la lettre soufie n°7

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  • 8/14/2019 La lettre soufie n7

    1/12

    Janvier/Fvrier 2003

    N 7

    La Lettre Soufie regroupe quelques articles sur le soufisme selon quatre thmesprincipaux, pome, article gnral, discours du matre de lordre Nmatollahi DrNurbakhsh et histoire. Elle est publie bi-mensuellement et reflte le contenu dusite web Le Journal Soufi (journalsoufi.multimania.com)

    Guider les autresSommaire

    Discours 1

    Guider les autres

    Histoire 3

    Le poirier

    Pome 4

    Moi je ne suis pas Moi!

    Article 5

    Le Dhikr

    Humour 11

    Au pays des fous

    Par Dr Nurbakhsh

    La premire des conditions afind'tre capable de guider les

    autres est de faire preuve de

    bont et de toujours considrer

    les autres comme suprieurs

    soi-mme. La deuxime

    condition est de ne pas tre

    gocentrique, de ne pas

    chercher son propre intrt, et

    de ne pas tre hypocrite: en

    rsum de mettre en pratique

    ce que l'on prche. La troisime

    condition est de ne pas tre un

    voile entre le disciple et Dieu,autrement dit d'appeler les gens

    Dieu et non pas soi.

    L'histoire suivante extraite du

    Tadhkirat al-awliya (mmorial

    des saintes) de Attar nous

    permet d'illustrer ce point. Le

    matre soufi Ab Uthman Hiri a

    dit un jour un autre matre

    soufi, Ab Hafs Haddad, "Je

    suis devenu tellement illumin

    que je donne maintenant des

    cours de sagesse divine"

    "Comment en tes vous arriv-

    l ?" lui rpondit l'autre matre.

    "La bont envers les autres",

    rpondit-il.

    "Et jusqu'o va votre bont

    envers les autres ?", rpliqua

    Ab Hafs.

    "Jusqu'au point o", rpondit-il,"si Dieu me mettait en enfer afin

    de purger les pchs de tous

    les hommes, je trouverai cela

    tout fait acceptable".

    "Dans ce cas", dit son

    compagnon, "je vous rends

    grce! Cependant, lorsque vous

    prenez la parole dans les

    runions, soyez attentif avant

    tout votre cur et votre

    corps. De plus, prenez soin de

    ne pas laisser la foule vousrendre arrogant, car ils ne

    voient que votre aspect

    extrieur alors que Dieu seul

    voit l'intrieur".

    Ab Uthman monta ensuite en

    chaire pour donner son

    discours, alors que Ab Hafs se

    cacha dans un coin afin de

    l'observer. Lorsque enfin la

    runion se termina, un

    vagabond passa par l et

    demanda si quelqu'un pouvaitlui donner une chemise pour se

    couvrir. Sans hsiter, Ab

    Uthman enleva sa chemise et la

    lui donna.

    "Menteur!" cria Ab Hafs de

    l'endroit o il se tenait.

    "Descendez de cette chaire!"

  • 8/14/2019 La lettre soufie n7

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    La Lettre SoufiePage 2

    "Quel mensonge ais-je dit ?"

    implora Ab Uthman.

    "Vous avez prtendu", rpliqua

    l'autre matre, "que votre bont

    envers les autres tait plus

    grande que celle envers vous-

    mme. Cependant, vous voilamaintenant exceller1 dans la

    gnrosit afin de gagner les

    mrites des 'excellents' , vous

    considrant comme meilleur et

    ayant plus de valeur que les

    autres. Si vous aviez t

    vraiment honnte vous auriez

    attendu pour laisser sa chance

    un autre. Ainsi donc vous tes

    un menteur et il n'y pas de

    place la chaire pour les

    menteurs!"

    Aticle extrait du magazine SUFI n 53Printemps 2002, pp. 42 "Guiding

    Others"

    1Rfrence au passage du Coran: "Les

    excellents, ce sont ceux-la les plus

    rapprochs d'Allah!" (10:56).

  • 8/14/2019 La lettre soufie n7

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    La Lettre SoufiePage 3

    Le poirier

    Une femme marie se vantait

    auprs de son amant qu'elle seraitcapable de badiner avec lui sous

    les propres yeux de son mari, le

    cocufiant ouvertement, sans que

    cette indiscrtion ne porte

    prjudice ni a l'un ni a l'autre.

    Le jour suivant, alors qu'elle se

    promenait dans un champ avec

    son mari, elle se tourna vers lui et

    dit: "Mon cher mari, regarde donc

    ces fruits dlicieux hauts perchs

    dans cet arbre. Laisse-moi donc

    grimper, et en cueillir quelques-

    uns pour le djeuner."

    Ds qu'elle eut grimp dans

    l'arbre, la femme regarda en bas

    vers son mari et clata

    soudainement en sanglots.

    "Comment peux-tu ?!" Cria-t-elle

    son mari stupfait. "A peine suis-

    je hors de ta vue que tu ramne

    une fille dbauche pour satisfaire

    tes dsirs de luxure ? As-tu perdu

    tout respect pour tes vux de

    mariage ?""As-tu perdu la raison ?" rpondit

    son mari. "Il n'y a ici personne

    d'autre que moi: je le jure sur tout

    ce que j'ai de sacr. Descends de

    cet arbre et constate le par toi-

    mme, car cet arbre t'a fait perdre

    l'esprit".

    Une fois descendue, elle alla vers

    son mari et lui demanda qu'il aille

    constater par lui-mme qu'elle

    n'est pas folle. Ds qu'il eut

    grimp dans l'arbre, elle demanda son amant de sortir de sa

    cachette. L'amenant dans ses

    bras, elle l'entrana sur l'herbe o

    ils commencrent faire l'amour

    passionnment.

    "Que fais-tu ?" cria son mari du

    haut de l'arbre. "Tu fait l'amouravec un autre homme devant mes

    propres yeux ?! Comment peux-tu

    me faire cela?"

    "Ne sois pas absurde mon cher. Il

    n'y a personne avec moi. Tu es

    devenu aussi fou que je l'tais.

    Arrte donc de dbiter des choses

    insenses".

    Il l'accusa encore une fois de le

    cocufier, et de nouveau elle nia.

    "Tout cela vient de ce poirier,"

    s'exclama-t-elle tout en se

    dfendant. "Du haut du poirier je

    voyais les choses aussi

    faussement que tu les vois

    maintenant. Ecoute, descends et

    constate qu'il ne se passe rien ici:

    tout ceci n'est qu'une illusion

    cre par le poirier."

    O chercheur, descends de ce

    poirier dont tu es devenu si frivole

    et volage. Ce poirier est ton ego

    animal, ta propre existence,

    depuis laquelle ta vision devientdforme, et tes yeux se mettent

    loucher. Quand tu descendras

    de cet arbre, tes penses, tes

    yeux et tes paroles ne seront plus

    gars. Lorsque tu laisseras cet

    arbre derrire toi, dieu dans sa

    bont le transformera.

    Grce a l'humilit que tu

    montreras en descendant de ce

    poirier et le laissant derrire toi,

    dieu t'accordera la vrai vision

    (Livre IV, lignes 3544-3566).

    Extrait du magazine SUFI n 48 Hiver

    2000/01, pp. 53 "Lighten Up: Humor in

    Rumi's Mathnawi".

    Grce a l'humilit que tu

    montreras endescendant de ce

    poirier et le laissantderrire toi, dieu

    t'accordera la vrai vision- (Livre IV, lignes 3544-

    3566).

  • 8/14/2019 La lettre soufie n7

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    Page 4 La Lettre Soufie

    Moi je ne suis pas moi!Titre en Persan : " Man na manam " extrait de DivaniNurbakhsh 10 me dition pp. pp65

    Tu es mon intrieur et mon extrieurMoi je ne suis pas moiNi moi je ne suis plus moi !

    Tu es mon absence et ma prsenceMoi je ne suis pas moiNi moi je ne suis plus moi !

    Tu as cre les tres et tu tais dj moiJe suis nant et toi lExistence

    Tu es ma similitude exacteMoi je ne suis pas moi

    Ni moi je ne suis plus moi !

    Tu es mon ombre et ma lumireTu es fleur et mon jardin de fleur

    Tu es mon paysage et tu es mon tmoinMoi je ne suis pas moiNi moi je ne suis plus moi !

    En toi le nant est devenu existenceLe monde sest enivr de ToiTu es mon vin et tu es ma coupeMoi je ne suis pas moi

    Ni moi je ne suis plus moi !

    Tu es ma haine et ma paixTu es ma lumire et mon obscuritTu es ma certitude et tu es mon douteMoi je ne suis pas moiMoi je ne suis pas moi

    Ni moi je ne suis plus moi !A lintrieur de mon esprit il y a lenvie de ToiDe te rencontrer dans un lieu de solitude au sein de Ta maison

    Tu es mon Ami et Tu me sauveMoi je ne suis pas moiNi moi je ne suis plus moi !

    Oh, Tu es le soleil qui me donne la gaiet et en mme temps la lumire

    Tu es pour moi la certitude la plus videnteMoi je ne suis pas moiNi moi je ne suis plus moi !.

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    La Lettre SoufiePage 5

    Le Dhikr, archtype de transformationPar Lewellyn Vaughan-Lee

    Son plus grand nom

    Le dhikrest la rptition d'un nom

    ou d'une phrase sacre. Ce peut

    tre la shahada, "La ilaha

    illa'Llah", mais c'est le plus

    souvent l'un des noms ou attributs

    de Dieu. On dit qu'il existe 99

    noms de Dieu, mais le plus lev

    est le nom Allah qui contient tous

    Ses attributs divins.

    Lorsque Ab Sa'id Abe'l-Khayr

    entendit le verset du coran "Dit

    Allah! et puis laisse-les s'amuser

    dans leur garement" (Coran

    6:91), son cur fut boulevers

    (Nicholson 1921, p.10). Il

    abandonna ses tudes et se retira

    dans la niche de la chapelle de sa

    maison, o pendant sept ans il

    rpta "Allah! Allah!

    Allah!....jusqu'a ce qu'enfin tous

    les atomes de mon corps se

    mirent rpter, Allah! Allah!

    Allah!" Il raconte ainsi l'histoire qui

    lui indiqua l'importance de ce

    dhikr. Il tait alors en prsence deCheikh Ab'l-Fadhl Hassan,

    lorsque celui-ci prit un livre et

    commena le feuilleter. Ab

    Sa'id tant un rudit, ne put

    s'empcher de se demander ce

    que pouvait tre ce livre. Le

    Cheikh perut ses penses et dit

    alors:

    Ab Sa'id! Les 124 000 prophte qui

    ont t envoy sur terre n'ont prch

    qu'un mot: Dites Allah, et dvouez vous

    a Lui. Ceux qui n'entendirent ce mot

    qu'avec leur oreille, le laissrent

    sortirent par l'autre oreille; mais ceux

    qui l'entendirent avec leur ame,

    l'imprimrent en eux et le rptrent

    jusqu'a ce qu'il s'imprime dans leur

    cur et ame, et que leur tre entier

    devint ce mot. Ils se sparrent de la

    prononciation du mot, ainsi que du son

    et des lettres. Ayant compris le sens

    spirituel du mot, ils furent tellement

    absorbs dans le mot au point qu'ils enoublirent leur non-existence.

    Selon une tradition sotrique du

    soufisme, le mot Allah est

    compos des particules al et ilah,

    dont une des interprtations est

    "nant". Pour le soufi, le fait que

    son plus grand nom signifie "le

    nant" a beaucoup d'importance,

    car l'exprience de la Vrit ou de

    Dieu, est aussi l'exprience du

    Nant. Et l'un des secrets de la

    voie est que ce Nant, ce Vide,

    nous aime, intimement,

    tendrement et avec une infinie

    comprhension. Il nous aime au

    plus profond de notre tre, de

    notre cur. Ce n'est pas une

    entit spare de nous. Les soufis

    sont des amoureux, et le Nant

    est l'ultime bien-aim, dans

    l'treinte duquel l'amoureux

    disparat compltement.

    Je suis avec celui qui sesouvient de moi.

    - hadith qodsi

    Peu avant sa mort, le matre soufi

    de la confrrie Naqshbandi, Bhai

    Sahib, a dit: "Il n'y a rien d'autreque le Nant". Il le rpta deux

    fois, et cela indique l'essence

    mme de la voie soufie, comme

    Irina Tweedie l'explique:

    Il n'y rien d'autre que le Nant...Le

    Nant dans le triple sens suivant: Le

    Nant car le petit Moi (l'ego) doit

    mourir, le disciple doit devenir "rien". Le

    Nant, car les tapes suprieures de la

    conscience reprsentent le Nant pour

    l'esprit, c'est une chose inaccessible qui

    ne peut tre perue. La comprhensiontotale du point de vue de l'esprit n'tant

    pas possible, on se retrouve face au

    Nant. Enfin, le dernier sens, le plus

    sublime, est celui o l'on se fond avec

    l'Ocan Lumineux de l'Infini. Je pense

    que c'est de cette faon qu'il faut le

    comprendre, et c'est ce que Bhai Sahib

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    La Lettre SoufiePage 6

    voulait dire lorsqu'il parlait du Nant et

    de l'Unique.

    (Tweedie 1978, pp. 775)

    Ainsi, le nom Allah contient

    l'essence mme du soufisme:

    devenir rien, s'annihiler en Lui afinqu'il ne reste rien d'autre que ce

    vide infini. C'est cela la voie de

    l'amour, c'est la coupe de vin dans

    laquelle boivent les amoureux.

    Comme le dit Roumi:

    J'ai vid la coupe:

    Il n'y a maintenant rien d'autre

    que l'extase de l'annihilation.

    (Liebert 1981, pp. 45)

    Le SouvenirAu cur du dhikr se trouve le

    principe du souvenir. En rptant

    Son nom on se souvient de Lui,

    pas seulement par l'esprit, mais

    aussi par le cur, puis lentement

    on en arrive ce que chaque

    atome de notre corps rpte son

    nom (le dhikr).

    Il est dit que, "d'abord on s'occupe

    de son dhikr, et ensuite le dhikr

    s'occupe de nous". Cela s'intgre

    notre inconscient, et chante

    dans nos veines. On en trouve

    une trs belle illustration dans

    l'histoire soufie suivante:

    Sahl dit l'un de ses disciples: "Essaie

    de dire pendant un jour sans t'arrter

    'Allah! Allah! Allah!' et fais en autant les

    jours suivants jusqu'a ce que cela

    devienne une habitude." Il lui demanda

    ensuite de le rpter aussi pendant la

    nuit, jusqu'a un point o le disciple finit

    par le rpter pendant son sommeil.

    Alors, Sahl lui dit "Ne rpte plus le

    Nom consciemment, mais fais en sorte

    que tous tes sens soit absorbs dans

    Son souvenir!" Le disciple suivit ce

    conseil jusqu'a ce qu'il devienne

    totalement absorb dans la pense de

    Dieu. Un jour, une branche tomba d'un

    arbre sur sa tte, et la fendit. Des

    gouttes de sang qui coulrent on

    pouvait lire 'Allah! Allah! Allah!'

    (Schimmel 1975, pp. 169)

    La faon dont le nom de Dieu

    imprgne le disciple n'est pas

    mtaphorique mais bien rel. Ledhikrest magntis par le Matre

    afin d'aligner intrieurement celui-

    ci avec la voie et le but

    atteindre. C'est pour cette raison

    que le dhikrdoit tre donn par un

    matre, bien que dans certains cas

    il peut tre donn par la

    conscience suprieure, ou bien

    traditionnellement par Khidhr.

    De faon inconsciente, le dhikr

    nous modifie au niveau mental,

    psychologique et physique. Auniveau mental, cela est facile

    observer. Dans notre vie de tous

    les jours, notre esprit est dans un

    mode de pense automatique, sur

    lequel nous avons peu, sinon

    aucun contrle...Observez votre

    pense un instant, et remarquez

    comment une pense en entrane

    une autre, et comment chaque

    rponse cre une nouvelle

    interrogation. Et de plus, comme

    l'nergie est lie la pense,

    notre nergie mentale etpsychologique est disperse dans

    de nombreuses directions. La vie

    spirituelle signifie que l'on dirige

    toute son nergie dans une seule

    direction, dans Sa direction. En

    rptant Son nom, nous modifions

    le sillon du disque de notre

    pense qui a t conditionn

    rpter inlassablement la mme

    chanson. Le dhikr remplace

    progressivement les anciens

    sillons de notre pense par le

    sillon unique de Son nom. Leconditionnement de notre pense

    est redirig vers Lui, comme un

    ordinateur, nous sommes

    reprogramms pour Dieu.

    d'abord on s'occupe deson dhikr, et ensuite ledhikr s'occupe de nous

    On dit que l'on est ce que l'on

    pense. Si nous pensons Allah,

    nous devenons unis Lui. Mais

    l'effet du dhikrest bien plus subtil

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    La Lettre SoufiePage 7

    et puissant qu'un simple re-

    conditionnement de la pense.

    L'un des secrets du dhikr (ou

    mantra) est que le mot mme

    contient l'essence de ce qu'il

    nomme. C'est "le mystre de

    l'identification entre Dieu et Sonnom" (Wilson et Pourjavady 1987,

    pp. 45) ["Au commencement tait

    la Parole, et Parole tait avec

    Dieu, et la Parole tait Dieu" (Jean

    1:1)]. Dans le langage de tous les

    jours, cette notion d'identification

    n'existe pas. Le mot "chaise" ne

    contient pas l'essence d'une

    chaise, et signifie simplement ce

    qu'il nomme. Mais le langage

    sacr du dhikr est diffrent; la

    vibration du mot rsonne avec ce

    qu'il nomme, liant les deuxensembles. Ainsi l'individu et ce

    qu'il nomme sont directement

    relis ensemble.

    Le Bien-Aim, Lui, n'a pas de

    nom, car cela le limiterait. Il n'a ni

    forme ni nom, comme il est crit

    dans le Tao:

    Le Tao que l'on peut raconter n'est pas

    le Tao.

    Le nom que l'on peut nommer n'est pas

    le nom ternel.

    (Lao Tsu 1973, pp. 1)

    Et cependant, l'homme l'invoque

    de diverses faons, et quelle que

    soit le nom, Il rponds toujours.

    Ainsi, les soufis disent, "Au nom

    de celui qui n'a pas de nom et qui

    apparat quelque soit le nom". Si

    on l'appelle par le nom du Christ, il

    viendra en tant que Christ, si on

    l'appelle en tant que Ram, il

    apparatra comme Ram. Mais le

    nom 'Allah' est le plus aim parles soufis, car c'est celui qui est le

    plus proche du nant qui est son

    essence. Ce nom est une

    ouverture vers son essence

    divine, permettant son serviteur

    de se rapprocher de Lui. En

    voquant son nom dans notre

    cur, cela nous aide se

    souvenir de Lui, puis s'unir a Lui

    pour se perdre dans son nant.

    Transformationphysique etpsychologique

    D'un point de vue psychologique,

    le dhikr est un outil puissant de

    transformation. Il modifie

    inconsciemment notre structure

    psychique, et en transforme les

    nergies. Le dhikr est l'archtype

    symbolique a la fois d'un son et

    d'un mot align magntiquement

    avec la voie. Les archtypes

    symboliques ont un but

    psychologique bien spcifique: ils

    servent d'agent de transformation

    de l'nergie psychique. Ilstransforment la libido (la force de

    vie instinctive) d'un niveau

    infrieur a un niveau suprieur. En

    tant qu'archtype symbolique, le

    dhikr a le pouvoir de rveiller,

    concentrer et transmuter les

    nergies de l'inconscient. Il

    dnoue et nous libre des nuds

    et des blocages psychologiques

    avec lequel nous nous sommes

    consciemment ou

    inconsciemment enchans, pour

    diverses raisons :conditionnement par notre

    ducation, prjugs, pulsions de

    l'ego, attachements. L'exemple le

    plus frappant de ce processus de

    transformation est l'effet du dhikr

    sur la peur et l'anxit, deux

    sentiments qui souvent attaquent

    le chercheur sur la voie. Trs

    souvent, la rptition du nom peut

    faire disparatre ces sentiments,

    ou bien en diminuer leur effet.

    Le processus de transformationenglobe aussi le corps physique

    du chercheur. Chaque atome de

    la cration chante

    inconsciemment son nom et

    aspire l'union avec Lui. Le dhikr

    infuse ce dsir inconscient avec la

    lumire de la conscience, avec le

    dsir conscient du chercheur de

  • 8/14/2019 La lettre soufie n7

    8/12

    La Lettre SoufiePage 8

    se souvenir du bien-aim. La

    lumire cache dans l'obscurit

    de la matire rpond cet appel,

    cette prire constante, et

    commence alors vibrer une

    frquence suprieure. Ainsi, le

    corps physique se re-aligneprogressivement avec ce niveau

    suprieur du moi, chaque atome

    commence alors a chanter

    l'hymne du retour a la source. On

    trouve une trs belle illustration de

    ce processus de transformation

    dans ce rve o le corps se

    transforme en cur, puis chaque

    atome devient une note de

    musique:

    Je fis un rve o mon corps se

    transformai en un cur, compose detoutes ces cavits. Le cur voyageait

    dans un vaste univers. Pendant ce

    voyage, le cur se retournait de

    l'intrieur vers l'extrieur, et

    inversement, sans manquer un seul

    battement entre chaque retournement.

    Le voyage semblait infini, le cur

    ressemblant un astrode lancer

    toute vitesse travers l'espace.

    Puis, les atomes de mon corps

    commencrent a prendre les couleurs

    de notes de musique bleu et or. Ce

    processus se fit d'abord graduellement,

    atome par atome, puis s'acclra

    jusqu' ce que mon corps entier fut

    compos de ces notes bleu et or.

    J'tais comme suspendu au-dessus de

    mon corps, regardant ce processus

    s'accomplir. Au fur et a mesure que ce

    processus progressait, la forme de mon

    corps devenait de moins en moins

    distincte. Un rayonnement bleu et or

    semblait alors maner de mon corps

    tandis que l'on distinguait de moins en

    moins les notes.

    Je me rveillai alors, avec un fort

    sentiment de plnitude. Les limites de

    mon corps semblaient tre hors de

    leurs limites usuelles, retournant

    progressivement leur limites

    habituelles.

    Dans notre cur, nous sommes

    unis au Bien-Aim. Notre

    battement de cur fait partie du

    grand rythme de la cration. Mais

    pour la plupart des hommes, c'est

    un souvenir enfoui si

    profondment en eux, qu'il en at oubli. Lorsque nous nous

    efforons consciemment de nous

    souvenir de Lui, la mditation et la

    pratique du dhikr vient alors

    rveiller cet tat pre-existant de

    conscience de l'Unit. Notre cur

    s'ouvre alors, nous permettant de

    ressentir l'harmonie entre ce

    rythme et la mlodie de l'Univers.

    Progressivement, cette harmonie

    interne se fait ressentir dans tout

    le corps, transformant chaque

    atome de notre corps en une notede la symphonie de la cration.

    Du fond de notre cur, jusqu'aux

    extrmit de nos doigts et de nos

    plantes de pieds, tout notre tre

    s'uni dans ce chant unique, tout

    entier offrande de la cration au

    Crateur.

    Compagnie

    Pour l'amoureux se trouve une

    grande joie dans la rptition du

    nom de son Bien-Aim invisible, la fois si proche et si loign.

    Lorsqu'Il est proche, il est

    merveilleux de pouvoir lui rendre

    grce pour tous les bienfaits dont

    il nous comble, pour la douceur de

    Sa compagnie. Lorsqu'il est

    absent, de pouvoir invoquer Son

    nom, a chaque respiration, nous

    aide supporter la douleur de la

    sparation. Lorsque l'on se trouve

    en difficult, Son nom nous

    rassure, nous aide, et peut nous

    donner la force de rduire l'cartqui nous spare de Lui. Lorsqu'on

    invoque Son nom, Il devient

    prsent, mme si les preuves

    que l'on traverse nous donne

    l'impression qu'il est loin de nous.

    Il aide ses serviteurs quand Il le

    peut, et dans les moments les

  • 8/14/2019 La lettre soufie n7

    9/12

    La Lettre SoufiePage 9

    plus difficiles, Il peut nous sauver

    la vie.

    Allah aime ceux qui l'aiment, et Il

    se souvient de ceux qui se

    souviennent de Lui. A travers le

    dhikr, nous ravivons le lien qui

    avait toujours exist entre Lui etnous, et devenons conscient de

    nos plus profonds secrets lis la

    vraie unit. Le nom que nous

    rptons est le nom par lequel

    nous Le connaissions avant d'tre

    n. C'est le nom qui est grav

    dans nos curs. Le dhikramne

    le domaine du cur dans le

    monde temporel, nous permettant

    aussi de retourner vers Lui. Peu a

    peu nous devenons conscients de

    la profondeur de ce lien, et a quelpoint dans notre cur nous

    sommes toujours unis a Lui.

    Le nom rvle ce qu'il nomme, et

    l'amoureux commence raliser

    qu'il n'existe rien d'autre que Dieu:

    Dieu a crer le nom Allah comme

    un miroir pour l'homme afin que

    lorsqu'il y plonge son regard, il

    comprenne le vrai sens de "Dieu

    tait, et il n'y a avait rien d'autre

    que Lui", et cet instant lui est

    alors rvl que son ouie estl'ouie de Dieu, sa vue, la vue de

    Dieu, sa parole, la parole de Dieu,

    sa vie, la vie de Dieu, son savoir,

    le savoir de Dieu, sa volont, la

    volont de Dieu, et son pouvoir, le

    pouvoir de Dieu(Nicholson

    1921, pp. 113).

    En rptant Son nom, l'amoureux

    s'identifie son Bien-Aim, qui se

    trouvait cach dans son propre

    cur. Le Bien-Aim aime

    entendre Son nom sur les lvreset dans les curs de Ses

    amoureux, et comme rponse, Il

    te progressivement les voiles qui

    le spare d'eux. L'amoureux Le

    trouve alors non-seulement dans

    son cur, mais aussi dans le

    monde extrieur, car comme il est

    dit "o que vous vous tourniez, la

    face d'Allah est la" (Coran, 2:115).

    Le Bien-Aim devient alors le

    compagnon de l'amoureux.

    L'amoureux devient aussi le

    compagnon de Dieu, car comme il

    est dit: "l'il qui voit Dieu est

    aussi l'il par lequel Il regarde le

    monde" (Schimmel, 1975, pp.203). Cette relation d'amiti

    appartient l'autre monde,

    cependant elle est vcue dans ce

    monde ci. C'est l'amiti la plus

    profonde qui existe, et qui

    demande une implication totale de

    la part de l'amoureux. Nous

    sommes Ses serviteurs, et Il aime

    tre connu en tant que "serviteur

    de Ses serviteurs".

    Grce au dhikr nous ajustons

    notre tre la frquence del'amour. Nous embrassons aussi

    bien la douleur de la sparation

    que la joie de le connatre. Nous

    prononons le nom de notre Bien-

    Aim car cela nous rappelle Celui

    dont nous nous languissons.

    Lorsque nous crions Allah du fond

    de notre cur, c'est la fois une

    prire et la rponse cette prire.

    Nous l'appelons car nous ne

    l'avons pas oubli, et se rappeler

    de Lui dans ce monde, c'est tre

    constamment en sa prsence. Lecur lui le sait, mme si l'intellect

    et l'ego ne le savent pas. Roumi

    nous raconte cette histoire d'un

    fidle qui alors qu'il priait, voit

    apparatre Satan qui lui dit:

    "Depuis combien de temps crie tu 'O

    Allah' ? Arrte donc, car tu n'obtiendras

    aucune rponse.

    Le fidle se tint silencieux, jusqu'au

    moment o il eut la vision du prophte

    Khidr, qui lui dit: "Pourquoi donc as-tu

    cess d'appeler Dieu ?"

    Car je n'ai jamais entendu la rponse

    "Me voil" me parvenir, rpondit-il.

    Khidr lui rpondit: "J'ai reu l'ordre divin

    de venir te voir afin de dlivrer le

    message suivant:

    Ne vous ais-je point appel afin de me

    servir ? Ne vous-ais-je point occup

    Grce au dhikr nousajustons notre tre lafrquence de l'amour

  • 8/14/2019 La lettre soufie n7

    10/12

    La Lettre Soufie

    avec mon Nom ? Ton invocation "Allah"

    contient la rponse "Me voil". De tous

    ces pleurs, ces larmes et ces

    supplications, j'tais l'aimant, et je leur

    ai donn des ailes".

    (Nicholson, 1989, pp. 113)

    On retrouve un thme similaire

    dans l'histoire suivante. Une

    femme fit un rve o elle hurlait

    au clair de lune, ressentant une

    dtresse terrible car aucune voix

    ne rpondait son appel. Plus

    tard elle ralisa que l'amour dans

    son aspect intime le plus profond

    consiste en ce que notre appel est

    Son appel vers lui-mme. En

    l'appelant nous partageons le

    mystre de Sa cration : Lui, qui

    tait Unique et Seul voulait treaim, ce pour quoi il cra le

    monde.

    Notre langueur pour Lui, ainsi que

    nos invocations sont le sceau de

    l'amiti qui nous lie. Nous

    sommes Ses amoureux, et nous

    gardons notre attention toujours

    porte sur Lui. Lorsque nous

    tournons nos curs vers Lui,

    nous reconnaissons aussi bien

    pour nous-mme que pour le

    monde entier, le lien d'amour quiunit le crateur avec Sa cration.

    Nous nous abandonnons alors a

    l'amour:

    Certes, il existe des serviteurs parmi

    mes serviteurs qui m'aime et que

    j'aime, qui Me dsire et que Je dsire,

    qui Me regardent et que Je

    regardeOn les reconnat a ce qu'ils

    prservent l'ombre durant le jour avec

    autant de compassion qu'un berger

    garde ses moutons, puis ils attendent

    avec impatience l'heure du coucher dusoleil, de mme que les oiseaux

    s'impatientent de rejoindre leurs nids au

    crpuscule, et lorsqu'il que la nuit vient,

    que les ombres se confondent, que les

    lits sont dfaits, et que chaque

    amoureux est en compagnie de son

    bien-aim, alors ils se tiennent debout,

    puis face contre terre m'appellent avec

    Mes mots, me flattent avec Ma grce,

    tantt gmissant, tantt pleurant,

    parfois dans un tat de batitude,

    parfois se plaignant, parfois debout,assis, a genou, ou se prosternant, et je

    suis tmoin de ce qu'ils endurent pour

    Moi, et j'entends leurs plaintes suite a

    Mon amour pour eux.

    (Schimmel 1975, pp. 139)

    Article extrait du magazine SUFI n 19

    Automne 1993, pp. 26 " The Dhekr as an

    Archetype of Transformation". Adapt de

    The Bond with the Beloved: The Mystical

    Relationship of the Lover and the Beloved,Invernes, California: The Golden Sufi

    Center, 1993.

    Rfrences

    Lao Tsu (1973). Tao Te Ching, Gia-Fu

    Feng and Jane English (trans.), Aldershot:

    Wildwood House Ltd.

    Liebert, D. (1981). Rumi, Fragments,

    Ecstasies, Santa Fe, New Mexico: Source

    Books.

    Nicholson, R.A. (1921). Studies in Islamic

    Mysticism, Cambridge: Cambridge

    University Press.

    _____ (1989). The Mystics of Islam,

    London: Arkana.

    Schimmel, A. (1975). Mystical Dimesions

    of Islam, Chapel Hill: University of North

    Carolina Press.

    Tweedie, I. (1987). Daughter of Fire,

    Nevada City: Blue Dolphin Press.

    Wilson, P.L. and Poujavady. (1987). The

    Drunken Universe, Grand Rapids: PhanesPress.

    Page 10

  • 8/14/2019 La lettre soufie n7

    11/12

    Histoire de Mulla NasrouddinAu pays de fous...

    Un jour Nasrouddin arriva dans le pays des fous.

    Il se mit a crier "O peuple, le mal et le pch sont des choses

    dtestables!"

    Il en fit de mme tous les jours pendant quelques semaines.

    Un jour, alors qu'il tait sur le point de commencer son sermon, il vit un

    groupe de fous se tenant bras croiss.

    "Que faites vous ?" leur demanda Nasrouddin.

    "Nous venons juste de dcider que faire concernant tout ce mal et ce

    pch dont vous nous parlez tout les jours".

    "Vous avez dcid de vous en loigner ?" dit Nasrouddin

    "Non, nous avons dcid de nous loigner de vous !"

    La Lettre SoufiePage 11

  • 8/14/2019 La lettre soufie n7

    12/12

    A propos de la Lettre Soufie

    La Lettre Soufie est une compilation d'articles rcents publis sur le site

    web journalsoufi.multimania.com et distribue lectroniquement. La plus

    part des articles sont des traductions d'articles crits en anglais et en

    persans dans le magazine Sufi (http ://www.nimatullahi.org/MAG.HTM)

    Adresse des Maisons de Soufis de la confrrie Nmatollahi en pays

    Francophones (liste complte sur site web):

    France Afrique Canada

    50 Rue du Quatrime ZouavesRosny-sous-Bois 93110Paris, FranceTel :33- 1-48-55-28-09

    116, avenue Charles de Gaulle69160 Tassin-La-Demi-LuneLyon, FranceTel :33-4-78-34-20-16

    63 Boulevard LatrilleBP 1224 Abidjan,CIDEX 1 Cte d'IvoireTel :225-22410510

    Quartier BeaurivageBP 1599 Porto-NovoBninTel :229-21-4706

    Azimmo Secteur 16Villa 12Ouaga 200017 B.P. 1790 Ouagadougou 17Burkina Faso

    Villa D89Pres Residence Hotel WawaMagnambougou Fasso-KanuBP 2916 BamakoRepublic of Mali

    1596 Ouest avenue des PinsMontreal H3G 1B4Quebec, CanadaTel:(514) 989-1411

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