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COLLECTION

FAUVES ET JUNGLES Dirigée p a r René G U I L L O T

Le mystère dont René Guillot entoure la personnalité si attachante de Marlow, le coureur d'aventures, intrigue au plus haut point les lecteurs dé FAUVES ET JUNGLES. Rien d'étonnant à cela ! Mar- low est tellement présent dans ces récifs qui nous entraînent parmi le monde en- chanté de la Bête.

Marlow est-il un personnage imagi- naire ? Voilà l'énigme...

A chaque fois que la question lui est posée, René Guillot efface très vite une ombre qui passe dans ses yeux. Et c'est avec émotion qu'il semble faire une pro- messe :

« On revient toujours, même des plus lointains rivages du monde... »

Les lecteurs de FAUVES ET JUNGLES seront les premiers à savoir si Marlow revient...

E D I T I O N S M A G N A R D

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LA LÉGENDE DES LICORNES

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COLLECTION "FAUVES ET JUNGLES" DIRIGÉE PAR RENÉ GUILLOT

LA LEGENDE DES LICORNES

par

RENÉ GUILLOT

ILLUSTRATIONS DE J. DE LA FONTINELLE

EDITIONS MAGNARD 122, BOULEVARD S A I N T - G E R M A I N - PARIS (6e)

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Collection " F a u v e s e t J u n g l e s " Dirigée par René GUILLOT

LES CAVALIERS DU VENT (René Guillot)

TROIS BONDS DANS LA JUNGLE (René Guillot) LA LEGENDE DES LICORNES (René Guillot) BETES SAUVAGES, MES AMIES (René Guillot) O U O R O LE CHIMPANZE (René Guillot) SIRGA LA LIONNE (René Guillot)

DRAMES DES BOIS ET DES LANDES (Cerclier) KING CAT LE PUMA (par Montgoméry) CARCAJOU (par Rutherford Montgoméry) KPO LA PANTHERE (René Guillot) (En préparation)

OUVRAGES DU MÊME AUTEUR RAS EL GUA POSTE DU SUD Grand prix du roman colonial 1938 (Ed. du

Maghreb) LE BLANC QUI S'ETAIT FAIT NEGRE Prix Monthyon 1947 (Ed. S.F.E.L.T.) CHASSES DE BROUSSE (Ed. Librairie des Champs-Elysées) LA GRANDE RENAUDE Prix de Saintonge 1947 (Ed. Arthaud) LES EQUIPAGES DE PETER HILL Grand prix du roman d'Aventures 1946

(Collection du Masque et Ed. de l'Arc-en-Ciel)

P O U R L E S J E U N E S

CONTES DE LA BROUSSE FAUVE (Ed. Arthaud) LA BROUSSE ET LA BETE (couronné par l'Académie Française, Ed. Delagrave) LUC LA BALEINE (Ed. Delagrave) AU PAYS DES BETES SAUVAGES (Ed. de l'Amitié, Rageot) MARAOUNA DU BAMBASSOU (Ed. de l'Amitié, Rageot) LES COMPAGNONS DE LA FORTUNE (Ed. de l'Amitié, Rageot) L'EXTRAORDINAIRE AVENTURE DE MICHEL SANTANREA (Rageot) SAMA PRINCE DES ELEPHANTS (Prix Jeunesse 1950. Ed. Bourrelier) SIRGA LA LIONNE (Ed. Magnard) OUORO LE CHIMPANZE (Ed. Magnard) TROIS BONDS DANS LA JUNGLE (Ed. Magnard) LA LEGENDE DES LICORNES (Ed. Magnard) L'AVENTURE DE BUSCAMBILLE (Ed. Magnard) LES CAVALIERS DU VENT (Ed. Magnard)

Tous droits de traduction, de reproduction et d'adaptation réservés pour tous les pays.

Copyright by Editions Magnard, Paris 1953.

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à Michel Biétry

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AVANT-PROPOS

La domaine des Comtes de Lieue, dont il sera parlé dans cette histoire, existe toujours. Mais il a été, en trois cents ans, vendu, morcelé... Du château il ne reste que quelques mu- railles, une tour d'angle presque intacte, le donjon et les douves.

C'est dans une vente aux chandelles, en plein vent sous les grands arbres qui ont peut-être été les témoins des événements rapportés dans ce récit, que j'ai acquis ce qui avait été sauvé des rats, du feu, de la moisissure, dans les papiers des châte- lains. Personne ne s'intéressait à ces vieux livres écornés d'une bibliothèque qui avait été très artistement rassemblée, autrefois, ni même à ces parchemins et grimoires où l'on trouvait de tout : des comptes de fermages, des carnets de chasse, un livre de la meute avec le nom des chiens.

J'ai acquis pour une somme modeste de quoi emplir quatre grandes caisses de bois blanc, et j'ai emporté chez moi, dans mon moulin, toutes ces vieilleries en vrac. Elles sont restées longtemps dans un grenier. Je parcourais l'Afrique. Des années ont passé.

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A l'un de mes retours, après ma grande randonnée sur le Ni- ger, j'ai fait une assez longue halte au moulin, aux bords du marais de Seugne, et à quelques lieues à peine de Planasse et ses grands bois, où le Lucas de chez les Gaud grimpait dans son arbre pour voir, à travers les brumes salées de l'Ouest, la côte jaune de Brouage et le bastion des corsaires... Cela très loin, à l'horizon des marais de sel... Et plus près, l'image de son grand amour, après la mer : la silhouette de Demoiselle Marie Ange, cueiliant des roses dans les massifs du jardin de Lieue.

En mettant de l'ordre dans ces papiers jaunis, ces parche- mins ratatinés où la vieille encre était rouillée, j'ai découvert un gros cahier couvert de cuir, attaché par une ceinture large comme une courroie de sabretache. J'ai feuilleté rapidement ces mémoires du dernier seigneur de Lieue, enfin du dernier maître du château et des terres, s'il ne l'était ni par le nom ni par la naissance.

C'était à la fois une confession et un récit, dans une forme naïve, pas toujours très correcte, pleine d'archaïsmes et d'ex- pressions du terroir. J'en ai peut-être laissé quelques-unes, involontairement. Et ma seule excuse, c'est que, ces formes dé- suètes, ces rappels d'un patois de Saintonge prolongée sur l'Aunis, ne sauraient me gêner. Je suis aussi de cette terre qui parle mal. Je patoise comme elle, j'ai son accent traînant.

Le Lucas de chez les Gaud de Planasse devait avoir, même quand il commandait la manoeuvre des voiles ou l'assaut au sabre et à la grenade, après l'abordage des vaisseaux portugais ou espagnols, cette façon molle de faire chanter la voix sur les fins de mots, qui est bien de chez nous.

C'est lui, le Lucas, qui écrivit ses mémoires sur le gros regis- tre en sa fin de vie, au château de Lieue.

L'histoire m'a emporté et j'ai lu passionnément ces vieilles pages que j'avais commencé de feuilleter négligemment. C'était émouvant et sincère. C'était une belle aventure.

Je l'aurais sans doute gardée pour moi seul, comme un sou-

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venir et une confidence de mon pays, si Marlow n'était pas passé en Saintonge cette année-là, et ne s'était installé pour quelques semaines dans mon moulin.

Naturellement, je lui ai parlé de cette histoire maladroite et étonnante que je venais d'achever de lire.

Marlow m'a écouté. Ce n'est pas un gaillard qui a l'émotion facile. Il garde ce qu'il a de meilleur en lui pour ce qui, à ses yeux, rachète un peu le monde des hommes : l'innocence des bêtes et leur amour.

Marlow m'a écouté résumer le récit que j'avais lu dans le vieux grimoire.

— C'est incroyable... murmurait-il, parfois. Et il était bouleversé. — Répète... disait-il. Voyons... tu dis, la montagne,

l'Arbre... répète. Il avait laissé s'éteindre sa pipe. Il rêvait. Il n'écoutait plus. — Il faudra que je lise, veux-tu... ? Oui, moi-même... Et ce soir-là, en montant à sa chambre, il emportait le gros

cahier ceinturé de cuir et fermé comme un missel par une large boucle de cuivre.

Et le lendemain ... — J'ai lu toute la nuit... me dit mon ami.. . et relu. Je

crois, vois-tu... Il eut ce sourire des hommes nus de son Lobi, tout près

de la nature et qui savent que la vieille brousse, les hommes, les bêtes, le monde, éternellement se recommencent.

— Je crois... murmura Marlow, après un long silence, que cette montagne au centre de l'Afrique noire, et cet arbre dont il est parlé, l'arbre des licornes, je les connais. Le mont, ce doit être, c'est sûrement le Kilimanjaro... un des plus altiers som- mets du Grand Est africain. Et l'arbre... Est-il possible que ce soit le même.. . ? L'arbre des licornes...

Il était reparti à rêver. Ce jour-là, je m'en souviens, nous sommes allés sur le

marais de la Regane, Marlow et moi, poussant à la perche sous

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les saules et piquant dans la boue du Grand fief, le plus large bras de Seugne, avec le trident où les anguilles s'enferrent. Au moulin, nous avons préparé cette friture, et assaisonné à l'huile de noix une grande salade de pissenlits.

NOUS SOMMES ALLES SUR LE MARAIS DE LA REGANE

A la veillée Marlow m'a parlé de son voyage au Kiliman- jaro, sur les traces du premier homme blanc qui sans doute vécut chez les hommes nus, à l'ombre du mont, et fit répondre l'écho à voix de femme qui parlait dans les grottes.

Car, comme ce Lucas, Gentilhomme de Fortune et coureur de mers, qui racontait, revenu à Lieue, son aventure étonnante, Marlow avait connu autrefois ces savanes et ces lacs. Il gardait le souvenir de ces terres où la marée d'insectes nés en une nuit, annonçait la montée du printemps fougueux. En m'en parlant

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de sa voix sourde, il revoyait, sur ce royaume où s'est dressé un dieu de pierre, le mont des génies, la bousculade des saisons sur la savane.... la nuit unique où la terre devient rouge, cou- leur de sang frais, parce qu'entre le crépucule et l'aube, les champs de lys ont commandé en même temps l'éclatement des corolles écarlates.

— C'est à la lune d'avant les pluies, dit Marlow, que j'ex- ploitais, sans la connaître, la légende attachée au mont...

Cette légende, il venait de la découvrir dans le manuscrit du dernier maître du domaine où avaient régné les Comtes de Lieue.

J'écoutais... Marlow allait dire comment, à trois cents ans de distance, il

avait marché dans les pas d'un homme blanc, perdu au royaume de la Bête.

Les débuts de Marlow avaient été difficiles. Il ne s'étendait jamais beaucoup sur ce passé. Je savais qu'il avait embarqué sur un cargo, aidant à bord, aux machines, dans la soute, pour payer son voyage. Il était descendu quelque part sur la côte d'Afrique. Il ne se doutait pas qu'il y passerait sa vie.

C'est au début de ses grands voyages, en explorateur indé- pendant que Marlow visita le Kénya, le Tanganyika, le Kiliman- jaro... et toute cette immense jungle.

— Aujourd'hui, il y a des parcs, où l'on va en auto rendre visite aux bêtes sauvages, dit mon ami. Sans descendre de voi- ture, en freinant à un tournant de la piste pour laisser passer les éléphants, on s'approche de la nuée de charognards et de vautours qui dépècent la carcasse d'un zèbre. En poussant l'ac- célérateur, on rejoint sans peine un lion lourd, qui vous attend dans les pailles jaunes, repu...

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Quand Marlow traversait l'Est africain, il en allait autrement. Les touristes étaient rares, et pour ceux qui s'aventuraient

dans le veldt, c'était une véritable expédition avec guides, pis- teurs, porteurs et bons fusils capables de protéger la marche, dans une contrée où la bête sauvage pullulait.

Il y avait donc les fanatiques, les purs pour qui la grande chasse est l'unique passion. Ceux-là montaient un safari, par- taient vers les lacs et cherchaient les trophées que la brousse fait monter au front de ses grands animaux. On allait à l'élan de Derby, aux buffles, à l'éléphant, au rhinocéros... après avoir jeté du plomb aux zèbres qui font une cible imbécile... et mul- tiple. Il faut avoir vu un escadron de zèbres passer même au galop. N'importe quelle balle tue n'importe quelle tête du trou- peau.

Quand Marlow parlait de ces bouchers... ! Chasseurs, et il en était de très sportifs... massacreurs,

c'était le plus grand nombre. .. il restait une autre espèce de touristes. C'étaient ceux qui aiment la nature et ses parades, la brousse et son grand cirque... mais qui veulent assister au spectable, «confortables», comme sur les gradins d'un cha- piteau.

C'est pour cette clientèle que mon ami Marlow exploitait, avant de la connaître, la légende des licornes.

Des équipes personnelles, pisteurs éprouvés et guides de classe, de bons sauvages qui lui étaient dévoués jusqu'à la corde, prenaient en charge, au poste le plus avancé dans la brousse, les clients de Marlow. En leur évitant la fatigue et les émotions fortes, sur la savane qui réserve souvent des surprises, ils les conduisaient par petites étapes, avec une théorie de por- teurs pour tous leurs bagages, vers le mont des génies dont une réclame soignée avait fait la réputation. Cela se disait dans les Amériques, en Angleterre, en Ecosse, en Italie... Les fêtes de la Jungle...

C'était Marlow le grand maître de cérémonie et l'ordonna- teur de ces fêtes.

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Donc, ces riches visiteurs traversaient la brousse, montant la tente chaque soir, prenant leur tub, buvant au frais... Les noirs de Marlow étaient stylés.

Ce point perdu dans la brousse, face au mont violet, dans le fouillis des rocs et des arbustes, s'appelait le point A. Toujours pour la réclame... Et en souvenir, après quelques jours pas- sés dans ce refuge équipé par Marlow, les clients satisfaits em- portaient encore, en plus de leurs photos, une carte, en couleurs, avec les coordonnées de ce point magique, au centre du monde noir.

Le refuge se tenait haut perché. On y accédait par des échelles de corde. C'était un arbre immense, un géant de ces bcis. Il s'évasait au sommet, en deux énormes branches rami- fiées, étendues comme deux bras, et sur lesquelles avait été bâti l'échafaudage portant la carcasse de ce bungalow en plein ciel. Un plancher de bambou... et sur cette vaste plate-forme, tout ce qu'il fallait pour camper, lits picots, moustiquaires... La cave était dans le tronc creux de l'arbre.

La jungle était toute grouillante de la vie sauvage. Lions, panthères, éléphants de passage, zèbres s'écrasant pour boire, tous en même temps, à la mare voisine...

Mais c'était surtout la terre des rhinocéros... — Les licornes . . . murmure Marlow. En un court séjour au point A, la clientèle raffinée qui payait

en dollars, en avait pour son bel argent. Chaque matin et chaque soir, c'était le mouvement incessant de toute une faune libre. On voyait le lion s'accoter à sa lionne pour venir à l'eau. On assistait aux honneurs que la bête rendait à la bête devant les boues de la mare.. . Les vilains regardant de loin boire les se gneurs, en cercle, et attendant leur tour pour avoir leur part de vase détrempée.

Mais les privilégiés étaient ceux qui avaient été avertis au départ des saisons de la brousse, et qui venaient au point A, pour cette lune d'avant la course des pluies. Les premières...

— Pour la grande fête . . . dit Marlow.

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Elle se donnait dans les jours où l'herbe sèche commençait à vibrer dans son émoi d'attente, avant la grande eau. Un fris- son de fièvre agitait la brousse en sa toison pelée.

Une ondée, pas plus dense qu'une brume. Et un matin, en s'éveillant avec les coqs de pagode, sur leur

perchoir, en haut de l'arbre des licornes, les hôtes du point A avaient sous les yeux le plus merveilleux déploiement des fastes de ce monde.

La terre avait rougi du sang des lys. C'était un tapis ama- rante, dans le rond du grand cirque ouvert au pied du mont. Et sans autres fanfares que celles des oiseaux et des grues cou- ronnées, les entrées de pistes, soigneusement réglées, se sui- vaient dans ce prestigieux décor.

D'abord, les servants, les valets de crottin : les zèbres stu- pides, les buffles lourdauds, les girafes inquiètes, comme si elles ne savaient pas que la cérémonie était toujours pareillement ré- glée.

Tout un peuple immense d'antilopes, d'orix, de gnoux, de bubales, d'élans, de bichettes minuscules, de petits fauves, de chiens de prairies, de singes même, se pressait par clan, depuis l'horizon où s'ouvrait le rideau de brume.

Le cortège passait par là. Alors, depuis l'horizon, on voyait saluer la vieille brousse

rajeunie. Les antilopes faisaient la haie. Les zèbres ouvraient leurs rangs, les buffles reculaient comme des bœufs attelés à une charrette trop lourde... Et tout le monde offrait ses cornes basses.

Les girafes plongeaient du col... Enfin, l'herbe ouverte par les masses noires encore invi-

sibles ondulait. Les seigneurs attendus arrivaient, lentement, pour se faire

bien voir, dans leur armure. — Les licornes... dit Marlow. Ce n'étaient que les rhinocéros aux cuissards gris, aux épau-

lettes de cuir fripé, allongeant leur grand mufle chevalin, por-

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tant l'épée noire au milieu du front, lourds, massifs, faisant sonner la terre sous leurs sabots.

C'était la grande fête des rhinos. A un signal, ils chargeaient, le mufle en terre, la lance

basse... Ils venaient rendre hommage à l'Arbre. Du haut du refuge, on attendait le choc. Les bêtes monstrueuses s'arrêtaient juste à ses pieds, cra-

chant leur bave à pleine gueule, étouffant un cri rauque. L'Arbre recevait cet hommage. — J'expliquais à ces étrangers, dit Marlow. La montagne

regardait. On devinait des hommes nus, cachés dans les ro- chers, sur les escarpements de roches, et qui étaient venus eux aussi, comme les zèbres, les girafes, les gnoux... des hommes noirs qui étaient aussi les vassaux de la Bête.

— La licorne... ! — Pourquoi pas. . . murmure Marlow. Tous deux nous pensons à ce que nous avons lu, ce récit

d'un garçon qui n'aurait peut-être pas demandé à l'aventure de l'emmener si loin dans le mystère.

J'entends la voix de Marlow qui est encore à cette vision de la fête de la Jungle...

— C'était bien un hommage à l'arbre, dit-il. Une fois, j'ai assisté à ce qui pouvait ressembler à un sacrifice. Dans la charge, un vieux monstre qui n'avait pas freiné son élan, s'est jeté sur le tronc de l'arbre et s'y est cloué de sa lance. Il est resté fiché là, comme un gros clou. Les fauves l'ont dépecé, le suir, en venant à la mare.. .

La licorne... la légende...

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FAUVES ET JUNGLES

LA LÉGENDE DES L I C O R N E S

par René GUILLOT C'est une aventure qui ne se résume

pas... Dès les premières pages, on est emporté par elle, sur la frégate des Cor- saires de Brouage, qui fait claquer ses voiles à tous les vents de la fortune.

La Fortune !... Elle a choisi le Lucas de chez les Gaud de Planasse, au temps du Roi Louis XIV, et elle le mènera jusqu'au cœur de l'Afrique, où un Arbre sera son ami.

Cet arbre, c'est l'Arbre des Licornes. Marlow l'a connu, a rêvé sous son ombre, face au mont des génies, couronné de neige. Marlow avait peut-être deviné le secret de cet arbre qui, dans le soir, dressait ses deux bras ouverts, et sem- blait marcher sur les savanes, avec cette grâce des filles noires revenant de la fontaine.

Car cet arbre, c'est la figure d'une femme, celle de la légende, celle dont la voix n'est pas morte et répond en écho à celle d'un frère aimé, quand l'a- mour passe et appelle avec sa voix en- chantée, en face de la montagne.

Il y a dans cette légende des Licornes, le récit profondément émouvant des plus belles amours d'enfant qu'on puisse rêver. Et on ne sait ce qu'on doit admirer le plus, les images réelles que Marlow nous donne ou l'imagination de l'au- teur, qui jamais ne nous a tant émus, rien qu'à écouter battre un beau cœur d'en- fant et... celui d'un arbre.

Légende !... Quelqu'un les inventa bien, dans tous les temps... Et on rêve, en li- sant, de ces troubadours qui allaient de château en château, et dans la grande salle, à genou devant la Dame, sur la jonchée verte, disaient le beau conte, en s'accompagnant sur la viole d'amour.

É D I T I O N S M A G N A R D 122, Bd Saint-Germain, Paris ( 6

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Chez le même Edi teur :

Collection « F A U V E S et J U N G L E S » dirigée par René GUILLOT

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C o l l e c t i o n « S C I E N C E e t A V E N T U R E S »

dirigée par Pierre DEVAUX

Romans scientifiques L a M i n u t e D é r o b é e (Pierre DEVAUX et H.-G. VIOT) L ' E c o l i e r i n v i s i b l e (Pierre DEVAUX et H.-G. VIOT) X P 15 e n f e u ! L e s A v e n t u r i e r s d e l a S c i e n c e L ' E x i l é d e l ' E s p a c e L e C h r o n a s t r o (H.-G. VIOT) L e M y s t è r e d u F o r a i s a n (MARS VALLETT)

C o l l e c t i o n « M O U S Q U E T A I R E S »

Romans historiques La F o r ê t Sereine (BOURLIAGUET) Le Celte a u Torque d 'Ambre (Col. M. MICHON) Le Secre t de Tuyen-Quang (J. CARTON et E. BARON) L 'Aig le s u r le rocher (E. BARON) Quentin D u r w a r d (W. SCOTT)

Bibliothèque de TANTE MARINETTE Romans pour les enfants de 8 à 12 ans

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par André BARUC Gobe-Lune - Les Contes de la Zérosième

par JADÉJA K a n t j i l , l ' E n f a n t de S u m a t r a

par Pierre MARIEL R o s i n e e t l e P r i n t e m p s

par A. DUBOIS-MILLOT L ' a r b r e d ' i m a g e s

par René GUILLOT L ' a v e n t u r e d e B u s c a m b i l l e

Edit. MAGNARD, 122, Bd St-Germain, Paris (6e)