, 162 enfants de moins de 12 ans, 281 enfants âgés de plus de 12 ans, soi t plu s de 900 pension naires. Plu sieurs ateli ers (tissage, cor­do nnerie, etc ... ) étaient install és pour l'apprentissage et le t ravai l des jeunes.

Le service de santé comprenait des officiers de santé (soins aux infirmes ct aux malades ch roniques) et des chirurgiens pour les infi rmeries des homm es ct des femmes. E n cas de maladie aiguë, le patient était t ransporté à l' H ô rcl­Dieu. Par mi les médeci ns exerçant à la C harité, Anto ine C lot devie nd ra célèbre, après avoir fond é l'Ecole de Médecine d u C airc lh

L'hospice de la C harité fonctionna jusqu 'en 1890. Il fut évacué à cette date en raiso n de sa vétusté, et ses pensio nnaires, vieillards et infirmes, furent transférés au quartier de Sainte-Margueri te !7.

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c) L'Hôpital Saint-Lazare

L'hôpital Saint-Lazare était une ancienne léproserie fondée au XIII e siècle par les chevaliers de Saint-Lazare, et située approximativement dans l'angle formé actuellement par la rue Desaix et J'avenue Camille Pellctan 18 ,

Il était affecté depuis 1696, à l'internement des malades mentaux. Ses locaux étaient vétustes, ils comprenaient cent vingt loges et chambres particulières, les loges étaient en fait des cachots bas et humides.

Sa population, évaluée à 208 aliénés en 1832, se réduira à 138, après le trans­fert d'une partie des malades à l'Hôpital Saint-Joseph.

2. Deuxième période: avec la croissance de la population (le nombre d'habi­tant de 110916 en 1801, atteindra 145 115 en 1832 et même 148186 en 1846), avec l'augmentation du trafic ponuaire en liaison avec l'Afrique, J'Administration des hospices fut contrainte de trouver d'autres établissements de la ville pour désencombrer les structures existantes. Ainsi furent aménagés l'hôpital Sainte­Françoise et les différents locaux qui furent occupés successivement par la Maternité.

a) L 'Hôpital Sainte-Françoise

Cet hôpital était situé entre la rue Baussenque et la rue Sainte-Françoise qui lui a donné son nom l".

A l'origine (1714), cet établissement était un orphelinat (œuvres des filles orphelines, sous le titre de Notre-Dame du Bon-Secours). Devenu vacant à la Révolution, il servit d'hôpital en 1832 pour les malades atteints du choléra. Il deviendra en 1833 une succursale de l'Hôtel-Dieu, pour les vénériens, les galeux, les dartreux, les cancéreux et les malades souffrant de plaies chro­niques c'est-à-dire des malades qui n'entrant pas dans la catégorie des «fiévreux »,

n'étaient pas admis à l'Hôtel-Dieu.

Les locaux comprenaient (1834), 7 salles, 2 dortoirs et 20 chambres, soit une capacité de 152 lits.

Le bâtiment de l'hôpital Sainte-Françoise fut vendu aux enchères en 1868 (puis démoli) et le prix de cette vente fut employé à l'achèvement de l'hôpital de la Conception 1".

b) La Maternité et ses déménagements successzfs

Au début du siècle, les locaux de la Maternité situés dans les sous-combles de l'Hôtel-Dieu se révélèrent impropres au bon fonctionnement du service.

La Maternité fut alors transférée, le 2 septembre 1824 dans le bâtiment de

18. BLES (A.), Dictionnaire historique des rues de Marseille, Marseille, 1989. 19. FABRE (A.), Les rues de Marseille, Marseille, 1867, T . 1, pp. 214-215.

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la Madeleine, avant de s'agrandir en annexant les locaux voisins du Refuge ct de l'Entrepôt". Mais les abords de la Madeleine et du Refuge furent jugés tumul­tueux et la Maternité déménagea une nouvelle fois pour aller, le 1" janvier 1832, dans l'ancien Hôpital Saint-Sauveur situé aux allées de Meilhan11 et s'instal­ler dans quatre grandes salles et dix chambres comptant 71 lits. Un nouveau transfert sera effectué six ans plus tard, le 1<' janvier 1837, dans J'ancien couvent des Grandes-MariesH attenant à l'hospice de la Charité. Malgré l'état déplorable des bâtiments et la mortalité effrayante des jeunes enfants, cette situation dura 27 ans et ce n'est qu'en 1863, que l'Administration hos­pitalière sous la pression de l'opinion publique, décida d'installer la Maternité dans l'un des pavillons de l'hôpital de la Conception qui venait d 'être achevé. Le nombre de femmes hospitalisées, qui était faible jusque-là, soit 80 en 1811 (Hôtel-Dieu), 163 en 1861 (Grandes-Maries), atteindra 985 en 1896 (Conception).

3. Troisième période, entre 1850 et 1890, la population marseillaise va dou­bler (400.610 habitants en 1890). La ville s'est agrandie et de nouveaux quartiers ont été construits. Malgré des travaux d'amélioration dans les bâtiments exis­tants, les établissements hospitaliers sont devenus insuffisants. Des projets de construction qui étaient depuis longtemps en discussion entre le préfet, le conseil municipal et l'administration hospitalière, vont voir le jour ct aboutir à la construction de l'hôpital militaire, de l'hôpital de la Conception et de l'Asile Saint-Pierre.

a) L'Hôpital militaire

Avec l'augmentation de la garnison de Marseille, un hôpital fut affecté aux militaires à partir de 1850, rue de Lodi. Formé de quatre bâtiments principaux, il comprenait 37 chambres, réparties sur trois étages et de très grandes salles. Sa capacité était d'environ 600 lits au début du XX· siècle.

Le service de santé comprenait des médecins et des pharmaciens militaires,

20. Alors qu 'au XVIII' siècle hôpital du Refuge et Saint Joseph se confondent, au XIX' siècle, l'hôpital Saint-Joseph (appelé par les Marseillais la '" galère ») réunissait trois locaux: le local de la Madeleine (ancienne œuvre des Filles repenùes ou Filles pénitentes de Sainte­Magdcleine),le local du Refuge (où étaient enfermées les prostituées sous l'ancien régime) et le local de l'Entrepôt (où étaient enfermées les fe mmes enceÎntes du Refuge). Depuis 1821 , on y soignait les femmes vénériennes avant leur transfert à l'Hôtel-Dieu en 1826. L'hôpital SaÎnl­Joseph après le départ de la Maternité deviendra, en 1832, une succursale de l'hôpital Saint­Laza re.

21. L'hôpital Saint-Sauveur avait été construit en 1772 pour les scorbutiques, les cancéreux, les malades atteints d'écrouelles ou encore de mal vénérien.

22. Anciennement premier Monastère de la Visitation. Les Sœurs de la Visitation fon­dèrent leur premier monastère dans la rue qui portera le nom des Grandes~Maries. Cette rue a disparu lors du percement de la rue Impériale (voir Bus (A.), op. cil.).

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avec dès l 'origine (jusqu'en 1904) des religieuses de Saint-Vincent-de-Paul pour donner les soins aux maladesZl

,

b) L 'hôpital de l'Immaculée Conception

Une nouvelle agglomération était en voie de formation au sud et à l'est de la viBe. L'Administration des hospices décida de construire dans le quartier du Petit Carnas alors suburbain, un nouvel hôpital qui sera inauguré le 29 novembre 1858 par Monseigneur de Mazenod sous le nom d 'hôpital de l'Immaculée Conception.

En 1863, l 'hôpital comprenait huit pavillons séparés par des cours inter­médiaires. Outre les services de médecine et de chirurgie, un pavillon était occupé par la Maternité et un autre était réservé aux prostituées atteintes de maladies contagieuses2f

, Le nombre des entrées (sans tenir compte de la maternité) augmenta rapidement 2.384 en 1861,4.747 en 1866,5.196 en 1871 ,6.271 en 1891".

c) L'Asile Saint-Pierre

Les malades mentaux étaient internés dans l'hôpital Saint-Lazare depuis 1698 et dans l'hôpital Saint-Joseph depuis 1832.

Henri Aubanel26 qui venait de s'installer à Marseille en 1840, avait été nommé médecin de ces deux hôpitaux. Constatant les conditions dégradantes dans les­quelles vivaient ces malades -locaux vétustes, nourriture exécrable, conditions d'hygiène épouvantables, sans oublier les sévices corporels - il supprime les cachots, les chaînes, les menottes, les entraves en fer, les nerfs de bœuf, il donne une ali­mentation saine et s'adressant aux pouvoirs publics, il réclame la construction d'un véritable asile 27

En 1827, la ville avait été autorisée à acquérir un terrain dans le quartier Saint­Pierre (propriété Roux-Labaume), sur les bords du Jarret, pour la construction d'un asile. Il faudra attendre toutefois le mois d'octobre 1844 pour que la première aile du bâtiment soit terminée. Sans plus attendre, Aubanel y fera trans­férer en dix jours, dans les meilleures conditions possibles, une population de 36 1 aliénés .

Avec la construction de nouveaux locaux dans les années 1851-1855, et l'évo­lution de nouvelles conceptions psychiatriques le nombre des malades augmenta

23. CM·1AU (E.), op. cit., p. 353-354. 24. MIREUR (H.), La prostitution à Marseille, Histoire, Administration et Police,

Hygiène, Paris, Marseille 1882, pp. 313-331. 25. CAMAU (E.), op. cit., p. 351. 26. AUBANEL Honoré (1811-1863), né à Auriol d'un père médecin. Il va étudier la

médecine à Paris en 1833 et soutenir sa thèse sur les hallucinations en 1839. Inscallé à Marseille en 1840, il devient médecin de Saint-Lazare et de Saint-Joseph. Médecin légiste cn 1854, il publie les comptes rendus de son service en 1850 et 1861.

27. SAUVET (Docteur), Eloge du Docteur Aubanel, Marseille, 1864.

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progressivement, de 475 en 1851 (213 hommes et 262 femmes), il s'éleva à 1.134 en 1896 (527 hommes et 607 femmes)" .

L'ASSISTANCE PRIVEE

Différentes institutions privées furent créées au XIX" siècle pour poner assis­tance, sous diverses formes, aux malades sans ressources.

Les personnes atteintes de maladies graves pouvaient être visitées à domi ­cile par les membres de la Société de Bienfaisance et de Charité (fondée en 1804) et par les dames visitantes de l'Oeuvre des Dames de Saint- Vincent-de-Paul (1850) qui possédait, en outre, une lingerie et prêtait du linge (draps ct chemises) aux malades pauvres. Par ailleurs, une garde-malade pouvait être envoyée pour la nui, par l'Association de la Sainte-Famille (1852).

Plusieurs institutions d'assistance à caractère hospitalier furent fondées au cours du siècle: en 1840, l'Infirmerie Protestante qui hébergeait des femmes malades appartenant à la religion réformée; en 1852 l'Asile des Petites Sœurs des Pauvres ainsi que l'A sile de Saint-Jean-de-Dieu pour les vieillards indigents; en 1881, les Dames du Calvaire qui offraient un refuge aux malades incu­rables; en 1888, l'Asile Saint- Marcel qui était ouvert aux protestants âgés et cn 1893, l'Asile de la Rive ouvert aux femmes âgées appartenant également à la reli­gion réformée.

Des dispensaires furent créés vers la fin du siècle; cn 1867, le Dispensaire homéopathique; en 1882, un Dispensaire de la Croix-Rouge; en 1891, le Dispensaire des Enfants Malades et en 1895, le Dispensaire des Catalans.

li faut souligner, enfin, l'ouverture de deux œuvres importantes, l'Institut des Sourds-Muets en 1820 et l'Institut des Jeunes Aveugles, cn 1858.

LES LAZARETS

Les fièvres dites pestilentielles, c'est-à-dire la peste, la fièvre jaune et le cho­léra faisaient peser une menace permanente sur le port de Marseille.

Pour s'en protéger, la ville avait construit un lazaret en 1663, où étaient iso­lés de la population les voyageurs et les équipages suspects de contagion. Après une période d'observation, la quarantaine, si aucune maladie ne s'était décla­rée, passagers, marins et navires pouvaient reprendre leurs activités.

Pour concilier les intérêts du commerce avec ceux de la santé, il fallait réduire au minimum la durée de la quarantaine et évaluer, pour chaque cas, les risques

28. CM.1AU (E.), op. cit., p. 356.

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possibles de contagion. Pour cela deux éléments entraient en jeu: d'une part la patente de santé et d'autre part les déclarations du commandant de bord. La patente de santé, sorte de certificat sanitaire du navire, était délivrée au départ d'un port. Elle était nette quand il n'existait aucun risque d'épidémie dans le port de départ et elle devenait brute dans le cas contraire. Elle était considérée comme suspecte si Je navire avait fait relâche dans un port ou avait communiqué avec un autre navire dont l 'état sanitaire était sujet à caution. Par ailleurs, le commandant de bord était tenu à son arrivée de déclarer les événements sanitaires qui avaient pu éventuellement se produire à bord en particulier les maladies et les décès. Avec une pateme brute et des décès à bord au cours de la traversée, les risques de conta­gion étaient de toute évidence très élevés, le navire ne pouvait entrer dans le port; équipage, passagers, animaux, marchandises étaient conduits au lazaret.

Le lazaret était situé dans le quartier de Saint-Martin d'Arenc sur j'em­placement qu'occupe j'actuel quai du Lazaret. Entouré d'une triple enceinte de muraille, il comprenait sept enclos séparés par des murs de clôture. Des loge­ments étaient prévus pour les quarantenaires et une infirmière pour les malades. Il existait aussi des écuries pour les animaux suspects, des enclos pour les marchandises douteuses et un quai de débarquement pour le transfert des personnes, animaux et marchandisesz9

Les navires suspects n'entraient pas dans le pon, ils étaient envoyés à l'île de Pomègue qui pouvait abriter une soixante d'unités au mouillage. Nul n'était dispensé de la quarantaine, en raison de la gravité de l'enjeu. Louis-Philippe, futur roi des Français, avec sa famille en 1813, Marie-Caroline, la future duchesse de Berry en 1816, se plièrent à cette obligation; même la girafe que Mehemet-Ali avait offert à Charles X en 1826, fut isolée aux écuries du laza-

Dans l'île de Ratonneau avait été construit de 1821 à 1828 l 'Hôpital Caroline (de Marie-Louise-Caroline de Bourbon, épouse du duc de Berry) qui deviendra l'hôpital Ratonneau en 1831 . Il reçut des malades venant de l' armée d'Afrique de 1837 à 1841 et de l'armée d'Orient en 1856. Après le translert du lazaret de Saint-Martin d'Arenc (Lazaret continental) aux îles du Frioul, en 1850, l'Intendance sanitaire disposera d'un ensemble d'installations comprenant le port et l'infirmerie de Pomègues, l'hôpital Ratonneau, ainsi que le pon et le Lazaret du Frioul.

Ces nouvelles installations permettaient d' accueillir 805 quarantenaires au lazaret du Frioul et 470 malades à l'hôpital Ratonneau et à j'infirmerie de P omègues JO .

~EUVE, op. cie., T. Ill, pp. 371-381. OLMER (D.),« L'évolution et les progrès de l'hygiène '' dans les Bouches-du-Rhône, Encyclopédie départementale, 1923, T. X, pp. 560-

568.

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Que penser de l'efficacité des lazarets de Marseille? Lors de l'épidémie de peste qui fit une effroyable hécatombe en 1720) il apparut que les conditions d'iso­lement furent finalement bien loin d'être efficaces)l. Il semble que la leçon fut comprise, car la peste qui se manifesta à plusieurs reprises ll par des cas isolés à bord de bateaux nc franchit pas l'enceinte du lazaret ou fut rapidement étouf­fée. De même la fièvre jaune parU{ pour la première fois au Lazaret en 1802 où elle fit 2 morts sur 4 malades. Elle resta localisée dans les limites de l'enceinte, ainsi qu'en 1804 et 1821" . En revanche, l'épidémie de choléra de 1865 fut introduite à Marseille par un bateau de pèlerins de la Mecque venant d'Egypte qui avait eu des décès à bord. (L'épidémie de 1884, se propageant de Toulon, avait également une origine maritime).

L'hôpital Ratonneau jouera un rôle important dans l'évacuation de J'armée d'Orient, quand en 1856, une épidémie de thyphus se déclara parmi les militaires. Plus de 700 malades furent hospitalisés, 90 d'entre eux succombèrent.

Entre 1852 et 1891, plus de 53 .000 passagers ont été conduits au Frioul, sou­vent pour un simple examen médical , mais plus de 800 malades furent hospi­talisés avec un bilan de 201 décès.

MALADlES ET EPIDEMIES

Les maladies contagieuses ont représenté jusqu'à la fin du XIX" siècle, une des principales causes de mortalité. Transmissibles par des micro-organismes, dont on ignorait l'existence jusque dans les années 1 870-1880}" rebelles aux thé­rapies alors utilisées, elles pouvaient se limiter à des cas isolés ou bien se pro­pager sous forme d 'épidémies.

Au début du siècle, l'insalubrité de Marseille était notoire, les rapports de police sont accablants, des immondices de toute nature s'accumulaient dans les rues, les aliments exposés en vrac étaient souillés par les poussières et les eaux

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de boisson polluées. Par ailleurs, le blocus continental, imposé depuis 1806, avait paralysé l' activité économique de la ville. Selon Thibaudeau, Préfet des Bouches-du-Rhône, le nombre des indigents s'élevait à 40.000 (plus de 40% de la population) et 30.000 d'entre eux ne subsistaient que grâce à des secours.

Ainsi, avec l ' insalubrité, la misère et la malnutrition se trouvaient réunies les conditions les plus favorables pour faciliter la propagation des maladies infec­tieuses. Aussi, Marseille dût affronter à plusieurs reprises des épidémies meur­trières de choléra, de variole et de diphtérie.

Le choléra fit sa première apparition en Europe en 1817. Lors de la deuxième pandémie cholérique qui ravagea le continent européen entre 1830 ct 1840 (plus de 2.000.000 de morts), Marseille fut touché pour la première fois en 1834 et l'on dénombra 3.441 victimes dans la période qui va du Il décembre 1834 au 31 décembre 1835. Le souvenir de l'épidémie de peste, en 1720, fit abandonner la ville à 25.000 personnes. Le cimetière Saint-Charles ne pouvant suffire aux inhumations, il fallut ouvrir ceux de Saint- Victor, Saint-Laurent, la Major, la Charité et l 'anse de l'Ourse, qui étaÎem abandonnés depuis quinze ans }~ .

D'autres épidémies de choléra se manifestèrent par la suite, en 1837 (1.526 morts) et en 1849 (2.211 morts). En 1854-1855, ce fléau provoqua le décès de 4.500 personnes, parmi lesquelles il faut dénombrer 469 militaires appartenant au corps expéditionnaire de Crimée qui traversait la ville. L'épidémie de 1865, amenée par des navires venam d'Orient, fit près de 3.000 victimes à Marseille; la maladie était même contractée en milieu hospitalier: à l'Hôtel-Dieu, 56 cho­lériques sur les 333 hospitalisés avaient été contaminés à l'Hôpital, ainsi que 78 sur 234 cholériques à la ConceptionJ6

• En 1884-1885, une nouvelle épidémieJ ;

fit plus de 3.000 morts avec 1.146 décès pendant les seuls mois de juin et de juillet 1884. Le Palais du Pharo fut transformé en Hôpital en 1884 et dût être réouvert en 1885.

Lors de la dernière épidémie du siècle à Marseille, en J892-1893, le rôle de l'eau dans la propagation de la maldie fut mis en évidence par FallotJ

!> qui avait constaté que de nombreux malades s'approvisionnaient à la fontaine Saint-Martin, alimentée par la source de la Frache (l 'église Saint-Martin avait été démolie en 1887) et sur 751 décès, entre le 17 avri l et le 15 août 1893, 90 pouvaient être attribués à la pollution de cette source. Après la fermeture de la fontaine en août 1893, l ' épidémie s'arrêta dans le quartier Saint­Martin.

Parmi les nombreux médecins qui se distinguèrent au cours de ces périodes

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sombres, on peut citer pour leur dévouement, Vincent SeuxJ\ Pierre Villeneuveo,

Pierre Martin ROU Xb9•

La variole ou petite vérole, aujourd'hui complètement éradiquée de la su r­face du globe, sc mani festa à plusieurs reprises à Marseille. Lors de l' épidémi e qui toucha l'Hôte l-Dieu, en 1823, des enfan ts qui avai ent été vacci nés ne fur ent pas atte ints par la maladie. En 1830- 183 1, au cou rs d'une nouve lle poussée, o n pratiqua avec succès la vaccination post-vaccinale", véritab le revaccina ti o n qu e J'on qualiferait de nos jours de « rappel )', Malgré ces exemples encourageants, malgré la propagande de la Société de Médecine, la popu­lation demeura indifférente et parfois hostile à la vaccine. Ainsi, auraient pu être évitées les épidémi es de variole de 1875 qui fit 756 victimes et celles de 1886 et 1895 qui entrainèrent respectivement la mort de 2.052 et 738 personnes. Quant à ceux qui ne mouraient pas de la maladie, ils gardaient sur leur visage et sur leur corps les cica trices indélébiles des vésicules varioliqu es .

La diph tér ie, avant la découverte de son traitement par Emile Roux, était une maladie redoutable qui frappait surtout les jeunes enfants. Selon d'Astros" le taux de mortalité était de 28,7% dans le croup (forme laryngée de la diphtérie) ct de Il,4% dans l'anginc diphtérique. Marseille avait la situation peu env iabl e d'être la ville la plus exposée à cette maladie avec 127 décès pour 100.000 habitants, contre 74 à Paris, 50 à Lyon, 42 à Bordeaux et 34 à Toulouse. La diph ­térie a été responsable de 401 morts en 1882,779 en 1891 et 573 en 1892. Mais avec l' installat ion du labo ratoire ami-diphtérique en 1892- 1893, et l' ap­plication de la sérothérapie, la mortalité diminua rapidement avec 314 décès en 1894, 122 en 1895 et 86 en 1899.

D'autres maladies infectieuses com me la fièvre thyphoïde, ia tuberculose, la pneumonie, les bronchites aiguë et chronique, les diarrhées infantiles, faisaient également payer un lourd tribut à la population.

La fièvre thyphoïde sévissait à l'état endémique à Marseille, en raison de la pollution des caux d 'alimentatio n et des parcs de coquillages du golfe. Malgré la construction du canal de la Durance en 1849, elle faisait encore de nombreuses victimes à la fin du siècle avec 385 morts en 1888,222 en 1894,5 11 en 1897.

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La tuberculose représentait à Marseille la principale cause de mortalité, un décès sur dix lui était attribué, atteignant deux décès sur dix chez les malades hospitalisés à l'Hôtel-Dieu. Le nombre de ces décès était surtout important dans les formes pulmonaires de la tuberculose (1a phtisie), par rapport aux formes gan­glionnaires ou osseuses; sur 255 pulmonaires (185 hommes et 70 femmes), on comptait dans cet hôpital, en 1895, 116 décès (81 hommes et 35 femmes)41. Avec la tuberculose pulmonaire, les maladies de l'appareil respiratoire, comme la pneu­monie et les bronchites aiguës et chroniques, formaient le gros contingent des affections qui conduisaient les malades à être hospitalisés en hiver.

La méningite était une maladie fréquente à Marseille, au siècle dernier, et souvent mortelle (248 morts en 1875). Quant aux diarrhées infantiles, eUes étaient une cause de mortalité importante chez les jeunes enfants (1.111 morts en 1892, 1.242 en 1893).

Parmi les maladies transmissibles, les maladies vénériennes, et la syphilis en particulier, avaient pris une très grande extension. Les prostituées constituaient une population à haut risque partagé. En 1861, une prostituée sur deux était véné­rienne et une sur trois syphilitique. En 1881, c'était une sur deux qui était atteinte de syphilis44

• Pour les hommes, un service de traitement des vénériens d'une tren­taine de lits, avaient été ouvert à l'hôpital de la Conception. Chez les militaires, la proportion des vénériens de la garnison de Marseille (garnison qui s'élevait entre 4.600 et 4.800 hommes) était de soixante et dix pour mille hommes d'ef­fectif dans les années 1875-188245

, inférieure à la proportion des vénériens de l'en­semble de l'armée en France, qui variait à cette époque entre cent et cent dix pour mille.

Enfin, en chirurgie, l'infection des plaies était aussi une importante cause de mortalité. On distinguait alors: la suppuration, l'infection putride, la résorption purulente et la pourriture d'hôpital#>. La suppuration des plaies étaient considérée comme inévitable et même normale, avant la découverte de l'antέseptie par Lister (1867). La survie après une intervention chirurgicale était très aléatoire. Chapplain47

, chirurgien à l'Hôtel-Dieu, déclarait même en 1847: « c'est à peine si nous pouvons avoir l'espérance de sauver un malade sur cinq opérés ».

Ainsi, les maladies infectieuses, qui ont entraîné une issue fatale entre 1873 et 1875, représentaient au moins 30% des décès de l'ensemble de la population marseillaise. Les maladies touchaient des tranches d'âge plus jeunes que celles

43. FRANÇOIS (L), '" Cinq années de statistiques à l'Hôtel-Dieu de Marseille 1890-1895 », Marseille médical, t 896, pp. 689-693.

44. MIRF.UR (H.), op. cit., p. 264. 45. MIREUR (H.), op. cil., p. 306-307. 46. La pourriture d 'Hôpital ou gangrène nosocomialc est une maladie infectieuse et conta­

gieuse due à l'as sociation du bacille fusiforme et du spirochète de Vincent [GARNIER (M.) et DUAMARE (V.), Dictionnaire des termes techniques de médecine, Paris, Maloine, 1945].

47. CHAPPLAIN, .. Quelle est l'i nfluence des anciens hôpitaux sur Ics opérations chi· rurgicales ?» Congrès scientifique de France, 1847, pp. 526-542.

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qui concernent les maladies non infectieuses comme par exemple, les cancers ou les maladies organiques du cœurU

L'espérance de vie en France dans les années 1877-"189 1, ne dépassait pas 41 ans pour les hommes ct 44 ans pour les femmes. A Marseille, dans les pre­mières décennies du XIX" siècle, 20% des enfants mourraient avant d'avoir atte int leur première année et 45% avant l 'âge de 10 ans. Vers la fin du siècle, la mortalité au cours de la première année sera de 15% (de nos jours, en Frlllce, clle est de 0,83%) ct pour les enfants de moins de 10 ans de 37% . Pour l'ensemble de la population marseillaise, le (aux de mortalité entre le début et la fin du siècle passera de 38,50Yoo à 24,95%0 (de nos jours en France elle est de 9%0) " .

L 'ENSEIGNEMENT MEDICAL

Si la région du Sud-Est bénéficiait, sous l'ancien régime, de quatre facul­tés de médecine à Aix, Avignon, Valence et Orange, Marseille n'avait pas ce pri­vilège. Toutefois un enseignement médical avait été organisé à l'Hôtel-Dieu, au XVIlI ' siècle.

Pour assurer l'avenir des enfants trouvés qu'ils avaient en charge, les recteurs de cet hôpital avaient organisé à leur intention, en 1750, des cours de chirurgie. Plus tard, cet enseignement fut ouvert à des élèves externes et servira de modèle au Co llège des Maîtres chirurgiens qui fondèrent ainsi l'Ecole publique et gratuite de chirurgie.

Les deux écoles de chirurgie disparurent à la Révolution (ainsi que les quatre facultés du Sud-Est) mais les élèves chirurgiens de Marseille réclamèrent à 1a. Municipalité la nomination de professeurs démonstrateurs et un enseigne­ment médical fut maintenu à l'Hôtel-D ieu pendant la période révolution­naire et le Directoire~.

1. Les Cours Publics de Médecine

Sous le Consulat~ ' des enseignants obtinrent du Préfet l'autorisation d'ouvrir des cours publics de médecine.

48. BARRE (H.) « Démographie, III Mon:alité et morbidité ». Les BOl1cht's-dtt-Rbône. Encyd. dep., 1921 , T. XIII,p. 328.

49./bid., pp. 282-283. sa. AI.EZAIS (H.) '" L'enseignement de la chiru rgie à Marseille avan t et pendant la

Révolution ». Marseille médical, nO spécial VIII Congrès National de la Tuberculose, 1939,

pp. 5· 34

cale, P»,AL'A>I'p. "-'0<'

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Ainsi, François FodéreS2 organisa des démonstrations anatomiques à l'Hôtel-Dieu, en 1800, jusqu'à son départ de Marseille à la fin de 1801 ou au début de 1802. François Cauvière5J fut autorisé par le préfet Thibaudeau, le 16 bru­maire an XII (8 novembre 1803) à donner des cours de physiologie, à pratiquer des expériences sur des animaux vivants et à faire des démonstrations d'anatomie.

2. L'Ecole Secondaire de Médecine et de Pharmacie

Le 23 ventose an XI (15 mars 1801), l'enseignement de la chirurgie avait été rétabli à l'Hôtel-Dieu par la commission administrative de l'Hôpital et confié à Joseph Moulaud".

Plus tard, un décret signé à Bayonne par Napoléon, le 7 mai 1808, institua à l'Hôtel-Dieu de Marseille des « cours théoriques et pratiques de médecine et de chirurgie ». Mais cet enseignement connut des aléas et fU( rétabli par le règle­ment ministériel du 27 juillet 1813 sous le titre de cours d'instruction médicale,

Après plusieurs essais et quelques interruptions, les professeurs attachés à cet établissement furent officiellement nommés par un arrêté du 3 juillet 1818, et le 27 juillet de la même année) J'école fut inaugurée, Jusqu'à cette date, c'était J'Ecole de Chirurgie de l'Hôtel-Dieu qui avait assuré en fait l'instruction

52, FODERt. François Emmanuel (1764-1835), né à Saint-Jean-de-Maurienne, chirurgien major des troupes de Carteaux qui entrèrent à MarseiUe en 1793. Médecin de l'hospice des Insensés en 1797, il est nommé la même année second médecin de l'hospice d 'Humanité. Membre fon­dateur et secrétaire de la Société de Médecine (1800), il organisa des cours d'anatomie à j'Hôtel-Dieu, Vers la fin de 1801 ou début de 1802, Foderé quitte Marseille pour aller, sur ordre du premier Consul, faire la statistique des Alpes-Maritimes. Il deviendra médecin à l 'hôpital de Martigues (pour les avantages d'une indemnité de 800 par an) de 1805 à 1809 et fera des tra­vaux sur le paludisme. En 1813, il publie un traité de médecine légale en six volumes qui l'a fait considérer comme le père de cette discipline. En 1814, il quitte Marseille et la Provence et sera nommé professeur de médecine légale à la Faculté de médecine de Strasbourg; voir ALEZAIS (H .),« Le Professeur Foderé à Marseille et à Martigues, 1793-1811 Marseille médical, 1936, pp. 601-633 el pp. 649-676.

53. CAUVIERE Fra nçois (1780-1858), né à Marseille, fils d 'un cordonnicr. Officier dc santé de l'armée d'Italie (1798) après avoir gagné une forte somme d 'argent au jeu, il va à Paris pour érudier la médecine. Rentré à Marseille, il donne des cours publics de physiologie en 1803. Docteur en chirurgie (Montpellier 1807), il devient professeur de médecine opérawir et d'accouche­ments de 1818 à 1837 puis, en remplacement de Moulaud, chirurgien en chef de l'Hôtel-Dieu et professeur de clinique externe de 1837 à 1851. Il laissa une partie de sa fortune aux hôpitaux, à J'Ecole de médecine ct au Comité médical.

54. MOULAUD Joseph (1763-1856). Enfant trouvé au tour de l'Hôtel-Dieu, placé dans une famille à Montlaux (d 'où son nom), il revient à l'hôpital à l'âge de 10 ans pour être garçon apo­thicaire puis garçon en chirurgie. Maître en chirurgie en 1790, docteur en 1805, nommé chirurgien en chef à l'Hôtel-Dieu en 1811, il deviendra professeur à J'Ecole secondaire de méde­cine et directeur (1819-1820). En 1829, il abandonna ses honoraires de chef de service pour la création d'une bibliothèque destinée aux étudiants en médecine. Il alloua après sa mort les inté­rêts d'un capital important à J'éducation d 'un enfant de l'hospice.

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des élèves. Enfin, une ordonnance du 18 mai 1820 remplaça les cours d'instruction médicale par une Ecole secondaire de médecine et de pharmacie.

L'enseignement était réparti entfC six chaires: Anatomie et Physiologie; Clinique interne et Pathologie médicale; Clinique externe et Pathologie chi­rurgicale; Opérations et Accouchements; Matière médicale, Thérapeutique ct Médecine légale; C himie et Pharmacie. Une chaire intitulée« Hygiène navale et maladies des gens de mer» fut créée en 1821 sur propositions du Conseil d'ad­minÎstratrion des hospices et approbation du Conseil royal de l'Instruction Publique.

Les co urs avaient lieu dans l'amphithéâtre de l'Hôtel-Dieu et " ensei­gnement clinique était fait auprès du lit des malades par le médecin chef pour la clini que interne et par le chirurgien chef pour la clinique ex terne~~ .

Parmi les enseignants, on retiendra Joseph Moulaud chirurgien en chef de l'Hôtel-Dieu, professeur de clinique externe de 1818 à 1836 et directeur de l'école en 1819 et 1820, Antoine Ducros~\ professeur de pathologie interne de 1819 à 1837, puis de clinique interne de 1837 à 1851; François Cau vi ère professeur de médecine opératoire et d'accouchement de 1818 à 1837, puis chi rurgien en chef de l'Hôtel-Dieu et professeur de clinique externe de \ 837 à \851. La chaire « Accouchements, maladies des femmes et des enfants» créée en 1837 fut attribuée à Pierre VilleneuveS7

Un jury prévu par la loi du 19 ventôse an XI, renouvelé tous les cinq ans, se réunissait une fois par an pour procéder aux examens des élèves offi­ciers de santé, pharmac iens et sages-femmes du département des Bouches­du-Rhône.

3. L'école préparatoire de médecine et de pharmacie

L'enseignement officiel de la médecine en France, avant 1840, éta it donné dans les trois facultés de médecine de Paris, de Montpellier et de Strasbourg, ainsi que dans les écoles secondaires de médecine.

L'ordonnance du 13 octobre 1840, transforma les Ecoles secondaires en Ecoles préparatoires de médecine et de pharmacie.Logée à l'étroit dans les locaux de l'Hôtel-Dieu, l'Ecole préparatoire s' installa, à partir de 1869, dans l'ancien Palais de Justice, place Daviel , qui avait été acquis et aménagé par la ville.

55. VILLENEU VE, op. cÎt., T. III, pp. 554-556. 56. Duc ROS Antoine (179 1-1859) né à Paris d'un père chirurgien, il étud ia la médecine

à Toulon et à Marseille. Docteur en 1817, il devint chirurgien du Lazaret, de l'Hôtel-Dieu, des prisons et de la maternité. En 1837, il est nommé professeur de clinique médica le à l'Ecole de médecine. 11 légua, après sa mort, la plus grande partie de sa fortune à l'Administration

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François Cauvière fut son premier directeur (1841-1851). Parmi ses successeurs il faut citer Eutrope Coste" (1856-1874) ct Vincent Seux" (1874- 1875).

L'ordonnance du 13 octobre 1840 prévoyait les enseignements suivants: Chimie et Pharmacie; Histoire naturelle et Matière médicale j Anatomie et Physiologie; Clinique interne et Pathologie interne; Clinique externe et Pathologie externe j Accouchements, maladie des femmes et des enfants. Pierre Girard, qui introduisit à Marseille le sthétoscope que Laennec avait inventé, fut professeur de Pathologie interne de 1841 à 1851 puis professeur de clinique interne de 1851 à 1876.

L'Ecole comptait une centaine d'étudiants qui se destinaient au doctorat, de médecine ou de chirurgie, à l'officiat de santé et à la pharmacie. En 1835, il Y avait 37 élèves pour l'officiat et 24 pour le doctorat, ce qui peut expliquer le nombre important des officiers de santé dans les Bouches-du-Rhône.

4. L'école de plein exercice de Médecine et de Pharmacie

Après 1870, la Faculté de médecine de Strasbourg fut transférée à Nancy, les Facultés de Paris et de Montpellier ne subissant pas de changement. Il fut alors question de convertir les Ecoles préparatoires des vi lles les plus importantes en Ecoles de plein exercice de médecine et de pharmacie, c'est-à-dire en établissements donnant un enseignement aussi complet que celui des facultés de médecine. Les élèves pouvaient ainsi terminer leurs études dans une école de plein exercice (alors qu'ils étaient obligés de s'inscrire dans une faculté à la fin de la Y année, lors­qu'ils étudiaient dans une Ecole préparatoire) mais ils devaient quand même pré­senter les examens du doctorat devant une faculté, ce qui n 'était pas apprécié par tous les enseignants60

• Par le décret du 26 novembre 1875,« l'Ecole de médecine et de pharmacie de Marseille est déclarée Ecole de plein exercice » (Art. 1).

L'enseignement théorique et pratique se faisait dans l'ancien Palais de Justice. Les locaux comprenaient en 187661 deux amphithéâtres, un laboratoire de tra­vaux pratiques, une grande salle de collection (Matière médicale et Histoire natu­relle), une grande bibliothèque, un muséum d'Anatomie normal e et patholo­gique, un laboratoire de Physiologie et un laboratoire de Microscopie. A cette

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époqu e étaient en cours d'installation, un laborato ire de Chimie et un labora­toire de Pharmacie. Les éwdcs cliniques sc faisaient à l'Hôtel-Dieu, dans les deux cliniques de médecine et les deux cliniques de chirurgie. il existait également trois amphithéâtres pour les leçons et les opérations. Entre l'H ôtel-Dieu ct J'Ecole avait été construit un Insti tut d 'anatomie. Durant le semestre d'hiver 1875 , 124 cadavres avaient été livrés à l'Institut. Enfin, l'Ecole de plcin exercice disposai t cl 'unJardin botanique pour l'étude des plantes médicinales.

Le premier directeur de J'Ecole fut Vincent Seux, de 1875 à 1883, qui eut pour successeur J oseph J acq ues Chapplain"' , de 1884 à 1892, puis C harl es Livon" ' de 1892 à 1901.

Parmi les enseignants des nouvelles chaires, il faut citer Etienne Fallot'" qui fut chargé d'Anatomie Pathologique de 1886 à 1888; Auguste Queircl" titula ire de la chaire de Clinique obstétricale de 1893 à 1910; Edouard H eckeiM professeur J e matière médicale de 1879 à 1903 ; EvarÎslC Bertulusb l professeur dl' Pathologie interne ct de Pathologie générale de 1876 à 1881 ; ct Gabriel Roux de Brignülcsr, ~

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professeur de Thérapeutique (1888-1896). Il faut souligner que, grâce à la libéralité du Conseil général, un cours complémentaire de Bactériologie fut créé en 1896.

A la suite de la décision ministérielle du 30 décembre 1879, un jury de la Faculté de Montpellier se réunissait clans le grand amphithéâtre de l'Ecole de Marseille pour examiner les candidats au doctorat.

Depuis 1866,la ville de Marseille souhaitait que l'Ecole de plein exercice soit transformée en Faculté de médecine et de pharmacie. Ce vœu fut constam­ment renouvelé par le Conseil municipal. Le Maire et le Président de l'Administration des hospices se firent pressants auprès du Président de la République, Sadi Carnot, qui visitait le Pharo en 1890. Ce fut l'échec. L'Ecole s'installa néanmoins au Palais du Pharo en 1893 et prit possession de l' Institut d'anatomie, nouvellement construit, en 1896. La transformation de l'Ecole de plein exercice en Faculté ne verra le jour qu'en 19307°.

5. L'école des sages-femmes

Il était prévu par la loi du 19 ventôse an XI que« Outre l'instruction don­née dans les écoles de médecine, il sera établi dans l'hospice le plus fréquenté de chaque département un cours annuel ct gratuit d'accouchement théorique et pratique destiné particulièrement à l'instruction des sages-femmes ».

Le 18 juin 1818, le Préfet des Bouches-du-Rhône, approuva la création d'une école départementale destinée à former des sages-femmes. Les cours étaient don­nés à la section Maternité de l'Hôtel-Dieu. Par la suite cette école suivra la Maternité dans les différents locaux qu'elle occupa dans la ville.

L'enseignement était placé sous la direction des médecins et chirurgiens du service, Villeneuve et Queirel en particulier. L'enseignement pratique relevait de la responsabilité d'une maîtresse sage-femme. Les études en 1826 com­prenaient deux cours de six mois j vers la fin du siècle, les études devien­dront plus longues (deux ans) et les élèves seront soumis au régime de l'inter­nat'I .

soigner les malades. Au retour, à Brest, il reçoit la Légion d'Honneur à l 'âge de 30 ans. Il quitte la marine cn 184 5. 11 dev ient professeur de Pathologie interne à J'Ecole de médecine de Marseille (1868- 1876), puis de Patho logie internc et de pathologie géné rale (1876- 1881).

68. Roux DE BRIGNOLES Gabriel ( 1862-1926) né à Marseille, chirurgicn des hôpitaux de Marseille, il fut professeur à l'Ecole de médecine et Président de la Société de chirurgie de Marseille.

69. Roux Pierre Manin (1791-1864) né à Marseille, officier de santé (1808), docteur en médecine (Montpellier, 181 7) médecin du service sanitaire, il se distingua lors des épidémies de variole (1820), de cho léra (1834-1835, 1837- 1838, 1849-1854), il contribua puissamment à sauver notre région de la peste Cil 1837 lors de l'arrivée du Léonidas. Au retour des troupes de Crimée, il soigna les typhiques en quarantaine et fut lui-même atteint du typhus.

70. IMBERT (L.) La Création de la Faculté de Médecine, Marseille, 1938. 71. HEUE (A.). " Les sages-femmes marseillaises, vers un nouveau statut, 1826-1945 »,

Provence historique, 1939, pp. 437-457.

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SOCIETES ET PERIODIQUES MEDICAUX

La pensée scientifique médicale a évolué dans le cadre des sociétés de méde­cine qui regroupaient le plus souvent les membres influents des hôpitaux ct de J'Ecole de médecine.

Le 7 juillet 1800, avait été créée la Société de médecine avec d'anciens membres du Collège de médecine. Elle reçut en 1818, le titre de Société Royale de médecine pour les services qu'elle avait rendu dans les domaines de la vaccine, de la salubrité publique. des maladies transmissibles, etc. La Société de méde­cine et la Société académique de Marseille (fondée en 1813) se réunirent en 1848 sous le titre de Société de médecine de Marseille, qui fut qualifiée, selon le régime en place, de royale, nationale ou impériale. Une nouvelle société avait été créée en 1843, à l'initiative de Pierre-Martin Roux6

'1, sous le nom de Comité médi­cal. Ce fut d'abord une société de défense professionnelle et d'entraide pour les médecins et les pharmaciens. En 1851, le Comité médical publia des rapports à caractère scientifique et, en 1859, il forma une commission scientifique qui publia ses travaux dans le Recueil des Actes du Comité et dans Marseille­Médical. La Société Médico-Chirurgicale des hôpitaux de Marseille a été fon­dée en 1869. Elle regroupait les médecins chirurgiens et accoucheurs des Hôpitaux de Marseille recrutés par concours.

Parmi les périodiques. on notera l'Observateur des Sciences Médicales (t 82 t-1826) auquel succèda le Bulletin de la Société royale de médecine de Marseille (1826-1829). En 1864, l'Association générale des médecins des Bouches-du-Rhône fonda l'Union médicale de Provence qui deviendra, en 1864, M arseille- Médical. Enfin, en 1868, parut Sud Médical et en 1891, les Annales de l'Ecole de plein exer­cice de médecine et de pharmacie.

LA REVOLUTION PASTEURIENNE

Le 6 juillet t 885, Pasteur pratiqua la première vaccination antirabique sur un enfant. Cinq mois plus tard, le 7 novembre 1885, le conseil général des Bouches­du-Rhône, sur proposition du Docteur Joseph Chevillon, un de ses membres, vota l'envoi à Paris du Docteur Charles Livon, professeur de physiologie à l'Ecole de plein exercice de médecine et de pharmacie, pour s'initier à la pratique de la vaccination contre la rage. En 1886, Livon adressa aux membres de la commission départementale des Bouches-du-Rhône un compte reodun dans lequel il décrit avec précision les techniques d'inoculation de la rage chez le lapin, la dessiccation

~(C.) Rapport sur une mission à Paris pour étudl'e?-auprès de M. PtlsTfu lI.les ino­Clûdtions préventives de ia rage présenté à MM. les membres de ia Commisûon Départementale des Bouches~du-Rhône, Marseille, 1886. Sir llVON, cf. supra note 63.

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de la moelle épinière pour atténuer le virus et la préparation du vaccin. Livon refit dans son laboratoire de l'Ecole de médecine, alors Place Daviel, toutes les expériences qu'il avait observées à Paris, pour se familiariser avec les méthodes pasteuriennes.

L'Institut Pasteur avait été fondé à Paris en 1888, grâce à une sous­cription internationale. Cinq ans plus tard, en 1893, le Docteur Flessière, alors Maire de Marseille et le Docteur Livon se rendirent à Paris pour proposer à Louis Pasteur la création d'un institut antirabique à Marseille, proposition que Pasteur accueillit favorablement. L 'Institut fut inauguré officiellement le 9 décembre 1893, par le Maire de Marseille, sous le nom d'Institut de vacci­nation antirabique. Livon en devint le directeur sur les recommandations de Pasteur.

Les résultats statistiques de l'Institut, qui ont été publiés par Livon en 189673,

dressent le bilan de 25 mois d 'activité entre le 9 décembre 1893 et le 31 décembre 1895. Pendant cette période 643 personnes ont été vaccinées, 639 ont été trai­tées avec succès et 9 sont mortes. Les consultants venaient des Bouches-du-Rhône (188 personnes de Marseille), du Var, du Gard, du Vaucluse, même de la Drôme et de "Ardèche, certains avaient fait un très long voyage: 23 à partir de l'Algérie, 54 de la Grèce et 2 de l'Egypte.

Avec l'inauguration de l'Institut antirabique en 1893, avec l'installation du Laboratoire anti-diphtérique en 1892-1893 et avec la création d'un cours de micro­biologie à l'Ecole de médecine en 1896, Marseille venait d'entrer dans l'ère pas-teurienne.

On connaissait désormais le rôle des micro-organismes dans les maladies et dans la suppuration des plaies. La vaccination et la sérothérapie annon­çaient de grandes victoires en médecine et l'antiseptie de grands progrès en chi­rurgie. La vaccine que les médecins n'avaient pu imposer au XIX~ siècle, à une population pourtant victime de la variole, la loi du 15 février 1902 la rendit obli­gatoire à un public mieux informé. Les pouvoirs publics conscients de l'importance des idées pasteuriennes s'attachèrent à les appliquer dans les domaines de la pré­vention et de l' hygiène urbaine.

L'amélioration de la distribution des eaux et la surveillance de leur qualité, la surveillance des aliments (service sanitaire vétérinaire), la construction d'un réseau d'égoûts avec un grand collecteur émissaire déversant les matières usées loin de la ville dans la calanque de Cortiou (1896), l'évacuation par voie ferrée des ordures ménagères dans la Crau, à partir de 1888, constituèrent des progrès considérables pour la préservation de la santé (mais qui pose­ront cent ans plus tard, avec l'augmentation de la population et l'accumulation des pollutions diverses, de graves problèmes écologiques). La mortalité qui était de 30%0 et même de 40%0 vers le milieu du siècle, au moment de l'inauguration

~(c.) L'Institut antirabique de Marseille. Résultats statistiques. Marseille, 1896.

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du Canal de la Durance, s'abaÎssera à 26%0 en 1896, à 25%0 entre 1896 et 1900 et à 22,7%0 de 1901 à 1905".

CONCLUSION

Il ne s'est pas écoulé une décennie à Marseille, au XIX< siècle, sans que le choléra ou la variole ne se manifeste (ce qui n'empêcha pas, il faut le souligner, la réalisation des grands travaux portuaires, industriels ct urbains).

La question des maladies épidémiques fit l'objet de discussions permanentes au sein des sociétés médicales, et au Congrès Scientifique de France, qui s'est tenu à Marseille en 1846, un large débat a été ouvert sur ce sujet.

Dans le domaine de la prévention, l'arme la plus efficace contre la var iole était la vaccine, elle fut négligée. En revanche, les lazarets, malgré la défaillance de 1865, jouèrent apparemment le rôle que l'on attendait d'eux. Enfin, les progrès de J'urbanisme entraînèrent une améli oration notable des conditions d'hygiène dans lesquelles vivait la population.

Sur le plan thérapeutique un bond considérable a été franchi en 50 ou 60 ans. Alors qu'en 1834 on utilisait encore dans les hôpitaux marseillais une pharmacopée du XVIII' siècleJ

\ a lors qu 'on saignait encore couramment les malades7

\ vers la fin du siècle, devant l' efficacité du traitement antirabique et de la sérothérapie antidiphtérique, un changement va se produire dans les esprits, montrant aux praticiens les voies nouvelles de la médecine.

Quam à l'enseignement médical, dont dépend la santé de la population, il prit un tournant décisif vers 1875 avec la création de l'Ecole de plein exercice de médecine et de pharmacie et les générations de médecins et de pharmaciens nouvellement formées apporterom leur contribution au progrès médical.

L'héritage du XIX'· siècle est loin d'être négligeable, sans doute réside-t­il dans la transmission d'un patrimoine hospitalier et dans la mise en place de st ructures de soins, mais il réside surtout dans la pensée et dans les nouvelles connaissances qui permettront le développement de la médecine contemporaine, dont bénéficiera immédiatement la ville de Marseille au XX,· siècle.

Docteur Marc AUBERT